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1 (Jeudi 21 novembre 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 6.)
3 (Audience publique avec mesures de protection.)
4 (Matière relative à la présentation des témoins.)
5 ( Milan Babic est dans le prétoire.)
6 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice?
7 M. Nice (interprétation): Permettez-moi de revenir à la question de la
8 durée du temps disponible pour l'examen principal l'interrogatoire
9 principal de ce témoin.
10 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà entendu des conclusions
11 à ce propos et, je crois, fort bien présentées par Mme Uertz-Retzlaff.
12 Nous avons eu l'occasion et le temps de penser à la chose et nous avons
13 rendu une décision. Je ne sais pas si vous pouvez ajouter quoi que ce
14 soit.
15 M. Nice (interprétation): D'abord, j'aimerais faire valoir ou apporter une
16 précision sur deux, voire trois points. Et je ne le fais que parce que je
17 suis responsable de la poursuite dans ce procès.
18 Au cas où il y aurait des ambiguïtés, une ambiguïté quelconque, nous
19 demandons 6 jours de plus et non pas 4. J'espère que c'est clair. Puis
20 nous estimons qu'il serait erroné, vu la qualité, l'intégralité et la
21 connaissance détaillée des événements de ce témoin, il serait erroné
22 d'exclure sa déposition. Troisième argument -et je ne sais pas si ceci a
23 été dit de façon suffisamment détaillée hier soir-, nous avons des
24 statistiques quant au nombre de témoins. On pourrait faire des économies
25 de témoins, pour ainsi dire. Je pense que l'analyse de ce document serait
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1 perdue si l'on avait moins que six jours pour la présentation en
2 interrogatoire principal.
3 Des statistiques aideront peut-être la Chambre et si vous voulez revoir
4 certaines décisions prises à titre provisoire, qui seraient autres que
5 l'octroi de ces deux jours supplémentaires.
6 Au départ, nous avions 71 témoins pour la Croatie. Bien sûr, les
7 prévisions ne peuvent pas être précises mais, pour le cinquième jour de
8 déposition, si l'on avait ce cinquième jour pour ce témoin, on pourrait
9 faire l'économie de 8 témoins que nous allions citer à la barre: 4
10 experts, 2 initiés de moindre rang et 2 vérificateurs de documents
11 pourraient être épargnés. Le sixième jour nous permettrait de faire
12 l'économie de 5 témoins à propos des crimes supplémentaires et de 1
13 journaliste qui viendrait parler de cette base du lieu du crime.
14 Ce qui veut dire que, si nous avons deux jours supplémentaires, nous
15 pourrons faire l'économie de quelque 14 témoins, ce qui représente quelque
16 20% du temps alloué.
17 Et nous faisons humblement valoir qu'il est tout à fait juste que ce
18 témoin soit entendu dans son intégralité. Si ce n'est pas le cas, des
19 documents, des éléments de preuve pourraient rester sur la touche et ils
20 comprendraient les contacts directs qui ont existé entre le témoin et
21 d'autres membres de l'entreprise criminelle commune. A cela,
22 s'ajouteraient des éléments de preuve qui ne sont pas disponibles
23 ailleurs, concernant la structure militaire de la zone où les crimes
24 auraient été commis.
25 A notre avis, ce sont la des éléments que la Chambre doit avoir et doit
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1 recevoir sous la forme la plus économique, à savoir par ce témoin. Je
2 crois qu'il serait erroné d'exclure ces éléments.
3 Merci de m'avoir permis d'ajouter quelques arguments à ceux qui ont été,
4 je le reconnais, fort bien exprimés par Mme Uertz-Retzlaff, mais elle l'a
5 fait avant d'avoir l'occasion d'en discuter avec le reste de l'équipe hier
6 soir, après les recherches effectuées.
7 M. le Président (interprétation): Je trouve que ce volet du procès se
8 déroule très lentement: en plus de 20 jours, nous n'avons entendu que 12
9 témoins à peu près. Bien sûr, c'est une question qui nous préoccupe.
10 Comment allez-vous présenter la totalité de vos moyens d'ici à la date que
11 nous avons prévue, arrêtée, bien sûr, tenant compte des dispositions qu'il
12 faut prendre lorsqu'il y a maladie ou indisposition.
13 M. Nice (interprétation): Permettez moi de répondre. Je ne sais pas si
14 vous avez terminé, Monsieur le Président?
15 Vous dites que la présentation s'est faite lentement. Nous n'acceptons pas
16 ceci parce que les éléments de preuve sont tout à fait différents et aussi
17 beaucoup plus denses. Le contexte est plus fourni et nous avons fait
18 l'impossible pour que tout se passe le plus vite possible. Bien sûr, nous
19 sommes tenus par la décision prise par la Chambre, relevant de l'Article
20 92bis.
21 Nous prévoyons cependant que la nature même de la déposition ou des
22 éléments de preuve présentés dans la première phrase du volet, que ceci
23 nous permettra d'administrer la preuve de nos thèses et nous espérons,
24 nous nous attendons à ce que nous puissions respecter le temps prévu par
25 la Chambre.
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1 M. le Président (interprétation): Je pense que nous avions arrêté la date
2 du 12 mai. Bien sûr, nous apporterons les ajustements nécessaires en temps
3 utile, mais c'était la date que nous avions retenue, Monsieur Nice, et
4 gardez-la à l'esprit.
5 M. Nice (interprétation): S'agissant les témoins qui restent, nous ferons
6 l'impossible. Vous savez, moi-même et les autres membres de l'équipe
7 essaient sans arrêt de tirer parti de la procédure pour essayer d'écourter
8 la présentation des moyens de preuve, mais nous sommes tenus par le
9 Règlement du Tribunal, ainsi que par la pratique de cette Chambre. Par
10 conséquent, nous vous exhortons à dire qu'il est tout simplement inadéquat
11 et inapproprié de limiter la déposition de ce témoin.
12 M. le Président (interprétation): Il ne s'agit pas de la déposition elle-
13 même, de l'élément de preuve. C'est la rapidité du déroulement du procès:
14 je pense qu'on pourrait agir plus vite, à mon avis.
15 M. Nice (interprétation): Permettez-moi de ne pas être d'accord avec vous,
16 Monsieur le Président.
17 Mon éminente consœur, bien sûr, régit les détails de la déposition, de
18 même que le fait le témoin et, forcément, cette déposition se fait à un
19 rythme qui est tel qu'il permet que tout soit compris et bien assimilé.
20 Bien sûr, on peut présenter des moyens de preuve d'une autre façon et je
21 pourrais bien le faire aussi. On pourrait faire la lecture des
22 déclarations, ou lecture préalable des déclarations et le témoin peut
23 faire sienne cette déclaration. Mais ce ne sont pas là des pratiques que
24 la Chambre est déjà en mesure d'accepter. Par conséquent, nous avons le
25 système viva voce, questions-réponses. Et je serais catégoriquement opposé
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1 à l'idée selon laquelle ma consœur aurait agi trop lentement.
2 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas mon avis, on ne formule pas
3 de critique ici, si vous me permettez de le dire, puisque bien sûr le
4 conseil a sa façon personnelle de présenter les questions. Nous le
5 reconnaissons, Mme Uertz-Retzlaff est consciente de la tâche et du devoir
6 qui est le sien de nous présenter les éléments et quelquefois le témoin
7 répond assez longuement.
8 Mais nous allons étudier la question, y réfléchir.
9 M. Nice (interprétation): Merci.
10 M. Kwon (interprétation): Je crois que je vous comprends, Monsieur Nice,
11 mais, au départ, l'accusation avait dit qu'elle s'attendait à ce que ce
12 témoin fasse une déposition de 3 jours et demi. Pourquoi est-ce que cela a
13 changé?
14 M. Nice (interprétation): Jusqu'au moment où les choses se passent, il
15 n'est jamais possible de prévoir quelle sera leur durée. Madame Uertz-
16 Retzlaff était bien consciente des pressions considérables exercées par la
17 Chambre sur elle afin qu'un certain rythme soit maintenu. Mais tant qu'on
18 n'est pas à la l'audience, il est impossible de savoir comment les choses
19 vont se dérouler. S'agissant de ce témoin-ci, je crois qu'il faut en tenir
20 compte. Les témoins ne sont pas toujours ce que nous voudrions qu'ils
21 soient: ils sont ce qu'ils sont. Cet homme peut parler de façon détaillée
22 des événements en fonction de ses souvenirs et aussi de son raisonnement;
23 on ne peut pas disons transformer à satiété un témoin en un autre.
24 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice?
25 M. Nice (interprétation): Excusez-moi. Merci. Madame Uertz-Retzlaff me
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1 passe un document ici.
2 Bien sûr, nous devons rappeler à la Chambre ceci: nous vous avons exhortés
3 à appliquer les dispositions du 92bis qui nous aurait permis de faire une
4 grande économie d'heures, voire de journées, mais nous aurions préféré que
5 tous les documents de contexte soient lus au préalable. Et nous avons dit
6 à la Chambre que c'était là une procédure tout à fait correcte pour
7 respecter les droits de l'accusé. La Chambre n'était pas d'accord, nous
8 respectons son avis.
9 M. Robinson (interprétation): Je ne dirai pas que j'accéderai à la
10 requête, mais j'aurais l'impression que, si vous étudiez la question et si
11 vous examiniez ceci sous un oeil favorable, nous devrions vous obliger à
12 respecter cet engagement, à savoir que vous n'allez pas citer à la barre
13 les 14 témoins. Et j'aimerais avoir le nom de ces 14 témoins que vous ne
14 pourriez ne pas citer.
15 M. Nice (interprétation): J'espère que la parole que j'exprime à
16 l'audience dans ce prétoire est une parole qui sera respectée. Là, vous
17 voulez m'imposer que soit respecté cet engagement de 14 témoins. Bien sûr,
18 je le ferai, je n'aurai pas de difficulté à le faire. Je peux vous fournir
19 le nom des témoins et la liste de noms, qui, pour le moment, sont
20 considérés comme des témoins qui ne devraient plus être appelés à la
21 barre. Je peux vous fournir cette liste.
22 M. le Président (interprétation): Fort bien, nous allons étudier la
23 question.
24 M. Nice (interprétation): Merci.
25 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, vous avez la
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1 parole.
2 (Interrogatoire principal du Milan Babic par Mme Uertz-Retzlaff.)
3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
4 Bonjour, Monsieur le Témoin.
5 Milan Babic (interprétation): Bonjour.
6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Veillez à bien parler dans le
7 microphone car les interprètes ont quelquefois du mal à vous entendre.
8 Hier, nous avons parlé du fait que "Frenki" et le "capitaine Dragan"
9 avaient été délogés ou obligés de quitter la région au mois d'août. Dans
10 ce contexte, je vous ai posé une question à propos d'une réunion, mais
11 j'aimerais poser cette question à huis clos partiel.
12 M. Kwon (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, pourriez-vous nous
13 rappeler où nous en sommes dans ce résumé? Faites-le de temps à autre.
14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. Nous sommes maintenant à
15 l'examen du paragraphe 191. (Audience à huis clos partiel à 9 heures 18)
16
17 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à huis clos partiel.
18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Après le départ de "Frenki" de la
19 région, est-ce que vous avez rencontré M. Stanisic à Knin?
20 Milan Babic (interprétation): Pouvez-vous reprendre votre question? A qui
21 vous référez-vous dans votre question, en fait?
22 Question: Je n'ai pas reçu l'interprétation. Maintenant, j'entends
23 l'interprétation en anglais.
24 Avez-vous rencontré M. Jovica Stanisic, M. Martic ainsi que M. Orlovic au
25 mois d'août 1991 à Knin? Et, si ça a été le cas, où vous êtes-vous
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1 rencontré et de quoi avez-vous parlé?
2 Réponse: C'est exact, nous nous sommes rencontrés. Cela s'est fait une
3 fois que "Frenki" et le "capitaine Dragan" sont partis. Jovica Stanisic
4 est ensuite venu à Knin. Et on m'a convié à venir. Il y avait lui et
5 Martic dans le restaurant "Vrelo" à proximité de Knin. Et à mes côtés,
6 Stanisic était en train de critiquer Orlovic concernant les événements
7 survenus auparavant. Martic ne faisait que sourire, il ne s'était pas
8 senti mal à l'aise. Orlovic avait accepté les critiques, mais il ne se
9 sentait pas trop mal à l'aise non plus.
10 Question: Au cours de cette conversation, M. Stanisic a fait des
11 références quelles qu'elles soient à M. Milosevic?
12 Réponse: Non. Ou plutôt, je m'excuse, oui, oui, bien sûr. A l'occasion de
13 cet entretien-là, oui; il a dit: "Pourquoi font-il cela ainsi?" au sujet
14 de ce qui se passait à Knin. "Et pourquoi est-ce que M. Milosevic doit-il
15 intervenir?"
16 Question: Monsieur le Témoin, quel était le rôle de Stanisic? Quels
17 étaient ses rapports avec M. Milosevic?
18 Réponse: C'était un fonctionnaire qui exécutait les instructions de M.
19 Milosevic. Et je le voyais comme étant l'homme n°2 dans le régime de M.
20 Milosevic. C'était, si vous voulez, l'homme n°2 de par l'importance qu'il
21 revêtait.
22 Question: Est-ce que M. Stanisic a dit quoi que ce soit dans ce sens? Est-
23 ce qu'il vous a dit quoi que ce soit dans ce sens?
24 Réponse: Bon nombre de renseignements concernant ses relations avec
25 Milosevic. Disons un exemple relatif à la politique intérieure en Serbie,
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1 Stanisic a dit à un moment: "Le Président fait de la politique étrangère.
2 Moi, je fais de la politique intérieure. C'est moi qui lui ai remporté les
3 élections".
4 Puis, il a parlé de certaines interventions en Bosnie, notamment dans les
5 environs de Gorazde en 1994, vers le mois d'avril ou fin avril, tout début
6 mai. Il a dit que, suite à l'accord obtenu entre Milosevic et Karadzic
7 avec la communauté internationale concernant le cessez-le-feu en Bosnie,
8 Jovica Stanisic a fait le commentaire suivant; il a dit que leurs unités
9 spéciales de la police -et je crois qu'il avait précisément nommé "Frenki"
10 à leur tête avaient contribué le plus à l'issue de ces combats et, au-delà
11 des approbations fournies par Milosevic, ils auraient poursuivi des
12 opérations de combat au sujet desquelles le Président n'était pas au
13 courant. Et il avait, en quelque sorte, éclipsé le rôle de Milosevic dans
14 ces événements; c'était donc un exécutant qui s'érigeait en protecteur de
15 Milosevic.
16 Question: A quel moment a-t-il fait ces remarques ou cette remarque à
17 propos des unités spéciales se trouvant à Gorazde? A quelle période
18 pensait-il, faisait-il référence?
19 Réponse: Cela se rapportait à la période mars, avril 1994.
20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pouvons revenir en audience
21 publique, Monsieur le Président.
22 (Audience publique avec mesures de protection à 9 heures 23.)
23 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): A plusieurs reprises, nous avons
25 parlé, nous avons mentionné M. Martic. Et puis, vous avez aussi parlé du
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1 soutien dont il a bénéficié de la part de la Serbie. Est-ce que M. Martic
2 était un homme loyal à Milosevic? Etes-vous en mesure de le dire?
3 Milan Babic (interprétation): Oui.
4 Question: Est-ce que M. Martic a reconnu en public sa loyauté envers
5 Milosevic au cours de la campagne électorale qu'il a menée en 1993 et en
6 1994?
7 Réponse: Oui. A l'époque, de façon publique, pendant et après la campagne
8 électorale, il disait qu'il serait Président provisoire de la Krajina; une
9 fois élu, il a dit qu'il serait peu de temps Président et qu'il allait
10 remettre le bâton de relais comme un titre d'exercice des fonctions, à
11 Milosevic. Et les gens à Knin faisaient même des blagues à son sujet en
12 disant qu'il allait passer sa matraque de policiers à Milosevic.
13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Huis clos partiel, s'il vous plaît.
14 (Audience à huis clos partiel à 9 heures 25)
15
16 Mme Anoya : Nous sommes à huis clos partiel
17 Mme Uertz-Retzlaff : Avez-vous eu une discussion avec M.
18 Milosevic et M. Martic en août 1991, à propos du poste ou de la position
19 du commandant de la Défense territoriale dans la Krajina?
20 Milan Babic (interprétation): C'est . J'ai eu cet entretien au sein du
21 cabinet de M. Milosevic. J'ai été convié à venir là-bas et j'y ai retrouvé
22 M. Martic qui se trouvait déjà chez M. Milosevic. Et Milosevic, sans faire
23 trop d'introduction, a dit la chose suivante: il fallait que Mile –Mile
24 étant Mile Martic qui était présent- devant devenir commandant de la
25 Défense territoriale. L'entretien a duré, je pense, presque deux heures et
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1 Milosevic ne faisait que répéter cette phrase-là. Il me semblait qu'il
2 avait répété cette phrase un nombre innombrable de fois. Seulement…
3 Question: Est-ce que vous vous êtes opposé à ce que Martic devienne
4 commandant de la Défense territoriale? Et si vous l'avez fait, pourquoi?
5 Réponse: C'est exact, je m'y opposais. C'est la raison pour laquelle
6 Milosevic ne faisait que répéter cette phrase, suite à mes oppositions. Eh
7 bien, j'avais demandé des raisons objectives. Tout simplement, j'avais
8 dit: "Mais c'est un policier et on ne peut pas faire d'un policier un
9 commandant de la Défense territoriale!". De par les affectations
10 habituelles, c'était un général ou quelqu'un qui avait fait de hautes
11 écoles militaires, sans peut-être avoir le grade de général, mais peut-
12 être de colonel. Et c'est là un poste de professionnel qui nécessite
13 d'avoir une équipe d'au moins dix personnes à ses ordres. C'était là la
14 nature des objections que j'avais soulevées.
15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pouvons revenir audience
16 publique.
17 (Audience publique avec mesures de protection à 9 heures 27.)
18 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): J'aimerais l'aide de l'huissier pour
20 présenter au témoin l'intercalaire 64 de la pièce 352. Il s'agit ici d'une
21 désignation, la désignation de Milan Martic au poste de commandant adjoint
22 de la TO de la SAO de Krajina. Pourquoi a-t-il été nommé à ce poste?
23 Quelles étaient les compétences qui assortissaient cette fonction?
24 Milan Babic (interprétation): Il a été nommé parce qu'il avait été
25 ministre de l'Intérieur. Et ainsi, la police de la Krajina s'incorporerait
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1 dans le système nouvellement mis en place et se placerait sous l'autorité
2 de ce Gouvernement de la Krajina.
3 Question: Monsieur le Témoin, hier nous avons évoqué un rapport; c'était
4 l'intercalaire 67, une pièce à conviction, un rapport portant sur les
5 activités militaires de la région en août 1991. Ce rapport a également été
6 adressé à "Frenki". Dans ce rapport, il était fait mention d'un cessez-le-
7 feu, d'un ordre donné par Milan Martic à propos d'un cessez-le-feu? Est-ce
8 qu'un cessez-le-feu a été convenu le 6 août 1991?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Et en dépit de ce cessez-le-feu, est-ce que Kijevo a été attaqué
11 en août 1991?
12 Réponse: Oui, c'est le 6 août… le 26 août qu'il a eu cette attaque. Et
13 avant cela, Milan Martic avait formulé un ultimatum à l'attention de la
14 population et de la police de Kijevo en leur disant qu'il fallait
15 absolument qu'ils abandonnent Kijevo. Je crois que cela s'est fait le 19
16 ou le 20 août.
17 Question: J'aimerais l'aide de l'huissier pour présenter au témoin
18 l'intercalaire 68 de la pièce 352.
19 (Intervention de l'huissier.)
20 Est-ce qu'il s'agit ici de l'ultimatum dont vous venez de parler?
21 Réponse: Oui.
22 Mme Uertz-Retzlaff : Huis clos partiel, s'il vous plaît.
23 (Audience à huis clos partiel à 9 heures 30) [Confidentialité levée par une
24
25 .Mme Uertz-Retzlaff : Vous avez reçu des nouvelles à propos
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1 de cet ultimatum? Après les avoir reçues, qu'avez-vous fait?
2 Milan Babic (interprétation): J'ai entendu parler de cet ultimatum par
3 les médias. Et c'est par les médias que j'ai fait un démenti; j'ai dit que
4 les forces armées de la SAO de Krajina n'allaient pas enfreindre le
5 cessez-le-feu. Je crois que cela s'est fait le 24 août; en fait, le jour
6 d'après, donc lorsque j'ai… une fois que j'ai entendu parler de la chose
7 par les médias.
8 Question: Et ce démenti, l'avez-vous fait publiquement?
9 Réponse: Oui, c'était public. La presse a rapporté la chose.
10 Question: Ce démenti a-t-il provoqué une réaction de la part de Martic, de
11 la JNA ou des autorités de Belgrade?
12 Réponse: Non, sauf le fait qu'ils sont devenus encore plus intolérants à
13 mon égard.
14 Question: Est-ce que vous avez été convoqué à Belgrade le 25 août 1991?
15 Réponse: Oui, j'ai été convoqué à Belgrade et je devais me présenter chez
16 le Président Milosevic.
17 Question: De quoi avez-vous parlé, lors de cette réunion?
18 Réponse: De deux choses. D'abord, lorsque je suis arrivé, le Président
19 Milosevic m'a demandé: "Comment ça va là-bas, à Knin?". Je lui ai répondu
20 qu'il y avait beaucoup de problèmes au niveau de Velika et Otisic, que la
21 police croate de Sinj maltraitait la population dans le village d'Otisic
22 et qu'il n'y avait pas d'armée de la JNA pour les protéger.
23 Il m'a demandé: "Mais est-ce que cela n'est pas déjà arrangé?". Je lui ai
24 répondu que je ne savais pas. Et après la réunion, on m'a dit que la JNA
25 et les autres formations armées faisant partie de la JNA se sont attaquées
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1 à Kijevo et à la région.
2 On m'a demandé de savoir quel type de personne était le général Spiro
3 Nikolic. Je ne savais rien dire à son sujet, je n'avais rien contre lui.
4 Il était commandant du Corps de Knin. Ensuite, il a dit que "Frenki"
5 devrait retourner dans la Krajina, et que "c'est un brave type, "Frenki"".
6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pouvons revenir en audience
7 publique.
8 (Audience publique avec mesures de protection à 9 heures 34.)
9 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Pendant votre absence de Knin, dans
11 le cadre de ces nouvelles fonctions dont vous venez parler, est-ce ce
12 jour-là précisément que Kijevo a été attaqué?
13 Milan Babic (interprétation): Oui, ce jour-là Kijevo a été attaqué dans
14 la matinée.
15 Question: Et quelles sont les forces qui ont participé à cette attaque?
16 Réponse: Le Corps de Knin, les unités de la police de la Krajina et la TO
17 locale.
18 Question: Comment le savez-vous? Est-ce que vous avez vu quoi que ce soit
19 vous le montrant?
20 Réponse: Le jour d'après, je suis passé par cette région et j'ai vu le
21 commandant de la Brigade de Knin, le colonel Jukic, et des officiers qui
22 l'entouraient. Il m'a dit que le chef du quartier général du Corps, Ratko
23 Mladic, se trouvait devant lui, qu'il était dans la direction de Otisic et
24 qu'il avait envoyé une colonne de chars qui étaient commandés par Jukic.
25 J'ai vu ces unités-là à proximité du village Cetina, en direction de
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1 Jezevic; et on m'a dit qu'il y avait la police là-bas, Martic et Milenko
2 Zelenbaba. Chose qui a été d'ailleurs diffusée par la télévision de
3 Belgrade.
4 Question: L'avez-vous vu à la télévision de Belgrade? Est-ce que vous avez
5 vu Martic et Kijevo à la télévision de Belgrade?
6 Réponse: Oui, la télévision de Belgrade a diffusé deux scènes en
7 provenance de Kijevo. Dans l'une de ces scènes, on voyait Martic et
8 Zelenbaba enlever le drapeau croate, le fouler au pied et s'embrasser. Et
9 dans la deuxième scène, on voyait Vesna Ljubovic, une journaliste de
10 Belgrade, interviewer un soldat de la JNA sur la route dans le village de
11 Kijevo. Ou plutôt, elle avait enregistré son entretien, sa conversation
12 avec un vieillard de Kijevo qui était resté après les combats; et le
13 soldat avait demandé au vieillard: "Est-ce que c'est toi qui as tué mon
14 grand-père en 1941?" L'homme a répondu: "Mais non!"
15 Question: (Inaudible) …près d'ici. Vous dites, Monsieur le Témoin, que
16 vous avez traversé cette région un jour plus tard. A quoi ressemblait
17 Kijevo? Avez-vous vu des Croates? Le village était-il intact?
18 Réponse: Le village était déserté de ses habitants. Le village avait été
19 également saccagé à coups de tirs d'artillerie.
20 Question: Ce jour-là, avez-vous vu M. Mladic sur le terrain, ce jour-là ou
21 les jours suivants?
22 Réponse: Dans la journée qui a suivi ou deux jours après, lorsque je suis
23 passé par cette route et lorsque j'ai traversé Vrlika.
24 Question: Lorsque vous l'avez vu, que faisait-il?
25 Réponse: Eh bien, il s'en revenait d'Otisic. Il accompagnait un groupe de
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1 représentants des autorités croates originaires de Sinj et de Split, et il
2 les accompagnait vers Vrlika qui se trouvait sous son autorité.
3 Question: Est-ce que M. Mladic a effectivement participé à des activités
4 de combat sur le terrain? Etes-vous au courant?
5 Réponse: Oui, il a participé, c'est-à-dire qu'il a commandé. Les
6 journalistes disaient même qu'il se trouvait dans les premières lignes de
7 combat, qu'il avait déminé des obstacles et que, seul ou avec certains
8 groupes, il allait de l'avant. Et lorsque le nouveau commandant du corps,
9 le général Vukovic, est arrivé, il avait demandé à Mladic de lui dire où
10 sont disposées les unités du corps; Mladic lui a montré sur la carte des
11 petits groupes répartis sur différents secteurs du front, au niveau du
12 territoire de la Dalmatie du Nord. Et Vukovic a commencé à s'arracher les
13 cheveux en disant: "Mais où est mon corps?"; c'était Mladic qui avait
14 commandé ce corps-là.
15 Question: Vous avez déclaré que Mladic commandait ce corps? Est-ce qu'il
16 était le commandant du corps ou…? Quelle était sa fonction précise?
17 Réponse: Mladic, dans l'été et au courant de l'automne, avait été le
18 directeur du Corps. Eté/automne 1991. Et pendant un certain temps, lorsque
19 Spiro Nikolic, le général précédent a été déplacé vers d'autres positions
20 lorsque Vukovic est arrivé, c'était lui l'officier le plus haut gradé. En
21 1992, il était le commandant du corps, Mladic.
22 Mme Uertz-Retzlaff : J'aimerais que nous repassions rapidement à un huis clos
23 partiel pour parler de la réunion suivante qui a eu lieu avec Milosevic.
24 (Audience à huis clos partiel à 9 heures 40)
25
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1 Mme Anoya (interprétation): C'est fait.
2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avez-vous rencontré M. Milosevic en
3 1991 à propos du commandant de la TO nécessaire pour la Krajina?
4 Milan Babic (interprétation): Oui, vers le 12 septembre 1991, pour ce qui
5 est du QG de la Défense territoriale et des officiers de ce QG de la TO de
6 Krajina.
7 Question: Est-ce que vous aviez une proposition à faire s'agissant de
8 l'homme qui devrait devenir le nouveau commandant de la TO?
9 Réponse: Oui, il y avait Borivoj Rasuo et Zoran Kalicanin, un homme qui
10 appartenait au service d'information de la JNA; ils m'ont recommandé
11 Radosav Markovic, un colonel que j'avais rencontré, et, avec dix autres
12 officiers, il devait constituer le QG de la TO de la Krajina. Et Maksic a
13 demandé que j'aille demander à Milosevic son approbation pour qu'il soit
14 révoqué, ou plutôt libéré de ses fonctions pour faire un service actif à
15 Belgrade.
16 Question: Et comment avait réagi Milosevic lorsque vous lui avez transmis
17 ces informations?
18 Réponse: Il a dit qu'il ferait en sorte qu'il vienne.. Il était de bonne
19 humeur. C'est là que j'ai rencontré Jovica Stanisic, pas dans la même
20 pièce mais dans la pièce à côté, toujours au sein du cabinet. Et c'est là
21 que, pour autant que je le sache, il était de la meilleure des humeurs
22 possible, parce qu'il a même partagé son déjeuner avec moi.
23 Question: Mais est-ce que cela veut dire que M. Milosevic a marqué son
24 accord eu égard à cette proposition qui était la vôtre de démettre le
25 commandant de la TO et d'y désigner Maksic. Que vous a-t-il dit?
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1 Réponse: Il a dit: "C'est cela, il viendra".
2 Question: Vous avez parlé de M. Stanisic et vous dites l'avoir vu ce jour-
3 là également. Quelle a été la nature du contact que vous avez eu avec lui?
4 Comment celui-ci s'est-il fait et de quoi avez-vous parlé avec lui?
5 Réponse: Avant que je n'entre dans le bureau de travail du Président
6 Milosevic, sa secrétaire nous a dit que le Président faisait une pause
7 pour déjeuner et elle m'avait demandé d'attendre dans la pièce d'à côté ou
8 dans la pièce qui était juste à côté de celle-ci, au coin. Je suis allé
9 là-bas; derrière la table, il y avait debout Jovica Stanisic et, devant
10 lui, une carte où il y avait des lignes de disposition des unités de
11 l'armée. Il m'a jeté un coup d'œil en me faisant signe de regarder vers la
12 carte; puis il m'a fait sortir de cette pièce pour aller dans la pièce d'à
13 côté, qui était une pièce semi-ovale. Il a ouvert la porte et a dit:
14 "C'est la pièce où l'on présente nos rapports". Et lorsque je suis rentré,
15 la secrétaire m'a dit que je pouvais entrer. "Le Président vous recevra",
16 m'a-t-elle dit. Le Président m'a reçu en effet, quoiqu'il n'avait pas fini
17 son repas et il a partagé son repas avec moi.
18 Question: Je vous arrête un instant. Qu'avez-vous vu sur la carte dont
19 s'occupait M. Stanisic? Est-ce que vous vous souvenez du type de carte que
20 c'était, quelle région elle montrait?
21 Réponse: C'était une carte topographique militaire; l'échelle était
22 1/50.000 ou 1/100.000. Il avait dessus une ligne rouge de tirée sur le
23 terrain de la Dalmatie du Nord. Je connais bien le coin, je suis
24 originaire de là-bas, je connais bien les lieux topographiquement parlant
25 et j'ai compris que c'était là la ligne qui indiquait la disposition des
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1 unités de l'armée. Cela passait par Perucac, par Slivaja, Petrovo Polje et
2 Moksvic, Cikova et les environs de Benkovac et Zadar.
3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pouvons revenir audience
4 publique.
5 (Audience publique avec mesures de protection à 9 heures 45.)
6 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce que le colonel Maksic a fini
8 par arriver avec ces 10 officiers?
9 Milan Babic (interprétation): Il s'est passé une dizaine de jours et il
10 ne venait toujours pas; alors, j'ai téléphoné à la secrétaire du Président
11 Milosevic et je lui ai demandé de voir avec le Président? Elle m'a dit
12 qu'il n'était pas sur place mais qu'elle allait établir la communication
13 et qu'elle le retrouverait là où il était. Lorsque la communication était
14 établie, je lui ai demandé ce qu'il était advenu des officiers et il m'a
15 répondu qu'ils venaient le lendemain; mais ils ne sont pas venus le
16 lendemain, ils sont arrivés au bout de cinq ou six jours. Et il n'est
17 arrivé que Maksic et encore 2 hommes; ils étaient 5 ou 6.
18 Question: Qui sont les hommes qui sont arrivés et quels postes ont-ils
19 occupés?
20 Réponse: Il n'étaient pas 5 ou 6, ils étaient 2. Lorsqu'ils sont arrivés,
21 il y avait le colonel Dusan Kasum, qui était chef d'état-major, et le
22 colonel Vuletic, chef des transmissions. Et il y avait aux fonctions de
23 directeur des opérations le colonel Maksic. Ils sont venus chez Martic, à
24 la forteresse de Knin, et ils m'ont demandé de venir; une fois arrivé,
25 j'ai vu qu'ils n'étaient que 3 en tout et pour tout; ils ont haussé les
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1 épaules. Je leur ai demandé qui était le commandant; on m'a dit que
2 c'était Maksic et ils m'ont dit de téléphoner au général Simovic, ministre
3 de la Défense de Serbie. J'ai appelé Simovic et je lui ai demandé: "Est-ce
4 que Maksic est commandant du quartier général de la TO de Krajina?" Il m'a
5 répondu qu'ils avaient désigné le général Djujic et il m'a fourni une
6 explication quelconque en disant que Maksic ne pouvait pas être
7 commandant.
8 Question: Quelle était la raison pour laquelle le général Djujic était
9 censé assumer ces fonctions, prendre ce poste?
10 Réponse: Simovic avait dit que Maksic était un alcoolique.
11 Question: Je vais demander l'aide de l'huissier pour vous soumettre
12 rapidement les décisions prises à cet effet. Il s'agit de l'intercalaire
13 69: "Nomination du général Djujic", intercalaire 70. Pour le 69, il y
14 avait le général Djujic, Maksic et Vuletic. Intercalaire 70: "Nomination
15 du colonel Djujic". Intercalaire 71: "Nomination de Maksic". Intercalaire
16 72: "Ordre de relever de ses fonctions Djujic". Intercalaire non pas 46,
17 mais 49.6: c'est une décision portant "nomination du colonel Tabok", alors
18 que nous avons à l'intercalaire 51.1 et à l'intercalaire 51.2, des
19 décisions consistant à relever de la fonction Dusan Starevic, Velibor
20 Matijasevic.
21 Est-ce que ce sont là des décisions prises en rapport avec le commandement
22 de la Défense territoriale?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Est-ce qu'en fait, c'est vous, dans la Krajina, qui avez pris
25 ces décisions importantes, substantielles ou est-ce que ce sont là
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1 simplement des documents officiels qui confirment des décisions prises par
2 d'autres?
3 Réponse: C'étaient des décisions officielles, juridiques; cela ne faisait
4 que confirmer les décisions prises par les instances compétentes à
5 Belgrade. Dans ce cas concret, c'était le grand état-major, ainsi que le
6 secrétaire fédéral à la Défense nationale.
7 Et s'agissant des deux documents où il est question de Starevic et
8 Matijasevic, cela n'a rien à voir avec le QG de la TO, mais du
9 fonctionnement de la structure parallèle et des obstructions au niveau du
10 parlement pour influer sur l'issue de ce qui viendrait à être négocié à La
11 Haye.
12 Question: Monsieur le Témoin, ces commandants de la TO ont été nommés:
13 est-ce que ces hommes étaient contrôlés par les hommes politiques de la
14 Krajina ou est-ce qu'ils devaient rendre des comptes à ces hommes
15 politiques de la Krajina ou pas?
16 Réponse: Non, ils n'avaient pas à rendre des comptes. Eux-mêmes n'avaient
17 pas établi de contrôle sur la TO unifiée de la SAO de Krajina et ils sont
18 restés subordonnés aux unités compétentes ou aux commandements compétents
19 de la JNA, selon les régions.
20 Question: Dans ce contexte, je dois vous présenter un autre document qui
21 se trouve à l'intercalaire 73. Examinons l'intercalaire 73 de la pièce
22 352.
23 (Intervention de l'huissier.)
24 Il s'agit ici d'un ordre, certificat signé par Branko Kostic, Président de
25 la RSFY, et par Milos Kosic, colonel Milos Kosic; cet ordre porte sur la
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1 promotion du colonel Kasum qui devient chef d'état-major de la Défense
2 territoriale en avril 1992. C'est exact?
3 Réponse: Il est promu au grade de général. Et on voit qu'au préalable, il
4 a été affecté aux fonctions de chef du QG de la TO dans la République
5 serbe de Krajina.
6 Question: En d'autres termes, là, nous parlons du mois d'avril 1992. Est-
7 ce que cela veut dire que les rapports ou ce rapport entre l'état-major de
8 la TO, les officiers qui en font partie et la JNA ou la VJ, comme l'armée
9 a été appelée par la suite, est-ce que cela veut dire que ces rapports
10 sont restés les mêmes?
11 Réponse: Ils sont restés les mêmes jusqu'en août 1995. Et pratiquement,
12 c'est Slobodan Milosevic qui désignait les commandants de l'armée serbe de
13 la République serbe de Krajina.
14 Question: Monsieur le Témoin, en ce qui concerne la TO de Krajina, avez-
15 vous eu l'occasion d'examiner, au cours des conversations que vous avez
16 eues à La Haye, un grand nombre de documents portant sur des nominations,
17 sur l'organisation d'unités, est-ce que vous avez passé en revue de tels
18 documents?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Seriez-vous en mesure d'authentifier tous ces documents? Les
21 connaissiez-vous?
22 Réponse: Oui, c'est exact.
23 Question: Messieurs les Juges, je ne souhaite pas présenter la totalité de
24 ces documents au témoin. Je voulais me borner à donner les titres des
25 documents pour vous et pour le dossier de l'audience, documents à propos
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1 desquels le témoin a apporté la confirmation qu'ils étaient préparés par
2 les autorités de la région.
3 Il s'agit de la pièce 352, des intercalaires 114, 115, 117 à 119, de 121 à
4 141, de 144… 145, 148, 150, 151. Ce sont les documents auxquels j'aimerais
5 faire référence dans ce cadre, puisqu'ils portent tous sur la formation
6 d'unités ou sur des nominations.
7 Ces décisions qui ont été prises ont-elles été respectées, appliquées par
8 la JNA et par la police de Martic?
9 Réponse: Certaines décisions, oui, d'autres pas. Les décisions afférentes
10 aux officiers actifs et leurs rôles ont été respectées. Une partie des
11 décisions prises au cours des mois de juillet, août et septembre de
12 l'année 1991 n'ont pas été respectées.
13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Huis clos partiel, s'il vous plaît.
14 M. Kwon (interprétation): Aux fins du dossier de l'audience, je précise
15 que la pièce 151 a été abandonnée.
16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci, Monsieur le Juge, de me
17 l'avoir rappelé. Ma collègue me l'indiquait à l'instant.
18 (Audience à huis clos partiel à 9 heures 57) [Confidentialité levée par une
19
20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): S'agissant des problèmes qui ont
21 surgi à l'encontre des décisions portant sur la Défense territoriale,
22 venant des hommes politiques, et aussi par rapport à la JNA, au fait que
23 la JNA a ignoré une partie de ces décisions, est-ce que vous avez eu une
24 réunion avec le général Vukovic et avec le général Djujic en octobre 1991?
25 Milan Babic (interprétation): Oui, vers le 10 octobre 1991. A Benkovac.
Page 13192
1 Question: De quoi avez-vous parlé? Quelle fut l'issue de ces discussions?
2 Réponse: Le général Djujic a pris l'initiative de cette rencontre avec le
3 général Vukovic aux fins de résoudre les questions de supériorité et de
4 subordination au niveau de la TO, pour savoir qui serait le commandement
5 compétent: serait-ce le commandement du Corps de la JNA ou alors le QG de
6 la TO de la Krajina? Le général Vukovic a dit qu'il n'avait pas de
7 compétences à ce sujet et qu'à ce sujet-là, il fallait contacter le
8 général Adzic au grand état-major de Belgrade.
9 Question: L'avez-vous fait? Avez-vous contacté le général Adzic?
10 Réponse: J'ai été reçu par le général Adzic, non pas au commandement de
11 l'état-major mais dans un bâtiment militaire autre.
12 Question: De quoi avez-vous discuté avec lui et quel a été résultat,
13 l'issue de cette discussion?
14 Réponse: Cela a été l'un des thèmes principaux. Et l'issue, c'est qu'il
15 n'allait rien changer au niveau des compétences, que les compétences
16 allaient demeurer au niveau de la JNA, qu'il en était ainsi dans le
17 système et que ça allait rester ainsi.
18 Nous avons parlé d'autres questions; je crois qu'il y avait cinq ou six
19 sujets autres. J'avais pris des notes dans mon calepin que j'avais emporté
20 pour avoir un aide-mémoire. Et Djujic… Il y avait là les sujets qu'avait
21 mentionnés Djujic concernant ceux dont il fallait parler avec Adzic au
22 niveau des approvisionnements, du statut des gens du personnel au sein de
23 la TO et ainsi de suite.
24 Question: Quelle était la position… Quelle a été la position du général
25 Adzic par rapport à vos demandes? Comment a-t-il réagi?
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1 Réponse: En disant quelque chose du genre: "Il ne va pas y avoir de
2 problèmes". Il n'a pas prononcé exactement ces mots-là, mais c'était le
3 sens de ce qu'il a dit.
4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Audience publique, je vous prie.
5 (Audience publique avec mesures de protection à 10 heures.)
6 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avec l'aide de Mme l'huissière,
8 j'aimerais soumettre au témoin le document 74 de la pièce à conviction
9 352.
10 (Intervention de l'huissière.)
11 Monsieur le Témoin, quelle est la nature de ce document, je vous prie? Et
12 qui a établi ce document?
13 Milan Babic (interprétation): Ce document a été établi au grand quartier
14 général de la SAO de Krajina, de la Défense territoriale de la SAO de
15 Krajina. C'est un rapport qui expose la situation au sein de la Défense
16 territoriale de la SAO de Krajina, en octobre 1991.
17 Question: A l'intention de qui ce document a-t-il été établi et à qui a-t-
18 il été transmis?
19 Réponse: Il a d'abord été établi pour le Président du gouvernement, pour
20 le chef du gouvernement et ensuite pour le grand quartier général de la
21 JNA. C'est là qu'il devait être transmis.
22 Question: A-t-il été transmis au général Adzic?
23 Réponse: Je ne le sais pas exactement. Mais il recevait en général des
24 informations sur ces questions selon les modalités dont nous avons déjà
25 parlé ici.
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1 Question: Les sujets traités dans ce document et relatifs à la Défense
2 territoriale sont-ils les mêmes que ceux dont vous venez de parler comme
3 étant ceux que vous avez discutés avec le général Adzic lorsque vous
4 l'avez rencontré?
5 Réponse: Oui. A peu près.
6 Question: Monsieur le Témoin, j'aimerais maintenant que nous parlions des
7 discussions qui ont eu lieu au sujet du plan Carrington et de l'avenir de
8 la Yougoslavie. Quelles étaient les propositions relatives à la Krajina?
9 Qu'est-ce qui était proposé pour la Krajina?
10 Réponse: Dans le plan de Lord Carrington, il y avait trois possibilités
11 s'agissant de la façon dont seraient réglés les rapports entre les
12 Républiques de l'ex-Yougoslavie et les régions dans ces diverses
13 Républiques où les communautés ethniques avaient certaines
14 caractéristiques. Dans ces cas-là, il était prévu qu'un statut territorial
15 particulier soit accordé, et ce statut concernait bien entendu la Krajina
16 également.
17 Question: Etait-il prévu une certaine autonomie en Croatie?
18 Réponse: Oui, c'est tout à fait cela, une autonomie territoriale à
19 l'intérieur de Croatie.
20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Huis clos partiel, je vous prie.
21 (Audience à huis clos partiel à 10 heures 03) [Confidentialité levée par une
22
23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avez-vous participé à trois
24 réunions de négociations avec l'ambassadeur néerlandais M. Wijnaendts sur le
25 sujet du plan Carrington?
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1 Milan Babic (interprétation): C'est cela. C'est tout à fait cela. Chaque
2 fois, la veille de la conférence plénière.
3 Question: Avant de vous rendre à ces négociations avec M. Wijnaendts,
4 rencontriez-vous M. Milosevic à Belgrade?
5 Réponse: Chaque fois. Toujours. C'est tout à fait ça. Chaque fois qu'il y
6 avait une rencontre de ce genre, j'avais d'abord une réunion avec M.
7 Milosevic.
8 Question: Est-ce que vous alliez le voir pour recevoir des instructions?
9 Ou, dans le cas contraire, pourquoi est-ce que vous alliez le voir?
10 Réponse: Nous étions convoqués à Belgrade pour recevoir des instructions
11 quant à la conduite à adopter.
12 Question: Quand est-ce que vous y êtes allé pour la première fois?
13 Réponse: Je pense, le 13 octobre ou à peu près à cette date. En tout cas,
14 avant le 14.
15 Question: Quelles instructions avez-vous reçues?
16 Réponse: Les instructions consistaient à nous dire que le plan était bon
17 pour nous. Il ne nous était pas dit tout à fait clairement qu'il fallait
18 l'adopter, mais que ce plan était bon pour nous. C'est ce qu'a dit M.
19 Milosevic, ainsi que les quelques personnes qu'il avait invitées dans son
20 cabinet pour nous expliquer la teneur du plan.
21 Question: Qui vous a expliqué la teneur de ce plan? S'agissait-il de
22 responsables du gouvernement de Belgrade?
23 Réponse: Il y avait Vladan Kutlesic, un conseiller politique de Milosevic,
24 et en tout état de cause il s'agissait de personnes, en général, des
25 professeurs d'université: Ratko Markovic, Kosta Mihajlovic, Vasilije
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1 Krestic, Smilja Abramov; donc des professeurs d'université qui étaient des
2 hommes avec lesquels M. le Président Milosevic collaborait.
3 Question: Cette première fois où vous avez eu une rencontre de ce genre à
4 Belgrade, est-ce que quelque chose de particulier s'est passé à Knin qui
5 vous a alerté?
6 Réponse: Effectivement, Velibor Matijasevic, le Président du Parlement de
7 la SAO de Krajina a convoqué une séance du Parlement dès notre départ de
8 Knin, où il demandait un rapport sur le travail du Gouvernement de la SAO
9 de Krajina. Et puis, la deuxième chose qui s'est passé, et c'est Ljubica
10 Solaja qui me l'a dit, c'est qu'au poste de police de Knin, "Frenki" a
11 incité les Serbes présents à déclarer que Babic était un traître.
12 Tout cela s'est donc passé avant mon départ. Et au cours de ma rencontre
13 avec Milosevic, j'ai subi certaines pressions indiquant qu'il fallait que
14 je me rende à La Haye. Alors, il a dit: "Je n'en sais rien"; et c'est
15 Jovica… il avait à l'esprit Jovica Stanisic. Milosevic est ensuite sorti.
16 Puis, au bout d'un certain temps, j'ai obtenu l'information disant que la
17 session du Parlement avait été annulée, que Matijasevic avait carrément
18 annulé la tenue de cette assemblée.
19 Question: Donc vous êtes allé à Paris. Et quelle était la position que
20 vous avez adoptée à Paris? Est-ce que vous avez accepté le plan ou est-ce
21 que vous vous êtes exprimé favorablement par rapport à ce plan?
22 Réponse: Non, ni moi ni les autres membres de la délégation n'avons fini
23 par accepter ce plan. Nous ne nous sommes pas prononcés en faveur du plan,
24 mais nous avons exprimé notre disponibilité pour ce qui était de continuer
25 à négocier.
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1 Question: A votre retour de Paris, est-ce que vous avez rendu compte de la
2 conduite des négociations à M. Milosevic?
3 Réponse: Milosevic était informé de ces négociations puisque nous nous
4 étions de nouveau retrouvés chez lui avant le 18. Et ce jour-là, je m'en
5 souviens très bien, il a réagi de façon très ferme à mon égard. Il a dit:
6 "Accepte! Pour que je sois débarrassé de votre problème. La Serbie est la
7 seule à avoir une chance de devenir un Etat, et tous les autres vont être
8 avalés par la nuit".
9 Moi, je n'ai pas accepté cette proposition.
10 Question: Qu'a-t-il dit exactement? Que voulait-il dire, lorsqu'il a dit
11 que la Serbie avait une chance d'être un Etat? A quoi cela fait-il
12 référence?
13 Réponse: De conserver le statut d'Etat et que tous les autres allaient
14 être perdus et démantelés par la guerre. La Serbie, autrement dit,
15 s'agissant de tous les territoires de l'ex-Yougoslavie, était la seule à
16 avoir une chance de continuer à être un Etat; toutes les autres régions
17 seraient avalées par la nuit, autrement dit deviendraient colonisées ou en
18 tout cas dépendantes d'une autre puissance. C'était cela que cela voulait
19 dire.
20 Question: Est-ce que cela faisait référence à la Croatie, à la Slovénie, à
21 la Bosnie?
22 Réponse: Il a parlé de toutes les régions, à part la Serbie.
23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Mais lors de cette deuxième rencontre
24 avec Wijnaendts, quelle position avez-vous adoptée? Avez-vous accepté le
25 plan?
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1 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, lui, dit qu'il faut
2 qu'il accepte le plan; et à présent, il semblerait qu'il n'a pas accepté
3 le plan. Moi, j'ai du mal à suivre. Je ne comprends vraiment rien à ce qui
4 est en train d'être dit ici. Pourrait-on demander au témoin d'expliquer sa
5 position?
6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, pourriez-vous
7 expliquer la position de M. Milosevic lorsque vous êtes allé le voir pour
8 la deuxième fois afin, comme vous l'avez dit vous-même, de recevoir des
9 instructions? Quelle a été, ce jour-là, la position de M. Milosevic par
10 rapport au plan Carrington et qu'avez-vous, vous-même, fait, par la suite?
11 Milan Babic (interprétation): Le plan du Président Milosevic, c'était que
12 nous, s'agissant de la partie du plan qui nous concernait, autrement dit
13 ce statut spécial à l'intérieur des frontières croates, qu'il fallait que
14 nous acceptions cette partie du plan.
15 M. le Président (interprétation): Oui. Et étiez-vous prêts à accepter
16 cette partie du plan ou pas?
17 Milan Babic (interprétation): Non, à ce moment-là nous n'étions pas prêts
18 à accepter cela. Nous comprenions que le Président Milosevic souhaitait
19 sortir sain et sauf de la guerre en nous laissant, nous, nous dépatouiller
20 et en permettant aux Croates de se venger sur nous.
21 M. le Président (interprétation): Oui.
22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Lorsque vous étiez à Paris, après
23 cette deuxième rencontre avec Wijnaendts, est-ce que vous avez exprimé
24 votre position publiquement?
25 Milan Babic (interprétation): La deuxième rencontre s'est passée dans les
Page 13199
1 locaux du ministère des Affaires étrangères de La Haye. J'ai fait une
2 série de déclarations à ce moment-là et, dans l'une de ces déclarations,
3 j'ai dit que je représentais la SAO de Krajina et la Région autonome de
4 Krajina bosniaque. Or cela n'avait pas été convenu lors de la réunion. Et
5 à cette occasion, nous n'avons pas non plus accepté le plan.
6 La proposition de l'ambassadeur Wijnaendts, ce jour-là, nous proposait en
7 fait d'étudier le statut du Tyrol en Italie pour voir si ce statut pouvait
8 constituer un modèle nous concernant à l'intérieur de la Croatie.
9 Question: Avez-vous rencontré M. Milosevic après cette deuxième réunion
10 avec Wijnaendts? Avez-vous, une nouvelle fois, parlé à M. Milosevic en
11 octobre 1991?
12 Réponse: Oui, effectivement, le 20 octobre et le 23 octobre, il me semble.
13 D'abord dans son cabinet et, la deuxième fois, dans le palais de la
14 Fédération à Novi Beograd.
15 Question: Parlons de la réunion du 20 octobre. Cet entretien du 20
16 octobre, quel était son objet et qu'est-ce qui a été dit durant cet
17 entretien?
18 Réponse: Cet entretien avait pour objet de lui permettre de me dire qu'il
19 fallait que je me rende à Banja Luka pour rencontrer Radovan Karadzic,
20 puisque c'est Karadzic qui organisait les choses là-bas, afin d'obtenir le
21 rejet du plan Carrington. Autrement dit, les représentants serbes de
22 Bosnie et de la SAO Krajina de Slavonie occidentale devaient rejeter ce
23 plan. Or je ne sais pas si c'était vraiment son intention, mais il a
24 traité Momir Bulatovic de "traître" de la façon la plus ferme qui soit
25 avant de me dire cela, et il a ajouté qu'il avait là-bas des hommes qui
Page 13200
1 allaient régler le problème de Momir Bulatovic au Monténégro, qui allaient
2 le calmer.
3 Question: Qu'avait fait Momir Bulatovic pour provoquer la colère de M.
4 Milosevic?
5 Réponse: Bulatovic, à la deuxième séance plénière de La Haye, avait
6 accepté le plan Carrington.
7 Question: Monsieur le Témoin, vous venez de nous dire que M. Milosevic
8 vous a, en fait, donné pour instruction d'accepter le plan Carrington.
9 Pouvez-vous vous expliquer sur ce point?
10 Réponse: Maintenant, c'était une réaction différente des deux précédentes.
11 Est-ce que la raison de cela c'était que, dans ce plan, on examinait
12 également le statut du Kosovo décidé en 1974? Ou est-ce que c'est parce
13 que Milosevic et tous ceux qui l'entouraient émettaient des critiques
14 quant au fait que, selon ces modalités, la Yougoslavie et l'idée de la
15 Yougoslavie qu'ils défendaient était en fait niée, donc que la partie de
16 la Yougoslavie qu'ils voulaient conserver ne pouvait pas l'être? Peut-être
17 que c'étaient les deux raisons pour lesquelles, désormais, le point de vue
18 avait changé sur le plan Carrington?
19 Question: Donc la proposition, à ce moment-là, différait de celle que M.
20 Milosevic vous avait demandé d'accepter?
21 Réponse: C'est cela. Même chose pour le 23, jour où il m'a proposé quatre
22 points à débattre pour la rencontre à venir avec Wijnaendts. Je parle de
23 la réunion qui s'est tenue au palais de la Fédération à Novi Beograd.
24 Question: Etes-vous en train de parler de la réunion du 23 octobre?
25 Réponse: C'est cela?
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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Qui a assisté à cette rencontre?
2 Milan Babic (interprétation): Il y avait pas mal de monde: des
3 représentants de la Serbie, du Monténégro, du peuple serbe de Bosnie-
4 Herzégovine et de la SAO de Krajina, de Slavonie orientale et Slavonie
5 occidentale. Le Président Milosevic était présent, des académiciens de
6 l'Académie des sciences et lettres serbe, Branko Kostic, Kanazir, Jovic,
7 Karadzic, ses hommes de Bosnie et d'autres.
8 M. le Président (interprétation): Quel a été le résultat de la rencontre
9 du 23 octobre?
10 Milan Babic (interprétation): Le résultat, c'est que Branko Kostic qui
11 présidait la réunion a estimé, à la fin, que la majorité du peuple, de la
12 population, était favorable à la Yougoslavie -il a parlé de 54% à peu
13 près- et que donc, il était constaté que la Yougoslavie devait demeurer en
14 existence, que c'était le point de vue de la majorité et que ce serait
15 donc la position exprimée à la conférence de La Haye, s'agissant du plan
16 de Lord Carrington.
17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur Milosevic vous a-t-il donné
18 des instructions spéciales, ce jour-là?
19 Milan Babic (interprétation): Oui, il m'a dit que Wijnaendts m'attendait
20 à Paris -excusez-moi, oui, oui, c'était bien à Paris, la troisième fois-
21 et il m'a proposé quatre points à débattre, quatre positions que je devais
22 défendre lors de cette réunion de Paris: premièrement, le statut spécial
23 de la Krajina et… Les autres, je ne me souviens plus ce qu'ils étaient.
24 Moi, j'étais méfiant. J'ai dit: "un statut spécial, pourquoi?". Il a
25 ajouté: "Sur le territoire yougoslave". Et il m'a donné un document, un
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1 document que Borisav Rasuo possède aujourd'hui, je pense; je n'en suis pas
2 tout à fait sûr.
3 En tout cas, j'ai pris ce document; et à la conférence de Paris, Son
4 Excellence l'ambassadeur Wijnaendts, dès le début de la réunion -je
5 n'avais pas encore exposé nos positions- a dit: "Monsieur Babic, nous ne
6 pouvons pas accepter le premier point.". Donc je suppose que M. Milosevic
7 lui avait déjà fait connaître ce qu'il était convenu d'appeler "nos
8 positions" qui en fait étaient les positions élaborées par lui.
9 Question: Ce document que vous avez reçu de M. Milosevic était-il écrit
10 par lui? Y avait-il son écriture sur ce document?
11 Réponse: C'était un document tapé à la machine sur lequel étaient inscrits
12 les quatre points et il a ajouté de son écriture "sur le territoire
13 yougoslave".
14 Question: Est-ce que cela signifie "Statut spécial sur le territoire
15 yougoslave"? Etait-ce sa proposition?
16 Réponse: C'est cela que cela voulait dire, même si cela pouvait être
17 interprété différemment. En tout cas, moi personnellement, cela a créé une
18 certaine confusion dans mon esprit. Je ne pouvais pas supporter cela. Je
19 ne voulais pas aller à Paris, je suis parti pour Knin en déclarant que
20 j'étais malade.
21 Question: Mais êtes-vous tout de même allé à Paris finalement et pourquoi?
22 Réponse: Il m'a rappelé quelques jours plus tard par téléphone. C'était
23 donc le 28 ou le 29 octobre, en me disant: "Mais qu'est-ce qui se passe?"
24 J'ai dit que j'étais malade. Il m'a dit: "Je ne crois pas aux médecins qui
25 sont malades. Allez, vas-y! Wijnaendts t'attend." Et j'y suis allé.
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1 Question: Comment êtes-vous arrivé là-bas?
2 Réponse: J'y suis allé en avion. Deux fois, nous avons fait le voyage dans
3 un petit avion du gouvernement fédéral, la première fois et la deuxième
4 fois, et, la troisième fois, c'était un petit avion militaire. C'est un
5 avion qui a décollé de Batajnica où se trouve l'aérodrome militaire et qui
6 était piloté par des soldats.
7 Question: Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez rencontré M. Milosevic
8 à nouveau à la fin du mois de novembre ou au début du mois de décembre
9 1991, au sujet du plan Vance?
10 Réponse: C'est cela, effectivement, aux environs du 23 novembre.
11 Question: A cette date, le plan Vance avait-il déjà été accepté par M.
12 Milosevic, M. Kadijevic et M. Tudjman? Le savez-vous?
13 Réponse: C'est cela. En effet, il avait été accepté.
14 Question: De quoi avez-vous parlé avec M. Milosevic dans ces conditions?
15 Réponse: Milosevic m'a présenté les éléments fondamentaux de l'acceptation
16 du plan. Il m'a montré quels étaient les territoires concernés sur la
17 carte; il m'a montré donc sur la carte des parties en jaune qui étaient
18 les municipalités de Croatie et qui étaient concernées par le plan. Mais
19 certaines parties de certaines municipalités, et notamment les
20 municipalités de la SAO de Krajina et de la région nord de la Dalmatie, de
21 Lika et de Banja ne figuraient pas en jaune sur la carte. Mais il n'a pas
22 voulu parler de cela avec moi. Il m'a indiqué que je devrais en parler
23 avec la délégation internationale des Nations Unies qui se trouvait à
24 l'étage inférieur, dans un salon. Et là, j'ai retrouvé Vlatko Jovanovic
25 qui a interprété pour moi la conversation que j'ai eue avec des
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1 représentants du Conseil de sécurité des Nations Unies. Ces derniers m'ont
2 présenté la même idée que celle que lui venait de me présenter quelques
3 instants auparavant. J'ai pour ma part tenté de faire quelques
4 observations, les mêmes observations que celles que je ne cessais de
5 répéter depuis deux mois au moins.
6 Question: Monsieur Milosevic vous a-t-il demandé d'accepter le plan Vance
7 quand vous l'avez rencontré ce jour-là?
8 Réponse: Oui, il a demandé que nous fassions savoir que nous l'acceptions.
9 Question: L'avez-vous fait?
10 Réponse: Non, non.
11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avez-vous demandé des amendements au
12 plan? Et si oui, lesquels?
13 Milan Babic (interprétation): C'est cela, j'ai demandé que la JNA reste
14 en Krajina, que les forces de paix se déploient sur le front entre les
15 parties serbe et croate, ce qui était convenu d'appeler la ligne verte sur
16 le modèle de Chypre. J'ai demandé que l'on n'abandonne pas la Défense
17 territoriale de la SAO de Krajina, que les lois de Croatie ne s'appliquent
18 pas en SAO de Krajina.
19 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, peut-être pouvez-
20 vous demander au témoin de nous rappeler quels étaient les éléments
21 fondamentaux du plan. Après quoi, nous pourrons mieux comprendre pourquoi
22 le témoin a adopté le point de vue qui a été le sien.
23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, quels étaient les
24 points principaux du plan Vance? Vous venez de mentionner ces territoires
25 de couleur jaune sur la carte, mais quel était le destin promis à ces
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1 territoires?
2 Milan Babic (interprétation): C'était un plan provisoire qui devait
3 permettre la démilitarisation de ces régions, à savoir de plusieurs
4 secteurs indiqués sur la carte comme secteurs de Krajina Ouest, secteur de
5 Krajina Est; plus tard, il a été question également du secteur Nord et du
6 secteur Sud. La JNA devait donc se retirer de ces régions, toutes les
7 unités qui étaient encore présentes de la JNA devaient se retirer et les
8 forces armées qui demeuraient sur ces territoires devaient être
9 démantelées, y compris les unités de la Défense territoriale; toutes les
10 unités de volontaires devaient donc sortir du territoire de la Krajina. Je
11 parle des volontaires qui étaient arrivés sur ce territoire de
12 l'extérieur.
13 Donc quatre secteurs étaient établis, qui devaient être sous contrôle de
14 la police, donc d'hommes portant des armes à la ceinture et plus d'armes à
15 canon long. Et les structures démographiques devaient être conformes à
16 celles qui existaient avant le conflit, tout cela pour trouver une
17 solution politique au problème. Au point 1, il était déclaré que neuf
18 régions seraient créées, notamment en Croatie.
19 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?
20 M. Milosevic (interprétation): Je suis très fatigué de devoir lire sur
21 l'écran ce que dit ce témoin, parce que je ne l'entends absolument pas. Il
22 est tourné de l'autre côté, les interprètes l'entendent parce qu'il a un
23 micro destiné aux interprètes, mais, pour la langue serbe, il n'a pas de
24 micro. Il y a déformation de sa voix, je comprends tout à fait cette
25 mesure, mais, je vous en prie, demandez-lui de parler plus fort. Je suis
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1 certain que Me Tapuskovic n'entend rien non plus, mais il n'ose sans doute
2 pas se plaindre parce qu'il se sent mal à l'aise.
3 M. le Président (interprétation): Je crois que si Me Tapuskovic voulait se
4 plaindre, il le ferait. Cela ne fait aucun doute.
5 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, je me suis déjà
6 plaint une fois, mais je ne voulais pas vous ennuyer. Vous vous
7 souviendrez qu'avant hier, j'ai déjà dit que je n'entendais rien.
8 Vraiment, je n'entends rien. Je me suis plaint le premier jour. Quand il
9 explique des choses à huis clos, il parle plus fort et quand il parle en
10 audience publique, vraiment il parle de façon inintelligible.
11 M. Kwon (interprétation): Je remarque que M. Muller est debout.
12 M. Muller (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je souhaite
13 simplement vous informer du fait que mes écouteurs sont absolument
14 impeccables, parfaits, ce qui signifie que j'entends le témoin très, très
15 nettement, tout aussi nettement qu'en traduction anglaise.
16 M. le Président (interprétation): Merci. Nous avons entendu tous les
17 commentaires. Je crois que nous allons maintenant suspendre l'audience.
18 M. Kwon (interprétation): Est-ce que nous sommes à huis clos?
19 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May…
20 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant, je voudrais
21 parler au témoin.
22 Monsieur le Milan Babic, vous avez entendu ce qui vient d'être dit. Un
23 des problèmes qui se posent, c'est que vous donnez de très nombreux
24 détails dans votre déposition et il est important que chacun puisse suivre
25 et comprendre ce que vous dites, assimiler ce que vous dites. Et il est
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1 assez difficile de le faire compte tenu du nombre de détails que vous
2 fournissez -comme on vous l'a demandé d'ailleurs. Donc il serait peut-être
3 utile que vous parliez davantage dans le micro, que vous parliez à voix
4 plus haute, et, lorsque vous fournissez vos réponses, que vous ayez
5 l'amabilité de bien vouloir nous faire face à nous, les Juges, de façon à
6 ce que votre voix puisse être entendue dans toutes les parties du
7 prétoire. Donc tournez-vous vers nous plutôt que vers le Procureur. Voilà,
8 c'est la fin de mes commentaires.
9 Milan Babic (interprétation): J'ai compris.
10 M. Kwon (interprétation): Monsieur Milosevic, si vous n'entendez pas bien
11 ce que dit le témoin en serbe, je vous demande une nouvelle fois pourquoi
12 vous n'acceptez pas de mettre les écouteurs sur vos oreilles, car cela
13 vous permettrait de suivre très clairement.
14 Et puis, le deuxième point est le suivant: nous passons très souvent à
15 huis clos partiel, donc si vous avez des difficultés à suivre les propos
16 du témoin, pourquoi ne demandez-vous pas à vos collaborateurs d'entrer
17 dans le prétoire pour vous apporter leur aide? Je vous dis cela parce que
18 nous sommes à huis clos partiel en ce moment et cela vous permettra d'y
19 réfléchir.
20 M. Milosevic (interprétation): Je ne comprends pas, Monsieur Kwon, comment
21 quelqu'un peut me permettre ou m'aider à mieux entendre. Aucun de mes
22 collaborateurs ne peut m'aider à mieux entendre. Moi, j'ai posé une
23 question de nature technique; je disais simplement que je n'entendais pas
24 ce que le témoin disait, mais je n'ai absolument pas laissé entendre que
25 M. Muller n'entendait pas. Je crois tout à fait que M. Muller entend bien.
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1 Mais la remarque que j'ai faite concernait ma personne; j'ai dit que moi,
2 je n'entendais pas.
3 M. le Président (interprétation): Suspension de 20 minutes.
4 (L'audience, suspendue à 10 heures 31, est reprise à 10 heures 57.)
5 M. le Président (interprétation): Nous allons revenir en audience publique
6 pour aborder une question.
7 Mme Anoya (interprétation): Messieurs les Juges, nous sommes en audience
8 publique.
9 (Audience publique avec mesures de protection à 10 heures 57.)
10 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, nous nous sommes
11 saisis de la requête déposée par vous et M. Nice; nous vous l'accordons:
12 vous allez bénéficier de ces six journées. Cependant, nous nous attendons
13 à recevoir de votre part une liste de 14 témoins dans un délai de sept
14 jours.
15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, Monsieur le Président, nous
16 avons déjà retenu les noms de ces 14 témoins et nous pourrons déjà vous
17 les fournir dès demain.
18 M. le Président (interprétation): Fort bien. Merci beaucoup.
19 Oui, faut-il revenir à huis clos partiel?
20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Non, nous pouvons rester en audience
21 publique. J'aimerais apporter un éclaircissement sur certains points du
22 plan Vance, pour que tout soit clair, pour que soient clairement énoncées
23 les dispositions ou les suggestions.
24 Tout d'abord, Monsieur le Témoin, est-ce que le plan Vance prévoyait la
25 réintégration de ces trois SAO dans la République de Croatie, ceci dans le
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1 cadre d'une certaine période donnée?
2 Milan Babic (interprétation): Le plan n'en a pas fait état, pas de façon
3 directe, exception faite de l'introduction où il est question de régions
4 diverses sur le territoire de la Croatie. Le plan n'avait pas trait à la
5 solution politique parce que, explicitement, il avait été dit qu'une
6 solution politique devait être trouvée. Et le plan concernait la période
7 en attendant la solution politique. C'est ce qui figurait en alinéa 1.
8 Question: Et la disposition prévoyait une démilitarisation des trois SAO,
9 et il y aurait uniquement les forces de police qui resteraient dotées des
10 armes dont disposent, en général, les forces de police; est-ce à cela que
11 vous pensiez?
12 Réponse: C'est exactement la substance du plan; il s'agissait de
13 démilitariser ces régions.
14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce que ce plan prévoyait
15 l'arrivée de troupes des Nations Unies et ces troupes, où allaient-elles
16 être cantonnées?
17 Milan Babic (interprétation): C'est exact. Ce plan, outre la
18 militarisation ou plutôt après la démilitarisation, devait faire en sorte
19 que les effectifs de paix, les forces de paix des Nations Unies soient
20 réparties sur ces territoires pour contrôler les accès et les sorties dans
21 cette région. Et il fallait contrôler les entrées et les sorties pour que
22 l'on ne fasse pas entrer d'armes dans cette région.
23 M. Kwon (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, est-ce que nous avons ce
24 document dans notre classeur avec le plan Carrington, le plan Vance?
25 Peut-être qu'il serait utile, plus tard, de nous le fournir?
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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je ne suis pas au courant. Je ne
2 pense pas que ce soit le cas, Monsieur le Juge.
3 M. le Président (interprétation): Pourrions-nous avoir un exemplaire?
4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Si je vous ai bien compris et compris
5 vos inquiétudes, Monsieur le Témoin, certaines des zones ou régions
6 contrôlées par les Serbes n'étaient pas incluses dans ces zones qui
7 allaient être supervisées par les forces des Nations Unies?
8 Milan Babic (interprétation): C'est exact.
9 Question: Est-ce que, dans ce plan Vance, il y avait aussi une disposition
10 portant sur le retour des personnes déplacées, retour de ces personnes
11 dans ces territoires?
12 Réponse: C'est exact. Cela avait été l'un des objectifs, ou plutôt l'une
13 des missions de cette communauté internationale.
14 Question: Est-ce que, dans ce plan Vance, il y avait aussi une disposition
15 portant sur des effectifs conjoints de la police, avec des Croates et des
16 Serbes, dans ce territoire?
17 Réponse: C'est cela, c'est ce que j'ai dit. Cela devait être proportionnel
18 à la composition ethnique de la population avant le conflit.
19 Question: Témoin, au moment où l'on discutait du plan Vance -et vous avez
20 dit que ça a duré près de deux mois, il a fallu deux mois pour discuter
21 des avantages et des inconvénients de ce plan-, est-ce que, pendant ce
22 temps, la RSK a été établie, la République de la Krajina serbe?
23 Réponse: Oui, le 19 décembre 1991.
24 Question: Je vais demander l'aide de l'huissier pour présenter au témoin
25 l'intercalaire 68 de la pièce 351. Je vais uniquement demander au témoin
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1 d'y jeter un coup d'œil, nous n'allons pas en discuter dans le détail.
2 Est-ce qu'il s'agit ici de la Constitution et de la loi constitutionnelle
3 d'application de la création de la RSK en date du 19 décembre 1991?
4 (Intervention de l'huissier.)
5 Réponse: C'est exact.
6 Question: Pourquoi a-t-on formé la RSK, à l'époque? Dans quel objectif?
7 Réponse: La Conférence internationale de La Haye a constaté qu'il fallait
8 reconnaître toutes les Républiques de l'ex-Yougoslavie qui demanderaient à
9 être reconnues. En termes pratiques, cela signifiait que l'ex-Yougoslavie
10 s'était désintégrée, chose qu'avait d'ailleurs constatée la Commission de
11 Badinter, nommée en tant que telle par la Conférence. Et c'était la raison
12 pour laquelle l'une des parties des territoires de cette ex-Yougoslavie, à
13 savoir la SAO de Krajina se proclama comme étant une république.
14 Question: Et la République de Krajina serbe a-t-elle demandé à être
15 reconnue par la communauté internationale? A cet égard, je voudrais
16 soumettre au témoin les intercalaires 71.1 et 71.2 de la pièce 351.
17 (Intervention de l'huissière.)
18 Réponse: Oui.
19 Question: Est-ce que ce sont là les deux lettres envoyées à des
20 fonctionnaires internationaux?
21 Réponse: C'est exact.
22 Question: Est-ce que vous avez été reconnu?
23 Réponse: Non.
24 Question: Est-ce que le territoire de la RSK coïncidait avec le territoire
25 de la SAO de Krajina, ou est-ce que la RSK avait un territoire qui
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1 englobait le territoire des trois SAO, tel qu'il se présentait à l'époque
2 le 19 décembre?
3 Réponse: Le 19 décembre, la SAO de la Krajina est devenue la République
4 serbe de la Krajina. Ce jour-là, le Parlement de l'assemblée de cette
5 région de la Slavonie, de l'est de la Baranja et du Srem occidental a
6 proclamé son unification avec la République serbe de la Krajina. Et, deux
7 jours après, l'assemblée de la SAO de la Slavonie occidentale a également
8 proclamé son unification avec la Krajina.
9 Mais, avant le 26 février 1992, il n'y avait pas eu d'unification; c'est
10 alors que ces trois régions s'étaient constituées et réunifiées pour créer
11 une République serbe de la Krajina constituée par ces trois régions.
12 Question: Nous avons parlé du plan Vance, de ses dispositions. En matière
13 de démilitarisation de cette région, est-ce que vous -pas vous
14 personnellement mais les hommes politiques de la Krajina-, vous vous
15 opposiez à cette idée d'une démilitarisation?
16 Réponse: C'est exact.
17 Question: Et pourquoi vous y êtes-vous opposés?
18 Réponse: Parce que le plan de Vance était délimité sur une période de six
19 mois et qu'il fallait ensuite débattre de sa prolongation, de cette
20 prorogation. Dans ces conditions-là, la Krajina devait être démilitarisée,
21 alors que la Krajina ne devait pas l'être. Donc la Krajina pouvait
22 s'exposer à la possibilité de voir la Croatie imposer une solution
23 politique par les armes, par la force.
24 Question: Est-ce que vous vous opposiez également à l'arrivée des troupes
25 des Nations Unies?
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1 Réponse: A la conception de son arrivée. Pas au fait même, mais à la
2 conception. Parce qu'il s'agissait de mettre en place une ligne verte
3 suivant le modèle chypriote.
4 Question: Qu'est-ce que ça veut dire?
5 Réponse: Cela sous-entendait le fait de séparer les parties belligérantes,
6 la partie serbe et la partie croate, mais non pas la démilitarisation de
7 la région. A cet effet, il avait été demandé qu'il soit procédé à une
8 modification du plan Vance. Le plan a été accepté mais, à cet effet-là, on
9 a demandé qu'il soit modifié dans certain de ses segments.
10 Question: Est-ce que c'était vraiment une option que d'obtenir une
11 modification du plan Vance, ou est-ce que ceci était tout à fait hors de
12 question?
13 Réponse: D'après ce que j'en sais, il y avait une possibilité de le faire.
14 Et certains segments ont été modifiés pour ce qui est de la répartition
15 des troupes initiales, sur une période de six mois à un an. Le Secrétaire
16 général des Nations Unies a présenté au Conseil de sécurité un rapport; il
17 avait été donc proposé que l'on applique là la législation qui était
18 existante au préalable et non pas les nouvelles lois croates. Donc il
19 avait été question que la Défense territoriale soit incorporée dans la
20 police sans qu'il y ait des canons longs à sa disposition, mais cela n'a
21 pas été résolu. Il n'y a juste eu des débats à ce sujet. Donc certains
22 segments ont finalement été modifiés.
23 Question: Vous avez mentionné le fait que, pendant deux mois, les Serbes
24 de la Krajina se sont opposés au plan Vance. Est-ce qu'ils s'opposaient
25 tous à ce plan ou est-ce qu'il y a une certaine division au sein de la
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1 classe politique de la Krajina?
2 Réponse: Au début, tous étaient contre. Et petit à petit, le nombre des
3 hommes politiques qui acceptaient le plan augmentait, de la façon dont le
4 Président Milosevic l'avait accepté. A la fin, le Président de la
5 République et le gouvernement, une partie de l'assemblée avaient continué
6 à s'opposer à ce plan, demandant des modifications de ce dernier, et une
7 partie de l'assemblée et des hommes politiques de la Slavonie de l'Est et
8 de Srem occidental, ainsi qu'une partie de l'assemblée de la SAO Krajina
9 et certains autres hommes politiques avaient accepté. Donc l'assemblée
10 qui s'était réunie à Glina, le 9 février 1992, avait approuvé le plan
11 sous les pressions ou après les pressions qui provenaient du côté du
12 Président Milosevic et de la présidence de Yougoslavie, de l'état-major
13 général de l'armée de Yougoslavie, de la campagne de médias, etc.
14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Pouvons-nous passer à huis clos
15 partiel pour évoquer certains détails du plan Vance?
16 (Audience à huis clos partiel à 11 heures 11)
17
18 Mme Anoya : Nous sommes à huis clos partiel.
19 Mme Uertz-Retzlaff : Monsieur le Témoin, avez-vous assisté
20 à une réunion avec M. Milosevic, M. Karadzic et M. Koljevic, réunion
21 portant sur ce point le 23 décembre 1991?
22 Milan Babic (interprétation): C'est exact. Ce jour, lorsqu'il y a eu
23 l'élection du gouvernement, de la nomination ou l'élection du Gouvernement
24 de Serbie qui s'est fait au cabinet du Président Milosevic.
25 Question: Sans aborder cette discussion dans trop de détails, quelle fut
Page 13215
1 la position adoptée par vous, par Koljevic, Karadzic et Milosevic?
2 Réponse: Ma position avait été la même: à savoir le plan oui, mais avec
3 des modifications. Milosevic avait demandé qu'on l'accepte de façon
4 inconditionnelle et en totalité. Et il s'agissait pour moi de faire un
5 communiqué public. Koljevic demandait également que le plan soit accepté
6 sans modification. Milosevic, à la fin, m'a donné un papier et un crayon
7 et m'a dit: "Va dans l'autre pièce et rédige un communiqué". J'ai rédigé
8 un communiqué sur une page où j'ai présenté toutes mes positions; il a
9 pris son stylo et il a dit: "Je ne vais pas biffer, mais je vais souligner
10 ce qu'il faut que tu effaces." Et il a pratiquement souligné le tout, sauf
11 la phrase où l'on disait que le plan de Vance était accepté.
12 J'ai continué à m'opposer et il s'est levé, il a dit qu'il devait aller à
13 la séance du Parlement serbe et Radoman Bozovic devait conduire cette
14 session de l'assemblée. Il m'a dit: "Tiens, Radoman Bozovic peut t'aider."
15 Quand il est parti, Karadzic avait continué à essayer de me persuader
16 d'accepter. J'ai dit à Radovan: "Parlons maintenant de la Bosnie, si tu
17 veux bien". Et il est resté silencieux. Donc je m'en suis allé et j'ai
18 fait l'annonce publique que j'ai faite comme conformément à mon brouillon.
19 Question: Un éclaircissement. Je trouve dans le compte rendu d'audience
20 une remarque. Vous dites "Radovan Bozovic sera le Premier ministre de ce
21 gouvernement." Je ne comprends pas le contexte!
22 Réponse: Radoman Bozovic, j'ai dit Radoman Bozovic.
23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, mais qu'est-ce qu'il a à voir
24 avec le plan Vance et la discussion que vous avez eue avec M. Milosevic,
25 M. Karadzic également et M. Koljevic? Je ne comprends pas le contexte de
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1 ceci. Pourriez-vous nous donner une explication?
2 Milan Babic (interprétation): La prestation de serment de Radoman Bozovic
3 et des membres du nouveau gouvernement au sein du Parlement de Serbie
4 avait été la raison pour laquelle Milosevic avait dû quitter la réunion à
5 laquelle nous assistions. Donc il fallait qu'il quitte son bureau et qu'il
6 aille de l'autre côté de la rue au niveau du Parlement de Serbie.
7 M. le Président (interprétation): Il est difficile pour nous de comprendre
8 le contexte. A quoi devait servir cette remarque que vous venez de faire?
9 Quel était son sens?
10 Réponse: Eh bien, son sens… Quelle était la question que vous venez de
11 poser, Monsieur le Président?
12 M. le Président (interprétation): Le contexte.
13 Milan Babic (interprétation): Le contexte était le suivant: une fois que
14 Milosevic m'avait souligné dans ma déclaration tout ce qu'il fallait
15 biffer, il a quitté cette réunion pour la raison que je vous ai déjà
16 donnée. Il a quitté la réunion avec moi, Karadzic et Koljevic pour partir
17 dans le bâtiment d'en face et il m'a laissé pour que je discute de la
18 chose avec Karadzic et Koljevic. Et il a prononcé les paroles suivantes:
19 "Que Radovan, que Radovan t'aide à rédiger une déclaration différente."
20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, merci. Maintenant je crois que
21 nous avons compris.
22 Avez-vous également discuté du plan Vance avec le général Adzic? Avez-vous
23 discuté particulièrement avec lui de vos inquiétudes s'agissant de la
24 sécurité des Serbes en Krajina?
25 Milan Babic (interprétation): C'est exact. Je suis allé voir le général
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1 Adzic et je lui ai demandé que la JNA reste dans la Krajina. Il m'a
2 répondu que la JNA allait se retirer, mais que nous n'avions rien à
3 craindre parce qu'elle serait disposée, répartie sur les frontières de la
4 Bosnie, de l'autre côté de la Krajina et qu'il enverrait 10.000 gens de la
5 Krajina, 10.000 hommes de la Krajina faisant partie de la JNA sur le
6 territoire de la Bosnie face à la Krajina, pour le cas où la Croatie nous
7 attaquerait. Et il m'a dit qu'ils arriveraient à Knin avant l'armée croate
8 si besoin était. Je lui ai dit: "Mais, Général, vous croyez que la Bosnie
9 resterait en Yougoslavie si jamais la Bulgarie et la Turquie ont déjà
10 déclaré qu'elles allaient reconnaître l'indépendance de la Bosnie-
11 Herzégovine?" Il m'avait regardé avec étonnement et il avait dit que cela
12 n'avait aucun sens et que l'armée allait rester en Bosnie. Il avait
13 l'impression que l'armée resterait certainement en Bosnie quoique la
14 Bulgarie et la Turquie aient déjà reconnu l'indépendance de la Bosnie-
15 Herzégovine et que l'assemblée de la Bosnie-Herzégovine ait déjà fait une
16 déclaration parlant de cette Bosnie-Herzégovine.
17 M. Kwon (interprétation): Est-ce que la régie peut augmenter le volume?
18 Nous avons une interférence pour les canaux anglais et serbe.
19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Cela m'est déjà arrivé et je pense
20 que vous pouvez régler l'équilibre du son sur votre propre console.
21 M. Kwon (interprétation): Merci.
22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Dans le cadre de cette contestation
23 au niveau du plan, est-ce qu'il y a eu un échange de correspondance entre
24 vous et Milosevic en janvier 1992? Est-ce que vous avez échangé des
25 lettres publiques?
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1 Milan Babic (interprétation): C'est exact. Nous avons échangé des lettres
2 publiques et nous avons échangé aussi des courriers à titre privé. Le 8
3 janvier, un courrier m'a été envoyé par le Président Milosevic et m'est
4 parvenu au bout de quelques jours par la poste. Et cela a été publié dans
5 les médias, dans la "Politika", dans les autres quotidiens, à la
6 télévision. Quelques jours plus tard, j'ai rédigé une réponse qui était la
7 mienne et je l'ai faxée au Président Milosevic et aux médias.
8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vais demander l'aide de
9 l'huissière pour soumettre au témoin les intercalaires 79, 80 et 81 qui
10 portent sur ces lettres. Ce sont des lettres tout à fait spéciales, il
11 faut qu'elles soient déposées sous pli scellé et qu'elles fassent l'objet
12 de débats à huis clos partiel, ce qui est le cas en ce moment.
13 (Intervention de l'huissier.)
14 La pièce se trouvant à l'intercalaire 79 est une lettre.
15 M. le Président (interprétation): Quel classeur?
16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): C'est la pièce 352, Monsieur le
17 Président.
18 M. le Président (interprétation): Oui?
19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Pièce 79: est-ce bien là la lettre
20 écrite par M. Milosevic? Est-ce que la pièce se trouvant à l'intercalaire
21 80 est bien la lettre que vous, vous avez fournie en réponse?
22 M. Kwon (interprétation): Vous avez parlé de 78, 79; apparemment, ça,
23 c'est l'article de "Politika"?
24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): C'est vrai, Monsieur le Président.
25 C'est en fait la lettre publiée dans son intégralité dans le magazine
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1 "Politika"; c'est une publication intégrale de cette lettre.
2 M. le Président (interprétation): Apparemment, l'intercalaire 80, c'est la
3 correspondance entre les deux hommes, alors que, du moins dans mon
4 classeur, à l'intercalaire 79, se trouve l'article de "Politika".
5 M. Kwon (interprétation): Oui, 79, c'est une lettre ouverte de ce témoin à
6 M. Milosevic.
7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je ne sais pas pourquoi, moi, je n'ai
8 que la version BCS, plus exactement en serbe, en cyrillique, écriture que
9 je ne peux pas lire. Donc je n'ai pu que deviner la teneur de ce document.
10 Vous avez tout à fait raison, Monsieur le Juge: à l'intercalaire 79, se
11 trouve la lettre originale de M. Milosevic.
12 Est-ce que vous avez les originaux de ces lettres sur vous, Monsieur le
13 Témoin?
14 Milan Babic (interprétation): Oui, je les ai, mais ça se trouve chez mon
15 avocat qui est présent dans le prétoire.
16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Messieurs les Juges, avons-nous
17 besoin des originaux? Je ne sais pas si vous voulez les examiner. Ou est-
18 ce que nous pouvons nous occuper des copies?
19 M. le Président (interprétation): A moins qu'il n'y ait contentieux à
20 propos de ces lettres, je pense que nous pouvons poursuivre l'examen des
21 pièces que nous avons déjà.
22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): C'est bien mon avis aussi. Je ne veux
23 pas aborder ces lettres dans le détail, puisqu'elles se passent de
24 commentaires.
25 Je voulais simplement savoir ceci de votre part, Monsieur le Témoin: pour
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1 vous, ces lettres constituaient-elles une menace, incluaient-elles des
2 menaces de démission à votre égard? Est-ce qu'on vous menaçait de vous
3 démettre du poste que vous occupiez à l'époque?
4 Milan Babic (interprétation): Oui, c'est ce qui est dit dans la lettre du
5 Président Slobodan Milosevic. Il avait dit qu'il fallait me révoquer et
6 élire quelqu'un d'autre. C'est ce qui figure… enfin, c'est ce qui a été
7 dit d'une façon assez particulière. C'est ce qui figure dans la dernière
8 phrase de cette lettre.
9 Question: Où est-ce que vous trouvez cette remarque? Est-ce que vous
10 pourriez en donner lecture?
11 Réponse: Voilà la dernière phrase de cette lettre.
12 Question: Je vous en prie, veuillez lire cette phrase qui, d'après vous,
13 est une demande de limogeage.
14 Réponse: C'est ce qui est dit dans la lettre. On dit: "L'aide de la Serbie
15 au peuple de la Krajina ne sera pas remise en question en temps de paix,
16 mais les citoyens de la Krajina doivent forcément savoir qu'ils ont perdu
17 toute confiance de notre part de par leurs actes et que les relations
18 futures avec les autorités de la République de Serbie doivent voir
19 déléguer des gens, des personnes qui auront pour intérêt l'intérêt
20 national, l'intérêt du peuple, ce dernier se trouvant au-dessus de
21 l'intérêt ou du prestige politique personnel".
22 Question: Et qu'avez-vous répondu à cela dans votre lettre?
23 Réponse: Dans ma lettre, j'ai répondu que je comprenais que cela était une
24 incitation au limogeage de ma personne.
25 Question: Oui. Il n'est pas nécessaire d'aborder davantage ce détail
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1 puisque, je l'ai dit, cette lettre se passe de commentaire.
2 Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez également participé à la séance
3 de la Présidence prolongée, en date du 31 janvier 1992?
4 Réponse: C'est exact. Le 31, le 1er et le 2 février.
5 Question: Un autre témoin nous a déjà fourni des détails de cette réunion;
6 il n'en demeure pas moins que j'aimerais évoquer avec vous aussi certains
7 points. Vous avez dit qu'elle a duré trois jours. Est-ce que vous avez pu
8 quitter cette réunion quand vous le vouliez ou est-ce que vous n'étiez pas
9 autorisé à le faire?
10 Réponse: Non. Toute personne pouvait quitter la réunion, sauf moi. Je
11 devais forcément rester présent à la réunion en attendant de me voir me
12 prononcer en faveur de l'acceptation inconditionnelle et complète de ce
13 plan de Vance.
14 Question: Qui vous l'a dit? Qui vous a tenu ces propos ou de quelle façon
15 vous a-t-on forcé à rester jusqu'au moment où vous auriez changé d'avis?
16 Réponse: Branko Kostic pour la forme, mais Borislav Jovic, en fait, et il
17 y avait les autres membres de la Présidence, du grand état-major et
18 d'autres participants. La réunion a été conduite de façon à ce que cela
19 soit continué, diffusé en permanence par deux caméras pour que le public
20 sache bien que la session dure. Et quelqu'un avait dit que Milosevic avait
21 donné l'ordre que je ne pouvais pas quitter cette réunion avant que
22 d'accepter le plan de Vance. Et il a été fait deux pauses pour permettre
23 aux présidents des assemblées municipales de la Krajina de venir, aux
24 membres du gouvernement de la Krajina de venir. L'autre pause a été celle
25 où l'on m'avait permis de sortir pour faire venir, pour convoquer les
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1 présidents des assemblées municipales. Et je ne suis pas revenu: c'est
2 ainsi que je me suis enfui de cette session au troisième jour.
3 Question: Vous avez dit que quelqu'un vous avait dit que M. Milosevic
4 avait dit que vous n'étiez pas censé quitter cette réunion. Qui vous a dit
5 cela?
6 Réponse: Je pense que c'est soit Radoman Bozovic, le président du
7 gouvernement, le chef du gouvernement serbe, ou alors c'est par son biais
8 que quelqu'un d'autre m'a fait parvenir l'information. Et par la suite, en
9 1993, lorsqu'il m'a rencontré, Jovica Stanisic m'a dit que Milosevic lui
10 avait donné l'ordre de m'arrêter pour le cas où je m'en irais.
11 Question: A quelle occasion M. Stanisic vous a-t-il dit cela?
12 Réponse: En 1993, lorsqu'on avait célébré la journée de la police dans un
13 restaurant.
14 Question: Au cours de la réunion ou plutôt des pauses qui se sont faites
15 pendant cette réunion, est-ce que vous avez été intimidé, est-ce qu'on a
16 exercé des pressions ou proféré des menaces à votre encontre, d'une façon
17 ou d'une autre?
18 Réponse: Kadijevic disait qu'on pouvait me révoquer, qu'on pouvait me
19 faire tout un tas de choses. Et je leur ai dit qu'ils pouvaient très bien
20 le faire, mais que j'avais mon opinion, mon attitude et que j'allais en
21 rester là.
22 Adzic, le général Adzic voulait s'attaquer physiquement à un membre du
23 gouvernement; il avait traité de tous les noms, il avait traité les gens
24 de la Krajina de tous les noms; c'est ce qui m'a été rapporté par les
25 personnes qui avaient continué à prendre part à la réunion. Moi, j'étais
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1 sorti de la salle pour faire un communiqué à l'intention du public. Et
2 Adzic était énervé; il ne pouvait pas attendre que je revienne et il avait
3 demandé que la réunion continue en mon absence. Mais Jovic et Kostic ne
4 voulaient pas; et il avait été tellement irrité qu'il voulait s'attaquer
5 physiquement aux gens qui venaient de la Krajina.
6 Question: Est-ce que vous, vous vous êtes opposé au plan Vance-Owen
7 pendant tout ce temps, ou est-ce qu'à un moment donné vous avez changé
8 d'avis?
9 Réponse: J'ai défendu mon opinion jusqu'au bout. Mais j'ai ajouté, j'ai
10 complété ma proposition, au mois de février, en disant qu'on pouvait
11 mettre en place un protectorat complet des Nations Unies dans la Krajina;
12 cela nous permettrait de bénéficier d'un protection politique de la part
13 des Nations Unies en attendant de résoudre le statut du gouvernement de la
14 Krajina. Je m'excuse: c'était début mars de l'année 1992.
15 Question: La réunion autour du plan Vance a fait l'objet d'une discussion.
16 Vous avez dit que vous vous étiez enfui, que vous aviez quitté
17 pratiquement cette réunion. Quand vous êtes parti, est-ce que quelqu'un a
18 marqué son accord à ce plan Vance à votre place?
19 Réponse: C'est Mile Paspalj qui a été d'accord, avec le Président de
20 l'assemblée de la Krajina, j'entends. Et il a dit qu'en l'absence du
21 Président de la République, c'est lui qui dispose des attributions
22 nécessaires pour assumer les fonctions du Président de la République. Et
23 c'est dans cette fonction-là qu'il avait fait une déclaration en disant
24 que le plan était effectivement accepté.
25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pouvons revenir en audience
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1 publique, Monsieur le Président.
2 (Audience publique avec mesures de protection à 11 heures 31.)
3 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Alors que M. Paspalj acceptait ce
5 plan Vance, les hommes politiques de la Krajina qui étaient opposés à ce
6 plan, est-ce qu'ils ont maintenu leur opposition? Est-ce qu'ils ont même
7 appelé à tenir un référendum sur cette question dans la Krajina?
8 Milan Babic (interprétation): C'est exact. Une partie de l'assemblée et
9 des hommes politiques qui s'y opposaient ont fixé la tenue d'un référendum
10 pour que la population se prononce elle-même, avec deux questions. L'une
11 étant: êtes-vous favorable à l'adoption du plan Vance, de façon complète
12 et inconditionnelle, telle qu'acceptée par Kadijevic, Tudjman et les
13 autres, ou alors favorable à une modification de ce plan conformément aux
14 propositions formulées par le gouvernement de la Krajina.
15 Question: Vous avez déjà parlé de la session de l'assemblée à Glina, le 9.
16 Au cours de cette séance de l'assemblée…
17 En fait, est-ce que c'était une séance officielle convoquée par le
18 Président de l'assemblée? Est-ce que tous les membres de l'assemblée y ont
19 participé?
20 Réponse: Tous les délégués n'ont pas pris part. J'ai même appris qu'ils
21 étaient minoritaires. Mais il y avait une délégation en provenance de
22 Belgrade qui y avait pris part.
23 Question: Vous mentionnez le fait que la délégation de Belgrade y a
24 participé. Quels étaient les membres de la délégation de Belgrade à cette
25 réunion?
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1 Réponse: Les membres de la présidence de la RSFY, Branko Kostic, Jugoslav
2 Kostic, le chef de l'état-major général Adzic et certains autres généraux
3 avec leur escorte et les gens autour d'eux, le ministre chargé des Serbes
4 hors de Serbie. C'était une délégation assez nombreuse.
5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Messieurs les Juges, nous avons
6 préparé l'intercalaire 88 de la pièce 352; il s'agit d'une séquence vidéo,
7 un extrait d'une petite allocution faite par le président de la
8 présidence, M. Kostic…, ou plutôt le vice-président, à l'occasion de cette
9 séance de travail de Glina. Vous avez la transcription à cet intercalaire.
10 Vous disposez en fait de la totalité de l'allocution. Cependant, nous
11 n'allons diffuser que de la page 35 à la page 36. La page 35 à partir des
12 deux derniers paragraphes et la page 36 jusque vers le milieu de la page.
13 Lorsque vous serez prêt à la régie, envoyez la séquence.
14 (Diffusion de l'extrait vidéo.)
15 Est-ce qu'on voit ici la délégation de Belgrade qui arrive, Monsieur?
16 Réponse: Kostic. On voit Adzic. Son escorte.
17 (Interprétation de l'extrait vidéo.)
18 "-Journaliste: Docteur Kostic, bonjour. Bienvenue à Glina. Vous êtes venus
19 ici pour assister à l'assemblée au Parlement de la Krajina. Qu'attendez-
20 vous de cette session?
21 -M. Kostic: Nous sommes venus assez nombreux. Et, suite à des débats assez
22 importants au sein de la présidence de Yougoslavie, nous tenons à prendre
23 part aux débats de ce Parlement de la Krajina; d'une part, aux fins de
24 rejeter toutes les accusations qui ont été faites de façon injustifiée
25 parmi cette population disant que nous abandonnions cette dernière; et
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1 nous voulons dire, aux députés du Parlement de la Krajina serbe et à la
2 population de la Krajina, que ce sont là des mensonges, que nous sommes du
3 côté de cette population mais que nous tenons à les aider, dans la mesure
4 de nos possibilités, afin que la raison l'emporte et afin que cette
5 population et les députés de cette population comprennent que ce qui a été
6 obtenu par la guerre peut être défendu par des moyens de paix avec des
7 garanties des Nations Unies et avec le recrutement des Casques bleus.
8 -Journaliste: Je vous remercie au nom de la télévision de Novi Sad.
9 -M. Kostic: Merci aussi.
10 -Deuxième journaliste: Docteur Kostic, quel est le message que vous
11 adresseriez à la population de Glina et de la Krajina?
12 -Branko Kostic: Nous sommes et nous restons fermement aux côtés de ce
13 peuple. Et entre le choix de la guerre et de la paix, le moment est venu
14 de choisir la paix pour nous défendre, défendre ce que ce peuple a acquis
15 par les armes; et non pas en prolongeant la guerre à l'infini et avec la
16 possibilité de voir cette guerre s'élargir vers la Bosnie et englober,
17 enflammer la Yougoslavie toute entière, voire les Balkans, chose qui
18 pourrait résulter par la perte de ce que cette population a obtenu par la
19 guerre".
20 (Fin de l'extrait.)
21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pouvons arrêter ici. Merci.
22 Vous le voyez à la lecture de la transcription: après cet extrait, il y a
23 une courte allocution faite à l'assemblée et on énumère le nom de toutes
24 les personnes de Belgrade; ceci suit cet extrait, à la page 36. Inutile
25 d'en voir les images. Je pense que nous tous, y compris M. Milosevic et
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1 les amis de la Chambre, nous pouvons lire ces noms.
2 Vous avez déjà mentionné une autre session de l'assemblée à Glina. Est-ce
3 qu'il y en a eu une le 16 février 1992? Et est-ce que le Premier ministre
4 qui était alors en fonction a été démis de ses fonctions?
5 Milan Babic (interprétation): Oui, c'est le Président de la République de
6 la Krajina serbe qui a été démis de ses fonctions.
7 Question: Au cours des réunions suivantes qui ont eu lieu le 26 février
8 1992 notamment, est-ce que Goran Hadzic a été nommé, élu Président de la
9 RSK, le Président suivant?
10 Réponse: Oui, c'est exact.
11 Question: Et est-ce qu'il y avait des fonctionnaires de Belgrade qui
12 avaient assisté à cette séance? Le savez-vous?
13 Réponse: J'ai entendu dire qu'il y avait Budimir Kosutic; je ne sais plus
14 qui il y avait encore. On m'a dit qu'il y avait d'autres personnes, mais
15 je n'étais pas présent.
16 Question: Je vais demander l'aide de l'huissier pour que soit présentée au
17 témoin l'intercalaire 74 de la pièce 351.
18 (Intervention de l'huissier.)
19 Il s'agit de la décision prise par l'assemblée de la RSK le 26 février
20 1992. Dans cette décision, la SAO de Slavonie occidentale de Baranja et de
21 Srem occidental rejoint officiellement la RSK; est-ce bien exact?
22 Réponse: C'est exact.
23 Question: Inutile d'examiner de façon détaillée cette pièce.
24 Réponse: On constate qu'elles se sont associées pour faire le territoire
25 de la République de la Krajina serbe.
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1 Question: Je vous remercie. Goran Hadzic, quel poste occupait-il avant la
2 guerre?
3 Réponse: Goran Hadzic est devenu président du comité municipal du SDS
4 Vukovar en été 1990. Par la suite, il avait été élu pour être président de
5 ce conseil national serbe de la Slavonie de l'Est, de la Baranja et du
6 Srem occidental. Par la suite, il a été élu Président du Gouvernement de
7 cette région de la Slavonie orientale, de la Baranja et du Srem
8 occidental.
9 Question: Et quelle était sa profession avant la guerre?
10 Réponse: Je ne l'ai pas entendu me le dire, mais tous disaient qu'il avait
11 été magasinier, à savoir employé dans un entrepôt quelconque. Je ne sais
12 pas trop.
13 Question: Avez-vous eu l'occasion de le voir au cours de réunions?
14 Réponse: Oui. Pas mal de fois.
15 Question: Est-ce qu'il disposait des compétences politiques et
16 intellectuelles aptes ou suffisantes pour lui permettre de bien remplir
17 ses fonctions de Président de la RSK? Vous l'avez observé; avez-vous un
18 commentaire à faire?
19 Réponse: Je me sens plutôt mal à l'aise pour ce qui est de parler des
20 qualifications et des tâches qu'untel ou tel autre avait accomplies. Mais
21 ce que je puis dire, c'est qu'il n'était pas particulièrement éloquent. Et
22 pour ce qui est de son attitude politique, cela ne correspondait pas au
23 modèle d'homme politique qui était sous-entendu.
24 Mais les gens de la Slavonie de l'Est m'ont dit qu'il avait été élu à ces
25 fonctions parce qu'il avait été courageux, il avait fait preuve de
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1 courage, qu'il s'était opposé à la politique croate à Vukovar et qu'il
2 était le premier à bondir sur un tracteur; c'est ainsi qu'il est devenu
3 personnalité éminente là-bas.
4 Question: Et est-ce qu'il était une personnalité politique dominante au
5 sein de la RSK ou est-ce que c'était plutôt quelqu'un d'autre qui avait
6 cette fonction?
7 Réponse: Dans la RSK, il détenait le pouvoir sur les territoires… Enfin,
8 le pouvoir était détenu par Milan Martic et les structures parallèles qui
9 avaient fait partie des structures du pouvoir dans cette partie de la
10 Krajina.
11 Goran Hadzic, lui, résidait la plupart du temps à Novi Sad. Je ne sais pas
12 quelle avait été son influence en Slavonie orientale. Il venait ça et là
13 jusqu'à Knin.
14 Question: Vous parlez de cette structure parallèle qui entourait Milan
15 Martic. Est-ce la même structure parallèle que celle qui concernait
16 "Frenki", celle dont vous avez parlé auparavant et qui existait en 1991?
17 Réponse: C'est exact. Il convenait de dire que c'était, à l'époque, les
18 pouvoirs officiels au sein de la RSK.
19 Question: Vous avez déjà parlé de Badza Stojicic. Quelle était sa position
20 ou quels étaient les rapports qu'il entretenait dans la SAO de Slavonie
21 orientale, Baranja et Srem occidental?
22 Réponse: Il était commandant de la Défense territoriale dans cette région.
23 Question: Est-ce qu'il a exercé une influence sur M. Hadzic? Le savez-
24 vous?
25 Réponse: Pour autant que je le sache, Hadzic le mentionnait souvent et il
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1 en faisait de même pour un certain "Jajo" comme étant les personnalités
2 principales avec lesquelles il coopérait.
3 Question: Quel rapport M. Hadzic entretenait-il avec M. Milosevic? Avez-
4 vous pu faire des observations dans ce sens?
5 Réponse: C'était une attitude d'obéissance complète à l'égard de M.
6 Milosevic. Donc Hadzic était complètement à la botte de M. Milosevic.
7 Question: Et est-ce que M. Hadzic avait des rapports quelconques avec M.
8 Stanisic? Et, si c'était le cas, lesquels étaient-ils?
9 Réponse: Ils étaient très proches. Je sais que Stanisic l'accompagnait
10 souvent jusqu'à la présidence de Serbie. On disait également qu'il passait
11 la nuit chez Stanisic à Belgrade, lorsqu'il venait à Belgrade, donc il
12 était passé complètement sous son contrôle de Stanisic. Il me semble
13 qu'une fois, il avait même porté un uniforme de camouflage dans Belgrade
14 sur incitation de Stanisic lorsqu'il venait à une réunion chez M.
15 Milosevic.
16 Question: Je vais demander l'aide de l'Huissière pour que soit présenté au
17 témoin l'intercalaire 84 de la pièce 352. Il s'agit d'une photographie. Je
18 vais demander qu'on la pose sur le rétroprojecteur.
19 (Intervention de l'huissière.)
20 Pouvez-vous nous dire où ces photos ont été prises et seriez-vous en
21 mesure de nous indiquer qui est M. Hadzic, pour autant qu'il figure bien
22 sûr sur cette photographie?
23 Réponse: Ceci est une photographie prise le 31 janvier 1992. C'est une
24 photo de la présidence élargie de la RSFY.
25 Question: Est-ce que l'on voit M. Hadzic sur l'une de ces photos? Si c'est
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1 le cas, où?
2 Réponse: On voit des membres de son gouvernement ici.
3 Question: Est-ce qu'on peut déplacer la photo?
4 Réponse: Ici, ce sont des membres de son gouvernement, mais lui, on ne le
5 voit pas. Il ressemble à cet homme-ci, mais cet homme s'appelle Rade
6 Leskovac, me semble-t-il.
7 Question: Je vous remercie infiniment. Donc il ne figure pas sur ces
8 photos. Merci.
9 Réponse: Non, je ne le vois pas.
10 Question: Merci.
11 Madame l'Huissière, nous n'avons plus besoin de cette pièce.
12 (Intervention de l'huissière.)
13 Monsieur le Témoin, vous nous avez parlé des dispositions du plan Vance.
14 Dites-nous ceci: ce plan Vance, Monsieur le Témoin, est-ce qu'il a jamais
15 été mis en oeuvre dans la Krajina ou dans la RSK?
16 Réponse: Non.
17 Question: Est-ce que les territoires ont été démilitarisés?
18 Réponse: Non.
19 Question: Pourquoi pas?
20 Réponse: Parce que les armes et les équipements militaires n'ont pas
21 quitté la région, pas en totalité. La majeure partie de ces équipements et
22 armes a été cachée, dissimulée. La police de la Krajina a continué à
23 disposer de ces armes-là et il est resté sur place des formations armées,
24 des formations militaires armées.
25 Par la suite, vers le début de l'année 1993, on a sorti également les
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1 armes lourdes des entrepôts qui étaient surveillés par les effectifs des
2 forces de paix. Une fois de plus, il a été donné le nom d'armée serbe à
3 ces effectifs armés de la RSK qui existaient depuis mai 1992, en fait.
4 Question: Est-ce que des unités de police pluriethniques, comprenant donc
5 des Croates et des Serbes, ont été établies?
6 Réponse: Non.
7 Question: Est-ce que des Croates sont effectivement rentrés dans leurs
8 villages?
9 Réponse: Non.
10 Question: Et pourquoi ne sont-ils pas rentrés?
11 Réponse: On ne les a pas laissés revenir, les autorités de la Krajina ne
12 les ont pas laissés revenir.
13 Question: Vous parlez des autorités de la Krajina, qu'est-ce que vous
14 voulez dire? De quelle façon a-t-on empêché le retour de ces Croates?
15 Réponse: C'est la police qui les a empêchés, c'est Martic. Et la décision
16 politique prise par le gouvernement a été de cette nature.
17 Question: Est-ce que M. Milosevic était impliqué, d'une façon ou d'une
18 autre, dans ces réactions au plan Vance?
19 Réponse: Excusez-moi, mais pouvez-vous reprendre votre question?
20 Question: Vous avez mentionné le fait que les autorités de la Krajina
21 n'avaient pas mis en oeuvre le plan Vance et je posais la question de
22 savoir si, d'une façon quelconque, M. Milosevic avait participé à cette
23 action et influé sur les autorités de la Krajina pour qu'elles ne le
24 fassent pas?
25 Réponse: Oui, Milosevic avait procédé à la militarisation. En d'autres
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1 termes, il avait appuyé, soutenu les positions aux termes desquels il
2 n'était pas question de démilitariser. Il s'agissait, au contraire,
3 d'apporter son soutien à la militarisation, à la création de formations
4 militaires, à la création d'une autre armée dans la Krajina, une armée
5 serbe de la RSK, et il a nommé les commandants, les a financés, leur a
6 apporté appui logistique, le tout jusqu'en 1995. Août 1995, pour être
7 précis.
8 Question: Vous avez dit que la JNA avait quitté la RSK. A quel moment, ce
9 retrait a-t-il commencé et quand s'est-il terminé?
10 Réponse: Le retrait de la JNA depuis la Croatie, en passant par la
11 Krajina, a commencé en octobre 1991. Les garnisons de Zagreb, de Zadar, de
12 Sibenik et de Sinj, et d'autres localités se sont retirées par voie
13 maritime, chose que je n'ai pas vue mais j'ai entendu parler de la chose.
14 Et pour ce qui est du retrait depuis la Krajina, cela s'est terminé en mai
15 1992.
16 Question: Je vais demander l'aide de l'huissière pour présenter deux
17 pièces au témoin: l'intercalaire 75 et l'intercalaire 76 de la pièce 351.
18 (Intervention de l'huissière.)
19 Intercalaire 75: il s'agit d'une décision prise par l'assemblée de la RSK,
20 en date du 18 mai 1992, modifiant la Constitution de la République de la
21 Krajina serbe et constituant une armée de la RSK. L'autre pièce date de
22 1993: décision de l'assemblée de la RSK du 21 avril 1993 pour modifier la
23 structure de l'armée serbe de la RSK. Il fallait pour ça une modification
24 de la Constitution de la RSK, pour changer la structure de l'armée et son
25 commandement. Et c'est fait par cette décision.
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1 S'agit-il ici de l'armée dont vous avez parlé, il y a un instant à peine?
2 Réponse: Oui, c'est bien cela.
3 Question: Je vous remercie. Je vais simplement vous renvoyer à un document
4 D12.
5 On voit l'article 1er: "La République de Krajina serbe aura une armée
6 serbe en temps de paix. En temps de paix, l'armée se composera d'unités de
7 Défense territoriale. Et s'il y a menace imminente de guerre et en temps
8 de guerre, des unités d'affectation spéciale de la police rejoindront
9 l'armée serbe".
10 Mais de quelles forces spéciales de la police parle-t-on dans cet article?
11 Qu'est-ce que cela veut dire précisément?
12 Réponse: Les unités spéciales de la police qui existaient dès 1991! Et
13 c'est la chose dont nous avons déjà débattu ici, auparavant. Ce sont les
14 unités qui avaient commencé à se constituer en avril 1991.
15 Question: Oui. Monsieur le Témoin, cette armée serbe de la Krajina, est-ce
16 qu'elle a repris à son compte les biens, propriétés de la JNA, ainsi que
17 les armes que la JNA avait laissées derrière elle?
18 Réponse: C'est exact. Une partie des armes a été dissimulée à l'occasion
19 du retrait de la JNA, et en 1993, on a repris les armes qui se trouvaient
20 dans les entrepôts gardés par les effectifs des forces de paix.
21 Question: Nous avons déjà parlé de la dépendance financière. Mais, ici,
22 est-ce qu'il s'agissait d'une armée indépendante?
23 Réponse: Oui, cela faisait partie de la structure militaire de la
24 Yougoslavie.
25 Question: Sur quoi vous basez-vous? De quelle façon y avait-il une partie
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1 de dépendance? Comment est-ce que c'était une partie de la structure de la
2 Yougoslavie?
3 Réponse: La plupart des cadres du commandement étaient des officiers
4 actifs de l'armée de Yougoslavie qui étaient sur les listes de paix et qui
5 étaient à la solde du grand état-major de l'armée yougoslave qui était
6 nommé et placé là par le département chargé du personnel du grand état-
7 major de la JNA. Et ces commandants de l'armée ont, en réalité, été nommés
8 par le Président de la Serbie qui est devenu par la suite Président de la
9 Yougoslavie, à savoir Slobodan Milosevic. Elle a été financée, elle a
10 bénéficié du soutien logistique en provenance de Yougoslavie. Et pour ce
11 qui est de la Krajina, elle fournissait les effectifs, les hommes, mais
12 cela fournissait une couverture juridique officielle pour son
13 fonctionnement.
14 Question: J'aimerais maintenant que nous avancions un peu dans la
15 chronologie des rencontres que vous avez eues avec M. Milosevic.
16 J'aimerais savoir si, en 1994, des responsables de la RSK ont participé à
17 des négociations avec les autorités croates? Etes-vous au courant de cela?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Quand ces représentants se rendaient à des rencontres avec des
20 représentants des autorités croates, avaient-ils au préalable des contacts
21 avec M. Milosevic?
22 Réponse: C'est cela. En effet, c'est exact. Son approbation était demandée
23 et le contenu des entretiens était déterminé par lui. Il suivait également
24 les discussions pendant leur déroulement et était informé de l'avancée des
25 débats.
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1 Question: Est-ce que vous deviez lui demander son accord avant de vous
2 engager sur tel ou tel point?
3 Réponse: Oui, c'est cela, cela se passait formellement par voie de
4 consultation, mais en réalité c'est lui qui décidait si un accord devait
5 être donné, et sur quoi.
6 Question: Que se serait-il passé si telle ou telle personne prenait une
7 décision isolée sans consulter au préalable M. Milosevic? Le savez-vous?
8 Réponse: Ça, ce n'était pas possible parce que des personnes dans cette
9 situation en auraient subi les conséquences. Et il y a même eu parfois des
10 sévices physiques, des emprisonnements à l'occasion de l'accord bien connu
11 de Daruvar des gens ont été emprisonnés. Il s'agissait de personnes qui
12 avaient pris des engagements indépendants vis-à-vis de la Croatie. Et puis
13 l'exemple de (expurgée) est là pour le prouver également.
14 Question: Des responsables de la Krajina ont-ils, à quelque moment que ce
15 soit, pris des engagements vis-à-vis des Croates sans consultation
16 préalable ou accord de M. Milosevic au préalable?
17 Réponse: Je crois que c'est peut-être le cas de cet accord de Daruvar, je
18 n'en suis pas sûr. Mais ce dont je suis sûr c'est que le plan Z-4 a été
19 approuvé, adopté en présence de l'ambassadeur Albright et sans l'accord de
20 M. Milosevic, en tout cas avant une quelconque demande d'accord de sa
21 part.
22 Question: Quelle est la nature des négociations qui ont eu lieu avec les
23 Croates en 1994? Ces négociations portaient-elles sur la recherche d'une
24 solution politique ou uniquement sur des questions économiques?
25 Réponse: Depuis la mi-1994 et jusqu'au début de 1995, il était question
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1 d'un accord censé régler les rapports économiques avec la Croatie,
2 approvisionnement en carburant, problème d'électricité, approvisionnement
3 en eau, création d'autoroutes, problèmes liés aux voies ferroviaires, etc.
4 Question: Monsieur Milosevic vous a-t-il autorisé à accepter de tels
5 rapports économiques?
6 Réponse: Oui, oui, oui, il a même pris une part active à la rédaction de
7 l'accord, y compris pour ce qui concerne le nom de l'entreprise mixte qui
8 devait être créée.
9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, j'aimerais
10 maintenant que nous parlions d'une rencontre qui s'est tenue le 5
11 septembre 1994. Je demande un huis clos partiel.
12 (Audience à huis clos partiel) [Confidentialité levée par une ordonnance de
13
14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin,
15 avez-vous participé à une rencontre en septembre 1994 à laquelle
16 participaient également M. Martic et M. Mikelic? Et si oui, quel a été le
17 sujet discuté ce jour-là?
18 Milan Babic (interprétation): J'étais présent à cette réunion, Jovica
19 Stanisic y était également. Nous étions chez Milosevic et c'est lui qui a
20 commandé un déjeuner pour nous tous dans les locaux où nous nous
21 trouvions; dans une pièce voisine du bureau où nous étions, une pièce
22 assez sombre. C'était assez étonnant. Au cours de la réunion, il a
23 critiqué Martic parce que ce dernier avait déclaré qu'il soutenait Radovan
24 Karadzic au sujet des projets prévus pour la Bosnie-Herzégovine.
25 Question: Je vous demande un éclaircissement: qui a critiqué M. Martic,
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1 Monsieur Stanisic ou M. Milosevic?
2 Réponse: Monsieur Milosevic a dit: "Martic, je ne veux pas que tu
3 deviennes un deuxième Karadzic." Et l'autre riait, il avait une espèce de
4 sourire honteux. Je parle de Martic. Et il a dit: "Mais Babic lui-même est
5 en connivence avec les religieux."
6 C'est une phrase dans laquelle il donnait un sens politique. Et donc j'ai
7 répondu: "Il s'agit de l'aspect spirituel des choses, c'est mon choix
8 personnel." Voilà, je dis cela parce que je viens de m'en souvenir.
9 Question: Monsieur le Témoin, vous avez dit que M. Milosevic a critiqué
10 Martic parce qu'il avait appuyé Radovan Karadzic, mais en rapport avec
11 quoi?
12 Réponse: Milosevic exerçait des pressions sur Karadzic et sur l'assemblée
13 de la Republika Srpska pour qu'elle accepte le plan de la communauté
14 internationale prévoyant une solution pacifique pour la Bosnie-
15 Herzégovine. C'était au mois d'août. Et l'assemblée de la Republika Srpska
16 a rejeté ce plan, après quoi Milosevic a imposé un blocus de la Republika
17 Srpska.
18 Question: De quelle façon M. Martic avait-il appuyé M. Karadzic? Qu'avait-
19 il dit ou fait en public à cet égard?
20 Réponse: Oui, oui, il avait appuyé Karadzic publiquement en disant qu'il
21 fallait rejeter le plan. Il a même voté dans ce sens, parce qu'un
22 référendum a été organisé dans cette période sur le territoire de la
23 Republika Srpska à Drvar. Il a voté dans ce sens alors qu'il n'était pas
24 électeur de la région.
25 Question: Vous avez dit que, formellement, M. Milosevic avait imposé un
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1 blocus. Mais quelque chose s'est-il passé de façon non formelle, de façon
2 informelle?
3 Réponse: Je sais que de façon informelle il y a eu des livraisons de
4 carburant et une aide apportée à l'armée de la Republika Srpska par M.
5 Milosevic.
6 Question: Comment le savez-vous?
7 Réponse: Je le sais en raison d'une rencontre qui s'est tenue à Bijeljina,
8 dont j'ai déjà parlé, où Stanisic et Karadzic ont demandé que certains
9 paiements soient effectués.
10 Question: Monsieur, je vous interromps: vous n'avez pas besoin de répéter
11 ce que vous avez déjà dit. Mais auriez-vous quelque chose à ajouter à ce
12 que vous avez déjà dit? Disposez-vous d'informations supplémentaires
13 montrant qu'il poursuivait son appui?
14 Réponse: Après mon arrivée à Belgrade, en 1995, j'ai appris qu'aux
15 environs de Srebrenica, l'armée de la Yougoslavie avait participé aux
16 opérations de guerre menées aux environs de Srebrenica, en ayant donc
17 franchi la rivière Drina.
18 Question: Qui vous a dit cela?
19 Réponse: Des gens de Perucac, qui est une localité située au bord de la
20 Drina en Serbie, sur la rive opposée donc.
21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pouvons revenir en public,
22 Monsieur le Président.
23 (Audience publique avec mesures de protections à 12 heures 08.)
24 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous venez de parler, Monsieur le
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1 Témoin, du plan Z-4. Quels étaient les principaux points évoqués dans ce
2 plan Z-4?
3 Milan Babic (interprétation): Ce plan avait pour objectif de faire en
4 sorte que le territoire de la RSK -qui s'était appelé par le passé Région
5 autonome serbe de Krajina et qui, dans le cadre des secteurs Nord et Sud,
6 était protégé par les Nations Unies-, donc le but était que cette région
7 obtienne des structures politiques officielles en tant que territoire
8 autonome de la République de Croatie. Il s'agissait donc de créer un
9 parlement, un gouvernement, un certain nombre d'institutions, une monnaie
10 qui devait être frappée par la banque nationale croate. Et ce plan était
11 censé déterminer un certain nombre d'attributions pour la police, les
12 tribunaux, dans le cadre d'une autonomie plus importante.
13 Question: Qui a émis les propositions contenues dans le plan Z-4? Etait-ce
14 une proposition internationale?
15 Réponse: Ce plan a reçu ce nom parce qu'il a été le fruit du travail de
16 quatre ambassadeurs présents à Zagreb, donc des représentants de la
17 communauté internationale.
18 Question: Au compte rendu d'audience, un peu plus haut, en page 61 du
19 compte rendu, ligne 14, en anglais, il est mentionné que l'ambassadeur
20 Albright avait accepté le plan Z4. Ceci est-il exact? Est-ce l'ambassadeur
21 Albright?
22 Réponse: Il s'agit de Galbraith, Galbraith qui était ambassadeur à Zagreb
23 et qui est le principal auteur et, en fait, à l'origine de ce plan. Peter
24 Galbraith.
25 Question: Ce plan impliquait-il la réintégration des trois régions
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1 composant la RSK: à savoir la Krajina, la Slavonie occidentale et la
2 Slavonie orientale au sein de la République croate?
3 Réponse: C'est cela. Pour la Slavonie orientale, il y avait une période
4 transitoire de cinq ans qui était prévue. Et pour la SAO de Krajina,
5 l'autonomie territoriale devait être importante au sein de la République
6 de Croatie. Alors que pour la Slavonie occidentale, la question devait
7 être réglée immédiatement.
8 Question: Les représentants politiques de Krajina, qui occupaient donc des
9 postes officiels, ont-ils accepté ce plan Z-4, les représentants de la
10 RSK?
11 Réponse: Au début du mois de mars 1995, les représentants politiques de la
12 Krajina ont rejeté ce plan; à moins que ce ne soit à la fin du mois de
13 février 1995. Et ce plan a finalement été accepté par le Premier ministre
14 de la République serbe de Krajina, en août 1995.
15 Question: Lorsque vous parliez de février et de mars, vous parliez de
16 quelle année: de 1995 également?
17 Réponse: Oui, en effet.
18 Question: Qui s'est opposé au plan Z-4?
19 Réponse: Le Président de la République de Serbie, sur instruction de Milan
20 Martic qui, une demi-heure avant la rencontre prévue avec les
21 représentants internationaux, a dit que le Président Milosevic avait
22 déclaré que "ce plan ne devait même pas être examiné".
23 Question: Quand M. Milan Martic a-t-il consulté M. Milosevic? Et de quelle
24 période parlez-vous lorsque vous parlez d'une rencontre avec les
25 représentants de la communauté internationale?
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1 Réponse: C'était au cours de cette semaine qui, si je ne m'abuse, était à
2 la fin février ou au début du mois de mars. Je ne sais plus si c'était un
3 lundi ou un mardi. Mais, en tout cas, au début de la semaine, Martic est
4 allé à Belgrade pour consultation. Et le jeudi, l'annonce du Conseil de
5 défense suprême de la République serbe de la Krajina a été faite, c'était
6 une annonce négative au sujet du plan. Et par la suite, le lundi suivant,
7 une rencontre a eu lieu avec les représentants de la communauté
8 internationale, au cours de laquelle Martic a déclaré, donc une demi-heure
9 avant le début de la rencontre, que Milosevic avait dit que le plan ne
10 devait même pas être examiné. Et durant la rencontre avec les
11 représentants de la communauté internationale, M. l'Ambassadeur a tenté de
12 lui remettre le plan; il n'a même pas voulu le prendre dans ses mains.
13 Question: Ce jour-là donc, est-ce que les autorités de la Krajina ont
14 rejeté le plan, au cours de cette rencontre dont vous parlez avec les
15 représentants de la communauté internationale?
16 Réponse: Ce plan n'a même pas été pris en considération, n'a même pas été
17 examiné, donc il s'ensuit qu'il n'a pas été accepté.
18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous avons besoin d'un huis clos
19 partiel, Monsieur le Président, pour traiter d'une rencontre à laquelle a
20 participé le témoin. (Audience à huis clos partiel à 12 heures 14)
21
22 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à huis clos partiel.
23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avez-vous personnellement parlé avec
24 M. Milosevic de ce plan Z-4?
25 Milan Babic (interprétation): Oui, au début du mois d'avril 1995.
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1 Question: De quoi avez-vous discuté avec lui?
2 Réponse: C'est lui qui, le premier, a évoqué le plan en disant que le plan
3 Z-4 était bon, mais qu'il faudrait diviser dans le sens de la longueur le
4 territoire de la municipalité de Slunj. Il n'a pas donné d'explications
5 plus étendues sur ce point. Ensuite, les événements survenus à Livanjsko
6 Polje ont été discutés, ainsi que les événements survenus dans l'intérieur
7 du territoire environnant Knin, donc les attaques du HVO contre Knin. J'ai
8 déjà parlé de cela.
9 Et puis il a ajouté qu'il n'y avait pas 300.000 personnes en Krajina et 4
10 millions de Croates, mais que toute la logistique de Serbie était derrière
11 les Serbes de Krajina.
12 Voilà, c'est ce qui a été discuté au cours de cette réunion.
13 Question: Monsieur le Témoin, vous avez déclaré que M. Milosevic était
14 favorable au plan Z-4 lorsqu'il vous en a parlé. Est-ce que ceci est bien
15 certain? Est-ce que la seule remarque qu'il a eu à faire concernait cette
16 municipalité de Slunj?
17 Réponse: Apparemment, oui. Mais, avec lui, on ne pouvait jamais être sûr
18 que ce qu'il disait correspondait tout à fait à ce qu'il pensait. Moi, en
19 tout cas, je ne me sentais jamais certain de ce qu'il disait.
20 Question: Vous avez déjà parlé de cette rencontre où il a été question des
21 combats qui se déroulaient en même temps en Bosnie, avec participation de
22 Milan Martic et de ses forces. Vous avez déjà parlé de la région de Livno
23 et de ce geste fait par M. Milosevic qui impliquait un certain nombre de
24 sous-entendus.
25 Des combats se déroulaient-ils également, à l'époque dans la zone de Bihac
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1 avec participation également des forces de la RSK?
2 Milan Babic (interprétation): Oui. Ça, c'était une deuxième étape.
3 M. le Président (interprétation): Je vois l'heure, il est déjà un peu plus
4 de midi et quart. Pouvons-nous revenir en audience publique?
5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.
6 M. le Président (interprétation): Bien. Pause de 20 minutes.
7 (L'audience, suspendue à 12 heures 18, est reprise à minute à 12 heures
8 40.)
9 (Audience publique avec mesures de protection.)
10 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique, Monsieur le
11 Président.
12 M. le Président (interprétation): Vous pouvez procéder.
13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, merci.
14 J'indique à votre intention, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
15 que nous en sommes arrivés au paragraphe 280 du résumé de la déposition de
16 ce témoin. Et j'aborderai également le paragraphe 312, car il porte sur le
17 même contexte. Cela nous permettra d'avancer plus rapidement. Monsieur le
18 Témoin, la participation de Martic ou plutôt les forces de la RSK aux
19 opérations en Bosnie, M. Martic et les forces de la RSK ont-elles
20 participé au combat en Bosnie-Herzégovine dès l'été 1992?
21 Milan Babic (interprétation): C'est cela. Dans ce qu'il était convenu
22 d'appeler le corridor en Bosnie-Herzégovine.
23 Question: S'agit-il du corridor de Posavina?
24 Réponse: C'est cela.
25 Question: En quoi résidait l'importance de ce corridor de Posavina pour
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1 les Serbes de Bosnie-Herzégovine et pour les Serbes de la Krajina?
2 Réponse: C'était le lien qui permettait de relier la Krajina de Bosnie et
3 la République serbe de Krajina à la Serbie ou plutôt à la République
4 fédérale yougoslave.
5 Question: Dans quelle période les forces de la RSK et Milan Martic ont-ils
6 participé aux combats en 1992?
7 Réponse: Au début de l'été 1992, ils y étaient déjà au mois de juin, à la
8 fin du mois de juin.
9 Question: Qui était responsable des opérations menées dans le corridor de
10 Posavina?
11 Réponse: L'armée de la Republika Srpska donc le général Mladic.
12 Question: Vous avez déjà parlé des combats qui ont eu lieu en 1994/1995
13 dans la zone de Livno en Herzégovine. Et juste avant la pause, je vous ai
14 posé la question de savoir si les forces de la RSK ont également participé
15 aux combats qui se sont déroulés aux environs de Bihac?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Quelles étaient les forces présentes des deux côtés? Qui
18 combattait contre qui à Bihac?
19 Réponse: D'un côté, on trouvait le 5e Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine,
20 qui défendait donc son territoire attaqué par les forces de l'armée de la
21 Republika Srpska, et par les forces de la RSK qui comprenaient l'armée
22 serbe, la police et les services secrets serbes, la sûreté, ainsi que,
23 excusez-moi, les forces de Fikret Abdic.
24 Question: Les forces policières et la sûreté de Serbie qui ont participé à
25 ces combats, qui les commandait?
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1 Réponse: On m'a dit que c'était "Frenki" qui les commandait, donc la
2 sûreté de Petrova Gora.
3 Question: Qui vous a dit cela?
4 Réponse: Des gens de Kordun, des membres du gouvernement de la Krajina.
5 Question: Cette participation des forces de la RSK aux combats en Bosnie-
6 Herzégovine a-t-elle causé des problèmes s'agissant de la position de la
7 RSK vis-à-vis de la communauté internationale et des autorités croates?
8 Réponse: C'est cela. En 1994 et notamment 1995, cela a compromis
9 grandement la position de la RSK vis-à-vis de la communauté internationale
10 parce que la zone de Bihac était une zone protégée par la communauté
11 internationale.
12 Question: Ceci a-t-il accru un danger d'attaque généralisée par les forces
13 croates contre la RSK?
14 Réponse: C'est cela. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'armée
15 croate et le HVO du territoire de Bosnie-Herzégovine ont lancé une
16 offensive pour débloquer la zone de Bihac. C'est ce qui a été dit
17 publiquement par le Gouvernement croate s'agissant de la Bosnie-
18 Herzégovine. Et c'est cela qui a provoqué une séparation entre la
19 République serbe de Krajina et la Republika Srpska, d'une part, et la
20 Yougoslavie, de l'autre.
21 Question: Les autorités de la RSK et de la Republika Srpska avaient-elles
22 conclu un accord d'entraide dans cette période?
23 Réponse: Je sais qu'un accord avait été conclu entre Martic et Karadzic,
24 donc entre les autorités de la Republika Srpska et celle de la République
25 serbe de Krajina, et que cet accord portait sur un certain nombre de
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1 brigades de l'armée de la Republika Srpska qui déclaraient vouloir aider
2 l'armée de la RSK. Quant aux autres éléments de l'accord, je n'en ai pas
3 une connaissance certaine; il s'agissait de huit brigades.
4 Question: Avec l'aide de Mme l'huissière, j'aimerais que l'on soumette au
5 témoin la pièce à conviction 352, intercalaire 96.
6 Monsieur le Témoin, il s'agit là d'un document datant du 30 juillet 1995,
7 qui traite d'une visite de M. Akashi, le représentant spécial du
8 Secrétaire général des Nations Unies, et d'autres personnes, en rapport
9 avec un projet de d'accord.
10 (Intervention de l'huissière.)
11 Le projet d'accord dont il est question dans ce document est-il le plan Z-
12 4?
13 Réponse: Non. Cette rencontre était prévue pour discuter des conditions
14 dans lesquelles le plan Z-4 serait mis en oeuvre. Et, dans ce texte, il
15 est question d'un accord relatif au désengagement de l'armée de la RSK
16 dans la poche de Bihac. D'ailleurs, pour être plus précis, je dirai qu'il
17 ne s'agissait pas d'un accord en tant que tel; c'était l'annonce d'un
18 futur accord, l'annonce donc de l'approbation des propositions faites par
19 M. Akashi à la direction de la RSK.
20 Question: La proposition consistait à dire qu'aucun soldat ne
21 participerait aux combats dans la poche de Bihac. L'accord prévoyait
22 également la fin de toute action de la part de soldats venant de l'autre
23 côté de la frontière. C'est bien ce qui est écrit dans ce texte, n'est-ce
24 pas?
25 Réponse: Oui, c'est cela. C'est exact.
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1 Question: On voit une note manuscrite sur ce document. Ah! Non, excusez-
2 moi. J'ai mal formulé ma question.
3 Cette proposition de désengagement de la part de la RSK, a-t-elle été
4 appliquée?
5 Réponse: Non. Non.
6 Question: Que s'est-il passé réellement? Qu'est-ce qui a été fait, en
7 réalité?
8 Réponse: Les combats se sont poursuivis. Ni Mrksic ni Mile Novakovic qui
9 commandaient des troupes là-bas, ni la police, c'est-à-dire le MUP de
10 Serbie, ne se sont retirés de la région.
11 Question: Au compte rendu d'audience en anglais, nous lisons le nom de
12 Maksic, mais le nom que vous avez prononcé est bien celui de Mrksic,
13 n'est-ce pas?
14 Réponse: En effet, il s'agit de Mile Mrksic, du général Mile Mrksic,
15 commandant de l'armée de la RSK.
16 Question: Oui, merci. Nous pouvons maintenant retirer ce document.
17 (Intervention de l'huissière.)
18 Monsieur le Témoin, en 1994, le ministre de l'Intérieur de la RSK a-t-il
19 éprouvé des problèmes pour prendre le contrôle de la police sur le
20 territoire de Slavonie orientale, Baranja et Srem occidental?
21 Réponse: Oui, c'est exact.
22 Question: Pourquoi?
23 Réponse: Le ministre de l'Intérieur?
24 Question: Oui, oui. Qui était le ministre de l'Intérieur en 1994?
25 Réponse: C'était Ilija Prijic qui était ministre de l'Intérieur jusqu'à la
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1 fin de 1994. Ensuite, il a été démis de ses fonctions et remplacé par M.
2 Peric qui, en fait, n'a pas réellement pris ses fonctions.
3 Donc à partir de la fin 1994 et jusqu'au mois d'août 1995, la RSK n'a pas
4 eu de ministre de l'Intérieur. C'est l'un des adjoints qui était ministre
5 en exercice.
6 Question: Une délégation de la RSK a-t-elle rencontré M. Milosevic pour
7 discuter de ces problèmes?
8 Réponse: C'est cela, en 1994. Au mois d'avril, aux environs du 26 avril.
9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les
10 Juges, je dois vous prier de m'excuser mais nous avons besoin d'un huis
11 clos partiel pour les questions qui viennent.
12 (Audience à huis clos partiel à 12 heures 55)
13
14 Mme Anoya : Nous sommes à huis clos partiel.
15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Faisiez-vous partie de cette délégation?
16 Milan Babic (interprétation): Oui.
17 Question: Qui d'autre était présent, des deux côtés?
18 Réponse: Oui. Borislav Mikelic, Uros Funduk, Slobodan Milosevic, Jovica
19 Stanisic; pour autant que je m'en souvienne. Peut-être y avait-il encore
20 d'autres personnes, mais je ne m'en souviens pas aujourd'hui.
21 Question: Qu'avez-vous demandé à M. Milosevic, si vous lui avez demandé
22 quelque chose?
23 Réponse: Il a été demandé à Milosevic d'autoriser Slobodan Perisic, celui
24 qui avait été choisi pour devenir ministre de l'Intérieur de la RSK, de
25 prendre donc ses fonctions de ministre de l'Intérieur de la RSK.
Page 13250
1 Question: Quelle a été la réaction de M. Milosevic à cela? Que s'est-il
2 passé au cours de cette réunion?
3 Réponse: Jovica Stanisic a été le premier à commenter cette demande.
4 Jovica Stanisic a dit: "Nous avons trop investi dans cela -il parlait du
5 MUP de Krajina- pour le donner maintenant à quelqu'un d'autre".
6 Et à cela, Slobodan Milosevic a réagi en disant: "Membres de la délégation
7 de la RSK -donc il nous parlait à nous-, il faut que vous compreniez que
8 nous sommes obligés de vous aider par ce biais -il parlait donc du biais
9 des services de la sûreté- parce que nous travaillons d'une façon un petit
10 peu clandestine, donc nous ne pouvons pas vous aider autrement".
11 Et, en disant cela, il apportait son soutien à Jovica Stanisic et à son
12 point de vue sur toutes ces questions.
13 Question: Est-ce que le problème a été réglé le jour de cette réunion?
14 Est-ce que M. Milosevic vous a aidés, s'agissant de nommer à son poste le
15 ministre de l'Intérieur de la RSK?
16 Réponse: Non. La RSK a continué à ne pas avoir de ministre de l'Intérieur.
17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pouvons revenir en audience
18 publique, Monsieur le Président.
19 (Audience publique avec mesures de protection à 12 heures 57.)
20 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avec l'aide de Mme l'huissière,
22 j'aimerais soumettre un document au témoin, à savoir l'intercalaire 97 de
23 la pièce 352.
24 Monsieur le Témoin, ce document parle de ce ministre, M. Peric.
25 Donc il est question de M. Peric et du poste occupé par lui, également de
Page 13251
1 l'appartenance de certains aux forces policières. Qui a élaboré ce
2 document?
3 M. Kwon (interprétation): Sommes-nous actuellement en audience publique?
4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.
5 Milan Babic (interprétation): C'est Slobodan Peric qui m'a fait connaître
6 l'existence de ce document. C'est de lui que je l'ai reçu.
7 Question: Au dernier paragraphe de ce texte, nous lisons -je cite-: "Lors
8 de toutes les rencontres, Milosevic donne son accord pour que Peric prenne
9 le contrôle du MUP, alors que Stanisic, immédiatement après lui, donne son
10 accord à Martic pour empêcher cela." (Fin de citation.)
11 Est-ce bien la situation telle qu'elle était qui est décrite dans ce
12 paragraphe?
13 Réponse: Moi, je connais la situation comme correspondant à ce qui est
14 décrit, donc je dirais oui, mais j'ajouterais que je n'ai pas entendu dire
15 que Milosevic était d'accord avec cela.
16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): En mai 1995, un problème s'est-il
17 posé en rapport avec le commandement des forces armées de la RSK, après
18 l'opération "Eclair"?
19 Milan Babic (interprétation): C'est exact.
20 M. Kwon (interprétation): Vous avez quelque chose à dire, Monsieur
21 Milosevic?
22 M. Milosevic (interprétation): Simplement que je ne trouve pas ce
23 document, car à l'intercalaire 97, moi, j'ai un document qui porte sur une
24 annonce de Tanjug par le Président de la République serbe de Krajina; donc
25 ce n'est pas le document dont vous parlez. Et j'ai soigneusement recherché
Page 13252
1 l'intercalaire 97 dans les documents mis à ma disposition.
2 M. le Président (interprétation): Le document va vous être remis.
3 Veuillez procéder, Madame Uertz-Retzlaff.
4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, je ne peux pas
5 expliquer comment cela s'est produit.
6 M. le Président (interprétation): Il a un exemplaire du document.
7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Bien, bien. Intercalaire 97. Je
8 suppose que je n'ai pas besoin de répéter ce qui a déjà été dit?
9 M. le Président (interprétation): Non.
10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Encore une question, Monsieur le
11 Témoin, en rapport avec cet intercalaire 97. Lorsque vous avez parlé avec
12 les représentants du Bureau du Procureur de La Haye, avez-vous remis ce
13 document au Bureau du Procureur?
14 Milan Babic (interprétation): Oui.
15 Question: Il me semble que vous n'avez pas encore répondu à la question
16 que je vous ai posée, à savoir: y avait-il un problème quelconque,
17 s'agissant du commandant des forces armées de la Krajina serbe, après
18 cette opération "Eclair"? Qui se trouvait à la tête des forces armées de
19 la RSK au cours de cette opération "Eclair"?
20 Réponse: Le général Celeketic.
21 Question: A-t-il été révoqué de ses fonctions une fois que les forces
22 croates ont pris le contrôle sur le territoire de la Slavonie occidentale
23 après l'opération "Eclair"?
24 Réponse: Oui, c'est exact. Dans le courant du mois de mai 1995.
25 Question: Est-ce qu'au sein du Conseil suprême de la défense de la Krajina
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1 -je n'ai pas à l'idée vous-même, votre personne-, mais est-ce que le
2 Conseil suprême de la défense de la RSK a été d'accord pour ce qui est
3 d'un nouveau candidat, à savoir Mile Novakovic?
4 Réponse: Je me dois d'expliquer cela, à savoir que le Premier ministre ou
5 le Président de la République de la SAO Krajina, le chef du Conseil
6 suprême de la défense, avait proposé le général Mile Novakovic pour en
7 faire un nouveau commandant. Cependant, le Président Milosevic a rejeté la
8 chose et il a désigné le général Mile Mrksic pour que celui-ci devienne le
9 nouveau général commandant l'armée de la RSK.
10 Question: Monsieur le Témoin, est-ce que le Conseil suprême de la défense
11 de la RSK a été d'accord pour que cela soit M. Novakovic?
12 Réponse: Il a été d'accord avec la décision pour ce qui est de faire Mile
13 Mrksic commandant. Et cela a été entériné, formalisé officiellement.
14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, je dois vous
15 redemander un huis clos partiel pour tirer la chose au clair.
16 (Audience à huis clos partiel à 13 heures 04) [Confidentialité levée par une
17
18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, avez-vous vu M.
19 Milosevic en rapport avec le nouveau commandant de la TO, en même temps
20 qu'une délégation? Et si c'est le cas, quand ceci s'est-il passé?
21 Milan Babic (interprétation): Oui, vers le 9 mai de l'année 1995. Et
22 ceci, dans le cabinet du Président Milosevic.
23 Question: Vous vous y êtes rendu en même temps que la délégation. Et qui
24 vous accompagnait?
25 Réponse: La délégation était présidée par le chef du Gouvernement, M.
Page 13254
1 Borisav Mikelic. (expurgée)
2 (expurgée)
3 Question: Est-ce qu'il a fait une proposition à M. Milosevic, s'agissant
4 de qui devrait être le nouveau commandant?
5 Réponse: Il avait proposé le général Mile Novakovic qui avait déjà été
6 commandant de l'armée serbe en 1993; j'entends par là l'armée serbe de la
7 Krajina.
8 Question: Est-ce que M. Milosevic a rejeté cette proposition ou comment se
9 fait-il que tout d'un coup ce fut M. Mrksic?
10 Réponse: Il a refusé. Il n'a pas donné de raison et il a dit seulement
11 qu'il avait été décidé que ce soit Mile Mrksic.
12 Question: Et savez-vous qui a pris cette décision? Parce que vous dites
13 "il avait été décidé que ce serait le général Mile Mrksic", mais savez-
14 vous qui a pris cette décision?
15 Réponse: J'ai ouï dire que Milosevic avait interrompu cette réunion, qu'il
16 était sorti et qu'après une petite pause, il a dit: "Le nouveau commandant
17 sera Mile Mrksic". Certaines personnes ont dit qu'elles avaient entendu
18 dire que c'était le Conseil suprême de la défense qui avait décidé de la
19 chose, mais je n'en suis pas certain. Moi, j'ai cru comprendre à cette
20 réunion que c'était Slobodan Milosevic qui avait désigné Mile Mrksic aux
21 fonctions de nouveau commandant. Et quand j'ai dit "Conseil suprême de la
22 défense", j'entendais par là le Conseil suprême de Yougoslavie.
23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce que nous pouvons passer à huis
24 clos partiel? Merci.
25 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à huis clos partiel.
Page 13255
1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce que le gouvernement de la RSK
2 a approuvé, a avalisé cette décision en nommant officiellement le général
3 Mile Mrksic?
4 Milan Babic (interprétation): Eh bien, la procédure suivie, c'est que ça
5 passait par le Conseil suprême de la défense de la RSK et l'assemblée de
6 la RSK. Et c'est ainsi que l'on a décidé, je dirais plutôt accepté,
7 confirmé de façon officielle et juridique qu'il en soit ainsi.
8 Question: A quel moment M. Mile Mrksic est-il arrivé en RSK en tant que
9 commandant?
10 Réponse: On l'y a vu le 16 mai 1995. L'assemblée l'a nommé entre le 18 et
11 le 20 mai de cette même année 1995.
12 Question: Quel poste occupait-il avant son arrivée en RSK? Le savez-vous?
13 Réponse: Il avait été commandant de la brigade de la garde de la JNA à
14 Belgrade. Il avait commandé ces unités-là pendant l'attaque sur Vukovar.
15 Et avant cela il avait fait quelque chose à l'état-major général, mais je
16 ne sais pas quoi au juste.
17 Question: A son arrivée en RSK, est-il devenu officiellement un employé
18 des forces de la RSK ou est-ce qu'il est resté en situation d'employé
19 d'officier de la VJ?
20 Réponse: Il était officier de l'armée de Yougoslavie.
21 Question: S'agissant des deux commandants précédents que vous avez
22 mentionnés, M. Mile Novakovic et M. Celeketic, est-ce qu'ils étaient eux
23 aussi, sont-ils restés membres de la VJ pendant tout leur temps de service
24 en RSK? Au cours des conversations que vous avez eues avec le Bureau du
25 Procureur à La Haye, avez-vous passé en revue divers ordres signés par M.
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1 Martic portant sur la promotion, la nomination et la relève du général
2 Celeketic? Vous en souvenez-vous?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Messieurs les Juges, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de
5 soumettre tous ces documents au témoin. Il s'agit des intercalaires 98,
6 99, 100, 101 de la pièce 352. Tous ces documents portent sur la
7 nomination, la promotion et la relève du général Celeketic.
8 Mais j'aimerais vous soumettre, Monsieur le Témoin, le document de
9 l'intercalaire 102.
10 (Intervention de l'huissière.)
11 Nous sommes à l'intercalaire 102 de cette même pièce, la pièce 352.
12 C'est en fait un document signé par Dusan Zoric, poste militaire 1790,
13 Belgrade, en date du 21 décembre 1994, et qui concerne la promotion de
14 Celeketic au rang de général de divisions. Pourrez-vous nous dire qui est
15 cet homme, Dusan Zoric? Quel poste occupait-il?
16 Réponse: Chef par intérim du département chargé des effectifs au sein du
17 grand état-major de l'armée de Yougoslavie. Du moins c'étaient les
18 fonctions qu'il effectuait à l'époque.
19 Question: Merci. Je pense qu'il nous faudra passer à huis clos partiel.
20 (Audience à huis clos partiel à 13 heures 11) [Confidentialité levée par
21
22 paragraphe 293 et les deux paragraphes suivants du résumé.
23 Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez eu une conversation avec M.
24 Milosevic à propos du plan Z-4 en 1995?
25 Réponse: Oui, un entretien téléphonique.
Page 13257
1 Question: A l'époque est-ce que vous avez discuté de ce plan Z-4 avec M.
2 Galbraith?
3 Réponse: Oui, avec M. l'Ambassadeur Peter Galbraith, à plusieurs reprises
4 avant cela.
5 Question: Et aussitôt avant, juste avant cette conversation, entretien
6 téléphonique quelle était l'option que vous avez présentée M. Galbraith?
7 Réponse: Il a proposé d'accepter ce plan Z-4, d'accepter le désengagement
8 des forces armées de la Krajina dans la poche de Bihac, d'accepter un
9 nouveau mandat des forces de paix plus connues sous l'appellation UNCRO et
10 d'ouvrir les voies de communication en Croatie, les routes de Croatie.
11 Question: Est-ce qu'à l'époque vous étiez le président de la RSK?
12 Réponse: J'étais chef du gouvernement de la RSK et c'était Martic le
13 Président.
14 Question: Pourquoi est-ce que vous n'avez pas tout simplement accepté ce
15 plan?
16 Réponse: J'avais accepté en ma qualité de Premier ministre et j'ai précisé
17 à M. l'Ambassadeur Galbraith que cela ne pouvait pas se réaliser sans
18 l'approbation du Président Milosevic.
19 Question: Vous avez déclaré que vous aviez eu un entretien téléphonique
20 avec M. Milosevic le 3 août 1995. Comment êtes-vous parvenu à l'atteindre,
21 à le joindre? Est-ce que quelqu'un vous a aidé pour établir la connexion?
22 Réponse: Oui, Jovica Stanisic. Et ça s'est fait depuis le cabinet de
23 Jovica Stanisic.
24 Question: Est-ce que vous vous êtes rendu dans son bureau? Et où se
25 trouvait ce bureau?
Page 13258
1 Réponse: Je suis allé chez Stanisic, dans son bureau qui se trouvait dans
2 le bâtiment du secrétariat fédéral, à l'Intérieur.
3 Question: Qui d'autre était présent au moment où vous l'avez vu?
4 Réponse: Il y avait Radovan Stojicic Badza, puis il y avait le chef des
5 services de contre-espionnage au niveau des services de sûreté d'Etat de
6 Serbie; un homme dont je ne me souviens plus du nom, mais qui ressemblait
7 à "Frenki".
8 Question: Est-ce ce même homme dont vous avez déjà parlé et que vous avez
9 vu dans une autre réunion avec Kertes?
10 Réponse: C'est cela; c'est ce même homme. C'était le 4 janvier 1992.
11 Question: Avez-vous expliqué à ces trois hommes que vous vouliez accepter
12 le plan Z-4 et que vous vouliez en discuter avec M. Milosevic?
13 Réponse: Oui, je leur ai dit que j'avais accepté cela avec Galbraith. Et
14 ils avaient eu une attitude inamicale, une attitude hostile, et ils m'ont
15 mis en contact avec Milosevic.
16 Question: Et qu'a dit M. Milosevic par rapport à ce plan Z-4?
17 Réponse: Il a réitéré ou… Je dirais plutôt qu'il avait marmonné. Pour être
18 tout à fait précis, je dirais: comme s'il parlait pendant qu'il dormait.
19 Et il avait dit: "Oui, du calme, du calme, allez doucement.". Il m'a dit
20 aussi au téléphone: "Adresse-toi à Vlatko Jovanovic".
21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): L'avez-vous fait?
22 Milan Babic (interprétation): Oui. J'ai rencontré le ministre des
23 Affaires étrangères, Vlatko Jovanovic, ministre des Affaires étrangères de
24 Yougoslavie, dans les locaux du ministère.
25 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?
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1 M. Milosevic (interprétation): Juste un petit rectificatif technique. Le
2 témoin dit que je lui avais répondu "Oui, du calme" et ici, on a traduit
3 "Oui, tout doucement". Entre "du calme" et "doucement", notamment
4 lorsqu'il s'agit de guerre et de paix, il y a une grosse différence. Le
5 témoin a dit "du calme" et on a traduit "lentement", "doucement".
6 M. le Président (interprétation): Oui, ce sera relevé.
7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Quels sont les termes exacts utilisés
8 par M. Milosevic pour vous parler, pour tirer ceci au clair? Que vous a-t-
9 il dit exactement?
10 Milan Babic (interprétation): "Da, da. Tout doit être fait dans le
11 calme".
12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce qu'en
13 fait, à l'époque, vous aviez le temps d'agir lentement ou calmement, ou
14 est-ce qu'il y avait une certaine urgence? Qu'est-ce que vous avait dit M.
15 Galbraith? Il vous donnait combien de temps pour vous décider?
16 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, le témoin n'a pas du tout
17 utilisé le terme de "lentement".
18 M. le Président (interprétation): Oui, je sais, nous avons entendu.
19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce qu'il y avait une urgence
20 particulière, ce 3 août 1995?
21 Milan Babic (interprétation): Oui, parce qu'il fallait réagir le
22 lendemain, il fallait que je fasse une déclaration et que l'on réalise ce
23 que j'avais accepté, ce qui devait faire l'objet de la déclaration que
24 j'étais censé faire au public.
25 Question: Est-ce qu'en fait, vous aviez un ultimatum de M. Galbraith? Est-
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1 ce qu'il vous disait qu'il fallait accepter ce plan sur-le-champ, faute de
2 quoi il y aurait des conséquences?
3 Réponse: Il a dit ce à quoi il fallait s'attendre si nous n'acceptions
4 pas. Et il avait dit que nous pouvions nous attendre à une agression de la
5 part de la Croatie et que nous pouvions subir le sort de la Slavonie
6 occidentale.
7 Question: Est-ce que vous avez accepté ceci publiquement? Et est-ce que
8 vous avez pu empêcher cette agression?
9 Réponse: Oui, j'ai accepté, j'ai fait une déclaration aux termes de
10 laquelle il avait été dit que nous acceptions.
11 Question: Est-ce que la RSK a été attaquée?
12 Réponse: Oui, le lendemain au matin.
13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vais demander l'aide de l'huissier
14 pour montrer au témoin l'intercalaire 103 de la pièce 352.
15 Ce document est le procès-verbal de la première séance du Gouvernement de
16 la République de Krajina serbe du 28 juillet 1995. Il y est fait référence
17 à des négociations internationales. Il n'est pas nécessaire d'en discuter
18 davantage puisqu'il se passe de commentaires.
19 Mais outre ce document, j'aimerais vous soumettre, Monsieur le Témoin,
20 l'intercalaire 104. Nous sommes toujours dans la pièce 352.
21 (Intervention de l'huissier.)
22 Il s'agit ici d'un envoi par câble, codé, en date du 3 août 1995. Je vais
23 faire une citation de ce document. Mais tout d'abord se pose cette
24 question-ci: est-ce que ce document vous a été montré? Est-ce qu'une
25 partie du document a été traduite dans le cadre des entretiens que vous
Page 13261
1 avez eus avec le Bureau du Procureur?
2 Milan Babic (interprétation): Oui, de façon orale; ça m'a été montré.
3 M. le Président (interprétation): Avant d'aller plus loin, il faut savoir
4 ce que ce document est et d'où il vient.
5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): C'est un envoi par câble codé de
6 l'ambassade britannique de Zagreb, portant sur une conversation qui s'est
7 tenue entre l'ambassadeur Galbraith et le Premier ministre de la RSK.
8 M. Milosevic (interprétation): Une fois de plus, dans mon registre, moi,
9 j'ai autre chose. J'ai un procès-verbal d'une session du gouvernement sous
10 ce même classeur, enfin, ou sous le même numéro d'intercalaire.
11 M. le Président (interprétation): Veillez à ce que l'accusé dispose du bon
12 document.
13 (Intervention de l'huissière.)
14 M. Milosevic (interprétation): Moi, je vérifie sur le compte rendu
15 d'audience. Sur le compte rendu d'audience, on dit bien "104".
16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Messieurs les Juges, à la lecture de
17 cette citation, je comprends qu'il faut passer à huis clos partiel.
18 Mme Anoya (interprétation): Mais nous sommes à huis clos partiel.
19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Fort bien.
20 "Le Premier ministre de la RSK dit à mon collègue américain que pour
21 éviter la guerre, il est prêt à accepter les conditions imposées par
22 Tudjman, et il va l'annoncer aujourd'hui. Il n'est pas clair s'il a de son
23 côté d'autres dirigeants de la RSK. Milosevic a été informé, par les
24 Américains, des discussions de Galbraith avec Babic et il faut obtenir le
25 soutien de Belgrade pour donner davantage de crédibilité." (Fin de
Page 13262
1 citation.)
2 Témoin, est-ce que c'est bien la situation telle qu'elle se présentait à
3 l'époque? Et cette citation est-elle exacte? Est-ce qu'elle reflète bien
4 les entretiens que vous avez eus avec M. Galbraith?
5 Milan Babic (interprétation): Oui, exception faite du fait que je ne sais
6 rien du briefing fait par les intervenants internationaux à l'égard de
7 Milosevic. Je sais seulement qu'un membre de l'Ambassade de France à
8 Belgrade m'avait dit que Milosevic ne nous apportait pas son soutien.
9 M. Kwon (interprétation): Si vous examinez le paragraphe 9 du document, il
10 est dit que Galbraith nous a assuré qu'il avait le plein et entier soutien
11 du service d'Etat. Ici "nous", qu'est-ce que cela veut dire?
12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): C'est l'Ambassade britannique. Il
13 s'agit, en fait, d'un rapport établi par l'Ambassade britannique à propos
14 d'une discussion de M. Galbraith avec le témoin; et dans ce rapport, on
15 trouve aussi le suivi de cette discussion, les autres considérations
16 émises par M. Galbraith.
17 M. Kwon (interprétation): Fort bien, je me suis trompé.
18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avez-vous vu M. Milosevic après
19 l'attaque, après ce qu'on a appelé l'opération "Tempête", le 8 août 1995?
20 Milan Babic (interprétation): Oui, vers le 8 août 1995, dans la villa de
21 la rue Boticeva.
22 Question: Qu'est-ce que c'est que cette villa dans la rue Boticeva? Quel
23 genre d'édifice, de bâtiment est-ce? Est-ce que c'est un bâtiment
24 officiel?
25 Réponse: C'est la résidence du gouvernement de la Serbie.
Page 13263
1 Question: Avez-vous demandé à avoir cette réunion avec M. Milosevic?
2 Réponse: La première des initiatives est venue de Buba Morina, commissaire
3 chargé des réfugiés de la République de Serbie à Banja Luka, en me disant
4 qu'il fallait que j'aille à Belgrade aux fins de trouver des solutions et
5 d'obtenir des informations pour ce qui est de savoir où iraient les
6 réfugiés de la Krajina.
7 Je suis allé à Belgrade. Je me suis annoncé chez le Chef du Gouvernement,
8 M. Mirko Marjanovic. Il m'a demandé une déclaration de ma part et, après
9 avoir reçu cette déclaration, il a établi le contact entre moi et le
10 Président Milosevic.
11 Question: Quelle genre de déclaration vous a-t-il demandé de faire?
12 Réponse: Mirko Marjanovic m'a demandé une déclaration aux termes de
13 laquelle il découlerait qu'il n'y a pas de culpabilité de la Yougoslavie
14 pour ce qui se passait dans la Krajina et l'exode du peuple serbe. Il m'a
15 même fourni quelques phrases qui devaient figurer dans cette déclaration.
16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vais demander l'aide de
17 l'huissière pour présenter au témoin l'intercalaire 105 de la pièce 352.
18 (Intervention de l'huissière.)
19 Est-ce ce bien ici la déclaration que vous avez faite à la demande de M.
20 Marjanovic?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Inutile de vous demander un autre commentaire à propos de ce
23 document.
24 Monsieur le Témoin, vous avez vu M. Milosevic; que lui avez-vous demandé,
25 de quoi avez-vous discuté avec lui?
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1 Réponse: Je suis venu chez lui; c'était à la veille de son départ à Moscou
2 pour rencontrer Eltsine. La sécurité ne m'a d'abord pas laissé entrer;
3 puis il est sorti et m'a fait entrer. Et nous nous sommes entretenus dans
4 la pièce à côté de l'entrée. Dans la pièce principale, il y avait des
5 représentants de la Yougoslavie, de l'armée. J'ai vu à l'entrée des
6 plaques d'immatriculation des voitures qui me le disaient. C'était une
7 brève rencontre. Je lui ai demandé où les gens de la Krajina, qui avaient
8 fui la Krajina, allaient être installés.
9 Question: Et quelle a été sa réponse?
10 Réponse: Il a dit: "Au Kosovo". J'ai demandé: "Mais combien pouvait-on en
11 mettre au Kosovo?". Et je savais que le Kosovo était surpeuplé, qu'il y
12 avait des tensions interethniques. Il a dit: "100.000. Et bon nombre
13 d'entre eux peuvent aller dans la Republika Srpska".
14 Je lui ai demandé alors si nous pouvions aller vers la Slavonie orientale.
15 Il a dit: "Non. Pas pour le moment".
16 Je lui ai demandé: "Et où irait le gouvernement, le gouvernement de la
17 Krajina?". Il m'a dit: "Qu'il reste à Belgrade, si besoin est, pour des
18 négociations. Et toi, personnellement -m'a-t-il dit- pour ce qui est de
19 tes besoins personnels, tu n'as qu'à aller voir Mirko Marjanovic".
20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je pense que nous pouvons revenir en
21 audience publique, Monsieur le Président.
22 (Audience publique avec mesures de protection à 13 heures 30.)
23 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce que les réfugiés de la RSK ont
25 fini au Kosovo ou en Bosnie-Herzégovine? Où sont-ils allés?
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1 Milan Babic (interprétation): Tout d'abord, le jour d'après, ce jour-là,
2 le jour où l'exode a commencé dans la Krajina, Ratko Mladic, le commandant
3 de l'armée serbe de la Republika Srpska, a imposé un blocus au niveau du
4 pont sur la rivière Vrbas et il n'a pas permis aux réfugiés d'aller au-
5 delà. Je suis allé le voir.
6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je pense qu'il faut passer à huis
7 clos partiel pour parler de cette réunion.
8 (Audience à huis clos partiel à 13 heures 31) [Confidentialité levée par une
9
10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous dites avoir été voir M. Mladic:
11 où l'avez-vous rencontré? Pourquoi vouliez-vous le voir?
12 Milan Babic (interprétation): A Banja Luka, parce que Mladic avait établi
13 des blocus et il avait empêché le déplacement des réfugiés; et les
14 réfugiés avaient constitué deux colonnes de réfugiés entre Bosanski Novi
15 et Prijedor en direction de Banja Luka. Et d'autre part, en provenance de
16 Bosanski Petrovac, de Mirkovic Grad en traversant Manjaca pour aller vers
17 Banja Luka. Et il y avait des bouchons, la situation était véritablement
18 très pénible. Beaucoup de gens avaient de la famille en Vojvodine, à
19 Belgrade, dans d'autres localités et ils ne voulaient pas rester sur la
20 route.
21 D'après ce que les autorités de la Republika Srpska m'avaient dit, ils
22 avaient eu l'idée d'installer les réfugiés à Manjaca. Je suis allé voir
23 Mladic pour le supplier de débloquer la route, je suis donc allé le voir
24 ainsi à Banja Luka. Il a dit qu'il allait débloquer le passage jusqu'à
25 Derventa. Il a dit qu'il fallait rester dans la Republika Srpska parce que
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1 c'était notre terre à nous; et il a effectivement débloqué le passage au
2 niveau de la rivière Vrbas. Mais les blocus se sont situés après au niveau
3 de la Drina et de la Sava. On a dissocié les hommes en âge de combattre de
4 leur famille, on a séparé ces hommes de leur famille et les autres
5 pouvaient passer vers la Serbie.
6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pouvons revenir en audience
7 publique.
8 (Audience publique avec mesures de protection à 13 heures 33.)
9 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, vous dites que
11 les hommes en âge de combattre ont été séparés de leur famille. Pourquoi
12 l'a-t-on fait? Et qu'est-ce qu'ils étaient censés faire?
13 Milan Babic (interprétation): Ils sont devenus partie intégrante de
14 l'armée de la Republika Srpska. Et ceux qui sont passés en Serbie, ceux-là
15 ont été arrêtés et ont été emmenés en Slavonie orientale vers les
16 campements tenus par "Arkan" ou au front vers ce qu'on appelait les
17 premières lignes.
18 Question: Est-ce que cela veut dire qu'ils ont été recrutés et versés dans
19 la VRS par la force ainsi que dans l'unité de "Arkan"?
20 Réponse: C'est exact.
21 Question: Ceux qui sont arrivés en Serbie, où se sont-ils installés?
22 Réponse: Ils se sont installés de deux façons. D'abord, les gens qui
23 avaient de la famille sur la première lignée de par la descendance
24 pouvaient rester avec leur famille. Tous les autres étaient transportés ou
25 escortés par la police vers d'autres centres sur le territoire de la
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1 Serbie, y compris le Kosovo. Alors c'étaient soit des colonnes de
2 véhicules, soit des trains. J'ai pu entendre les récits d'un grand nombre
3 de personnes qui m'ont raconté qu'en arrivant à Pristina, ils étaient
4 stupéfaits, ils n'en croyaient pas leurs yeux et ils cherchaient à revenir
5 aussitôt qu'ils le pouvaient.
6 Question: Est-ce que des réfugiés de la Krajina sont arrivés en Vojvodine?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Est-ce que les habitants croates ont été chassés à ce moment-là
9 de la Vojvodine? Etes-vous au courant?
10 Réponse: Il y a eu des intrusions dans les maisons croates comme à
11 Golubici, mais la police de Serbie est intervenue et a empêché que l'on
12 occupe ainsi des maisons croates.
13 Question: Nous allons maintenant passer à un chapitre tout à fait
14 différent. Il concerne Milan Martic. Est-ce qu'à un moment donné cet homme
15 a été arrêté en Bosnie?
16 Réponse: Oui, en septembre 1991.
17 Question: Est-ce qu'un mandat d'arrêt avait été décerné contre lui?
18 Réponse: Oui, de la part du gouvernement croate.
19 Question: Avec l'aide de l'Huissière, j'aimerais montrer au témoin
20 l'intercalaire 111A.
21 (Intervention de l'huissière.)
22 Est-ce que c'est ici le mandat d'arrêt ou plutôt le décret concernant M.
23 Milan Martic?
24 Réponse: Moi, je sais que cela existait par les médias.
25 Question: Est-ce que, dans le cadre des entretiens que vous avez eus avec
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1 le Bureau du Procureur, on vous a montré ce document?
2 Réponse: Oui.
3 Question (interprétation): Monsieur le Président, nous avons reçu ce
4 document du Gouvernement de la République de la Croatie, dans un envoi du
5 mois de mai 2002. Je tenais à vous le préciser.
6 J'aimerais l'aide de l'huissière pour présenter au témoin l'intercalaire
7 111B. Nous sommes toujours dans la pièce 352.
8 (Intervention de l'huissier.)
9 C'est aussi un document reçu du Gouvernement de la Croatie en annexe au
10 mandat d'arrêt.
11 Monsieur le Témoin, il s'agit ici d'un décret concernant une enquête menée
12 suite sur des activités déployées par M. Milan Martic et d'autres. Est-ce
13 que vous avez eu le temps de lire ce document? Est-ce que vous l'avez lu
14 au moment de l'entretien que vous avez eu avec le Bureau du Procureur?
15 Réponse: Oui.
16 Question: On fait référence dans ce document au "conseil de la résistance
17 populaire".
18 Vous avez déjà mentionné ce conseil comme étant la source et l'origine de
19 provocations. Sont énumérés bon nombre d'événements à partir du mois
20 d'octobre 1990 jusqu'en avril 1991, et ce sont des événements divers. Il y
21 a des attaques menées contre la police croate, le fait qu'on a tiré sur
22 des civils, que des magasins ont été détruits, ainsi que des maisons, des
23 véhicules, à l'explosif; il y a eu aussi des attaques sur des voies
24 ferrées.
25 Vous avez examiné ce document. Est-ce que vous estimez qu'il est correct,
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1 est-ce que les faits énumérés dans ce document sont exacts?
2 Réponse: Oui, j'ai examiné cela et ils sont exacts.
3 Question: Ces biens qui ont été détruits, ces personnes qui ont subi un
4 préjudice, est-ce que c'étaient des Croates ou est-ce que c'étaient des
5 bien publics qui ont été touchés?
6 Réponse: Oui, il s'agissait de Croates et de biens publics. Et il
7 s'agissait d'Albanais aussi.
8 Question: Merci. Ceci suffira pour ce document.
9 (Intervention de l'huissier.)
10 Au moment de l'arrestation de M. Martic en Bosnie, que faisait-il en
11 Bosnie? A-t-il été le seul à être arrêté ou avec qui a-t-il été arrêté?
12 Réponse: Il passait par un village appelé Otoka, peuplé de Musulmans, à
13 côté de Bosanska Krupa. Il y avait là-bas encore quelqu'un de son escorte
14 et des gens, des officiers de la JNA.
15 Question: Savez-vous ce que ces hommes faisaient en Bosnie?
16 Réponse: Je ne sais pas au juste.
17 Question: Au moment où ils ont été appréhendés, l'ont-ils été sur un
18 itinéraire emprunté pour le transfert des armes et du matériel militaire
19 destinés aux forces militaires de la Krajina?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Est-ce que c'était à l'époque le seul itinéraire, la seule route
22 ouverte? Ou est-ce qu'il y en avait plusieurs?
23 Réponse: Il y avait deux itinéraires.
24 Question: Quels itinéraires empruntait-on pour le transport des armes?
25 Réponse: En passant par Bosanski Novi et par Grahovo.
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1 Question: D'où venaient ces armes?
2 Réponse: Les armes venaient de deux sources; l'une de ces sources était la
3 Serbie et l'autre était les dépôts d'armes de la JNA sur le territoire de
4 la Krajina.
5 Question: Est-ce qu'il y avait aussi un entrepôt ou arsenal militaire à
6 Bihac d'où l'on pouvait obtenir des armes?
7 Réponse: Oui, Zeljava.
8 Question: Est-ce que cela se trouve près de l'aéroport de Bihac?
9 Réponse: Oui, tout à fait. C'est pratiquement la base à proximité de
10 l'aérodrome de Bihac.
11 Question: Pour recevoir des armes de l'aérodrome de Bihac, à qui devaient
12 s'adresser les autorités de la Krajina? Qui pouvait leur faciliter cet
13 acheminement?
14 Réponse: Moi, je sais pour ce qui est du colonel Smiljanic.
15 Question: Qui était ce colonel Smiljanic?
16 Réponse: Il était chef chargé de la sécurité du Corps de Zagreb pour la
17 JNA, il était à cette fonction quand j'ai fait sa connaissance.
18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, je crois qu'il
19 est temps d'en terminer.
20 M. le Président (interprétation): Oui.
21 Madame Uertz-Retzlaff, au contraire de ce que nous avons dit au début,
22 nous semblons avoir bien progressé aujourd'hui.
23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, mais il y a un problème qui
24 s'annonce demain; enfin, ce n'est pas un problème véritablement: nous
25 allons nous livrer à un exercice différent parce que nous allons parler
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1 des détails de l'arrestation de Martic et nous allons aborder beaucoup
2 d'écoutes téléphoniques.
3 Aujourd'hui, j'ai fait l'impasse sur ces écoutes pour avancer, mais il
4 faudra bien en parler tôt ou tard, donc demain. Je vais le faire de façon
5 groupée parce ce sera plus rapide, me semble-t-il.
6 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous avons été mis en garde.
7 Nous allons lever l'audience.
8 Monsieur le Milan Babic, soyez de retour demain matin à 9 heures.
9 Milan Babic (interprétation): Fort bien.
10 (L'audience est levée à 13 heures 46.)
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