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1 (Mardi 10 décembre 2002.)
2 (Audience publique avec mesures de protection.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 03.)
4 (Le témoin C-025 est dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Tapuskovic, vous avez la
6 parole.
7 (Questions de l'amicus curiae M. Tapuskovic au Témoin C-025.)
8 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
9 Afin de vous permettre un suivi plus aisé de ce que je vais traiter, je
10 tiens à vous dire que je me consacrerais à deux sujets. Ces deux sujets
11 trouvent leur raison d'être dans la déclaration préalable faite auprès des
12 enquêteurs du Tribunal en 2001, le 10 mars et le 10 mai. Je me réfère à la
13 page 4, troisième paragraphe. Alors qu'en version serbe, je me réfère à la
14 page 3, paragraphe 4; c'est sur ce paragraphe-là que je me propose de
15 commencer.
16 Dans cette première partie, page 4, paragraphe 3 de la version anglaise,
17 dans la phrase 2, on dit: "Après les premières élections en Croatie en
18 1990, les Serbes ont pris peur de voir la Croatie proclamer son
19 indépendance."
20 C'est bien ce que vous avez déclaré, Monsieur le Témoin?
21 Témoin C-025 (interprétation): Oui.
22 Question: Et en 1990, fin décembre, il a été proclamé une Constitution,
23 dite "de Noël", en Croatie, quoique l'Etat fédéral existait encore. L'Etat
24 croate se proclame comme étant l'Etat national du peuple croate. N'est-ce
25 pas?
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1 Réponse: Je ne sais pas.
2 Question: La nouvelle Constitution?
3 Réponse: Laquelle?
4 Question: Quand les Serbes ont été déclarés comme étant une minorité.
5 Réponse: Je sais que les Serbes ont été déclarés en tant que tel, mais je
6 ne sais pas quand.
7 Question: Bien. Cette appréhension, cette peur, non pas chez ces gens-là
8 seulement, j'imagine chez vous, cela n'a-t-il pas été renforcé par des
9 événements analogues?
10 Réponse: Je suppose que si.
11 Question: Etiez-vous au courant de la chose, vous-même et les gens qui
12 vivaient dans la Baranja, à savoir qu'il y avait eu importation illicite
13 d'armes?
14 Réponse: En 1990?
15 Question: Fin 1990, début 1991, janvier 1991.
16 Témoin C-025 (interprétation): Ce n'est qu'après la présentation du film
17 relatif à Martin Spegelj que je l'ai su.
18 M. le Président (interprétation): Maître Tapuskovic, je vous arrête un
19 instant.
20 Il y a diverses mesures de protection accordées à ce témoin dont la
21 déformation de la voix. Veillez à débrancher votre micro après avoir posé
22 la question. De cette façon, on peut brancher le micro du témoin. Merci.
23 M. Tapuskovic (interprétation): Vous venez de parler de Spegelj et de ses
24 films; est-ce que ce film a suscité des appréhensions tout à fait
25 particulières?
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1 Témoin C-025 (interprétation): Oui.
2 Question: Est-ce qu'à l'époque, on a douté de l'authenticité de ce film-
3 là?
4 Réponse: Je pense que non.
5 Question: Et savez-vous qu'aussitôt après, il a été mis en place des
6 unités paramilitaires en Croatie?
7 Réponse: Je n'ai pas connaissance d'un grand nombre de détails concernant
8 le début de la formation de ces unités paramilitaires?
9 Question: Merci. Mais savez-vous que c'est vers le printemps de 1991 qu'il
10 y a eu mise en place ou mise sur pied du ZNG, du Rassemblement de la garde
11 nationale de Croatie?
12 Réponse: En effet.
13 Question: Est-ce que cela n'a fait qu'augmenter les appréhensions chez les
14 Serbes?
15 Réponse: Je pense que oui, dans une certaine mesure.
16 Question: Est-il vrai que les Serbes n'ont pris les armes qu'au mois de
17 mai, après tous ces événements-là?
18 Réponse: Je suis au courant de la chose pour ce qui est du territoire où
19 je vivais. Il s'agissait de la mi-1991.
20 Question: Merci. Est-ce que cela n'a pas été fait en premier lieu parce
21 que, vu ces appréhensions, les gens ont décidé de se faire pour défendre
22 leur maison pour défendre leurs biens?
23 Réponse: Je pense que la plupart des gens avaient raisonné de la sorte.
24 Question: Merci. A présent, je voudrais que nous nous penchions sur cette
25 même page, mais le paragraphe qui se trouve juste au-dessus. On y dit
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1 -c'est ce que vous avez déclaré-: "Avant la guerre en Croatie, les plans
2 de la Défense territoriale étaient orientés vers l'éventualité d'un
3 conflit extérieur. Par exemple, les Russes qui arriveraient via la
4 Hongrie." (Fin de citation.)
5 C'est bien vrai?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Pouvez-vous nous dire à présent si, avant les événements de
8 Budapest et de Prague où il y a eu conflit entre les Russes, d'une part,
9 les Hongrois et par la suite les Tchèques, d'autre part, est-ce qu'en
10 Yougoslavie, le danger provenant des Russes n'a été présent qu'en 1948 et
11 que, par la suite, il n'y a plus eu de péril de la part des Russes?
12 Réponse: Je ne pense pas pouvoir parler de ces sujets.
13 M. Tapuskovic (interprétation): Oui, mais vous êtes une personne
14 instruite. N'êtes-vous pas au courant des événements de l'"Informbureau
15 48" (Internationale communiste) et des chantages qui ont été exercés à
16 l'encontre de la Yougoslavie?
17 M. le Président (interprétation): Il a dit qu'il ne pouvait pas vous
18 répondre à ce sujet. Je ne vois pas d'utilité à continuer dans ce sens.
19 M. Tapuskovic (interprétation): Je suis bien d'accord.
20 Dites-nous, Monsieur, les périls extérieurs existaient-ils en 1974, alors
21 qu'il n'y avait pas eu en Europe de péril quelconque pour qui que ce soit?
22 Témoin C-025 (interprétation): Je ne le sais vraiment pas.
23 Question: Vous ne le savez pas non plus. Mais savez-vous dans quelles
24 circonstances, puisque vous êtes une personne instruite, il y a eu
25 adoption de cette Constitution de 1974?
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1 Réponse: Non.
2 Question: institutionnalisé. C'est devenu une sorte d'institution intégrée
3 à la Constitution. C'était donc une Défense territoriale qui faisait
4 partie intégrante de la défense populaire généralisée. Le saviez-vous?
5 Réponse: Non.
6 Question: Et saviez-vous que la Défense territoriale, qui est intégrée
7 donc dans la Constitution, a été mise sur pied non pas pour créer des
8 Etats nouveaux, mais dans l'idée de procéder à une décentralisation et de
9 faire descendre la Défense territoriale jusque dans les municipalités afin
10 que chacune de ces municipalités puisse disposer de ses forces de défense.
11 Le saviez-vous ou pas? Ou ne le savez-vous peut-être pas?
12 Réponse: S'agissant de la Défense territoriale, je sais qu'il y avait eu
13 un principe de peuple armé; c'est ce que je sais au sujet du principe.
14 Question: Mais contre quoi ce peuple armé était-il censé se défendre en
15 1974?
16 Réponse: J'ai déjà dit qu'en 1974, c'est une année trop éloignée de moi;
17 je ne sais pas du tout ce qui s'est passé.
18 Question: Mais vous venez de dire, dans une deuxième partie de cette
19 phrase de votre déposition préalable, qu'en 1991, la situation a changé
20 parce que le conflit a éclaté à l'intérieur du pays et les plannings
21 établis d'avance ne convenaient plus.
22 Réponse: Oui.
23 Question: Donc les plannings consistants à se défendre contre une
24 agression extérieure -et je comprends que la Défense territoriale a été
25 mise sur pied le long de la frontière de la Croatie avec la Hongrie ou de
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1 la Serbie avec la Hongrie-, quelle signification y avait-il à mettre sur
2 pied une Défense territoriale sur le territoire complet du pays? Est-ce
3 que vous pouvez expliquer?
4 Réponse: Je n'essaierai pas d'expliquer: je ne suis pas au courant.
5 M. Tapuskovic (interprétation): Merci. Mais saviez-vous qu'en 1974, il a
6 déjà été établi des plans pour des besoins internes?
7 M. le Président (interprétation): Monsieur Tapuskovic, il vient de dire
8 qu'il ne pouvait pas traiter de l'année 1974. Je pense qu'il est inutile
9 de lui poser davantage de questions à ce sujet. Nous devrions aller de
10 l'avant.
11 M. Tapuskovic (interprétation): Mais Monsieur le Juge, il s'agit de choses
12 qui ont été mentionnées par le témoin ici; il a dit qu'en 1991, la
13 situation a changé parce que les conflits ont éclaté à l'intérieur du pays
14 et qu'il ne s'agissait plus de se défendre contre des ennemis extérieurs,
15 mais des ennemis à l'intérieur. C'est ce qu'il a dit. C'est pourquoi
16 justement je lui pose la question que je lui pose.
17 Et je voudrais qu'il me réponde à la question suivante: est-ce que cette
18 Défense territoriale en Slovénie, à un moment donné, à savoir au mois de
19 juin de l'an 1991, est devenue oui ou non la force armée qui s'était
20 attaquée à l'armée populaire yougoslave?
21 Témoin C-025 (interprétation): Je crois que c'est une chose notoirement
22 connue, oui.
23 Question: A-t-elle attaqué?
24 Réponse: J'ai répondu oui.
25 Question: Et est-ce que, par la suite, il y a eu attaque de la part de
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1 l'armée croate sur les casernes et les soldats dans ces casernes?
2 Réponse: Je ne suis pas certain pour ce qui est de la période, mais il y a
3 eu en effet des situations analogues.
4 Question: Je me propose d'en terminer bientôt. Pouvez-vous me dire donc si
5 la JNA a d'abord été attaquée comme si elle était une force d'occupation,
6 là où elle était ou sur les territoires où elle était, un facteur de paix
7 et de stabilité pendant plus de 50 ans? Est-ce que c'est bien ainsi que
8 cela s'est passé?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Et ceci pour renforcer, pour appuyer des décisions afférentes à
11 l'indépendance, décisions qui ont déjà été promulguées?
12 Oui ou non?
13 Réponse: Je ne sais pas.
14 M. Tapuskovic (interprétation): Mais pouvez-vous me dire s'il est vrai ou
15 pas que la JNA n'a procédé ni à l'invasion de la Slovénie, ni à l'invasion
16 de la Croatie, mais elle a essayé de préserver les vies des soldats, les
17 biens de la JNA ainsi que l'ordre constitutionnel. C'est exact pas?
18 Témoin C-025 (interprétation): Je ne sais pas. Est-ce que vous me demandez
19 de vous formuler une appréciation personnelle qui serait la mienne?
20 M. le Président (interprétation): En fin de compte, ce sera là une des
21 questions qu'il faudra trancher, que nous, nous devrons trancher: nous
22 devrons déterminer quel a été le rôle de la JNA. Il n'est pas forcément
23 utile d'avoir pour cela l'avis personnel du témoin. Ce témoin peut dire ce
24 qu'il a vu, ce qu'il entendu, bien entendu, mais je pense qu'il faudra
25 passer à autre chose.
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1 M. Tapuskovic (interprétation): (Hors micro.) …suite à tout ce qui s'est
2 passé.
3 M. Kwon (interprétation): Un instant, s'il vous plaît. Je pense avoir
4 entendu une réponse qui disait "je pense", mais cette réponse, je ne la
5 vois répercutée dans le compte rendu d'audience. Les interprètes
6 pourraient-ils nous aider sur ce point?
7 Monsieur le Témoin, avez-vous dit "je pense" en guise de réponse à la
8 question posée par Me Tapuskovic?
9 M. Tapuskovic (interprétation): La dernière question.
10 Témoin C-025 (interprétation): Je pense que cela est en corrélation avec
11 la question afférente à l'agression de la TO effectuée en Slovénie.
12 M. Tapuskovic (interprétation): Oui. Et vous avez répondu oui.
13 Témoin C-025 (interprétation): Je crois que la question a été double: j'ai
14 répondu "je pense", et puis vous avez posé un complément de question et
15 j'ai répondu oui.
16 M. Tapuskovic (interprétation): (Hors micro.)
17 M. Kwon (interprétation): Poursuivez, s'il vous plaît.
18 M. Tapuskovic (interprétation): Est-ce que cette Défense territoriale, en
19 1991-1992-1993, a pris les armes en Serbie? Ça, le savez-vous, étant donné
20 que vous avez fait le métier que vous avez fait?
21 Témoin C-025 (interprétation): Oui.
22 Question: Non?
23 Réponse: Les membres de la TO en Serbie qui ont été mobilisés pour faire
24 partie de la 36e Brigade blindée et mécanisée de Subotica se sont trouvés
25 sur le territoire de Baranja.
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1 Question: Mais ce n'était pas ma question. Dites-moi, à Baranja, après
2 tout ce qui s'est passé, combien de Serbes y avait-il avant et combien de
3 Serbes y a-t-il eu après tous ces événements?
4 Réponse: Je crois qu'il y a une grosse différence pour ce qui est du
5 pourcentage des Serbes: une grande partie des Serbes a quitté la Baranja.
6 Question: Et la situation est telle de nos jours encore, n'est-ce pas?
7 Témoin C-025 (interprétation): Oui.
8 M. Tapuskovic (interprétation): Merci.
9 Merci, Messieurs les Juges.
10 M. Nice (interprétation): Je demande le versement de la déclaration
11 préalable du témoin et qu'il lui soit accordé une cote.
12 M. le Président (interprétation): Oui.
13 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation 358 sous pli
14 scellé, confidentiel.
15 (Interrogatoire principal supplémentaire du Témoin C-025 par M. Nice.)
16 M. Nice (interprétation): A un moment donné, hier, je pense que l'accusé a
17 laissé entendre à ce témoin que la conversation qui lui était soumise
18 avait été, d'une quelconque façon, enregistrée. Je vais non pas revenir
19 sur ce qui avait été présenté au témoin, mais plutôt sur ses allégations.
20 Pendant un certain temps, hier, des questions vous ont été posées à propos
21 de M. Pekic notamment et d'autres choses. Est-ce que, plus exactement,
22 vous avez eu des conversations, est-ce qu'on vous a donné des instructions
23 vers le 24 octobre 2002?
24 Pourriez-vous vous souvenir des journées que vous avez passées ici au
25 Tribunal? Vous attendiez de comparaître, mais votre comparution a été
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1 repoussée pour toutes sortes de raisons.
2 Est-ce que vous vous souvenez de ces dates? Et si ce n'est pas le cas,
3 bien sûr, nous pourrons vérifier dans nos archives.
4 Témoin C-025 (interprétation): Je pense qu'il s'agit d'un mois. Je ne suis
5 pas tout à fait certain. Je ne sais pas vous répondre avec une précision.
6 Je crois que c'était le 8 ou le 9 ou le 10 du mois passé.
7 Question: Lorsque vous êtes arrivé… Pour venir à La Haye, votre voyage a
8 dû être organisé: qui s'en est chargé et qui s'est chargé de vos
9 déplacements ici à La Haye?
10 Réponse: C'est une équipe d'enquêteurs.
11 Question: Est-ce que la Croatie ou un autre Etat, ou est-ce qu'une autre
12 entité ou un autre organe de l'ex-Yougoslavie est intervenu d'une
13 quelconque façon pour assurer votre déplacement ici à La Haye?
14 Réponse: (Pas de traduction.)
15 Question: On vous a laissé, dans le cadre de ces questions nombreuses à
16 l'occasion de ce passage-là, on a laissé entendre qu'on vous avait dit ce
17 qu'il vous fallait dire en octobre, à l'occasion de cette réunion en
18 octobre 2002, à propos du colonel Mijovic.
19 Je vais demander aux Juges d'examiner la page 15 de la déclaration, ou
20 peut-être d'abord la première page où se trouve la date de l'audition pour
21 passer ensuite à l'examen de la page 15.
22 Monsieur le Témoin C-025, lors d'une déclaration recueillie le 10 mars et
23 le 2 mai 2001, est-ce que vous avez relaté ce qui concernait le colonel
24 Mijovic? Ceci se situe à la page 15.
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Est-ce que les suggestions de l'accusé sont, d'une quelconque
2 façon, exactes? Est-ce que vos déclarations seraient le fruit
3 d'instructions qui vous auraient été données par des gens en Croatie ou
4 ailleurs?
5 Réponse: Non. Parce que ma déclaration préalable a été faite plus d'un an
6 avant que l'accusé ne commence à mentionner ce qui s'était passé.
7 Question: Quelques détails à propos des questions posées en contre-
8 interrogatoire: on vous a parlé de l'armement de la population en Baranja,
9 surtout des Serbes; on vous a laissé entendre que ceci était conforme à
10 des lois en vigueur à l'époque et vous aviez auparavant parlé du fait que
11 l'armement était illicite.
12 Pourriez-vous nous dire si l'armement dont vous, vous avez parlé, à votre
13 avis, était licite ou pas?
14 Réponse: Nous avons parlé de deux sortes d'armements: l'armement des
15 Serbes et l'armement de la TO. L'armement des Serbes se faisait de façon
16 illégale alors que l'armement de la Défense territoriale était tout à fait
17 légal.
18 Question: L'accusé a laissé entendre que, de facto et de jure, la Baranja
19 était séparée de la Serbie. Une première chose: est-ce que le MUP, qui
20 était extérieur à votre région, opérait dans votre région? Et le MUP de
21 votre région opérait-il dans des zones se trouvant à l'extérieur de votre
22 région?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Deuxième chose: si nous voyons le haut de la page 15 en version
25 anglaise -et je vais demander au témoin de répondre-, on a laissé entendre
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1 que la DB de Sombor se contentait de recueillir des renseignements.
2 Qu'est-il advenu de la DB de Beli Manastir en 1995? Est-ce qu'elle est
3 restée indépendante ou est-ce qu'en fait, elle se trouvait sous le
4 contrôle de quelqu'un?
5 Réponse: La sûreté d'Etat de Beli Manastir a été reprise par le secteur
6 opérationnel appartenant à Sombor, en 1995.
7 Question: Une question vous a été posée sur les arrestations de personnes;
8 elles étaient le fait d'individus particuliers plutôt que de forces
9 identifiables.
10 Une fois une arrestation exécutée, où les personnes étaient-elles placées
11 en détention?
12 Réponse: La police de Beli Manastir?
13 Question: Et lorsqu'on les transportait à Dalj en camion, dans ce camion
14 dont vous avez parlé, qui assurait le transport: des particuliers ou un
15 groupe?
16 Réponse: La police effectuait le transport et sécurisait de tels
17 transports.
18 Question: On vous a demandé combien de fois vous étiez allé à Belgrade
19 avec votre supérieur? Vous aviez dit que vous n'aviez effectué qu'une
20 seule visite. D'après ce que vous avez appris de lui, quelle était la
21 fréquence de ces visites à lui à Belgrade?
22 Réponse: Eh bien, lui, il y allait bien plus souvent.
23 Question: Et comme vous l'avez compris, pourquoi y allait-il? Quel était
24 la raison de ses déplacements à Belgrade?
25 Réponse: Après ses déplacements, nous avions d'habitude des conversations
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1 concernant les sujets qu'il nous fallait traiter dans un avenir proche.
2 Question: Et d'après les discussions, quel avait été le but de ces visites
3 à Belgrade?
4 Réponse: Le but, eh bien, pour avoir des lignes directrices plus précises;
5 par la suite, il a été question de nous indiquer quels sont les détails
6 sur lesquels il nous fallait nous pencher.
7 Question: Et enfin, nous revenons à la question de l'armement. L'accusé
8 vous a demandé si l'armement avait instillé la peur, l'anxiété chez les
9 Serbes ou pas? Est-ce que la partie illégale de l'armement avait contribué
10 à une anxiété croissante des Serbes dans la région? Est-ce que ceci a
11 contribué à leur départ de la région d'une quelconque façon?
12 Témoin C-025 (interprétation): Je pense que cette partie illicite de
13 l'armement s'était faite dans la conspiration. On n'en savait pas long à
14 l'époque.
15 M. Nice (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Témoin.
16 J'ai ainsi terminé les questions supplémentaires que je souhaitais poser à
17 ce témoin.
18 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin C-025, ceci met fin à
19 votre déposition. Je vous remercie d'être venu comparaître en tant que
20 témoin devant le Tribunal pénal international. Vous pouvez désormais
21 disposer.
22 Témoin C-025 (interprétation): Merci.
23 M. Nice (interprétation): Pendant que les dispositions sont prises pour
24 permettre la sortie du témoin, permettez-moi de sortir moi-même du
25 prétoire pendant quelques instants pour aller chercher le témoin suivant.
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1 (M. Nice et M. McKeon sortent du prétoire.)
2 (Le Témoin C-025 est reconduit hors du prétoire.)
3 (Audience publique à 9 heures 29.)
4 (M. Nice entre de nouveau dans le prétoire.)
5 (Questions relatives à la procédure.)
6 M. Nice (interprétation): Dans l'attente de l'arrivée du témoin suivant,
7 je sais que ce témoin doit être quelque part. Je suppose que vous aurez eu
8 l'occasion de lire la déclaration préalable de ce témoin et vous avez
9 désormais, je pense, le classeur comprenant les pièces auxquelles je ferai
10 référence dans le cadre de la déposition de ce témoin. J'espère que je
11 pourrais vous les fournir sous peu.
12 Vous me permettrez peut-être de dire auparavant, avant que nous
13 n'oubliions ceci, que j'avais l'intention d'appeler à la barre l'enquêteur
14 qui apporterait la preuve des détails, des déplacements du dernier témoin
15 et des circonstances de son arrivée ici à La Haye. Ceci n'aurait pas
16 nécessité beaucoup de temps. Ce témoin était disponible, mais vu
17 l'évolution du contre-interrogatoire, j'ai abandonné ce point.
18 On n'a soumis aucun détail de conversation à ce témoin, que ce soit par
19 voie d'enregistrement sonore ou par voie de compte rendu d'audience; cela
20 n'était pas nécessaire. Mais si ceci devait s'avérer nécessaire, eh bien,
21 nous appellerions ce témoin.
22 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic.
23 M. Milosevic (interprétation): J'ai cru comprendre que cet interrogatoire
24 serait plutôt bref, pour ce qui concerne M. Nice, du moins. Mais je vois
25 ici qu'on m'a transmis des rapports volumineux dans ces classeurs et, en
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1 plus des rapports, des correspondances de Human Rights Watch et toutes ses
2 constatations, analyses, conclusions, remarques faite par ses soins.
3 J'imagine que je devrais pouvoir avoir la possibilité de poser toutes les
4 questions qui se trouveraient être en corrélation avec les allégations qui
5 sont faites ici. Et je ne voudrais pas… je ne devrais pas être limité au
6 temps qui sera mis à la disposition de M. Nice pour procéder à son
7 interrogatoire du témoin.
8 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous allons étudier
9 tout cela. Nous allons d'abord entendre l'interrogatoire principal et
10 puis, nous verrons ce qu'il en est pour le temps.
11 (Le témoin, Mme Jeri Laber, est introduit dans le prétoire.)
12 M. le Président (interprétation): Je vais demander au témoin de donner
13 lecture de la déclaration solennelle.
14 Mme Laber (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
16 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
17 (Interrogatoire principal du témoin, Mme Jeri Laber, par M. Nice.)
18 M. Nice (interprétation): Vous appelez-vous Jeri Laber?
19 Madame Laber, est-ce que vous êtes spécialiste de l'Union soviétique de
20 formation, un des fondateurs de Helsinki Watch en 1979? Est-ce que vous
21 avez été le premier PDG à partir de cette année?
22 Mme Laber (interprétation): C'est exact.
23 Question: Est-ce que vous avez eu ce poste, est-ce que vous avez exercé
24 ces fonctions jusqu'en 1995, année au cours de laquelle vous avez pris
25 votre retraite, tout en poursuivant vos activités dans ce domaine qui
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1 était d'un intérêt particulier pour vous, à savoir la défense des Droits
2 de l'homme?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Il y a des nombreux articles et ouvrages que vous avez écrits,
5 n'est-ce pas?
6 Helsinki Watch a commencé à surveiller la situation en matière de droits
7 de l'homme en ex-Yougoslavie vers quelle année, Madame?
8 Réponse: 1981.
9 Question: A l'époque, dans cette première phase, quel était le domaine qui
10 vous intéressait le plus en ex-Yougoslavie?
11 Réponse: En 1981, il y a eu une toute première visite dans la région. Ce
12 qui nous préoccupait le plus, c'est l'abus des droits politiques, des
13 droits civiques et politiques. Il y a eu plusieurs procès qui se sont
14 déroulés au début des années 1980, des procès de personnes qui avaient été
15 réprimées, à notre avis, parce qu'elles avaient exprimé leur avis, leur
16 opinion.
17 Question: Au cours de ces toutes premières années, est-ce qu'il y a une
18 région particulière de l'ex-Yougoslavie qui a attiré votre attention
19 davantage que d'autres?
20 Réponse: A l'époque même, déjà, ce qui nous préoccupait, c'était ce qui se
21 passait au Kosovo. Moi, je n'y suis pas allé aussitôt, mais nous avions
22 reçu des rapports. Et à Belgrade, j'ai reçu des rapports parlant de
23 l'oppression de la minorité albanaise au Kosovo. Et ce qui nous
24 préoccupait également, c'était la situation rigoureuse qui sévissait en
25 Croatie. On m'a dit de ne pas aller à Zagreb parce qu'on m'a dit que je
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1 n'aurais pas le droit d'y rester, à Zagreb, en tant qu'enquêteur en
2 matière de droits de l'homme.
3 Question: Parlons maintenant d'une visite que vous avez effectuée au mois
4 d'août 1999. Je pense que c'est une visite que vous avez faite en
5 compagnie d'un autre collègue qui s'appelait Kenneth Anderson, un avocat?
6 Réponse: Vous avez dit 1990?
7 Question: Oui, je m'excuse.
8 Réponse: Oui.
9 Question: Et à l'occasion de cette visite avec M. Anderson, est-ce que
10 vous êtes allée en Croatie, au Kosovo, et est-ce que êtes aussi allée à
11 Belgrade?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Qu'est-ce qui avait occasionné cette visite, de façon générale,
14 à l'époque? Qu'est-ce qui vous avait poussée à la faire?
15 Réponse: A ce moment-là, la Fédération existait encore. Il y avait, bien
16 sûr, des rumeurs de sécession, de troubles.
17 D'abord, nous sommes allés en Croatie. Nous y avons rencontré des
18 dissidents politiques, des militants en matière de droits de l'homme qui
19 nous ont emmenés dans divers villages serbes aux abords de Zagreb et là,
20 nous avons pu voir de nos propres yeux une situation d'anxiété extrême, je
21 dirais même d'hystérie.
22 Juste avant notre arrivée, il y avait eu un référendum officieux serbe. On
23 parlait bien sûr de la sécession de la Croatie, de l'union; et la minorité
24 serbe se trouvait dans un état de panique provoqué, je pense, de part et
25 d'autre, par les déclarations nationalistes du Président Tudjman, mais
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1 aussi provoqué par le gouvernement serbe qui essayait d'attiser ces
2 sentiments d'inquiétude. Et ça, nous avons pu le voir nous-mêmes, de nos
3 propres yeux.
4 Question: Quelle fut la durée de votre séjour, cette fois-là?
5 Réponse: Nous sommes allés dans trois Républiques: d'abord en Croatie et
6 au Kosovo, à Belgrade, donc dans deux Républiques. Je ne pourrais pas vous
7 donner un chiffre exact, mais je dirais que notre séjour a été de 10 à 15
8 jours.
9 Question: Est-ce que vous avez parlé à des individus de tous les bords, à
10 des Croates, à des habitants du Kosovo?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Abordons une facette de votre visite en Croatie. Du fait de vos
13 observations, est-ce que vous vous êtes fait une idée plus exacte pour
14 savoir si la police croate était délibérément en train de faire des
15 provocations à l'égard des villages serbes?
16 Réponse: Il ne faisait pas l'ombre d'un doute que les habitants des
17 villages serbes minoritaires que nous avons visités avaient des raisons
18 d'avoir peur. La police croate avait dit au poste de police qu'il fallait
19 désarmer la population serbe, qu'il fallait retirer les armes, les mettre
20 au poste de police ou dans les entrepôts. Même si on présentait ceci comme
21 étant une politique générale s'appliquant à l'entièreté du territoire, on
22 semblait cibler davantage les Serbes de souche. Et, dans certains
23 villages, il y avait eu des barricades, les villageois avaient coupé des
24 arbres pour essayer de constituer des barricades. Nous avons dû faire
25 enlever ces billes de bois pour pouvoir passer.
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1 Il y avait beaucoup de peur chez eux. Et dans les deux villages où je suis
2 allée, la police croate m'a dit qu'elle avait reçu des ordres consistant à
3 ne pas provoquer de troubles, de perturbations, d'en être le plus paisible
4 possible. Mais par ailleurs, leur matériel, matériel dont ils disposaient,
5 était excessivement militaire, vu la tâche qui était la leur. C'était un
6 fait qu'il y avait de la provocation de leur part.
7 M. Nice (interprétation): Je demanderai une cote pour ce classeur. Nous
8 verrons s'il est possible de traiter cette pièce par intercalaire.
9 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation P359.
10 M. Nice (interprétation): C'est une omission de ma part, Monsieur le
11 Président, Messieurs les Juges: je n'ai pas préparé de classeur pour ce
12 témoin.
13 Je vais demander à l'huissier s'il a l'obligeance de prendre le classeur
14 dont dispose le Greffe et, avec son habileté habituelle, s'il peut poser
15 la page pertinente sur le rétroprojecteur.
16 Nous allons fournir une copie au témoin de façon à ce qu'elle puisse
17 suivre l'examen de ces rapports.
18 (Intervention de l'huissier.)
19 Examinons maintenant l'intercalaire 1 de cette pièce 359 et je vais
20 demander à l'huissier de placer la page de garde sur le rétroprojecteur.
21 Madame Laber, est-ce qu'en janvier 1991, vous avez préparé un rapport qui
22 s'inspire de ces enquêtes que vous avez menées et qui a pour titre "Les
23 droits de l'homme dans une Yougoslavie en dissolution"?
24 Réponse: Je ne suis pas l'auteur de ce rapport. C'est mon collègue qui est
25 cet auteur, mais moi j'ai contribué à sa révision et à sa publication.
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1 Question: Quelques questions s'agissant de la méthode utilisée pour
2 préparer ce rapport et, les rapports suivants, nous allons en parler dans
3 un instant.
4 Réponse: Eh bien, notre méthode est restée pratiquement la même pendant
5 tout ce temps. Nous avons envoyé des enquêteurs dans la région qui ont
6 recueilli des informations en ayant des entretiens avec des victimes, des
7 témoins d'exaction. Nous avons pris des notes. Nous avons comparé ces
8 notes et nous avons interviewé chaque témoin individuellement. Nous avons
9 essayé de trouver des éléments corroboratifs qui viendraient à l'appui de
10 ce que nous avions entendu de telle ou telle personne, personne qui
11 témoignait à propos du même événement.
12 Nous avons vu des rapports de police, des rapports médico-légaux. Nous
13 avons essayé de trouver toutes les disquettes disponibles et nous nous
14 rendus sur les lieux de crimes dans la mesure du possible.
15 Nous l'avons fait nous-mêmes et ceci a été repris dans un rapport que j'ai
16 revu en tant que rédacteur. Nous avons soumis ces rapports aux
17 gouvernements concernés, aux chefs de gouvernement, à la presse chaque
18 fois que nous pensions que quelqu'un pouvait être susceptible d'éveiller
19 l'attention du public à propos de ces événements.
20 Question: Deux choses à propos de ce rapport. A l'inverse du deuxième,
21 ici, vous étiez une des personnes qui avaient préparé cette matière brute
22 qui devait servir au rapport?
23 Réponse: C'est exact.
24 Question: Et s'agissant de ces rapports, vous avez dit qu'ils étaient
25 fournis aux ambassades et aux gouvernements pertinents. Ici, en
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1 l'occurrence, s'agissant de ce rapport-ci, est-ce qu'il a été envoyé aux
2 gouvernements, aux ambassades de l'ex-Yougoslavie?
3 Réponse: Oui.
4 Question: A l'évidence, Monsieur le Président, je ne vais parcourir ce
5 rapport ni les autres rapports non plus dans le détail. Les parties et la
6 Chambre peuvent les examiner de façon circonstanciée en temps utile; je me
7 contenterai de relever quelques points.
8 Première page du rapport, elle n'a pas de numéro de page, mais je pense
9 qu'on peut la placer sur le rétroprojecteur.
10 Et au bas de la page, Madame le Témoin, dans le paragraphe qui s'intitule
11 "Contexte", est-ce que nous voyons qu'il est dit clairement dans les deux
12 dernières lignes que "Helsinki Watch n'a pas d'avis arrêté quant à la
13 question de savoir si la Yougoslavie devrait ou ne devrait pas rester un
14 seul et même pays"? Est-ce que c'est bien la position que vous aviez à
15 l'époque?
16 Réponse: Oui, c'était notre position et elle n'a cessé de l'être dans un
17 pays quel qu'il soit. Notre organisation n'a pas pour mandat de prendre
18 position sur le tracé de frontières de quelque pays que ce soit.
19 Question: Maintenant, nous avons une numérotation de pages. Nous pouvons
20 suivre cette numérotation; nous sommes maintenant à la page 3.
21 Au bas de la page 3, est-ce que nous voyons ce passage-ci, qui traduit
22 bien une partie de votre mandat s'agissant de votre visite au Kosovo -je
23 cite-: "Le traitement par le gouvernement serbe des Albanais de souche
24 dans la province du Kosovo ne cesse d'empirer et débouche sur une des
25 situations les plus graves en matière d'exactions pour ce qui est des
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1 Droits de l'homme en Europe aujourd'hui"?
2 Je m'arrête. Est-ce que ce rapport avait été préparé avant que n'éclatent
3 les conflits en Croatie, en Bosnie et plus tard en Kosovo? Donc ceci est
4 antérieur, n'est-ce pas?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Et était-ce votre avis à l'époque, à savoir que la situation en
7 matière d'exactions, pour ce qui est des droits de l'homme, était une des
8 situations les plus graves en Europe?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Et dans le cadre de la préparation de votre rapport, de façon
11 générale, est-ce que vous étiez consciente de, sensible à, et aussi au
12 courant du travail fait par d'autres organisations humanitaires de défense
13 des Droits de l'homme dans la région?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Et si vous trouviez que votre avis ne correspondait pas à l'avis
16 d'autres, est-ce que vous réagissiez d'une quelconque façon?
17 Réponse: Bien sûr.
18 Question: Et vous poursuivez en disant dans ce même paragraphe ceci -je
19 cite-: "Les Albanais de souche au Kosovo sont arrêtés de façon massive,
20 soumis à des sévices et quelquefois torturés en prison, et soumis à des
21 licenciements collectifs de leur emploi pour le seul motif de leur
22 appartenance ethnique.
23 Les unités de la police serbe ont eu recours de façon répétée à un excès
24 de force lors de confrontation à l'occasion de manifestations organisées
25 par des Albanais de souche. A une occasion, plus de 50 personnes ont été
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1 tuées pour la seule année 1990.
2 Est-ce que c'est bien le reflet final de votre avis?
3 Réponse: C'est le résultat de notre enquête.
4 Question: A l'époque, est-ce qu'on parlait de l'existence de l'UCK sur le
5 terrain?
6 Réponse: Il n'y avait pas, à ma connaissance, d'UCK à l'époque.
7 Une des répressions les plus graves que j'ai constatées parce que, quelque
8 part, une des impressions les plus fortes, c'est que, même s'il y avait
9 une inactivité de l'armée albanaise, tout ceci semblait inexplicablement
10 paisible. On ne parlait pas d'armes, on ne parlait même pas de
11 manifestation, de protestation. Et vraiment, ils semblaient vraiment
12 dépendants; ils espéraient que l'opinion mondiale viendrait à leur
13 secours, mais personne ne faisait vraiment attention à ce moment-là.
14 Question: Nous sommes toujours à la page 4. Je vais reprendre de façon un
15 peu plus détaillée ce passage.
16 Vous dites ceci -je poursuis la lecture-: "Les forces de sécurité du
17 Gouvernement serbe, dont nous allons discuter plus tard, ont attaqué des
18 villages où vivent des Albanais de souche pour essayer apparemment de les
19 intimider. Le Gouvernement serbe a suspendu le parlement du Kosovo et
20 d'autres institutions du gouvernement où participaient les Albanais de
21 souche. Et pendant les périodes prolongées, il y a eu suspension du
22 quotidien principal albanais, "Rilindija", et les programmes de langue
23 albanaise ont été interdits de la télévision et de la radio du Kosovo. Et
24 on s'est lancé dans un programme qui visait à marginaliser la population
25 albanaise de souche dans des circonstances qui équivalent à du racisme, à
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1 une discrimination inacceptable à une violation grave des droits des
2 Albanais de souche, à la libre expression et à une participation politique
3 sur un pied d'égalité." (Fin de citation.)
4 Etait-ce votre avis?
5 Réponse: Oui, il se fondait sur de nombreuses interviews avec des
6 journalistes, des membres de la minorité albanaise, des professionnels,
7 des membres de la profession libérale qui avaient été licenciés, par
8 exemple des médecins et d'autres qui nous ont dit qu'il régnait une
9 situation pratiquement d'apartheid.
10 Toute la population albanaise qui n'était pas la population minoritaire,
11 mais au contraire majoritaire, ne pouvait plus participer à la société
12 civile ni à l'exercice d'une profession quelconque.
13 Est-ce que là, je prends les devants en parlant d'une visite effectuée
14 dans un village?
15 Question: Non, non. Parlez-nous-en et je ne vous poserai plus cette
16 question plus tard.
17 Réponse: Nous sommes aller voir un village appelé Polak; un tout petit
18 village qui avait subi une attaque au char aux toutes premières heures du
19 matin. Difficile d'imaginer, vu la taille du village, qu'on aurait pu
20 entrer dans un village qui était aussi petit avec un tel recours massif à
21 la force. Il y avait eu pilonnage des maisons; deux jeunes hommes avaient
22 été tués.
23 M. Nice (interprétation): Je vais devoir vous arrêter, non pas que ceci
24 soit dénué d'intérêt, mais si l'accusé vous posait des questions à ce
25 propos, vous pourrez répondre et tout ceci est dans votre rapport de toute
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1 façon.
2 M. Kwon (interprétation): Madame Laber, s'agissant des interviews que vous
3 avez menées à l'époque, dites-nous, combien de personnes avez-vous
4 interviewé d'après vos souvenirs?
5 Mme Laber (interprétation): Je ne pourrais vous donner qu'un chiffre
6 approximatif parce que cela s'est passé il y a une dizaine d'années et je
7 n'ai pas ces notes sur moi.
8 Je dirai cependant qu'en tout, nous avons mené 30 interviews au Kosovo.
9 M. Kwon (interprétation): Merci, Madame.
10 M. Nice (interprétation): Nous sommes toujours à l'examen de la page 4.
11 Nous sautons le paragraphe suivant et la première phrase du suivant.
12 Nous reprenons le reste. "Dès le mois de septembre 1989, au moment où une
13 mission conjointe de Helsinki Watch et de International Helsinki
14 Federation, au moment où il y a eu cette visite dans la province du
15 Kosovo…
16 Mme Laber (interprétation): Excusez-moi, nous sommes à la page 4?
17 Question: Oui, c'est le paragraphe du milieu.
18 Réponse: Oui, je l'ai trouvé.
19 Question: Excusez-moi, je m'excuse de ne pas vous avoir demandé si vous
20 saviez où nous en étions.
21 Il y a eu à l'époque une raison de croire qu'il y avait une répression des
22 Albanais de souche par le gouvernement serbe, ces Albanais représentant
23 quelque 90% de la population. Et ceci était -du moins en partie- une
24 tentative visant à protéger la minorité serbe dans la province, plutôt que
25 d'essayer simplement de placer l'identité albanaise sous le joug.
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1 Les minorités serbes et autres avaient de l'avis de Helsinki Watch et de
2 IHF souffert d'exactions au cours des années précédentes.
3 Une année plus tard cependant, en octobre 1990, rien ne justifiait plus
4 cette information selon laquelle "l'intervention du Gouvernement serbe au
5 Kosovo n'avait pour autre objet que de protéger la minorité serbe" (Fin de
6 citation.)
7 C'était votre avis à l'époque. Est-ce un avis que vous avez toujours
8 aujourd'hui?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Est-ce que ceci se fondait sur des interviews menées à l'époque
11 dans le cadre de cette mission, ou est-ce que vous vous êtes basés aussi
12 sur d'autres éléments, d'autres documents?
13 Réponse: Nous avons travaillé avec la IHF qui avait déjà envoyé des
14 missions auparavant. Donc c'était, si vous voulez, une compilation
15 d'impression que nous nous étions faites au cours de cette visite, mais
16 aussi de visites effectuées par d'autres groupes qui avaient fourni du
17 matériel à ce propos.
18 Question: Nous voyons à la lecture de ce passage que vous étiez
19 conscients, alertés par le problème que connaissait la minorité serbe et
20 par le fait qu'elle avait besoin de protection.
21 Réponse: Tout à fait. Ces problèmes existaient effectivement, mais la
22 réponse semblait tout à fait disproportionnée, vu la taille du problème.
23 Question: Maintenant, nous prenons la deuxième phrase du paragraphe
24 suivant: "Le Gouvernement serbe a, par conséquent, entrepris un programme
25 ambitieux qui vise à réinstaller des Serbes au Kosovo afin de récupérer,
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1 de reprendre la province. Et cette réinstallation s'accomplit par la voie
2 d'une politique raciste qui vise à déplacer les Albanais de souche du
3 Gouvernement, des écoles et des lieux de travail."
4 Est-ce votre avis?
5 Réponse: Oui.
6 Question: J'aborderai de façon plus brève les parties du rapport
7 concernant la Croatie. Mais auparavant, nous sommes toujours au bas de la
8 page 4 et, là, vous expliquez que "le 2 septembre 1990, une délégation de
9 la IHF, Fédération Internationale d'Helsinki, s'était rendue au Kosovo
10 pour y examiner la situation qui y prévalait. La délégation se composait
11 de quatre citoyens d'Autriche, du Danemark et des Pays-Bas".
12 Nous sommes maintenant à la page 5, et vous expliquez que "la délégation
13 avait été détenue au cours de la nuit par la police secrète serbe dans un
14 hôtel de Pristina. Des membres de la délégation ont été interrogés et on a
15 menacé l'un des membres de prison.
16 Au paragraphe suivant, vous expliquez comment il y a eu des protestations
17 diplomatiques et des protestations d'organisations non gouvernementales,
18 protestations vives, mais il a fallu au Gouvernement de Yougoslavie des
19 journées entières avant d'admettre que cette expulsion avait eu lieu.
20 Et puis, vous dites ceci, ce qui révèle la faiblesse croissante du
21 gouvernement fédéral yougoslave par rapport au Gouvernement de la
22 République serbe: "Le Gouvernement fédéral estimait que ces expulsions ou
23 ces ordres d'expulsion ne pouvaient être révoqués que par un tribunal
24 compétent de la République de Serbie et qu'après un mois de négociations.
25 Cet ordre d'expulsion et ces cachets de "Persona non grata" avaient
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1 finalement été expurgés".
2 Et cette observation que vous faite, s'agissant des pouvoirs et
3 compétences comparés de la Serbie et de la Fédération, est-ce une
4 estimation que vous vous êtes faite à l'époque?
5 Réponse: Ce n'était pas une surprise parce qu'il était clair, déjà à ce
6 moment-là, que le gouvernement fédéral était très faible, pratiquement
7 impuissant dans l'exercice de ses pouvoirs.
8 Question: Et si vous vouliez que quelque chose soit fait, à qui vous
9 adressiez-vous?
10 Réponse: Au gouvernement en Serbie.
11 Question: Etait-ce votre avis à vous ou est-ce qu'il y avait d'autres
12 personnes qui partageaient cet avis?
13 Réponse: Je pense que c'était une présomption générale. On disait que
14 c'était là le siège du pouvoir.
15 Question: Et maintenant, nous en arrivons au passage auquel vous faites
16 référence dans votre déclaration préalable, à savoir la minorité serbe en
17 Croatie. Vous donnez d'abord l'histoire, l'histoire contemporaine
18 compétente qui porte sur le fait que les Croates se sont emparés des armes
19 se trouvant au poste de police, ou ont rassemblé les armes au poste de
20 police de façon à instiller l'anxiété parmi ceux qui n'avaient pas ces
21 armes, à savoir surtout les non-Croates.
22 Nous sommes maintenant à la page 6, le premier paragraphe complet. Voici
23 ce que vous dites, s'agissant de la situation générale -j'omets la
24 première phrase, je cite-: "Lorsque des unités de police croate spéciales
25 sont arrivées, en général tard la nuit, dans diverses villes, pour
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1 ramasser les fusils et les autres munitions, en général il y avait à leur
2 encontre des manifestations serbes de Serbes qui avaient souffert de façon
3 terrible des fascistes croates pendant la Deuxième Guerre mondiale, et qui
4 croyaient apparemment que la saisie des armes qui se faisait à ce moment-
5 là allait les placer à la merci du gouvernement croate. C'était une peur
6 qui était aggravée par le fait que la saisie des armes, au départ, avait
7 été exécutée par des unités de la police spéciale uniquement composée de
8 Croates, apparemment constituée à la hâte, et surtout dans les villages et
9 des villes où il y avait une majorité de la population serbe. La minorité
10 serbe voyait donc dans cette saisie un désarmement ciblé et pas simplement
11 une mesure neutre prise par un gouvernement, sur une base générale non
12 ethnique, destinée à réduire la quantité d'armes qui auraient pu être
13 utilisées par des particuliers et constituer une menace pour l'ordre
14 public." (Fin de citation.)
15 Lorsque vous avez rédigé ce rapport et que vous avez essayé d'être
16 magnanime et d'être tout à fait désintéressée, est-ce que vous avez essayé
17 de répercuter l'anxiété compréhensible de la minorité serbe?
18 Réponse: J'ai essayé d'être, de toute façon, très neutre, d'avoir la même
19 attitude envers toutes les parties. Et nous avons toujours essayé d'avoir
20 cette attitude dans nos enquêtes.
21 Question: Passons maintenant au bas de la page 8.
22 "Helsinki Watch ne conteste pas l'autorité du Gouvernement croate dûment
23 constitué. Dans l'intérêt de la sécurité publique, il faut effectivement
24 exiger que les armes détenues par des particuliers soient rendues, pour
25 rassembler les armes de la police de réserve, pour prendre de telles
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1 mesures dans le respect de l'Etat de droit, pour mettre en œuvre de tels
2 ordres.
3 Cependant, Helsinki Watch pense qu'il y a eu recours excessif à la force
4 de la part de la police croate, notamment dans le village de Dvor na Uni.
5 On a des raisons de croire que l'intention était d'intimider la population
6 serbe et de forcer les gens à appliquer cet ordre qui était par ailleurs
7 l'écho qui consistait à rassembler les armes. Même si cette action a été
8 présentée comme faisant partie du cadre et du programme général visant à
9 assurer la sécurité publique, du moins dans la première partie du
10 programme, en fait les ordres du gouvernement semblaient surtout se
11 concentrer sur les villages serbes et uniquement sur ceux-ci." (Fin de
12 citation.)
13 Maintenant, nous allons voir ce qu'il en est à la page 9, toujours pour ce
14 qui est de cette attitude par rapport aux problèmes posés par la minorité
15 serbe. Parlons de ce que vous avez vu dans le village de Polak, au Kosovo.
16 Au bas de la page 10, vous avez demandé une enquête complète. Et puis, bas
17 de la page 12, il y a un rapport qui se termine en disant que "Helsinki
18 Watch exhorte à l'application de sanctions économiques contre le
19 gouvernement fédéral de la Yougoslavie et, dans la mesure du possible,
20 contre le gouvernement de la Serbie qui se livre à des exactions sans nom
21 dans la province du Kosovo. "Et nous exhortons aussi à ce que la situation
22 fasse l'objet d'un suivi dans les autres Républiques de la Yougoslavie,
23 surtout en Croatie où il y a potentiellement une situation explosive en
24 matière de Droits de l'homme et où il faut appliquer des sanctions
25 économiques à l'avenir, sur toute République de la Yougoslavie qui se
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1 livre à des exactions en matière de Droits de l'homme". C'était votre
2 conclusion?
3 Réponse: Oui. A l'époque, c'était la position que nous avions adoptée.
4 Question: Et comme vous l'avez déjà expliqué, ce rapport a fait l'objet
5 d'une distribution large et a été envoyé notamment aux gouvernements et
6 ambassades de l'ex-Yougoslavie.
7 Nous passons maintenant à autre chose. La guerre a éclaté vers le milieu
8 de l'année 1991 ou vers la fin de cette année. Est-ce que vous avez
9 poursuivi vos enquêtes?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Avec la même démarche, la même méthode, si ce n'est que pour ce
12 qui est du rapport que nous allons maintenant examiner dans un instant,
13 vous n'étiez pas vous-même une des personnes menant ces enquêtes; vous
14 étiez le directeur?
15 Réponse: J'étais directeur de l'organisation. Il y a une recrudescence de
16 nos activités en 1991, vu la situation qui était devenue beaucoup plus
17 explosive. Et nous avons toujours eu un officier sur le terrain, nous
18 avons envoyé plusieurs enquêteurs, plusieurs missions qui ont peut-être eu
19 un certain chevauchement. Je pense qu'il y a eu six missions distinctes
20 envoyées cette année et je pense aussi qu'il y a eu sept rapports.
21 Question: Parmi vos interlocuteurs, il y avait des gens sur le terrain,
22 des habitants de villages, de villes. Est-ce que, parmi ceux-ci, il y
23 avait aussi des représentants du gouvernement, de l'armée?
24 Réponse: Dans la mesure du possible, effectivement, nous avons rencontré
25 des représentants du gouvernement. Je pense que nos gens sur le terrain
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1 ont eu plusieurs rencontres, notamment avec M. Mesic qui était, à ce
2 moment-là, le Président de la présidence.
3 Question: Avant de parler des rapports de Helsinki Watch qui faisaient
4 état d'exactions, il vous fallait quel niveau d'administration de la
5 preuve?
6 Réponse: C'était en fonction, comme je l'ai dit, du fait de savoir si l'on
7 recevait suffisamment de preuves écrites; je parle ici de preuves que nous
8 recueillions nous-mêmes de témoins, dans la mesure du possible, et aussi
9 de victimes. Nous allions mener des enquêtes sur les lieux de crime, nous
10 obtenions des rapports de police et des rapports, dans la mesure du
11 possible, de médecine légale.
12 Question: Est-ce que vous voulez essayer de caractériser le degré de
13 preuve qui vous était nécessaire avant de caractériser la situation,
14 quelle qu'elle fut?
15 Réponse: Nous sommes une organisation professionnelle. Nous avons des
16 standards très élevés de formulation d'éléments de preuve, donc nous
17 faisons ça depuis bon nombre d'années dans un nombre de pays tout au large
18 du monde, donc nos normes sont consistantes et sont propres à notre
19 organisation. Nous ne posons pas de questions suggestives. Nous faisons
20 des enquêtes dans des environnements clos, donc à titre privé, et nous
21 cherchons à éviter toute situation où les témoins éviteraient de parler de
22 façon voilée ou exagéreraient les faits.
23 M. Nice (interprétation): Penchons-nous maintenant sur l'intercalaire 2:
24 là, on parle de la Yougoslavie et de la violation des droits de l'homme
25 avec le conflit de la Croatie. La date est celle du mois de septembre
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1 1991.
2 Je crois que nous pouvons passer brièvement là-dessus. Et il s'agit de ce
3 qui se passait notamment pour ce qui est de l'information des gens
4 concernant les événements.
5 Si nous nous penchons sur la page n°3 -Introduction générale. Page 3. Ce
6 n'est pas votre rapport mais c'est un rapport pour lequel vous endossez
7 une responsabilité générale- voici ce qui est dit:
8 "Dans bien des cas, des preuves montrent qu'il y a une complicité de
9 l'armée de la part des insurgés serbes. La JNA a été autorisée à servir de
10 tampon entre les deux factions pour éviter toute nouvelle effusion de
11 sang. Cependant, la JNA qui a surtout des officiers serbes dans son Corps
12 et qui a pour intérêt la préservation d'un Etat yougoslave ne cesse
13 d'intervenir dans le conflit, apparemment sans avoir l'autorisation de son
14 commandant en chef civil, à savoir la présidence yougoslave. De telles
15 interventions ont eu pour effet de maintenir les gains de territoires
16 obtenus par les Serbes en Croatie. C'était donc la conclusion que vous
17 nous avez expliquée. Votre personnel a interviewé des interlocuteurs tels
18 que le Président Mesic ou d'autres représentants du gouvernement ou de
19 l'armée?
20 Mme Laber (interprétation): C'est exact.
21 M. Tapuskovic (interprétation): Messieurs les Juges, je voudrais dire une
22 chose à savoir qu'il ne s'agit pas ici d'un témoin expert. Ce sont là des
23 choses qu'il vous appartiendra de trancher et où il vous appartiendra de
24 formuler des conclusions. Nous avons déjà entendu un représentant de cette
25 organisation et ce représentant a témoigné de choses qu'il a vues
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1 directement. Mais ce type de conclusion, c'est une chose qui doit
2 appartenir aux compétences qui sont les vôtres.
3 M. le Président (interprétation): C'est un témoin qui vient faire rapport
4 non pas en tant qu'expert, mais faire rapport sur ce que son organisation
5 elle-même a vu ou entendu. Bien sûr, nous devrons savoir sur quel moyen de
6 preuve ses déclarations se basent et nous déciderons de la valeur à leur
7 accorder.
8 Oui, Monsieur Nice?
9 M. Tapuskovic (interprétation): J'étais en train de dire que je pense
10 qu'il ne devrait pas faire de conclusion.
11 M. le Président (interprétation): Elle présente un rapport; elle a le
12 droit de le faire, elle a le droit de parler des moyens de preuve la
13 concernant et de dire qu'il y a dans ce rapport.
14 Poursuivez, Monsieur Nice.
15 M. Nice (interprétation): Page 3, milieu de la page, mais le deuxième
16 paragraphe sous l'en-tête ou la rubrique "Situation des Serbes et des
17 Croates".
18 Deuxième phrase de ce deuxième paragraphe: "Les deux côtés insistent sur
19 le fait que le conflit actuel n'est pas un conflit de nature ethnique,
20 mais est en fait le résultat d'activités nationalistes exacerbées de la
21 partie adverse. Et chaque partie est prête à raconter des récits horribles
22 d'atrocités commises par les autres, mais il est rarement possible de
23 corroborer de tels récits. La presse serbe, comme la presse croate,
24 exagère et souvent déforme les nouvelles, exacerbant de cette façon les
25 anxiétés et les peurs aussi bien des Croates que des Serbes". (Fin de
Page 14257
1 citation.)
2 Est-ce que… Vous avez bien sûr les expériences et impressions recueillies
3 par votre personnel, mais est-ce que vous même vous avez connu ceci?
4 Mme Laber (interprétation): Je me souviens m'être trouvée à Belgrade et
5 avoir vu quelques éléments de propagande tout à fait scintillants, très
6 bien produits, qui montraient comment les Croates s'étaient livrés à des
7 exactions sur les Serbes. Il y avait des photographies, d'ailleurs
8 horribles, mais qui se sont avérées n'être pas contemporaines mais venir
9 du régime fasciste de la Deuxième Guerre mondiale; on voyait une main
10 d'homme sectionnée la hache, des choses de ce genre, effectivement,
11 destinées à horrifier les gens. Et c'est seulement quand on regardait
12 entre les lignes qu'on voyait que ça ne s'était pas passé maintenant, mais
13 à l'époque.
14 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, j'aimerais simplement que
15 nous revenions au premier passage de la page 3, pour demander ceci à Mme
16 Laber. Pourrait-elle tirer au clair ce commentaire pour lequel la JNA
17 serait intervenue dans le conflit, sans en avoir l'autorisation qu'elle
18 aurait recueillie de son commandant en chef civil, à savoir la présidence
19 yougoslave? C'est le premier passage pour lequel vous lui avez demandé un
20 commentaire. Pourrait-elle apporter étoffer ce propos et m'apporter un
21 éclaircissement?
22 Mme Laber (interprétation): Il y avait un schéma d'intervention de la JNA.
23 On nous en a fait état à plusieurs reprises. L'armée arrivait, surtout
24 pour servir de tampon, pour enrayer les violences. Mais nous avons reçu de
25 nombreux rapports selon lesquels la JNA s'était mis du côté des
Page 14258
1 nationalistes serbes pour protéger leurs intérêts.
2 Je ne peux pas vous dire malheureusement...
3 M. Robinson (interprétation): Mais ce qui m'intéresse sûrement c'est que
4 la JNA était intervenue sans en avoir l'autorisation.
5 Mme Laber (interprétation): Je ne peux pas vous dire d'où provient cet
6 élément d'information; ça se trouve dans le rapport. Je pense que ça a été
7 recueilli par les gens qui préparaient ce rapport. Mais si je ne m'adresse
8 pas à ces personnes qui ont recueilli ces informations, je ne peux pas
9 vous dire d'où elle vient, qui leur a dit cela. Peut-être que ça s'est
10 fait au niveau des entretiens avec la présidence puisqu'ils en ont
11 rencontré quelques-uns, je ne sais pas si ces conclusions sont basées sur
12 ce qu'ils ont entendu dire.
13 M. Robinson (interprétation): Je vous remercie.
14 M. Nice (interprétation): Page 3, c'est là que commence un passage qui
15 nous parle de la situation des Serbes.
16 Page 4, je ne souhaite relever qu'un point, au dernier paragraphe de cette
17 partie-ci, vers les trois-quarts de la page. Sur le plan politique, les
18 Serbes en Croatie et ailleurs demandaient que soit préservée la
19 Yougoslavie en tant qu'Etat fédéral fort. Les Serbes de Croatie avaient
20 déclaré qu'ils allaient faire sécession de la Croatie si celle-ci faisait
21 sécession de la Yougoslavie. Les Serbes avaient dit qu'ils allaient
22 s'emparer de larges portions des terres croates; et beaucoup d'insurgés
23 serbes disaient ceci: "Si les Croates veulent faire sécession de la
24 Yougoslavie, bon débarras. Mais s'ils veulent faire sécession, ils
25 n'emporteront aucun Serbe ni aucune portion de terre où vit un Serbe".
Page 14259
1 (Fin de citation.)
2 "D'autres Serbes bien sûr appellent à la création d'une 'Grande Serbie'
3 dans laquelle la Serbie serait dirigeante et dirigerait toute la
4 Yougoslavie d'aujourd'hui, à l'exception de Zagreb, capitale croate, et de
5 ses environs et à l'exception de Slovénie".
6 Ce rapport qui date de septembre 1991 parle de certaines personnes qui
7 parlent déjà de la "Grande Serbie". Est-ce que c'est une expérience
8 générale que celle-ci?
9 Réponse: Mon impression c'est qu'à l'époque, on parlait souvent de la
10 "Grande Serbie"; ça se trouvait dans la presse, en tout cas dans la presse
11 occidentale, et les diplomates en parlaient souvent aussi.
12 Question: Parlons maintenant de la situation des Croates au bas de la page
13 4.
14 "Beaucoup de Croates pensaient que l'insurrection serbe du moment était la
15 création du Gouvernement fédéral à Belgrade qui avait pour objectif de
16 provoquer la chute du Gouvernement croate et de réinstaller le contrôle
17 serbe et communiste sur le territoire de la Croatie. Ils pensaient que
18 Slobodan Milosevic -le Président de la République de Serbie- manipule la
19 cause des Droits des l'homme afin de réaliser 'son objectif' impérialiste.
20 Un exemple fréquemment cité est celui du Kosovo, où le Gouvernement serbe
21 a justifié la répression qu'il exerçait sur la majorité albanaise et
22 justifiait la suspension des droits politiques des Albanais parce
23 qu'apparemment, il y aurait eu de la part des Albanais des exactions en
24 matière des Droits de l'homme, dirigées contre les Serbes et les
25 Monténégrins du Kosovo." (Fin de citation.)
Page 14260
1 Est-ce que ce passage est uniquement le résultat du travail de votre
2 personnel ou est-ce que vous vous avez personnellement un avis là-dessus?
3 Réponse: En fait, ce passage explique les attitudes dont nous avons
4 entendu parler. Ce n'est pas notre avis à nous, c'est une explication qui
5 explique le climat politique et polyintellectuel que nous avons rencontré
6 du côté serbe, là où nous parlons de la situation des Serbes, et du côté
7 croate, là où nous parlons de la situation des Croates. Tout ceci sert de
8 contexte enfin.
9 Question: Merci. Même sujet vers le bas de la page avant-dernier
10 paragraphe: "A l'inverse, beaucoup de Croates estiment que le Gouvernement
11 serbe de Milosevic est la cause véritable de l'insurrection serbe. Les
12 Croates ont peur du fait que Milosevic veuille maintenir le régime
13 communiste en Yougoslavie et veuille créer en Yougoslavie une Grande
14 Serbie." Et puis vous poursuivez sur la même veine.
15 Est-ce que c'est là l'avis qui a été communiqué au personnel de votre
16 organisation?
17 (Signe affirmatif du témoin.)
18 Je ne vais pas aborder davantage de détails, vu le peu de temps qui m'est
19 imparti et, de plus, ce n'est pas nécessaire.
20 Arrivons aux conclusions que vous formulez à la page 27. Nous verrons
21 ainsi quel était l'avis général de votre organisation, avant de voir quel
22 était votre avis personnel.
23 Voici la conclusion: "Le conflit actuel en Croatie, opposant les Croates,
24 les Serbes et l'armée yougoslave, a causé de nombreuses morts parmi les
25 civils et beaucoup d'exactions en matière des Droits de l'homme. La
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1 majorité des exactions commises par les Croates se résument à une
2 discrimination envers les Serbes. Les Croates ont souvent placé des
3 personnes en détention à la police et n'ont pas véritablement engagé de
4 poursuite dans les cas de meurtres.
5 Et ceci constitue des violations graves. Ces exactions et abus commis par
6 les Serbes sont des mauvais traitements physiques, notamment des passages
7 à tabac et le recours à des électrochocs sur des prisonniers, autant des
8 exactions graves dirigées contre le personnel civil et médical; et il est
9 des exemples récents de telles attaques qui se situent dans la semaine du
10 19 août, au moment où il y a attaque indiscriminée sur l'armée yougoslave
11 sur des objectifs civils à Osijek et à Vukovar.
12 Il y a de plus en plus de crainte de voir une augmentation du conflit et
13 Helsinki Watch appelle toutes les parties au conflit à respecter les
14 obligations qui leur incombent en vertu des Conventions de Genève."
15 Est-ce que c'était, effectivement, l'avis qu'avait votre organisation à
16 l'époque?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Quels étaient vos objectifs pour bien comprendre ce que vous
19 avez ensuite fait? Quels étaient vos objectifs, que recherchiez-vous?
20 Réponse: J'aimerais assister sur ce fait: au moment où ces rapports
21 étaient rédigés, nous ne savions pas qu'il y allait avoir un Tribunal
22 international ou des actes d'accusation. Nous voulions éviter toute
23 nouvelle mort. Et si nous pensions que le gouvernement pouvait intervenir,
24 nous pensions aussi que l'opinion publique internationale pouvait
25 intervenir, et c'est ce que nous recherchions.
Page 14262
1 Question: Maintenant, voyons l'intercalaire n°3.
2 Est-ce qu'au mois de janvier, le 21 janvier 1992, vous avez envoyé une
3 lettre à l'accusé ainsi qu'au général Adzic?
4 Réponse: Oui.
5 Question: En guise de rappel, est-ce qu'effectivement, le rapport
6 précédent avait été diffusé aux ambassades, au gouvernement, comme le
7 premier l'avait été?
8 Réponse: Effectivement, il a été envoyé aux Présidents des différentes
9 Républiques, aux ambassades et à la presse.
10 Question: Maintenant examinons l'intercalaire n°3.
11 Une lettre est envoyée, le 21 janvier, à l'accusé et au général Adzic.
12 Page 1, on présente le problème: "Les comités de Helsinki Watch se sentent
13 profondément perturbés par les exactions commises par le Gouvernement
14 serbe et l'armée yougoslave. Nous avons mené des enquêtes sur ces rapports
15 afin d'établir les faits au cours de nombreuses années, et ceux-ci
16 indiquent que ces rapports sont bien fondés. Nous vous demandons de mener
17 des enquêtes sur les exactions énumérées dans cette lettre et d'en punir
18 les auteurs. Nous vous demandons de prendre des mesures immédiates afin de
19 veiller à ce que de telles violations des Droits de l'homme ne se
20 produisent plus."
21 Paragraphe suivant: vous y résumez ces violations et exactions, vous les
22 nommez. Vous parlez de ces violations, des droits élémentaires et vous
23 terminez en disant que "nous faisons objection à la persécution continue
24 de la population albanaise au Kosovo."
25 Voyons la présentation de la lettre davantage que son contenu et ses
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1 détails.
2 Page 2, nous voyons qu'il y a eu violation des règles des conflits armés
3 dans le conflit en Croatie, puis, à la page 3, vous précisez plusieurs
4 incidents à Benkovac Grude, Drugar, Dalj, Gracac. Et puis, à la page 4, à
5 Pecki, à Cetekovac, à Siroka Kula. Et à la page 5, vous dites ceci -c'est
6 vers le milieu de la page: "Tanjug accuse les Croates d'avoir commis des
7 crimes de guerre contre les Serbes dans les zones proches de la ville de
8 Grubisno Polje en Croatie. Suite à ces allégations, il y eut enquête de la
9 Mission d'observation de la Communauté européenne, et même l'ECMM, qui a
10 déterminé que ce sont les forces serbes et non pas les forces croates qui
11 se sont rendues responsables d'exécutions sommaires et de destruction de
12 propriétés civiles dans la zone. Et cette Mission a établi les preuves de
13 crimes commis par les forces serbes au cours de la période de deux ou
14 trois mois pendant laquelle ils ont eu le contrôle de cette région
15 particulière de la Slovénie occidentale".
16 Le rapport se poursuit en abordant ces choses dans davantage de détails,
17 jusqu'au moment où nous arrivons à Vukovar, page 7. Voici comment se
18 présente l'allégation: "La ville de Vukovar a été constamment assiégée,
19 pendant trois mois, par les forces serbes. Au moment de la chute de la
20 ville, le 18 novembre, 15.000 personnes qui n'avaient pas fui les combats
21 sont sorties des caves où elles ont passé 12 semaines après la chute de
22 Vukovar. Les soldats et les civils hors de combat ont été battus,
23 poursuivis par des groupes paramilitaires et par la JNA.
24 Nous avons mené les entretiens avec des personnes déplacées à Vukovar,
25 avec des journalistes étrangers et des responsables de travail
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1 humanitaire. Helsinki Watch a des raisons de croire que beaucoup de
2 Croates, aussi bien des civils et des combattants qui avaient déposé les
3 armes, ont fait l'objet d'exécutions sommaires de la part des forces
4 serbes après la chute de Vukovar".
5 A cette même page, la lettre parle de Skabrnje dans le détail.
6 Je pense que nous pouvons passer à la page suivante, page 9. Nous avons
7 maintenant… on parle de Hum et de Vocin.
8 Page 11, on parle de Bruska et sous la rubrique "Cour martiale et
9 exécutions", on parle de Foca et des sévices infligés à des personnes en
10 détention.
11 Page 13, sous la rubrique "Disparitions", on fait de nouveau référence à
12 Vukovar. Et là, vous parlez de façon plus particulière du fait que la CICR
13 n'a pas eu accès à l'hôpital de Vukovar. Et vous parlez d'autres
14 circonstances qui, apparemment, sont survenues dans l'hôpital, à l'époque.
15 Page 14, vous effleurez le sujet de Zadar.
16 Page 15, vous parlez de Obrovac et Dalj; vous parlez ensuite des otages.
17 Nous pourrons éventuellement passer à la page 17 pour parler des vols.
18 A la page 18, nous allons peut-être nous arrêter un instant pour parler
19 des déplacements forcés et des réinstallations.
20 "Helsinki Watch est préoccupé –dites-vous- par le fait que des Croates,
21 des Tchèques, des Hongrois et d'autres sont chassés de leurs maisons par
22 des forces serbes, dans des territoires occupés par les Serbes, afin de
23 veiller à ce qu'il n'y ait que des Serbes dans des régions qui, autrefois,
24 étaient mixtes au niveau de la population. La population non serbe subit
25 des discriminations, ce qui inquiète Helsinki Watch; et il y a des
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1 déplacements forcés au seul motif de l'origine ethnique. Les Serbes
2 déplacés sont réinstallés dans des zones serbes en Croatie pour asseoir
3 davantage le contrôle des Serbes sur des zones qui ont été capturées aux
4 Croates et pour empêcher que la population qui s'y trouvait au départ n'y
5 revienne".
6 Puis, vous donnez quelques chiffres et vous faites part d'allégations
7 générales.
8 A la page 19, vous parlez d'assassinats, de harcèlement de journalistes.
9 A la page 21, vous parlez de la mobilisation forcée.
10 A la page 23, vous parlez notamment des restrictions imposées à la presse.
11 Mais au bas de cette page 23, vous revenez à la question du Kosovo: "La
12 loi sur les délits serbes qui permet qu'il y ait emprisonnement jusqu'à 60
13 jours a été mal utilisée au Kosovo. Au lieu d'avoir ce temps
14 d'emprisonnement, beaucoup d'Albanais sont emprisonnés plus longtemps et
15 certains d'entre eux qui sont accusés de crimes verbaux; par exemple, le
16 fait d'insulter le régime socialiste, le régime patriotique, d'insulter
17 des organisations constituent des nouvelles préoccupantes. Les Albanais
18 sont souvent accusés d'avoir soutenu le nationalisme albanais, d'avoir
19 prôné l'indépendance par rapport à la Serbie ou toute union avec
20 l'Albanie. Ceux qui sont condamnés, en général, sont emprisonnés pour 60
21 jours. Mais après l'appel, en général, quant intervient l'appel, les
22 personnes emprisonnées ont déjà purgé la peine qui a été imposée au
23 départ." Et vous parlez de nombreux cas de ce genre.
24 A la page 24, vous faites référence au fait que le seul journal de langue
25 albanaise, "Rilindija", a été interdit et vous faites la synthèse de ces
Page 14266
1 positions à la page 25 de la façon suivante: "Monsieur le Président
2 Milosevic, M. le Général Adzic, cette longue lettre ne représente qu'une
3 partie des information concernant les exactions en matière des Droits de
4 l'homme recueillies par Helsinki Watch. Nous vous demandons de mettre fin
5 à ces violations et nous vous demandons de veiller à ce qu'il y ait
6 retrait de la JNA et des forces serbes.".
7 Puis, vous demandez à ce qu'il y ait des enquêtes, qu'il y ait
8 modification des actions. Vous parlez de la situation en matière d'otages;
9 vous dites qu'il faut mettre fin aux pillages, aux déplacements forcés
10 pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la guerre. Vous dites qu'"il
11 est important de ne pas mobiliser les personnes qui font partie du
12 mouvement opposé à la guerre, qu'il ne faut pas s'immiscer dans la liberté
13 de la presse serbe. Et vous faites appel au Gouvernement serbe afin qu'il
14 mène des enquêtes lorsqu'il y a allégation de harcèlement, qu'il faut
15 abandonner toutes les charges retenues contre Draskovic et qu'il ne faut
16 plus harceler les journalistes".
17 Vous l'avez envoyée, cette lettre?
18 Réponse: Nous l'avons remise en mains propres.
19 Question: Vous l'avez remise en mains propres?
20 Réponse: Oui.
21 M. Nice (interprétation): Nous pourrons peut-être en parler après la
22 pause?
23 Mme Laber (interprétation): En fait, nous avons essayé d'acheminer cette
24 lettre vers le Président Milosevic et vers le général Adzic, mais en vain.
25 Mais nous avons quand même réussi à rencontrer des membres de leur
Page 14267
1 gouvernement.
2 M. le Président (interprétation): Nous allons faire une pause de 20
3 minutes.
4 Madame Laber, rappelez-vous que vous n'êtes censée parler à personne de
5 votre déposition pendant la pause. Il faut attendre, pour pouvoir en
6 parler, que cette déposition soit terminée.
7 Mme Laber (interprétation): Je vous remercie.
8 (L'audience, suspendue à 10 heures 32, est reprise à 10 heures 55.)
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, vous pouvez poursuivre.
10 M. Nice (interprétation): (Hors micro.)
11 Nous venons d'examiner une lettre, la pièce 3. Elle était adressée pas
12 seulement à l'accusé, mais aussi à Adzic. Pourquoi l'avez-vous adressée à
13 Adzic?
14 Mme Laber (interprétation): Parce que nous avions le sentiment que cet
15 homme aussi était responsable des exactions que nous énumérerions dans
16 notre lettre.
17 Question: Adressée à l'accusé, mais pas aux autorités fédérales pour les
18 raisons que vous avez déjà avancées. Vous avez donc cette lettre.
19 Pourriez-vous nous parler des efforts que vous avez déployés pour
20 acheminer cette lettre à l'accusé?
21 Réponse: Accompagnée de Jonathan Fanton, je suis allée à Belgrade
22 -Jonathan Fanton était alors le directeur d'un service de "Human Rights
23 Watch"- et nous avons fait des efforts très sérieux pour essayer de
24 parvenir au Président Milosevic pour lui remettre en mains propres cette
25 lettre. Celui qui était alors ambassadeur des Etats-Unis à Belgrade,
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1 Warren Zimmermann a essayé lui aussi d'obtenir une réunion pour nous; nous
2 l'avions sollicité dans ce sens. Nous avons visité plusieurs bâtiments
3 officiels avant de finalement recevoir une audience avec Hadzic qui, à ce
4 moment-là, nous a donné une réunion distincte; et j'ai énuméré d'autres
5 réunions que nous avions effectuées. Je les ai reprises dans mes notes et
6 dans ma déclaration préalable. Nous avons notamment rendu visite à des
7 membres du gouvernement, des Affaires étrangères et de l'armée.
8 Question: Effectivement, ici, nous arrivons à la page 10 de la déclaration
9 préalable, et nous reviendrons aux notes qui se trouvent à l'intercalaire
10 4 de la pièce 359.
11 Parlons d'abord de la première réunion avec Pujic. Vous souvenez-vous de
12 cet homme? Si ce n'est pas le cas, son rôle est spécifié dans ces notes
13 manuscrites qui se trouvent à l'intercalaire 4. Inutile de les présenter
14 sur le rétroprojecteur. Pourriez-vous nous parler du poste occupé par
15 Pujic?
16 Réponse: Je n'ai pas entendu votre question.
17 Question: Monsieur Pujic, que faisait-il?
18 Réponse: Il était responsable de la défense civile.
19 Question: Et vous avez rencontré aussi Petkovic?
20 Réponse: Oui, Petkovic, un assistant dans le service du contentieux. Et
21 nous avons aussi rencontré le général Vojvodic qui était responsable des
22 services médicaux. Je ne pense pas que ce sont là leurs titres officieux,
23 mais c'est comme ça qu'ils ont décrit leurs titres.
24 Question: Et dans le cadre de ces entretiens, est-ce que vous avez remis
25 cette lettre, que nous avons examinée?
Page 14269
1 Réponse: Oui.
2 Question: Et dans le cadre de ces discussions, est-ce que l'un ou l'autre
3 de vos interlocuteurs ont dit quelque chose à propos de Mesic et de
4 Markovic? Vous souvenez de cela? Peu importe, ce n'est pas grave si vous
5 ne vous souvenez pas.
6 Réponse: Ici, j'ai dans mes notes ceci: "Ils affirment que MM. Mesic et
7 Markovic étaient des laquais de la Communauté européenne et avaient
8 manifesté beaucoup de zèle en vue de la dissolution de la Yougoslavie.
9 Question: Je vais faire la synthèse des notes manuscrites, mais je pense
10 que vous pouvez plus aisément suivre ceci à la page 11 de la déclaration
11 préalable du témoin.
12 A l'exception d'un cas, Madame Laber, est-ce qu'il y a des réactions à ce
13 que vous disiez dans la lettre? Et est-ce que les réactions se résumaient
14 de la façon suivante: les Croates ont organisé la terreur contre la
15 population serbe; ce sont les Serbes qui se sont servis de la propagande;
16 il n'y avait pas de paramilitaires dans le cadre de l'armée yougoslave;
17 que l'armée allait mener des enquêtes sur tout crime porté à son
18 intention; que l'armée servait de tampon afin de protéger les Serbes du
19 génocide. Les paramilitaires croates avaient forcé ou chassé un tiers de
20 la population.
21 Puis, deux exemples vous ont été donnés, deux cas où la JNA avait
22 poursuivi pénalement des individus pour crimes commis.
23 On vous a dit que 300.000 Serbes avaient fui et que 160.000 de ces
24 personnes se trouvaient en Serbie. Parlant de Vukovar, on vous a dit que
25 des soldats croates s'étaient déguisés en docteurs, en médecins. On vous a
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1 dit que l'armée était en train d'essayer de retrouver des personnes
2 portées disparues de façon organisée. On vous a dit qu'à Dubrovnik -mais
3 là nous n'avons pas examiné le passage pertinent dans la lettre, mais là
4 il y avait un grief précis concernant Dubrovnik dans votre lettre-, on
5 vous a dit qu'à Dubrovnik, l'armée s'était servie d'artillerie lourde,
6 mais que les Croates aussi l'avaient fait. Et il a été affirmé que les
7 Croates avaient reçu des armes de l'Allemagne.
8 Est-ce que ce sont là certains des points qui vous ont été avancés dans le
9 cadre de cette réunion?
10 Réponse: Oui. Je dirais que ce que je viens d'entendre est un résumé tout
11 à fait exact de ce qu'on trouve dans mes notes.
12 Question: Maintenant, si l'on passe à la dernière page de vos notes où
13 l'on voit, écrit à la main, le chiffre 35, en haut à droite -les Juges
14 pourront donc lire plus facilement ainsi-, trouve-t-on à ce niveau un
15 paragraphe qui traite du Kosovo? Peut-être d'ailleurs pourriez-vous en
16 donner lecture vous-même? Paragraphe qui commence par "présence accrue de
17 la police".
18 Réponse: S'agit-il la page 36 de mes notes?
19 Question: Non, je crois que c'est la page 35.
20 Réponse: Ah oui! Page 35, oui.
21 "On m'a dit que la présence accrue de la police au Kosovo était le
22 résultat d'une décision du gouvernement fédéral et que l'on pouvait y voir
23 une possibilité de guerre civile".
24 Je ne sais pas exactement qui me parlait, à ce moment-là, mais mon
25 interlocuteur en tout cas me dit: "Personnellement, je suis opposé à ces
Page 14271
1 mesures, mais cela maintient la paix", impliquant que la situation à cet
2 endroit n'était pas bonne.
3 Question: Comment cette rencontre s'est-elle achevée? Sur une résolution
4 prise à l'amiable ou pas?
5 Réponse: A la fin de la réunion, nous avons demandé que soit lue en détail
6 la lettre émanant de nous, dans laquelle nous faisions la liste d'un
7 certain nombre de violences. Ceci n'avait pas encore été fait jusqu'à ce
8 moment-là et nous avons dit attendre une réponse.
9 Question: Est-ce que vous avez eu, ensuite, une autre rencontre -selon ce
10 que vous nous avez déjà dit- et avec qui?
11 Réponse: Nous avons également rencontré des représentants du ministère des
12 Affaires Etrangères.
13 Question: Vous rappelez-vous les noms de ces personnes?
14 Réponse: Ils figurent dans ma déclaration préalable, mais je ne les ai pas
15 sous les yeux.
16 Question: Je me permettrais de rappeler ces noms au témoin en lisant ce
17 que l'on trouve dans sa déclaration préalable, si les Juges l'acceptent.
18 Nous voyons le nom de Dr Micunovic et puis…
19 Eh bien, Madame, je vous indique que cela figure en page 11 de votre
20 déclaration préalable?
21 Réponse: Oui, bien sûr.
22 Question: Donc il s'agissait d'un certain Dr Micunovic et d'un certain M.
23 Kostujnica, selon la façon dont vous voudrez le prononcer. Savez-vous s'il
24 y avait un rapport… Ou plutôt non, je retire ma question. Nous allons
25 d'abord passer à un autre sujet avant cette question.
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1 Les Juges se rendront compte que, dans la déclaration de ce témoin, on
2 trouve plusieurs passages de la lettre dont certains sont identiques et
3 certains différents de ceux que j'ai déjà cités. Mais puisque vous avez
4 reçu cette lettre, nous n'avons pas jugé utile de la photocopier. En tout
5 cas, Madame, dans cette lettre, vous parliez de Vukovar et de Osijek, mais
6 également de Dubrovnik, je pense. C'est bien cela?
7 Madame Laber, vous avez également parlé de Dubrovnik dans cette lettre?
8 Réponse: Oui, en effet.
9 Question: Très bien. Lorsque vous êtes revenue des ces réunions, avez-vous
10 rendu vos conclusions publiques?
11 Réponse: La lettre a été publiée par la presse de Belgrade ainsi qu'aux
12 Etats-Unis. Et, si je me souviens bien, elle a été reprise largement dans
13 le journal "Borba" et dans le "Times" de Londres, ainsi que dans le
14 "Washington Post", le "New York Times" et probablement un certain nombre
15 d'autres médias.
16 Nous avons rencontré personnellement des correspondants de la presse de
17 Belgrade et nous avons tenu une conférence de presse dans cette ville à
18 laquelle de nombreuses personnes ont assisté. Le contenu de la lettre a
19 été rendu public à ce moment-là.
20 Et on m'a dit également que la presse avait fait connaître cette lettre au
21 Président de la Croatie.
22 Question: Savez-vous quel était le rôle politique du journal "Borba", si
23 cela n'a pas été dit suffisamment jusqu'à présent?
24 Réponse: Je crois que c'était le journal officiel du gouvernement de
25 Serbie.
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1 Question: Bien, nous avançons. Je passe à un autre événement. Avez-vous
2 reçu des articles de New York traitant de l'exécution de prisonniers
3 croates en Vojvodine et ailleurs?
4 Réponse: Oui, en effet.
5 Question: Je vous demanderais de vous référer à l'intercalaire 5. Avec
6 l'aide de l'huissier, nous allons placer cette lettre sur le
7 rétroprojecteur.
8 Est-ce que ceci vous a conduite à envoyer une lettre en date du 4 février?
9 Réponse: C'est exact.
10 Question: A plusieurs personnes, dont l'accusé et Adzic qui était alors
11 ministre en exercice de la Défense et chef d'état-major. Cette lettre se
12 lit comme suit -je pense que vous l'avez sous les yeux-, intercalaire 5
13 -je cite-:
14 "Helsinki Watch a reçu des informations selon lesquelles huit prisonniers
15 croates ont été exécutés en cinq jours à Bac en Vojvodine et selon
16 lesquelles des personnes ont été exécutées à 18 heures, le 3 février. Nous
17 demandons avec le respect que nous vous devons qu'une enquête soit lancée
18 et que des réponses soient apportées à ces informations dès que possible.
19 Pour autant que ces rapports seront précis, nous en appelons au
20 gouvernement serbe et à l'armée populaire yougoslave pour qu'ils cessent
21 immédiatement toute exécution extrajudiciaire de prisonniers et que soient
22 punis les responsables de ces actes. Nous nous inquiétons particulièrement
23 du sort des personnes arrêtées qui sont toujours portées disparues à
24 Vukovar. Le droit international interdit fermement toute exécution
25 sommaire, toute mutilation ou torture de civils et de combattants
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1 désarmés, y compris de prisonniers. Helsinki Watch dispose de documents
2 montrant que 14 cas impliquent la participation de groupes paramilitaires
3 serbes et d'officiers de l'armée yougoslave qui ont exécutés sommairement,
4 plus de 200 civils et combattants désarmés. Nous avons d'autres exemples
5 documentés des violations des Droits de l'homme de la part des forces
6 serbes et yougoslaves dans une lettre qui vous a été envoyée le 23
7 janvier. Nous attendons votre réponse et vous demandons instamment de
8 respecter vos obligations en application du droit international." (Fin de
9 citation.)
10 Donc cette lettre, qui a été expédiée par vous, est un rappel en fait par
11 rapport à la lettre précédente. Etiez-vous en mesure, d'une façon ou d'une
12 autre, de confirmer ou de nier les allégations que l'on trouve dans cette
13 lettre, allégations relatives à des exécutions?
14 Réponse: Ces allégations ne venaient pas de nous personnellement. Nous
15 n'avions pas la possibilité de les confirmer. Nous espérions recevoir une
16 réponse de la part des destinataires de ces lettres, mais nous n'en avons
17 reçu aucune.
18 Question: Cependant, en temps utile, avez-vous tout de même fini par
19 recevoir une réponse? Vous pouvez vous référer à l'intercalaire 6, mais
20 les Juges pourront sans doute plus facilement lire la page 12 de la
21 déclaration préalable du témoin où l'on trouve un récit détaillé de cet
22 événement.
23 En intercalaire 6, Madame Laber, vous trouverez la copie d'une lettre qui
24 vous a été envoyée et qui a été publiée dans un journal. Il est
25 regrettable toutefois que la version originale n'ait pas été retrouvée ou
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1 que peut-être votre bureau l'ait perdue.
2 Réponse: Nous n'avons pas réussi à la retrouver en effet.
3 Question: Cette lettre vient de quelqu'un qui répond au nom de Goran
4 Milinovic, qui a déjà été entendu, qui était chef de cabinet de l'accusé.
5 Elle porte la date du 11 février et elle se lit comme suit - je cite-:
6 "S'agissant de la lettre envoyée au Président de la République de Serbie,
7 M. Slobodan Milosevic, par le comité américain de Helsinki Watch le 21
8 janvier, nous tenons à vous informer de ce qui suit: les lieux dans
9 lesquels les crimes mentionnés ont été commis ne se trouvent pas sur le
10 territoire de la République de Serbie. Par conséquent, la République n'est
11 pas compétente pour juger de la participation à ces actes d'une façon ou
12 d'une autre. En conséquence, la République de Serbie ne peut pas être
13 tenue responsable de cela. Le Président de la République de Serbie a
14 demandé aux organes compétents de la République de Serbie d'enquêter au
15 sujet des abus énumérés dans votre lettre. Et si un quelconque citoyen de
16 la République de Serbie a participé à ces crimes, il sera traduit en
17 justice." (Fin de citation.)
18 Que vous révèle cette lettre au sujet de l'autorité, du pouvoir exercés
19 par l'accusé?
20 Réponse: Eh bien, tout d'abord, cette lettre révèle que notre lettre a été
21 reçue et qu'elle a donné lieu à une réponse. Et deuxièmement, il est dit
22 que la République de Serbie assumera sa responsabilité, s'agissant de tout
23 crime éventuellement commis par un de ses citoyens sur le territoire de la
24 République fédérale.
25 Question: Avant de passer au document suivant qui accuse réception de
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1 votre lettre, il y a une chose que je voudrais faire, un point que
2 j'aimerais discuter, de façon à ce que nous traitions des événements dans
3 un ordre chronologique. Si les Juges veulent bien le faire, il serait
4 utile qu'ils se réfèrent à l'intercalaire 9 de février 1992, 13 février en
5 fait.
6 Avez-vous, à cette date, envoyé une lettre au Président Tudjman? En fait,
7 c'est une lettre qui se situe après la réponse de Goran Milinovic,
8 intercalaire 9. On y voit la lettre que vous avez envoyée au Président de
9 Croatie, le défunt Président Tudjman?
10 Réponse: C'est exact.
11 Question: Et la Chambre pourra se référer à cela dans la déclaration
12 préalable du témoin en page 14.
13 Je ne vais pas m'appesantir sur le contenu de cette lettre pour des
14 raisons tout à fait évidentes, mais si nous en jugeons au libellé de cette
15 lettre, nous voyons en première page qu'elle est adressée à "Cher Monsieur
16 le Président" et il y est dit que le comité de Helsinki Watch se préoccupe
17 des actes d'extrémisme commis par certains individus en Croatie.
18 "Nos enquêtes au sujet des informations reçues par nous nous ont amenés à
19 mettre sur pied des missions d'enquêtes en Croatie au cours de la dernière
20 année, et elles nous indiquent le bien-fondé de nombre de ces
21 informations. Nous en appelons à vous pour que vous enquêtiez au sujet des
22 violences énumérées dans cette lettre et que soient punis les responsables
23 de ces violences." (Fin de citation.)
24 Ensuite, en page 2… Nous pouvons passer rapidement, mais montrez tout de
25 même cette page pour que chacun puisse la voir. Vous traitez des
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1 exécutions sommaires de civils et vous parlez de Karlovac. Vous citez un
2 certain nombre de victimes. En page 4, vous passez à Gospic; en page 6,
3 vous parlez de Marino Selo, à Pakrac, en identifiant encore une fois un
4 certain nombre de victimes, etc.
5 La lettre se conclut en pages 44 et 45 avec, en page 44, un rappel des
6 efforts du Gouvernement croate que vous saluez, s'agissant d'enquêter au
7 sujet d'allégations de violation des Droits de l'homme. Et en pages 45 et
8 46, vous en appelez au Gouvernement croate pour qu'il enquête sur ce
9 sujet. Donc, dans cette lettre, vous reprenez d'une certaine façon ce que
10 vous aviez déjà dit à l'accusé, dans la pratique habituelle de Helsinki
11 Watch qui consiste à maintenir un équilibre et à traiter de toutes les
12 violations des Droits de l'homme découvertes par vous?
13 Réponse: En effet, c'est tout à fait clair.
14 Question: Cette fois-ci, cependant, vous n'étiez pas présente vous-même
15 sur le terrain, mais votre représentant a-t-il pu rencontrer le Président,
16 tout de même?
17 Réponse: Deux membres de notre personnel sont allés rencontrer le
18 Président Tudjman et lui ont remis cette lettre en personne; ils ont
19 également rencontré d'autres représentants du Gouvernement.
20 Question: Qu'en a-t-il été du résultat de ces protestations quant à
21 l'action engagée plus tard?
22 Réponse: Les représentants du Gouvernement ont déclaré qu'ils allaient
23 vérifier ces violations des Droits de l'homme énumérées par nous; et je
24 crois que des efforts tout à fait nets ont été faits dans l'affaire de
25 Karlovac en en particulier et également dans l'affaire de Gospic. Tout
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1 cela ne nous a pas entièrement satisfaits, mais en tout cas des efforts
2 ont été accomplis pour découvrir les personnes coupables de tels crimes et
3 les traduire en jugement.
4 Question: Revenons maintenant, chronologiquement, à la suite des
5 événements dont nous parlions plus tôt, s'agissant de la Serbie et de
6 l'accusé.
7 Intercalaire 7, je vous prie. Avez-vous reçu de la République de Serbie
8 une longue lettre -donc l'intercalaire 7- datée du 18 mars 1992?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Encore une fois, je ne vais pas détailler intégralement le
11 contenu de cette lettre, mais nous pouvons avoir la forme générale. Voyons
12 d'abord qui a signé cette lettre. A la dernière page, page 25, voyons-nous
13 la signature du vice-Premier ministre? Est-ce bien cela?
14 Réponse: C'est bien cela.
15 Question: La première page, à présent; nous pouvons la placer sur le
16 rétroprojecteur. Elle est adressée à vos bureaux de New York et se lit
17 comme suit –je cite-: "Nous aimerions formuler les commentaires suivants
18 au sujet de vos allégations relatives à des violations graves des Droits
19 de l'homme de la part du Gouvernement serbe." (Fin de citation).
20 S'agit-il ici, d'après ce que vous avez compris, de la lettre que vous
21 aviez envoyée, celle que nous venons de décrire?
22 Réponse: Oui, en effet.
23 Question: "Alors que la lettre de Helsinki Watch est bien accueillie sur
24 le principe, car elle établit la vérité au sujet d'allégations de
25 violations des droits de la guerre ou du droit humanitaire, et que le
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1 Gouvernement de la République de Serbie souhaite contribuer à cet effort,
2 nous devons, dans le même temps, dire notre surprise lorsque nous
3 constatons que vous considérez le Gouvernement de la République de Serbie
4 comme responsable de tels abus dans le cadre du conflit en Croatie.
5 Vos allégations sont infondées, car les opérations militaires menées en
6 Croatie l'ont été par des membres de l'armée populaire yougoslave
7 régulière ainsi que par des habitants serbes locaux poussés à agir par la
8 sécession du gouvernement croate et qui ont donc pris les armes pour se
9 défendre.
10 Comme on vous l'a dit au cours de votre séjour à Belgrade, le Gouvernement
11 de la République de Serbie n'a participé en rien à l'organisation d'unités
12 de volontaires, pas sur le territoire de la République de Serbie et
13 certainement pas non plus sur le territoire de la République de Croatie".
14 (Fin de citation.)
15 Je m'arrête un instant ici. Il est donc question ici d'une instance
16 militaire, il est dit que ceci n'a rien à voir avec la Serbie, que les
17 crimes n'étaient pas des crimes de guerre, car les gens qui les ont
18 éventuellement commis étaient poussés par les actes de la Croatie. Est-ce
19 que vous avez admis tout cela?
20 Réponse: Votre question était?
21 Question: Ces modes de défense, les avez-vous acceptés, oui ou non?
22 Réponse: Non, ils n'étaient pas acceptables. La lettre reprend un certain
23 nombre de points contenus dans notre lettre et exprime bien sûr le point
24 de vue du gouvernement de Serbie. Notre impression à l'époque était que
25 l'armée yougoslave n'avait pas opéré sans coopération de quelqu'un ou même
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1 sans la collaboration du gouvernement serbe, et notamment du Président
2 Milosevic; et nous estimions que son rôle –comme ceci est dit à plusieurs
3 reprises dans cette lettre- consistait à défendre la minorité serbe et pas
4 à mettre en danger la paix.
5 Question: Veuillez vous pencher sur quelques passages de cette longue
6 lettre. Bien entendu, les parties et la Chambre pourront lire
7 l'intégralité de la lettre si telle est leur décision.
8 En page 2, et on voit les numéros de pages en haut à droite de ces pages,
9 au paragraphe 3, nous trouvons l'affirmation suivante de la main de
10 l'auteur -je cite-: "Il ne peut y avoir aucun doute quant au fait
11 qu'empêcher les violations des Droits de l'homme est un devoir sacré et
12 une obligation qui incombent à toute personne honnête, et notamment aux
13 membres des forces armées". (Fin de citation.)
14 Et il est dit ensuite que "ces crimes sont absolument inexcusables".
15 Nous passons à la page suivante, page 3, paragraphe 4. Je cite: "On
16 pourrait s'attendre à ce qu'une organisation internationale aussi réputée
17 et pleine d'expérience qu'Helsinki Watch soit au courant de cela. Ce qui
18 semble indiquer que l'intention ayant présidé à la rédaction du rapport
19 consistait à rendre responsable de ces violences, à déterminer quelles
20 étaient les responsabilités s'agissant de ces violences et à empêcher
21 toute violation à venir du droit humanitaire. Nous ne pouvons néanmoins
22 nous empêcher d'exprimer une certaine surprise quant à la façon dont ce
23 rapport est rédigé. Le rapport présente des allégations qui jettent un
24 doute sérieux sur les motivations de ceux qui l'ont établi". (Fin de
25 citation.)
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1 Il est donc question ici d'une certaine dérive dans le rapport.
2 Si nous passons maintenant à la page 5 où il est question de Vukovar, nous
3 lisons à la moitié de la page à peu près, au centre d'un paragraphe -je
4 cite-: "Le fait de constater que des individus parfaitement en bonne santé
5 dont certains étaient même armés, aient été découverts parmi des malades
6 et des blessés à l'hôpital de Vukovar est une question tout à fait autre.
7 Et ces personnes n'avaient, en tout état de cause, pas le droit de se
8 trouver là.
9 Le fait de prétendre que plus de 200 membres du personnel de l'hôpital ont
10 été faits prisonniers et emmenés dans des centres de détention serbes est
11 infondé. Tout le personnel de l'hôpital de Vukovar, excepté le nombre
12 minimum nécessaire pour s'occuper des malades, a été transporté selon leur
13 désir vers la Croatie, en même temps qu'un groupe de 5.000 citoyens de
14 Vukovar, après la libération de Vukovar par l'Armée populaire yougoslave.
15 La liste des personnes décrites par la partie croate comme appartenant au
16 personnel de l'hôpital inclut des personnes qui n'ont jamais fait partie
17 du corps médical. Karlo Crk, l'un des directeurs de la société "Vupik" de
18 Vukovar, s'est abrité dans l'hôpital de Vukovar en se déguisant comme
19 membre, dans l'intention de dissimuler son identité". (Fin de citation.)
20 Ensuite, nous passons à la page 7, premier paragraphe complet, où l'on
21 voit qu'il est question des Droits de l'homme en Vojvodine et du respect
22 des droits ethniques des Hongrois vivant dans cette région.
23 Puis, nous passons en page 10 où il est question du Kosovo; en bas de page
24 10, dernier paragraphe.
25 Je cite: "La Constitution de la République de Serbie garantit à la
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1 Province autonome du Kosovo une certaine autonomie territoriale conforme à
2 la spécificité culturelle, historique et ethnique de cette région, et à
3 d'autres aspects particuliers de celle-ci.
4 De même, la Constitution serbe, instrument suprême de la République,
5 garantit aux citoyens du Kosovo et de Metohija un certain nombre de droits
6 grâce à des instances représentatives, tels que le Parlement provincial et
7 le Gouvernement provincial qui gèrent la région. Et son développement
8 économique ainsi que son développement financier, culturel, son système
9 éducatif garantissent l'utilisation de la langue, etc." (Fin de citation.)
10 Ensuite, il est question de la situation des Albanais du Kosovo de façon
11 générale. Je n'irai pas dans les détails.
12 Puis nous passons à la page 12, deuxième paragraphe, où nous trouvons
13 l'information suivante -je cite-: "Ce mémoire montre clairement que la
14 minorité nationale albanaise a des droits qui dépassent de loin les normes
15 admises au niveau international. Il a fallu longtemps avant que les
16 opinions nationale et étrangère finissent par se rendre compte que c'est
17 le projet de sécession du Kosovo et de Metohija, par rapport à la Serbie,
18 qui a présidé au mécontentement s'agissant du respect des droits nationaux
19 des Albanais de la région". (Fin de citation.)
20 Et un peu plus bas, quelques paragraphes plus bas, en page 13 en fait,
21 nous voyons la mention suivante -je cite-: "Le rapport a complètement
22 laissé de côté le manque de loyauté de la minorité albanaise par rapport à
23 sa patrie, la Serbie. Il ignore le caractère illégal des activités et des
24 actes dirigés contre l'ordre constitutionnel et contre l'intégralité
25 territoriale et la souveraineté de la République de Serbie.
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1 La proclamation illégale d'une République indépendante du Kosovo n'est
2 mentionnée à aucun moment dans le rapport, bien qu'elle constitue un
3 exemple très clair d'un acte illicite. Les problèmes du Kosovo et de
4 Metohija peuvent être attribués non pas à un manque de respect pour les
5 Droits de l'homme, selon les normes en vigueur, mais bien plutôt à un abus
6 de ces droits et à un refus systématique d'exercice de ces droits. Un
7 comportement anticonstitutionnel de ce genre ayant pour but de faire
8 apparaître la minorité ethnique albanaise comme la victime d'allégations
9 de discriminations et de persécutions de la part de la Serbie aux fins de
10 gagner la sympathie et la compassion d'une opinion étrangère vis-à-vis
11 d'objectifs séparatistes et sécessionnistes dirigés contre la République
12 de Serbie". (Fin de citation.)
13 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, le fait de revenir sur le
14 Kosovo n'est sans doute pas utile à cette étape du procès.
15 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président…
16 M. le Président (interprétation): Nous revenons sur l'histoire du Kosovo
17 qui nous a occupés pas mal de temps dans la première phase de ce procès.
18 Et en fait, si vous vous souvenez de ce qui s'est passé à l'époque, nous
19 avons limité le champ historique qui pouvait être examiné.
20 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, en effet, mais bien sûr
21 nous avons toujours dit que le procès abordait des questions qui étaient
22 intégrées les unes aux autres et qu'il était impossible d'examiner un
23 point sans le lier aux autres. Le témoin entendu aujourd'hui a bien sûr
24 une certaine expérience dans un certain nombre de domaines pertinents par
25 rapport à cette affaire, qui ne concernent pas que la Bosnie, mais
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1 également des régions de Croatie et du Kosovo avant le conflit. Et il m'a
2 semblé qu'obtenir son point de vue sur les documents qu'elle avait reçus
3 au sujet du Kosovo avant le conflit pouvait être d'une grande utilité pour
4 vous.
5 Mais j'en arrive à la fin de ce que je voulais dire, en fait, au sujet du
6 Kosovo. Excepté un passage, dont j'espère que les Juges de cette Chambre
7 le trouveront intéressant, il se trouve à la page 20 de ce document et
8 c'est peut-être la seule concession que l'on trouve dans toute cette
9 lettre.
10 Donc page 20, paragraphe 11, nous voyons que l'auteur de la lettre fait
11 référence aux allégations de violation des Droits de l'homme de la part
12 des Serbes. Il est question ici de "délits verbaux"; c'est l'expression
13 utilisée. Et on ajoute que le sujet est également mentionné ailleurs dans
14 le rapport. Ce problème est relatif à l'application de loi de même nature
15 sur tout le territoire de la République.
16 Nous en arrivons maintenant aux conclusions de la lettre que nous trouvons
17 en page 24, en bas de page -je cite-: "Indépendamment de toutes les
18 objections que ce rapport peut susciter, je vous prie de garder
19 l'assurance que les autorités judiciaires compétentes feront tout ce qu'il
20 est en leur pouvoir pour remplir leur devoir et enquêter sur les autres
21 allégations contenues dans ce rapport qui -compte tenu de la situation
22 bien connue de la Yougoslavie actuellement- ne peuvent pas être
23 considérées automatiquement comme authentiques. Nous aimerions mentionner
24 à votre intention qu'entre-temps, une décision a été prise au niveau
25 fédéral qui porte sur la création de certains pouvoirs, et notamment la
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1 mise en place d'une commission chargée de mener enquête sur les crimes de
2 guerre et les crimes de génocide perpétrés contre la population serbe,
3 ainsi d'autres nationalités au cours du conflit armé en Croatie, ainsi que
4 dans d'autres parties du pays." (Fin de citation.)
5 Et vous recevez assurance à la fin de cette lettre de l'intention du
6 gouvernement serbe de faire ce qu'il peut pour vous aider.
7 Cette lettre, quel est son but, quelle est sa nature fondamentalement? A-
8 t-elle pour but de nier les allégations faites par vos réponses?
9 Essentiellement, il s'agit d'un démenti, mais également de l'admission
10 d'une certaine responsabilité et d'un engagement à enquêter, et donc à
11 créer cette commission chargée de s'occuper des crimes de guerre et des
12 violations du droit humanitaire.
13 Nous avons vu que cette lettre profère également quelques critiques contre
14 votre organisation?
15 Réponse: Excusez-moi?
16 Question: Elle se montre critique à l'égard de votre organisation?
17 Réponse: Elle est très certainement critique à l'égard de notre
18 organisation, même si elle ne la critique pas spécifiquement.
19 Question: Y a-t-il eu des conséquences suite à cette lettre, telles par
20 exemple des arrestations de la part des autorités, suite aux détails
21 fournis dans votre lettre?
22 Réponse: Pas à ma connaissance. La suite la plus importante a été la
23 création d'une commission d'Etat chargée de s'occuper des crimes de guerre
24 et des crimes de génocide. Mais peut-être vais-je un peu trop loin en
25 parlant ici d'une nouvelle pièce à conviction?
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1 Question: Oui.
2 Réponse: Mais je pense que cette lettre a été le début d'une tentative de
3 la part du gouvernement serbe, une tentative d'opération de relations
4 publiques visant à s'opposer à la mauvaise image qu'il avait, non
5 seulement en raison des critiques formulées par nous, mais également
6 formulées par d'autres organisations et publiées par la presse à l'époque.
7 C'était donc dans ce cadre qu'a été créée cette nouvelle commission.
8 Question: Bien sûr, cette lettre vient du vice-Premier ministre. Elle
9 répond à une lettre qui avait été précisément envoyée à l'accusé ainsi
10 qu'à Adzic et au sujet de laquelle vous aviez déjà reçu une réponse
11 émanant du chef du cabinet de l'accusé?
12 Réponse: C'est exact.
13 Question: Passons maintenant à cette commission d'Etat chargée des crimes
14 de guerre et des crimes de génocide, mais rapidement. Intercalaire 8:
15 c'est le dernier document que nous allons examiner, le seul intercalaire
16 important qui nous reste.
17 Nous avons vu quelles étaient les objections de la commission. Elles ont
18 été abordées dans la lettre précédente. Celle-ci est en date de septembre
19 1992 et vous est adressée. Et au premier paragraphe de la page 1, aux
20 premier et deuxième paragraphes, nous comprenons quel est son objectif. Il
21 est dit que vous avez été informés de la création de cette commission
22 d'Etat chargée de s'occuper des crimes de guerre et des crimes de
23 génocide, qu'aucun contact n'a été entretenu avec Helsinki Watch.
24 Et nous lisons: "A mon avis, un échange d'informations entre nous
25 pourraient être mutuellement profitable dans le but d'établir la véracité
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1 des faits et un récit véridique des crimes de génocide commis dans le
2 secteur de Konjic, en Herzégovine, est un trait bon exemple de ce genre
3 d'échange."
4 L'auteur de la lettre poursuit en disant que le rapport de Helsinki Watch,
5 et nous n'avons pas infligé la lecture de ce rapport aux Juges de cette
6 Chambre, mais on y trouve mention d'autres crimes et notamment du fait que
7 3.000 civils serbes étaient maintenus à l'état d'otages dans un tunnel
8 près de Sarajevo par les forces bosniaques à la fin du mois de mai, près
9 de Konjic, et avaient été ensuite relâchés.
10 Mais, Madame Laber, cette lettre -à votre avis- traite-t-elle en détail
11 des souffrances du peuple serbe et d'un certain nombre de preuves qui
12 peuvent être obtenues à cet égard?
13 Réponse: C'est exact. En fait, cette lettre constitue une réponse à un
14 autre rapport de notre part qui traitait des crimes de guerre en Bosnie-
15 Herzégovine et pas du conflit en Croatie.
16 Question: Très bien. Comme je l'ai dit, nous n'allons pas infliger la
17 lecture de ce rapport à la Chambre.
18 Réponse: Bien.
19 Question: Ce que j'aimerais que vous confirmiez, c'est un point mentionné
20 dans ce rapport où il est question des souffrances vécues par les Serbes,
21 de façon très détaillée, et de la possibilité de parler à des témoins,
22 etc.?
23 Réponse: C'est exact.
24 Question: Et nous voyons à la dernière page de ce rapport au niveau des
25 conclusions, c'est peut-être l'avant-dernier paragraphe, enfin c'est la
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1 page 8 en bas de page, dernier paragraphe -je cite: "Je crois que les
2 faits énumérés ci-dessus peuvent donner à Helsinki Watch une idée complète
3 de la réalité des crimes de génocide dans le secteur de Konjic, et peut
4 sous-tendre les allégations relatives à un certain nombre de personnes
5 tuées et à la façon dont elles ont été tuées."
6 Et puis en page 9, page suivante, nous lisons: "Nous sommes à votre
7 disposition pour toute explication complémentaire. Ceci est un exemple
8 destiné à indiquer à quel point des échanges entre nous pourraient être
9 utiles. Vous pourriez envoyer une copie de vos conclusions sur la
10 destruction des villages serbes et sur la réalité des événements en
11 Slavonie occidentale à qui de droit."
12 Et puis, on trouve la signature du secrétaire de la commission le Dr Milan
13 Bulajic. Et il est indiqué qu'une copie est envoyée au secrétaire général
14 des Nations Unies, au rapporteur spécial du Président des Etats-Unis et à
15 un certain nombre de ministres de l'ex- Yougoslavie.
16 Vous avez admis, n'est-ce pas, depuis le début, que des crimes ont été
17 commis par toutes des parties en présence?
18 Réponse: Est-ce que nous avions cela? Bien sûr que nous l'avons admis.
19 Mais je remarque ici que, même si cette commission avait été créée pour
20 enquêter sur les crimes commis contre toutes les nationalités, la lettre
21 ne traite que des crimes commis contre des Serbes, contre des personnes de
22 nationalité serbe.
23 Et j'ai eu plusieurs contacts avec le Dr Bulajic; il est venu me voir dans
24 mon bureau à New York et, en janvier 1992, je suis allée à Belgrade pour
25 interviewer des victimes identifiées par sa commission. Il y avait des
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1 femmes qui avaient été violées par des Croates ou des Musulmans et j'ai
2 mené enquête sur ces viols, à l'époque, dans toutes les régions. Les
3 témoins que j'ai interviewés à Belgrade étaient, pour leur part,
4 exclusivement serbes.
5 Question: Finalement, à partir des documents que nous avons examinés et de
6 votre expérience de façon générale, que pouvez-vous dire sur les rapports
7 établis par vous au sujet du conflit? Ont-ils été pris aux sérieux? Ont-
8 ils été analysés par ceux qui détenaient le pouvoir? Pouvez-vous nous dire
9 si tel ou tel de vos rapports a été examiné par les détenteurs du pouvoir
10 dans l'ex-Yougoslavie?
11 Réponse: Il me semble que ces rapports ont été vus et examinés, notamment
12 parce que nous avons reçu des réponses, les réponses que nous venons de
13 discuter. Mais, selon mon expérience générale -parce que j'ai déjà
14 travaillé dans plusieurs pays en dehors de l'ex-Yougoslavie-, même
15 lorsqu'on ne reçoit aucune réponse, les gouvernements tiennent compte des
16 rapports.
17 Question: Et s'agissant des allégations faites par vous contre l'accusé
18 dans votre lettre et dans vos rapports, avez-vous reçu des informations
19 indiquant que ces protestations ont donné lieu à des actes sérieux?
20 Réponse: Des actes sérieux, dites-vous?
21 Question: Y a-t-il eu des actes de la part de l'accusé ou…
22 Réponse: Nous n'avons vu aucune réaction précise, après donc ces rapports
23 et ces lettres, destinée à punir les personnes responsables des actes que
24 nous mentionnions dans nos documents.
25 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup. Vous allez maintenant répondre à
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1 d'autres questions.
2 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, vous avez la
3 parole.
4 Je pense qu'il serait bon que les pièces à conviction restent sous les
5 yeux du témoin.
6 Mme Laber (interprétation): Je n'ai pas entendu ce que vous avez dit.
7 M. le Président (interprétation): Tout va bien. Je parlais en fait à
8 l'huissier.
9 (Contre-interrogatoire du témoin, Mme Jeri Laber, par l'accusé, M.
10 Milosevic.)
11 M. Milosevic (interprétation): Madame Laber, au début de votre déclaration
12 et de votre déposition, entre le 4 et le 7 mars 2002, vous avez dit que
13 les témoins et les victimes qui faisaient des déclarations à Human Rights
14 Watch le faisaient sous le sceau du secret et que leur témoignage,
15 lorsqu'il était repris dans des documents, était protégé, la sécurité de
16 ces personnes étant garantie; est-ce bien exact?
17 Mme Laber (interprétation): Dans de nombreux cas, c'est exact.
18 Question: Dans de nombreux cas ou dans tous les cas? Je vais vous donner
19 lecture de ce que vous écrivez ici, par exemple -je cite-: "La sécurité
20 des victimes et des témoins qui ont fourni des récits de première main à
21 Human Rights Watch d'Helsinki au sujet des événements vécus par eux et de
22 leur expérience est garantie. La majorité des témoins témoignent en toute
23 confiance et sous le sceau du secret."(Fin de citation.) Est-ce exact?
24 Réponse: C'est tout à fait exact. Notre politique, étant donné que nous
25 traitions avec des personnes très traumatisées par un grand nombre
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1 d'événements pénibles et qui s'inquiétaient de leur avenir et de leur
2 sécurité, notre politique consistait à garantir cette sécurité. Nous les
3 assurions que leurs noms ne seraient pas rendus publics, bien que dans de
4 nombreux cas nous étions en possession de leurs noms et nous leur donnions
5 des pseudonymes.
6 Question: A cet égard, est-ce que Human Rights Watch a des éléments
7 d'informations personnelles au sujet des témoins et des victimes? Et est-
8 il possible d'entrer en contact avec ces personnes, ce qui est encore plus
9 important?
10 Réponse: Les éléments personnels existent dans nos dossiers. Je pense
11 qu'il ne serait pas convenable, et même probablement impossible pour le
12 moment, d'entrer en contact avec ces victimes.
13 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que cela signifie que toute
14 possibilité d'obtenir des éclaircissements ou des renseignements
15 complémentaires de la part de ces personnes est impossible? Est-ce que
16 cela signifie que l'institution où nous nous trouvons doit prendre des
17 décisions, doit se prononcer sur la seule base de déclarations fournies
18 par des personnes anonymes?
19 M. le Président (interprétation): Ceci me paraît un commentaire
20 inconvenant. Vous avez entendu ce que le témoin a répondu à votre question
21 précédente: elle a dit qu'il ne serait pas convenable, et sans doute
22 impossible, d'entrer en contact avec ces victimes. Telle est donc la
23 réponse du témoin; toute conclusion découlant de cette réponse vous
24 appartient.
25 Mme Laber (interprétation): Je peux juste dire que nous avons tous
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1 connaissance des déplacements importants de personnes sur ces territoires.
2 Il est donc impossible physiquement de discuter avec les personnes à qui
3 nous avons parlé.
4 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, si ce n'est pas une question
5 qu'il faut adresser à ce témoin, c'est une question qu'il me faut adresser
6 à vous. Indépendamment du fait que, à mon avis, vous êtes une institution
7 illégale, est-ce que, professionnellement parlant, vous pouvez prendre une
8 décision à partir d'une personne donnée, par des personnes anonymes?
9 M. le Président (interprétation): C'est un commentaire trop fréquent;
10 inutile de le répéter, vous l'avez déjà suffisamment dit. En ce qui
11 concerne l'administration de la preuve, libre à vous de poser des
12 questions à ce témoin, s'agissant de ces rapports, mais toute conclusion
13 que nous tirerions à propos de ces rapports nous revient. Vous aurez
14 l'occasion, la possibilité de nous parler de ceci, s'agissant des
15 conclusions à tirer.
16 Posez des questions à ce témoin, si vous en avez l'envie.
17 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Mais la question que je voudrais
18 poser, c'est de savoir si le témoin estime, compte tenu de l'organisation
19 à laquelle elle appartient, que l'institution chargée de la protection des
20 victimes et des témoins n'est pas en mesure de fournir cette protection
21 aux témoins et de sauvegarder la confidentialité de leurs dires?
22 M. le Président (interprétation): C'est sans intérêt. Vous avez entendu
23 les réponses fournies par ce témoin: il n'est pas possible aujourd'hui de
24 trouver ces personnes. Nous avons maintenant affaire à des rapports et
25 nous le savons; inutile d'insister. Ici, nous avons à traiter de rapports.
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1 Si vous voulez poser des questions sur ces rapports, libre à vous de le
2 faire, mais la source n'est pas disponible.
3 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais répondez-moi, s'il vous plaît,
4 Madame, à la question suivante: qui est-ce qui a décidé que, pour ce qui
5 est des personnes que vous avez informées vous-mêmes, vous et vos
6 collègues, ou les personnes qui vous ont communiqué des informations,
7 elles demeurent anonymes? Y a-t-il une décision d'un tribunal quelconque à
8 ce sujet ou est-ce que c'est une décision qui découle de votre initiative,
9 voire d'une pratique de votre organisation?
10 Mme Laber (interprétation): Vous devriez comprendre qu'au moment de la
11 rédaction de ces rapports, nous ne savions pas du tout qu'un jour, il y
12 aurait un tribunal, un acte d'accusation ou que des moyens de preuve
13 seraient recueillis par voie de témoins. Nous essayions d'empêcher les
14 assassinats qui se produisaient à l'époque. On essayait d'obtenir la
15 coopération de votre gouvernement et d'autres gouvernements concernés afin
16 de mettre un terme à cette guerre et de mettre un terme aux abus que nous
17 avons prouvés, ou dont nous avons prouvé l'existence.
18 Les entretiens recueillis à l'époque et les personnes qui nous ont parlé
19 étaient en véritable danger. Beaucoup d'entre eux, des réfugiés, se
20 trouvaient dans des camps et ils ne savaient pas où ils allaient aller,
21 s'ils allaient être rapatriés, s'ils allaient être rapatriés, s'ils
22 allaient quitter le pays, être punis pour ce qu'ils avaient dit. Donc
23 c'étaient des gens qui avaient peur. La seule façon de leur parler, c'est
24 de garantir l'anonymat de ces personnes.
25 M. Milosevic (interprétation): Nous parlons des témoins, mais s'agissant
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1 des efforts de la Serbie et des efforts déployés par moi-même pour ce qui
2 est de mettre un terme à la guerre et d'aboutir à la paix, c'est une chose
3 qui est notoirement connue. Mais ce n'est pas là le sujet de votre
4 témoignage.
5 Donc ma question est la suivante: si tant est que ces soi-disant témoins
6 et victimes soient accessibles, serait-il justifié de violer le principe
7 de la tenue d'un procès direct, à savoir de placer à leur disposition, à
8 la disposition de ces victimes et de ces personnes…
9 M. le Président (interprétation): Mais rien dans tout ceci ne doit être
10 adressé au témoin. C'est la Chambre qui doit trancher, parce que ceci
11 concerne la recevabilité, le poids donné aux moyens de preuve. Cette
12 question, c'est à nous qu'il revient de la régler, comme nous l'avons fait
13 par le passé.
14 Vous pouvez poser des questions sans aucun doute à ce témoin à propos de
15 ces rapports, mais posez des questions concrètes plutôt que de vous livrer
16 à des spéculations.
17 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, j'étais en train de demander à Mme
18 Laber une chose qui était en corrélation avec son travail. En effet, étant
19 donné que le témoin n'ignore pas que l'admissibilité et la recevabilité
20 des éléments directs de preuve au cours d'un procès…
21 M. le Président (interprétation): Non, Monsieur Milosevic, nous sommes en
22 train de perdre du temps. Si vous vous poursuivre ce contre-
23 interrogatoire, il vous faut poser des questions pertinentes et
24 recevables. Ce n'est pas le cas jusqu'à présent, pas dans un seul des cas.
25 M. Milosevic (interprétation): Mais ma question, c'est précisément celle-
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1 là, Monsieur May: celle de savoir si Human Rights Watch, dont Mme Laber
2 est le directeur exécutif -et elle connaît la politique de son
3 organisation, elle connaît ses critères-, est-ce que Human Rights Watch
4 condamnerait, oui ou non, cette pratique de violation du principe de la
5 nécessité d'avoir des témoignages directs dans les procès?
6 M. le Président (interprétation): Non. Non. C'est une question ici de ouï-
7 dire, de moyens de preuve recueillis par ouï-dire; question qu'il nous
8 revient de trancher. Si vous avez des questions à poser, n'oublions pas
9 que le temps s'égrène et que vous allez devoir vous arrêter à un moment
10 donné.
11 M. Milosevic (interprétation): J'ai énormément de questions parce qu'on a
12 soulevé énormément de sujets. Et Monsieur May, comme vous devez
13 certainement le savoir, je tiens à dire la chose suivante.
14 Madame Laber, je voudrais savoir si vous connaissez en personne Kenneth
15 Anderson, l'un des coordinateurs qui a fait le rapport en janvier 1991,
16 puis Ivana Nizich et Jemmer Hanron (phon.), les auteurs de ce rapport daté
17 de 1991 n'est-ce pas?
18 Mme Laber (interprétation): Oui, je les connais tous très bien. Ce sont
19 tous des membres de mon équipe, de mon personnel.
20 Question: Mais Ivana Nizich est-elle un enquêteur au niveau de ce
21 Tribunal-ci?
22 Réponse: Elle ne l'était pas à l'époque. Pas au moment où elle travaillait
23 pour nous.
24 Question: Mais savez-vous, oui ou non, si elle est des vôtres à présent?
25 Réponse: Je pense qu'elle travaille encore aujourd'hui, mais je pense qu'à
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1 un moment donné, elle a été effectivement enquêtrice auprès de ce
2 Tribunal.
3 Question: Fort bien, mais est-ce que nous pouvons en déduire qu'en plus de
4 la présentation des faits que vous avez constatés vous-même, au travers
5 d'entretiens que vous avez eus, vous présentez des dires présentés par des
6 personnes que vous ne connaissez pas ou que vous ne connaissez pas
7 suffisamment bien? Et ce parce que ces personnes-là s'étaient entretenues
8 avec des tiers, des soi-disant victimes ou témoins d'événements, mais dont
9 l'identité ne nous est pas connue?
10 Réponse: Mais excusez-moi; je ne comprends pas qui sont ces personnes que
11 je ne connais pas si bien. Ces personnes dont vous avez cité le nom
12 faisaient effectivement partie du personnel de Human Rights Watch.
13 Personnellement, j'ai recruté M. Anderson; c'était un consultant dans une
14 organisation; il travaillait avec un cabinet bien connu d'avocats de New
15 York. Je connaissais Ivana Nizich; elle venait de terminer ses études à
16 l'Université de Columbia. Pendant qu'elle a travaillé pour nous, elle n'a
17 travaillé pour personne d'autre. Je ne sais pas ce qu'il en est après,
18 suite à l'expérience qu'elle a acquise; c'est dans son emploi. Et c'est
19 moi qui l'ai formée au travail d'enquête; elle est devenue de cette façon
20 enquêtrice professionnelle impartiale en matière de violation des Droits
21 de l'homme.
22 Question: Mais comme vous nous l'avez dit vous-même, vous êtes spécialisée
23 en matière de questions soviétiques; c'est là que vous vous êtes formée,
24 vous avez été à l'Institut russe à l'Université de Colombie.
25 Quelle est la formation des deux autres personnes qui ont travaillé pour
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1 Human Rights Watch? Et les connaissez-vous toutes?
2 Réponse: Est-ce que vous voulez parler de ces personnes dont vous avez
3 cité le nom, ou vous parlez de tout le personnel de Human Rights Watch?
4 Question: Non, parce que je suppose parce qu'il n'y a pas que ces trois
5 personnes-là qui ont pris part à l'élaboration de tous vos rapports. Vous
6 deviez avoir à votre disposition une organisation assez grande. Et
7 j'imagine que vous vous êtes servi de services de personnes que vous ne
8 connaissiez pas aussi bien.
9 Réponse: Non, toutes les personnes qui ont travaillé pour moi, je les
10 connaissais bien. Il y a le personnel de l'organisation de Human Rights
11 Watch; je pense que ça fait près de 200 personnes maintenant, mais à
12 l'époque c'était beaucoup moins. Et ce personnel se composait de
13 spécialistes régionaux, des gens qui connaissaient les langues concernées.
14 Il y avait aussi des responsables, des gens qui connaissaient bien la
15 culture, la tradition du pays dont ils s'occupaient, beaucoup d'avocats
16 formés en droit international, en méthode d'enquêtes et de recherches. Il
17 y avait aussi dans ce personnel, des personnes qui savaient écrire, des
18 personnes aussi qui avaient des compétences en matière d'enquêtes.
19 C'étaient des personnes qui travaillaient pour nous. Voilà les personnes
20 qui constituaient notre personnel. Je connaissais chacun de ces membres.
21 Quand je travaillais dans l'organisation, je connaissais personnellement
22 chacun des membres, et certains, je les connaissais très bien.
23 Question: Mais toutes ces personnes indiquées, chacune de ces personnes
24 indiquées a-t-elle travaillé comme juge ou a-t-elle eu une formation pour
25 exercer ce type de profession? Donc est-ce que ces personnes se sont
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1 trouvées être qualifiées pour recueillir des dépositions à l'occasion de
2 procès en cours ou devant être tenus devant les tribunaux?
3 Réponse: Ce sont des personnes qui ont reçu une formation d'enquêteur, pas
4 de juge. Nous les avons formés; enfin, la plupart d'entre eux avaient déjà
5 été formés à leur faculté de droit avant de nous rejoindre, mais beaucoup
6 ont suivi une formation. Dans le cadre de l'organisation, nous avons
7 veillé à ce que ces personnes sachent ce qu'est une violation du droit de
8 la guerre, ce que sont des crimes contre l'humanité, ce qu'il fallait
9 rechercher sur le terrain, quelles étaient les techniques d'entretien
10 qu'il fallait utiliser avec des témoins. La façon de corroborer des moyens
11 de preuve, la nécessité d'impartialité de part et d'autre qu'il ne faut
12 pas penser que le récit donné par l'un constitue toute la vérité. Et tout
13 ceci avait été normalisé, nous avions des séances de formation avant que
14 les gens partent sur le terrain; et jamais nous n'avons dépêché sur le
15 terrain des personnes qui n'auraient pas été accompagnées, quelqu'un qui
16 aurait été nouveau qui n'aurait pas été accompagné par quelqu'un qui avait
17 déjà une expérience professionnelle.
18 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais vous n'ignorez pas qu'en vertu
19 des lois en vigueur dans votre pays et dans d'autres pays, aussi bien les
20 avocats, les consultants ne recueillent pas de déposition à l'occasion de
21 procédure en justice. La question que je veux poser, maintenant, en fait
22 c'est…
23 M. le Président (interprétation): Est-ce que la prémisse est exacte?
24 Jamais je n'ai entendu dire une telle chose. Je ne sais pas d'où vous
25 tenez cela, Monsieur Milosevic?
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1 D'après votre expérience, Madame Laber, est-ce que des avocats recueillent
2 des déclarations de témoin aux Etats-Unis?
3 Mme Laber (interprétation): Effectivement, c'est notre travail, c'est le
4 leur.
5 M. le Président (interprétation): Posez la question suivante.
6 M. Milosevic (interprétation): Bon. Mais comme vous traitez des Droits de
7 l'homme, j'imagine que vous savez ce que c'est que le droit à un procès en
8 justice équitable. Pouvez-vous dire qu'un procès serait équitable ou la
9 véracité des prétendus témoins n'est pas appréciée à leur juste mesure par
10 le Tribunal?
11 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous revenez sans
12 cesse à la même question. Ce n'est pas le témoin qui doit déterminer ce
13 qu'est un procès équitable et ce qui ne l'est pas; c'est à nous que cela
14 revient. Ceci n'a rien à voir avec sa déposition.
15 Nous avons compris ce que vous vouliez dire. Inutile de revenir là-dessus.
16 Ces rapports se fondent sur des déclarations de personnes qui ne viennent
17 pas déposer ici. C'est de l'ouï-dire. Vous savez pertinemment que l'ouï-
18 dire ici est recevable. Quant au poids qu'on lui accorde, c'est décidé par
19 les Juges.
20 Si vous n'avez pas de questions pertinentes à poser, comme apparemment
21 c'est le cas, eh bien, nous allons mettre un terme à votre contre-
22 interrogatoire. Posez des questions intéressantes, pertinentes que le
23 témoin pourra aborder plutôt que de faire des commentaires de ce genre.
24 M. Milosevic (interprétation): Bien. Je vais poser une question tout à
25 fait concrète dans ce cas-là. Est-ce que vous estimez que Kenneth
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1 Anderson, Ivana Nizich, Jemmer Hanron (phon.) sont en mesure d'apprécier
2 la validité des prétendus témoins ou victimes de façon analogue à celle
3 qui est pratiquée par les Juges et par ceux qui sont autorisés à le faire
4 au niveau des tribunaux.
5 C'est bien la prestation que vous faites?
6 Mme Laber (interprétation): Ce n'était pas notre intention. Nous n'étions
7 pas ici pour mener un procès pénal. Lorsque nous faisions l'évaluation de
8 ces déclarations, nous essayons d'établir les faits s'agissant d'une
9 situation tout à fait horrible dans laquelle des personnes étaient tués.
10 Nous avons fait de notre mieux pour essayer de rassembler ces éléments de
11 preuve d'une façon qui ferait sens pour les responsables.
12 Moi, j'avais pour mission de recueillir ces moyens de preuve et de les
13 faire connaître à des chefs de gouvernement, comme à vous, en leur
14 demandant que ce genre de choses soient arrêtées pour empêcher d'autres
15 crimes à l'avenir et pour arrêter aussi les auteurs des crimes dont nous
16 avons apporté la preuve.
17 Question: Bon. Par voie de conséquence, vous vous êtes efforcé d'attirer
18 l'attention de qui de droit. Nous en venons aux lettres que vous avez
19 commentées tout à l'heure. Vous nous dites qu'à l'occasion de votre voyage
20 -et c'est ce qui figure dans votre déposition, je crois, de votre
21 déclaration préalable-, donc à l'occasion de votre voyage vers la RSFY,
22 aux fins de remettre une lettre à mon intention et de Blagoje Adzic, vous
23 avez rencontré des gens du secrétariat fédéral à la Défense nationale, et
24 vous avez rencontré des représentants, comme vous le dites, du ministère
25 des Affaires étrangères. Vous indiquez que vous avez été reçu par le Dr
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1 Micunovic, par M. Kostunica qui vous ont présenté les mêmes positions
2 officielles que cela a été le cas à l'occasion de vos rencontres avec les
3 représentants du secrétariat fédéral à la Défense nationale au sujet de
4 quoi vous avez présenté des négations préliminaires, comme celles où l'on
5 n'avait pas apporté de soutien du tout à des unités paramilitaires.
6 C'est bien ce que vous avez dit dans votre déclaration préalable,
7 préliminaire?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Comme vous l'avez dit dans votre déclaration préalable, vous
10 dites qu'avec des représentants du ministère serbe des Affaires
11 étrangères, et là, vous indiquez des personnes que vous avez indiquées,
12 par exemple, Kostunica qui est à présent Président de la République, le Dr
13 Micunovic qui est Président du Parlement yougoslave actuel…
14 Réponse: Je ne sais pas si ce sont bien les mêmes personnes, même si les
15 noms sont les mêmes.
16 Je n'ai le prénom d'aucun de ces deux hommes.
17 Question: Mais il n'y en avait pas d'autres à l'époque et ils étaient
18 députés au Parlement. Ils n'étaient certainement pas représentants du
19 ministère des Affaires étrangères?
20 Réponse: Est-ce que vous en train de me dire qu'ils se sont présentés sous
21 une fausse identité lorsque je les ai rencontrés?
22 M. Milosevic (interprétation): Non. Non. Je n'ai pas dit qu'eux s'étaient
23 faussement présentés. Je ne pense pas qu'ils le feraient. Ils étaient,
24 pour leur part, députés au Parlement mais Kostunica et Micunovic, à mon
25 avis, je crois que vous n'aviez pas compris de qui il s'agissait en
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1 réalité. C'est pour cela que je dis que ce que vous êtes en train de nous
2 dire ici n'est pas forcément exact. Parce que, si je puis le dire, des
3 faits ordinaires de cette nature sont présentés par vos soins d'une façon
4 inexacte parce que ni Kostunica ni Micunovic n'étaient représentants du
5 ministère des Affaires étrangères.
6 Ils étaient députés au Parlement et ils faisaient partie de partis
7 d'opposition. Ils étaient membres du parti démocratique. Kostunica et
8 Micunovic faisaient partie du même parti à l'époque. Donc je n'étais pas
9 en train de dire qu'ils s'étaient faussement présentés; ils ne l'auraient
10 pas fait, ils n'avaient pas de raison de faire une chose pareille. Mais je
11 dis que vous avez mal compris et c'est pour cela que je vous demande que
12 vous acceptiez la possibilité qu'il ait pu y avoir une mauvaise
13 interprétation de votre part.
14 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au témoin de répondre.
15 Tout d'abord, il y a votre affirmation s'agissant de la fonction de ces
16 deux personnes. Et puis, il y a une question plus générale que vous posez.
17 Mme Laber (interprétation): Quant à savoir quelles étaient leurs fonctions
18 exactes dans le gouvernement ou dans le parti à l'époque, il se peut que
19 je ne l'aie pas compris clairement, mais ce qu'ils m'ont dit, je l'ai bien
20 compris; ceci figure dans ma déclaration préalable et dans les documents
21 versés en annexe. Ceci ne change en rien les dires de ces personnes, et ce
22 que ces personnes ont dit ne contredit en aucune façon l'avis général du
23 gouvernement de l'époque, du gouvernement serbe, s'entend.
24 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais vous venez de dire qu'ils vous
25 avaient présenté des positions analogues à celles que vous aviez entendues
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1 auparavant; cela figure dans votre déclaration préalable pour ce qui est
2 du grand état-major. Vous vous étiez entretenue avec le général Pujic et
3 il s'agit d'un fait -je crois que vous devez le savoir à présent- à savoir
4 qu'ils étaient membres d'un parti d'opposition, qu'ils étaient donc
5 opposés à la politique qui était la mienne. Mais après la prise du pouvoir
6 en l'an 2000, c'est précisément eux qui m'ont livré ici, de façon
7 illicite, à La Haye.
8 Mais si eux vous disaient la même chose que...
9 M. le Président (interprétation): Non, Monsieur Milosevic, ceci n'a rien à
10 voir avec le témoin. A quoi voulez-vous en venir?
11 M. Milosevic (interprétation): Mais si ce sont des représentants de
12 l'opposition, d'éminents représentants de l'opposition, ceux justement qui
13 se trouvent actuellement au pouvoir, qui m'ont envoyé ici de façon tout à
14 fait illicite, qui ont dit la même chose que l'état-major…
15 M. le Président (interprétation): Je vais vous arrêter. Il faut que vous
16 posiez des questions qui en sont véritablement. Quelle est la question que
17 vous posez maintenant?
18 M. Milosevic (interprétation): Compte tenu du fait que vous avez obtenu
19 des réponses tout à fait identiques de leur part, comme cela a été le cas
20 avec le général que vous mentionnez dans votre déclaration préalable, et
21 si vous ne perdez pas de vue le fait qu'ils étaient représentants de
22 partis d'opposition et qu'ils vous ont apporté les mêmes réponses, est-ce
23 que cela constitue une preuve suffisante pour vous pour dire que c'étaient
24 là des assertions tout à fait véridiques? Parce que, de deux sources
25 différentes, vous avez obtenu des réponses identiques. Etant donné que
Page 14304
1 vous recherchez la vérité et que votre travail consiste en la recherche de
2 faits et de vérité, n'est-ce pas là ce que vous avez trouvé?
3 Mme Laber (interprétation): Maintenant, je comprends à quoi vous voulez en
4 venir. Le fait que les deux partis soient d'un même avis, lorsqu'il s'agit
5 de représenter la version officielle du gouvernement, ceci ne change
6 aucunement les éléments de preuve que nous avons recueillis sur le
7 terrain. C'est une question qui est peut-être intéressante pour vous, le
8 fait qu'il y ait un accord, si vous voulez. Et ceci explique aussi
9 certains des commentaires qui ont été faits et qui n'étaient pas tout à
10 fait dans la lignée de ce que vous avez dit. Par exemple, à propos de M.
11 Mesic, il y avait quelques commentaires qui étaient de nature à semer la
12 confusion. Mais le fait que le Gouvernement serbe a eu un même avis sur la
13 question, ceci ne change aucunement les éléments de preuves recueillis.
14 Pas plus que ceci n'indique qu'il y ait eu un quelconque effort pour
15 essayer vraiment de mener des enquêtes sur les crimes commis.
16 M. Milosevic (interprétation): Madame Laber, mais dites-moi donc, est-ce
17 là une erreur logique, celle que vous avez faite, lorsque vous vous êtes
18 entretenue avec deux hommes politiques en obtenant des réponses
19 identiques? Donc est-ce que là, vous les alignez automatiquement parmi les
20 représentants des pouvoirs?
21 M. le Président (interprétation): Je dois mettre un terme à ceci. Parce
22 qu'ici, c'est votre thèse que vous essayez de défendre par le biais de ce
23 témoin. Il n'y a pas d'erreur, à l'exception d'une dont vous affirmez que
24 vous l'avez décelée. Je pense que nous avons épuisé le sujet. Passons à un
25 autre sujet.
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1 Oui, Monsieur Tapuskovic, qu'avez-vous à ajouter?
2 M. Tapuskovic (interprétation): Si je puis le faire, Messieurs les Juges,
3 je voudrais expliquer une chose: je crois qu'il y a un lapsus linguae ici.
4 Il se peut qu'il y ait eu une erreur, à savoir que Mme le témoin ait pensé
5 effectivement avoir affaire à des représentants des autorités en place,
6 alors qu'ils étaient représentants du ministère des Affaires étrangères.
7 Et c'est peut-être là que l'erreur se situe: elle s'était imaginée qu'elle
8 avait affaire à des représentants du ministère des Affaires étrangères,
9 alors qu'eux n'étaient pas représentants du ministère des Affaires
10 étrangères à l'époque. C'est là que survient le malentendu.
11 M. le Président (interprétation): Maître Tapuskovic, nous l'avons entendu,
12 nous avons compris, mais maintenant passons à un autre sujet.
13 Vous avez peu de temps imparti, inutile de revenir sans cesse sur la même
14 chose. Nous avons maintenant compris l'argument relatif à ces réunions.
15 Nous avons encore cinq minutes avant la pause, passez à autre chose.
16 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, précisément, dans les conditions
17 d'une erreur aussi cardinale que celle-ci, et qu'on la relève, est-ce que
18 vous admettez la possibilité que cela ne corresponde pas à l'image que
19 vous voulez donner de vous, pour ce qui est du respect des standards les
20 plus éminents dans l'exercice des fonctions de votre organisation?
21 M. le Président (interprétation): Si vous ne voulez pas répondre, Madame
22 le Témoin, parce qu'apparemment, c'est une question tout à fait dénuée
23 d'intérêt, et en fait l'accusation essaie de donner une proportion
24 inadéquate ou une importance inadéquate à cette question, si vous ne
25 voulez pas répondre quant à l'exactitude, vous n'avez pas à répondre.
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1 Mme Laber (interprétation): J'affirme que tout ce que nous avons fait dans
2 notre organisation était exact. Et si vous estimez qu'il y a des
3 inexactitudes, montrez-les-nous. Le fait que le titre d'une personne ou sa
4 fonction politique n'ait pas été exact au moment où nous avons parlé à des
5 représentants de votre gouvernement -apparemment, nous avons rencontré ces
6 gens au ministère des Affaires étrangères, donc nous sommes partis du
7 principe que c'étaient des membres de ce ministère-, mais ce n'est pas
8 tellement important parce qu'ils n'ont pas vraiment dit des choses
9 tellement importantes et qui auraient été différentes de ce que toutes les
10 autres personnes que nous avons rencontrées nous ont dit.
11 M. Milosevic (interprétation): Madame Laber, vous avez obtenu des réponses
12 qui vous ont été envoyées par Goran Milinovic, chef de mon cabinet, et
13 vous l'avez cité ici. Je ne sais pas si vous avez cité la lettre dans son
14 intégralité, mais je ne vais pas demander la lettre pour ce qui est de ce
15 que vous avez cité; il me suffit d'avoir entendu ce qui a été dit
16 s'agissant de la lettre adressée au Président par le comité américain du
17 Helsinki Watch. Je vous informe de ce qui suit: tout d'abord, les sites de
18 la perpétration de ces crimes -et là, vous avez cité un grand nombre
19 d'exemples et toutes les localités qui ont été énumérées dans votre
20 lettre- et on vous dit que "toutes ces localités ne se trouvent pas sur le
21 territoire de la République de Serbie; aussi la République de Serbie
22 n'est-elle pas compétente et n'a rien à voir avec ces agissements, aussi
23 la République de Serbie ne saurait être tenue responsable de ces
24 événements.
25 Deuxièmement, le Président de la République de Serbie a demandé aux
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1 organes compétents de la République de Serbie de procéder à des enquêtes
2 s'agissant d'abus cités dans votre lettre. Et au cas où l'un quelconque
3 des citoyens de la République de Serbie aurait commis un crime, il sera
4 jugé".
5 Et en signature, vous avez la signature de mon chef de cabinet, qui vous a
6 envoyé cela.
7 Donc savez-vous, Madame Laber, qu'en Serbie, vers la fin de l'année 1992,
8 il a été jugé des personnes pour des crimes de guerre; c'étaient des
9 personnes qui étaient citoyennes de Serbie et ont perpétré des crimes sur
10 le territoire de la Bosnie-Herzégovine?
11 Réponse: Ici, nous parlions de la situation qui prévalait en Croatie dans
12 le cadre de ces discussions.
13 Question: Je parle de pratiques. Je dis que les tribunaux, les organes
14 exécutifs et législatifs avaient estimé que, si l'un quelconque des
15 citoyens de Serbie commettait un crime, il devait être soumis à la
16 législation de Serbie et tenu responsable de ce qu'il avait fait.
17 Donc êtes-vous au courant, oui ou non, que des personnes ont été jugées
18 pour des crimes perpétrés à l'extérieur de la Serbie, quoiqu'il n'y ait
19 pas eu de guerre en Serbie, et ce, début 1992? Mais les autorités de notre
20 Etat avaient obtenu des informations concernant des crimes commis et ces
21 personnes-là ont été jugées; le savez-vous ou pas? Si vous ne le savez
22 pas, dites-nous que vous ne savez pas, et puis on peut aller de l'avant.
23 Mme Laber (interprétation): Je n'ai pas d'informations précises à ce
24 propos, en ce moment même. Je pense ici que, dans cette lettre, nous
25 parlions de forces paramilitaires venant de la Serbie et allant sur le
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1 territoire de la Croatie, apparemment avec la collaboration des gardes
2 frontaliers serbes qui ont permis le passage de ces forces, forces qui ont
3 commis des crimes sur le territoire de la Croatie.
4 M. le Président (interprétation): Le moment est venu de faire la pause; il
5 est midi et quart.
6 Nous allons maintenant faire une pause de 20 minutes.
7 (L'audience, suspendue à 12 heures 15, est reprise à 12 heures 36.)
8 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous avons examiné
9 votre requête d'extension de temps. Nous n'oublions pas que le témoin a
10 produit un nombre assez considérable de rapports et vous devriez
11 bénéficier du temps nécessaire pour poser des questions à leur propos. Le
12 Procureur a utilisé un peu moins de 1 heure et 40 minutes. Vous aurez
13 encore deux heures et demie, ce qui veut dire qu'il vous reste encore deux
14 heures.
15 M. Milosevic (interprétation): Je ne pense pas que cela suffise, mais je
16 vais m'efforcer de faire vite.
17 Dans votre déclaration préalable, page 11, dernier paragraphe, vous dites
18 qu'à votre retour à New York, vous avez vu des rapports disant que huit
19 détenus croates ont été tués à Bac, en Vojvodine, République de Serbie.
20 Quand est-ce que vous avez reçu ce rapport-là?
21 Mme Laber (interprétation): Je ne pense pas pouvoir répondre à cette
22 question. Ces rapports sont arrivés à des membres de mon de personnel et,
23 comme je l'ai dit dans ma déposition, nous n'avons pas pu mener d'enquête
24 nous-mêmes; c'est la raison de l'envoi de notre lettre à vous, lettre dans
25 laquelle nous vous demandions un complément d'information.
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1 Question: Oui, mais alors, vous dites que vous n'êtes pas en mesure de
2 confirmer ces allégations concernant le meurtre de huit soldats. Vous
3 dites: "Je ne puis confirmer l'exécution comme étant survenue et cela doit
4 faire l'objet de recherches vous vérifier la véracité des allégations."
5 (Fin de citation.)
6 Est-ce que nous pouvons estimer que de telles affirmations ne sauraient
7 être considérées comme étant partie intégrante d'un témoignage que vous
8 seriez à même de confirmer?
9 Réponse: C'est une demande d'information. D'autre part, nous n'étions pas
10 en train d'affirmer d'existence de faits.
11 Question: Et est-ce qu'à un moment quelconque, par la suite, vous avez
12 constaté, oui ou non, qu'il n'y a pas eu de cas analogue, que l'on ait
13 donc fait venir des personnes sur le territoire de Serbie pour les abattre
14 sur le territoire de Serbie, qu'il s'agisse de l'armée ou de qui que ce
15 soit d'autre?
16 Réponse: Je ne pense pas qu'on ait jamais pu élucider cette affirmation-là
17 en particulier, mais nous avons apporté la preuve de nombreux autres cas
18 d'assassinats commis par les deux côtés.
19 Question: Bon, mais les autres cas feront l'objet d'autres questions qui
20 pourront être contestées, certes. Mais la question que je vous ai posée
21 est celle-ci: donc il apparaît clairement que c'est là une chose que vous
22 n'êtes pas en mesure de confirmer, n'est-ce pas?
23 Réponse: Je peux confirmer que nous n'avons jamais reçu de réponse, quelle
24 qu'elle soit, à la suite de notre envoi de demande d'informations.
25 Question: Bon. Mais allons de l'avant.
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1 Dans le rapport de septembre 1991, vos collègues précisent que les Serbes
2 en Croatie s'opposaient aux dispositions de la Constitution de Croatie
3 datant de 1990 et disant –et vous donnez citation-: "La disposition
4 s'énonce comme suit: on dit que la République de Croatie constitue l'Etat
5 national du peuple croate et des autres minorités et autres citoyens de
6 Croatie. Et on cite les différentes minorités." (Fin de citation.)
7 Puis, vous enchaînez: "A la place de cela ou au lieu de cela, les Serbes
8 se sont employés en faveur d'une formulation qui serait la suivante"; puis
9 vous donnez le texte de la formulation serbe, à savoir que "l'Etat de
10 Croatie serait l'Etat national du peuple croate, du peuple serbe et des
11 autres nationalités ou groupes ethniques", et ainsi de suite.
12 C'est ce qui figure dans le rapport. La chose n'est pas contestée, n'est-
13 ce pas, Madame Laber?
14 Réponse: Vous avez raison. Nous essayions simplement d'exprimer l'avis des
15 gens de la région.
16 Question: Bien. Mais serait-il exact de dire que cette deuxième
17 disposition, à savoir ce qui avait été la revendication des Serbes, n'est
18 pas l'expression de purs et simples vœux de la part des Serbes, mais cela
19 constituait jusque-là une disposition de la Constitution de Croatie qui
20 était en vigueur, tant jusque-là que dans les Constitutions précédentes en
21 Croatie, depuis l'existence même de la Croatie en tant que République.
22 Donc les Serbes, dans toutes ces constitutions-là, avaient été traités
23 comme étant peuple constitutif et pas en qualité de minorité nationale;
24 c'est la chose qui vous était connue ou pas?
25 Réponse: Je n'ai pas étudié la Constitution tout entière. Eh bien, je vous
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1 fais confiance pour ce qui est de cette affirmation; je ne vois pas de
2 raison de la contester.
3 Question: Mais étant donné qu'il s'agit ici d'une constitution des plus
4 substantielles, à savoir que les Serbes, avec la nouvelle Constitution, se
5 trouvent expulsés de la Constitution en leur qualité de peuple
6 constitutif, se peut-il donc que vos collègues aient passé délibérément ce
7 fait-là, parce qu'eux avaient traité de Constitution et ceux qui traitent
8 de Constitution sont censés lire ce qui y figure?
9 Réponse: Je suppose qu'ils l'ont fait. Je ne pense pas que ceci a été fait
10 délibérément. Ils ont fait état des souffrances que subiraient les Serbes
11 ou des griefs qu'avaient les Serbes à l'encontre de cette position. Nous
12 avons pris cela très au sérieux.
13 Question: Bon. Mais se peut-il que vos collègues aient délibérément fait
14 cela?
15 Réponse: Délibérément?
16 Question: Etant donné qu'il apparaît être substantiel le fait que la
17 nouvelle Constitution ait dégradé la situation, la position ou le statut
18 des Serbes, se peut-il qu'à la lecture de la Constitution, ils aient
19 ignoré la chose?
20 Réponse: J'ai l'impression que ce rapport essaie, d'ailleurs réussit à
21 présenter aussi bien l'avis de la minorité serbe que l'avis des Croates en
22 Croatie. Nous n'avons pas pris parti. Nous avons essayé de montrer la
23 perception qu'avait chacune des parties concernées, la façon dont chacune
24 de ces parties concernées voyait la situation.
25 Question: Eh bien, c'est précisément au service de ce que vous avez dit
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1 tout à l'heure, que je veux dire que l'on pourrait considérer l'omission
2 d'un fait aussi important, à savoir l'omission du statut des Serbes dans
3 la Constitution croate, qui avait été le statut en vigueur jusque là. Est-
4 ce que donc ce fait correspond à ce que vous désignez par "les normes les
5 plus élevées" dans l'exercice des fonctions qui sont celles de votre
6 organisation?
7 Réponse: La description qui est faite tout au début du rapport est, à mon
8 avis, une tentative d'établir le contexte. Ce rapport n'avait pas cela
9 pour objectif; il essayait d'apporter la preuve des faits que nous avons
10 constatés sur le terrain. Il y a beaucoup de choses qui ont été oubliées
11 dans cette section consacrée au contexte; notamment, ce qui est dit à
12 propos par vous de la Constitution. Je ne sais pas pourquoi on a laissé
13 cela de côté; peut-être par manque d'espace.
14 C'est un fait important, si ce que vous dites est exact. Mais je ne pense
15 pas que ceci change aucunement la perception assez sympathique et assez
16 positive que nous donnons de la position du statut des Serbes et la
17 description que nous faisons du statut des Croates à cette époque-là et à
18 cet endroit-là.
19 Question: Certainement, mais compte tenu de l'importance capitale de ce
20 que j'ai mentionné tout à l'heure, il apparaît clairement que votre
21 organisation et vous, personnellement, ne saviez pas du tout de quoi il
22 s'agissait.
23 Réponse: Monsieur Milosevic, ce qui vous semble important ne semblait
24 peut-être pas important à nos enquêteurs. On peut remonter le cours de
25 l'histoire, bien sûr. A un moment donné, on a essayé de dresser le
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1 contexte, et si ceci ne se trouve pas dans cette partie-là, ce n'est pas
2 dû à une intention délibérée ni à un manque de compétence professionnelle.
3 Question: (inaudible.) …pas un retour vers le passé; c'est une situation
4 qui était en vigueur en Croatie, dans la Constitution de Croatie jusqu'à
5 la date que vous citez, et la Constitution nouvellement adoptée. Ce n'est
6 donc pas le passé, c'est un changement de situation et une dégradation du
7 statut; c'est de cela qu'il est question.
8 Mais dans le rapport, daté de septembre 1991, pour aller de l'avant donc,
9 on parle de tirs, de coups de feu tirés vers des véhicules, des
10 ambulances, la garde d'otages. Je fais plusieurs citations là.
11 Il y a des événements du mois de juillet qui sont survenus près de
12 Hrvatska Kostajnica dans la région de Banija, et d'après les rapports,
13 cette localité se trouve entre Kostajnica et Dvor na Uni. Pouvez-vous
14 m'indiquer que le nom du village et pouvez-vous me dire de quel événement
15 il s'agit au juste? Le savez-vous au juste?
16 Réponse: Je ne suis pas l'auteur de ce rapport. Il a été établi par des
17 membres très compétents, très professionnels de notre organisation. Moi,
18 je devais recueillir leurs conclusions et les porter à la connaissance des
19 responsables de gouvernement, tels que vous. J'endosse toute la
20 responsabilité au nom des personnes qui travaillaient à mon service, et je
21 pense que tout le monde, tout le monde, y compris vous, vous deviez
22 assurer la responsabilité des personnes qui travaillent sous vos ordres.
23 Question: Justement, mais veuillez me répondre, Madame Laber. Comment
24 poser une question de ma part concernant des faits, ou plutôt pas des
25 faits, mais des allégations que Mme Nizich et l'autre ont recueillies de
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1 victimes anonymes, si l'on ne sait pas du tout où certains événements,
2 dont il est question ici, ont eu lieu?
3 Réponse: Il est peut-être un peu tardif que vous réagissiez aujourd'hui à
4 un rapport qui a été porté à votre attention en 1991. Si vous l'aviez fait
5 à l'époque, la discussion aurait peut-être eu un sens. Mais maintenant, je
6 ne suis pas ici pour défendre des détails de ce rapport. Je veux
7 simplement vous montrer que j'ai essayé, en tant que directrice de mon
8 organisation au moment des faits, de porter à votre attention ce problème
9 et nous n'avons pas reçu de réponse digne de ce nom.
10 Question: Et c'est précisément vous qui affirmez que cela est survenu en
11 Croatie et, comme vous le savez, moi j'étais Président de Serbie: ce qui
12 se passait donc là-bas n'était pas chose qui se passait sur le territoire
13 de la Serbie. Comment voulez-vous que je vous réponde, moi, d'une chose
14 qui était survenue en Croatie?
15 Réponse: L'impression que nous nous sommes faite à l'époque et toutes les
16 preuves que nous avons recueillies, pas seulement nous mais aussi que
17 d'autres observateurs impartiaux qui ont observé à l'époque, c'est que les
18 événements qui se produisaient en Croatie n'étaient pas simplement
19 soutenus, mais qu'en fait, ils avaient été encouragés par votre
20 gouvernement de Serbie.
21 Les tactiques utilisées en Croatie ont été répétées à plusieurs reprises.
22 En Bosnie, on essayait de susciter, d'attiser les troubles d'origine
23 ethnique de la part des Serbes. Effectivement, il y avait des
24 préoccupations parfois légitimes; ils s'inquiétaient de leur propre
25 sécurité, et c'était attisé jusqu'au point de l'hystérie. Et vous les avez
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1 encouragés à prendre les armes afin qu'il y ait une justification pour
2 l'intervention de l'armée yougoslave qui était, à toutes fins utiles, sous
3 votre contrôle, du moins sous votre influence. Cette intervention devait
4 servir à protéger des Serbes, mais a permis en fait les exactions qui se
5 sont produites et leur perpétuation, et quelquefois la participation des
6 Serbes à ceci.
7 Question: Cela ne peut constituer que des hypothèses de votre part, mais
8 nous nous efforçons ici de déterminer les faits.
9 Vous avez mentionné un domaine, une région: savez-vous quelle est la
10 distance entre Kostajnica et Dvor na Uni? Savez-vous combien de villages
11 il y a sur cet itinéraire-là?
12 Réponse: Je n'affirme pas être un expert ès géographie de la Croatie.
13 Cependant, je me suis trouvé, à un moment donné, à Dvor na Uni.
14 Question: A la description du prétendu événement -en page 21, paragraphe
15 5- on dit que "les infirmiers, les blessés, des ambulances avaient été
16 conviés à se rendre. Ils ont été capturés par quelque 10 personnes qui
17 portaient des treillis jaunes sans insigne aucun". (Fin de citation.)
18 Pouvez-vous me dire à quelle formation, à quel groupe appartenait ces
19 hommes-là? En partant de quoi vos collègues ont-ils été en mesure que
20 c'étaient bien là des Serbes?
21 Réponse: Il ne m'est pas possible de vous dire l'évidence; ils ne savaient
22 pas à quelle formation ces hommes appartenaient. Tout ce qu'on dit ici,
23 c'est qu'ils étaient en uniforme de camouflage jaune, sans aucun insigne
24 ni écusson.
25 Question: Admettriez-vous la possibilité qu'il puisse s'agir là de
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1 Croates? Partant de quoi affirmez-vous que c'étaient des Serbes?
2 Réponse: A la lecture de ce rapport que vous lisez aussi, j'ai
3 l'impression que des victimes ont témoigné du fait que c'étaient là des
4 Serbes.
5 Question: Bon. Mais savez-vous que, sur le territoire de l'ex-RSFY, aucun
6 groupement n'a porté d'uniforme de camouflage jaune? C'est la première
7 fois, dans votre déclaration préalable, que j'apprends que certaines
8 personnes avaient porté des treillis jaunes.
9 Réponse: Mais c'est, en tout cas, ce qui nous a été dit.
10 Question: Mais ne vous semble-t-il pas que ce renseignement est, pour le
11 moins qu'on puisse dire, étrange? Parce que les uniformes de camouflage
12 jaunes sont utilisés dans des régions désertiques, dans des régions à
13 climat sud-continental, mais en Europe personne n'en a jamais porté?
14 Réponse: Excusez-moi mais, malheureusement, c'est tout ce que je peux dire
15 à ce sujet.
16 M. Milosevic (interprétation): Bien. Madame Laber, dites-moi, s'il vous
17 plaît, comment pouvons-nous savoir qui étaient ces gens-là? Si le récit en
18 question se trouve fondé, alors il s'agirait de personnes portant des
19 uniformes jaunes, inexistants dans ces régions, et qui capturent des
20 ambulances dans un village dont nous ne connaissons pas le nom?
21 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, le témoin a dit
22 qu'elle ne pouvait pas en dire davantage sur ce sujet. Vous aurez, en
23 temps utile, le temps de faire un commentaire, mais je crois qu'il est
24 inutile de continuer à poser ce genre de questions au témoin.
25 M. Milosevic (interprétation): Bon. Mais ma question est la suivante,
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1 Monsieur May: est-ce que cette quantité d'imprécisions, de points obscurs,
2 de points aléatoires est susceptible de correspondre à ce qui est sous-
3 entendu et désigné être les normes les plus élevées dans l'exercice des
4 fonctions d'une organisation? Puisque vous n'êtes pas en mesure de nous
5 dire de quel village il s'agit… Est-ce qu'il s'agissait vraiment
6 d'uniformes jaunes? Et comment savoir de qui il agit, alors que les hommes
7 ne portaient aucun insigne dessus? Et si ces réponses peuvent être
8 apportées par vos collègues qui ont rédigé ce rapport, ou peut-être les
9 personnes avec lesquelles ils s'étaient entretenus? Donc à aucune de ces
10 questions, nous ne saurions apporter de réponse à présent, n'est-ce pas?
11 Mme Laber (interprétation): Ce n'est pas tout à fait exact. Je pourrais
12 trouver une réponse à ces questions; je peux obtenir ces renseignements de
13 personnes qui ont dressé ce rapport. Je vous l'ai dit clairement
14 auparavant: moi, je ne faisais pas partie de cette mission destinée à
15 établir les faits et qui a dressé ce rapport.
16 J'ai pleinement confiance en ces personnes qui ont préparé ce rapport; je
17 pars du principe qu'ils disposent de ces réponses, qu'ils peuvent vous les
18 donner et que, si la Chambre l'estime nécessaire et adéquat, je peux faire
19 une recherche pour obtenir des réponses directes de ces personnes.
20 Je ne suis pas venue ici pour faire une défense particulière de toute
21 information qui serait contenue, paragraphe après paragraphe, dans ce
22 rapport. Je peux essayer d'obtenir une réponse parce que moi, à l'époque,
23 j'avais fait ce rapport pour essayer d'obtenir une réaction, une réponse
24 de votre part en 1991, moment où ce rapport a été rédigé.
25 Question: Oui. Mais alors, la question qui se pose, c'est celle de savoir
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1 si cela a une finalité quelconque de vous poser des questions concernant
2 des événements au sujet desquels vous avez des connaissances aussi
3 indirectes que cela, tels que par exemple les faits, les événements en
4 question, les lieux, les auteurs… Vous ne savez rien nous dire à ce sujet?
5 Je pense que nous devrions alors nous concentrer sur ce que vous avez
6 déterminé personnellement à l'occasion de votre séjour en Yougoslavie, et
7 non pas sur ce qui a été déterminé par des collaborateurs à vous qui ont
8 constaté des choses qui, comme vous avez pu le voir vous-même, sonnent
9 assez illogiques?
10 Réponse: Je ne reconnais pas le fait que ceci manque de logique. Je peux
11 tout à fait essayer d'obtenir des réponses aux questions que vous posez.
12 Vous savez que ces rapports, ils ont été établis il y a dix ans. Nous
13 avons des responsables, des chercheurs dans notre bureau qui peuvent
14 donner des réponses mais, pour le moment, ici, à brûle-pourpoint, je ne
15 peux pas vous donner de réponse.
16 Je ne suis pas venue pour cela aujourd'hui; je suis venue pour parler en
17 tant que directeur de cette organisation, pour parler de questions qui ont
18 été portées à votre connaissance et pour parler de la question de savoir
19 si votre gouvernement a été informé de l'existence de nos rapports.
20 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est justement de cela qu'il s'agit!
21 La partie adverse y a pensé au bout de 12 ans, a pensé à dresser cet Acte
22 d'accusation au bout de 12 ans. Mais ne vous semble-t-il pas…
23 (Micro débranché par le Président.)
24 M. le Président (interprétation): Je vous ai arrêté, Monsieur Milosevic,
25 parce que vous vous écartez trop de la question. Ici, maintenant, vous
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1 attaquez le Bureau du Procureur. Libre à vous de poser, si vous le voulez,
2 d'autres questions à ce témoin, mais posez des questions plutôt que de
3 faire des commentaires à propos de l'accusation.
4 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, le témoin traite des Droits
5 de l'homme; j'imagine donc qu'elle sait que la partie adverse, pour
6 présenter des allégations de cette nature, devrait faire venir les
7 personnes qui sont témoins oculaires de ces événements, pour que ces
8 personnes-là puissent être interrogées, s'agissant donc de ces prétendus
9 événements.
10 M. le Président (interprétation): Mais c'est eux qui vont décider. C'est à
11 nous aussi de déterminer le type de moyens de preuve requis; ce n'est pas
12 au témoin qu'il revient de dire cela.
13 M. Milosevic (interprétation): Mais en page 3 de cette déclaration,
14 paragraphe 1, vous dites qu'en août 1990, vous avez fait un voyage avec
15 une personne appelée Anderson, en mission de recherche ou d'information en
16 Croatie, puis à Belgrade. Est-ce que c'est la seule mission de
17 renseignement que vous avez effectuée au sujet de la guerre dans la
18 Croatie et dans la Krajina?
19 Mme Laber (interprétation): Vous parlez de moi personnellement?
20 Question: Oui, oui.
21 Réponse: Eh bien, la seule mission que j'ai effectuée, c'était ce voyage
22 avec M. Anderson; et puis, au moment où il y a eu une escalade de la
23 situation, plusieurs personnes sont allées sur les lieux. Je vous l'ai
24 dit, il y avait pratiquement une présence constante pendant toute l'année
25 1991 ainsi qu'en 1992.
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1 J'ai aussi mené une mission destinée à établir les faits en janvier 1992,
2 mais ceci portait sur la question des viols en tant que crimes de guerre.
3 Et, en l'occurrence, je vous l'ai déjà dit, nous avons interviewé des
4 victimes qui étaient aussi bien musulmanes que serbes ou croates.
5 Question: Bon. Mais est-ce que cela signifie que seul le déplacement du
6 mois d'août 1990 a véritablement été une mission d'information concernant
7 la guerre en Croatie et dans la Krajina; mission, j'entends, à laquelle
8 vous auriez pris personnellement part?
9 Réponse: Oui. Et ce que nous avons vu au cours de cette mission d'enquête,
10 c'est le début de ce qui est devenu, par la suite, une situation très
11 explosive, très grave. Et puis, après, j'étais à New York et je dépêchais
12 des gens à partir de New York dans des combinaisons diverses, pour mener
13 des enquêtes. Je pense que nous avons envoyé six missions individuelles au
14 cours de cette année-là tout en maintenant une présence constante sur le
15 terrain.
16 Question: Par conséquent, puisque vous êtes allée au Kosovo, en 1990,
17 savez-vous que la présence des forces de défense de sécurité avait suivi
18 une décision du gouvernement fédéral et de la présidence fédérale, en
19 raison des périls importants et des déplacements en masse de la population
20 serbe, sous des pressions exercées par des extrémistes albanais.
21 Avez-vous appris quoi que ce soit à ce sujet-là, à l'époque?
22 Réponse: Cette fois-là, ce que j'ai vu, c'était un déploiement très
23 intensif, très massif des forces fédérales au Kosovo. Il y avait des
24 soldats partout, des barrages routiers partout et des manœuvres militaires
25 actives dirigées sur des petites villes de la région. Je n'ai vu aucune
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1 preuve d'insurrection armée active de la part des Albanais au Kosovo, à
2 l'époque. J'avais l'impression que c'était une réaction excessive à ce qui
3 poussait, ce qui animait la minorité serbe du Kosovo.
4 Question: Tout du moins, c'est ce qu'il vous semblait, c'est ce que vous
5 nous avez dit.
6 Dites-moi, à l'occasion de votre mission, en août 1992, dans quel Etat
7 êtes-vous venu?
8 Réponse: Vous parlez de quel Etat où je serais allée?
9 Question: En quel Etat êtes-vous arrivée en août 1991?
10 Réponse: Je n'ai pas effectué de mission en août 1991. Je ne vois pas de
11 quelle mission vous parlez. Vous voulez parler de moi personnellement ou
12 de mission de l'organisation?
13 Question: Vous nous avez dit que vous êtes allée en 1991, n'est-ce pas?
14 Réponse: Non, c'était en 1990.
15 Question: Bien. Soit. En 1990, dans quel Etat êtes-vous venu?
16 Réponse: En 1990, je suis allé en Croatie et en Serbie.
17 Question: Bien. Savez-vous qu'en 1990, lorsque vous êtes allée là-bas, le
18 seul intervenant reconnu au niveau du droit international, la seule entité
19 sur le plan juridique international, c'était la Yougoslavie? C'était le
20 seul pays qui pouvait être considéré comme étant un Etat.
21 Réponse: Bien sûr que je le sais. Je voulais savoir si j'étais allé dans
22 une République en particulier. Bien sûr, je savais que je me trouvais en
23 République fédérale de Yougoslavie. C'est comme cela qu'on appelait le
24 pays à l'époque.
25 Question: Bien. Mais était-ce le cas également en septembre 1991, lorsque
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1 vos collègues Nizich et Rohm (phon.) sont allés en mission? Oui ou non?
2 Réponse: Je pense qu'au mois de septembre 1991, la Croatie et la Slovénie
3 avaient déclaré leur sécession par rapport à la République fédérale de
4 Yougoslavie. Est-ce bien exact?
5 Question: C'est autre chose. Vous n'ignorez pas que les Nations Unies ont
6 reconnu l'indépendance de la Croatie que vers la mi-1992. J'imagine du
7 moins que vous êtes au courant de la chose?
8 Réponse: Oui, je suis au courant.
9 Question: Donc, pour les débats ici, la seule chose qu'il importe de dire,
10 c'est le moment où les Nations Unies ont reconnu la Croatie. Mais savez-
11 vous que le 7 juillet 1991, la Yougoslavie existait encore et il y avait
12 la présence des représentants de l'Union européenne? A Brioni, il y a eu
13 une réunion qui s'était tenue entre les représentants de la présidence de
14 Yougoslavie, du gouvernement fédéral, des ministres fédéraux de
15 l'Intérieur, de la Défense, puis les ministres représentant la Croatie et
16 la Slovénie, et qu'il avait été question de modalités pacifiques de
17 résoudre la crise?
18 Réponse: Je me souviens, mais je ne vois pas en quoi ceci est pertinent
19 pour ma déposition. Jamais, notre organisation n'a pris position par
20 rapport à l'intégrité de la République fédérale de Yougoslavie.
21 D'ailleurs, ceci n'a pas été mon cas personnellement, ce n'était pas notre
22 préoccupation, ce n'était pas notre mandat.
23 Question: Vous faites du droit, vous intervenez dans le domaine du droit.
24 Donc les décisions de proclamation d'indépendance, de souveraineté étaient
25 des déclarations qui se faisaient contre la Constitution et contre le
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1 droit international?
2 Réponse: Je ne suis pas compétente pour discuter de cette question.
3 Question: Certes. Mais nous avons constaté que vous, en 1990, et vos
4 collègues, en 1991, juridiquement parlant, avez séjourné sur le territoire
5 d'un pays qui était juridiquement et internationalement reconnu comme
6 étant la Yougoslavie, à savoir la République socialiste fédérative de
7 Yougoslavie?
8 Réponse: C'est exact.
9 Question: Donc on a constaté que Helsinki Watch a une branche, un
10 département du Human Rights Watch, qui a été créé en 1979 pour superviser
11 le respect, sur le plan interne et international, du droit humanitaire
12 international. Et c'est ce qui conforme à la déclaration de 1975; cela
13 figure page 13, paragraphe 2. Dans le deuxième rapport, à la page 8.
14 N'est-il donc pas vrai qu'en votre qualité de fondateur ou de l'un des
15 fondateurs du Helsinki Watch, vous êtes au courant de ces actes-là, avec
16 les actes de la Conférence d'Helsinki, y compris les documents autres
17 adoptés en matière de droit humanitaire?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Donc est-ce que vous êtes au courant de ce paragraphe de l'acte
20 final d'Helsinki, de 1975 qui se lit comme suit: "Les Etats participants
21 doivent respecter les droits égaux de chaque peuple et le droit de chaque
22 peuple à l'autodétermination, et doivent agir en toute occasion
23 conformément aux objectifs et aux principes de la charte des Nations Unies
24 et dans le respect des critères internationaux du droit international, y
25 compris ceux portant sur l'intégrité territoriale des Etats".
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1 Par conséquent, dans cet acte final que vous dites connaître, c'est ce qui
2 est écrit? C'est bien cela, Madame Laber, n'est-ce pas?
3 Réponse: C'est consigné dans ce document que je connais, mais ce n'est pas
4 la partie du document qui nous concerne en tant qu'organisation de défense
5 des Droits de l'homme. Dans aucun pays, nous ne prenons position sur des
6 questions de souveraineté, de sécession ou de frontière nationale: ceci
7 dépasse nos compétences et ceci dépasse aussi le mandat qui est le nôtre.
8 Question: Et nous avons constaté tout à l'heure que vous avez été créé
9 précisément pour veiller au respect des dispositions afférentes aux Droits
10 de l'homme découlant de l'Acte final d'Helsinki de 1975. Vous n'avez donc
11 pas procédé à une sélection concernant les droits dont vous avez traité et
12 les droits dont vous n'avez pas traité. Et savez-vous que l'article 2,
13 alinéa 4, de la Charte des Nations Unies défend, protège l'intégrité
14 territoriale des Etats? Et le droit à l'autodétermination des peuples,
15 dont il est question à l'article 1, alinéa 2 de cette Charte, doit être
16 compris de façon à ne pas porter atteinte à l'intégrité territoriale des
17 Etats. C'est bien cela, Madame, ou pas?
18 Réponse: Je pense que je suis en train de me répéter maintenant. Nous nous
19 engageons à la protection des dispositions de défense des Droits de
20 l'homme dans le cadre de cet Acte final de Helsinki. Pour nous,
21 l'autodétermination des Nations, l'intégrité nationale n'est pas un des
22 droits dont nous occupons. Nous nous occupons des droits de la libre
23 expression, du droit à ne pas être torturé, du droit d'exprimer son avis,
24 du droit à ne pas être emprisonné pour avoir exprimé un avis politique; ce
25 sont là autant de droits politiques et civiques fondamentaux qui sont
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1 garantis, qui ne sont pas simplement une conséquence de l'Acte final de
2 Helsinki, mais c'est aussi une déclaration des Droits de l'homme pour les
3 Nations Unies.
4 Question: Les Droits de l'homme sont un tout; on ne peut pas en dissocier
5 un et le délaisser au profit des autres. Savez-vous que, conformément à la
6 Charte des Nations Unies, notamment la partie qui est afférente au droit à
7 l'autodétermination fait partie d'un corps entier qui est celui des Droits
8 de l'homme? Je tiens à vous rappeler que c'est la déclaration de principe
9 du droit international en ce qui concerne les relations amicales en
10 comparution entre Etats, conformément à la Charte des Nations Unies; c'est
11 la Résolution 265 de l'Assemblée générale, en date du mois d'octobre 1970.
12 Réponse: Je suis sûre que vous êtes au courant des discussions permanentes
13 qui continuent à propos des Droits de l'homme, des catégories de droits,
14 de la catégorisation de ces droits et des différentes organisations qui
15 s'en occupent comme la nôtre. Et chaque organisation choisit le droit
16 qu'elle défend en particulier, on ne peut pas couvrir tout l'apanage,
17 toute la panoplie de droits qu'il y a.
18 Nous avons un mandat clairement délimité, dans des documents internes qui
19 ne sont aucunement secrets, et qui spécifie quels sont les droits que nous
20 nous protégeons, sur lesquels nous menons des enquêtes en cas de
21 violation.
22 Au risque de me répéter, je réitère le fait que le droit à
23 l'autodétermination et le droit concernant la protection des droits
24 internationaux ne sont pas un droit dont nous nous occupons. Ce n'est pas
25 que nous l'ignorons, que nous l'acceptons; c'est simplement qu'il ne fait
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1 pas partie de notre mandat, ç'aurait été trop compliqué que de
2 l'incorporer dans nos mandats et ce serait nous aventurer dans la sphère
3 politique que nous essayons d'éviter.
4 M. Milosevic (interprétation): Certes, mais étant donné que vous vous êtes
5 engagée sur le plan professionnel et vous pensez de vous-même que vous
6 êtes un combattant pour les Droits de l'homme, j'imagine que vous
7 connaissez les dispositions de cet acte afférents aux Droits de l'homme et
8 des droits à l'autodétermination.
9 M. le Président (interprétation): Je crois que nous en avons terminé avec
10 ce sujet. Le témoin a répondu, Monsieur Milosevic, il ne sert à rien de
11 répéter constamment la même chose.
12 M. Milosevic (interprétation): Mais savez-vous que, selon la Charte des
13 Nations Unies, selon les autres actes et documents dont je viens de
14 parler, il n'est permis qu'aux colonies, aux Etats occupés et entités
15 similaires de faire sécession?
16 Mme Laber (interprétation): Je tiens à redire que l'objectif que je
17 poursuivais en venant ici, ne consistait pas à m'occuper de ce genre de
18 questions. J'estime que tout cela n'est pas pertinent.
19 M. le Président (interprétation): C'est à nous qu'il appartient d'en
20 juger. Mais si vous pensez que vous ne pouvez rien ajouter sur ce sujet…
21 Ecoutez, Monsieur Milosevic, ceci n'aide personne dans ce prétoire, alors
22 passez à d'autres sujets si vous le pouvez et si le témoin peut en
23 traiter.
24 M. Milosevic (interprétation): Ecoutez, Monsieur May, il est tout de même
25 étonnant, lorsque nous avons en face de nous une représentante éminente de
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1 la défense des Droits de l'homme, de vous voir exclure ce que je
2 qualifierai de questions tout à fait fondamentales s'agissant du respect
3 des Droits de l'homme.
4 M. le Président (interprétation): Si vous pouvez en traiter, il ne fait
5 aucun doute que vous le ferez.
6 M. Milosevic (interprétation): Madame, connaissez-vous la constatation
7 faite par Antonio Cassese, ancien président de l'Institution dans laquelle
8 nous nous trouvons, qui d'ailleurs figure dans l'ouvrage dont il est
9 l'auteur et qui est intitulé "Autodétermination des peuples", ouvrage
10 publié par l'université…
11 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que ceci nous aide
12 davantage. Nous avons déjà parlé de l'autodétermination. Nous sommes allés
13 aussi loin que nous pouvions le faire dans ce domaine. Vous pouvez
14 maintenant poser d'autres questions au témoin, vous pourriez lui présenter
15 d'autres éléments. Mais ce témoin vous a dit ce qu'elle avait à dire à ce
16 sujet; elle ne peut pas aller plus loin, donc cela ne sert à rien.
17 M. Milosevic (interprétation): Ce témoin parle de la Yougoslavie, Monsieur
18 May, et ceci a un rapport avec la Yougoslavie. Cela concerne la
19 Yougoslavie et vous devriez...
20 M. le Président (interprétation): Je ne vais pas autoriser d'autres
21 questions sur ce sujet dès lors que le témoin ne peut pas vous apporter
22 d'autres réponses. C'est un exercice absolument inutile. Veuillez
23 maintenant avancer et soumettre au témoin des questions auxquelles elle
24 pourra répondre.
25 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, pour que nous avancions, je
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1 poserai une question au témoin qui porte sur un rapport, dans lequel
2 celle-ci fait observer, en page 6 ainsi qu'en note de bas de page n°13 -il
3 s'agit de son rapport de janvier 1991-...
4 M. le Président (interprétation): Un instant. Un instant, je vous prie.
5 Janvier 1991, intercalaire 1… Nous cherchons le document. Page 6, je l'ai
6 trouvée; note en bas de page 13, je l'ai trouvée. D'accord.
7 M. Milosevic (interprétation): Nous lisons dans ce rapport que, pour
8 défendre l'indépendance, donc défendre l'indépendance, Tudjman déclare:
9 "Nous allons d'abord avoir recours à toutes nos forces régulières en
10 Croatie et nous inviterons l'ensemble de notre peuple à prendre les armes
11 dans un deuxième temps.".
12 Ceci est une déclaration qui figure dans votre rapport. Alors, au vu de
13 ces allégations et de ce qui figure dans votre rapport, comment commentez-
14 vous le propos de M. Cassese qui dit ce qui suit –je cite-: "En vertu du
15 droit international…"
16 M. le Président (interprétation): J'ai exclu ce qu'a dit M. Cassese de
17 cette déposition. Tout cela ressemble beaucoup à une querelle juridique.
18 Nous avons déjà entendu ce que vous aviez à dire à ce sujet, mais cela ne
19 concerne pas le témoin, alors veuillez passer à autre chose ou
20 j'interromprai votre contre-interrogatoire.
21 Monsieur Milosevic, c'est à vous qu'il appartient de décider si vous
22 voulez poser d'autres questions au témoin ou pas. Vous avez entendu le
23 contenu de la décision rendue par moi.
24 M. Milosevic (interprétation): (Inaudible.)
25 M. le Président (interprétation): Allez-vous poser d'autres questions, oui
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1 ou non?
2 M. Milosevic (interprétation): Madame, êtes-vous au courant du fait que,
3 selon les normes juridiques en vigueur à l'époque, tous ces actes étaient
4 des actes de sécession violente illégale de la part de la Croatie
5 lorsqu'elle s'est séparée de la Yougoslavie? Etes-vous au moins consciente
6 de cela?
7 M. le Président (interprétation): Madame Laber, est-ce une question à
8 laquelle vous pouvez répondre, oui ou non? Il me semble qu'il s'agit d'une
9 question sur laquelle les Juges auront à se prononcer.
10 Mme Laber (interprétation): Je pense que c'est bien le cas, Monsieur le
11 Président.
12 M. le Président (interprétation): Question suivante.
13 M. Milosevic (interprétation): Très bien.
14 Suite à votre rapport, je vais maintenant vous interroger, vous poser une
15 question pour laquelle vous n'aurez pas besoin de vous appuyer sur les
16 normes juridiques en vigueur à l'époque. Savez-vous au moins qu'appeler à
17 prendre les armes pour obtenir l'indépendance de la Croatie était, de la
18 part de la Croatie,…
19 (Interruption par le Président.)
20 M. le Président (interprétation): Ce sont des questions juridiques. Vous
21 interrogez un témoin; vous n'êtes pas censé avoir des querelles ou des
22 discussions juridiques avec ce témoin.
23 Pouvez-vous poser une autre question, si elle pertinente?
24 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, Monsieur May, je tiens compte du
25 fait que vous avez amené dans ce prétoire un représentant éminent des
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1 Droits de l'homme, représentante de l'organisation Human Rights Watch, et
2 je pense que cette représentante devrait avoir une position juridique, au
3 moins de base, sur les éléments qui font l'objet de sa déposition.
4 M. le Président (interprétation): Oui. Votre question suivante, je vous
5 prie. Et pas un commentaire.
6 M. Milosevic (interprétation): Madame, puisque vous écrivez dans vos
7 rapports, vous y faites état d'un Etat fasciste établi en Croatie dans la
8 période 1941-45, vous parlez donc de cet Etat indépendant de Croatie
9 inspiré par Hitler et Mussolini; j'ai vu des éléments de ce genre en
10 feuilletant les documents que M. Nice a discutés avec vous… Savez-vous et
11 connaissez-vous la déclaration de Tudjman, dans une allocution bien connue
12 qu'il a fait lors de la création de l'assemblée du HDZ, où il a dit que
13 "l'Etat indépendant de Croatie n'était pas une création fasciste, n'était
14 pas l'expression d'un crime fasciste, mais également l'expression de
15 l'inspiration historique du peuple croate"? Je suppose que vous connaissez
16 bien cette partie de son discours?
17 Mme Laber (interprétation): Je ne vois pas de quelle déclaration vous
18 parlez.
19 Question: Je parle de l'allocution faite à Zagreb, lors de la première
20 réunion de l'assemblée du HDZ, le parti politique de Tudjman, le jour où
21 il a été élu au poste de Président, où il a dit que la création de l'Etat
22 indépendant de Croatie n'était pas simplement le résultat d'une trahison à
23 la Kinsler (phon.) et l'expression d'un crime fasciste, mais également
24 l'expression des aspirations historiques du peuple croate.
25 Et ce que je vous demande maintenant est la chose suivante: savez-vous que
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1 le 4 mars, c'est-à-dire plusieurs jours plus tard, en réaction à cette
2 allocation, à Petrova Gora, une montagne près de Kordun, un meeting de
3 masse s'est tenu contre le néofascisme proclamé lors de cette réunion de
4 l'assemblée du HDZ, et ce, pour défendre l'intégrité de la Yougoslavie?
5 Est-ce que vous êtes au courant de cela, puisqu'il s'agit ici d'une
6 déclaration très publique, très connue?
7 Réponse: Je sais qu'un certain nombre de déclarations nationalistes ont
8 été faites par le M. le Président Tudjman et les membres de son
9 gouvernement et je sais que ceci a contribué au sentiment ressenti par les
10 Serbes de Croatie, sentiment d'abandon. Je suis au courant de cela.
11 Question: Savez-vous que, quelque temps après, quelque neuf jours après ce
12 meeting -parce que Tudjman et son discours devant le Sabor, c'était à la
13 fin de février-, il y a eu un autre meeting qui a réagi, le 4 mars?
14 C'était donc une réaction de la population, réaction aux positions du
15 gouvernement croate, mais les élections devraient encore être gagnées? Il
16 y a eu ensuite une réaction des Républiques, des gouvernements de toutes
17 les Républiques qui composaient la Yougoslavie, qui ont condamné tout
18 cela; et puis, à l'assemblée générale du HDZ, Tudjman a pris la parole et
19 a parlé de coopération et d'action conjointe contre toute entrave aux
20 relations de bon voisinage, toute entrave à de bonnes relations
21 interethniques? Etes-vous au courant de cela?
22 Réponse: Je ne connais pas les détails, je ne me souviens pas des détails
23 aujourd'hui, mais je suis sûre que j'en savais sans doute beaucoup plus à
24 l'époque. Mais ce que vous venez de rappeler correspond à l'impression qui
25 est la mienne.
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1 Question: Très bien. Alors, dans votre rapport du 4 au 7 mars 2002, la
2 déclaration que vous avez faite en août 1990 également, vous parlez d'une
3 situation d'hystérie profonde parmi la population, notamment la population
4 serbe. Et vous dites –je cite-: "Il y avait également cette rhétorique de
5 propagande qui n'a fait qu'aggraver les choses, avec le soutien de la
6 radio serbe, dans l'intention de semer la panique par des annonces
7 partiales." (Fin de citation.) C'est ce que vous dites.
8 Alors, s'agissant de cette déclaration venant de vous, je vous demande si
9 vous considérez que le gouvernement, donc le gouvernement qui a précédé
10 Tudjman, la prise de pouvoir par Tudjman, était également partial, puisque
11 vous parlez d'informations partiales de la part de la radio serbe
12 lorsqu'elle condamne les déclarations de Tudjman selon lesquelles l'Etat
13 indépendant de Croatie a provoqué la mort plus de 700.000 Serbes en divers
14 endroits.
15 Donc le gouvernement croate a-t-il été sous l'influence de la propagande
16 serbe et désinformé par la radio serbe et s'est-il donc trompé?
17 Réponse: Je ne peux pas répondre au sujet d'une influence. Vous parlez du
18 gouvernement croate qui a précédé la prise de pouvoir par Tudjman. J'ai un
19 vague sentiment lorsque je vous entends parler de ce que disait la
20 propagande de Serbie de l'époque; et je parle des gens de la rue qui
21 entendaient ce qui était dit, n'ayant pas accès à d'autres informations.
22 Question: Madame Laber, dans vos rapports, vous faites référence à l'Etat
23 indépendant de Croatie. Vous dites que des milliers de Serbes ont été
24 tués, de même que des Juifs et des Tziganes; c'est que vous dites? Vous
25 parlez de milliers de tués, n'est-ce pas?
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1 Etes-vous consciente du point auquel vous minimisez les événements en
2 parlant de plusieurs milliers lorsqu'en fait, il s'agissait de plusieurs
3 centaines de milliers de personnes qui ont été tuées. Faites-vous la
4 différence entre plusieurs milliers et plusieurs centaines de personnes
5 tuées?
6 Comment est-il possible que, dans vos rapports, vous utilisiez ce genre
7 d'expression "plusieurs milliers de tués"?
8 Réponse: Eh bien, nous parlons d'une période dans l'histoire qui
9 manifestement n'a pas fait l'objet d'enquête de la part de mon
10 organisation. Dans tous nos écrits, nous nous efforçons de parler de
11 chiffres minimaux plutôt que de chiffres maximaux parce que nous
12 respectons le principe de précaution.
13 Mais vous êtes sans doute dans votre droit en parlant de plusieurs
14 centaines de milliers de tués; je ne connais pas le chiffre exact. Mais je
15 pense que dans nos rapports, nous avons tendance a éviter le sensationnel.
16 Nous essayons donc de réduire les chiffres plutôt que de les exagérer.
17 Question: Mais savez-vous qu'à Jasenovac uniquement, camp de
18 concentration, 700.000 personnes ont été tuées? Est-ce que vous savez
19 cela? Et qu'il s'agissait avant tout de Serbes, mais également de Juifs et
20 de Tziganes ainsi que de représentants d'autres groupes ethniques?
21 Réponse: Je sais que des choses horribles se sont passées pendant cette
22 période. Je ne suis pas experte en la matière pour en parler et ceci n'est
23 pas non plus pertinent par rapport à la période dont nous traitons ici,
24 sauf à dire que ces événements ont été repris et utilisés par les médias
25 serbes. Je le pense également par le gouvernement serbe pour rallumer la
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1 flamme d'anciennes terreurs et d'anciens préjugés qui ne pouvaient pas
2 conduire à de bonnes relations pacifiques entre les nationalités présentes
3 sur le territoire de la Croatie.
4 Question: Très bien. Très bien. Considérez-vous que la population serbe
5 après ce discours relatif au LDH, Etat indépendant de Croatie, sous le
6 règne duquel des centaines de milliers de leurs ancêtres avaient été tués,
7 donc pensez-vous qu'après cet appel à cette période, l'appel aux Croates
8 pour qu'ils prennent les armes afin de former un Etat indépendant de
9 Croatie, considérez-vous qu'après tout cela et en toutes circonstances,
10 les Serbes n'avaient aucune raison de paniquer?
11 Question: Je pense que les Serbes avaient probablement de très bonnes
12 raisons de paniquer parce qu'ils étaient contraints de tous les côtés.
13 Je pense que des déclarations très malheureuses ont été faites par le
14 gouvernement croate à l'époque et que des encouragements nombreux sont
15 venus de Serbie également, s'agissant d'encourager les gens à prendre les
16 armes pour se défendre.
17 Je pense avoir dit dans mon témoignage jusqu'à présent que j'avais vu pas
18 mal de documents de propagande à Belgrade, qui étaient élaborés de la
19 façon la plus professionnelle qu'il soit et pour beaucoup d'argent. Il ne
20 s'agissait pas de petits tracts émanant de petites organisations. Il
21 s'agissait de documents ayant coûté beaucoup d'argent et qui s'appuyaient
22 sur des organismes prestigieux.
23 Donc ces documents de propagande semaient la peur dans les années 1990
24 avant les événements, et en se fondant des événements survenus 50 ans
25 avant.
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1 M. Milosevic (interprétation): Madame Laber, tout ceci est inexact. Si
2 vous examinez et analysez la presse de Belgrade, vous n'y trouverez rien,
3 hormis des faits datant d'une époque antérieure. Et je suis sûr que vous
4 n'y trouvez pas un milligramme de rhétorique belliqueuse du type de celle
5 que vous trouveriez à la même époque dans la presse croate.
6 Il est tout à fait possible de comparer les deux; donc si vous étiez assez
7 aimable pour lire les deux presses, vous verriez très clairement que c'est
8 bien le cas. Bien sûr, ceci vous le feriez si vous aviez un intérêt
9 personnel à le faire.
10 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, des commentaires de
11 ce genre, péjoratifs en particulier, n'ont pas à être faits ici.
12 Madame Laber, si vous vous voulez poursuivre.
13 Mme Laber (interprétation): Je voulais simplement apporter un
14 éclaircissement. Je ne parlais pas de ce que publiait la presse officielle
15 de Serbie à l'époque, je parlais de publications, de tracts et d'autres
16 documents qui étaient largement diffusés et qui étaient élaborés de la
17 façon la plus professionnelle qui soit et dont le but était de terrifier
18 les gens.
19 Les Serbes qui vivaient en Croatie à l'époque, tout en informant les
20 Serbes de Serbie du sort vécu par les Serbes de Croatie.
21 M. Milosevic (interprétation): Mais, Madame Laber, êtes-vous consciente,
22 en fait, de la grande participation de votre organisation à la guerre
23 médiatique et notamment à la guerre médiatique dirigée contre les Serbes
24 avant l'agression commise contre la Yougoslavie?
25 Mme Laber (interprétation): Je m'opposerai fermement à ce que vous venez
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1 de dire. Je ne crois pas que nous ayons participé à une guerre médiatique
2 quelconque contre la Serbie. Nous nous sommes en fait efforcés au plus
3 haut point de faire preuve d'équité à l'égard de toutes les parties en
4 présence. Et d'ailleurs, l'une des instructions que je donnais aux
5 personnes travaillant pour moi était qu'il convenait de parler autant des
6 violations commises par les Serbes que des violations commises par les
7 Croates.
8 Si vous regardez la lettre que nous vous avons envoyée, à vous et au
9 général Avdic, vous verrez que les violations contre les Serbes et contre
10 les Croates font l'objet d'un nombre de lignes égales. Donc je pense que
11 nous avons été extrêmement équitable, extrêmement juste, extrêmement
12 impartiaux dans notre couverture de cette guerre et je m'oppose fermement
13 à ce que vous venez de dire, à savoir au fait que nous aurions contribué à
14 une guerre médiatique contre les Serbes.
15 Question: Il pourrait s'agir de symétrie si les proportions étaient
16 égales, mais je suppose que vous êtes conscients du fait que les Serbes de
17 Croatie n'ont pas attaqué la Croatie, mais qu'ils ont subi une attaque de
18 la part du nouveau gouvernement croate. Etes-vous au courant de cela?
19 Réponse: Je ne pense pas que les choses ont été aussi simples que cela.
20 Question: Dans vos rapports, vous utilisez y compris une expression
21 indiquant que les Serbes ont occupé une partie du territoire croate, vous
22 parlez d'une partie du territoire croate occupée par les Serbes; vous le
23 dites à plusieurs reprises dans vos rapports, n'est-ce pas?
24 C'est une expression à vous, ça, qui sous-entend qu'il s'agit de quelque
25 chose de conforme à la réalité, n'est-ce pas?
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1 Réponse: Veuillez poursuivre. Je ne vois pas de question dans ce que vous
2 venez de dire.
3 Question: Vous parlez du fait que des Serbes ont occupé une partie des
4 territoires croates. Vous parlez de la partie du territoire croate occupé
5 par les Serbes. Vous dites cela dans plusieurs rapports émanant de votre
6 organisation.
7 Réponse: De quelle période parlons-nous maintenant? De la période
8 antérieure à la guerre ou de la guerre elle-même?
9 Question: De la période au cours de laquelle le conflit faisait rage en
10 Croatie.
11 Réponse: Il y avait des zones de Croatie peuplées majoritairement par les
12 Serbes. Je ne comprends pas quelle est votre question?
13 Question: Est-il permis de dire que des Serbes ont occupé une partie des
14 territoires croates? C'est cela ma question.
15 Réponse: Lorsque vous utilisez le terme "occupé", vous voulez dire des
16 régions habitées par des Serbes ou bien des régions dont les Serbes
17 auraient pris le contrôle? Je ne comprends pas très bien.
18 Question: Comme vous le voulez! Est-ce que vous voulez dire que des Serbes
19 ont occupé une partie du territoire croate, qu'il y a eu occupation par
20 les Serbes d'une partie du territoire croate? C'est ça que je vous
21 demande, puisque c'est l'expression que vous avez utilisée.
22 Réponse: Je devrais voir dans quel contexte cette expression a été
23 utilisée. Au cours du conflit, des groupes de Serbes insurgés ont pris les
24 armes et ont occupé une partie du territoire croate, et l'armée yougoslave
25 est également arrivée pour les défendre dans la situation dans laquelle
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1 ils étaient. Et, d'ailleurs, selon nos rapports, l'armée est arrivée pour
2 consolider l'occupation serbe de certaines régions.
3 Question: Bien. Donc ils ont occupé des parties du territoire. Mais,
4 écoutez, dites-moi si votre compatriote, le général Charles Boyd, ancien
5 suppléant du commandant européen des forces américaines écrit dans
6 "Foreign Affairs" de septembre à octobre 1995 -je cite-: "L'image
7 populaire de cette guerre est celle d'une expansion serbe sans trêve. La
8 majorité de ce que les Croates appellent "territoires occupés" est
9 constituée de territoires contrôlés par les Serbes depuis plus de trois
10 siècles. La même remarque s'applique à la plupart du territoire serbe en
11 Bosnie où les Occidentaux affirment que plus de 70% de la Bosnie ont été
12 saisis par les Serbes. En bref, les Serbes ne s'efforçaient pas de
13 conquérir de nouveaux territoires, mais simplement de conserver ce qui
14 était déjà à eux." (Fin de citation.)
15 Ceci n'est-il pas exact?
16 Réponse: Quelle est la citation que vous venez de faire? Je n'ai pas
17 compris qui a dit ces mots.
18 Question: Il s'agit de Charles Boyd, du général Charles Boyd, ancien
19 suppléant du commandant du commandement américain en Europe. Il a écrit
20 ceci, vous trouverez cet article dans le magazine "Foreign Affairs",
21 Septembre-octobre 1995. C'est une citation de ce qu'il a écrit.
22 M. le Président (interprétation): Laissez le témoin répondre.
23 Mme Laber (interprétation): Si vous me demandez si des Serbes vivaient
24 dans ces secteurs, je suppose que c'est exact, que c'est en effet le cas.
25 Si vous me demandez si la République serbe avait le droit de s'emparer de
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1 ces régions qui se trouvaient de l'autre côté de la frontière avec une
2 autre république, il faudra que je revienne sur ma réponse antérieure, en
3 vous redisant que ceci ne relève pas de ma compétence. Ceci a à voir avec
4 les frontières nationales, l'autodétermination, des questions dont je
5 pense que les instances dans lesquelles nous nous trouvons n'ont pas lieu
6 de discuter. En tout cas, pas moi.
7 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Prétendez-vous que le droit à
8 l'autodétermination est un droit dont ne jouissait que le peuple croate et
9 pas le peuple serbe également.
10 M. le Président (interprétation): Le témoin a dit ce qu'elle avait à dire
11 sur le sujet, elle a dit que cette question ne relevait pas de sa
12 compétence, donc il ne sert à rien de poursuivre la question indéfiniment
13 sur ce point avec elle. Avançons, si vous avez d'autres questions.
14 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, ceci s'appelle "contraditio
15 in "adjecto". Simple remarque que je ferai, et nous avancerons.
16 M. Kwon (interprétation): Une question simplement, Madame Laber, avant de
17 passer à autre chose, pour satisfaire ma curiosité personnelle.
18 Intercalaire 1 de cette pièce à conviction, en page 11, note en bas de
19 page 20: vous dites que vous n'êtes pas experte en matière de sécession.
20 Que ce soit exact ou pas n'est pas la question ici, mais je remarque que
21 vous avez écrit un article dont le titre est -je cite-: "Pourquoi
22 maintenir la Yougoslavie à l'état de pays unifié". Pourquoi avez-vous
23 écrit cet article?
24 Mme Laber (interprétation): Oui, oui, j'ai une explication à vous fournir.
25 Je suis très heureuse que vous m'ayez posé cette question. J'ai, en effet,
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1 écrit cet article, mais je n'ai pas écrit le titre. L'article a paru dans
2 le "New York Times" qui avait pour politique de créer ses propres titres;
3 et l'auteur du titre a mal compris le contexte dans lequel se situait cet
4 article, comme on peut le constater à la lecture du titre, qui semble
5 impliquer qu'en fait, nous prenions une position particulière par rapport
6 au fait que la République fédérale yougoslave devrait rester un pays
7 unifié ou pas.
8 Dans cet article, nous préconisions que le gouvernement américain se serve
9 de sanctions économiques contre la République fédérale yougoslave et, si
10 possible, contre la Serbie, parce que nous estimions que ces deux entités
11 étaient à l'époque impliquées dans des violations graves des Droites de
12 l'homme, notamment au Kosovo. Et nous admettions le fait que le
13 gouvernement fédéral était impuissant à ce moment-là, ne pouvait pas faire
14 grand-chose même s'il le souhaitait, et que la Serbie, le gouvernement
15 serbe était en train de tirer les ficelles. Donc notre recommandation
16 était que les Etats-Unis ciblent leur réponse, mais nous n'avons jamais
17 dit que la Yougoslavie devait rester à l'état de pays unifié, comme on
18 peut le penser à la lecture du titre de cet article. J'ai tout à fait été
19 ébahie quand j'ai vu ce titre et mes collègues de "Human Rights Watch"
20 l'ont été également; ils ont eu le sentiment qu'on trompait les gens par
21 ce titre, les lecteurs potentiels de l'article.
22 Mais merci de m'avoir posé la question.
23 M. Kwon (interprétation): Merci également.
24 M. Milosevic (interprétation): Je suis très content également de nous
25 pouvoir vous entendre dire que vous avez participé à un processus
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1 d'imposition de sanctions contre la Yougoslavie, sanctions qui ont été
2 absolument terribles, les plus violentes depuis que le terme de "sanction"
3 a vu le jour. Alors, je vous demande, en tant que défenseur des Droits de
4 l'homme, comment vous avez pu vous engager dans l'imposition de sanctions
5 contre la Yougoslavie?
6 Mme Laber (interprétation): En tant qu'organisation, nous utilisons très
7 souvent ce moyen, lorsqu'il n'y en a pas d'autre, pour contraindre un pays
8 à respecter les principes des Droits de l'homme. C'est un moyen que nous
9 avons utilisé dans plusieurs situations et dans plusieurs pays. Nous
10 essayons de faire une exception pour l'aide humanitaire. En effet, lorsque
11 nous parlons de sanctions, nous parlons de sanctions économiques; nous ne
12 préconisons aucune sanction susceptible d'imposer des souffrances à la
13 population, au bas-peuple d'un pays, mais simplement au gouvernement.
14 C'est l'une des façons dont nous nous efforçons de faire pression sur les
15 dirigeants d'un gouvernement qui sont en infraction.
16 Question: Je suis sûr que vous savez que les sanctions ont été mises en
17 œuvre en 1992, alors qu'à l'instant, répondant à la question du Juge Kwon,
18 vous avez invoqué comme motif le Kosovo. Et la justification pour ces
19 sanctions consistait à dire que les sanctions avaient été mises en oeuvre
20 parce que nous aidions les Serbes de Bosnie et de Croatie; ce qui est tout
21 à fait incontestable que nous les avons aidés.
22 Donc veuillez me répondre, maintenant, Madame Laber: compte tenu de la
23 situation dans laquelle se sont trouvés les Serbes de Bosnie et les Serbes
24 de Croatie, est-il logique -or vous savez sans doute que l'Allemagne et le
25 Vatican, pour ne citer qu'eux, parce qu'il y a eu bien d'autres pays, dont
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1 le vôtre d'ailleurs, qui ont aidé la Croatie et les Musulmans-, savez-vous
2 que l'Arabie Saoudite, et notamment des Moudjahidine, savez-vous également
3 que d'autres pays ont envoyé des dizaines de milliers d'extrémistes pour
4 aider les Musulmans?
5 Et donc je vous demande s'il est légal et logique que des pays étrangers,
6 dont certains se trouvaient à des dizaines de milliers de kilomètres de
7 ces régions, aient envoyé des dizaines de milliers de personnes pour aider
8 les Musulmans et les Croates, et s'il est illogique, dans ces conditions,
9 que les Serbes aient aidé les leurs, c'est-à-dire les Serbes? Est-ce un
10 crime? Et cela peut-il donner lieu à sanction, à punition? Est-ce
11 réellement la fonction…
12 M. le Président (interprétation): Arrivez-en à la question que vous
13 souhaitez poser. Je regarde le compte rendu d'audience sur l'écran, il est
14 en train de défiler devant moi. Je ne vois vraiment pas, Madame, si vous
15 pouvez commenter ce que l'accusé vient de dire ou pas. Il s'efforce de
16 parler des pays qui sont venus à l'aide de la Croatie, d'après ce qu'il
17 dit, je pense, et il demande pourquoi les Serbes n'auraient pas pu, dans
18 ces conditions, venir à l'aide des Serbes. Je pense que c'est l'argument
19 qu'il défend.
20 Mme Laber (interprétation): Nous nous sommes un peu écartés du sujet. A
21 l'époque, nous préconisions des sanctions, dans l'article dont il vient
22 d'être question; c'était en 1990 et avant la guerre en Bosnie. Notre
23 gouvernement n'avait pas encore imposé de sanctions, à l'époque. Notre
24 gouvernement s'était, à l'époque, engagé, si je ne m'abuse, à ce que la
25 Yougoslavie demeure un seul et unique pays et il voulait travailler avec
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1 le gouvernement fédéral.
2 Ce dont vous parlez est quelque chose qui est survenu plusieurs années
3 plus tard, lorsque la guerre en Bosnie avait déjà commencé. Donc je pense
4 que ce sont deux questions différentes et qu'il y a confusion.
5 M. le Président (interprétation): Encore cinq minutes, puis nous lèverons
6 la séance.
7 M. Milosevic (interprétation): En page 3 du premier paragraphe de votre
8 déclaration, déclaration faite entre le 4 et 7 mars 2002, vous dites qu'en
9 1990 -je cite-: "Le soulèvement des Républiques de Slovénie, puis de
10 Croatie, a entraîné toute une série d'événements qui ont conduit à la
11 guerre dans les Balkans." (Fin de citation.) C'est bien cela?
12 Mme Laber (interprétation): Page 3 de quel document, je vous prie?
13 M. Milosevic (interprétation): Page 3, premier paragraphe de votre
14 déclaration à vous.
15 Mme Laber (interprétation): Quelle déclaration?
16 M. le Président (interprétation): Déclaration préalable de témoin, oui.
17 Mme Laber (interprétation): Oui. Quelle était votre question?
18 M. Milosevic (interprétation): Puisque vous avez dit cela, considérez-vous
19 que la sécession qui était préconisée par la Slovénie et la Croatie était
20 contraire à la Constitution et au droit en vigueur en Yougoslavie?
21 M. le Président (interprétation): Cette question ne peut pas être posée au
22 témoin. En avez-vous une autre?
23 M. Milosevic (interprétation): Est-il possible de traiter les Droits de
24 l'homme hors du contexte des droits de façon générale, hors du contexte de
25 la situation juridique internationale ou de la situation juridique d'un
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1 Etat? Je vois mal quelle est votre situation en tant qu'organisation, en
2 tant que Human Rights Watch, de ce point de vue-là?
3 Mme Laber (interprétation): Notre position consiste à défendre les Droits
4 de l'homme dont vous trouverez la liste dans le Pacte des droits civils et
5 politiques des Nations Unies; ce sont les droits que nous défendons. Nous
6 sommes une organisation non gouvernementale indépendante, apolitique. Nous
7 choisissons avec le plus grand soin les domaines dans lesquels nous
8 agissons, dans lesquels nous pouvons agir, car il nous est impossible
9 d'être présent partout. Nous respectons notre mandat. Et la question de
10 l'autodétermination n'est pas un droit dont nous traitons en tant
11 qu'organisation; d'autres le font.
12 Mais il ne sert à rien de continuer à m'interroger sur
13 l'autodétermination, car je ne peux que parler de mon organisation. Et
14 d'ailleurs, je ne peux parler qu'en mon nom propre, donc cette question ne
15 peut me concerner.
16 Question: Mais dites-moi, ces Droits de l'homme dont vous parlez, comment
17 est-il possible de les défendre en provoquant la guerre, en provoquant une
18 guerre civile, en provoquant le démantèlement par la force d'un pays qui,
19 jusque là, se développait de la façon la plus réussie qui soit? Comment
20 peut-on défendre ces Droits de l'homme en introduisant des sanctions, en
21 provoquant une intervention armée et, finalement, en lançant des bombes
22 sur ce pays? Est-ce que tout cela, c'est une manière de défendre les
23 Droits de l'homme en faveur desquels se prononce Human Rights Watch?
24 Réponse: C'est à vous que je poserais cette question, Monsieur Milosevic.
25 M. Milosevic (interprétation): Eh bien…
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1 M. le Président (interprétation): Nous en terminerons sur cette note.
2 Suspension.
3 Madame Laber, je vous demande d'être ici demain à 9 heures pour la suite
4 de votre déposition et la fin de celle-ci.
5 M. Milosevic (interprétation): De combien de temps je dispose encore
6 demain, d'après vous, Monsieur May?
7 M. le Président (interprétation): 50 minutes.
8 (L'audience est levée à 13 heures 51.)
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