Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 11 décembre 2002.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 03.)

4 (Le témoin, Mme Jeri Laber, est déjà dans le prétoire.)

5 (Contre-interrogatoire du témoin, Mme Jeri Laber, par l'accusé, M.

6 Milosevic.)

7 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, à vous.

8 M. Milosevic (interprétation): Dans le rapport présenté en septembre 1991

9 –je me réfère à la page 5, premier paragraphe-, il est dit: "Tous les

10 Croates ont expliqué la résurrection du nationalisme croate dans le

11 courant de l'année passée en disant que c'est une réaction à 45 ans de

12 répression communiste et d'hégémonie serbe." (Fin de citation.) Donc

13 l'hégémonie serbe a duré 45 ans; c'est ce qui figure dans le rapport.

14 Et dans le rapport du 9 janvier -page 1, paragraphe 3, au début de la

15 phrase-, vous parlez du règne de Tito et vous vous servez de termes "règne

16 dictatorial". Et dans la phrase suivante, vous parlez d'aspects

17 extrêmement répressifs de ce régime titoïsque.

18 Est-ce que cela signifie qu'à votre avis, en RSFY, Josip Broz Tito, le

19 décédé Président -je ne pense pas, pour ma part, qu'il s'agissait là d'un

20 régime de dictateur, de dictature-, eh bien, Josip Broz Tito avait exercé

21 pratiquement un pouvoir absolu?

22 Mme Laber (interprétation): Oui, c'était l'impression que j'avais, à

23 savoir qu'il avait exercé un pouvoir absolu, chose typique pour bon nombre

24 d'autres leaders communistes dans ces régions-là, à l'époque.

25 Question: Et vous savez de quelle nationalité était le décédé Président

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1 Tito?

2 Réponse: Je devrais savoir. Je crois bien le savoir, mais je n'en suis pas

3 sûre. Je pense qu'il devait être Croate, mais je n'en suis pas sûre.

4 Question: Par conséquent, il était Croate. Et comment peut-on parler

5 d'hégémonie serbe dans le pays alors que le pouvoir absolu était exercé

6 sur les autorités civiles et sur les autorités militaires par un Croate?

7 Réponse: Jusqu'à la période postérieure à la mort de Tito, moi-même et

8 beaucoup de gens dans le monde n'avions pas coutume de penser à la

9 Yougoslavie en fonction de nationalités ethniques; on pensait à la

10 Yougoslavie comme un pays peuplé de yougoslaves. Pour nous, Tito, c'était

11 un yougoslave. Pour moi, mes collègues, je les voyais comme des

12 Yougoslaves; eux aussi se percevaient comme des Yougoslaves. C'est

13 seulement au moment où il y a eu ce début d'ébranlement et de

14 démantèlement de la Fédération que ces questions très particulières ont

15 pris une telle importance; malheureusement, d'ailleurs.

16 Question: Nous n'accordions pas non plus une grande importance au fait de

17 savoir qui était de quel groupe ethnique. Mais savez-vous que, tout au

18 long de l'existence de la Fédération yougoslave, à savoir au fil de 47

19 ans, le poste de Président du gouvernement, de Premier ministre donc du

20 gouvernement fédéral pendant le demi-siècle écoulé, il n'y a eu qu'un seul

21 Serbe, et ce entre 1963 et 1967; il s'agissait de Petar Stambolic? Tous

22 les autres n'étaient pas des Serbes.

23 Réponse: Permettez-moi, Monsieur Milosevic, de revenir à votre question

24 liminaire. A ce moment-là, vous avez fait une citation de mon rapport et

25 vous avez dit quel était le sentiment des Croates eu égard à l'hégémonie

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1 serbe. Nous ne disions pas que c'était là un fait; nous essayions

2 simplement d'expliquer les comportements dont nous avons entendu parler,

3 ce que les gens disaient lorsqu'ils parlaient les uns des autres en tant

4 que groupe ethnique. Nous n'avions pas d'intention ni d'implications que

5 nous avions insérées dans ce rapport pour dire que c'était ce que nous

6 pensions -nous disions simplement que les Croates parlaient de longues

7 années d'hégémonie serbe; c'est comme ça qu'ils voyaient les choses-, pas

8 pour dire que c'était un fait.

9 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est ce que vous avez placé dans

10 votre rapport, comme si cela avait été une raison. Et savez-vous que,

11 pendant les 40 et quelques années écoulées…

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je pense que vous

13 vous trompez et là, c'est peut-être un dialogue de sourds. Mais ce que le

14 témoin dit, c'est que ce qui est indiqué dans le rapport, c'est le

15 résultat de ce qu'on leur a dit, comprenez-le. Non pas que ce soit là la

16 vérité ni quoi que ce soit d'autre; c'est simplement ce qui leur a été

17 raconté. Comprenez-vous cela?

18 M. Milosevic (interprétation): Oui, je comprends parfaitement. Seulement,

19 il s'agit ici de la création d'une image faussée. Et c'est partant de

20 cette image faussée, par la suite, qu'on affirme que les gens ont affirmé,

21 ont dit…

22 Savez-vous, Madame, qu'après la mort de Tito, donc au cours des dix

23 dernières années, donc entre 1982 et 1992, au poste de Président du

24 gouvernement fédéral, donc de Premier ministre, il n'y avait rien que des

25 Croates? Il y avait Milka Planinc, puis Branko Mikulic, un autre Croate de

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1 Bosnie et, en fin de compte, Ante Markovic?

2 Mme Laber (interprétation): Je n'ai pas le rapport sous les yeux, mais je

3 pense que nous avons dit quelle était la perception des Croates, d'après

4 leurs dires; mais aussi nous avons essayé d'expliquer ce que les Serbes

5 pensaient. Nous avons essayé, dans cette partie du rapport, d'expliquer

6 une situation très difficile pour des gens en dehors de la Fédération, en

7 dehors de l'Europe ou de ce pays, des gens aux Etats-Unis qui essayaient

8 de comprendre ce qui se passait. Et nous avons essayé d'avoir un langage

9 simple pour essayer d'expliquer la situation.

10 M. le Président (interprétation): Il faut soumettre au témoin une copie de

11 ce rapport. Il s'agit de l'intercalaire n°2, page 5.

12 Mme Laber (interprétation): Nous parlons ici du rapport de 1991?

13 M. le Président (interprétation): Oui.

14 M. Milosevic (interprétation): Puis-je continuer, Monsieur May?

15 M. le Président (interprétation): Attendez que le témoin ait retrouvé le

16 paragraphe pertinent. Il s'agit du rapport de septembre 1991. Normalement,

17 ça devrait être l'intercalaire 2, page 5, paragraphe 2.

18 Mme Laber (interprétation): Je l'ai trouvé.

19 M. le Président (interprétation): Poursuivez.

20 M. Milosevic (interprétation): Bien. Savez-vous que la Constitution de la

21 Yougoslavie prévoyait, entre autres, la chose suivante: s'agissant de la

22 composition des cadres de commandement et des positions de commandement et

23 hauts grades de la JNA, on avait appliqué le principe de la représentation

24 la plus équilibrée qui soit des différents groupes ethniques des

25 Républiques et des provinces autonomes. Et le principe avait été respecté,

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1 pour ce qui est de la composition de l'armée de cette Yougoslavie.

2 Et savez-vous qu'au moment où la crise en Yougoslavie…

3 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au témoin de répondre!

4 Vous faites valoir ces points et jamais le témoin n'a le temps d'essayer

5 de répondre.

6 Est-ce que vous êtes au courant de cela, Madame Laber?

7 Mme Laber (interprétation): Je pense que la citation est correcte

8 s'agissant de la description de la Constitution. Je ne sais pas ce qu'il

9 en est de la composition effective de l'armée; ça c'est une autre

10 histoire.

11 M. Milosevic (interprétation): Mais savez-vous qu'au moment où la crise a

12 éclaté, le ministre de la Défense était un général, Veljko Kadijevic, qui

13 lui est originaire de Croatie?

14 Réponse: Je vous crois sur parole. Je ne connais pas cet homme

15 personnellement.

16 Question: Et savez-vous que le commandant de l'aviation de guerre et de la

17 défense antiaérienne était également -et là, je parle de l'élément le plus

18 sophistiqué de l'armée: au début de la guerre, c'était Antun Tus- un

19 Croate qui est passé dans l'armée de Tudjman. Mais à sa place est venu un

20 autre Croate du nom de Jurjevic. Savez-vous quelque chose au sujet de ces

21 faits-là?

22 Réponse: Je vous l'ai déjà dit: je n'avais pas coutume de penser à la

23 Yougoslavie en fonction de l'appartenance ethnique.

24 Question: Et savez-vous qu'en Yougoslavie, il y avait une obligation de

25 faire leur service militaire pour tous les hommes en âge de faire leur

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1 service, et la représentation était proportionnelle à la population. Donc

2 il s'agissait d'hommes, de personnes de sexe masculin et il fallait qu'ils

3 soient en âge de faire leur service. Mais on avait fait en sorte que

4 soient proportionnellement représentés tous les groupes ethniques. Le

5 saviez-vous ou pas?

6 Mme Laber (interprétation): Je ne suis pas experte pour ce qui est des

7 structures militaires ou de la structure de la République à l'époque.

8 M. Milosevic (interprétation): Et savez-vous que cette représentation

9 proportionnelle au sein de l'armée a été perturbée lorsque, seulement

10 lorsque les autorités nouvellement élues en Croatie et en Slovénie ont

11 convié, par sécession violente, les Croates et les Slovènes à ne pas aller

12 faire leur service, alors que les officiers des groupes ethniques croates

13 et slovènes ont été conviés à quitter la JNA et à rejoindre les rangs de

14 ces armées illicites dans ces Républiques. C'est par la suite la même

15 chose qui a été, le même système qui a été appliqué par Alija Izetbegovic,

16 le leader musulman en Bosnie-Herzégovine?

17 M. le Président (interprétation): Si vous n'êtes pas en mesure de répondre

18 à cette question, je pense que c'est une façon tendancieuse d'examiner

19 l'histoire. Qu'est-ce que ceci a à voir avec la déposition du présent

20 témoin, Monsieur Milosevic?

21 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, étant donné que le rapport dit

22 quelque chose au sujet du régime de dictature, puis qu'il parle de

23 l'hégémonie serbe, pouvons-nous en conclure que la référence faite à

24 l'hégémonie serbe, quelle qu'elle soit, compte tenu des faits que j'ai

25 avancés, peut servir de motif pour la manifestation d'un nationalisme

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1 croate et des intentions sécessionniste? Ne s'agissait-il pas là de la

2 recherche de prétextes essentiellement, parce que les faits sont en train

3 de dire tout à fait le contraire de ce que dit ce rapport?

4 M. le Président (interprétation): Il est impossible pour ce témoin de

5 répondre. Elle est ici uniquement pour dire que c'est là ce que beaucoup

6 de Croates ont donné comme explication aux auteurs de ce rapport. Quant à

7 savoir si c'est exact ou pas, je suppose que ce sont des questions qu'il

8 faudra ou peut-être pas trancher. Pour ce qui est de l'histoire, c'est une

9 question sur laquelle il ne faut pas trancher. Mais…

10 Un instant, s'il vous plaît. Tout ce que ce témoin peut dire, c'est ce qui

11 se trouve dans ce rapport, effectivement ce qui leur a été rapporté. Quant

12 à savoir si ces dires sont exacts ou pas, le témoin ne saurait se

13 prononcer. Inutile de poser des questions à ce propos. Ici, c'est ce qui

14 est présenté comme étant l'avis de nombreux Croates.

15 M. Milosevic (interprétation): C'est précisément de cela que je parle,

16 Monsieur May, à savoir que moyennant une sélection d'informations placées

17 dans le rapport, on crée une image et cette image se trouve être faussée.

18 C'est de cela qu'il s'agit.

19 Mais revenons-en à un autre aspect de ce rapport du 9 janvier. Vous citez

20 que la partie croate s'était employée en faveur d'une sécession. Dans le

21 même rapport vous dites que la partie serbe en Croatie était sous

22 l'emprise de la Serbie et de moi-même -je cite-: "La Serbie et moi-même

23 aurions convié les gens, propagé la cause pour préserver une Yougoslavie

24 unique"; je me réfère à la page 2 paragraphe 4.

25 Et ma question est la suivante: est-ce que cette propagation des

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1 invitations à la préservation de la Yougoslavie, n'était-ce pas là la

2 sauvegarde d'une situation qui était conforme au droit international et

3 conforme à la Constitution de la Yougoslavie de l'époque? Est-ce que vous

4 en étiez consciente ou pas?

5 Mme Laber (interprétation): Vous parlez de la page 2, paragraphe 4? C'est

6 bien ce que vous avez dit?

7 Question: Oui, c'est ce que vous dites dans votre rapport du 9 janvier.

8 Je vous dis ce que j'ai cité, à savoir que "la partie croate avait été

9 favorable à une sécession et que les autorités de Serbie et moi-même

10 étions favorables à la sauvegarde de la Yougoslavie". Bien sûr que j'étais

11 favorable à la sauvegarde de la Yougoslavie; la chose n'est pas contestée

12 du tout. Mais ma question avait été celle de savoir si vous êtes

13 consciente du fait qu'il s'agissait là de la préservation d'une situation

14 juridiquement fondée sur le droit international et sur la Constitution

15 yougoslave de l'époque?

16 Réponse: Vu sous votre angle, c'est ce que vous prôniez; ça ne fait pas

17 l'ombre d'un doute. Vous vouliez préserver, maintenir la Yougoslavie. Je

18 vous l'ai dit hier, je ne suis pas disposée à parler d'une détermination

19 des nations à vous dire si c'était une sécession légitime ou pas de la

20 part de la Croatie; ceci dépasse mes compétences. Je ne peux en parler.

21 Question: Oui, mais savez-vous -et là, je vous citerai l'article 237 de la

22 Constitution de la RSFY qui disait ce qui suit, je cite- que

23 "l'inaliénable droit… Il est le droit inaliénable et le devoir des peuples

24 et des minorités nationales de Yougoslavie, des travailleurs, des citoyens

25 que de protéger, de défendre l'indépendance, la souveraineté, l'intégrité

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1 territoriale et les frontières prévues déterminées par la Constitution de

2 Yougoslavie ainsi que l'ordre social qui y est prévu".

3 C'est ce qui figure à la Constitution et c'était là le devoir de tous les

4 citoyens que de protéger l'intégrité territoriale de ce pays-là. Est-ce

5 que vous avez connaissance de la chose ou pas?

6 Mme Laber (interprétation): Monsieur Milosevic, ceci dépasse mes

7 compétences; je ne saurais en discuter aujourd'hui.

8 M. Milosevic (interprétation): Bon. Mais vous parlez des droits, vous

9 traitez des droits de l'homme à un niveau des plus éminents. C'est la

10 raison pour laquelle nous parlons de droit, justement.

11 Savez-vous que le code pénal de Yougoslavie qualifie de délit le plus

12 grave celui de…

13 M. le Président (interprétation): Je dois vous interrompre parce que c'est

14 vraiment une perte de temps pure et simple. Si vous n'avez pas d'autres

15 questions pertinentes à poser, nous allons mettre un terme à cet

16 interrogatoire. Examinez l'Acte d'accusation: chef n°1. C'est là-dessus

17 que porte ce procès ici. Nous ne devons pas nous livrer à des discussions

18 érudites sur la Constitution. Allez-y!

19 M. Milosevic (interprétation): Monsieur, j'étais en train de citer un

20 rapport où il est question des efforts que nous avions déployés pour

21 sauvegarder la Yougoslavie et les efforts des Croates pour faire

22 sécession. Donc si l'on tient compte des faits que je viens de citer,

23 pouvons-nous en déduire que ces efforts en faveur de la préservation de la

24 Yougoslavie ne traduisaient pas seulement nos souhaits et notre volonté,

25 mais également une obligation constitutionnelle, alors que les efforts

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1 déployés en faveur d'une sécession constituaient un délit pénal.

2 M. le Président (interprétation): Le témoin n'est pas là pour répondre à

3 cette question. C'est une question qu'il nous faudra peut-être trancher

4 nous, en temps utile, mais il ne revient pas sua témoin d'en parler.

5 Passez à autre chose, s'il vous plaît. Il y a dans ce rapport ou dans les

6 rapports des éléments qui susciteront peut-être des questions valables,

7 mais votre temps s'épuise.

8 M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur May, je ne m'en tiens qu'aux

9 rapports que le témoin a présentés et je les compare à la situation

10 réelle. Je pense donc que les questions que je pose sont tout à fait

11 légitimes. Mais nous allons revenir aux rapports.

12 M. le Président (interprétation): Oui, posez des questions qui ont trait

13 aux rapports, sans aucun doute, mais ne commencez pas à vous lancer dans

14 des débats constitutionnels qui sont hors de portée du témoin.

15 Est-ce que l'accusation va appeler à la barre un expert en matière

16 constitutionnelle, qui va nous parler de cela? Un instant, Monsieur

17 Milosevic.

18 M. Nice (interprétation): Nous allons avoir un expert en Constitution et

19 aussi en histoire. Rappelez-vous, dès le début, Me Tapuskovic l'avait dit:

20 on attendait de lui un rapport; il avait qu'il faudrait qu'un historien

21 vienne parler des questions historiques. Est-ce que nous aurons le temps

22 d'entendre tous ces témoins? Ça, c'est peut-être une autre paire de

23 manches, mais nous avons effectivement l'intention de citer de tels

24 témoins.

25 M. Milosevic (interprétation): Nous sommes en train de parler ici des

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1 Droits de l'homme et ceci serait faire à des droits, des droits d'ordre

2 vital pour l'homme. Dans votre rapport du mois de janvier -page 2,

3 paragraphe 4, dernière phrase-, vous dites que "la JNA, à savoir l'armée

4 populaire yougoslave, avait une orientation pan-yougoslave très puissante.

5 Ne vous semble-t-il pas normal que l'armée populaire yougoslave, qui avait

6 le devoir constitutionnel de protéger l'Etat yougoslave, ait eu une

7 orientation yougoslave? Quel est l'orientation que vous voudriez qu'elle

8 ait pu avoir à l'époque?

9 Mme Laber (interprétation): Monsieur Milosevic, vous n'avez de cesse de

10 citer des éléments qui sont en fait de la section intitulée "Contexte -

11 Introduction". Ce ne sont pas des déclarations qui sauraient être

12 contestés; ce sont des explications destinées aux lecteurs qui ne

13 connaissent pas nécessairement la situation. Là, ce n'est pas le corps

14 même du rapport. Nous pouvons maintenant ergoter sur telle ou telle

15 tournure de phrase, mais ce qui compte, c'est le corps du rapport; et là,

16 on parle de violations graves de Droits de l'homme. Et c'est complexe.

17 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais ici se pose une question: si

18 telle était l'orientation -comme vous dites- pan-yougoslave de l'armée

19 populaire yougoslave, comme vous l'indiquez vous-même, alors elle ne peut

20 pas être pro-serbe cette armée. Comprenez-vous que ces deux choses-là

21 s'excluent mutuellement?

22 Mme Laber (interprétation): Je pense que vous essayez de m'attirer dans le

23 type de polémique que je voudrais éviter aujourd'hui.

24 M. Tapuskovic (interprétation): Messieurs les Juges, je voudrais dire

25 qu'il s'agit d'un document qui est versé au dossier comme élément de

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1 preuve. Peut-être cela n'est-il pas pertinent, mais il se peut que la

2 Chambre fonde des positions qui seront les siennes sur ce qui figure dans

3 ce rapport. Si ceci est présenté comme un élément de preuve, il me semble

4 que cela devrait également faire l'objet du contre-interrogatoire, parce

5 que cela pourrait éventuellement servir de fondement au jugement qui sera

6 prononcé par les Juges.

7 M. le Président (interprétation): Tout à fait, Maître, mais, vous savez,

8 un contre-interrogatoire doit être pertinent. Et pour ce qui est de la

9 base ce de ce rapport, ce qui compte ici, ce sont les exactions, les abus

10 dont ce rapport parle; c'est là-dessus que la Chambre doit trancher, devra

11 trancher. Mais le témoin dit à juste titre que l'accusé essaie de

12 l'entraîner dans une querelle constitutionnelle qui est en dehors de sa

13 compétence et qui est une perte de temps. Je pense que l'accusé doit

14 déterminer la façon dont il utilise son temps; s'il le gaspille, tant pis.

15 Cela veut dire que ce temps s'écoule. C'est à lui de décider, mais je ne

16 vais sûrement pas demander au témoin de s'engager dans ce type de

17 polémique.

18 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

19 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je me réfère exclusivement

20 aux documents qui sont versés au dossier, moyennant comparution de ce

21 témoin. Je ne cite pas de documents autres, je ne me réfère pas à des

22 documents autres, si ce n'est ce qui figure dans les rapports du témoin

23 ici présent.

24 Ma question suivante est celle-ci: peut-on conclure qu'en vertu du droit

25 international et du droit interne, l'aspiration légale des autorités

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1 serbes et de la population serbe en Croatie en Croatie se trouvait être

2 conforme aux options légales prises par la JNA en faveur de la sauvegarde

3 de la Yougoslavie et de ses obligations qui étaient celles de protéger, de

4 défendre l'intégrité territoriale du pays? Est-ce que c'est là une chose

5 que l'on peut déduire partant de ces faits incontestables?

6 Mme Laber (interprétation): Je n'ai pas l'intention de répondre à cette

7 question et, refusant d'y répondre, cela ne veut pas dire que je marque

8 mon accord ou mon désaccord avec vous. Je pense que ceci est hors de

9 propos, que ce n'est pas ma place ici, ni mon propos, d'en discuter avec

10 vous.

11 M. le Président (interprétation): Nous allons délibérer pour savoir s'il

12 faut mettre un terme à ce contre-interrogatoire, parce que ceci est une

13 perte du temps consacré au Tribunal et à cette Chambre.

14 (Les Juges se concertent sur le siège.).

15 Fort bien. Poursuivez, Monsieur Milosevic.

16 M. Milosevic (interprétation): Dans vos rapports, avez-vous tiré une

17 conclusion qui serait celle qui dirait que les autorités serbes, les

18 autorités de la JNA, d'une part, et les autorités croates qui avaient été

19 favorables à une sécession inconstitutionnelle, avaient-ils donc, ces

20 Serbes, été traités par ces autorités comme étant des ennemis? Est-ce là

21 une question à débat ou pas?

22 M. le Président (interprétation): Ne répondez pas ou dites simplement: je

23 ne saurais répondre.

24 Mme Laber (interprétation): Il m'est impossible de dire ce qui se trouvait

25 à l'esprit ou dans l'esprit des autorités croates.

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1 M. Milosevic (interprétation): Bon. Mais dans une partie de votre rapport

2 de ce 9 janvier 1991, vous avez décrit les activités de la police de

3 Croatie, qui avaient visé à confisquer les armes à la police régulière, à

4 la Défense territoriale, notamment en Croatie, là où la population serbe

5 était majoritaire: est-ce que c'était là quelque chose qui avait pour

6 visée d'éliminer l'un des segments de la défense, à savoir les forces

7 armées de Yougoslavie prévue par la Constitution, là où la population

8 était favorable à la sauvegarde de l'intégrité territoriale du pays, chose

9 qui était également conforme à la Constitution?

10 Mme Laber (interprétation): Comme le dit le rapport, l'intention

11 manifestée des autorités croates, c'était d'entamer une opération

12 généralisée consistant à enlever les armes de tous les postes de police

13 dans tout le pays. J'ai l'impression qu'en premier lieu, du moins au

14 départ, ils se sont concentrés sur les régions où il y avait une

15 population serbe. Je pense que c'était un acte de provocation.

16 Et d'après notre expérience, là où nous avons pu trouver des preuves, la

17 police essayait de maintenir l'ordre public. Les policiers nous ont dit

18 avoir reçu des instructions consistant à ne pas créer de violence.

19 A l'époque, à ce moment-là, il y avait beaucoup de tensions: les deux

20 côtés avaient des soupçons. La police croate avait peur que les Serbes ne

21 leur prennent les armes; ces postes de police étaient sur la défensive. Il

22 y avait un manque de confiance. Il y avait une certaine propagande venant

23 de la Serbie qui attisait ces idées de guerre, de persécution et qui

24 instillait ses idées dans l'esprit de gens fort simples, qui avaient vécu

25 pendant des décennies en profonde harmonie avec leurs voisins et, pour

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1 qui, il importait peu de savoir si leurs voisins étaient Croates, Serbes

2 ou Musulmans.

3 Je pense que cette ambiance, ce climat était créé non pas par les

4 personnes, mais par le gouvernement, par les deux gouvernements concernés.

5 C'est ce qui a entraîné l'effusion de sang.

6 Question: Eh bien, c'est une explication plutôt douteuse.

7 Si je vous cite ce qui figure à l'intercalaire 1 page 6 de votre rapport

8 -et tout est en anglais, vous pouvez facilement suivre; je me réfère au

9 premier paragraphe complet de cette page 6-, vous dites "qu'ils étaient

10 venus ramasser les armes et qu'il y avait des manifestants serbes". Puis

11 vous dites que "les Serbes qui avaient connu des souffrances terribles

12 entre les mains des fascistes croates, pendant la Deuxième Guerre

13 mondiale, croyaient apparemment que la saisie des armes les placeraient à

14 la merci du gouvernement croate."

15 "Une peur aggravée par le fait que la saisie des armes au départ a été

16 effectuée par des unités de police spéciale uniquement constituées de

17 Croates, unités qui avaient été assemblées et formées à la hâte

18 apparemment. Ils se trouvaient surtout dans des villages ou des villes à

19 majorité serbe. La minorité serbe a donc vu cette saisie comme étant un

20 désarmement ciblé et non pas comme une mesure neutre prise par un

21 gouvernement, sur une base générale et non ethnique, destinée à diminuer

22 le nombre d'armes, etc."

23 Mme Laber (interprétation): Mais c'est précisément ce que je viens de

24 dire, me semble-t-il, en répondant à votre question précédente. Je ne vois

25 pas de discordance entre ce que vous venez de lire maintenant et ma

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1 réponse. Je pense que les deux gouvernements ont pris position, ont pris

2 des mesures qui forcément allaient attiser les troubles, allaient

3 provoquer la peur de la population.

4 Question: Oui, mais maintenant cette pratique dont vous parlez et les

5 appréhensions afférentes à cette pratique-là, si vous les mettez en

6 corrélation avec les constatations que nous avons faites hier et

7 s'agissant de ce qui venait des sommets des autorités croates, à savoir

8 qu'on avait affirmé de leur part que cet Etat croate indépendant avait été

9 l'expression des aspirations historiques les plus éminentes du peuple

10 croate, si vous mettez en corrélation le retour de l'immigration croate et

11 si vous mettez en corrélation le rétablissement des symboles de l'Etat, de

12 cet Etat oustachi de l'époque, ne vous semble-t-il pas que la peur de la

13 population croate s'était justifiée à un moment où on les privait de leur

14 égalité en droit au niveau de la Constitution? Et on voulait les priver en

15 même temps des armes, armes qui avaient été prévues par cette Constitution

16 fédérale comme éléments de la défense et qui faisaient d'eux l'un des

17 segments de la défense populaire généralisée de la RSFY? C'est là chose

18 contestable pour vous ou pas?

19 Réponse: Je ne conteste pas ce que vous dites, mais permettez-moi

20 d'indiquer qu'à ce moment-là, au moment même où nous essayions de voir ce

21 qu'il en était dans les villages serbes où il y avait saisie des armes par

22 les policiers croates juste auparavant, il y avait eu parmi la population

23 ou la minorité serbe de Croatie, un référendum officieux. Ils disaient

24 qu'ils ne voulaient pas faire partie d'un Etat croate séparé. Et dans la

25 zone de Knin, ils avaient déjà pris les armes: ils s'emparaient d'un

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1 territoire qu'ils avaient occupé.

2 Par conséquent, si l'on voit ce moment de l'histoire, il est justifié ou

3 il y a de bonnes raisons pour que chaque côté soit méfiant par rapport à

4 l'autre. C'est ce que nous essayions d'expliquer lorsque nous parlions du

5 statut ou de la situation des Serbes et de celle des Croates.

6 Question: Vous vous efforcez d'établir une symétrie entre ceux qui avaient

7 perpétré des crimes et les victimes, mais, s'il vous plaît, je voudrais

8 attirer votre intention sur la page 8 du même intercalaire.

9 Tout au bas de page, vous dites: "Cependant nous pensons qu'une force

10 excessive a été utilisée par la police croate, notamment dans le village

11 de Dvor na Uni. On a des raisons de croire que leur intention était

12 d'intimider la population serbe, mais aussi de les forcer à appliquer les

13 ordres donnés en vue du rassemblement des armes. Et même si cette mesure a

14 été présentée comme faisant partie d'un programme général de sécurité

15 publique, tout du moins au début de la programmation de ce programme,

16 l'essentiel des ordres donnés par le gouvernement semblait s'appliquer aux

17 seuls villages serbes." (Fin de citation.)

18 Réponse: Mais quelle est votre question? Je ne comprends pas. Là, vous

19 reprenez mes termes et je suis d'accord avec ce que j'ai dit. Vous pouvez

20 les sortir de leur contexte. Je pense effectivement qu'à l'époque, il y

21 avait une espèce de symétrie.

22 Question: Je n'ai rien sorti du contexte. Je ne peux pas vous lire

23 l'intégralité de ce rapport, mais c'est à peu près dans ce sens qu'il est

24 établi. Je vous en prie, lorsque nous lisons que "dans les territoires où

25 la population serbe était majoritaire, le fait de prendre les armes à la

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1 police de réserve", je suppose que vous savez que les autorités croates

2 ont justifié ceci par un grand pourcentage de Serbes au sein de la police.

3 Alors, je vous demande s'il y a quelque chose d'anormal à voir que, dans

4 les territoires où les Serbes constituent la majorité de la population -je

5 dirais même une énorme majorité de la population-, est-il anormal que la

6 police soit constituée d'une majorité de Serbes également? Y a-t-il

7 quelque chose d'anormal ou d'illogique dans cela?

8 Réponse: Pas nécessairement. En tout cas, je n'ai pas de raison de

9 discuter cela.

10 Mais je crois que nous sommes en train de discuter d'une situation qui

11 était sur le point de devenir une guerre ouverte. Au moment où je me

12 trouvais là-bas, j'ai constaté la présence d'une grande peur et d'une

13 grande détresse, des deux côtés. Je parle de l'attitude manifestée par la

14 population serbe comme par la population croate, à l'époque. Et je n'ai vu

15 aucun effort déployé, ni par votre gouvernement ni par celui de Tudjman,

16 pour alléger ces inquiétudes. Il apparaissait que les deux parties étaient

17 en train de générer quelque chose qui allait déboucher sur une guerre

18 ouverte.

19 Question: Ecoutez, tenons-nous-en aux faits.

20 Réponse: Je vous en prie.

21 Question: Puisque vous vous occupez de Droits de l'homme, de situations

22 sociales, etc., je vous demande si le fait d'être un policier constitue un

23 privilège particulier sur le plan social?

24 Réponse: Non.

25 Question: Peut-être considérez-vous que la République de Serbie ou un

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1 représentant du Gouvernement de la République de Serbie est responsable du

2 fait que, dans les territoires de Croatie qui étaient majoritairement

3 peuplés par les Serbes, la majorité des policiers étaient également

4 d'origine serbe? Est-ce que vous contestez ce fait, un fait qui a existé

5 pendant de très nombreuses années?

6 Réponse: Je n'ai pas enquêté sur la structure des forces policières

7 pendant toutes ces années. Je n'ai aucune raison de contester ce que vous

8 dites, mais je ne sais pas si c'est exact ou pas.

9 Question: Mais dans votre rapport du 9 janvier 1991, là où vous dites

10 précisément que vous êtes l'auteur du rapport, vous parlez du fait que les

11 policiers ont accompli leurs actions la nuit ou dans les premières heures

12 de la matinée, qu'ils étaient exclusivement Croates, qu'ils ne portaient

13 pas un uniforme adéquat, qu'ils étaient, comme vous le dites vous-même,

14 très bien entraînés et armés jusqu'aux dents. Ne considérez-vous pas que

15 ceci suffit à provoquer la peur de la population serbe?

16 Réponse: Je pense que c'était une très bonne raison pour que les Serbes

17 aient peur et que ceci était dû au fait que Belgrade leur disait qu'ils

18 étaient attaqués.

19 Question: Mais dans votre rapport, page 8, le rapport du 9 janvier, je

20 lis: "Cependant, le Gouvernement croate semble avoir utilisé une force

21 exagérée pour intimider les villages serbes en exécutant les ordres de les

22 rassembler." (Fin de citation.)

23 Alors, comment est-il possible que, dans votre déclaration du 4 au 7 mars,

24 en page 3, vous affirmiez que "la peur des Serbes était en fait due à la

25 propagande diffusée par la radio serbe"? Répondez à cette question, je

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1 vous prie: comment est-ce possible?

2 Réponse: Les choses qui existaient à l'époque existaient effectivement.

3 Nous disons également dans ce rapport que nous avons interviewé des

4 policiers croates et que, même si leurs méthodes semblaient exagérées par

5 rapport à la mission qui était la leur, ils nous ont dit qu'ils étaient de

6 simples policiers -et ils n'avaient aucune raison de mentir sur ce point-,

7 qu'ils avaient des ordres stricts leur intimant de ne provoquer la

8 violence d'aucune manière. Peut-être s'attendaient-ils à ce que la

9 violence éclate et est-ce pour cela qu'ils étaient lourdement armés? Mais

10 la situation était une situation d'escalade et la peur et la tension

11 existaient des deux côtés.

12 Question: Savez-vous que le 17 juin 1991, le Parti des droits croates a

13 publié ce qu'il est convenu d'appeler la déclaration de Lipjan, qui

14 appelait à une nouvelle indépendance de l'Etat croate aux frontières Est

15 notamment, c'est-à-dire sur la ligne où l'on trouve Subotica et les

16 localités qui l'entourent, ainsi que la baie de Kotor? Autrement dit,

17 leurs prétentions consistaient à se saisir de tout le territoire de

18 Bosnie-Herzégovine, d'une grande partie de la Serbie et d'une partie du

19 Monténégro également? Est-ce que vous êtes au courant de cela?

20 Réponse: Je ne sais rien de cela.

21 Question: Intercalaire 3; regardez ce que vous avez écrit, page 5.

22 Vous dites: "Grubisno Polje et d'autres villages de Slavonie

23 occidentale…". Je dois donner lecture de ce passage pour l'opinion

24 publique, car toute l'opinion publique connaît les terribles atrocités qui

25 ont été commises contre la population serbe là-bas. Voilà ce que vous

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1 écrivez; vous dites donc, entre autres, que l'agence de presse "Tanjug" a

2 accusé les Croates… Mais je vais vous lire exactement ce qui est écrit.

3 (En anglais): Je cite: "A accusé les Croates d'avoir commis des crimes de

4 guerre contre les Serbes de la région près de la ville de Grubisno Polje,

5 en Croatie. Ces allégations ont fait l'objet d'enquêtes de la part des

6 membres de la Communauté européenne dans le cadre d'une mission de

7 surveillance qui a découvert que les forces serbes, et pas les forces

8 croates, étaient coupables d'exécutions sommaires et de destruction de

9 biens civils dans ce secteur."

10 Le rapport conclut: "Nous avons découvert des preuves de crimes qui

11 étaient commis par les forces serbes pendant deux ou trois mois pendant

12 lesquels ils ont contrôlé cette zone particulière de Slavonie occidentale.

13 "Notre équipe n'a trouvé aucune preuve d'assassinats commis par la suite,

14 ni de destruction systématique de biens serbes par la garde nationale

15 croate ou les Croates de ce secteur". (Fin de citation.)

16 Je vous ai présenté un fait de notoriété publique à savoir que 193

17 villages serbes ont été détruits en Slavonie occidentale et il a été

18 répandu que mes chiffres étaient inexacts. Or les forces croates ont

19 détruit uniquement 163 villages serbes selon ce qui a été dit ici, ce qui

20 m'a été répliqué.

21 Alors, avez-vous quelque chose à ajouter au sujet de ces faits, au sujet

22 de ces chiffres relatifs aux crimes commis en Slavonie occidentale et dont

23 vous parlez dans un rapport du genre de celui que vous avez rédigé au

24 sujet des prétendus crimes commis par les Serbes à cet endroit?

25 Réponse: Vous citez un passage d'un rapport de l'Union Européenne qui a

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1 été établi par des membres de la Communauté européenne, alors que, pour

2 notre part, nous établissons nos rapports après envoi d'une délégation sur

3 place. Je ne peux pas comme cela, sans aucune vérification répondre à ce

4 que vous me dites au sujet des chiffres que vous venez de citer. Je suis

5 sûre qu'il y a des gens qui sont en possession de ces chiffres et je

6 devrais m'adresser aux membres de mon organisation pour voir s'ils

7 connaissent davantage de détails.

8 Question: Bien, très bien. Je vous ai cité les dispositions relatives à la

9 composition des forces armées de Yougoslavie.

10 Savez-vous qu'après l'opération au cours de laquelle des armes ont été

11 saisies à la Défense territoriale de Krajina, la grande opération suivante

12 de la part des autorités croates sur le plan militaire a consisté à siéger

13 et attaquer les casernes de la JNA, de l'armée populaire yougoslave, qui

14 se trouvaient sur ce territoire depuis plus de 50 ans, je veux dire en

15 Croatie? Savez-vous cela?

16 Réponse: Oui, je le sais. Je ne qualifierai peut-être pas cela de la même

17 façon que vous, mais je sais que la JNA était stationnée là-bas et je

18 crois que le Gouvernement croate a cherché à manifester sa compassion vis-

19 à-vis de la de minorité serbe.

20 Question: S'agissant de la population serbe qui a pris les armes au cours

21 du conflit en Croatie, vous parlez de ces personnes en tant que rebelles

22 et vous dites, en page 6 paragraphe 2 de votre déclaration aux enquêteurs

23 de ce Tribunal, qu'il s'agit de forces paramilitaires, d'unités

24 paramilitaires. Alors, au vu du fait que ces forces, comme vous le dites

25 vous-même dans votre rapport du 9 janvier 1991, s'efforçaient de préserver

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1 l'unité de la Yougoslavie, considérez-vous qu'il s'agissait de forces

2 légales ou illégales?

3 Réponse: Les forces paramilitaires, à mon avis, sont des forces illégales:

4 leurs actes sont tout à fait clairement illégaux. Ce sont des forces qui

5 commettent des crimes terribles, qui n'ont rien à voir avec le

6 comportement militaire, y compris des exécutions sommaires, du pillage de

7 propriétés privées, et ce y compris en franchissant la frontière de la

8 Serbie; ce qui implique que ces forces bénéficiaient de la coopération,

9 sinon en tout cas de la compréhension, au moins des gardes frontaliers

10 serbes pour le moins. Ce sont des forces paramilitaires et, selon les

11 documents qui existent, ces forces ont commis des exactions tout à fait

12 importantes contre la population civile.

13 Question: Avez-vous la moindre information quant au fait que ce sont dans

14 les opérations dues à l'armée croate que les exactions les plus graves ont

15 été commises, au cours desquelles des milliers de personnes ont été tuées

16 et des centaines de milliers de personnes expulsées de Croatie? Avez-vous

17 lu le rapport de David Bainder de 1993, où il est dit que des dizaines de

18 villages ont été dynamités en Krajina, plus de 10.000 maisons serbes

19 dynamitées et que la Croatie est devenue le pays le plus pur sur le plan

20 ethnique en Europe?

21 Si vous n'avez pas examiné les chiffres et les faits sur le terrain, je

22 vous y incite et je vous invite à lire le "New York Times" et cet article

23 de David Bainder.

24 Mme Laber (interprétation): Je ne conteste pas le fait que des exactions

25 graves ont été commises par tous les participants du conflit. Nous avons

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1 essayé d'être équilibrés par rapport à tout cela.

2 Vous appelez mon attention sur ce qu'ont fait les Croates et je ne

3 conteste pas ce fait. Je dis simplement que des crimes ont été commis par

4 le Gouvernement serbe, par la JNA en tout cas, qui était contrôlée par le

5 Gouvernement serbe à l'époque, et que la grande majorité des crimes commis

6 semblaient être dus à une intervention extérieure plus qu'a l'intervention

7 du Gouvernement croate, même si les actes commis des deux côtés

8 constituent des crimes.

9 M. Milosevic (interprétation): Vous n'avez pas une seule donnée qui vous

10 permette de confirmer que quelque chose a été fait de l'extérieur. Il est

11 question de Serbes qui se révoltent en Croatie et je vous ai cité les

12 dispositions de la Constitution yougoslave; je vous ai montré qu'il y

13 avait obligation de préserver l'intégrité territoriale et je vous indique

14 qu'on trouve également la disposition suivante -je cite-: "Tout citoyen

15 qui, par les armes ou d'une autre manière, intervient contre ceux qui

16 attaquent les membres des forces armées de la RSFY…" (Fin de citation.)

17 Est-ce que, si vous examinez les choses sur le plan juridique -puisque

18 vous vous occupez de Droits de l'homme sur le plan juridique également,

19 n'est-ce pas?-, est-ce que cela veut dire que les gens qui défendaient

20 l'intégrité territoriale de la Yougoslavie -or c'est l'une des tâches

21 principales de tout citoyen aux termes de la Constitution de la RSFY-,

22 est-ce que donc toute personne agissant de la sorte ne faisait pas partie

23 des forces armées yougoslave légales?

24 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je vais vous

25 interrompre. Cette question ne doit pas être posée au témoin. Peut-être

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1 est-ce une question sur laquelle nous aurons à nous prononcer en temps

2 utile.

3 Votre temps est pratiquement écoulé, mais nous vous accordons encore cinq

4 minutes.

5 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je me suis efforcé au maximum

6 de réduire mon contre-interrogatoire. Je peux vous dire très sincèrement

7 que j'ai renoncé à pas mal de questions, car, compte tenu du grand nombre

8 de rapports, il faudrait plusieurs journées pour faire la clarté de tout

9 ce qui est dit dans des rapports de ce genre, rapports qui soutenaient en

10 fait une campagne anti-serbe à l'époque.

11 Mais j'ai encore quelques points à discuter avec le témoin. Je suppose que

12 vous m'accorderez le droit de poser ces questions.

13 Madame, dans votre rapport de septembre 1991, vous écrivez -je cite-: "En

14 mai 1991, la garde populaire a été créée pour servir d'armée de la

15 République".

16 Et dans la note de bas de page n°25, nous lisons ce qui suit: "La garde

17 populaire ne fait pas partie des forces policières, et ce faisant, elle

18 n'est pas sous le contrôle du ministère de l'Intérieur. La garde populaire

19 créée il y a trois mois à peu près sert plutôt d'armée croate et répond

20 devant le Gouvernement croate. Mais pendant le déroulement des combats

21 avec les insurgés serbes -comme vous les appelez-, la garde populaire ou

22 garde nationale, et la police croate ont travaillé main dans la main".

23 (Fin de citation.)

24 Nous avons déjà, vous l'avez d'ailleurs cité, le texte de Tudjman qui

25 appelle toute la population croate à se soulever pour défendre

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1 l'indépendance. Donc si nous tenons compte des dispositions de la

2 Constitution yougoslave et des éléments que vous avez cités pour votre

3 part, pouvez-vous me dire, je vous prie, où se trouvent ces forces

4 illégales et paramilitaires dont vous parlez? S'agit-il des forces qui

5 défendent la Yougoslavie et ses dispositions constitutionnelles, ou des

6 forces qui incitent à la sécession violente?

7 Mme Laber (interprétation): Selon ces documents, les exactions commises

8 par ces forces paramilitaires illégales -je veux parler des forces qui

9 venaient de Serbie- étaient particulièrement odieuses; je veux parler de

10 ce qui est évoqué dans nos rapports.

11 J'ajouterai que je n'accepte absolument pas votre sous-entendu selon

12 lequel nous avons instigué un sentiment anti-serbe: ce n'était en aucun

13 cas l'intention que nous poursuivions.

14 Nous nous sommes toujours efforcés d'être aussi équilibrés que possible,

15 lorsque c'était possible, et nous ne sommes pas responsables du fait que

16 la grande majorité des crimes aient été commis par des soldats sous votre

17 commandement.

18 M. Milosevic (interprétation): Je dois renoncer à certaines questions,

19 mais poursuivons.

20 Dans ce même rapport, vous déclarez que, bien que la présidence ait été

21 l'organe suprême du pouvoir yougoslave, j'étais la personne qui décidait

22 que faire partie de cette présidence n'avait guère d'importance. C'est ce

23 que vous avez affirmé.

24 Or, ici, devant cette institution, des témoins sont venus déposer -cela ne

25 peut être contesté- et ont parlé donc de cette rencontre du 12 au 14 mars

Page 14372

1 1991, rencontre de la présidence qui s'est déroulée pendant deux jours. Au

2 cours de cette réunion de la présidence, celle-ci, en tant qu'organe

3 suprême du pouvoir et en sa qualité de commandement suprême des armées, a

4 rejeté la proposition de l'état-major, du grand état-major qui proposait

5 d'augmenter le niveau de préparation au combat de la JNA en raison de la

6 dégradation de la situation politique et de la sécurité dans le pays.

7 Pouvez-vous répondre à ma question, je vous prie: n'est-ce pas un fait en

8 contradiction complète avec ce que vous prétendez puisque vous dites que

9 c'est moi qui prenais toutes les décisions? Que pensez-vous donc de cette

10 décision de s'opposer à la proposition du grand état-major, donc du

11 commandement suprême du pays, en s'opposant à des ordres venant sans doute

12 de moi, alors que le fait demeure que cette proposition d'élever le niveau

13 de préparation au combat de l'armée a été rejetée, la demande étant faite

14 en raison d'une dégradation de la situation? Lors de cette même rencontre

15 de la présidence yougoslave, vous dites donc que c'est moi qui commandais

16 exclusivement et seul l'armée?

17 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous répondre à cette question?

18 Mme Laber (interprétation): Je n'étais pas présente à cette réunion. La

19 seule chose que je peux dire, c'est que l'impression générale de personnes

20 informées de la situation à l'intérieur et à l'extérieur de la

21 Yougoslavie, à ce moment-là, était que des ordres venaient de Belgrade et

22 que ces ordres venaient de vous et pas de la présidence.

23 Indépendamment de ce qui s'est passé lors de cette réunion, j'aimerais

24 vous demander ce qui s'est passé dans la pratique?

25 M. Milosevic (interprétation): Mais alors, répondez à ma question: si

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1 j'avais le contrôle de la JNA, comment est-il possible que je n'aie pas pu

2 influer sur cette décision d'augmentation de son état de préparation au

3 combat? Comment cela serait-ce possible?

4 Réponse: Est-ce que vous écoutiez les décisions? Est-ce que vous obéissiez

5 aux décisions prises? Je n'en sais rien!

6 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Avançons!

7 Dans votre déclaration du 4 au 7 mars, vous parlez du déplacement de la

8 population non serbe de Baranja. Nous avons ici entendu un témoin qui a

9 dit que "personne n'avait jamais chassé un habitant de Baranja pour

10 partir, qu'on les appelait même à revenir". C'était un témoin de Tudjman

11 et pas un témoin à moi.

12 Vous parlez donc du déplacement de la population non serbe et vous dites

13 que, dans la région, des Serbes, qui avaient fui la Slavonie occidentale

14 en novembre, se sont installés. Je vous cite. Vous dites: "20.000 Serbes

15 avaient fui la Slavonie occidentale et je trouve cela tout à fait

16 regrettable. Même une seule personne qui s'enfuit pour des raisons

17 d'appartenance ethnique constitue un événement regrettable."

18 Mais ma question est la suivante: est-il possible que, dans votre

19 déclaration et dans votre lettre, vous vous disiez préoccupée uniquement

20 par la population non serbe en raison de l'installation dans cette région

21 de personnes venant d'ailleurs, alors que les personnes qui étaient

22 parties ne l'avaient pas fait pour d'autres raisons que parce qu'elles

23 avaient peur pour leur sort personnel? Et elles étaient au nombre de

24 20.000?

25 Vous ne vous intéressez aucunement aux raisons qui les ont fait fuir. Vous

Page 14374

1 dites simplement qu'à Baranja vont s'installer, selon vos propres

2 dires,...

3 M. Nice (interprétation): Cette question est absolument ingérable! On peut

4 se demander d'ailleurs s'il s'agit d'une question. Et la première phrase

5 risque d'induire le témoin en erreur: on peut se demander si elle est

6 exacte.

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, c'est votre dernière

8 question. Aimeriez-vous la reformuler de façon à ce que le témoin puisse

9 la comprendre? C'est votre dernière question; votre temps est épuisé.

10 M. Milosevic (interprétation): Donc vous ne m'autorisez à poser qu'une

11 seule question encore?

12 M. le Président (interprétation): Oui.

13 M. Milosevic (interprétation): Mais, dans ce cas, je dois aborder un sujet

14 en page 8, Madame, de votre déclaration du Procureur, paragraphes 3 et 4.

15 Vous déclarez que j'ai refusé de remettre à cette institution trois

16 officiers de la JNA accusés d'avoir tué 200 personnes à Vukovar et que je

17 n'ai donc pas respecté mes obligations internationales. Parlez-vous ici

18 des obligations créées par le statut de cette institution adoptée par le

19 Conseil de sécurité des Nations Unies en 1993?

20 Mme Laber (interprétation): Est-ce que vous parlez de ce Tribunal?

21 Question: Oui.

22 Réponse: Non, le Tribunal n'existait pas au moment où nous vous avons

23 envoyé la lettre.

24 Question: Mais considérez-vous que le fait de dire que les Etats membres

25 du Conseil de sécurité des Nations Unies sont tenus de remplir les

Page 14375

1 décisions de l'Assemblée Générale, seulement si celles-ci sont conformes

2 aux dispositions de la Charte des Nations Unies? Est-ce vrai ou pas?

3 Réponse: Je crois que vous m'engagez dans une question de droit

4 international, encore une fois.

5 M. Milosevic (interprétation): Estimez-vous que l'institution où nous nous

6 trouvons, celle devant laquelle vous témoignez en ce moment est conforme

7 aux dispositions de la Charte des Nations Unis?

8 M. le Président (interprétation): Ceci n'a vraiment rien à voir avec des

9 sujets auxquels le témoin pourrait répondre.

10 Maître Tapuskovic, vous avez la parole.

11 (Question de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin Mme Jeri Laber.)

12 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

13 M. Milosevic (interprétation): Je regrette, Monsieur May, que vous ne

14 m'accordiez pas encore quelques minutes, car j'avais encore des questions

15 très importantes.

16 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, dans tout ce que

17 l'accusation a proposé à titre d'éléments de preuve liés à la déposition

18 de ce témoin, j'aimerais demander au témoin quelques explications

19 complémentaires au sujet de ce que l'on peut lire dans l'intercalaire 4 de

20 la pièce 359. Il s'agit de ce document manuscrit et écrit de la main de

21 Mme Jeri Laber.

22 Madame Jeri Laber, j'aimerais vous poser une question. J'ai lu ce document

23 et moi, tout comme ma collègue, nous nous sommes rendu compte que, de la

24 page 8 à la page 34, donc 27 pages… Ou plutôt, pour mieux formuler ma

25 question, je dirai que l'on trouve immédiatement après la page 8 page 34.

Page 14376

1 Comment pouvez-vous expliquer l'absence de toutes ces pages dans ce

2 document? Avez-vous remis l'intégralité du document au Procureur, toutes

3 les pages de ce document? Et comment expliquez-vous que toutes ces pages

4 manquent?

5 Mme Laber (interprétation): C'est très facile à expliquer. Il y a eu deux

6 rencontres et, entre les deux, nous avons fait autre chose; ces deux

7 rencontres ne se sont pas déroulées l'une après l'autre.

8 En page 2, il est question de la rencontre avec M. Pujic, M. Petrovic et

9 le général Vojvodic. Et au début de la page 34, vous verrez qu'il est

10 question du ministère des Affaires étrangères; donc c'est le début d'une

11 nouvelle série de notes prises par moi.

12 J'ai l'intégralité de mes notes à la maison, mais je n'ai pris avec moi

13 ici que celles qui portaient sur des rencontres officielles; car chaque

14 fois que je parlais avec quelqu'un, je prenais des notes à la main dans ce

15 carnet.

16 Est-ce que c'est clair pour vous?

17 Question: Mais dans ces pages, on trouve peut-être quelque chose qui

18 pourrait être utile à M. Slobodan Milosevic. Pourquoi est-ce que vous

19 n'avez pas remis l'intégralité du document au Procureur, de façon à ce

20 qu'il soit remis également aux Juges?

21 Réponse: C'est parce que mes notes qui faisaient sans doute plusieurs

22 centaines de pages, qui était le fruit de rencontres avec des gens de la

23 région, avec des gens de la mission, avec des journalistes, il y avait

24 beaucoup d'éléments de nature confidentielle et qui n'avaient sans doute

25 aucun rapport avec ces réunions-ci en particulier. On m'a demandé de

Page 14377

1 fournir mes notes, notes complètes, ce que j'ai fait ici, mais ce sont les

2 notes des réunions officielles que j'ai eues à Belgrade, lors de ma

3 visite.

4 La première réunion est concernée par les pages 2 à 8; il n'y a rien qui

5 manque. Et la deuxième réunion, elle commence à la page 34; et vous avez

6 une numérotation tout à fait constante jusqu'à la page 36. Donc moi, je ne

7 vois pas la moindre disparité.

8 M. Tapuskovic (interprétation): Merci.

9 Messieurs les Juges, je n'ai plus de questions à poser sur ce sujet.

10 Mais pour poser des questions supplémentaires à ce témoin, je vais

11 demander qu'on vous remette un document, Madame, un document que j'ai reçu

12 comme étant élément à décharge, en application de l'Article 68.

13 Le premier document porte la cote 013998 et il y a aussi une autre partie

14 de ce document qui porte la cote 013999; ça, c'est le numéro ERN. C'est un

15 document.

16 Il y en a un autre qui porte la cote ERN 00113625.

17 Le troisième document, lui, porte la cote ERN 00289306. Je n'aurais qu'un

18 seul point à évoquer en rapport à ce document.

19 M. le Président (interprétation): Mais quels sont ces documents, s'il vous

20 plaît? Pourriez-vous nous expliquer quelle est leur nature?

21 M. Tapuskovic (interprétation): Ce sont les documents, Monsieur le

22 Président, que nous avons reçus en vertu des dispositions de l'Article 68,

23 des éléments à décharge qui sont très importants.

24 M. le Président (interprétation): Oui, mais pourriez-vous nous dire quel

25 est leur en-tête, ce qu'ils représentent, quelle est leur nature?

Page 14378

1 M. Tapuskovic (interprétation): Ceci est en rapport avec des enquêtes

2 menées par Mme Laber pour ce qui est des viols de Musulmanes, de Serbes et

3 de Croates. C'est donc un document ou une question des plus importantes,

4 questions qui se trouvent dans l'Acte d'accusation. Et ceci nous donne une

5 idée de la méthode utilisée par l'organisation de Mme Laber; c'est un fait

6 très important et je pense que madame peut déposer à ce propos.

7 M. Nice (interprétation): Si l'ami de la Chambre veut produire le document

8 dans le cadre de la déposition d'un témoin, il faut donner des copies.

9 Nous n'avons pas tous ces documents dans notre chariot: impossible de le

10 trouver.

11 M. le Président (interprétation): Oui. Avez-vous un exemplaire de ce

12 document?

13 M. Tapuskovic (interprétation): Oui.

14 M. le Président (interprétation): Examinons ce document et ensuite nous

15 pourrons le remettre au témoin.

16 (Intervention de l'huissier.)

17 (Les Juges se concertent sur le siège.)

18 M. Tapuskovic (interprétation): Ce sont surtout les deux derniers

19 documents qui m'intéressent.

20 Le premier document contient une déclaration faite par Mme Laber.

21 M. Kwon (interprétation): Maître Tapuskovic, pourquoi ne pas faire

22 suffisamment de photocopies à l'avance, à l'avenir, dans ce genre de

23 situation?

24 M. Tapuskovic (interprétation): Je le ferai mais, vous savez, c'est une

25 pièce qui m'a été remise il y a deux jours. Croyez-moi, il a fallu que je

Page 14379

1 les fasse traduire; ça n'a pas été facile du tout. Mais vous constaterez

2 que ceci est d'une pertinence extrême, surtout en ce qui concerne les deux

3 derniers documents.

4 M. le Président (interprétation): Oui, vous pouvez soumettre ce sujet au

5 témoin. On pourra peut-être poser le document sur le rétroprojecteur de

6 façon à ce que tout le monde puisse en prendre connaissance.

7 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je ne

8 vais pas vous importuner davantage. Je pourrai aborder les questions

9 lorsque le document se trouvera sur le rétroprojecteur.

10 M. le Président (interprétation): Madame Laber, veuillez examiner ce

11 document qui va être posé sur le rétroprojecteur et qui va apparaître à

12 votre écran. Si vous voulez y jeter un coup d'œil de plus près, bien sûr,

13 vous pourrez le prendre.

14 Mais quelle sera votre question à propos de ce document, Maître

15 Tapuskovic?

16 Mme Laber (interprétation): Je ne suis pas en mesure de voir.

17 M. Tapuskovic (interprétation): Madame Laber peut-elle confirmer le fait

18 qu'elle a travaillé sur le terrain et qu'elle a mené des enquêtes en

19 rapport avec des viols?

20 Mme Laber (interprétation): Je ne vois pas très bien. Est-ce qu'il est

21 possible d'agrandir l'image que j'ai à l'écran?

22 M. le Président (interprétation): Il est peut-être plus simple que vous

23 examiniez le document sur le rétroprojecteur qui se trouve à votre gauche.

24 Mme Laber (interprétation): Merci.

25 Excusez-moi. Pourriez-vous pouvez vous répéter votre question, Maître?

Page 14380

1 M. Tapuskovic (interprétation): Voici quelle était ma question: vous

2 l'avez déjà dit, vous avez participé à des enquêtes portant sur le crime

3 du viol sur le territoire de l'ex-Yougoslavie?

4 Réponse: C'est exact.

5 Question: Une des raisons qui ont poussé votre organisation à exiger des

6 sanctions s'est basée sur le rapport que vous avez fait en matière de

7 viols?

8 Réponse: C'est exact.

9 Question: Etant donné que vous avez mené des enquêtes sur des cas de viol,

10 viol notamment de femmes serbes, est-ce que vous avez exigé que des

11 sanctions soient, du coup, imposées aussi à la Croatie?

12 Réponse: Je ne pense pas qu'on ait du tout parlé de sanctions dans ce

13 contexte.

14 Question: Merci. Madame Laber, je vais vous demander d'examiner deux

15 autres documents que vous avez rédigés et qui se trouvent dans le même

16 document. Vous sautez deux pages et vous allez trouver deux documents que

17 vous avez établis ou dont vous êtes l'auteur.

18 Réponse: Un instant, s'il vous plaît. Une première chose: je ne reconnais

19 aucun de ces documents. En quoi consiste le premier? Je vois le titre:

20 "Les contre-vérités de la Bosnie" ou "bosniennes".

21 Question: Ce document, c'est un rapport que vous avez dressé après avoir

22 reçu le témoignage des victimes.

23 Réponse: On parle du document du début?

24 Question: Non, non.

25 Réponse: C'est une citation inexacte. Je ne sais pas d'où elle vient.

Page 14381

1 Question: Je vous demande ceci: veuillez sauter deux pages, ou du moins…

2 Et puis, à ce moment-là, vous allez trouver le document que vous, vous

3 avez rédigé.

4 Réponse: C'est exact. Oui, ceci vient d'un article que j'ai écrit dans la

5 "New York Review of Books". C'était intitulé: "La Bosnie, des questions en

6 matière de viol".

7 Question: C'est un document que vous avez rédigé à partir d'un entretien

8 avec une femme serbe qui était une victime de viol, n'est-ce pas?

9 Réponse: J'ai écrit un article dans lequel se trouvaient des interviews

10 avec plusieurs femmes dont, je pense, trois femmes serbes qui avaient été

11 victimes. Mais il y avait aussi des interviews avec des femmes croates et

12 musulmanes de Bosnie.

13 Question: Je ne sais pas si vous êtes en mesure de le voir clairement.

14 Après avoir interviewé un témoin, on vous donne le nom de la victime, de

15 la personne, son âge. Bien sûr, je ne vais pas mentionner le nom de cette

16 personne, ce n'est pas nécessaire. Et cette femme vous a dit qu'elle était

17 prête à dire ce qu'elle disait devant des caméras de télévision, qu'elle

18 avait été violée par sept Croates, qu'elle avait perdu connaissance et que

19 sa cousine de 9 ans, elle aussi, avait été violée. Est-ce que vous avez

20 parlé à cette femme?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Si vous, vous avez parlé à cette femme, vous avez toutes les

23 données qui sont ici consignées et ceci pourrait être utilisé dans le

24 cadre de procès intentés ici, puisque vous avez utilisé la même méthode

25 d'interview que celle utilisée par les enquêteurs du Tribunal?

Page 14382

1 Réponse: Oui. Et c'est quoi, votre question?

2 M. Tapuskovic (interprétation): Ce que vous avez recueilli des victimes,

3 c'est quelque chose que vous avez entendu vous-même, personnellement?

4 J'estime que ce type de témoignage peut-être des plus utiles puisque c'est

5 vous qui avez entendu ceci de la bouche même des victimes?

6 Mme Laber (interprétation): Oui.

7 M. le Président (interprétation): Oui, le témoin est d'accord avec ce que

8 vous dites. Vous avez d'autres questions, Maître?

9 M. Tapuskovic (interprétation): Voici ce que j'aimerais savoir: dans tous

10 les autres cas qui ont servi de base à votre rapport, est-ce que vous avez

11 des documents similaires à celui-ci dont vous vous êtes servi comme base

12 de rapport?

13 Mme Laber (interprétation): Maintenant, vous parlez du rapport portant sur

14 le viol ou des rapports en général? Question: En général, les rapports que

15 vous établissiez, votre poste, la fonction qu'avait votre organisation

16 comme elle est représentée ici dans ces rapports.

17 Réponse: Ce n'est pas inhabituel, sauf que, dans beaucoup de cas, nous

18 n'avons pas le nom de la personne concernée. Ici, vous avez des victimes

19 serbes qui ont été portées à notre connaissance par une commission

20 officielle du Gouvernement serbe, commission s'occupant des crimes de

21 guerre; ils nous ont présenté des témoins qui étaient prêts à parler

22 ouvertement, publiquement, qui étaient prêts à donner leur nom et qui

23 n'avaient pas de réticence à la perspective de voir ces noms utilisés.

24 Bien sûr, dans d'autres cas, nous avons des documents exactement

25 similaires à celui-ci, mais ce n'est pas toujours le cas. Quelquefois,

Page 14383

1 nous n'avons pas le nom véritable de la personne qui ne veut pas livrer

2 son identité; quelquefois, nous avons ce nom, mais nous ne l'utilisons pas

3 dans un rapport officiel parce que nous nous engageons à ne pas publier ce

4 nom.

5 Question: Merci. Madame Laber, revenons, si vous le voulez bien, au

6 premier document.

7 Réponse: Oui.

8 Question: C'est un article de journal et vous faites une déclaration dans

9 cet article. Je voudrais vous demander si vous avez fait cette

10 déclaration. A gauche, vous verrez, ou plutôt à droite pour vous, il y a

11 une rubrique parlant de mensonges ou contre-vérités ou fausses

12 accusations. Et, de l'autre côté, on voit les contre-vérités bosniennes à

13 propos du viol. Tout ceci est rejeté. Le viol est devenu une partie

14 intégrale d'une propagande vicieuse en décembre 1992. On accuse les Serbes

15 d'avoir violé 50.000 femmes musulmanes de Bosnie dans les camps où elles

16 étaient détenues. N'est-ce pas ce que dit l'article?

17 Et puis, pour décembre, "Newsweek" dit "qu'en Bosnie, il y a eu

18 pratiquement autant de victimes de viol". Et puis, il y a un projet de

19 rapport du Conseil de l'Europe qui se fonde sur des sources émanant de

20 l'Allemagne et qui parle de "20.000 femmes musulmanes violées".

21 Et puis, on dit ceci: le "New York Times" et d'autres publications

22 profèrent des accusations selon lesquelles "les soldats serbes ont reçu

23 l'ordre de violer". Vous souvenez-vous de cela?

24 Réponse: Je me souviens de tout ce climat qui régnait à l'époque,

25 effectivement.

Page 14384

1 Question: Nous arrivons aux faits qui sont mentionnés. Au nom de la Croix-

2 Rouge internationale, M. Phillip Miserez dit qu'il n'y a aucune preuve de

3 l'existence de tels camps, présente ou passée. Et puis, il y a votre

4 déclaration à vous. Amnesty International dit qu'il n'y a pas de preuve –

5 c'est répété- et lorsqu'un journaliste de la NBC, Peter Jennings, demande

6 s'il y a des membres de l'armée serbe qui ont reçu l'ordre de se livrer à

7 des viols, Jeri Laber, à la tête de Helsinki Watch, a répondu: "Il n'y a

8 pas la moindre à l'appui de ces allégations."

9 Est-ce bien ce que vous avez dit?

10 Et, dans le cadre de votre travail, du travail effectué par votre

11 organisation, avez-vous effectivement établi qu'il n'y a pas la moindre

12 trace de preuve à l'appui de ceci?

13 Réponse: Dans notre travail, nous avons déterminé qu'il y a eu des viols

14 généralisés par les deux parties au conflit, qu'il y a eu des victimes

15 serbes, des victimes croates, des victimes bosniennes, autant de victimes.

16 Et j'ai interviewé des femmes de chacune des trois nationalités.

17 A l'époque, notre organisation s'inquiétait de l'augmentation

18 spectaculaire des chiffres qui dépassaient peut-être les faits. On a parlé

19 de 50.000 viols; diverses organisations ont présenté ces chiffres. Et je

20 crois que lorsque j'ai parlé à M. Jennings à la télévision, j'ai essayé de

21 dire clairement qu'il y avait effectivement beaucoup de viols, mais qu'il

22 était erroné d'exagérer ces chiffres parce que ceci risquait, en fait,

23 d'enlever toute crédibilité à ce rapport.

24 Question: Mais ce n'est pas la question que je vous ai posée, Madame

25 Laber, excusez-moi.

Page 14385

1 Voici ce que je vous demande: je vous pose une question à propos de cette

2 déclaration qui est d'une importance centrale pour ce procès et pour ces

3 Juges. Vous avez fait une déclaration pour savoir si les membres de

4 l'armée serbe ont reçu l'ordre de se livrer à des viols et vous répondez,

5 au moment où Jennings vous pose la question, vous dites "qu'il n'y a pas

6 de preuve à l'appui ou pour corroborer le fait qu'on aurait donné de tels

7 ordres de violer à l'armée".

8 C'est bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas?

9 Réponse: Cette déclaration est sans doute véridique. Je n'avais pas de

10 preuve que les ordres auraient été donnés; cependant j'avais des preuves

11 qu'il y avait eu effectivement des viols commis.

12 Question: Et ça c'est au autre chose.

13 Cependant ceci va être ma dernière question. Vous savez qu'après cela, la

14 commission des Nations Unies chargée des crimes de guerre a refusé

15 d'accepter ces statistiques et les fonctionnaires du Conseil de l'Europe

16 ont condamné de façon véhémente de telles accusations, les rejetant.

17 Rappelez-vous que ce soit aussi bien les représentants du Conseil de

18 l'Europe que ceux des Nations Unies, eh bien, ils ont condamné ces

19 chiffres qui ne correspondaient pas à la vérité.

20 C'est bien cela, n'est-ce pas? Ils ont condamné fermement ceci?

21 Réponse: Je trouvais, moi-même, que ces chiffres étaient exagérés, mais

22 j'aurais voulu que vous apportiez comme élément de preuve l'article, que

23 moi-même j'ai écrit et auquel il est fait référence dans ce document. Dans

24 cet article, effectivement, j'ai décrit des camps, des lieux de détention

25 de ces femmes, des lieux où elles ont été violées. J'ai dit qu'il était

Page 14386

1 difficile de croire que ce type d'activités auraient pu être effectuées

2 par des soldats serbes sans la complicité tacite des officiers qui étaient

3 leurs responsables, et sans doute des personnes qui les commandaient. Bien

4 sûr, je ne pourrais pas vous montrer un ordre écrit qui dirait précisément

5 qu'ils ont reçu l'ordre de le faire.

6 M. Tapuskovic (interprétation): Oui, mais vous avez dit quelque chose de

7 tout à fait différent. Vous avez dit que vous n'aviez aucune preuve de ce

8 genre. Je n'ai plus de question.

9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

10 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Mme Jeri Laber, par M.

11 Nice.)

12 M. Nice (interprétation): J'ai quelques questions à poser.

13 M. le Président (interprétation): Voulez-vous d'abord poser des questions

14 à propos de ces documents, sinon on pourra y revenir?

15 M. Nice (interprétation): J'ai une question qui découle de cela, mais pas

16 à propos des documents mêmes.

17 M. le Président (interprétation): On peut donc remettre les documents.

18 L'huissier va le faire.

19 M. Nice (interprétation): Vous avez sur vous les articles auxquels vous

20 faites référence, notamment pour les questions de viol?

21 Mme Laber (interprétation): C'est dans la Chambre de mon hôtel, je n'ai

22 pas cet article sur moi ici.

23 M. Nice (interprétation): En temps utile, on pourra peut-être demander le

24 versement de cette pièce en temps utile. Et je pense qu'on pourra

25 attribuer une cote. C'est une question qui s'impose puisqu'elle découle

Page 14387

1 des questions posées par l'amicus.

2 M. le Président (interprétation): Oui, nous allons donner une cote

3 d'identification et puis une cote définitive.

4 M. Nice (interprétation): Je pourrais peut-être l'obtenir à la fin de

5 l'audience d'aujourd'hui, sinon ce sera disponible mercredi.

6 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation 316160.

7 M. Nice (interprétation): Nous allons commencer les questions par la fin.

8 Nous allons commencer par les questions abordées aujourd'hui pour passer

9 ensuite aux questions d'hier.

10 A votre connaissance, l'accusé a-t-il pris la moindre mesure pour traduire

11 en justice ceux qui étaient nommés comme étant responsables du massacre de

12 Vukovar?

13 Mme Laber (interprétation): Je n'ai pas connaissance qu'il l'aurait fait.

14 Question: S'agissant de la question de la différence entre ses

15 responsabilités à lui, les responsabilités fédérales, il y a un passage

16 d'une lettre du chef de cabinet, M. Goran Milinovic. Mis à part cette

17 lettre du chef de cabinet Goran Milinovic, est-ce qu'il y a des éléments

18 selon lesquels l'accusé était la personne dotée d'autorité à laquelle vous

19 pouviez vous adresser, à laquelle vous vous êtes adressée effectivement?

20 Réponse: Non.

21 Question: Il a été suggéré dans un long passage par l'accusé -sans qu'une

22 question concrète soit posée-, il a dit que vous n'aviez aucune

23 information suggérant qu'il y avait quelque chose qui venait de

24 l'extérieur. Et je pense que l'implication, là où c'était implicite, c'est

25 que vous n'aviez aucune information laissant entendre qu'il y avait

Page 14388

1 effectivement une influence de la Serbie ou plutôt de l'accusé sur les

2 événements en Croatie. Est-ce que vous acceptez cette idée ou pas?

3 Réponse: Veuillez répéter votre question?

4 Question: Si j'ai bien compris, il a été laissé entendre que vous n'aviez

5 pas d'information suggérant qu'il y avait une influence de Belgrade sur

6 les événements qui se sont produits en Croatie. Acceptez-vous cela?

7 Réponse: Non.

8 Question: Et puis, vous avez cet article de journal qui portait pour titre

9 "Pourquoi conserver la Yougoslavie en tant que pays unique". Et là, vous

10 dites qu'en fait, il y a un titre incorrect qui a été donné à votre

11 article. Est-ce que vous pourriez résumer la façon dans un de ces passages

12 de votre article a été repris et mal interprété par ce titre?

13 Réponse: Cet article a été rédigé au moment où la Yougoslavie était encore

14 une fédération. Au cours de notre mission, nous avons compris que la

15 faiblesse de la présidence fédérale était grande et qu'en fait, c'était le

16 gouvernement serbe qui avait les rênes du pouvoir et en essayant

17 d'influencer ce qui se passait. Ce qui nous préoccupait particulièrement,

18 c'est la situation qui régnait au Kosovo et nous avons exhorté le

19 Gouvernement américain en nous adressant à lui dans le cadre de cet

20 article pour que des sanctions économiques soient imposées à la

21 présidence, et dans la mesure du possible à la République de la Serbie

22 plutôt que de punir la totalité du pays. Car nous estimions qu'il y avait

23 certaines Républiques qui respectaient les Droits de l'homme et nous

24 disions que la Croatie pouvait effectivement être coupable et qu'il

25 fallait superviser de très près la situation.

Page 14389

1 Nous avons essayé de cibler les Etats-Unis, ce faisant, et je pense que

2 ceci a été mal compris. On a cru que l'on voulait dire pourquoi conserver

3 ce pays en tant que pays unique.

4 Question: Je pense qu'il y a une question de détail qui sera réglée en

5 examinant les pages 20 et 21 de l'atlas. On voit la mention D3; c'est tout

6 à fait au centre de la page. Inutile d'importuner le témoin sur ceci. On

7 voit D3 en bas, on voit Bosanski Novi en lettres assez grandes, et puis,

8 en dessus de cela, directement, on voit Dvor; et puis, un peu plus haut en

9 suivant cette même route jusqu'à la vallée de la rivière, on voit Bosanska

10 Kostajnica. Ces éléments de géographie aideront peut-être les Juges et il

11 faudrait maintenant examiner l'intercalaire 2, page 20.

12 Je pense que le passage concret sur lequel se basaient ces critiques

13 commence à la page 20 où l'on parle du fait que l'on a tiré sur les

14 véhicules médicaux, sur le personnel médical, qu'on a refusé de soigner

15 les blessés et de leur donner des soins de santé. Vous voyez où c'est?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Et puis, le passage qui a fait l'objet de griefs de la part de

18 l'accusé se trouve vers le milieu de la page 20. Il dit qu'il n'était pas

19 possible de donner le nom des villages entre deux localités, dont j'ai

20 donné le nom et que j'ai indiqué sur la carte. Et puis, il s'est aussi

21 plaint du fait qu'on faisait référence à des tenues de camouflage jaunes,

22 sans aborder ceci dans le détail. Je vous demande si cette allégation, qui

23 est détaillée sur plus de deux pages, est-ce que pour vous c'est une

24 allégation assez détaillée ou pas?

25 Réponse: Oui.

Page 14390

1 Question: Les Juges pourront prendre connaissance de ce ceci à l'aide de

2 la carte, ils pourront voir s'il y a un certain fondé aux griefs soulevés

3 par l'accusé.

4 Mais revenons maintenant à ce rapport. Il faut se souvenir de ce qui est à

5 l'intercalaire 2, à savoir ce rapport général.

6 Et maintenant passons à l'intercalaire 3, où on nous dit que sa réponse a

7 été demandée et n'a jamais été fournie par lui personnellement. Est-ce que

8 nous voyons là que cette allégation particulière ne se répercute dans

9 aucun événement?

10 Peut-être la Chambre acceptera cette formulation de ma part: les

11 allégations se trouvant à l'intercalaire 3, telles que je les ai lues, ne

12 comprennent pas ce qui concernait le personnel médical, ce qui a été

13 repris dans le document précédent. Je pense que je me suis trompé, je ne

14 pense pas que ceci se trouve à l'intercalaire 3.

15 Réponse: D'accord.

16 Question: Enfin, s'agissant des réunions que vous avez eues lorsque vous

17 avez essayé de remettre le contenu de l'intercalaire 3 à l'accusé et lors

18 des réunions avec d'autres personnes: vous avez rencontré Kostunica

19 notamment, deux hommes dont Kostunica, au ministère. Est-ce que ces

20 personnes ont accepté qu'ils étaient responsables des questions dont vous

21 parliez?

22 Réponse: C'était l'impression que nous avions eue à l'époque: lorsque nous

23 avons demandé à voir un interlocuteur valable au ministère, ce sont les

24 deux personnes qui nous ont été suggérées. Je ne pense pas que ces

25 personnes se soient présentées comme étant des hommes politiques de

Page 14391

1 l'opposition, pour autant qu'ils l'aient été de l'opposition; ils ont

2 parlé en fait au nom du Gouvernement.

3 Question: Si l'on voit maintenant les notes se trouvant à l'intercalaire:

4 M. Tapuskovic en a parlé, il a parlé de la question en attirant

5 l'attention sur la page 34 de vos notes?

6 Réponse: Oui.

7 Question: On voit que le début de cette réunion commence par "Ministère

8 des Affaires étrangères. Il semble vouloir rejeter la responsabilité sur

9 l'armée"?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Vous souvenez-vous de l'homme qui a essayé de rejeter la

12 responsabilité sur l'armée?

13 Réponse: Vous parlez de l'un ou l'autre de ces deux hommes?

14 Question: Oui. Si vous ne savez pas, peu importe.

15 Réponse: Il faudrait que je fasse des suppositions, je ne m'en souviens

16 pas exactement. C'est seulement à la fin de l'interview que j'ai obtenu

17 leurs noms et je constate maintenant ici -mon écriture est très mauvaise-,

18 je vois qu'ici, j'ai indiqué qu'effectivement ces hommes se sont

19 présentés, l'un comme étant le Président du Parti démocratique, et l'autre

20 le vice-président. Donc ils se sont présentés.

21 Question: Merci beaucoup. Et en dépit de cela, ils ont fait des remarques

22 qui revenaient à rejeter la responsabilité des événements sur une autre

23 institution, un autre organisme?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Merci beaucoup.

Page 14392

1 Réponse: En général, cette conversation avec ces deux messieurs a été

2 moins radicale que ce n'était le cas dans d'autres interviews; c'était le

3 cas en général avec le ministère des Affaires étrangères.

4 M. Nice (interprétation): Merci, j'ai terminé.

5 M. Milosevic (interprétation): J'ai une objection à faire qui n'est pas

6 dirigée contre le témoin, mais contre le lien inacceptable que vient

7 d'établir M. Nice dans la question qu'il a posée au témoin au sujet des

8 crimes de guerre et de la lettre de mon chef de cabinet. Donc c'est une

9 objection. Puis-je la formuler?

10 M. le Président (interprétation): Très rapidement, Monsieur Milosevic.

11 M. Milosevic (interprétation): Cela ne prendra pas plus d'une minute.

12 Monsieur Nice a établi un lien entre la constatation que la Yougoslavie

13 avait refusé de remettre trois officiers à ce Tribunal et le point 2 de la

14 lettre de mon chef de cabinet où on lit: "Le Président de la République de

15 Serbie a demandé aux organes compétents de la République de Serbie

16 d'enquêter au sujet des exactions évoquées dans votre lettre et, au cas où

17 un quelconque citoyen de la République de Serbie aurait participé à ces

18 crimes, il sera traduit en justice". (Fin de citation.)

19 Donc, dans la question de M. Nice, il est implicite que cette personne

20 serait jugée en Yougoslavie en fonction du Code pénal yougoslave, en tant

21 que citoyen yougoslave, et au cas où il aurait commis un crime; ce qui n'a

22 rien à voir avec notre situation devant ce Tribunal illégal. Et bien sûr,

23 je n'ai accepté l'extradition de personne. Ce sont, en effet, deux

24 situations complètement différentes et il est de mon devoir, en vertu de

25 la Constitution et de mes obligations internationales, de déclarer la

Page 14393

1 nature illégale de ce Tribunal qui n'a pas été créé par…

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, il ne sert à rien de

3 nous parler de vos allégations selon lesquelles ce Tribunal est illégal.

4 Nous avons déjà rendu notre décision sur ce point, il y a des siècles.

5 Madame Laber, ceci met un terme à votre déposition. Merci d'être venue

6 devant le Tribunal international. Vous pouvez maintenant vous retirer.

7 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, encore un point. Bien

8 sûr, c'est la première phrase du premier paragraphe numéroté de la lettre

9 que j'avais à l'esprit lorsque j'ai posé la question, et pas le deuxième.

10 Le témoin suivant sera entendu par Mme Uertz-Retzlaff après la pause.

11 J'aimerais indiquer ce qui suit. J'ai hésité au maximum à interrompre le

12 contre-interrogatoire de ce témoin.

13 Nous allons en temps utile examiner les problèmes de calendrier.

14 L'accusation s'intéresse toujours bien entendu à la course du temps et la

15 durée de nos questions supplémentaires est souvent limitée par celles du

16 contre-interrogatoire de l'accusé.

17 J'inviterai la Chambre, en temps utile, à se pencher avec le plus grand

18 soin sur la façon dont l'accusé utilise le temps de son contre-

19 interrogatoire pour en faire un exemple de mauvaise utilisation du temps.

20 M. le Président (interprétation): L'accusé a le droit de contre-

21 interroger, il doit être défendu; c'est lui qui mène sa propre défense.

22 Mais, par ailleurs, bien sûr, nous pensons au temps et nous pensons que

23 c'est une question tout à fait pertinente. Il faut contrôler le temps,

24 c'est ce que fera la Chambre de première instance, mais nous nous prenons

25 note de ce que vous venez de dire au sujet du temps. Nous en reparlerons

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1 la semaine prochaine, je suppose.

2 M. Nice (interprétation): (Hors micro.) Je demande un huis clos partiel.

3 M. le Président (interprétation): Très bien.

4 Ah! Excusez-moi, Madame Laber. Vous devriez déjà être partie depuis

5 longtemps. Nous avons des questions administratives à traiter.

6 Huis clos partiel, je vous prie.

7 (Le témoin, Mme Jeri Laber, est reconduit hors du prétoire.)

8 (Huis clos partiel à 10 heures 37.)

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25 (L'audience, suspendue à 10 heures 40, est reprise à 11 heures 05.)

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1 (Audience publique.)

2 (Le témoin, M. Petar Poljanic, est déjà dans le prétoire.)

3 M. le Président (interprétation): Je vais demander au témoin de donner

4 lecture de la déclaration solennelle.

5 M. Poljanic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

6 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

7 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur. Veuillez

8 vous asseoir.

9 Madame Uertz-Retzlaff, vous avez la parole.

10 (Interrogatoire principal du témoin, M. Petar Poljanic, par Mme Uertz-

11 Retzlaff.)

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

13 Monsieur le Témoin, veuillez nous donner votre nom, votre lieu et date de

14 naissance.

15 M. Poljanic (interprétation): Je m'appelle Petar Poljanic. Je suis né à

16 Trstenik, à Peljesac, le 23 décembre 1939, en Croatie.

17 Question: Etes-vous citoyen croate?

18 Réponse: Je suis ingénieur diplômé en agronomie.

19 Question: Pendant la guerre, est-ce que vous avez été le maire de

20 Dubrovnik?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Au moment de votre élection à la fonction de maire, est-ce que

23 vous étiez membre d'un parti politique quelconque? A cette époque-là ou

24 pendant la pendant la guerre?

25 Réponse: Non. Aux premières élections démocratiques, j'avais été candidat

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1 sans pour autant appartenir à quelque parti que ce soit; j'étais placé sur

2 la liste du HDZ.

3 Question: Combien d'habitants y avait-il avant la guerre, de façon

4 approximative, dans la municipalité de Dubrovnik?

5 Réponse: Je ne sais pas vous dire le nombre exact, mais à peu près 73.000

6 et des poussières.

7 Question: Et combien y avait-il de personnes qui habitaient dans la ville

8 même de Dubrovnik?

9 Réponse: 38.000 sur les 73.000 que j'ai mentionnées tout à l'heure.

10 Question: Et quelle était la composition ethnique de cette population, que

11 ce soit dans la municipalité ou dans la ville de Dubrovnik?

12 Réponse: Il y a eu à peu près 88% de Croates, 5,8% de Serbes, 4 virgule

13 quelque chose de Musulmans et 1% pour les autres confondus.

14 Je crois que ça fait un total de cent pour cent.

15 Question: Le système pluripartite a été mis en place. Est-ce qu'après

16 cela, on a fondé un parti, le parti du SDS à Dubrovnik?

17 Réponse: Oui, ça a été créé, mais pas tout de suite. Les élections ont eu

18 lieu au mois de mai de l'année 1990, alors que le SDS a été créé au début

19 du printemps 1991.

20 Question: Quel a été l'objectif politique du SDS par rapport à Dubrovnik?

21 Etes-vous en mesure de le dire? Quel était le thème principal de cet

22 objectif politique?

23 Réponse: Voyez-vous, à proximité immédiate de Dubrovnik se trouve la ville

24 de Trebinje. C'est là que le parti du SDS s'était trouvé très fort.

25 Certaines personnes originaires de Dubrovnik étaient en corrélation avec

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1 ce parti-là. Toutefois, à Dubrovnik même, il y avait des membres, disons

2 des membres qui étaient malveillants à l'égard de la Croatie à l'époque,

3 mais le Président du SDS de Dubrovnik a été élu et je crois que c'était

4 une personne très normale, pas malicieuse du tout à la différence de

5 certains autres.

6 Question: Vous dites "malveillants" dans la réponse précédente: vous

7 voulez dire quoi exactement?

8 Réponse: Ecoutez, à l'époque, on avait commencé à sentir le temps qui

9 arrivait. On voyait arriver la démocratie et on sentait que la Croatie ne

10 serait plus placée dans la position qui avait été la sienne jusque-là. Et

11 il s'était avéré normal que de voir des personnes exprimer leur

12 enthousiasme pour ces raisons-là. Et d'autre part, on a pu voir des

13 réflexions de leur part -quand je dis "de leur part", de la part des

14 Serbes- disant qu'ils n'allaient pas se mettre au service des autorités

15 nouvelles. La police, quant à elle, au moment où les uniformes de la

16 police devaient comporter des insignes croates, ceux qui étaient membres

17 de ce groupe ethnique serbe –et ils étaient assez nombreux- ne voulaient

18 pas accepter ces insignes nouveaux. Et il y a eu des situations, des

19 provocations, des excès, des chansons exprimant l'espoir de ne voir rien

20 survenir au niveau de cette Croatie nouvelle. C'est à peu près dans cette

21 ambiance-là que les choses s'étaient passées.

22 Question: Est-ce qu'il y a eu de la discrimination à l'égard des Serbes à

23 Dubrovnik? Par exemple, est-ce que les Serbes ont été limogés, est-ce

24 qu'ils ont perdu leur emploi?

25 Réponse: Non. Il y a eu des licenciements au niveau de la police, et ceci

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1 parce que certains ne voulaient pas accepter les insignes que j'ai

2 mentionnés tout à l'heure. Il n'y a pas eu d'autres licenciements des

3 postes de travail; s'il y en a eu, je ne le sais pas. Et toujours est-il,

4 s'il y en a eu, peut-être en raison d'infractions au règlement régissant

5 le travail, mais ce n'était pas parce qu'on était Serbe qu'on était

6 licencié.

7 Question: Est-ce que les Serbes ont conservé des fonctions qu'ils auraient

8 eues au sein du gouvernement de la municipalité ou à l'intérieur des

9 institutions publiques avant la guerre?

10 Réponse: En gros, oui.

11 Question: Est-ce qu'en dépit de cela, les médias serbes et monténégrins

12 ont présenté la situation des Serbes à Dubrovnik comme une situation dans

13 laquelle ils se trouvaient en péril? Etes-vous au courant de cela?

14 Réponse: Oui, de façon très intense.

15 Question: Est-ce qu'on a fait rapport de destruction de foyers serbes à

16 Dubrovnik? Et si ça a été le cas, que s'est-il passé dans les faits?

17 Réponse: Oui, il y a eu des rapports de cette nature. Je me souviens d'un

18 titre… Je ne me rappelle plus le journal publié à Belgrade dont il

19 s'agissait. Je ne sais plus si c'était "Politika" ou "Politika Ekspres";

20 je ne m'en souviens vraiment plus. Mais le titre disait: "Poljanic –donc

21 moi- a détruit 400 maisons serbes à Dubrovnik". Je n'en ai détruit aucune.

22 Mais il était question d'une chose, à savoir du fait que, lorsque nous

23 sommes arrivés en 1990 au pouvoir à Dubrovnik, nous avons hérité d'un

24 fait, à savoir que dans la municipalité de Dubrovnik, il y avait quelque

25 7.000 maisons construites de façon illégale. Et parmi ces maisons

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1 illégalement construites, certaines personnes avaient fait l'objet de

2 décision de destruction de ces maisons construites sans permis de

3 construire. Et les décisions étaient entrées en vigueur sur le plan

4 juridique. Et je dirai que certaines de ces décisions ont été héritées,

5 certaines décisions ont été adoptées par nos soins. Et à l'époque donc, il

6 a été détruit 60 constructions; je dis délibérément "constructions" parce

7 qu'il y avait eu des poulaillers, des maisons d'habitation et ce n'était

8 pas pour la totalité des maisons qui ont été détruites.

9 Question: S'agissant de ces installations, est-ce qu'elles étaient la

10 propriété de Serbes uniquement ou est-ce que ce n'était pas toujours le

11 cas?

12 Réponse: Eh bien, justement, c'est de cela qu'il s'agit: ces constructions

13 n'appartenaient pas qu'aux Serbes; cela appartenait à des Croates, à des

14 Musulmans et à des Serbes. Il est tout à fait certain qu'il en a été ainsi

15 et pas autrement. Il s'agissait donc de savoir si ces constructions

16 pouvaient être légalisées ou pas. Celles qui ne pouvaient pas être

17 légalisées, et rien qu'une petite partie de ces maisons ou constructions

18 sans permis de construire, ont été détruites.

19 Question: Au cours de l'été 1991, est-ce qu'il y a eu un rassemblement qui

20 a été organisé à la frontière entre la Bosnie et la Croatie?

21 Réponse: Oui, il y a eu un rassemblement. Mais je ne pense pas que cela se

22 soit passé en été. Je crois que c'était au printemps. Je pense même qu'il

23 s'agissait du mois d'avril, cela a été organisé à Ivanica.

24 Question: Veillez à ne répondre qu'aux questions que je vous pose et y

25 répondre de façon concise, Monsieur le Témoin. Nous pourrons ainsi avancer

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1 plus vite.

2 Réponse: Cela s'est tenu donc à Ivanica.

3 Question: Et qui a organisé ce rassemblement et quelles sont les personnes

4 qui y ont assisté?

5 Réponse: Ce meeting, ce rassemblement a été organisé par les soins du SDS

6 de Trebinje. Cependant, d'autres partis ont pris part à ce rassemblement;

7 on a vu le Parti populaire du Monténégro se présenter. Il y a eu des

8 représentants du SDS originaires, me semble-t-il, de Knin. Je ne saurais

9 trop l'affirmer, mais il me semble qu'ils étaient là aussi. Et puis il y

10 avait des représentants des autres partis serbes.

11 Il me faut ouvrir une petite parenthèse à ce sujet. Dans la déclaration

12 préalable que j'ai faite et que j'ai feuilletée hier, j'ai remarqué une

13 erreur qui s'est glissée dans le texte. Voilà de quoi il s'agit: le SDS,

14 ça veut dire Parti démocratique serbe; mais, en même temps, SDS, c'est

15 aussi l'abréviation du service de sûreté d'état. Et lorsque je me suis

16 entretenu avec l'enquêteur à Dubrovnik, ces gens-là ont été rangés par

17 l'enquêteur dans les rangs du Parti. Cela n'a rien à voir l'un avec

18 l'autre et cela n'a rien à voir avec l'un avec l'autre; et je voudrais que

19 se soit rectifié.

20 Question: Monsieur le Témoin, il n'est pas nécessaire d'aborder tous les

21 détails, pas nécessaire de savoir qui était un adhérent ou membre du SDS.

22 Je voulais simplement dire ceci: lorsque vous avez examiné votre

23 déclaration préalable vous avez constaté qu'il y avait une erreur dans un

24 passage où il y a une confusion entre le service de police et le parti du

25 SDS. Donc c'est la correction que vous voulez apporter?

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1 (Signe affirmatif du témoin.)

2 Il ne faut pas aborder ce degré de détail.

3 Réponse: Je suis d'accord.

4 Question: Pour ce qui est de ce rassemblement, quel a été le message

5 principal qui a été transmis à cette occasion?

6 Réponse: Eh bien, le message -comme tous les autres messages qui étaient

7 diffusés à l'époque- disait… Et je dirai qu'au printemps 1990, les

8 préparatifs s'étaient intensifiés pour tout ce qui allait survenir par la

9 suite. Donc toutes les interventions, tous les discours prononcés à ce

10 rassemblement -et vous avez cela sur les enregistrements- ont eu cette

11 même intonation de ce même style: c'était assez agressif à l'égard de la

12 partie croate, assez agressif par rapport à la démocratie naissante en

13 Croatie et par rapport au fait que la Croatie n'allait plus être dans

14 cette position qui avait été la sienne. Donc c'était une prédominance de

15 questions afférentes à la protection des droits des Serbes, notamment dans

16 la région de Dubrovnik. Mais, moi, je ne comprends toujours pas ce qu'il y

17 avait à défendre.

18 Question: Au moment où s'est fait ce rassemblement et au cours de la

19 période qui a précédé la guerre, est-ce qu'il y avait un quelconque danger

20 s'agissant de la position occupée par les Serbes à Dubrovnik s'agissant

21 des droits de la population serbe à Dubrovnik?

22 Réponse: Je ne suis au courant d'aucun cas de ce genre.

23 Question: Est-ce que la population croate ou les autorités croates

24 constituaient une menace pour la JNA dans la région à l'époque?

25 Réponse: Non.

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1 Question: Est-ce qu'à l'époque, les autorités croates ont déployé des

2 forces de l'armée ou des forces spéciales de la police dans la région de

3 Dubrovnik en direction de la Bosnie-Herzégovine ou du Monténégro?

4 Réponse: Pour autant que je le sache, dans cette période estivale à

5 Konavle -et c'est précisément la partie septentrionale de la Croatie-, il

6 y avait quatre policiers; et à Cilipi, il a été organisé un bataillon du

7 rassemblement de la garde nationale, une compagnie. Cette compagnie a été

8 mise en place au mois d'août de cette année. Ces gens-là se trouvaient là

9 entre le mois de juin et le mois d'août, mais pas au-delà de l'année 1991.

10 Question: Vous avez mentionné quelques policiers: est-ce que ces policiers

11 ou quelqu'un d'autre de la région ont attaqué le Monténégro ou ont, en

12 fait, pilonné ou tiré sur une partie du territoire du Monténégro? Etes-

13 vous au courant de cela?

14 Réponse: Non, il est tout à fait certain que non.

15 Question: Est-ce que, par ailleurs, des troupes de la JNA ont tiré sur la

16 municipalité de Dubrovnik, ont pilonné cette municipalité à partir de la

17 Bosnie ou du Monténégro?

18 Réponse: Il y a eu des provocations, à savoir des coups de feu de tirés

19 dès le mois de septembre. Ils ont ouvert le feu le 10, 12 septembre, et

20 ce, en provenance d'une colline appelée Kobila; c'est la colline qui

21 sépare la Croatie et le Monténégro. La partie est appartient au Monténégro

22 et la moitié ouest appartient à la Croatie à Konavle. Et c'est de cette

23 colline-là que l'on avait souvent tiré en direction de la population de

24 Konavle. Une fois, j'ai été personnellement présent lorsque cela est

25 arrivé dans une localité appelée Vitalina, au niveau d'une auberge de

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1 village très typique. C'est le village le plus au sud de cette

2 municipalité de Konavle.

3 Question: Vous parlez du mois de septembre. Septembre 1991?

4 Réponse: Oui, oui 1991.

5 Question: Vous avez parlé du rassemblent, à cet égard j'aimerais savoir si

6 au cours de celui-ci et par la suite on a parlé d'une République de

7 Dubrovnik. Etes-vous au courant de cela?

8 Réponse: Je ne sais pas s'il avait été question de la chose à ce

9 rassemblement dès le mois d'avril. Je ne puis le confirmer. Il s'agirait

10 de réécouter l'enregistrement. Donc je ne peux pas vous confirmer s'il en

11 était question dès ce moment-là, mais, après l'arrivée de cette armée

12 serbo-monténégrine et après la prise de Konavle par cette armée, ce projet

13 qui était le leur de mettre en place une République de Dubrovnik avait

14 gagné en intensité. Ils avaient créé un comité pour la restauration de la

15 République de Dubrovnik. Et à la tête de ce comité, il y avait un certain

16 Aco Apolonjo qui avait été, de longues années durant, procureur public à

17 Dubrovnik.

18 Et pour au autant que je le sache, dans ce comité, il y avait huit

19 personnes. Ils ont tenu plusieurs réunions à Cavtat, mais tout cela n'a

20 rien donné du tout. Ils n'ont pas réussi j'entends par là.

21 Question: Qu'est-ce que cette République de Dubrovnik était censée

22 signifier? Que comprenait-on sous cette appellation de "République de

23 Dubrovnik"?

24 Réponse: République de Dubrovnik avait existé à l'époque. Elle a cessé

25 d'exister en 1806, 1808 et, depuis lors, elle n'existe plus. Elle

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1 s'étirait de la frontière de Neum jusqu'à Sutoline. Et cette République de

2 Dubrovnik nouvellement mise en place, d'après eux, devait prendre appui

3 sur ce qui se trouvait aux arrières de la République; et, dans ce cas

4 concret, cela était censé être la Grande Serbie.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vais demander l'aide de l'huissier

6 pour montrer au témoin l'intercalaire 1 du classeur consacré à la

7 déposition de ce témoin.

8 (Intervention de l'huissier.)

9 M. le Président (interprétation): Nous allons donner une cote pour la

10 totalité du classeur.

11 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation 361.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, vous le

13 constatez, il s'agit ici d'un tract en faveur du Mouvement pour la

14 République de Dubrovnik. On parle ici de la restauration d'une République

15 de Dubrovnik démilitarisée et démocratique. Dans l'en-tête, il est fait

16 référence à toutes les zones et de toutes les régions de l'ex-Yougoslavie.

17 Est-ce que vous étiez au courant de l'existence de ce document, de ce

18 mouvement, et savez-vous quelle est la personnalité qui se cache derrière

19 ce mouvement?

20 M. Poljanic (interprétation): Oui, j'étais au courant de ce mouvement.

21 J'avais, à l'époque, en mains ce document. Et il en a été ainsi,

22 effectivement. Et derrière ce document, il y avait ce comité pour la

23 restauration de la République de Dubrovnik. A la tête du comité, il y

24 avait ce Aco Apolonjo; certains disent qu'il est encore en vie, certains

25 disent que non, je n'en sais rien.

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1 Question: Les personnes qui faisaient partie de ce mouvement en faveur de

2 la République de Dubrovnik, est-ce que c'étaient des Serbes ou est-ce que

3 s'y trouvaient représentées toutes sortes d'appartenances ethniques? Etes-

4 vous en mesure de le dire? Est-ce qu'ils avaient un rapport avec le SDS?

5 Réponse: C'étaient essentiellement des Serbes. De là à savoir quels

6 étaient leurs liens avec le parti du SDS, je ne puis le confirmer.

7 C'étaient, en tout cas, des Serbes. Il y avait un Croate parmi eux;

8 cependant, ce Croate avait un comportement, pour le moins qu'on puisse

9 dire, étrange. Voilà, ce serait tout.

10 Question: Vous avez déjà déclaré que la République de Dubrovnik serait

11 également à l'extérieur de la République de Croatie et serait une partie

12 de la nouvelle Serbie. Etait-ce là l'idée propagée par ce mouvement?

13 Réponse: Oui. Et il n'y a que cela.

14 Question: Monsieur le Témoin, avant que la guerre n'éclate, avez-vous

15 essayé d'établir des contacts avec la JNA pour éviter cette guerre?

16 Réponse: Oui, à plusieurs reprises. Et pas moi seul; il y avait le chef du

17 gouvernement municipal, M. Sikic, à l'époque. Nous voulions, à plusieurs

18 reprises, établir des contacts et nous avons établi le contact. Je tiens à

19 préciser que, dans ce malheur, il y a eu des circonstances heureuses.

20 Le commandant du secteur militaire de Boka, de la baie de Boka, c'était un

21 homme qui, malheureusement, est décédé depuis. Il s'appelait Krsto

22 Djurovic. A l'époque, il était capitaine de vaisseau militaire et, à titre

23 posthume, il a été promu au grade d'amiral. De par ses fonctions, il avait

24 été membre de ce conseil chargé de la Défense nationale de la municipalité

25 de Dubrovnik; nous nous sommes souvent entretenus au sujet de ses

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1 problèmes. Et une fois, à Kupari, nous avons été à des conversations, à

2 des pourparlers, notre délégation et il y avait la leur. La deuxième fois,

3 cela s'est fait à Herceg Novi. Mais je crois que les choses sont allées

4 trop loin et il était trop tard pour faire quoi que ce soit.

5 Question: A quel moment avez-vous rendu visite au général Djurovic à

6 Herceg Novi?

7 Réponse: Je suis allé le 15 ou peut-être le 16 septembre. Je ne saurais

8 vous le dire pour sûr, mais c'était certainement l'une de ces deux

9 journées. Et nous nous sommes entretenus dans la maison de l'armée.

10 Question: Au moment où vous vous rendiez à Herceg Novi, en route et près

11 du centre de l'armée, est-ce que vous avez vu des soldats de la JNA ou

12 d'autres éléments militaires se rassembler?

13 Réponse: J'ai vu beaucoup de soldats. C'étaient, pour l'essentiel, des

14 réservistes; on pouvait le voir à leur âge, à leurs vêtements à l'aspect

15 soigné. C'étaient essentiellement des réservistes et ils s'étaient

16 répartis à plusieurs postes. Ces fortifications militaires avaient déjà

17 été mises en place; on sentait, dès lors, que la guerre était sur le point

18 d'éclater.

19 Question: Est-ce que vous avez discuté de la situation avec l'amiral

20 Djurovic? Est-ce que vous avez, en particulier, parlé de la présence de

21 ces soldats du côté monténégrin?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Et que vous a-t-il dit à propos de la raison pour laquelle il y

24 avait cette présence de ces troupes?

25 Réponse: Eh bien, il se trouvait être d'une humeur particulière. Il m'a

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1 dit qu'il se trouvait là-bas uniquement pour se défendre. Nous n'étions

2 pas seuls, hélas; il y avait un homme qui ne disait rien, qui était là

3 pour écouter et probablement pour enregistrer ce que nous disions. J'ai vu

4 que M. Djurovic ne pouvait pas me dire le fond de sa pensée.

5 Question: Pour se défendre contre qui? L'a-t-il dit? En a-t-il parlé?

6 Réponse: Oui. Oui, oui. Je lui ai posé la question et il m'a dit qu'il

7 avait des informations aux termes desquelles, de notre côté à nous, il y

8 avait un grand nombre de soldats avec Dieu sait quelles intentions de

9 conquête de la Baie de Kotor, du Monténégro. Et tout cela paraissait

10 ridicule. Ils devaient le penser également, mais j'avais l'impression

11 qu'il était censé proférer ces propos.

12 Question: Vous lui avez dit que ce n'était pas exact, qu'il n'y avait pas

13 de troubles du côté croate?

14 Réponse: Je lui ai dit la chose. Et à ce moment, cet homme, qui avait

15 écouté jusque là, s'est mêlé à la conversation et a affirmé qu'à l'église

16 de Sainte-Anne à Brdati, il y avait un nid d'Oustachis qu'eux voulaient

17 détruire à tout prix. Je l'ai laissé parler et, quand il a terminé, je lui

18 ai dit: "Ecoutez, Monsieur, à l'église de Sainte-Anne à Brdati, il n'y a

19 pas de clocher". Et il s'est tu, il n'a pas démenti donc qu'il n'y avait

20 ni clocher, de quelque nature que ce soit.

21 Question: Est-ce que l'amiral Djurovic a fait des promesses quelles

22 qu'elles soient? Est-ce qu'il vous a fait des promesses?

23 Réponse: L'amiral Djurovic, de façon évidente, attendait une opportunité

24 propice pour prononcer une phrase. Et à la fin, lorsqu'il a pensé que

25 personne ne pouvait l'entendre, sauf moi, il m'a dit que tant qu'il serait

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1 commandant des unités de Boka, je pouvais être sûr qu'aucun obus n'allait

2 tomber sur Dubrovnik.

3 Question: Est-ce que l'amiral Djurovic a été remplacé?

4 Réponse: Quelques jours plus tard, il a été placé dans une sorte de

5 détention provisoire. Puis il a été relâché. Il a exercé ses fonctions

6 pendant deux ou trois jours encore et il a perdu la vie. La partie adverse

7 a affirmé que c'étaient nous qui l'avions abattu, mais il m'apparaissait

8 clairement certain qu'il n'y avait pas de soldat à nous là-bas. Et j'ai

9 compris que c'était l'une de leurs combines à eux, pour apprendre par la

10 suite avec certitude que c'étaient eux qui l'avaient abattu. J'ai appris

11 cela bien plus tard.

12 Question: Et comment l'avez-vous appris? Qu'avez-vous appris plus

13 exactement s'agissant de cet assassinat? Dites-le en quelques mots.

14 Réponse: Cela m'a été relaté par un homme qui était de leur côté à eux. Et

15 c'est lui qui l'avait transporté en hélicoptère jusqu'à la voiture. Il se

16 mourait. Il était encore vivant, mais il était sans conscience et il se

17 mourait; il m'a raconté les détails de ce cas. Voilà ce serait tout.

18 Question: Et d'après ces informations, "ils l'ont tué", dites-vous: mais

19 c'est qui "ils"?

20 Réponse: J'entends par là l'armée serbo-monténégrine.

21 Question: Qui l'a remplacé? Quel est l'homme qui a eu ses responsabilités

22 après la mort de l'amiral?

23 Réponse: Il est venu l'amiral Jokic.

24 Question: Savez-vous à quel moment l'amiral est devenu le commandant?

25 Réponse: Ecoutez, pour autant que je le sache, la date du décès de

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1 Djurovic était le 4 octobre; donc je pense que l'amiral Jokic est arrivé

2 le 4 ou le 5 octobre. Je ne saurais l'affirmer avec certitude. Mais je

3 l'ai rencontré, pour ma part, lorsqu'il était à ce poste, je l'ai

4 rencontré le 11 octobre.

5 M. Kwon (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, j'aimerais avoir un

6 complément de détails s'agissant de l'incident relaté par cette tierce

7 personne.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous l'avez entendu, vous avez

9 entendu la question par M. le Juge; il voudrait en savoir plus long sur

10 les circonstances de l'assassinat de l'amiral Djurovic. Qui l'a tué?

11 M. Poljanic (interprétation): A vrai dire, je ne sais pas vous dire, je

12 suis en train de transmettre les propos d'un homme qui s'était trouvé là-

13 bas au moment où l'hélicoptère a atterri. L'hélicoptère n'est pas tombé.

14 Il faut entendre que l'hélicoptère s'était posé d'une façon assez étrange;

15 mais, selon le récit de cet homme-là, c'est ainsi que cela s'est passé.

16 Cela ne s'est pas passé au village de Popovici au niveau de Kobila, comme

17 cela a été publié, mais cela s'est passé à quelque 150 mètres des serres

18 de Vukobrat, toujours à Kobila.

19 Question: D'après ce qui vous a été dit, est-ce que l'hélicoptère a été

20 abattu?

21 Réponse: D'après les propos de cet homme-là, l'hélicoptère avait volé

22 d'une façon étrange, mais il n'a pas entendu qui que ce soit tirer en

23 direction de l'hélicoptère.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Dans quelles circonstances, M.

25 Djurovic… Comment est-il mort?

Page 14411

1 M. Poljanic (interprétation): Eh bien, lorsque cet homme-là avait couru

2 jusqu'à l'hélicoptère, Djurovic se trouvait à l'extérieur de l'hélicoptère

3 et se mourait.

4 M. le Président (interprétation): Essayez, Monsieur le Témoin, de vous

5 concentrer sur la question qui vous est posée. Si vous ne savez pas de

6 quelle façon il est mort, dites-le tout simplement. Cependant, si vous le

7 savez, essayez de nous le dire de façon concise comment il a trouvé la

8 mort.

9 M. Poljanic (interprétation): Je ne sais pas de quelle façon il a été tué,

10 mais je sais en tout état de cause qu'il est décédé. De là à savoir qui

11 l'avait tué, je ne sais pas. Il se peut qu'il se soit tué lui-même, qu'il

12 se soit suicidé, mais je ne le sais pas.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avant que la guerre n'éclate est-ce

14 que vous vous êtes rendu à Trebinje pour rencontrer Bozidar Vucurevic?

15 Réponse: Oui.

16 Question: A quel moment êtes-vous allé à Trebinje?

17 Réponse: Cela s'est passé vers ces jours-là, deux ou trois jours plus

18 tard. Je suis allé à Trebinje…

19 Question: Après quoi "plus tard"? Vous dites: "Deux ou trois jours plus

20 tard". Quand êtes-vous allé à Trebinje?

21 Réponse: Après l'événement que je vous ai relaté, la conversation que j'ai

22 eue avec M. Djurovic à Herceg-Novi, à ce moment, il était encore vivant

23 bien sûr; cela a dû se passer le 17, le 18 septembre. C'est là que je suis

24 parti m'entretenir avec M. Vucurevic à Trebinje. Nos informations disaient

25 qu'à Trebinje, il y avait une forte concentration, une très forte

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1 concentration de l'armée. Et à côté de la route allant de Trebinje vers la

2 frontière croate, il y avait beaucoup de soldats également. Tout était

3 prêt pour l'attaque. Je suis donc allé m'entretenir avec lui pour voir

4 tout simplement ce qu'il en était.

5 Question: Avez-vous vu ces concentrations de troupes lorsque vous êtes

6 allé à Trebinje?

7 Réponse: Je l'ai vu chemin faisant vers Trebinje et à Trebinje même.

8 Question: Quelle est la distance séparant Trebinje de Dubrovnik,

9 approximativement?

10 Réponse: Vingt-sept kilomètres en suivant la route; à vol d'oiseau, ça

11 fait beaucoup moins.

12 Question: C'est en Bosnie-Herzégovine?

13 Réponse: Oui, c'est en Bosnie-Herzégovine.

14 Question: Il y avait une garnison, une caserne?

15 Réponse: Oui, il y en avait une.

16 Question: Et quel type d'installation militaire était-ce? Est-ce que

17 c'était un cantonnement de corps d'armée ou autre chose?

18 Réponse: C'était de l'infanterie. Mais, pour être sincère, je n'y connais

19 rien en corps d'armée, brigade et le reste. Je sais qu'il y avait en tout

20 et pour tout quelque 6.000 soldats de concentrés dans la caserne à

21 l'époque qui a précédé l'attaque contre Dubrovnik. Et autour, il y en

22 avait bien plus.

23 Maintenant, de là à vous dire si c'était une brigade ou un corps d'armée,

24 je ne le sais vraiment pas.

25 Question: D'où tenez-vous cette information selon laquelle il y avait

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1 présence de 6.000 soldats? Comment avez-vous appris ce chiffre?

2 Réponse: Le commandant de la caserne à Trebinje était un certain M. Nojko

3 Marinovic, à l'époque le lieutenant-colonel de la JNA, un Croate

4 originaire des environs de Benkovac. Nous avions disposé de certaines

5 informations concernant ce qui se passait à Trebinje.

6 Question: Le lieutenant-colonel Marinovic, est-ce que, plus tard, il est

7 devenu commandant de la défense croate de Dubrovnik? Et si c'est le cas, à

8 quel moment l'est-il devenu?

9 Réponse: Oui, il est passé de notre côté à Dubrovnik et, dès qu'il est

10 passé -cela s'est passé vers le 18 ou le 19 septembre de l'année 1991-, il

11 s'est mis à la tête de la défense de Dubrovnik.

12 Question: Vous avez mentionné M. Vucurevic: quelle était sa fonction à

13 l'époque? Qui était-il?

14 Réponse: Il était président de l'assemblée municipale de Trebinje.

15 Question: Est-ce qu'il était membre du SDS?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Avait-il un avis politique particulier s'agissant de Dubrovnik?

18 Est-ce qu'il a dit quelque chose en particulier? Vous a-t-il dit quoi que

19 ce soit?

20 Réponse: Eh bien, dans cette conversation que nous avons eue, je dois

21 admettre qu'il n'avait exprimé aucune prétention à l'égard du territoire

22 de la municipalité de Dubrovnik. Bien entendu, je lui ai parlé de la

23 situation que j'avais constatée le long de la route. J'avais vu cette

24 concentration de soldats et je lui avais dit que j'étais très étonné parce

25 que nous n'avions aucune sorte d'ambition et aucune possibilité de faire

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1 la guerre pour nous emparer de quelque territoire que ce soit. Mais, dans

2 l'éventualité d'événements sur notre municipalité, j'avais dit que nous

3 allions défendre notre territoire.

4 Il m'a dit littéralement qu'ils étaient intéressés par quelques bouts de

5 territoire un peu plus au sud. Il n'avait pas exprimé de prétention autre

6 pendant cette conversation qui a, somme toute, duré deux ou trois heures.

7 Nous nous sommes promenés ensemble dans Trebinje pour que les gens

8 présents voient bien que nous n'avions pas d'intention inamicale, du moins

9 pour ce qui me concernait.

10 Question: "Un peu plus au sud": est-ce que ceci fait référence à une

11 partie de la Croatie?

12 Réponse: Absolument, une partie de la Croatie. Oui, cela pouvait avoir

13 trait à Konavli parce que Konavli, c'est la partie tout au sud de la

14 Croatie. Quelle partie de Konavli et quelles étaient les réflexions qu'il

15 se faisait, je ne saurais vous le dire. Je n'ai fait que reprendre le bout

16 de phrase qu'il a prononcé.

17 Question: Savez-vous si M. Vucurevic était proche de Radovan Karadzic?

18 Avez-vous des informations, quelles qu'elles soient, à ce propos?

19 Réponse: Ce que je sais, c'est que lui m'a dit au cours de cette

20 conversation, assez souvent: "Radovan m'a dit ceci, Radovan m'a dit cela",

21 et ainsi de suite. Puis il me disait: "Slobo m'a dit, Slobo m'a dit cela".

22 Je m'imagine que, quand il parlait de Radovan, quand il disait Radovan, il

23 avait à l'esprit Radovan Karadzic et, quand il disait Slobo, il avait à

24 l'esprit Slobodan Milosevic.

25 Question: Au cours de cette conversation, de quoi parlait-il lorsqu'il a

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1 prononcé les noms de Radovan Karadzic et de M. Milosevic?

2 Réponse: Dans cette conversation entre lui et moi, il n'y avait rien

3 d'alarmant. J'avais le sentiment qu'au travers de cette conversation, il

4 voulait m'indiquer qu'il était en bons termes avec l'un et avec l'autre.

5 Mais je ne me souviens vraiment pas du contenu des conversations qu'il

6 avait eues avec Karadzic ou Milosevic, ou s'il en a parlé du tout.

7 Question: En dépit de la conversation qu'il a eue avec vous, est-ce que M.

8 Vucurevic a exprimé un avis politique en ce qui concerne la Yougoslavie et

9 Dubrovnik, et à d'autres occasions?

10 Réponse: A d'autres occasions, oui, et même très souvent. Il parlait

11 toujours de la protection des intérêts serbes dans ces régions, dans ces

12 régions qui ne font pas partie de la Serbie, bien entendu.

13 Dans ses réflexions à lui, dans ses agissements, dans son vocabulaire, il

14 était très malveillant et on connaît sa phrase; lorsque la guerre a

15 commencé et lorsque Dubrovnik a connu la catastrophe la plus grande dans

16 toute son histoire, il disait: "Et alors, on reconstruira Dubrovnik plus

17 beau qu'avant et plus récent qu'avant!"

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce qu'un blocus naval a été

19 imposé à la ville de Dubrovnik, à la région de Dubrovnik plus exactement,

20 le 30 septembre 1991? Est-ce que la région a été attaquée le lendemain, le

21 1er octobre?

22 M. Poljanic (interprétation): Oui.

23 M. Kwon (interprétation): Monsieur Poljanic, pourriez-vous nous dire

24 quelle est la raison, ou vous direz peut-être le prétexte, qui vous a été

25 avancée pour justifier les attaques ou l'attaque de la JNA à l'époque?

Page 14416

1 Est-ce qu'on a donné un ultimatum, est-ce qu'on a informé qu'il allait y

2 avoir une attaque?

3 M. Poljanic (interprétation): Avant l'attaque, non.

4 M. Kwon (interprétation): Est-ce que vous avez, en fin de compte, appris

5 quelle était la raison?

6 M. Poljanic (interprétation): Il ne pouvait y avoir qu'une seule raison,

7 une fois de plus. Dubrovnik et la région de Dubrovnik ainsi que Konavli.

8 Etant donné que c'étaient des territoires presque à cent pour cent

9 croates, ils se dirigeaient vers l'occident où ils devaient se situer sur

10 l'axe vers Karlobag, là où devait se situer la frontière imaginaire que

11 l'on avait tracée, quoique cela se trouve à quelque 400 kilomètres au-

12 delà.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Quelle était la nature de

14 l'ultimatum? Nous avons en fait les documents ici même. Je vais arriver à

15 ce sujet dans le cours de l'interrogatoire principal.

16 Quel était l'objectif poursuivi par cette attaque, Monsieur le Témoin?

17 Vous avez mentionné une frontière: quel était l'objectif à long terme de

18 cette attaque?

19 Réponse: Eh bien, voyez-vous, l'objectif de l'attaque en date du 1er

20 octobre, date à laquelle ça a commencé de la façon la plus terrible jusque

21 là. Après, cela a été plus terrible encore, mais l'objectif avait été de

22 nous bloquer complètement, de nous exclure du reste, de nous priver

23 d'électricité, d'eau, de quelque moyen de communication avec le reste du

24 monde que ce soit et tous les émetteurs de télévision étaient détruits. Le

25 poste de transformateur de Komoljac a été détruit, on a détruit les

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1 installations d'approvisionnement en eau potable. Nous sommes restés

2 complètement sans électricité, sans eau, sans ligne téléphonique, sans

3 communication par onde de télévision, sans communications routières et

4 communications maritimes. A ce moment-là, nous étions à coup sûr la plus

5 grande des prisons qu'il y ait pu y avoir au monde.

6 Question: J'avais fait référence à votre citation. Vous aviez dit: "Et en

7 fin de compte, vers Karlobag où leur frontière était censée se trouver."

8 (Fin de citation.)

9 Et je vous ai posé la question suivante; je vous ai demandé: à quoi vous

10 faisiez référence?

11 Réponse: Ce que j'avais à l'esprit, c'est comment voulez-vous qu'il y ait

12 une frontière à Karlobag s'ils ne prenaient pas de force tout le reste

13 jusqu'à Karlobag? Et ce n'est pas par hasard qu'ils ont attaqué à Split, à

14 Dubrovnik, à Sibenik, à Zadar et le reste.

15 Question: Est-ce que cela veut dire que Dubrovnik est la municipalité de

16 Dubrovnik se trouve sur un territoire qui allait devenir une partie de la

17 Serbie, de la Yougoslavie ou de ce cette nouvelle Yougoslavie dont vous

18 avez parlée?

19 Réponse: Eh bien, écoutez, il est certain qu'à Dubrovnik, il y avait des

20 gens qui disaient, qui criaient: "Ce sera la Serbie! Ceci est la Serbie!"

21 Et tout ce qui représentait leurs slogans, leurs chants si réputés.

22 Question: Je vais demander l'aide de l'huissier pour montrer au témoin

23 l'atlas. Il s'agit de la pièce P336 et ce qui nous intéresse, ce sont les

24 pages 36 et 37. Je vais demander à l'huissier qu'il place ces pages sur le

25 rétroprojecteur.

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1 (Intervention de l'huissier.)

2 Veuillez nous indiquer les régions qui furent attaquées et qui furent

3 prises? Nous parlons bien sûr de la municipalité de Dubrovnik.

4 (Le témoin s'exécute.)

5 Réponse: Ici, c'est le point à l'extrême sud de la Croatie, à savoir

6 Prevlaka.

7 Question: Arrêtez-vous, s'il vous plaît. Veuillez nous montrer Prevlaka?

8 Réponse: C'est exactement ici.

9 Question: Pourriez-vous nous montrer la région tout entière qui était

10 attaquée et prise le 1er octobre et les jours suivants?

11 Réponse: Eh bien, en suivant cette ligne-là, voilà la région de Konavli

12 jusqu'à Cavtat compris, jusqu'à Ljuta. Tout cela, c'est Konavli. Puis,

13 vient Zupa Dubrovacka. C'est la région de Dubrovnik, puis la ville de

14 Dubrovnik même, puis de Zaton: c'est le littoral de Dubrovnik qui s'étire

15 jusqu'à la frontière avec la Bosnie-Herzégovine, à Neum, au niveau de

16 Neum. Donc ça, c'est le littoral de Dubrovnik. Ici, on voit Peljesac:

17 cette presqu'île faisait partie de la municipalité de Dubrovnik. Puis, il

18 y a Mljet et les îles ici: Lopud, Sipan et autres.

19 Voilà, c'est ça la municipalité de Dubrovnik; cela allait jusqu'à la

20 localité de Postup sur cette île-ci.

21 Question: Les troupes ont attaqué, ont pris ce territoire de quelle

22 direction? Pourriez-vous nous l'indiquer?

23 Réponse: Oui, je peux le faire, bien sûr. La municipalité de Dubrovnik a

24 été attaquée depuis le sud, en passant par Debeli Brijeg, puis au nord

25 vers Dubravka; donc c'est vers la région de Konavli. Puis ils ont attaqué

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1 en provenance de Trebinje vers Dubrovnik, puis de Popovo Polje en passant

2 par Zavala, en arrivant jusqu'à Slano. C'est ce qui s'est passé vers le 4.

3 Puis, ils ont accédé au littoral de Dubrovnik en passant par Cetikuce et

4 en passant par les différentes collines qui s'y trouvent, mais ils

5 n'étaient pas si nombreux.

6 Ça, c'étaient les axes de l'attaque principaux. Mais le tout s'était

7 accompagné par une intervention de la marine et celle-ci a attaquée,

8 assistée par l'aviation, sans merci.

9 Question: Et quelles troupes étaient-ce? Est-ce que c'étaient les troupes

10 de la JNA, de la TO?

11 Réponse: Ils disaient que c'était la JNA, mais, là aussi, il y avait des

12 insignes variés. Pour autant que je le sache, la JNA avait des étoiles à

13 cinq branches sur leur couvre-chef; à ce moment-là, les insignes étaient

14 très variés. Il n'y avait plus que des étoiles à cinq branches, mais des

15 insignes autres. Comment les désigner? Je ne sais pas si cette armée

16 pouvait encore porter le nom de "Armée populaire yougoslave".

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Il a fallu combien de temps à ces

18 troupes pour s'emparer du territoire que vous venez de nous montrer sur la

19 carte se trouvant sur le rétroprojecteur?

20 M. Poljanic (interprétation): Eh bien, cette attaque intensive a commencé

21 le 1er octobre. Konavli y compris Cavtat ont été prises jusqu'au 12

22 octobre. Le 4 octobre, ils se sont emparés de Slano, puis ils sont allés

23 de Slano vers le sud; et Mravinci, Brsecine, Orasac, Zaton sont tombées

24 l'une après l'autre.

25 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, essayez de vous

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1 concentrer sur la question qui vous a été posée, question par ailleurs

2 simple. On vous a demandé combien de temps il a fallu à ces troupes pour

3 s'emparer de ce territoire. Pourriez-vous nous donner des dates concises

4 et précises?

5 M. Poljanic (interprétation): Pour Konavli, il leur a fallu entre le 1er

6 et le 12 octobre, pour prendre Konavli; pour le littoral de Dubrovnik, que

7 quelques jours de plus. Mais il faut savoir que l'attaque sur le littoral

8 de Dubrovnik a commencé le 4 et pas le 1er. Et Slano est tombée le 4.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Donc il a fallu à peu près 12 jours,

10 c'est bien ça?

11 M. Poljanic (interprétation): Oui.

12 Question: Parlons maintenant des résultats de cette attaque. Les villages

13 croates situés dans cette région que vous venez de nous montrer ont-ils

14 été détruits ou gravement endommagés?

15 Réponse: Dans ce secteur, on ne trouve que des villages croates dont

16 certains ont été totalement détruits, comme c'est le cas par exemple dans

17 le secteur de Konavli, et d'autres détruits partiellement. Mais, en tout

18 cas, c'est à Konavli qu'a eu lieu la plus grande tragédie de l'histoire de

19 cette région. Zvekovica a été détruit à 100%, Gruda également, Cilipi

20 également; donc cela a été, pour Konavli, la plus grande destruction de

21 son histoire.

22 Question: J'aimerais vous soumettre des noms de villages que l'on trouve

23 au paragraphe 81 de l'Acte d'accusation relatif à la Croatie. J'aimerais

24 donc soumettre ces noms de villages et vous nous direz s'ils ont été

25 détruits; et, si oui, dans quelle mesure, mais sans détail.

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1 Qu'en est-il de Brgat?

2 Réponse: J'ai dit, il y a quelques instants, qu'après la libération de

3 Konavli, nous n'avons trouvé que des matériaux de construction, des

4 débris, mais pas un mur debout; 30 ou 40 maisons au total ont été démolies

5 dans ce village. Cilipi a également été détruit complètement.

6 Question: Je voudrais simplement, Monsieur le Témoin, vous soumettre des

7 noms de villages et vous me donnerez vos commentaires pour chacun de ces

8 villages.

9 Commençons par Bulgat; Bulgat a-t-il été détruit?

10 Réponse: Vous voulez dire Brgat, sans doute? Vous pensez à Brgat, c'est

11 bien ça?

12 Question: Oui.

13 Réponse: Brgat a été détruit.

14 Question: Cilipi, vous en avez déjà parlé. Dubravka? Dubravka, c'est un

15 village de Konavli?

16 Réponse: Oui, oui.

17 Question: Gruda?

18 Réponse: Gruda, le plus grand village de Konavli, à part Cavtat, oui. Ce

19 village a terriblement souffert. Disons que ce n'est pas 100% des maisons

20 qui ont été détruites mais 80 %.

21 Question: Mocici?

22 Réponse: Mocici, comme Cilipi.

23 Question: Osojnik?

24 Réponse: Osojnik n'est pas à Konavli. C'est un village qui se trouve plus

25 près de Mokosica, là-haut, sur les collines; ce village a été détruit à

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1 100% car, sur 103 maisons qui existaient si je ne m'abuse, 102 ont été

2 détruites; la dernière, c'était celle où était stationnée la police et ils

3 n'ont pas réussi à la détruire complètement.

4 Question: Vous parlez de soldats qui étaient stationnés dans cette maison.

5 Quels soldats, des soldats croates?

6 Réponse: Non, c'était l'armée serbo-monténégrine! L'armée serbo-

7 monténégrine, oui.

8 Question: Est-ce que cela signifie qu'ils se sont emparés de ce bâtiment

9 et qu'ils y sont restés?

10 Réponse: Oui, oui, oui.

11 Question: Merci.

12 Je crois que vous avez déjà parlé de Slano. Slano, a-t-il été détruit?

13 Réponse: Oui, j'ai parlé de Slano qui est un magnifique petit village au

14 bord de la mer, dans une petite anse où il y avait de nombreuses et très

15 jolies villas. Et Slano a été totalement, complètement détruit, y compris

16 les hôtels.

17 Question: Popovici?

18 M. Kwon (interprétation): Pourriez-vous m'aidez à trouver les localités

19 sur la carte? Où se trouve Slano?

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, je vous

21 demanderai une nouvelle fois de jeter un coup d'œil au rétroprojecteur où

22 se trouve l'Atlas, et de placer votre pointeur sur Slano.

23 M. Poljanic (interprétation): Oui. C'est ici, c'est un village qui trouve

24 sur le littoral de Dubrovnik.

25 M. le Président (interprétation): Merci.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Village suivant, Donja Ljuta?

2 D'ailleurs, je vous demanderai chaque fois que vous parlez d'un village de

3 placer le pointeur sur l'endroit où ce village est indiqué sur la carte.

4 M. Poljanic (interprétation): Oui.

5 Question: Donc Donja Ljuta?

6 Réponse: Il y a un Ljuta à Konavli et aussi la baie de Ljuta, là où se

7 trouve la sortie sur la mer d'une centrale électrique. Je ne sais pas de

8 quel Ljuta vous parlez. Je suppose que vous parlez du Ljuta de Konavli,

9 n'est-ce pas? Eh bien, si c'est le cas, ce village a été détruit

10 également.

11 Question: Oui, oui, je parlais de Konavli.

12 Village suivant, Popovici?

13 Réponse: Popovici se trouve également dans la région de Konavli. Il a été

14 détruit, mais pas autant que Cilipi, Zvekovica, Mihanici, Dubravka et les

15 autres villages totalement détruits.

16 Question: Mihanici?

17 Réponse: Mihanici, oui, c'est également dans le secteur de Konavli; et

18 c'est un village qui a été détruit.

19 Question: Drvenik?

20 Réponse: Drvenik Konavli également, détruit également .

21 Question: Plat?

22 Réponse: Plat est un village situé sur le littoral du Dubrovnik. Ou plutôt

23 non, non, pas sur le littoral de Dubrovnik, mais dans le secteur du

24 Dubrovacka Zupa. J'ai fait une erreur, excusez-moi. Et Plat a également

25 été endommagé grandement, même les hôtels de Plat ont été détruits;

Page 14424

1 d'ailleurs, pas seulement détruits, mais pillés également.

2 Question: Uskoje?

3 Réponse: Vous pensez sans doute à Uskoplje à Konavli? Oui c'est un village

4 qui a également été détruit.

5 Question: Cepikuce?

6 Réponse: Détruit, oui.

7 Question: Gabrili?

8 Réponse: Gabrili est un village de Konavli qui a beaucoup souffert

9 également.

10 Question: Pridvoje?

11 Réponse: Pridvoje se trouve tout près de Gabrili, à Konavli également, et

12 c'est un village qui a été grandement endommagé. On y trouve un vieux

13 monastère.

14 Question: Molunat?

15 Réponse: Molunat se trouve à Konavli, au bord de la mer. C'est un endroit

16 qui a été endommagé, mais absolument pas autant que les villages dont nous

17 venons de parler à l'instant, même si là aussi il y a eu pas mal de

18 destructions.

19 Question: Donja Cibaza?

20 Réponse: Vous parlez sans doute de Donja Cibaca. C'est une localité de la

21 Dubrovacka Zupa qui a beaucoup souffert également.,

22 Question: Karasovici?

23 Réponse: Karasovici est un lieu qui se trouve à la frontière entre le

24 Monténégro et la Croatie, et qui fait partie du secteur de Konavli. On y

25 trouve Debeli Brijeg également, et c'est une localité qui a également

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1 beaucoup, beaucoup souffert: grandes destructions.

2 Question: Et enfin, Zvekovica, le dernier village; vous en avez déjà

3 parlé: vous avez dit qu'il avait été détruit.

4 Réponse: Zvekovica? Complètement! Complètement détruit, je ne crois pas

5 qu'il soit resté une maison debout à Zvekovica.

6 Question: Avez-vous rencontré des représentants du Bureau du Procureur

7 pour préparer votre déposition? Et avez-vous, ce jour-là, examiné de très

8 nombreux documents où l'on trouvait, entre autres, des photographies de

9 tous ces endroits?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Avez-vous fait une déclaration dans laquelle vous confirmiez

12 l'exactitude des faits évoqués dans ces documents?

13 Réponse: Oui, j'ai regardé toutes ces photographies qui étaient très, très

14 nombreuses et j'ai fait une déclaration indiquant qu'elles étaient

15 conformes à la réalité.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

17 Juges, intercalaire 3 de la série de pièces à conviction. C'est là qu'on

18 trouve cette déclaration du témoin qui a été établie et signée par le

19 témoin. Et après cet intercalaire 3, entre l'intercalaire 4 et

20 l'intercalaire 32, on trouve les photographies des lieux dont les noms

21 sont cités dans la déclaration. Plutôt que de soumettre ces photographies

22 au témoin pendant sa déposition, nous avons préparé une déclaration dans

23 laquelle il est fait mention des documents qu'il a examinés lors de sa

24 rencontre avec les représentants du Bureau du Procureur, avant le début de

25 sa déposition. Et le Procureur demande le versement au dossier de cette

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1 série de documents.

2 M. le Président (interprétation): Nous admettons la déclaration du témoin

3 et les pièces à conviction dont vous venez de parler.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci.

5 Monsieur le Témoin, lorsque vous avez examiné ces photos montrant des

6 villages ou des localités endommagées, avez-vous également vu des

7 photographies montrant des graffitis anti-croates, donc inscrits pour des

8 raisons ethniques?

9 M. Poljanic (interprétation): Oui.

10 Question: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous trouverez une

11 traduction de ces graffitis dans les mêmes pièces à conviction dont je

12 viens de parler.

13 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président?

14 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Tapuskovic?

15 M. Tapuskovic (interprétation): Je considère que les Juges de cette

16 Chambre devraient tenir compte du fait qu'on ne trouve aucune indication

17 de date sur l'une quelconque de ces photographies, on ne sait pas quand

18 ces photos ont été prises. Et je considère que le Procureur devrait

19 indiquer à quel moment ces photographies ont été prises.

20 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Uertz-Retzlaff?

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Lorsque vous avez examiné tous ces

22 documents qui vous ont été montrés par les représentants du Bureau du

23 Procureur, s'agissait-il de documents produits par le poste de police du

24 département de la police de Dubrovnik et de la Neretva?

25 (Le témoin fait un signe affirmatif de la tête.)

Page 14427

1 Y a-t-il dans ces documents indication de l'endroit où les photographies

2 ont été prises?

3 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vous renvoie au rapport où,

4 en première page, on trouve toujours la date d'élaboration du rapport en

5 question. En général, on voit la date du 6 août 1992.

6 Monsieur le Témoin, ces destructions dont vous avez vu les images dans la

7 documentation qui vous a été soumise, savez-vous à quel moment ces

8 villages ont été détruits? Je ne vous demande pas la date exacte mais une

9 période.

10 M. Poljanic (interprétation): Il est tout à fait certain que je ne saurais

11 vous donner la date exacte. Mais avec la même certitude, je peux vous dire

12 -et j'ai vu des centaines de photographies, peut-être même plus-, en tout

13 cas, je peux dire avec certitude que toutes ces photographies sans

14 exception concernent la période où la région Dubrovnik a été endommagée.

15 Et, bien entendu, ces photographies ont été prises après l'attaque de la

16 région de Dubrovnik, après la libération de la région. Quand exactement?

17 Je ne sais pas, je ne peux pas vous donner une date exacte.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

19 Juges, nous ne pouvons pas vous donner davantage de détails quant à la

20 date où ces photos ont été prises.

21 M. le Président (interprétation): Oui. Il est à présent 12 heures 15.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

23 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous allons lever l'audience.

24 Et, Monsieur Poljanic, je vous demanderai, pendant cette suspension

25 d'audience et pendant toutes les autres avant la fin de votre déposition,

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1 de ne parler à personne de ce que vous direz dans votre déposition.

2 Lorsque je dis "personne", cela concerne également le Bureau du Procureur.

3 20 minutes de pause.

4 (L'audience, suspendue à 12 heures 15, est reprise à 12 heures 39.)

5 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, vous pouvez

6 poursuivre.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

8 Nous venions de parler des graffitis qu'on a vus sur ces photos. Est-ce

9 que vous avez vu des photos avec des graffitis indiquant le nom de

10 certaines personnes, ainsi que le nom d'endroits de Serbie, de Monténégro?

11 M. Poljanic (interprétation): Oui.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): A titre d'exemples, Monsieur le

13 Président, vous trouverez ceci à l'intercalaire 13, à l'intercalaire 16, à

14 l'intercalaire 20 ainsi qu'à l'intercalaire 23. Ce sont là des exemples

15 que je ne vais pas mentionner ici dans le prétoire.

16 Est-ce que l'un quelconque des villages détruits dont nous venons de

17 parler disposait d'installations militaires de l'armée croate?

18 M. Poljanic (interprétation): Pour autant que je le sache, pas un seul.

19 Question: Est-ce qu'il y avait des installations de la JNA dans la région,

20 le savez-vous?

21 Réponse: La JNA avait des installations sur l'île de Mljet.

22 Question: Ça, ce n'est pas dans les villages?

23 Réponse: Non, non. Dans aucun des villages que nous avons mentionnés.

24 Question: Est-ce qu'il y a eu, en fait, des combats au moment de la prise

25 de ces villages, au moment où ces villages ont été endommagés, voire

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1 détruits?

2 Réponse: Non. Il y a eu à Konavli des jeunes gens, quelques jeunes gens

3 qui s'étaient organisés par eux-mêmes lorsque l'armée est arrivée et

4 lorsqu'elle a commencé à occuper le territoire en direction de Cavtat. Je

5 crois qu'à Pridvorje, il y a eu un conflit quelconque; je le pense, je ne

6 saurais vous l'affirmer. Je crois qu'il y avait eu des petites anicroches,

7 mais il n'y a eu ni morts ni blessés.

8 Question: Savez-vous si la JNA a subi des pertes au moment de ces attaques

9 et de ces prises de contrôle dans la région?

10 Réponse: Eh bien, je ne sais pas si quelqu'un de la JNA est tombé à

11 Konavli, exception faite de l'amiral Djurovic qui est décédé, mais j'ai

12 déjà dit qu'on ne savait pas comment.

13 Question: Et à l'exception de ces deux régions Zupa Dubrovacka et

14 Pridvorje?

15 Réponse: A Zupa Dubrovacka, il y a eu également des poches de résistance,

16 mais je ne sais pas s'il y a eu des morts du côté de la JNA. De notre

17 côté, oui, il y en a eu un bon nombre. C'étaient des gens innocents, ce

18 n'étaient pas des soldats, c'étaient des civils.

19 Question: Au moment où ces villages ont été attaqués, qu'est-il advenu de

20 la population croate et qui vivait dans ces villages?

21 Réponse: Vous parlez de Konavli ou de Zupa?

22 Question: Parlons d'abord de Konavli.

23 Réponse: Konavle a été vidée de ses habitants. Il était resté peut-être 5%

24 ou pas plus 5%, des vieillards, des femmes âgées. Enfin, des personnes

25 âgées d'une manière générale. Tous les autres sont partis, ont quitté

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1 Konavle, ont quitté leur maison. Ils sont en bonne partie venue à

2 Dubrovnik. Je me souviens qu'ils ont été installés pour l'essentiel à

3 Babinkuk, alors qu'une partie est allée vers l'Adriatique du Nord, vers

4 les îles où il y avait déjà bon nombre de réfugiés provenant de Dubrovnik.

5 Question: Vous avez dit qu'ils avaient quitté leurs foyers, mais qu'est-ce

6 que cela veut dire? Est-ce que ça veut dire que ces personnes ont pris la

7 fuite? De quelle façon ces personnes ont-elle quitté leurs maisons?

8 Réponse: Eh bien, ces personnes ont fui les obus, les mises à feu, les

9 tueries.

10 Question: Pourriez-vous nous dire, de façon approximative, combien de

11 personnes ont pris la fuite suite à ces pilonnages et ces sévices et ces

12 incendies?

13 Réponse: A Konavle, pour autant que je m'en souvienne, il y avait 8.200

14 habitants. Mais si nous avons dit tout à l'heure qu'il était resté quelque

15 5% là-bas, il est facile de faire le calcul.

16 Question: Et pour ce qui est de la région de Primorje, pourriez-vous nous

17 dire combien de personnes ont pris la fuite?

18 Réponse: Presque tous ont fui les villages qui ont été occupés. Il y a eu

19 aussi des villages dont la population est restée sur place, mais bon

20 nombre de villages ont été quittés pratiquement par tout le monde, à

21 Cepikuce, Lisac, Trnovo.

22 Question: Pourriez-vous nous donner un chiffre?

23 Réponse: Quelques milliers d'habitants ont certainement, en tout et pour

24 tout, quitté le littoral de Dubrovnik.

25 Question: Et s'agissant de la région de Dubrovacka Zupa?

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1 Réponse: Quelques milliers d'habitants également. Donc sur les quelques

2 milliers d'habitants de Zupa Dubrovacka, presque tous étaient partis; il

3 en est resté très peu sur place.

4 Réponse: Et savez-vous combien de personnes sont restées?

5 Réponse: Ecoutez, lorsqu'ils sont arrivés à Zupa Dubrovacka, pour être

6 concret, à Mlini, ils ont tué immédiatement ceux qu'ils ont trouvés. Ils

7 ont tué le directeur de l'hôtel "Astarea" à Lonzo, il a été tué à la porte

8 de l'hôtel; les autres ont fui.

9 Question: Vous parlez de "eux", mais à qui pensez-vous exactement?

10 Réponse: J'entends l'armée serbo-monténégrine.

11 Question: Est-ce qu'il y a des personnes qui ont été placées en détention?

12 Réponse: Oui. Il a été placé en détention des personnes originaires de

13 Konavle qui n'ont pas pu fuir; elles ont été rattrapées. Des gens de Zupa

14 n'ont pas réussi à fuir et ces personnes ont été placées en détention. Il

15 en va de même pour ce qui est du littoral de Dubrovnik. Pour l'essentiel,

16 ils ont été emmenés vers le camp de Morinje au Monténégro. Et la plupart

17 des gens du littoral de Dubrovnik ont été emmenés vers Bileca.

18 Mais il n'y avait pas de règle parce que certaines personnes originaires

19 du littoral de Dubrovnik ont été également emmenées vers Morinje.

20 Question: Le camp de Morinje, au Monténégro, est-ce que c'était une

21 installation de la JNA?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Et quel genre d'installations étaient-ce?

24 Réponse: Je ne sais pas vous le dire. C'étaient des installations

25 militaires, c'étaient des bâtiments militaires typiques, de construction

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1 basse. Je ne sais pas ce que cela avait été auparavant; je ne sais même

2 pas ce que c'est actuellement.

3 Question: Pourriez-vous nous dire combien de personnes de la région y ont

4 été détenues et au cours de quelle période s'est faite cette détention?

5 Réponse: A compter du 1er octobre, où ça a commencé, jusqu'à la fin du

6 mois de décembre, me semble-t-il, moment où il y a eu des échanges. Mais

7 il y avait là-bas quelque 300 personnes originaires du littoral de

8 Dubrovnik.

9 Question: Vous avez également mentionné Bileca. Est-ce qu'à cet endroit,

10 il y a une installation de la JNA ou dans quel type d'installations ces

11 personnes ont-elles été détenues?

12 Réponse: Je ne saurai pas vous le dire.

13 Question: Savez-vous combien de personnes se sont trouvées -je parle ici

14 de personnes de la région, pas d'autres endroits -, combien de personnes

15 se sont trouvées en détention à cet endroit et pendant combien de temps, à

16 quel moment?

17 Réponse: Eh bien, il y avait moins de gens originaires du littoral de

18 Dubrovnik qu'à Morinje. Et ils sont restés un peu plus longtemps là-bas

19 que ceux qui se trouvaient à Morinje. Un peu plus longtemps.

20 Question: Vous parlez de moins de personnes: pourriez-vous nous donner une

21 estimation chiffrée du nombre de personnes de la région qui ont été

22 amenées là?

23 Réponse: Je pense -et j'admets que l'erreur est possible-, mais je pense

24 qu'ils ne devaient pas être plus de 150 à être originaires de cette

25 région-là.

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1 Question: Quelles sont les informations que vous détenez à propos de ces

2 détentions? D'où tenez-vous ces informations selon lesquelles 300

3 personnes ont été détenues à Morinje et 100, peut-être 150, détenues à

4 Bileca?

5 Réponse: Eh bien, je tiens cela des personnes qui se trouvaient là-bas!

6 Question: Est-ce que cela veut dire que vous les avez rencontrées plus

7 tard, lorsqu'elles sont rentrées?

8 Réponse: J'ai rencontré bon nombre de ces personnes; bon nombre de ces

9 personnes étaient d'ailleurs des amis à moi. Et naturellement, un grand

10 nombre d'entre eux m'ont parlé des choses terribles qui leur étaient

11 arrivées là-bas.

12 Question: Vous dites "des choses terribles", "des atrocités". Quels types

13 d'atrocités ont-elles été commises à Morinje? Dites-le-nous en quelques

14 mots.

15 Réponse: Eh bien, les gens étaient torturés de façon étonnante. Les gens

16 qui ont été là-bas viendront vous en parler; je préfère ne pas en parler

17 moi-même. C'est par trop triste.

18 Question: J'aimerais maintenant présenter l'intercalaire 33 de la pièce

19 261; excusez-moi, de la pièce 361. Il s'agit d'une proclamation adressée

20 aux citoyens, en date du 7 novembre 1991, du commandement de la ville de

21 Cavtat et de la communauté ou du comité local de Cavtat.

22 Tout d'abord, le commandement de la ville de Cavtat: quel type de

23 commandement était-ce? Etait-ce un commandement militaire et, si c'était

24 le cas, de quoi?

25 Réponse: C'était un commandement militaire uniquement.

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1 Question: De quelle armée?

2 Réponse: De l'armée serbo-monténégrine.

3 Question: Et le comité de la communauté locale de Cavtat, quel genre

4 d'instance ou d'institution était-ce?

5 Réponse: Ceux qui, jusqu'au moment où l'emplacement, la localité a été

6 occupée, ont aboutit à Morinje. Puis, il y a eu un organe de coordination

7 qui coordonnait, autant que faire se pouvait.

8 Question: Dans le premier paragraphe, assez long, on dit: "Le commandement

9 de la ville et les unités de la JNA ont terminé le nettoyage de la région,

10 ont détenu une partie des membres des formations militaires restantes et

11 ont rassemblé quelques armes, des munitions, des explosifs, avec votre

12 aide et votre coopération." (Fin de citation.)

13 Savez-vous si des gens de Cavtat ont été détenus et, si détention il y a

14 eu, savez-vous si ces personnes faisaient partie de formations militaires

15 de l'armée de la Croatie? Le savez-vous?

16 Réponse: Je ne suis au courant de personne qui serait originaire de Cavtat

17 et qui avait été incarcéré à Morinje, pour ce qui est donc d'avoir été

18 membre de quelque formation militaire que ce soit. Je sais que certains

19 avaient été militants au niveau du comité local ou au niveau de la cellule

20 de crise, mais je ne suis pas du tout au courant du fait qu'il y ait pu y

21 avoir de soldats; pas du tout.

22 Question: S'agissant des détenus que vous avez mentionnés à Morinje et à

23 Bileca, savez-vous s'il s'agissait de civils ou de soldats, ou s'il y

24 avait aussi bien des civils que des soldats?

25 Réponse: Pour l'essentiel, c'étaient des civils; très rarement, il

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1 s'agissait de soldats. Il y avait eu quelques soldats à Bileca et certains

2 de Bileca ont été transférés vers Morinje. Je ne voudrais pas dire qu'il

3 n'y avait pas, à Morinje, de soldats du tout. Je sais que, sur les 300

4 personnes qui se trouvaient à Morinje, il y avait très peu de soldats; je

5 dirais pas plus d'un cinquième, le reste ayant été des civils.

6 Question: Nous avons déjà parlé des destructions reprises dans les

7 documents. Savez-vous s'il y a eu pillage de ces endroits, de ces

8 villages? Le savez-vous?

9 Réponse: Je sais que oui.

10 Question: Comment le savez-vous? Qui en est l'auteur? Comment le savez-

11 vous?

12 Réponse: Eh bien, c'était l'armée qui se trouvait là, rien que cette

13 armée-là. Ils emportaient tout ce qui pouvait être emporté ou la plupart

14 de ce qui pouvait être emporté, donc les objets qui les intéressaient. Ils

15 emportaient de Konavli tout ce qui n'avait pas brûlé; ils emportaient de

16 Zupa ce qui n'avait pas brûlé, notamment depuis les hôtels. Et ils

17 emportaient des affaires, des objets depuis le littoral de Dubrovnik, des

18 hôtels dans cette région. Et ils ont emporté bon nombre de bateaux, de

19 vaisseaux qui se trouvaient amarrés dans la région.

20 Question: Nous allons maintenant parler de la ville même de Dubrovnik. Au

21 cours de quelle période la ville a-t-elle été pilonnée? Nous parlons

22 maintenant de l'année 1991. Quand ce pilonnage a-t-il commencé?

23 Réponse: Avant de commencer à répondre à cette question-là, je crois que

24 nous devrions convenir d'une chose: quand je parle de Dubrovnik, j'entends

25 là, la ville tout entière. Et quand on parle de la vieille ville, celle

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1 qui est protégée, le noyau urbain sous la protection de l'UNESCO, je

2 dirais la vieille ville. Donc si vous me posez la question de savoir quand

3 est-ce que l'attaque sur Dubrovnik a commencé, je répondrai le 1er

4 octobre. Si vous me demandez quand est-ce que les obus ont commencé de

5 tomber sur la vieille ville, je vous répondrai en vous donnant la date du

6 23 octobre.

7 Question: Je vais demander l'aide de l'huissier pour présenter au témoin

8 une carte: c'est le plan de la ville, en fait.

9 (Intervention de l'huissier.)

10 Il faudra insérer cette carte dans le classeur qui porte la pièce P326 et

11 ce plan sera placé sous un intercalaire supplémentaire, l'intercalaire

12 n°13.

13 Messieurs les Juges, vous avez un plan de format assez petit, alors qu'on

14 a placé un plan de grande taille sur le rétroprojecteur, mais nous vous

15 fournirons une meilleure copie à une date ultérieure. Nous ne sommes pas

16 en mesure de vous donner un exemplaire de meilleure qualité, vu le peu de

17 temps qui nous était imparti.

18 Monsieur le Témoin, veuillez-nous indiquer sur le plan, où se trouve la

19 vieille ville de Dubrovnik?

20 Réponse: Voilà, ici. La vieille ville, c'est ce noyau classé se trouvant

21 sous protection.

22 Question: Classé ou protégé de quelle façon?

23 Réponse: Il est classé patrimoine culturel mondial.

24 Question: On voit d'autres parties sur ce plan; c'est là ce qui constitue

25 la ville tout entière de Dubrovnik, n'est-ce pas?

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1 Réponse: Oui, on voit toute la ville de Dubrovnik, mais la plus jolie

2 partie de Dubrovnik se trouve ici, à droite de la vieille ville: c'est le

3 secteur de Ploce s'étirant jusqu'à l'hôtel Belvédère.

4 Et sur la carte que l'on voit ici, l'endroit n'est pas visible, mais je

5 puis vous montrer la partie qui montre l'emplacement exact.

6 Question: Ce n'est pas nécessaire pour le moment.

7 Vous avez mentionné des hôtels où avaient été placés des réfugiés de la

8 région. Pourriez-vous nous indiquer l'emplacement de ces hôtels sur le

9 plan?

10 Réponse: Je peux le faire.

11 Question: Allez y.

12 Réponse: Les réfugiés étaient installés dans tous les hôtels, plus ou

13 moins, mais il y en avait le plus à Babinkuk; ce sont les hôtels qui sont

14 en noir, ici, et à l'hôtel Libertas qui se trouve ici, là où je suis en

15 train de montrer à présent.

16 Bien sûr, il y en avait d'installés dans d'autres hôtels, mais c'était là

17 que se trouvaient la plupart d'entre eux.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pouvons laisser de côté le plan

19 pendant un instant, mais laissons-le sur le rétroprojecteur.

20 Vous avez déjà dit que le début du pilonnage s'est fait le 1er octobre.

21 Quelle fut la durée des pilonnages sur toute la ville?

22 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il avait dit que c'était le

23 23 octobre.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, mais la vieille ville, Monsieur

25 le Président. Moi, je parlais du pilonnage de toute la région.

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1 M. le Président (interprétation): Fort bien.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Quand a commencé le pilonnage de la

3 région tout entière? Et nous nous concentrons ici sur l'année 1991.

4 Pouvez-vous nous le dire?

5 M. Poljanic (interprétation): Oui, cela a duré avec des interruptions

6 pratiquement jusqu'à la libération de la région tout entière.

7 Cependant, cela a duré en réalité jusqu'en été 1995, parce qu'il serait

8 injuste de ne pas mentionner le fait que le dernier obus est tombé en août

9 1995, en tuant trois personnes innocentes.

10 Question: Je vous avais demandé de vous concentrer sur l'année 1991. Et

11 quand s'est terminé le pilonnage de Dubrovnik?

12 Réponse: Le 31 décembre. Et ils ont constamment, pas tous les jours, c'est

13 vrai, mais il y a des registres, des fichiers, et cela a été pilonné en

14 novembre, donc en octobre, novembre et surtout le 11 décembre. Puis, tous

15 les jours, on pilonnait peut-être de façon moins intense qu'en décembre,

16 mais il arrivait des obus s'agissant des secteurs à l'extérieur de la

17 vieille ville. Ces secteurs ont été pilonnés de façon intense.

18 Toujours est-il que la vieille ville chopait des obus occasionnellement

19 aussi. Et la culmination est arrivée le 6 décembre lorsque les désastres

20 ont été véritablement catastrophiques, non seulement pour Dubrovnik, mais

21 pour la région entière.

22 Question: Vous avez dit que le pilonnage de la vieille ville avait

23 commencé le 23 octobre?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Et cela s'est poursuivi jusqu'au 6 décembre?

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1 Réponse: Vous voulez dire depuis le 23? Oui, le 23, il n'est tombé que

2 deux obus. Puis, par la suite, quelques jours après j'entends, il en est

3 tombé davantage, puis davantage, puis un peu moins, puis davantage. Et,

4 vers la mi-décembre, on a eu une culmination: plusieurs centaines nous

5 sont tombés dessus. Et si vous voulez, le total des obus qui sont tombés

6 sur la vieille ville -je dirais qu'il y a un fichier concernant chaque

7 obus tombé sur la vieille ville-, je dirais qu'il en est tombé sur la

8 vieille ville, au total 1.056.

9 Question: Vous avez déjà déclaré qu'au mois de novembre, il y a eu des

10 pilonnages intensifs les 10, 11 et 12 novembre, aussi bien de la vieille

11 ville que de la ville en tant que telle.

12 Réponse: La ville entière et la vieille ville, c'est exact. Les pilonnages

13 ont eu lieu aussi entre la mi-novembre et le 6 décembre, les pilonnages

14 n'ont pas été aussi intensifs, mais cela avait été des pilonnages quand

15 même.

16 Question: Dubrovnik, toute la ville et la vieille ville aussi, depuis

17 quelles positions était-elle pilonnée?

18 Réponse: Eh bien, depuis les positions de Zarkovica, de Grab, de

19 Strincera, de Mocici, puis la partie occidentale de la piste

20 d'atterrissage de Cilipi, depuis Brgat, pour ce qui est maintenant de ces

21 positions. Maintenant s'agissant des positions à partir desquelles on a

22 pilonné Slano et Sipan, je dirais que c'étaient des positions qui se

23 trouvaient derrière Slano, au-dessus de la route qui va de Slano vers

24 Orahovi Dol, Ravno et toute la région de Popovo Polje.

25 Question: Je vous arrête, je vous interromps ici, parce qu'en fait ce qui

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1 m'intéressait, c'étaient uniquement les positions depuis lesquelles on a

2 pilonné Dubrovnik. Le pilonnage de Slano ne m'intéressait pas, nous

3 parlons uniquement de Dubrovnik.

4 Réponse: Bon.

5 Question: Et je vais demander l'aide de l'huissier pour présenter au

6 témoin la pièce P361, intercalaire 34.

7 (Intervention de l'huissier.)

8 Monsieur le Témoin, est-ce là une photographie de Dubrovnik?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Pourriez-vous nous montrer sur cette photographie où se trouve

11 Zarkovica?

12 Réponse: La photographie a été prise justement depuis Zarkovica; celui qui

13 a pris la photographie a pris la photographie depuis l'endroit appelé

14 Zarkovica.

15 Question: Et est-ce que depuis Zarkovica on avait une vue dégagée de la

16 veille ville?

17 Réponse: Tout à fait dégagé! Mis à part le port de Gruz que l'on ne peut

18 pas voir depuis Zarkovica.

19 Question: Sur la photographie, on indique aussi le lieu de Babinkuk. Vous

20 avez mentionné différents hôtels dont l'hôtel "Libertas" à Babinkuk. Est-

21 ce que l'emplacement est bien indiqué sur cette photographie?

22 Réponse: Babinkuk se trouve indiqué. L'hôtel "Libertas" n'est pas indiqué

23 avec exactitude idéale. C'est un peu en dessous du point rouge: c'est là

24 que se trouve exactement Libertas. Mais plus ou moins c'est cela.

25 Question: Et est-ce que la vieille ville, ainsi que la ville de Dubrovnik

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1 tout entière, a été la cible d'obus tirés par des bateaux ou des

2 vaisseaux?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Est-ce que ce que montre cette photographie est exact,

5 s'agissant d'obus tirés à partir de bateaux?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Je vous remercie.

8 Réponse: Je vais faire une parenthèse. Sur cette photographie, je ne vois

9 pas les emplacements à partir desquels on avait pilonné le secteur de

10 Ploce. C'est depuis les bateaux vers Ploce que les pilonnages ont été très

11 intenses. Et à gauche, au coin gauche, se trouve l'hôtel "Belveder"; des

12 jours durant, il a été pilonné depuis des bateaux. On ne voit pas l'hôtel

13 et on ne voit pas l'emplacement de ces bateaux. Donc cette photographie

14 n'est pas suffisamment bien prise pour que l'on puisse le voir.

15 Question: Je vous remercie. Est-ce qu'il y a eu pilonnage à l'aveuglette,

16 de façon indiscriminée, de la vieille ville ou est-ce que certains

17 bâtiments ont été pris pour cible de façon précise? Le savez-vous? Avez-

18 vous observé quelque chose dans ce sens?

19 Réponse: Mon impression, c'est qu'on n'avait pas ciblé les bâtiments parce

20 que la ville entière a été bombardée dans son intégralité. Le septième

21 jour, lorsque je suis monté sur les remparts, je n'ai malheureusement pas

22 pu trouver un seul toit où il n'y ait pas eu d'obus de tombé ou des éclats

23 d'obus tombés sur ce toit depuis un toit voisin. Ça, c'est la vérité. Je

24 dirais qu'il n'y avait pas d'objectif précis, mais l'objectif avait été la

25 ville entière; quand je dis la ville, j'entends la vieille ville.

Page 14442

1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Messieurs les Juges, je ne voudrais

2 pas aborder dans trop de détails les dégâts occasionnés à la vieille

3 ville, puisque nous allons avoir un témoin, M. Franjic, prévu. C'est un

4 expert tout en étant un témoin oculaire; c'est lui qui va nous parler des

5 dégâts subis. Inutile d'en parler deux fois.

6 Monsieur le Témoin, vous avez déjà déclaré que pratiquement tous les toits

7 ont été endommagés et vous faites référence au pilonnage du 6 décembre.

8 C'est bien cela?

9 Réponse: Pas seulement à compter du 6 décembre, mais il faut englober le 6

10 décembre aussi. Mais il y a eu des toits endommagés auparavant, pas au

11 point où cela s'est fait le 6 décembre.

12 Question: J'aimerais, en fait, parler avec vous des pertes pour autant

13 qu'il y en ait eu en ville. A cet effet, j'aimerais pour nous aider

14 présenter au témoin l'intercalaire 35 de la pièce 361. C'est, en fait,

15 l'annexe n°2 de l'Acte d'accusation portant sur la Croatie.

16 Monsieur le Témoin, avez-vous eu l'occasion d'examiner ces documents dans

17 le cadre de la préparation de votre témoignage en présence de

18 représentants du Procureur dont moi-même?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Ici, vous voyez une liste de noms avec, en regard des noms, des

21 dates. Seriez-vous en mesure de nous dire si ces personnes énumérées dans

22 l'annexe ont été tuées le jour qui est indiqué, à l'endroit qui est

23 indiqué en face de leurs noms? Est-ce qu'à cet égard, la liste est exacte?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Savez-vous si ces personnes ont été tuées et quelles

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1 informations avez-vous obtenu à cet effet?

2 Réponse: Oui. Parmi ces noms-là, il y a des noms d'amis à moi. J'ai appris

3 le même jour, le jour du décès des personnes, j'ai reçu des rapports, des

4 informations; et certaines des personnes figurant sur cette liste ont même

5 été enterrées par mes soins.

6 Question: Est-ce que cela veut dire que la liste, qui commence par le 1er

7 octobre et Mato Violic jusqu'au 6 décembre avec le nom d'Ilija Radic, est

8 exacte?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Les personnes qui sont ici reprises dans cette liste, c'étaient

11 des civils, des soldats ou est-ce qu'il y avait aussi bien des civils que

12 des soldats? Le savez-vous?

13 Réponse: Eh bien, pour être sincère, ici, je ne peux pas vous dire s'il y

14 a eu un soldat. Peut-être, parmi les inconnus, y en a-t-il eu, mais de

15 toutes les personnes que je connaissais sur cette liste, il n'y en avait

16 pas une seule qui était soldat; peut-être l'une de celles que je ne

17 connaissais pas.

18 Question: Pourriez-vous nous indiquer les personnes dont vous savez que

19 c'étaient des civils? Contentez-vous de nous énumérer les noms en

20 parcourant la liste.

21 Réponse: Vous voulez que je vous lise les noms?

22 Question: Oui, s'il vous plaît.

23 Réponse: Par exemple, Mato Violic était un civil; je le connaissais très

24 bien, depuis Osvojnik. Puis, Milan Milisic, un écrivain; Stjepo Cikato;

25 Jozo Brajovic, les frères Liban; puis, Maskaric; puis, Bokun.

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1 Question: Les deux?

2 Réponse: Les deux, les deux. Puis, Bruno Glanc, Pavo Urban. Voilà, c'est

3 ceux que j'aurai à vous vous citer, partant de cette liste.

4 Question: Et parmi ceux qui ont été tués le 6 décembre, est-ce qu'il y a

5 des pompiers, des sapeurs-pompiers?

6 Réponse: Excusez-moi, avant de répondre à cette question, je viens de

7 noter qu'il y avait aussi quelques soldats; je viens de me rendre compte

8 qu'il y en avait quelques-uns qui étaient soldats. Allez-y.

9 Question: Vous n'avez pas répondu à la question que je vous ai posée. Je

10 vous ai posé une question à propos de sapeurs-pompiers; je vous ai demandé

11 si, parmi ceux qui ont été tués le 6 décembre, il y avait des sapeurs-

12 pompiers?

13 Réponse: Oui. Eh bien, c'est au moment où l'hôtel "Libertas", qui était

14 d'ailleurs plein de réfugiés, avait pris feu, suite à tous les obus qui

15 sont tombés dessus. Et cet hôtel "Libertas" était en flammes. Plusieurs

16 sapeurs-pompiers sont allés sauver ces gens-là; parmi eux, il y avait ce

17 jeune homme que j'ai mentionné, Bruno Glanc, et un obus est tombé dessus

18 et l'a tué sur place.

19 Question: Et les autres sapeurs-pompiers sont-ils repris sur cette liste?

20 Réponse: Je crois qu'il y avait Jablan, Paskojevic, Mihocevic… Je ne

21 connais pas tous les noms de famille. Je crois que le groupe avait compté

22 cinq personnes; parmi elles, trois étaient des sapeurs-pompiers de

23 profession et deux autres s'étaient jointes à elles pour leur venir en

24 aide. Et les cinq sont mortes.

25 Question: Vous venez de mentionner que vous veniez de voir plusieurs

Page 14445

1 soldats sur cette liste. Pourriez-vous nous donner leurs noms?

2 Réponse: Je pense… Oui, je pense qu'Ivo Martinovic était soldat. Si c'est

3 celui que j'ai à l'esprit, alors si c'est bien lui, c'était un soldat; à

4 moins qu'il ne s'agisse là d'un autre Martinovic. Mais je pense que lui

5 avait été soldat. Puis ce jeune, si c'est également la même personne que

6 je crois être, à moins qu'il n'y ait un nom de famille identique; je crois

7 que c'est le même.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Quel nom?

9 M. Poljanic (interprétation): Ivo Martinovic.

10 M. Kwon (interprétation): Qui est né en 1915?

11 M. Poljanic (interprétation): Oh, alors non, ce n'est pas lui, ce n'est

12 pas celui-là, je m'excuse. Non, le Martinovic en question, c'était un

13 homme jeune. Je ne sais pas si son prénom était Ivo, je sais que son nom

14 de famille était Martinovic et je sais qu'il est mort à Srdj. Mais s'il

15 est né en 1915, ce n'est certainement pas la même personne. Je m'excuse.

16 Et cela signifierait que, parmi ceux-là, il n'y avait pas un seul soldat.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous le constaterez ici, cet élément

18 n'est pas indiqué dans la liste.

19 J'aimerais maintenant, avec l'aide de l'huissier, présenter au témoin

20 l'intercalaire 36 de la pièce 361.

21 (Intervention de l'huissier.)

22 J'aimerais que vous vous concentriez sur un seul article qui se trouve,

23 Messieurs les Juges, à la page 7 de la traduction en anglais. Il s'agit

24 d'un article qui a pour titre "Conséquences tragiques du 6 décembre.". Il

25 y a une erreur dans la traduction qui dit "6 septembre" mais, en fait, il

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1 s'agit de l'attaque du 6 décembre.

2 Et sont ici énumérés les noms que nous trouvons en annexe, noms repris en

3 date du 6 décembre. Et, de surcroît, est mentionnée ici la chose suivante:

4 "Défenseurs courageux de Dubrovnik et membres du Corps de la Garde

5 nationale, Marko Bitunjac, Nenad Covic, Mario Zelenika, Saban Islamovski

6 et Miroslav Buntic". Et ensuite viennent des noms de civils: sont énumérés

7 plusieurs noms que l'on retrouve en annexe, annexe dont nous avons parlé.

8 Question: Comment était-il possible, Monsieur le Témoin, d'opérer une

9 distinction entre ceux dont on pouvait dire que c'étaient des soldats et

10 les autres, dont on disait que c'étaient des civils? Savez-vous qui a fait

11 cette distinction?

12 Réponse: Des civils, ce sont des civils, et ceux qui portaient l'uniforme,

13 un fusil à la main, c'étaient des soldats.

14 Question: Savez-vous qui a dressé la liste de ces gens?

15 Réponse: Non, je ne sais pas, je ne sais pas.

16 Question: Fort bien. Je vous remercie.

17 Toujours dans ce journal, deux pages plus loin, Messieurs les Juges, il

18 s'agit de la page 9, on trouve un article qui dit: "La caserne des

19 sapeurs-pompiers de Dubrovnik en guerre s'expose à des périls en sauvant

20 d'autres vies humaines." (Fin de citation.)

21 Quel est l'incident au cours duquel les sapeurs-pompiers ont été tués par

22 une grenade alors qu'ils essayaient de sauver les gens se trouvant à

23 l'hôtel "Libertas"?

24 Réponse: C'est ce que j'avais en tête, c'est là qu'on cite les trois noms:

25 Mihocevic, Savinovic et Paskojevic. Il manque encore les deux qui sont

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1 allés les aider, les deux malheureux qui sont allés l'aider.

2 Question: Je vous remercie.

3 Au moment du pilonnage de Dubrovnik et, en particulier, au moment du

4 pilonnage de la vieille ville, aviez-vous une fonction, un poste de

5 commandement militaire? Et si ce n'est pas le cas, quelles étaient vos

6 fonctions à l'époque, que faisiez-vous exactement? Où étiez-vous? Je pense

7 plus précisément à la période allant de la mi-novembre 1991 au 6 décembre

8 1991?

9 Réponse: Je me trouvais à Dubrovnik, je n'occupais aucune position

10 militaire, j'étais maire à Dubrovnik. Et si vous vouliez demander où je me

11 trouvais, dans quel bâtiment, parfois c'était le siège de l'assemblée

12 municipale de Dubrovnik, parfois dans la forteresse de Saint-Ivan, parce

13 qu'on avait estimé que c'était plus sûr qu'à la municipalité.

14 A part cela, nous n'avions ni énergie électrique, ni eau, ni autre chose,

15 et nous n'avions pas d'électricité pour faire marcher les téléphones. Il

16 n'y avait pas les téléphones portables comme de nos jours. On avait

17 installé un groupe électrogène vers un emplacement qui, par la suite, a

18 été pilonné lui aussi, mais cela nous a permis d'avoir un peu d'énergie

19 électrique pour avoir des communications téléphoniques avec le reste du

20 monde; c'était la seule communication.

21 Pendant un certain temps, nous étions au bas, au contre-bas de cette

22 forteresse et, pendant un certain temps, nous avons séjourné dans un

23 atelier qui se trouvait en haut, l'atelier d'un artiste célèbre appelé

24 (l'interprète n'a pas entendu son nom.)

25 Question: Monsieur le Témoin, cette forteresse de Saint-Ivan et ce studio

Page 14448

1 se trouvent-ils dans la vieille ville?

2 Réponse: Oui, dans la vieille ville.

3 Question: Selon vos observations, selon ce que vous savez, y avait-il des

4 installations militaires dans la vieille ville dans cette période allant

5 du mois d'octobre au 6 décembre 1991?

6 Réponse: Vraiment et très franchement, je n'ai connaissance de l'existence

7 d'aucune installation, d'aucune cible militaire dans la vieille ville.

8 Question: Y avait-il des positions d'artillerie dans la vieille ville ou

9 au voisinage immédiat de la vieille ville, si vous le savez? Et je me

10 limite toujours à cette période qui va du début octobre au 6 décembre

11 1991.

12 Réponse: Je n'ai connaissance de l'existence d'aucune position

13 d'artillerie dans la vieille ville. Je n'ai jamais entendu dire que le

14 moindre obus ait été tiré à partir de la vieille ville. Or j'ai passé

15 toute cette période à cet endroit-là. Et pour autant que je le sache, la

16 position la plus proche de la ville était un mortier de faible portée qui

17 se trouvait dans le parc de Gradac, donc assez près de la vieille ville.

18 Et bien que je ne sois pas un expert militaire, ce mortier se trouvait

19 sans doute à cet endroit parce qu'à partir de ce parc, il était possible

20 d'atteindre y compris Zarkovica. C'est ce que je suppose, mais je n'en

21 suis pas sûr: Zarkovica, mais je n'en suis pas sûr.

22 Je crois qu'il y avait aussi un canon antiaérien d'un calibre de 20

23 millimètres.

24 Nous avons réussi à l'obtenir, je ne sais plus pour quelle raison, mais je

25 pense que c'était parce que sa culasse était endommagée que nous sommes

Page 14449

1 parvenus à la réparer par la suite.

2 Donc ce canon a été déplacé sur une petite remorque d'un endroit à un

3 autre. pour donner l'impression que nous possédions plusieurs canons de ce

4 genre. Mais je répète: c'était un 20 millimètres de calibre. Les experts

5 militaires me diront si je me trompe: peut-être que c'était 22

6 millimètres, je ne sais pas exactement, en tout cas autour de 20

7 millimètres.

8 Il a été placé près de la ville parce que la route longe les remparts,

9 donc il est possible qu'il ait circulé à cet endroit. Et je l'ai vu un

10 jour près du restaurant "Dubravka", sur sa remorque. Mais je ne me

11 souviens pas s'il est resté à cet endroit 5 minutes ou 5 heures.

12 Question: Le parc de Gradac, à quelle distance se trouve-t-il en mètres de

13 la vieille ville?

14 Réponse: A peu près à 500 mètres à vol d'oiseau, à peu près.

15 Question: Vous avez dit que ce canon de 20 ou 22 millimètres de calibre se

16 déplaçait sur la route, mais lui est-il arrivé de tirer des obus lorsqu'il

17 était au voisinage de la vieille ville? Etes-vous au courant de cela et

18 notamment dans cette période qui va de mi-novembre 1991 au 6 décembre

19 1991?

20 Réponse: Je garantis que cela n'a pas eu lieu, je le garantis.

21 Question: Le canon dont vous venez de parler ou en tout cas tout objet

22 militaire éventuel, savez-vous si, à quelque moment que ce soit, ils

23 auraient pu se trouver au voisinage des hôtels qui abritaient les réfugiés

24 à Babinkuk ou à l'hôtel "Libertas"?

25 Réponse: Je ne sais vraiment pas où ils se trouvaient, mais comme je

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1 connaissais les gens du quartier général, je ne pense pas qu'ils se

2 seraient, à quelque moment que se soit, permis d'autoriser une chose

3 pareille, notamment parce qu'ils connaissaient le danger dans lequel se

4 trouvaient ces malheureux réfugiés abrités dans les hôtels.

5 Question: Des soldats ou des unités militaires ou de la police ont-elles

6 été, à quelque moment que ce soit, stationnés au voisinage de la vieille

7 ville pendant cette période, donc toujours début octobre-6 décembre 1991?

8 Réponse: Eh bien, écoutez, pas mal de soldats qui faisaient partie de

9 l'armée croate étaient originaires de la vieille ville de Dubrovnik, et

10 s'ils recevaient un jour, deux jours ou trois jours de permission, et même

11 quelquefois huit jours –mais, enfin, ça, je le dis sans connaître la durée

12 exacte des permissions- enfin quand ils étaient en permission, il leur

13 arrivait souvent de rentrer chez eux, donc de venir dans la vieille ville.

14 Donc, dans cette période, il arrivait assez souvent que l'on voie un jeune

15 soldat en uniforme entrer dans la vieille ville. Mais des soldats

16 stationnés dans un bâtiment de la vieille ville, vraiment, je n'ai pas

17 connaissance de cela, et je pourrais jurer, pour ma part, qu'il n'y en a

18 pas eu.

19 Question: Ces soldats dont vous avez parlé, où étaient-ils stationnés? Où

20 se trouvait le front en fait?

21 Réponse: Le premier ou le dernier, selon l'angle où l'on se place, le

22 premier point du front de cette armée serbo-monténégrine se trouvait à 200

23 mètres de l'hôtel Argentina. C'était donc soit la première position tenue

24 par cette armée, soit la dernière; en tout cas, c'est là que se trouvait

25 ce que j'appellerai leur "bunker" ou ce que vous voudrez bien l'appeler

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1 vous-même.

2 Question: Avec l'aide de M. l'huissier, j'aimerais soumettre une nouvelle

3 fois au témoin la carte qui constitue la pièce 326 intercalaire 13, c'est-

4 à-dire non pas la carte mais le plan de la ville de Dubrovnik.

5 (Intervention de l'huissier.)

6 Pouvez-vous nous indiquer sur ce plan l'endroit en question? A moins qu'il

7 n'y figure pas.

8 Réponse: Non, c'est un peu difficile à voir sur le plan, car ça se trouve

9 à droite de la ville, ici. Il faudrait que l'on me déplie en tout cas ce

10 papier.

11 Question: Très bien, ce sera fait.

12 Réponse: Eh bien, ce que je vous montre ici, c'est l'emplacement de

13 l'hôtel Argentina. Et eux, ils étaient juste là, au sommet de cette

14 colline qui se trouve à 200 mètres à peu près, avec une marge de 20 ou 30

15 mètres en plus ou en moins.

16 Question: A quelle distance de la vieille ville?

17 Réponse: Je ne sais pas exactement. Disons 500, 600, ou peut-être 700

18 mètres à peu près. 700, 800 mètres, disons. Mais nous pouvons faire le

19 calcul: là, il y a 300 mètres et puis 650, 700 mètres à vol d'oiseau, je

20 dirai. 650, 700.

21 Question: Où se trouvait le QG de l'armée, à l'époque où M. Marinovic s'y

22 trouvait? Pouvez-vous nous montrer où était stationné l'état-major de M.

23 Marinovic?

24 Réponse: Un instant, je vous prie.

25 Eh bien, juste ici. Dans cette partie des faubourgs de la ville qui répond

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1 au nom de Lapad, il y a un endroit à cet endroit qui s'appelle l'hôtel

2 "Zagreb", et puis un autre ici.

3 Question: Est-ce que ces soldats ou ces unités de l'armée stationnés à cet

4 endroit dont vous avez parlé, stationnés non loin des hôtels abritant des

5 réfugiés ont été pilonnés?

6 Réponse: A Babinkuk, non. Mais tout près de l'endroit où se trouvait le

7 QG, il est certain qu'il y a eu des pilonnages.

8 Question: Vous avez parlé de Lapad: pouvez-vous nous dire dans quels

9 hôtels étaient logés les soldats?

10 Réponse: "Sumartin" et "Zagreb".

11 Question: Est-ce que c'était bien l'hôtel "Zagreb"?

12 Réponse: Oui, je crois que c'était l'hôtel "Zagreb".

13 Question: Vous avez dit que les pilonnages ont été particulièrement

14 intenses le 10, le 11 et le 12 novembre, ainsi que le 6 décembre. Ces

15 pilonnages auraient-ils été provoqués par la population ou par les hommes

16 en armes qui défendaient Dubrovnik; avez-vous des informations à ce sujet?

17 Réponse: Nous n'étions pas en mesure de provoquer. Nous étions absolument

18 impuissants par rapport aux agresseurs qui représentaient la troisième ou

19 la quatrième force armée européenne et, pour ce qui nous concerne, au

20 départ, nous étions un groupe comptant moins de cent hommes. Donc en aucun

21 cas, il ne pouvait être question de provocation.

22 Question: Vous avez parlé de l'électricité, mais pouvez-vous nous parler

23 également de l'adduction d'eau ou de l'approvisionnement en eau à partir

24 du 1er octobre et jusqu'au 6 décembre?

25 Réponse: Jusqu'à l'été, selon les données officielles, nous n'avons pas

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1 bénéficié de 153 jours d'électricité et de 132 jours d'eau. Il y avait une

2 canalisation qui datait encore de l'époque des Français, qui partait du

3 lac de réserve, et en remettant cette canalisation en usage -je ne sais

4 pas très bien de quelle façon, c'était assez compliqué- nous avons pu nous

5 procurer de petites quantités d'eau de temps en temps. Lorsque je dis "de

6 petites quantités", c'était à peine quelques litres, mais ces quelques

7 litres avaient une très grande valeur pour nous parce que la ville était

8 vraiment dans une situation catastrophique: on menaçait de la pilonner, et

9 elle était plus peuplée que jamais dans son histoire. Donc le moindre

10 filet d'eau, la moindre petite averse était bienvenue, notamment au mois

11 de novembre pour atténuer un peu ces difficultés.

12 Question: Lorsque vous parlez de quelques litres d'eau, est-ce que cela

13 signifie quelques litres par jour et par personne, ou autre chose?

14 Réponse: Il y a des moments où, personnellement, en tant que dirigeant de

15 la ville de la municipalité, j'ai disposé d'un litre d'eau par jour pour

16 tous mes besoins.

17 Question: Tout cela à partir du 1er octobre, n'est-ce pas?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Vous ne pouviez pas vous fournir en eau à la mer?

20 Réponse: Non.

21 Question: Pourquoi?

22 Réponse: Parce qu'ils étaient à 200 ou 300 mètres de nous, ils nous

23 prenaient pour cible de leurs tireurs isolés et, si nous sortions des

24 remparts de la ville, c'était impossible pour nous. D'ailleurs,

25 quelquefois, ils nous visaient, y compris lorsque nous étions dans les

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1 remparts. Et dans cette situation, personne n'avait le courage d'aller

2 chercher de l'eau à la mer, car il était fort probable, dans ces

3 conditions, que l'on soit tué. Donc pour parler des toilettes, par

4 exemple, nous ne pouvions même pas utiliser l'eau de la mer pour les

5 toilettes.

6 Question: J'aimerais maintenant parler des négociations et des ultimatums

7 dont vous avez déjà dit quelques mots.

8 Pouvez-vous nous dire si vous avez participé à une réunion tenue le 11

9 octobre 1991 avec l'amiral Jokic et, si oui, pouvez-vous nous dire s'il

10 s'agissait de votre première rencontre avec lui?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Qui a participé à cette réunion, de votre côté d'une part, du

13 côté de la JNA de l'autre?

14 Réponse: Du côté croate, il y avait M. Zeljko Sikic qui était, à l'époque,

15 Président du pouvoir municipal. Il y avait M. Macan, chargé des affaires

16 communales, Hrvoje Macan; puis Miso Mihocevic qui était interprète, et

17 puis, il y avait moi-même. Donnez-moi quelques instants, que je me

18 souvienne s'il y avait d'autres participants de notre côté. Je ne me

19 souviens pas.

20 Question: Et du côté de la JNA?

21 Réponse: Du côté de la JNA, il y avait l'amiral Jokic; il y avait le

22 lieutenant-colonel, si je ne m'abuse, le docteur Svicevic et Sofronije

23 Jeremic qui est devenu amiral, par la suite; à l'époque, il était

24 capitaine de vaisseau de guerre, peut-être même capitaine de frégate; en

25 tout cas, il a été promu très rapidement.

Page 14455

1 Question: L'amiral Jokic vous a-t-il fait savoir quel était son poste

2 exact; dans l'armée, je veux dire?

3 Réponse: Nous avons discuté de la situation sur le terrain. Moi, c'était

4 la première fois que je le rencontrais. A un certain moment, il a dit que

5 c'était lui qui commandait les unités en mouvement vers l'ouest, vers

6 Dubrovnik, vers la ville? Je dis bien qu'il m'a dit cela le 11, date à

7 laquelle Cavtat était encore libre. Enfin, relativement libre, parce que

8 toute la région était occupée, mais Cavtat n'était pas encore occupée.

9 Question: Et Jeremic, quel était son poste?

10 Réponse: Je crois qu'il était officier du renseignement, enfin je suppose.

11 Question: Qu'est-ce qui vous fait penser cela?

12 Réponse: Un peu tout, parce qu'il était toujours présent lors des

13 pourparlers et je suppose que c'étaient bien les fonctions qu'il exerçait.

14 Question: Le docteur Svicevic?

15 Réponse: J'ai entendu dire qu'il était médecin spécialisé dans la

16 psychologie en temps de guerre et je crois que c'est lui qui a organisé

17 tout ce qu'il a fallu organiser pour créer ce climat dans lequel nous

18 étions censés les avoir attaqués, ce qui était contraire totalement à la

19 réalité. Et toutes ces histoires dans lesquelles il était question de

20 30.000 Oustachis qui les auraient attaqués et qui menaçaient Boka, alors

21 que cela n'avait rien à voir avec la vérité. En tout cas, c'était

22 quelqu'un de très brutal et de très arrogant au cours des négociations.

23 Question: Qui a parlé, ce jour-là, de 30.000 Oustachis en armes menaçant

24 Boka?

25 Réponse: Ce jour-là, non, mais dans la période antérieure, oui. C'est en

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1 parlant ainsi qu'ils ont recruté pas mal de monde, au Monténégro, pour

2 aller à Dubrovnik. Ce jour-là, non; parce que, ce jour-là, Konavli avait

3 déjà été pris.

4 Question: Lorsque vous avez rencontré l'amiral Jokic et ces deux autres

5 hommes, vous ont-ils dit pour quelle raison ils attaquaient Dubrovnik? Et

6 si oui, qu'ont-ils dit exactement?

7 Réponse: Ils n'ont cessé d'affirmer qu'il y avait là-bas 7.000

8 terroristes, mercenaires, Kurdes et je ne sais plus quoi, et qu'il fallait

9 que ces hommes se rendent.

10 Question: Mais était-ce vrai? Y avait-il des mercenaires?

11 Réponse: Mais comment? Mais non, dans notre armée, nous n'avions pas un

12 seul mercenaire. Nous avions un étranger dans nos rangs…

13 Question: Je vous en prie. Oui, oui, allez-y.

14 Réponse: Nous avions un étranger dans les rangs de notre armée; c'était un

15 Néerlandais marié à une femme de Dubrovnik et qui s'est trouvé à Dubrovnik

16 au moment de l'attaque. Et donc, il s'est présenté à l'armée croate en

17 tant que volontaire et, par chance, il est resté vivant. Je pense

18 qu'aujourd'hui encore, il réside et vit aux Pays-Bas. Je ne connais pas

19 son nom; si je le connaissais, j'aimerais…

20 Question: Très bien, très bien. Avez-vous dit cela à l'amiral Jokic? Lui

21 avez-vous dit que ce qu'il disait était faux?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Quelle a été sa réaction?

24 Réponse: Aucune. Il n'a absolument pas réagi, il a continué comme si je

25 n'avais rien dit.

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1 Question: Avez-vous protesté contre ce qui se passait dans la ville et

2 dans la région?

3 Réponse: Oui, nous l'avons fait.

4 Question: Quelle a été la réaction?

5 Réponse: Il n'y a pas eu de réaction, ils ont continué.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous avez parlé d'un ultimatum qui

7 vous avait été adressé.

8 Avec l'aide de M. L'huissier, j'aimerais vous soumettre la pièce à

9 conviction 361, intercalaire 39.

10 (Intervention de l'huissier.)

11 La traduction se trouve, en fait, dans un autre document.

12 M. le Président (interprétation): Nous devons suspendre l'audience

13 aujourd'hui, en fait, à 13 heures 45 exactement. Donc je pense que nous

14 allons le faire maintenant.

15 Madame Uertz-Retzlaff, je suppose que vous n'en avez plus pour très

16 longtemps avec ce témoin?

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Non, Monsieur le Président, une

18 vingtaine de minutes.

19 M. le Président (interprétation): Bien. Pas plus, je vous prie, car nous

20 devons achever demain l'interrogatoire principal et le contre-

21 interrogatoire du témoin suivant et traiter de quelques questions

22 administratives.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, j'ai quelque

24 chose à vous dire qui concerne également le témoin et les autres personnes

25 présentes dans le prétoire. Je ne serais pas disponible le 18, donc c'est

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1 mon collègue M. Nice qui poursuivra l'interrogatoire principal et qui sera

2 présent également au moment du contre-interrogatoire.

3 M. Nice (interprétation): Les articles de presse, dont a parlé Mme Laber,

4 sont prêts. J'ai reçu un original de ses mains, en tout cas je pense que

5 c'était un original. Je n'en ai pas parlé avec elle. Et la Chambre

6 pourrait se contenter de copies.

7 M. le Président (interprétation): Oui.

8 M. Nice (interprétation): Ce sont des documents de grande taille, mais il

9 était impossible de les présenter autrement. J'aimerais donc remettre ces

10 documents. Quant au document relatif aux questions de calendrier -dont

11 j'ai déjà parlé- il est prêt également, il est en cours de dépôt auprès du

12 Greffe. Mais je fournirai ce que j'appellerai des "copies de courtoisie" à

13 toutes les personnes présentes ici, y compris l'accusé avant la suspension

14 d'audience, de façon à ce que ce document puisse être examiné avant la fin

15 de l'audition de ce témoin.

16 M. le Président (interprétation): Très bien. Une cote pour les articles de

17 presse?

18 Mme Anoya (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 360.

19 M. Nice (interprétation): Merci. Puisque nous parlons de questions

20 administratives, il y a une annexe B qui doit encore être agrandie. Je

21 pense que d'ici mercredi prochain je disposerai de la version agrandie, en

22 tout cas nous aurons progressé d'ici là.

23 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous allons suspendre.

24 Monsieur Poljanic, je pense devoir vous dire que d'ici à mercredi

25 prochain, nous ne siégerons pas dans le cadre de ce procès, nous avons

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1 d'autres questions à traiter. Je vous demande donc d'être de retour dans

2 ce prétoire mercredi prochain lorsque le procès reprendra.

3 Je suspends l'audience pour le moment.

4 (L'audience est levée à 13 heures 48.)

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