Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Vendredi 21 février 2003.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 3.)

3 (Audience publique.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice, reprenez là où vous

6 vous étiez arrêté hier après-midi.

7 M. Nice (interprétation): J'avais pratiquement terminé ce que j'avais

8 à dire.

9 Je vous avais expliqué que ces deux témoins avaient demandé soit

10 toutes les mesures de protection, soit l'anonymat, jusqu'au moment où ils

11 allaient venir déposer. Les ordonnances avaient été obtenues dans ce sens;

12 à l'avenant de leurs préoccupations et de la situation qui était la leur,

13 ils demandaient la protection de la Chambre.

14 Cependant, en ce qui concerne le général Vasiljevic, à un moment donné,

15 nous avions demandé que sa déposition se fasse à huis clos. Ceci avait été

16 rejeté. En d'autres termes, il pouvait bénéficier de l'anonymat et d'un

17 retard dans la communication pour les raisons déjà avancées. Il était

18 manifeste qu'à un moment donné, le général Vasiljevic serait prêt à

19 déposer, mais il tenait à avoir sa protection jusqu'au moment de son

20 arrivée, pour des raisons de sécurité, les risques étant véritables. De

21 toutes façons, vu l'évolution de la situation et l'expérience que nous

22 acquérons s'agissant des menaces à l'encontre des témoins dans le cadre de

23 ce procès, il est nécessaire de faire preuve de prudence quant à l'abandon

24 des mesures de protection tant que les témoins ne sont pas sûrs que c'est

25 vraiment ce qu'ils veulent faire.

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1 Nous avons déposé une requête le 31 mai 2002, paragraphe 15. Nous avons

2 dit ceci dans cette requête: ces témoins demanderont aussi certaines

3 mesures de protection pour ce qui est de leur déposition devant la Chambre

4 de première instance, parce que ce sont des témoins présentant des sources

5 d'information sensibles. Et l'accusation sera mieux en mesure de juger la

6 nécessité de ces mesures de protection pour ce qui est de ces témoins au

7 moment où se rapprochera la date de leur déposition. Nous verrons quelles

8 seront les mesures minimales à demander. L'accusation demande donc

9 l'autorisation de déposer une requête afin d'obtenir des mesures de

10 protection pour des témoins sensibles, au moment où la date de leur

11 déposition se rapprochera. L'accusation demandera la possibilité de

12 déposer ces requêtes, c'est-à-dire 30 jours avant la date attendue de la

13 déposition de ce témoin avec la communication des déclarations préalables

14 aux amis de la Chambre. On ne pensait pas, à ce moment-là, qu'il n'y

15 aurait pas nécessairement de besoins en matière de protection à accorder

16 au moment du procès. Et si nous avions un témoin qui n'avait pas besoin de

17 protection, on prévoyait ce délai de 30 jours pour communication. Je pense

18 que c'est ce que nous devrions faire à l'avenir pour tout témoin

19 bénéficiant des mesures de protection, précisé par l'article pertinent, et

20 dont on saurait, 30 jours avant la comparution, qu'il n'y aurait pas

21 nécessité d'accorder les protections de la Chambre.

22 Quelques questions de détails. Je vous avais promis d'en dire davantage à

23 l'encontre du présent témoin. Il avait demandé la confidentialité; ce

24 serait intéressant de savoir ce qu'il en pense si quelqu'un lui pose une

25 question dans le cours de sa déposition. Apparemment, on lui aurait donné

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1 de l'argent en espèces pour qu'il achète son billet d'avion, c'est parce

2 que, tout juste avant sa venue au Tribunal, il ne voulait pas avoir de

3 liens apparents avec le Bureau du Procureur. Si l'unité de fourniture des

4 biens paie pour les frais de déplacement, à ce moment-là, dans la plupart

5 des cas, la compagnie aérienne nationale, la compagnie locale yougoslave

6 est au courant et peut communiquer avec d'autres que des paiements ont été

7 effectués par ce bureau. C'est pour éviter ce risque que l'on avait donné

8 l'argent en espèces à ce témoin afin qu'il paie pour son logement et son

9 déplacement. Il ne voulait pas avoir de lien ou d'association en public

10 avec le Bureau du Procureur.

11 Rappelez-vous, à la suite de la communication de son nom aux associés, 24

12 heures plus tard, ce témoin affirme qu'il a fait l'objet d'une menace, et

13 la presse a parlé de sa déposition imminente. Ceci nous a préoccupés. Vous

14 aussi d'ailleurs. Avant de partir, il a fait une conférence de presse

15 annonçant sa venue, tout à fait à l'improviste, sans que nous soyons au

16 courant. Vous pourrez peut-être examiner cette question avec lui. D'après

17 ce que nous avons compris: jusqu'au moment où il est monté dans l'avion,

18 c'était quelqu'un qui voulait que ces tractations avec nous se fassent sur

19 une base tout à fait limitée et tout à fait confidentielle.

20 Encore autres choses, à propos d'un des témoins, le témoin C-039, à savoir

21 le général Vasiljevic, l'accusé s'est plaint du fait qu'il n'avait pas été

22 en mesure de se préparer, mais ceci vaut la peine en ce qui concerne ce

23 témoin puisque les documents afférents à ce témoin ont été communiqués

24 dans leur totalité dès le 3 juillet 2002.

25 M. le Président (interprétation): Je reviens à une question.

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1 M. Nice (interprétation): Oui?

2 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous nous avez expliqué ce

3 qu'il en est de ces deux témoins? Oui, vous l'avez fait. Je pense ceci: la

4 Chambre veut être sûre qu'il faut éviter ce genre de méprise ou de

5 malentendu à l'avenir. Vous proposez comme solution: qu'à l'avenir

6 l'accusation dépose une requête à propos de ce délai de 30 jours. Je ne

7 sais pas si je vous ai bien compris?

8 M. Nice (interprétation): Excusez-moi, je n'ai pas été très clair. Nous

9 avions eu cette intention, cela a d'ailleurs été notre pratique lorsque

10 nous demandons des mesures de protection à la Chambre pour des témoins

11 délicats, nous avions l'intention de déposer une requête 30 jours avant

12 l'audience ou la déposition de ce témoin. Parfois avec un délai plus long.

13 En même temps, nous fournissions les documents afférents à ce témoin aux

14 amis de la Chambre.

15 M. le Président (interprétation): Vous proposez d'annoncer cette intention

16 au moins 30 jours?

17 M. Nice (interprétation): Oui.

18 M. le Président (interprétation): A ce moment-là, vous contactez le témoin

19 pour voir ce qu'il en est?

20 M. Nice (interprétation): Effectivement. Et, si à ce moment, on sait qu'il

21 ne faut pas faire de requête, même s'il n'y a pas de requête à faire, il

22 faudrait faire un dépôt d'écriture, une signification à la Chambre, ou par

23 d'autres voies informelles, il faudrait informer les amis du fait que le

24 témoin va déposer en audience publique.

25 M. le Président (interprétation): Et vous avez parlé d'un affidavit?

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1 M. Nice (interprétation): Oui, j'allais en parler. Ce n'est pas très

2 réaliste, car les témoins sont peut-être ailleurs.

3 M. le Président (interprétation): Oui, mais est-ce qu'il n'est pas logique

4 de penser que ce n'est pas facile d'obtenir une déclaration sous serment?

5 M. Nice (interprétation): Oui, quand ils arrivent...

6 M. le Président (interprétation): Oui, quand ils veulent déposer 30 jours

7 auparavant.

8 M. Nice (interprétation): Mais, vous savez, il faudrait peut-être envoyer

9 un enquêteur en mission spéciale où que se trouve le témoin. En Amérique.

10 En Australie.

11 M. Nice (interprétation): Envoyez une lettre. Pourquoi pas une lettre?

12 M. Robinson (interprétation): Mais il me semble… L'avantage, c'est que la

13 décision est un peu activée par le souhait formulée par le témoin.

14 Quelquefois, si le Bureau du Procureur prend la décision tout seul, il

15 faut comprendre que c'est parfois dans des circonstances qui sont peut-

16 être ambigus.

17 M. Nice (interprétation): Il se peut qu'il y ait parfois une certaine

18 ambiguïté dans la façon dont nous présentons la situation maintenant. Vous

19 savez, lorsque nous demandons des mesures de protection proprio motu,

20 comme le prévoit d'ailleurs le Règlement -et personne n'a laissé entendre

21 que ce n'est pas là une démarche idoine- mais lorsque vous avez des

22 témoins délicats, vous savez, la plupart du temps il faut demander ces

23 mesures de protection. Surtout qu'il risque d'y avoir des circonstances

24 difficiles pour le témoin étant donné la nature de ce procès.

25 Pour ce qui est de faire signer un document par le témoin 30 jours

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1 auparavant, si vous me permettez d'avancer cette idée, cela a peut-être

2 l'air, en théorie, assez facile, mais je pense qu'en pratique, cela va

3 s'avérer très difficile.

4 Permettez-moi de suggérer ceci: si notre position est claire, d'une façon

5 ou d'une autre, 30 jours ou plus avant la date prévue de la comparution il

6 ne plane plus aucune ambiguïté. Et je crois que c'est ce qui serait

7 préférable pour la raison suivante: c'est que les témoins viennent ayant

8 bénéficié –enfin, pas souvent, peut-être que oui, fréquemment- des mesures

9 de protection, nous pouvons nous assurer à ce moment-là que le témoin peut

10 déposer en audience publique. C'est ce que la Chambre préfère. Parfois,

11 c'est l'inverse: les témoins arrivent et puis, seulement à ce moment-là,

12 demandent des mesures de protection.

13 Si on indique par écrit que l'on a besoin de ces mesures de protection 30

14 jours avant la comparution, c'est, de cette façon, quelque chose de plus

15 solide; on utilise mieux les circonstances et l'on pare mieux aux

16 éventualités telles qu'elles se présentent au moment de la comparution.

17 Et, en fait, il n'y aura pas de préjudice concevable si, par communication

18 avec le témoin, on sait 30 jours avant sa comparution, que le témoin

19 demande telle ou telle mesure.

20 (Les Juges se concertent sur le siège.)

21 M. le Président (interprétation): Oui.

22 M. Nice (interprétation): Permettez-moi d'ajouter quelques éléments. On me

23 rappelle, bien entendu, qu'il y a un autre problème.

24 Souvent, les témoins ont une idée erronée, exagérée d'ailleurs, de ce dont

25 ils peuvent bénéficier en guise de mesures de protection. Ils ont peut-

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1 être cet avis, même si les enquêteurs les ont bien informés au moment où

2 ces témoins ont fourni une déclaration préalable; ils ont une idée erronée

3 de ce qui est à leur disposition.

4 Si on communique avec eux par télécopie par exemple, il se peut que nous

5 nous trouvions dans une situation difficile. Il faut éventuellement

6 corriger la déclaration préalable ou faire procéder à une nouvelle

7 interprétation des faits. Je crois qu'il est de loin préférable -et

8 permettez-moi de le dire, vu notre expérience- d'établir 30 jours avant la

9 venue du témoin, si ce témoin a besoin de mesures de protection. A ce

10 moment-là, il faut que l'explication soit suffisamment claire et que, par

11 notre truchement, le témoin ne demandera peut-être que certaines mesures

12 soutenues par la Chambre et que nous serions prêts à soutenir. Et si le

13 témoin manifeste l'intention de déposer en audience publique, nous pouvons

14 en informer la Chambre et les amis de la Chambre. Au moment où le témoin

15 arrive, et c'est vraiment uniquement lorsqu'on voit ce témoin, lorsqu'on

16 discute avec lui, qu'il est possible d'établir s'il y a changement ou pas.

17 Si c'est le cas, nous le communiquons immédiatement.

18 M. Robinson (interprétation): Vous parlez d'un délai de 30 jours, parce

19 que vous dites que 30 jours, c'est un délai suffisant?

20 M. Nice (interprétation): Non. Pour des témoins protégés qui ont bénéficié

21 d'un retard de la communication de la déclaration, vous savez, en

22 application de l'ordonnance de la Chambre, c'est dans ce délai qu'il faut

23 remettre les documents aux amis. Puisque le danger justifie nécessité de

24 retarder la communication jusqu'à ce qu'un des partis participant soit

25 connu, à ce moment-là, c'est un délai de 30 jours ou plus.

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1 M. le Président (interprétation): Mais cela revient à dire, au fond, que

2 si cette procédure est mise en branle, il faut que la Chambre et le Bureau

3 du Procureur soient convaincus que tout a été fait pour éviter une

4 situation où on a accordé des mesures de protection qui sont levées ou

5 abandonnées au dernier moment.

6 Si nous comprenons bien la situation: on persuade certains témoins

7 d'abandonner ces mesures de protection, c'est bien sûr dans l'intérêt de

8 la justice, mais ce sont vraiment ces témoins délicats qui sont concernés,

9 pour lesquels il y a un retard dans la communication des documents les

10 concernant? C'est là que le bât blesse.

11 M. Nice (interprétation): Oui.

12 M. le Président (interprétation): Et vous avez combien de témoins de la

13 sorte? Ce serait peut-être utile… Je ne sais pas si vous le savez déjà

14 maintenant, mais donnez-nous peut-être une idée.

15 M. Nice (interprétation): Plusieurs, peut-être une douzaine. En l'espèce,

16 nous n'avons rien fait d'erroné ou de contraire au Règlement. La seule

17 chose qui s'est passée, c'est que nous n'avons pas fait de requête

18 positive pour obtenir des mesures de protection dans ce délai de 30 jours.

19 Et nous nous sommes dit qu'en fait, on aurait dû dire aux parties

20 qu'effectivement ce témoin va déposer en audience publique, même s'il va

21 rester totalement protégé, donc à l'abri de l'opinion publique, jusqu'au

22 moment de son arrivée.

23 Rappelez-vous le général Vasiljevic et ce témoin-ci -bien sûr, sous

24 réserve de ce qu'il dira-; ils ont demandé le secret ou l'anonymat jusqu'à

25 leur arrivée ici. C'est la seule raison qui explique pourquoi le présent

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1 témoin a insisté pour dissimuler sa collaboration avec nous en exigeant

2 d'avoir, en fait, le paiement en espèces des coûts de son billet d'avion.

3 Voilà ce que nous demandons. Et nous allons ajuster notre pratique pour

4 veiller à ce que, bien sûr, les parties soient informées dans les

5 meilleurs délais, un délai supérieur à 30 jours si c'est possible, mais

6 qu'on indique aussi d'une façon ou d'une autre s'il va y avoir une demande

7 aux fins d'obtenir des mesures de protection au moment de la déposition. .

8 M. le Président (interprétation): On pourrait aussi obtenir une

9 déclaration de l'enquêteur qui a parlé avec le témoin, pour décrire la

10 conversation qu'il a eue.

11 M. Nice (interprétation): Effectivement, cette signification avec un délai

12 de 30 jours pourrait se faire, mais il faudrait une déclaration sous

13 serment et signée, de toute façon, à l'appui de la requête, déclaration

14 fournie à l'enquêteur.

15 M. le Président (interprétation): Tout du moins, de cette façon tout le

16 monde saurait quelle avait été l'attitude du témoin s'agissant de mesures

17 de protection à ce moment-là, au moment de la prise de déposition, et ça

18 réglerait le problème.

19 Nous avons un témoin; et plus tôt on en aura terminé avec lui, le mieux ce

20 sera.

21 M. Nice (interprétation): Oui. Encore deux choses. Rappelez-vous, il y

22 avait pour le témoin C-039 une communication en anglais et en BCS en

23 septembre 2002. Et il y a une nouvelle catégorie de difficultés.

24 Nous attendons deux témoins, le témoin C-031 et le témoin C-032.

25 S'agissant du premier, il est prêt à déposer en audience publique, mais il

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1 ne prendra sa décision que s'il obtient une dispense qu'il estime

2 satisfaisante, du fait qu'il a à communiquer des secrets d'Etat et qu'il a

3 à obtenir l'autorisation pour le faire.

4 S'agissant du témoin C-032, apparemment il a indiqué, de façon assez

5 catégorique, qu'il ne va pas demander de protections au moment de sa

6 déposition.

7 M. le Président (interprétation): Attendez. Donc le témoin C-032 ne

8 demande pas de mesures de protection?

9 M. Nice (interprétation): Pas au moment de sa comparution. C'est pareil

10 pour le témoin C-035 qui ne va pas demander à être protégé au moment de sa

11 comparution. Le témoin C-031 n'en demande pas non plus, pour autant qu'il

12 obtienne cette dispense.

13 M. le Président (interprétation): Abordons d'abord le cas du témoin C-032

14 et du témoin C-035; donc on ne va pas demander de mesures de protection à

15 leur encontre. Mais de toute façon, eux ne tombent pas sous le coup de

16 retard de communication?

17 M. Nice (interprétation): Je vais vérifier.

18 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.

19 M. Nice (interprétation): Non. Non, c'est déjà communiqué il y a belle

20 lurette, me dit Mme Uertz-Retzlaff qui a une connaissance absolument

21 encyclopédique du dossier.

22 M. Robinson (interprétation): Soyons prudents en ce qui concerne le témoin

23 C-031, Monsieur Nice. S'il ne se décide qu'à la venue, on pourrait se

24 retrouver dans la même situation: à la toute dernière minute, il

25 risquerait de décider de déposer en audience publique, auquel cas l'accusé

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1 aurait uniquement bénéficié de dix jours pour mener une enquête le

2 concernant.

3 Je vois que vous faites un signe négatif de la tête?

4 M. Nice (interprétation): Messieurs les Juges, des détails supplémentaires

5 me sont gentiment fournis par Mme Uertz-Retzlaff… De toute façon, la

6 déclaration de C-031 a déjà été communiquée; le tout est de savoir s'il va

7 déposer en audience publique. Et à notre connaissance, la dispense a été

8 accordée, mais il ne l'a pas encore reçue. Une fois qu'il l'a reçue, il

9 n'y aura plus de problème.

10 M. le Président (interprétation): Monsieur Kay?

11 M. Kay (interprétation): Je ne sais pas combien de temps vous voulez

12 consacrer à ce stade de la procédure, mais nous aurions quelques

13 observations à faire pour ce qui est de toute la question, la

14 problématique de la communication.

15 En effet, la Chambre l'aura constaté, c'est un fardeau très lourd

16 lorsqu'il s'agit d'examiner tous ces documents, lorsque vous avez des

17 témoins aussi importants, vu le peu de délai accordé à l'accusé. Nous

18 avons la communication de déclaration préalable, les dates fournies par le

19 Procureur, mais nous avons toutes les pièces à l'appui. Nous ne savions

20 pas que le général Vasiljevic allait faire allusion à tel ou tel document,

21 pas la moindre idée, alors qu'il y avait quelque chose comme 300.000

22 documents qui avaient été communiqués.

23 Si nous avons ou nous voulons avoir une idée de la façon dont sa

24 déposition va se dérouler, nous n'avons pas cette idée tant que nous

25 n'avons pas le résumé. Cela vaut aussi pour le capitaine Dragan. Bien

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1 entendu, nous obtenons sa déclaration préalable, mais nous ne savons pas

2 quels documents nous allons produire par son truchement, quels documents

3 auraient été trouvés à Brcko ou ailleurs, afin de prouver telle ou telle

4 partie de sa déposition. Donc on va lui demander s'il reconnaît le

5 document. C'est vrai aussi pour les 10.000 pages des CD, des CD-roms.

6 Nous travaillons sous une contrainte extrême si nous voulons avoir une

7 idée de la tournure que prendra la disposition. Bien sûr, nous avons une

8 communication de base. Mais si nous voulons comprendre quelles seront les

9 thèses avancées par le biais du témoin, là, c'est une autre paire de

10 manches et nous aimerions le dire clairement. Parce que c'est un facteur

11 supplémentaire qu'il faut prendre en compte lorsqu'il y a communication

12 retardée du fait de l'anonymat qu'on veut préserver pour le témoin. C'est

13 un fardeau très lourd qui pèse sur les épaules de la défense, les menaces;

14 mais pensez aux menaces que l'on fait à l'équipe britannique pour le

15 cricket au Zimbabwe, ce n'est vraiment pas quelque chose qui change la

16 face du monde! Alors, je pense que quelquefois, on exagère un peu.

17 Je sais que le Tribunal, en vertu du Statut et du Règlement, a pour

18 obligation de tenir compte des peurs des témoins et a la nécessité de

19 présenter des mesures de protection. Mais si l'on pense à ce procès comme

20 à d'autres, d'ailleurs, je pense qu'on exagère peut-être le degré

21 d'hystérie nécessaire. Quelquefois, lorsqu'on sonde ces questions, on se

22 rend compte qu'il n'y a pas vraiment de fondement.

23 Je ne sais pas dans quelle mesure vous voulez explorer la question

24 maintenant, mais il se peut que toute la problématique de la communication

25 afférente à l'accusé mériterait une demi-heure du temps qu'a à nous

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1 consacrer la Chambre, tôt ou tard.

2 M. le Président (interprétation): Nous allons d'abord réfléchir à la

3 question mais nous devons veiller à nous assurer que, pour le reste de la

4 présentation des témoins à charge, il y ait un système qui soit équitable

5 pour tous. Je ne sais pas si je suis tout à fait d'accord avec vous en

6 matière de protection, cela s'est avéré être un véritable problème dans ce

7 Tribunal, et dans ce procès, nous en avons eu la preuve.

8 M. Kay (interprétation): Certains des témoins qui ont bénéficié de mesures

9 de protection -je ne suis pas expert en la matière, c'est ce qu'on me dit,

10 je ne connais pas les éléments politiques- mais, apparemment, on sait

11 parfaitement de qui il s'agit au moment où ces personnes déposent. Tout le

12 monde peut deviner qui est la personne, il suffit pour découvrir son

13 identité de voir ce que disent ces gens disent dans leur déposition. On me

14 dit que parfois l'accusation présente des allégations pour dire que c'est

15 uniquement la défense qui aurait été en mesure de trahir l'identité.

16 Apparemment, ce n'est pas tant pour certains journalistes, ils savent

17 pertinemment de qui il s'agit.

18 M. le Président (interprétation): Ce n'est peut-être pas nécessairement la

19 révélation de l'identité du témoin. Il y a un problème qui n'est pas tout

20 à fait sans rapport avec cela: c'est la communication des déclarations

21 préalables, c'est là que se pose le problème lorsque vous avez des témoins

22 protégés. Quoi qu'il en soit, il faudra -je pense- y réfléchir.

23 M. Kay (interprétation): Oui.

24 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Nous allons y revenir.

25 Monsieur Milosevic, voulez-vous ajouter quoi que ce soit à ce stade?

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1 M. Milosevic (interprétation): Certainement. Il est tout à fait juste de

2 dire ce que vous venez de prononcer à la fin de votre intervention, à

3 savoir la question de divulgation des documents. C'est là une question

4 clef, une question substantielle, qui est en corrélation directe avec le

5 temps imparti.

6 Nous avons entendu M. Nice nous citer le cas de M. Vasiljevic. Il a dit

7 que sa déclaration, ses déclarations étaient communiquées en juillet, et

8 cela fait qu'il n'y a pas eu de problème pour ce qui est d'étudier ses

9 déclarations. Mais je pense que l'on devrait faire la distinction entre la

10 possibilité qui a trait à un témoin protégé et un témoin qui témoigne en

11 public.

12 S'agissant des témoins protégés, il n'y a que mes deux collaborateurs qui

13 savent de qui il s'agit et qui peuvent collecter des informations. Alors

14 que, lorsqu'il s'agit d'un témoin qui témoigne en public, un nombre de

15 personnes plus important peut prendre part à la collecte des informations.

16 Donc le champ de manœuvre pour ce qui est de la collecte des informations,

17 il y a une différence énorme entre le fait de savoir si le témoin est un

18 témoin secret, un témoin confidentiel, ou un témoin qui témoigne en

19 public. Ça c'est l'une des distinctions importantes à faire.

20 Deuxièmement, M. Nice pose tout à l'envers. Parce que la règle ici veut,

21 elle, que les témoins viennent témoigner à huis clos partiel. Et j'ai

22 l'impression que le principe est d'avoir des témoins qui témoigneront en

23 secret. Je crois que l'on devrait faire de ces témoignages confidentiels

24 une exception et non pas une règle. Je pense donc que prendre davantage

25 soin du témoin signifie ou revient à dire que l'on est plus catholique que

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1 le Pape. Si l'on invente ici, de toutes pièces, des raisons pour ce faire,

2 et ce par les soins de la partie adverse, cela vise à obstruer mes

3 préparatifs pour le contre-interrogatoire et non pas pour protéger le

4 témoin.

5 Lors des contacts que ce témoin a avec la partie adverse, il peut se

6 prononcer en faveur de mesures de protection et il peut dire s'il veut

7 témoigner en public ou à huis clos partiel. Je ne vois pas pourquoi cela

8 devrait être un mystère à dévoiler dix jours avant le témoignage ou trente

9 jours avant le témoignage. Le fait est de savoir si ce témoin se sent en

10 péril ou pas. Et il s'est avéré que bon nombre de ceux qui ont témoigné en

11 secret, n'ont pas été menacés de quelque façon que ce soit.

12 Alors, si ceci constitue une exception, il convient de la traiter comme

13 telle et il faut que les choses soient précisées en temps utile. Ce n'est

14 pas la première fois que nous avons un témoin qui vient, que l'on déclare

15 témoigner en public, alors que les préparatifs ont été faits dans le

16 secret, dans la confidentialité, y compris les préparatifs pour le contre-

17 interrogatoire. Et ce n'est que quand il vient dans le prétoire que l'on

18 dit qu'il témoignera en public.

19 (Les Juges se concertent sur le siège.)

20 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, je suis en train de faire une

21 interprétation de l'Article 69 qui doit se faire à la lumière des

22 dispositions du Statut, lesquelles disent qu'un procès doit être public.

23 Je pense que, de toute façon, c'est une règle fondamentale du droit

24 coutumier. Pour que ceci soit en accord avec la condition posée, il me

25 semble raisonnable d'interpréter cette disposition comme ceci: elle donne

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1 un droit à l'accusation de présenter des mesures de protection, mais ceci

2 ne doit se faire que si tel ou tel témoin le dit clairement, le demande

3 clairement. Sinon, on se rapproche fortement de la situation que vient

4 d'esquisser M. Milosevic, à savoir que la requête aux fins d'obtention de

5 mesures de protection devient routinière. Cela devient une routine pour

6 ces témoins parce que l'accusation les considère comme témoins délicats,

7 sensibles, alors que cela devrait être une exception par rapport à ce que

8 dit à ce propos le Statut.

9 Par conséquent, je vous exhorte à interpréter cette disposition dans le

10 respect des exigences du Statut, à savoir qu'un procès doit être public.

11 Cela revient à dire que l'accusation n'est autorisée à demander ces

12 mesures de protection que s'il y a une demande explicite dans ce sens d'un

13 témoin qui veut bénéficier effectivement des mesures de protection.

14 M. Nice (interprétation): Je vois que c'est une évolution, c'est une

15 interprétation évolutive. Je pense que nous pourrons y répondre, mais il

16 faut pour cela l'examiner. Ceci risque d'avoir beaucoup d'incidences au

17 niveau institutionnel. Mais il y a aussi des problèmes d'ordre pratique.

18 Je dois en discuter avec certains enquêteurs. Je ne veux pas trop insister

19 ici, mais est-ce qu'on peut dire à un témoin: "C'est tout ou rien. C'est

20 maintenant ou jamais. Vous devez vous prononcer maintenant"; et puis,

21 après, le témoin ne peut plus demander de mesures de protection?

22 C'est difficile au niveau de l'enquête aussi. Il faut faire une évaluation

23 de la situation, bien sûr de concert avec l'avis du témoin. Je pense, avec

24 le respect que je lui dois, que Me Kay a tout à fait tort. Vous savez, le

25 monde n'est pas simple et n'est pas sans danger; quiconque s'est rendu sur

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1 ce territoire le sait. Il suffit de lire la presse récemment pour s'en

2 convaincre. Une évaluation objective au moment où le témoin expliquerait à

3 un moment très précoce ce qu'il veut, aura bien sûr pour effet de limiter

4 le nombre de requêtes faites, afin d'avoir un retard de communication et

5 diminuera aussi le nombre de requêtes formant (sic) du procès pour le dire

6 simplement.

7 La dernière chose que nous voulons, c'est demander à un témoin qu'il

8 demande trop facilement les mesures de protection parce que -la plupart du

9 temps, ce n'est pas vrai dans tous les cas- mais la plupart des gens

10 diront: "Mais volontiers. Je comprends parfaitement". Si l'on présente les

11 choses ainsi, la plupart des gens vont demander des mesures de protection.

12 Pas tous, mais bon nombre d'entre eux.

13 Donc je comprends que si l'on voit les choses à première vue, il est tout

14 à fait justifié d'interpréter les choses comme vous venez de le proposer,

15 Monsieur le Juge. Mais je crois que les conséquences pratiques dans la vie

16 réelle vont être très graves. Aussi pensais-je qu'il nous faudrait

17 davantage de temps pour vous présenter les expériences de nos enquêteurs.

18 M. Robinson (interprétation): Mais je n'ai pas présenté ici une décision

19 définitive. J'ai juste développé une construction d'interprétation du

20 Règlement. C'est une chose qu'il nous faudra bien entendu débattre.

21 M. Nice (interprétation): Nous avons toujours estimé que vos points de vue

22 sur ces sujets nous étaient fort utiles. Nous allons voir ce que nos

23 enquêteurs vont nous dire à ce sujet.

24 M. le Président (interprétation): Nous allons revenir sur ce sujet

25 ultérieurement.

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1 Monsieur Milosevic, je n'ai pas entendu ce que vous, vous avez dit.

2 M. Milosevic (interprétation): Une question concrète liée à ce que M.

3 Robinson vient de dire. J'ai cru comprendre qu'il a dit que des mesures de

4 protection devaient être introduites si le témoin les demandait. Le

5 Procureur a demandé que le C-032 et le C-035 n'avaient pas demandé des

6 mesures de protection. Alors, je demande de savoir pourquoi ces gens-là

7 figurent sur la liste des témoins protégés s'ils n'ont pas demandé de

8 mesures de protection? Quelles sont les raisons qui ont motivé ce fait?

9 M. le Président (interprétation): Je crois que nous avons débattu de cela

10 dans la mesure où il avait été possible de le faire. Il n'est point de

11 doute que nous pouvons revenir sur ce sujet lorsque ces témoins viendront

12 témoigner.

13 Toujours est-il qu'à présent il serait préférable de faire entrer le

14 témoin dans le prétoire et de continuer avec la présentation des éléments

15 de preuve, parce que c'est ce qu'il nous convient de faire aujourd'hui.

16 (Le témoin, Dragan Vasiljkovic, est introduit dans le prétoire.)

17 M. le Président (interprétation): Autre chose… Ah, oui, le témoin vient

18 d'entrer.

19 On a pris contact avec le Dr Ranta; il sera disponible le 12 mars, il

20 pourra venir ce jour-là dans le prétoire. C'est à ce moment-là, que nous

21 avons l'intention de citer à la barre ce témoin.

22 M. Nice (interprétation): Nous en prendrons note dans nos agendas

23 respectifs. Je ne sais pas si quelqu'un a des engagements pour ce jour, je

24 vous le ferai savoir.

25 (Le témoin Dragan Vasiljkovic est reconduit hors du prétoire.)

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1 M. le Président (interprétation): Oui. Veuillez nous informer de la chose,

2 aussi rapidement que possible.

3 Monsieur Milosevic, ce témoin sera cité à la barre le 12 mars; vous en

4 êtes maintenant dûment informé.

5 M. le Président (interprétation): Veuillez faire entrer le témoin

6 maintenant.

7 (Le témoin, Dragan Vasiljkovic, est introduit dans le prétoire.)

8 Je vous prie de nous excuser de vous avoir fait un petit peu attendre. Il

9 y avait un certain nombre de questions dont nous devions débattre.

10 Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

11 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

12 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Dragan Vasiljkovic par l'accusé M.

13 Milosevic.)

14 M. Milosevic (interprétation): Capitaine, avant de continuer à vous poser

15 des questions concernant la teneur de votre témoignage, je voudrais, au

16 préalable, débattre d'un point.

17 Nous avons entamé le contre-interrogatoire par des questions de ma part

18 vous demandant de savoir si vous aviez demandé à témoigner en secret ou si

19 vous aviez demandé des mesures de protection. Vous vous en souvenez?

20 C'était hier que je vous l'ai demandé. Et j'ai reçu votre réponse disant

21 que vous n'aviez demandé de mesures de protection, que vous n'avez demandé

22 aucune protection; que vous n'aviez nullement formulé le vœu de témoigner

23 à titre confidentiel, à quelque moment que ce soit avant votre arrivée au

24 prétoire, ici pour témoigner. C'est bien ce que j'ai compris, n'est-ce

25 pas, je suppose? Et je vous demanderai de répondre par oui ou par non, que

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1 M. May avait demandé à M. Nice de nous fournir une explication pour dire

2 si, oui ou non, j'avais raison de vous demander la chose. Vous souvenez-

3 vous de la chose? Concernant des explications apportées en votre absence,

4 je me dois de vous poser une question.

5 M. Vasiljkovic (interprétation): Allez-y.

6 Question: Monsieur Nice affirme que vous avez demandé que tous vos

7 contacts avec le soi-disant Bureau du Procureur en face se fassent sur des

8 bases confidentielles. Ma question est la suivante: est-ce que vous avez

9 demandé que vos contacts avec le soi-disant Bureau du Procureur en face se

10 fassent à titre tout à fait confidentiel?

11 Réponse: Je dois apporter une explication un peu plus ample. Je ne peux

12 pas vous répondre par un oui ou par un non. Est-ce que je peux le faire?

13 Question: Allez-y.

14 Réponse: Cela fait des mois que je coopère avec le Tribunal de La Haye,

15 depuis l'adoption de la loi portant coopération avec le Tribunal à La

16 Haye. Il est vrai qu'il avait été sous-entendu, et je voudrais que vous ne

17 perdiez pas de vue le fait que je suis une personnalité publique, que pour

18 me protéger des journalistes, des explications que je devrais leur

19 fournir, je ne voulais pas que, dans le public, il soit question de mes

20 contacts avec eux parce qu'autrement je devrais traiter de cela. J'ai

21 d'autres chats à fouetter!

22 Mais à aucun moment… Lorsqu'on m'a demandé si je voulais être protégé,

23 j'ai dit que c'était complètement absurde parce que, partant du contexte,

24 il était évident qu'il ne pouvait s'agir que de moi. Parce qu'à la lumière

25 de ce que j'avais dit, il était clair que ça ne pouvait pas être quelqu'un

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1 d'autre. Donc à aucun moment, je n'ai songé que vous-même où votre partie

2 à vous étiez privés de certaines informations aux termes desquelles je

3 serais le témoin devant ce Tribunal.

4 Pour être tout à fait sincère encore, je dirais que je crois qu'ils ont

5 jugé de leur part, et qu'ils ont pris des mesures de protection aux fins

6 de me mettre à l'abri des problèmes à l'intérieur du pays et pas à l'égard

7 de vous-même. Donc j'ai peut-être un sentiment de culpabilité au terme

8 duquel mon comportement à leur égard aurait peut-être…

9 Question: Ne perdons pas de temps, j'ai compris votre explication. Mais M.

10 Nice vient de dire que vous aviez été menacé. Avez-vous été menacé?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Ces menaces n'ont pas pu constituer, pour vous, une raison pour

13 venir demander à témoigner à titre confidentiel?

14 Réponse: Non, loin de là. J'ai déclaré ces menaces auprès de nos instances

15 de sécurité dans le pays, et je ne pense pas que cela ait quoi que ce soit

16 à voir avec vous. Cela doit avoir à voir avec quelqu'un d'autre. Et nous

17 avons vérifié, nous avons constaté que ces menaces n'avaient rien à voir

18 avec vous, ni avec quoi que ce soit en corrélation avec vous.

19 Question: Fort bien. Continuons donc avec le contre-interrogatoire.

20 J'ai, sur moi, un rapport spécial émanant des observateurs européens, daté

21 du 29 mars 1994, où l'on fait état d'un entretien avec vous. Je vais

22 donner citation de quelques-unes des constatations que vous y avez

23 apportées et je vous demanderai, par la suite, de nous fournir des

24 commentaires.

25 Réponse: Je vous en prie.

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1 Question: On parle de vous, et on dit: "Personnellement, il préférait une

2 Krajina indépendante. Mais en réalité, l'objectif le plus important était

3 celui de faire cesser la guerre." (Fin de citation.)

4 Par conséquent, s'agissait-il là d'un climat, d'une ambiance générale où,

5 pour tout un chacun, l'essentiel était de faire cesser la guerre au plus

6 tôt?

7 Réponse: Bien sûr.

8 Question: Etait-ce là le sentiment que vous aviez exprimé vous-même, en

9 votre qualité de combattant dans la Krajina, parce qu'on était venu vous

10 voir en cette qualité-là?

11 Réponse: Bien sûr. Parce que ceux qui conduisaient la guerre et qui ont

12 connu la guerre savent très bien quelles sont les horreurs qu'apporte

13 cette guerre.

14 Question: Je voudrais que vous me commentiez la chose suivante aussi: "Il

15 croyait que les Catholiques, les Musulmans et le lobby allemand avaient

16 une influence très grande sur l'opinion publique mondiale à l'égard des

17 Serbes".

18 Cela est également dû à la position géographique. Les journalistes qui

19 étaient venus pour rapporter sur la Krajina étaient venus à Zagreb où ils

20 ont été influencés par une machine médiatique très développée pour ce qui

21 est des relations publiques de la part des Croates. Donc que savez-vous

22 nous dire concernant cette guerre médiatique, au sujet de cette

23 démonisation (sic) des Serbes et ce, notamment lorsqu'il s'agissait des

24 forces déployées par ces derniers pour défendre leur vie propre?

25 Réponse: Je crois que toute personne qui a suivi, ne serait-ce que de

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1 façon superficielle, la guerre médiatique –or la guerre médiatique est une

2 composante très importante de la guerre- a dû comprendre que, d'une part,

3 nous avions eu un lobby allemand, nous avions eu un lobby catholique, un

4 lobby musulman et, d'autre part, nous avons eu un lobby orthodoxe pour

5 lequel nous savons ce qu'il est; et de mauvaises relations avec la Russie,

6 ou plutôt avec la mauvaise personne en Russie. C'était mon opinion, mais

7 c'était de la haute politique; cela dépassait mes capacités de réflexion.

8 Alors, il est tout à fait certain… J'ai ressenti sur ma propre peau que si

9 un journaliste passait par Belgrade et venait d'abord me voir, moi,

10 j'établissais rapidement des liens d'amitié. Je n'ai jamais eu de

11 problèmes pour ce qui était de me faire des amis. Pendant toute la durée

12 de la guerre, ce même journaliste, quand il le pouvait, informait le

13 public en faveur de l'opinion ou de la position serbe. Mais comme la

14 plupart d'entre eux allaient à Zagreb… Et là, je dois reconnaître que les

15 Croates avaient des rapports bien meilleurs -et je me suis renseigné sur

16 la chose, cela faisait partie de mes sources de renseignement-, je dirai

17 donc qu'ils ont investi beaucoup d'efforts, beaucoup d'argent pour ce qui

18 est de l'accueil de ces journalistes. Alors que les Serbes voyaient, de

19 prime abord, les journalistes comme des ennemis. Donc il est tout à fait

20 normal –et c'est de notre faute à nous- d'avoir perdu cette guerre

21 médiatique.

22 Mais je vais confirmer ce que vous avez dit: il y a eu énormément de

23 mensonges. Et comme vous le savez, dans la guerre, la première des

24 victimes c'est précisément la vérité.

25 Question: Je vous prie de me faire un petit commentaire. On dit: "Le

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1 capitaine Dragan a dit que la guerre qui avait cours à présent constituait

2 une prolongation de la Deuxième Guerre mondiale où les Allemands se

3 battaient encore contre les Serbes au travers des Croates ou par le biais

4 des Croates". (Fin de citation.)

5 Est-ce que vous prenez en considération le fait que les frontières

6 actuelles sur le territoire de l'ex-Yougoslavie ressemblent énormément à

7 celles qui ont été établies par Hitler et Mussolini dans la Deuxième

8 Guerre mondiale?

9 Réponse: Mon ex-épouse est allemande et j'ai, sur ma peau, ressenti le

10 changement d'attitude de ces Allemands à mon égard. Ils ont tout à coup

11 compris que je n'étais pas australien mais serbe; parce que jusque-là, ils

12 avaient considéré que j'étais australien. Et après l'unification de

13 l'Allemagne, je crois vraiment –et là, je suis profondément convaincu de

14 la chose; peut-être cela se base-t-il plus sur l'instinct que sur des

15 renseignements concrets-, mais toujours est-il que j'estime que l'on a

16 commencé à rétablir un Etat indépendant croate qui, pour la première fois,

17 a été mis en place du temps de Hitler.

18 Question: Dans les milieux où vous vous êtes déplacé et parmi les Serbes

19 que vous avez fréquentés, était-ce là un sentiment qui ne découlait pas

20 seulement d'un aspect émotif ou du sentiment qu'ils avaient, mais qui

21 découlait de ce qu'ils avaient ressenti sur leur propre peau?

22 Réponse: Absolument.

23 Question: On dit ici que vous êtes fier. Et je vais citer comme cela est

24 dit dans le texte même, pour que les autres puissent suivre également. On

25 dit de vous: "Fier du fait que c'est dans le courant de ces opérations sur

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1 le territoire croate que pas un seul civil croate n'a été ni tué, ni

2 blessé. Le capitaine Dragan a senti que la présence de ses soldats avaient

3 sauvé bon nombre de vies croates." (Fin de citation.)

4 Pouvons-nous conclure, partant de là, que la défense là-bas se trouvait

5 uniquement être une défense et un recours au droit à l'autodéfense et non

6 pas une perpétration de crimes, pas du moins dans le segment où les forces

7 organisées de la défense pouvaient garder le cours des événements sous

8 leur contrôle?

9 Réponse: Je suis d'accord avec vous. Et si je puis avoir une minute, peut-

10 être serait-il utile pour les Juges, de vous communiquer une partie des

11 sentiments ressentis par les gens au niveau du front. Dans ces bureaux

12 bien réchauffés et agréables, on n'est pas en mesure de ressentir ce que

13 cela a été. Quels que soient l'enseignement et l'expérience de la vie que

14 vous avez eus, vous ne pouvez pas vous imaginer la peur que l'on voit dans

15 les yeux des civils non armés, que l'on voit dans les yeux des

16 prisonniers, des femmes et des enfants lorsqu'un soldat, un fusil à la

17 main, s'approche d'eux, quand ce soldat abuse du pouvoir qu'il a sur ces

18 gens-là. Et c'est là un très grand péché.

19 J'ai senti la chose, j'ai été ce soldat ennemi, le fusil à la main. Croyez

20 bien que je me suis efforcé, à tous moments, de contourner ces gens, de

21 choisir des objectifs ou des cibles où il n'y avait que de l'armée, que

22 des soldats. Et j'ai sévèrement puni tout abus commis par mes soldats sur

23 ces territoires. Je crois avoir un record derrière moi. Ce n'est pas

24 quelque chose que je vous ai communiqué moi-même ici, cela a été su ou

25 collecté comme information par les gens du Tribunal avant que je ne vienne

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1 témoigner ici.

2 Question: Fort bien, Capitaine. Revenons, à présent, sur la question des

3 Bérets rouges d'une façon générale.

4 Je vous ai posé des questions hier et je vous ai demandé s'il s'agissait

5 de Bérets rouges de la Krajina. Vous avez mentionné ceux de Brcko, de

6 Teslic, de Skelani, ainsi de suite. Tout ceci a été placé en corrélation

7 avec des services secrets de Serbie, ainsi de suite. Nous avons tiré la

8 chose au clair.

9 Alors, ici, il y a un rapport qui le confirme de façon générale. Il s'agit

10 d'un briefing provenant d'une visite au camp d'entraînement du capitaine

11 Dragan, en date du 22 septembre 1993 par l'OSCE. Une fois de plus, je

12 souligne qu'il s'agit d'un document qui m'a été confié par la partie

13 adverse. On y dit: "Le camp semble avoir été bien entretenu, mais de façon

14 plutôt spartiate. Et dans ce camp, il y avait des stages de 21 jours pour

15 la maîtrise des connaissances militaires de base, etc. etc.". Et on dit:

16 "A la fin de ce stage, les jeunes gens qui ont suivi ce stage reçoivent

17 des Bérets rouges et des insignes de qualification."

18 En d'autres termes, ces stagiaires, une fois qu'ils avaient terminé le

19 stage, recevaient un béret rouge chacun, n'est-ce pas?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Puis, on dit aussi: "On parle de sentiment de votre part, au

22 terme de quoi il y aurait une masse de gens indisciplinés, vous dites,

23 vous vous servez du terme "mob" c'est-à-dire "foule". Vous avez dit que

24 peu de bons dirigeants au niveau moyen et au niveau inférieur, ce qui a

25 donné naissance à bon nombre de violences et d'actes condamnables de part

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1 et d'autre."

2 Est-ce que c'est l'appréciation que l'on peut faire concernant les

3 événements survenus, de part et d'autre?

4 Réponse: Bien entendu.

5 M. Milosevic (interprétation): Dans ce rapport, un rapport spécial daté du

6 7 septembre 1993, il est fait état d'une conversation avec vous; ce sont

7 les équipes de Sibenik, Gospic et Split, centre Zadar, visite à la

8 Krajina. On dit: "Il est un grand nombre de civils armés dans la Krajina.

9 Puis, partant des conversations politiques et militaires qu'ils ont eues

10 avec vous, après cette constatation faite au terme de laquelle il y avait

11 beaucoup de civils armés -comme vous le dites vous-même: des amateurs, des

12 profanes- on dit que la Communauté européenne, sous la présidence de

13 l'Allemagne, se trouve être responsable pour la situation actuelle. Et

14 cela est le résultat de la reconnaissance de la Croatie et de l'embargo

15 prononcé à l'encontre de la Serbie." (Fin de citation.)

16 Savez-vous qu'un grand nombre d'hommes politiques et de l'Europe et du

17 monde entier ont considéré, ont estimé que cette reconnaissance prématurée

18 de la Croatie par l'Allemagne, et puis par d'autres...

19 M. le Président (interprétation): Je crois que nous nous éloignons, nous

20 allons très loin du témoignage de ce témoin. Il n'appartient pas à ce

21 témoin-ci de nous parler de ce qu'ont dit les hommes politiques du monde.

22 M. Milosevic (interprétation): J'ai cité cela pour illustrer le sentiment

23 qui prévalait dans la Krajina. Personne n'y croyait, personne n'arrivait à

24 croire que l'on pouvait reconnaître des frontières administratives et

25 contester le droit à l'autodétermination d'un peuple qui, aux termes de la

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1 Constitution, avait un statut qui lui fournissait la possibilité de se

2 prononcer sur son statut. N'était-ce pas là le sentiment qu'avaient les

3 gens de la Krajina?

4 M. Vasiljkovic (interprétation): En effet.

5 Question: Une autre question, je vais en sauter bon nombre d'autres.

6 Savez-vous s'il y a eu des procès en justice dans la Krajina pour des

7 crimes perpétrés contre des Croates?

8 Réponse: Ne me posez pas de questions au sujet des détails parce que

9 j'étais vraiment surchargé de travail, ce qui fait que les processus ou

10 les procédures en police ou en justice ne m'intéressaient pas beaucoup,

11 mais je suis au courant de la procédure de certaines procédures

12 judiciaires et je sais que certaines personnes ont été arrêtées. J'ai moi-

13 même pris part à l'arrestation de certaines personnes qui avaient violé

14 certains codes du comportement militaire. Cela fait, je puis dire qu'il y

15 a eu des procédures en justice, mais je sais que l'on en a discuté. Mais

16 ne me posez pas de questions au sujet des noms ou des dates parce qu'il y

17 a des personnes certainement plus compétentes qui pourront vous parler de

18 cela.

19 Question: Pouvons-nous conclure, étant donné que nous avons conclu du fait

20 que vous n'avez été ni convoqué ni expédié par le service, pouvons-nous

21 conclure que le seul représentant du service qui s'était entretenu avec

22 vous avant votre départ, c'était "Frenki" Simatovic? Et non seulement, il

23 ne vous avait pas encouragé à partir, mais il vous avait dit, d'après

24 votre témoignage, que vous essayiez de vous suicider, n'est-ce pas?

25 Réponse: C'est ce qu'il m'a dit.

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1 Question: Vous lui avez rétorqué que: si vous aviez peur, vous n'iriez pas

2 là-bas. Si l'on en juge d'après vos dires, on ne vous a pas convoqué, mais

3 la seule personne du service que vous avez rencontrée, a essayé de vous

4 dissuader d'y aller en vous disant que vous vouliez votre propre mort?

5 Réponse: C'est exact. Et c'est elle qui m'a incité ou fait revenir de là-

6 bas, donc je n'ai pas été poussé là-bas contre ma volonté ou celle

7 d'autrui.

8 Question: Cette personne vous a dit elle-même, d'après ce que vous avez

9 dit ici, que quoique ces missions n'étaient que de nature à lier aux

10 renseignements, il vous a dit que tout cela il le faisait en secret et

11 que, si vos chefs savaient que vous alliez… qu'il vous laissait partir là-

12 bas, il aurait été mis aux arrêts et expulsé du service?

13 Réponse: Il l'a dit à plusieurs reprises.

14 Question: Maintenant, je voudrais que nous abordions un autre sujet pour

15 obtenir un certain nombre de précisions. Il s'agit de suggestions que vous

16 avez reçues. Vous avez parlé de Filipovic et Radovic; on vous a suggéré de

17 quitter la Yougoslavie, etc., etc.: vous ont-ils menacé?

18 Réponse: Oui, oui. Aujourd'hui, après toutes ces années et maintenant que

19 je connais Frenki depuis de longues années, je suis peut-être en mesure de

20 donner une meilleure explication de ce qui s'est passé.

21 Question: Allez-y.

22 Réponse: Cela s'est passé de manière complètement inattendue. Moi-même je

23 ne m'y attendais absolument pas, on s'occupait tellement de moi. Et puis

24 j'ai eu des conflits avec Seselj, j'ai commencé à faire des déclarations

25 qui, dans un pays en paix comme l'Australie, auraient peut-être donné une

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1 impression différente, mais j'ai peut-être manqué de retenue en

2 l'occurrence. J'ai l'impression que quelqu'un dans le service a décidé que

3 j'étais une source de problèmes potentiels. Et ils ont décidé de résoudre

4 le problème que je représentais parce qu'ils ont pensé que je prendrais

5 peur, que je ferais mes bagages et puis que je partirais. Mais ils se sont

6 trompés, ils se sont excusés, Jovica en personne a dit: "Enterrons la

7 hache de guerre." Il s'est excusé. C'est ce qui s'est passé: on a enterré

8 la hache de guerre, mais pendant deux ans, on a eu des relations assez

9 distantes, absolument aucun contact d'ailleurs, mais graduellement les

10 choses ont retrouvé une normalité.

11 Je ne suis pas sûr que cela était…

12 (Le témoin s'interrompt.)

13 Question: Vous ne pensez pas que cela aurait pu venir de plus haut?

14 Réponse: Moi, on m'a dit que cela venait du haut, du sommet, mais cela,

15 c'est ce qu'on fait souvent. Les gens disent souvent ce genre de chose.

16 Question: Maintenant, je vais vous poser une question très franche à

17 laquelle vous n'avez pas besoin de répondre si vous ne partagez pas cette

18 opinion. Ne faites même pas d'allusion dans une éventuelle réponse. Je

19 voudrais savoir si, dans la Krajina, vous avez constaté que les hommes

20 politiques invoquaient souvent mon nom, utilisaient mon nom, se cachaient

21 derrière mon nom pour marquer des points sur le plan politique? Est-ce que

22 vous avez constaté ce genre de pratique?

23 Réponse: Je crois que les Juges du Tribunal vont avoir beaucoup de mal à

24 comprendre cela, parce que c'est vraiment quelque chose qui est très

25 caractéristique de notre peuple. Parce que vous savez, en Australie, si

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1 quelqu'un me dit: "Je suis l'homme de Harvard", vous pouvez facilement

2 penser ce que je vais penser de ce genre d'affirmation. Mais moi, à

3 Belgrade, j'ai vu des gens être arrêtés à Belgrade parce qu'ils

4 affirmaient être les hommes du capitaine, parce qu'ils avaient des

5 relations avec le Fonds, etc. Et s'agissant de vous-même, en Krajina, je

6 crois qu'une personne sur trois affirmait être votre meilleur ami, votre

7 témoin de mariage, ou l'ami de Senta, etc. J'ai vu bien des choses de ce

8 genre, et souvent les gens utilisaient une simple photographie où ils

9 figuraient avec vous à l'appui de leurs dires.

10 Question: Vous connaissez ce genre de pratique aussi bien en Krajina qu'en

11 Serbie, n'est-ce pas?

12 Réponse: Oui, c'est exact.

13 Question: Je voudrais me servir de ce que vous venez de dire pour

14 contester ce qu'a dit le témoin précédent. Vous nous avez dit qu'un

15 journaliste vous a conseillé d'aller voir Nedeljko Boskovic.

16 Réponse: Il m'y a emmené moi-même.

17 Question: Cela n'aurait pu être que pendant le deuxième semestre de 1992,

18 car c'est uniquement à ce moment-là qu'il est devenu chef, n'est-ce pas?

19 Réponse: Mais il était quoi à ce moment-là?

20 Question: Monsieur Vasiljevic, me semble-t-il, est resté à son poste

21 jusqu'en mai. Je suppose…, je suis sûr que cela figure au compte rendu

22 d'audience. Quand Vasiljevic a quitté son poste, Boskovic l'a remplacé.

23 Mais oublions cela un instant. Vasiljevic a affirmé quelque chose que je

24 souhaite remettre en question.

25 Mais auparavant, une question: Nedeljko Boskovic vous a conseillé

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1 d'enregistrer toutes vos conversations pour utiliser cela contre le

2 service?

3 Réponse: Non. Non, disons que ce n'était pas comme cela. C'était pour me

4 protéger. Voyons les choses d'une autre manière.

5 Question: Mais en tout cas, il s'agissait de vos relations avec le service

6 de sûreté de l'Etat?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Monsieur Vasiljevic, ici même, a affirmé que Nedeljko Boskovic

9 avait été nommé à ce poste au sein de l'armée par les services de sûreté

10 de l'Etat de Serbie, ce qui est complètement quelque chose qui n'est

11 absolument pas digne de foi. Mais on a dit qu'il avait été nommé à ce

12 poste à la demande du service de sécurité de l'Etat de la Serbie. Est-ce

13 que vous avez l'impression que c'est ce qui s'est passé, que Nedeljko

14 Boskovic bénéficiait du soutien des services de la sécurité de l'Etat?

15 Réponse: C'est la première fois… et je vous le jure, c'est la première

16 fois que j'entends dire cela. Mais au bout de 12 ans de fréquentation avec

17 les plus hauts représentants des services de sûreté de l'Etat, étant donné

18 que je connais Jovica Stanisic, parce qu'on a été très amis, je peux vous

19 dire qu'il y avait vraiment des relations électriques entre Boskovic et le

20 service, et Boskovic et l'armée. Donc je pense qu'il ne pouvait vraiment y

21 avoir absolument rien entre eux, j'en suis convaincu; il y avait entre eux

22 une animosité manifeste.

23 Question: Oui. Ça, c'est une chose. Mais s'agissant de vos relations avec

24 lui et de la proposition, des propositions qu'il vous a faites, est-ce

25 qu'on pourrait en déduire que c'était l'homme des services de sécurité de

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1 l'Etat de Serbie?

2 Réponse: Absolument pas.

3 Question: Vous pensez que c'est plutôt le contraire qui est conforme à la

4 réalité?

5 Réponse: Sinon, je n'aurais jamais fait ce que j'ai fait; je n'aurais

6 jamais enregistré, fait ces enregistrements.

7 Question: On vous a interrogé au sujet des documents relatifs au Fonds du

8 capitaine Dragan, et vous avez déclaré qu'il s'occupait de quelque 65.000

9 personnes, des personnes qui avaient bénéficié d'une aide, et que chacune

10 de ces personnes a un dossier. On vous a posé des questions au sujet d'un

11 certain nombre de personnes concernées, mais il y en a plus de 60.000.

12 Donc j'imagine que, pour chacune de ces personnes, il existe des raisons

13 qui expliquent qu'on les ait aidées. Alors, est-ce que dans tous les cas

14 ces personnes ont été des victimes de la guerre, ont été blessées lors du

15 conflit, ou bien étaient de la famille de personnes ayant été blessées ou

16 victimes du conflit?

17 Réponse: Vous êtes… Non, c'est plus que cela. En fait, il suffisait, pour

18 bénéficier de cette aide, d'être une victime de guerre, un point c'est

19 tout.

20 Question: On vous a montré des documents signés par Zeljko Raznatovic qui

21 dit que telle personne a été blessée, etc.; cette personne était membre

22 des gardes de volontaires serbes, etc. Et ensuite, on vous a demandé si

23 les services de la protection sociale ne s'occupaient pas, eux aussi, de

24 ces gens. Est-ce que vous voyez une raison pour laquelle les services de

25 la protection sociale n'accorderaient pas leur aide aux volontaires?

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1 Réponse: Je vous l'ai déjà dit: ça s'appliquait aux victimes de la guerre,

2 quelle que soit leur appartenance ethnique, quelles que soient les unités

3 dans lesquelles ces personnes avaient éventuellement servi. Il y a même

4 des Croates et Musulmans qui ont bénéficié de notre aide; pas beaucoup,

5 parce que je ne disposais pas d'énormément d'informations à ce sujet. Et

6 puis, je ne savais pas qui les avaient blessées.

7 Question: Mais vous savez qu'au début de la guerre en Bosnie, ou plutôt en

8 Serbie, il y avait plus de 70.000 réfugiés de Bosnie?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Savez-vous que ces personnes ont été traitées exactement comme

11 tout le monde, qu'il n'y a absolument eu aucune discrimination, aucune

12 agression à leur encontre? Moi, je n'ai pas connaissance d'aucun cas

13 d'agression, de discrimination.

14 Réponse: Je n'en sais rien. Mais en tout cas, je connais le cas de

15 personnes qui ont bénéficié d'une aide lorsqu'elles étaient en difficulté.

16 Je connais au moins deux Musulmans que j'ai fait sortir de prison, alors

17 que je n'avais absolument rien à voir avec la Bosnie. Et ces personnes-là,

18 je n'en avais jamais entendu parler précédemment et je n'ai rien obtenu en

19 échange; je n'ai rien demandé, d'ailleurs, en échange de l'aide accordée.

20 Question: Le représentant de la partie adverse vous a soumis la loi

21 relative à la protection des invalides de guerre. Il s'agit d'une loi

22 yougoslave qui stipule les droits fondamentaux des invalides de guerre.

23 Est-ce que cette loi s'appliquait également aux "hommes d'Arkan"; c'est la

24 question qui vous a été posée.

25 Mais moi, ma question, c'est: pourquoi cette loi ne s'appliquerait pas à

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1 des personnes, à des volontaires ayant été victimes de guerre? Est-ce que

2 vous voyez une raison pour laquelle ces personnes ne bénéficieraient pas

3 de cette loi?

4 Réponse: Bien sûr que non, parce que ces gens-là aussi sont des victimes

5 de la guerre.

6 Question: S'agissant des Bérets rouges, il semble que lors de

7 l'interrogatoire principal, la personne sur laquelle on vous a posé le

8 plus de questions, c'est un dénommé Zika "Crnogorac". Moi-même, j'ai des

9 questions à vous poser à son sujet.

10 On vous a présenté un dossier du Fonds du capitaine Dragan; il a signé un

11 reçu ou plutôt un certificat stipulant qu'un certain Jovan Vejnovic avait

12 rejoint votre camp, votre unité à Knin, que l'on appelait dans le jargon

13 "l'Unité des Knindza". Et j'ai vu ici que, le 8 août, il était arrivé au

14 camp. Plus tard, il a été blessé.

15 Veuillez me dire, au sujet de ce Zika "Crnogorac", la chose suivante: vous

16 nous avez dit que c'était votre recrue préférée, c'était le premier que

17 vous ayez arrêté?

18 Réponse: C'est exact.

19 Question: Etant donné que nous avons un certificat stipulant que, le 8

20 août 1992, il vous avait rejoint, il fallait qu'à ce moment-là il ait été

21 commandant de cette unité, puisqu'il a signé un certificat concernant une

22 autre personne en tant que commandant?

23 Réponse: Oui, sans doute. Est-ce que je pourrais voir un exemplaire de ce

24 certificat?

25 M. Milosevic (interprétation): Moi, je n'ai pas de copie. On vous a montré

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1 ce certificat hier.

2 M. Vasiljkovic (interprétation): Non, mais il y a quelque chose qui me

3 gêne concernant les dates.

4 M. le Président (interprétation): Un instant. Il faut que le témoin

5 reçoive un exemplaire du document.

6 M. Milosevic (interprétation): Moi, je l'ai vu uniquement sur le moniteur;

7 je n'ai pas de copie papier.

8 M. le Président (interprétation): Il faut lui remettre une copie. Il

9 s'agit de la pièce 391, intercalaire n°4.

10 M. Groome (interprétation): La pièce apparaît maintenant sur le

11 rétroprojecteur, Monsieur le Président.

12 (Intervention de l'huissière.)

13 M. Vasiljkovic (interprétation): Est-ce que je pourrais avoir une copie

14 papier, s'il vous plaît?

15 (Intervention de l'huissière.)

16 Oui, ça y est maintenant. Je vois bien ce que vous voulez dire. Il s'agit

17 d'un certificat qui stipule que cet homme.

18 M. Milosevic (interprétation): Le 8 août 1992, il est dit que cet homme a

19 rejoint de l'unité à Knin, l'Unité des "Knindza".

20 Réponse: C'est exact. A ce moment-là, la JNA disposait déjà de ce

21 document. Les "Knindza" ont officiellement disparu le jour de mon départ

22 de la Krajina. Je n'étais pas à Knin à l'époque, mais on parlait quand

23 même des "Knindza" pour les désigner. Mais peu m'importait. Ce qui

24 découlait de ce document, c'est que cette personne avait véritablement été

25 blessée, qu'elle ne faisait pas semblant.

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1 Question: Cela était en Krajina. Est-ce que cela n'aurait pas pu être la

2 JNA?

3 Réponse: Ce n'aurait pas pu être la JNA à ce moment-là.

4 Question: Il s'agissait de l'armée serbe de la Krajina. Il s'agissait de

5 Zika, de "Crnogorac", ce Zika de "Crnogorac", était-il en Krajina en 1992?

6 Réponse: Je n'ai pas suivi les déplacements de tout le monde, mais je sais

7 que Zika a quitté la Krajina peu après moi pour aller à Fruska Gora.

8 Question: Il s'agit de la période au cours de laquelle une quinzaine de

9 vos hommes était à Fruska Gora; après quoi ils sont rentrés

10 individuellement?

11 Réponse: Oui, chacun est parti dans une autre direction.

12 Question: Est-ce qu'il était membre des unités spéciales des services de

13 sécurité? Si c'est le cas, à partir de quand a-t-il travaillé au sein de

14 cette unité?

15 Réponse: Cela, je ne peux vraiment pas vous le dire, parce que je n'ai pas

16 suivi le parcours de tout le monde. Les gens sont partis dans toutes les

17 directions possibles. Zika a peut-être été employé par ces services

18 pendant un certain temps, parce que c'est arrivé pour certains des jeunes

19 qui ont été formés en Krajina. Mais je n'ai pas cette information.

20 Question: En tout cas, vous, vous avez des informations à son sujet, à

21 partir du moment où il a servi au sein de l'armée serbe de la Krajina?

22 Réponse: Je ne peux pas vous dire où était Zika le 17 juin 1992.

23 M. Milosevic (interprétation): Bien.

24 M. le Président (interprétation): Les interprètes vous demandent de bien

25 vouloir faire une pause avant de répondre ou avant de poser les questions.

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1 Il faut que les interprètes puissent faire leur travail correctement.

2 M. Milosevic (interprétation): Bien.

3 Je souhaiterais vous poser une question au sujet des liens existants entre

4 votre unité et l'unité chargée des opérations spéciales de la sûreté de

5 l'Etat serbe. Est-il exact que l'on peut dire que le seul lien existant

6 entre vos "Knindza" et l'unité chargée des opérations spéciales, c'est que

7 plusieurs de vos hommes, après votre départ de la Krajina, vous ont suivi;

8 mais, ensuite, certains sont devenus membres de l'unité chargée des

9 opérations spéciales du service?

10 M. Vasiljkovic (interprétation): Bon, il y en avait plus que 10 et moins

11 que 20. Et puis, ils ne sont pas partis en même temps. Par groupe de deux

12 ou trois, disons.

13 Question: Oui, mais à diverses périodes, au cours… ils ont été intégrés

14 dans cette unité, n'est-ce pas?

15 Réponse: Oui. Il y en a d'ailleurs qui servent toujours au sein de cette

16 unité.

17 Question: J'ai accès à divers magazines serbes, et récemment j'ai pu voir

18 dans l'un d'eux une photographie, il s'agissait d'une publicité, une

19 publicité de recrutement. C'était très bien fait parce que c'est la

20 meilleure unité de la police.

21 Réponse: Monsieur Milosevic, je pense que cela pourrait être très utile

22 pour le Tribunal, parce que l'on a très souvent parlé de cette unité. Cela

23 va d'ailleurs continuer à être le cas tout au long du procès.

24 Moi-même, avec dix autres observateurs, j'ai suivi les activités de cette

25 unité, et produit un rapport, un document qu'il convient d'examiner afin

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1 de dissiper toutes les fausses idées que l'on se fait sur cette unité dans

2 l'opinion publique. Je n'aurais besoin que de cinq minutes pour donner des

3 explications au sujet de cette unité, cela pourrait être très utile.

4 Question: Oui, cela pourrait être fort utile, en effet, si vous donniez

5 des explications car cette unité s'est vue reprocher sans aucune raison,

6 sans aucune base valable, s'est vue accuser de tous les crimes possibles

7 inimaginables.

8 Réponse: Fort bien. Eh bien, peu après votre visite, moi-même ainsi que

9 dix autres hommes de haut niveau, de la police, et du service, des gens

10 bénéficiant du grande expérience, nous ont demandé de mettre en place une

11 équipe chargée d'observer cette unité dans le cadre d'un exercice.

12 Cette unité avait eu les effectifs d'une compagnie indépendante, elle n'a

13 jamais eu les effectifs équivalents à ceux d'un bataillon. Il s'agissait

14 indéniablement de la meilleure unité des forces armées de Yougoslavie, et

15 ceci ne peut être l'objet du moindre doute. Mais aux termes des normes

16 internationales, elle est bien en dessous du niveau, par exemple, d'une

17 unité d'infanterie militaire habituelle en Irak.

18 Par exemple, si je devais choisir entre cette unité et une section

19 australienne d'infanterie banale, eh bien, je choisirais immédiatement

20 l'unité australienne parce que même si c'était l'unité la meilleure du

21 pays, elle avait un niveau bien inférieur à celui qui est requis dans une

22 armée moderne équipée des armements les plus sophistiqués, avec l'appui,

23 le soutien dont dispose dans n'importe quel pays du monde une telle unité.

24 Ce que vous avez vu, Monsieur Milosevic, c'est tout ce qu'il y avait à

25 voir; il n'y avait rien d'autre. Parce que quand le Président est arrivé,

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1 ils ont tout pris, ils ont pris tout ce qui fonctionnait correctement. Ils

2 ont fait mettre à tout le monde des uniformes, même aux cuisiniers, pour

3 donner une meilleure impression de l'unité. Ça, c'est assez

4 compréhensible.

5 Il existe un rapport d'une cinquantaine de pages à ce sujet, et vous

6 pouvez en prendre connaissance. Nous voulions insister, montrer toutes les

7 défaillances de cette unité, dans une intention tout à fait constructive,

8 bien entendu. Cette unité avait le niveau d'une compagnie, au point de vue

9 de son effectif. Mais au niveau de l'efficacité, on peut dire qu'elle

10 avait l'efficacité d'une section, par rapport à une armée normale, donc

11 pas grand-chose. Cela ne représentait pas grand-chose dans un pays en

12 guerre comme la Serbie.

13 Question: Est-ce que vous avez connaissance que cette unité ait commis des

14 crimes, quels qu'ils soient?

15 Réponse: Monsieur Milosevic, je connais beaucoup de ces hommes. J'ai lu

16 beaucoup de choses extrêmement négatives à leur sujet, mais j'ai également

17 lu des choses extrêmement désagréables à mon sujet, au sujet de "Frenki",

18 etc.

19 Tous ces hommes me connaissent. Je ne connais peut-être pas tous ces

20 hommes, mais eux, ils me connaissent et ils savent bien quel est mon point

21 de vue, quel est le point de vue des "Knindza". Ils ont le sentiment

22 d'être les successeurs des "Knindza". Et s'il y a effectivement des crimes

23 qui ont été commis, j'aimerais qu'on traduise les coupables en justice

24 pour que les "Knindza" puissent retrouver leur fierté originelle.

25 Question: On dit que cette unité a commis un crime à Teslic où 20

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1 personnes ont été éventrées. On dit que c'est cette unité qui a commis ce

2 crime; en savez-vous quoi que ce soit?

3 Réponse: Non, je n'ai aucune information à sujet, Monsieur Milosevic.

4 Je vous prie de m'excuser si j'interviens un petit peu à tort et à

5 travers, mais je souhaiterais dire ici quelque chose de très important

6 pour le Tribunal et pour vous-même. Je peux vous expliquer dans les

7 détails quel était le système de défense qui existait dans la Krajina; je

8 crois que c'est système que l'on a retrouvé d'autres théâtres

9 d'opérations, plus tard, pendant la guerre. Ce serait utile parce que cela

10 permettrait de comprendre comment fonctionnaient les choses.

11 Question: Eh bien, allez-y.

12 Réponse: Au cours de la première période de la guerre, tout le territoire

13 était sous le contrôle des postes de police. Chaque poste de police avait

14 une zone de responsabilité et, ultérieurement, ils ont reçu l'appui de la

15 Défense territoriale qui a partagé cette responsabilité avec eux. Toutes

16 ces structures ont été placées sous le commandement unique de la JNA.

17 Quand tous les Croates sont partis, lorsqu'il n'y a plus eu que des Serbes

18 et lorsque la JNA a commencé à faire la guerre, à ce moment-là, le théâtre

19 des opérations de guerre a été divisé en zones de responsabilité qui

20 avaient chacune son commandant.

21 Et pour vous montrer l'importance de cela, je souhaiterais vous faire part

22 d'un exemple que tout le monde connaît en Krajina. L'adjoint de Martic, le

23 numéro 2 dans la défense de la Krajina, cet homme est donc venu un jour

24 dans ma zone de responsabilité. Il a laissé tomber son mégot par terre. Et

25 moi, je l'ai forcé à ramasser ce mégot. Je l'ai contraint à le ramasser

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1 parce que je me trouvais dans ma zone de responsabilité; je me sentais

2 responsable de tout, absolument tout ce qui se passait dans ma zone de

3 responsabilité. Si bien que, s'il y avait un crime commis, c'était dans la

4 zone de responsabilité de quelqu'un. Il y a donc forcément des documents

5 qui le reflètent.

6 Question: Oui, c'est exactement ce que je pense, moi aussi. Ce sera facile

7 à déterminer.

8 Mais veuillez, s'il vous plaît, répondre à la question suivante. Quand

9 vous avez dispensé cette formation à ces hommes et ensuite quand, avec dix

10 autres experts, vous avez observé des manœuvres pour faire des

11 évaluations, vous n'étiez pas membre des services de sûreté de l'Etat de

12 la République de Serbie et vous n'avez jamais été membre de ce service,

13 n'est-ce pas?

14 Réponse: Exactement. Je n'ai jamais eu de carte d'identité émanant des

15 services de sûreté de l'Etat. D'ailleurs, je n'ai jamais reçu aucun

16 paiement de leur part, en dehors de ces 2.200 dinars dont j'ai déjà parlé.

17 Question: Maintenant, j'aimerais que vous nous parliez de ce film que nous

18 avons visionné. Il est indéniable qu'il y a eu une prise d'armes, que

19 cette unité a été passée en revue. J'étais présent lors de cette

20 cérémonie, au cours du mois de mai 1997.

21 Réponse: Oui, c'était le 4 ou 5 mai.

22 Question: Oui, je le sais parce que j'étais à Karadjordjevo, dans les

23 environs, en vacances, et je me suis donc rendu donc à cet endroit pour

24 participer à cette cérémonie. Je souhaiterais maintenant que nous

25 abordions un certain nombre de sujets.

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1 Est-ce que vous savez que cette unité n'a été mise en place qu'en 1995 ou

2 1996?

3 Réponse: Ça, vraiment, je n'en ai aucune idée. Ce ne sont pas des choses

4 qui m'intéressaient. Je devrais le savoir parce que j'ai beaucoup d'amis

5 là, mais vraiment je n'en sais rien du tout.

6 Question: Bien. Mais il est indéniable, n'est-ce pas, que cette unité a

7 été mise sur pied après la guerre et que cette unité souhaitait, entre

8 autres, utiliser le symbole des Bérets rouges afin de perpétrer la

9 tradition des "Knindza"? Et vous avez-vous même dit qu'ultérieurement,

10 dans cette unité, il n'y avait que 10, voire 12 hommes qui, auparavant,

11 avaient appartenu à votre unité dans la Krajina?

12 Réponse: Oui, c'est exactement le cas. Je ne pense pas qu'il y en ait plus

13 que cela.

14 Question: Mais… afin de ne pas faire preuve de trop de générosité à votre

15 encontre et à vos activités, moi, j'ai l'impression que cette unité

16 souhaitait également perpétrer la tradition d'autres combattants courageux

17 qui, dans toute la Krajina et dans toute la Republika Srpska, ont combattu

18 pour défendre le territoire conformément aux concepts et aux principes

19 invoqués par "Frenki" Simatovic, dans son discours?

20 M. Vasiljkovic (interprétation): Oui, j'ai l'impression que "Frenki" avait

21 commencé à faire le tour des unités pour réunir autant de souvenirs de

22 guerre que possible afin d'ouvrir un musée, et vous l'avez vu. Mais

23 s'agissant de la mise en place de cette unité, "Frenki" faisait du travail

24 de renseignement sur le terrain. Il était toujours attiré par un certain

25 nombre de personnes. Il est probable qu'à un certain moment "Zika" ait

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1 fait partie de ce groupe. Enfin, c'est ce que j'imagine.

2 Je voudrais juste expliquer ce document qui parle du MUP de la Krajina:

3 j'ignore de quel type de cachet il s'agit.

4 M. Milosevic (interprétation): Ici, on voit MUP de la Krajina.

5 M. le Président (interprétation): Nous en arrivons à la fin de l'audience.

6 Il convient de faire la pause.

7 Donc, Monsieur Vasiljkovic, veuillez finir, s'il vous plaît, ce que vous

8 aviez à nous dire.

9 M. Vasiljkovic (interprétation): "Frenki" voulait mettre tout cela sur

10 pied avec un objectif unique; il disait que les forces armées avaient

11 besoin de tradition. Il s'est approprié cela. Il s'est approprié cet

12 objectif. Je pense qu'il a fait un bon travail.

13 M. Milosevic (interprétation): Certes, mais si l'on veut accuser cette

14 unité de crimes quels qu'ils soient...

15 M. le Président (interprétation): Nous allons nous interrompre ici et

16 faire une pause de 20 minutes.

17 (L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 10 heures 55.)

18 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, veuillez

19 poursuivre.

20 M. Milosevic (interprétation): Il n'est donc pas contesté, Capitaine, que

21 cette unité souhaitait promouvoir la tradition du combat, en vue de la

22 défense du peuple serbe sur le territoire de la Krajina, de la Republika

23 Srpska ou d'ailleurs, où il se défendait, indépendamment du fait que cette

24 unité n'avait pas participé à chacun de ces combats en vue de la défense?

25 M. Vasiljkovic (interprétation): Tout à fait. Nous avons semé une certaine

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1 confusion avec ces documents auprès de ce Tribunal. Si cela n'a pas

2 d'importance, peu importe mais, moi, j'ai eu l'impression qu'il y a une

3 certaine confusion qui règne.

4 M. Milosevic (interprétation): Mais quel type de confusion, à votre avis?

5 M. Vasiljkovic (interprétation): Nous avons peut-être donné l'impression,

6 une impression erronée, à propos de Zika "Crnogorac".

7 M. Milosevic (interprétation): C'est précisément ce que j'essayais

8 d'établir, à savoir qu'au moment où il délivrait ces certificats cet homme

9 n'aurait pas pu être ailleurs. Il était membre de la police serbe de

10 l'armée de la Krajina serbe, et il n'était pas membre du service.

11 Réponse: Mais ce n'était pas un agent de "Frenki". Je n'ai jamais examiné

12 ces documents d'identité, mais je ne vois pas ce qu'il y a de mal. C'est

13 un des hommes qui auraient pu être à la fois un membre du service serbe à

14 un autre moment.

15 Question: Mais c'est le mot clé: à un autre moment, plus tard?

16 Réponse: Après mon départ.

17 Question: Cela n'aurait pu être qu'après votre départ. Cela n'aurait pas

18 pu être en même temps, au moment où vous, vous viviez en Krajina. Cela

19 aurait pu être seulement plus tard, n'est-ce pas?

20 Réponse: Oui, je crois que nous avons tiré ceci au clair.

21 Question: Nous avons vraiment tiré ceci au clair?

22 (Signe affirmatif du témoin.)

23 Pendant qu'il était avec vous, il n'était pas membre de cette unité? Il

24 n'aurait pu rejoindre cette unité que plus tard?

25 Réponse: Cela va de soi.

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1 Question: Revenons une fois de plus à cette séquence vidéo. Je ne demande

2 pas qu'on la rediffuse, mais dans ce discours que fait à l'époque Frenki

3 Simatovic, il exprime certains termes critiques. Je vous les rappelle: il

4 a parlé de la lutte contre les crimes de guerre, la terreur, le génocide,

5 c'est bien cela?

6 Réponse: Oui.

7 Question: C'est pour ça qu'il essayait de promouvoir la lutte contre le

8 génocide, la guerre et les crimes de guerre?

9 Réponse: C'est ce que nous croyons tous.

10 Question: Et toutes les personnes qui ont participé à ce combat, à cette

11 lutte contre le crime de guerre, le génocide, devrait être fier. Je

12 persiste à le croire. Je persiste à croire qu'ils auraient dû être fiers

13 du fait qu'ils luttaient contre cela?

14 Réponse: Tout à fait.

15 Question: Il est donc incontesté, même après avoir vu ces images de la

16 séquence, là, que nous voyons que ce n'est pas une unité d'une taille

17 suffisante ne serait-ce que pour constituer une compagnie d'infanterie?

18 Réponse: Je suis absolument convaincu que jamais elle n'a compté plus

19 d'effectifs qu'au moment où vous étiez là, à assister à cette cérémonie.

20 Question: Moi, je pense que cette unité a été établie en 1995 ou en 1996.

21 Mais peu importe, nous établirons ceci à partir d'autres documents. Est-ce

22 que vous vous souvenez, après avoir vu ces images de la séquence, qu'il y

23 avait un groupe d'officiers qui m'a été présenté? On a dit que c'étaient

24 des anciens combattants. Je leur ai serré la main. Ils étaient alignés

25 devant moi, vous vous en souvenez?

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1 Réponse: Oui, oui, je m'en souviens parfaitement.

2 Question: Parfait. Est-ce que vous avez remarqué qu'environ dix d'entre

3 eux… Bon, je ne les ai pas comptés véritablement, puisque j'ai vu ici

4 cette séquence pour la première fois mais cela m'a rappelé ce qui s'était

5 passé. Dix d'entre eux, à peu près, étaient des colonels. C'est bien cela?

6 Puis, il y a eu plusieurs commandants et ainsi de suite. C'était donc les

7 officiers les plus hauts placés sous le grade de général?

8 Réponse: C'est bien cela.

9 Question: Est-il donc clair que, puisque cette unité n'a jamais été plus

10 grande en force numérique qu'une compagnie d'infanterie, est-ce qu'il

11 n'est pas clair qu'ils n'auraient pas pu être membres de cette unité dans

12 le sens d'un détachement de combat? C'étaient des gens qui venaient d'un

13 peu partout, qui plus tard auraient pu se trouver sur place en tant que

14 conseillers, en tant qu'instructeurs à d'autres fonctions. En effet, que

15 feraient dix colonels dans une seule compagnie? Est-ce que ma supposition

16 est claire et correcte, et est-ce que vous pouvez la corroborer?

17 Réponse: Je suis content que vous ayez fait cette observation. Il faut

18 être réaliste; une bonne partie de ces colonels étaient à peine des gens

19 lettrés, c'étaient presque des illettrés. Et, de cette façon, "Frenki"

20 essayait de respecter ces jeunes hommes qui, d'une façon ou d'une autre,

21 avaient été utiles au service. Seuls ces hommes, qui avaient reçu ce

22 couteau, que vous avez-vous même reçus, et moi aussi d'ailleurs -et

23 d'ailleurs tous les jeunes hommes ne l'ont pas reçu ce couteau, une seule

24 partie d'entre eux l'a reçu-, il y avait ces hommes qui venaient au départ

25 de la Krajina à ce moment-là. N'oubliez pas que, moi, j'ai reçu, de la

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1 part de l'Alliance des unités spéciales de l'armée grecque, une décoration

2 semblable, la partie adverse l'a vue; donc cela ne veut pas dire, parce

3 qu'on reçoit cela, qu'il y a un engagement ou une affiliation. C'était

4 pour ainsi dire une forme de décoration, d'appréciation manifestée, un

5 signe montrant que quelqu'un avait pensé à ces hommes.

6 Si on voit le nombre de colonels qu'il y avait, techniquement parlant,

7 cela ne peut pas se trouver un tel nombre dans une seule et même

8 compagnie. C'était un geste disons symbolique. Ce couteau m'a même été

9 offert à moi mais, moi, je l'ai refusé. J'ai dit que c'était une façon, en

10 fait, de me placer en dessous de mon rang que j'avais à ce moment-là.

11 C'était un signe. C'est pour le Président qu'on avait organisé ce

12 spectacle. C'est pour cela, c'est pour celui qu'on avait assemblé un

13 nombre aussi impressionnant de colonels.

14 C'était une espèce de représentation théâtrale. On avait eu recours aux

15 personnes les plus haut placées dans le plus grand nombre possible.

16 Question: Fort bien. Mais dites-moi, ceci: puisque Simatovic, Simaktovic…

17 Réponse: Non, il s'appelle Simatovic.

18 Question: Excusez-moi. Oui, Simatovic. Dans son discours, il fait

19 référence à des anciens combattants. Est-ce qu'il apparaît clairement que

20 ces anciens combattants étaient des membres en puissance à venir de ces

21 unités qui ont combattu à divers endroits de la Krajina serbe ou de la

22 Republika Srpska, mais pas au sein de cette unité? Ces hommes auraient pu

23 être des combattants versés dans différentes unités de l'Armée de la RS ou

24 de la RSK?

25 Réponse: Je pense que ceci n'a jamais pas été contesté.

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1 Question: Si, cela a été contesté ici-même.

2 Réponse: Je vois.

3 Question: Il faut donc qu'il soit parfaitement clair que l'unité dont nous

4 parlons et que nous avons vue dans cette séquence vidéo, cette unité en

5 tant que telle, elle n'a jamais été et n'aurait jamais pu se trouver dans

6 tous ces endroits de la RSK. Au contraire, si des membres de cette unité

7 ont par la suite combattu sur divers champs de bataille ailleurs, n'est-ce

8 pas plutôt le cas après avoir été membres de l'armée de la RSK?

9 Réponse: Un exemple classique, c'est Benkovac. On n'a jamais parlé d'un

10 combat autour de Benkovac, tout le monde sait ce qu'il s'est passé en

11 Krajina vu tous les rapports établis par la Forpronu. Est-ce que vous avez

12 jamais eu l'occasion d'entendre parler de telles choses? Moi, j'ai parlé à

13 ces gens, j'ai reçu des renseignements de leur part. Je ne veux pas les

14 nommer, puisque ce sont des gens toujours en service, mais rien n'aurait

15 pu se passer à l'insu de nous.

16 Question: Une chose est claire. Vous avez assisté à cette cérémonie?

17 Réponse: Bien sûr.

18 Question: Mais pas à titre de membre de l'unité?

19 Réponse: Non, non. J'étais un invité, tout comme vous.

20 Question: Vous avez vu aussi dans cette séquence qu'il y avait le

21 président du grand QG de l'armée de Yougoslavie?

22 Réponse: Oui, j'ai vu des secrétaires, des assistants, des portiers…

23 Question: Mais il y avait aussi beaucoup de civils qui assistaient à cette

24 cérémonie?

25 Réponse: Oui, c'était une cérémonie et vous vous n'étiez qu'un invité.

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1 Question: Et vous avez remarqué, à juste titre, que vous aussi vous étiez

2 un invité, il y avait beaucoup de gens qui n'étaient pas membres de

3 l'unité, qu'ils soient en uniforme ou pas. C'est bien exact, n'est-ce pas?

4 Réponse: Je dois même vous dire que moi, j'ai reçu un uniforme mais que je

5 ne voulais pas le porter ce jour-là. Ce qui veut dire que beaucoup de gens

6 étaient en uniforme, tout simplement parce qu'on leur avait donné un

7 uniforme afin qu'ils aient meilleure allure. Et certains qui avaient reçu

8 un couteau n'étaient même pas membres de l'unité.

9 Question: Nous sommes donc d'accord pour dire qu'il est tout à fait exact

10 et tout à fait clair qu'il n'y a aucune continuité entre votre unité et

11 cette unité-là, qu'on parle uniquement d'un nombre infime de membres de

12 votre unité, qui plus tard ont été versés dans la JSO, et qui ont

13 participé à divers combats?

14 Réponse: C'est tout à fait exact.

15 Question: Vous vous souvenez bien qu'à l'occasion de ce discours prononcé

16 au cours duquel "Frenki" félicite les membres, il mentionne aussi

17 l'établissement du Fonds du capitaine Dragan?

18 Réponse: Oui.

19 Question: D'après ce que je sais, c'est vous qui avez établi ce Fonds?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Par conséquent, cette unité n'a absolument rien à voir à cela?

22 Réponse: Si, si. Je vais d'ailleurs vous dire exactement quel est le

23 rapport entre cette unité et ce Fonds. Vous savez très bien le degré

24 d'assistance obtenu, les fonds recueillis, la participation des personnes

25 concernées, vous l'avez vu à la réunion. Le Fonds a été très populaire, a

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1 été très soutenu.

2 Question: Arrêtons-nous un instant. Vous avez bénéficié du soutien de

3 divers organes de l'Etat, n'est-ce pas?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Il est donc incontesté que vous en tant que Fonds humanitaire

6 vous avez été bénéficiaire du soutien de toutes parts parce que c'était

7 pour soutenir des victimes de la guerre?

8 Réponse: Le seul soutien que j'ai obtenu du service, eh bien, vous pouvez

9 établir un lien avec qui vous voulez. Je ne sais pas si c'est par le

10 truchement de "Frenki", mais en tout cas c'est lui qui a été

11 l'intermédiaire, le médiateur qui m'a aidé à obtenir 20 ordinateurs afin

12 d'assurer la reconversion des blessés du service. A l'époque, vous savez,

13 il n'y avait pas beaucoup d'ordinateurs et c'est le service qui les a

14 fournis. Mais, en tout, cela n'a pas fait plus que 25.000 euros, je peux

15 vous le dire. Il y a des retraités, des femmes qui ont versé des fonds

16 plus importants à ce Fonds. Je ne sais même pas si c'est venu de l'unité

17 même. En tout cas, c'est "Frenki" qui m'a apporté ces 20 ordinateurs.

18 Question: Je veux établir ceci. C'était un effort à caractère humain. Un

19 effort destiné à soutenir et à promouvoir tous ceux qui avaient combattu

20 pour défendre le peuple. Dans le cadre d'opérations de combat?

21 Réponse: Mais c'était aussi pour assurer ma propre promotion, pour aussi

22 que j'aie une meilleure réputation à vos yeux. Je crois que c'était très

23 important à l'époque.

24 Question: L'unité était notamment aussi responsable de la libération des

25 otages en Bosnie?

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1 Réponse: Exact.

2 M. Milosevic (interprétation): Vous savez que la libération des otages

3 s'est fait surtout par des négociations politiques avec les dirigeants de

4 la RS, par une pression médiatique considérable qui a été exercée afin que

5 soit assurée la libération de ces otages. J'ai désigné Jovica Stanisic en

6 tant qu'envoyé spécial pour qu'il parte sur place et ramène les otages,

7 mais il n'était accompagné d'aucune unité, pas plus qu'ils n'ont libéré

8 les otages au cours de combat.

9 M. Vasiljkovic (interprétation): Oui, et "Frenki" s'est approprié cela et

10 en a tiré tout l'avantage.

11 M. Groome (interprétation): Je pense que c'est une question ici qui

12 n'avait pas été mentionnée.

13 M. le Président (interprétation): Oui, c'était aussi pour assurer ma

14 propre promotion, a-t-il été dit par le témoin. "Pour que j'aie une

15 meilleure réputation à vos yeux, parce que c'était important pour moi à

16 l'époque."

17 Monsieur le Témoin, pourriez-vous apporter un commentaire? On laisse

18 entendre que c'est surtout pour assurer… ou la promotion de l'accuser,

19 est-ce que c'est exact?

20 M. Vasiljkovic (interprétation): Oui, je pense que le fait que "Frenki"

21 mentionne ma fondation dans son discours… Excusez-moi, je vais parler en

22 serbe.

23 "Frenki" voulait me mentionner dans son discours afin de renforcer ma

24 présence, ou du moins redresser un peu l'image que le Président… image

25 assez négative qu'il avait de moi. Il voulait assurer ma promotion à moi,

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1 la promotion de ma fondation afin que celle-ci obtienne davantage de

2 soutiens financiers de la part de l'Etat. C'est ce que je voulais dire.

3 M. le Président (interprétation): Un instant, Monsieur Milosevic. Il faut

4 d'abord voir ce qui a été dit. Le point suivant est celui-ci: l'unité a

5 notamment, je suppose, contribué à la libération des otages; est-ce exact

6 ou pas?

7 M. Vasiljkovic (interprétation): Je ne sais rien à ce propos, si ce n'est

8 ce que j'ai vu à la télévision. Et j'ai été un peu choqué de voir Jovica

9 Stanisic devant les caméras. Pour moi, il avait toujours été chef des

10 services secrets, j'étais donc assez étonné. Mais je n'en sais pas

11 davantage.

12 M. le Président (interprétation): Savez-vous si l'unité a eu un rapport

13 quelconque avec la libération des otages?

14 M. Vasiljkovic (interprétation): Non, je ne sais pas. Je ne pense pas, je

15 n'ai jamais entendu parler de cela. Mais j'avais de bons contacts avec des

16 hommes individuels et j'en aurais su davantage si cela s'était passé.

17 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que M. Jovica Stanisic est parti

18 sur place avec uniquement quelques membres de ses services de sécurité et

19 il avait des contacts en matière de renseignement parce qu'il devait

20 savoir où se trouvaient toutes ces personnes; il avait dû les rassembler

21 en un seul et même endroit et veiller à ce qu'ils soient transportés sans

22 encombre sur le territoire de Yougoslavie. Il n'y a pas eu d'opérations de

23 combat dans ce cadre; cette libération s'est faite par des moyens

24 politiques?

25 Réponse: C'était manifeste si on voyait ce qu'en disaient les médias.

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1 M. Milosevic (interprétation): Mais, de façon générale, ce discours au

2 cours duquel il parle de l'histoire, de l'historique de l'unité, je ne

3 pense pas que cette question ait un rapport quelconque avec moi; elle est

4 en rapport avec toutes les personnes qui étaient présentes. Si j'avais su

5 tout cela, il n'aurait pas été nécessaire qu'il donne des explications.

6 M. le Président (interprétation): Vous pourrez déposer vous-même comme

7 témoin, Monsieur Milosevic, quand vous le voudrez. Inutile de le faire

8 maintenant.

9 M. Vasiljkovic (interprétation): Il y a une chose qu'il est important

10 d'ajouter: mis à part vous, il y avait beaucoup de personnalités

11 importantes; l'objectif que poursuivait "Frenki", c'était de présenter ces

12 personnes sous le meilleur éclairage possible pour donner la meilleure

13 impression possible. C'était un spectacle à ce point exagéré qu'on

14 n'aurait pas vraiment pu le gonfler davantage.

15 M. Milosevic (interprétation): Ecoutez, terminons-en. Le discours de

16 Simatovic avait pour objet de donner le plus d'importance possible à

17 l'unité en rappelant comment elle était née, pour renforcer le moral des

18 troupes, pour créer une tradition et -vous l'avez vous-même décrit-

19 essayer de créer cette tradition en faisant une collection du plus grand

20 nombre d'objets possible et en rassemblant le plus grand nombre de données

21 possible concernant l'unité.

22 Mais si je vous ai bien compris, vous avez dit vous-même que ce discours

23 est truffé d'exagérations. On a accordé à l'unité des succès qui étaient,

24 en fait, le fait de membres individuels de l'unité pendant que ceux-ci se

25 trouvaient dans d'autres formations?

Page 16705

1 M. Vasiljkovic (interprétation): Effectivement. Il y a même certains

2 membres qui n'avaient rien à faire avec l'unité, même des choses qui

3 avaient été réalisées par la fondation elle-même.

4 Question: Vous avez vu, et on le voit dans cette séquence, que ce centre

5 venait tout juste d'être établi; nous voyons notamment que les meubles

6 sont neufs, que tout vient juste d'être terminé. Je parle ici de

7 l'organisation, de l'installation, tout ce qui avait trait à l'unité.

8 C'est une cérémonie qui s'est déroulée en 1997, n'est-ce pas?

9 Réponse: Oui, c'est cela. C'est au cours de cette période que l'unité a

10 été la plus forte, du moins d'après ce que j'ai pu en juger, c'est

11 seulement, à ce moment-là, qu'elle ressemblait à une unité.

12 Question: Est-ce que vous avez remarqué que dans ces archives, disons

13 -j'emploie ce terme-, ces archives portaient sur le territoire qui avait

14 prévalu en ex-Yougoslavie. On a montré le film de Spegelj et d'autres

15 séquences vidéo venant d'autres sources qui n'avaient rien à voir avec

16 l'unité elle-même. Cela, c'est très clair, n'est-ce pas? C'est un peu

17 l'historique du conflit en ex-Yougoslavie?

18 Réponse: C'est exact.

19 M. Milosevic (interprétation): Spegelj en est un bon exemple. Qu'est-ce

20 que l'unité a à voir avec lui? Même la sûreté de l'Etat n'avait rien à

21 voir avec lui. C'était plutôt la sécurité militaire qui était impliquée;

22 Vasiljevic en a parlé, l'homme qui a témoigné avant vous.

23 M. le Président (interprétation): Et quelle est la question que vous

24 posez?

25 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, est-ce qu'il est clair que

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1 dans tout ce discours, parmi toutes ces explications, ce n'est pas

2 simplement l'unité qui est en question, mais on peut dire que ce discours

3 était consacré à un sujet plus vaste, à savoir le conflit en ex-

4 Yougoslavie? On voit toutes ces informations qu'on trouve dans les

5 archives, notamment le film de Spegelj?

6 M. Vasiljkovic (interprétation): Je crois que j'ai donné une très bonne

7 définition en disant que c'était quelque chose de théâtral qui avait tout

8 à fait été exagéré, qui était disproportionné; que tout ceci avait été

9 orchestré à l'intention du Président et des dignitaires qui étaient venus

10 en visite.

11 Question: On affirme que l'unité a été établie à une date; mais à ce

12 moment-là, elle n'existait pas encore, elle a seulement été constituée en

13 1995 ou en 1996. Est-ce que c'est une date qui établit un lien avec

14 l'époque où des membres individuels de l'unité ont plus tard combattu et

15 été engagés dans des combats? Est-ce que vous pourriez nous donner une

16 explication quant à cette date précise?

17 Réponse: Impossible d'établir un lien entre cette date et quoi que ce soit

18 d'autre. Je me dis que c'est peut-être une espèce d'ordre intérieur, à

19 leur niveau, afin que soit établie une unité de combat dans le service, du

20 service. Je ne sais, mais ce n'est qu'une supposition de ma part. Je ne

21 suis pas en mesure d'établir un lien avec rien d'autre.

22 Question: Je vous remercie. Ceci suffit amplement.

23 Et est-ce que vous vous souvenez qu'à cette occasion, Simatovic a dit que

24 le cœur, le noyau dur de cette unité, au moment de son établissement, se

25 composait de certains membres de la police de la République de Krajina et

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1 de volontaires?

2 Réponse: C'est exact.

3 Question: A quel moment ces membres de la police ont-ils rejoint le cœur

4 même de cette unité? C'est plus tard seulement, au moment de l'opération

5 dont vous avez parlé?

6 Réponse: Oui, seulement après le début août 1991.

7 Question: Ceci est très important, au regard de toutes ces contre-vérités

8 qui sont présentées ici.

9 Dans cette séquence, je vois qu'il parle de 26 camps de formation,

10 d'entraînement. En fait, cette référence, il l'a fait de la même façon

11 qu'il a fait référence au film sur Spegelj ou d'autres choses. Il parle de

12 diverses activités qui se sont déroulées mais ceci ne saurait avoir aucun

13 rapport avec le service ou cette unité. Est-ce exact ou pas?

14 Réponse: S'il y avait eu 26 camps de formation, cela aurait été

15 magnifique. On n'aurait pas eu autant de victimes pendant la guerre, si

16 cela avait été le cas. Et ces archives n'auraient pas été manipulées à ce

17 point, de façon si peu professionnelle. Je ne pense pas que cela existait.

18 Chacun savait ce que devait faire un camp d'entraînement. C'est chose

19 notoirement connue.

20 Question: Vous avez mentionné quelque chose au sujet de l'exagération que

21 l'on a faite ici. Vous avez parlé d'unités aéroportées, d'unités

22 d'hélicoptères. Savez-vous que ces hélicoptères dont il est question ont

23 été achetés que vers 1993, et je crois que vous avez confirmé la chose

24 dans votre deuxième déposition, et qu'il ne s'agissait pas du tout

25 d'hélicoptères de combat mais uniquement d'hélicoptères… -comment dirais-

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1 je?- de petite taille qui servaient au transport de quelques personnes

2 seulement; où l'on pouvait tenir à deux ou trois seulement, n'est-ce pas?

3 Réponse: Comme je suis pilote, c'est une chose qui m'a beaucoup intéressé:

4 deux "Gazelle", un "Bell" datant de la guerre du Vietnam. Et par la suite,

5 on a acheté un Sikorski. Le Sikorski, on l'a acheté bien plus tard, je ne

6 sais pas quand mais cela a été acheté pour des cérémonies. Je crois qu'ils

7 l'ont eu très bon marché, et c'est la raison pour laquelle ils l'ont

8 acheté. Je crois que c'est la seule escadrille d'hélicoptères. Croyez-moi

9 que j'ai bien des amis en Amérique qui disposent de bien plus d'engins

10 volants que ce n'est le cas pour cette unité. Et "Frenki" aussi aimait

11 beaucoup les avions; et cela avait l'air impressionnant, la sortie en

12 hélicoptère qui n'avait pas de moteur, qui avait juste les hélices, mais

13 pour faire impression.

14 Question: On a vu que l'on avait fait sortir les ambulances, le matériel

15 de transmission, les équipements de combat et tout a été sorti pour cette

16 espèce de passage en revue. C'est bien cela?

17 Réponse: Oui, absolument. Tout a été sorti.

18 Question: Bien, Capitaine. Vous souvenez-vous qu'à occasion du déjeuner

19 qui s'est tenu après la cérémonie, j'ai dit moi-même que j'ai été surpris

20 par l'historique de l'unité, par son organisation, son degré d'équipement

21 et par sa disponibilité à combattre le terrorisme. Ne vous semble-t-il pas

22 que cette façon de parler de ma part n'a fait que confirmer que j'en ai eu

23 vent pour la première fois, à ce moment-là?

24 Réponse: Non. J'ai refusé d'être présent à ce déjeuner.

25 Question: Mais j'ai compris que vous étiez invité?

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1 Réponse: J'étais invité mais j'ai refusé.

2 Question: Pourquoi avez-vous refusé?

3 Réponse: C'étaient des options politiques qui étaient les miennes et qui

4 étaient opposées à vous-même.

5 Question: Ah! C'est à cause de moi que vous avez refusé de rester au

6 déjeuner?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Bien, je vais vous poser alors quelques autres questions. Est-ce

9 que, pendant l'agression de l'OTAN, vous étiez au Kosovo et Metohija.

10 Réponse: J'ai lu quelque chose à ce sujet, mais la seule fois où je suis

11 allé au Kosovo et Metohija, c'était en 1992 pour y passer une après-midi,

12 une seule fois donc, pas avant pas après.

13 Question: On parle de vous aussi dans ce contexte. Je voulais donc que

14 nous confirmions. D'après les renseignements dont je disposais, vous

15 n'étiez pas présent au Kosovo et Metohija et, en 1992, quand vous y êtes

16 allé, combien de temps êtes-vous resté, dites-vous, et qu'avez-vous fait

17 là-bas?

18 Réponse: C'était au sujet de certaines activités de la Fondation et,

19 pendant l'agression de l'OTAN, j'ai conduit une campagne par internet pour

20 informer l'opinion publique mondiale de l'agression qui avait cours contre

21 mon pays et ma ville.

22 M. Milosevic (interprétation): Rectifiez-moi si je me trompe. Je ne sais

23 plus si c'était CNN ou la BBC. Il me semble que c'était quand même la CNN.

24 Et on a dit à quelque endroit qu'à partir de votre fondation, il y avait

25 une guerre par ordinateurs qui se conduisait contre l'Amérique. Mais il

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1 s'agissait d'un groupe de jeunes gens plutôt qui se servaient d'Internet

2 pour envoyer des renseignements, des informations portant sur les crimes

3 que l'aviation de l'OTAN avait perpétrés, notamment sur le territoire de

4 Belgrade. Vous n'aviez pas de renseignements pour ce qui est du territoire

5 de la Serbie entière?

6 M. Vasiljkovic (interprétation): Suite à cette attaque héroïque contre

7 notre télévision et contre la mort d'un si grand nombre de civils… Quand

8 je dis "attaque héroïque", il faut l'entendre entre guillemets, bien

9 entendu. Je ne voudrais pas que ce soit interprété de façon autre.

10 M. le Président (interprétation): Ecoutez, restons-en aux éléments de

11 preuve.

12 M. Vasiljkovic (interprétation): Mais on est en train de parler de crimes

13 de guerre, alors j'avais pensé que ce serait peut-être utile de le

14 mentionner aussi. Mais, enfin, bon...

15 M. le Président (interprétation): Parlez-vous de ces pirates informatiques

16 qui étaient dans les locaux de votre fondation?

17 M. Vasiljkovic (interprétation): J'ai vécu la chose et j'ai pensé à ces

18 personnes mortes. C'est donc un sentiment qui a jailli de moi. Mais je

19 vais prendre une gorgée d'eau.

20 Je tiens à dire que nous avions établi ce réseau pendant la guerre, et il

21 y avait ces pirates informatiques. Mais c'étaient ces jeunes qui venaient

22 d'apprendre à se servir d'ordinateurs, ce n'étaient pas de vrais pirates

23 de l'informatique. Et c'était la seule façon de faire passer l'information

24 concernant ce qui se passait dans ma ville, dans mon pays et à l'intention

25 des gens, des personnes ou des nations que nous avions considérés jusque-

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1 là comme étant des alliés.

2 M. Milosevic (interprétation): Donc il ne s'agissait pas de piratages

3 informatiques?

4 M. Vasiljkovic (interprétation): Ecoutez, il faut de la compréhension pour

5 ces gens-là, Monsieur Milosevic. Il fallait un ennemi bien plus puissant

6 pour justifier les hostilités et les crimes qu'ils ont perpétrés contre

7 nous. Et ils avaient voulu que cette petite unité soit muée en armée. Il

8 fallait faire de ces jeunes, des pirates informatiques. Il ne fallait pas

9 dire que 21 personnes s'étaient emparées de Glina; il fallait dire que

10 c'étaient les forces de la JNA. C'étaient les explications croates et il

11 ne fallait pas sous-entendre par là le seul capitaine Dragan.

12 M. le Président (interprétation): Nous allons avoir l'occasion… Nous avons

13 gardé à l'esprit ce que vous avez dit. Ne faites pas de discours, nous

14 avons eu suffisamment de discours.

15 Monsieur Milosevic, avez-vous d'autres questions?

16 M. Milosevic (interprétation): Je ne vais pas utiliser tout le temps qui

17 m'est imparti. J'ai encore quelques questions seulement. Pas plus.

18 Nous avons parlé d'officiers que vous avez rencontrés sur le territoire de

19 la Krajina serbe. Si mes souvenirs sont bons, ces gens-là étaient

20 originaires de la Krajina serbe, n'est-ce pas?

21 M. Vasiljkovic (interprétation): C'est ainsi que j'ai compris la chose.

22 Question: C'étaient les connaissances que vous aviez de la chose?

23 Réponse: Oui, mes connaissances afférentes.

24 Question: Nous avons constaté que la plupart d'entre eux étaient des

25 volontaires et qu'une partie était venue parce que conviée par les

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1 autorités de la Krajina, vu qu'ils étaient originaires de là-bas, et ils

2 ont répondu présent à l'appel, mais ils l'ont fait de leur plein gré?

3 Réponse: Je n'ai pas ouï dire qu'il y avait une autre version, si ce n'est

4 celle-là.

5 Question: Avez-vous entendu dire que quelqu'un avait reçu l'ordre d'aller

6 là-bas?

7 Réponse: Très sincèrement, je n'ai pas de connaissance de ce type.

8 Question: Mais s'il s'agissait d'officiers actifs de l'armée de

9 Yougoslavie qui étaient originaires de la Krajina qui ont répondu à

10 l'appel, est-ce que, pendant ce temps, leur statut au niveau de l'armée de

11 Yougoslavie était gelé et ils n'avaient pas d'autres fonctions au sein de

12 l'armée de Yougoslavie, une fois qu'ils sont partis en tant que

13 volontaires vers la Krajina? A savoir que l'armée de Yougoslavie, en

14 d'autres termes, n'avait pas de fonction de donneur d'ordres à leur égard,

15 indépendamment du fait qu'ils aient été officiers d'active qui aient été

16 volontaires pour partir là-bas; c'est une chose qui relève de ce que vous

17 savez ou pas?

18 Réponse: Je le sais d'expérience personnelle, parce que mon "kum" était un

19 officier d'active de l'armée de Yougoslavie. Il a gelé son statut au sein

20 de cette armée et il est allé là-bas. Il a passé un certain temps là-bas,

21 puis il a réintégré son service.

22 Question: Mais dans le sens d'ordres donnés?

23 Réponse: Non, non, en aucune façon.

24 Question: Mais ils ont continué à percevoir, à toucher leur salaire parce

25 que la Krajina n'avait pas suffisamment d'argent pour leur verser leur

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1 solde, n'est-ce pas? Donc ici, il s'agit d'appui matériel qui a été

2 apporté dans un segment qui dépassait les possibilités du budget de la RSK

3 qui était très modeste. Et même Babic, ici, a dû reconnaître qu'il

4 n'aurait pas survécu sans une aide de notre part.

5 Réponse: Je le sais également. Je sais que ces salaires arrivaient très en

6 retard, parce que mon "kum" s'était plaint et il m'avait dit que sa

7 famille n'avait rien à manger à la maison.

8 Question: Mais en tout état de cause, c'était un aspect financier de cette

9 aide?

10 Réponse: J'étais son supérieur. Lui, il était un officier de l'armée de

11 Yougoslavie. Alors, vous pouvez bien imaginer comment les choses se

12 passaient: il ne pouvait pas, lui, recevoir d'ordres de Yougoslavie, il

13 recevait des ordres de ma part parce qu'il était venu en tant que

14 volontaire chez moi.

15 Question: Mais vous, vous ne receviez pas d'ordres de l'armée de

16 Yougoslavie?

17 Réponse: Non. Le général Novakovic était, à l'époque, mon commandant

18 suprême.

19 Question: Mais le général Novakovic a été nommé par les autorités

20 compétentes de la Krajina, à savoir l'assemblée populaire de la Krajina

21 serbe, pour être commandant du QG de la défense de la Krajina?

22 Réponse: C'est exact.

23 Question: Et c'était l'officier le plus haut gradé dans la Krajina, n'est-

24 ce pas?

25 Réponse: C'est exact.

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1 Question: Je n'ai plus qu'une question à vous poser. Etant donné que vous

2 étiez, en 1991, 1993, 1994, 1995, là-bas, toutes les activités que vous

3 avez déployées étaient des activités afférentes à la défense, à une

4 période où notre peuple avait été exposé à des crimes de taille, à un

5 génocide.

6 Je voudrais savoir si vous avez un sentiment de fierté pour ce que vous

7 avez effectué dans cette période. Ou alors, je vais retourner la question:

8 est-ce que vous avez des remords pour ce que vous avez fait dans cette

9 période?

10 Réponse: Je suis absolument fier de ce que j'ai fait, je ne regrette rien

11 de ce que j'ai fait. Et si j'étais une fois de plus dans cette situation,

12 je crois que je referais la même chose.

13 Question: Serait-il exact de dire que cela est tout aussi valable pour les

14 gens que vous connaissez personnellement, donc pour les gens au sujet

15 desquels vous avez des connaissances personnelles concernant les

16 sentiments qui sont les leurs?

17 Réponse: Je crois qu'en principe, je n'étais associé rien qu'à des

18 personnes de ce genre, je n'ai travaillé qu'avec des personnes de ce genre

19 et c'est le seul type de personnes que j'ai fréquentées.

20 M. Milosevic (interprétation): Merci. Je n'ai plus de questions,

21 Capitaine.

22 (Questions de l'amicus curiae, M. Kay, au témoin, M. Dragan Vasiljkovic.)

23 M. Kay (interprétation): Les amis de la Chambre ont quelques questions à

24 poser, Messieurs les Juges.

25 Monsieur Vasiljkovic, je vous demande de vous pencher une fois de plus sur

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1 les photos qui font partie de l'intercalaire 5 des pièces à conviction que

2 nous avons vues. Il s'agit de la pièce à conviction 390.

3 (Intervention de l'huissière.)

4 Je vous demande de vous pencher maintenant sur la troisième photo qui

5 figure à la page 1 dans cet intercalaire 5.

6 Vous vous souviendrez que le Juge Kwon vous a posé des questions au sujet

7 du général Vasiljevic? Vous en souvenez-vous?

8 M. Vasiljkovic (interprétation): Oui, je m'en souviens.

9 Question: Et vous avez identifié cette photographie, et plusieurs autres

10 photos peut-être, comme étant celle qui nous montrait le général

11 Vasiljevic. Je vous demande de vous pencher sur la page 3 de ce segment.

12 La photo qui est désignée par "15 heures 31", où l'homme n°3 a été

13 identifié comme étant le général Vasiljevic, dans quelle mesure êtes-vous

14 certain de la chose? Se peut-il que vous vous soyez trompé?

15 Réponse: C'est absolument possible, parce que je n'étais pas un proche de

16 Vasiljevic, je ne l'ai vu que quelques fois seulement.

17 Et je dirai que, pour autant que je puisse en juger, c'est ce que j'ai

18 dit. Il se peut que je me sois trompé. Par la suite, j'ai appris que je me

19 suis trompé à un endroit pour ce qui est de l'identification, mais j'ai

20 fait pour le mieux que j'étais en mesure de faire.

21 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, voulez-vous que je vous aide

22 à ce sujet?

23 M. le Président (interprétation): Oui.

24 M. Milosevic (interprétation): Il s'agit de la photo du général

25 Dimitrijevic, donc le témoin s'est trompé à moitié, et il ne s'est pas

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1 trompé parce que le général Dimitrijevic était, à l'époque, chef des

2 services de sécurité de l'armée de Yougoslavie. Il a occupé le poste qui

3 avait été occupé par général Vasiljevic. Donc c'était le chef des services

4 de sécurité de l'armée de Yougoslavie, mais à l'époque ce n'est plus

5 Vasiljevic mais Dimitrijevic. Et j'imagine que le témoin a fait confusion

6 parce qu'il a entendu dire que c'était le chef des services de sécurité de

7 l'armée de Yougoslavie. Il a peut-être mal entendu le nom, aussi a-t-il

8 compris que c'était Vasiljevic. Mais moi, je vois sur la photo qu'il

9 s'agit bien du général Dimitrijevic.

10 M. le Président (interprétation): Oui, fort bien. Les choses sont tirées

11 au clair.

12 M. Kay (interprétation): Oui, en effet, cela clarifie la chose.

13 M. Vasiljkovic (interprétation): Cela vous illustre qu'en tout état de

14 cause j'ai voulu vous venir en aide.

15 Question: Très bien. Je voudrais passer à autre chose maintenant. Vous

16 avez décrit votre unité comme étant principalement une unité chargée

17 d'entraîner et de former, mais vous avez également dit que vous avez pris

18 part à des opérations de combat, c'est bien exact?

19 Réponse: Oui, c'est exact.

20 Question: Je voudrais, à présent, vous poser certaines questions

21 concernant les opérations de combat. Cela a trait au type d'effectif que

22 vous avez combattu dans le courant de ces opérations. Vous vous étiez

23 référé d'abord à Glina et je voudrais savoir dans quelles mesures les

24 Croates de Glina étaient bien armés?

25 Réponse: Nous avions face à nous une brigade qui disposait de blindés, des

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1 blindés de transport de troupes, je le précise, qui disposaient d'armes

2 antichars et de "Bomburz"(phon.) qui ont été achetés probablement en

3 occident. Et c'étaient des effectifs qui étaient bien mieux équipés que

4 nous. De notre côté, il y avait des armes longues de police, nous n'avions

5 pas à ce moment-là d'armes militaires encore. Et nous avions un mortier de

6 60 millimètres. C'est une arme d'infanterie que l'on porte sur l'épaule.

7 Question: Passons à présent à un autre site où vous avez déployé des

8 activités de combat. Peut-être pourriez-vous choisir l'un des autres sites

9 ou vous êtes allé avec votre unité?

10 Réponse: Skabrnja, Ljubovo et Glina sont les sites majeurs où j'ai conduit

11 les hommes moi-même, où j'ai commandé moi-même et où j'ai personnellement

12 pris part aux opérations. Il y a eu 257 missions en profondeur derrière

13 les lignes ennemies, en profondeur de 6 à 40 kilomètres derrière les

14 lignes de l'ennemi.

15 Il s'agissait donc de déplacements visant à détruire des pièces

16 d'artillerie, à capturer des officiers croates pour procéder par la suite

17 à des échanges et il s'agissait de procéder à une analyse du terrain ou

18 plutôt collecter de l'information au sujet de l'ennemi.

19 Question: De quelle façon étaient armés les Croates de Skabrnja?

20 Réponse: A l'époque, ils avaient déjà des brigades de professionnels. Ils

21 étaient équipés de tout ce qu'ils ont encore de nos jours. Ils disposaient

22 d'uniformes de qualité et, en principe, ce n'était qu'à ce moment-là que

23 je m'étais équipé en uniforme croate et en équipement croate dont je me

24 suis servi par la suite lorsque je suis intervenu derrière les lignes

25 croates ennemies. Mais, en tout et pour tout, je pourrais dire qu'ils

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1 étaient équipés de façon moderne.

2 Question: Passons à Ljubovo. Dans quelle mesure les Croates que vous avez

3 combattus à moment-là, étaient-ils bien équipés?

4 Réponse: Ils étaient équipés tout comme ceux de Glina. Ils disposaient de

5 blindés de transport de troupes, il avait des armes antichars, ils avaient

6 des mortiers de 82 millimètres.

7 Question: Etaient-ils mieux armés ou moins bien armés que vous-même, que

8 votre unité?

9 Réponse: Dans toutes les batailles, tous les conflits que nous avons eus,

10 les Croates étaient mieux armés, sauf lorsque nous intervenions derrière

11 leurs lignes. A ce moment-là, nous avions des silencieux, des GPS, des

12 systèmes de transmissions modernes et des dispositifs nous permettant de

13 voir la nuit.

14 Question: Pendant ces opérations, y avait-il un appui aérien quelconque ou

15 y a-t-il eu des batailles aériennes pendant les opérations en question?

16 Réponse: Non, je ne pouvais pas commander ces effectifs, je n'avais pas la

17 possibilité de bénéficier d'un appui aérien.

18 Question: D'après l'expérience qui est la vôtre, est-ce que ceci a été

19 utilisé contre vous par les Croates?

20 Réponse: Personnellement, je n'ai pas connu d'expérience analogue.

21 M. Kay (interprétation): Merci. Ce sera tout ce que j'avais à vous poser

22 comme question.

23 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Dragan Vasiljkovic,

24 par M. Groome.)

25 M. Groome (interprétation): Monsieur Vasiljkovic, lorsque nous avons

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1 commencé à entendre votre témoignage mercredi dernier, vous nous avez

2 décrit les raisons de votre déplacement vers le Tribunal. Vous avez parlé

3 de scepticisme à l'égard de ce Tribunal, et vous avez dit que vous avez

4 espéré dire toute la vérité. Et vous aviez dit, je pense, que vous auriez

5 l'occasion… que l'occasion vous serait fournie par l'accusation, par la

6 Chambre et par l'accusé de véhiculer la vérité tout entière et complète.

7 Je pense que M. Milosevic, M. Kay et moi-même vous avons fourni

8 l'opportunité de dire la vérité à part entière.

9 M. Vasiljkovic (interprétation): Oui, c'est exact et je vous en remercie.

10 Question: Si je ne vous pose pas d'autre question à présent, et si vous

11 partez, si vous vous en allez, vous vous trouverez complètement satisfait

12 de ce que vous avez prononcé à l'égard de la Chambre. Autrement dit, vous

13 estimerez que vous aurez dit tout ce qu'il y a de pertinent à l'égard de

14 la Chambre?

15 Réponse: C'est exact. Je crois qu'il serait injuste de ne pas dire que

16 j'ai beaucoup moins de scepticisme à présent à l'égard de ce Tribunal que

17 j'en avais en arrivant.

18 Question: Tout ce que vous avez dit ici est la vérité? Vous tenez à

19 appuyer vos propos et vous estimez que vos propos sont conformes à la

20 vérité, n'est-ce pas?

21 Réponse: Oui, pour ce qui est du meilleur de ma connaissance, en effet. Ce

22 que j'ai dit est tout à fait vrai, et je suis tout à fait disposé à

23 assumer la responsabilité afférente à toute contre-vérité que j'aurais

24 prononcée.

25 Question: Je souhaite vous poser toutefois certaines questions -j'en ai un

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1 bon nombre- pour tirer bien au clair un certain nombre de questions. Je

2 sais que vous avez des obligations pour lundi, aussi vous demanderais-je

3 de répondre brièvement pour terminer votre témoignage aujourd'hui.

4 La première question a trait à la vidéo que nous avons visionnée. Vous

5 avez dit, mercredi, et je vais citer ce que vous avez dit dans le compte

6 rendu d'audience en guise de réponse à ma question, la réponse était celle

7 de savoir: "Monsieur Vasiljkovic, s'agissant de la vidéo que nous venons

8 de voir, est-ce que cela traduit fidèlement les événements afférents à la

9 cérémonie à laquelle vous avez assistée ce jour-là?" Vous avez dit: "Oui,

10 absolument exact."

11 Ma question est à présent celle de savoir si "Frenki" Simatovic a prononcé

12 ce qu'il a prononcé. Vous contestez, à présent, le fait qu'il ait pensé ce

13 qu'il avait dit à ce moment-là; est-ce bien exact?

14 Réponse: Messieurs les Juges, je connais "Frenki" Simatovic depuis 12 ans.

15 Je me suis entretenu au sujet de ce film avec lui, et je pense que

16 personne ne saurait mieux le connaître que moi-même car nous sommes

17 proches, nous sommes amis intimes. Tout ce que j'ai dit au sujet de

18 "Frenki" Simatovic, je le maintiens, et je suis certain que "Frenki"

19 Simatovic serait en mesure de confirmer la chose. Nous ne parlons pas

20 d'une personne tierce, mais je parle d'une personne que je connais très

21 bien.

22 Question: Mais vous ne contestez pas que les propos, que nous avons

23 entendus proférer dans la vidéo, sont des propos tenus par "Frenki"

24 Simatovic? Cela n'est pas contesté, n'est-ce pas?

25 Réponse: Non, cela n'est pas contesté, bien sûr.

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1 Question: Maintenant, d'après l'interprétation que vous nous avez donnée

2 dans le témoignage concernant cet événement, toute la cérémonie avait été

3 une pièce de théâtre où vous étiez participant, où il y a eu d'autres

4 participants également, et le tout, pour faire impression sur le public

5 qui était venu là. C'est plus ou moins toujours l'opinion que vous avez au

6 sujet de cette vidéo?

7 Réponse: Je n'ai pas pris part à cette représentation. J'ai fait partie du

8 public. Il avait voulu m'impressionner, tout comme il avait voulu

9 impressionner le Président et les autres invités d'importance qui ont été

10 invités à cette espèce de show.

11 Question: Vous êtes une personnalité publique. Y a-t-il eu d'autres

12 occasions où vous avez participé, où vous étiez présent, à l'occasion

13 d'une autre pièce de théâtre, où l'impression qu'on avait voulue était

14 celle où l'on avait voulu impressionner le public? Etait-ce la seule

15 occasion? Est-ce que vous parlez de la même unité?

16 Réponse: Non, je parle de façon générale.

17 Question: Est-ce que, à quelque moment que ce soit, en ex-Yougoslavie,

18 s'agissant de cette unité-là, ou s'agissant d'une autre cérémonie publique

19 à laquelle vous auriez été présent avec M. Milosevic, y a-t-il eu une

20 autre occasion, ou s'agissait-il tout simplement d'une pièce de théâtre,

21 de cinéma, où l'on voulait impressionner le public?

22 Réponse: Deux ans avant cela, à Kula, on a fait quelque chose d'analogue

23 mais, à ce moment-là, l'invité était le ministre de la police, le ministre

24 de l'Intérieur. Il y avait des invités, tout comme ici, et bien entendu,

25 l'unité était bien plus petite, bien moins équipée, mais on a également

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1 organisé une cérémonie. On a également fait un discours et, à ce moment-

2 là, on m'a donné une montre, ils m'ont donné une montre. Cela était déjà

3 devenu une tradition. Et c'est au sujet de cette unité ce que je pourrais

4 dire.

5 Mais croyez-moi bien que j'ai été présent à un grand nombre de cérémonies.

6 Je reçois quotidiennement bon nombre d'invitations pour des réceptions

7 émanant d'officiels, même de familles royales, et je trouve que cela est

8 tout à fait normal.

9 Question: Lors de cette cérémonie précédente, est-ce qu'on a donné lecture

10 d'une histoire fictive de l'unité des Bérets rouges à l'intention des

11 spectateurs?

12 Réponse: Je crois que ce document existe quelque part, et vous constaterez

13 que l'histoire qui figure est complètement différente de ce qui a été

14 ensuite dit l'année suivante. L'objectif, c'était uniquement

15 d'impressionner les auditeurs, l'auditoire.

16 Question: Monsieur Milosevic nous a dit que cette unité avait été mise en

17 place après la guerre en 1995. Monsieur "Frenki" Simatovic, quant à lui,

18 dit que l'unité avait été créée en 1991, le 4 mai. L'un d'entre eux ne dit

19 pas la vérité ou se trompe. A quelle date cette unité a-t-elle

20 effectivement été créée?

21 Réponse: Moi, ce que je sais, ce que me fait dire mon expérience, c'est

22 que le service a toujours disposé d'hommes lui permettant de contribuer au

23 travail de renseignements, à toutes les activités d'un service secret, le

24 service secret. "Frenki" a toujours été entouré de collaborateurs, mais

25 ensuite, c'est devenu une unité militaire qui commençait à ressembler à

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1 une armée, au niveau d'une compagnie. Mais je ne sais pas exactement quand

2 cela s'est passé.

3 Question: Est-ce que "Frenki" Simatovic avait raison en disant que cette

4 unité avait été créée en 1991, ou est-ce M. Milosevic qui avait raison

5 lorsqu'il a dit que l'unité avait été créée en 1995? Lequel des deux, s'il

6 vous plaît, avait raison?

7 Réponse: Je crois en avoir parlé dans une conversation avec Simatovic; et

8 il m'a dit qu'il y avait eu une sorte de décret interne lui permettant de

9 disposer d'hommes sous son commandement. Je crois qu'on pourrait trouver

10 ce document qui doit porter une date; et quand j'en aurai terminé de ma

11 déposition, je suis prêt à faire les recherches nécessaires pour essayer

12 de vous fournir ultérieurement ces informations.

13 Question: Je souhaiterais vous soumettre une déclaration qui a été faite,

14 à l'époque, par M. Milosevic pour voir si cela peut vous permettre de vous

15 souvenir de l'exactitude ou non de cette date.

16 Article du 12 avril 1991. Je souhaiterai que l'on en assure la

17 distribution, une interview avec M. Milosevic en l'occurrence, du 12 avril

18 1991, c'est-à-dire moins de trois semaines avant la date dont "Frenki"

19 Simatovic dit que c'est la date à laquelle l'unité a été créée. Je cite

20 Monsieur Milosevic.

21 M. le Président (interprétation): Un instant. Attendez que tout le monde

22 dispose du document.

23 M. Groome (interprétation): Il s'agira de la page 2 de la traduction en

24 langue anglaise.

25 (Intervention de l'huissière.)

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1 M. Vasiljkovic (interprétation): Pouvez-vous, s'il vous plaît, me donner

2 la date? 12 avril?

3 M. Groome (interprétation): 12 avril 1991. Je vais vous donner lecture

4 d'un extrait de cette interview pour voir si cela peut vous permettre… ou

5 décider à savoir quelle est la bonne date.

6 Monsieur Milosevic dit -et je le cite-: "J'ai ordonné la mobilisation des

7 forces de police de réserve hier. L'engagement et la formation de

8 nouvelles forces de police vont suivre. Et le gouvernement a reçu la

9 mission de préparer les unités appropriées afin de garantir notre sécurité

10 et de nous permettre de défendre les intérêts de notre République ainsi

11 que les intérêts du peuple serbe à l'extérieur de la Serbie." (Fin de

12 citation.)

13 Est-ce que cette déclaration de M. Milosevic, faisant référence à un ordre

14 qu'il a donné aux fins de la création de forces de police spéciales, vous

15 permet de dire si la date donnée par "Frenki" Simatovic, le 4 mai 1992,

16 est bien la date à laquelle cette unité a été mise sur pied?

17 M. Vasiljkovic (interprétation): Le 4 avril, je suis arrivé à Knin. Le 12

18 avril, j'avais tellement de choses à faire que peu m'importait ce que

19 pouvait raconter le Président. J'avais trop de choses à faire pour avoir

20 le temps de lire ce qu'il disait dans les journaux ou de lire les

21 journaux, donc je n'en sais rien.

22 M. Groome (interprétation): Mais je sais bien, Monsieur, que… Vous nous

23 dites que vous n'avez pas lu ce journal, à l'époque; c'est cela?

24 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, vous êtes en train de

25 poser des questions supplémentaires. Donc il y a des limites au contre-

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1 interrogatoire auquel vous pouvez soumettre votre propre témoin.

2 M. Groome (interprétation): Oui.

3 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous nous dire quand cette

4 interview a été publiée, s'il vous plaît, Monsieur Groome?

5 M. Groome (interprétation): Je vais demander à la cabine de nous lire

6 cette partie de l'article, parce que cela n'a pas été traduit.

7 M. Kay (interprétation): Est-ce qu'il s'agit ici de poser des questions ou

8 de donner lecture de citations?

9 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'on peut, dans les cabines,

10 nous dire à quel moment cet article a été publié?

11 Les interprètes: L'article a été publié dans un magazine hebdomadaire

12 publié à Belgrade et qui s'appelle "Nin".

13 M. le Président (interprétation): Merci. Un instant! Tout le monde parle

14 en même temps.

15 Monsieur Tapuskovic?

16 M. Tapuskovic (interprétation): Je peux vous expliquer de quoi il s'agit.

17 "Nin", c'est l'hebdomadaire qui, à l'époque et encore aujourd'hui, est

18 l'hebdomadaire le plus connu, aussi bien en Serbie que dans l'actuelle… en

19 ex-Yougoslavie que dans l'actuelle Serbie et Monténégro. C'est le meilleur

20 hebdomadaire qui existait à l'époque en Yougoslavie, le plus connu.

21 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, je crois que nous avons

22 fait tout ce que nous pouvions de cet article.

23 M. Groome (interprétation): Vous nous avez parlé des contacts que vous

24 avez eus à ce moment-là avec les services secrets, aussi bien de la

25 Krajina que de la Serbie. Avez-vous connaissance de la formation d'unités

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1 spéciales, pendant cette même période?

2 M. Vasiljkovic (interprétation): Il faut que je me répète, Monsieur le

3 Président.

4 Est-ce que vous vous rendez compte de ce que ça voulait dire, pour un

5 Australien, d'arriver dans un environnement aussi primitif pour, en

6 l'espace de trois mois, mettre sur pied cette unité des "Knindza"? Je

7 n'avais vraiment absolument pas de temps à perdre, pas de temps pour

8 m'intéresser à ce qui se passait en dehors du camp. Je n'avais pas de

9 télévision, je n'avais pas accès aux médias, j'étais complètement coupé

10 des événements; et ceci pendant au moins trois mois. Ce n'est qu'à mon

11 arrivée en août à Belgrade que j'ai commencé à lire les journaux. Donc

12 m'interroger sur ce qui se passait à Belgrade à l'époque n'a pas lieu

13 d'être.

14 Question: Monsieur Vasiljkovic, je répète ma question: est-ce qu'il y a

15 des unités ayant des liens avec la Krajina ou la police de Serbie, est-ce

16 qu'il y a des unités nouvelles qui ont été créées au cours du printemps ou

17 de l'été en 1991?

18 Réponse: Pour la énième fois, je vous répète que cela ne m'intéressait

19 absolument pas. Moi, j'avais un travail énorme à accomplir, des

20 obligations considérables. J'ai perdu 27 kilos, à cette époque. Et

21 vraiment, peu m'importait ce que faisait n'importe qui à Belgrade. Moi,

22 tout ce qui m'importait, c'étaient mes obligations dans la Krajina où

23 j'étais en train d'essayer de remplir mes obligations. Je pense qu'il ne

24 convient pas que je me lance dans des conjectures.

25 Question: Oui, je comprends. Mais ce que je veux savoir, c'est m'assurer

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1 que vous n'avez pas connaissance de la création d'autres unités.

2 Réponse: Non. Non.

3 Question: S'agissant de la période de temps concernée, M. Simatovic parle

4 de trois lieux en Bosnie: Bratunac, Sokolac et Rogatica. Je cite: "Au

5 milieu du printemps de l'année dernière, il y a eu un retrait de cette

6 zone avec équipement, hélicoptères, avions, etc. Tout a été enlevé de la

7 zone." (Fin de citation.)

8 Est-ce qu'on peut déduire, de ce qu'a dit M. Simatovic, par là, qu'en mai

9 1997 et jusqu'à… en tout cas, jusqu'au printemps 1996, ces unités se

10 trouvaient bien en Bosnie?

11 Réponse: Vous êtes en train de me demander de me lancer dans des

12 conjectures. J'ignore même où se trouvait Bratunac, donc peu m'importait

13 ce qui se passait en Bosnie. Moi, j'étais complètement… j'étais submergé

14 de travail pour essayer de remplir mes obligations. Et puis, en plus, il

15 fallait que je réapprenne la langue. Il fallait que j'apprenne à survivre

16 dans le chaos qui m'entourait.

17 Question: Monsieur Vasiljkovic, mercredi, vous avez déclaré que cette

18 vidéo, vous l'avez vue pour la première fois à votre arrivée à La Haye?

19 Réponse: Oui, dans cette mouture-là. A Kula, j'avais vu certains extraits.

20 Mais le film dans son intégralité, je l'ai vu pour la première fois ici.

21 Question: Si on vous avait interrogé sur le discours prononcé par M.

22 Simatovic avant de vous avoir permis de visionner cette vidéo, est-ce que

23 vous pensez que vous auriez pu vous souvenir de ce qu'il avait dit?

24 Réponse: Absolument pas. Comme je vous l'ai déjà dit, j'ignore ce qui

25 s'est passé au Kosovo et en Bosnie mais, en tout cas, je savais très bien

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1 ce qui se passait dans la Krajina. Et je maintiens tout ce que j'ai dit au

2 sujet de cette région-là: rien n'aurait pu se produire dans cette région,

3 dans ce secteur, sans que j'en sois informé.

4 Question: Vous avez parlé de Dusan Orlovic. Vous avez dit qu'il était à la

5 tête de la DB de la Krajina. Pouvez-vous nous dire, si vous le savez, qui

6 était son supérieur hiérarchique? Est-ce qu'il s'agit peut-être de Milan

7 Martic?

8 Réponse: A ma connaissance, il était placé sous la responsabilité du

9 ministre de l'Intérieur, Milan Martic. Ensuite, il y a eu un certain

10 nombre de changements. C'est Milan Babic qui s'est occupé de la Sûreté, et

11 ensuite Milan Martic est parti de la Krajina. Mais je ne pense pas que ces

12 changements aient eu lieu quand j'étais là.

13 Question: Monsieur le Témoin, au cours de ces derniers jours, vous avez

14 donné un certain nombre de réponses qui peuvent susciter une certaine

15 confusion et j'aimerais que l'on précise un certain nombre de points.

16 Dans cet objectif, je souhaiterais qu'on place un document sur le

17 rétroprojecteur qui comporte des extraits du compte rendu d'audience.

18 J'aimerais que vous examiniez la chose, et j'aurais des questions à vous

19 poser.

20 (Intervention de l'huissière.)

21 Afin d'éviter toute possibilité d'erreurs dues à la traduction, je

22 souhaiterais, s'il vous plaît, que vous répondiez maintenant à mes

23 questions en anglais.

24 M. Vasiljkovic (interprétation): Soit c'est moi qui deviens aveugle, soit

25 il faudrait faire un petit peu le point, là, sur l'image.

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1 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

2 Juges, je voudrais qu'on nous explique quand même -je pense que c'est

3 nécessaire- pourquoi il faudrait maintenant passer à l'anglais? Jusqu'à

4 présent, le témoin s'est exprimé en langue serbe, à l'exception de

5 quelques remarques, ici ou là.

6 M. le Président (interprétation): Pour parler de cette portion de sa

7 déposition, je pense qu'il vaudrait mieux, en effet, qu'il parle anglais.

8 Ce sera plus pratique.

9 M. Vasiljkovic (interprétation): Je suis vraiment désolé mais je n'arrive

10 pas à lire. Est-ce que l'on pourrait me donner une copie papier?

11 M. Groome (interprétation): A ce moment-là, vous n'avez qu'à vous tourner

12 vers le rétroprojecteur, et je vais demander à la cabine technique de bien

13 vouloir faire un gros plan sur la colonne de gauche.

14 Mercredi, en réponse à une question qui vous a été faite, et la question

15 est la suivante: "Qui vous interdisait d'aller en Krajina?" Voici la

16 teneur à peu près de la question. Et vous avez dit que cela venait du

17 haut, soit du ministère de l'Intérieur, soit de M. Milosevic. Vous

18 souvenez-vous avoir déclaré cela? Bien.

19 Je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir déplacer la feuille

20 pour que nous voyions le passage concerné.

21 Alors, ici, c'est bien ce que vous vouliez dire, n'est-ce pas?

22 M. Vasiljkovic (interprétation): Je ne me souviens pas si c'est comme ça,

23 si c'est ce qui a été dit, mais vous vous souviendrez que j'ai dit qu'il a

24 dit que je m'étais engagé dans des affaires politiques, mais que ce

25 n'était peut-être pas une très bonne idée de ma part. Mais j'ai parlé du

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1 sommet politique.

2 Question: Ensuite, M. Milosevic vous a demandé si c'était vraiment Milan

3 Babic qui vous avait chassé de la Krajina. Et vous avez déclaré -je cite-:

4 "Moi, j'ai l'impression que Milan Babic vous était supérieur, qu'il

5 disposait de plus d'autorité parce que si vous aviez exercé une autorité

6 sur lui, etc., etc…" (Fin de citation.)

7 En fait, ce que vous êtes en train de nous dire maintenant, Monsieur,

8 c'est que vous estimez que Milan Babic disposait d'un pouvoir plus

9 important que M. Milosevic et que c'est lui qui avait fait en sorte que

10 Jovica Stanisic vous dise de ne plus retourner là-bas; est-ce bien là la

11 teneur de vos déclarations dans ce prétoire?

12 Réponse: Oui, mais je ne vois pas bien ce qui pose problème ici. C'est

13 comme cela que les choses se sont passées, et je maintiens ce que j'ai

14 déjà dit: au cours de cette période Milan Babic exerçait beaucoup plus

15 d'autorité que sur Milosevic, que l'inverse. En tout cas, c'est Babic qui

16 avait toujours le dernier mot. C'était quelqu'un qui avait suffisamment de

17 pouvoir pour m'expulser, moi-même, "Frenki" et même Dusan Orlovic, de la

18 Krajina, lorsque cela lui chantait.

19 M. Groome (interprétation): Je souhaiterais maintenant que l'on présente

20 au témoin une copie originale de sa déclaration.

21 J'ai un certain nombre de questions à vous poser au sujet de cette

22 déclaration, pièce 329.

23 M. le Président (interprétation): J'ai l'impression, ici, qu'on se lance

24 dans un contre-interrogatoire au sujet de la déclaration du témoin. Je

25 vous rappelle que nous sommes dans le cadre des questions supplémentaires

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1 au témoin. Il ne convient donc pas de se lancer dans un contre-

2 interrogatoire, Monsieur Groome.

3 M. Robinson (interprétation): Vous pouvez redresser la barre et reprendre

4 le témoin dans votre camp, mais ce n'est pas ce que vous êtes en train de

5 faire.

6 M. Groome (interprétation): Je pense que parfois que le témoin s'éloigne

7 tellement de sa déclaration initiale qu'il convient à ce moment-là, et

8 qu'il est justifié de lui présenter sa déclaration préalable.

9 M. Robinson (interprétation): Vous considérez donc que ce témoin est un

10 témoin de la partie adverse désormais?

11 M. Groome (interprétation): Il est possible que j'en arrive à cette

12 conclusion s'il refuse de reconnaître ce qu'il a déclaré dans ses

13 déclarations précédentes.

14 M. le Président (interprétation): Bon. Examinons un peu le genre de

15 questions que vous avez l'intention de lui poser.

16 M. Groome (interprétation): Dernier paragraphe de la page 8. J'aimerais

17 lui poser un certain nombre de questions de contexte.

18 M. le Président (interprétation): Un instant. Nous allons d'abord nous

19 interroger pour savoir s'il convient que vous procédiez de la sorte.

20 Je sais bien que dans le droit en common law, on peut considérer que les

21 témoins peuvent être considérés comme des témoins de la partie adverse et

22 contre-interroger sur leur déclaration. Ce n'est pas une manière

23 habituelle de procéder, mais elle existe effectivement. Je ne sais pas si

24 cela existe dans le droit international.

25 (Les Juges se concertent sur le siège.)

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1 Nous ne sommes pas tenus par les règles qui s'appliquent dans la common

2 law, et il est peut-être justifié de préciser un certain nombre de points.

3 M. Groome (interprétation): Au terme du Règlement de procédure et de

4 preuve qui s'applique dans ce Tribunal, je suis tenu de présenter au

5 témoin ma thèse; et je pense que, si on laisse les choses en l'état et si

6 on accepte que le témoin ait tenu des propos qui ne sont pas complètement

7 clairs, il convient que je lui demande ce qu'il voulait dire

8 effectivement. Cela n'est que justice vis à vis du témoin.

9 M. le Président (interprétation): Donc, vous nous dites que cela n'a rien

10 à voir avec la prise de position du témoin par rapport à votre thèse, mais

11 vous estimez qu'il s'agit là de faire la lumière sur un certain nombre

12 d'incohérences?

13 Oui, Monsieur Kay?

14 M. Kay (interprétation): Mais quand on cite un témoin à la barre, on le

15 fait à ses propres risques. On cite un témoin à la barre pour qu'il

16 s'exprime à l'intention de la Chambre, et si ce qu'il dit ne vous plaît

17 pas, eh bien, tant pis pour vous. L'objectif, quand on appelle un témoin,

18 ce n'est pas de lui présenter sa propre thèse parce qu'il n'y a pas à lui

19 présenter de thèse sur laquelle il puisse s'exprimer; parce que si on se

20 lance dans ce genre d'exercice, à ce moment-là, on parle d'un contre-

21 interrogatoire. C'est ce qui va se passer ici.

22 L'accusation ici n'essaie pas de marquer des points, elle essaie

23 simplement de présenter des éléments de preuve à l'intention de la Chambre

24 pour faire la vérité sur l'affaire qui nous intéresse. Si l'accusation

25 n'est pas contente et n'est pas d'accord avec ce qu'a dit le témoin, il

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1 faut qu'elle l'accepte, elle ne peut pas se lancer dans un contre-

2 interrogatoire du témoin en lui disant: "Nous ne sommes pas d'accord avec

3 ce que vous dites".

4 Ce n'est pas dans cet esprit que l'accusation cite ses témoins à la barre

5 dans le cadre d'un procès au pénal. Et ce genre de pratique peut rendre la

6 vie très difficile aux témoins qui viennent déposer ici.

7 M. Groome (interprétation): Je ne suis pas d'accord avec M. Kay.

8 M. le Président (interprétation): Entendons ce qu'a à dire M. Milosevic à

9 ce sujet. Ensuite, vous pourrez parler, Monsieur Groome.

10 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, la contradiction sur laquelle

11 insiste la partie adverse est purement fictive et ne saurait paraître

12 importante qu'à des personnes ignorantes de la situation à l'époque en ex-

13 Yougoslavie. La partie adverse, accidentellement ou à dessein, a oublié

14 dans ses questions de mentionner les noms dans la Krajina; elle s'est

15 exprimée et a posé ses questions de manière générale. En fait, ceci ne

16 présente absolument aucune contradiction parce qu'il est indéniable que,

17 dans la Krajina, c'est Babic qui avait le dernier mot, pas moi.

18 Moi, j'étais le Président de la Serbie, je ne pouvais exercer sur eux une

19 influence quelconque que de manière politique et de manière indirecte; et

20 c'est effectivement ce que j'ai fait, entre autres, par l'intermédiaire de

21 cette lettre dans laquelle je lui ai reproché de ne pas avoir accepté le

22 plan Vance parce que moi j'étais Président de la Serbie. Il est donc

23 absolument indéniable que si l'on ajoute les mots "dans la Krajina", à ce

24 moment-là, c'est Babic qui avait le dernier mot.

25 M. le Président (interprétation): Nous vous avons bien compris, inutile

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1 vous-même de déposer à ce sujet.

2 Oui, Monsieur Groome?

3 M. Groome (interprétation): Je pense que nous sommes ici dans une

4 situation différente de celle qui est évoquée par M. Kay. Nous n'essayons

5 pas ici de contester les déclarations du témoin. Il s'agit simplement de

6 se pencher sur des contradictions qui sont apparues après le contre-

7 interrogatoire du témoin. Je souhaiterais insister également sur le fait

8 que normalement, dans un système de common law, le contre-interrogatoire

9 est strictement limité à ce qui a été abordé pendant l'interrogatoire

10 principal. Or ici, nous avons pu voir que M. Milosevic a eu une marge de

11 manœuvre très importante, il a pu s'interroger, interroger le témoin sur

12 le rôle de Milan Babic dans le départ du témoin de la Krajina. Je pense

13 qu'il n'est que juste que je puisse moi-même aussi aborder ce sujet et me

14 pencher sur ce qui semble être des contradictions.

15 (Les Juges se concertent sur le siège.)

16 M. le Président (interprétation): Nous nous pencherons sur cette question

17 pendant la pause.

18 Mais une chose, Monsieur Groome, nous aurons également des questions

19 d'ordre administratif à débattre. Je vous serai reconnaissant de bien

20 vouloir en terminer avec vos questions à 12 heures 20.

21 M. Groome (interprétation): Je ferai de mon mieux.

22 M. le Président (interprétation): Merci d'avance.

23 (L'audience est suspendue 12 heures 15, est reprise à 12 heures 40.)

24 M. le Président (interprétation): La question se pose de savoir si

25 l'accusation est autorisée à interroger le témoin s'agissant de la

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1 déclaration que celui-ci a fait, notamment sur le fait que le témoin a dû

2 quitter la Krajina et quant à savoir qui a donné l'ordre de son départ.

3 La première chose que j'aurais à dire est celle-ci: la Chambre n'a pas le

4 sentiment que le contre-interrogatoire, qui a donné lieu à ce qui peut

5 apparaître comme étant une réponse contradictoire, aurait été en dehors de

6 l'interrogatoire principal. Au contraire, la question posée en contre-

7 interrogatoire était pertinente.

8 La question qui se pose est celle-ci: est-ce que l'accusation a le droit

9 de soumettre la déclaration préalable au témoin pour mettre en exergue une

10 éventuelle en contradiction de celui-ci?

11 La common law empêche que soit procédé à un tel interrogatoire, un tel

12 examen, au motif qu'une partie ne saurait contre-interroger son propre

13 témoin, le témoin qu'elle a cité; et -comme l'a indiqué Me Kay- la partie

14 citant le témoin doit le prendre tel qu'il est, ce témoin, et cette partie

15 le citant est tenue par la déposition que le témoin fait.

16 Monsieur Groome a montré l'exception qu'il y a si le témoin est hostile

17 dans une procédure. A ce moment-là, il faut que la Chambre détermine,

18 statue sur le fait que ce témoin est hostile. Et c'est seulement à ce

19 moment-là que la partie citant le témoin peut soumettre au témoin la

20 déclaration préalable montrant la contradiction.

21 Mais nous, nous ne sommes pas tenus par les préceptes de la common law, et

22 il ne semble pas adéquat d'emprunter cette voie, non plus de suivre cette

23 procédure. Et d'ailleurs, en fin de compte, M. Groome n'a pas cherché à le

24 faire. Nous ne pensons pas qu'il aurait été justifié qu'il le fasse.

25 Cependant, nous remarquons tout d'abord que la déclaration a été versée au

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1 dossier, nous en sommes saisis, il s'agit de la pièce 392. En tout état de

2 cause, dès lors il nous faudra déterminer si les dires répercutés dans la

3 déclaration préalable sont exacts ou pas, ou quelle conclusion nous allons

4 tirer suite au contre-interrogatoire.

5 Nous pensons, par conséquent, qu'il est juste d'autoriser le Bureau du

6 Procureur à poser des questions, pour autant qu'elles aient pour objet

7 uniquement de tirer au clair ce qu'a dit un témoin, le témoin en question,

8 et pour tirer au clair la déclaration préalable. Ceci relève,

9 effectivement, de l'obligation qu'a ce Tribunal de faire se manifester la

10 vérité dans la totalité des procédures qui sont engagées par le Tribunal.

11 Nous allons donc autoriser le contre-interrogatoire qui ne se bornera,

12 nous le précisons, à tirer la question au clair, à apporter des

13 éclaircissements.

14 Monsieur Groome, est-ce que le témoin dispose de la déclaration préalable?

15 M. Groome (interprétation): Avant d'examiner celle-ci, Monsieur

16 Vasiljkovic, et je demanderai que nous parlions anglais tous les deux,

17 afin qu'il n'y ait aucun risque d'erreur d'interprétation.

18 Serait-il exact que vous avez passé l'essentiel de votre vie en anglais?

19 Vous avez, pour l'essentiel de cette vie, parlé anglais?

20 M. Vasiljkovic (interprétation du BCS): C'est exact.

21 Question: Et les rapports que vous avez eus avec les enquêteurs du Bureau

22 du Procureur, c'était en anglais?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Vous avez sous les yeux votre déclaration préalable: ce n'est

25 pas là une traduction de vos dires, c'est bien ce que vous avez dit, et

Page 16737

1 vous avez lu ce que vous aviez dit?

2 Réponse: C'est exact.

3 Question: Comment savez-vous que c'est bien la déclaration que vous avez

4 lue?

5 Réponse: Parce que je l'ai paraphée en bas de page.

6 Question: Y a-t-il moins de doute dans votre esprit que le document que

7 vous avez lu et paraphé ne soit pas le document que vous avez maintenant

8 sous les yeux?

9 Réponse: Non, pas le moindre doute.

10 Question: Examinez le dernier paragraphe de la page 8. Je demanderai

11 qu'une copie de cette page soit placée sur le rétroprojecteur.

12 (Intervention de l'huissière.)

13 Je vous demande de donner lecture de ce paragraphe figurant à la page 8.

14 Réponse: "Le 4 août 1991, j'ai été appelé à Belgrade par Jovica Stanisic.

15 En fait, je pensais que j'allais recevoir une médaille. Mais j'étais là,

16 en fait, pour être relevé de mon commandement. Il m'a dit qu'il était en

17 train d'exécuter les ordres donnés par le chef, en l'occurrence, le

18 Président Milosevic."

19 Question: Vous êtes une personnalité connue de l'opinion publique en

20 Serbie. Est-ce qu'il vous arrive de donner des interviews?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Est-ce que vous avez donné une interview à un journaliste de

23 "Vreme", un magasine serbe, en octobre 2001?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Est-ce qu'au cours de cette interview, vous avez également dit

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1 que c'était M. Milosevic qui avait provoqué votre limogeage de la Krajina?

2 Réponse: C'est ce que je croyais, effectivement.

3 Question: Merci. Je vais maintenant vous demander d'examiner un autre

4 document. Ceci porte sur ce qui s'est passé à Fruska Gora.

5 Peut-on placer ce document sur le rétroprojecteur?

6 (Intervention de l'huissière.)

7 Et j'appelle votre attention sur la page 4 de votre déclaration préalable.

8 Est-ce bien l'original que vous avez lu et paraphé au moment où vous avez

9 fourni cette déclaration, c'est-à-dire au mois d'août 2001?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Veuillez lire le troisième paragraphe qui commence par le mot

12 "plus tard".

13 Réponse: Où est-ce que je dois commencer? Ah oui! Le troisième paragraphe:

14 "Plus tard, au cours de l'été…"

15 M. Groome (interprétation): Oui, poursuivez.

16 M. Vasiljkovic (interprétation): "Plus tard, au cours de cet été, après

17 avoir quitté la Krajina, une partie de cette unité a été recrutée par la

18 DB pour combattre à Fruska Gora, en Serbie, avec la DB de Serbie, et puis

19 s'est transformée… "

20 Excusez-moi. Excusez-moi, je n'accepte pas cette déclaration. Ecoutez.

21 Ecoutez. Ecoutez, c'est de là que vient le problème.

22 M. le Président (interprétation): Inutile de l'agiter, cette déclaration!

23 Posez-la, posez-la sur la table, s'il vous plaît.

24 Avant de poursuivre, est-ce qu'il y a d'autres éclaircissements? Ou du

25 moins, dans le cadre de ces éclaircissements, est-ce que vous voulez que

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1 soit lue une autre partie de la déclaration, Monsieur Groome?

2 M. Groome (interprétation): Oui. Ce qui m'intéresse également… "Plus tard

3 au cours de cet été, après avoir quitté la Krajina, une partie de cette

4 unité a été recrutée par la DB pour se former à Fruska Gora, en Serbie,

5 avec la DB de Serbie. Et puis, ceci s'est transformé pour devenir 'les

6 Loups gris'." (Fin de citation.)

7 Est-ce exact?

8 M. Vasiljkovic (interprétation): Non.

9 Question: Est-ce que vous avez lu et paraphé cette page au moment où vous

10 avez fait cette déclaration?

11 Réponse: On a eu une certaine discussion. On m'a dit que cette

12 déclaration… Tout d'abord, ce n'est pas mon libellé; c'est votre libellé,

13 et c'est ce que vous avez dit à partir d'une conversation qui avait été

14 enregistrée. Et c'est maintenant la première fois qu'on avait eu une

15 discussion.

16 Je me souvenais très peu, très mal de ce qui s'était passé exactement et

17 je n'avais pas eu l'occasion de mener une enquête sur certaines de ces

18 choses. Et on s'était mis d'accord pour dire que cette déclaration, elle

19 n'allait pas être utilisée parce qu'il y avait beaucoup d'éléments qui

20 étaient incorrects, qui n'étaient pas conformes à la vérité, qui étaient

21 déformés et qui sont présentés par l'accusation sous son éclairage à elle,

22 et pas sous le mien.

23 Et c'est de là que viennent toutes ces confusions. Je n'accepte pas cette

24 déclaration. La déclaration que j'ai acceptée, c'est la déclaration que

25 nous avons corrigée, là où nous avons corrigé les erreurs; et cela a été

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1 fait avec M. Sexton.

2 M. Groome (interprétation): Examinez la dernière page, si vous le voulez

3 bien, de ce document.

4 (Intervention de l'huissière.)

5 Je vous demande de donner lecture du paragraphe qui se trouve juste au-

6 dessus de votre signature.

7 M. Vasiljkovic (interprétation): D'accord. "Cette déclaration, elle a été

8 lue par moi en anglais et elle correspond aux souvenirs les plus exacts

9 que j'ai des événements. Je l'ai signée de mon plein gré et je sais que

10 cette déclaration peut être utilisée au cours d'une procédure instituée

11 pour poursuivre des personnes responsables de crimes de guerre".

12 M. le Président (interprétation): Inutile de tout lire.

13 M. Vasiljkovic (interprétation): Fort bien.

14 M. Groome (interprétation): Est-ce que vous avez lu ce paragraphe avant

15 d'apposer votre signature après celui-ci?

16 M. Vasiljkovic (interprétation): Oui.

17 Question: Je vais vous poser maintenant une question à propos de ce

18 dernier passage de votre déclaration. Ce passage porte sur les services de

19 sûreté de l'Etat et le contrôle que ce service avait sur les protagonistes

20 qui s'étaient peut-être trouvés en Bosnie ou en Croatie.

21 Hier, M. Milosevic vous a posé une question. Vous avez répondu ceci: quand

22 vous dites "service", vous parlez de la sûreté d'Etat de Krajina; quand

23 vous dites "l'armée", vous parlez de l'armée de la Krajina; quand vous

24 dites "la police", vous parlez de la police de Krajina et vous n'impliquez

25 aucunement la police ou la sûreté de l'Etat de Serbie?

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1 Réponse: C'est exact.

2 Question: Vous avez dit hier que c'était exact, et vous confirmez ceci

3 maintenant?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Plus tard, M. Milosevic vous a reposé la même question à propos

6 de la Bosnie et, une fois de plus, vous avez dit: "Effectivement, c'est

7 exactement cela". Voulez-vous que je lise la totalité du passage?

8 Réponse: Oui.

9 Question: "On vous a posé cette question à propos de la Krajina, mais je

10 vais répéter la même question pour ce qui est de ce vous savez de ce qui

11 s'est passé en Bosnie".

12 Page 11, deuxième paragraphe, vous dites que vous ne croyez pas "qu'une

13 seule unité de ce qu'on a appelé "unités paramilitaires" aurait pu être

14 engagée en Krajina sans avoir la permission de l'armée, de la police et de

15 la sûreté de l'Etat. Est-ce qu'il est clair que dans ce cas, vous faites

16 référence à la police, à l'armée, à la sûreté de l'Etat de la Krajina

17 serbe et de la Republika Srpska, et pas à ces services équivalents de

18 Serbie?". Et vous avez répondu par l'affirmative en disant: "C'est exact,

19 je n'ai jamais fait référence à la police, à la sûreté de l'Etat ni à

20 l'armée de la Republika Srpska".

21 Réponse: J'ai dit "de Serbie". Je n'accepte pas cette déclaration. Je ne

22 suis même pas sûr…

23 Enfin, on a parcouru, on a examiné ceci tellement de fois. Et là, au

24 moment de fournir cette déclaration, j'ai indiqué les erreurs. Et cela,

25 c'était une erreur véritable. Et puis, tout ceci est sorti de son contexte

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1 pour beaucoup de ces éléments, et je n'accepte pas que ceci ait été

2 quelque chose que j'ai signé. Parce que, de la manière dont c'est présenté

3 maintenant, je ne suis pas du tout d'accord. Que vous l'acceptiez ou pas,

4 à vous de choisir, mais c'est comme ça. Je suis désolé.

5 Question: Mais là, vous parlez d'une autre déclaration. C'est celle que

6 vous avez signée la semaine dernière?

7 Réponse: Exactement.

8 M. Groome (interprétation): Nous allons demander le versement de cela

9 aussi, afin que vous disposiez de toutes les déclarations préalables

10 lorsque vous allez examiner la question.

11 Est-ce que vous déclarez maintenant ici que la déclaration préalable que

12 vous avez sous les yeux -et je vous ai demandé qu'on vous fournisse

13 l'original, pas une copie-, vous dites que c'est un document qui a été

14 concocté de toutes pièces, qui a été falsifié?

15 M. Vasiljkovic (interprétation): Je dis que c'est une déformation

16 complète.

17 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît. Un instant.

18 On peut peut-être allé trop loin au niveau du contre-interrogatoire de

19 cette question et je pense que vous avez atteint cette limite.

20 M. Groome (interprétation): Nous venons de parler d'un article publié dans

21 le magasine "Vreme". Vous avez confirmé. Je cite ici une partie de cet

22 article qui porte exactement sur ceci. La question était: "Est-ce vous

23 aviez des liens avec la sûreté de l'Etat de Krajina ou de Serbie?". Vous

24 avez répondu ceci, dans cet article: "Ici, nous parlons de la sécurité de

25 l'Etat de Serbie".

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1 Est-ce que vous vous souvenez qu'on vous a posé cette question, et est-ce

2 que vous vous souvenez que vous avez répondu de la sorte?

3 M. Vasiljkovic (interprétation): Pas du tout.

4 M. Groome (interprétation): Je vais vous montrer une copie de l'article

5 afin de vous rafraîchir la mémoire, éventuellement.

6 (Intervention de l'huissière.)

7 M. Kay (interprétation): On est sur le point de lui présenter ceci. Le

8 témoin nie que ceci soit ce qu'il a dit, je ne vois pas quel intérêt il y

9 a à présenter l'article.

10 M. le Président (interprétation): Je suis d'accord. Ne lui présentez pas

11 cet article.

12 Monsieur Groome, où en êtes-vous? Il faut y réfléchir, quand même, à la

13 position qui est la vôtre. Parce que ceci ne fait qu'en fait anéantir la

14 crédibilité du témoin. Est-ce bien ce que vous voulez faire? A vous d'en

15 décider.

16 Nous allons recevoir ces deux déclarations puisqu'elles ont été fournies

17 au Tribunal. Nous allons les verser au dossier, mais je pense que vous ne

18 vous pouvez pas aller plus loin, à moins qu'il y ait un domaine séparé sur

19 lequel vous vouliez poser des questions au témoin.

20 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président, c'est le cas.

21 Revenons au moment ultérieur à celui où vous avez quitté la Krajina. Vous

22 dites que vous êtes allé à Bor en Serbie?

23 M. Vasiljkovic (interprétation): Oui.

24 Question: Qui savait que vous vous trouviez à Bor en Serbie?

25 Réponse: Je pense que Jovica Stanisic le savait. Nikola Sainovic le

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1 savait, parce qu'il était là aussi et certains de mes amis et mes gardes

2 de sécurité, ceux qui assuraient ma sécurité aussi ou un détachement qui

3 est allé avec mes gardes de sécurité à Belgrade.

4 Question: Il y avait d'autres personnes qui savaient que vous étiez là?

5 Réponse: A l'époque, j'étais vraiment très populaire, j'étais même plus

6 populaire dans le pays que Milosevic. Donc beaucoup de gens en ont entendu

7 parler.

8 Question: Hier, M. Milosevic vous a demandé si vous aviez invité une unité

9 des "Tigres d'Arkan" à venir vous aider, et vous avez fait référence à

10 l'unité qui était commandée par "Legija" qui était venue à votre

11 rescousse. Est-ce qu'à ce moment-là "Legija" faisait partie d"une unité de

12 "Arkan". Ça, c'était en 1993, dans la Krajina?

13 Réponse: Oui, c'est exact.

14 Question: Et est-bien ce "Legija", que nous avons vu dans cette séquence

15 vidéo qui a été diffusée?

16 Réponse: Oui, c'est le même.

17 Question: Pourriez-vous nous dire où se trouve Korenica?

18 Réponse: Est-ce que vous pourriez répéter?

19 M. Groome (interprétation): Korenica.

20 M. Vasiljkovic (interprétation): Oui, cela se trouve au nord de Knin, au

21 nord-ouest de Knin.

22 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'on peut libérer Mme

23 l'Huissière qui se trouve près du rétroprojecteur?

24 M. Groome (interprétation): Oui, excusez-moi.

25 Vous rappelez-vous que, dans la déposition que vous avez faite ces

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1 derniers jours, vous avez parlé d'un commandant Filipovic. Il est membre

2 de quelle sûreté de l'Etat, lui?

3 M. Vasiljkovic (interprétation): De Serbie.

4 Question: Est-ce que vous vous souvenez, à la page 8 de votre déclaration,

5 avoir dit ceci -je vous cite-: "Le commandant Filipovic faisait partie de

6 la DB. Je ne sais pas s'il était de la DB de Krajina ou de Belgrade. Il

7 était responsable de la région de Korenica à l'époque." (Fin de citation.)

8 Réponse: Quand j'ai dit qu'il était "responsable", je veux dire qu'il

9 recueillait des renseignements à partir de cette région, c'est lui qui

10 s'occupait de celle-là -comment dire?- "Frenki" s'occupait de la région de

11 Knin et celui-là, il s'occupait… Justement, c'est une façon de parler. Il

12 travaillait à recueillir des renseignements sur la situation qui se

13 présentait sur ce terrain-là. C'est comme cela qu'on en parlait, mais

14 vous, vous avez indiqué ceci comme voulant dire "responsable", mais je

15 crois qu'il a un enregistrement sonore de ce qui a été dit.

16 Question: Mercredi, vous avez dit avoir fait l'objet de la part de menaces

17 de la DB après vous être opposé à Seselj dans le cadre d'une manifestation

18 d'étudiants à la faculté de droit.

19 Réponse: Oui.

20 Question: Est-ce que cela ne vous a pas semblé bizarre? A l'époque, vous

21 pensiez faire l'objet en fait de menaces de mort, tout simplement?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Est-ce que cela ne vous a pas semblé bizarre que la DB semble

24 prête à vous tuer parce que vous auriez eu un affrontement avec Seselj?

25 Réponse: J'ai l'impression qu'ils ne voulaient pas que je sois dans le

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1 pays. Enfin, une menace de mort, c'est simplement une menace qui

2 consistait à dire que si je ne partais pas, eh bien, c'est comme cela que

3 j'allais finir.

4 Question: Peut-on montrer la page 10 de la déclaration préalable du

5 témoin?

6 Vous avez été interrogé dans le cadre de la déclaration préalable, vous

7 avez discuté de cet événement-ci. J'appelle votre attention sur le premier

8 paragraphe.

9 (Intervention de l'huissière.)

10 Sur la phrase commençant par "ils", au pluriel. Je vous lis cette

11 phrase:"Au fond, ils m'ont dit que le moment était venu que je quitte les

12 Balkans. Ils ont laissé entendre que ma vie était en péril et ils

13 voulaient savoir combien je voulais d'argent pour disparaître. Ils me

14 disaient que cet ordre venait du sommet; et je savais par là qu'il parlait

15 du Président Milosevic." Est-ce que vous êtes toujours d'accord avec ce

16 que vous avez dit?

17 Réponse: Oui, dans une certaine mesure, c'est vrai, je pensais que ça

18 venait de lui.

19 Question: A l'époque, vous pensiez que M. Milosevic avait donné l'ordre à

20 la sûreté de l'Etat de vous faire sortir du pays, faute de quoi vous

21 seriez tué?

22 Réponse: Oui, c'est comme cela que j'avais interprété les choses à

23 l'époque, avec les connaissances dont je disposais à ce moment-là.

24 Question: Monsieur Milosevic vous a posé plusieurs questions à propos de

25 la protection que vous essayiez d'obtenir. Permettez-moi de vous en poser

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1 quelques-unes de plus.

2 Avant de venir déposer ici, est-ce que vous avez informé un enquêteur du

3 Bureau du Procureur à propos de deux événements qui vous avaient

4 préoccupé? Il y avait un journaliste qui avait appris que vous alliez

5 déposer. L'autre incident, c'était que vous aviez reçu un SMS sur votre

6 téléphone.

7 Réponse: Oui, mais je n'ai pas pris ce contact pour cette raison-là.

8 C'était plutôt dans le cadre d'autres communications que j'ai eues avec

9 l'enquêteur. Effectivement, je l'ai informé.

10 Question: Est-ce que vous vous souvenez du libellé de ce SMS sur le

11 répondeur?

12 Réponse: Oui, j'ai reçu un message qui mentionne "Legija", mais je ne

13 pense pas que ceci ait quoi à voir avec "Legija". Je me suis enquis, et

14 j'ai appris; et lui ai dit effectivement, à l'enquêteur, que cela n'avait

15 rien à voir avec lui.

16 Question: Vous dites que vous avez mené une enquête. Vous avez vérifié

17 d'où venait ce numéro?

18 Réponse: J'ai quelques relations dans les services secrets, dans la

19 police, et même dans l'armée; je m'en suis servi pour déterminer d'où

20 venait ce message, quel était le numéro. Et il n'avait aucun rapport avec

21 "Legija" ni avec Milosevic ni avec le Tribunal. C'est ce que j'ai dit.

22 Question: Mais il y avait combien de numéros de téléphone sous le nom de

23 cette même personne?

24 Réponse: 58.

25 Question: Est-ce que ceci vous a poussé à croire que ce n'était pas là

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1 l'initiative d'un particulier mais plutôt d'un service secret?

2 Réponse: Pas d'un secret, j'ai dit que cela devait venir d'une

3 organisation. Je me suis dit que ça devait être une organisation

4 politique, moi j'ai pensé à Seselj, mais apparemment ça s'est avéré être

5 quelqu'un d'autre ou quelque chose d'autre.

6 Question: Encore quelques éléments à propos de votre sécurité. Vous dites

7 que nous vous n'avez pas coopéré avec le Bureau du Procureur tant que la

8 loi sur la coopération n'a pas été adoptée. C'est ce que vous avez dit ce

9 matin, n'est-ce pas?

10 Réponse: Je ne sais pas. Je ne sais pas. Je crois qu'on a eu quelques

11 réunions. Mais c'est-à-dire que, si on pense au moment où je me suis assis

12 à une table et j'ai commencé à collaborer, je ne sais pas.

13 Question: Je vais vous montrer le moment de l'adoption de cette loi

14 portant coopération, simplement pour vérifier la date de son adoption.

15 (Intervention de l'huissière.)

16 Dites-nous quelle est cette date pour ce qui est de la publication au

17 Journal officiel?

18 Réponse: Avril 2002.

19 Question: Quand, à quelle date avez-vous fait cette déclaration que vous

20 avez signée?

21 Réponse: 28 août 1991… Euh, 2001, pardon.

22 Question: Un an et quelques mois avant?

23 Réponse: Mais, franchement, ce dont nous avons parlé, pour moi, c'était

24 simplement le type de souvenirs un peu rapides que j'avais… Enfin, il y

25 avait beaucoup d'idées. Je ne pensais pas que c'était important, mais j'ai

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1 dit oui…

2 J'ai dit par exemple: "Oui, j'ai été appelé par Stanisic". Pour moi, je ne

3 pensais pas qu'il était important d'aborder cela sans mentionner tous les

4 détails, c'est-à-dire: "Voilà, j'avais été voir Stanisic pour "Frenki",

5 numéro…". Il m'a semblé suffisant de dire que j'avais été appelé par

6 Stanisic. Mais, maintenant, si vous insistez…

7 Je ne pense pas qu'il y ait un mensonge qui soit écrit. Mais quand je dis

8 "les Loups", "les Loups gris", bon, maintenant, vous voulez vraiment me

9 parler de cela… Peut-être que j'en ai parlé, mais cela ne me semble pas

10 important de savoir que c'étaient des "Loups gris" en particulier.

11 Donc ma déclaration n'est pas exacte du tout. Si vous souhaitez contre-

12 interroger sur cette déclaration, il faudrait avoir le temps de la

13 parcourir dans sa totalité et d'éclairer, d'éclaircir tout cela. J'ai

14 corrigé, avec votre enquêteur, tous les éléments qui ne me semblaient pas

15 exacts. Un peu comme Vasiljevic: j'étais sûr que c'était Vasiljevic, je

16 croyais que c'était lui, mais j'ai corrigé, j'ai fait une autre faute…

17 Question: La Chambre dispose maintenant des déclarations, je suis sûr

18 qu'elle va les examiner avec soin.

19 Réponse: …mais je regrette vivement que ceci ait été versé au dossier,

20 parce que je ne pensais pas que ce soit nécessaire.

21 Question: Auparavant, vous avez dit que vous étiez un ami personnel de

22 "Frenki" Simatovic?

23 Réponse: Oui, oui, très personnel.

24 Question: Est-ce que vous l'avez vu avant de venir ici?

25 Réponse: Oui, je l'ai vu 15 minutes, j'ai été le voir 15 minutes avant

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1 d'arriver ici. Je pense que c'est le genre de chose qu'on doit faire avec

2 un ami.

3 Question: Et vous avez parlé avec lui de ce dont vous alliez témoigner?

4 Réponse: Oui, je lui en ai parlé.

5 Question: Après votre arrivée ici, est-ce que vous avez eu des

6 communications quelles qu'elles soient, par téléphone, par e-mail, sous

7 quelque forme que ce soit, avec M. Simatovic ou avec qui que ce soit qui

8 soit en rapport avec la sûreté d'Etat de Serbie?

9 Réponse: Oui, je l'ai appelé, Simatovic, à son numéro privé, simplement

10 pour dire bonjour, que j'allais très bien. Et je lui ai dit tout

11 simplement: "Qu'est-ce que tu as pensé de ce que j'ai dit? Ça t'a plu?".

12 Il m'a dit: "Ben, c'est ce qui s'est passé". Je lui ai répondu que ce

13 n'était pas facile de venir ici pour déposer à ce propos; c'est exactement

14 ce que je lui ai dit.

15 Question: Et vous avez passé combien de temps à discuter de votre

16 déposition avec M. Simatovic?

17 Réponse: En tout…, 20 secondes maximum. Après ça, on a discuté: "Bon,

18 voilà, on ira manger ensemble à mon retour". Je vous l'ai dit, ça fait 12

19 ans qu'il est mon copain.

20 Question: Quand avez-vous parlé avec lui pour la dernière fois?

21 Réponse: Je ne lui ai parlé qu'une fois.

22 Question: C'était quand?

23 Réponse: Hier. Hier soir, me semble-t-il. Ou après-midi.

24 Question: Ce matin, lorsque vous avez dit, dans le cadre de votre

25 déposition, que vous avez discuté du film avec "Frenki" Simatovic…

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1 Réponse: Désolé, Monsieur, je n'ai pas discuté du film… Ah! ce matin? Oui,

2 15 secondes simplement, pour dire: "Voilà, je suis toujours en vie, je

3 suis ici. Est-ce que tu regardes ce qui se passe?…". C'est tout. C'est

4 tout, on n'a pas discuté de quelque partie que ce soit de la déposition.

5 J'ai simplement dit comment cela s'est passé. Et vous avez sans doute

6 enregistré ma conversation; autant la montrer ici.

7 Question: Non, on n'a pas du tout enregistré votre conversation, Monsieur.

8 Réponse: Ah bon, d'accord.

9 Question: Vous avez dit que vous n'aviez pas vu le film avant d'arriver

10 ici. Et ce matin…

11 Réponse: Ce n'est pas ce que j'ai dit! J'ai dit que j'avais vu certaines

12 parties du film; mais dans sa totalité, ici seulement.

13 M. Groome (interprétation): Je n'ai plus de questions. Je vous remercie.

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Vasiljkovic, ceci met fin à

15 votre déposition. Merci d'être tenu témoigner devant le Tribunal pénal

16 international. Vous pouvez désormais disposer.

17 M. Vasiljkovic (interprétation): Je vous remercie.

18 (Le témoin, M. Dragan Vasiljkovic, est reconduit hors du prétoire.)

19 (Questions relatives à la procédure.)

20 M. le Président (interprétation): Il faut d'abord, je pense, s'occuper des

21 deux pièces parce que nous les avons pas. Il y avait l'article du magazine

22 "Nin", et puis, il y avait une déclaration préalable, n'est-ce pas; et la

23 déclaration préalable du témoin en date du 10 février 2003?

24 Oui, la Greffière d'audience va vous donner les cotes.

25 M. Kay (interprétation): Est-ce qu'en fait, cet article de magazine "Nin",

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1 puisque cela n'a rien donné dans la déposition de ce témoin…

2 M. le Président (interprétation): Nous autorisons le versement d'articles.

3 Mme Anoya (interprétation): L'article du magazine "Nin" sera la pièce de

4 l'accusation 393. Quant à la déclaration préalable en date du 10 au 17

5 février; ce sera la pièce de l'accusation 392.1.

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice?

7 M. Nice (interprétation): Avant d'en terminer définitivement avec ces

8 discussions, je souhaiterais vous faire part de quelques remarques, pour

9 que les choses soient bien placées dans leur contexte.

10 Vous vous souviendrez qu'avant la déposition de Rade Markovic, j'avais

11 prévu que nous ferions venir des témoins qui viendraient, seulement en

12 partie, pour tenir compte de la véracité de leurs propos. Et en tout cas,

13 vous vous souviendrez que, pour ce qui est de Rade Markovic, nous avons

14 fourni des éléments de preuve qui montraient la véracité de ce qu'il avait

15 dit dans une déclaration préalable et qu'il a ensuite contredit à

16 l'audience. Et nous allons envisager la possibilité de faire venir un

17 autre témoin qui pourra nous permettre de nous livrer au même exercice,

18 pour ce qui est du témoin qui vient de quitter le prétoire.

19 Nous avons un autre témoin qui est venu aujourd'hui d'Angleterre. Nous

20 n'en terminerons pas avec sa déposition aujourd'hui.

21 Je sais que Mme Uertz-Retzlaff a un certain nombre de questions

22 administratives à évoquer avec vous.

23 M. le Président (interprétation): Souhaitez-vous entamer la déposition du

24 témoin?

25 M. Nice (interprétation): Oui. C'est presque un témoin 92bis.

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1 Mais peut-être pourrons-nous quand même évoquer un certain nombre de

2 questions administratives?

3 M. le Président (interprétation): Mais peut-être pourrait-on parler tout

4 de suite des déclarations, si c'est ce que vous voulez dire?

5 M. Nice (interprétation): Oui.

6 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, vos dernières

7 écritures D713, je ne sais pas s'il est nécessaire de continuer à utiliser

8 des numéros?

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Non, pas nécessaire.

10 M. le Président (interprétation): C'est le colonel Doyle, vous souhaitez

11 donc revoir votre point de vue?

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. Nous allons déposer des

13 écritures semblables à celles qui ont été déposées pour le général Mangan

14 et pour M. Davies. Après avoir entendu, après avoir obtenu des dépositions

15 supplémentaires relatives à la Bosnie.

16 M. le Président (interprétation): Oui. Donc passons à autre chose. Il y a

17 eu un autre témoin Edgard Rousseau (phon.), peut-être pourra-t-on entendre

18 ce témoin la semaine prochaine et il serait peut-être utile de voir s'il

19 n'y a pas d'autres témoins de Vukovar que l'on pourrait entendre en même

20 temps?

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous avions l'intention de déposer

22 une requête ayant trait aux témoins que nous souhaitons entendre par le

23 biais de l'Article 92bis-D).

24 M. le Président (interprétation): Qui sont-ils?

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ce sont les témoins qui ont déposé

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1 dans Dokmanovic. Nous n'avons pas encore déposé ces écritures car nous

2 attendions que vous rendiez une décision sur des écritures semblables

3 relatives à la Bosnie.

4 M. le Président (interprétation): Mais nous ne prenons aucune décision

5 relative à la Bosnie pour l'instant. Nous sommes en train de parler de

6 Croatie.

7 Mais, de toute manière, j'allais évoquer avec vous la question des témoins

8 Dokmanovic pour lesquels on pourrait adopter la même procédure que pour le

9 Dr Bosanac. Il y a un de ces témoins qui, je pense, est assez important.

10 Mais pourriez-vous déposer ces écritures aussi rapidement que possible,

11 s'il vous plaît?

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

13 M. le Président (interprétation): S'il y a d'autres témoins à Vukovar que

14 l'on pourrait entendre, en même temps, avec ceux que j'ai mentionnés,

15 peut-être pourriez-vous nous en informer?

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous le ferons.

17 M. le Président (interprétation): Il vaut mieux procéder localité par

18 localité. Nous entendrons Rousseau, la semaine prochaine. Nous traiterons

19 de son cas la semaine prochaine, ce qui fait qu'il ne nous reste plus qu'à

20 parler de 121… ou des témoins 1201 et 1231 qui ont fait des déclarations.

21 1201: il avait 11 ans au moment des événements, il a fait sa déclaration

22 neuf ans plus tard, neuf ans après les événements.

23 Le témoin 1231 avait 9 ans et c'est quelque neuf ans et demi après les

24 faits qu'il a fait sa déclaration.

25 Les amis de la Chambre se sont interrogés sur la fiabilité des

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1 déclarations de ces témoins. Et vous avancez quant à vous, Madame, qu'il

2 faut que nous acceptions le versement au dossier de ces déclarations dans

3 le cadre de l'Article 92bis en autorisant le contre-interrogatoire pour

4 mettre à l'épreuve la véracité de ces déclarations?

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. D'autre part, je souhaiterais

6 vous expliquer pourquoi nous avons placé ces témoins sur notre liste. Ce

7 sont les témoins qui donnent le nom des témoins qui figurent dans les

8 tableaux, des victimes qui ont été tuées au cours de cet incident, avec

9 qui ils sont apparentés. Je ne pense pas que ces témoins pourront nous en

10 apprendre beaucoup sur les événements, parce que ces témoins étaient trop

11 jeunes. Mais, en tout cas, il y a des membres de leur famille qui ont été

12 tués lors de ces événements, les témoins eux-mêmes étaient présents. Je

13 pense donc que cela on peut considérer que c'est fiable, cette partie de

14 leur déposition peut être considérée comme tout à fait fiable.

15 M. le Président (interprétation): Monsieur Kay, vous venez d'entendre Mme

16 Uertz-Retzlaff.

17 M. Kay (interprétation): Nous n'avons rien à ajouter à ce que nous avions

18 indiqué dans nos écritures. Nous avons identifié les problèmes posés par

19 le très jeune âge de ces deux témoins. La deuxième chose, autant que je

20 m'en souvienne, c'est justement autant que je m'en souvienne, c'est une

21 des phrases qui a été utilisée par le témoin 1231, le témoin qui avait 9

22 ans au moment des faits.

23 M. le Président (interprétation): Monsieur Kay, je suis en train de

24 réfléchir à voix haute, mais il s'agit, n'est-ce pas, d'événements atroces

25 que l'on est peu susceptible d'oublier, même si on est très jeune, au

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1 moment où ils ont eu lieu. C'est le genre d'événements dont on risque de

2 se souvenir toute sa vie. Même chose, les événements qui se sont passés

3 pendant la guerre: ce sont des événements même dix ans après, qui restent

4 très présents à l'esprit.

5 M. Kay (interprétation): C'est évidemment un argument que l'on peut

6 présenter, mais il faut aussi se demander si les témoins étaient

7 suffisamment âgés pour comprendre ce qui se passait, pour pouvoir ainsi

8 faire une déposition digne de ce nom.

9 Un enfant de 9 ans peut dix ans après voir son souvenir des événements

10 influencé par ce qui a été raconté autour de lui pendant les dix ans qui

11 ont suivi. Ceci peut donc avoir une influence, peut déformer ce qui s'est

12 vraiment passé, ce à quoi il a vraiment assisté. C'est souvent ce que l'on

13 constate chez les enfants. Et de ce fait, un témoin de ce type qui

14 témoigne très longtemps après les faits est peut-être moins fiable quand

15 il s'agit d'enfants que lorsqu'il s'agit d'adultes. Cela est également

16 valable pour le témoin 1201 qui à l'époque avait 11 ans. Ce sont là des

17 témoins qui étaient vraiment très jeunes à l'époque.

18 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, souhaitez-vous

19 ajouter quoi que ce soit au sujet de ces deux témoins?

20 M. Milosevic (interprétation): Non, Monsieur May.

21 M. le Président (interprétation): La question de la fiabilité doit être

22 examinée au moment de décider s'il convient ou non de verser les

23 déclarations au dossier. Mais compte tenu de la nature des événements que

24 vont décrire ces témoins et qui sont peu susceptibles d'avoir oublié, vu

25 leur caractère atroce et vu le niveau de détails des déclarations, nous

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1 estimons que ceci peut être vérifié lors du contre-interrogatoire, le

2 niveau de détails des dépositions.

3 Donc les déclarations seront versées au dossier avec autorisation de

4 contre-interroger les témoins.

5 Faisons maintenant entrer dans le prétoire le témoin suivant.

6 M. Nice (interprétation): Nous n'allons pas pouvoir entendre le témoin

7 uniquement aujourd'hui. Quand poursuivra-t-on sa déposition? C'est à ce

8 sujet que je souhaiterais vous interroger. Puisque mardi, je crois, nous

9 allons évoquer toute une série de questions: de nature financière,

10 relatives aux Droits de l'homme; il y aura également des débats sur la

11 procédure.

12 Nous sommes bien évidemment entre les mains de la Chambre; nous nous

13 plierons à toutes vos décisions. Et je me demandais si on ne pourrait pas,

14 cependant, poursuivre la déposition du témoin mercredi matin, finalement?

15 M. le Président (interprétation): Bien. On va demander au témoin ce qu'il

16 en est, ce qui lui convient.

17 M. Nice (interprétation): Attendons le témoin qui est un peu plus loin que

18 les autres témoins.

19 M. Kwon (interprétation): Mais si on a un peu de temps, on peut toujours

20 faire appel à M. Blewitt.

21 M. Nice (interprétation): Le témoin Helena Ranta sera ici le 12, ou le 10.

22 Non, le 12.

23 Je ne sais pas si la journée du 10 a déjà été réservée pour traiter de

24 questions spécifiques?

25 M. le Président (interprétation): Visioconférence, le 10. Il y a un

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1 problème, mais c'est possible.

2 M. Nice (interprétation): Il est, je crois, disponible le 10; nous sommes

3 en contact régulier avec lui.

4 (Le témoin, M. Paul Davies, est introduit dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Nous allons demander au témoin de

6 prononcer la déclaration solennelle.

7 M. Davies (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

10 (Interrogatoire principal du témoin, M. Paul Davies, par M. Nice.)

11 M. Nice (interprétation): Je signale, à l'intention des personnes qui nous

12 regardent, que le témoin a fait une déclaration le 19 janvier 2001 qui

13 contient 46 paragraphes qui, initialement, n'étaient pas numérotés mais

14 qu'ensuite, nous avons numérotés aux fins de la présente audience.

15 Le témoin a suivi la procédure 92bis avec un représentant officiel du

16 Tribunal. Il a donc corrigé sa première déclaration dans une déclaration

17 additionnelle assez brève du 5 février 2003.

18 La Chambre a permis de limiter sa déposition de la manière suivante, que

19 nous allons résumer, à l'exception d'un certain nombre de paragraphes pour

20 lesquels on l'interrogera de la manière habituelle.

21 Nous allons également fournir un certain nombre de pièces à conviction par

22 le truchement de ce témoin, et je vais passer en revue le résumé des

23 conversations que nous avons eues dans le cadre de la préparation de la

24 déposition du témoin. C'est une déclaration qui fait 18 paragraphes. Je

25 m'arrêterai au moment approprié pour présenter les éléments de preuve et

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1 pour faire parler le témoin en direct.

2 Est-ce que vous vous appelez Paul Davies?

3 M. Davies (interprétation): Oui.

4 Monsieur Nice a parlé d'une déclaration complémentaire datée du 5 février.

5 J'ai reçu tout ce qu'il a mentionné avant, mais je n'ai pas obtenu de

6 déclaration datée du 5 février.

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, il s'agit d'une petite

8 déclaration supplémentaire?

9 M. Nice (interprétation): Effectivement, ça se trouve dans l'ensemble des

10 documents 92bis. Il me semble qu'il s'agit de la cinquième page. C'est une

11 page sur laquelle figure le n°11.

12 M. le Président (interprétation): Veuillez vous reporter aux documents qui

13 vont ont été remis. Il y a une attestation faite par le témoin ou une

14 attestation plutôt au 92bis, et vous constaterez qu'au bout de quelques

15 pages on trouve une déclaration supplémentaire des corrections apportées

16 par le témoin à sa déclaration.

17 Allez-y, Monsieur Nice.

18 M. Nice (interprétation): Monsieur Davies, est-ce que vous êtes

19 journaliste-reporter pour la chaîne ITN? Est-ce que, depuis 1983, vous

20 avez travaillé dans le domaine du journaliste de guerre, ce qui vous a

21 permis d'acquérir une grande expérience de la guerre dans les Balkans?

22 M. Davies (interprétation): Oui.

23 Question: Est-ce que, du 31 octobre au 21 novembre 1991, vous avez été

24 présent sur place avec une équipe, d'abord assez importante puis, ensuite,

25 réduite?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Est-ce que l'on peut résumer votre déclaration de la manière

3 suivante, à savoir qu'il y avait peu de Croates qui défendaient Dubrovnik

4 et que c'étaient essentiellement des propriétaires de night-clubs, des

5 garçons de café, des guides touristiques, etc.? Et peut-on dire également

6 que les armes dont disposaient les Croates n'avaient rien à voir avec les

7 armes dont disposait la JNA, dont vous avez dit que c'étaient des armes

8 extrêmement puissantes?

9 La JNA avait complètement encerclé la ville et la dominait depuis les

10 hauteurs de Zarkovica, Ivanica, etc. Elle disposait également de bateaux

11 de guerre qui visaient la ville et s'est servie d'avions militaires pour

12 attaquer Srdj et les environs.

13 Vous avez observé les forêts qui se trouvaient de l'autre côté de la

14 ville; nous y reviendrons un peu plus tard. Nous avons constaté un petit

15 nombre d'armes lourdes, de pièces d'obus de mortier, de l'artillerie

16 légère. Vous avez constaté que, pour chaque obus tiré par les Croates, la

17 JNA en tirait cent.

18 Vous savez également que les défenseurs croates disposaient d'armement

19 d'artillerie mobile sur un camion; et un camion avait également été

20 transformé en véhicule de transport de troupes pour des missions à la fois

21 humanitaires et militaires.

22 Et suite à votre arrivée à Dubrovnik, vous avez constaté qu'un grand

23 nombre de civils avaient quitté les villages dont la JNA avait pris le

24 contrôle pour se réfugier à Dubrovnik dans la Vieille Ville, qui est un

25 des patrimoines de l'humanité reconnus par l'UNESCO?

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1 Réponse: C'est tout à fait exact. En tout cas, c'était plutôt

2 unidimensionnel, comme confrontation. Ça venait surtout d'un seul côté.

3 M. Nice (interprétation): Maintenant, nous allons passer à la première

4 pièce à conviction. Il s'agit d'un reportage qui est passé sur "ITN", sur

5 la chaîne "ITN", et qui a été réalisé par le témoin.

6 (Intervention de l'huissière.)

7 (Diffusion de la vidéo.)

8 M. le Président (interprétation): Date, s'il vous plaît, de la période

9 concernée par ce reportage?

10 M. Nice (interprétation): Du 10 au 14 novembre 1991. Est-ce bien exact,

11 Monsieur le Témoin?

12 M. Davies (interprétation): Oui.

13 Question: Avant de poursuivre l'interrogatoire du témoin en tant que tel,

14 je souhaiterais que l'on produise par son truchement deux cartes qui

15 pourront, je pense, se révéler utiles.

16 L'une sera la pièce à conviction 326 onglet 24, qui nous montre la zone

17 concernée; on peut y retrouver l'hôtel qui a été mentionné par le témoin

18 dans ce reportage. Et pour ceux qui ne connaissent pas bien Dubrovnik, je

19 signale qu'on voit là la Vieille Ville qui se trouve juste au-dessus du

20 mot "Grand Hôtel Imperijal". On peut également y reconnaître le port, à

21 gauche également. Le vieux port se trouve, n'est-ce pas, à droite de la

22 Vieille Ville, près de la mention "Hôtel Excelsior", n'est-ce pas?

23 Réponse: Oui.

24 M. Nice (interprétation): Et bien qu'on ne le voie pas ici sur cette

25 carte, il y a également une rivière, la Rijeka, qui se trouve à gauche de

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1 ce plan, qui va vers le nord-est; c'est bien exact?

2 M. Davies (interprétation): Oui.

3 M. Kwon (interprétation): C'est l'intercalaire n°23, non?

4 M. Nice (interprétation): Non, je pense que c'est la pièce 326,

5 intercalaire n°24, me semble-t-il. Une carte annotée; je ne sais pas si

6 c'est le cas des autres ou de celles qui ont été produites précédemment.

7 Mais vous avez peut-être raison, Monsieur le Juge.

8 M. le Président (interprétation): Vu la liste qui nous a été donnée, je

9 pense que c'est exact: 23 et 24.

10 M. Nice (interprétation): 23 et 24. Je vous prie d'excuser mon erreur.

11 Peut-on maintenant placer l'autre carte sur le rétroprojecteur? Elle se

12 glissera à l'intercalaire n°24.

13 Ici, on voit le port, sur la droite, que l'on a pu également voir dans la

14 séquence que nous venons de visionner. On voit les remparts.

15 Vous nous avez montré, dans votre reportage, une route où il n'y avait

16 plus personne, qui était complètement désertée. Est-ce que c'est l'artère

17 que l'on voit vers le haut du plan?

18 M. Davies (interprétation): Oui, Stradun.

19 Question: Mais ici, on ne voit pas Stradun; on voit quelque chose d'autre

20 d'écrit. On voit un autre mot, "Platca"; c'est cela?

21 Réponse: Oui.

22 M. Nice (interprétation): Je vais maintenant passer au paragraphe suivant

23 qui va m'intéresser, le 32ème paragraphe.

24 M. le Président (interprétation): Mais auparavant, les pièces à

25 conviction: la déclaration 92bis et son addendum se voient attribuer la

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1 cote suivante et il y a également la vidéo.

2 M. Nice (interprétation): Oui.

3 Mme Anoya (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 320-94,

4 cela pour la déclaration du témoin. Et la vidéo, elle, se voit attribuer

5 la cote 395; toujours une pièce de l'accusation.

6 M. Nice (interprétation): Mais vous êtes resté plus longtemps, Monsieur

7 Davies, que beaucoup de personnes de l'endroit, n'est-ce pas? Vous êtes

8 resté sur place?

9 M. Davies (interprétation): Oui, avec un caméraman.

10 Question: Tout le monde est parti, sauf vous; tous les autres sont partis.

11 Parlez-nous des pilonnages, s'il vous plaît. Que ciblaient ces pilonnages,

12 apparemment? Dites-nous en un peu plus à ce sujet, s'il vous plaît.

13 Réponse: C'était assez complexe. On peut dire qu'en général, on avait

14 l'impression que les tirs ne visaient pas quelque chose de précis. En tout

15 cas, c'est l'impression que nous en avons eue.

16 Pendant une série, les pilonnages, parfois après, parfois pendant, on

17 essayait de se rendre sur les cibles apparentes et on se rendait compte

18 que généralement, ce qui avait été touché, c'étaient des immeubles

19 d'habitations, des endroits qui ne semblaient pas avoir de rôle militaire

20 particulier.

21 D'autre part, pendant les pilonnages, on observait ce qui se passait, ce

22 qui partait de l'intérieur de la ville, c'est-à-dire d'éventuels tirs

23 sortants qui auraient pu provoquer les pilonnages venant de l'extérieur.

24 Mais très souvent, on a pu constater qu'il n'y avait rien du tout.

25 Question: La route principale, je pense qu'on pourra mieux la voir sur la

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1 carte un petit peu plus agrandie. Est-ce que cette route, cette artère

2 semblait être visée par les tirs?

3 Réponse: Oui, effectivement. De même que les bâtiments qui se trouvent à

4 proximité immédiate, qui ont été l'objet de tirs pendant une certaine

5 période.

6 Question: Toujours au moyen de la carte que l'on trouve à l'intercalaire

7 n°23, l'île de Lokrum, on peut la voir à droite sur cette carte, Lokrum.

8 Qui était maître de Lokrum? Est-ce que cette île a été pilonnée?

9 Réponse: Lokrum était entre les mains des Croates encore, et c'était

10 fréquemment l'objet de tirs. C'était ciblé. Il s'agissait d'un parc

11 national, une zone forestière. On pouvait souvent donc y constater le

12 déclenchement d'incendies, de feux. Nous, nous étions dans l'hôtel

13 "Argentina" qui se trouvait juste en face; c'est là que se trouvaient

14 également les observateurs. C'était face à l'île de Lokrum. Et très

15 souvent, la nuit, nous avions constaté que le feu faisait rage.

16 Question: Vous nous dites que des zones résidentielles ont été touchées.

17 Est-ce que les dégâts étaient importants?

18 Réponse: Les maisons étaient endommagées. On ne peut pas dire que les

19 routes étaient complètement détruites, qu'il ne restait plus que des tas

20 de ruines, mais en tout cas il y a eu des dégâts importants, des obus

21 ayant traversé des toits et ayant provoqué des dégâts très importants dans

22 les bâtiments.

23 Question: Intéressons-nous maintenant à la ville dans son ensemble. Vous

24 souvenez-vous de zones que vous auriez visitées et qui auraient été

25 ciblées, des zones résidentielles? Veuillez nous le dire au moyen de la

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1 carte et en vous munissant du pointeur, si cela s'avère nécessaire.

2 Réponse: Le secteur ici, qui mène jusqu'au port, semblait faire l'objet

3 d'un pourcentage important des pilonnages. C'était un petit peu difficile

4 à comprendre. La logique était peut-être un peu obscure car c'est une zone

5 résidentielle. Vous avez également les zones du littoral qui ont été

6 prises pour cibles, nous nous y sommes rendus pendant les pilonnages.

7 Vous avez ici un très grand hôtel qui s'appelle l'hôtel "Libertas"; nous

8 nous y sommes rendus une nuit, me semble-t-il, pendant que la zone était

9 pilonnée. L'hôtel était en flammes. Il y avait beaucoup de réfugiés qui se

10 trouvaient au sous-sol de l'hôtel, qui se protégeaient aussi bien qu'ils

11 le pouvaient. Il y avait également d'autres zones résidentielles qui

12 régulièrement étaient prises pour cibles ici, sur cette partie du

13 littoral, à côté de l'hôtel "Argentina". Cet hôtel ici, l'hôtel

14 "Belvédère", a été très gravement endommagé; il a pris feu et il y a eu

15 énormément de dégâts. L'hôtel "Excelsior", que je vous indique ici, a

16 également été endommagé.

17 M. Nice (interprétation): Nous n'avons pas d'échelle sur cette carte. Je

18 pourrai en trouver une pour la semaine prochaine, car je dois vous

19 annoncer malheureusement que vous devrez revenir pour terminer votre

20 déposition, mais pouvez-vous nous donner une idée des distances? Combien

21 de temps fallait-il pour aller en voiture de la vieille ville pour aller à

22 l'hôtel "Libertas"?

23 M. Davies (interprétation): Eh bien, dix minutes, pas plus; pas beaucoup

24 plus de dix minutes.

25 Les routes, à l'époque, les artères étaient désertes. Donc il était assez

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1 facile de se déplacer. Et puis, on se souciait peu du code de la route,

2 des sens uniques, etc. Donc il fallait environ une dizaine de minutes pour

3 aller de la Vieille Ville jusqu'à l'hôtel "Libertas". Dix à douze minutes,

4 mettons.

5 M. le Président (interprétation): Le moment est venu pour suspendre nos

6 travaux. Est-ce que cela vous convient, Monsieur Nice?

7 M. Nice (interprétation): Oui. Mais je pense que maintenant, il

8 conviendrait d'évoquer la date à laquelle le témoin devra nous retrouver

9 dans ce prétoire.

10 M. le Président (interprétation): Je vous prie de m'excuser, Monsieur

11 Davies. Vous avez déjà dû venir à La Haye à deux reprises et nous ne

12 sommes pas, aujourd'hui, en mesure d'en terminer de votre déposition.

13 Il va donc falloir que nous vous demandions de revenir. Lundi, nous

14 n'avons pas d'audience, en l'espèce; mardi, nous avons des questions

15 administratives à régler, si bien qu'on pourrait reprendre votre

16 déposition mercredi. Mais si cela vous convenait mieux, nous pourrions

17 reprendre éventuellement mardi.

18 Je ne sais pas si vous avez des engagements ou si vous avez un point de

19 vue précis, déjà?

20 M. Davies (interprétation): Mardi, cela m'arrangerait plus.

21 M. le Président (interprétation): Nous allons essayer d'en tenir compte.

22 Mardi, donc, nous devions parler des témoins, je crois.

23 M. Nice (interprétation): Il y a une question qui concerne les autres

24 parties et cela, il faut manifestement en parler mardi.

25 D'autre part, il y a une autre discussion au sujet des questions

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1 financières.

2 M. le Président (interprétation): On pourrait en parler mercredi?

3 M. Nice (interprétation): Oui, mercredi. Et puis, il y a un débat ou une

4 discussion sur la procédure et, là, je dois entrer dans les détails. Il

5 faut absolument que je le fasse.

6 M. le Président (interprétation): Eh bien, on pourrait peut-être invoquer

7 en début de journée, mardi, les questions qui intéressent également les

8 autres parties. Et ensuite, on pourrait reprendre, après la première

9 pause, l'audition du témoin.

10 M. Nice (interprétation): Oui. Cela lui permettra d'arriver à La Haye le

11 mardi matin.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Davies, je vais donc vous

13 demander de revenir ici même mardi à 10 heures 30, moment où nous pourrons

14 reprendre votre audition. Et je dois, au terme du Règlement, vous demander

15 de ne parler à personne de la nature de votre déposition; et quand je dis

16 "personne", j'entends également par là les représentants du Bureau du

17 Procureur. Bien entendu, s'il s'agit pour vous de les contacter afin

18 d'organiser votre retour, vous pouvez bien évidemment prendre contact avec

19 eux.

20 M. Davies (interprétation): Merci.

21 M. le Président (interprétation): L'audience est suspendue jusqu'à mardi 9

22 heures.

23 (L'audience est levée à 13 heures 50.)

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