Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Vendredi 9 mai 2003.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 14.)

3 (Audience publique.)

4 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, c'est à vous.

5 M. Groome (interprétation): L'accusation cite comme témoin M. Becirevic.

6 (Le témoin, M. Dzemail Becirevic, est introduit dans le prétoire.)

7 Je vais demander au témoin de prononcer la déclaration solennelle.

8 M. Becirevic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

10 M. le Président (interprétation): Veuillez prendre place.

11 M. Becirevic (interprétation): Merci.

12 (Interrogatoire principal du témoin, M. Dzemail Becirevic, par M.

13 Groome.)

14 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit d'un témoin

15 dont nous souhaitons présenter la déposition en vertu de l'Article 92bis.

16 Pour ce faire, je souhaiterais qu'on nous donne une cote.

17 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction de

18 l'accusation 442.

19 M. Groome (interprétation): La pièce à conviction de l'accusation 442

20 contient la relation par M. Becirevic de la prise de contrôle de Bratunac

21 avant et pendant ces événements, en avril 1991. A l'époque, il était chef

22 du secrétariat national à la défense dans la municipalité. Il nous

23 relatera le fait que les armes ont été retirées des dépôts de la Défense

24 territoriale. Il va nous parler du développement et des relations entre le

25 SDS et le SDA, ainsi que le rôle important de Miroslav Deronjic dans les

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1 événements politiques et militaires dans la région de Bratunac. Il va

2 également nous parler des événements entourant l'appel à la mobilisation

3 au cours de la guerre en Croatie, ainsi que l'accumulation des ressources

4 de la JNA dans la zone de Bratunac au moment du retrait de la JNA de

5 Croatie. Il parle également de la mise en place des cellules de crises des

6 parties en présence en 1991.

7 Dans sa déclaration, M. Becirevic parle du fait que plusieurs Musulmans

8 ont été blessés, ont été tués dans une embuscade à Kravica. Il va nous

9 parler de l'établissement, par Deronjic, de forces de police distinctes,

10 et de la mise en place d'une formation militaire pour les Serbes par la

11 JNA.

12 Dans la pièce à conviction 442, nous présentons la prise de contrôle de la

13 municipalité à la mi-avril; et le témoin nous parle de l'apparition des

14 "Tigres d'Arkan". Dans sa déclaration, M. Becirevic explique également

15 qu'il a vu M. Deronjic vêtu d'un uniforme de camouflage dans un APC de la

16 JNA dans la zone de Konjevic Polje. Dans sa déclaration, le témoin

17 également des combats très violents qui ont suivi dans la zone. Il décrit

18 également la contre-offensive dans la région de Bratunac en janvier 1993

19 après la prise de contrôle de Cerska et des environs par les forces

20 musulmanes. Le témoin parle également du fait qu'il a vu des troupes

21 arriver de Ljubovija et de Bajina Basta en Serbie, et il parle d'une

22 offensive donc qui a duré jusqu'au 15 mars 1993. Nous demandons la

23 possibilité de poser des questions supplémentaires au témoin, notamment

24 sur un certain nombre de pièces à conviction.

25 Première question, Monsieur le Témoin, quand avez-vous été démobilisé?

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1 M. Becirevic (interprétation): J'ai servi au sein de l'armée yougoslave de

2 1980 jusqu'en 1981. Et s'agissant de ma participation aux activités de

3 l'armée de Bosnie-Herzégovine, j'y ai servi de la fin avril 1992 jusqu'en

4 1995. Après la chute de Srebrenica, moment où j'ai réussi à quitter

5 Srebrenica pour me rendre à Tuzla, c'est à ce moment-là que j'ai été

6 démobilisé.

7 Question: Quelle était votre occupation professionnelle après votre

8 démobilisation, votre activité professionnelle, juste après?

9 Réponse: Tout de suite après ma démobilisation, j'ai continué pendant

10 quelques mois à travailler au Tribunal militaire de Tuzla en tant que juge

11 d'instruction. Et jusqu'à la fin de l'état de guerre en Bosnie-

12 Herzégovine, j'ai continué jusqu'au moment où le Tribunal militaire a

13 cessé d'exister. A ce moment-là, j'ai travaillé dans un Tribunal civil, le

14 Tribunal de Tuzla, le Tribunal de niveau supérieur.

15 Question: Quelle est votre activité professionnelle?

16 Réponse: Je suis juriste et j'ai un cabinet, j'ai un cabinet à Sarajevo.

17 Question: Au paragraphe 4 de votre déclaration, pièce à conviction de

18 l'accusation 442, vous expliquez qu'on a retiré les armes qui se

19 trouvaient dans les bâtiments de la Défense territoriale à Bratunac. J'ai

20 une question supplémentaire à vous poser à ce sujet: est-ce que vous avez

21 personnellement assisté au retrait de ces armes?

22 Réponse: Oui. J'ai vu de mes yeux l'arrivée de l'armée populaire

23 yougoslave en 1989. A cette époque, je travaillais pour une entreprise qui

24 s'appelle "Duhan", c'est une fabrique de tabac à Bratunac. Et cette usine

25 se trouvait juste en face des entrepôts militaires, où se trouvaient

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1 toutes les armes de la Défense territoriale de Bratunac.

2 Et toute la population de Bratunac a participé à l'achat de ces armes en

3 1989. Comme je l'ai déjà dit, l'armée populaire yougoslave est arrivée

4 avec une douzaine de camions et de véhicules militaires, et toutes les

5 armes ont été emmenées à Ljubovija en Serbie. Je ne sais rien de plus au

6 sujet de ces armes et de ce qu'il est advenu de ces armes.

7 Donc, entre l'entreprise où je travaillais et le dépôt, il n'y avait

8 qu'une cinquantaine de mètres; et ce qui est peut-être plus important

9 c'est que, depuis mon bureau, je pouvais voir ce qui se passait, et

10 lorsque je suis sorti pour voir ce qui se passait, je me suis rendu compte

11 que personne n'a opposé aucune résistance à l'enlèvement de ces armes.

12 Question: Je voudrais qu'on revienne au paragraphe 5 de votre déclaration.

13 Vous dites vous-même que vous avez été un des premiers à devenir membre du

14 SDA à Bratunac; je vais vous demander de nous donner les noms des

15 principaux membres du SDA à Bratunac, au moment où ce parti a été fondé.

16 Réponse: Nezir Muratovic, Dzevad Pusic, Dubicic Nijaz, Semsudin

17 Djurakovic, Abid Sericic, ainsi que moi-même. C'est nous qui avons mis en

18 place le SDA; enfin, nous avons établi une motion pour établir ce parti.

19 Question: Dans votre déclaration, vous expliquez en détail comment le SDS

20 a été créé; et je vais vous demander si vous connaissez une institution,

21 au sein de ce parti, qui s'appelle "le Conseil d'initiative"? Pouvez-vous

22 nous en donner certains des membres?

23 Réponse: Cette institution s'appelait "le Conseil d'initiative du Parti de

24 l'action démocratique". J'ai déjà donné certains des noms des personnes.

25 Il y avait Safet Dzani, Hasan Samilovic, etc.

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1 Question: Mais moi, je vous interroge au sujet de l'autre parti du SDS et

2 pas du SDA.

3 Réponse: Pour le SDS, les premiers membres fondateurs étaient Miroslav

4 Deronjic, Jovan Nikolic, Nedja Nikolic, Zoran Pesic, Zoran Radic, ainsi

5 que d'autres Serbes dont je donne les noms dans ma déclaration, en

6 précisant qu'il s'agit de ceux qui ont mis en place le SDS à Bratunac.

7 Question: Pendant la période concernant votre déclaration, pouvez-vous

8 nous dire quel était le poste occupé par M. Deronjic, à Bratunac, au sein

9 du SDS?

10 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, Miroslav Deronjic, en

11 plus d'être le Président du SDS à Bratunac, occupait également le poste de

12 Président de la cellule de crise du SDS à Bratunac. De plus, il était

13 Président de la commission ou du commissariat de la guerre à Bratunac, et

14 il remplissait un certain nombre d'autres fonctions. Il était membre d'une

15 commission, dont la seule et unique mission… Il s'agissait d'une

16 commission de trois personnes; la seule fonction donc de cette commission

17 c'était d'utiliser les fonds se trouvant sur les comptes du SDS et de

18 décider de leur emploi.

19 Question: Je voudrais que vous nous parliez des relations qui existaient

20 entre le conseil du SDS de Bratunac, et les dirigeants du SDS à Sarajevo à

21 l'époque?

22 Réponse: Le SDS de Bratunac recevait ses ordres directement du SDS de

23 Sarajevo. Et je me souviens très bien que chaque fois que nous, membres du

24 SDA, essayions d'arriver à un accord avec le SDS de Bratunac, pour nous

25 séparer, diviser le pouvoir après les élections démocratiques, chaque fois

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1 que nous arrivions à un accord, le SDS demandait une interruption des

2 discussions pour un ou deux jours, afin que quelqu'un puisse se rendre à

3 Sarajevo et parler à Radovan Karadzic, Président du SDS pour la Bosnie-

4 Herzégovine. Ils recevaient donc leurs instructions de Radovan Karadzic.

5 Mais chaque fois que nous reprenions les pourparlers, pour arriver à un

6 accord sur une nouvelle répartition du pouvoir, ils ignoraient tout ce que

7 l'on avait fait précédemment et revenaient sur ce qui avait été convenu

8 auparavant.

9 Question: Est-ce que vous pouvez nous donner le nom des membres du SDS qui

10 allaient à Sarajevo pour recevoir les instructions dont vous venez de

11 parler?

12 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, d'abord il y avait

13 Miroslav Deronjic, Rodoljub Djukanovic, Président du conseil exécutif de

14 l'assemblée municipale de Bratunac dont j'étais également membre. Il y

15 avait également Zoran Tesic et Jovan Nikolic. Voilà donc ceux qui allaient

16 fréquemment à Sarajevo, au siège du SDS, pour des consultations.

17 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, nous avons présenté une

18 liasse de 10 pièces à conviction que nous souhaiterions examiner avec ce

19 témoin. Est-ce qu'on pourrait avoir une cote?

20 Mme Anoya (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 443.

21 M. Groome (interprétation): Je vais vous demander, Monsieur le Témoin, de

22 vous reporter à la pièce à conviction 443 de l'accusation, intercalaire

23 n°2, et je vais vous demander si vous avez eu l'occasion d'examiner ces

24 documents avant de déposer dans ce prétoire. Et reconnaissez-vous certains

25 des noms qui figurent sur ce document?

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1 M. Becirevic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

2 je n'ai pas eu l'occasion de voir ce document avant d'entamer ma

3 déposition.

4 Maintenant, pour ce qui est des noms qui figurent sur ce document, je

5 connais tous ces gens personnellement. Celui qui a signé ce document est

6 le Président du comité exécutif du SDS pour la Bosnie-Herzégovine, Rajko

7 Dukic, qui était le directeur général de la mine de bauxite à Milici et

8 qui se trouvait précédemment dans la municipalité de Konjevic Polje, mais

9 qui est devenue ensuite une municipalité distincte.

10 En 1991, date ou année pendant laquelle ce document a été établi, donc ces

11 gens ont été autorisés à employer les fonds du SDS. Je vois le premier nom

12 qui figure sur cette liste, Milenko Katanic, un employé dans

13 l'administration municipale à Bratunac; je le connaissais personnellement

14 parce que je travaillais également à l'administration municipale. Il y a

15 Miroslav Deronjic, Président du SDS et de la cellule de crise, ainsi que

16 Zoran Radic, également membre de la cellule de crise et du conseil

17 exécutif du SDS pour la municipalité de Bratunac.

18 Question: Merci. J'en ai terminé de l'examen de cette pièce à conviction.

19 Monsieur, vous avez fait une déclaration qui est très détaillée, et il y a

20 un élément pour lequel vous disposez d'informations personnelles très

21 détaillées, ce sont les réactions de la communauté musulmane à l'appel de

22 la mobilisation; vous en parlez longuement dans votre déclaration et cela

23 a également été évoqué par d'autres témoins. Je ne vais donc pas débattre

24 ou évoquer ce sujet avec vous.

25 Cependant, j'ai quand même une question à vous poser. Il y a un volet, un

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1 aspect de cette question qui m'intéresse et que je souhaite évoquer avec

2 vous. A un moment donné, on a voulu s'emparer d'une liste de réservistes

3 que vous déteniez?

4 Réponse: Oui, c'est exact, Monsieur le Président.

5 Question: La question que j'ai à vous poser, c'est de savoir si vous savez

6 ce qui s'est passé dans d'autres municipalités. Est-ce que, dans ces

7 autres municipalités, on a, de même, essayé de s'emparer de listes

8 semblables?

9 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je sais que dans les

10 autres municipalités également, on a tenté de s'emparer de ces dossiers

11 militaires manu militari; dans les municipalités où les Bosniens

12 constituaient la majorité de la population.

13 Question: Monsieur, je souhaiterais maintenant que nous parlions de la

14 zone de Kravica, et en particulier d'un événement qui s'est déroulé à cet

15 endroit. Est-ce que vous voyez l'événement auquel je fais allusion?

16 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'accusation fait

17 probablement référence aux événements ayant trait au meurtre qui s'est

18 déroulé à Kravica.

19 Le 3 septembre 1991, il y a eu une embuscade qui a été tendue le soir.

20 Trois Bosniens ont été attaqués sans aucune raison quelle qu'elle soit.

21 Ces gens-là avançaient de Konjevic Polje à Glogova, ou plutôt vers

22 Bratunac. Et dans un tournant, dans le village de Kajici, près de Kravica,

23 ils ont été pris dans une embuscade tendue par des gens qui se trouvaient

24 derrière un rocher. Et, dans cette embuscade, deux jeunes hommes ont été

25 blessés et d'autres ont été gravement blessés.

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1 Les assassins qui se sont rendus coupables de ces meurtres sont de

2 Kravica: Radenko Milanovic alias "Mali Raso", ainsi que Marko Markovic de

3 Cerska, municipalité de Ljubovija en Serbie. Voici donc les auteurs de ces

4 crimes commis sur instruction du SDS de Bratunac afin de créer un climat

5 de tension entre les Musulmans, ou plutôt les Bosniens, et les Serbes de

6 la municipalité de Bratunac.

7 Question: Et quelles ont été les conséquences de cet événement?

8 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, après ces

9 assassinats, les Bosniens vivaient dans la peur. On a assisté à une

10 escalade des tensions dans la municipalité de Bratunac. Le lendemain, la

11 route a été fermée de manière temporaire.

12 Il y avait des gens qui venaient de Sarajevo, de la présidence du MUP de

13 Bosnie-Herzégovine, des gens de haut niveau. Ils sont venus pour essayer

14 d'apaiser les tensions, car le danger existait de voir une guerre se

15 déclarer, à ce moment-là, sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Et

16 Ganic est venu de la Présidence, ainsi que Nikola Koljevic; ils sont venus

17 en hélicoptère à Bratunac afin d'essayer d'apaiser la tension dans la

18 municipalité. Il a été convenu que ces deux délégations aillent à Kravica

19 ensemble pour essayer de déterminer dans quelle circonstance ces

20 assassinats avaient eu lieu. Finalement, Koljevic est allé seul à Kravica,

21 sans permettre que soit menée une enquête digne de ce nom, et sans qu'il

22 soit possible donc de trouver immédiatement les coupables. C'est-à-dire

23 qu'ils ont empêché les autorités légales du MUP de Bratunac de venir

24 enquêter sur ces meurtres pour déterminer qui avait ces commis et qui

25 avait organisé ces meurtres.

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1 Ensuite, on a assisté à des remplacements, ou plutôt on a vu, on a assisté

2 à la démission du chef du MUP et du commandement de la police. Démissions

3 contraintes. Nezir Muratovic occupait ce poste, il était chef du MUP; et

4 Nikola Mandic commandait les forces de police.

5 Question: Est-ce que l'une des conséquences… Pour revenir à ce qui est

6 dans votre déclaration, est-ce que l'une des conséquences, c'est que les

7 Serbes ont quitté la zone, et qu'on a vu apparaître du côté de Ljubovija,

8 du côté serbe, on a vu apparaître des unités d'artillerie?

9 Réponse: Oui, effectivement, cela a été l'une des conséquences de ces

10 événements. On a vu partir les Serbes de Ljubovija. Mais cela, ça a été

11 mis en scène. Après ce meurtre qu'ils avaient commis eux-mêmes, soi-

12 disant, on disait qu'un péril menaçait les Serbes de Bratunac, soi-disant.

13 Question: Est-ce que l'on n'a pas mis en place une patrouille, des

14 patrouilles organisées par les Serbes et les Musulmans, au moment où l'on

15 a vu l'augmentation des tensions?

16 Réponse: Au niveau le plus élevé du MUP de Bosnie-Herzégovine, on a

17 décidé, pour apaiser les tensions, de renforcer les réserves du MUP avec

18 des Serbes et des Bosniens. Mais à l'époque, tous les villages -villages

19 bosniens ou villages serbes- avaient des gardes qui gardaient les villages

20 le soir parce que l'on craignait de voir arriver des groupes d'unités

21 paramilitaires de Serbie, on craignait de les voir s'en prendre à la

22 population.

23 Question: Et pendant cette période, est-ce que vous avez appris que des

24 armes étaient distribuées aux Serbes?

25 Réponse: J'ai appris que des armes étaient distribuées, et on a vu arriver

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1 un arrivage en masse d'armes en provenance de Serbie à Pobrdje. Ils ont

2 essayé de se procurer des armes en provenance de Ljubovija par bateau. On

3 a empêché la chose de se produire, mais cela s'est poursuivi ensuite. Et

4 l'un des Serbes qui était impliqué dans cet approvisionnement en armes a

5 été arrêté, remis au MUP de Bratunac; mais le lendemain, il a été remis en

6 liberté, c'est-à-dire que le MUP ou plutôt certains des employés du MUP

7 participaient à la fourniture d'armes de Bratunac, des armes qui

8 provenaient de Serbie.

9 Question: Veuillez nous dire quelles armes étaient en possession de la

10 communauté musulmane? Et quelles tentatives ont éventuellement été

11 entreprises pour les distribuer?

12 Réponse: La communauté musulmane ne disposait à l'époque d'aucune arme

13 quelle qu'elle soit. Comme je l'ai déjà dit, les armes de la Défense

14 territoriale ont été emmenées par la JNA. E s'agissant des armes

15 appartenant aux personnes, sur une base individuelle, on peut dire que

16 certains Bosniens disposaient de fusils de chasse. Et à l'époque, on a

17 essayé de se procurer des armes. Les Serbes eux-mêmes vendaient des armes,

18 des trophées, mais au prix fort, les "Dobosarke", les fusils PAP; et ils

19 les vendaient au prix fort aux Bosniens. Mais ceci était uniquement le

20 fait de gens qui voulaient gagner de l'argent.

21 Question: Je vais vous demander de vous rapporter à l'intercalaire n° 3 de

22 la page 443. Nous avons ici un procès-verbal. Je vais simplement demander

23 que l'on donne une cote à ce document. Nous reviendrons sur ce document

24 avec un autre témoin.

25 Monsieur, il s'agit d'un document très long qui comprend le compte-rendu

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1 des réunions tenues à Bratunac. Avez-vous eu dans les jours qui ont

2 précédé votre déposition l'occasion d'examiner ces documents?

3 Réponse: Il s'agit là de comptes-rendus de réunions, de procès-verbaux qui

4 ont trait à la mise en place de l'assemblée illégale de Bratunac. Je parle

5 de l'assemblée de la municipalité serbe de Bratunac.

6 M. Groome (interprétation): Est-ce que vous avez eu l'occasion de prendre

7 connaissance de ces comptes-rendus, ainsi que des événements qui y sont

8 relatés?

9 M. Becirevic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

10 je n'ai pas eu l'occasion précédemment d'examiner ces documents, ces

11 comptes-rendus. Mais je sais que l'on a vu, en décembre 1991, la mise en

12 place d'une municipalité serbe de Bratunac. Le gouvernement ou plutôt le

13 comité exécutif…

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Becirevic, veuillez, s'il vous

15 plaît, vous contenter de répondre aux questions qui vous sont posées par

16 le représentant de l'accusation.

17 M. Groome (interprétation): Est-ce que cette semaine, au début de la

18 semaine, vous avez eu la possibilité de prendre connaissance du document

19 que vous avez actuellement sous les yeux?

20 M. Becirevic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, Messieurs les

21 Juges.

22 Question: Est-ce que les événements qui sont relatés dans ces procès

23 verbaux et des événements pour lesquels vous avez des informations

24 personnelles, est-ce que ces événements sont relatés de manière fidèle à

25 la réalité?

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1 Réponse: Oui. Oui, c'est décrit de manière tout à fait exacte. Parce que

2 je savais effectivement, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que

3 le SDS avait mis en place une assemblée serbe de Bratunac ainsi qu'un

4 gouvernement.

5 Question: Monsieur le Témoin, maintenant je voudrais que nous parlions

6 d'un autre sujet. Vous évoquez la présence de la JNA à Ljubovija dans

7 votre déclaration. Et la question que je souhaiterais vous poser est la

8 suivante: est-ce que vous avez pu voir des unités militaires ou des

9 équipements ou une présence militaire à Ljubovija? Pouvez-vous décrire,

10 autant que faire se peut, la nature exacte de cette présence militaire?

11 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai moi-même

12 personnellement vu des pièces d'artillerie qui étaient déployées sur

13 l'autre rive de la Drina, sur la rive opposée à Ljubovija ou dans la

14 région de Krs. Il s'agissait en l'occurrence d'obusiers, de chars, ainsi

15 que d'autres pièces d'artillerie lourde dont les canons étaient braqués

16 sur la municipalité de Bratunac, territoire de Bosnie-Herzégovine. Ceci

17 était connu de tous les habitants de la municipalité de Bratunac. Tout le

18 monde pouvait s'en assurer de ses propres yeux et moi-même aussi puisque

19 je travaillais...

20 Question: Pouvez-vous nous dire approximativement combien il y avait de

21 chars, combien vous avez vu de chars, combien vous avez vu d'obusiers?

22 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à Krs même, qui se

23 trouve à deux kilomètres de Bratunac sur la rive opposée de la Drina -et

24 pour ne prendre compte que d'une position-, il y avait au moins deux armes

25 lourdes. Je parle d'un char et d'un APC, dont les canons étaient braqués

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1 sur des hameaux de la municipalité de Bratunac. Et à un autre endroit en

2 face de Boljevica et Bijelovac, il y avait quelques pièces d'artillerie

3 qui étaient également braquées sur Bratunac ainsi que sur les zones

4 habitées autour de Bratunac.

5 Question: Maintenant, je voudrais que l'on parle de mars 1992. Est-ce que,

6 pendant cette période, vous avez appris que des membres de la communauté

7 serbe recevaient en secret une formation militaire assurée par des membres

8 de l'armée populaire yougoslave?

9 Réponse: Messieurs les Juges, c'est une chose que je savais parfaitement

10 bien étant donné que j'avais occupé un poste de travail qui me permettait

11 de recevoir quotidiennement des gens, des Bosniens d'origine, qui venaient

12 protester parce que, dans le village de Vranesevici, il était procédé à un

13 entraînement d'effectifs serbes de la part d'officiers, ou assurés par les

14 soins des officiers de la JNA. Suite aux pressions exercées par les

15 citoyens sur la direction de la municipalité de Bratunac, dont je faisais

16 partie; moi-même et le Président de l'assemblée municipale de Bratunac,

17 sommes allés personnellement au commandement du corps d'armée de la JNA, à

18 Tuzla, et avons demandé là-bas au commandant Jankovic et à son adjoint de

19 nous préciser de quelle sorte d'unité il s'agissait là-bas, et de nous

20 dire s'il y avait possibilité de lui faire quitter le village pour

21 retourner là d'où elle était venue.

22 Question: Monsieur, vous nous avez dit que vous êtes allés au QG du Corps

23 d'armée de Tuzla, et vous vous êtes entretenus avec qui?

24 Réponse: Nous avons été reçus par Jankovic et par son adjoint Gavric, que

25 je connaissais personnellement d'avant parce qu'il était déjà venu dans

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1 notre secrétariat pour procéder à des activités de mobilisation d'unités

2 pour la guerre, unités dont il avait besoin pour la guerre en Croatie en

3 1991.

4 Question: Et que vous ont-ils dit, qu'ont-ils fait comme réponse à vos

5 plaintes concernant ces entraînements réalisés par des officiers de la

6 JNA?

7 Réponse: Ils m'ont dit -à la lettre- qu'ils ne savaient pas de quel type

8 d'unité il s'agissait, mais que dans un délai de deux jours, ils allaient

9 envoyer deux officiers, un certain Sadic et un certain Simic, qui

10 viendraient à Bratunac et qui se rendraient avec nous sur les lieux pour

11 procéder à une sorte d'inspection ou de contrôle, et de voir de quel type

12 d'unité il s'agissait.

13 Au bout de deux jours, alors qu'ils étaient censés venir, ils n'ont pas

14 fait leur apparition. Nous avons téléphoné; le Président de la

15 municipalité a appelé. Moi j'étais dans son bureau, ça m'intéressait au

16 plus haut point, et c'est Gavric qui a répondu. Il a dit qu'ils avaient

17 déterminé qu'il ne s'agissait pas d'une unité appartenant à la zone de

18 responsabilité du corps d'armée de Tuzla, pas plus que d'une unité

19 appartenant au corps de Sarajevo-Romanija, mais qu'il s'agissait d'une

20 unité venue de Yougoslavie et qu'ils n'avaient aucune compétence pour ce

21 qui était de cette unité, et qu'ils n'étaient pas en mesure de nous aider.

22 Question: Monsieur, le secteur où cet entraînement avait lieu se trouvait-

23 il dans le secteur ou la zone de responsabilité du Corps d'armée de Tuzla?

24 Réponse: Oui, cela se trouvait dans la zone de responsabilité du Corps de

25 Tuzla. Mais avant la guerre, là, il n'y avait aucune unité de la JNA de

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1 stationnée à l'endroit même.

2 Question: Monsieur, je me propose de vous demander maintenant de vous

3 pencher sur deux jeux de photos et de documents qui ont été créés en avril

4 1992. Le premier de ces jeux de documents porte une cote qui est la 443/4

5 de l'accusation. Donc, il s'agit du 443, intercalaire 4. Je vais vous

6 donner lecture de deux phrases. La phrase qui est sous le premièrement, et

7 la phrase qui est sous le troisièmement.

8 Messieurs les Juges, il s'agit d'un ordre à l'intention des unités de la

9 TO, signé par la cellule de crise de la municipalité de Bratunac.

10 "Article 1: les tâches afférentes à la défense sur le territoire de la

11 municipalité serbe de Bratunac sont prises en charge par la TO de cette

12 municipalité serbe."

13 Et au troisièmement, on dit: "Toutes les décisions afférentes à

14 l'utilisation de la Défense territoriale sont à prendre par la cellule de

15 crise, suite aux propositions formulées par le commandant de la TO serbe".

16 Réponse: Mon commentaire serait le suivant, Messieurs les Juges. A cette

17 époque-là, je me trouvais sur le territoire de la municipalité de

18 Bratunac, je suis resté travailler jusqu'au 17 avril 1992, et je n'ai pas

19 eu l'opportunité de prendre connaissance de ce document-ci. Par

20 conséquent, tout ceci s'est fait dans la clandestinité. Il découle de

21 ceci...

22 Question: Monsieur, partant de vos observations et de l'expérience qui la

23 vôtre de cette époque-là, y a-t-il une corrélation entre ce qui figure

24 dans ce document et l'entraînement réalisé par la JNA, et que vous avez

25 décrit tout à l'heure?

Page 20516

1 Réponse: Messieurs les Juges, c'est précisément ce que l'on voit; à

2 savoir, il existe une corrélation entre cet entraînement réalisé à

3 Vranesevici, et l'ordre ici présent émanant de la cellule de crise de

4 cette municipalité serbe de Bratunac.

5 Question: Monsieur, je me propose à présent de vous demander un document

6 daté du 16 avril 1992, cela figure à l'intercalaire 5 de la même pièce à

7 conviction 443 du Bureau du Procureur. J'aimerais que vous vous penchiez

8 sur ce document, et que vous nous disiez si vous reconnaissez le cachet

9 qui y figure et de nous dire brièvement quelle est la teneur du document

10 en question?

11 Réponse: Messieurs les Juges, ce document-ci je ne l'ai pas vu auparavant

12 non plus. Toutefois, je puis déclarer ici que je reconnais ici le cachet

13 -le cachet qui se trouve en bas- qui est celui de cette municipalité serbe

14 de Bratunac, créée en décembre de 1991 en dépit de l'existence d'une

15 assemblée municipale légale à Bratunac. On avait donc tout préparé ici par

16 cet ordre-là, pour ce qui est du nécessaire pour occuper Bratunac et cette

17 occupation s'est faite le lendemain.

18 Question: Serait-il exact de dire que, dans ce document-ci, il est

19 question d'une mobilisation des ressortissants de la communauté serbe pour

20 créer des forces de la Défense?

21 Réponse: Au point 1, nous pouvons voir qu'il a été décidé de proclamer une

22 mobilisation générale de la population serbe, partant d'une décision

23 adoptée par la Présidence de la République du peuple serbe en Bosnie-

24 Herzégovine. Donc cette cellule de crise de la municipalité serbe a

25 proclamé ce jour-là une mobilisation générale à l'intention de tous les

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1 citoyens majeurs de cette municipalité serbe.

2 M. Groome (interprétation): Monsieur, vous venez de mentionner quelque

3 chose survenu le lendemain: la prise du pouvoir. Je voudrais que nous

4 parlions maintenant du 17 avril. Pouvez-vous nous dire si, dans le courant

5 de cette journée-là, il est arrivé des gens pour lesquels vous avez estimé

6 que c'étaient des "hommes d'Arkan", des "Tigres d'Arkan"?

7 M. Becirevic (interprétation): Messieurs les Juges, ce 17 avril 1992, je

8 suis arrivé au travail, à l'assemblée municipale de Bratunac. J'avais

9 l'intention de travailler, de continuer de travailler comme à

10 l'accoutumée. En passant à côté de l'hôtel "Fontana" à Bratunac, j'ai

11 remarqué qu'il y avait des personnes que je ne connaissais pas et qui

12 portaient des armes. J'ai reconnu là… parce que j'ai vu auparavant à la

13 télévision, notamment lorsque l'on a occupé Bijeljina le 31 mars 1992,

14 puis Zvornik en date du 8 avril 1992, et j'ai remarqué à ce moment-là

15 qu'il y avait des unités paramilitaires arrivées de Serbie. Il s'agissait

16 des "hommes d'Arkan", des hommes de Seselj et des membres de l'armée

17 yougoslave. Il y avait trois sortes, trois types d'uniformes qui se

18 trouvaient aux accès de l'hôtel "Fontana". Et il y avait là-bas une

19 réunion en cours concernant la reddition de la municipalité de Bratunac,

20 avec la participation d'organes légaux du MUP de Bosnie-Herzégovine et de

21 gens qui étaient de la municipalité de Bratunac, avec des paramilitaires

22 arrivés de Serbie. J'ai remarqué différents insignes.

23 M. le Président (interprétation): Juste un moment. Nous avons lu votre

24 déclaration, Monsieur Becirevic. Le représentant du Bureau du Procureur

25 vous pose des questions complémentaires qui concernent ce qui nous

Page 20518

1 intéresse plus particulièrement, donc concentrez-vous sur les réponses à

2 apporter.

3 M. Groome (interprétation): Monsieur, vous avez parlé d'unités

4 paramilitaires et vous avez dit que c'était venu de Serbie. Pouvez-vous

5 nous dire ceux que vous avez reconnus?

6 M. Becirevic (interprétation): J'ai reconnu les "hommes d'Arkan", les

7 hommes de Seselj, et j'ai vu des hommes portant des uniformes de l'armée

8 populaire yougoslave.

9 Question: Les trois groupes que vous venez de mentionner étaient-ils

10 confondus? Ces hommes étaient-ils mélangés les uns aux autres ou se

11 trouvaient-ils à des endroits distincts?

12 Réponse: Ils s'étaient mêlés les uns aux autres; l'objectif était de

13 protéger les personnes qui se trouvaient à l'hôtel "Fontana" en train de

14 négocier.

15 Question: Vers cette période-là, vous a-t-on montré un exemplaire de la

16 proclamation faite au sujet de ce qui se passait à Bratunac?

17 Réponse: Messieurs les Juges, j'ai eu l'occasion de recevoir un exemplaire

18 de ladite proclamation rédigée par l'armée populaire yougoslave. Dans

19 cette proclamation, on disait qu'il était question de respecter les

20 instances légales du pouvoir, de respecter toutes les confessions en

21 présence. Et on a ajouté une phrase ironique, disant "qu'un parent est

22 cher quelle que soit sa confession", en libre interprétation. On demandait

23 également la restitution des armes de la part des paramilitaires ou des

24 effectifs paramilitaires bosniens; c'est ainsi qu'ils les avaient

25 désignés. En signature, il y avait...

Page 20519

1 Question: Monsieur, je vous demanderai à présent de vous pencher sur une

2 pièce à conviction de l'accusation qui est la pièce 443, intercalaire 6.

3 (Intervention de l'huissière.)

4 Le document en question porte sur le désarmement de citoyens. Je voudrais

5 savoir si vous reconnaissez la signature qui se trouve au bas de la page

6 de ce document?

7 Réponse: Messieurs les Juges, je ne reconnais pas cette signature. Mais je

8 n'ignore pas qu'une décision de ce type a été effectivement prise portant

9 sur le désarmement de citoyens qui possédaient des armes sur le territoire

10 de la municipalité de Bratunac. C'est un ordre émanant de la cellule de

11 crise de la municipalité serbe de Bratunac.

12 Question: Vers cette période-là, plus ou moins, y a-t-il eu des activités

13 conduites par des forces serbes dans la ville, activités qui visaient au

14 désarmement de la communauté musulmane? Répondez par un "oui" ou par un

15 "non", si possible.

16 Réponse: Oui, Messieurs les Juges, c'est bien le cas.

17 Question: Je voudrais que l'on montre maintenant au témoin la pièce à

18 conviction 443, intercalaire 7.

19 (Intervention de l'huissière.)

20 Monsieur, ici aussi, c'est un document qui provient de Bratunac et qui est

21 daté de 1992. Pouvez-vous nous dire au sujet des noms qui y figurent

22 quelles sont les personnes que vous connaissez, si tant est qu'il y en ait

23 que vous ne connaissez pas?

24 Réponse: Il y a cinq noms ici, Messieurs les Juges. Je connais le n°2,

25 Miroslav Deronjic. Le n°3, Tesic Zoran; c'était le secrétaire du SDS. Je

Page 20520

1 connais également Jovan Nikolic et Stanko Petrovic. Les quatre derniers,

2 je les connaissais moi-même, je coopérais avec eux, je travaillais avec.

3 Pour ce qui est du n°1, le Dr Dragan Dzokanovic, je ne l'ai jamais vu.

4 Question: Monsieur, ce document traite de la mise sur pied d'une

5 présidence de guerre dans la municipalité. A votre connaissance, est-ce

6 qu'une présidence de guerre a été effectivement mise sur pied à Bratunac?

7 Réponse: Oui. ce que je sais, c'est qu'il s'est créé une présidence de

8 guerre. Cela a été fait par les soins de la municipalité serbe de

9 Bratunac, en effet.

10 Question: Monsieur, je vous demande de vous pencher maintenant sur

11 l'intercalaire 8 de la même pièce à conviction 443, c'est un document qui

12 date de la journée d'après, à savoir du 17 juin 1992. Pouvez-vous nous

13 dire qui est l'auteur de ce document?

14 Réponse: Messieurs les Juges, l'auteur de ce document est le Président de

15 la Présidence, le Dr Radovan Karadzic. Il confirme, par ce document-là, la

16 composition de la Présidence de guerre de cette assemblée municipale serbe

17 de Bratunac.

18 Question: Monsieur, le 17 avril 1992, est-il vrai que ce jour-là vous avez

19 quitté Bratunac pour aller à Konjevic Polje, pour y rester jusqu'au 15

20 mars 1993?

21 Réponse: Messieurs les Juges, ce jour-là lorsque j'ai vu ce qui se passait

22 à Bratunac, lorsque j'ai vu l'arrivée de ces unités-là, je me suis, à

23 grand mal, extirpé de Bratunac et je suis resté… J'ai fui, je suis resté à

24 Konjevic Polje, qui est la région où je suis né; et j'y suis resté

25 jusqu'au 15 mars 1993.

Page 20521

1 Question: Dans votre déclaration préalable, il est question dans le détail

2 d'événements à Glogova. A ce sujet, je voudrais vous demander ce qui suit.

3 Est-ce que, suite aux événements de Glogova, des gens originaires de

4 Konjevic Polje ont bloqué les objectifs de la JNA alors qu'ils essayaient

5 de quitter la Bosnie? En bref, je vous demanderai de nous décrire ce qui

6 s'est passé entre les gens de Konjevic Polje et la JNA.

7 Réponse: Messieurs les Juges, nous avions des ordres. Il s'agissait de

8 maintenir ouverte la porte entre Konjevic Polje et Drinjaca. Cette route

9 est restée ouverte jusqu'au 19 mai 1992. Et nous avons gardé la route

10 utilisable jusqu'au 22 mai 1992.

11 Question: Mais ce 22 mai 1992, vous et les autres membres de cette

12 communauté, avez-vous bloqué le passage aux unités de la JNA?

13 Réponse: Non, nous n'avons pas bloqué cette route le 22, parce que la JNA

14 avait déjà quitté la Bosnie centrale pour aller en Serbie. Mais un grand

15 nombre d'unités étaient restées. Ils ont juste changé les écussons, mais

16 ils sont restés sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine pour continuer

17 à y faire la guerre, à y combattre.

18 Question: Est-ce qu'à un moment donné, à Konjevic Polje, il a été installé

19 un blocus?

20 Réponse: Oui.

21 M. Groome (interprétation): Quel jour?

22 M. Becirevic (interprétation): Messieurs les Juges,…

23 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, prêtez attention,

24 prêtez une oreille attentive aux questions du Procureur.

25 M. Groome (interprétation): Quelle date?

Page 20522

1 M. Becirevic (interprétation): Le 29, la route a été fermée. Quand je dis

2 "le 29", j'entends le 29 mai 1992.

3 Question: Serait-il exact de dire que, dans le courant des mois qui ont

4 suivi, il y a eu de grands combats et des attaques considérables de lancés

5 dans le secteur de Konjevic Polje?

6 Réponse: Oui, c'est exact. Il y a eu beaucoup de combats dans le secteur.

7 Question: Dans le courant de ces combats-là, avez-vous vu des avions ou

8 d'autres engins volants prenant part aux combats?

9 Réponse: Oui. Messieurs les Juges, tous les jours, des avions de la JNA

10 ont survolé quotidiennement ce secteur et ils ont largué, là, de lourdes

11 bombes que l'on appelait "Krmace" ont été lancées sur Konjevic Polje,

12 Cerska et autres localités de l'enclave qui était entourée de toutes

13 parts, encerclée de toutes parts.

14 Question: Dans cette même période de temps, après le retrait officiel de

15 l'armée populaire yougoslave, avez-vous pu apprendre que des membres de

16 cette armée yougoslave -qui avait changé de nom- prenaient également part

17 à ces combats?

18 Réponse: Oui. Je n'ignore pas que ces uniformes, ces unités n'ont fait que

19 changer d'uniforme, voire de blason. Mais elles sont restées avec leurs

20 armes pour combattre en Bosnie-Herzégovine, pour s'attaquer au secteur de

21 Konjevic Polje.

22 Question: Pendant cette période de temps, y a-t-il eu d'autres unités que

23 vous avez pu identifier et qui portaient des uniformes distincts?

24 Réponse: A l'occasion de ces attaques-là sur cette zone libre de Konjevic

25 Polje, de Cerska et Kamenica, en sus des unités de la JNA, il y avait des

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1 Bérets rouges qui prenaient part aux combats; c'étaient des hommes de

2 "Arkan" et de Seselj, et leur intention était de placer ce secteur-là sous

3 leur contrôle.

4 Question: Je voudrais à présent attirer votre attention sur le mois de

5 janvier 1993. Est-ce que c'est à ce moment-là que les effectifs serbes ont

6 lancé une grande offensive sur le secteur de Bratunac?

7 Réponse: Messieurs les Juges, les effectifs serbes ont lancé une offensive

8 de grande envergure sur le secteur de Bratunac et Srebrenica dans la

9 période allant du 13 janvier jusqu'au 17 avril 1993, date à laquelle ces

10 secteurs ont été occupés. Et la population de ces régions s'est vue

11 contrainte à un retrait vers l'enclave de Srebrenica.

12 Question: Avez-vous pu apprendre d'où venaient les effectifs auxquels vous

13 résistiez?

14 Réponse: Messieurs les Juges, j'ai pu apprendre d'où ces unités venaient;

15 elles venaient de Serbie. Elles ont traversé le pont à Zvornik, elles ont

16 traversé le pont à Bratunac, au niveau de Ljubovija, puis elles ont

17 traversé le pont au niveau de Bajina Basta. Donc, de trois côtés, il est

18 arrivé des unités, il s'agissait de trois corps d'armée et, avec les

19 effectifs des Serbes de Bosnie, ils se sont attaqués aux territoires où se

20 trouvaient les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

21 Question: Est-ce que, dans cette période de temps, vous avez pu voir des

22 avions? Et, si oui, pouvez-vous nous décrire lesquels?

23 Réponse: Oui, Messieurs les Juges, j'ai vu également des avions survoler

24 ces territoires; ils arrivaient de Serbie et ils bombardaient au hasard

25 les territoires libres de Konjevic Polje et de Cerska. J'ai également vu

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1 des hélicoptères volant très bas, avec des missiles téléguidés et des

2 bombes qui ciblaient des positions tenues par l'armée de Bosnie-

3 Herzégovine.

4 Question: Je me propose de passer à présent au mois de mars 1993. Les

5 effectifs serbes ont-ils réussi à réaliser leur visée? Et les Musulmans de

6 cette poche-là, avec les soldats qui défendaient ces Musulmans, se sont-

7 ils retirés vers Srebrenica?

8 Réponse: Les civils de Cerska et de Kamenica se sont dirigés vers Konjevic

9 Polje. Et, par la suite, ils se sont vus contraints, tous ensemble, à se

10 retirer en direction de Srebrenica. Cela s'est passé le 15 mars 1993.

11 Question: Pouvez-vous nous dire à peu près combien de civils il y avait

12 dans ce groupe?

13 Réponse: Messieurs les Juges, il est arrivé quelque 5.000 civils de Cerska

14 et Kamenica. Et de Konjevic Polje, il s'est retiré au moins 5.000 civils

15 en plus. Ce qui fait que depuis ces trois enclaves, il y avait une dizaine

16 de milliers de civils qui ont dû se diriger vers Srebrenica.

17 Question: Et dans ce groupe-là, combien y avait-il de soldats?

18 Réponse: Messieurs les Juges, dans ce groupe, il y avait des résidus de

19 l'armée de Bosnie-Herzégovine, donc des résidus d'unités brisées par les

20 forces ennemies. Je crois qu'il pourrait être question d'une centaine ou

21 de 150 hommes qui se chargeaient de garder ou de sécuriser le retrait des

22 civils afin de leur éviter de se retrouver encerclés.

23 Question: Passons maintenant, Monsieur, à un sujet différent. Je voudrais

24 que vous vous penchiez à présent sur l'intercalaire 10, de cette pièce à

25 conviction de l'accusation qui porte la cote 443. Est-ce que vous

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1 reconnaissez ce que l'on voit sur cette photo?

2 Réponse: En effet; il s'agit ici de ce qui reste d'une installation

3 religieuse, c'est-à-dire d'une mosquée de Konjevic Polje, qui est ma

4 localité natale. Et cette mosquée, dans le courant de 1993, vers le 15

5 mars pour être plus précis, sans raison aucune a été ciblée par des chars;

6 ils l'ont percée de toutes parts. Et trois mois plus tard, j'ai pu

7 retourner chez moi, j'ai vu ce qui restait de cette mosquée. Par contre,

8 ce que l'on voit ici…

9 Question: Monsieur, dites-nous je vous prie: est-ce que vous étiez présent

10 lorsque l'on a tiré en direction de la mosquée?

11 Réponse: Messieurs les Juges, j'étais présent, je n'étais qu'à quelques

12 centaines de mètres lorsque les chars sont arrivés à 50 mètres de la

13 mosquée, qu'ils ont tourné leurs canons vers la mosquée et ont commencé à

14 lui tirer dessus. Et c'est à coups d'obus de chars que la mosquée a été

15 détruite.

16 Question: Avez-vous pu identifier les chars qui ont ouvert le feu sur la

17 mosquée, à quelle armée appartenaient ces chars-là?

18 Réponse: Messieurs les Juges, il s'agissait de chars de l'armée populaire

19 yougoslave, ils étaient peints en couleur vert olive. Il s'agissait de

20 chars que l'on appelait les "T84".

21 Question: Quand avez-vous vu ces chars tirer sur la mosquée?

22 Réponse: Messieurs les Juges, c'est la journée du 15 mars, journée où nous

23 étions encore là-bas. Le15 mars 1993.

24 Question: Mais à cette époque-là, l'armée populaire yougoslave n'existait

25 plus, elle s'était divisée en deux armées. Dotes-nous, je vous prie: ce

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1 char qui a ouvert le feu sur la mosquée, à quelle armée appartenait-il en

2 fait?

3 Réponse: Le char appartenait aux forces conjointes qui s'étaient attaqué à

4 Konjevic Polje, cela appartenait à l'armée populaire yougoslave et aux

5 forces serbes de Bosnie.

6 Question: Monsieur, vous nous avez dit que ce groupe s'était dirigé vers

7 Srebrenica. Dites-nous, je vous prie, à quelle date vous êtes arrivé à

8 Srebrenica?

9 Réponse: J'ai quitté cette région le 15 mars 1993, et le lendemain j'étais

10 déjà au centre ville de Srebrenica avec la population qui était arrivée de

11 cette région-là.

12 Question: Si l'on met à présent de côté les 10.000 personnes au sujet

13 desquelles vous nous avez dit qu'elles étaient venues à Srebrenica,

14 pouvez-vous nous dire combien de gens il y avait à Srebrenica au moment où

15 vous êtes arrivé vous-même?

16 Réponse: Messieurs les Juges, il y avait au moins 40.000 civils à

17 Srebrenica, civils qui étaient arrivés de toutes les régions avoisinantes

18 de Srebrenica. Ils étaient tous installés sur ce petit espace de quelques

19 kilomètres de superficie.

20 Question: Pouvez-vous nous décrire brièvement les conditions de vie à

21 Srebrenica à l'époque?

22 Réponse: Messieurs les Juges, à l'époque, au moment où je suis arrivé à

23 Srebrenica, cette population était littéralement allongée dans les rues.

24 Il y avait des femmes et des enfants partout. On avait fait du feu tous

25 les dix mètres, parce que les gens essayaient de se chauffer. Il n'y avait

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1 pas suffisamment de bâtiments pour héberger ces gens, parce que la plupart

2 des bâtiments étaient détruits. Et il n'y avait pas d'eau, il n'y avait

3 pas d'électricité à Srebrenica, car les approvisionnements en eau et

4 électricité ont été interrompus par l'agresseur.

5 Question: Dites-nous maintenant: pendant que vous vous trouviez dans

6 l'enclave de Srebrenica, savez-vous nous décrire quoi que ce soit au sujet

7 des convois humanitaires qui étaient destinés à Srebrenica; et ont-ils pu

8 atteindre Srebrenica?

9 Réponse: Messieurs les Juges, une fois arrivé à Srebrenica, j'ai appris

10 qu'auparavant un ou deux convois ont réussi à se frayer un passage jusqu'à

11 Srebrenica. Mais, au moment où nous étions arrivés, il n'en est venu plus

12 que quelques-uns. Et 2.000 civils s'étaient déjà dirigés vers Tuzla. Mais

13 les convois qui étaient censés arriver suite à la démilitarisation de

14 Srebrenica, au moins une fois par semaine, étaient interceptés par les

15 forces des Serbes de Bosnie à Bratunac, à Ljubovija, et se sont vus

16 interdire le passage jusqu'à Srebrenica pour y acheminer des vivres, des

17 vêtements, et tout le reste de ce qui était nécessaire à cette population

18 à Srebrenica qui souffrait littéralement de famine.

19 Question: Tirons quelque chose au clair: partant de ce que vous venez de

20 nous dire, les convois, qui s'en allaient et qui transportaient des gens

21 depuis Srebrenica à Tuzla, ont-ils pu passer ou pas?

22 Réponse: Ces convois ont été arrêtés, certains convois étaient arrêtés et

23 l'aide destinée à Srebrenica n'y parvenait pas. S'agissant de certains

24 convois...

25 Question: Monsieur, la question que je vous pose, c'est la question

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1 afférente aux convois quittant Srebrenica et se dirigeant vers Tuzla. Ces

2 convois-là ont-ils également été arrêtés, stoppés? Est-ce que quelqu'un a

3 entravé le déplacement de ces convois?

4 Réponse: S'agissant des convois s'en allant de Srebrenica, il n'y a pas eu

5 d'obstacles posés par les forces serbes, mais les civils à Srebrenica

6 arrêtaient ces convois parce qu'ils voulaient faire partie du convoi et

7 sortir de Srebrenica, donc ces convois étaient sans cesse stoppés par des

8 civils qui étaient désireux de quitter la région.

9 M. Groome (interprétation): Ai-je raison de raison de dire que les

10 activités militaires, courant d'avril 1993 jusqu'au début 1995, dans le

11 secteur de Srebrenica, ont été des activités de basse intensité militaire

12 par rapport à ce qui s'était passé à des époques précédentes?

13 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas si j'ai bien suivi votre

14 question moi-même. De quelle activité militaire parlez-vous?

15 M. Groome (interprétation): Des deux parties.

16 M. le Président (interprétation): Vous parlez donc de combats?

17 M. Groome (interprétation): Oui, de combats, en effet. Donc, s'agissant de

18 cette période-là, si l'on compare cette période à la période qui a précédé

19 avril 1993 et début 1995, peut-être peut-elle être caractérisée de période

20 de combats à basse intensité?

21 M. Becirevic (interprétation): Oui. Il y a eu très peu de combats ou pas

22 du tout, ou alors les incidents étaient sporadiques.

23 Question: Y a-t-il eu des changements au début 1995?

24 Réponse: Messieurs les Juges, début 1995, il y a eu des provocations

25 constantes de la part des unités qui tenaient Srebrenica. Il y avait sans

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1 arrêt des opérations de reconnaissance par les avions qui survolaient la

2 région en provenance de Serbie, et on constatait que des préparatifs

3 étaient constamment en train pour l'occupation finale de Srebrenica.

4 Question: Est-ce qu'à un certain moment, vous-même et un groupe d'hommes

5 de Srebrenica avez décidé de quitter l'enclave?

6 Réponse: Oui. Cela a eu lieu le 11 juillet 1995, quand il n'y avait déjà

7 plus d'espoir pour Srebrenica et la population qui s'y trouvait. Ce jour-

8 là, nous avons donc décidé d'essayer de nous diriger vers Tuzla en

9 traversant une partie, un secteur qui était tenu par l'ennemi; et ce, en

10 passant par Bulja (phon.).

11 Question: D'après vous, qu'est-ce qui attendait Srebrenica si la ville

12 tombait?

13 Réponse: Eh bien, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, moi-même et

14 mes amis qui m'accompagnaient avions peur, si Srebrenica tombait entre les

15 mains de l'ennemi, d'être liquidés immédiatement, sans aucun procès. C'est

16 la raison pour laquelle nous avons décidé...

17 Question: Monsieur, cette crainte reposait-elle sur un événement réel qui

18 s'était produit avant?

19 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est tout à fait

20 cela. Notre crainte s'appuyait sur des événements qui avaient eu lieu en

21 avril et mai 1992, lorsque les forces ennemies de l'agresseur venues de

22 Serbie avaient ravagé Bratunac. Et sans qu'une seule balle soit tirée du

23 côté bosnien, en un mois et demi à peine, 1.000 civils avaient été tué;

24 des civils, c'est-à-dire des femmes, des enfants de Bratunac et de l'école

25 "Vuk Karadzic".

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1 Et nous savions bien que si ce sort avait été celui des civils, de gens

2 qui n'avaient opposé aucune résistance, eh bien, il nous était facile

3 d'imaginer ce qui nous arriverait à nous, puisque nous avions combattu

4 pendant trois ou quatre ans.

5 Question: Pouvez-vous nous dire à peu près combien il y avait de personnes

6 dans la colonne dont vous faisiez partie?

7 Réponse: Selon moi, cette colonne comptait environ 12 à 15.000 hommes et

8 elle s'étendait sur 10 à 15 kilomètres. Je parle de cette colonne humaine

9 qui se dirigeait vers Tuzla.

10 Question: J'aimerais, en conclusion de mon interrogatoire principal, vous

11 montrer quelques photographies et demander qu'elles soient placées sur le

12 rétroprojecteur. Nous commencerons, si vous le voulez bien, par la pièce à

13 conviction 443, intercalaire 9 de l'accusation.

14 Reconnaissez-vous ce que l'on voit sur cette photographie, Monsieur?

15 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je reconnais cette

16 photographie. Il s'agit d'une mosquée; en fait, de la mosquée de Glogova

17 qui a été détruite et qui, entre le 9 et le 10 mai 1992, s'est trouvée

18 réduite à l'état que vous constatez ici sur cette photographie.

19 Question: Enfin, Monsieur, j'aimerais vous soumettre l'intercalaire 3 de

20 la pièce à conviction 440, finalement. Cette pièce a déjà été montrée.

21 Je vous demande si vous reconnaissez ce qui figure sur cette photographie.

22 Réponse: Eh bien, je reconnais également ce que l'on voit sur cette

23 photographie: il s'agit d'un bâtiment du culte, plus précisément d'une

24 mosquée qui se trouvait, avant la guerre, au centre de Bratunac.

25 Aujourd'hui, elle n'existe plus.

Page 20531

1 M. Groome (interprétation): Je n'ai plus de questions, Monsieur le

2 Président.

3 Compte tenu des contraintes de temps, je n'ai pas utilisé toutes les

4 pièces à conviction que je pensais utiliser au départ. Et si, à la fin du

5 contre-interrogatoire, vous me donnez un instant, je vous dirai quelles

6 sont donc les pièces à conviction à retirer de la liste.

7 M. Kwon (interprétation): Avant le contre-interrogatoire, j'ai une

8 question à poser à l'accusation.

9 J'aimerais que Mme l'Huissière nous montre l'intercalaire 8 de cette

10 pièce.

11 Dans la version anglaise de ce document, nous voyons le numéro

12 d'enregistrement ERN qui se termine par 3134, et il est stipulé que ce

13 document est une copie du précédent. Je demanderai que l'on place les deux

14 documents l'un à côté de l'autre, de façon à pouvoir comparer.

15 Il s'agit donc d'une confirmation venant de la commission de guerre de M.

16 Karadzic. Mais si vous regardez ces deux pages l'une à côté de l'autre et

17 les numéros de référence inscrits à la main, vous voyez qu'ils sont

18 différents; la signature de M. Karadzic est différente également, et le

19 sceau est différent.

20 Alors, après la pause, Monsieur Groome, peut-être pourrez-vous nous

21 permettre de comprendre pourquoi ces deux versions, en anglais et en BCS,

22 semblent si différentes et pourquoi M. Karadzic semble avoir signé deux

23 documents?

24 M. Groome (interprétation): Oui, j'examinerai ce document et j'apporterai

25 ces explications à la Chambre après la pause.

Page 20532

1 M. Kwon (interprétation): Oui.

2 (Les Juges se concertent.)

3 M. le Président (interprétation): Madame l'Huissière, vous pouvez revenir

4 à votre place.

5 Alors, nous avons commencé avec un quart d'heure de retard ce matin, donc

6 nous garderons ce retard jusqu'à la fin de la journée et nous terminerons

7 nos débats un quart d'heure après l'heure prévue habituellement.

8 Monsieur Milosevic, vous avez encore un quart d'heure à peu près avant la

9 pause.

10 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, j'aimerais au préalable vous

11 demander s'il est exact, n'est-ce pas, que ce témoin a été présenté hier

12 comme un témoin relevant de l'Article 92bis?

13 M. le Président (interprétation): Oui.

14 M. Milosevic (interprétation): Or comme vous le constatez, il a donc été

15 présenté comme un témoin relevant du 92bis avec tous les documents y

16 afférent. En dépit de cela, il a été interrogé au principal pendant plus

17 d'une heure et demie. Combien de temps m'accordez-vous?

18 M. le Président (interprétation): En fait, 1 heure 10; nous tiendrons

19 compte de cela. Je vais consulter mes collègues.

20 (Les Juges se concertent sur le siège.)

21 M. le Président (interprétation): Deux heures.

22 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Dzemail Becirevic, par l'accusé, M.

23 Milosevic.)

24 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Becirevic, selon ce que vous avez

25 dit, vous avez convoqué le Conseil d'initiative pour la création du SDA de

Page 20533

1 Bratunac, n'est-ce pas?

2 M. Becirevic (interprétation): Oui.

3 Question: Et cette réunion s'est tenue au mois de juin 1990 à Boljevica

4 dans le club culturel? Répondez simplement par "oui" ou par "non".

5 Réponse: Oui.

6 Question: Est-il exact que ce Conseil d'initiative, en dehors de vous-même

7 et des gens dont vous avez donné le nom, se composait de Nezid Muratovic

8 professeur d'histoire de Pervani; vous avez déjà mentionné Gusic; Semsudin

9 Djurakovic, ingénieur du bâtiment, Hasan Smailovic de Bratunac, Safet

10 Dzanic, Mehmetovic, Habid Sirucic, Azem Dzanic de Bratunac…

11 (L'interprète n'a pas saisi les autres noms.)

12 C'est bien cela?

13 Réponse: Oui, j'ai évoqué le nom de la majeure partie de ces hommes dans

14 ma déposition précédemment.

15 Question: Ai-je fait une erreur sur l'un de ces noms?

16 Réponse: Vous vous êtes un peu trompé dans la lecture des noms.

17 Question: Donc dans la prononciation?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Et l'effendi Mustafa Mujkanovic, l'imam; en faisait-il partie?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Comment se fait-il que vous n'ayez pas mentionné le nom de

22 quelqu'un d'aussi important?

23 Réponse: Ce n'était pas intentionnel. C'est simplement qu'à ce moment-là

24 je ne m'en suis pas souvenu. Mais cela ne fait pas problème.

25 Question: Je comprends que vous n'ayez pas eu l'intention de prononcer son

Page 20534

1 nom. Est-il exact que jusqu'à présent nous avons parlé du Conseil

2 d'initiative, mais le 1er septembre 1990 -je dis bien "1990"-, au stade de

3 la ville, devant une dizaine de milliers de personnes… est-il exact que ce

4 jour-là se soit tenue la réunion de création du SDA?

5 Réponse: C'est exact. Cela ne fait pas problème.

6 Question: Est-il exact que vous étiez le secrétaire général du SDA de

7 Bratunac?

8 Réponse: C'est cela.

9 Question: Est-il exact que vous étiez membre de la présidence de guerre de

10 la municipalité de Bratunac et que vous l'êtes devenu lors de la réunion

11 tenue à Konjevic Polje, le 16 juin 1992?

12 Réponse: Ceci est exact. Mais après les crimes commis à Bratunac…

13 Question: Je vous demande simplement de répondre par "oui" ou "non", de

14 façon à ce que nous ne perdions pas de temps. Nous parlerons des crimes

15 plus tard.

16 Est-il exact que vous étiez Président de la présidence de guerre de

17 Bratunac?

18 Réponse: Président de la présidence de guerre de Konjevic Polje, mais pas

19 de Bratunac.

20 Question: C'est bien vous, personnellement, qui étiez Président de la

21 présidence de guerre?

22 Réponse: Personnellement, mais de Konjevic Polje.

23 Question: Est-il exact qu'en 1992, vous étiez engagé dans la création de

24 la Ligue patriotique du peuple de Bratunac, et que vous l'avez été avec

25 beaucoup d'enthousiasme?

Page 20535

1 Réponse: Ceci n'est pas exact.

2 Question: Comment?

3 Réponse: Ce n'est pas exact.

4 Question: Fort bien. Mais est-il exact que la Ligue patriotique du peuple

5 a été créée en février 1992 dans une réunion tenue dans la communauté

6 locale de Voljavica, et que vous étiez présent et participiez au travail

7 de cette présidence? Est-ce bien cela?

8 Réponse: C'est exact, j'étais présent à ce moment-là.

9 Question: Donc vous avez été présent lors de la création de la Ligue

10 patriotique en 1992, en février. Alors qu'il y a un instant, vous dites

11 qu'il est inexact d'affirmer que vous avez participé à la création de

12 cette Ligue patriotique?

13 Réponse: J'étais présent. Mais qu'en était-il de cette Ligue patriotique…

14 Question: En tant qu'observateur donc?

15 Réponse: J'étais présent surtout en tant qu'observateur.

16 Question: De même pour la présidence… pour votre rôle de Président de la

17 présidence de guerre?

18 Réponse: Je n'occupais pas ces fonctions à l'époque.

19 Question: Est-il exact qu'après la création de la Ligue patriotique avec

20 le capitaine Sabic, ancien officier et déserteur de la JNA, vous vous êtes

21 engagés à créer la Ligue patriotique de Konjevic Polje?

22 Réponse: Oui, nous avons été contraints de le faire.

23 Question: Laissons de côté le fait de savoir si vous étiez contraints ou

24 pas. Je suppose que les Serbes que, eux aussi, étaient contraints de se

25 défendre, alors que vous dites le contraire. Mais est-il exact que Sabic

Page 20536

1 est devenu chef d'état-major de Konjevic Polje, et que vous étiez son

2 adjoint?

3 Réponse: Exact.

4 Question: Est-il exact que, le 8 avril 1992, vous avez transféré toutes

5 ces fonctions à Konjevic Polje sur ce qu'il est convenu d'appeler "la

6 cellule de crise de Konjevic Polje"?

7 Réponse: Exact.

8 Question: Est-il exact qu'immédiatement après la création de la cellule de

9 crise, vous avez créé un groupe de volontaires que vous avez envoyé à Kula

10 Grad et à Zvornik pour combattre les Serbes?

11 Réponse: C'était seulement une tentative pour aider le peuple qui essayait

12 de se défendre...

13 Question: J'ai entendu dire que vous étiez avocat et juriste, donc je vous

14 demande de me répondre par "oui" ou par "non".

15 Est-il exact de dire que vous avez envoyé un groupe de volontaires à Kula

16 Grad et à Zvornik?

17 Réponse: J'étais l'un des organisateurs.

18 Question: Vous étiez l'un des organisateurs? Fort bien.

19 Est-il exact que, le 15 mai 1992, vous vous êtes mis à la disposition des

20 forces armées de l'armée de Bosnie-Herzégovine? Je dis bien: le 15 mai

21 1992.

22 Je prie les interprètes de m'excuser. Je répète ma question.

23 Est-il exact que, le 15 mai 1992, vous vous êtes mis à la disposition des

24 forces armées de la République de Bosnie-Herzégovine? La date est-elle

25 exacte?

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1 Réponse: La date est exacte sur le plan formel. Mais, dans la réalité, les

2 choses se sont passées plus tard.

3 Question: Il y a une date formelle et une date réelle?

4 Réponse: Dans la réalité, cela s'est passé le 27.

5 M. Milosevic (interprétation): Bien. Dites-moi, est-il exact qu'en tant

6 que commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine, vous aviez pour fonctions

7 les fonctions d'adjoint au commandant chargé du moral des troupes et des

8 questions religieuses au sein du 8e Groupe opérationnel de Srebrenica?

9 M. Becirevic (interprétation): Cela est inexact, je n'ai jamais eu le

10 grade de commandant.

11 M. le Président (interprétation): Veuillez nous aider sur ce point. Il a

12 été dit que vous étiez commandant; ceci est-il exact ou pas?

13 M. Becirevic (interprétation): C'est inexact, Monsieur le Président.

14 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Etiez-vous adjoint au commandant

15 chargé du moral des troupes et des questions religieuses au sein du 8e

16 Groupe opérationnel de Srebrenica?

17 Réponse: Je n'étais pas adjoint au sein du 8e Groupe opérationnel, parce

18 que je faisais partie d'une brigade. Il y a une différence entre les deux.

19 Question: Chargé de quoi? Des questions religieuses?

20 Réponse: Chargé du moral des troupes et des questions religieuses.

21 Question: Je vous demanderai plus tard ce que signifie "questions

22 religieuses". Mais étiez-vous sous le commandement direct de Naser Oric, à

23 ce moment-là?

24 Réponse: Je n'étais pas sous le commandement direct de Naser Oric, j'étais

25 sous celui de Velid Sabic.

Page 20538

1 Question: Fort bien. Je vais maintenant traiter d'un document que j'ai

2 reçu de la partie adverse, une pièce à conviction qui a pour numéro de

3 référence 01837194, intitulé "Avis et propositions du commandant du 8e

4 Groupe opérationnel de Srebrenica".

5 Et nous lisons dans ce document ce qui suit -je cite-: "Dzemail Becirevic

6 s'est mis à la disposition des forces armées de Bosnie-Herzégovine à

7 compter du 15 avril 1992…". (Fin de citation.)

8 D'ailleurs, moi, je dis "avril", mais ce qui est écrit, c'est "4".

9 Je poursuis la lecture -je cite-: "…engagé dans les forces armées de

10 Bosnie-Herzégovine. Donc à compter du 16 avril 1992, il occupe les

11 fonctions d'adjoint au commandant chargé du moral des troupes et des

12 questions religieuses, LPD. Je propose sa promotion au grade de

13 commandant."

14 Je poursuis la lecture -je cite-: "Dzemail Becirevic a été accepté en

15 service d'active. Et je propose, par conséquent, sa promotion au grade de

16 commandant. Il mérite des félicitations particulières pour avoir résisté à

17 l'ennemi en même temps que Velid Sabic. Pendant la guerre, il a occupé les

18 fonctions de Président de la présidence de guerre de Konjevic Polje, à

19 compter de juillet 1992 et jusqu'en janvier 1993. Alors que le 23 janvier

20 1994 il a été élu Président de la communauté locale." (Fin de citation.)

21 (Interruption par le Président.)

22 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, il est impossible au

23 témoin de retenir tout ce que vous lui dites. Soumettez-lui le document

24 qu'il puisse le voir.

25 M. Milosevic (interprétation): Je vois… Monsieur Groome a déjà ce

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1 document.

2 M. le Président (interprétation): Si vous avez une copie pour les

3 interprètes, ce serait préférable, ils vous en seraient reconnaissants.

4 Mais je suppose que ce n'est pas le cas donc… Dans le prétoire, nous en

5 avons tous un exemplaire sous les yeux.

6 (Note de l'interprète: les interprètes normalement ne travaillent pas dans

7 ces conditions.)

8 Monsieur Becirevic, veuillez-nous aider sur ce point si vous le pouvez.

9 Vous avez le document sous les yeux, il figure également sur le

10 rétroprojecteur.

11 M. Milosevic (interprétation): Pouvons-nous poursuivre?

12 M. le Président (interprétation): Non. Une seconde.

13 Pouvez-vous nous aider sur ce document, Monsieur le Témoin?

14 M. Becirevic (interprétation): Monsieur le Président, je me suis mis à la

15 disposition de l'armée de Bosnie-Herzégovine le 27, et pas le 15 avril

16 1992. Quant aux fonctions que j'exerçais à Konjevic Polje, elles n'ont

17 jamais fait l'objet d'un quelconque débat, elles n'ont jamais été

18 contestées.

19 M. le Président (interprétation): Oui, oui, poursuivez. Vous disiez: "A

20 Srebrenica"?

21 M. Becirevic (interprétation): A Srebrenica, j'étais adjoint au commandant

22 chargé du moral des troupes et des questions religieuses au sein de la

23 284ème Brigade d'infanterie légère de l'Est de la Bosnie. Brigade qui

24 opérait entre Konjevic Polje et Kamenica. Donc voilà quelles étaient mes

25 responsabilités au sein de cette Brigade. C'est dans cette Brigade que

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1 j'avais mes fonctions.

2 M. Milosevic (interprétation): Quels étaient les effectifs de cette

3 Brigade?

4 M. Becirevic (interprétation): Cette Brigade comptait un millier d'hommes.

5 Sur le papier en tout cas. Car, sur ce nombre total, un, sur trois ou

6 quatre, était armé.

7 M. Milosevic (interprétation): Nous avons déjà entendu ce genre de choses

8 un grand nombre de fois; Je ne sais pas qui a pu tuer tous ces Serbes et

9 raser complètement tous ces villages serbes si seulement un homme sur

10 trois ou quatre possédait des armes.

11 (Interruption du Président.)

12 M. le Président (interprétation): Non, non, un instant. Je souhaite tirer

13 au clair la question posée au sujet de ce document que vous avez montré au

14 témoin.

15 Quelle est la nature de ce document, Monsieur Becirevic? Pouvez-vous nous

16 aider sur point?

17 M. Becirevic (interprétation): Croyez-moi, Monsieur le Président, c'est la

18 première fois que je vois ce document. J'y vois également la signature du

19 commandant du 8e Groupe opérationnel. Mais je ne me souviens pas avoir

20 personnellement demandé à bénéficier d'une promotion à cette époque-là. A

21 cette époque-là, j'avais le grade de sous-lieutenant, donc je n'aurais pas

22 pu devenir commandant immédiatement. Pour devenir commandant, il me

23 fallait une promotion importante.

24 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.

25 Monsieur May, puisque ceci est un document émanant du 8e Groupe

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1 opérationnel et signé par Naser Oric. Je suppose que vous en acceptez le

2 versement au dossier, que vous n'allez pas vous y opposer.

3 M. le Président (interprétation): Oui, nous admettons ce document en tant

4 que pièce à conviction. Et je demande à Mme la Greffière d'audience de

5 bien vouloir accorder une cote à ce document.

6 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction de la

7 défense 129.

8 M. Kwon (interprétation): Selon mes calculs, il devrait s'agir de la pièce

9 à conviction 131 de la défense.

10 Mme Anoya (interprétation): Vous avez tout à fait raison, Monsieur le

11 Juge. Pièce à conviction 131.

12 M. Milosevic (interprétation): Ce matin, durant l'interrogatoire principal

13 raccourci mais également dans votre document -en page 6, au paragraphe 5-,

14 vous dites que devant l'hôtel "Fontana" en avril 1992, le 17 avril, vous

15 avez vu des "hommes d'Arkan". Et ensuite, vous dites "des hommes de Seselj

16 également", qui portaient un uniforme particulier n'est-ce pas?

17 Je lis votre déclaration… Je cherche la page 6 -je cite-: "J'ai vu trois

18 soldats devant l'entrée, avec des uniformes spéciaux, les armes prêtes à

19 tirer, un foulard autour du front, etc." (Fin de citation.)

20 Alors, vous dites avoir vu des représentants de forces paramilitaires.

21 Comment se fait-il que vous ayez pu savoir de qui il s'agissait et comment

22 se fait-il qu'aujourd'hui vous parlez de JNA; ce qui ne figure pas dans

23 votre déclaration écrite?

24 M. Groome (interprétation): Je demande que la déclaration soit mise entre

25 les mains du témoin. En effet, il identifie les membres du groupe

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1 paramilitaire en question dans sa déclaration.

2 M. Kwon (interprétation): Pouvez-vous me donner le numéro de ce

3 paragraphe?

4 M. Groome (interprétation): C'est le n°20 sur le document.

5 (Intervention de l'huissière.)

6 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, avançons.

7 M. le Président (interprétation): Donnez le temps au témoin de retrouver

8 le passage. Vous ne pouvez pas l'empêcher de traiter en détail de

9 questions que vous lui posez.

10 Monsieur Becirevic, vous avez trouvé se passage?

11 M. Becirevic (interprétation): Oui.

12 M. le Président (interprétation): Eh bien, que la déclaration reste sur la

13 table du témoin.

14 Nous allons faire une pause de 20 minutes, à présent.

15 Monsieur Becirevic, pendant cette pause et les autres pauses éventuelles

16 qui se produiront pendant votre déposition, je vous demande de veiller à

17 ne pas parler de votre déposition qui que ce soit. Et lorsque je dis "à

18 personne", cela signifie également aux membres de l'équipe du Procureur.

19 20 minutes de pause.

20 (L'audience, suspendue à 10 heures 45, est reprise à 11 heures 09.)

21 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, c'est à vous.

22 M. Milosevic (interprétation): Précisons un point. Dans votre déclaration,

23 vous mentionnez ce dont je vous ai donné lecture, page 6: "17 avril, un

24 groupe des 'hommes d'Arkan' est arrivé à Bratunac depuis la Serbie; ils

25 sont entrés dans l'hôtel, ils en ont pris le contrôle. Il y avait des

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1 soldats devant l'hôtel qui montaient la garde; ils avaient des uniformes

2 spéciaux, je les ai reconnus à la télévision. Ils portaient des bandanas,

3 etc., etc. J'étais sûr qu'ils étaient du groupe d'Arkan'.".

4 Mais vous ne parlez pas de la JNA, vous ne parlez pas des "hommes de

5 Seselj", ici. Or, maintenant, vous parlez de la JNA, vous parlez des

6 "hommes de Seselj", des "hommes d'Arkan"; vous évoquez même les Bérets

7 rouges. Or, ici, vous parlez de bandanas que portaient ces hommes autour

8 de leur tête. Est-ce que vous avez inventé ceci de toutes pièces?

9 M. Becirevic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

10 je n'ai absolument rien inventé du tout. J'étais à Bratunac ce jour-là et

11 j'ai vu ces formations paramilitaires qui étaient venues de Serbie et qui

12 portaient des uniformes différents et des insignes particuliers sur les

13 manches.

14 Question: Monsieur Becirevic, savez-vous que même les gardes des

15 volontaires serbes, les gardes de "Arkan", n'étaient pas du tout à

16 Bratunac? Il s'agissait de criminels de Bijeljina, d'un groupe de

17 criminels de Bijeljina?

18 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ceci n'est pas exact.

19 Parce que nous tous, en Bosnie-Herzégovine, regardions la télévision, et

20 on a vu ce qu'avaient fait les "hommes d'Arkan" à Bijeljina.

21 Question: Vous parlez de Bratunac? De Bratunac et pas de Bijeljina?

22 Réponse: Oui. Mais des groupes de ce genre sont entrés également à

23 Bratunac le 17 avril pour occuper la ville.

24 Question: Vous parlez de groupes semblables ou de ces groupes-là?

25 Réponse: Je parle de groupes qui portaient les mêmes uniformes et les

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1 mêmes insignes. Ceux qui ont pris Bijeljina étaient à Bratunac le 17 avril

2 1992 également.

3 Question: Bien, bien. Savez-vous qui est Nijaz Masic?

4 Réponse: Je connais Nijaz Masic, Monsieur le Président, Messieurs les

5 Juges. C'est un professeur qui travaillait au lycée de Bratunac.

6 Question: Bien. Il a écrit un ouvrage qui s'intitule "La vérité sur

7 Bratunac"?

8 Réponse: C'est exact. Il a écrit ce livre, effectivement.

9 Question: Mais vous le connaissiez personnellement, j'imagine? Vous le

10 connaissez personnellement?

11 Réponse: Oui, je le connais personnellement.

12 Question: Dans son ouvrage, il dit qu'une commission avait été établie par

13 la présidence de guerre de la municipalité de Bratunac; son siège était à

14 Srebrenica. Il y avait Dzemail Becirevic, Nijaz Masic, Selmo Ibisevic.

15 Donc avec vous, il était membre de cette commission qui comptait trois

16 membres?

17 Réponse: J'ignore de quelle commission vous parlez.

18 Question: Il s'agissait d'une commission qui avait pour objectif de

19 quitter Srebrenica pour atteindre Tuzla. Cependant, elle n'a pas atteint

20 cet objectif parce que, lors de la première tentative effectuée pour cela,

21 ils ont été pris en embuscade par les forces serbes et ils ont dû

22 rebrousser chemin. Il y a même des gens qui ont été tués.

23 Question: Bien. Donc vous n'avez pas mené ce travail à bien. Mais je

24 voudrais établir vos liens directs avec Nijaz Masic, le travail que vous

25 avez accompli ensemble. Vous venez de nous expliquer tout cela, tout ce

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1 que vous avez vu le 17 avril.

2 Oublions donc les différences qui existent entre vos propos et ce qui

3 figure dans votre déclaration. Veuillez répondre précisément à la question

4 suivante. Est-il exact que le 17 avril 1992, vous n'étiez pas à Bratunac,

5 vous n'étiez même pas à Hrncici et, dans ces conditions, vous n'avez pu

6 voir ni les "hommes d'Arkan''' ni les "hommes de Seselj", ni des soldats,

7 ni personne, ni rien? Vous n'avez pas pu vous sentir en péril de quelque

8 manière que ce soit parce que, le 17 avril, vous n'étiez pas à Bratunac?

9 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la vérité c'est que,

10 le 17 avril 1992, j'étais à Bratunac. Il y a des témoins qui peuvent en

11 attester, avec qui je suis allé à Bratunac et avec qui je suis rentré. Il

12 y a également des Serbes que j'ai vus dans mon bureau, mes employés

13 administratifs.

14 M. Milosevic (interprétation): Bien. Monsieur Becirevic, je vais vous

15 donner lecture d'un paragraphe qui figure à la page 65 de l'ouvrage de

16 Nijaz Masic où il dit littéralement…

17 Monsieur May, ce document s'est vu attribuer une cote 02060087, page 65 du

18 livre.

19 Lecture: "Dans la nuit du 27 au 28 avril, avec Aganovic Brdo, il y a une

20 autre nouvelle réunion de personnes de premier plan de Konjevic Polje.

21 Lors de cette réunion, les habitants de Konjevic Polje ont appris quelles

22 étaient les exigences présentées."

23 Est-ce que je lis trop vite pour les interprètes?

24 L'interprète: Oui.

25 M. Milosevic (interprétation): "Lors de cette réunion, on a fait connaître

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1 aux citoyens de Konjevic Polje quelles étaient les exigences des Tchetniks

2 et leurs intentions. Une décision a été prise pour prendre des contacts

3 avec Cerska, aussi rapidement que possible, afin d'empêcher que dans cette

4 zone les armes ne soient rendues, et pour créer de cette manière un front

5 uni contre l'agresseur." (Fin de citation.)

6 Maintenant, veuillez faire attention à la phrase qui suit. Et je n'oublie

7 rien du tout. Je cite: "Velid Sabic et Djemail Becirevic ont fait part aux

8 personnes présentes de leur déplacement, le 17 avril 1992, à Tuzla où ils

9 avaient été reçus par Fuad Hadziabdic qui leur avait expliqué qu'il ne

10 pouvait pas les aider pour leur donner des armes, etc." (Fin de citation.)

11 Donc lors de cette réunion, vous avez fait part à ces gens de votre

12 déplacement?

13 M. le Président (interprétation): Laissez le témoin réagir. Si vous lui

14 avez lu ce passage, il faut qu'il réponde.

15 Monsieur Becirevic, comme vous avez pu l'entendre, l'auteur de ce livre

16 affirme que le 17 avril 1992 vous vous êtes rendu à Tuzla afin d'essayer

17 d'y trouver de l'aide. Est-ce que l'auteur se trompe ou pas?

18 M. Becirevic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

19 je vais vous répondre. Le 17 avril j'étais à Bratunac et j'y suis resté

20 jusqu'à midi. Quand j'ai vu ce qui se passait à Bratunac, quand j'ai vu

21 que Bratunac allait être occupée, j'ai passé un coup de téléphone à mon

22 supérieur, Fuad Hadziabdic, depuis Bratunac, et je lui ai demandé ce qu'il

23 convenait de faire. Je lui ai dit que des militaires étaient arrivés, des

24 formations paramilitaires aussi qui avaient occupé la ville, je lui ai

25 expliqué que la ville était pratiquement entre leurs mains. Il m'a répondu

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1 littéralement que, par téléphone, il ne pouvait me donner aucune réponse,

2 ne m'apporter aucune aide. Donc il m'a dit d'essayer de venir avec Velic

3 Sabic, parce que je lui ai expliqué que Velic Sabic était là également; et

4 il m'a dit de venir avec lui à Tuzla pour que l'on puisse se mettre

5 d'accord.

6 Donc à midi, j'ai quitté Bratunac, je suis allé à Konjevic Polje. Vers 15

7 heures, nous avons pris la route de Tuzla. Nous sommes arrivés à Tuzla.

8 Nous ne nous sommes rencontrés que pendant environ un quart d'heure avec

9 ce Fuad, qui était l'adjoint au ministre chargé de la Défense nationale

10 pour la région de Tuzla; il pourra vous le confirmer. Il nous a dit qu'il

11 ne pouvait pas nous aider, qu'il ne pouvait pas aider Bratunac ni les gens

12 de Bratunac. Il a dit que Tuzla était également en péril et qu'à Tuzla une

13 aide était également nécessaire. Il a dit: "Rentrez. Retournez chez les

14 gens de Konjevic Polje, et faites en sorte que l'armée s'en aille. Essayez

15 d'engager une bataille partisane ou de partisans, si cela est nécessaire.

16 Mais, pour l'instant, on ne peut rien faire avant que l'armée ne parte."

17 Si bien que, vers 17 heures, nous sommes rentrés. Il y a des témoins qui

18 peuvent vous le dire. Salcin Dzanic, un avocat, peut vous le dire; on l'a

19 trouvé à Tuzla, il nous a demandé: "Mais où rentrez-vous? Vous ne savez

20 pas qu'aujourd'hui à 15 heures Bratunac est tombée?". Et nous avons

21 répondu que jusqu'à midi nous étions encore à Bratunac mais, peu importe,

22 nous étions décidés à rentrer parce qu'on nous attendait, les gens nous

23 attendaient, et nous voulions aider les gens de Bratunac.

24 Donc le soir, nous sommes retournés à Konjevic Polje. Et ça c'est la

25 vérité. Il y a des centaines de témoins qui pourraient le confirmer.

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1 M. Milosevic (interprétation): Donc il n'est pas contesté que le 17 avril

2 1992, vous-même et Velic Sabic vous êtes rendus à Tuzla, vous y avez été

3 reçus par Fuad Hadziabdic, et il vous a expliqué qu'il ne pouvait vous

4 aider. Tout ceci s'est produit à la vitesse de l'éclair, comme vous venez

5 de nous l'expliquer. Quelle est la distance qui sépare Bratunac de Tuzla?

6 Réponse: D'abord, je voudrais dire aux Juges de la Chambre que, de

7 Bratunac à Konjevic Polje, il faut environ 20 minutes de voiture. Et de

8 Konjevic Polje à Tuzla, nous avons suivi l'itinéraire suivant: Milici, là

9 on nous a arrêtés, on nous a interceptés, la police serbe, ils nous ont

10 fouillé; ensuite, nous sommes passés par Vlasenica, Tisce, Kladanj; et

11 nous sommes enfin arrivés à Tuzla, nous y sommes restés une demi-heure

12 environ.

13 Question: Mais combien de temps faut-il pour aller de Bratunac à Tuzla,

14 par Konjevic Polje, Kladanj, etc.?

15 Réponse: Une heure et demie à deux heures en voiture.

16 Question: Donc deux heures pour arriver à Tuzla si personne ne vous

17 intercepte. Or effectivement, on a arrêté votre véhicule?

18 M. Becirevic (interprétation): Oui, mais on a simplement été fouillés à

19 deux points de contrôle.

20 M. Milosevic (interprétation): Donc, tout cela vous l'avez fait dans cette

21 brève période de temps que vous venez de nous expliquer?

22 Monsieur May, je voudrais, s'il vous plaît, que vous versiez au dossier ce

23 document qui s'est vu attribuer une cote par la partie adverse. Est-ce

24 qu'on peut le verser au dossier?

25 M. le Président (interprétation): Il ne me semble qu'il s'agisse

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1 d'éléments de preuve parce qu'il s'agit simplement de l'extrait d'un

2 livre. Mais présentons la chose au témoin.

3 (Intervention de l'huissière.)

4 M. Milosevic (interprétation): Il a dit que c'est ce qui était dit dans le

5 livre et que c'était bien la réalité. C'est justement ce que je dis: ce

6 jour-là, il était à Tuzla.

7 M. Becirevic (interprétation): J'ai des centaines de témoins qui peuvent

8 confirmer que ce jour-là j'étais à Bratunac jusqu'à midi. J'étais dans mon

9 bureau. Et Gavric, mon employé, m'a vu et il m'a dit: "Mais qu'est-ce que

10 tu fais là? Il faut partir!".

11 M. le Président (interprétation): Oui, un instant.

12 (Les Juges se consultent sur le siège.)

13 Nous n'allons pas accepter le versement au dossier de cette page. Vous

14 avez entendu le témoin; d'ailleurs, il n'y a pas grand-chose qui soit

15 contesté au regard de vos allégations. Il dit être allé à Tuzla l'après-

16 midi et qu'il était à Bratunac le matin.

17 M. Milosevic (interprétation): Et il n'est pas contesté non plus que dans

18 la nuit du 27 au 28 avril, lors de cette réunion à Aganovic Brdo avec des

19 hommes armés de Konjevic Polje, vous avez relaté votre déplacement à Tuzla

20 le 17 avril, ainsi que vos conversations avec Hadziabdic?

21 M. Becirevic (interprétation): Je n'ai pas contesté le fait que le 27

22 avril nous étions à Aganovic Brdo. Et l'objet de cette réunion, la raison

23 pour laquelle on s'est réunis à cet endroit est tout à fait claire, c'est

24 parce qu'on nous avait expulsés de nos foyers.

25 Question: Bien. Ai-je également raison si je dis que vous avez mis en

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1 place la 114e Brigade de la Bosnie orientale à partir de Konjevic Polje

2 qui, ensuite, a été incorporée à la 294e Brigade légère de la Bosnie

3 orientale?

4 Réponse: C'est exact. J'étais l'un des participants et Sabic Velid était

5 un ancien officier de l'armée yougoslave.

6 Question: Est-il exact que vous avez participé au commandement de cette

7 Brigade?

8 Réponse: Effectivement, j'étais adjoint au commandant chargé du moral des

9 troupes au sein de la Brigade.

10 M. Milosevic (interprétation): Le commandement de cette unité était

11 constitué des personnes suivantes -comme on peut voir à la page 101 de ce

12 livre qui a la cote 02060106-: Velid Sabic, Fehid Hasanovic, Ismet

13 Celikovic, Nail Jusupovic, Mehmedalija Alic, Faid Muminovic, Fadil Dedic,

14 Dzemail Becirevic -vous-même-, Enes Ibrahimovic, Ismet Mujanovic, Hajrudin

15 Tournadzic, Avdo Majstorovic.

16 M. le Président (interprétation): Mais comment voulez-vous que l'on

17 retienne tous ces noms? Et comment le témoin peut-il les enregistrer?

18 Est-ce que vous avez bien entendu ces noms, Monsieur le Témoin? Est-ce

19 qu'effectivement ces gens-là étaient des membres de la Brigade? Ou bien

20 souhaiteriez-vous que l'on répète certains de ces noms?

21 M. Becirevic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

22 inutile, je connais la plupart de ces gens. Effectivement, c'étaient des

23 membres de la Brigade 284-EB Srebrenica; et moi-même, j'appartenais à

24 cette Brigade. J'appartenais au commandement de la Brigade à Srebrenica.

25 M. Milosevic (interprétation): C'est donc le commandement suprême de cette

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1 Brigade?

2 Réponse: Oui, ce n'est pas quelque chose que je conteste.

3 Question: Monsieur Becirevic, savez-vous que "la Commission d'Etat pour le

4 génocide et les crimes de guerre pour la République fédérale de la

5 Yougoslavie", dans son mémoire sur les crimes de guerre et les génocides

6 dans la municipalité de Skelani, Srebrenica et Bratunac, en Bosnie -mémo

7 en date d'avril 1993-, savez-vous que dans ce document on vous désigne

8 comme un des auteurs du génocide à l'encontre du peuple serbe, dans une

9 liste ou une colonne dans laquelle figurent des représentants officiels et

10 des organisateurs?

11 Réponse: Je ne sais pas. Mais Dzemail Becirevic a une adresse que tout le

12 monde connaît. Maintenant, j'habite à Sarajevo, je vais souvent à

13 Bratunac, je suis membre de l'assemblée municipale de Bratunac, et ce

14 genre de question m'a déjà été posée en 1997, lorsque je me suis présenté

15 au poste de vice-Président de l'assemblée.

16 On a dit que j'avais commis des crimes de guerre. Mais la communauté

17 internationale a répondu à ceux qui avaient affirmé cela, qu'il fallait

18 donner des preuves à l'appui de ce qui était affirmé. Et on leur a donné

19 30 jours pour apporter des preuves, 30 jours. Et à ce moment-là, si les

20 preuves étaient apportées, on procéderait comme il conviendrait. Or, cela

21 fait six ans que cela a été fait; je suis toujours disponible, tout le

22 monde connaît mon adresse. S'ils ont quoi que ce soit, ils peuvent y

23 aller. Mais j'ai été invité à venir ici pour déposer au sujet de

24 l'agression commise contre la Bosnie-Herzégovine et, en premier lieu, sur

25 la municipalité de Bratunac.

Page 20552

1 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, à moins que vous ne

2 m'interrompiez dans les efforts que j'entreprends en posant des questions

3 pour déterminer les crimes commis, le nombre de victimes qui sont tombées,

4 ainsi que le nombre de villages qui ont été rasés et incendiés dans la

5 municipalité de Bratunac donc, je souhaite verser au dossier ce document.

6 J'ai déjà fait référence...

7 M. le Président (interprétation): Quel document?

8 M. Milosevic (interprétation): J'ai déjà fait référence à plusieurs

9 reprises à ce document. Je voudrais attirer votre attention sur la chose

10 suivante…

11 M. le Président (interprétation): Quel est le document que vous souhaitez

12 verser au dossier?

13 M. Milosevic (interprétation): Il s'agit d'un document relatif aux crimes

14 de guerre et génocides en Bosnie orientale dans les municipalités de

15 Bratunac, Skelani et Srebrenica; crimes commis contre les populations

16 serbes d'avril 1992 à avril 1993. Un document qui a été établi par la

17 commission d'Etat yougoslave chargée des crimes de guerre et du génocide,

18 en date d'avril 1993.

19 M. le Président (interprétation): Un instant.

20 Une façon de procéder, Monsieur Groome, serait d'accepter le versement au

21 dossier. Peut-être avez-vous une objection mais, dans ces conditions, on

22 pourrait attribuer une cote aux fins d'identification.

23 M. Groome (interprétation): Nous ne nous opposons pas à ce que l'on

24 attribue une cote aux fins d'identification, mais nous nous opposerions à

25 un versement au dossier.

Page 20553

1 M. le Président (interprétation): Dans ces conditions, cote aux fins

2 d'identification.

3 Mme Anoya (interprétation): Pièce à conviction de la défense 132, aux fins

4 d'identification.

5 M. Milosevic (interprétation): Auparavant, je souhaiterais vous informer

6 qu'il y a un numéro déjà qui figure sur ce document 01975 -document qui

7 m'a été fourni par la partie adverse- et la page sur laquelle figure M.

8 Becirevic, c'est la page qui porte la cote, ou plutôt le numéro 00678851,

9 et le titre suivant: "Liste des criminels de guerre sur le territoire de

10 Bratunac, Srebrenica, Milici, et Skelani", pour lesquels on dispose

11 d'éléments de preuve. Et au regard du numéro 14, nous pouvons trouver le

12 nom de Dzemail Becirevic; tout le monde peut consulter ce document.

13 Etant donné que la partie adverse a ce document, j'imagine qu'elle est

14 investie de certaines responsabilités, au vu de ces crimes de guerre.

15 M. Groome (interprétation): Permettez-moi d'intervenir rapidement.

16 M. le Président (interprétation): Allez-y.

17 M. Groome (interprétation): Il s'agit d'une commission; il y en a de

18 nombreuses qui ont été constituées par les différents intervenants, les

19 différentes parties prenantes au conflit, qui ont enquêté sur les crimes

20 commis pendant la guerre et qui ont établi ce type de rapport. Nous

21 n'avons jamais demandé à ce que les résultats du travail de ces

22 commissions soient versés au dossier pour prouver la culpabilité de M.

23 Milosevic. Nous nous opposons donc, de la même manière, au versement au

24 dossier de ces documents pour prouver que quelqu'un d'autre a commis des

25 crimes.

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1 L'accusé a reçu ces rapports au terme de nos obligations, en vertu de

2 l'Article 68. Nous avons fourni un dossier entier provenant du HVO. Mais

3 nous estimons qu'en eux-mêmes, ces documents ne sont pas suffisants; ils

4 ne sont pas suffisamment fiables pour prouver les faits qui sont allégués

5 par l'accusé.

6 M. le Président (interprétation): A ce stade, nous allons simplement

7 admettre ce document aux fins d'identification. Si des éléments

8 supplémentaires sont fournis à l'appui de ce document, on pourra

9 éventuellement le verser au dossier.

10 M. Milosevic (interprétation): Ici, j'ai un extrait du dossier ou des

11 plaintes portées pour crime de guerre contre le témoin en Bosnie-

12 Herzégovine entre 1992 et 1995. Page 76 du document. Ceci vous concerne.

13 J'en donne lecture: "Becir Becirevic Dzemail, né en 1960 à Bratunac,

14 secrétaire du SDA à Bratunac, responsable des préparatifs de l'attaque

15 contre les formations militaires à Bratunac, contre des populations

16 civiles à Bratunac, contre Konjevic Polje et d'autres villages, et entre

17 mai et décembre 1992, assassinats individuels et assassinats en masse,

18 notamment de femmes, d'enfants, de personnes âgées, de personnes

19 handicapées ou malades, etc.

20 La plupart des maisons et des villages ont été pillés, incendiés, rasés.

21 Ces attaques dépourvues de tout motif militaire ont également vu des cas

22 de mauvais traitements, massacres, tortures. Les personnes, les victimes

23 ont été déplacées dans un objectif de nettoyage ethnique." (Fin de

24 citation.)

25 Donc "Extrait de plainte pour crimes de guerre commis contre le peuple

Page 20555

1 serbe en Bosnie-Herzégovine"; je viens de vous en donner lecture d'un

2 extrait.

3 M. le Président (interprétation): Remettez, s'il vous plaît, le document

4 au témoin, de façon qu'il puisse vous répondre.

5 (Intervention de l'huissière.)

6 Monsieur Milosevic, qui présente ces allégations?

7 M. Milosevic (interprétation): On peut le voir au titre: "Extrait de

8 plainte émanant des organes de Bosnie-Herzégovine". J'imagine que ce sont

9 les autorités, les autorités de la zone, de la région, en Republika

10 Srpska.

11 M. le Président (interprétation): Vous pouvez examiner ce document, faire

12 des observations à ce sujet après l'avoir examiné, et vous pouvez

13 également répondre aux allégations qui ont été portées, à savoir que vous

14 avez participé à l'organisation d'attaques contre des villages, à l'issue

15 desquelles ces villages ont été entièrement rasés.

16 M. Becirevic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

17 les allégations qui viennent d'être formulées par l'accusé n'ont aucune

18 véracité.

19 D'abord, j'ai été invité à venir ici pour déposer au sujet de

20 l'organisation de l'agression contre la Bosnie-Herzégovine, et plus

21 particulièrement de la municipalité de Bratunac. On m'a demandé devenir

22 témoigner au sujet de cette agression et du génocide qui a été commis.

23 M. le Président (interprétation): Nous savons pourquoi vous êtes venu

24 déposer; inutile de le répéter, vous l'avez déjà dit. Mais on vient de

25 formuler des allégations à votre encontre et vous devriez avoir la

Page 20556

1 possibilité d'y répondre. Y a-t-il quoi que ce soit de vrai dans ce qui a

2 été dit?

3 M. Becirevic (interprétation): Il n'y a rien de vrai dans tout cela, parce

4 qu'à l'époque concernée j'étais à Konjevic Polje, et Konjevic Polje a mené

5 des opérations exclusivement défensives. C'est-à-dire que,

6 quotidiennement, il y avait des attaques qui venaient de la partie

7 adverse. Comment aurions-nous pu attaquer qui que ce soit alors que nous-

8 mêmes, nous étions assiégés, nous étions attaqués, et ceci à partir du 17

9 avril, jusqu'au moment où on a été expulsés vers Srebrenica? Il n'y avait

10 aucune voie de sortie de Konjevic Polje, on ne pouvait pas en sortir. Donc

11 tout ce qui est dit là est faux.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, une fois encore, ce

13 document va se voir attribuer une cote aux fins d'identification.

14 M. Groome (interprétation): Nous n'avons pas d'objection à cette manière

15 de procéder.

16 M. le Président (interprétation): Cote d'identification?

17 M. Milosevic (interprétation): Nous allons en venir à des questions très

18 précises, Monsieur Becirevic.

19 M. le Président (interprétation): Un instant. Une cote?

20 Mme Anoya (interprétation): Pièce à conviction de la défense 133, cote aux

21 fins d'identification du document.

22 M. Milosevic (interprétation): Est-il exact que vous-même,

23 personnellement, avez été impliqué dans les activités d'armement de

24 formation des commandements et des unités musulmanes à Urkovici, Pervani,

25 Kamenica, Sandici, Pobrdje et Nova Kasaba?

Page 20557

1 M. Becirevic (interprétation): Ce n'est pas vrai.

2 Question: Est-il également exact que ces villages sont les villages les

3 plus peuplés, forment la partie la plus peuplée de la municipalité de

4 Bratunac où 99% des habitants sont des Musulmans?

5 Réponse: La communauté locale de Konjevic Polje avant la guerre, d'après

6 le recensement, comptait 5.600 habitants. Et c'était une des communautés

7 locales les plus grandes, la municipalité de Bratunac. C'était la seule,

8 d'ailleurs, qui s'est organisée pour se défendre contre l'agresseur.

9 Toutes les autres communautés où les Musulmans constituaient la majorité

10 de la population ont été rasées en l'espace d'un mois et demi; c'est-à-

11 dire qu'on a vu se produire un nettoyage ethnique, et qu'en un mois et

12 demi quelque 1.000 femmes et enfants ont été tués; femmes, enfants et

13 civils.

14 Question: Mais vous l'avez déjà dit, veuillez simplement répondre à ma

15 question. Inutile de répéter vos affirmations, de répéter des choses qui

16 n'ont rien à voir avec mes questions.

17 Vous étiez donc à la tête de la présidence de guerre à Konjevic Polje.

18 Cependant, vous affirmez que vous n'étiez pas celui qui a organisé la

19 formation et l'organisation des forces musulmanes et des commandements

20 dans ces villages; c'est ce que vous affirmez?

21 Réponse: J'affirme que je n'ai participé à aucune formation que ce soit,

22 parce que j'étais un soldat de base dans l'ex-JNA. Je n'étais nullement

23 expert en matière militaire.

24 Question: Je ne parle pas d'organisation. Je ne dis pas que vous les avez

25 formés, que vous leur avez montré comment on monte ou démonte un fusil, ou

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1 que vous avez organisé des séances de tir; ce n'est pas cela. Mais -autre

2 question- est-il exact qu'avec Rahid Sabic, vous avez emmené Nurif

3 Rizvanovic à cet endroit, qui était un ancien officier, un déserteur de la

4 JNA, et qui était natif de Glogovo, vous l'avez emmené à cet endroit pour

5 organiser la formation militaire et attaquer les Serbes?

6 Réponse: Ce n'est pas exact, nous n'avons pas pu le faire venir. Ce que

7 l'on peut dire, c'est que c'est sans doute vous qui l'avez fait venir dans

8 la zone. Parce qu'il est arrivé au mois d'août, il est venu de Tuzla avec

9 une unité dans la zone de Konjevic Polje. Une partie de l'unité est restée

10 à Konjevic Polje et les autres sont partis pour Srebrenica. Donc comment

11 aurions-nous pu le faire venir, nous, puisque nous étions complètement

12 assiégés? Comment aurions-nous faire venir quelqu'un de Tuzla?

13 Question: Vous voulez dire que ce sont les Serbes qui l'ont amené, et

14 qu'ils ont amené 500 soldats avec eux?

15 Réponse: Ils les ont laissé traverser 500 kilomètres… euh, 100 kilomètres,

16 pour arriver à Konjevic Polje. Et je ne sais pas quel avait été

17 l'objectif.

18 Question: Mais, en 1992, il a commencé ses activités avec lui, et il a eu

19 beaucoup de mérite pour ce qui est du génocide perpétré contre le peuple

20 serbe là-bas; cet homme qui s'appelait Rizvanovic?

21 Réponse: Ce n'est pas vrai.

22 Question: Donc il ne s'est pas battu à Konjevic Polje, il n'a pas perpétré

23 de crime de guerre à l'égard de civils serbes dans ces environs-là?

24 Réponse: Il est venu aider son peuple, parce qu'il est originaire de

25 Glogova. Son objectif était de retourner là-bas et de faire revenir les

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1 gens à Glogova.

2 Question: J'ai précisément dit moi-même qu'il était originaire de Glogova.

3 Mais est-il exact aussi d'affirmer que ledit Rizvanovic, en raison de la

4 lutte pour le pouvoir, était entré en conflit avec Naser Oric; ce dernier

5 l'ayant fait exécuter par la suite pour des raisons de lutte pour le

6 pouvoir? Je parle là des activités ou de combats pour le pouvoir au sein

7 des forces musulmanes.

8 Réponse: Je ne suis pas au courant de tout ceci. Ce que je sais, c'est que

9 le dénommé Rizvanovic, lors de notre déplacement vers Srebrenica, a péri

10 sur les lignes de confrontation avec l'ennemi, avec les Serbes.

11 Maintenant, de là à savoir comment il a péri, je ne sais pas vous le dire.

12 Question: Donc si vous ne connaissez pas de détails, je ne vous poserai

13 pas de question à ce sujet.

14 Dites-moi, par contre: avant les conflits dans la municipalité de

15 Bratunac, vous étiez secrétaire au secrétariat à la Défense nationale de

16 Bratunac; c'est ce qui figure dans votre déclaration, page 2. C'est exact,

17 n'est-ce pas?

18 Réponse: Oui, c'est exact.

19 Question: En page 2, paragraphe 4 de votre déclaration, vous parlez de

20 l'armement de la Défense territoriale à Bratunac. C'est bien cela, n'est-

21 ce pas?

22 Réponse: Laissez-moi me pencher sur le texte, si possible.

23 Question: Page 2, paragraphe 4 de votre déclaration. Il y est question de

24 l'armement de la Défense territoriale de Bratunac, n'est-ce pas?

25 Réponse: Moi, j'ai parlé ici, Messieurs les Juges, de la façon dont il y a

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1 eu reprise de l'armement auprès de la TO à Bratunac par les soins de la

2 JNA.

3 Question: Oui. Mais vous affirmez que ces armes-là… que cela s'est fait en

4 1989, ont été transférées de Bratunac, ailleurs. Vous en êtes certain?

5 Réponse: Je suis certain.

6 Question: En 1989? Et que cela a été fait par l'armée?

7 Réponse: Oui, cela a été ramassé par l'armée populaire yougoslave pour

8 être transporté de l'autre côté du pont de Ljubovija, vers la Serbie. Je

9 ne sais pas où cela a été acheminé au final.

10 Question: Mais je crois qu'en 1989, la JNA se trouvait sur le territoire

11 entier de la RSFY, y compris Bratunac, Ljubovija et toute autre localité

12 sur le territoire de la RSFY?

13 Réponse: Je n'ai rien dit d'autre. J'ai dit qu'on a ramassé ces armes et

14 qu'on les a transférées ailleurs.

15 Question: Mais vous étiez, à ce moment-là, en 1989, aux fonctions de

16 secrétaire de ce secrétariat à la Défense?

17 Réponse: Non. J'ai indiqué où j'ai travaillé à cette époque-là.

18 Question: Mais je pense que vous devriez le savoir, même si vous n'avez

19 pas été là-bas. Donc je pense que cela n'avait pu se faire qu'en 1990,

20 date à laquelle la Présidence fédérale a pris une décision pour ce qui est

21 du déplacement des armes de la TO vers les casernes de la JNA. Le saviez-

22 vous? Et cela a été fait par la Présidence fédérale dans sa composition

23 toute entière en 1990; donc elle a pris la décision de transférer les

24 armes de la TO vers les casernes de la JNA parce que cela était plus sûr.

25 Le saviez-vous ou pas?

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1 Réponse: Nous savions qu'une décision de ce genre avait été prise,

2 adoptée, et que les armes ont été récupérées à Bratunac. Et la chose n'est

3 pas contestée. Vous ne niez donc pas le fait que ces armes ont été

4 récupérées par la JNA?

5 M. Milosevic (interprétation): Je n'en sais rien moi-même. Je vous pose la

6 question partant de renseignements qui ont été mis à ma disposition. Et

7 vous, Monsieur Becerevic, vous étiez secrétaire au secrétariat à la

8 Défense nationale; vous étiez donc censé être au courant d'une décision

9 prise par la Présidence fédérale pour ce qui est de confier les armes de

10 la TO à la garde des unités de la JNA.

11 M. le Président (interprétation): Nous le savons, passez à autre chose.

12 M. Milosevic (interprétation): Vous affirmez que ces ordres devaient être

13 transférés vers les casernes du Corps d'armée de Tuzla, mais que les

14 camions se sont dirigés en direction de la Serbie. C'est bien ce que vous

15 avez dit?

16 M. Becirevic (interprétation): J'ai dit seulement que je travaillais à

17 l'époque dans une société publique et que je me trouvais à quelques 50

18 mètres des lieux. J'étais sorti et je me trouvais à quelque 10 mètres à

19 peine de ces camions lorsqu'on a récupéré les armes pour les transférer

20 ailleurs.

21 Question: Mais est-ce que vous avez escorté ce transport?

22 Réponse: Non. Pourquoi voulez-vous que je le fasse?

23 Question: Mais comment savez-vous que ces armes n'ont pas été transférées

24 vers Tuzla, mais quelque part en Serbie?

25 Réponse: Ils sont partis en direction de Ljubovija. Je ne sais pas où cela

Page 20562

1 a atterri.

2 Question: Vous êtes en train de parler -à la même page- d'une caserne à

3 Ljubovija. C'est bien ce que vous dites? Est-ce que vous êtes allé dans

4 cette caserne à Ljubovija?

5 Réponse: Je ne suis pas allé dans cette caserne. J'ai juste indiqué que

6 l'on avait emmené cela en direction de Ljubovija.

7 Question: Mais vous dites que vous ne saviez pas quel type d'unité il y

8 avait là-bas, c'est bien ce que vous avez dit?

9 Réponse: J'ai indiqué qu'il y avait là-bas une caserne et c'était là

10 l'armée populaire yougoslave.

11 Question: C'était la seule armée qui existait au sein de la RSFY pour

12 autant que je sache. Cela ne constitue en rien un secret quelconque?

13 Réponse: Oui, ce n'est pas contesté.

14 Question: Vous ne saviez pas de quel type d'unité il s'agissait. Vous ne

15 saviez pas de quel type d'armes disposait cette unité-là. Vous ne saviez

16 rien au niveau de ces effectifs non plus? Je parle de cette unité de

17 Ljubovija, cela s'entend.

18 Réponse: Je ne suis pas allé là-bas pour le savoir et pour savoir de quel

19 type d'unité il s'agissait, du nombre d'hommes qu'il y avait. Mais j'ai vu

20 que, partant des positions à Ljubovija en 1991, des canons étaient dirigés

21 vers Bratunac. Et c'était un fait notoirement connu.

22 Question: Ecoutez, on va en débattre par la suite. Mais étant donné que

23 vous ne savez rien au sujet de cette unité, vous indiquez que dans cette

24 caserne, en 1991, il est arrivé une unité de blindés. Et, auparavant, vous

25 avez précisé que vous ne saviez rien du tout quant à cette unité ou quant

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1 à son armement.

2 Réponse: Moi, je vous ai indiqué que j'ai vu de mes yeux des chars dont

3 les canons étaient tournés...

4 Question: Mais vous venez d'indiquer qu'il était arrivé une unité. Comment

5 pouvez-vous savoir si ces chars n'existaient pas dans cette unité

6 auparavant? Comment savez-vous que ces chars sont arrivés là en 1991?

7 Réponse: Moi j'ai parlé d'effectifs additionnels qui étaient arrivés de

8 territoires autres vers le territoire de Ljubovija, et ces canons-là ont

9 été tournés vers Bratunac.

10 Question: Ecoutez, Monsieur Becirevic, je vous en prie, vous avez présenté

11 ici des papiers parlant de la création de cette municipalité serbe de

12 Bratunac.

13 Réponse: Oui.

14 Question: Ensuite, vous avez parlé de canons… que des pièces d'artillerie

15 de certaines forces -par "certaines forces", on entend l'armée populaire

16 yougoslave- étaient dirigées vers Bratunac. Puis, vous indiquez que

17 l'armée populaire yougoslave a aidé les Serbes. C'est bien ce que vous

18 avez dit?

19 Réponse: En 1991, au mois de décembre, il a été créé une municipalité

20 serbe à Bratunac en dépit du fait qu'il existait une municipalité légale à

21 Bratunac. En outre, il a été mis sur pied un gouvernement serbe en dépit

22 du fait qu'il y ait eu un gouvernement légal, à savoir un conseil exécutif

23 dans cette municipalité. On a procédé à tous les préparatifs nécessaires

24 pour l'occupation de Bratunac par les Serbes.

25 Question: Ecoutez, je vous en prie, Monsieur Becerevic, pour ce qui est

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1 des préparatifs qui ont été réalisés ce n'est pas la question que je vous

2 pose. Vous avez indiqué que des canons, des pièces d'artillerie et des

3 chars étaient tournés vers Bratunac. Est-ce que ces pièces lourdes ont

4 ouvert le feu en direction de Bratunac?

5 Réponse: En 1991 et, ultérieurement, dans le courant du printemps 1992,

6 ils n'ont pas ouvert le feu. Mais il a suffi que les canons des armes

7 soient tournés vers Bratunac et les environs de Bratunac pour faire peur à

8 la population.

9 Question: Donc cette explication est mise en fonction d'une assertion

10 disant que la disposition des unités de la JNA qui ont existé depuis des

11 dizaines d'années à Ljubovija, c'était en fait pour faire peur à la

12 population même s'ils n'ont pas ouvert le feu, et ces chars ces pièces

13 d'artillerie n'ont jamais été utilisés, n'ont jamais ouvert le feu. C'est

14 exact ou pas?

15 Réponse: Mais il a suffi que les canons soient tournés vers Bratunac, cela

16 indiquait clairement ce que l'on se préparait à faire.

17 Question: Mais à Bratunac il y avait des Serbes et des Musulmans. Les uns

18 et les autres devaient donc avoir très peur de ces canons tournés vers

19 eux. Les obus ne peuvent pas choisir qui ils vont tuer: des Serbes ou des

20 Musulmans.

21 M. Becirevic (interprétation): Je n'ai pas dit qu'ils ont ouvert le feu.

22 M. Milosevic (interprétation): Mais comme vous n'avez pas dit qu'ils ont

23 ouvert le feu, ne perdons pas davantage notre temps.

24 Dites-moi, je vous prie, en page 2 de votre déclaration, paragraphe 3,

25 vous dites qu'à partir du recensement de la population, il y avait 33.500

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1 habitants…

2 M. le Président (interprétation): Vous lisez trop vite, d'après ce que

3 nous disent les interprètes.

4 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que je dois reprendre ma question?

5 M. le Président (interprétation): Oui.

6 M. Milosevic (interprétation): "Partant du recensement effectué en 1991,

7 il y a eu 33.500 habitants, Là-dessus 64% de Musulmans, 33% de Serbes et

8 le reste étant les autres". C'est bien cela?

9 M. Becirevic (interprétation): Ce sont les chiffres qui découlaient du

10 recensement de 1991, en effet.

11 Question: Bien. En page 2, paragraphe 5, vous indiquez que vers la fin de

12 1989 on a commencé à sentir des tensions, la présence de tensions et que

13 vous… Je suppose que "vous" sous-entend que les Musulmans avaient commencé

14 à écouter une propagande serbe disant que les Serbes étaient en train

15 d'être expulsés, et qu'en réalité selon vous, les Serbes quittaient

16 Bratunac pour rechercher du travail ailleurs. C'est ce que vous avez dit?

17 Réponse: Messieurs les Juges, ceci est un fait incontestable, il y a eu

18 des tentatives de la part de la propagande serbe pour présenter les

19 départs des Serbes comme étant des départs faits sous la pression. Il

20 s'est avéré qu'il n'y a pas eu de pression, mais que les gens partaient

21 pour des raisons économiques, ailleurs.

22 Question: Donc ils allaient rechercher du travail ailleurs, c'est la

23 raison pour laquelle ils s'en allaient; c'est ce que vous dites?

24 Réponse: Oui.

25 Question: A la même page, au paragraphe 3, vous avez indiqué -je suis en

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1 train de prendre des fractions de ce que vous dites-: "Mais les Serbes ont

2 gardé les positions, les postes de directeur, les postes de

3 gestionnaires".

4 Réponse: Oui. C'est ce que j'ai dit au sujet des entreprises publiques,

5 j'ai dit qu'il y en avait une vingtaine et que 80% des postes étaient

6 détenus par des Serbes.

7 Question: Donc les Serbes, qui étaient deux fois moins nombreux que les

8 Musulmans, avaient détenu tous les postes de direction? Et les Serbes

9 n'étaient pas chassés, mais s'en allaient de Bratunac vers la Serbie pour

10 rechercher du travail; c'est bien cela?

11 Réponse: J'entendais, dans mes dires, des entreprises publiques. J'ai dit

12 que les fonctions clés étaient détenues, étaient entre les mains des

13 Serbes dans 80% des cas; c'est ce que je puis redire à présent.

14 Question: Etant donné que vous avez fait des études de droit et que vous

15 avez travaillé à l'assemblée municipale, vous devriez savoir qu'en 1931,

16 il y avait à Bratunac plus de 50% de Serbes et que la population musulmane

17 était minoritaire?

18 Réponse: Ces données-là ne me sont pas connues. Moi, à compter de 1991,

19 j'ai fait partie de la commission chargée du recensement; ce sont les

20 renseignements que j'ai communiqués. Maintenant, de là à savoir ce qui

21 s'était passé 50 ans auparavant, je ne peux vraiment pas en parler.

22 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais saviez-vous que, juste après la

23 Deuxième Guerre mondiale, pour des raisons qui ne relèvent pas de

24 l'intérêt de la Chambre ici présente...

25 M. le Président (interprétation): Mais il ne peut pas, il ne peut pas

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1 parler de cette période; il est né en 1951. Donc allons de l'avant.

2 M. Milosevic (interprétation): Je le sais. J'allais justement dire que ce

3 sont là des raisons qui ne vous intéressaient pas du tout. Je suppose que

4 M. Becirevic, lui, qui a fait des études de droit, devrait savoir qu'en

5 1950, après le départ des Serbes chassés de là, leur nombre excédait les

6 50% par rapport à la population totale de la région de Bratunac. Le

7 saviez-vous, cela?

8 M. le Président (interprétation): Il a répondu, il a traité de la question

9 et il a dit qu'il n'était pas au courant de ces renseignements. Je ne vois

10 pas où est la pertinence de ce que vous êtes en train d'avancer. Allons

11 donc de l'avant.

12 M. Milosevic (interprétation): Donc, entre-temps, de 50%, ils sont devenus

13 une trentaine de pour-cent, en dépit du fait que les Serbes aient maintenu

14 des positions dirigeantes ou de gestionnaires.

15 M. le Président (interprétation): Cela n'a aucune pertinence, cela ne fait

16 pas partie des éléments de preuve.

17 M. Milosevic (interprétation): Bien. Est-ce que vous savez qui est

18 Djordjevic Sead?

19 M. Becirevic (interprétation): Je le connais.

20 Question: Est-il exact de dire qu'il était directeur de l'entreprise

21 "Vihor"?

22 Réponse: Je me ferai un plaisir de répondre à cette question. Il s'agit

23 d'une entreprise publique. Vous voudriez faire la différence entre

24 entreprise publique et entreprise privée. Vous êtes juriste, tout comme

25 moi; vous savez que, dans les entreprises publiques telles que le cas de

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1 "Vihor", ce sont les ouvriers qui décidaient qui occuperait les fonctions

2 de directeur parce que… et à ces postes-là, il y avait des Serbes et des

3 Musulmans. Mais ne restaient là que ceux qui étaient les plus aptes à

4 faire fonctionner l'entreprise, c'est-à-dire à assurer des salaires à

5 l'intention des salariés, des ouvriers.

6 Question: Moi, je ne vous ai pas posé cette question-là. Vous avez parlé

7 de discrimination au détriment de Musulmans, et lui était à la tête de

8 cette entreprise "Vihor". Maintenant, le directeur de l'entreprise

9 "Kaolin", n'était-ce pas Fahro Djordjevic?

10 Réponse: Je vous dis que ce sont les ouvriers qui choisissaient les

11 directeurs de leur entreprise, parce que ceux-ci étaient censés assurer

12 des salaires à la fin de tous les mois.

13 Question: Ecoutez, je ne vous demande pas si c'est le conseil ouvrier qui

14 les nommait à leurs fonctions. Je vous ai demandé si ces hommes-là étaient

15 directeurs de ces entreprises.

16 Réponse: Ils étaient directeurs parce qu'ils étaient capables d'assurer

17 des salaires à l'intention des ouvriers, tant serbes que musulmans.

18 Question: Mais oui. Mais nous ne discutons pas de leurs capacités, de

19 leurs aptitudes professionnelles. Mujo Mujicic n'était-il pas directeur de

20 l'usine de céramique, lui aussi?

21 Réponse: Oui, la même réponse. Oui. Ce sont les ouvriers qui ont décidé de

22 la chose.

23 Question: Mais Edo Ahmic n'avait-il pas été directeur de l'usine de carton

24 "Kartonaza"?

25 Réponse: Ce sont les ouvriers qui en ont décidé. Moi, j'ai parlé des

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1 entreprises publiques. Et si vous...

2 Question: Mais, écoutez, ce sont là des entreprises publiques, ce ne sont

3 pas des entreprises privées; ni l'usine de carton, ni "Kaolin, ni "Vihor"

4 n'étaient des entreprises publiques. L'entreprise "Feros" n'avait-elle pas

5 un directeur musulman, Cazim...?

6 (L'interprète n'a pas entendu le nom.)

7 Réponse: Srebrenica. Cazim Avdic.

8 Question: Et Enver Hekic n'était-il pas directeur de l'entreprise

9 "Autotransport"?

10 Réponse: Je ne sais pas.

11 M. Milosevic (interprétation): Et Nihad Besic n'est-il pas…

12 M. Becirevic (interprétation): Je ne le sais pas.

13 M. le Président (interprétation): Mais écoutez, ceci est un procès pour

14 crimes de guerre. En quoi cela nous concernerait-il de savoir qui était

15 directeur d'une usine de carton? Qu'est-ce que cela a à voir?

16 M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur May, précisément parce que

17 l'on veut laisser entendre qu'il y a eu une discrimination au détriment

18 des Musulmans. Je me suis procuré ces renseignements pour illustrer…

19 M. le Président (interprétation): Très bien. Mais vous pouvez le dire en

20 bref; nous n'avons pas besoin de toutes ces séries de détails. Alors, si

21 vous parlez de discrimination à l'égard de Musulmans dans Bratunac, est-ce

22 que c'est ce que vous avez dit, qu'il y a eu discrimination avant le

23 conflit?

24 M. Becirevic (interprétation): Messieurs les Juges, quand il s'agit

25 d'entreprises publiques, oui. Et je l'affirme encore à présent. Je vous

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1 donnerai quelques exemples.

2 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, je vous interromps.

3 J'essaie d'abréger.

4 Est-il exact, d'après ce que l'accusé est en train de dire, que des

5 Musulmans avaient été à la tête de ces entreprises, les entreprises qu'il

6 a désignées?

7 M. Becirevic (interprétation): Messieurs les Juges, lorsqu'il s'agit

8 d'entreprises publiques, j'ai répondu à la question. Il y a eu des

9 discriminations dans les entreprises publiques où toutes les fonctions

10 dirigeantes étaient entre les mains ses Serbes.

11 M. Milosevic (interprétation): Mais qu'est-ce que vous entendez par

12 "entreprises publiques"? Vous parlez de la voirie, le nettoyage des rues,

13 l'alimentation en eau potable?

14 M. Becirevic (interprétation): Ecoutez, il y avait deux banques à

15 Bratunac.

16 Question: Mais une banque, c'est une entreprise publique. Et la mine de

17 Sase, ce n'est pas une entreprise publique?

18 Réponse: Ça, c'est à Srebrenica. Le service de comptabilité publique, la

19 poste, ce sont là les quatre (sic) entreprises publiques les plus

20 importantes; c'est par là que transitait l'argent et c'est là que les

21 transactions monétaires s'opéraient, tant de la part des Serbes que des

22 Musulmans. Et ce sont les Serbes qui avaient ces fonctions-là; et cela

23 aura des conséquences très néfastes pour les Musulmans, une fois que le

24 conflit éclatera.

25 Question: Très bien. Très bien. Mais comme je vous ai cité ces

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1 entreprises, je peux vous en citer bien d'autres à Bratunac. Pas quelques-

2 unes, comme semble le dire M. May, mais pratiquement toutes ces

3 entreprises où il y avait à la tête des Musulmans.

4 Donc, où voyez-vous une prédominance des Serbes au niveau des postes de

5 gestion ou de directeurs? Parce que la grande majorité de ces postes était

6 détenue par des Musulmans à Bratunac.

7 Réponse: Ce n'est pas exact, je n'ai pas parlé de cela. Je parle des

8 entreprises publiques qui étaient au nombre d'une vingtaine et nous,

9 Musulmans, avons demandé que le partage se fasse à moitié, 50%-50%,

10 conformément au résultat des élections 1990. Mais nous n'avons jamais

11 réussi à réaliser cela.

12 Question: Bien, Monsieur Becirevic. Je comprends. Ce que vous avez demandé

13 était quelque chose de non conforme aux principes. N'est-il pas exact de

14 dire que Nijaz Dubicic -un Musulman encore- était à la tête de l'assemblée

15 municipale?

16 Réponse: Oui, Nijaz a été le Président de l'assemblée municipale, mais

17 Rodoljub Djukanovic était Président du conseil exécutif.

18 Question: Mais moi, je vous demande qui était le Président de l'assemblée

19 municipale; je ne vous ai pas demandé pour le conseil exécutif. Alors je

20 vous pose une question et vous dites: "Oui, mais".

21 Réponse: Oui, mais c'était conforme aux résultats électoraux.

22 Question: Mais c'était un Musulman, Senad Hodzic, n'était-il pas musulman

23 et chef de la police?

24 Réponse: Oui, mais le commandant c'était un certain Mandic Nikola.

25 Question: Mais vous me répondez de la même façon.

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1 Réponse: Les deux ont été révoqués lorsqu'il y a eu assassinat dont vous

2 avez parlé à Kravica, à Stajica.

3 Question: Bien, à Stajica. Mais on a révoqué tant le Serbe que le

4 Musulman; c'est donc ces deux responsables de la police d'après ces

5 incidents. C'est vrai ou faux?

6 Réponse: C'est exact, mais c'est seulement, c'était pour calmer la

7 situation.

8 Question: Le Président de l'assemblée municipale, le chef du SUP, le chef

9 du département municipal chargé de la Défense nationale et de la Défense

10 populaire généralisée, c'était vous?

11 Réponse: J'étais secrétaire du secrétariat.

12 Question: Appelez-le comme vous voulez; c'est la même chose. Secrétaire du

13 secrétariat ou chef du département, c'est la même chose. Vous étiez chargé

14 de la défense. Le chef de la TO c'était Sabit Mujikic, n'est-ce pas ou

15 pas?

16 Réponse: Ecoutez, laissez-moi vous dire. Le gouvernement, à savoir le

17 conseil exécutif, il y avait trois Serbes et trois Musulmans, vous pouvez-

18 vous imaginer comme cela fonctionnait. Cela ne fonctionnait pas, il y

19 avait un blocage grâce à qui? Grâce au SDS.

20 Question: Oui, il est évident que le SDS, d'après vous, a fait tout ceci.

21 La SDA, le parti du SDA, n'a rien fait quant à lui, du tout.

22 (Les Juges se concertent sur le siège.)

23 Soit, dites-moi maintenant: est-il exact ou pas que vous avez monté de

24 toutes pièces cette prédominance au niveau des postes de direction à

25 Bratunac? N'avez-vous pas inventé cela?

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1 Réponse: Je n'ai rien inventé, c'est un fait.

2 M. Milosevic (interprétation): De quelle prédominance de Serbes à l'égard

3 des Musulmans parlez-vous?

4 M. le Président (interprétation): Non, nous avons épuisé ce sujet, passons

5 à autre chose.

6 M. Milosevic (interprétation): N'est-il pas exact de dire que vous avez

7 inventé aussi le fait qu'il y ait eu des raisons économiques motivant le

8 départ des Serbes de Bratunac?

9 M. Becirevic (interprétation): Ce n'est pas exact. Il y a eu une

10 conférence avec la présence d'un millier de citoyens tant Serbes que

11 Musulmans. On a constaté la chose et on a conclu qu'il n'y avait pas de

12 départ de Serbes sous pression, mais que les raisons économiques ont été

13 celles qui motivaient les départs des uns et des autres. Dans Konjevic

14 Polje, il y avait une maison sur deux où les hommes étaient partis

15 travailler en Suisse.

16 Question: Donc ils n'ont pas été chassés par les Serbes? Fort bien.

17 Mais vous dites, au cours des réunions qui ont suivi, nous, au SDA, nous

18 avons essayé de faire accepter, de faire passer certaines décisions pour

19 ce qui est de la révocation de certains directeurs des entreprises

20 publiques, car ils étaient tous des Serbes. Donc vous aviez pris des

21 décisions de révoquer des directeurs parce qu'ils étaient Serbes?

22 Réponse: Nous ne pouvions pas prendre ce type de décision. Seule

23 l'assemblée municipale pouvait le faire; mais comme elle était

24 complètement bloquée, aucune décision depuis sa création n'a su être prise

25 ou se réaliser sans l'approbation du SDS.

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1 Question: Moi, je vous cite ce que vous avez dit. Les dernières lignes de

2 la page 3: dans le courant des réunions que vous avez tenues, vous dites

3 que vous avez essayé de prendre des décisions afférentes à la révocation

4 de certains directeurs des entreprises municipales parce qu'ils étaient

5 serbes. Vous n'avez pas réussi à le faire. Pourquoi vouliez-vous le faire?

6 Parce que c'étaient des Serbes ou parce qu'ils étaient inaptes?

7 Tout à l'heure, vous disiez que le critère pour le directeur, c'était

8 l'aptitude professionnelle et non pas le fait d'être serbe ou musulman.

9 Et, maintenant, vous dites que vous vouliez les révoquer parce qu'ils

10 étaient serbes?

11 Réponse: Non, pas nous. C'était l'assemblée municipale qui devait le

12 faire, là où siégeaient des Serbes et des Musulmans. Mais comme cela ne

13 convenait pas aux Serbes, ils ont fait tout pour que ces Serbes restent

14 là.

15 Question: Donc ils étaient aptes, mais leur seul défaut c'était le fait

16 d'être serbes?

17 Réponse: Ce n'est pas exact, il s'agissait d'un homme qui était directeur

18 du SDK, c'est-à-dire du service de comptabilité publique, qui avait placé

19 tous les fonds financiers à la disposition du SDS.

20 Question: Mais comment se peut-il que quelqu'un chargé des paiements,

21 confie des fonds à une partie… à quelqu'un qui n'en est pas le

22 propriétaire?

23 Réponse: C'est ce qui s'est passé. Les documents ont clairement montré,

24 malheureusement, que les gens qui avaient versé des contributions pour les

25 fonds de retraite; eh bien, après la guerre, on a déterminé que ces fonds

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1 financiers qui sont passés par le SDK de Bratunac n'ont jamais abouti là

2 où ils devaient aboutir à Tuzla, mais que ces fonds avaient disparu tout

3 simplement.

4 Question: Nous n'avons pas le temps de parler de vol d'argent dans une

5 filiale du SDK ou d'une banque quelconque; parce que ce sont là des volets

6 tout à fait autres.

7 Moi, j'ai beaucoup de questions à vous poser et le temps mis à ma

8 disposition est très court. Maintenant, s'il y a eu des voleurs qui ont

9 volé de l'argent, c'est une question tout à fait différente.

10 Vous dites qu'il y a eu intensification des tensions lorsque les Serbes,

11 qui passaient par autocar et en auto à Bratunac, avaient affiché ma photo

12 à leur pare-brise?

13 Réponse: Malheureusement, cela s'est fait au niveau de tous les véhicules

14 qui venaient de Ljubovija, il y avait votre photo dessus; et chez les

15 Bosniens cela créait du mécontentement. On a cassé des pare-brises en

16 conséquence. C'est ainsi que cela s'est passé.

17 Question: Mais vous avez dû lire les journaux. Vous êtes juriste, vous

18 lisiez les journaux à l'époque je suppose. Ne savez-vous pas que, dans les

19 journaux, je me suis adressé au public? Et je suis peut-être le seul homme

20 politique à l'époque en Yougoslavie qui, officiellement, dans les journaux

21 avait demandé de pas afficher ma photo, car ces temps-là étaient des temps

22 révolus et que les temps à l'époque étaient des temps nouveaux où les gens

23 devaient être sur pied d'égalité et je leur demandais de pas le faire.

24 Avez-vous lu cela?

25 Réponse: Je n'ai pas lu cela. Ce que je sais, c'est que vos photos étaient

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1 affichées partout à Bratunac dans les établissements publics dans les

2 bureaux, et vous n'étiez pas un homme d'Etat en Bosnie-Herzégovine, à ce

3 moment-là.

4 Question: Bien sûr que non! Je ne l'ai jamais affirmé.

5 Vous dites -en page 3, paragraphe 2- que le SDS de Bratunac a été créé en

6 novembre 1990; c'est bien ce que vous dites, n'est-ce pas? Cela ne montre-

7 t-il pas… Parce que tout à l'heure, nous avons parlé de la date de

8 création du SDA. Donc cela signifie que le Parti démocratique serbe a été

9 créé cinq mois après la création de votre parti musulman, cinq mois après

10 la création du vôtre?

11 Réponse: Ce n'est pas exact. On parle ici des assemblées. Et l'assemblée

12 fondatrice du SDA s'est faite en septembre; celle du SDS s'est tenue tout

13 de suite après, l'assemblée constituante. Et les initiatives, pour ce qui

14 est de la création de ces partis, se sont faites en même temps, vers les

15 mois de mai ou juin.

16 Question: Ecoutez, Monsieur Becirevic, moi, je ne fais que lire ce que

17 vous avez rédigé. Page 3, paragraphe 2: vous dites que le Parti

18 démocratique serbe de Bratunac a été créé en novembre 1990, cinq mois

19 après la création du SDA. Nous avons la date que vous avez avancée pour le

20 SDA et nous avons celle-ci, et il y a cinq mois d'écart entre les deux.

21 Réponse: Il n'en est pas ainsi. C'est ainsi que vous avez compris les

22 choses. Il s'agissait d'assemblée constituante.

23 Question: Mais vous dites également que vous étiez présent à l'assemblée

24 constituante du SDS?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Et sur l'ensemble de ce qui s'est dit, vous avez gardé en

2 mémoire une partie du discours d'un certain Veli Borostojic…?

3 Réponse: Oui.

4 Question: …qui a dit que les Musulmans avaient pour plan de relier la

5 Bosnie avec le Sandzak. Le Sandzak étant une partie de la Serbie, n'est-ce

6 pas? C'est ce que vous avez déclaré?

7 Réponse: Oui. Qu'y a-t-il de contestable, là?

8 Question: Donc vous affirmez que vous n'avez pas manifesté votre

9 revendication qui consistait à relier le Sandzak avec la Bosnie. Mais ne

10 savez-vous pas que la Ligue patriotique, dont vous dites avoir été

11 responsable, avait des départements chargés… l'un pour le Sandzak et

12 l'autre pour le Kosovo, quoique le Sandzak et le Kosovo soient l'un et

13 l'autre en Serbie? Sont-ce là des faits exacts ou pas, des faits

14 véridiques ou pas?

15 Réponse: C'est en partie véridique.

16 Question: Ah! C'est en partie vrai? Dites-moi, étant donné que vous et

17 certains autres témoins ont expliqué ici que "Arkan", avec ses 25 hommes

18 qui sont allés à Bijeljina réaliser une agression contre la Bosnie-

19 Herzégovine… Mettons de côté le fait de savoir quel type d'Etat peut se

20 faire agresser par 25 hommes. Mais savez-vous combien de milliers de

21 Musulmans du Sandzak, donc de Serbie, se sont battus dans les rangs de

22 l'armée de Bosnie-Herzégovine contre les Serbes de Bosnie-Herzégovine?

23 M. Becirevic (interprétation): Je ne suis pas au courant de ces

24 renseignements-là. Je ne sais pas combien de gens du Sandzak sont venus se

25 battre dans les rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

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1 M. Milosevic (interprétation): Mais eux, ont-ils été envoyés par des

2 autorités de Serbie pour se battre du côté des effectifs de l'armée de

3 Bosnie-Herzégovine?

4 M. le Président (interprétation): Non, cela n'a rien à voir avec le

5 témoignage de ce témoin. Allez vers un autre sujet.

6 M. Milosevic (interprétation): Vous dites qu'en août 1991, vous-même, en

7 votre qualité de secrétaire au secrétariat à le Défense nationale, vous

8 avez mis à l'abri les fichiers militaires. Pourquoi l'avez-vous fait?

9 M. Becirevic (interprétation): Je l'ai fait suite aux instructions du

10 ministère de la Défense de Sarajevo, parce que nous avons été informés de

11 l'arrivée imminente de représentants de l'armée populaire yougoslave pour

12 se saisir de ces fichiers-là.

13 Question: Mais ne saviez-vous pas que ces fichiers étaient censés être

14 récupérés par la JNA, suite à une décision de la Présidence de la RSFY?

15 Réponse: Ce n'est pas exact, parce que sinon un tel ordre me serait

16 parvenu; à savoir le Président de l'assemblée municipale, le Président du

17 conseil exécutif ou moi-même devions recevoir cet ordre sur nos bureaux.

18 Mais jamais un ordre de cette nature ne nous est parvenu. Il est venu à

19 moi des représentants de la cellule de crise du SDS pour me demander

20 ultimativement (sic) de leur remettre ce fichier, chose que je ne pouvais

21 pas faire.

22 M. Milosevic (interprétation): Mais en même temps...

23 M. le Président (interprétation): Non. Je vais vous interrompre. Parlez un

24 à la fois. N'oubliez pas qu'il y a, entre vous, des interprètes.

25 M. Milosevic (interprétation): Bien. Pendant une certaine période, vous

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1 avez dit aux Musulmans de refuser d'obtempérer lorsqu'ils recevaient une

2 convocation de l'armée, n'est-ce pas?

3 M. Becirevic (interprétation): Oui, c'est exact. C'était en 1991, pendant

4 la guerre en Croatie. Et on savait très bien que ces jeunes gens allaient

5 être envoyés sur les théâtres de guerre en Croatie; je le sais

6 personnellement.

7 Question: Mais vous étiez le chef du secrétariat à la Défense nationale et

8 vous ne vouliez pas que les jeunes gens entrent dans l'armée; donc vous

9 faisiez obstruction, vous alliez à l'encontre de la tâche qui était la

10 vôtre sur le plan professionnel, n'est-ce pas? Si vous n'aviez pas dit aux

11 Musulmans de refuser d'obtempérer, pourquoi est-ce que… Si vous disiez aux

12 Musulmans de ne pas obtempérer, pourquoi est-ce que vous ne lanciez pas le

13 même avertissement à l'égard des Serbes?

14 Réponse: Croyez-moi, Monsieur le Président et Messieurs les Juges, c'était

15 la cellule de crise du SDS qui est venue me voir et m'a demandé, d'une

16 façon qui ressemblait à un ultimatum, de remettre les fichiers. On m'a

17 dit: "Si vous, les Musulmans, vous ne souhaitez pas aller vous battre en

18 Croatie, donnez-nous au moins les fichiers des Serbes.".

19 Ils souhaitaient, en fait, faire la guerre et ils voulaient lancer leur

20 mobilisation. Je ne pouvais pas répondre de façon positive à une telle

21 demande de la cellule de crise du SDS.

22 Question: Fort bien. Mais en même temps, vous présentez votre activité

23 comme une espèce d'obstruction anti-guerre à la mobilisation, ce fait de

24 cacher les fichiers militaires; c'est bien cela?

25 Réponse: Mon objectif venait du fait qu'il s'agissait de jeunes gens

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1 innocents et qu'il ne fallait pas qu'ils aillent se battre en Croatie.

2 Donc je m'en tiens à ce que j'ai dit, à savoir que j'ai agi sur

3 instruction du ministère de la Défense. Et mon objectif était d'empêcher

4 la mobilisation.

5 Question: Fort bien. Donc il y avait des instructions venant du ministre

6 de la Défense de Bosnie-Herzégovine à cet effet?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Mais en même temps, vous étiez activement en train d'armer la

9 population musulmane de Bratunac, n'est-ce pas, Monsieur Becirevic?

10 Réponse: Ceci est inexact.

11 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. J'ai un document ici à votre

12 intention; il vient du centre de sûreté publique de Tuzla, Bosnie-

13 Herzégovine, et on lit le numéro de référence 0303-766. Il s'agit du

14 travail opérationnel à mener sur le terrain, le 31 août et le 1er

15 septembre de cette année 1991. Et nous lisons ce qui suit -je cite-: "Nous

16 avons reçu divers renseignements." (Fin de citation.) J'insiste: c'est en

17 1991.

18 Je cite: "Il n'y a pas de guerre, pas de conflit. Rien ne se passe". Nous

19 sommes à la mi-1991.

20 Maintenant commence la citation: "Nous avons reçu divers renseignements

21 qui indiquent que dans les municipalités de Bratunac et de Srebrenica, se

22 mène à bien, en permanence, un approvisionnement illégal et une

23 distribution illégale d'armes et de munitions, ainsi que la diffusion de

24 rumeurs de désinformation qui perturbent la loi et l'ordre. Et des

25 patrouilles et des barrages sont également mis en place.

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1 Nous avons été informés par nos sources -Azem Dzanic, membre du Parti de

2 l'action démocratique de Bratunac, ainsi que Dzemail Becirevic, secrétaire

3 au Secrétariat chargé de la Défense nationale de Bratunac, et un certain

4 Safet, directeur du poste vétérinaire de Bratunac, le Président du comité

5 municipal du Parti de l'action démocratique étant au courant, je veux

6 parler de Nezir Muratovic, chef du poste de sûreté publique de Bratunac,

7 et d'autres membres de la direction de ce parti- qu'une voiture officielle

8 avec immatriculation "ZV" -c'est-à-dire Zvornik- "26200", propriété du

9 secrétariat municipal à la Défense nationale de Bratunac, était utilisée

10 pour distribuer des armes en provenant de Sarajevo, à partir du QG du

11 Parti de l'action démocratique, qui ont ensuite été distribuées à des

12 personnes d'appartenance ethnique musulmane sur le territoire de cette

13 municipalité.

14 Donc deux mois auparavant, 24 pistolets ont été transportés de cette

15 façon. Et plus tard, il est dit que le prix de ces armes était de 15.000

16 dinars pièce. Un certain nombre de personnes, avec Sead Hadziabdic,

17 propriétaire du restaurant "Le Royal", vende ces armes à Dzanic –là, on a

18 encore un autre Dzanic, musulman- au prix de 1.500 deutschemarks à

19 Drinjaca, dans la municipalité de Zvornik". (Fin de citation.)

20 Alors, cette personne surnommée "Taram", de Konjevic Polje, propriétaire

21 d'un restaurant, ainsi que Sead Hadziabdic…

22 M. le Président (interprétation): Je vais vous interrompre. C'est beaucoup

23 trop long. Un instant, je vous prie.

24 Monsieur le Témoin, des allégations viennent d'être proférées. Elles

25 consistent à dire qu'en septembre 1991, Monsieur, vous étiez occupé à

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1 faire pénétrer des armes en provenance de Sarajevo à Bratunac et que vous

2 procédiez à leur distribution. Y a-t-il la moindre exactitude dans ces

3 allégations?

4 M. Becirevic (interprétation): Monsieur le Président, il n'y a aucune

5 exactitude dans ces allégations. De Sarajevo à Bratunac, il y a… quoi? 135

6 à 140 kilomètres? Alors, imaginez que quelqu'un parte de Sarajevo en

7 transportant des armes, alors que des dizaines de patrouilles policières

8 pouvaient arrêter son véhicule; et dans ce cas, cette personne aurait

9 risqué l'arrestation et l'emprisonnement. Vraiment, personne n'aurait

10 imaginé d'agir de cette façon, surtout au volant d'un véhicule de marque

11 "Yugo", qui est une toute petite voiture. Moi, je n'aurais jamais imaginé

12 agir de cette façon.

13 M. Milosevic (interprétation): En général, c'est ainsi que ce genre de

14 chose se fait, avec un véhicule civil. J'ai lu ici le numéro

15 d'immatriculation de ce véhicule qui appartenait à votre secrétariat. Et

16 ce document que j'ai entre les mains vient du centre de sûreté publique de

17 Tuzla.

18 M. Becirevic (interprétation): Mais écoutez, si ceci avait été vrai, si ce

19 rapport existait, pourquoi est-ce que nous n'avons pas été arrêtés?

20 Pourquoi est-ce que la distribution n'a pas été arrêtée? Pourquoi est-ce

21 que les preuves n'ont pas été apportées? Tout cela, ce ne sont que des

22 insinuations. Il n'y a rien de vrai dans tout cela.

23 M. Milosevic (interprétation): Je demande le versement au dossier de ce

24 document au titre d'élément de preuve.

25 M. le Président (interprétation): Veuillez remettre ce document au témoin.

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1 M. Milosevic (interprétation): Voilà. Je peux le faire passer au témoin.

2 Monsieur le Témoin, lisez ce qui est écrit ici. Mes questions… Les

3 passages qui font l'objet de mes questions ont été surlignés. Moi, lorsque

4 je remets un document, c'est toujours l'intégralité du document. Donc on

5 peut lire également ce qui entoure le passage surligné.

6 (Intervention de l'huissière.)

7 M. Becirevic (interprétation): J'ai répondu à cette question. J'ai dit

8 qu'il n'y avait aucune exactitude, aucune, dans ce passage.

9 M. le Président (interprétation): Fort bien.

10 Monsieur Groome, enregistrement à des fins d'identification?

11 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

12 M. le Président (interprétation): Est-ce que c'est un document qui a été

13 remis à l'accusé par l'accusation ou est-ce que c'est un document que

14 l'accusé s'est procuré...

15 M. Groome (interprétation): C'est un document qui a été remis par

16 l'accusation, mais je n'ai aucune idée de sa provenance. Je pourrais

17 procéder à quelques recherches à ce sujet.

18 M. Milosevic (interprétation): J'ai donné une lecture précise de ce qui

19 figure dans ce texte, Monsieur May. Et vous pouvez comparer, puisque ce

20 document est traduit. Mais c'est un document de l'accusation.

21 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous allons affecter à ce

22 document un numéro d'enregistrement à des fins d'identification.

23 Mme Anoya (interprétation): Pièce à conviction de la défense n°130,

24 Monsieur le Président, enregistrée à des fins d'identification.

25 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Becirevic, continuez-vous à

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1 prétendre qu'au cours de l'été 1991, vous n'avez participé en aucune façon

2 à l'armement illégal des Musulmans dans la municipalité de Bratunac?

3 M. Becirevic (interprétation): Il est inexact que j'aie participé à de

4 telles activités.

5 Question: Fort bien. Est-il exact que toute cette farce, le fait de cacher

6 les fichiers militaires, le 27 août, n'était pas une activité dirigée

7 contre la guerre, mais simplement destinée à ouvrir un nouveau front en

8 Bosnie?

9 Réponse: Ceci est inexact. De notre côté, nous avons caché ces fichiers

10 militaires, et j'ai déjà dit quels étaient nos objectifs lorsque nous

11 avons agi de cette façon. L'objectif de la cellule de crise du SDS, par

12 contre, était totalement opposé au nôtre; j'en ai déjà parlé. Je ne

13 souhaiterais pas revenir sur cela. Le cas échéant, je peux donner

14 davantage de détails.

15 Question: Monsieur Becirevic, puisque vous étiez adjoint au commandant

16 chargé des affaires religieuses, je vous demande si vous avez lu "La

17 déclaration islamique". Avez-vous lu ce texte de M. Izetbegovic?

18 Réponse: Non, je ne l'ai pas lu. S'agissant des affaires religieuses, moi,

19 j'étais quelqu'un qui avait d'autres tâches à accomplir au sein de

20 l'unité; et j'avais quelqu'un d'autre qui, pour moi, s'occupait des

21 questions religieuses.

22 Question: Mais cette obstruction dont vous avez été responsable, le fait

23 de cacher les fichiers militaires et le fait de distribuer les armes aux

24 Musulmans, n'était-ce pas, en fait, une façon d'aider le mouvement

25 oustachi qui s'était soulevé en Croatie? N'était-ce pas, en fait, de votre

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1 part, une aide à ce mouvement contre la minorité serbe de Bratunac, de

2 façon à vous donner la supériorité?

3 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je n'ai aucune idée

4 de ce qui vient d'être dit. Aider à l'indépendance de l'Etat de Croatie,

5 je veux dire; au cours de la Deuxième Guerre mondiale, une telle chose

6 s'est passée, si je me souviens bien.

7 M. Milosevic (interprétation): Mais est-ce que cela ne s'est pas reproduit

8 au début de 1990?

9 M. le Président (interprétation): Vous avez encore cinq minutes, Monsieur

10 Milosevic.

11 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je disposais d'une heure 45

12 encore après la pause, puisque j'avais commencé 15 minutes de contre-

13 interrogatoire avant la pause.

14 M. le Président (interprétation): En fait, vous avez eu 5 minutes avant la

15 pause et je pense que vous disposez encore de 20 minutes, en effet.

16 M. Milosevic (interprétation): Nous ne semblons pas nous être bien

17 compris.

18 Monsieur le Témoin, est-ce qu'en page 4 de votre déclaration au paragraphe

19 4, vous ne dites pas vous-même que vous êtes allé voir le ministre Défense

20 de Bosnie-Herzégovine Jerko Doko.

21 Réponse: C'est exact, j'y suis allé.

22 Question: Il vous a dit ce que vous étiez censé faire des fichiers

23 militaires des jeunes recrues. Et comment vous pouviez faire obstruction à

24 l'armée?

25 Réponse: Ce n'est pas Jerko qui m'a reçu. Il n'était pas au travail mais

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1 c'est Munib Bisic son adjoint qui m'a reçu.

2 Question: Fort bien. Munib Bisic, un Musulman, et Jerko Doko était croate,

3 n'est-ce pas?

4 Réponse: Tous deux représentants légaux du ministère de la Défense.

5 Question: Représentants légaux. Et vous étiez également un représentant

6 légal en tant que Musulman; représentant légal qui faisait obstruction à

7 ce qui constituait sa tâche professionnelle et qui a caché des fichiers

8 militaires en allant à l'encontre de ce qu'il était censé faire dans son

9 travail?

10 Réponse: Je les ai cachés à l'armée yougoslave qui souhaitait s'en

11 emparer, rien de plus.

12 Question: Mais que vous a-t-on dit que l'armée yougoslave voulait faire de

13 ces documents?

14 Réponse: On m'a dit ce que j'étais censé faire et ce qui allait se passer

15 si ces documents étaient remis.

16 M. Milosevic (interprétation): Pourquoi est-ce que vous ne vous êtes pas

17 occupé de ce que le secrétariat à la Défense nationale, dans la

18 municipalité de Bratunac, voulait à ce sujet puisque vous n'aviez pas un

19 rôle supérieur au sien?

20 M. le Président (interprétation): Il faut ralentir tous les deux. Pensez

21 aux interprètes.

22 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.

23 Est-il exact que, lorsque vous êtes allé au ministère, on vous a dit qu'il

24 fallait conserver ces documents dans un lieu secret?

25 M. Becirevic (interprétation): On m'a dit que ces documents ne devaient

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1 pas tomber aux mains de l'armée yougoslave.

2 Question: Fort bien. Pourquoi est-ce que vous ne les avez pas donnés aux

3 Serbes lorsqu'ils vous les ont demandés?

4 Réponse: Physiquement, ces documents ne pouvaient pas être partagés en

5 deux, ils étaient organisés par ordre à alphabétique. Ce jour-là, ils les

6 ont demandés immédiatement, je ne pouvais pas les remettre immédiatement.

7 Question: Fort bien. Mais n'est-il pas vrai qu'on vous a demandé seulement

8 une partie de ces fichiers?

9 M. Becirevic (interprétation): Ce jour-là, on me les a demandés pour que

10 l'armée yougoslave ne batte pas en retraite sans avoir rien fait. On m'a

11 dit: "Donnez-nous au moins les documents relatifs aux Serbes".

12 Physiquement, il était impossible de diviser ce fichier en deux

13 immédiatement.

14 M. Milosevic (interprétation): N'est-il pas exact que les incidents du 27

15 août 1991 auraient pu ne pas avoir lieu si vous aviez remis leur fichier

16 aux Serbes ce qu'ils demandaient? Il ne s'agit pas uniquement de listes.

17 M. le Président (interprétation): Le témoin ne peut pas répondre à cette

18 question qui est hypothétique. Il a répondu qu'il était impossible de

19 diviser les fichiers en deux.

20 M. Milosevic (interprétation): Est-il exact que ces fichiers n'étaient pas

21 composés uniquement de listes, comme vous essayez de le dire, mais que

22 chaque jeune recrue avait une fiche lui correspondant?

23 M. Becirevic (interprétation): Chaque jeune recrue avait une fiche à son

24 nom, mais ces fiches étaient organisées par ordre alphabétique, donc on ne

25 savait pas immédiatement qui était serbe, qui était musulman. Et le

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1 fichier était très important; il pesait 30 kilos environ. Il y avait 50 ou

2 100 fichiers au total, donc il fallait regarder chaque fichier un par un,

3 et cela aurait pris sept jours.

4 Question: Combien de jeunes recrues y avait-il dans la municipalité de

5 Bratunac?

6 Réponse: Toutes les jeunes recrues étaient concernées. Tous les jeunes

7 gens en âge de faire leur service militaire.

8 Question: Combien y en avait-il dans vos fichiers de la municipalité de

9 Bratunac?

10 Réponse: Je n'ai pas compté, mais tous les Musulmans et Serbes étaient

11 enregistrés dans la municipalité de Bratunac.

12 Question: Je ne mets pas cela en cause le fait qu'il y ait eu des

13 Musulmans et des Serbes sur ces listes. Je vous demande quel était le

14 nombre de fichiers? Combien y en avait-il au total? C'est un chiffre

15 fondamental vous auriez dû être au courant?

16 Réponse: Je n'ai pas compté. Et croyez moi je ne connais pas ce chiffre,

17 je ne sais pas combien il y en avait au total.

18 M. Milosevic (interprétation): Je ne crois pas cela. Je ne crois pas que

19 vous ne le connaissiez pas mais… Enfin, avançons.

20 En page 6, paragraphe 2, vous dites que les Serbes de Kravica et de

21 Bratunac, après le massacre de deux Musulmans, ont évacué les femmes et

22 les enfants à Ljubovija parce qu'ils avaient peur que les Musulmans se

23 vengent. Est-ce exact?

24 M. Becirevic (interprétation): Ceci était monté de toutes pièces, parce

25 que personne n'était menacé par les Musulmans.

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1 M. le Président (interprétation): C'est le bon moment pour faire la pause,

2 vingt minutes.

3 (L'audience, suspendue à 12 heures 30, est reprise à 12 heures 55.)

4 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, on vous a dit que

5 vous pouviez disposer de deux heures, vous avez déjà utilisé 1 heure 40,

6 il vous reste 25 minutes au total. Ce qui vous donne cinq minutes de plus,

7 Monsieur Milosevic, et aucune possibilité d'obtenir davantage. Ecoutez,

8 avançons.

9 M. Milosevic (interprétation): Je vais donc essayer d'être bref.

10 Monsieur Becirevic, pourriez-vous nous commenter des réponses que vous

11 avez faites? Vous avez dit avoir lancé une attaque sur Kravica, et l'avoir

12 fait parce que vous aviez faim, c'est ce qui figure en page 3, au

13 paragraphe 4 de votre déclaration, n'est-ce pas?

14 M. Becirevic (interprétation): Pour vous répondre par oui ou par non,

15 c'est difficile; car cette question exige une réponse plus nuancée. Mais

16 puisque vous exigez "oui" ou "non", je vous dirai ni oui, ni non, mais les

17 deux.

18 M. le Président (interprétation): Ecoutez, rapidement, pourquoi avez-vous

19 attaqué Kravica et de quelle façon?

20 M. Becirevic (interprétation): Monsieur le Président, à partir du 17 avril

21 1992 jusqu'au 7 janvier 1993 nous étions totalement encerclés; et c'est en

22 raison de cet encerclement total dans lequel nous nous trouvions, et parce

23 que nous n'avions aucune possibilité de recevoir une quelconque aide

24 alimentaire ou une aide de quelque autre forme que ce soit.

25 M. le Président (interprétation): Très bien, très bien.

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1 M. Milosevic (interprétation): Vous avez également déclaré -et je vous

2 cite-: "Nous avons décidé de maintenir un corridor pour les femmes et les

3 enfants qui souhaitaient quitter le village. Lorsque nous avons pénétré

4 dans le village, nous n'y avons trouvé que des soldats qui avaient décidé

5 d'y rester pour se battre." (Fin de citation.)

6 C'est bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas?

7 M. Becirevic (interprétation): Oui.

8 Question: Pouvez-vous me dire d'abord à quelle date vous avez attaqué

9 Kravica?

10 Réponse: Au début du mois de janvier 1993.

11 Question: C'est le 7 janvier 1993 que vous avez fait cette attaque n'est-

12 ce pas, Monsieur Becirevic?

13 Réponse: Oui, c'est cela.

14 Question: Savez-vous que le 7 janvier correspond au Noël orthodoxe? Donc

15 vous avez attaqué le village à Noël?

16 Réponse: C'est tombé comme cela.

17 Question: C'est tombé comme cela. Mais est-il exact également qu'à côté de

18 Kravica vous avez attaqué d'autres hameaux avoisinants: Bacici, Popovici,

19 Mandici (phon.), Popavdice qui, avec Kravica, constituent une population

20 de 2.300 habitants. Et c'est dans cette région que l'on trouve l'église

21 serbe la plus ancienne, construite déjà en 1978, n'est-ce pas?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Donc, à Noël, vous avez attaqué les Serbes. Et vous dites avoir

24 maintenu un corridor destiné aux femmes et aux enfants, mais que par

25 ailleurs ne sont restés que des soldats.

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1 Mais savez-vous par exemple que vous avez assassiné Mara Bozic, né en

2 1909, ce jour-là? Que Kristina Eric, une petite vieille également est

3 morte? Que Risto Popovic, né en 1920, a été tué? Vaso Nikolic, né en 1920

4 également, Mitar Nikolic, né en 1927, Ljubisa Obacki, une femme, également

5 née en 1918, tués aussi; Vladimir Stojanovic, né en 1915, tué également,

6 etc. Vous avez assassiné des petits vieux, des petites vieilles ce jour-

7 là. Et seulement trois soldats… d'ailleurs même pas des soldats, trois

8 hommes en âge de porter les armes, en capacité de se battre? Est-ce que

9 vous savez cela?

10 Réponse: Je ne sais pas, je ne connais pas ces personnes. Vous avez donné

11 lecture de noms, je ne sais pas.

12 Question: Vous ne savez pas qui a été assassiné, tué à Kravica, et vous ne

13 savez pas que c'étaient des petits vieux et des petites vieilles?

14 Réponse: Je ne sais pas si cela correspond à ce que vous dites.

15 M. Milosevic (interprétation): Est-il exact que Naser Oric était à vos

16 côtés avec Zulfo Tursunovic, Ferid Hodzic, Becir Mekanic (phon.), Bajra

17 Osmanovic un surnommé "Mis" (phon.), Hadija Mehulic (phon.), Nedjad Bektic

18 (phon.)…?

19 M. le Président (interprétation): Non, non. Impossible de lire cette liste

20 de noms comme cela. Il est impossible de suivre pour qui ce soit, et

21 surtout pour le témoin. Mais, Monsieur le Témoin, redevenons sérieux.

22 M. Milosevic (interprétation): …

23 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant.

24 Monsieur le Témoin, ce qui est allégué, c'est qu'au cours de cette attaque

25 de vieilles gens ont eu la gorge tranchée. Y a-t-il quelque chose de vrai

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1 dans tout cela?

2 M. Becirevic (interprétation): Il n'y a rien de vrai dans tout cela,

3 Monsieur le Président.

4 M. Milosevic (interprétation): Des documents officiels existent au sujet

5 de toutes ces personnes qui ont été tuées, Monsieur Becirevic?

6 M. Becirevic (interprétation): Je n'étais pas là, je n'ai pas vu de mes

7 yeux, je ne pouvais pas le voir de mes yeux.

8 Question: Vous n'avez pas participé à l'attaque sur Kravica?

9 Réponse: En effet, je n'ai pas participé sur Kravica.

10 Question: Dites-moi, je vous prie: le même jour avez-vous attaqué le

11 village de Siljkovici, près de Kravica?

12 Réponse: Ce village fait partie de la communauté locale de Kravica.

13 Question: Est-ce que tout cela ne relève pas de Konjevic Polje?

14 Réponse: Pendant huit mois pleins, des dizaines de femmes et des enfants

15 ont été tués tous les jours à Konjevic Polje, et c'est à partir de Kravica

16 venait le plus grand nombre d'obus lancés par des canons, des mortiers,

17 des obusiers, etc.

18 Question: Donc, en dehors de ces chars et de ces obusiers et du mal qu'il

19 faisait, vous avez décidé de dévaster l'endroit et d'assassiner ces

20 vieillards et Siljkovici était un autre hameau que vous avez attaqué en ce

21 jour de Noël, n'est-ce pas? Oui ou non?

22 Réponse: C'est une opération militaire classique qui s'est déroulée pour

23 réagir à un massacre. C'était donc une attaque en réaction à l'attaque

24 subie par les nôtres et due aux forces serbes de Bosnie. C'était tout à

25 fait normal sur le plan militaire d'agir de cette façon.

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1 Question: Vous considérez que, militairement, les choses se sont passées

2 de bonne façon. Le 16 janvier, avez-vous attaqué le village de Cosici, où

3 vous avez coupé la gorge à 15 Serbes?

4 Réponse: Je ne connais pas ce village du tout.

5 Question: Ce même jour, avez-vous attaqué le village de Kusici et tué une

6 vingtaine de Serbes également?

7 Réponse: Ces villages se situent autour de Srebrenica, je ne les connais

8 pas.

9 Question: Avez-vous attaqué Skelani et tué 13 Serbes?

10 Réponse: Encore une fois, la municipalité de Srebrenica, je n'en connais

11 pas les villages constitutifs.

12 Question: Donc, vous n'avez pas participé à cette action? Fort bien. Je me

13 posais la question au sujet d'autres villages. Avez-vous participé à une

14 autre attaque le 16 mai 1992, sur Bljecevo?

15 Réponse: Cela n'a rien à voir avec le territoire libre de Konjevic Polje.

16 C'était une communauté locale dans les environs de Srebrenica. Les forces

17 de Konjevic Polje ne pouvaient pas agir de la même façon qu'à Kravica.

18 Question: Mais vous ne savez rien au sujet de la façon dont ce Kosana

19 Zekic, un vieillard du village, a été assassiné le 6 mai en même temps que

20 trois autres Serbes. Un certain Radojko Milosevic a été brûlé vif?

21 Réponse: Ces villages ne sont pas autour de Konjevic Polje, donc ne

22 m'interrogez pas à leur sujet.

23 Question: Vous ne savez pas que le 6 mai est également une fête religieuse

24 orthodoxe, c'est le jour de la Saint-Georges?

25 Réponse: Je répète que tous ces villages se trouvent autour de Srebrenica

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1 et que je ne sais rien à leur sujet.

2 Question: Avez-vous participé à une attaque le 1er juin 1992 contre

3 Oparci?

4 Réponse: Je n'ai jamais entendu parler de ce village d'Oparci.

5 Question: Qu'en est-il de l'attaque du 2 juin sur un autre village?

6 Réponse: C'est dans la municipalité de Vlasenica. Encore une fois nous ne

7 pouvions pas y être, ce n'étaient pas les forces de Konjevic Polje qui se

8 trouvaient là.

9 Question: Ferid Hodzic de Cerska, cela vous dit quelque chose? Le

10 connaissiez-vous? Il a complètement détruit le village.

11 Réponse: J'ai vu Ferid Hodzic pendant le siège de Cerska. Je connais cet

12 homme, je peux dire que je le connais.

13 Question: Est-ce que vous avez participé à l'attaque sur le village de

14 Brdo, le 10 juin 1992?

15 Réponse: Encore une fois, la municipalité de Vlasenica, moi-même ou les

16 unités de Konjevic Polje n'avions rien à voir avec cela.

17 Question: Fort bien. Qui avait quelque chose à faire avec cela? Les unités

18 de Konjevic Polje n'auraient eu quelque chose à voir qu'avec le village de

19 Kravica ou quoi?

20 Réponse: Si vous souhaitez une réponse précise, ces villages avaient

21 quelque chose à voir avec l'unité de Milici qui se trouve dans une autre

22 région où des villages non-serbes ont été réduits en cendres. Il y avait

23 la Drina dans cette région. Et les deux rives de la Drina, des villages

24 d'un côté et de l'autre côté de la Drina, voilà les gens qui avaient des

25 contacts avec Kravica.

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1 Question: Donc votre responsabilité ne s'étendait que jusqu'à Kravica,

2 n'est-ce pas?

3 Réponse: Si vous regardiez les unités de Konjevic Polje et où se trouve

4 Kravica, je n'avais aucune responsabilité.

5 Question: Vous voulez dire que cette vieille femme et ce vieillard qui ont

6 été massacrés ne relèvent pas de votre responsabilité militaire du tout?

7 Réponse: Les unités de Konjevic Polje n'ont jamais commis de tels actes.

8 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Avez-vous participé à l'attaque

9 contre le village de Ratkovici?

10 M. Becirevic (interprétation): Encore une fois, vous parlez d'un village

11 qui se trouve autour de Srebrenica. Nous n'avions rien à voir avec cette

12 région.

13 M. le Président (interprétation): Vous perdez votre temps et vous nous

14 faites perdre le nôtre sur des questions qui n'ont rien à voir avec les

15 connaissances du témoin. Si cela est pertinent, vous pourrez appeler vos

16 témoins à la barre. Mais il ne sert à rien d'attaquer ce témoin en lui

17 posant des questions auxquelles il ne peut pas répondre.

18 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, compte tenu du poste qu'il

19 occupait dans la région, je pars du principe qu'il avait des connaissances

20 à ce sujet. Il déclare ne rien savoir à ce sujet mais c'est une autre

21 affaire.

22 M. le Président (interprétation): Vous avez entendu ce que le témoin a

23 dit, vous n'êtes pas tenu par ces réponses. Il dit ne rien savoir,

24 avançons.

25 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. J'avance, Monsieur May. Et je

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1 prouverai qu'il avait quelque chose à voir avec tout cela.

2 Monsieur le Témoin, avez-vous participé à l'attaque sur un village serbe

3 le 28 juin 1992, village appelé Brezani?

4 M. Becirevic (interprétation): Encore une fois, vous me posez une question

5 au sujet d'une région qui n'avait rien à voir avec les unités de Konjevic

6 Polje.

7 Question: Les villages de Krnici, est-ce que vous aviez quelque chose à

8 voir avec lui?

9 Réponse: Très loin de Konjevic Polje.

10 Question: Et Zagone?

11 Réponse: Une nouvelle fois, même réponse: rien à voir avec cela, rien à

12 voir avec les unités de Konjevic Polje.

13 Question: Fort bien. Est-ce que vous avez participé à l'attaque sur le

14 village serbe de Krnici?

15 Réponse: Ça, c'est un village qui est situé très loin. Donc ma réponse est

16 la même que celle que j'ai faite aux autres questions.

17 Question: Vous n'avez rien à voir avec les attaques sur ces villages. Vous

18 n'êtes pas au courant vous et vos collègues du QG de l'état-major. Vous

19 n'avez rien à voir avec les attaques sur ces villages?

20 Réponse: Monsieur l'Accusé, vous devez comprendre que Konjevic Polje

21 constituait une enclave tout à fait distincte de celle de Srebrenica et

22 qu'elle n'avait réellement rien à voir. Il n'y avait pas de contacts au

23 cours de 1992 entre les deux jusqu'à la chute des enclaves et jusqu'à la

24 création de la zone démilitarisée de Srebrenica.

25 Question: Qu'en est-il du village de Zalazje, une attaque au cours de

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1 laquelle 29 Serbes ont été tués et massacrés?

2 Réponse: Ma réponse est la même: Konjevic Polje se trouve très loin, à 30

3 kilomètres, je n'avais rien à voir avec tout cela.

4 Question: Qu'en est-il de l'attaque sur Magasici?

5 Réponse: Kravica était séparée de l'enclave de Konjevic Polje par les

6 territoires libres entourant Srebrenica, donc toute tentative de traverser

7 cette région était impossible à mettre en oeuvre. Il y avait des

8 embuscades créées par les forces serbes de Bosnie.

9 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous avez participé à l'attaque

10 d'un village le 2 août, où 55 maisons ont été incendiées et des Serbes

11 tués?

12 M. Becirevic (interprétation): Encore une fois, c'était la responsabilité

13 des unités de Srebrenica. Konjevic Polje n'avait rien à voir physiquement

14 avec le village de Erzestica et sa population.

15 M. le Président (interprétation): Pourquoi est-ce que vous ne citez pas

16 l'ensemble des villages dont vous allez parler, que le témoin réponde en

17 une fois?

18 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Il y a un moment vous avez dit

19 que des opérations militaires ont été menées par vous à Milici, n'est-ce

20 pas?

21 M. Becirevic (interprétation): Non, je n'ai pas dit cela. J'ai dit que

22 nous avions une ligne de défense à cet endroit.

23 Question: Fort bien. Vous dites "Ligne de défense". Le 24 septembre, est-

24 ce que sur le territoire du village serbe de Podravinje, vous avez tué 31

25 Serbes du village?

Page 20598

1 Réponse: L'accusé, encore une fois, dit toujours la même chose. N'étant

2 pas originaire de la région, je ne peux pas répondre à cette question. Il

3 n'y avait pas de ligne de défense à Konjevic Polje qui se trouve à 30 ou

4 40 kilomètres de distance et les Serbes de Bosnie se trouvaient de l'autre

5 côté.

6 Question: Fort bien. Monsieur Becirevic, pouvez-vous nous dire combien de

7 Serbes ont été tués par votre main?

8 Réponse: Dieu merci, aucun Serbe n'a péri de ma main. Maintenant, de là à

9 savoir combien de Bosniens ont péri de la main de Serbes et à Bratunac;

10 d'une manière générale, donc je dirai qu'en un mois il est tombé un

11 millier de femmes, d'enfants et de vieillards sans résistance aucune. Cela

12 serait arrivé à Konjevic Polje également s'il n'y avait pas eu résistance

13 de notre part, le 29 mai 1992, lorsque les unités de la JNA avec les

14 unités paramilitaires et les Serbes locaux ont subi une première défaite

15 sur le territoire de la municipalité de Bratunac. Parce que jusque-là, les

16 forces serbes sans résistance aucune ont réalisé un nettoyage ethnique qui

17 ont chassé toute la population de cette région-là et tué un millier de

18 personnes, comme je l'ai dit.

19 Question: Je vous ai posé des questions afférentes à la responsabilité qui

20 était la vôtre. Parce que, d'après les renseignements dont je dispose,

21 vous seriez responsable de la mort de 68 civils à Kravica pour Noël 1993,

22 et d'une vingtaine de civils à Magasici et Bozici. N'est-ce pas exact,

23 Monsieur Becirevic?

24 Vous n'avez pas contesté Kravica. Par conséquent, est-ce que vous vous

25 considérez comme étant responsable de la mort de 68 civils à Kravica en

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1 1993?

2 Réponse: Ce n'est pas exact. Je n'ai pas du tout participé à cela. Et si

3 besoin est, je puis prouver où je me trouvais ce jour-là. Cela n'a rien à

4 voir avec moi-même.

5 Question: Bon. Mais dites-nous: vous sentez-vous responsable pour le

6 meurtre des personnes prisonnières emprisonnées, Milutin Milosevic, chef

7 du MUP, entre autres? Vous sentez-vous responsable pour ce meurtre-là?

8 Réponse: Je ne sais pas de quel meurtre vous parlez. Milutin Milosevic se

9 trouvait à la tête des unités de l'armée yougoslave et des unités

10 paramilitaires à l'occasion de l'attaque sur Konjevic Polje, le 29 mai. Et

11 c'est dans les combats que Milutin Milosevic est mort à Konjevic Polje.

12 Par conséquent, personne n'est allé à Bratunac pour s'attaquer à Bratunac.

13 Mais Milutin Milosevic, lui, avec des unités de la JNA, était venu pour

14 procéder au nettoyage ethnique de la population de Konjevic Polje, pour

15 abattre les gens là-bas; c'est cela, la vérité.

16 Question: Bien. Dites-moi, je vous prie, étant donné que vous affirmez

17 qu'il est mort au combat, ne serait-il pas exact de dire que vos

18 combattants ont emprisonné Milutin Milosevic quand il était vivant, ils

19 l'ont tué lâchement après l'avoir torturé et l'ont abandonné là-bas?

20 Réponse: Je me suis laissé dire que Milutin a péri au combat, qu'il

21 portait un porte-voix et qu'il disait: "Brûlez tout, détruisez tout, tuez.

22 Ne brûlez pas les maisons qui ont des toits à deux versants; il y a là du

23 butin de guerre. Il faut incendier les maisons à quatre versants".

24 Oui. Et c'est ce Milutin-là qui a porté donc ce porte-voix dans ses mains

25 pour diriger les attaques lancées de Kravica sur Konjevic Polje, ce jour-

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1 là.

2 M. Milosevic (interprétation): Mais n'est-il pas exact de dire que nous

3 avons un rapport disant qu'il avait été tué, en fait, par des Serbes pour

4 accuser les Musulmans? Mais maintenant, il s'agit de savoir qui raconte

5 des mensonges. Donc je crois que vous ne vous souvenez pas des mensonges

6 proférés par les uns et les autres et que...

7 M. le Président (interprétation): Je vais vous interrompre. Le témoin ne

8 peut pas répondre concernant le rapport en question. Et il a déjà répondu

9 concernant le décès de l'homme que vous avez cité; il a déjà témoigné à ce

10 sujet.

11 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.

12 Monsieur Becirevic, au paragraphe 4, page 7, vous parlez d'un événement où

13 la JNA serait arrivée à Konjevic Polje pour désarmer vos effectifs

14 musulmans; c'est bien cela?

15 M. Becirevic (interprétation): Laissez-moi le temps de trouver!

16 Question: Page 7, paragraphe 4.

17 (Le témoin cherche le passage.)

18 Je n'ai pas retrouvé, mais je sais de quoi vous parlez. Je sais que la

19 JNA, en date du 27 avril au matin, a fait une intrusion dans Konjevic

20 Polje. Elle a encerclé cette localité, elle a exigé la restitution des

21 armes. Ce jour-là, j'ai vu de mes yeux Deronjic Miroslav portant un

22 uniforme et qui est venu dans mon village en demandant aux Musulmans de

23 restituer leurs armes aux Serbes, en disant qu'en échange il ne leur

24 arriverait rien.

25 Question: Attendez, attendez. Moi, je vous pose des questions au sujet de

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1 ce qui figure dans votre déclaration. Vous parlez, vous, en réponse, d'un

2 homme qui n'est pas membre de la JNA, mais de la Défense territoriale de

3 Bratunac. Or, dans le même paragraphe où vous affirmez que la JNA serait

4 venue à Konjevic Polje aux fins de désarmer vos effectifs musulmans, vous

5 indiquez également que vous n'avez pas résisté parce que vous n'étiez que

6 quelques-uns à avoir des armes; c'est bien ce que vous avez dit?

7 Réponse: Nous n'avons pas résisté parce que nous n'avions pas avec quoi

8 résister. Ils sont venus avec des blindés transports de troupes et nous ne

9 pouvions pas nous opposer à une telle puissance.

10 Question: Fort bien, Monsieur Becirevic. Mais, dans le même paragraphe,

11 vous indiquez que les Serbes sont venus en blindés transports de troupes,

12 camions avec une grande quantité d'armes, et ont ainsi opéré une percée

13 dans vos lignes de défense. Ils ont essayé d'encercler le village et,

14 pendant cette opération, deux des vôtres sont morts, ont été tués, et deux

15 des vôtres ont été blessés. Donc, étant donné qu'il commençait à faire

16 nuit, ils ont décidé de se retirer. C'est bien ce que vous avez dit?

17 Réponse: C'est la vérité.

18 Question: Bien. Mais si vous affirmez que vous n'avez pas résisté, que

19 vous n'étiez que quelques-uns à avoir des armes et qu'ils avaient des

20 forces incroyablement fortes qui ont essayé d'opérer une percée dans vos

21 lignes de défense, comment se peut-il que des forces serbes aient essayé

22 de percer vos défenses, n'ont pas réussi à encercler le village, vous

23 n'avez pas résisté et vous avez eu deux morts et deux blessés?

24 Réponse: Ce sont des jeunes gens, des combattants qui sont sortis du

25 village lorsque ces effectifs se sont approchés. Donc il n'y a pas de

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1 résistance de notre part du tout.

2 Question: Donc… Mais vous dites que les forces serbes ont opéré une percée

3 dans vos lignes de défense?

4 Réponse: Il n'y a pas eu de défense. Ils sont tout simplement entrés dans

5 ces villages sans qu'il y ait de défense du tout. Personne n'a tiré une

6 seule balle en direction de ces unités-là. Elles sont venues uniquement

7 dans l'intention de se saisir des armes de façon pacifique.

8 Question: Mais vous avez dit que les forces serbes n'ont pas réussi à

9 encercler le village. Comment n'ont-elles pas réussi si vous n'avez, comme

10 vous le dites, pas résisté, vous-mêmes?

11 Réponse: Ils sont entrés dans le village; ils sont entrés dans chacun des

12 hameaux, ces blindés de transports de troupes.

13 Question: Mais n'êtes-vous pas en train de parler ici d'effectifs -comme

14 vous le dites- très puissants qui ont transporté leurs blessés?

15 Réponse: Non. Ce ne sont pas vos blessés, des blessés serbes. Ils ont

16 ramassé les Bosniens, les Musulmans blessés que les effectifs serbes ont

17 blessés, et les ont emmenés à Bratunac et Ljubovija pour les soigner. Donc

18 c'est cela qu'il est intéressant de noter; c'est de cela qu'il s'agit.

19 M. Milosevic (interprétation): Donc…

20 M. le Président (interprétation): Non, non, non! Votre temps est presque

21 écoulé, je dois vous en prévenir. Vous n'avez droit qu'à deux questions

22 encore.

23 M. Milosevic (interprétation): Bien.

24 Mais comment pouvez-vous affirmer tout ceci, pour ce qui est de ces

25 effectifs monstrueusement puissants du côté des Serbes et tout ce que vous

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1 avez affirmé en plus, et dire en parallèle qu'à l'occasion de cette

2 attaque militaire généralisée, vous avez eu 11 morts, alors que ces forces

3 serbes monstrueusement puissantes en ont eu 44?

4 M. Becirevic (interprétation): Il s'agit ici du 29 mai 1992 où, pour la

5 première fois, nous avons résisté à ces effectifs puissants qui sont venus

6 de Serbie. A savoir, l'armée yougoslave a, en premier lieu, effectué une

7 agression avec des unités paramilitaires, des gens de Vukovar et des gens

8 de la localité même. Et c'est la première fois que nous avons vu ce qui

9 s'est passé à Hranca, à Glogova, à Bratunac et une autre localité où l'on

10 a tué 500 civils en un jour. Nous ne voulions pas connaître la destinée de

11 ces villages; c'est pour cela que nous avons résisté et c'est pour cela

12 que nous n'avons pas permis à ces effectifs d'accéder à Konjevic Polje.

13 Question: Mais moi, je ne parle pas des raisons pour lesquelles vous vous

14 êtes battus.

15 Mais vous avez représenté, vous avez dépeint la partie musulmane comme

16 étant des civils sans armes avec quelques personnes ayant quelques armes,

17 et vous ne contestez pas, par la même occasion, que ces forces qui vous

18 ont attaqués ont eu 44 morts, quatre fois plus de morts que vous. Comment

19 expliquez-vous que ces gens non armés ont pu tuer 44 soldats de ces forces

20 serbes qui vous auraient soi-disant attaqués?

21 Réponse: Messieurs les Juges, c'est vraiment la vérité. Nous avons été

22 attaqués par cinq chars, cinq blindés de transport de troupes. Il y avait

23 un soutien de la part de l'artillerie des positions serbes; il y avait

24 beaucoup d'effectifs (inaudible) tournés vers Konjevic Polje, et Konjevic

25 Polje a été défendu par des hommes qui ne disposaient que d'armes

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1 d'infanterie légère.

2 Ce matin-là, nous avons eu de la chance. Nous nous sommes emparés d'un

3 blindé de transport de troupes qui s'était aventuré à faire des activités

4 de reconnaissance, et nous nous sommes servis de ce blindé pour combattre

5 les attaquants. Et j'estime que c'est là la première défaite que la JNA a

6 connue sur le territoire de la municipalité de Bratunac, en cette date du

7 29 mai. Cela est le mérite des défenseurs qui n'ont pas laissé ce village-

8 là connaître la destinée des autres hameaux autour ou des environs.

9 M. Milosevic (interprétation): De quoi s'agit-il, Monsieur May?

10 M. le Président (interprétation): C'est terminé.

11 M. Milosevic (interprétation): J'ai juste une question.

12 M. le Président (interprétation): Non, vous en avez tellement gaspillé!

13 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Dzemail

14 Becirevic.)

15 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Témoin, à l'occasion de

16 l'interrogatoire principal de ce jour, vous avez parlé de Bérets rouges,

17 aujourd'hui, n'est-ce pas?

18 M. Becirevic (interprétation): Oui, j'ai mentionné également les Bérets

19 rouges.

20 Question: Vous avez parlé de convois allant de Srebrenica vers Tuzla?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Vous avez parlé de l'aviation qui venait en provenance de

23 Serbie?

24 Réponse: Oui, c'était quotidien.

25 Question: Vous avez parlé d'un millier de civils tués et plus?

Page 20605

1 Réponse: Oui. Cela s'est passé dans l'intervalle d'un mois à Bratunac et

2 dans les environs.

3 Question: Vous avez mentionné 12 à 15.000 personnes dans une colonne?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Mais tout ceci, vous ne l'avez pas mentionné lorsque vous avez

6 fait votre déclaration préalable auprès des enquêteurs le 24 avril 2001 et

7 2003. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous ne l'avez pas mentionné, à ces

8 occasions-là?

9 Réponse: La dernière fois que je suis passé ici, j'ai raconté tout ceci

10 dans le détail. Par conséquent, ce sont là des faits que j'ai présentés à

11 l'occasion de mon dernier séjour devant les enquêteurs du Tribunal de La

12 Haye.

13 M. Tapuskovic (interprétation): Messieurs les Juges, lors de

14 l'interrogatoire effectué par M. Groome, je n'ai pas formulé d'objection,

15 mais tout ceci, ce sont des éléments qui ne figurent pas dans la

16 déclaration préalable. Alors, si l'on présente quelque chose en vertu de

17 l'Article 92bis, alors il me semble que l'on ne saurait se situer à

18 l'extérieur de ce qui figure dans cet Article, parce qu'on va au-delà de

19 ce qui devrait se trouver dans le contre-interrogatoire, ou on met en

20 péril le contre-interrogatoire.

21 Aussi estimerai-je que l'interrogatoire principal devrait s'en tenir aux

22 déclarations préalables qui vous ont été communiquées et qui ont été

23 communiquées à l'autre partie, mais cela ne signifie pas qu'il convient

24 d'aller au-delà.

25 M. Kwon (interprétation): Non, je ne suis pas de votre avis. Une partie du

Page 20606

1 témoignage de ce témoin est allée par le biais du 92bis, et l'autre partie

2 a été faite "viva voce".

3 M. Tapuskovic (interprétation): Bon. Je veux bien. Je comprends.

4 M. le Président (interprétation): La raison, c'est peut-être aussi parce

5 qu'il y a quelque chose de non mentionné par le témoin dans la déclaration

6 préalable et cela peut être estimé important, et il le mentionne une fois

7 arrivé ici. Nous savons que ces choses-là arrivent, nous le savons

8 d'expérience.

9 M. Tapuskovic (interprétation): Je suis complètement d'accord avec vous,

10 mais j'estime que cela porte préjudice à la préparation du contre-

11 interrogatoire. Mais je prends bonne note de votre opinion.

12 Monsieur le Témoin, est-il exact de dire que le 1er septembre 1991, il a

13 été célébré le premier anniversaire de la création du parti du SDA à

14 Bratunac?

15 M. Becirevic (interprétation): Croyez-moi bien, je ne me souviens pas de

16 ces dates.

17 Question: Mais a-t-on célébré un anniversaire quelconque?

18 Réponse: Croyez bien que je n'ai pas pris part à la célébration de cet

19 anniversaire. Je l'affirme en toute responsabilité, à savoir que je ne me

20 souviens pas d'avoir eu l'occasion de célébrer quoi que ce soit. Nous

21 avons eu des problèmes bien plus importants à traiter à Bratunac.

22 Question: Avez-vous entendu parler d'un rassemblement d'une dizaine de

23 milliers de personnes, où est intervenu un certain Mujir ou Nurif?

24 Réponse: J'ai ouï dire que le dénommé Nurif a parlé à ce rassemblement,

25 mais je n'y étais pas. Je ne peux pas vous apporter de commentaires.

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1 Question: J'ai un document du Bureau du Procureur qui dit "Allah imanet"

2 ou "Nous nous reverrons l'an prochain au champ de bataille"?

3 Réponse: C'est un officier de l'ex-JNA. Il disposait probablement

4 d'informations de ce type et c'est probablement la raison pour laquelle il

5 a fait ce type de déclaration. Je ne peux pas, moi, faire de commentaire à

6 ce sujet.

7 Question: Merci.

8 Concernant la déclaration préalable, paragraphe 4, Messieurs les Juges, je

9 crois que vous avez indiqué qu'avant la guerre, dans cette municipalité,

10 il n'y avait pas de caserne de la JNA; "nous n'avions que des armes qui

11 appartenaient à la Défense territoriale". C'est bien exact?

12 Réponse: Oui, il est exact de dire qu'il n'y avait pas de caserne à

13 Bratunac et qu'il y avait des armes de la Défense territoriale, armes qui

14 ont été emportées par la JNA depuis ces arsenaux-là.

15 Question: Mais vous dites, par la même occasion, et c'est pour cela que je

16 vous en donne lecture. "En faisaient partie: des mortiers, des canons sans

17 recul", et vous dites ici des lance-roquettes, puis "des fusils

18 automatiques et grande quantité d'explosifs tels que bombes et mines".

19 C'est bien cela?

20 Réponse: Oui, c'est ce qu'on m'a dit dans un rapport. Mais je ne suis

21 jamais entré dans ces arsenaux. Mais d'après ce qu'on en disait, on

22 pouvait aisément armer une brigade avec les armes qui appartenaient à la

23 TO.

24 Question: Je voudrais vous poser d'abord une question. Ces défenses

25 territoriales, tout au large de la Yougoslavie, en votre qualité d'homme

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1 instruit, de juriste en plus, savez-vous nous dire quand cela a commencé à

2 être pratiqué, à savoir que chaque municipalité, chaque village se voit

3 confier des armes de ce type?

4 Réponse: Ce que je sais, c'est que ces armes appartenaient à la population

5 de la municipalité de Bratunac. Et c'est le peuple de la municipalité de

6 Bratunac qui a prélevé des impôts pour l'achat de ces armes. Or ces armes

7 ont été confisquées par la JNA et ont été emmenées ailleurs.

8 Question: Je crois que cela n'est pas clair. Vous avez dit que cela s'est

9 fait en 1989, je crois, n'est-ce pas?

10 Réponse: J'ai dit que si mes souvenirs étaient bons, c'était en 1989. Mais

11 je sais que c'était bien avant l'élection qui a eu lieu en 1990.

12 Question: Oui. Mais en page 2, au paragraphe 8, vous avez parlé des

13 élections et vous avez parlé de constitution d'une assemblée municipale,

14 n'est-ce pas?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Vous avez été, vous, secrétaire chargé de la Défense nationale?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Et Sabit Mujikic, lui, était commandant de la Défense

19 territoriale. Puis, vous dites que vous aviez demandé de la prise de

20 certaines décisions concernant la révocation de directeurs. Alors, si tant

21 est que cela s'est fait en 1989, est-ce que vous avez soulevé la question

22 devant l'assemblée municipale pour savoir pour quelle raison la Défense

23 territoriale était laissée sans arme aucune?

24 Réponse: Lorsque je suis arrivé à ce poste de travail, il n'y avait plus

25 d'armes, donc la question ne se posait plus. Parce que nous savions que

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1 ces armes-là, même si on avait posé la question, ces armes-là n'auraient

2 pas été restituées par la JNA.

3 Question: J'attirerai votre attention à présent sur le paragraphe n°27:

4 "Lorsque cette colonne de la JNA est arrivée…". Vous retrouvez l'endroit?

5 Alors, vous ne saviez pas ce qu'il convenait de faire au départ, sur le

6 moment?

7 Réponse: Vous voulez que je vous dise de quel armement il s'agit ici?

8 Question: N'avez-vous pas dit que vous ne saviez pas, sur le coup, ce

9 qu'il fallait faire?

10 Réponse: Non, nous ne savions pas.

11 Question: Alors quelqu'un a eu l'idée et a avancé le fait que, dans la

12 communauté d'à-côté, il y avait un lance-roquettes. Et n'était-ce pas là

13 le même type de lance-roquettes que vous aviez, en votre qualité de

14 Défense, auparavant?

15 Réponse: Oui. C'était un lance-roquette Zolja qui se trouvait à Cerska. A

16 l'occasion de cette attaque du 29 mai 1992, nous n'avions pas avec quoi

17 arrêter l'avancée de ces chars; c'est la raison pour laquelle ils ont pu

18 entrer dans Konjevic Polje. C'est notre chance à nous que de les avoir vu

19 mettre le feu à un camion qui était chargé de troncs d'arbres, et ils

20 n'ont pas pu passer. Et quelqu'un a ensuite pensé qu'il y avait une arme

21 Zolja à Cerska, que nous avons fait apporter pour arrêter l'avancée de ces

22 chars.

23 Question: Ecoutez, je n'ai pas tant de temps à ma disposition et je

24 voudrais en terminer.

25 Vous dites: "Quelqu'un a pensé que dans la communauté locale d'à-côté, il

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1 y avait ce lance-roquettes". Et c'est avec cela que vous avez détruit un

2 char, et pas avec le blindé de transport de troupes?

3 Réponse: Non. Nous avons détruit le char avec ça et nous avons saisi un

4 blindé de transport de troupes sur la colline.

5 Question: Vous avez parlé du fichier que vous avez mis de côté, pour ce

6 qui est des jeunes gens qui étaient des conscrits. N'avez-vous pas, en

7 même temps, pris les armes qui étaient restées pour la Défense

8 territoriale?

9 Réponse: Non, je n'ai pas pris d'armes, je n'ai saisi que les fichiers.

10 C'est tout ce que j'ai trouvé lorsque je suis arrivé au secrétariat chargé

11 de la Défense nationale.

12 M. Tapuskovic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

13 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Dzemail Becirevic,

14 par M. Groome.)

15 M. Groome (interprétation): Juste quelques questions.

16 Monsieur, l'attaque dont il vient d'être question, serait-il juste de dire

17 à son sujet qu'avant le 29 mai, votre village était complètement encerclé

18 par des forces serbes?

19 M. Becirevic (interprétation): Messieurs les Juges, notre village a été

20 encerclé de toutes parts avant le 29 mai. Et tous les villages sur le

21 territoire de Bratunac étaient ethniquement nettoyés; il ne restait que

22 Konjevic Polje. C'est pour cela qu'ils se sont attaqués à Konjevic Polje,

23 dans l'objectif de faire ce qu'ils avaient fait au niveau des autres

24 communautés locales sur le territoire de la municipalité de Bratunac.

25 Question: L'accusé vous a dit, à juste titre, que M. Deronjic n'était pas

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1 un membre de la JNA. Ce qui m'intéresse, c'est la chose suivante: à

2 l'occasion de l'attaque initiale contre votre village, avez-vous vu M.

3 Deronjic en compagnie de troupes de la JNA?

4 Réponse: Messieurs les Juges, Deronjic était en compagnie de la JNA le 27

5 avril lorsqu'ils sont venus se saisir des armes, lorsqu'ils ont fait une

6 intrusion dans notre village. Deronjic était là, le 29 mai, avec un porte-

7 voix, avec Milutin Milosevic aussi. Ils étaient deux à avoir des porte-

8 voix, en compagnie de troupes de la JNA.

9 Question: La question que je vous pose est la suivante: lorsque vous avez

10 aperçu M. Deronjic avec les troupes de la JNA, où se trouvait-il au juste?

11 Réponse: Le 27 avril, pour la première fois, il était sur un blindé de

12 transport de troupes lorsqu'il est arrivé dans mon village de Hrncici.

13 M. Groome (interprétation): Merci. Je n'ai plus de questions à l'intention

14 de ce témoin, Messieurs les Juges.

15 Mais j'ai, par contre, des informations à fournir quant aux questions

16 soulevées par le Juge Kwon pour ce qui est d'une pièce à conviction de la

17 défense, à savoir la 134.

18 M. le Président (interprétation): Oui. Mais nous devrions laisser au

19 témoin l'opportunité de s'en aller.

20 Monsieur Becirevic, nous vous remercions d'être venu témoigner devant ce

21 Tribunal. Vous avez terminé ce témoignage et vous êtes libre de vous en

22 aller.

23 (Le témoin, M. Dzemail Becirevic, est reconduit hors du prétoire.)

24 (Questions relatives à la procédure.)

25 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome?

Page 20612

1 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, pour ce qui est de la

2 pièce à conviction de l'accusation 443, intercalaire 8, comme l'a indiqué

3 M. le Juge Kwon, il s'agit de deux lettres qui semblent être identiques,

4 avec cependant quelques différences: le cachet, les mentions manuscrites.

5 J'ai des informations au sujet de la provenance de ces documents et nous

6 allons déposer une pièce -comme cela a été indiqué il y a deux semaines-

7 pour indiquer la provenance de ces documents.

8 Ces documents, on les a trouvés au même endroit; on les a obtenus dans le

9 bâtiment, dans les archives du bâtiment de l'assemblée nationale de la

10 Republika Srpska. Madame Stanisic, administrateur de l'assemblée et

11 responsable de ces archives, nous a remis ces documents avec le

12 consentement du gouvernement de la Republika Srpska. Ces documents nous

13 ont été remis le 2 février 1998.

14 Vous remarquerez, Messieurs les Juges, que les numéros de référence de ces

15 documents se suivent, ce qui indique que ces documents ont été obtenus au

16 même moment.

17 Nos collaborateurs ont une petite idée sur la raison pour laquelle on a

18 deux copies pratiquement semblables. Mais si vous le souhaitez, nous

19 pouvons obtenir une déclaration de Mme Stanisic, qui est responsable de la

20 conservation de ces documents, pour expliquer la chose.

21 Je souhaiterais également vous indiquer qu'il existe des documents

22 présentant deux copies presque identiques pour les municipalités de

23 Zvornik et quelques autres municipalités dont je ne trouve pas le nom à

24 l'instant. Mais il ne semble pas irrégulier de voir l'existence de deux

25 copies.

Page 20613

1 Je souhaite indiquer que Mme Stanisic était responsable non seulement des

2 archives de l'assemblée, mais des archives également de la Présidence.

3 C'est peut-être une des explications pour l'existence de ces deux copies.

4 Maintenant, s'agissant de D134, il s'agit d'un document qui a été remis au

5 Bureau du Procureur au cours du mois de novembre 2002 dans le cadre de la

6 coopération avec le gouvernement de la Republika Srpska. Certains de nos

7 collaborateurs ont pu examiner des documents se trouvant dans les archives

8 des services de renseignements, des services de sécurité de la Republika

9 Srpska, et ces documents ont été trouvés à cet endroit. Mais je ne suis

10 pas en mesure de vous donner l'auteur du document ni d'autres informations

11 sur l'origine du document.

12 Je voudrais indiquer d'autre part que nous n'avons pas utilisé

13 l'intercalaire n°1 de la pièce 443. Il s'agissait d'une communication

14 interceptée. Nous ne l'avons pas présentée.

15 L'intercalaire n°3, nous demandons simplement qu'il soit coté aux fins

16 d'identification.

17 Et puis, s'agissant des pièces figurant aux intercalaires 2 et 4 et

18 jusqu'à 10, nous demandons leur versement au dossier.

19 M. le Président (interprétation): Bien. Retrait de l'intercalaire n°1, et

20 tout le reste est versé au dossier, à l'exception d'un document marqué

21 simplement aux fins d'identification.

22 Monsieur Groome, le témoin suivant est M. Banjanovic.

23 Nous allons siéger jusqu'à 14 heures. Normalement, nous ne souhaiterions

24 pas entamer l'audition d'un témoin; je ne sais pas si cela vous gêne.

25 Nous allons admettre sa déclaration au terme de l'Article 92bis.

Page 20614

1 Nous ne siégeons pas la semaine prochaine. Je ne sais pas si vous

2 souhaitez que nous commencions ou pas à entendre le témoin?

3 M. Groome (interprétation): Nous préférons commencer.

4 M. le Président (interprétation): Fort bien. Vu les contraintes de temps

5 qui sont les vôtres…

6 M. Groome (interprétation): Pendant que nous attendons, je souhaiterais

7 que l'on attribue une cote à la liasse de neuf documents que nous allons

8 utiliser pendant l'audience consacrée à la déposition de ce témoin ainsi

9 qu'aux déclarations faites en vertu de l'Article 92bis.

10 M. le Président (interprétation): Je ne suis pas sûr que nous ayons ces

11 documents.

12 Mme Anoya (interprétation): La déclaration 92bis sera la pièce à

13 conviction 444 de l'accusation. Et s'agissant de la liasse de documents

14 comportant neuf intercalaires, elle se voit attribuer la cote 445, pièce à

15 conviction de l'accusation.

16 (Le témoin, M. Fadil Banjanovic, est introduit dans le prétoire.)

17 M. le Président (interprétation): Veuillez, je vous prie, prononcer la

18 déclaration solennelle.

19 M. Banjanovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

22 (Le témoin s'exécute.)

23 (Interrogatoire principal du témoin, M. Fadil Banjanovic, par M. Groome.)

24 M. Groome (interprétation): Je vais vous demander de nous donner vos noms

25 et prénoms.

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1 M. Banjanovic (interprétation): Fadil Banjanovic.

2 Question: Monsieur, la défense a accepté d'enregistrer la déclaration que

3 vous avez faite devant un représentant du Greffe cette semaine. Il s'agit

4 de la pièce à conviction de l'accusation 444. Je vais donc simplement

5 aborder avec vous certains aspects de votre déposition.

6 Pour commencer, je souhaiterais que vous examiniez la pièce à conviction

7 de l'accusation 445, intercalaire n°1. Je vais vous demander si vous

8 reconnaissez ce document concerné.

9 Réponse: Oui.

10 Question: Est-ce qu'il s'agit là d'un tableau qui rappelle votre parcours

11 professionnel ainsi que les études que vous avez suivies?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Monsieur Banjanovic, la Chambre a déjà entendu des témoins de la

14 municipalité de Zvornik qui ont relaté les événements qui ont mené

15 jusqu'au début des hostilités. Je souhaiterais parler avec vous de ce qui

16 s'est passé à la mi-avril et j'aimerais que vous vous concentriez sur ce

17 qui s'est passé dans votre municipalité, ou plutôt dans votre village.

18 D'abord, quel était le nom du village où vous résidiez à l'époque?

19 Réponse: Kozluk, dans la municipalité de Zvornik.

20 Question: Et où se trouve Kozluk par rapport au centre-ville de Zvornik,

21 au centre de la municipalité?

22 Réponse: Kozluk se trouve sur la Drina, en Bosnie-Herzégovine, sur la

23 route allant de Zvornik à Bijeljina.

24 Question: Et à combien de kilomètres de Zvornik se trouve Kozluk?

25 Réponse: Environ 20 kilomètres.

Page 20616

1 Question: Et pouvez-vous aider les Juges à s'y retrouver en nous disant,

2 par exemple pour ce qui est du village de Celopek, où il se trouve par

3 rapport à Kozluk?

4 Réponse: Celopek, c'est un des villages serbes de la municipalité de

5 Zvornik. C'est un village qui se trouve sur la route allant de Zvornik à

6 Bijeljina, en direction de Kozluk; c'est là que se trouve Celopek.

7 Question: Je vais revenir à la première question que je vous posais. Au

8 début des hostilités dans la municipalité de Zvornik, nous parlons de la

9 mi-avril 1992; pouvez-vous expliquer quelle était la situation qui

10 existait dans votre commune de Kozluk?

11 Réponse: Eh bien, Kozluk, c'était une communauté multiethnique, et la

12 situation était paisible. Alors que, par exemple, dans les villages

13 environnants, il y avait des confrontations, des hostilités.

14 Question: Et quelle était votre position au sein de la commune de Kozluk?

15 Réponse: A l'époque, j'étais un citoyen comme les autres, un citoyen

16 ordinaire.

17 Question: Passons maintenant au 5 avril. Est-ce que vous avez fait une

18 proclamation écrite à l'intention des habitants de Kozluk pour les

19 exhorter à rester calmes et à éviter toute confrontation?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Je vais vous demander de vous reporter à la pièce à conviction

22 de l'accusation n°445, intercalaire n°2. Je vous remets un exemplaire de

23 la pièce originale.

24 (Intervention de l'huissière.)

25 On peut la voir sur les écrans.

Page 20617

1 Est-ce bien la proclamation que vous avez faite?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Est-ce que c'est votre signature que l'on peut voir au bas de

4 cette page?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Je vais vous demander de donner lecture des paragraphes 4 et 8.

7 Réponse: Lecture: "Nous appelons la population locale à ne pas contribuer

8 à miner la confiance qui a déjà été remise en cause de manière importante,

9 et nous les appelons à préserver la coexistence et la vie en commun".

10 Question: Paragraphe 8, s'il vous plaît.

11 Réponse: "Nous appelons tous les citoyens à se rassembler demain, à 18

12 heures, pour un meeting pour la paix qui se déroulera au centre de Kozluk,

13 avec également les représentants ou des habitants des communes locales de

14 Malesici, Rijici, Skocici et Tabanci."

15 Question: Est-ce que cette manifestation a bien eu lieu?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Est-ce que, pour éviter toute confrontation, les citoyens de

18 Kozluk ont remis leurs armes, ont donné leurs armes, ceci suite aux

19 exigences formulées par les autorités locales serbes de Zvornik?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Maintenant, je vais vous demander de vous rapporter à la pièce à

22 conviction 445 de l'accusation, intercalaire n°3. Je vous remets

23 l'original. Pouvez-vous nous dire ce que l'on peut voir sur ce document?

24 (Intervention de l'huissière.)

25 Réponse: Il s'agit d'un document qui a trait aux citoyens de Kozluk, aussi

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1 bien les Bosniens que les Serbes; 90% d'entre eux sont des chasseurs qui

2 avaient leurs propres fusils de chasse.

3 Question: Est-ce que c'est votre signature qu'on peut voir à la dernière

4 page de ce document?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Sans passer en revue toutes les armes qui sont répertoriées dans

7 ce document, pouvez-vous, de manière générale, nous dire de quel type

8 d'armes il s'agit, quel type d'armes a été ainsi été remis? Quel type

9 d'armes sont consignées ici, dans ce reçu?

10 Réponse: Nous avons remis ces armes par le biais d'une commission.

11 C'étaient des citoyens de Kozluk. Les armes, donc, ont été répertoriées.

12 Il y avait des armes allemandes; il y avait également quelques pistolets

13 qui appartenaient à des particuliers, qui ont été dûment enregistrés.

14 Question: Maintenant, je vais vous poser des questions pour savoir s'il y

15 avait eu ou non une attaque sur Kozluk. Premièrement, est-ce qu'il y a eu

16 une attaque sur Kozluk et quand a-t-elle commencé?

17 Réponse: Il y avait souvent des tirs autour de Kozluk. Et les tensions se

18 faisaient de plus en plus vives au niveau national. Des unités militaires

19 et paramilitaires, en nombre important, sont passées par là. Et la

20 situation, globalement, était tendue, dans la nuit du 20 au 21. Une

21 attaque… une mise en scène a eu lieu contre Kozluk; une attaque qui était

22 le fait de diverses formations venant des villages ou des villes

23 environnantes.

24 Question: Je vais vous poser des questions détaillées à ce sujet,

25 maintenant. Je m'intéresse à la période qui s'est écoulée entre le mois

Page 20619

1 d'avril et le 20 juin. Pendant cette période, est-ce qu'il y a eu des

2 manifestations de violence, des actes de violence dans le village de

3 Kozluk?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Pouvez-vous nous décrire ce qui s'est passé, nous décrire la

6 nature de ces actes de violence?

7 Réponse: Il s'agissait de mesures de pression qui étaient exercées sur les

8 citoyens de l'endroit qui voulaient vivre pacifiquement. C'est-à-dire

9 qu'il y avait de plus en plus de tirs, des échanges de tirs, des tirs; des

10 grenades étaient lancées. Des unités paramilitaires ou militaires et

11 autres ont réalisé des incursions dans Kozluk même.

12 Question: Vers la fin du mois de mai, l'armée populaire yougoslave s'est

13 officiellement retirée de Bosnie-Herzégovine à Kozluk. Avez-vous pu voir

14 certaines de ces troupes partir, quitter la Bosnie?

15 Réponse: A cette époque-là, nous étions complètement encerclés. De longues

16 colonnes de véhicules militaires ont traversé Kozluk. Il y avait là des

17 véhicules de transport de troupes, des blindés, des camions, des chars sur

18 lesquels figuraient les insignes de la JNA, l'étoile à cinq branches ainsi

19 que le drapeau. Ce qui nous a paru un petit peu étrange, c'est que ce

20 n'était plus l'armée populaire yougoslave, l'armée dans laquelle j'avais

21 servi en faisant mon service militaire.

22 Dans ces véhicules et sur ces véhicules, on voyait des hommes qui

23 arboraient des chapeaux, des toques de fourrure, des cocardes. Ils

24 portaient des barbes longues. Ils criaient. Certains ont jeté des

25 bouteilles au centre de Kozluk. Ils interceptaient parfois les véhicules

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1 et ils satisfaisaient leurs besoins naturels sur la route. Cela, ce

2 n'était pas l'armée populaire yougoslave dans laquelle j'avais servi

3 pendant mon service militaire et dans laquelle d'autres personnes avaient

4 servi. Mais c'étaient des colonnes de véhicules qui allaient, qui

5 passaient par la route entre Zvornik et Bijeljina.

6 Question: Et pendant cette période d'avril au 20 juin, est-ce que les

7 habitants de la municipalité de Kozluk, de la communauté de Kozluk,

8 pouvaient aller jusqu'à Zvornik? Est-ce qu'ils avaient la possibilité de

9 le faire?

10 Réponse: Non.

11 Question: Est-ce qu'ils pouvaient aller à Tuzla?

12 Réponse: Non.

13 Question: Et si les gens voulaient quitter Kozluk, est-ce qu'ils pouvaient

14 le faire?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Pour aller où?

17 Réponse: Loznica, ainsi que d'autres localités en Serbie. Il y avait des

18 laissez-passer spéciaux qui étaient délivrés par les autorités de Zvornik.

19 Question: Comment les habitants de Kozluk ont-ils eu connaissance de cela?

20 Réponse: Eh bien, très simplement. Nous étions encerclés, il y avait des

21 gardes serbes, des barrages serbes érigés par les habitants des villages

22 environnants qui nous entouraient. La police serbe qui se trouvait à

23 Kozluk, les policiers serbes pouvaient délivrer des laissez-passer à

24 l'intention des habitants qui souhaitaient se rendre en Serbie. Mais il

25 fallait, pour ce faire, disposer de ressources financières importantes.

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1 Question: Et est-ce qu'effectivement, des habitants de Kozluk ont quitté

2 Kozluk pour se rendre en Serbie ou pour traverser la Serbie?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Est-ce qu'à un moment donné, la situation autour de Kozluk est

5 devenue telle… est devenue tellement dangereuse que vous-même avez

6 souhaité quitter Kozluk?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Et est-ce que d'autres habitants de Kozluk ont manifesté la même

9 volonté?

10 Réponse: Les gens qui étaient restés à Kozluk, qui restaient encore à

11 Kozluk, étaient soumis à d'intenses pressions. Et la plupart des gens

12 voulaient quitter Kozluk de manière pacifique.

13 Question: Est-ce que vous souhaitiez quitter Kozluk de manière définitive

14 ou jusqu'au moment où la situation… où la sécurité aurait été restaurée,

15 ce qui vous aurait permis de revenir en toute sécurité?

16 Réponse: Nous, nous voulions quitter Kozluk temporairement parce qu'on

17 était complètement encerclés et on n'avait pas d'armes. Nous avions donné

18 nos armes. Nous risquions notre vie. Il y avait déjà des gens qui avaient

19 été tués, à Kozluk.

20 Question: Vous avez dit qu'entre le 20 et le 21 juin, le village a fait

21 l'objet d'une attaque. J'aimerais que vous nous parliez de la situation à

22 Kozluk du 20 au 25 juin.

23 Réponse: La situation était catastrophique. On ne pouvait plus, désormais,

24 parler de coexistence, de tolérance, parce que de longues colonnes de

25 véhicules traversaient le village, il y avait des tirs qui venaient de

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1 toutes les directions. La ligne de front était proche. Si bien que des

2 formations paramilitaires venaient souvent à Kozluk; ils voulaient emmener

3 les plus jeunes et commettre d'autres crimes. La situation était

4 insupportable.

5 Question: Maintenant, je voudrais que nous parlions du matin du 26 juin.

6 Est-ce que, ce matin-là, des véhicules militaires avaient pris position

7 aux alentours de Kozluk?

8 Réponse: Quand je me suis levé, ce matin-là, j'ai vu un groupe de gens

9 importants qui se trouvaient au centre de Kozluk; et j'ai également pu

10 voir qu'il y avait là un grand nombre de véhicules militaires.

11 Question: De quel type de véhicules militaires, s'agissait-il?

12 Réponse: Au centre de Kozluk même, il y avait trois chars qui étaient là.

13 Il y avait plusieurs véhicules de transport de troupes, il y avait des

14 camions; tout cela, au centre de Kozluk, à côté du centre culturel. Et les

15 canons étaient braqués sur les maisons où habitaient les gens.

16 M. Groome (interprétation): Est-ce que vous connaissez les noms de Branko

17 Grujic et Jovo Mijatovic?

18 M. Banjanovic (interprétation): Brano Grujic, c'était le maire de la

19 municipalité de Zvornik; il était censé être le maire de tous les

20 citoyens, Brano Grujic. Jovo Mijatovic, c'était notre député; c'est lui

21 qui avait été élu député par nous tous, c'était lui qui représentait une

22 autorité supérieure.

23 M. Kwon (interprétation): Est-ce que ce M. Grujic est également appelé

24 "Branko Grujic"?

25 M. Banjanovic (interprétation): Nous, nous le connaissons sous le nom de

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1 "Brano Grujic".

2 M. Groome (interprétation): Est-ce que vous avez été convoqué à une

3 réunion avec ces deux hommes, le 26 juin?

4 M. Banjanovic (interprétation): Oui. Un policier serbe est venu me

5 chercher; il m'a emmené au poste de police de Kozluk.

6 Question: Pouvez-vous résumer ce qui vous a été dit lors de la réunion

7 avec ces deux hommes?

8 Réponse: Lorsque je suis arrivé au poste de police de Kozluk, il y avait

9 plusieurs policiers de l'endroit, de la ville. Il y avait quelques hommes

10 qui portaient des uniformes militaires. Et j'ai vu Brano Grujic, le maire,

11 ainsi que Mijatovic, le député.

12 Question: Pour l'instant, je voudrais que vous nous disiez ce qu'ils vous

13 ont dit précisément au cours de cette réunion.

14 Réponse: Il ne s'agissait pas d'une réunion. Mais tout simplement, Brano

15 Grujic m'a dit que dans les 60 minutes qui suivaient, je devais rassembler

16 tout le monde et que nous devions quitter Kozluk de toute urgence. Mais je

17 lui ai dit: "Pour aller où?", et il a répondu que nous prendrions la

18 direction de la Serbie.

19 Mais nous n'avions pas de véhicule, nous n'avions pas de carburant. Et il

20 m'a dit… Je le lui ai dit, et il m'a dit que tout était prêt et que, dans

21 l'heure qui suivrait, tout ce qui était nécessaire serait au centre de

22 Kozluk, autocars, etc.

23 Question: Vous dites qu'il a dit que tout le monde devait partir. Est-ce

24 que, par là, il entendait véritablement tout le monde, toutes les

25 personnes qui vivaient à Kozluk?

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1 Réponse: Cet ordre s'appliquait exclusivement aux Bosniens.

2 M. Groome (interprétation): Donc il voulait dire par là tous les Bosniens

3 qui habitaient à Kozluk?

4 M. Banjanovic (interprétation): Oui.

5 M. le Président (interprétation): L'heure de lever l'audience est déjà

6 passée depuis quelques instants.

7 Monsieur Groome, pouvez-vous, s'il vous plaît, en terminer de vos

8 questions pour aujourd'hui?

9 M. Groome (interprétation): Encore une question. Je pense qu'ensuite, le

10 moment sera bien choisi pour interrompre les débats.

11 Pouvez-vous, Monsieur le Témoin, nous dire ce qui se passait à Kozluk au

12 moment où vous avez rencontré ces hommes? Quand vous êtes retourné là où

13 vous viviez à Kozluk, est-ce que vous pouvez nous dire ce qui se passait

14 dans le village?

15 M. Banjanovic (interprétation): A côté de chaque maison, il y avait deux

16 ou trois militaires qui se tenaient là. A Kozluk, il y a plus de 1.000

17 maisons, donc on peut dire qu'il y avait plus de 1.000 soldats… enfin, des

18 militaires. Des militaires, des soldats en uniforme militaire, des

19 policiers, etc. Enfin, beaucoup de monde. Et des gens qui portaient divers

20 types d'uniforme avec des gants, des masques, des passe-montagnes, etc.

21 Des unités militaires.

22 Ils poussaient les gens vers le centre de Kozluk, comme des moutons. Ils

23 ont parfois ouvert le feu; ils ont mis également le feu à certaines

24 maisons, à certains locaux; et ce faisant, ils ont blessé plusieurs

25 habitants.

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1 Et je me suis rendu compte que ce n'était pas un départ qui se passait

2 dans des conditions pacifiques; nous étions devenus ou nous devenions des

3 otages.

4 M. Groome (interprétation): Merci. Je poursuivrai cet interrogatoire

5 principal lundi en huit.

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Banjanovic, nous devons lever

7 l'audience parce que le moment est venu de lever l'audience. La semaine

8 prochaine, nous ne siégeons pas car nous avons accordé plus de temps à

9 l'accusé pour se préparer la semaine prochaine; c'est la raison pour

10 laquelle il n'y aura pas d'audience.

11 Je suis désolé, votre déposition a été interrompue; il va falloir que vous

12 reveniez. Mais je souhaiterais vous demander de revenir lundi en huit pour

13 poursuivre votre déposition.

14 Pendant cette interruption de votre déposition, pendant toute autre

15 interruption qui pourrait se produire, je vous demande de ne parler à

16 personne de votre déposition, ceci jusqu'à ce que vous en ayez terminé.

17 N'autorisez personne à vous parler de votre déposition, et ceci concerne

18 également les membres de l'équipe du Bureau du Procureur. Bien entendu,

19 vous pouvez leur parler au sujet de vos déplacements et de ce genre de

20 choses.

21 L'audience est levée.

22 (L'audience est levée à 14 heures 05.)

23

24

25