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1 (Mercredi 21 mai 2003.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 06.)
3 (Audience publique.)
4 (Questions relatives à la procédure.)
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, vous avez la parole.
6 M. Nice (interprétation): Je demande un huis clos partiel pour quelques
7 minutes.
8 M. le Président (interprétation): Oui.
9 (Huis clos partiel à 9 heures 06.)
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16 (Audience publique à 9 heures 13.)
17 M. Nice (interprétation): Je pense que les Juges de cette Chambre ont un
18 résumé de la déposition que nous entendrons ce matin.
19 (Le témoin, M. Milan Kucan, est introduit dans le prétoire.)
20 M. le Président (interprétation): Je demande au témoin de prononcer la
21 déclaration solennelle.
22 M. Kucan (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
24 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Vous pouvez vous
25 asseoir, Monsieur Kucan.
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1 M. Nice (interprétation): Avant de commencer l'audition de ce témoin,
2 j'aimerais que les pièces à conviction de ce témoin reçoivent une cote
3 générale.
4 Mme Anoya (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 417,
5 Monsieur le Président.
6 (Interrogatoire principal du témoin, M. Milan Kucan, par M. Nice.)
7 M. Nice (interprétation): Vous vous appelez Milan Kucan. Vous avez été
8 Président de la Slovénie depuis avril/mai 1990 jusqu'à 2002, ayant été
9 réélu trois fois à ces fonctions?
10 M. Kucan (interprétation): Oui.
11 Question: D'autres éléments de votre histoire personnelle sont bien
12 connus, bien entendu, de notoriété publique; on les trouve dans la pièce à
13 conviction 447 de l'accusation, intercalaire 1.
14 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce témoin est bien sûr apte à
15 traiter d'un nombre très important de questions significatives. Nous
16 n'aborderons que quelques-unes des questions les plus importantes. Mais,
17 bien entendu, la Chambre, comme nous le savons, est au courant d'autres
18 éléments de son passé.
19 Monsieur Kucan, j'aimerais que nous parlions de la réunion du comité
20 central qui s'est tenue le 30 janvier 1989 -je parle du comité central de
21 la Ligue des communistes-, réunion tenue à Belgrade.
22 Vous constaterez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que nous
23 avons à ce sujet une traduction de l'allocution prononcée par l'accusé, et
24 on trouve cette traduction à l'intercalaire 2.
25 Avant de passer à l'examen de cette allocution, Monsieur Kucan, j'aimerais
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1 que vous nous expliquiez dans quel contexte s'est déroulée cette réunion
2 et quels ont été les éléments, les sujets principaux abordés lors de cette
3 réunion.
4 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'était une époque où
5 la crise avait atteint un point culminant en ex-Yougoslavie. C'était une
6 crise caractérisée par des aspects multiples qui n'étaient pas
7 qu'économiques ou dus aux rapports interethniques; c'était également une
8 crise marquée par des problèmes au niveau des valeurs morales. Donc cette
9 crise indiquait qu'un changement était indispensable en ex-Yougoslavie.
10 La direction politique slovène a compris que ce changement devait résider
11 dans un nouvel ordonnancement de la vie commune en ex-Yougoslavie; elle
12 pensait qu'il fallait définir d'une manière nouvelle les nouveaux intérêts
13 et les différents aspects de la nouvelle vie de cette société.
14 La direction politique serbe, pour sa part, avait un point de vue
15 différent, pensant que des changements étaient effectivement nécessaires,
16 mais que ces changements devaient résider dans la nomination de nouveaux
17 dirigeants susceptibles d'appuyer la transformation souhaitée par la
18 direction politique serbe. Donc les changements de dirigeants se sont
19 produits par le biais, effectivement, de convocation de grandes réunions
20 publiques qui ont permis d'abord de changer la direction de la Vojvodine,
21 puis celle du Monténégro.
22 Et lors de cette réunion du comité central, nous avons d'abord débattu
23 pour savoir s'il convenait de discuter de la nécessité de modifier les
24 conditions politiques de la direction du pays en apportant éventuellement
25 des modifications à la Constitution pour établir, avec de nouveaux
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1 dirigeants, de nouveaux rapports de force au sein du comité central, ou
2 s'il fallait continuer à travailler avec l'ancienne direction représentée
3 au comité central de la Ligue des communistes. Donc c'est dans cet ordre
4 d'idée que les débats se sont déroulés.
5 Question: L'accusé a-t-il été le point central des débats lors de cette
6 réunion?
7 Réponse: Non, il n'a été qu'un des orateurs parmi d'autres. C'est le
8 Président du comité central de la Ligue des communistes yougoslave de
9 l'époque, Stipe Suvar, qui a été l'orateur le plus important.
10 Question: Néanmoins, l'accusé a prononcé une allocution très importante
11 que nous disposons en BCS pour le témoin, et j'espérais que nous pourrions
12 placer ce texte en version anglaise sur le rétroprojecteur… Mais, non,
13 nous ne le ferons pas. Je signale cependant que cette allocution en
14 version anglaise existe à l'intercalaire 2 de la pièce à conviction de
15 l'accusation 447.
16 Je vous demanderai donc, Monsieur le Président et Messieurs les Juges, de
17 bien vouloir parcourir avec moi quelques-uns des passages qui ont déjà été
18 surlignés par le Procureur dans ce texte. Et j'aimerais que le témoin
19 suive l'exposé de ces passages en BCS, après quoi on lui demandera ses
20 commentaires.
21 (Intervention de l'huissière.)
22 Alors, intercalaire 2. Nous voyons d'abord le passage suivant -je cite-:
23 "Ce qui ne peut pas être changé institutionnellement et qui doit être
24 changé, car il s'agit de quelque chose qui a duré trop longtemps, sera
25 modifié non institutionnellement; il en a toujours été ainsi dans toutes
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1 les sociétés." (Fin de citation.)
2 Je renvoie les Juges de cette Chambre à la page 4, maintenant, paragraphe
3 du milieu. Je cite: "Par conséquent, je tiens à dire à tous ceux qui ne
4 peuvent pas se débarrasser de leurs habitudes facilement, leurs habitudes
5 consistant à juger la Serbie, que la Serbie est égale et unie et qu'ils ne
6 devraient pas s'en irriter. Une fois que ceci sera devenu clair pour
7 chacun, nous pourrons résoudre les problèmes difficiles qu'implique la
8 crise yougoslave; nous le ferons ensemble plus facilement et sur un pied
9 d'égalité." (Fin de citation.)
10 Page suivante; dans la version anglaise, page 5, deuxième paragraphe –je
11 cite-: "Je dois dire que si la Yougoslavie doit être conçue comme une
12 communauté dans laquelle la Serbie serait divisée en trois parties et
13 serait mise à genoux, la Serbie serait opposée à la création d'une telle
14 communauté, serait opposée à la création d'une telle Yougoslavie. Nous
15 serions dans ce cas favorables à une Yougoslavie différente; en d'autres
16 termes, nous serons favorables à la seule Yougoslavie envisageable, à
17 savoir une Yougoslavie dans laquelle chacun est égal et, par conséquent, à
18 une Serbie où chacun serait égal également. Dans ce processus, nous ne
19 nous préoccuperions pas de savoir si on lui donnerait le nom de '3e', '5e'
20 ou '10e Yougoslavie'." (Fin de citation.)
21 Enfin, je vous adresse à la page 7, paragraphe qui commence au bas de la
22 page, et qui se lit comme suit -je cite-: "La présente séance devait
23 permettre de résoudre les conflits et les divergences. Nous n'avons pas
24 peur de ces conflits et de ces divergences; ils sont inévitables si l'on
25 veut supprimer les obstacles et trouver des solutions. Mais la procédure
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1 n'apportera pas de solution, compte tenu des pièges petits et grands qui
2 existent, des artifices petits et grands qui existent, des intrigues et
3 des manœuvres.
4 Une politique choisie par le peuple, institutionnelle et non
5 institutionnelle, statutaire et non statutaire, venant de la rue et de
6 l'intérieur du peuple et de l'élite avec ou sans querelle, peut permettre
7 de trouver une solution." (Fin de citation.)
8 Je cite: "Mais en tout état de cause, il est clair que cette politique
9 doit servir les socialistes et les démocrates de Yougoslavie, et que le
10 peuple yougoslave doit vivre uni et sur un pied d'égalité aussi bien sur
11 le plan culturel que sur le plan de l'unanimité de la société." (Fin de
12 citation.)
13 Merci. Monsieur Kucan, vous ayant rappelé ces extraits de l'allocution en
14 question, quel est le message qui selon vous était celui de l'accusé?
15 Réponse: Le message -pour le dire simplement- était le suivant. Les
16 changements, tels que préconisés par la direction serbe, auront lieu dans
17 un cadre institutionnel ou non; c'est-à-dire que les dispositions de la
18 Constitution seront respectées ou pas. Et c'est là que la divergence a
19 surgi, car nous connaissions tous les difficultés qui existaient. Mais
20 s'agissant de ces difficultés à laquelle la Yougoslavie était confrontée à
21 l'époque, nous avions des solutions différentes, nous avions des réponses
22 différentes à proposer. Ces réponses étaient bien illustrées, semble-t-il,
23 par le statut de la Slovénie qui était favorable à une démarche
24 institutionnelle, légale, constitutionnelle, et par la situation dans les
25 autres parties de l'ex-Yougoslavie qui étaient également à l'époque des
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1 Etats indépendants.
2 Question: Un point de détail, je vous prie. Nous voyons dans le texte de
3 l'allocution prononcée par l'accusé l'utilisation des termes
4 "institutionnel" ou "non institutionnel". Dans votre réponse, vous avez
5 utilisé le mot "constitutionnel". Dans le cadre dans lequel s'exprimait
6 l'accusé, y avait-il identité… y avait-il identité de sens entre les deux
7 mots ou pas?
8 Réponse: Sur le fond, l'utilisation des mots "institutionnel" ou "non
9 institutionnel" signifiait, en réalité, le respect ou le non respect de la
10 voie constitutionnelle.
11 A l'époque, des réunions publiques importantes avaient lieu, et c'est sous
12 la pression de ces réunions de masse que des dirigeants ont été changés,
13 c'est-à-dire à la demande du peuple, à la demande de la rue, alors
14 qu'aucun de nous n'estimait que le peuple devait être privé de son droit
15 de faire connaître son mécontentement. Mon point de vue consistait à
16 penser que, bien entendu, chacun peut descendre dans la rue pour faire
17 connaître son mécontentement, mais que personne n'est autorisé à descendre
18 dans la rue pour mettre au point une nouvelle conception, une nouvelle
19 solution pour sortir de la crise. Autrement dit, je pensais que pour
20 mettre en place des solutions politiques, il n'était pas permis d'utiliser
21 n'importe quel moyen.
22 Question: Avez-vous pu faire connaître votre avis sur l'attitude de
23 l'accusé par rapport à l'expression du mécontentement populaire dans la
24 rue?
25 Réponse: Eh bien, à cette époque-là en Slovénie, personne ne pensait que
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1 ces rassemblements, ces réunions publiques auxquelles on donnait un autre
2 nom… en effet, ces rassemblements de la vérité autour des Serbes et des
3 Monténégrins au Kosovo étaient l'expression d'une situation
4 particulièrement difficile. Toutes sortes de vicissitudes s'étaient
5 produites. Et on appelait cela "la révolution anti-bureaucratique". Donc
6 toutes sortes de noms étaient utilisées pour baptiser ce genre de
7 rassemblements et de réunions publiques, mais personne en Slovénie ne
8 pensait que ces réunions étaient spontanées.
9 L'une de ces réunions s'était donnée pour objectif de diffuser la vérité
10 un peu partout en Yougoslavie. Et la réunion, le rassemblement avait été
11 annoncé pour le 1er décembre 1989 à Ljubljana. La direction slovène de
12 l'époque, le conseil exécutif de la République slovène et le Ministère de
13 l'Intérieur ont interdit cette réunion publique en faisant appliquer la
14 loi, car il existait un risque important que cette réunion ne dégénère en
15 heurts graves et en conflit interethnique sur le territoire de la
16 République de Slovénie. Donc le débat s'est poursuivi le 20. Une séance du
17 comité central de la Ligue des communistes yougoslaves, c'est celle dont
18 nous avons parlé tout à l'heure. Mais, avant cela, nous avions déjà tenu
19 une réunion les 17 et 18, au cours de laquelle nous avions débattu des
20 changements constitutionnels envisageables.
21 Mon point de vue à l'époque était le suivant. Je pensais que nous avions
22 besoin d'un consensus sur tous ces problèmes et qu'aucune transformation
23 importante ne pouvait se produire dans la situation très tendue du Kosovo
24 à l'époque. Donc la réponse venant de nous était la suivante: il fallait
25 d'abord créer un consensus. Le socialisme n'avait pas été mis en place par
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1 la voie d'un consensus. Donc les modifications avec déclaration de l'état
2 d'urgence ne pouvaient pas suffire.
3 Question: Encore deux questions au sujet de l'allocution de l'accusé dont
4 nous avons déjà parlé. D'abord, nous savons qu'en juin 1989, le 28 je
5 pense, l'accusé a prononcé son discours sur la Bataille du Kosovo. Est-ce
6 que ceci avait un rapport, à votre avis, avec le discours dont nous avons
7 parlé il y a quelques instants?
8 Réponse: A mon avis, cette allocution était la continuation logique des
9 débats qui s'étaient produits dans la période antérieure. En fait, le
10 discours tenu lors de la commémoration du 500e Anniversaire de la Bataille
11 du Kosovo, bataille très importante pour l'Europe et le peuple serbe en
12 particulier, avait permis de dire...
13 Question: Les Juges disposent d'un grand nombre de pièces à conviction à
14 ce sujet. Ils connaissent bien ce discours, donc je vous demanderais une
15 réponse brève consistant simplement à nous dire s'il y avait un rapport
16 entre les deux discours. Vous l'avez fait d'ailleurs, donc cela me
17 satisfait.
18 Réponse: Ma réponse sera très brève. J'aimerais simplement terminer mon
19 raisonnement. A cette époque, on avait dit que le peuple serbe se lançait
20 une fois de plus dans la bataille mais… Il ne s'agissait pas encore de
21 batailles armées, mais c'est ce qu'on ne pouvait pas exclure. On pouvait
22 envisager qu'une bataille armée suive et qu'une lutte ait lieu quelque
23 soit les moyens utilisés.
24 Question: Et la dernière question: est-ce qu'à un stade quelconque, au
25 paragraphe 9 du résumé, avez-vous répondu à l'allocution prononcée par
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1 l'accusé? Et dans l'affirmative qu'avez-vous dit et quand l'avez-vous
2 fait? Et de façon brève, je vous prie.
3 Réponse: Sur la base d'un accord intervenu au niveau des délégués
4 slovènes, lors de cette séance du comité central, M. Boris Muzic a pris la
5 parole le lendemain pour répondre à ces hypothèses.
6 Question: Et à cette époque-là, en 1989, pour autant que l'on puisse faire
7 le point du raisonnement qui prévalait à l'époque, pensez-vous qu'à
8 l'époque il y avait deux concepts selon lesquels il fallait envisager la
9 Yougoslavie? Le premier visant à ce que la Yougoslavie permette à
10 différents peuples de vivre sous un seul et même toit, et l'autre
11 consistant à dire qu'il s'agissait d'un schéma différent. Pouvez-vous
12 répondre à cette question de façon brève?
13 Réponse: En fait, ce que vous venez de décrire est tout à fait exact.
14 Toutefois, il y a une différence parce que la situation était différente
15 au moment où la Yougoslavie est née. Pour certains hommes politiques en
16 Serbie, la Yougoslavie avait toujours été conçue comme un Etat dans lequel
17 tous les Serbes pourraient vivre ensemble. Pour d'autres tels que les
18 Slovènes, les Croates, les Macédoniens -et je parle plus particulièrement
19 au nom des Slovènes-, toutes ces personnes n'ont jamais compris la
20 Yougoslavie dans ce sens-là.
21 En fait, notre conception de la Yougoslavie était celle d'un Etat qui
22 permet une vie pacifique, la promotion, le développement, le bien-être
23 ainsi que la prospérité pour tous les peuples qui vivent sur un pied
24 d'égalité.
25 Tout au long de la situation de crise, cette différence a joué un rôle
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1 fondamental même lors du pouvoir dictatorial qui a été annoncé en 1992
2 lorsque l'ancien Royaume de la Yougoslavie a été mis en place par les
3 Nazis. En fait, cet aspect a été souligné dès 1945, et après la guerre
4 également en 1974, lorsqu'on a adopté la dernière Constitution de la
5 République socialiste fédérative de la Yougoslavie.
6 Question: La Chambre a déjà entendu de nombreux témoignages au sujet des
7 mesures qui ont été prises par la Serbie au sujet des deux provinces
8 autonomes de la Vojvodine et du Kosovo. Pourriez-vous peut-être, très
9 brièvement en une phrase, nous rappeler ou nous expliquer si le fait
10 d'avoir pris des mesures vis-à-vis de ces provinces autonomes ont eu une
11 répercussion quelconque sur la Yougoslavie en tant que structure globale?
12 Réponse: Oui, il y a eu des répercussions. La structure constitutionnelle
13 de la Constitution yougoslave et de la République socialiste de Serbie
14 était fondée sur le fait que la province autonome de Vojvodine ainsi que
15 la province autonome du Kosovo permette aux minorités de vivre. La
16 minorité plus importante en Vojvodine était hongroise, et dans la province
17 du Kosovo la minorité principale qui prévalait à l'époque était albanaise.
18 Dans ce sens, les deux provinces autonomes fonctionnaient comme un élément
19 constitutif de la Fédération de Yougoslavie.
20 Avec le changement de la position de ces deux provinces, dans le cadre du
21 contexte constitutionnel de la Serbie, et compte tenu de la Constitution
22 de la République fédérale qui avait évolué, après avoir apporté des
23 changements à la Constitution serbe au printemps de 1998, celle-ci a été
24 modifiée. En fait, il s'agissait de savoir comment on allait pouvoir
25 traduire dans les faits ces changements en Yougoslavie parce que, si on
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1 réduit l'importance, le rôle joué par une province au niveau de la
2 Constitution de la Yougoslavie, et il s'agissait là d'un fait sur lequel
3 insistait la direction politique; il s'agissait en fait de questions
4 essentiellement yougoslaves et le vote était confié aux deux provinces.
5 Par conséquent, la Serbie devait donc se prononcer et voter au sujet de
6 trois choses différentes ayant trait aux questions fédérales.
7 Comme je l'ai dit, en premier lieu, les changements ont été introduits par
8 le biais de rassemblements de masse. On a procédé à la mise en place de
9 personnes qui étaient partisanes des objectifs prônés par la direction
10 serbe.
11 Question: Vous avez parlé de questions au sujet de l'armée -du moins si
12 l'on examine le résumé que nous avons élaboré à votre égard- et j'aimerais
13 examiner cela du point de vue chronologique. Mais j'aimerais que vous
14 placiez ces questions dans un contexte. Quel était le souhait slovène et
15 quelles étaient les promesses qui avaient été faites au sujet de sa
16 responsabilité après la Deuxième Guerre mondiale?
17 Réponse: Les Slovènes au cours de la Deuxième Guerre mondiale, tout au
18 long de l'occupation par l'Italie et l'Allemagne fasciste, avaient
19 constitué leur propre armée de rebelles. Elle n'avait jamais abandonné le
20 territoire de la République slovène. Cette décision reposait sur une
21 conviction selon laquelle l'armée de partisans ne pouvait pas être
22 dissociée de sa nation qui ne pouvait pas exister sans un système de
23 défense quelconque. En 1943, lorsque l'organe le plus élevé de la
24 Yougoslavie s'est réuni, le conseil antifasciste, la délégation slovène a
25 reçu la promesse selon laquelle notre armée ferait partie de l'armée
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1 yougoslave et que la Slovénie pourrait également continuer à assurer le
2 commandement. Mais, par la suite, l'armée slovène a été démantelée. Cette
3 promesse ne s'est pas traduite dans les faits, elle est devenue partie
4 intégrante de l'armée yougoslave où la communication se faisait dans des
5 langues différentes puisque la langue qui était utilisée par le
6 commandement était la langue serbe. S'agissant du principe d'égalité des
7 langues en tant que moyen de communication, il est également manifeste
8 dans le cadre du procès qui a eu lieu à Ljubljana, puisque ce procès s'est
9 en fait déroulé en langue serbe.
10 Question: J'aimerais à présent aborder le deuxième aspect de la question
11 qui concerne l'armée. J'aimerais peut-être que vous nous apportiez vos
12 lumières afin que nous puissions mieux comprendre la situation. Un simple
13 soldat serbe qui était cantonné en Slovénie était-il en mesure de
14 comprendre et de communiquer avec les Slovènes dans leur langue ou non?
15 Réponse: Avec un peu d'effort, il pouvait communiquer. Mais je dois dire
16 qu'en toute logique on s'attendait à ce que tout le monde s'exprime en
17 serbe, non seulement au niveau de l'armée mais également au niveau
18 fédéral, au niveau du tribunal constitutionnel, parce qu'en fait la langue
19 serbe devait être utilisée.
20 Question: J'aimerais vous poser une deuxième question concernant l'armée.
21 A votre avis, est-ce que la JNA à l'époque de Tito avait, d'une certaine
22 manière, deux maisons?
23 Réponse: On peut dire que oui. Cette armée est en fait devenue une armée
24 idéologique et politique. Elle est devenue l'aile armée de la faction
25 communiste qui était responsable de la direction de la résistance. En
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1 fait, une situation très précise prévalait en Slovénie, mais elle n'est
2 pas importante pour le débat qui se déroule dans cette enceinte.
3 En fait, oui, on peut parler de deux maisons. La maison idéologique était
4 celle de la Yougoslavie, et la maison politique de la JNA était toujours
5 convaincue qu'il s'agissait d'un facteur d'unités et que son existence
6 même confirmait celle de la Yougoslavie. Cette armée était totalement
7 dévouée au Président Tito qui était à la fois le Président de l'Etat de la
8 Yougoslavie et le Président de la ligue des communistes de la Yougoslavie.
9 A sa mort en 1990, en fait, c'est son père même qui a disparu; je parle
10 bien évidemment du commandant suprême. Et par la suite, la Présidence de
11 l'Etat qui a remplacé Tito n'a pas reconnu ce commandement suprême. Et
12 ceci s'est traduit ou plutôt cette réunion qui a eu lieu entre la
13 présidence, c'est-à-dire l'ancien commandant suprême, et les dirigeants de
14 l'armée, réunion qui s'est tenue en mars 1990, au moment où les conflits
15 bien connus de tous ont éclaté, tout le monde savait qui était au
16 commandement de la JNA et de l'armée yougoslave.
17 Question: Je vous remercie. J'aimerais, dans la mesure où cela est
18 possible, continuer à suivre une approche chronologique. J'aimerais, à
19 présent, vous parler d'un passage, d'un extrait du journal de Borislav
20 Jovic. Mais avant d'examiner cela, il s'agit donc d'extraits de ce
21 journal, mais est-ce qu'il s'agit d'un ouvrage que vous avez lu et êtes-
22 vous en mesure de formuler une opinion s'agissant des faits qui sont
23 mentionnés dans cet ouvrage? Est-ce que ces faits sont pertinents ou non?
24 Monsieur Kucan, avez-vous entendu la question que je vous ai posée? La
25 question que je vous ai posée était de savoir si… Après avoir lu l'ouvrage
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1 de Borislav Jovic, pouvez-vous nous dire si, dans cet ouvrage, les faits
2 qui ont été évoqués sont précis ou non?
3 Réponse: La description qui est faite des événements, avec le Président de
4 la Présidence ainsi que moi-même, sont assez précis et corrects, mais
5 s'agissant des autres événements, je ne peux pas me prononcer quant à la
6 précision des descriptions.
7 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous
8 avons retiré de cet ouvrage un certain nombre d'extraits que nous
9 aimerions présenter en tant que pièces à conviction distincte, dans la
10 mesure du possible, afin que nous puissions inviter le témoin à formuler
11 des observations. La question de la recevabilité de l'ouvrage dans sa
12 totalité est une question qui relève de votre juridiction.
13 M. le Président (interprétation): En effet, vous avez raison. Et en fait,
14 nous avons déjà précisé que nous allions statuer en temps utile.
15 M. Nice (interprétation): Je vous remercie.
16 M. le Président (interprétation): Mais s'il s'agit uniquement de certains
17 passages, nous pourrions peut-être verser ce document, pour autant que le
18 témoin précise qu'il s'agit d'extraits précis.
19 M. Nice (interprétation): Peut-être que l'on pourrait attribuer une cote
20 séparée à ces pièces à conviction?
21 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction 448.
22 M. Nice (interprétation): J'invite les Juges à se référer à la préface de
23 cet ouvrage. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire pour moi de passer en
24 revue tout ce sommaire; je vous invite simplement à vous reporter à la
25 dernière page, qui est la page 44, et nous voyons un extrait assez long
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1 qui est daté du 21 septembre 1989. Je ne vais pas vous demander de tout
2 lire parce que cela prendrait trop de temps; je vais simplement demander
3 au témoin de formuler certaines observations à ce sujet afin que nous
4 sachions un petit peu de quoi il s'agit. Et j'espère que le témoin dispose
5 de l'original. Si la Chambre de première instance le juge adéquat, il
6 serait peut-être bon qu'il consulte l'exemplaire en slovène.
7 M. le Président (interprétation): Bien.
8 M. Nice (interprétation): Monsieur Kucan, nous parlons ici d'un extrait du
9 21 septembre. Et j'invite les Juges à se reporter au deuxième paragraphe.
10 Il s'agit d'une réunion qui a eu lieu à Drnovsek, et il parle également de
11 consultations au sujet d'un rapport qui a été élaboré hier, dans lequel il
12 est fait mention de préparatifs à une intervention militaire en Slovénie.
13 Si nous voyons un peu plus loin, nous voyons vers le milieu de la page que
14 les Slovènes sont convenus de se réunir dans l'après-midi ou en début de
15 soirée, vers 19 heures: Stanovnik, Kucan, Potrc et Sinogoj.
16 Si nous allons un peu plus loin, nous voyons un autre passage. En fait, il
17 faudrait passer plusieurs passages. Il s'agit d'un passage qui commence
18 par les mots suivants: "Potrc a brièvement expliqué chacune des
19 modifications qui étaient suggérées, compte tenu des objections que nous
20 avions soulevées. D'une façon globale, rien n'est vraiment modifié, rien
21 de substantiel n'a été convenu, abstraction faite de certains changements
22 de type cosmétique. Mais il a expliqué qu'il était absolument nécessaire
23 de maintenir la Constitution de la République socialiste fédérative de
24 Yougoslavie. A son avis, ce que nous sommes en train de faire est un
25 exercice qui n'est pas constitutionnel. Il demande que nous séparions la
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1 responsabilité des changements constitutionnels, et qu'on devrait
2 permettre au Tribunal constitutionnel de réagir selon le cas.
3 Malheureusement, d'après la Constitution yougoslave, un Tribunal
4 constitutionnel peut conclure qu'une Constitution de la République n'est
5 pas conforme à la Constitution fédérale et demander à la République de
6 veiller à la lignée…". (Fin de citation.)
7 Si nous passons à présent à la page suivante, nous voyons au premier
8 paragraphe les mots qui commencent comme suit: "Ensuite, je prends la
9 parole. J'ai dit très précisément que, d'après l'évaluation faite par la
10 Présidence, l'adoption de modifications sous cette forme qui a été
11 proposée constituerait une menace directe vis-à-vis de l'intégrité de
12 notre pays et entraverait l'ordre constitutionnel qui avait été établi…".
13 (Fin de citation.)
14 Et si nous poursuivons encore un peu plus loin dans le texte, nous voyons,
15 vers le milieu de cette page, une référence qui est faite à Ante: "Ante
16 lui-même marque une certaine distance en disant qu'il n'a pas connaissance
17 de l'ensemble de ces détails, mais qu'il semble qu'il est nécessaire de
18 discuter de cette question de façon approfondie. D'après ces remarques,
19 Kucan, qui commençait à s'agiter, m'a demandé d'expliquer ce que l'on
20 entendait par 'autres mesures à la disposition de la Présidence'. Veljko
21 et moi-même avons expliqué 'ce qui est prévu est conforme à la
22 Constitution et à la législation; rien ne va au-delà de ce cadre'. 'Non,
23 non -poursuit-il-, dites-moi exactement ce que vous comprenez'." (Fin de
24 citation.)
25 Puis, plus loin, deux lignes avant la fin de cette page, on voit qu'il est
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1 question d'une offensive qui serait dirigée à l'encontre des dirigeants.
2 Monsieur Kucan, compte tenu de ces différents éléments qui ont été mis en
3 exergue par le Bureau du Procureur lors de cette réunion, en quelques
4 phrases, pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre ce qu'il s'est
5 produit là-bas et quelle était l'origine de vos préoccupations?
6 Réponse: Cette réunion s'est déroulée le 26 septembre. Le 26 septembre,
7 une séance avait été envisagée au cours de laquelle l'Assemblée de la
8 Slovénie allait adopter des modifications qui allaient être apportées à la
9 Constitution de la République slovène, et, grâce à ces modifications, la
10 Slovénie voulait emprunter un chemin juridique afin d'assurer ses intérêts
11 dans la fédération yougoslave. En d'autres termes, elle voulait assurer
12 son droit juridique et moral à l'autodétermination.
13 L'adoption de ces modifications constitutionnelles qui constituaient la
14 décision qui a été prise lors de cette réunion était la seule possible.
15 A la veille du 26 septembre, une séance du comité central de la Ligue des
16 communistes de la Yougoslavie avait eu lieu, et ils nous avaient invités à
17 envisager d'annuler cette réunion et de ne plus parler d'amendement. Cette
18 réunion était préoccupée par cela.
19 Le Président de la Présidence qui représentait la Slovénie ainsi que nos
20 interlocuteurs, tous les dirigeants de la Slovénie, étaient présents lors
21 de cette réunion. Il n'y avait pas simplement le Président du gouvernement
22 fédéral, mais également le ministre de la Défense. Après avoir demandé que
23 nous n'adoptions pas ces amendements, et comme le Procureur l'a fait
24 remarquer dans les passages qu'il a cités, on a précisé que d'autres
25 moyens auraient pu être utilisés.
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1 La question que je pose est de savoir quels autres moyens on aurait pu
2 utiliser. Or je n'ai pas reçu de réponse à cette question. Mais nous
3 savions exactement quels étaient les implications sous-jacentes, l'état
4 d'urgence et l'utilisation éventuelle de l'armée, et ce, afin de vérifier
5 et d'assurer l'ordre et la sécurité en Slovénie.
6 Voilà la situation qui prévalait en Yougoslavie au cours de ces dernières
7 années. Il s'agissait soit d'accusation de contre-révolution, d'activités
8 à l'encontre des intérêts yougoslaves. Et ensuite, ils allaient proclamer
9 un état d'urgence qui leur donnerait l'autorisation ou qui donnerait
10 l'autorisation à l'armée de démettre de leurs fonctions les autorités
11 juridiques et de passer à l'acte conformément aux intérêts de ceux qui
12 voulaient établir cet état d'urgence. C'est du moins là comment j'ai
13 compris la teneur de la réunion qui s'était déroulée.
14 Question: Bien. Je vous remercie. Je vais à présent passer à la réunion du
15 22 septembre, ceci afin de gagner quelque peu le temps qui nous est
16 imparti.
17 Je voudrais à présent aborder une question qui est la suivante. En janvier
18 1990, je pense qu'il y avait le 14e Congrès de la Ligue des communistes ou
19 non? Est-ce qu'il s'agissait d'un congrès qui se réunissait tous les
20 quatre ans ou est-ce qu'il s'agissait d'un congrès extraordinaire qui
21 s'est déroulé au moment où votre délégation a quitté les lieux? Veuillez
22 simplement confirmer cela, parce que j'aimerais d'abord faire défiler un
23 enregistrement vidéo avant de vous inviter à formuler des observations.
24 Réponse: Il s'agissait, en effet, du 14e Congrès de la Ligue des
25 communistes de Yougoslavie. En fait, ces congrès étaient organisés tous
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1 les quatre ans. Et en 1990, il s'agissait d'une année au cours de laquelle
2 un congrès devait se dérouler. Mais compte tenu de la situation qui
3 prévalait, étant donné l'état d'urgence qui menaçait, vu la situation
4 extraordinaire qui prévalait en Yougoslavie, ce congrès devait être un
5 congrès ordinaire, mais en fait a été rebaptisé "Congrès extraordinaire".
6 Lors de la 18e Séance de la Ligue des communistes, cette proposition a été
7 rejetée. Lors de la 20e séance, à la demande de la Conférence provinciale
8 de la Vojvodine qui avait demandé la convocation d'un congrès
9 extraordinaire, cette demande a une fois de plus été rejetée. Et lors de
10 la 22e Séance, on a enfin approuvé la tenue de ce Congrès extraordinaire.
11 J'avais fait personnellement remarqué qu'il s'agissait là d'un congrès
12 extraordinaire qui s'était déroulé à l'encontre de la volonté et de la
13 position des Slovènes.
14 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous
15 allons à présent faire diffuser un extrait du film intitulé: "La mort de
16 la Yougoslavie" qui émane de la chaîne de télévision BBC. Il s'agira de
17 l'intercalaire 7 de la pièce à conviction 447.
18 M. le Président (interprétation): Il s'agit d'un extrait?
19 M. Nice (interprétation): C'est un extrait. Il s'agit non seulement d'un
20 enregistrement du congrès lui-même, mais également d'observations faites
21 par d'autres intervenants. J'espère que le témoin pourra formuler des
22 observations à cet égard. Nous ne disposons pas encore d'un compte rendu,
23 je m'en excuse. J'espère que les gens pourront suivre en anglais.
24 (Début de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
25 "Il a cité la réunion d'un congrès extraordinaire alors que les délégués
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1 étaient debout lorsqu'il entendait leur hymne, il savait que ceci avait
2 été demandé par…"
3 (Interruption du son en anglais, suite de l'intervention en BCS.)
4 "On voulait nous imposer leur vue; ils voulaient nous imposer leur vue
5 pour ce qui est de la mise en place de cette future Yougoslavie.
6 -Kucan: La deuxième des Républiques par la grandeur est la Croatie.
7 -Ivica Racan: Les Slovènes m'ont informé de ce qui se passait même
8 lorsqu'ils débattaient entre eux.
9 Milosevic a choisi, en tant que président, l'un des leaders qu'il avait
10 soutenu pendant toute cette situation. C'est le premier des congrès de la
11 Ligue des communistes de Yougoslavie auquel ait assisté ce Président du
12 Monténégro.
13 -Momir Bulatovic: J'étais jeune, pour occuper cette position. J'ai été
14 soumis à de très fortes pressions pour donner au plus vite la parole au
15 délégué de la Slovénie qui devait présenter des amendements pour les faire
16 voter. Je sais que nous avons voté, que nous avions des cartons rouges et
17 des cartons verts que nous levions pour voter.
18 -Borislav Jovic: Nous avions des cartons rouges et des cartons verts et
19 nous avions voté. Il est arrivé vraiment que de nombreux amendements aient
20 été rejetés en ce qui nous concernait. Lorsque leurs amendements étaient
21 rejetés, ils se sont levés pour dire que, si l'on continuait, 'vous allez
22 faire échouer le congrès'.
23 -Kucan: Nous voulions en terminer avec cette agonie. Le comportement de
24 ces délégués a choqué les autres délégués.
25 -Ivica Racan: J'ai vu avec combien d'approche passionnée on avait rejeté
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1 ces amendements. Je vous en prie, je voudrais que tous ces amendements
2 soient discutés avec beaucoup plus de tolérance mutuelle pour voir ce
3 qu'il nous convient de faire aux fins de revitaliser la Ligue des
4 communistes de Yougoslavie.
5 -Momir Bulatovic: Si nous procédions à l'élaboration de tous les
6 arguments, le congrès pourrait fort bien durer deux mois. Permettez-moi,
7 je m'excuse…
8 -Journaliste BBC: Les dirigeants de la Ligue des communistes de
9 Yougoslavie ont tenu une réunion de crise. Kucan a proposé un accord.
10 -Momir Bulatovic: La condition, c'était qu'il ne soit pas battu au vote.
11 -Borislav Jovic: Mais qu'est-ce que cela signifie? On débat de toutes les
12 questions et on vote. Alors, eux, ils ont dit que si vous votez comme
13 cela, nous allions quitter le congrès. Alors, je lui ai dit: 'Mais qu'est-
14 ce que c'est que cette façon de procéder?' Il y a 4.000 délégués à ce
15 congrès, une déléguée serbe. Ils auraient dû décider de la chose avant,
16 là-bas, au lieu de nous faire du chantage ici. Alors s'ils veulent s'en
17 aller, qu'ils s'en aillent et qu'ils nous laissent, nous, les primitifs,
18 organiser le Parti comme nous estimons devoir le faire.
19 -Momir Bulatovic: La situation était tendue. Nous étions en train de suer,
20 de transpirer sur nos sièges, et la caméra s'est tournée de l'autre côté.
21 -Vasil Tupokovski (phon.): Pendant que Ribicic avait demandé la parole,
22 personne ne voulait la lui donner. Or, Ribicic, une fois arrivé sur le
23 podium, a dit que malheureusement, la délégation slovène ne pouvait pas
24 accepter ces circonstances. Et il a dit: 'les circonstances sont réunies
25 pour nous, pour ce qui est de quitter la Ligue des communistes de
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1 Yougoslavie'.
2 (La vidéo présente les délégués slovènes s'en allant. Ils ont commencé à
3 quitter la session plénière en utilisant la même voie de sortie.)
4 Commentaire: C'était un jeu assez sale et sans doute très transparent."
5 (Fin de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
6 Monsieur Kucan, l'enregistrement vidéo que nous venons de visionner, avec
7 les observations qu'il nous a été donné d'entendre, traduit-il les
8 tensions et les difficultés qui ont prévalu pendant la tenue de ce
9 congrès?
10 Réponse: Oui, cela traduit ces circonstances de façon très fidèle,
11 notamment les applaudissements que nous avons reçus lorsque nous quittions
12 la salle.
13 Question: Nous avons pu voir les cartons de vote. Est-ce que vous avez
14 remarqué quoi que ce soit dans le comportement de l'accusé au moment du
15 vote par carte à main levée?
16 Réponse: Messieurs les Juges, je me dois de prononcer quelques phrases
17 avant que de répondre à la question posée. A l'occasion de ce congrès, il
18 a été débattu des questions les plus substantielles, sur le plan
19 politique, concernant la Yougoslavie. Or ce que nous avons proposé à
20 l'occasion de la tenue des débats au congrès était de débattre ou de
21 discuter du concept de la vie future conjointe en Yougoslavie pour savoir
22 s'il y avait un intérêt quelconque à maintenir cette communauté. Dans
23 quelles circonstances? Quels sont ses intérêts, et ainsi de suite? Donc
24 quelles sont les conditions sur lesquelles nous étions censés demeurer
25 membres de la même organisation aux fins de procéder à une démocratisation
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1 de la vie politique en Yougoslavie.
2 La teneur des amendements que nous avions proposés à cet effet était la
3 suivante: il s'agissait de mettre en place un pluralisme politique et
4 d'apporter notre soutien, parce que cela était devenu réalité déjà en
5 Yougoslavie, la Slovénie avait notamment eu des élections parlementaires
6 pour son assemblée nationale, donc entamer des processus politiques au
7 sein de la Yougoslavie et rejeter de la législation les dispositions qui
8 étaient afférentes à ce que l'on appelait le "délit verbal".
9 Il s'agissait également d'interdire de torturer les prisonniers
10 politiques, leur relâchement, relâchement de ces prisonniers politiques,
11 et nous voulions interdire les procès politiques, ainsi de suite. Nous
12 avons demandé à ce que les communications entre les différentes
13 Républiques, les différentes unités fédérales soient mises sur pied
14 d'égalité pour que, dans le vote, l'un ne puisse pas l'emporter sur
15 l'autre. Mais l'ambiance au congrès était celle de viser vers un isolement
16 des délégués slovènes pour ne pas les faire bénéficier d'un soutien
17 quelconque des délégués des autres républiques et provinces; cela est déjà
18 arrivé à l'occasion des débats des autres commissions et comités ainsi
19 qu'à la session du congrès, la session plénière du congrès même. C'est
20 ainsi que pratiquement tous les amendements que nous avions présentés se
21 sont vus rejetés. Et Milosevic qui… je dirais plutôt que Ciril Ribicic a
22 dit à ce moment-là que les communistes slovènes ne voyaient plus leur
23 place dans ce type d'organisation et qu'ils allaient décider de ces
24 questions-là chez eux.
25 Donc je voulais brièvement vous donner une description de la situation,
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1 une fois que les choses avaient culminé. En effet, il y avait des cartons
2 de vote, et l'accusé a été le premier ou l'un des premiers à avoir levé
3 son carton, il a été suivi par la majorité au congrès. Ils ont donc voté à
4 main levée en brandissant la même couleur de carton que lui pour rejeter
5 les amendements présentés par les Slovènes.
6 Question: Vous avez fait observer que les applaudissements qui ont suivi
7 le départ de la délégation slovène n'ont pas été sans signification. Donc
8 si vous voulez ajouter quelque chose à ce sujet, veuillez le faire, sinon
9 nous pourrions passer à un sujet autre.
10 Réponse: Oui. Peut-être serait-il bon de dire que tous ceux qui nous ont
11 raccompagnés en applaudissant n'ont vraiment pas compris que cela
12 signifiait la dissolution, la fin de la Yougoslavie. Et Ivica Racan qui se
13 trouvait présider la délégation croate au congrès a effectivement proposé
14 une interruption de cette session, de procéder à des consultations et de
15 poursuivre ensuite. Cependant, l'accusé a dit qu'il ne s'agissait pas du
16 tout d'interrompre les délibérations, de mettre en place un nouveau
17 quorum, à savoir une nouvelle majorité qui permettrait au congrès de
18 continuer parce que si l'on acceptait les propositions formulées par Ivica
19 Racan, cela signifierait la dissolution de la Ligue des communistes et son
20 démantèlement, la perte de sa direction. C'est ce qui est effectivement
21 arrivé, le congrès a été interrompu et il n'a jamais repris ses travaux.
22 Cela a annoncé la fin de la Yougoslavie en sa qualité d'Etat.
23 Question: Merci. Nous allons maintenant passer au paragraphe 26 de notre
24 résumé, il s'agit du mois de mai 1990 et il s'agit du désarmement de la
25 Défense territoriale slovène. Aux fins d'aller plus vite, puis-je vous
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1 demander, Monsieur Kucan, de vous pencher sur la pièce à conviction 447,
2 intercalaire 3?
3 (Intervention de l'huissière.)
4 Je demanderai que la version anglaise soit placée sur le rétroprojecteur.
5 Afin de gagner du temps, je me propose d'abréger le descriptif de ce
6 document. Cela a été élaboré le 14 mai 1990. Cela émane du secrétariat
7 fédéral à la Défense nationale. On y précise qu'il s'agit d'un document
8 strictement confidentiel, et l'intitulé concerne l'entreposage des
9 armements et munitions. Il s'agit là d'un ordre à l'intention des
10 commandements des districts militaires et des quartiers généraux de la
11 Défense territoriale de prendre sur soi la garde des munitions et des
12 défenses pour les placer sous la compétence ou la surveillance de la JNA.
13 A l'occasion de l'exercice ou accomplissement de ces tâches, il convient
14 de voir s'il y a lieu de supprimer certaines petites unités de la Défense
15 territoriale dont les armements et les munitions ne pourraient être
16 gardées dans les entrepôts de la JNA.
17 Il convient de se pencher sur le paragraphe 2 notamment: "A titre
18 d'exception" dit-on "là où les installations sont très éloignées où il n'y
19 a pas de possibilité pour garder les armes et munitions dans les entrepôts
20 et arsenaux de la JNA, leur installation et garde doivent être organisées
21 dans les entrepôts avec un gardiennage par les unités de la JNA".
22 Maintenant, si nous nous penchons sur le journal tenu par Borislav Jovic,
23 il s'agit maintenant de la pièce à conviction 448, et si nous nous
24 référons à la pagination en bas de page, ce serait la page 131, la date du
25 17 mai, où il est dit: "Nous entreprenons des mesures aux fins qu'en
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1 Slovénie et Croatie, les armes des entrepôts de la TO soient transférées
2 vers des dépôts militaires. Nous ne permettrons pas que ces armes soient
3 utilisées dans d'éventuels conflits ou pour procéder à une sécession
4 armée. Nous les avons pratiquement désarmés; formellement cela a été fait
5 le chef d'état-major, mais en fait cela a été suite à instructions de
6 notre part. Les Slovènes ont certes réagi avec véhémence, mais n'ont rien
7 pu faire."
8 Pour ce qui est du 18 mai 1990, on retrouve le libellé suivant: "Je me
9 trouve en week-end à Niksic. Le soir c'est Milan Kucan qui m'appelle, il
10 se plaint de la confiscation des armes. Il dit que la population s'y
11 oppose et qu'il pourrait y avoir des victimes, c'est la raison pour
12 laquelle il a convoqué une session de la Présidence de la Slovénie. Il
13 demande si nous pourrions nous rencontrer pour en discuter. Je lui ai
14 répondu: 'Certainement. Qu'il me contacte lundi matin pour convenir d'une
15 réunion'. Et je lui ai dit que j'avais entendu parler de cette action par
16 la radio et que je ne savais pas de quoi il s'agissait, mais je lui ai
17 recommandé de ne pas entrer en conflit avec l'armée, qu'il s'agissait de
18 restituer les armes et que nous allions corriger ou rectifier le tir
19 lundi, si besoin était. Cela avait commencé de façon violente. Nous avons
20 Stipe Suvar à Zagreb pour dire ce que nous avions conclu pour ce qui est
21 de ce qu'il convenait de dire au sein du Parlement de Yougoslavie".
22 Je ne pense pas devoir continuer. Je vais enchaîner avec le 21 mai.
23 On y dit: "Sont venus Kucan et Drnovsek pour discuter de la confiscation
24 des armes à la TO de Slovénie, partant d'une décision de la Présidence
25 pour ce qui est de la saisie des armes aux Défenses territoriales pour les
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1 placer sous le contrôle de la JNA. De mon côté, il y avait Veljko
2 Kadijevic et Anton Stari.
3 Kucan a parlé longuement. Il n'était informé par personne. Les armes ont
4 d'abord été saisies, puis on leur a fait savoir la chose. Il ne savait pas
5 de quoi il s'agissait, il n'en connaissait pas la raison et l'objectif. Il
6 considérait que cela se résumait à un désarmement et il demandait à savoir
7 qui avait donné les ordres. L'explication de l'état-major a été jugée
8 comme insuffisante. Il a estimé que la Constitution n'avait pas de textes
9 qui pourraient servir de fondement pour la prise de telles mesures.
10 Les armes ont été achetées par leurs soins et ils étaient chargés de la
11 conduite de la Défense territoriale. Et ils croient bien qu'il s'agit là
12 d'une intervention politique qui met en péri leur droit souverain; peut-
13 être la raison en est-elle l'ambiance qui s'est créée en Slovénie après
14 mon discours d'inauguration et la critique de ce discours en Slovénie et
15 en Croatie.
16 La situation politique en Slovénie, en raison de cette confiscation
17 d'armes, est très grave et il n'est pas certain des façons de faire pour
18 assainir les choses. Aussi demandent-t-il à être exactement informés de
19 quoi il retournait, de se voir restituer les armes pour assurer eux-mêmes
20 les conditions de leur entreposage, puis de procéder à la révocation du
21 commandement de la Défense territoriale pour la Slovénie et voir de quelle
22 façon il convenait de diminuer les tensions politiques.
23 Continuation de la situation. Veljko a expliqué que la mesure a été prise
24 pour le pays entier et non pas pour la Slovénie seule, parce que les
25 entrepôts étaient mal sécurisés, que la situation entre les ethnies, et
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1 notamment la situation politique, était très détériorée et que cela
2 relevait des compétences exclusives de l'armée (entreposage et disposition
3 de l'armement). Il a expliqué que les Républiques voulaient se mêler de
4 questions militaires alors qu'elles n'en avaient pas le droit.
5 Si elles assuraient, si ces Républiques assuraient de bonnes conditions
6 d'entreposage des armes, on pourrait envisager la restitution, mais cela
7 sous-entendait une unité armée et non pas un gardien, pour qu'il n'y ait
8 pas vol d'armes. Donc toutes les compétences de l'armée étaient maintenues
9 pour ce qui est de l'utilisation des armes dans les entrepôts de la JNA.
10 Bien entendu, Kucan n'était pas content de ces explications."
11 Le 22 mai, on dit: "Veljko m'informe de l'entretien qu'il a eu avec Ante
12 Markovic. Hier soir, il s'est entretenu avec lui pendant trois heures et
13 il l'a convaincu de notre concept pour ce qui est de rétablir l'ordre
14 constitutionnel et l'ordre juridique dans notre pays. Il avait émis des
15 doutes concernant les intentions d'Ante Markovic, mais il a dit qu'il
16 allait suivre cela attentivement".
17 Je n'ai pas le temps de donner lecture de tout le reste, mais je crois que
18 vous pourrez, vous, situer le contexte de ma question. Aviez-vous
19 connaissance à l'avance du désarmement qui allait être réalisé?
20 Réponse: Non. Personne ne nous en avait informés.
21 Question: L'ordre ou l'instruction que nous avons lue, est-ce que c'est là
22 quelque chose qui avait été appliqué à la totalité de la République
23 fédérale de Yougoslavie ou pas?
24 Réponse: L'ordre tel qu'il a été donné, je l'ai vu pour la première fois
25 maintenant. J'ai eu l'occasion de voir d'autres ordres émis, partant de
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1 cet ordre-ci, de la part du commandant du 5e District militaire à Zagreb;
2 et ces ordres-là concernaient le retrait des armes de la Défense
3 territoriale en Slovénie. Cet ordre a été émis le 15 mai, et c'est
4 précisément la date de la fin du mandat du Président de la Présidence de
5 la RSFY, le Dr Drnovsek qui représentait, lui, la Slovénie à la
6 Présidence. Et c'est la date à laquelle ces fonctions ont été reprises par
7 le Dr Jovic, au nom de la République de Serbie.
8 Cette chose est survenue suite à une situation où nous avons eu pour la
9 première fois des élections démocratiques au mois d'avril. Nous avions
10 déjà élu un nouveau Parlement en Slovénie. Et cet ordre émanant de Zagreb
11 est entré en vigueur le jour même où s'est tenue la première session de ce
12 Parlement, le jour où le gouvernement nouveau a été élu et où il a prêté
13 serment devant la Présidence. Et c'est à ces élections que j'ai été élu
14 Président de la Présidence.
15 Donc pour ce qui est de l'ordre en question, lorsque nous avons été
16 appelés par les gens de différentes municipalités pour nous parler de
17 l'ordre dont nous parlons, il disait que l'armée était venue avec des
18 ordres demandant à restituer les armes qu'ils avaient en leur possession.
19 C'était la première fois que nous avions obtenu cette information; donc ce
20 sont les gens des municipalités qui nous l'ont communiquée. Nous avons
21 compris que l'ordre avait pour visée de désarmer la Défense territoriale
22 slovène. Et dans le courant des entretiens ultérieurs, il s'est avéré que
23 l'objectif était d'empêcher les nouvelles autorités de Slovénie de se
24 servir de ces armes-là. J'attire votre attention sur le fait qu'il s'agit
25 là du mois de mai 1990.
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1 Formellement parlant, la Slovénie avait déjà décidé et discuté de son
2 indépendance, de son autonomie, de sa dissociation à l'égard de la
3 Yougoslavie, et cela ne s'est fait que lorsque nous avons entamé des
4 préparatifs pour le référendum en décembre 1990.
5 Donc pour ce qui est des raisons de penser, de croire que la Slovénie
6 allait se servir de ces armes pour faire sécession forcée à l'égard de la
7 Yougoslavie, eh bien, ces motifs n'étaient pas fondés du tout. Il n'y a
8 pas eu de vol d'armes des entrepôts de la Défense territoriale de
9 Slovénie, parce que ces entrepôts étaient très bien gardés.
10 Question: Tout ce que je voulais vous poser comme question au sujet de ces
11 armements, se trouve être couvert par les documents en question.
12 Je voudrais vous demander maintenant la chose suivante. Dans le paragraphe
13 27 de notre résumé, il est dit quelque chose; et je voudrais savoir si
14 vous avez contacté le général Hocevar et vous lui avez demandé une
15 explication?
16 Réponse: Oui, c'est ce qui s'est passé, je voulais entrer en contact avec
17 le général Hocevar. Mais, avec l'autorisation de la Chambre, je dirai
18 quelque chose avant que de répondre à votre question.
19 La Défense territoriale de la Slovénie faisait partie intégrante des
20 forces armée de la Yougoslavie. Elle a été établie en 1968 après l'attaque
21 des forces du Pacte de Varsovie sur la République tchécoslovaque. En temps
22 de paix, toutes les compétences et autorités afférentes à la Défense
23 territoriale revenaient aux Républiques parce qu'elles les finançaient sur
24 leurs budgets nationaux; ce sont elles qui achetaient les armes et autres
25 équipements en se servant de leur budget. Ces armes étaient gardées pour
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1 cas de danger de guerre. Le commandant de la Défense territoriale était
2 nommé par la présidence de la Yougoslavie, mais à chaque fois, après
3 consultation avec les Républiques et les instances des Républiques.
4 Le général Hocevar a été nommé commandant en chef de la Défense
5 territoriale mais sans approbation quelconque de la part de la République
6 de le Slovénie telle que prévue par la loi. Les choses étaient faites
7 lorsque j'ai été informé par les municipalités qu'on confisquait les armes
8 de la Défense territoriale. J'ai demandé au général Hocevar de m'expliquer
9 de quoi il s'agissait, il m'a répondu: "Nous sommes en train de remplacer
10 ces vieilles armes qui pourraient être considérées comme des armes les
11 plus modernes possible". J'avais demandé une réunion. Or, il m'a répliqué
12 qu'il avait reçu des instructions disant que ni moi ni quiconque d'autre
13 de la direction politique de la Slovénie n'était informé de ces activités.
14 Il s'est donc trouvé dans une situation où il ne comprenait pas très bien
15 quels sont les ordres qui devaient être suivis, donc il a suivi cet ordre-
16 là parce qu'il avait estimé qu'il fallait le faire.
17 M. Nice (interprétation): Merci. Passons maintenant à l'intercalaire 2 de
18 la pièce à conviction 447. La Chambre de première instance dispose de ce
19 discours. Mais il y a des divergences entre la version que nous avons sous
20 les yeux et celle qui nous sera passée sur l'écran.
21 M. le Président (interprétation): Il s'agit de l'intercalaire 6?
22 M. Nice (interprétation): Oui, intercalaire 6. Avant de visionner cette
23 cassette, je crois qu'il s'agit du mois de juin où l'accusé s'est adressé
24 au Parlement serbe.
25 (Début de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
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1 (Les interprètes n'entendent rien. Tout est inaudible.)
2 "Il s'agit d'une allocution prononcée par l'accusé devant le Parlement
3 serbe en juin 1990…"
4 (L'interprète précise qu'il cite après le début de la séquence vidéo car
5 le son était inaudible.)
6 "…du Parlement de Serbie, avec ces mots, en expliquant le projet de texte
7 concernant le projet le plus important pour la République. Selon la
8 nouvelle Constitution, une Serbie unifiée sera créée en tant qu'Etat
9 souverain."
10 (Fin de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
11 (Les interprètes s'excusent, mais la séquence est inaudible.)
12 Monsieur le Président, dans ces conditions, la transcription a été mise à
13 disposition. Je pense que le mieux serait de lire la version anglaise. Et
14 le témoin a entendu la cassette hier dans des conditions de son un peu
15 meilleure que celles d'aujourd'hui, donc je pense qu'il s'en souvient
16 encore.
17 M. le Président (interprétation): Puisque nous avons le texte sous les
18 yeux et qu'il est court, je pense que vous ne traiterez que des points qui
19 vous intéressent.
20 M. Nice (interprétation): Oui, bien sûr. Un peu plus bas que le passage
21 qui vient d'être lu, le journaliste résume la situation: une nouvelle
22 Constitution, une Serbie unifiée doit être créée en tant qu'Etat souverain
23 en fonction de cette nouvelle Constitution.
24 Phrase suivante: on met l'accent sur le fait que la Yougoslavie est un
25 Etat fédéral, que c'est le choix politique fondamental pour la Serbie.
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1 S'agissant la désintégration et de la tendance favorable à une
2 confédération de la part de certains éléments dans le pays, Milosevic
3 déclare que le projet de Constitution de Serbie a été élaboré dans le
4 respect de toutes les options possibles pour la Serbie en tant qu'Etat
5 indépendant.
6 Je cite-: "Adopter la nouvelle Constitution, entre autre chose, devrait
7 empêcher toute tentative de conversion en catimini de la Yougoslavie
8 fédérale en confédération; c'est-à-dire représenter un moment où la Serbie
9 dira, très clairement et en temps utile, que les frontières
10 administratives de la Serbie ne peuvent exister que dans le sein d'un
11 système fédéral en Yougoslavie parce que si le système yougoslave était
12 modifié, c'est-à-dire si une confédération était créée, toutes les
13 questions constitutionnelles seraient remises en débat. Une confédération
14 n'est pas un Etat mais l'union de plusieurs Etats indépendants.
15 Par conséquent, il n'y a eu aucune confédération même si tous les sujets
16 politiques de la Yougoslavie la souhaitent. Il ne peut y avoir aucune
17 confédération, même si tous les sujets politiques de la Yougoslavie la
18 souhaitent, à l'intérieur des frontières administratives existantes pour
19 la Yougoslavie, s'agissant de la division en plusieurs Républiques. Dans
20 ce cas… dans le cas où la Yougoslavie fédérale serait rejetée, la question
21 des frontières de la Serbie deviendrait une question politique en débat."
22 (Fin de citation.)
23 Un peu plus loin, nouvelle citation. D'abord des commentaires de
24 journalistes. Puis l'accusé s'exprime. Nous sommes en page 2 du texte.
25 Je cite: "Par conséquent, étant donné l'importance et les conséquences à
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1 long terme de la mise en œuvre des projets de réformes politiques en
2 Serbie et dans l'intérêt de la stabilité politique de la Serbie, je
3 propose que les citoyens s'expriment sur le projet proposé par la
4 présidence de Serbie par le biais d'un référendum. De cette façon, nous
5 éliminerons facilement les conflits inutiles et priverons la coalition qui
6 agit contre la Serbie de tout fondement à de quelconques accusations selon
7 lesquelles nous souhaiterions imposer une nouvelle Constitution de façon
8 anti-démocratique, aujourd'hui en particulier. Alors que la coalition
9 antiserbe mène une campagne sans précédent contre la Serbie dans le pays
10 et à l'étranger au moment où le Kosovo met en place un spectacle pitoyable
11 de plus dont le scénario implique la participation y compris du Parlement
12 de la région. Impliquer de cette façon l'organe suprême du gouvernement
13 régional est une façon anticonstitutionnelle et illégale d'agir et de
14 soutenir, en fait, le combat des séparatistes albanais au nom d'une
15 prétendue démocratie. C'est la meilleure preuve que ce qu'il est convenu
16 d'appeler "l'alternative démocratique albanaise" n'est rien de plus qu'un
17 mouvement nationaliste prônant la séparation du Kosovo et de la Metohija,
18 c'est-à-dire un mouvement dirigé contre l'Etat serbe et contre son
19 intégrité. Par conséquent, depuis la place où je me trouve, je tiens à
20 dire que l'Etat serbe considérera toute tentative de s'emparer d'une
21 partie du territoire comme un acte dirigé contre l'Etat et contre le
22 peuple et agira en conséquence." (Fin de citation).
23 Monsieur Kucan, vous avez vu cette cassette vidéo hier dans des meilleures
24 conditions d'audition. Nous voyons ce qui est dit par l'accusé au sujet
25 des frontières qui pourrait constituer un problème politique. Je vous
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1 demande de ne pas perdre de vue que nous sommes pressés par le temps et,
2 dans ces conditions, de nous dire quelle est votre traduction de ce
3 discours et quel effet il a produit sur vous et d'autres.
4 M. Kucan (interprétation): Eh bien, cette séquence nous montre une réunion
5 de la Présidence de l'assemblée de la République de Serbie où la
6 proposition de la Présidence de Serbie en vue d'une nouvelle Constitution
7 pour la République de Serbie est débattue. Cette réunion a eu lieu à un
8 moment où, en Yougoslavie, nous étions tous à la recherche de moyens pour
9 résoudre la crise.
10 A cette époque-là, différentes solutions étaient envisageables en
11 Slovénie. Pendant toute cette période, nous étions favorables à un nouvel
12 accord relatif à l'avenir de l'Etat yougoslave sur la base des intérêts
13 liés à la nécessité de coexister au sein d'un même Etat et sur la base
14 d'une recherche de solution pour mettre en pratique ces propositions.
15 Nous avons d'abord remarqué, dans le cadre des diverses options qui
16 étaient proposées, que l'une d'elles proposait de créer une confédération
17 entre les différentes Républiques de l'ex-Yougoslavie. Cette proposition
18 de projet de Constitution serbe, qui a été adoptée je crois à l'automne
19 1990, est donc relative à une confédération, et c'est une proposition
20 émanant de la direction politique serbe. Selon cette proposition, une
21 confédération n'est pas un Etat. Il est également souligné que cette
22 option ne doit pas être adoptée, car le problème des frontières entre les
23 Républiques deviendrait un problème brûlant.
24 Le point de départ était le suivant s'agissant de ces débats. Les
25 frontières entre les Républiques yougoslaves étaient considérées comme des
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1 frontières administratives; ce qui est en fait contraire à la réalité. La
2 première Constitution, votée après la Deuxième Guerre mondiale, a établi
3 les frontières. Ces frontières faisaient l'objet d'un consensus et, à
4 partir de ce moment-là, toutes les Constitutions yougoslaves suivantes
5 contenaient une disposition selon lesquelles les frontières entre les
6 Républiques étaient non modifiables en dehors d'un consensus entre toutes
7 les Républiques.
8 Vous m'avez demandé: quelle était mon interprétation du message que
9 transmettait l'orateur à ce moment-là? Et je vous répondrais de la façon
10 suivante: ce message consistait à dire ainsi que si la Yougoslavie était
11 démantelée si d'autres solutions étaient adoptées, la Serbie ne donnerait
12 jamais son accord à la création d'une situation dans laquelle le peuple
13 serbe pourrait se trouver résider en dehors du territoire de la République
14 de Serbie. Et ceci définit la divergence dont j'ai parlé dans mon propos
15 liminaire.
16 Notre conception de l'Etat yougoslave était différente. Et nous avions
17 également une position différente quant aux décisions qu'il convenait de
18 prendre. Cependant, je tiens à mettre l'accent sur le fait que, compte
19 tenu des circonstances, nous avons proposé une solution pour le problème
20 national serbe également, à savoir qu'il y avait une question très
21 difficile à résoudre. L'alternative pouvait être d'appliquer les normes
22 européennes, de recourir aux normes internationales pour sauvegarder et
23 défendre les droits des Serbes qui vivaient en tant que minorité dans
24 d'autres Républiques de Yougoslavie, notamment dans la République de
25 Croatie ou dans la République de Bosnie-Herzégovine. Dans la République de
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1 Bosnie-Herzégovine, les Serbes étaient l'un des trois peuples
2 constitutifs. Quant à la doctrine politique serbe soulignée pendant toute
3 cette période, selon laquelle les Serbes ne pouvaient pas vivre en tant
4 que minorité ethnique dans une partie quelconque de la Yougoslavie, elle
5 constituait une sorte de suite philosophique logique, mais elle impliquait
6 une nouvelle définition des frontières par le recours à la force.
7 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, est-ce le moment opportun
8 à la pause?
9 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, j'aurais effectivement
10 besoin d'encore une demi-heure. J'espère en avoir fini à ce moment-là,
11 avec le témoin.
12 (L'audience, suspendue à 10 heures 40, est reprise à 11 heures.)
13 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, je vous donne encore 30
14 minutes. Il se pourrait que cet après-midi nous devions poursuivre. Je ne
15 sais pas dans quelle mesure cela sera possible, nous vous en informerons
16 en temps utile.
17 M. Nice (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
18 Monsieur Kucan, nous allons passer en revue un certain nombre de questions
19 de façon assez rapide. Au paragraphe 36 du résumé qui a été remis aux
20 Juges de la Chambre, vous parlez d'un plébiscite qui a eu lieu en décembre
21 1990 et les chiffres qui ont été publiés sont assez élevés. En fait, la
22 population, dans une large majorité, s'est prononcée en faveur d'un Etat
23 indépendant; et cette décision est intervenue six mois plus tard. Je pense
24 que vous nous avez déjà dit cela. Est-ce que vous pouvez vous confirmer?
25 M. Kucan (interprétation): Oui.
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1 Question: Nous passons à présent aux paragraphes 39 et 40 de votre résumé;
2 il est question d'extraits du journal de Borislav Jovic et des réunions
3 qui ont eu lieu entre Kadijevic et Milosevic. Il s'agissait de séances à
4 huis clos, au cours desquelles différentes questions d'ordres militaires
5 ont été examinées.
6 Est-ce que vous saviez, est-ce que vous aviez eu connaissance de
7 l'existence de ces réunions au moment des faits? Ou est-ce que vous en
8 avez pris connaissance qu'au moment où vous avez lu le journal?
9 Réponse: Non, je ne savais rien à leur sujet à l'époque même des faits.
10 Question: Je vous remercie. Au paragraphe 41, est-ce que la Croatie et la
11 Slovénie étaient en faveur d'une confédération d'Etat? Est-ce qu'il
12 s'agissait là d'une proposition qui a été rejetée lors d'une réunion de la
13 présidence qui s'est déroulée en janvier 1991 à laquelle ont participé les
14 autorités républicaines?
15 Réponse: Oui, au cours de l'été 1990, au niveau de la présidence
16 yougoslave, une décision a été prise afin que la Slovénie et la Croatie
17 élaborent un projet de contrat, et le reste des quatre Républiques devait
18 élaborer un concept moderne de confédération. Toutefois, ce concept ou
19 plutôt cette idée a été rejetée lors de la séance qui a suivi la réunion
20 de la présidence en janvier.
21 Question: Au paragraphe 42 du résumé, y a-t-il eu des pourparlers entre
22 les délégations serbes et slovènes en janvier 1991? Vous étiez à la tête
23 de la délégation slovène, l'accusé était à là tête de la délégation serbe;
24 au cours de ces pourparlers, avez-vous discuté la question de la
25 confédération? Et puis est-ce que plus tard en février, y a-t-il eu des
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1 réunions des Présidents républicains à Belgrade, une fois de plus au cours
2 desquelles on a examiné la question de la confédération; cette idée ayant
3 été rejetée par la Serbie, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la
4 Macédoine, et suite à cela vous avez décidé qu'un modèle de confédération
5 ne pouvait pas être accepté?
6 Réponse: S'agissant du plébiscite au sujet de l'indépendance de la
7 Slovénie, cette décision a été adoptée en décembre, lors de la
8 communication des documents. J'aimerais, à cet égard, souligner deux
9 aspects. Tout d'abord, la Slovénie voulait régler toutes ses relations
10 avec les autres Républiques une fois qu'elle avait obtenu son
11 indépendance. Elle voulait le faire par voie consensuelle, et souhaitait
12 également déterminer les possibilités d'une coopération constitutionnelle
13 future avec les Républiques de la Yougoslavie.
14 Le deuxième aspect qu'il y a lieu de mentionner au sujet de ces documents
15 qui ont été publiés après le plébiscite, concerne le fait que l'assemblée
16 et le gouvernement devront prendre toutes les mesures nécessaires pour que
17 la Slovénie devienne un Etat indépendant, et cette décision doit faire
18 fond sur la Constitution et les autres documents juridiques de la
19 République de Slovénie. Les dirigeants politiques slovènes ont également
20 décidé à ces moments-là de leur intention concernant le type
21 d'indépendance et la façon de réglementer les relations avec d'autres
22 Républiques en optant pour un contact direct, en optant pour des
23 pourparlers avec les dirigeants des autres Républiques, tout en veillant à
24 ce que cette réunion se fasse au niveau des organes de la Fédération qui
25 étaient les seuls intermédiaires entre les Républiques et les provinces.
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1 Notre position était que les parties constituantes de la Yougoslavie
2 étaient les Républiques de la Fédération. Par conséquent, cette réunion
3 qui s'est déroulée le 10 janvier 1991, au cours de laquelle on a eu des
4 pourparlers bilatéraux entre les dirigeants de la Slovénie et ceux de la
5 Serbie, j'étais présent, de même que l'accusé; et nous avons déterminé à
6 ce moment-là qu'il fallait oublier toute idée de transformer la
7 Yougoslavie en confédération.
8 Question: Alors que nous nous approchons de la date…
9 (Les interprètes de la cabine anglaise demandent que le débit du témoin
10 soit ralenti.)
11 Alors que nous nous approchons de la date d'indépendance de la Slovénie,
12 nous constatons que la Croatie avait annoncé son intention de faire part
13 de son indépendance. J'aimerais savoir s'il y a bien eu une réunion qui
14 s'est tenue à Brdo, en date du 11 avril 1991, dans le cadre des
15 discussions qui se poursuivaient. Il s'agit du paragraphe 45.
16 Et au cours de cette réunion, ou plus particulièrement lors d'une des
17 suspensions de cette réunion, vous vous êtes, vous, entretenu en tête-à-
18 tête avec l'accusé. Est-ce que vous avez abordé la question des
19 difficultés qui étaient les vôtres? Est-ce que vous avez fait part de vos
20 frustrations? Que pouvez-vous nous dire, en quelques mots, au sujet des
21 propos prononcés par l'accusé?
22 Réponse: Oui. Cette réunion a eu lieu; il s'agissait d'une des réunions
23 qui étaient organisées de façon régulière après janvier 1991. Il
24 s'agissait de réunions régulières des Présidents des Républiques de
25 Yougoslavie pour discuter d'un seul sujet, à savoir quelle était l'issue
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1 que l'on pouvait envisager pour la crise, et comment pouvions-nous vivre,
2 cohabiter ensemble en Yougoslavie? Quel était l'avenir que l'on pouvait
3 envisager? Quelle était la formule qu'il fallait envisager?
4 Et au cours de cette réunion plus particulière qui a eu lieu à Brdo, près
5 de Ljubljana, une des questions… ou plutôt, cette question précise a
6 également été examinée. Et en fait, 26 mois se sont écoulés entre le
7 moment où la décision a été prise de procéder à un plébiscite et la date
8 où l'indépendance a été prononcée.
9 Le Président Tudjman a également dit, lors de cette réunion, que si la
10 Slovénie devait en effet adopter la même voie que ce qu'envisageait la
11 Croatie… Nous avons examiné cette question avec l'accusé lors d'un
12 entretien privé. Et après cela, l'accusé m'a dit: "Si les Slovènes veulent
13 quitter la Fédération, à ce moment-là, il ne sera pas possible pour nous
14 de nous opposer. Toutefois, les conditions devront être rassemblées,
15 réunies, avant que la Slovénie ne puisse quitter la Yougoslavie".
16 Néanmoins, il n'en allait pas de même pour la Croatie, compte tenu du fait
17 qu'une partie importante des Serbes vivait sur le territoire de la Croatie
18 -et de la sorte, il y avait ce lien de sang qui les unissait avec la
19 Croatie-, lorsque nous avons entendu cette proposition au sujet de la
20 Constitution serbe -je fais allusion à l'enregistrement, lorsqu'on a dit
21 qu'il n'était pas possible d'accepter une autre forme de relation entre
22 les Républiques de Yougoslavie- à ce moment-là, on ne pouvait pas accepter
23 d'autre type de relations qu'une fédération parce que, sinon, d'autres
24 questions allaient devoir être examinées.
25 Question: Nous passons à présent au paragraphe 49 de votre résumé. La
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1 déclaration d'indépendance de la Slovénie a été prononcée le 25 juin 1991.
2 Je pense que vous avez déjà signalé que plusieurs documents avaient été
3 publiés et avaient donc été offerts au public pour être examinés plus
4 avant.
5 Je pense qu'il y a eu une espèce de fête, de célébration, la veille ou
6 plutôt le jour même de l'indépendance; n'est-ce pas exact?
7 Réponse: Oui. Le 25 juin, l'assemblée slovène a adopté ou entériné les
8 documents, plus particulièrement la Charte portant création de
9 l'indépendance de la Slovénie, ainsi qu'une législation qui permette de
10 traduire dans les faits cette indépendance. Et dans ces documents, on a
11 reproduit tous les éléments de fond, à savoir que la Slovénie voulait
12 exercer son droit à l'autodétermination, mais ne voulait pas le faire au
13 détriment ou à l'encontre des droits des autres Etats en Yougoslavie. Elle
14 souhaitait également régler toutes les relations du passé et voulait
15 également envisager des relations futures.
16 Et ces documents ont été adoptés le lendemain, c'est-à-dire le 26 juin. Et
17 c'est à la veille de ce jour qu'on a organisé cette célébration afin de
18 fêter la décision qui a été prise par les citoyens de la Slovénie.
19 Question: Merci. Nous savons qu'il y a eu un conflit militaire très bref
20 entre la Slovénie et la JNA. Pourriez-vous nous dire quand ce conflit a
21 commencé et à quelle date il y a été mis fin, je vous prie?
22 Réponse: La JNA a procédé à une agression immédiatement après la
23 promulgation de l'indépendance. Et si ma mémoire ne me trompe pas, je
24 crois qu'il s'agissait de 2 heures 30 du matin. Les chars sont sortis de
25 la caserne en direction des frontières extérieures de la République de
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1 Slovénie.
2 Cette décision semble indiquer -bien que nous ne sachions rien à cet
3 égard-, donc cette décision aurait été adoptée lors d'une réunion du
4 gouvernement fédéral, mais elle a été considérée comme illégale et
5 anticonstitutionnelle puisque seule la Présidence de la Yougoslavie
6 pouvait adopter de telles décisions.
7 Et ce conflit ou cette agression, ou plutôt cette guerre à l'encontre de
8 la Slovénie s'est interrompue le 7 juillet, lors de l'organisation d'une
9 réunion sur les îles de Brioni. Et sur proposition d'un ministère ou d'une
10 troïka de l'Union européenne, au cours de la période comprise entre le 27
11 juin et le 7 juillet, il y a eu des entretiens au sujet de ce conflit armé
12 et c'est Hans Van den Broek, qui était à l'époque ministre des Affaires
13 étrangères des Pays-Bas, qui a dirigé ces pourparlers.
14 Question: S'agissant du retrait de la JNA de la Slovénie, que pouvez-vous
15 nous dire? Qu'est-ce qui s'est passé? Et est-ce que vous avez constaté
16 vers où la JNA s'est dirigée?
17 Réponse: La décision concernant la JNA, ou plutôt le retrait des unités
18 restantes de l'armée, étant donné qu'il n'y avait plus de Slovènes ni de
19 Croates qui faisaient partie des rangs de l'armée, cette décision a été
20 adoptée lors d'une réunion du 18 juillet de la présidence fédérale, c'est-
21 à-dire dix jours après la réunion qui s'était déroulée à Brioni. La
22 présidence a décidé d'assurer ce retrait dans une période de trois mois.
23 Et le dernier soldat a quitté le territoire slovène le 26 octobre de la
24 même année.
25 S'agissant des documents qui ont été adoptés par l'Assemblée de la
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1 Slovénie le 26 juin, la période qui avait été convenue était de cinq ans.
2 Toutefois, la présidence avait décidé que ce retrait s'effectuerait en
3 trois mois.
4 La JNA s'est retirée en direction de la Bosnie-Herzégovine et non pas
5 ailleurs sur le territoire de la Slovénie ou de la Croatie. En fait, la
6 JNA s'est retirée sur le territoire où il y avait des Serbes en majorité.
7 Question: Dans la pièce à conviction 448 qui concerne les extraits du
8 journal de Jovic, il y a un certain nombre de rubriques. Je vous invite à
9 vous reporter à la rubrique 311 qui concerne la date du 5 juillet. Je
10 vais, très brièvement, les passer en revue compte tenu du temps limité qui
11 nous est imparti.
12 Donc le 5 juillet, votre rubrique commence en précisant que "Jovic a dit
13 que Slobodan et moi-même avons prévu une réunion avec Kadijevic au sujet
14 d'une question fondamentale. La situation dans le pays est tragique, la
15 JNA a été battue, le moral est mauvais".
16 Si nous passons à la page suivante, à la page 326, on peut lire qu'une
17 décision a été adoptée concernant le retrait de la JNA du territoire de la
18 Slovénie vers des Etats ou d'autres unités de la JNA allaient être
19 redéployées.
20 Puis, la date du 10 juillet: "Veljko, Slobodan et moi-même sommes assis
21 dans mon bureau en compagnie des Présidents de la Présidence des
22 Républiques et nous discutons de l'avenir de la Yougoslavie".
23 Paragraphe suivant: "La JNA doit être transformée en force militaire".
24 Monsieur Kucan, le temps nous est vraiment très limité. Vous avez passé en
25 revue tous ces extraits. Est-ce que vous souhaitez rajouter quelque chose
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1 à leur sujet? Est-ce que vous pensez qu'ils reflètent effectivement ce qui
2 s'est passé à cette époque-là?
3 Réponse: Hormis la réunion de la Présidence à laquelle j'ai déjà fait
4 allusion -j'avais précisé qu'il s'agissait du 17 juillet, en fait, il
5 s'agissait du 15 juillet-, nous ne disposions d'aucune information au
6 sujet de cette réunion. Il s'agissait du retrait des positions occupées
7 par la JNA sur le territoire de la Slovénie, et en fait, ce retrait
8 confirme ce qu'on trouve dans ces notes au sujet des raisons qui sous-
9 tendent les tâches qui avaient été confiées à cette armée.
10 M. Nice (interprétation): Avez-vous également passé en revue certains
11 extraits de l'ouvrage de Kadijevic que nous n'avons pas encore versé en
12 tant que pièce à conviction, mais qui devrait peut-être se voir attribuer
13 une cote séparée.
14 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction de
15 l'accusation 449.
16 M. Nice (interprétation): Sans vous reporter à ces différents passages,
17 toujours dans un souci d'économie du temps, que pouvez-vous dire à ce
18 sujet, Monsieur Kucan? Quelle est votre position quant à la façon dont
19 Kadijevic a décrit le processus de nationalisation de l'armée suite au
20 retrait de la Slovénie?
21 M. Kucan (interprétation): A quel extrait faites-vous allusion? Faites-
22 vous allusion à l'ouvrage?
23 Question: Oui.
24 Réponse: Lorsque cet ouvrage a été publié, je l'ai lu. Donc que voulez-
25 vous savoir plus précisément au sujet de cet ouvrage?
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1 Question: Est-ce que vous vous rappelez exactement quel est le passage qui
2 traite de l'armée et de son retrait? Cette question pourra peut-être être
3 évoquée dans le cadre du contre-interrogatoire.
4 Question: Si vous faites allusion à cet extrait et plus particulièrement à
5 la description qu'il en fait, et à ses pensées quant aux raisons pour
6 lesquelles l'armée devrait effectuer un retrait, ceci est certes vrai
7 parce que cela faisait partie de la reconnaissance selon laquelle la
8 Yougoslavie ne pouvait plus être rassemblée. L'armée constituait ou
9 représentait un facteur d'intégration.
10 S'agissant du retrait de la Slovénie, la mission stratégique de l'armée
11 avait été modifiée. Il ne s'agissait plus de protéger la Yougoslavie, mais
12 plutôt de protéger les frontières internes de la Yougoslavie, des parties
13 plus confinées plus particulièrement les parties sur lesquelles vivaient
14 les Serbes.
15 En fait, c'est ainsi que j'ai compris qu'ils ne voulaient plus faire
16 partie d'un Etat dans lequel les Serbes vivraient en dehors d'un seul
17 Etat.
18 Question: Peut-être qu'il serait bon de se reporter à l'extrait dont il
19 est fait mention à la page 73, plus particulièrement à la note de bas de
20 page. On voit que le témoin pourra peut-être se souvenir qu'il y a une
21 référence dans l'ouvrage de M. Kadijevic à la ligne Karlobag-Virovitica.
22 Avez-vous le moindre souvenir de ce qui a été dit au sujet de cette
23 citation?
24 Réponse: Pour ce qui est de savoir où se situeraient les frontières de
25 cette Yougoslavie diminuée, limitée en quelque sorte, à savoir la
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1 Yougoslavie privée de la Slovénie et de certaines parties de la Croatie,
2 donc avec les parties habitées essentiellement par des Serbes, cela
3 coïncide en général avec la ligne Karlobag-Virovitica, et plus au sud en
4 direction de l'Herzégovine et du Monténégro. Il en a été question en
5 Yougoslavie, de façon assez fréquente, avant même la publication du livre
6 de M. Kadijevic. Cela ne fait que confirmer ce que nous savions d'ores et
7 déjà bien avant.
8 Question: Je voudrais vous demander quelques autres commentaires avant
9 d'en finir avec les questions que j'ai à vous poser. L'une des questions
10 ou l'un des sujets concerne la situation de faits, cela est reproduit au
11 paragraphe 14 du résumé de votre déclaration. Dans la situation qui a
12 précédé la décision de sécession et de proclamation d'indépendance, vous
13 êtes-vous vu imposer des limites pour ce qui est de l'accès aux
14 informations qui vous avaient été fournies par l'armée? Quand je dis
15 "vous", j'entends la République de Slovénie.
16 Réponse: Pour ce qui est des relations entre la Slovénie et la JNA, je
17 dirais que ces relations étaient caractérisées par une série de conflits à
18 partir de 1988 déjà. Je crois que la Chambre est déjà au courant de cela.
19 Il est donc tout à fait compréhensible le fait que nous ne recevions
20 pratiquement pas d'informations ou d'informations très partielles,
21 notamment pour ce qui est des plans et des positions de l'armée à l'égard
22 de la Slovénie. Ce que nous savions, c'est qu'il y avait un quartier
23 général spécial de mis en place pour ce qui est de régler la situation en
24 Slovénie. Cela nous a été signifié par des généraux slovènes, mais nous
25 n'avons pas eu la possibilité de le vérifier, ou du moins nous n'avons pu
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1 le faire que bien plus tard.
2 Question: Messieurs les Juges, j'ai ici deux pièces à conviction que nous
3 n'avons pas encore examinées. Il s'agit des intercalaires 4 et 5. Ce sont
4 des articles comportant des interviews du témoin accordées en 1992 et
5 1993. La finalité peut être constatée à partir de la lecture de ces
6 articles. Il y est fait référence au terme de "Grande Serbie" qui avait
7 été utilisé; quoique non pas par l'accusé.
8 Ma question serait la suivante: je voudrais donc parler de la Serbie et
9 des limites qu'elle devrait comporter. La question à l'intention du témoin
10 est la suivante.
11 Pensez-vous, Monsieur Kucan, qu'il y avait des points de vue variés sur ce
12 que la Yougoslavie était censée devenir après son démantèlement? Vous avez
13 fait des appréciations disant que le nationalisme a joué un grand rôle.
14 Pourriez-vous donc nous en dire quelque chose, mais très brièvement?
15 Réponse: Dans mon introduction, j'ai dit qu'une des caractéristiques
16 fondamentales du démantèlement de la Yougoslavie avait été une crise des
17 valeurs, des valeurs éthiques et autres. En fait, la Yougoslavie, en sa
18 qualité de pays non aligné et en sa qualité de ce qu'elle avait constitué,
19 avait conduit ou parachevé le rôle qui était le sien. Une fois que ces
20 valeurs ont sombré, une fois que ce système de valeurs s'est effondré, il
21 a prévalu un concept nationaliste qui est devenu le critère fondamental
22 pour toutes les activités, et c'est là un développement des plus
23 tragiques. L'aspiration à la liberté, à l'indépendance de tout peuple est
24 un droit tout à fait légitime.
25 Maintenant, la question qui se pose est de savoir si ces droits peuvent et
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1 sauraient être réalisés au détriment des autres peuples ou du droit des
2 autres peuples. Et c'est là qu'il y a eu des divergences de conceptions.
3 Question: En effet. Avez-vous une opinion, un point de vue à formuler
4 concernant la perte de ces valeurs et concernant le vide qui s'est créé,
5 qui devait forcément être comblé?
6 Réponse: En effet. En fait, nous avons eu des propositions de formuler à
7 l'occasion du 14e Congrès de la Ligue des communistes de Yougoslavie. En
8 d'autres termes, les propositions formulées par la délégation slovène
9 soulignaient la nécessité de remplir ce vide au moyen d'un nouveau système
10 de valeur, de nouvelles normes en faveurs desquelles la Yougoslavie et
11 l'Europe s'employaient depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
12 J'entends par ces valeurs-là celles de démocratie, d'économie de marché
13 ouvert, d'ouverture à l'égard du monde et de nécessité de sauvegarder
14 cette image de marque, que la Yougoslavie avait ou était censée avoir au
15 niveau de la communauté internationale.
16 Je voudrais également souligner qu'officiellement les termes de "Grande
17 Serbie" n'étaient pas des termes utilisés par la direction des dirigeants
18 serbes. Toutefois, la République de Serbie -au sens restreint du terme et
19 au sens plus vaste du terme- à savoir la République de Serbie qui
20 engloberait tous les Serbes, ce sont là deux choses tout à fait
21 différentes.
22 Question: Justement, vous avez parlé auparavant de deux concepts pour la
23 Yougoslavie. L'un des concepts sous-entendait celui où les Serbes
24 vivraient tous sous un même toit, et l'autre serait une communauté de
25 nations. Est-ce que ce démantèlement reflétait en réalité la mise en place
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1 de l'une des deux conceptions en présence?
2 Réponse: La façon dont ces conceptions ou ces concepts réalisés et les
3 faits survenus en disent assez long par eux-mêmes. Et de nos jours encore,
4 ces concepts sont aisément discernables pour ce qui est de ce qui avait
5 été prôné par les différentes parties de l'ex-Yougoslavie; et cela englobe
6 également les circonstances et les systèmes de valeur caractéristique de
7 l'Europe de nos jours.
8 Question: Et pour finir, au paragraphe 62, je voudrais vous demander s'il
9 serait à votre avis important de procéder à une comparaison entre le
10 démantèlement de la Yougoslavie et des autres pays tels que l'URSS et la
11 Tchécoslovaquie à l'époque?
12 Réponse: Tout à fait, cela importe pour au moins deux raisons.
13 Premièrement, notre proposition à l'intention de la communauté
14 internationale, aussi bien qu'à l'intention de l'Union européenne,
15 consistait à réaliser et à reconnaître le fait que les jours de la
16 Yougoslavie de l'époque étaient comptés et que leur intervention était
17 nécessaire pour que ce démantèlement se fasse de façon contrôlée, sans
18 violence notamment.
19 La deuxième des raisons est en étroite corrélation avec la première que
20 j'ai avancée. La réponse à ces requêtes était celle de dire que la
21 Yougoslavie ne devait pas être démantelée parce que cela fournirait un
22 mauvais exemple, un mauvais modèle à l'intention de l'Union soviétique;
23 Union soviétique qui constituait un cas bien plus complexe que ne l'est
24 celui de la Yougoslavie. Dans ces changements et dans cette
25 restructuration après la chute du mur de Berlin, période à laquelle la
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1 Tchécoslovaquie s'est démantelée également, il y a eu en quelque sorte des
2 compositions de l'Union soviétique, et tout ceci s'est fait de manière
3 pacifique sans effusion de sang, et il n'y a que la Yougoslavie qui s'est
4 démantelée au moyen d'une tragédie et d'une effusion de sang. La question
5 qui se pose est celle de savoir pourquoi cela ne s'est passé qu'en
6 Yougoslavie.
7 M. Nice (interprétation): Merci. Je crois que maintenant vous aurez
8 l'opportunité de répondre aux questions de l'autre partie.
9 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, à vous.
10 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Milan Kucan, par l'accusé, M.
11 Milosevic.)
12 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je ne sais pas au juste
13 combien de temps il m'a été accordé pour le contre-interrogatoire de ce
14 témoin parce que je vois qu'il est déjà 11 heures 30 passé.
15 M. le Président (interprétation): Vous allez bénéficier du même temps qui
16 a été celui imparti à l'accusation, à savoir 1 heure 50 minutes. Peut-être
17 pourrons-nous étendre cela à deux heures si vous ne perdez pas de temps.
18 M. Milosevic (interprétation): J'estime que ce temps est des plus courts,
19 mais c'est là une pratique qui est certainement la vôtre.
20 M. le Président (interprétation): Le témoin ne peut rester ici
21 qu'aujourd'hui, donc il faut forcément que nous en terminions aujourd'hui
22 coûte que coûte, et ce de la façon la plus équitable.
23 M. Tapuskovic (interprétation): Moi, je voudrais vous demander une petite
24 minute pour une explication.
25 En ma qualité d'ami de la Chambre pendant toute cette période écoulée, je
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1 me suis efforcé d'économiser votre temps au maximum. Il me semble
2 toutefois qu'il convient de présenter une observation à la Chambre. Faire
3 venir un témoin de cette envergure, aussi important, pour une journée
4 seulement à mon avis ne convient pas, n'est pas approprié pour accomplir
5 tout ce qu'il y a à faire. Je vais respecter le temps imparti pour le
6 contre-interrogatoire, mais je crois que je ne serais pas en position de
7 poser des questions du tout. Je ne sais pas ce qu'il va me rester à poser
8 comme questions, mais je pense qu'il y a beaucoup de questions importantes
9 et j'aimerais savoir quel est le temps qui me serait imparti en ma qualité
10 d'ami de la Chambre.
11 M. le Président (interprétation): Monsieur Tapuskovic, dans ce procès,
12 tout comme dans les autres procès quels qu'ils soient, il convient
13 d'établir un équilibre entre la nécessité d'entendre des témoignages et la
14 disponibilité des témoins, c'est une chose qu'il convient d'avoir à
15 l'esprit.
16 Deuxièmement, pour ce qui est des amis de la Chambre, nous estimons que
17 votre rôle est certainement important, mais il importe davantage de
18 procéder au contre-interrogatoire par les bons soins de l'accusé, donc
19 c'est à l'accusé qu'il convient d'attribuer le temps qui lui revient.
20 Comme vous avez déjà entendu, il aura peut-être un peu plus de temps que
21 l'accusation. Nous essaierons de vous ménager le temps que nous pourrons
22 vous ménager.
23 M. Tapuskovic (interprétation): Nous avons beaucoup de compréhension pour
24 les obligations de travail de M. Kucan. Mais, comme je viens de
25 l'indiquer, des témoins aussi importants que celui-ci ne viennent ici que
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1 pour une journée. J'estime que, pour ces personnes-là, il conviendrait
2 qu'ils s'efforcent de trouver un peu plus de temps dans leur vie
3 professionnelle pour témoigner un peu plus longtemps. C'est l'objection
4 que je voulais soulever en ma qualité d'ami de la Chambre.
5 M. le Président (interprétation): Merci.
6 Continuons maintenant avec le contre-interrogatoire pour ne pas consacrer
7 davantage de temps à la question. Monsieur Milosevic, à vous.
8 M. Milosevic (interprétation): Il est 11 heures 35. Une question
9 préalable. Vous avez mentionné la guerre en Slovénie et vous vous êtes
10 servi de trois termes, vous avez dit "conflit", "agression", "guerre".
11 Est-ce que la Serbie avait quoi que ce soit à voir avec cette guerre en
12 Slovénie qui, comme vous l'avez indiqué vous-même, a duré une dizaine de
13 jours?
14 M. Kucan (interprétation): L'expression que j'ai utilisée était "la guerre
15 contre la Slovénie". La Slovénie a dû faire face, a dû se confronter à la
16 JNA… ou plutôt la JNA s'est confrontée avec la Slovénie. Maintenant, de là
17 à savoir qui est-ce qui avait influé sur la JNA, j'estime que la Chambre
18 pourra apporter un jugement partant des documents qui ont été mis à sa
19 disposition.
20 Question: Bien. Mais je crois que vous saviez à l'époque et je crois que
21 vous devez le savoir notamment à présent que nous n'étions même pas au
22 courant en Serbie de cette intervention. Nous ne savions pas quand est-ce
23 qu'elle a commencé et nous ne savions surtout pas à quel moment elle avait
24 commencé.
25 Réponse: Messieurs les Juges, nous Slovènes, nous nous étions adressés aux
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1 instances fédérales croyant bien que ces instances fédérales contrôlaient
2 la JNA et que la Fédération était la seule autre partie prenante au
3 dialogue entre les deux.
4 Question: Mais est-ce que cela signifie alors que la Serbie n'avait rien à
5 voir avec cette guerre?
6 M. Kucan (interprétation): Je ne le sais pas. Ce sont les documents qui en
7 parlent, tout comme les livres qui ont été rédigés ultérieurement. Mes
8 conclusions de ce jour partant des faits que je connais à présent et que
9 je ne connaissais pas à l'époque et celles que j'ai fournies.
10 M. Milosevic (interprétation): Qu'est-ce que vous avez fait comme
11 conclusions?
12 M. le Président (interprétation): Je crois qu'il serait bien plus facile
13 et plus productif de lui poser des questions sur ce qu'il savait lui-même
14 et sur ce qu'il disait à ce sujet. Et à présent, il précise qu'il ne
15 savait pas que la Serbie était impliquée parce qu'il s'entretenait avec
16 des instances fédérales.
17 Je vous préviens, Monsieur Milosevic, de la nécessité de ne pas vous
18 quereller avec le témoin et de lui poser des questions sur les sujets sur
19 lesquels il est venu témoigner et non pas sur autre chose.
20 Donc ses conclusions ne sont pas pertinentes à moins d'avoir quelque
21 corrélation que ce soit avec ce qui se passait à l'époque. Ses conclusions
22 sur ce que nous savons à présent sont une chose qui va être traitée par la
23 Chambre. Il appartient à la Chambre de tirer les conclusions sur ce qu'il
24 en est de nos jours et ce qui est pertinent à l'égard de l'Acte
25 d'accusation. Donc il n'y a point d'utilité à lui poser des questions sur
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1 ses conclusions.
2 M. Milosevic (interprétation): Je ne pose pas de questions sur ses
3 conclusions, mais sur ses connaissances. J'ai des notes sténographiées
4 portant sur la session de la Présidence datée du 21 août. Je vous propose
5 de vous lire la première phrase et une phrase ensuite –je cite-: "-Milan
6 Kucan: Je ne vais pas répondre à l'égard du Président du gouvernement ou
7 du Premier ministre qui, maintenant qu'il a perdu la guerre, veut, et de
8 façon évidente, gagner sur un autre plan." (Fin de citation.)
9 Puis, ensuite, en parlant du retour de deux membres du conseil exécutif
10 fédéral qui avaient quitté les rangs de ce conseil exécutif, vous dites:
11 "Je n'ai pas à vous convaincre que vous ne trouverez pas en Slovénie, y
12 compris ces deux-là qui retourneront au conseil exécutif fédéral. Et c'est
13 le conseil exécutif au sujet duquel, en Slovénie, nous savons que c'est
14 précisément celui-là qui a entamé la guerre en Slovénie."
15 Ce sont vos propos. Vous ai-je cité de façon correcte?
16 M. Kucan (interprétation): Oui. Et il est clair que la Slovénie a agi de
17 cette façon; c'est ma position à ce sujet.
18 M. le Président (interprétation): De quelle année parlons-nous et quelles
19 sont les circonstances de la tenue de cette réunion? De quelle réunion
20 s'agit-il?
21 M. Milosevic (interprétation): Il s'agit d'une session de la Présidence de
22 la RSFY au sens élargi du terme tel que nous l'entendions à l'époque où
23 nous étions convoqués, nous aussi, nous qui étions Présidents, soit
24 membres de la Présidence, soit Présidents des Républiques. Donc il y
25 avait, à cette réunion-là, moi-même; et y a assisté également le témoin.
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1 M. le Président (interprétation): En quelle année cela s'est-il tenu?
2 M. Milosevic (interprétation): Cela s'est tenu le 21 août 1991, après les
3 conflits en Slovénie. Et la constatation du témoin nous dit clairement ce
4 que les uns et les autres ont fait à ce moment-là.
5 Mais traitons maintenant de la chose, de la question, avec un peu plus de
6 sérieux. Je crois que vous en avez parlé et j'estime qu'il importe de
7 savoir si les choses étaient claires, à savoir: les instances fédérales
8 avaient-elles entrepris des mesures particulières pour entraver les
9 préjudices à l'intégrité et la souveraineté territoriale de la RSFY? Du
10 moins, n'était-ce pas là l'explication qui a été donnée à l'époque?
11 M. Kucan (interprétation): Messieurs les Juges, la Slovénie ne portait
12 aucunement atteinte à l'intégrité territoriale de la RSFY. Elle se servait
13 de moyens légitimes pour exercer son droit à l'autodétermination.
14 Question: Serait-il exact de dire que le lendemain de la proclamation de
15 l'indépendance de la Slovénie, le 25 juin, donc dès le 26 juin vous avez
16 repris le contrôle sur les passages frontière, vous avez enlevé les
17 indications disant qu'il s'agissait de la République socialiste fédérative
18 de Yougoslavie, vous avez pris en charge les passages frontière et les
19 postes douaniers?
20 Réponse: Conformément aux décisions de l'assemblée de l'assemblée de la
21 République qui a proclamé son indépendance, la République a en effet pris
22 en charge… ou pris le pouvoir sur les passages frontières et sur ce qu'a
23 dit l'accusé, à savoir enlever les plaques portant l'inscription de la
24 RSFY en les remplaçant avec des plaques de Slovénie.
25 Question: Donc les activités déployées par le gouvernement fédéral ont
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1 constitué une réaction par rapport à ce qui s'est passé, n'est-ce pas?
2 Réponse: Eh bien, six mois après le référendum et suite à l'annonce faite
3 concernant la réalisation des résultats du référendum dans un délai de six
4 mois, il n'y avait pas d'autre réaction qui était censée nous permettre de
5 résoudre la situation après la programmation de l'indépendance de la
6 Slovénie.
7 Question: Vous souvenez-vous des déclarations du Secrétaire d'Etat
8 américain, des Etats-Unis donc, Secrétaire d'Etat chargé des relations…
9 Secrétaire des relations internationales… qu'a-t-il dit après, donc au
10 Sénat américain, le 12 janvier 1995, pour ce qui est du début de la guerre
11 en Slovénie?
12 Réponse: Je suis au courant de déclarations. Chacun a le droit d'avoir son
13 opinion concernant ce qui se passait en Yougoslavie. Bien entendu, cela
14 sous-entend que j'avais le droit à une opinion, et je l'ai présentée
15 devant cette Chambre.
16 M. Milosevic (interprétation): Mais moi, je ne parle pas d'opinion, je
17 parle de faits.
18 Vous souvenez-vous du fait que Warren Zimmermann, le dernier des
19 ambassadeurs des Etats-Unis d'Amérique en RSFY, dans la revue "Foreign
20 affairs", "Affaires étrangères", en mars 1991, en souvenir de la
21 catastrophe survenue en Yougoslavie, dit ce qui suit: "Contrairement à
22 l'opinion généralement répandue, ce sont les Slovènes qui ont commencé la
23 guerre. Leur déclaration d'indépendance, qui n'a pas été précédée par le
24 moindre effort de négocier, a placé tous les postes frontière et tous les
25 postes douaniers sous son contrôle avec ses voisins, l'Italie et
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1 l'Autriche. Cela signifiait que la Slovénie s'était accaparée du seul
2 passage frontière entre la Yougoslavie et l'Europe occidentale, et s'était
3 appropriée les recettes des douanes qui étaient évaluées à quelque 75% des
4 recettes du budget fédéral. Et une armée moins primitive que la JNA aurait
5 certainement réagi. Donc la pire des choses était de voir les Slovènes
6 devenir indépendants, et cela avait condamné le reste de la Yougoslavie à
7 la guerre." (Fin de citation.)
8 M. le Président (interprétation): Laissez le témoin répondre! Vous avez
9 donné lecture de ce texte, le témoin doit pouvoir disposer de l'occasion
10 de faire un commentaire des différents éléments.
11 Monsieur Kucan, vous avez déjà traité de la question concernant le
12 commencement de la guerre par les Slovènes. Ce qui a été dit, c'est qu'il
13 n'y a pas eu d'effort de négocié au préalable, et que le résultat en a été
14 de voir la Slovénie fermer les passages internationaux entre la
15 Yougoslavie et l'Europe occidentale, et que vous vous étiez approprié les
16 différents droits et recettes en provenance des droits douaniers, etc., et
17 la JNA s'était donc vue contrainte de réagir.
18 Vous avez probablement entendu ce type de commentaire auparavant, mais je
19 crois que vous avez, de façon évidente, le droit d'apporter vos
20 commentaires.
21 M. Kucan (interprétation): Cela est la position formulée par l'ex
22 ambassadeur des USA, M. Zimmermann. Je suis au courant de sa position,
23 mais il est des opinions différentes toutefois.
24 Bien entendu, il n'est pas vrai de dire que la Slovénie n'a rien fait pour
25 que les choses se fassent de façon pacifique et ordonnée.
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1 Dès la réunion du mois de janvier 1991 ou après cette réunion quand il
2 s'est avéré qu'il ne pouvait pas y avoir d'arrangement ou d'accord au
3 sujet de la réorganisation de la Yougoslavie, notre Parlement a procédé au
4 mois de février 1991 à l'adoption d'une déclaration afférente à une
5 dissociation concertée. Cela comportait une proposition concernant la
6 façon dont le droit à l'autodétermination slovène devait être exercé. Il
7 était question de vouloir procéder de façon concertée, et non pas autre,
8 avec les autres Républiques. Cette déclaration a été envoyée aux Assemblés
9 des autres Républiques et provinces. La seule réponse positive que nous
10 ayons reçue est celle de l'Assemblée de la Croatie, personne d'autre n'a
11 répondu. Cela constitue juste un exemple parmi tant d'autres, concernant
12 ce que la Slovénie a fait pour que cette dissociation se fasse de façon
13 concertée et pacifique.
14 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Kucan, est-il contesté ou pas le
15 fait que personne en Yougoslavie n'a remis en question le droit de la
16 Slovénie et du peuple slovène à l'autodétermination et à l'exercice de
17 droit à l'autodétermination?
18 M. Kucan (interprétation): Non, cela n'est pas exact.
19 M. Milosevic (interprétation): Qui a contesté l'exercice du droit à
20 l'autodétermination?
21 M. Kucan (interprétation): Eh bien, il y avait une différence, une
22 divergence entre les positions de ce principe et les positions pratiques,
23 à savoir qu'on disait que ce droit pouvait être exercé jusqu'à l'exercice
24 du droit à la sécession. Et il était question de faire en sorte que les
25 instances fédérales en décident.
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1 Mais les instances fédérales, elles, décidaient par la majorité. Nous
2 savons de quoi cela avait l'air, nous savons de quoi avait eu l'air le 14e
3 Congrès en janvier 1991, moment où la Slovénie avait présenté des
4 propositions légitimes et des propositions qui étaient fondées sur le
5 droit. Les votes l'ont emporté dans le sens contraire.
6 M. Robinson (interprétation): Pouvez-vous commenter les passages cités par
7 M. Milosevic disant que l'un des résultats de votre déclaration afférente
8 à l'indépendance était celui d'avoir le droit de faire vôtre les recettes
9 des douanes en provenance de l'importation des biens provenant de l'Europe
10 occidentale ou de produits provenant de l'Europe occidentale?
11 Je n'ai pas très bien compris cela. Quelle en a été la conséquence?
12 M. Kucan (interprétation): L'une des décisions de l'Assemblée slovène
13 disait qu'il fallait que les recettes douanières perçues sur le territoire
14 de la République de Slovénie devaient être dirigées vers un fond à part.
15 La décision concernant la disposition avec les recettes se trouvant dans
16 ce fonds était censée être prise à l'occasion des négociations à l'avenir.
17 M. Robinson (interprétation): Vous voulez dire la décision afférente à la
18 distribution de ces recettes ou ces droits de douanes entre les
19 différentes Républiques?
20 M. Kucan (interprétation): Oui, cela est spécifié de façon concrète dans
21 l'Avenant 1 aux Accords de Brioni, Accords datés de juillet 1991.
22 M. Milosevic (interprétation): Juillet 1991, dites-vous, l'Accord de
23 Brioni a été conclu après la guerre. Alors qu'ici nous parlons de ce qui
24 s'est passé pendant la guerre. Mais dites-moi, je vous prie, puisque vous
25 aviez la possibilité de sortir de la Yougoslavie, comme l'a fait la
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1 Slovaquie par exemple, et que vous avez, contrairement à cela, opté pour
2 la violence, votre rôle a bien sûr été décisif -et l'Allemagne,
3 l'Autriche, les responsables politiques qui ont discuté de cette question
4 avec vous également-, pourquoi avez-vous opté pour la guerre, alors que
5 vous auriez pu vous retirer pacifiquement? Pourquoi avez-vous attaqué la
6 JNA en Slovénie?
7 Réponse: La décision relative aux droits de douane et au sort de ces
8 revenus douaniers était une décision adoptée par l'Assemblée slovène, le
9 25 juin. Quant aux autres pays et aux responsables politiques étrangers,
10 je ne peux pas dire quel était leur avis sur la décision slovène. La
11 décision a été prise par nous, par personne d'autre. Cette décision nous
12 l'avons prise et assumée.
13 S'agissant de la Slovaquie, personne n'a jamais établi de conditions pour
14 la Slovaquie. Les conditions de la scission ont été décidées par les deux
15 Présidents; à savoir le Président de la Tchéquie et de la Slovaquie.
16 Question: Vous venez de dire que vous n'avez pas pu vous adresser aux
17 organes fédéraux, de façon à ce que votre voix ne soit pas débordée par
18 celle d'autres éléments. Je crois qu'il est bien connu qu'au sein de
19 l'assemblée fédérale personne ne pouvait être battu sur le nombre de voix
20 automatiquement. Le conseil fédéral, le conseil des Chambres et des
21 provinces existaient à l'époque et la Slovénie n'aurait pas pu avoir son
22 point de vue écarté d'emblée par une majorité de voix ayant un point de
23 vue différent sans qu'il y ait débat et discussion. Donc cette
24 préoccupation ne doit pas exister.
25 Maintenant, je vous demande pourquoi vous avez attaqué la JNA sur votre
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1 territoire? La JNA qui se trouvait également chez elle…
2 M. le Président (interprétation): Permettez au témoin de répondre à la
3 question d'abord. La question que l'on vous pose consiste à dire qu'il
4 existait un consensus. Est-ce que ceci est vrai ou pas?
5 M. Kucan (interprétation): La loi relative à la sécession qui était
6 proposée aurait dû être adoptée par la chambre fédérale et pas par la
7 chambre des Républiques et des provinces qui fonctionnait sur base de
8 consensus. Il s'agissait de la chambre fédérale dans laquelle les votes se
9 faisaient à la majorité. La direction serbe, sous prétexte de rendre plus
10 efficaces les instances fédérales, insistait également pour que soit
11 appliqué le principe d'une voix pour chaque représentant. Donc dans ces
12 conditions, au sein de la fédération, la voix des petits était en général
13 débordée par celle des grands. Voilà quelle était la réalité.
14 M. Milosevic (interprétation): Mais le fait même que ce projet de loi
15 n'ait pas été voté compte tenu de l'absence de consensus, montre bien que
16 l'affirmation qui vient d'être faite est exacte, parce que ce projet de
17 loi n'est pas passé, n'est-ce pas? Puisqu'il n'a pas été possible de
18 réunir un consensus, n'est-ce pas, Monsieur Kucan? Pourquoi est-ce que ce
19 projet ne loi n'a pas été adopté si nous avions d'emblée la majorité au
20 sein de l'assemblée et que nous représentions les quatre autres
21 Républiques? Nous aurions pu, dans ces conditions, la faire adopter au
22 sein de la chambre fédérale, mais le consensus n'a pas été réuni. Est-ce
23 que ce n'est pas vous qui n'avez pas autorisé en fait le passage de ce
24 projet de loi?
25 M. Kucan (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en
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1 tant que représentant d'une petite nation il m'eût été très difficile de
2 dicter mes conditions à une majorité beaucoup plus importante. La réalité
3 était tout à fait différente. Cette décision était-elle une décision de
4 sécession de la part de la Slovénie ou était-elle une décision de se
5 dissocier de la Yougoslavie? La Yougoslavie ne pouvait exister en
6 l'absence de la Slovénie, donc un problème statutaire existait à ce niveau
7 puisque nous faisions partie intégrante de façon constitutionnelle de la
8 Yougoslavie, et ceci depuis 1918 lors de la création du pays. C'est la
9 raison pour laquelle nous avons proposé ce concept de dissociation d'une
10 République par rapport au reste du pays. Nous l'avons soumise à
11 l'assemblée de la République en février 1991. Cette proposition a
12 également été soumise aux assemblées des autres Républiques pour examen.
13 Je connais également l'existence de nombreuses autres propositions portant
14 sur ce projet de loi afférent à la sécession.
15 Et deux lignes de pensée se sont dégagées dans le cadre de l'examen de
16 toutes ces propositions. D'une part, il y avait un concept qui s'appuyait
17 sur l'impossibilité de dissoudre les Républiques, puisque la dissolution
18 d'une République était considérée, par les tenants de cette position,
19 comme équivalente à la mort. Dans ces conditions, les Républiques devaient
20 emprunter à l'étranger pour se développer et également avoir des
21 travailleurs quittant la République pour aller travailler ailleurs. Voilà
22 donc quelle était la position des tenants de cette ligne à l'époque.
23 Question: Mais je vous pose la question précisément parce que c'est vous
24 qui, il y a quelques instants, avez prononcé les mots "droit à
25 l'autodétermination" qui est celui de tous les peuples et de tous les
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1 groupes ethniques. Vous avez dit que ce droit ne pouvait s'exercer aux
2 dépens des autres peuples qui, eux, jouissaient également des mêmes
3 droits. Est-ce que sur cela, au moins, nous pouvons être d'accord là-
4 dessus, vous et moi?
5 Réponse: S'agissant du fait que toute nation a le droit à
6 l'autodétermination, oui, effectivement, c'est bien le cas. Mais il ne
7 s'agit pas d'abstraction, c'est quelque chose qui existe dans la réalité
8 et il appartenait aux Républiques de donner une vie à ce principe dans le
9 cadre des frontières existantes, car les frontières séparant les
10 Républiques étaient des frontières en bonne et due forme et ne pouvaient
11 pas être modifiées sans l'agrément de la République concernée. Donc toute
12 décision en matière d'autodétermination se fondait sur l'existence du
13 territoire concerné et pas sur la modification de ce territoire. Nous
14 n'avons rien fait non plus pour modifier l'importance du territoire d'une
15 quelconque autre République de Yougoslavie ou d'un quelconque pays voisin.
16 Question: Mais la décision de l'assemblée fédérale, l'intervention du
17 gouvernement fédéral ne concernait pas les frontières entre Républiques
18 mais les frontières extérieures de la Yougoslavie, n'est-ce pas, en
19 application du droit constitutionnel en vigueur? Quant à vous, vous avez
20 attaqué l'armée de votre pays, l'armée populaire yougoslave, la seule
21 armée légitime en Yougoslavie à l'époque, et vous l'avez attaquée chez
22 vous. Et ce faisant, vous avez pris des positions tout à fait claires par
23 rapport aux frontières extérieures de la Yougoslavie, n'est-ce pas?
24 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai été, pendant de
25 nombreuses années, tenu à remplir ce devoir tout à fait désagréable de
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1 participer à des débats sur ce qu'est la Yougoslavie. Les frontières
2 extérieures de la Yougoslavie étaient également les frontières de la
3 Slovénie. Et lorsque la Slovénie a opté légalement pour l'indépendance,
4 les frontières de la Slovénie sont devenues les frontières extérieures de
5 la Yougoslavie. Mais, je l'ai déjà dit, il ne pouvait pas y avoir de
6 Yougoslavie en l'absence de Slovénie, donc il n'était pas nécessaire de
7 défendre les frontières yougoslaves. En tout cas, pas à l'endroit où le
8 territoire était un territoire yougoslave.
9 Question: Fort bien. J'ai déjà cité Zimmermann qui dit très clairement
10 quels sont les motifs qui vous poussaient à l'action, à l'époque. Donc
11 manifestement, il faut que nous changions de sujet.
12 Vous souvenez-vous de votre participation lors d'une émission de
13 télévision NTV -une télévision privée donc- en 1995, en novembre? Vous
14 étiez aux côtés de Mesic, Tomac, Spegelj, dans cette émission qui
15 s'appelait "Kontakt"?
16 Réponse: Il faudrait y regarder de plus près. Vous savez, il y a toutes
17 sortes d'émissions qui ont été diffusées et je ne me souviens pas
18 exactement de l'émission de laquelle vous parlez.
19 Question: Fort bien. Vous souvenez-vous… Je parle de cette émission de
20 télévision qui a été diffusée le 8 novembre 1995 sur la télévision privée
21 NTV, émission à laquelle vous avez participé aux côtés de Stipe Mesic -qui
22 dirigeait le Parti démocrate indépendant croate de l'époque- et vous avez
23 également participé à cette émission aux côtés de Spegelj, de Tomac et
24 d'autres. C'était un programme intitulé "Kontakt"; les spectateurs
25 pouvaient appeler et des débats étaient engagés avec le public. Je suis
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1 sûr que vous n'aviez pas de nombreuses émissions de ce genre avec
2 participation du public, à cette époque-là, donc vous vous en souvenez
3 sûrement?
4 Réponse: Je me souviens de cette émission, Monsieur le Président,
5 Messieurs les Juges, mais pas de la date exacte de celle-ci. Pour vous
6 parler de cette émission, il faudrait que je me souvienne de tous les
7 détails de l'émission de ce jour-là. Mais je me souviens d'avoir participé
8 à une émission de ce genre.
9 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Fort bien. Vous souvenez-vous
10 que, durant cette émission, Mesic, en votre présence, a déclaré que les
11 anciens ministres des Affaires étrangères de l'Allemagne, Hans Dietrich
12 Genscher, ainsi que le Pape Jean-Paul II, avaient, par leur accord tout à
13 fait clair et leur appui tout à fait clair au démantèlement de l'ex-
14 Yougoslavie, contribué pratiquement le plus à la réalisation de ce
15 démantèlement? Vous souvenez-vous de cette position qu'il a adoptée et des
16 explications qu'il a fournies dans le cadre de cette émission?
17 M. Kucan (interprétation): Il s'agissait des positions qui étaient celles
18 de M. Mesic. Moi, j'ai déjà dit que les hommes d'Etat étrangers n'avaient
19 pas leur place dans cette histoire de l'indépendance de la Slovénie. Quant
20 aux noms précis...
21 M. le Président (interprétation): Tenons-nous en, si vous le voulez bien,
22 à ce que l'accusé vous a soumis. Ce que Mesic a dit correspond à peu près
23 à ce que dit l'accusé, n'est-ce pas?
24 M. Kucan (interprétation): Oui. Mais mon expérience avec ces hommes-là
25 était différente, et c'est cela que je tenais à dire.
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1 M. Milosevic (interprétation): Avec Genscher et le Pape, voulez-vous dire?
2 M. Kucan (interprétation): Oui.
3 M. Milosevic (interprétation): Mais moi, je vous demande simplement si
4 Mesic a bien dit ce que j'ai cité.
5 M. le Président (interprétation): Il a dit d'accord, il a dit oui.
6 M. Milosevic (interprétation): Bon, très bien. Mais, je vous en prie…
7 M. Kucan (interprétation): Je ne sais pas ce que vous souhaitez de moi.
8 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Kucan, vous témoignez ici et
9 consacrez pratiquement la moitié de votre déposition à l'ouvrage de
10 Borisav Jovic. Pour ma part, je vous interroge au sujet de la déclaration
11 de quelqu'un d'autre, par exemple de la déclaration de Stipe Mesic dans
12 une émission publique. Vous avez dit ici que vous pouviez confirmer ce
13 qu'a dit Borisav Jovic lors des entretiens qu'il a eus avec vous. Moi, je
14 vous demande si ce qu'a dit Mesic dans le cadre de cette émission, vous
15 pouviez le confirmer également?
16 M. le Président (interprétation): Oui, oui, oui. Passons à autre chose,
17 Monsieur Milosevic. Le témoin a déjà dit qu'il était d'accord avec cela.
18 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Mais il y a encore un point qui
19 mérite d'être précisé.
20 Vous souvenez-vous, Monsieur Kucan, que Mesic a dit ce jour-là qu'il était
21 arrivé aux fonctions les plus importantes de la Fédération à Belgrade
22 pour, dans le cadre de la diplomatie yougoslave, y établir des contacts
23 avec les représentants politiques les plus importants du monde et faire
24 confirmer que… pour les convaincre que la survie de la Yougoslavie était
25 un non-sens?
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1 Je le cite: "Je souhaitais transmettre l'idée de la nécessité d'un
2 démantèlement de la Yougoslavie vis-à-vis de ceux qui exerçaient la plus
3 grande influence sur le sort de la Yougoslavie aux côtés de Genscher et du
4 Pape. J'ai eu trois rencontres avec Genscher; il a favorisé l'organisation
5 d'une rencontre avec le Saint-Père au sujet du démantèlement de la RSFY."
6 (Fin de citation.)
7 Ceci est-il exact ou pas?
8 M. Kucan (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
9 cette émission à laquelle j'ai participé avec M. Mesic, je peux en
10 confirmer l'existence. Mais s'il m'est demandé de confirmer chaque mot qui
11 a été prononcé par tous les participants à cette émission, il me faudrait
12 une transcription écrite ou la diffusion d'une séquence vidéo. Car les
13 mots qui viennent d'être prononcés sont des mots très lourds et je ne peux
14 pas témoigner de leur existence de façon aussi superficielle.
15 M. le Président (interprétation): Est-ce que ces mots ont été prononcés
16 par M. Mesic? Je ne me souviens pas de cela. Un instant.
17 Monsieur Milosevic, fort bien. Ne perdons pas de temps.
18 M. Nice (interprétation): Je ne me souviens pas que cet extrait ait été
19 cité.
20 M. Milosevic (interprétation): Non, ils n'ont pas été soumis, ils n'ont
21 pas été présentés parce que, lorsque j'ai contre-interrogé… Ils n'ont pas
22 été soumis à M. Mesic lorsqu'il est venu au Tribunal, parce que lorsque
23 j'ai contre-interrogé Mesic, je ne disposais pas de ces renseignements, je
24 ne savais pas ce qu'il en était de cette émission de télévision; mais
25 sinon, je lui aurais soumis ces propos. Mais puisque M. Kucan participait
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1 à cette émission, je pense qu'il est pertinent de lui permettre d'établir
2 les faits.
3 M. le Président (interprétation): Le témoin ne peut pas se souvenir de
4 tous les détails; il ne peut parler que de façon générale de cette
5 émission. Veuillez avancer.
6 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Vous souvenez-vous que Tomac à
7 l'époque a rappelé que la Slovénie et la Croatie constituaient un
8 partenariat très fort jusqu'en 1990 en faveur du démantèlement de la
9 Yougoslavie? Selon lui, il était donc favorable à vos positions, et avec
10 lui vous auriez constitué un couple auquel participait également Franjo
11 Tudjman. Est-ce exact?
12 M. Kucan (interprétation): Monsieur le Président, j'étais le dirigeant de
13 la Slovénie et personne d'autre. Et c'est moi qui ai travaillé à
14 l'élaboration du concept de démantèlement de la Yougoslavie. Nous avons
15 travaillé avec d'autres à la réorganisation, à la restructuration de la
16 Yougoslavie.
17 Je me souviens de cette séance de la Présidence, au cours de l'été 1990,
18 lorsque j'ai donné mon accord pour que la Slovénie et la Croatie préparent
19 un document définissant les contours de la Fédération, et un accord à
20 signer au niveau confédéral dont un projet a été établi, mais qui n'a pas
21 été accepté par les autres Républiques.
22 Question: Oui, quatre Républiques -comme vous l'avez dit vous-même- se
23 sont exprimées contre ce projet. Mais revenons, si vous le voulez bien, à
24 une étape antérieure, parce que je vous ai interrogé sur les raisons pour
25 lesquelles l'armée populaire yougoslave a été attaquée.
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1 Je vous demande maintenant s'il est vrai que, durant le conflit en
2 Slovénie, 44 membres de la JNA ont été tués et 184 grièvement blessés?
3 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je dois réfuter
4 l'affirmation selon laquelle la Slovénie aurait attaqué la JNA. Ce n'est
5 pas l'armée slovène qui est sortie de ses casernes pour attaquer la JNA,
6 mais c'est la JNA à notre avis qui, se fondant sur une décision illégale
7 et anticonstitutionnelle du gouvernement fédéral, est sortie de ses
8 casernes; pas seulement en Slovénie d'ailleurs mais également des casernes
9 qui se trouvaient sur le territoire de la République de Croatie.
10 Ceci est un fait, et c'est un fait que nous ne pouvons que prendre en
11 compte, au cours de cette guerre -et c'est tout à fait regrettable- des
12 gens sont morts. Selon les données dont nous disposons 37 membres de la
13 JNA et 8 membres de la Défense territoriale slovène, 4 policiers, 6 civils
14 habitants slovènes, et 6 étrangers qui se trouvaient à l'époque sur le
15 territoire de la République de Slovénie ont trouvé la mort.
16 M. Milosevic (interprétation): J'ai la liste des tués et blessés de la JNA
17 suite au conflit qui a éclaté. Et, puisque je parle d'attaque sur la JNA,
18 je tiens à demander le versement de ce document au dossier.
19 Monsieur Kucan, vous souvenez-vous des crimes les plus graves que vous
20 avez commis contre...
21 M. le Président (interprétation): Avant de passer à cette question, je
22 vous demande quelle est l'origine de la liste que vous souhaitez verser au
23 dossier?
24 M. Milosevic (interprétation): Il y a un ouvrage officiel intitulé "Les
25 tués et les blessés de la JNA au cours du conflit", où l'on trouve la
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1 cause de la blessure, le nom de la personne concernée, sa date de
2 naissance, la caserne où ils étaient stationnés. C'est un document tout à
3 fait fiable, vérifiable et qui n'est pas contesté.
4 M. le Président (interprétation): Veuillez le remettre au Greffe pour que
5 nous puissions y jeter un coup d'œil.
6 M. Milosevic (interprétation): Oui, nous pourrons le faire plus tard pour
7 gagner du temps.
8 Vous souvenez-vous que les pires crimes commis…
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice a quelque chose à dire.
10 M. Nice (interprétation): Si cet extrait est admissible, alors l'ensemble
11 de l'ouvrage devrait être versé au dossier, à notre avis.
12 M. le Président (interprétation): Je ne suis pas sûr de cela.
13 M. Nice (interprétation): Ce serait plus intéressant, parce qu'il convient
14 de se demander si l'ensemble de l'ouvrage est admissible ou pas compte
15 tenu de sa pertinence ou non pertinence. Une liste de noms relative à la
16 réponse fournie par un témoin n'est peut-être pas nécessairement
17 pertinente. Nous aimerions que l'accusé soit invité à fournir l'ouvrage
18 dans son intégralité.
19 M. le Président (interprétation): Ce que nous pouvons faire, c'est vous
20 faire remettre la liste pour que vous puissiez jeter un coup d'œil pendant
21 la pause, et nous pourrions l'enregistrer à des fins d'identification de
22 façon à examiner sa pertinence en temps utile. Mais en tout cas qu'un
23 exemplaire soit remis au Procureur.
24 (Intervention de l'huissière.)
25 Je déclare maintenant une pause de 20 minutes.
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1 (L'audience, suspendue à 12 heures 20, est reprise à 12 heures 38.)
2 M. le Président (interprétation): Veuillez d'abord attribuer une cote.
3 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il
4 s'agit de la pièce à conviction de la défense 135.
5 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, nous avons examiné ce
6 document pendant la suspension d'audience. Nous ne soulevons pas
7 d'objection quant à l'attribution d'une cote, mais nous aimerons consulter
8 l'ouvrage dont il est question en temps utile.
9 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, puis-je poursuivre?
10 M. le Président (interprétation): Oui.
11 M. Milosevic (interprétation): Monsieur le Témoin, pourriez-vous me
12 répondre de façon très brève vu le temps qui nous est imparti?
13 Vous souvenez-vous qu'à cinq points de contrôle, vous avez conduit des
14 enfants mineurs, des officiers de police, et que vous les avez obligés à
15 se rendre? Oui ou non?
16 M. Kucan (interprétation): Non, nous n'avons pas fait cela.
17 Question: Vous rappelez-vous que des civils armés ont arrêté des membres
18 de la JNA dans les rues des villes et que, lorsqu'ils étaient emprisonnés,
19 ils ont fait l'objet de différents sévices tels que la programmation de
20 leur exécution? Est-ce que vous vous en souvenez, oui ou non?
21 Réponse: Non.
22 Question: Vous souvenez-vous avoir expulsé de leur appartement des
23 familles d'officiers en menaçant de les liquider, à moins qu'ils ne
24 quittent la Slovénie dans un délai précis?
25 Réponse: Non.
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1 Question: Et est-il vrai que la Défense territoriale de la Slovénie, avec
2 des unités soi-disant de protection nationale, a érigé des barricades, des
3 barrages routiers, afin d'empêcher le barrage de la JNA; oui ou non?
4 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les barrages routiers
5 ont d'abord été érigés par les citoyens de la Slovénie, parce que la
6 Défense territoriale n'avait pas encore été organisée. Il s'agissait de la
7 nuit du 26 au 27 juin, nuit au cours de laquelle les citoyens ont fêté
8 leur indépendance. Et à leur retour, lorsqu'ils se dirigeaient chez eux,
9 ces citoyens ont vu les chars qui ont commencé à ériger ces barrages
10 routiers en utilisant leurs véhicules, les autocars, etc.
11 Question: Très bien. Je dispose de documents qui corroborent tout cela,
12 donc je ne vais pas m'appesantir sur cela plus avant.
13 Vous vous souviendrez certainement de véhicules privés qui portaient des
14 plaques minéralogiques de Serbie? Il s'agissait de passagers ordinaires,
15 de civils qui se trouvaient sur le territoire de la Slovénie et dont les
16 voitures avaient été réquisitionnées.
17 (Pas d'interprétation française: la cabine anglaise ayant des problèmes de
18 micro.)
19 M. Milosevic (interprétation): Vous vous souviendrez certainement de
20 véhicules privés qui avaient des plaques minéralogiques qui provenaient de
21 la Serbie. Vous vous souviendrez qu'il y avait des civils qui voyageaient
22 à bord de ces véhicules, mais que leurs véhicules ont été perquisitionnés
23 et que les passagers ont été pris en tant qu'otages et utilisés en tant
24 que boucliers humains. Oui ou non?
25 Réponse: Monsieur le Président, je me suis engagé à dire la vérité, rien
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1 que la vérité et toute la vérité. Il n'est pas possible pour moi de
2 répondre à ces questions.
3 En Slovénie, compte tenu de l'agression lancée par la JNA, certains
4 camions ont été arrêtés et les chauffeurs, les passagers ont reçu un
5 avertissement selon lequel ils seraient attaqués; et par conséquent, on
6 les invitait à se retirer. Je peux concevoir que, dans ces colonnes de
7 véhicules, il y avait peut-être certains véhicules qui portaient des
8 plaques d'immatriculation serbes.
9 Question: Et est-ce que vous vous souvenez de l'hôpital militaire à
10 Ljubljana, ainsi que le centre de réhabilitation Rimske Toplice? Or, ces
11 bâtiments ont vu des coupures d'électricité, d'eau; il n'y a plus eu
12 d'approvisionnement en nourriture. Est-ce qu'il y a eu des véhicules qui
13 ont été placés devant ces bâtiments et est-ce que ces véhicules étaient
14 remplis de jerricans d'essence, oui ou non?
15 Réponse: Je sais qu'on avait fait venir des camions qui étaient pleins de
16 jerricans d'essence, mais je sais également que des civils ont été blessés
17 et conduits dans ces hôpitaux civils.
18 Question: Vous souvenez-vous que dans ces hôpitaux militaires, dans ces
19 instituts, dans ce centre de réhabilitation militaire, les personnes ont
20 été informées qu'elles seraient tuées, de même que leurs patients, si la
21 JNA passait à l'acte et lançait une action militaire sur le territoire de
22 la République de la Slovénie?
23 Réponse: Je ne me souviens pas de cela. Mais je sais que la JNA utilisait
24 des hélicoptères pour assurer le transfert des personnes blessées, et que
25 ces hélicoptères portaient l'insigne de la Croix-Rouge.
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1 Question: Et savez-vous si une assistance a été fournie aux soldats
2 blessés? Savez-vous si on a empêché, plutôt, de fournir cette aide? Et
3 savez-vous qu'il y a eu des attaques contre les ambulances, que des rues
4 ont été bloquées, que le personnel médical civil a refusé de donner les
5 premiers soins aux officiers et aux soldats de la JNA, suite à quoi des
6 soldats très jeunes sont décédés, ont succombé à leurs blessures qui
7 n'étaient pas mortelles, à l'époque?
8 Réponse: Pour autant que je le sache, nos hôpitaux civils et nos centres
9 de premiers secours avaient pour mission d'aider toute personne qui était
10 blessée, qu'il s'agisse d'un soldat de la JNA, d'un membre de la JNA, de
11 la police de la Défense territoriale ou de civils.
12 M. Milosevic (interprétation): Comme cela n'est pas vrai, je dispose de
13 documents qui corroborent ces faits.
14 M. le Président (interprétation): Le témoin vient de préciser qu'il
15 affirme ce qu'il a dit, donc nul besoin de vous quereller avec lui.
16 M. Milosevic (interprétation): Non, je ne conteste pas cela, Monsieur May.
17 Je ne veux pas perdre le temps précieux qui m'est imparti.
18 Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous de blessures infligées à des civils
19 qui montrent qu'il y a eu violence contre des civils, que des otages ont
20 été pris, qu'il y avait terrorisme, qu'il y avait des actes de menace qui
21 étaient intolérables. Je dispose d'informations, je vais vous en donner le
22 titre, "Violations des règles du droit international humanitaire par les
23 membres de forces armées de Slovénie". Il s'agit d'un livre blanc.
24 Est-ce que ceci pourrait également être versé au dossier?
25 Je vous invite à considérer cela ou à envisager cette possibilité parce
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1 que je ne dispose pas du temps nécessaire pour en donner lecture. Je vous
2 rappelle que c'est donc "Violations du droit international s'agissant des
3 civils, des blessés, des patients, etc.".
4 M. le Président (interprétation): Nous allons procéder pas à pas. Il
5 s'agit donc d'un autre extrait du même ouvrage, n'est-ce pas exact?
6 M. Milosevic (interprétation): Oui.
7 M. le Président (interprétation): Bien. Veuillez nous remettre cet
8 extrait.
9 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il y
10 a lieu d'appliquer différents critères à cet extrait compte tenu de la
11 nature ou de la façon dont le titre a été lu, probablement parce qu'il
12 s'agit de prouver des choses que nous allons vraisemblablement contester.
13 Mais nous allons voir.
14 M. le Président (interprétation): S'agissant de la liste, elle peut être
15 versée au dossier, étant donné qu'il s'agit d'une simple liste. Et il
16 semble, effectivement, qu'il s'agisse d'un extrait de cet ouvrage. Je
17 pense que l'accusation peut soulever une objection en temps utile.
18 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit de la pièce à
19 conviction de la défense 136.
20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
21 Monsieur Milosevic, veuillez poursuivre.
22 M. Milosevic (interprétation): Vous souvenez-vous de violations du droit
23 international s'agissant de la population civile, de blessés, de personnes
24 malades, de personnes décédées, de personnels médicale? Je vois, ici, un
25 document où il est fait mention de 19 cas de manque de respect de ces
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1 dispositions, l'absence de respect par le personnel médical, d'attaques
2 non autorisées contre des véhicules qui faisaient mention des mots "la
3 Croix-Rouge", des ambulances, etc. Il s'agit de violations de la
4 législation concernant les blessés, les morts, etc. Il s'agit de 19
5 éléments différents. Que pouvez-vous dire à ce sujet?
6 M. le Président (interprétation): Non, je ne vais pas vous autoriser à
7 poser cette question, il s'agit de simples allégations formulées dans cet
8 ouvrage. Vous pouvez présenter des éléments de preuve en temps utile mais,
9 tout d'abord, je pense que le témoin doit avoir l'occasion de lire ces
10 allégations.
11 Monsieur Kucan, on vous dit -comme vous l'avez entendu- qu'il y a eu
12 plusieurs violations du droit international s'agissant du personnel
13 médical, d'attaques qui auraient été lancées à l'encontre de véhicules de
14 la Croix-Rouge, qu'il y aurait eu d'autres violations à l'encontre des
15 blessés et des malades. En règle générale, j'aurais demandé à l'accusé de
16 passer en revue chacune de ces 19 allégations, mais compte tenu du temps
17 qui nous fait défaut, dans un souci d'économie du temps, je ne vais pas me
18 livrer à cet exercice. Mais, vous devez avoir la possibilité de répondre à
19 cette question.
20 Est-il vrai qu'il y a eu des violations, de la part des Slovènes, de ces
21 dispositions?
22 M. Kucan (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ces
23 allégations, tous ces types d'allégations qui sont avancées par l'accusé,
24 sont réfutées par moi-même de la façon la plus catégorique qu'il soit. Il
25 s'agit d'une brochure de propagande publiée et imprimée par "Narodna
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1 Armija".
2 La Slovénie, en association avec cette affaire dont l'accusé a fait
3 mention, a fait l'objet d'une enquête par un juge chargé de cette affaire,
4 par un expert médico-légal, et nous disposons de certains documents qui
5 sont conservés au niveau du ministère de la Défense. Et si les Juges la
6 Chambre de première instance estiment qu'il est nécessaire, je pourrais
7 vous en faire parvenir un exemplaire.
8 J'affirme, pour ma part, que ceci ne s'est pas déroulé en Slovénie, et
9 même que, si quelque chose de la sorte s'était produite, il s'agirait là
10 d'une situation extrême.
11 S'agissant des membres de la Défense territoriale, de la JNA, les civils,
12 toutes ces personnes étaient présentes. Par la suite, s'agissant des
13 événements qui se sont déroulés à Srebrenica, à Vukovar, à Dubrovnik dans
14 les camps de concentration, on pouvait parler de système, mais je ne pense
15 pas que les enquêtes aient été effectuées et conduites à leur terme, comme
16 cela a été le cas, en Slovénie.
17 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.
18 Monsieur May, donc vous n'acceptez pas ceci, n'est-ce pas? Vous contestez
19 le fait qu'il y ait eu des blessures? Vous contestez le fait qu'il y ait
20 eu des violations?
21 M. le Président (interprétation): Non.
22 M. Milosevic (interprétation): Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous de
23 violations des lois s'agissant des personnes qui étaient placées en garde?
24 J'ai ici 17 éléments ou 17 rubriques qui prouvent que les blessés et les
25 malades n'ont pas bénéficié de l'aide appropriée, mais qu'au contraire ces
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1 personnes ont été menacées, leur vie était menacée. Par conséquent, on a
2 enfreint le principe de dignité humaine etc. Est-ce inexact, Monsieur
3 Kucan?
4 M. Kucan (interprétation): Monsieur le Président, j'ai déjà répondu à
5 cette question. J'ai dit que nous avions fourni une assistance et qu'après
6 l'Accord intervenu de Brioni, il avait également été convenu que les
7 échanges auraient lieu s'agissant non seulement des prisonniers de guerre
8 mais également des blessés, et que ces personnes pouvaient se rendre où
9 elles le souhaitaient.
10 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, Monsieur May, est-ce que
11 vous acceptez cela comme document? Non? Bien. Je dispose ici également de
12 documents qui précisent s'agissant de "Vrednost"; il s'agit donc de
13 documents qui ont été soumis, pour information, au Président de la
14 Slovénie, M. Milan Kucan. Il s'agit de documents du Tribunal de Kopar qui
15 ont été signés par le Président Nevacic Predan, le Président du Conseil de
16 Helsinki de la Slovénie. Je dispose également de documents du bureau du
17 procureur d'Etat à Maribor etc. J'ai également remis ces documents pour
18 les soumettre à votre attention.
19 La question que je vous pose est la suivante: aviez-vous eu connaissance
20 du cas bien connu au cours duquel trois membres de la JNA qui avaient été
21 faits prisonniers ont été exécutés? Il s'agissait de prisonniers de la JNA
22 qui ont été exécutés par les policiers slovènes au carrefour de Holmec, le
23 28 juin 1991. Est-ce que vous vous souvenez de cela?
24 Réponse: L'affaire Holmec ainsi que toutes les autres affaires dont il est
25 fait mention dans le livre blanc ont fait l'objet d'une enquête. Et, comme
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1 je l'ai dit, il existe un rapport au sujet des conclusions. Si les Juges
2 de la Chambre de première instance l'estiment nécessaire, je peux remettre
3 un exemplaire de ce rapport. Mais je dois simplement dire que ces civils
4 ne les ont pas exécutés.
5 Question: Je n'ai pas reçu d'interprétation en serbe, j'ai simplement
6 entendu la réponse de M. Kucan. J'ai cru comprendre qu'il avait dit que
7 ces personnes n'avaient pas été exécutées, est-ce exact?
8 M. Kucan (interprétation): Si je vous ai bien compris à la lumière de la
9 question que vous m'avez posée, vous avez demandé si ces personnes en tant
10 que prisonniers de guerre ont été exécutées. Si tel est le cas, ma réponse
11 est négative.
12 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, ces soldats de la JNA n'ont
13 pas été exécutés.
14 M. le Président (interprétation): C'est exactement ce qu'a dit le témoin.
15 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Monsieur le Témoin, je dispose
16 ici des notes, des rapports qui ont été faits au sujet des trois soldats
17 de la JNA qui ont été exécutés. Il s'agit des lettres qui émanent de la
18 Commission de Helsinki ainsi que d'autres documents.
19 Est-ce que nous pourrions verser ces documents au dossier?
20 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il serait peut-être bon
21 d'abord de remettre ces documents au témoin, à moins qu'il puisse formuler
22 une observation à leur sujet.
23 M. Milosevic (interprétation): Je pense que l'on peut remettre la totalité
24 de ces documents. Mais je voudrais peut-être d'abord passer à autre chose.
25 Oui, il s'agit du document du Bureau du Procureur, il s'agit de cette
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1 liasse de documents et j'aimerais inviter le témoin à consulter ces
2 documents.
3 (Intervention de l'huissier.)
4 Je dispose également d'informations selon lesquelles la partie adverse
5 aurait également reçu ces documents, Monsieur le Président.
6 (Les Juges se concertent sur le siège.)
7 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, pouvez-vous répondre
8 à la question qui vous a été posée? De quoi s'agit-il?
9 M. Kucan (interprétation): Oui. Ces documents prouvent simplement que la
10 Slovénie dans le conflit, au cours de la guerre, a respecté la règle du
11 droit. C'est-à-dire que l'accusation a procédé à une enquête et a présenté
12 ses conclusions. La Commission d'Helsinki est intervenue. J'affirme, pour
13 ma part, que ces soldats n'ont pas été tués ni exécutés en tant que
14 prisonniers de guerre, mais que malheureusement ces personnes ont été
15 exécutées.
16 M. le Président (interprétation): D'après l'accusé, il s'agit d'un extrait
17 d'un dossier qui avait été mis dans les mains du Bureau du Procureur. Est-
18 ce exact? Est-ce que vous pensez que cette description convient?
19 M. Kucan (interprétation): Je ne sais pas de quoi dispose l'accusation,
20 mais il s'agit de documents authentiques qui font allusion aux travaux
21 menés par les instances judiciaires en Slovénie.
22 M. Milosevic (interprétation): Bien. Monsieur le Témoin, pouvez-vous me
23 dire simplement si ces personnes ont été exécutées ou non?
24 M. le Président (interprétation): Mais j'aimerais peut-être d'abord
25 trancher au sujet du fait de savoir si ce document est versé au dossier ou
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1 non.
2 M. Nice (interprétation): J'aimerais simplement rajouter un élément
3 d'information avant que vous ne preniez de décision. Il s'agit ici du
4 critère de pertinence que nous devons examiner, compte tenu des événements
5 qui se sont déroulés en Slovénie. Pour la Croatie, la Bosnie et le Kosovo,
6 c'est vrai qu'il y a eu un conflit; par conséquent, ce que la partie
7 adverse a fait et mis en exergue comme étant pertinent par l'accusé. Je ne
8 veux pas dire ici que les documents qui ont été présentés ce matin ne sont
9 pas utiles, mais si nous examinons la totalité du livre blanc et, par
10 conséquent, le rapport dans son intégralité en réponse à ce livre blanc, à
11 ce moment-là on ajoute des sources d'information à cette affaire. Et je
12 pense que nous avons dépassé, à ce moment-là, le cadre de la recevabilité
13 des éléments de preuve. Il s'agit là d'une question sur laquelle seule les
14 Juges peuvent statuer.
15 (Les Juges se concertent sur le siège.)
16 M. le Président (interprétation): Nous allons verser ces documents, mais
17 nous tiendrons compte de l'observation formulée par l'accusation au sujet
18 de la pertinence. Mais, dans l'intervalle, nous allons admettre ces
19 documents et les verser et autoriser l'accusé à poursuivre son contre-
20 interrogatoire de façon plus précise. En temps utile, il nous appartiendra
21 de prononcer une décision au sujet de la pertinence de ces documents.
22 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit de la pièce à
23 conviction de la défense 137.
24 M. le Président (interprétation): Merci.
25 M. Milosevic (interprétation): Je vous ai cité quelques exemples parmi
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1 tous ces documents qui montrent que dans cette soi-disant attaque menée
2 par la JNA contre la Slovénie, les victimes… ou le nombre des victimes
3 était beaucoup plus important parmi les soldats de la JNA. Je pense qu'il
4 s'agit en fait de huit membres de la Défense territoriale de la Slovénie
5 parmi lesquels il y a eu des morts, et il s'agissait simplement d'un moyen
6 d'autodéfense suite à une attaque...
7 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà examiné cette question
8 et le témoin a répondu. Passez à autre chose.
9 M. Milosevic (interprétation): Dans sa déclaration préliminaire, le
10 témoin, au paragraphe 75, fait allusion à Kostic et à Jovic, plus
11 particulièrement à l'île de Brioni, où il dit: "Quelques Slovènes
12 détestent la Yougoslavie à tel point qu'ils souhaitent quitter la
13 Yougoslavie. Si tel est le cas, bien, quittez ce pays, mais ne tuez pas
14 nos fils, parce que nos mères ne doivent pas être confrontées à ces morts
15 et ces personnes ne doivent pas mourir sur le territoire slovène." (Fin de
16 citation.)
17 Il s'agissait là de votre citation. Par conséquent, comment pouvez-vous
18 expliquer la guerre?
19 M. Kucan (interprétation): Monsieur le Président, la Slovénie ne voulait
20 pas de cette guerre; elle n'en avait pas besoin, elle ne l'a pas
21 provoquée. Les fils serbes de mères monténégrines sont décédés, mais il en
22 est de même pour les mères slovènes. Mais nous, en tant que Slovènes, nous
23 n'avons pas déclenché cette guerre.
24 M. Milosevic (interprétation): Bien. Nous allons à présent aborder un
25 autre domaine. J'ai présenté un certain nombre d'allégations, mais est-il
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1 vrai que vous auriez pu quitter la Yougoslavie sans devoir entamer une
2 guerre, et que vous avez déclenché une guerre dans l'objectif de détruire
3 toute la Yougoslavie, qu'en fait, tel était votre rôle?
4 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, le témoin a répondu
5 à plusieurs reprises en disant qu'il n'avait pas déclenché la guerre. Par
6 conséquent, toute question qui reviendrait sur cet aspect n'est pas
7 pertinente. Vous avez entendu la réponse du témoin, passons à autre chose.
8 Revenez peut-être sur d'autres détails qu'il a apportés.
9 M. Milosevic (interprétation): Sa déclaration est assez volumineuse
10 puisqu'elle couvre 27 pages. Plusieurs observations ont été formulées au
11 sujet de cette déclaration et nous avons eu certaines explications très
12 brèves, et j'aimerais poser de nombreuses questions à ce témoin.
13 Monsieur le Témoin, vous parlez du fait suivant. Au paragraphe 6, vous
14 dites que les Serbes ont insisté sur le fait que la Yougoslavie doit son
15 existence à une annexion d'autres royaumes, ce qui est exact. Et vous avez
16 également dit que les Serbes ont précisé que la Slovénie avait fait
17 sécession par rapport à la Yougoslavie et que nous avions insisté sur
18 cette dissociation.
19 Monsieur le Témoin, pouvez-vous convenir qu'il s'agit d'une allégation
20 montée de toutes pièces? Parce que les Serbes considéraient que les
21 Slovènes, de leur propre gré, pouvaient décider de leur propre sort, de
22 leur propre avenir, mais qu'ils ne pouvaient pas imposer leur volonté à
23 d'autres, ceux qui voulaient continuer à vivre en Yougoslavie; n'est-ce
24 pas exact?
25 M. Kucan (interprétation): Monsieur le Président, je ne tiens pas à
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1 rouvrir le débat, s'agissant des différentes opinions qui ont prévalu au
2 sujet du démantèlement de la Yougoslavie et du rôle qu'a joué la
3 Yougoslavie dans la vie de ces différentes nations.
4 Il s'agissait d'une volonté librement exprimée de tout un chacun qui
5 voulait faire partie de la Yougoslavie; je me réfère à l'année 1918. Il
6 est vrai que c'est de notre propre gré que nous sommes partis, mais nous
7 ne voulions pas imposer ceci à quiconque. Nous avons pris les mesures
8 nécessaires, nous ne les avons pas obligés. Nous voulions que tout se
9 fasse de façon pacifique et sur une base consensuelle.
10 Question: Nous allons tirer au clair un certain nombre de points; je pense
11 que vos connaissances sont suffisantes pour vous permettre de le faire.
12 Vous avez dit que les Serbes, en Bosnie-Herzégovine, représentaient un des
13 trois peuples constitutifs; n'est-ce pas exact?
14 Réponse: Oui.
15 M. Milosevic (interprétation): Estimez-vous que le référendum concernant
16 la sécession de la Bosnie-Herzégovine en l'absence d'un des trois peuples
17 constitutifs –en l'occurrence, le peuple serbe- pouvait être considéré
18 comme étant légitime ou non, compte tenu des critères, des principes, des
19 dispositions de la Constitution yougoslave, des normes générales?
20 M. le Président (interprétation): Le témoin n'est pas venu aujourd'hui
21 pour déposer en qualité d'expert en Constitutions, et la question de la
22 sécession de la Bosnie-Herzégovine -comme vous l'avez qualifiée vous-même-
23 n'a pas été soulevée dans sa déposition. Par conséquent, son opinion en la
24 matière ne nous aide guère.
25 M. Milosevic (interprétation): Je ne lui posais pas cette question en
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1 qualité d'expert en Constitutions. Je lui demandais simplement si, à la
2 lumière de la déclaration qu'il a faite, il savait que les Serbes étaient
3 un des trois peuples constitutifs de la Bosnie-Herzégovine et qu'il ne
4 s'agissait pas là d'un fait que l'on pouvait contester?
5 M. le Président (interprétation): Je vous rappelle une chose: il a précisé
6 un certain nombre d'aspects dans sa déclaration, mais il n'est pas venu
7 pour faire une déposition à ce sujet. Par conséquent, comme le temps qui
8 nous est imparti est très court, nous n'allons pas nous appesantir sur
9 cette question.
10 M. Milosevic (interprétation): Bien, Monsieur May. Je ne vais donc pas me
11 référer à tout ce qu'il a dit, mais je vais m'y référer en partie. Je
12 crois que ces déclarations sont un fondement pour ce qui est de poser des
13 questions de façon tout à fait légitime.
14 Monsieur, vous avez dit ici, aujourd'hui, que vous avez eu une réunion au
15 niveau de la Présidence de la RSFY et qu'avec le Président du conseil
16 exécutif fédéral… où vous avez dit, d'après les notes que j'ai prises, que
17 vous aviez demandé de procéder à des modifications, à des amendements
18 constitutionnels. Vous avez indiqué qu'il y avait une Cour
19 constitutionnelle qui sera à même de déterminer si telle ou telle chose
20 sera faite de façon constitutionnelle ou pas. En a-t-il été ainsi ou pas?
21 M. Kucan (interprétation): Oui.
22 Question: Et vous avez précisé qu'il y avait compétence de la Cour
23 constitutionnelle garantissant qu'il n'y aura pas violation de l'ordre
24 constitutionnel établi. Toutefois, étant donné que vous avez parlé de
25 l'attachement qu'avait la Slovénie à l'égard de la légalité et de la
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1 démocratie, je voudrais savoir s'il est exact que, contrairement à tout
2 ceci, la Slovénie, par les décisions unilatérales de ces organes d'Etat, a
3 procédé à la destruction de cet ordre établi par le biais de ses
4 représentants au niveau du Parlement yougoslave en prenant des décisions
5 qui n'étaient pas conformes avec la Constitution de cette République
6 socialiste fédérative de Yougoslavie. Est-ce exact ou pas?
7 Réponse: Cela n'est pas exact, parce qu'avant cet accord constitutionnel,
8 il y a eu quatre amendements. L'un des amendements avait porté sur le
9 droit des communautés religieuses d'ouvrir des écoles.
10 Le deuxième amendement avait trait à l'impossibilité de proclamer un Etat
11 d'urgence sans l'accord des autorités des différentes Républiques.
12 Le troisième amendement portait sur l'aide technologique… ou plutôt la
13 corrélation ou les transferts des infrastructures technologiques et, en
14 dernier lieu, le droit à l'autodétermination… Deux Juges de la Cour
15 constitutionnelle de Yougoslavie parce que chaque République en avait deux
16 au niveau de l'instance fédérale, ils avaient des points de vue distincts
17 à ce sujet.
18 Question: Mais moi, je ne parle pas de positions distinctes à l'occasion
19 des sessions de la Cour constitutionnelle parce qu'un juge peut mettre de
20 côté son vote ou son opinion, mais la Cour constitutionnelle décide de
21 plein droit. Vous avez dit qu'il y avait une Cour constitutionnelle qui
22 évaluerait si cela s'était fait conformément à la Constitution ou pas. En
23 réalité, vous avez procédé à une destruction de l'ordre juridique établi
24 en Yougoslavie.
25 Au sujet de l'assertion faite ici par le témoin, disant qu'il avait avancé
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1 la possibilité de faire en sorte que la Cour constitutionnelle se porte
2 garante, j'ai des décisions authentiques de la Cour constitutionnelle -que
3 je n'ai certes pas le temps de lire ici en public, car j'aurais besoin de
4 plusieurs journées pour le faire. Mais, c'est authentique, il y a une
5 opinion émanant de la Cour constitutionnelle de Yougoslavie qui est
6 contraire… qui a émis des opinions contraires aux Amendements 9 à 90 faits
7 par rapport à la Constitution de Slovénie, par rapport à la Constitution
8 fédérale.
9 Par la suite, on donne des opinions contraires aux amendements apportés à
10 la Constitution sur le plan de la défense nationale. Ce sont là des
11 décisions qui ont été faites par la Cour constitutionnelle, à laquelle le
12 témoin s'est référé.
13 Ensuite, on dit qu'il y a opposition d'un amendement à la Constitution de
14 la République de Slovénie, je me réfère à la page 99, ici.
15 Puis une décision, paragraphe 1, alinéa 2, pour ce qui est de la violation
16 de certaines procédures constitutionnelles qui ont été supprimées par la
17 Cour constitutionnelle fédérale. Et les articles afférents à la
18 souveraineté de la République de Slovénie supprimée par la Cour
19 constitutionnelle fédérale.
20 (Les interprètes demandent à M. Milosevic de ralentir son débit. Il n'est
21 pas possible de travailler à cette vitesse.)
22 Puis partant des articles 4 et 10 afférents au plébiscite, afférents à
23 l'indépendance et l'autonomie de la République de Slovénie supprimées par
24 la Cour constitutionnelle fédérale.
25 Puis la décision pour ce qui est de l'appréciation de la
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1 constitutionnalité de la résolution afférente à la dissociation de la
2 Slovénie par rapport à la République socialiste fédérative de Yougoslavie,
3 également supprimée.
4 Puis, décision sur la constitutionnalité de votre loi afférente à la
5 défense et à la protection civile, qui a été supprimée également.
6 Votre décision ou votre amendement concernant les obligations des
7 conscrits militaires, supprimée également.
8 Puis article 2, paragraphe 2, alinéa 3, articles 7 et 8 de la loi portant
9 modification de la loi relative à la circulation routière, supprimée.
10 Puis, celle qui porte sur la Charte constitutionnelle relative à
11 l'autonomie et à l'indépendance de la République de Slovénie, ce sont là
12 des décisions de la Cour constitutionnelle. Puis, des décisions pour ce
13 qui est de la mise en application de cette Charte constitutionnelle sur
14 l'indépendance et l'autonomie de la République de Slovénie, supprimées.
15 Puis, la décision sur la constitutionnalité ou non constitutionnalité de
16 la décision afférente à l'indépendance.
17 Puis celle qui est afférente au service douanier, à-propos de laquelle
18 vous avez procédé à ce que vous avez relaté au début…
19 M. le Président (interprétation): Je dois vous interrompre parce que vous
20 êtes en train de donner lecture d'une longue liste, alors que le témoin
21 devrait pouvoir bénéficier de l'occasion d'apporter ses commentaires et
22 d'apporter des réponses, si nécessaire; des réponses aux décisions
23 individuelles.
24 Monsieur Kucan, vous avez entendu les décisions ou plutôt la grande
25 quantité de décisions prises par cette Cour constitutionnelle de
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1 Yougoslavie. Au cas vous souhaiteriez vous pencher sur l'une quelconque de
2 ces décisions ou fournir un commentaire individuel ou alors faire un
3 commentaire général au sujet de ce qui a été dit, vous avez l'opportunité
4 de le faire.
5 M. Kucan (interprétation): Je suis certainement au courant de ces
6 décisions. L'accusé affirme que la Cour constitutionnelle de Yougoslavie a
7 supprimé les procédures ou les décisions adoptées. Mais la Cour
8 constitutionnelle n'avait pas cette autorité, n'avait pas cette
9 attribution. Elle avait pour attribution de déterminer si cela avait été
10 conforme ou pas avec la Constitution de la Yougoslavie.
11 Ce que je voudrais souligner, étant donné qu'il s'agit là des questions
12 les plus importantes et étant donné qu'il s'est passé des choses analogues
13 dans les autres instances de la Yougoslavie, eh bien, c'était la méthode
14 utilisée à la Cour constitutionnelle. Tant au niveau des votes… A ce
15 niveau-là, les deux juges provenant de Slovénie avaient des opinions
16 divergentes de celles de la majorité des autres juges.
17 M. le Président (interprétation): Que voulez-vous dire par "la même
18 méthode de vote", Monsieur Kucan? De quelle méthode parlez-vous?
19 M. Kucan (interprétation): Eh bien, le vote qui a été celui que nous avons
20 vu au 14e Congrès. Et il y avait la même méthode à l'assemblée fédérale
21 lorsqu'il s'agissait d'adopter des lois, et s'il y avait par exemple à
22 l'ordre du jour une décision afférente à la dissociation à l'égard de la
23 Yougoslavie.
24 M. le Président (interprétation): Mais si on se penche sur ces décisions,
25 on pourra constater que les juges slovènes étaient mis en minorité?
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1 M. Kucan (interprétation): C'est exact.
2 M. le Président (interprétation): Vous pouvez nous le dire et nous allons
3 procéder aux vérifications, mais est-ce que d'autres juges se seraient
4 prononcés de façon analogue à celle des vôtres?
5 M. Kucan (interprétation): Il faudrait que je me penche sur la question
6 par rapport aux décisions concrètes ou aux arrêts concrets adoptés par la
7 Cour constitutionnelle. Je ne voudrais pas émettre d'hypothèse pour ne pas
8 vous induire dans l'erreur.
9 M. le Président (interprétation): Bien.
10 Monsieur Milosevic?
11 M. Milosevic (interprétation): Je ne sais pas quelle est la finalité.
12 J'aimerais que vous me répondiez. A quoi amène la comparaison entre les
13 votes au congrès du parti -et ce parti vote, par majorité, conformément à
14 son règlement- et la Cour constitutionnelle qui a également un règlement
15 qui a force de loi, qui prend des décisions qu'elle ne peut prendre sans
16 une majorité qualifiée. Chaque tribunal, chaque cour au monde adopte des
17 décisions par majorité de voix.
18 Est-ce que vous êtes en train d'affirmer, pour que je sois tout à fait
19 précis sur mes questions, que les décisions de la Cour constitutionnelle
20 supprimant les documents, les actes et décisions prises par la Slovénie,
21 donc les documents formulant des positions de cette Cour constitutionnelle
22 disant que vos décisions sont non conformes à la Constitution de la
23 Yougoslavie, sont adoptées par violation du règlement de la Cour
24 constitutionnelle et au code de conduite, son règlement de procédure?
25 M. Kucan (interprétation): Messieurs les Juges, vous voyez l'accusé
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1 affirmer qu'il est non pertinent de parler de la méthode de vote. Mais
2 j'estime, pour ma part, qu'il est très important de parler de ce problème
3 de mise en minorité automatique au cours des votes, parce que cela nous
4 illustre bien la façon dont les positions d'une république sont imposées à
5 une autre par ce mécanisme de vote. Et notre République a ainsi été
6 systématiquement mise en minorité et placée dans l'impossibilité de
7 prononcer ses positions et de faire en sorte qu'elles soient adoptées.
8 Le principe était celui "d'un homme une voix" -c'est, certes, un principe
9 démocratique- mais dans un pays pluriethnique, le principe en question
10 devrait être remplacé par celui de "un citoyen, une république, un vote".
11 Il serait donc ainsi impossible de mettre en minorité systématiquement les
12 uns et les autres. En 1989 déjà, à l'occasion de cette réunion dont j'ai
13 parlé, j'ai parlé de la nécessité de mettre en place un tel principe; or
14 on m'a dit que ce type de modification ne saurait être adopté suivant un
15 principe de consensus. Or la logique était, là, différente que celle que
16 nous avions adoptée nous-mêmes, qui était la nôtre.
17 Question: Monsieur Kucan, n'inversez pas les choses. Je vous parle de
18 décisions légales de la Cour constitutionnelle de Yougoslavie, je ne parle
19 pas du principe "un citoyen, un vote". Vous avez dit vous-même que vous
20 aviez demandé à la Présidence de la Yougoslavie et au gouvernement fédéral
21 -lors de la réunion, que vous avez citée ce matin- de procéder à des
22 amendements constitutionnels en disant et en fournissant des garanties que
23 cela ne se ferait pas contrairement à la Constitution fédérale; et vous
24 avez avancé que la Cour constitutionnelle aura le loisir de constater les
25 écarts ou les divergences. Et la Cour constitutionnelle a constaté qu'il y
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1 a eu des éléments anticonstitutionnels et que vous avez sabordé l'ordre
2 constitutionnel de la Yougoslavie, le système légal de la Yougoslavie.
3 Est-ce que vous êtes conscient de ce fait?
4 Réponse: Tout d'abord, la Cour constitutionnelle n'a pas dit que la
5 Slovénie avait détruit ou mis à bas l'ordre constitutionnel de la
6 Yougoslavie. J'ai dit quelle était la signification des décisions
7 constitutionnelles, à savoir qu'il y avait à ce niveau-là le même nombre
8 de juges émanant des différentes Républiques de Yougoslavie. Si je puis
9 apporter une conclusion sur cette base-là, ce que je dirai c'est que les
10 deux juges de la Cour constitutionnelle originaires de la Slovénie
11 devraient être considérés comme incompétents et n'auraient donc aucune
12 autorité pour ce qui était de participer à la prise de cette décision.
13 M. Milosevic (interprétation): Mais ils prenaient part au processus de
14 prise de décision même s'ils étaient en minorité. Parce que vous n'ignorez
15 pas le fait que la Cour constitutionnelle ne siégeait qu'en séance
16 plénière avec la participation de tous ses membres.
17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je crois que nous
18 venons d'épuiser ce sujet. Je vous demanderai de passer à autre chose.
19 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais que ces 27 décisions de la Cour
20 constitutionnelle de Yougoslavie, étant donné que le témoin en a parlé et
21 que je les ai citées moi-même, soient versées au dossier en leur qualité
22 d'éléments de preuve unifiés. Il y a 27 noms. Je dirai même qu'il y a plus
23 de 27 décisions dans la liasse de documents que je vous remets.
24 M. le Président (interprétation): Nous allons d'abord leur attribuer une
25 cote pour identification.
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1 (Intervention de l'huissière.)
2 Eh bien, c'est versé au dossier aux fins d'identification, en attendant
3 leur traduction et en attendant que nous ne voyons de quoi il retourne.
4 Mme Anoya (interprétation): Messieurs les Juges, il s'agira de la pièce à
5 conviction de la défense n°138, marquée pour identification.
6 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai que très peu de temps à ma
7 disposition, je vais donc traverser quelques questions très importantes.
8 Est-il exact de dire que, début octobre 1990, on a entamé des activités
9 pour ce qui est d'un armement intensif et illégal de la Croatie avec la
10 coopération de la Slovénie? Vous souvenez-vous du fait qu'à l'époque, la
11 JNA a découvert neuf canaux d'armement illégal de la Croatie par le biais
12 de la Slovénie; est-ce exact ou pas?
13 M. Kucan (interprétation): Non, d'après ce que j'en sais… Et si la JNA
14 avait découvert quelque canal illégal que ce soit… Mais ce que je sais,
15 c'est que l'armée a désarmé la Défense territoriale slovène au mois de mai
16 de la même année; il en a déjà été question auparavant, et ceci lorsque
17 les autorités démocratiquement élues sont arrivées et sont venues au
18 pouvoir.
19 M. Milosevic (interprétation): Je ne vois pas de relation de cause à effet
20 sur ce point-là. J'ai ici une confirmation disant que la République de
21 Slovénie, ministère de l'Intérieur… confirmant que le transport d'armes et
22 de munitions traversant le territoire de la République de Slovénie est
23 destiné au ministère de la Défense de la République de Croatie. Et on
24 parle de 10.000 mines, 9.754.000 balles et ainsi de suite.
25 Je vais mieux me pencher… ou plutôt, j'ai besoin de lunettes pour lire le
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1 nom: ministre Jarnjak (phon.). Le nom est sous le tampon, ce qui fait
2 qu'il n'est pas très lisible. Ce qui fait que cela a été adressé au
3 ministère de l'Intérieur de la République de Slovénie.
4 Donc est-il exact de dire que vous avez participé à l'armement de la
5 République de Croatie?
6 M. le Président (interprétation): Si vous souhaitez que le témoin vous
7 fasse des commentaires au sujet d'un document, il faudrait qu'il puisse le
8 voir. Montrez-le donc au témoin et nous entendrons son commentaire.
9 (Intervention de l'huissière.)
10 Monsieur Kucan, veuillez vous pencher sur ce document, je vous prie, et
11 nous dire de quel document il s'agit. Vous pourrez éventuellement
12 confirmer ce que l'accusé a dit. Peut-être pourriez-vous aussi nous
13 indiquer une date et nous dire quel est votre commentaire?
14 M. Kucan (interprétation): Le document porte la date du 17 décembre 1992.
15 Et, bien entendu, c'est la première fois que je vois ce document.
16 Cependant, je n'y vois de rien de contestable. Parce que l'accusé, dans sa
17 question préalable, a indiqué qu'il y avait des canaux illégaux pour
18 l'approvisionnement en armes; et moi, je ne suis pas au courant de canaux
19 illégaux. Il y avait un canal légal qui relevait des compétences de
20 l'autorité de la République. Il n'y avait, pour les Républiques, aucune
21 nécessité de se procurer des armes.
22 M. Milosevic (interprétation): Mais n'est-il pas vrai qu'il y avait
23 embargo de la communauté internationale pour ce qui est de toute
24 importation d'armes vers le territoire de l'ex-Yougoslavie?
25 M. Kucan (interprétation): Cela s'est passé avant la reconnaissance
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1 internationale de la Slovénie et de la Croatie, comme nous pouvons en
2 conclure partant de la date qui est indiquée. Par conséquent, l'embargo ne
3 nous concernait pas nous-mêmes. Il s'agit d'une période qui a suivi le
4 retrait de la JNA.
5 Je m'excuse. Cela se passe au moment de la reconnaissance, de la
6 reconnaissance des deux Etats qui, chacun pour soi en leur qualité d'Etats
7 à part, ont pris des mesures pour protéger et sauvegarder leur
8 souveraineté.
9 Question: Mais l'embargo avait-il concerné la Bosnie-Herzégovine?
10 Réponse: L'embargo se rapportait à la vente d'armes et ne portait que sur
11 la vente d'armes.
12 Question: Ce serait une bonne chose pour vous d'entendre ceci, Messieurs.
13 J'ai demandé si l'embargo était en vigueur pour la Bosnie-Herzégovine et
14 vous avez répondu que l'embargo n'était en vigueur que pour la vente
15 d'armes; c'est bien ce que vous avez dit?
16 Réponse: Oui.
17 M. Milosevic (interprétation): Or j'ai ici une confirmation: "Présidence
18 de la Bosnie-Herzégovine", signée par Azim Karamehmedovic, attestation
19 suite à autorisation livrée par le Président de la Présidence de la
20 Bosnie-Herzégovine, Alija Izetbegovic, disant que le dénommé Azim
21 Karamehmedovic, membre de la cellule de crise, etc., etc., pour des
22 équipements valant 1.800.000…
23 M. le Président (interprétation): Ceci a l'air d'être une déclaration. Ce
24 que vous pouvez affirmer à l'intention du témoin, si tant est qu'il est en
25 mesure de répondre et si cela a quoi que ce soit à voir avec lui, c'est
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1 lui dire ce qui y est dit. Mais vous ne pouvez pas présenter ici une
2 déclaration.
3 M. Milosevic (interprétation): Ce n'est pas une déclaration, c'est une
4 attestation. C'est une attestation délivrée sur autorisation du Président
5 de la République, Alija Izetbegovic.
6 Il est dit "qu'il y a 1.850.000 marks d'équipement reçus de la République
7 de Slovénie qui allaient payés dans les meilleurs délais possibles. Et
8 jusqu'à la date de paiement, en guise de garantie, nous confions à la
9 République de Slovénie un hélicoptère nous appartenant sur le territoire
10 de la Slovénie. Au cas où la Bosnie-Herzégovine n'effectuerait pas le
11 paiement en question, l'hélicoptère se trouvant sur le territoire de la
12 République de Slovénie, resterait la propriété de celle-ci, la République
13 de Bosnie-Herzégovine…"
14 M. le Président (interprétation): De quelle date parlez-vous?
15 M. Milosevic (interprétation): Du 9 mai 1992, donc époque où était en
16 vigueur l'embargo et, comme l'a dit le témoin lui-même, qui portait sur la
17 vente des armes. Or ici, il s'agit bel et bien de vente d'armes.
18 M. le Président (interprétation): Montrez donc cela au témoin.
19 M. Milosevic (interprétation): Oui, je vais le lui montrer, Monsieur May,
20 et je demande à ce que ce soit versé au dossier comme élément de preuve.
21 Et avant que de ne le lui montrer, je voudrais lui montrer autre chose
22 encore. Il y a un récapitulatif des besoins à l'intention de la Bosnie-
23 Herzégovine destiné à...
24 M. le Président (interprétation): Une chose à la fois! Une chose à la
25 fois! Nous ne pouvons pas traiter de tant de documents à la fois. Montrez
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1 le document d'abord au témoin qui nous apporte son commentaire, et puis on
2 ira de l'avant.
3 M. Milosevic (interprétation): Je veux bien, mais le temps me manque.
4 Cette façon de faire me convient du reste. Il y a aussi le document de la
5 République de Slovénie, ministère de la Défense… à l'intention du
6 ministère de la Défense de Bosnie-Herzégovine. On énumère là… ou on donne
7 là un récapitulatif d'armement.
8 Tenez, prenez cela.
9 (Intervention de l'huissier.)
10 M. le Président (interprétation): Monsieur Kucan, veuillez vous pencher,
11 je vous prie, sur le document en question et nous confirmer si le document
12 est bel et bien ce que l'accusé affirme? Et si vous avez des commentaires,
13 veuillez nous les faire.
14 M. Kucan (interprétation): Tout d'abord, au sujet de l'embargo, il n'est
15 pas interdit que les Etats s'approvisionnent en armes pour leur défense.
16 Et, pour ce qui est de ce document émanant du ministère de la Défense, il
17 y a un organe responsable en Bosnie-Herzégovine. Il y a des documents
18 afférents dans les archives de la République de Slovénie et le ministère
19 de la Défense, au cas où le Procureur souhaiterait les obtenir, cela peut
20 être fait.
21 M. Milosevic (interprétation): Pouvez-vous et voyez-vous le récapitulatif
22 signé par Alija Izetbegovic pour ce qui est du nombre de millions de
23 balles, du nombre de fusils, etc., rédigé et signé par Alija Izetbegovic,
24 rédigé en manuscrit par Alija Izetbegovic? Et je crois que vous connaissez
25 son écriture aussi bien que moi-même.
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1 M. Kucan (interprétation): Pour ce qui est des soi-disant milliers de
2 fusils, je dirai qu'il s'agit de 1.000 fusils et non pas de milliers de
3 fusils. Comme je l'ai déjà dit, cela a déjà été pris en considération par
4 les instances compétentes de Slovénie, et ces instances sont à même de
5 vous apporter des réponses précises.
6 Le fait est qu'en janvier 1993, il a été adopté une décision conformément
7 à laquelle la Slovénie n'était plus tenue d'apporter de l'aide ou des
8 contributions que ce soit, sous forme d'armes ou sous forme de transports,
9 assurées par le biais des territoires de la Croatie ou la Bosnie-
10 Herzégovine.
11 M. le Président (interprétation): Bien. Nous allons verser au dossier ces
12 documents-là pour identification. Nous allons par la suite décider de leur
13 pertinence. D'abord, le document afférent à la Croatie, et ensuite celui
14 afférent à la Bosnie-Herzégovine.
15 Mme Anoya (interprétation): Messieurs les Juges, l'attestation datée du 17
16 septembre 1992 constituera la pièce à conviction de la défense 139,
17 marquée pour identification. Et l'attestation signée par Alija Izetbegovic
18 sera la pièce à conviction de la défense portant la cote 140, toujours
19 pour identification.
20 M. Milosevic (interprétation): Bien. Vous avez pris part à l'armement de
21 la Bosnie-Herzégovine, la chose n'est pas contestée?
22 M. Kucan (interprétation): Il m'est difficile de tomber d'accord avec des
23 allégations de ce type. Parce que, tout d'abord, il convient de déterminer
24 où étaient acheminées les armes prises par l'armée populaire yougoslave
25 lors de son retrait. Une fois qu'il a été établi qu'elle n'avait plus
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1 besoin de ces armes-là pour le service militaire des effectifs de réserve,
2 ce n'est qu'alors que nous pourrons constater si la Bosnie-Herzégovine
3 était capable d'organiser elle-même sa défense dans ces circonstances-là.
4 Question: Mais, moi, je vous demande seulement si vous contestiez ou pas
5 le fait que vous avez participé à l'armement de la Bosnie-Herzégovine?
6 Réponse: Moi, j'ai répondu en parlant du pourquoi cela était nécessaire.
7 Question: Très bien. Très bien. Est-il exact de dire que le Président de
8 votre Commission pour la détermination s'il y avait participation de la
9 Slovénie à l'armement de la Bosnie-Herzégovine, dont le nom est Rudolf
10 Mofe, a demandé que cette commission soit démantelée? Aviez-vous, oui ou
11 non, une commission chargée de déterminer s'il y a eu participation de la
12 Slovénie à l'armement de la Bosnie-Herzégovine?
13 Réponse: Ce nom ne me dit rien. Est-ce que vous pouvez le répéter, je vous
14 prie?
15 Question: Moi, j'ai ici le nom de "Rudolf Mofe".
16 Réponse: Eh bien, peut-être l'adjoint de l'assemblée slovène qui
17 s'appelait Rudolf Moge. Et lui avait fait partie du comité qui était
18 chargé de déterminer les faits en relation avec la participation de la
19 Slovénie à l'armement de la Défense territoriale. Et ces rapports peuvent
20 être retrouvés dans les archives. Je crois que le processus en question
21 n'est pas achevé en Slovénie en ce moment, à l'heure actuelle.
22 Question: Vous dites qu'il n'est pas achevé, mais passons à autre chose,
23 je vous prie. Vous dites, au point 7 de votre déclaration, que les Serbes
24 considéraient la Yougoslavie comme un Etat qui permettait à tous les
25 Serbes de vivre sous le même toit -ce qui est un fait, tous les Serbes
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1 vivaient en Yougoslavie-, et vous dites que les nations non serbes
2 considéraient que la Yougoslavie défendait des groupes, cela me paraît
3 invraisemblable.
4 Donc je vous demande aujourd'hui si vous saviez ou si vous savez que, par
5 la Constitution, tous les habitants de la Yougoslavie, indépendamment de
6 leur nationalité, avaient une égalité de droits et donc égalité devant les
7 tribunaux et du point de vue de la protection. La Constitution ne
8 défendait donc pas des groupes, mais des citoyens, et sans doute que
9 l'ensemble des citoyens considéraient qu'ils habitaient dans un seul et
10 même Etat, et que cet Etat était sans aucune discrimination, valable pour
11 tous.
12 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cette déclaration est
13 certainement invraisemblable, mais elle ne vient pas de moi, je n'en suis
14 pas l'auteur.
15 Question: J'ai dit qu'elle était invraisemblable, c'est le point 7 de
16 votre déclaration. Mais puisque vous dites aussi qu'elle est
17 invraisemblable, je ne vais pas vous en donner lecture.
18 Réponse: Je le dis, j'ai affirmé qu'elle était invraisemblable, mais j'ai
19 ajouté par ailleurs que ce n'était pas moi qui en étais l'auteur, que je
20 n'avais pas prononcé ces mots.
21 Question: Eh bien, écoutez, je lis -je cite-: "Les nations non serbes
22 considéraient la Yougoslavie comme défendant des groupes, alors que les
23 Serbes considéraient la Yougoslavie comme un Etat qui permettait à tous
24 les Serbes de vivre dans un seul et même Etat". (Fin de citation.)
25 J'ai considéré cette déclaration comme invraisemblable, mais j'ai grand
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1 plaisir à voir que vous êtes d'accord avec moi là-dessus.
2 Passons à autre chose. Vous affirmez que la Yougoslavie n'a pas admis
3 l'existence d'un commandement suprême militaire unique après l'époque de
4 Tito. Est-ce que c'est quelque chose que vous affirmiez ou est-ce que cela
5 aussi c'est une invention créée de toute pièce et totalement
6 invraisemblable?
7 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, s'agissant de la
8 première affirmation, je suis sûr qu'il doit s'agir d'une interprétation
9 ou d'une traduction erronée. La Yougoslavie ne défendait pas des groupes
10 et la Nation slovène d'ailleurs n'est pas un groupe, j'en ai déjà parlé.
11 Mais si nous parlons de la JNA, il est vrai qu'elle ne reconnaissait pas
12 le commandement suprême. Et lors de diverses réunions tenues au mois de
13 mars 1991 quant au fait de savoir ce qu'il y avait de vrai dans diverses
14 choses qui avaient été écrites, il est devenu tout à fait clair que la
15 JNA, en tout cas sa direction, souhaitait se situer au-dessus du
16 commandement suprême, c'est à dire au-dessus de la Présidence de la RSFY.
17 Je tiens à dire, le plus clairement qu'il soit, que dès la tenue du 13e
18 Congrès de la Ligue des communistes en 1986, un débat houleux a commencé
19 lors de ce 13e Congrès sur le fait de savoir que si la Ligue des
20 communistes n'était pas capable de résoudre la situation, eh bien, dans ce
21 cas ce serait la JNA qui prendrait à son compte la recherche d'une
22 solution. Des comptes rendus d'audience existent pour ces réunions des
23 congrès et vous pouvez donc vérifier.
24 Question: Mais, écoutez un instant. Au point 26 de votre déclaration,
25 paragraphe 26, vous dites que la JNA ne reconnaissait pas la présidence.
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1 Et vous utilisez un exemple qui est inexact, vous dites que l'armée ne
2 voulait pas que soit promulgué l'état d'urgence. C'est le contraire qui
3 était vrai: elle a proposé que soit promulgué l'état d'urgence, mais la
4 présidence a rejeté cette proposition. La présidence n'a pas donné son
5 aval à cette proposition, donc même l'exemple que vous citez est inexact.
6 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il faudrait regarder
7 de très près ce qui est dit, ce qui s'est passé à l'époque des faits. Nous
8 avons les ouvrages dont les auteurs sont Borislav Jovic et Veljko
9 Kadijevic qui s'expriment de la façon la plus claire qui soit sur la
10 nature de la direction de la JNA et sur la façon dont elle a réagi au
11 dilemme auquel la Yougoslavie était confrontée.
12 Et, afin de permettre à chacun de mieux comprendre les choses, j'aimerais
13 revenir si vous me permettez sur un détail. L'un des éléments les plus
14 controversés qui a été débattu lors du 14e Congrès de la Ligue des
15 communistes, c'était la proposition que la JNA soit contrôlée par les
16 civils et qu'il soit accepté également que les civils puissent refuser en
17 tant qu'objecteurs de conscience de faire leur service militaire.
18 M. Milosevic (interprétation): Pouvons-nous poursuivre, Monsieur May?
19 M. le Président (interprétation): Oui.
20 M. Milosevic (interprétation): Au début de votre déposition ce matin, M.
21 Nice a produit le procès-verbal d'une des réunions du comité central, au
22 cours de laquelle je me suis exprimé. Il a donc produit le texte de mon
23 allocution; et diverses manipulations ont été proposées au sujet d'un
24 certain nombre de mots qui étaient utilisés. En particulier, les mots:
25 "institutionnel", "non institutionnel", etc.
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1 Vous souvenez-vous que le recours à ces mots "institutionnel", et "non
2 institutionnel" avait un rapport avec les rassemblements populaires qui
3 étaient organisés à l'époque dans lesquels les citoyens faisaient
4 connaître leur mécontentement politique ou leur conviction politique?
5 Et il a été écrit à ce sujet que pas un pétale de fleur n'avait été
6 piétiné, pas une vitre n'avait été brisée; bien au contraire, les gens
7 défilaient en chantant et des fleurs à la main. Or, au sein de la
8 direction yougoslave de l'époque, il était dit que ces rassemblements
9 publics n'étaient pas des réunions institutionnelles; et il était ajouté
10 que les problèmes ne pouvaient pas être résolus de façon… en dehors des
11 institutions.
12 Alors, je vous rappelle que ces termes de "institutionnel" et de… "en
13 dehors des institutions" portaient sur les rassemblements de masse. Et je
14 ne vois pas comment on pourrait faire l'égalité entre "en dehors des
15 institutions" et "anticonstitutionnel". Alors, pourquoi, à votre avis, ces
16 rassemblements publics auraient-ils été anticonstitutionnels ou illégaux,
17 puisque la liberté de rassemblement était garantie par la Constitution?
18 M. Kucan (interprétation): Eh bien, il s'agit ici… Nous sommes en présence
19 d'une interprétation inexacte.
20 Lors de la réunion dont il est question, nous avons discuté des
21 modifications qu'il convenait d'introduire et il a été dit que ces
22 modifications ne seraient pas introduites par le biais des institutions,
23 mais en dehors des institutions; qu'elles ne correspondaient donc pas aux
24 procédures établies, qu'elles seraient adoptées en vertu de la volonté
25 populaire, de la volonté de la Nation, qu'il s'agisse de la nation en tant
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1 que telle ou du peuple dans la rue.
2 Nous avons affirmé que la rue pouvait exprimer son mécontentement, mais
3 que la rue ne devait pas être autorisée à mettre en place un programme
4 politique en bonne et due forme ou à promulguer des modifications
5 politiques.
6 Ces rassemblements populaires n'étaient pas aussi innocents qu'il y
7 paraît. Par exemple, la direction de la Vojvodine a rejeté les décisions
8 prises par le gouvernement de Belgrade et, suite à deux rassemblements
9 populaires, cette direction de Vojvodine a été remplacée; et plus tard, la
10 même chose s'est passée au Monténégro.
11 Donc nous ne parlons pas ici de rassemblements populaires au cours
12 desquels la population exprime son mécontentement populaire, mais…
13 D'ailleurs, les rassemblements publics ont été interdits à partir du 1er
14 décembre 1989 à Ljubljana.
15 Question: Ah, vous dites que cela s'est achevé sur l'interdiction d'un
16 rassemblement public prévu à Ljubljana? Qui a prévu cette interdiction?
17 Réponse: Ce n'est pas le fait des Slovènes.
18 Question: Nous allons y venir à cela aussi.
19 Dans cette allocution proposée par M. Nice, je lis ce qui suit: "Cette
20 destruction du système a atteint son point culminant au Kosovo, dans le
21 cadre des violences physiques, politiques et culturelles qui se sont
22 exercées contre les Serbes et les Monténégrins." (Fin de citation.)
23 Est-ce que vous pensez qu'il y a eu de nombreuses violences contre les
24 Serbes et les Monténégrins au Kosovo, ou est-ce vous le contestez?
25 Réponse: Je ne conteste pas le fait que des violences se soient
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1 manifestées au Kosovo; des violences mutuelles, d'ailleurs. Mais j'ai déjà
2 dit devant ce Tribunal quelle était ma position à cet égard. J'ai dit que
3 la question nationale serbe était une question très complexe et que cette
4 complexité ressortait également de la tension qui existait dans les
5 relations interethniques au Kosovo.
6 En 1985, je dirigeais un groupe de travail chargé de travailler sur les
7 relations constitutionnelles entre la République socialiste de Serbie, les
8 deux provinces autonomes et les autres Républiques au sein du système
9 fédéral. L'objectif assigné à notre groupe était de proposer des
10 modifications susceptibles de rendre la situation plus facile en
11 République de Serbie ainsi qu'au niveau fédéral.
12 Question: Fort bien. Mais ici, tout cela est sorti du contexte. Et je lis:
13 "Ces menaces ont atteint un point culminant dans la violence". Et puis,
14 nous lisons ensuite, à la phrase suivante: "Dans une situation marquée par
15 de tels problèmes, il est impossible de faire ce qu'il faut par le seul
16 biais des institutions, et qu'en conséquence, des rassemblements de masse
17 sont organisés à grande échelle par les citoyens pour protester." (Fin de
18 citation.)
19 Par conséquent, ce que je dis, c'est que les institutions n'ont pas réagi.
20 Les habitants ont protesté lors de rassemblements de masse pour faire
21 pression sur ces institutions. Et plus loin, je dis que cela se passe
22 toujours ainsi au sein de quelque société humaine que ce soit.
23 Mais ce qui est vrai, c'est qu'avec l'évolution de la société, avec une
24 meilleure organisation et une plus grande démocratisation de la société,
25 la capacité de l'être humain de mettre en œuvre des modifications par le
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1 biais des institutions devient de plus en plus grande, et c'est dans ce
2 sens que la Yougoslavie se dirigeait. Et je défends le droit des citoyens
3 de défendre leur position, y compris dans des rassemblements publics qui,
4 comme vous l'admettrez vous-même, je l'espère, n'étaient pas des
5 rassemblements publics marqués par la violence.
6 Est-ce bien ainsi ou pas, Monsieur Kucan?
7 Réponse: Je ne sais pas quelle est la question exacte que vous me posez,
8 après les explications très nombreuses que vous venez de donner.
9 M. Milosevic (interprétation): Je vous demande si, d'une quelconque façon,
10 ces rassemblements publics étaient marqués par la violence?
11 M. Kucan (interprétation): Je pense que ceux qui se sont vus contraints de
12 démissionner seraient mieux à même de répondre à cette question;
13 contraints de démissionner alors qu'ils avaient été élus à leur poste en
14 bonne et due forme. Suite à ces rassemblements publics, ils ont dû
15 démissionner.
16 Je me souviens qu'à partir de 1981, l'état d'urgence a été promulgué au
17 Kosovo à trois reprises. Mais permettez-moi de dire que l'état d'urgence
18 et la violence ne sont pas capables de mettre un terme à la violence; ils
19 ne font qu'ajouter à la violence. Et chaque fois, il faut trouver de
20 nouvelles solutions politiques passant par le renforcement des
21 institutions, solution préférable à celle qui consiste à rendre la vie et
22 le travail de ces institutions plus difficile et plus complexe.
23 M. le Président (interprétation): Il vous reste 5 minutes, Monsieur
24 Milosevic; 5 minutes!
25 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, il m'est impossible de
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1 parvenir à achever mon contre-interrogatoire en 5 minutes. Monsieur Nice a
2 consacré au moins 10 minutes aux citations qu'il a faites de mon
3 allocution. Et moi, j'ai encore des questions à poser au témoin au sujet
4 du Kosovo, ce sont des questions tout à fait capitales.
5 M. le Président (interprétation): Eh bien, passez à ces questions! On vous
6 a dit de quel temps vous disposiez -ne m'interrompez pas- et dans 5
7 minutes, ce temps sera arrivé à son terme. Donc avancez.
8 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est pour cela que je vous demande
9 davantage de temps, précisément parce que le temps qui m'est imparti
10 s'achève dans 5 minutes.
11 M. Kay (interprétation): Puis-je me permettre de prendre la parole,
12 Monsieur le Président?
13 M. le Président (interprétation): Oui.
14 M. Kay (interprétation): Je propose que l'on rappelle ce témoin à la barre
15 pour la suite de sa déposition. Il est courant d'entendre dire que les
16 personnalités importantes sont terriblement occupées, or l'expérience
17 montre que ce sont précisément ces personnalités importantes qui ont plus
18 de latitude pour se créer des possibilités de disponibilité et qu'il est
19 plus difficile pour les personnes qui ont un rang moins important de se
20 libérer afin de venir devant des institutions comme celles-ci.
21 (Les Juges se concertent sur le siège.)
22 M. le Président (interprétation): Vous disposerez d'un quart d'heure
23 supplémentaire, Monsieur Milosevic.
24 Maître Kay, nous avons entendu ce que vous venez de dire, et l'accusation
25 l'a entendu également.
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1 M. Milosevic (interprétation): Je disais donc que, grâce à une sortie du
2 contexte sélectif d'un certain nombre de phrases de l'ensemble de mon
3 allocution par M. Nice, et puis nous voyons que le témoin parle également
4 du fait que la Serbie aurait été favorable à une espèce de centralisation,
5 alors que la Slovénie aurait été plus encline à une décentralisation, donc
6 à une attitude plus libérale.
7 Je remercie d'abord d'ailleurs la partie d'en face de m'avoir mis à
8 disposition cette allocution prononcée par moi, car j'ai souvent les plus
9 grandes difficultés à mettre la main sur un certain nombre de documents.
10 Mais je dis dans cette allocution qu'un fait important, et à ne pas
11 négliger, est l'existence d'une fédération en Yougoslavie.
12 La Yougoslavie est donc un ensemble fédéré dans lequel toutes les nations
13 et nationalités coexistent. Ce qui signifie que chacun est égal à autrui
14 et que sur le plan économique, politique, culturel il n'y a pas
15 d'inégalités dans le pays.
16 Cette affirmation incontestée doit pour toutes sortes de raisons doit être
17 affirmée de la façon la plus claire qui soit, et elle va de paire avec le
18 fait de dire qu'un ensemble de votes est susceptible d'apporter une
19 solution à une situation particulière, problématique, alors que l'absence
20 d'égalité ne peut que nuire à la fédération; c'est ce que je disais dans
21 mon allocution. Je m'exprimais donc en faveur de l'égalité des nations et
22 des Républiques et telle était bien ma position.
23 M. le Président (interprétation): Ne perdons pas de temps en voyant le
24 détail de votre allocution, puisque nous avons sous les yeux le passage
25 sur la Yougoslavie communauté fédérale auquel vous faites référence. Si
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1 vous souhaitez poser une question, faites-le rapidement à l'adresse du
2 témoin.
3 M. Milosevic (interprétation): J'ai des questions à poser mais je dois le
4 faire rapidement, ça c'est tout à fait clair, me semble-t-il.
5 Monsieur le Témoin, vous ai-je entendu correctement… n'est-ce pas encore
6 une erreur de frappe, lorsque vous dites que vous saviez qu'au Kosovo la
7 fameuse grève de la faim de la part des mineurs qui était en cours n'a pas
8 eu lieu parce que ces mineurs ont reçu des vivres? Est-ce que c'est bien
9 de cette façon que les choses se sont passées?
10 M. Kucan (interprétation): Non, je n'étais pas au courant de cela.
11 D'ailleurs je pense que ce n'est pas pertinent; il est non pertinent de
12 savoir s'ils ont reçu des vivres ou pas. Mais la réalité c'est qu'ils
13 étaient en grève et qu'ils avaient plus ou moins connaissance des
14 modifications prévues s'agissant du statut de la province du Kosovo.
15 Question: Vous parlez, je suppose, d'une affirmation qui est la vôtre
16 selon laquelle la Vojvodine et le Kosovo auraient été privés de leur
17 autonomie, c'est bien cela ce que vous voulez dire?
18 Réponse: Je pense que j'ai été tout à fait précis. J'ai parlé d'une
19 autonomie qui a été supprimée officiellement.
20 Selon mon interprétation de la chose, la politique de la Serbie et de la
21 direction serbe à l'époque avait pour but principal de protéger les trois
22 voix dont disposait la Serbie à l'époque, c'est-à-dire la sienne, plus
23 celles des deux provinces autonomes. Par conséquent, les amendements
24 adoptés à la Constitution serbe ont considérablement réduit l'autonomie de
25 ces deux provinces.
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1 Question: Mais savez-vous qu'il est écrit dans la Constitution qu'il
2 existe deux provinces autonomes, le Kosovo-Metohija et la Vojvodine, et
3 que ces provinces bénéficient d'une réelle autonomie, que c'est écrit dans
4 la Constitution de la République de Serbie? Le savez-vous cela?
5 Réponse: C'était écrit également dans la Constitution yougoslave.
6 Question: Mais c'est écrit également noir sur blanc dans la Constitution
7 de la République de Serbie, donc même la Constitution de la République de
8 Serbie n'a pas servi à supprimer l'autonomie du Kosovo et de la Metohija?
9 Deuxième question, est-il exact que lorsque vous avez parlé de
10 remplacement à leur poste des membres de la direction de la RSFY, vous
11 avez commis encore une erreur? Parce que vous savez que Zelenovic qui
12 était membre de la présidence et qui a été élu Premier ministre de Serbie
13 avait été auparavant membre de la présidence yougoslave, représentant de
14 la province de Vojvodine, et lorsqu'il a été élu à ses nouvelles
15 fonctions, les assemblées de Serbie et de Vojvodine ont élu un nouveau
16 membre de la présidence. Donc ce n'est pas la Serbie qui l'a remplacé à
17 son poste, mais c'est le contraire. Il était Premier ministre nommé à son
18 poste, et il a laissé un siège vide à la Présidence de la Vojvodine parce
19 qu'il n'y avait pas possibilité de cumul des mandats. Donc l'Assemblée de
20 Vojvodine a élu un nouveau membre pour la représenter à la Présidence de
21 l'Etat yougoslave.
22 Est-ce que c'est ainsi que les choses se sont passées, Monsieur Kucan, ou
23 est-ce que vous dites que ce n'est pas ainsi qu'elles se sont passées?
24 Réponse: Officiellement, oui. Mais dans les faits, les événements
25 évoluaient sous la pression de ces rassemblements publics dont nous avons
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1 déjà parlé.
2 Question: Monsieur Kucan, vous ne dites pas sérieusement que quelqu'un
3 aurait pu être élu ou nommé Premier ministre de la Serbie simplement
4 officiellement ou théoriquement, donc élu à l'assemblée afin d'être
5 remplacé dans les faits en tant que membre de la Présidence yougoslave. Je
6 suis sûr que vous ne pourriez pas être l'auteur d'une affirmation aussi
7 insensée?
8 Réponse: Je ne dis pas que c'est un non-sens ou que cela s'est passé dans
9 le cadre d'une situation insensée. Ce que je dis, c'est que ces
10 remplacements ont eu lieu, qu'ils ont eu lieu dans la réalité, et que si
11 cela est pertinent nous devrions réexaminer de près les documents de
12 l'époque qui existent qui sont dans les dossiers. Mais je ne suis pas
13 historien et je n'ai pas suivi en tant qu'historien le déroulement de tous
14 ces événements, donc je ne peux pas parler ici devant ce Tribunal en
15 qualité d'historien.
16 M. Milosevic (interprétation): Non. Ce Tribunal, s'il a un rôle à jouer,
17 consiste uniquement à déformer la relation du déroulement de l'histoire,
18 refaire l'histoire autrement dit. Vous niez ce que j'ai dit il y a un
19 instant, donc je vais vous donner lecture du paragraphe 57 de votre
20 déclaration.
21 Je cite: "En rapport avec le paragraphe qui porte sur la façon dont
22 Milosevic a utilisé l'armée (à partir du transcript des commentaires Kucan
23 au sujet de la mort de la Yougoslavie) en rapport avec les événements
24 survenus dans les mines et la manifestation sur la Vieille Place, ceci
25 s'est produit dans le cadre d'une réunion régulière de la présidence (il
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1 faudrait qu'existe un procès-verbal à ce sujet), nus n'avons pas reçu ces
2 renseignements. Le rassemblement public a été organisé par l'opposition et
3 par des partis politiques slovènes."
4 J'aurais dû prendre la parole à ce sujet; on partait du principe qu'une
5 grève serait organisée comme un spectacle en fait, et que les mineurs ne
6 participaient pas réellement à une grève de la fin, qu'ils recevaient des
7 vivres dans la mine et on ne savait pas combien la réunion allait durer,
8 etc., etc., etc. Qu'est-ce que tout cela signifie? J'ai plusieurs
9 questions à vous poser et une première en particulier.
10 Est-ce que cela s'est passé pendant la période où j'étais président du
11 parti et non Président de la Serbie? Est-ce que cette grève et la réunion
12 de la Vieille Place sont en rapport avec la réunion de la présidence? Quel
13 a été le recours à l'armée dont vous parlez? Est-ce que l'armée aurait pu
14 être utilisée par une partie ou par l'autre au sein d'une même République?
15 Parce que Janez Drnovsek était président à l'époque…
16 (Interruption du Président.)
17 M. le Président (interprétation): Nous ne pouvons pas accepter une
18 question de ce genre. J'essaye de comprendre simplement ce que vous dites.
19 M. Milosevic (interprétation): J'interroge le témoin au sujet du
20 paragraphe 57 de sa déclaration. Comment est-ce que j'aurais pu
21 utiliser...
22 M. le Président (interprétation): Posez une question précise! Le témoin
23 pourra dans ces conditions y répondre.
24 M. Milosevic (interprétation): Comment est-ce que j'aurais pu me servir de
25 l'armée?
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1 M. Kucan (interprétation): Est-ce que c'est cela la question? L'armée
2 pouvait être utilisée en fonction des décisions de la présidence, et c'est
3 de cette façon que j'ai assisté là-dessus également lorsque l'armée a été
4 utilisée en Slovénie. La présidence n'a pas émis d'ordre, mais c'est elle
5 qui décidait de faire intervenir ou pas l'armée au Kosovo.
6 Question: Donc la présidence de la Yougoslavie a fait cela, n'est-ce pas;
7 d'après vous, a pris la décision de faire intervenir l'armée au Kosovo? La
8 présidence de l'Etat yougoslave a pris des décisions de ce genre d'après
9 vous, c'est bien cela?
10 Réponse: Oui, la présidence yougoslave a toujours pris des décisions sur
11 la base d'une proposition, mais je ne sais pas qui était l'auteur de ces
12 propositions qui était donc le fondement des décisions prises par la
13 suite.
14 Question: Je ne sais pas non plus si vous dites la vérité. Mais la
15 présidence yougoslave prenait des décisions, donc je suppose qu'il est de
16 notoriété publique et que vous le savez également qu'aucune des
17 Républiques ne pouvait exercer une influence indépendante sur l'armée et
18 que nous ne pouvions pas agir au niveau supérieur de l'armée. Nous
19 n'étions pas en mesure de donner des ordres de ce genre, n'est-il pas
20 vrai?
21 Réponse: Je n'ai jamais rien dit d'autre. Je ne sais pas d'où vient l'idée
22 que j'aurais affirmé que vous pouviez donner des ordres à l'armée.
23 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, c'est précisément la raison pour
24 laquelle je vous interroge, Monsieur Kucan. Parce que c'est une des bases
25 de manipulation de la partie d'en face sur le procès qui se déroule ici.
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1 Et dans le sommaire de votre déposition, donc un certain nombre de notes
2 jetées sur le papier, on voit que dans un paragraphe il est dit que
3 Milosevic s'est servi de l'armée par rapport aux événements qui se sont
4 déroulés à Stari Trg, la Vieille Place, etc., etc.
5 Moi, je ne pouvais pas croire que vous auriez pu dire une chose pareille.
6 Je voulais me débarrasser de cette manœuvre manipulatrice et je suis
7 heureux de voir que vous confirmez mes dires à ce sujet.
8 Maintenant, j'aimerais vous interroger au sujet du Kosovo. Encore quelques
9 petites questions. Est-il vrai que vous avez appuyé les séparatistes, donc
10 les séparatistes terroristes du Kosovo qui s'armaient activement par le
11 biais de la Slovénie ainsi que dans les centres de la Défense territoriale
12 de Slovénie et qui s'entraînaient...
13 (Interruption du Président.)
14 M. le Président (interprétation): Un instant. Laissez-moi un instant, je
15 vous prie. Nous venons d'être informés que nous pouvions encore utiliser
16 ce prétoire pendant une demi-heure supplémentaire, ce qui permettra de
17 poser toutes les questions. Je propose une pause de quelques minutes, dix
18 minutes disons. Après quoi, nous verrons combien de temps sera imparti à
19 chacune des parties.
20 Monsieur Kucan, il vient d'être dit que vous étiez favorable à deux choses
21 au Kosovo: que vous avez appuyé d'abord les séparatistes, après quoi il a
22 été dit que vous appuyez également les terroristes, et puis ensuite, une
23 troisième chose est dite, à savoir que les séparatistes du Kosovo étaient
24 armés par le biais de la Slovénie et entraînés par la Défense
25 territoriale?
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1 M. Kucan (interprétation): Je tiens avec la plus grande énergie à réfuter
2 toutes ces allégations. J'affirme qu'aucun représentant de la direction
3 slovène n'a appuyé le séparatisme et personne n'a été entraîné sur notre
4 territoire. Nous avons toujours insisté pour qu'une solution politique
5 soit apportée au problème du Kosovo. Et lorsque la violence s'est
6 déchaînée et généralisée au Kosovo, lorsque nous avons assisté à l'exode
7 massif des Albanais, lorsque la violence a existé de toute part, eh bien,
8 je tiens à dire que l'on ne peut pas supprimer la violence par la
9 violence. Et je ne pourrais admettre que des accusations de ce genre
10 soient portées à mon encontre ou à l'encontre d'un quelconque membre de la
11 direction slovène.
12 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons maintenant
13 suspendre 10 minutes dans l'intérêt des interprètes. Après quoi, nous
14 reviendrons dans le prétoire et déterminerons le temps imparti à chacune
15 des parties.
16 Y aura-t-il des questions supplémentaires de la part de l'accusation?
17 M. Nice (interprétation): Quelques questions je pense, mais assez brèves.
18 (L'audience suspendue à 14 heures 12, est reprise à 14 heures 25.)
19 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, si vous le
20 souhaitez, vous pouvez avoir encore dix minutes pour poser des questions
21 au témoin.
22 Après cela, Monsieur Tapuskovic, vous avez 20 minutes par la suite.
23 Et, Monsieur Nice, cinq minutes encore.
24 M. Milosevic (interprétation): (Hors micro.)
25 …séparatisme au Kosovo. J'ai ici un livre de Agim Zogaj "Dialogues avec
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1 Agim Maljoku", où il parle d'abord d'une réunion à Cankarjevo, maison à
2 Cankar, qui leur apporte un soutien, puis coopération étroite avec Janez
3 Jansa. Il est question de renseignements portant sur l'entraînement de
4 leurs membres qui ont, par la suite, pris part aux rangs de l'UCK, ont
5 fait partie des rangs de l'UCK.
6 Et je vous donnerai lecture de la page 43 où il est dit… -étant donné que,
7 au sujet du rassemblement populaire que vous avez interdit et que les
8 Serbes étaient déjà venus du Kosovo en s'attendant à ce que le peuple
9 slovène se solidarise avec les souffrances que connaissaient ce peuple
10 serbe là-bas- il est dit: "Moi et Fadil Demiri, on avait regardé les
11 informations télévisées où cela avait commencé. Je cite en disant:
12 '500.000 Serbes armés arrivent à Ljubljana'." (Fin de citation.)
13 Donc pour ce qui est de cette initiative des Serbes du Kosovo qui étaient
14 victimes du terrorisme albanais, qui voulaient venir pour dire aux
15 citoyens slovènes -comme ils l'ont déjà dit- ailleurs et nulle part
16 ailleurs, il n'y a eu violence. Or vous, vous avez interdit à ces gens-là
17 de venir dire la vérité sur les souffrances. Et dans votre journal
18 télévisé, vous avez publié un renseignement disant que 500.000 Serbes
19 armés venaient à Ljubljana.
20 Est-ce que, en ces années-là, années où il y a eu ces rassemblements
21 populaires, il y a eu des armes? Y a-t-il eu des coups de feu de tirés ou
22 alors, s'agissait-il de discours et de témoignages afférents à la
23 situation pénible dans laquelle se trouvaient les Serbes et les
24 Monténégrins à l'époque, là-bas?
25 M. Kucan (interprétation): Il y a plusieurs questions de soulevées par
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1 l'accusé et il y a des appréciations qu'il a apportées. Tout d'abord, je
2 précise que je ne sais pas quel est le livre et quel est l'auteur qu'il a
3 cités.
4 Je réfute à présent -et je le ferai à l'avenir également- pour ce qui est
5 d'un soutien quelconque que nous aurions apporté au séparatisme albanais
6 au Kosovo. L'accusé sait parfaitement bien quelle est ma position, à
7 savoir celle de dire que le Kosovo est une partie intégrante du territoire
8 de la Serbie et qu'en tant que telle, c'était une partie intégrante de la
9 RSFY. Aussi le rassemblement populaire à Ljubljana a-t-il été un
10 rassemblement populaire en guise de soutien apporté aux mineurs de Stari
11 Trg à Kosovo, mais il n'a jamais été question d'apporter notre soutien au
12 séparatisme, à la sécession.
13 Nous avons été favorables à une solution politique du problème parce
14 qu'aucune autre solution, à notre avis, ne pouvaient s'avérer possible.
15 Pourquoi, alors, avons-nous interdit ce rassemblement dit "rassemblement
16 pour la vérité"? Les instances de l'intérieur ont estimé qu'il pouvait y
17 avoir des conflits et des troubles. Or les Slovènes ne voulaient pas que
18 ces rassemblements présentent une vérité sur le Kosovo; ils croyaient
19 qu'il y avait d'autre façon de ce faire. Nous n'avions aucune espèce de
20 propagande qui parlerait, de façon unilatérale, de la situation au Kosovo.
21 Nous étions pleinement conscients du fait que la solution, quelle qu'elle
22 soit, était forcément complexe et qu'aucune solution ne saurait être
23 imposée ni aux Serbes ni aux Monténégrins ni aux Albanais, et qu'il
24 fallait forcément trouver une solution de vie commune.
25 Nous n'avons jamais considéré qu'il serait irrationnel que de maintenir le
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1 Kosovo en Yougoslavie; or les Serbes ont affirmé que cela avait été notre
2 position. Et je crois que Borislav Jovic a écrit quelque chose dans ce
3 genre dans son livre; je ne sais pas si cela est authentique et vrai ou
4 pas.
5 M. Milosevic (interprétation): Mais je ne sais pas si vous vous souvenez
6 des manifestations qui ont eu lieu dès 1980 et qui ont été organisées par
7 les séparatistes. Vous savez que le slogan principal avancé était celui de
8 "Kosovo, République", donc l'indépendance du Kosovo et le ralliement à
9 l'Albanie. Il n'y avait pas de Milosevic sur la scène politique à
10 l'époque, il n'y avait rien de tout ce qui est présenté de façon tout à
11 fait erronée.
12 Et vous souvenez-vous du fait que le soutien apporté à ce type de
13 politique était placé au service de la stabilité de la Yougoslavie et de
14 la Serbie ou alors, au contraire, au service de la déstabilisation de
15 celle-ci?
16 M. le Président (interprétation): Mais où voyez-vous la pertinence de
17 cette question?
18 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, la pertinence, c'est parce que le
19 témoin a parlé du soutien apporté aux mineurs qui avaient fait soi-disant
20 la grève de la faim, qui n'a été qu'une grève mise en scène. Or leur
21 intention, c'était la réalisation des objectifs qui ont été proclamés ou
22 mis en avant dès 1980, à savoir de faire du Kosovo une république. En a-t-
23 il été ainsi, Monsieur Kucan, ou pas?
24 M. le Président (interprétation): Il a dit qu'il n'y a pas eu de soutien
25 apporté au séparatisme du Kosovo. Ils n'ont pas apporté de soutien; les
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1 Slovènes n'ont pas soutenu cela.
2 M. Milosevic (interprétation): Je pense que personnellement, il n'y avait
3 pas à apporter son soutien à cela. Mais je crois que Janez Jansa et toute
4 la "camaderia" autour de lui avait soutenu tout cela; et cela figure dans
5 le livre que…
6 M. le Président (interprétation): Non, non, non. Vous savez fort bien que
7 nous ne versons pas au dossier comme éléments de preuve les livres, à
8 moins qu'il n'y ait là un extrait qui serait susceptible d'être confirmé
9 par le témoin. En ce sens, nous avons procédé à une exception ce matin.
10 Mais vous êtes en train d'affirmer que Janez Jansa et sa "camaderia"
11 avaient apporté leur soutien à cela.
12 Monsieur Kucan, pouvez-vous nous apporter votre assistance à ce sujet?
13 M. Kucan (interprétation): Janez Jansa était ministre du premier
14 gouvernement élu à la suite des premières élections libres et
15 démocratiques. J'ai collaboré avec lui pendant toute la durée de son
16 mandat d'ailleurs. Et jamais au cours d'aucun des contacts officiels que
17 j'ai eus avec lui je n'ai reçu la moindre indication me permettant de
18 penser que quiconque aurait apporté son soutien à un quelconque
19 séparatisme albanais ou à la notion de République albanaise. Je ne vais
20 pas me répéter sur ce point.
21 Nous n'aurions pu agir de la sorte que si nous avions haïs les Serbes,
22 mais j'insiste pour dire que nous n'étions pas en conflit avec la Nation
23 serbe. Nous comprenions très bien quelle était la difficulté il y avait à
24 trouver une solution au problème national serbe, c'était l'un des
25 problèmes les plus ardus des Balkans. Mais nous divergions sur la solution
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1 à apporter au problème. Cela étant, notre divergence ne nous aurait pas
2 poussé à agir contre d'autres nations ou nationalités. C'est la raison
3 pour laquelle les récriminations relatives au soutien slovène à Janez
4 Jansa et au séparatisme albanais est infondée. Vous ne trouverez aucun
5 document gouvernemental ou provenant d'autres instances slovènes où
6 figurerait l'expression d'un tel soutien.
7 M. le Président (interprétation): Votre dernière question, Monsieur
8 Milosevic.
9 M. Milosevic (interprétation): Permettez-moi au moins deux questions,
10 Monsieur May.
11 Monsieur Kucan, vous vous souviendrez peut-être qu'en 1985 à Ljubljana il
12 y a eu un débat entre intellectuels slovènes et serbes au sujet de
13 l'avenir de la Yougoslavie organisé par "Nova Reveja", un magazine où
14 s'exprimait un certain nombre de théoriciens slovènes Hribar, Bahuca
15 (phon.), Civencic Apic, Hermaoun (phon.) etc. Il n'était pas contesté à ce
16 moment-là que le nationalisme slovène, l'anti-yougoslavisme slovène
17 s'exprimait et ce précisément à un moment où Milosevic n'était pas sur la
18 scène politique, à un moment où l'Académie des arts et des sciences serbes
19 était empêchée de s'exprimer. Est-ce que ceci est exact ou pas? Vous savez
20 très bien ce que j'ai à l'esprit lorsque je parle de 1985.
21 M. Kucan (interprétation): Cette réunion a effectivement eu lieu, une
22 réunion entre quelques intellectuels serbes et slovènes. Ceci est un fait
23 qui est de notoriété publique dans le monde entier. Mais je ne sais pas du
24 tout si, à cette époque-là, le nationalisme slovène s'est exprimé, a fait
25 surface ou pas.
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1 M. le Président (interprétation): Encore une question, Monsieur Milosevic,
2 et ce sera tout.
3 M. Milosevic (interprétation): Bien. Ma dernière question: au paragraphe
4 11 de votre déclaration, vous dites qu'il y avait de grandes différences
5 au sein du Royaume de Yougoslavie entre différents niveaux de vie… enfin,
6 la traduction n'est pas idéale, mais elle me suffit pour comprendre.
7 Ce qui m'intéresse, c'est la deuxième phase -je cite-: "L'occupation de
8 1941 a raccourci l'agonie, la Slovénie a capitulé essentiellement parce
9 qu'elle ne s'imaginait pas combattre pour protéger une situation qui n'y
10 était pas la sienne". (Fin de citation.)
11 Alors, est-ce que c'est vraiment ce que vous auriez dit? Est-ce que la
12 Slovénie a réellement capitulé, à votre avis, parce qu'elle ne voyait
13 aucune raison de défendre un pays qui n'était pas le sien? Je vous en
14 prie.
15 Et dans ce contexte, dans le cadre de cette question, je vous demande où
16 se trouvait votre famille au cours de la Deuxième Guerre mondiale, et
17 comment il se fait que votre prénom soit Milan?
18 M. le Président (interprétation): Vous n'avez pas besoin de répondre à
19 l'une ou l'autre de ces deux questions. La question relative à ce qui
20 s'est passé en 1941, si vous le souhaitez vous pouvez répondre, Monsieur
21 Kucan, mais les autres, non.
22 M. Kucan (interprétation): Je répondrai à cette question parce qu'il y a
23 de nombreuses spéculations qui circulent dans la presse serbe à ce sujet
24 et, apparemment, la chose est permanente.
25 Ma famille vivait à Prekmurje, c'est une région de Slovénie qui se trouve
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1 tout près de la frontière hongroise, mais cela se trouvait en Slovénie à
2 l'époque, sous occupation hongroise. Ma mère était enseignante. Elle a été
3 arrêtée et emprisonnée pendant plusieurs brèves périodes dans sa vie.
4 Mon père est revenu après la capitulation de l'armée royale yougoslave,
5 après avoir été enrôlé par les Allemands et envoyé sur le front russe. Il
6 a alors décidé, avec d'autres combattants, de rejoindre volontairement les
7 prisonniers de guerre et, lorsque la brigade yougoslave a été créée en
8 Union soviétique, il l'a rejointe; et avec les membres de cette brigade il
9 a été renvoyé en Yougoslavie et tué au cours de la bataille de Cacak, une
10 ville en Serbie. En fait, il y a été blessé et puis emmené à l'hôpital. Et
11 il est mort pour avoir perdu trop de sang, et c'est là-bas qu'il est
12 enterré. En 1954, ses restes ont été ramenés en Slovénie.
13 M. le Président (interprétation): Monsieur Tapuskovic, vous avez la
14 parole.
15 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Milan Kucan.)
16 M. Tapuskovic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
17 Je ne sais tout simplement pas comment je vais pouvoir accomplir la tâche
18 qui m'incombe aujourd'hui.
19 Monsieur Kucan, je vous demanderai, si vous le voulez bien, de nous dire
20 d'abord si Ivan Kristan est bien l'un des juges constitutionnels de la
21 Cour constitutionnelle yougoslave qui rendait des décisions relatives à ce
22 dont il a été question ici?
23 M. Kucan (interprétation): Oui, le Dr Ivan Kristan était l'un des nombreux
24 juges de la Cour constitutionnelle, un Slovène qui travaillait à la Cour
25 constitutionnelle yougoslave.
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1 Question: J'aimerais appeler l'attention des Juges de cette Chambre sur le
2 fait que c'est un témoin expert qui a traité des questions
3 constitutionnelles devant ce Tribunal. C'est un Slovène qui a donc été
4 juge à la Cour constitutionnelle yougoslave, nous devrions ne pas perdre
5 cela de vue. Donc Ivan Kristan est un expert dans la présente affaire,
6 mais avant, il a été juge de la Cour constitutionnelle yougoslave.
7 Monsieur Kucan, est-ce que vous avez entendu parler avant 1991 -avant le
8 mois d'août 1991 pour être précis- d'un quelconque plan criminel mis en
9 place en rapport avec des crimes de guerre, un nettoyage ethnique
10 quelconque ou un génocide quelconque?
11 Réponse: Excusez-moi, mais où est-ce qu'un tel plan aurait dû être établi
12 et où est-ce qu'il aurait dû exister?
13 Question: D'après le Procureur de ce Tribunal, il existerait un plan
14 destiné à permettre la commission d'un nettoyage ethnique et d'un certain
15 nombre de crimes de guerre et de génocides? Est-ce que vous avez jamais
16 entendu parler avant 1991 de la préparation d'un tel plan?
17 Réponse: Non, je ne suis pas au courant de cela.
18 Question: Très bien, merci.
19 Réponse: Je n'ai d'ailleurs jamais rien dit dans ce sens.
20 M. Tapuskovic (interprétation): J'aimerais maintenant que nous parlions de
21 cet ouvrage du général Kadijevic. L'intitulé notamment qui se lit comme
22 suit, c'est le titre d'un chapitre -je cite-: "Evénements les plus
23 importants au cours des derniers stade du démantèlement de la Yougoslavie
24 et des attaques sur la JNA en Slovénie." Cela se trouve en page 99.
25 M. le Président (interprétation): Le témoin n'a pas l'ouvrage sous les
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1 yeux.
2 M. Tapuskovic (interprétation): Les événements les plus importants…
3 M. le Président (interprétation): Le témoin n'a pas l'ouvrage sous les
4 yeux, on lui a simplement soumis un extrait de ce livre.
5 M. Tapuskovic (interprétation): J'aimerais d'abord vous poser une question
6 dans ce cas. Il y a quelques instants, vous avez dit qu'en Slovénie, il
7 n'était pas autorisé au commandement de l'armée de s'exprimer en langue
8 serbe, n'est-ce pas?
9 M. Kucan (interprétation): En effet, oui.
10 Question: Mais dites-moi, est-ce qu'en Yougoslavie, la langue utilisée
11 dans tout le pays n'était pas le serbo-croate? Est-ce qu'on n'a jamais
12 parlé de serbe d'une part, de croate d'autre part depuis la fin de la
13 Deuxième Guerre mondiale dans ce pays, mais on a toujours parlé de serbo-
14 croate? Donc les instructions, les commandements, les ordres étaient émis
15 en langue serbo-croate, n'est-ce pas, au sein de l'armée?
16 Réponse: Vous parlez d'une langue dominante. Moi, je n'ai pas connaissance
17 de l'existence d'une langue dominante. La langue de toutes les nations de
18 Yougoslavie étaient égales dans les régions où ces nations étaient
19 représentées physiquement, y compris d'ailleurs, en tant que groupes
20 ethniques ou minorités ethniques.
21 Nous n'avons jamais dit d'ailleurs que nous étions opposés à la langue
22 utilisée pour l'émission des ordres, même si nous avions quelques réserves
23 à cet effet. Mais ce que j'ai dit, c'est que la langue officielle utilisée
24 au sein de la JNA était la langue pratiquée par toutes les nations, par
25 tous les groupes ethniques et que la langue slovène n'a pas été utilisée
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1 dans les rangs des forces armées à quelque moment que ce soit sur le
2 territoire slovène.
3 Question: Mais il était nécessaire que les ordres émis par la JNA soient
4 émis dans une langue compréhensible par toutes les nations et
5 nationalités. Je crois que les Slovènes comprenaient aussi bien le croate
6 que le serbe, n'est-ce pas?
7 Réponse: Ils comprenaient bien ces deux langues, mais l'inverse n'a jamais
8 été vrai. Les Serbes, les Croates, les Macédoniens n'ont jamais fait
9 l'effort nécessaire pour comprendre la langue slovène. Cela dit, c'est une
10 question qui ne me semble pas particulièrement pertinente.
11 Question: A moi non plus d'ailleurs, j'ai perdu du temps sur ce sujet. Je
12 n'aurais pas dû agir ainsi.
13 Dans cet ouvrage de Kadijevic, si vous vous en souvenez, existe-t-il un
14 titre qui se lit comme suit, ou plutôt existe-t-il un passage qui indique
15 que dans le cadre de l'importance accordée à l'époque aux attaques contre
16 la JNA, tous les problèmes auraient commencé avec l'adoption de la
17 nouvelle Constitution de 1974 et que par la suite la JNA a entrepris des
18 actions contre l'Etat yougoslave. Quel serait votre commentaire si l'on
19 vous disait que cela figure dans cet ouvrage?
20 Réponse: C'est une condamnation politique sévère pour laquelle je ne
21 trouve aucun argument politique susceptible de la justifier.
22 Question: Merci. Est-il vrai qu'en octobre 1984, une réunion des
23 dirigeants de la Slovénie de l'époque a été organisée, qui a rendu une
24 décision visant à déclencher un conflit politique ouvert et une attaque
25 tout à fait claire contre la JNA par le biais de la jeunesse en déclarant
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1 déjà à l'époque que la JNA était une armée d'occupation. Ceci est-il vrai?
2 Réponse: Non, c'est une invention de l'armée que je connais tout à fait
3 bien, je l'ai vue à plusieurs reprises.
4 Il est très intéressant d'ailleurs, Monsieur le Président, Messieurs les
5 Juges, d'examiner de plus près ce genre d'invention qui était répandue
6 lors des réunions du parti.
7 Je tiens à souligner que la Ligue des communistes yougoslaves se composait
8 de représentants des partis existant dans les diverses Républiques et
9 provinces autonomes. Cependant, l'armée avait sa propre organisation. Et
10 les femmes également au sein de la Ligue des communistes yougoslaves…
11 l'armée et les femmes étaient représentées avec les mêmes droits que les
12 représentations de parti et de la population. Voilà quelle était la
13 structure politique et idéologique sur laquelle se fondait la Ligue des
14 communistes de Yougoslavie dans son fonctionnement.
15 Question: Est-il vrai que ces attaques ont été particulièrement sévères
16 entre 1984 et 1988, donc avant la modification de la Constitution, date à
17 l'époque où les soldats de la JNA, qui venaient d'un peu partout en
18 Yougoslavie, étaient quelquefois humiliés, on leur crachait dessus et ils
19 étaient même frappés dans certains cas? Ceci est-il vrai ou pas? Monsieur
20 Kadijevic traite de cela dans son ouvrage?
21 Réponse: Vous utilisez le terme attaque, or ce terme correspond à la
22 terminologie de la JNA et des dirigeants politiques favorables à la JNA.
23 La question qui se posait était la suivante. Est-ce qu'une armée dans ses
24 plans, ses projets, l'expression de ses privilèges, peut élaborer des
25 projets de grandes importances, tel que par exemple, décider de la
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1 fabrication d'un char yougoslave ou d'un supersonique yougoslave?
2 Est-ce que ce genre de question peut être rendu public dans la presse?
3 Parce que le projet de construction d'un char a avorté, le projet de
4 construction d'un supersonique également. Il était tout à fait manifeste
5 que la JNA lançait ses projets pas seulement pour répondre à ses besoins
6 internes, mais également pour exporter.
7 Un article intitulé "Mamula rentre chez lui"; or Mamula était, à l'époque,
8 ministre de la Défense, cet article est paru dans la presse; il parlait de
9 la vente d'armes à l'Ethiopie, un pays très pauvre, à l'époque. Ces
10 articles étaient considérés comme des attaques contre la JNA.
11 Question: Quelle est la pertinence?
12 Réponse: La pertinence vient du fait que vous parlez d'attaques contre la
13 JNA.
14 Question: Le 12 août 1988, est-ce qu'une réunion de la Présidence a eu
15 lieu, Présidence de la RSFY, pour discuter de ce genre de problèmes? Est-
16 ce que les représentants de la Slovénie ont rejeté toutes les propositions
17 susceptibles de permettre que de telles choses ne se reproduisent pas à
18 l'avenir? Est-ce que vous avez connaissance de ce qui s'est passé à cette
19 réunion?
20 Réponse: Excusez-moi, l'orateur parlait si vite que je n'ai saisi ni la
21 date ni la nature de la réunion dont il était question.
22 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les
23 Juges, je pourrais parler plus lentement; mais vraiment, dans les
24 conditions dans lesquelles nous nous trouvons, je me demande si je peux
25 remplir la tâche qui m'a été assignée ou pas. Je travaille dans des
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1 conditions vraiment très difficiles. Il y a de trop nombreuses questions
2 sur lesquelles j'aimerais appeler votre attention.
3 M. le Président (interprétation): Je suis tout à fait sûr de cela. Si vous
4 souhaitez poser vos questions par écrit, vous pourrez le faire et nous les
5 prendrons en compte. Mais, voyez-vous, ce témoin a déjà été contre-
6 interrogé pendant deux heures et demie.
7 M. Tapuskovic (interprétation): J'aimerais faire appel à vous. J'ai déjà
8 discuté de cela avec M. Kay; nous vous soumettrons des écritures. Mais,
9 dans les conditions actuelles, il m'est absolument impossible de terminer
10 mon interrogatoire en 20 minutes. Les questions qui se posent et qui
11 pourraient être d'un grand intérêt pour vous sont trop nombreuses, et
12 c'est seulement maintenant à l'instant que j'arrive au point le plus
13 intéressant.
14 M. le Président (interprétation): Eh bien, présentez votre point
15 principal. Et si vous souhaitez soumettre cette question au témoin,
16 faites-le. Sinon, nous devrons passer aux questions supplémentaires du
17 Procureur.
18 M. Tapuskovic (interprétation): Donc je dois vous soumettre le point le
19 plus important qui porte également sur l'ouvrage dont Kadijevic est
20 l'auteur. Avec le démantèlement de l'URSS, la possibilité d'une
21 intervention militaire à partir de l'Occident est devenue claire, n'est-ce
22 pas? Est-ce que c'est clair, Monsieur Kucan? Est-ce que c'est vrai?
23 M. Kucan (interprétation): Je ne vois vraiment pas de quelle intervention
24 militaire vous parlez. Je ne vois ce que vous avez à l'esprit en me posant
25 cette question.
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1 Question: Je ne parlais pas d'intervention militaire. Je parlais des
2 événements qui prévoyaient le démantèlement de l'Union Soviétique, le
3 démantèlement du mur de Berlin; tous ces événements qui ont eu lieu à
4 l'époque. D'ailleurs, dans vos notes personnelles qui datent des 5 et 6
5 novembre 2002, vous dites que la voie de la Slovénie vers l'indépendance
6 ne pouvait exister en dehors du démantèlement de l'Union Soviétique et de
7 la réunification allemande. Est-ce que ceci est exact?
8 Vous dites même que vous aviez compris la nature des problèmes avant
9 Gorbatchev et que vous avez parlé de cela à Gorbatchev; c'est écrit dans
10 ces notes que vous avez mises sur le papier, à l'époque.
11 Réponse: Mon témoignage est le suivant, et il est le plus authentique qui
12 soit. Je comprends que la crise yougoslave faisait partie d'une crise plus
13 vaste du monde socialiste qui a atteint son point culminant avec la chute
14 du mur de Berlin et la désintégration de l'Union Soviétique. Ceci est un
15 fait avéré, c'est une réalité que l'histoire a confirmée.
16 M. Tapuskovic (interprétation): Mais ce que le général Kadijevic dit dans
17 son livre est-il exact, à savoir que des influences ont été exercées à
18 partir de l'étranger et que, pour justifier l'agression, deux versions ont
19 été utilisées?
20 D'abord, si les défenseurs de l'unité de la Yougoslavie décidaient de
21 recourir les premiers à la force, ils étaient d'une certaine façon
22 justifiés parce que -je cite-: "Des forces unitaires favorables à la
23 Grande Serbie s'efforçaient de détruire démocratiquement les régimes en
24 place un peu partout en Yougoslavie."
25 Et la deuxième version, c'était que si la chose ne se passait pas de cette
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1 façon, alors la Slovénie et la Croatie pourraient être contraintes de
2 recourir à la force afin d'imposer leur volonté par une guerre médiatique
3 et une guerre en bonne et due forme qui pourrait persuader le monde que la
4 Croatie et la Slovénie avaient été victimes d'une agression déclarée.
5 Et ce qui s'est passé dans la réalité, c'est que c'est la deuxième option,
6 la deuxième version qui s'est matérialisée. Ceci est-il vrai ou pas?
7 M. le Président (interprétation): Je ne suis pas sûr que tout cela puisse
8 nous être d'une aide quelconque. Ce sont les avis du général Kadijevic; je
9 ne suis pas sûr que cela puisse nous aider de les voir soumis au témoin.
10 Nous avons entendu ce que le témoin a dit sur ces sujets.
11 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, est-ce qu'il y a eu
12 une influence extérieure sur la Slovénie l'incitant à attaquer la JNA la
13 première pour provoquer ce qui s'est passé par la suite en Yougoslavie?
14 C'est tout de même quelque chose qui est intéressant!
15 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons permettre au
16 témoin de répondre à cette question.
17 M. Kucan (interprétation): C'étaient les inquiétudes, les préoccupations
18 du général Kadijevic qui ne me les a jamais communiquées personnellement,
19 à l'époque. Et aucun intérêt extérieur au pays, aucune incitation externe
20 ou influence externe n'a eu lieu sur nos actions à l'intérieur du pays.
21 Nous nous sommes efforcés de trouver notre place au sein de la communauté
22 démocratique des nations. Nous avons essayé de le faire du mieux possible.
23 Nous n'avons jamais agi sur instruction de qui que ce soit; et cela est
24 vrai de l'époque comme cela est vrai aujourd'hui.
25 M. Tapuskovic (interprétation): Vous avez déclaré ici que vous ne vouliez
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1 que l'indépendance et que vous vous opposez à la violence. Ceci est-il
2 exact?
3 M. Kucan (interprétation): J'ai dit que ce que nous voulions, c'était
4 l'indépendance; et que nous voulions obtenir l'indépendance sur la base du
5 consensus et sans recours à la force. Donc nous voulions nous appuyer sur
6 un consensus pour régler les problèmes du passé et définir si, oui ou non,
7 nous pouvions continuer à coexister avec ceux qui habitaient sur le
8 territoire de la RSFY jusqu'à cette époque, jusqu'à l'époque dont nous
9 parlons. Ceci est écrit également dans tous les documents pertinents.
10 M. Tapuskovic (interprétation): Avez-vous vu -et cela a été démontré en
11 Slovénie très récemment- un film tourné par une équipe de la télévision
12 autrichienne? On voit un groupe de soldats de la JNA les mains en l'air,
13 en signe de reddition, qui sortent d'une tranchée et sur lesquels des
14 membres de la Défense territoriale slovène ouvrent le feu; et on voit
15 leurs corps retomber à l'arrière, dans la tranchée, donc dans la tranchée
16 qui se trouve derrière eux. Est-ce que ceci a eu lieu où pas?
17 M. Kucan (interprétation): C'est la couverture par la télévision d'un
18 événement dont il a déjà été question. J'insiste sur le fait qu'une
19 commission spéciale, une commission d'enquête a été créée en Slovénie pour
20 enquêter sur cet événement. Il n'a pas été établi…
21 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que nous ayons besoin de
22 vous ennuyer davantage avec ce sujet; c'est l'incident de Holmec dont il a
23 déjà été question.
24 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, je reviens sur cet
25 incident et sur cette séquence, car on y voit des hommes les mains en
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1 l'air, sur lesquels d'autres hommes sont en train de tirer. C'est la
2 raison de ma répétition. Ils étaient de se rendre et on a tiré sur eux, on
3 a ouvert le feu sur eux. Et je voudrais savoir si cela est exact.
4 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà traité de cela. Le
5 témoin dit qu'une commission d'enquête a été nommée et qu'une enquête a eu
6 lieu. Nous devons en finir maintenant.
7 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, vraiment, les
8 conditions sont difficiles. Je vais poser ma dernière question.
9 J'ai reçu du Procureur une interview de Kucan datant du 21 décembre 1993,
10 pour un journal de Slovénie. Lorsque la guerre a éclaté en Croatie, la
11 position du ministère de la Défense a été élaborée et elle consistait à
12 aider la Croatie en lui envoyant des armes qui pourraient assurer une
13 défense de la Slovénie.
14 Est-ce que ceci est exact ou pas? Est-ce bien ce que vous avez déclaré le
15 21 décembre 1993 et est-ce que cela a été publié dans un journal ou un
16 magazine, que vous étiez contre la violence et que c'est la raison pour
17 laquelle vous avez aidé la Croatie en lui fournissant des armes, et la
18 raison également pour laquelle vous avez fait de même avec la Bosnie par
19 la suite, même si, selon votre première affirmation, vous estimiez que
20 c'était une guerre civile qui se déroulait en Bosnie?
21 M. Kucan (interprétation): Je ne sais pas de quoi il est question ici.
22 Est-ce que vous me demandez si la guerre a été une guerre civile?
23 M. le Président (interprétation): Je vais essayer de tirer cela au clair.
24 Ce qui est allégué ici, c'est qu'une interview a été publiée dans un
25 journal en 1993, dans laquelle votre position a consisté à dire que vous
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1 avez aidé la Croatie en lui fournissant des armes lorsque la guerre a
2 éclaté en Croatie, et que vous l'avez fait car ce serait la meilleure
3 défense pour la Slovénie. Est-ce que vous avez dit cela?
4 M. Kucan (interprétation): Oui. J'ai dit au cours de cette interview que
5 j'étais persuadé qu'agir de la sorte était justifié. A l'époque, il y
6 avait un cessez-le-feu en Slovénie. La guerre a été transférée en Croatie.
7 Et puisque la Croatie a été attaquée, en aidant la Croatie nous étions
8 effectivement convaincus que c'était la meilleure façon de créer une force
9 de défense, là-bas, pour la Slovénie.
10 M. Tapuskovic (interprétation): Mais un point de clarification, je vous
11 prie. Est-ce que c'est la Croatie qui a été attaquée ou est-ce que ce sont
12 les casernes situées sur le territoire croate qui ont été attaquées avec
13 encerclement des soldats qui se trouvaient à l'intérieur de ces casernes,
14 qu'on a laissés sans une miette de pain, sans eau, sans électricité, etc.?
15 M. le Président (interprétation): Monsieur Tapuskovic, nous en avons déjà
16 parlé abondamment et nous avons de nombreux éléments de preuve qui en
17 traitent. C'est à nous qu'il appartiendra de trancher. Je ne pense pas que
18 nous ayons besoin d'ennuyer le témoin avec cela.
19 Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose au sujet de l'interview?
20 Est-ce que vous voulez la verser au dossier?
21 M. Tapuskovic (interprétation): Le Procureur dispose de ce texte. Je peux
22 vous donner la référence: R0336514, communiqué le 12 mai.
23 M. le Président (interprétation): Fort bien. Merci.
24 Monsieur Nice, deux minutes, pas plus, je le crains.
25 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Milan Kucan, par M.
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1 Nice.)
2 M. Nice (interprétation): Monsieur Kucan, très rapidement, quelques
3 questions, pour gagner du temps.
4 Nous avons entendu parler d'argent et de douanes. Au moment de la
5 déclaration de l'indépendance, est-ce que la Slovénie était habilitée à
6 garder pour elle l'argent de la Banque centrale, oui ou non?
7 M. Kucan (interprétation): Les douanes sont un exemple. L'argent des
8 douanes était recueilli et placé par la Slovénie sur un compte spécial. Ce
9 compte faisait l'objet de décisions dans le cadre d'une recherche de
10 solution définitive pour l'ex-Yougoslavie; c'était ce qui était prévu.
11 Mais la République de Serbie est intervenue en agissant sur le système
12 monétaire en janvier 1991.
13 Question: Et en conséquence de cela, la Slovénie se voit réclamer des
14 sommes considérables encore aujourd'hui, oui ou non?
15 Réponse: Lorsque les réserves de devises étrangères ont été discutées,
16 nous n'en connaissions pas les montants. C'est la raison pour laquelle
17 nous demandons des relevés de banque à la Banque nationale yougoslave,
18 parce que ceci pourrait être un sujet à aborder au cours des négociations
19 de succession qui ne sont pas encore terminées.
20 Question: Des manifestations de masse dont a parlé l'accusé, telles que
21 celles de Vojvodine, étaient-elles spontanées ou stimulées à partir de
22 l'extérieur, à votre avis?
23 Réponse: S'agissant des conditions de vie des Serbes et des Monténégrins
24 au Kosovo, elles se caractérisaient par l'angoisse et de grandes
25 difficultés dans ces rapports entre Serbes, Monténégrins d'une part, et
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1 Kosovars de l'autre.
2 Les manifestations de masse, les rassemblements populaires n'ont pas eu
3 lieu en 1987, date à laquelle l'accusé a déclaré: "Personne n'aura le
4 droit de toucher à un cheveu de votre tête". Ceci s'est fait lors d'une
5 réunion publique dont il serait permis de penser qu'elle était spontanée
6 mais en fait, s'il avait dit que personne n'avait le droit de toucher à un
7 cheveu d'un habitant du Kosovo de façon générale, j'aurais encore des
8 doutes quant à la véracité de ses propos aujourd'hui.
9 Question: Les armes payées par la Slovénie et conservées dans les bases de
10 la Défense territoriale, est-ce que la Défense territoriale a gardé ces
11 armes ou pas?
12 Réponse: Ces armes ont été emportées par la JNA. Quand elle s'est retirée,
13 elle a emporté ces armes.
14 M. Nice (interprétation): Faute de temps, Monsieur le Président, je dirai
15 que j'avais des questions à poser au sujet du journal intime de M. Jovic
16 quant au fait que la Slovénie aurait déclenché la guerre.
17 Je vous demande de prendre en compte, en tout cas, ces extraits du journal
18 intime de M. Jovic. J'ajoute qu'il s'agit d'extraits particulièrement
19 importants et relativement longs. Si vous avez les documents sous les yeux
20 nous n'avons pas besoin d'en traiter oralement. Des décisions
21 constitutionnelles seront versées au dossier.
22 Il y a également le document de février 1990 dont nous n'avons pas pu
23 parler, mais nous le soumettrons au témoin expert, le Dr Kristan,
24 lorsqu'il viendra.
25 Et j'espère que je n'ai pas débordé sur les 2 minutes qui m'étaient
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1 imparties.
2 M. le Président (interprétation): Monsieur Kucan, merci d'être venu devant
3 ce Tribunal pour déposer. Nous sommes arrivés au terme de votre
4 déposition.
5 Suspension. Demain matin, 9 heures.
6 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, j'avais encore quelques
7 questions administratives.
8 M. le Président (interprétation): Non, il y a un autre procès cet après-
9 midi.
10 Suspension. 9 heures du matin demain.
11 Si vous avez des éléments à nous soumettre, vous pouvez le faire par
12 écrit.
13 (L'audience est levée à 14 heures 02.)
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