Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 21 mai 2003.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 06.)

3 (Audience publique.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, vous avez la parole.

6 M. Nice (interprétation): Je demande un huis clos partiel pour quelques

7 minutes.

8 M. le Président (interprétation): Oui.

9 (Huis clos partiel à 9 heures 06.)

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16 (Audience publique à 9 heures 13.)

17 M. Nice (interprétation): Je pense que les Juges de cette Chambre ont un

18 résumé de la déposition que nous entendrons ce matin.

19 (Le témoin, M. Milan Kucan, est introduit dans le prétoire.)

20 M. le Président (interprétation): Je demande au témoin de prononcer la

21 déclaration solennelle.

22 M. Kucan (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

24 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Vous pouvez vous

25 asseoir, Monsieur Kucan.

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1 M. Nice (interprétation): Avant de commencer l'audition de ce témoin,

2 j'aimerais que les pièces à conviction de ce témoin reçoivent une cote

3 générale.

4 Mme Anoya (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 417,

5 Monsieur le Président.

6 (Interrogatoire principal du témoin, M. Milan Kucan, par M. Nice.)

7 M. Nice (interprétation): Vous vous appelez Milan Kucan. Vous avez été

8 Président de la Slovénie depuis avril/mai 1990 jusqu'à 2002, ayant été

9 réélu trois fois à ces fonctions?

10 M. Kucan (interprétation): Oui.

11 Question: D'autres éléments de votre histoire personnelle sont bien

12 connus, bien entendu, de notoriété publique; on les trouve dans la pièce à

13 conviction 447 de l'accusation, intercalaire 1.

14 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce témoin est bien sûr apte à

15 traiter d'un nombre très important de questions significatives. Nous

16 n'aborderons que quelques-unes des questions les plus importantes. Mais,

17 bien entendu, la Chambre, comme nous le savons, est au courant d'autres

18 éléments de son passé.

19 Monsieur Kucan, j'aimerais que nous parlions de la réunion du comité

20 central qui s'est tenue le 30 janvier 1989 -je parle du comité central de

21 la Ligue des communistes-, réunion tenue à Belgrade.

22 Vous constaterez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que nous

23 avons à ce sujet une traduction de l'allocution prononcée par l'accusé, et

24 on trouve cette traduction à l'intercalaire 2.

25 Avant de passer à l'examen de cette allocution, Monsieur Kucan, j'aimerais

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1 que vous nous expliquiez dans quel contexte s'est déroulée cette réunion

2 et quels ont été les éléments, les sujets principaux abordés lors de cette

3 réunion.

4 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'était une époque où

5 la crise avait atteint un point culminant en ex-Yougoslavie. C'était une

6 crise caractérisée par des aspects multiples qui n'étaient pas

7 qu'économiques ou dus aux rapports interethniques; c'était également une

8 crise marquée par des problèmes au niveau des valeurs morales. Donc cette

9 crise indiquait qu'un changement était indispensable en ex-Yougoslavie.

10 La direction politique slovène a compris que ce changement devait résider

11 dans un nouvel ordonnancement de la vie commune en ex-Yougoslavie; elle

12 pensait qu'il fallait définir d'une manière nouvelle les nouveaux intérêts

13 et les différents aspects de la nouvelle vie de cette société.

14 La direction politique serbe, pour sa part, avait un point de vue

15 différent, pensant que des changements étaient effectivement nécessaires,

16 mais que ces changements devaient résider dans la nomination de nouveaux

17 dirigeants susceptibles d'appuyer la transformation souhaitée par la

18 direction politique serbe. Donc les changements de dirigeants se sont

19 produits par le biais, effectivement, de convocation de grandes réunions

20 publiques qui ont permis d'abord de changer la direction de la Vojvodine,

21 puis celle du Monténégro.

22 Et lors de cette réunion du comité central, nous avons d'abord débattu

23 pour savoir s'il convenait de discuter de la nécessité de modifier les

24 conditions politiques de la direction du pays en apportant éventuellement

25 des modifications à la Constitution pour établir, avec de nouveaux

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1 dirigeants, de nouveaux rapports de force au sein du comité central, ou

2 s'il fallait continuer à travailler avec l'ancienne direction représentée

3 au comité central de la Ligue des communistes. Donc c'est dans cet ordre

4 d'idée que les débats se sont déroulés.

5 Question: L'accusé a-t-il été le point central des débats lors de cette

6 réunion?

7 Réponse: Non, il n'a été qu'un des orateurs parmi d'autres. C'est le

8 Président du comité central de la Ligue des communistes yougoslave de

9 l'époque, Stipe Suvar, qui a été l'orateur le plus important.

10 Question: Néanmoins, l'accusé a prononcé une allocution très importante

11 que nous disposons en BCS pour le témoin, et j'espérais que nous pourrions

12 placer ce texte en version anglaise sur le rétroprojecteur… Mais, non,

13 nous ne le ferons pas. Je signale cependant que cette allocution en

14 version anglaise existe à l'intercalaire 2 de la pièce à conviction de

15 l'accusation 447.

16 Je vous demanderai donc, Monsieur le Président et Messieurs les Juges, de

17 bien vouloir parcourir avec moi quelques-uns des passages qui ont déjà été

18 surlignés par le Procureur dans ce texte. Et j'aimerais que le témoin

19 suive l'exposé de ces passages en BCS, après quoi on lui demandera ses

20 commentaires.

21 (Intervention de l'huissière.)

22 Alors, intercalaire 2. Nous voyons d'abord le passage suivant -je cite-:

23 "Ce qui ne peut pas être changé institutionnellement et qui doit être

24 changé, car il s'agit de quelque chose qui a duré trop longtemps, sera

25 modifié non institutionnellement; il en a toujours été ainsi dans toutes

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1 les sociétés." (Fin de citation.)

2 Je renvoie les Juges de cette Chambre à la page 4, maintenant, paragraphe

3 du milieu. Je cite: "Par conséquent, je tiens à dire à tous ceux qui ne

4 peuvent pas se débarrasser de leurs habitudes facilement, leurs habitudes

5 consistant à juger la Serbie, que la Serbie est égale et unie et qu'ils ne

6 devraient pas s'en irriter. Une fois que ceci sera devenu clair pour

7 chacun, nous pourrons résoudre les problèmes difficiles qu'implique la

8 crise yougoslave; nous le ferons ensemble plus facilement et sur un pied

9 d'égalité." (Fin de citation.)

10 Page suivante; dans la version anglaise, page 5, deuxième paragraphe –je

11 cite-: "Je dois dire que si la Yougoslavie doit être conçue comme une

12 communauté dans laquelle la Serbie serait divisée en trois parties et

13 serait mise à genoux, la Serbie serait opposée à la création d'une telle

14 communauté, serait opposée à la création d'une telle Yougoslavie. Nous

15 serions dans ce cas favorables à une Yougoslavie différente; en d'autres

16 termes, nous serons favorables à la seule Yougoslavie envisageable, à

17 savoir une Yougoslavie dans laquelle chacun est égal et, par conséquent, à

18 une Serbie où chacun serait égal également. Dans ce processus, nous ne

19 nous préoccuperions pas de savoir si on lui donnerait le nom de '3e', '5e'

20 ou '10e Yougoslavie'." (Fin de citation.)

21 Enfin, je vous adresse à la page 7, paragraphe qui commence au bas de la

22 page, et qui se lit comme suit -je cite-: "La présente séance devait

23 permettre de résoudre les conflits et les divergences. Nous n'avons pas

24 peur de ces conflits et de ces divergences; ils sont inévitables si l'on

25 veut supprimer les obstacles et trouver des solutions. Mais la procédure

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1 n'apportera pas de solution, compte tenu des pièges petits et grands qui

2 existent, des artifices petits et grands qui existent, des intrigues et

3 des manœuvres.

4 Une politique choisie par le peuple, institutionnelle et non

5 institutionnelle, statutaire et non statutaire, venant de la rue et de

6 l'intérieur du peuple et de l'élite avec ou sans querelle, peut permettre

7 de trouver une solution." (Fin de citation.)

8 Je cite: "Mais en tout état de cause, il est clair que cette politique

9 doit servir les socialistes et les démocrates de Yougoslavie, et que le

10 peuple yougoslave doit vivre uni et sur un pied d'égalité aussi bien sur

11 le plan culturel que sur le plan de l'unanimité de la société." (Fin de

12 citation.)

13 Merci. Monsieur Kucan, vous ayant rappelé ces extraits de l'allocution en

14 question, quel est le message qui selon vous était celui de l'accusé?

15 Réponse: Le message -pour le dire simplement- était le suivant. Les

16 changements, tels que préconisés par la direction serbe, auront lieu dans

17 un cadre institutionnel ou non; c'est-à-dire que les dispositions de la

18 Constitution seront respectées ou pas. Et c'est là que la divergence a

19 surgi, car nous connaissions tous les difficultés qui existaient. Mais

20 s'agissant de ces difficultés à laquelle la Yougoslavie était confrontée à

21 l'époque, nous avions des solutions différentes, nous avions des réponses

22 différentes à proposer. Ces réponses étaient bien illustrées, semble-t-il,

23 par le statut de la Slovénie qui était favorable à une démarche

24 institutionnelle, légale, constitutionnelle, et par la situation dans les

25 autres parties de l'ex-Yougoslavie qui étaient également à l'époque des

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1 Etats indépendants.

2 Question: Un point de détail, je vous prie. Nous voyons dans le texte de

3 l'allocution prononcée par l'accusé l'utilisation des termes

4 "institutionnel" ou "non institutionnel". Dans votre réponse, vous avez

5 utilisé le mot "constitutionnel". Dans le cadre dans lequel s'exprimait

6 l'accusé, y avait-il identité… y avait-il identité de sens entre les deux

7 mots ou pas?

8 Réponse: Sur le fond, l'utilisation des mots "institutionnel" ou "non

9 institutionnel" signifiait, en réalité, le respect ou le non respect de la

10 voie constitutionnelle.

11 A l'époque, des réunions publiques importantes avaient lieu, et c'est sous

12 la pression de ces réunions de masse que des dirigeants ont été changés,

13 c'est-à-dire à la demande du peuple, à la demande de la rue, alors

14 qu'aucun de nous n'estimait que le peuple devait être privé de son droit

15 de faire connaître son mécontentement. Mon point de vue consistait à

16 penser que, bien entendu, chacun peut descendre dans la rue pour faire

17 connaître son mécontentement, mais que personne n'est autorisé à descendre

18 dans la rue pour mettre au point une nouvelle conception, une nouvelle

19 solution pour sortir de la crise. Autrement dit, je pensais que pour

20 mettre en place des solutions politiques, il n'était pas permis d'utiliser

21 n'importe quel moyen.

22 Question: Avez-vous pu faire connaître votre avis sur l'attitude de

23 l'accusé par rapport à l'expression du mécontentement populaire dans la

24 rue?

25 Réponse: Eh bien, à cette époque-là en Slovénie, personne ne pensait que

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1 ces rassemblements, ces réunions publiques auxquelles on donnait un autre

2 nom… en effet, ces rassemblements de la vérité autour des Serbes et des

3 Monténégrins au Kosovo étaient l'expression d'une situation

4 particulièrement difficile. Toutes sortes de vicissitudes s'étaient

5 produites. Et on appelait cela "la révolution anti-bureaucratique". Donc

6 toutes sortes de noms étaient utilisées pour baptiser ce genre de

7 rassemblements et de réunions publiques, mais personne en Slovénie ne

8 pensait que ces réunions étaient spontanées.

9 L'une de ces réunions s'était donnée pour objectif de diffuser la vérité

10 un peu partout en Yougoslavie. Et la réunion, le rassemblement avait été

11 annoncé pour le 1er décembre 1989 à Ljubljana. La direction slovène de

12 l'époque, le conseil exécutif de la République slovène et le Ministère de

13 l'Intérieur ont interdit cette réunion publique en faisant appliquer la

14 loi, car il existait un risque important que cette réunion ne dégénère en

15 heurts graves et en conflit interethnique sur le territoire de la

16 République de Slovénie. Donc le débat s'est poursuivi le 20. Une séance du

17 comité central de la Ligue des communistes yougoslaves, c'est celle dont

18 nous avons parlé tout à l'heure. Mais, avant cela, nous avions déjà tenu

19 une réunion les 17 et 18, au cours de laquelle nous avions débattu des

20 changements constitutionnels envisageables.

21 Mon point de vue à l'époque était le suivant. Je pensais que nous avions

22 besoin d'un consensus sur tous ces problèmes et qu'aucune transformation

23 importante ne pouvait se produire dans la situation très tendue du Kosovo

24 à l'époque. Donc la réponse venant de nous était la suivante: il fallait

25 d'abord créer un consensus. Le socialisme n'avait pas été mis en place par

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1 la voie d'un consensus. Donc les modifications avec déclaration de l'état

2 d'urgence ne pouvaient pas suffire.

3 Question: Encore deux questions au sujet de l'allocution de l'accusé dont

4 nous avons déjà parlé. D'abord, nous savons qu'en juin 1989, le 28 je

5 pense, l'accusé a prononcé son discours sur la Bataille du Kosovo. Est-ce

6 que ceci avait un rapport, à votre avis, avec le discours dont nous avons

7 parlé il y a quelques instants?

8 Réponse: A mon avis, cette allocution était la continuation logique des

9 débats qui s'étaient produits dans la période antérieure. En fait, le

10 discours tenu lors de la commémoration du 500e Anniversaire de la Bataille

11 du Kosovo, bataille très importante pour l'Europe et le peuple serbe en

12 particulier, avait permis de dire...

13 Question: Les Juges disposent d'un grand nombre de pièces à conviction à

14 ce sujet. Ils connaissent bien ce discours, donc je vous demanderais une

15 réponse brève consistant simplement à nous dire s'il y avait un rapport

16 entre les deux discours. Vous l'avez fait d'ailleurs, donc cela me

17 satisfait.

18 Réponse: Ma réponse sera très brève. J'aimerais simplement terminer mon

19 raisonnement. A cette époque, on avait dit que le peuple serbe se lançait

20 une fois de plus dans la bataille mais… Il ne s'agissait pas encore de

21 batailles armées, mais c'est ce qu'on ne pouvait pas exclure. On pouvait

22 envisager qu'une bataille armée suive et qu'une lutte ait lieu quelque

23 soit les moyens utilisés.

24 Question: Et la dernière question: est-ce qu'à un stade quelconque, au

25 paragraphe 9 du résumé, avez-vous répondu à l'allocution prononcée par

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1 l'accusé? Et dans l'affirmative qu'avez-vous dit et quand l'avez-vous

2 fait? Et de façon brève, je vous prie.

3 Réponse: Sur la base d'un accord intervenu au niveau des délégués

4 slovènes, lors de cette séance du comité central, M. Boris Muzic a pris la

5 parole le lendemain pour répondre à ces hypothèses.

6 Question: Et à cette époque-là, en 1989, pour autant que l'on puisse faire

7 le point du raisonnement qui prévalait à l'époque, pensez-vous qu'à

8 l'époque il y avait deux concepts selon lesquels il fallait envisager la

9 Yougoslavie? Le premier visant à ce que la Yougoslavie permette à

10 différents peuples de vivre sous un seul et même toit, et l'autre

11 consistant à dire qu'il s'agissait d'un schéma différent. Pouvez-vous

12 répondre à cette question de façon brève?

13 Réponse: En fait, ce que vous venez de décrire est tout à fait exact.

14 Toutefois, il y a une différence parce que la situation était différente

15 au moment où la Yougoslavie est née. Pour certains hommes politiques en

16 Serbie, la Yougoslavie avait toujours été conçue comme un Etat dans lequel

17 tous les Serbes pourraient vivre ensemble. Pour d'autres tels que les

18 Slovènes, les Croates, les Macédoniens -et je parle plus particulièrement

19 au nom des Slovènes-, toutes ces personnes n'ont jamais compris la

20 Yougoslavie dans ce sens-là.

21 En fait, notre conception de la Yougoslavie était celle d'un Etat qui

22 permet une vie pacifique, la promotion, le développement, le bien-être

23 ainsi que la prospérité pour tous les peuples qui vivent sur un pied

24 d'égalité.

25 Tout au long de la situation de crise, cette différence a joué un rôle

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1 fondamental même lors du pouvoir dictatorial qui a été annoncé en 1992

2 lorsque l'ancien Royaume de la Yougoslavie a été mis en place par les

3 Nazis. En fait, cet aspect a été souligné dès 1945, et après la guerre

4 également en 1974, lorsqu'on a adopté la dernière Constitution de la

5 République socialiste fédérative de la Yougoslavie.

6 Question: La Chambre a déjà entendu de nombreux témoignages au sujet des

7 mesures qui ont été prises par la Serbie au sujet des deux provinces

8 autonomes de la Vojvodine et du Kosovo. Pourriez-vous peut-être, très

9 brièvement en une phrase, nous rappeler ou nous expliquer si le fait

10 d'avoir pris des mesures vis-à-vis de ces provinces autonomes ont eu une

11 répercussion quelconque sur la Yougoslavie en tant que structure globale?

12 Réponse: Oui, il y a eu des répercussions. La structure constitutionnelle

13 de la Constitution yougoslave et de la République socialiste de Serbie

14 était fondée sur le fait que la province autonome de Vojvodine ainsi que

15 la province autonome du Kosovo permette aux minorités de vivre. La

16 minorité plus importante en Vojvodine était hongroise, et dans la province

17 du Kosovo la minorité principale qui prévalait à l'époque était albanaise.

18 Dans ce sens, les deux provinces autonomes fonctionnaient comme un élément

19 constitutif de la Fédération de Yougoslavie.

20 Avec le changement de la position de ces deux provinces, dans le cadre du

21 contexte constitutionnel de la Serbie, et compte tenu de la Constitution

22 de la République fédérale qui avait évolué, après avoir apporté des

23 changements à la Constitution serbe au printemps de 1998, celle-ci a été

24 modifiée. En fait, il s'agissait de savoir comment on allait pouvoir

25 traduire dans les faits ces changements en Yougoslavie parce que, si on

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1 réduit l'importance, le rôle joué par une province au niveau de la

2 Constitution de la Yougoslavie, et il s'agissait là d'un fait sur lequel

3 insistait la direction politique; il s'agissait en fait de questions

4 essentiellement yougoslaves et le vote était confié aux deux provinces.

5 Par conséquent, la Serbie devait donc se prononcer et voter au sujet de

6 trois choses différentes ayant trait aux questions fédérales.

7 Comme je l'ai dit, en premier lieu, les changements ont été introduits par

8 le biais de rassemblements de masse. On a procédé à la mise en place de

9 personnes qui étaient partisanes des objectifs prônés par la direction

10 serbe.

11 Question: Vous avez parlé de questions au sujet de l'armée -du moins si

12 l'on examine le résumé que nous avons élaboré à votre égard- et j'aimerais

13 examiner cela du point de vue chronologique. Mais j'aimerais que vous

14 placiez ces questions dans un contexte. Quel était le souhait slovène et

15 quelles étaient les promesses qui avaient été faites au sujet de sa

16 responsabilité après la Deuxième Guerre mondiale?

17 Réponse: Les Slovènes au cours de la Deuxième Guerre mondiale, tout au

18 long de l'occupation par l'Italie et l'Allemagne fasciste, avaient

19 constitué leur propre armée de rebelles. Elle n'avait jamais abandonné le

20 territoire de la République slovène. Cette décision reposait sur une

21 conviction selon laquelle l'armée de partisans ne pouvait pas être

22 dissociée de sa nation qui ne pouvait pas exister sans un système de

23 défense quelconque. En 1943, lorsque l'organe le plus élevé de la

24 Yougoslavie s'est réuni, le conseil antifasciste, la délégation slovène a

25 reçu la promesse selon laquelle notre armée ferait partie de l'armée

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1 yougoslave et que la Slovénie pourrait également continuer à assurer le

2 commandement. Mais, par la suite, l'armée slovène a été démantelée. Cette

3 promesse ne s'est pas traduite dans les faits, elle est devenue partie

4 intégrante de l'armée yougoslave où la communication se faisait dans des

5 langues différentes puisque la langue qui était utilisée par le

6 commandement était la langue serbe. S'agissant du principe d'égalité des

7 langues en tant que moyen de communication, il est également manifeste

8 dans le cadre du procès qui a eu lieu à Ljubljana, puisque ce procès s'est

9 en fait déroulé en langue serbe.

10 Question: J'aimerais à présent aborder le deuxième aspect de la question

11 qui concerne l'armée. J'aimerais peut-être que vous nous apportiez vos

12 lumières afin que nous puissions mieux comprendre la situation. Un simple

13 soldat serbe qui était cantonné en Slovénie était-il en mesure de

14 comprendre et de communiquer avec les Slovènes dans leur langue ou non?

15 Réponse: Avec un peu d'effort, il pouvait communiquer. Mais je dois dire

16 qu'en toute logique on s'attendait à ce que tout le monde s'exprime en

17 serbe, non seulement au niveau de l'armée mais également au niveau

18 fédéral, au niveau du tribunal constitutionnel, parce qu'en fait la langue

19 serbe devait être utilisée.

20 Question: J'aimerais vous poser une deuxième question concernant l'armée.

21 A votre avis, est-ce que la JNA à l'époque de Tito avait, d'une certaine

22 manière, deux maisons?

23 Réponse: On peut dire que oui. Cette armée est en fait devenue une armée

24 idéologique et politique. Elle est devenue l'aile armée de la faction

25 communiste qui était responsable de la direction de la résistance. En

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1 fait, une situation très précise prévalait en Slovénie, mais elle n'est

2 pas importante pour le débat qui se déroule dans cette enceinte.

3 En fait, oui, on peut parler de deux maisons. La maison idéologique était

4 celle de la Yougoslavie, et la maison politique de la JNA était toujours

5 convaincue qu'il s'agissait d'un facteur d'unités et que son existence

6 même confirmait celle de la Yougoslavie. Cette armée était totalement

7 dévouée au Président Tito qui était à la fois le Président de l'Etat de la

8 Yougoslavie et le Président de la ligue des communistes de la Yougoslavie.

9 A sa mort en 1990, en fait, c'est son père même qui a disparu; je parle

10 bien évidemment du commandant suprême. Et par la suite, la Présidence de

11 l'Etat qui a remplacé Tito n'a pas reconnu ce commandement suprême. Et

12 ceci s'est traduit ou plutôt cette réunion qui a eu lieu entre la

13 présidence, c'est-à-dire l'ancien commandant suprême, et les dirigeants de

14 l'armée, réunion qui s'est tenue en mars 1990, au moment où les conflits

15 bien connus de tous ont éclaté, tout le monde savait qui était au

16 commandement de la JNA et de l'armée yougoslave.

17 Question: Je vous remercie. J'aimerais, dans la mesure où cela est

18 possible, continuer à suivre une approche chronologique. J'aimerais, à

19 présent, vous parler d'un passage, d'un extrait du journal de Borislav

20 Jovic. Mais avant d'examiner cela, il s'agit donc d'extraits de ce

21 journal, mais est-ce qu'il s'agit d'un ouvrage que vous avez lu et êtes-

22 vous en mesure de formuler une opinion s'agissant des faits qui sont

23 mentionnés dans cet ouvrage? Est-ce que ces faits sont pertinents ou non?

24 Monsieur Kucan, avez-vous entendu la question que je vous ai posée? La

25 question que je vous ai posée était de savoir si… Après avoir lu l'ouvrage

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1 de Borislav Jovic, pouvez-vous nous dire si, dans cet ouvrage, les faits

2 qui ont été évoqués sont précis ou non?

3 Réponse: La description qui est faite des événements, avec le Président de

4 la Présidence ainsi que moi-même, sont assez précis et corrects, mais

5 s'agissant des autres événements, je ne peux pas me prononcer quant à la

6 précision des descriptions.

7 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous

8 avons retiré de cet ouvrage un certain nombre d'extraits que nous

9 aimerions présenter en tant que pièces à conviction distincte, dans la

10 mesure du possible, afin que nous puissions inviter le témoin à formuler

11 des observations. La question de la recevabilité de l'ouvrage dans sa

12 totalité est une question qui relève de votre juridiction.

13 M. le Président (interprétation): En effet, vous avez raison. Et en fait,

14 nous avons déjà précisé que nous allions statuer en temps utile.

15 M. Nice (interprétation): Je vous remercie.

16 M. le Président (interprétation): Mais s'il s'agit uniquement de certains

17 passages, nous pourrions peut-être verser ce document, pour autant que le

18 témoin précise qu'il s'agit d'extraits précis.

19 M. Nice (interprétation): Peut-être que l'on pourrait attribuer une cote

20 séparée à ces pièces à conviction?

21 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction 448.

22 M. Nice (interprétation): J'invite les Juges à se référer à la préface de

23 cet ouvrage. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire pour moi de passer en

24 revue tout ce sommaire; je vous invite simplement à vous reporter à la

25 dernière page, qui est la page 44, et nous voyons un extrait assez long

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1 qui est daté du 21 septembre 1989. Je ne vais pas vous demander de tout

2 lire parce que cela prendrait trop de temps; je vais simplement demander

3 au témoin de formuler certaines observations à ce sujet afin que nous

4 sachions un petit peu de quoi il s'agit. Et j'espère que le témoin dispose

5 de l'original. Si la Chambre de première instance le juge adéquat, il

6 serait peut-être bon qu'il consulte l'exemplaire en slovène.

7 M. le Président (interprétation): Bien.

8 M. Nice (interprétation): Monsieur Kucan, nous parlons ici d'un extrait du

9 21 septembre. Et j'invite les Juges à se reporter au deuxième paragraphe.

10 Il s'agit d'une réunion qui a eu lieu à Drnovsek, et il parle également de

11 consultations au sujet d'un rapport qui a été élaboré hier, dans lequel il

12 est fait mention de préparatifs à une intervention militaire en Slovénie.

13 Si nous voyons un peu plus loin, nous voyons vers le milieu de la page que

14 les Slovènes sont convenus de se réunir dans l'après-midi ou en début de

15 soirée, vers 19 heures: Stanovnik, Kucan, Potrc et Sinogoj.

16 Si nous allons un peu plus loin, nous voyons un autre passage. En fait, il

17 faudrait passer plusieurs passages. Il s'agit d'un passage qui commence

18 par les mots suivants: "Potrc a brièvement expliqué chacune des

19 modifications qui étaient suggérées, compte tenu des objections que nous

20 avions soulevées. D'une façon globale, rien n'est vraiment modifié, rien

21 de substantiel n'a été convenu, abstraction faite de certains changements

22 de type cosmétique. Mais il a expliqué qu'il était absolument nécessaire

23 de maintenir la Constitution de la République socialiste fédérative de

24 Yougoslavie. A son avis, ce que nous sommes en train de faire est un

25 exercice qui n'est pas constitutionnel. Il demande que nous séparions la

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1 responsabilité des changements constitutionnels, et qu'on devrait

2 permettre au Tribunal constitutionnel de réagir selon le cas.

3 Malheureusement, d'après la Constitution yougoslave, un Tribunal

4 constitutionnel peut conclure qu'une Constitution de la République n'est

5 pas conforme à la Constitution fédérale et demander à la République de

6 veiller à la lignée…". (Fin de citation.)

7 Si nous passons à présent à la page suivante, nous voyons au premier

8 paragraphe les mots qui commencent comme suit: "Ensuite, je prends la

9 parole. J'ai dit très précisément que, d'après l'évaluation faite par la

10 Présidence, l'adoption de modifications sous cette forme qui a été

11 proposée constituerait une menace directe vis-à-vis de l'intégrité de

12 notre pays et entraverait l'ordre constitutionnel qui avait été établi…".

13 (Fin de citation.)

14 Et si nous poursuivons encore un peu plus loin dans le texte, nous voyons,

15 vers le milieu de cette page, une référence qui est faite à Ante: "Ante

16 lui-même marque une certaine distance en disant qu'il n'a pas connaissance

17 de l'ensemble de ces détails, mais qu'il semble qu'il est nécessaire de

18 discuter de cette question de façon approfondie. D'après ces remarques,

19 Kucan, qui commençait à s'agiter, m'a demandé d'expliquer ce que l'on

20 entendait par 'autres mesures à la disposition de la Présidence'. Veljko

21 et moi-même avons expliqué 'ce qui est prévu est conforme à la

22 Constitution et à la législation; rien ne va au-delà de ce cadre'. 'Non,

23 non -poursuit-il-, dites-moi exactement ce que vous comprenez'." (Fin de

24 citation.)

25 Puis, plus loin, deux lignes avant la fin de cette page, on voit qu'il est

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1 question d'une offensive qui serait dirigée à l'encontre des dirigeants.

2 Monsieur Kucan, compte tenu de ces différents éléments qui ont été mis en

3 exergue par le Bureau du Procureur lors de cette réunion, en quelques

4 phrases, pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre ce qu'il s'est

5 produit là-bas et quelle était l'origine de vos préoccupations?

6 Réponse: Cette réunion s'est déroulée le 26 septembre. Le 26 septembre,

7 une séance avait été envisagée au cours de laquelle l'Assemblée de la

8 Slovénie allait adopter des modifications qui allaient être apportées à la

9 Constitution de la République slovène, et, grâce à ces modifications, la

10 Slovénie voulait emprunter un chemin juridique afin d'assurer ses intérêts

11 dans la fédération yougoslave. En d'autres termes, elle voulait assurer

12 son droit juridique et moral à l'autodétermination.

13 L'adoption de ces modifications constitutionnelles qui constituaient la

14 décision qui a été prise lors de cette réunion était la seule possible.

15 A la veille du 26 septembre, une séance du comité central de la Ligue des

16 communistes de la Yougoslavie avait eu lieu, et ils nous avaient invités à

17 envisager d'annuler cette réunion et de ne plus parler d'amendement. Cette

18 réunion était préoccupée par cela.

19 Le Président de la Présidence qui représentait la Slovénie ainsi que nos

20 interlocuteurs, tous les dirigeants de la Slovénie, étaient présents lors

21 de cette réunion. Il n'y avait pas simplement le Président du gouvernement

22 fédéral, mais également le ministre de la Défense. Après avoir demandé que

23 nous n'adoptions pas ces amendements, et comme le Procureur l'a fait

24 remarquer dans les passages qu'il a cités, on a précisé que d'autres

25 moyens auraient pu être utilisés.

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1 La question que je pose est de savoir quels autres moyens on aurait pu

2 utiliser. Or je n'ai pas reçu de réponse à cette question. Mais nous

3 savions exactement quels étaient les implications sous-jacentes, l'état

4 d'urgence et l'utilisation éventuelle de l'armée, et ce, afin de vérifier

5 et d'assurer l'ordre et la sécurité en Slovénie.

6 Voilà la situation qui prévalait en Yougoslavie au cours de ces dernières

7 années. Il s'agissait soit d'accusation de contre-révolution, d'activités

8 à l'encontre des intérêts yougoslaves. Et ensuite, ils allaient proclamer

9 un état d'urgence qui leur donnerait l'autorisation ou qui donnerait

10 l'autorisation à l'armée de démettre de leurs fonctions les autorités

11 juridiques et de passer à l'acte conformément aux intérêts de ceux qui

12 voulaient établir cet état d'urgence. C'est du moins là comment j'ai

13 compris la teneur de la réunion qui s'était déroulée.

14 Question: Bien. Je vous remercie. Je vais à présent passer à la réunion du

15 22 septembre, ceci afin de gagner quelque peu le temps qui nous est

16 imparti.

17 Je voudrais à présent aborder une question qui est la suivante. En janvier

18 1990, je pense qu'il y avait le 14e Congrès de la Ligue des communistes ou

19 non? Est-ce qu'il s'agissait d'un congrès qui se réunissait tous les

20 quatre ans ou est-ce qu'il s'agissait d'un congrès extraordinaire qui

21 s'est déroulé au moment où votre délégation a quitté les lieux? Veuillez

22 simplement confirmer cela, parce que j'aimerais d'abord faire défiler un

23 enregistrement vidéo avant de vous inviter à formuler des observations.

24 Réponse: Il s'agissait, en effet, du 14e Congrès de la Ligue des

25 communistes de Yougoslavie. En fait, ces congrès étaient organisés tous

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1 les quatre ans. Et en 1990, il s'agissait d'une année au cours de laquelle

2 un congrès devait se dérouler. Mais compte tenu de la situation qui

3 prévalait, étant donné l'état d'urgence qui menaçait, vu la situation

4 extraordinaire qui prévalait en Yougoslavie, ce congrès devait être un

5 congrès ordinaire, mais en fait a été rebaptisé "Congrès extraordinaire".

6 Lors de la 18e Séance de la Ligue des communistes, cette proposition a été

7 rejetée. Lors de la 20e séance, à la demande de la Conférence provinciale

8 de la Vojvodine qui avait demandé la convocation d'un congrès

9 extraordinaire, cette demande a une fois de plus été rejetée. Et lors de

10 la 22e Séance, on a enfin approuvé la tenue de ce Congrès extraordinaire.

11 J'avais fait personnellement remarqué qu'il s'agissait là d'un congrès

12 extraordinaire qui s'était déroulé à l'encontre de la volonté et de la

13 position des Slovènes.

14 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous

15 allons à présent faire diffuser un extrait du film intitulé: "La mort de

16 la Yougoslavie" qui émane de la chaîne de télévision BBC. Il s'agira de

17 l'intercalaire 7 de la pièce à conviction 447.

18 M. le Président (interprétation): Il s'agit d'un extrait?

19 M. Nice (interprétation): C'est un extrait. Il s'agit non seulement d'un

20 enregistrement du congrès lui-même, mais également d'observations faites

21 par d'autres intervenants. J'espère que le témoin pourra formuler des

22 observations à cet égard. Nous ne disposons pas encore d'un compte rendu,

23 je m'en excuse. J'espère que les gens pourront suivre en anglais.

24 (Début de l'interprétation de la diffusion vidéo.)

25 "Il a cité la réunion d'un congrès extraordinaire alors que les délégués

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1 étaient debout lorsqu'il entendait leur hymne, il savait que ceci avait

2 été demandé par…"

3 (Interruption du son en anglais, suite de l'intervention en BCS.)

4 "On voulait nous imposer leur vue; ils voulaient nous imposer leur vue

5 pour ce qui est de la mise en place de cette future Yougoslavie.

6 -Kucan: La deuxième des Républiques par la grandeur est la Croatie.

7 -Ivica Racan: Les Slovènes m'ont informé de ce qui se passait même

8 lorsqu'ils débattaient entre eux.

9 Milosevic a choisi, en tant que président, l'un des leaders qu'il avait

10 soutenu pendant toute cette situation. C'est le premier des congrès de la

11 Ligue des communistes de Yougoslavie auquel ait assisté ce Président du

12 Monténégro.

13 -Momir Bulatovic: J'étais jeune, pour occuper cette position. J'ai été

14 soumis à de très fortes pressions pour donner au plus vite la parole au

15 délégué de la Slovénie qui devait présenter des amendements pour les faire

16 voter. Je sais que nous avons voté, que nous avions des cartons rouges et

17 des cartons verts que nous levions pour voter.

18 -Borislav Jovic: Nous avions des cartons rouges et des cartons verts et

19 nous avions voté. Il est arrivé vraiment que de nombreux amendements aient

20 été rejetés en ce qui nous concernait. Lorsque leurs amendements étaient

21 rejetés, ils se sont levés pour dire que, si l'on continuait, 'vous allez

22 faire échouer le congrès'.

23 -Kucan: Nous voulions en terminer avec cette agonie. Le comportement de

24 ces délégués a choqué les autres délégués.

25 -Ivica Racan: J'ai vu avec combien d'approche passionnée on avait rejeté

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1 ces amendements. Je vous en prie, je voudrais que tous ces amendements

2 soient discutés avec beaucoup plus de tolérance mutuelle pour voir ce

3 qu'il nous convient de faire aux fins de revitaliser la Ligue des

4 communistes de Yougoslavie.

5 -Momir Bulatovic: Si nous procédions à l'élaboration de tous les

6 arguments, le congrès pourrait fort bien durer deux mois. Permettez-moi,

7 je m'excuse…

8 -Journaliste BBC: Les dirigeants de la Ligue des communistes de

9 Yougoslavie ont tenu une réunion de crise. Kucan a proposé un accord.

10 -Momir Bulatovic: La condition, c'était qu'il ne soit pas battu au vote.

11 -Borislav Jovic: Mais qu'est-ce que cela signifie? On débat de toutes les

12 questions et on vote. Alors, eux, ils ont dit que si vous votez comme

13 cela, nous allions quitter le congrès. Alors, je lui ai dit: 'Mais qu'est-

14 ce que c'est que cette façon de procéder?' Il y a 4.000 délégués à ce

15 congrès, une déléguée serbe. Ils auraient dû décider de la chose avant,

16 là-bas, au lieu de nous faire du chantage ici. Alors s'ils veulent s'en

17 aller, qu'ils s'en aillent et qu'ils nous laissent, nous, les primitifs,

18 organiser le Parti comme nous estimons devoir le faire.

19 -Momir Bulatovic: La situation était tendue. Nous étions en train de suer,

20 de transpirer sur nos sièges, et la caméra s'est tournée de l'autre côté.

21 -Vasil Tupokovski (phon.): Pendant que Ribicic avait demandé la parole,

22 personne ne voulait la lui donner. Or, Ribicic, une fois arrivé sur le

23 podium, a dit que malheureusement, la délégation slovène ne pouvait pas

24 accepter ces circonstances. Et il a dit: 'les circonstances sont réunies

25 pour nous, pour ce qui est de quitter la Ligue des communistes de

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1 Yougoslavie'.

2 (La vidéo présente les délégués slovènes s'en allant. Ils ont commencé à

3 quitter la session plénière en utilisant la même voie de sortie.)

4 Commentaire: C'était un jeu assez sale et sans doute très transparent."

5 (Fin de l'interprétation de la diffusion vidéo.)

6 Monsieur Kucan, l'enregistrement vidéo que nous venons de visionner, avec

7 les observations qu'il nous a été donné d'entendre, traduit-il les

8 tensions et les difficultés qui ont prévalu pendant la tenue de ce

9 congrès?

10 Réponse: Oui, cela traduit ces circonstances de façon très fidèle,

11 notamment les applaudissements que nous avons reçus lorsque nous quittions

12 la salle.

13 Question: Nous avons pu voir les cartons de vote. Est-ce que vous avez

14 remarqué quoi que ce soit dans le comportement de l'accusé au moment du

15 vote par carte à main levée?

16 Réponse: Messieurs les Juges, je me dois de prononcer quelques phrases

17 avant que de répondre à la question posée. A l'occasion de ce congrès, il

18 a été débattu des questions les plus substantielles, sur le plan

19 politique, concernant la Yougoslavie. Or ce que nous avons proposé à

20 l'occasion de la tenue des débats au congrès était de débattre ou de

21 discuter du concept de la vie future conjointe en Yougoslavie pour savoir

22 s'il y avait un intérêt quelconque à maintenir cette communauté. Dans

23 quelles circonstances? Quels sont ses intérêts, et ainsi de suite? Donc

24 quelles sont les conditions sur lesquelles nous étions censés demeurer

25 membres de la même organisation aux fins de procéder à une démocratisation

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1 de la vie politique en Yougoslavie.

2 La teneur des amendements que nous avions proposés à cet effet était la

3 suivante: il s'agissait de mettre en place un pluralisme politique et

4 d'apporter notre soutien, parce que cela était devenu réalité déjà en

5 Yougoslavie, la Slovénie avait notamment eu des élections parlementaires

6 pour son assemblée nationale, donc entamer des processus politiques au

7 sein de la Yougoslavie et rejeter de la législation les dispositions qui

8 étaient afférentes à ce que l'on appelait le "délit verbal".

9 Il s'agissait également d'interdire de torturer les prisonniers

10 politiques, leur relâchement, relâchement de ces prisonniers politiques,

11 et nous voulions interdire les procès politiques, ainsi de suite. Nous

12 avons demandé à ce que les communications entre les différentes

13 Républiques, les différentes unités fédérales soient mises sur pied

14 d'égalité pour que, dans le vote, l'un ne puisse pas l'emporter sur

15 l'autre. Mais l'ambiance au congrès était celle de viser vers un isolement

16 des délégués slovènes pour ne pas les faire bénéficier d'un soutien

17 quelconque des délégués des autres républiques et provinces; cela est déjà

18 arrivé à l'occasion des débats des autres commissions et comités ainsi

19 qu'à la session du congrès, la session plénière du congrès même. C'est

20 ainsi que pratiquement tous les amendements que nous avions présentés se

21 sont vus rejetés. Et Milosevic qui… je dirais plutôt que Ciril Ribicic a

22 dit à ce moment-là que les communistes slovènes ne voyaient plus leur

23 place dans ce type d'organisation et qu'ils allaient décider de ces

24 questions-là chez eux.

25 Donc je voulais brièvement vous donner une description de la situation,

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1 une fois que les choses avaient culminé. En effet, il y avait des cartons

2 de vote, et l'accusé a été le premier ou l'un des premiers à avoir levé

3 son carton, il a été suivi par la majorité au congrès. Ils ont donc voté à

4 main levée en brandissant la même couleur de carton que lui pour rejeter

5 les amendements présentés par les Slovènes.

6 Question: Vous avez fait observer que les applaudissements qui ont suivi

7 le départ de la délégation slovène n'ont pas été sans signification. Donc

8 si vous voulez ajouter quelque chose à ce sujet, veuillez le faire, sinon

9 nous pourrions passer à un sujet autre.

10 Réponse: Oui. Peut-être serait-il bon de dire que tous ceux qui nous ont

11 raccompagnés en applaudissant n'ont vraiment pas compris que cela

12 signifiait la dissolution, la fin de la Yougoslavie. Et Ivica Racan qui se

13 trouvait présider la délégation croate au congrès a effectivement proposé

14 une interruption de cette session, de procéder à des consultations et de

15 poursuivre ensuite. Cependant, l'accusé a dit qu'il ne s'agissait pas du

16 tout d'interrompre les délibérations, de mettre en place un nouveau

17 quorum, à savoir une nouvelle majorité qui permettrait au congrès de

18 continuer parce que si l'on acceptait les propositions formulées par Ivica

19 Racan, cela signifierait la dissolution de la Ligue des communistes et son

20 démantèlement, la perte de sa direction. C'est ce qui est effectivement

21 arrivé, le congrès a été interrompu et il n'a jamais repris ses travaux.

22 Cela a annoncé la fin de la Yougoslavie en sa qualité d'Etat.

23 Question: Merci. Nous allons maintenant passer au paragraphe 26 de notre

24 résumé, il s'agit du mois de mai 1990 et il s'agit du désarmement de la

25 Défense territoriale slovène. Aux fins d'aller plus vite, puis-je vous

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1 demander, Monsieur Kucan, de vous pencher sur la pièce à conviction 447,

2 intercalaire 3?

3 (Intervention de l'huissière.)

4 Je demanderai que la version anglaise soit placée sur le rétroprojecteur.

5 Afin de gagner du temps, je me propose d'abréger le descriptif de ce

6 document. Cela a été élaboré le 14 mai 1990. Cela émane du secrétariat

7 fédéral à la Défense nationale. On y précise qu'il s'agit d'un document

8 strictement confidentiel, et l'intitulé concerne l'entreposage des

9 armements et munitions. Il s'agit là d'un ordre à l'intention des

10 commandements des districts militaires et des quartiers généraux de la

11 Défense territoriale de prendre sur soi la garde des munitions et des

12 défenses pour les placer sous la compétence ou la surveillance de la JNA.

13 A l'occasion de l'exercice ou accomplissement de ces tâches, il convient

14 de voir s'il y a lieu de supprimer certaines petites unités de la Défense

15 territoriale dont les armements et les munitions ne pourraient être

16 gardées dans les entrepôts de la JNA.

17 Il convient de se pencher sur le paragraphe 2 notamment: "A titre

18 d'exception" dit-on "là où les installations sont très éloignées où il n'y

19 a pas de possibilité pour garder les armes et munitions dans les entrepôts

20 et arsenaux de la JNA, leur installation et garde doivent être organisées

21 dans les entrepôts avec un gardiennage par les unités de la JNA".

22 Maintenant, si nous nous penchons sur le journal tenu par Borislav Jovic,

23 il s'agit maintenant de la pièce à conviction 448, et si nous nous

24 référons à la pagination en bas de page, ce serait la page 131, la date du

25 17 mai, où il est dit: "Nous entreprenons des mesures aux fins qu'en

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1 Slovénie et Croatie, les armes des entrepôts de la TO soient transférées

2 vers des dépôts militaires. Nous ne permettrons pas que ces armes soient

3 utilisées dans d'éventuels conflits ou pour procéder à une sécession

4 armée. Nous les avons pratiquement désarmés; formellement cela a été fait

5 le chef d'état-major, mais en fait cela a été suite à instructions de

6 notre part. Les Slovènes ont certes réagi avec véhémence, mais n'ont rien

7 pu faire."

8 Pour ce qui est du 18 mai 1990, on retrouve le libellé suivant: "Je me

9 trouve en week-end à Niksic. Le soir c'est Milan Kucan qui m'appelle, il

10 se plaint de la confiscation des armes. Il dit que la population s'y

11 oppose et qu'il pourrait y avoir des victimes, c'est la raison pour

12 laquelle il a convoqué une session de la Présidence de la Slovénie. Il

13 demande si nous pourrions nous rencontrer pour en discuter. Je lui ai

14 répondu: 'Certainement. Qu'il me contacte lundi matin pour convenir d'une

15 réunion'. Et je lui ai dit que j'avais entendu parler de cette action par

16 la radio et que je ne savais pas de quoi il s'agissait, mais je lui ai

17 recommandé de ne pas entrer en conflit avec l'armée, qu'il s'agissait de

18 restituer les armes et que nous allions corriger ou rectifier le tir

19 lundi, si besoin était. Cela avait commencé de façon violente. Nous avons

20 Stipe Suvar à Zagreb pour dire ce que nous avions conclu pour ce qui est

21 de ce qu'il convenait de dire au sein du Parlement de Yougoslavie".

22 Je ne pense pas devoir continuer. Je vais enchaîner avec le 21 mai.

23 On y dit: "Sont venus Kucan et Drnovsek pour discuter de la confiscation

24 des armes à la TO de Slovénie, partant d'une décision de la Présidence

25 pour ce qui est de la saisie des armes aux Défenses territoriales pour les

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1 placer sous le contrôle de la JNA. De mon côté, il y avait Veljko

2 Kadijevic et Anton Stari.

3 Kucan a parlé longuement. Il n'était informé par personne. Les armes ont

4 d'abord été saisies, puis on leur a fait savoir la chose. Il ne savait pas

5 de quoi il s'agissait, il n'en connaissait pas la raison et l'objectif. Il

6 considérait que cela se résumait à un désarmement et il demandait à savoir

7 qui avait donné les ordres. L'explication de l'état-major a été jugée

8 comme insuffisante. Il a estimé que la Constitution n'avait pas de textes

9 qui pourraient servir de fondement pour la prise de telles mesures.

10 Les armes ont été achetées par leurs soins et ils étaient chargés de la

11 conduite de la Défense territoriale. Et ils croient bien qu'il s'agit là

12 d'une intervention politique qui met en péri leur droit souverain; peut-

13 être la raison en est-elle l'ambiance qui s'est créée en Slovénie après

14 mon discours d'inauguration et la critique de ce discours en Slovénie et

15 en Croatie.

16 La situation politique en Slovénie, en raison de cette confiscation

17 d'armes, est très grave et il n'est pas certain des façons de faire pour

18 assainir les choses. Aussi demandent-t-il à être exactement informés de

19 quoi il retournait, de se voir restituer les armes pour assurer eux-mêmes

20 les conditions de leur entreposage, puis de procéder à la révocation du

21 commandement de la Défense territoriale pour la Slovénie et voir de quelle

22 façon il convenait de diminuer les tensions politiques.

23 Continuation de la situation. Veljko a expliqué que la mesure a été prise

24 pour le pays entier et non pas pour la Slovénie seule, parce que les

25 entrepôts étaient mal sécurisés, que la situation entre les ethnies, et

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1 notamment la situation politique, était très détériorée et que cela

2 relevait des compétences exclusives de l'armée (entreposage et disposition

3 de l'armement). Il a expliqué que les Républiques voulaient se mêler de

4 questions militaires alors qu'elles n'en avaient pas le droit.

5 Si elles assuraient, si ces Républiques assuraient de bonnes conditions

6 d'entreposage des armes, on pourrait envisager la restitution, mais cela

7 sous-entendait une unité armée et non pas un gardien, pour qu'il n'y ait

8 pas vol d'armes. Donc toutes les compétences de l'armée étaient maintenues

9 pour ce qui est de l'utilisation des armes dans les entrepôts de la JNA.

10 Bien entendu, Kucan n'était pas content de ces explications."

11 Le 22 mai, on dit: "Veljko m'informe de l'entretien qu'il a eu avec Ante

12 Markovic. Hier soir, il s'est entretenu avec lui pendant trois heures et

13 il l'a convaincu de notre concept pour ce qui est de rétablir l'ordre

14 constitutionnel et l'ordre juridique dans notre pays. Il avait émis des

15 doutes concernant les intentions d'Ante Markovic, mais il a dit qu'il

16 allait suivre cela attentivement".

17 Je n'ai pas le temps de donner lecture de tout le reste, mais je crois que

18 vous pourrez, vous, situer le contexte de ma question. Aviez-vous

19 connaissance à l'avance du désarmement qui allait être réalisé?

20 Réponse: Non. Personne ne nous en avait informés.

21 Question: L'ordre ou l'instruction que nous avons lue, est-ce que c'est là

22 quelque chose qui avait été appliqué à la totalité de la République

23 fédérale de Yougoslavie ou pas?

24 Réponse: L'ordre tel qu'il a été donné, je l'ai vu pour la première fois

25 maintenant. J'ai eu l'occasion de voir d'autres ordres émis, partant de

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1 cet ordre-ci, de la part du commandant du 5e District militaire à Zagreb;

2 et ces ordres-là concernaient le retrait des armes de la Défense

3 territoriale en Slovénie. Cet ordre a été émis le 15 mai, et c'est

4 précisément la date de la fin du mandat du Président de la Présidence de

5 la RSFY, le Dr Drnovsek qui représentait, lui, la Slovénie à la

6 Présidence. Et c'est la date à laquelle ces fonctions ont été reprises par

7 le Dr Jovic, au nom de la République de Serbie.

8 Cette chose est survenue suite à une situation où nous avons eu pour la

9 première fois des élections démocratiques au mois d'avril. Nous avions

10 déjà élu un nouveau Parlement en Slovénie. Et cet ordre émanant de Zagreb

11 est entré en vigueur le jour même où s'est tenue la première session de ce

12 Parlement, le jour où le gouvernement nouveau a été élu et où il a prêté

13 serment devant la Présidence. Et c'est à ces élections que j'ai été élu

14 Président de la Présidence.

15 Donc pour ce qui est de l'ordre en question, lorsque nous avons été

16 appelés par les gens de différentes municipalités pour nous parler de

17 l'ordre dont nous parlons, il disait que l'armée était venue avec des

18 ordres demandant à restituer les armes qu'ils avaient en leur possession.

19 C'était la première fois que nous avions obtenu cette information; donc ce

20 sont les gens des municipalités qui nous l'ont communiquée. Nous avons

21 compris que l'ordre avait pour visée de désarmer la Défense territoriale

22 slovène. Et dans le courant des entretiens ultérieurs, il s'est avéré que

23 l'objectif était d'empêcher les nouvelles autorités de Slovénie de se

24 servir de ces armes-là. J'attire votre attention sur le fait qu'il s'agit

25 là du mois de mai 1990.

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1 Formellement parlant, la Slovénie avait déjà décidé et discuté de son

2 indépendance, de son autonomie, de sa dissociation à l'égard de la

3 Yougoslavie, et cela ne s'est fait que lorsque nous avons entamé des

4 préparatifs pour le référendum en décembre 1990.

5 Donc pour ce qui est des raisons de penser, de croire que la Slovénie

6 allait se servir de ces armes pour faire sécession forcée à l'égard de la

7 Yougoslavie, eh bien, ces motifs n'étaient pas fondés du tout. Il n'y a

8 pas eu de vol d'armes des entrepôts de la Défense territoriale de

9 Slovénie, parce que ces entrepôts étaient très bien gardés.

10 Question: Tout ce que je voulais vous poser comme question au sujet de ces

11 armements, se trouve être couvert par les documents en question.

12 Je voudrais vous demander maintenant la chose suivante. Dans le paragraphe

13 27 de notre résumé, il est dit quelque chose; et je voudrais savoir si

14 vous avez contacté le général Hocevar et vous lui avez demandé une

15 explication?

16 Réponse: Oui, c'est ce qui s'est passé, je voulais entrer en contact avec

17 le général Hocevar. Mais, avec l'autorisation de la Chambre, je dirai

18 quelque chose avant que de répondre à votre question.

19 La Défense territoriale de la Slovénie faisait partie intégrante des

20 forces armée de la Yougoslavie. Elle a été établie en 1968 après l'attaque

21 des forces du Pacte de Varsovie sur la République tchécoslovaque. En temps

22 de paix, toutes les compétences et autorités afférentes à la Défense

23 territoriale revenaient aux Républiques parce qu'elles les finançaient sur

24 leurs budgets nationaux; ce sont elles qui achetaient les armes et autres

25 équipements en se servant de leur budget. Ces armes étaient gardées pour

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1 cas de danger de guerre. Le commandant de la Défense territoriale était

2 nommé par la présidence de la Yougoslavie, mais à chaque fois, après

3 consultation avec les Républiques et les instances des Républiques.

4 Le général Hocevar a été nommé commandant en chef de la Défense

5 territoriale mais sans approbation quelconque de la part de la République

6 de le Slovénie telle que prévue par la loi. Les choses étaient faites

7 lorsque j'ai été informé par les municipalités qu'on confisquait les armes

8 de la Défense territoriale. J'ai demandé au général Hocevar de m'expliquer

9 de quoi il s'agissait, il m'a répondu: "Nous sommes en train de remplacer

10 ces vieilles armes qui pourraient être considérées comme des armes les

11 plus modernes possible". J'avais demandé une réunion. Or, il m'a répliqué

12 qu'il avait reçu des instructions disant que ni moi ni quiconque d'autre

13 de la direction politique de la Slovénie n'était informé de ces activités.

14 Il s'est donc trouvé dans une situation où il ne comprenait pas très bien

15 quels sont les ordres qui devaient être suivis, donc il a suivi cet ordre-

16 là parce qu'il avait estimé qu'il fallait le faire.

17 M. Nice (interprétation): Merci. Passons maintenant à l'intercalaire 2 de

18 la pièce à conviction 447. La Chambre de première instance dispose de ce

19 discours. Mais il y a des divergences entre la version que nous avons sous

20 les yeux et celle qui nous sera passée sur l'écran.

21 M. le Président (interprétation): Il s'agit de l'intercalaire 6?

22 M. Nice (interprétation): Oui, intercalaire 6. Avant de visionner cette

23 cassette, je crois qu'il s'agit du mois de juin où l'accusé s'est adressé

24 au Parlement serbe.

25 (Début de l'interprétation de la diffusion vidéo.)

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1 (Les interprètes n'entendent rien. Tout est inaudible.)

2 "Il s'agit d'une allocution prononcée par l'accusé devant le Parlement

3 serbe en juin 1990…"

4 (L'interprète précise qu'il cite après le début de la séquence vidéo car

5 le son était inaudible.)

6 "…du Parlement de Serbie, avec ces mots, en expliquant le projet de texte

7 concernant le projet le plus important pour la République. Selon la

8 nouvelle Constitution, une Serbie unifiée sera créée en tant qu'Etat

9 souverain."

10 (Fin de l'interprétation de la diffusion vidéo.)

11 (Les interprètes s'excusent, mais la séquence est inaudible.)

12 Monsieur le Président, dans ces conditions, la transcription a été mise à

13 disposition. Je pense que le mieux serait de lire la version anglaise. Et

14 le témoin a entendu la cassette hier dans des conditions de son un peu

15 meilleure que celles d'aujourd'hui, donc je pense qu'il s'en souvient

16 encore.

17 M. le Président (interprétation): Puisque nous avons le texte sous les

18 yeux et qu'il est court, je pense que vous ne traiterez que des points qui

19 vous intéressent.

20 M. Nice (interprétation): Oui, bien sûr. Un peu plus bas que le passage

21 qui vient d'être lu, le journaliste résume la situation: une nouvelle

22 Constitution, une Serbie unifiée doit être créée en tant qu'Etat souverain

23 en fonction de cette nouvelle Constitution.

24 Phrase suivante: on met l'accent sur le fait que la Yougoslavie est un

25 Etat fédéral, que c'est le choix politique fondamental pour la Serbie.

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1 S'agissant la désintégration et de la tendance favorable à une

2 confédération de la part de certains éléments dans le pays, Milosevic

3 déclare que le projet de Constitution de Serbie a été élaboré dans le

4 respect de toutes les options possibles pour la Serbie en tant qu'Etat

5 indépendant.

6 Je cite-: "Adopter la nouvelle Constitution, entre autre chose, devrait

7 empêcher toute tentative de conversion en catimini de la Yougoslavie

8 fédérale en confédération; c'est-à-dire représenter un moment où la Serbie

9 dira, très clairement et en temps utile, que les frontières

10 administratives de la Serbie ne peuvent exister que dans le sein d'un

11 système fédéral en Yougoslavie parce que si le système yougoslave était

12 modifié, c'est-à-dire si une confédération était créée, toutes les

13 questions constitutionnelles seraient remises en débat. Une confédération

14 n'est pas un Etat mais l'union de plusieurs Etats indépendants.

15 Par conséquent, il n'y a eu aucune confédération même si tous les sujets

16 politiques de la Yougoslavie la souhaitent. Il ne peut y avoir aucune

17 confédération, même si tous les sujets politiques de la Yougoslavie la

18 souhaitent, à l'intérieur des frontières administratives existantes pour

19 la Yougoslavie, s'agissant de la division en plusieurs Républiques. Dans

20 ce cas… dans le cas où la Yougoslavie fédérale serait rejetée, la question

21 des frontières de la Serbie deviendrait une question politique en débat."

22 (Fin de citation.)

23 Un peu plus loin, nouvelle citation. D'abord des commentaires de

24 journalistes. Puis l'accusé s'exprime. Nous sommes en page 2 du texte.

25 Je cite: "Par conséquent, étant donné l'importance et les conséquences à

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1 long terme de la mise en œuvre des projets de réformes politiques en

2 Serbie et dans l'intérêt de la stabilité politique de la Serbie, je

3 propose que les citoyens s'expriment sur le projet proposé par la

4 présidence de Serbie par le biais d'un référendum. De cette façon, nous

5 éliminerons facilement les conflits inutiles et priverons la coalition qui

6 agit contre la Serbie de tout fondement à de quelconques accusations selon

7 lesquelles nous souhaiterions imposer une nouvelle Constitution de façon

8 anti-démocratique, aujourd'hui en particulier. Alors que la coalition

9 antiserbe mène une campagne sans précédent contre la Serbie dans le pays

10 et à l'étranger au moment où le Kosovo met en place un spectacle pitoyable

11 de plus dont le scénario implique la participation y compris du Parlement

12 de la région. Impliquer de cette façon l'organe suprême du gouvernement

13 régional est une façon anticonstitutionnelle et illégale d'agir et de

14 soutenir, en fait, le combat des séparatistes albanais au nom d'une

15 prétendue démocratie. C'est la meilleure preuve que ce qu'il est convenu

16 d'appeler "l'alternative démocratique albanaise" n'est rien de plus qu'un

17 mouvement nationaliste prônant la séparation du Kosovo et de la Metohija,

18 c'est-à-dire un mouvement dirigé contre l'Etat serbe et contre son

19 intégrité. Par conséquent, depuis la place où je me trouve, je tiens à

20 dire que l'Etat serbe considérera toute tentative de s'emparer d'une

21 partie du territoire comme un acte dirigé contre l'Etat et contre le

22 peuple et agira en conséquence." (Fin de citation).

23 Monsieur Kucan, vous avez vu cette cassette vidéo hier dans des meilleures

24 conditions d'audition. Nous voyons ce qui est dit par l'accusé au sujet

25 des frontières qui pourrait constituer un problème politique. Je vous

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1 demande de ne pas perdre de vue que nous sommes pressés par le temps et,

2 dans ces conditions, de nous dire quelle est votre traduction de ce

3 discours et quel effet il a produit sur vous et d'autres.

4 M. Kucan (interprétation): Eh bien, cette séquence nous montre une réunion

5 de la Présidence de l'assemblée de la République de Serbie où la

6 proposition de la Présidence de Serbie en vue d'une nouvelle Constitution

7 pour la République de Serbie est débattue. Cette réunion a eu lieu à un

8 moment où, en Yougoslavie, nous étions tous à la recherche de moyens pour

9 résoudre la crise.

10 A cette époque-là, différentes solutions étaient envisageables en

11 Slovénie. Pendant toute cette période, nous étions favorables à un nouvel

12 accord relatif à l'avenir de l'Etat yougoslave sur la base des intérêts

13 liés à la nécessité de coexister au sein d'un même Etat et sur la base

14 d'une recherche de solution pour mettre en pratique ces propositions.

15 Nous avons d'abord remarqué, dans le cadre des diverses options qui

16 étaient proposées, que l'une d'elles proposait de créer une confédération

17 entre les différentes Républiques de l'ex-Yougoslavie. Cette proposition

18 de projet de Constitution serbe, qui a été adoptée je crois à l'automne

19 1990, est donc relative à une confédération, et c'est une proposition

20 émanant de la direction politique serbe. Selon cette proposition, une

21 confédération n'est pas un Etat. Il est également souligné que cette

22 option ne doit pas être adoptée, car le problème des frontières entre les

23 Républiques deviendrait un problème brûlant.

24 Le point de départ était le suivant s'agissant de ces débats. Les

25 frontières entre les Républiques yougoslaves étaient considérées comme des

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1 frontières administratives; ce qui est en fait contraire à la réalité. La

2 première Constitution, votée après la Deuxième Guerre mondiale, a établi

3 les frontières. Ces frontières faisaient l'objet d'un consensus et, à

4 partir de ce moment-là, toutes les Constitutions yougoslaves suivantes

5 contenaient une disposition selon lesquelles les frontières entre les

6 Républiques étaient non modifiables en dehors d'un consensus entre toutes

7 les Républiques.

8 Vous m'avez demandé: quelle était mon interprétation du message que

9 transmettait l'orateur à ce moment-là? Et je vous répondrais de la façon

10 suivante: ce message consistait à dire ainsi que si la Yougoslavie était

11 démantelée si d'autres solutions étaient adoptées, la Serbie ne donnerait

12 jamais son accord à la création d'une situation dans laquelle le peuple

13 serbe pourrait se trouver résider en dehors du territoire de la République

14 de Serbie. Et ceci définit la divergence dont j'ai parlé dans mon propos

15 liminaire.

16 Notre conception de l'Etat yougoslave était différente. Et nous avions

17 également une position différente quant aux décisions qu'il convenait de

18 prendre. Cependant, je tiens à mettre l'accent sur le fait que, compte

19 tenu des circonstances, nous avons proposé une solution pour le problème

20 national serbe également, à savoir qu'il y avait une question très

21 difficile à résoudre. L'alternative pouvait être d'appliquer les normes

22 européennes, de recourir aux normes internationales pour sauvegarder et

23 défendre les droits des Serbes qui vivaient en tant que minorité dans

24 d'autres Républiques de Yougoslavie, notamment dans la République de

25 Croatie ou dans la République de Bosnie-Herzégovine. Dans la République de

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1 Bosnie-Herzégovine, les Serbes étaient l'un des trois peuples

2 constitutifs. Quant à la doctrine politique serbe soulignée pendant toute

3 cette période, selon laquelle les Serbes ne pouvaient pas vivre en tant

4 que minorité ethnique dans une partie quelconque de la Yougoslavie, elle

5 constituait une sorte de suite philosophique logique, mais elle impliquait

6 une nouvelle définition des frontières par le recours à la force.

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, est-ce le moment opportun

8 à la pause?

9 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, j'aurais effectivement

10 besoin d'encore une demi-heure. J'espère en avoir fini à ce moment-là,

11 avec le témoin.

12 (L'audience, suspendue à 10 heures 40, est reprise à 11 heures.)

13 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, je vous donne encore 30

14 minutes. Il se pourrait que cet après-midi nous devions poursuivre. Je ne

15 sais pas dans quelle mesure cela sera possible, nous vous en informerons

16 en temps utile.

17 M. Nice (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

18 Monsieur Kucan, nous allons passer en revue un certain nombre de questions

19 de façon assez rapide. Au paragraphe 36 du résumé qui a été remis aux

20 Juges de la Chambre, vous parlez d'un plébiscite qui a eu lieu en décembre

21 1990 et les chiffres qui ont été publiés sont assez élevés. En fait, la

22 population, dans une large majorité, s'est prononcée en faveur d'un Etat

23 indépendant; et cette décision est intervenue six mois plus tard. Je pense

24 que vous nous avez déjà dit cela. Est-ce que vous pouvez vous confirmer?

25 M. Kucan (interprétation): Oui.

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1 Question: Nous passons à présent aux paragraphes 39 et 40 de votre résumé;

2 il est question d'extraits du journal de Borislav Jovic et des réunions

3 qui ont eu lieu entre Kadijevic et Milosevic. Il s'agissait de séances à

4 huis clos, au cours desquelles différentes questions d'ordres militaires

5 ont été examinées.

6 Est-ce que vous saviez, est-ce que vous aviez eu connaissance de

7 l'existence de ces réunions au moment des faits? Ou est-ce que vous en

8 avez pris connaissance qu'au moment où vous avez lu le journal?

9 Réponse: Non, je ne savais rien à leur sujet à l'époque même des faits.

10 Question: Je vous remercie. Au paragraphe 41, est-ce que la Croatie et la

11 Slovénie étaient en faveur d'une confédération d'Etat? Est-ce qu'il

12 s'agissait là d'une proposition qui a été rejetée lors d'une réunion de la

13 présidence qui s'est déroulée en janvier 1991 à laquelle ont participé les

14 autorités républicaines?

15 Réponse: Oui, au cours de l'été 1990, au niveau de la présidence

16 yougoslave, une décision a été prise afin que la Slovénie et la Croatie

17 élaborent un projet de contrat, et le reste des quatre Républiques devait

18 élaborer un concept moderne de confédération. Toutefois, ce concept ou

19 plutôt cette idée a été rejetée lors de la séance qui a suivi la réunion

20 de la présidence en janvier.

21 Question: Au paragraphe 42 du résumé, y a-t-il eu des pourparlers entre

22 les délégations serbes et slovènes en janvier 1991? Vous étiez à la tête

23 de la délégation slovène, l'accusé était à là tête de la délégation serbe;

24 au cours de ces pourparlers, avez-vous discuté la question de la

25 confédération? Et puis est-ce que plus tard en février, y a-t-il eu des

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1 réunions des Présidents républicains à Belgrade, une fois de plus au cours

2 desquelles on a examiné la question de la confédération; cette idée ayant

3 été rejetée par la Serbie, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la

4 Macédoine, et suite à cela vous avez décidé qu'un modèle de confédération

5 ne pouvait pas être accepté?

6 Réponse: S'agissant du plébiscite au sujet de l'indépendance de la

7 Slovénie, cette décision a été adoptée en décembre, lors de la

8 communication des documents. J'aimerais, à cet égard, souligner deux

9 aspects. Tout d'abord, la Slovénie voulait régler toutes ses relations

10 avec les autres Républiques une fois qu'elle avait obtenu son

11 indépendance. Elle voulait le faire par voie consensuelle, et souhaitait

12 également déterminer les possibilités d'une coopération constitutionnelle

13 future avec les Républiques de la Yougoslavie.

14 Le deuxième aspect qu'il y a lieu de mentionner au sujet de ces documents

15 qui ont été publiés après le plébiscite, concerne le fait que l'assemblée

16 et le gouvernement devront prendre toutes les mesures nécessaires pour que

17 la Slovénie devienne un Etat indépendant, et cette décision doit faire

18 fond sur la Constitution et les autres documents juridiques de la

19 République de Slovénie. Les dirigeants politiques slovènes ont également

20 décidé à ces moments-là de leur intention concernant le type

21 d'indépendance et la façon de réglementer les relations avec d'autres

22 Républiques en optant pour un contact direct, en optant pour des

23 pourparlers avec les dirigeants des autres Républiques, tout en veillant à

24 ce que cette réunion se fasse au niveau des organes de la Fédération qui

25 étaient les seuls intermédiaires entre les Républiques et les provinces.

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1 Notre position était que les parties constituantes de la Yougoslavie

2 étaient les Républiques de la Fédération. Par conséquent, cette réunion

3 qui s'est déroulée le 10 janvier 1991, au cours de laquelle on a eu des

4 pourparlers bilatéraux entre les dirigeants de la Slovénie et ceux de la

5 Serbie, j'étais présent, de même que l'accusé; et nous avons déterminé à

6 ce moment-là qu'il fallait oublier toute idée de transformer la

7 Yougoslavie en confédération.

8 Question: Alors que nous nous approchons de la date…

9 (Les interprètes de la cabine anglaise demandent que le débit du témoin

10 soit ralenti.)

11 Alors que nous nous approchons de la date d'indépendance de la Slovénie,

12 nous constatons que la Croatie avait annoncé son intention de faire part

13 de son indépendance. J'aimerais savoir s'il y a bien eu une réunion qui

14 s'est tenue à Brdo, en date du 11 avril 1991, dans le cadre des

15 discussions qui se poursuivaient. Il s'agit du paragraphe 45.

16 Et au cours de cette réunion, ou plus particulièrement lors d'une des

17 suspensions de cette réunion, vous vous êtes, vous, entretenu en tête-à-

18 tête avec l'accusé. Est-ce que vous avez abordé la question des

19 difficultés qui étaient les vôtres? Est-ce que vous avez fait part de vos

20 frustrations? Que pouvez-vous nous dire, en quelques mots, au sujet des

21 propos prononcés par l'accusé?

22 Réponse: Oui. Cette réunion a eu lieu; il s'agissait d'une des réunions

23 qui étaient organisées de façon régulière après janvier 1991. Il

24 s'agissait de réunions régulières des Présidents des Républiques de

25 Yougoslavie pour discuter d'un seul sujet, à savoir quelle était l'issue

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1 que l'on pouvait envisager pour la crise, et comment pouvions-nous vivre,

2 cohabiter ensemble en Yougoslavie? Quel était l'avenir que l'on pouvait

3 envisager? Quelle était la formule qu'il fallait envisager?

4 Et au cours de cette réunion plus particulière qui a eu lieu à Brdo, près

5 de Ljubljana, une des questions… ou plutôt, cette question précise a

6 également été examinée. Et en fait, 26 mois se sont écoulés entre le

7 moment où la décision a été prise de procéder à un plébiscite et la date

8 où l'indépendance a été prononcée.

9 Le Président Tudjman a également dit, lors de cette réunion, que si la

10 Slovénie devait en effet adopter la même voie que ce qu'envisageait la

11 Croatie… Nous avons examiné cette question avec l'accusé lors d'un

12 entretien privé. Et après cela, l'accusé m'a dit: "Si les Slovènes veulent

13 quitter la Fédération, à ce moment-là, il ne sera pas possible pour nous

14 de nous opposer. Toutefois, les conditions devront être rassemblées,

15 réunies, avant que la Slovénie ne puisse quitter la Yougoslavie".

16 Néanmoins, il n'en allait pas de même pour la Croatie, compte tenu du fait

17 qu'une partie importante des Serbes vivait sur le territoire de la Croatie

18 -et de la sorte, il y avait ce lien de sang qui les unissait avec la

19 Croatie-, lorsque nous avons entendu cette proposition au sujet de la

20 Constitution serbe -je fais allusion à l'enregistrement, lorsqu'on a dit

21 qu'il n'était pas possible d'accepter une autre forme de relation entre

22 les Républiques de Yougoslavie- à ce moment-là, on ne pouvait pas accepter

23 d'autre type de relations qu'une fédération parce que, sinon, d'autres

24 questions allaient devoir être examinées.

25 Question: Nous passons à présent au paragraphe 49 de votre résumé. La

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1 déclaration d'indépendance de la Slovénie a été prononcée le 25 juin 1991.

2 Je pense que vous avez déjà signalé que plusieurs documents avaient été

3 publiés et avaient donc été offerts au public pour être examinés plus

4 avant.

5 Je pense qu'il y a eu une espèce de fête, de célébration, la veille ou

6 plutôt le jour même de l'indépendance; n'est-ce pas exact?

7 Réponse: Oui. Le 25 juin, l'assemblée slovène a adopté ou entériné les

8 documents, plus particulièrement la Charte portant création de

9 l'indépendance de la Slovénie, ainsi qu'une législation qui permette de

10 traduire dans les faits cette indépendance. Et dans ces documents, on a

11 reproduit tous les éléments de fond, à savoir que la Slovénie voulait

12 exercer son droit à l'autodétermination, mais ne voulait pas le faire au

13 détriment ou à l'encontre des droits des autres Etats en Yougoslavie. Elle

14 souhaitait également régler toutes les relations du passé et voulait

15 également envisager des relations futures.

16 Et ces documents ont été adoptés le lendemain, c'est-à-dire le 26 juin. Et

17 c'est à la veille de ce jour qu'on a organisé cette célébration afin de

18 fêter la décision qui a été prise par les citoyens de la Slovénie.

19 Question: Merci. Nous savons qu'il y a eu un conflit militaire très bref

20 entre la Slovénie et la JNA. Pourriez-vous nous dire quand ce conflit a

21 commencé et à quelle date il y a été mis fin, je vous prie?

22 Réponse: La JNA a procédé à une agression immédiatement après la

23 promulgation de l'indépendance. Et si ma mémoire ne me trompe pas, je

24 crois qu'il s'agissait de 2 heures 30 du matin. Les chars sont sortis de

25 la caserne en direction des frontières extérieures de la République de

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1 Slovénie.

2 Cette décision semble indiquer -bien que nous ne sachions rien à cet

3 égard-, donc cette décision aurait été adoptée lors d'une réunion du

4 gouvernement fédéral, mais elle a été considérée comme illégale et

5 anticonstitutionnelle puisque seule la Présidence de la Yougoslavie

6 pouvait adopter de telles décisions.

7 Et ce conflit ou cette agression, ou plutôt cette guerre à l'encontre de

8 la Slovénie s'est interrompue le 7 juillet, lors de l'organisation d'une

9 réunion sur les îles de Brioni. Et sur proposition d'un ministère ou d'une

10 troïka de l'Union européenne, au cours de la période comprise entre le 27

11 juin et le 7 juillet, il y a eu des entretiens au sujet de ce conflit armé

12 et c'est Hans Van den Broek, qui était à l'époque ministre des Affaires

13 étrangères des Pays-Bas, qui a dirigé ces pourparlers.

14 Question: S'agissant du retrait de la JNA de la Slovénie, que pouvez-vous

15 nous dire? Qu'est-ce qui s'est passé? Et est-ce que vous avez constaté

16 vers où la JNA s'est dirigée?

17 Réponse: La décision concernant la JNA, ou plutôt le retrait des unités

18 restantes de l'armée, étant donné qu'il n'y avait plus de Slovènes ni de

19 Croates qui faisaient partie des rangs de l'armée, cette décision a été

20 adoptée lors d'une réunion du 18 juillet de la présidence fédérale, c'est-

21 à-dire dix jours après la réunion qui s'était déroulée à Brioni. La

22 présidence a décidé d'assurer ce retrait dans une période de trois mois.

23 Et le dernier soldat a quitté le territoire slovène le 26 octobre de la

24 même année.

25 S'agissant des documents qui ont été adoptés par l'Assemblée de la

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1 Slovénie le 26 juin, la période qui avait été convenue était de cinq ans.

2 Toutefois, la présidence avait décidé que ce retrait s'effectuerait en

3 trois mois.

4 La JNA s'est retirée en direction de la Bosnie-Herzégovine et non pas

5 ailleurs sur le territoire de la Slovénie ou de la Croatie. En fait, la

6 JNA s'est retirée sur le territoire où il y avait des Serbes en majorité.

7 Question: Dans la pièce à conviction 448 qui concerne les extraits du

8 journal de Jovic, il y a un certain nombre de rubriques. Je vous invite à

9 vous reporter à la rubrique 311 qui concerne la date du 5 juillet. Je

10 vais, très brièvement, les passer en revue compte tenu du temps limité qui

11 nous est imparti.

12 Donc le 5 juillet, votre rubrique commence en précisant que "Jovic a dit

13 que Slobodan et moi-même avons prévu une réunion avec Kadijevic au sujet

14 d'une question fondamentale. La situation dans le pays est tragique, la

15 JNA a été battue, le moral est mauvais".

16 Si nous passons à la page suivante, à la page 326, on peut lire qu'une

17 décision a été adoptée concernant le retrait de la JNA du territoire de la

18 Slovénie vers des Etats ou d'autres unités de la JNA allaient être

19 redéployées.

20 Puis, la date du 10 juillet: "Veljko, Slobodan et moi-même sommes assis

21 dans mon bureau en compagnie des Présidents de la Présidence des

22 Républiques et nous discutons de l'avenir de la Yougoslavie".

23 Paragraphe suivant: "La JNA doit être transformée en force militaire".

24 Monsieur Kucan, le temps nous est vraiment très limité. Vous avez passé en

25 revue tous ces extraits. Est-ce que vous souhaitez rajouter quelque chose

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1 à leur sujet? Est-ce que vous pensez qu'ils reflètent effectivement ce qui

2 s'est passé à cette époque-là?

3 Réponse: Hormis la réunion de la Présidence à laquelle j'ai déjà fait

4 allusion -j'avais précisé qu'il s'agissait du 17 juillet, en fait, il

5 s'agissait du 15 juillet-, nous ne disposions d'aucune information au

6 sujet de cette réunion. Il s'agissait du retrait des positions occupées

7 par la JNA sur le territoire de la Slovénie, et en fait, ce retrait

8 confirme ce qu'on trouve dans ces notes au sujet des raisons qui sous-

9 tendent les tâches qui avaient été confiées à cette armée.

10 M. Nice (interprétation): Avez-vous également passé en revue certains

11 extraits de l'ouvrage de Kadijevic que nous n'avons pas encore versé en

12 tant que pièce à conviction, mais qui devrait peut-être se voir attribuer

13 une cote séparée.

14 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction de

15 l'accusation 449.

16 M. Nice (interprétation): Sans vous reporter à ces différents passages,

17 toujours dans un souci d'économie du temps, que pouvez-vous dire à ce

18 sujet, Monsieur Kucan? Quelle est votre position quant à la façon dont

19 Kadijevic a décrit le processus de nationalisation de l'armée suite au

20 retrait de la Slovénie?

21 M. Kucan (interprétation): A quel extrait faites-vous allusion? Faites-

22 vous allusion à l'ouvrage?

23 Question: Oui.

24 Réponse: Lorsque cet ouvrage a été publié, je l'ai lu. Donc que voulez-

25 vous savoir plus précisément au sujet de cet ouvrage?

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1 Question: Est-ce que vous vous rappelez exactement quel est le passage qui

2 traite de l'armée et de son retrait? Cette question pourra peut-être être

3 évoquée dans le cadre du contre-interrogatoire.

4 Question: Si vous faites allusion à cet extrait et plus particulièrement à

5 la description qu'il en fait, et à ses pensées quant aux raisons pour

6 lesquelles l'armée devrait effectuer un retrait, ceci est certes vrai

7 parce que cela faisait partie de la reconnaissance selon laquelle la

8 Yougoslavie ne pouvait plus être rassemblée. L'armée constituait ou

9 représentait un facteur d'intégration.

10 S'agissant du retrait de la Slovénie, la mission stratégique de l'armée

11 avait été modifiée. Il ne s'agissait plus de protéger la Yougoslavie, mais

12 plutôt de protéger les frontières internes de la Yougoslavie, des parties

13 plus confinées plus particulièrement les parties sur lesquelles vivaient

14 les Serbes.

15 En fait, c'est ainsi que j'ai compris qu'ils ne voulaient plus faire

16 partie d'un Etat dans lequel les Serbes vivraient en dehors d'un seul

17 Etat.

18 Question: Peut-être qu'il serait bon de se reporter à l'extrait dont il

19 est fait mention à la page 73, plus particulièrement à la note de bas de

20 page. On voit que le témoin pourra peut-être se souvenir qu'il y a une

21 référence dans l'ouvrage de M. Kadijevic à la ligne Karlobag-Virovitica.

22 Avez-vous le moindre souvenir de ce qui a été dit au sujet de cette

23 citation?

24 Réponse: Pour ce qui est de savoir où se situeraient les frontières de

25 cette Yougoslavie diminuée, limitée en quelque sorte, à savoir la

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1 Yougoslavie privée de la Slovénie et de certaines parties de la Croatie,

2 donc avec les parties habitées essentiellement par des Serbes, cela

3 coïncide en général avec la ligne Karlobag-Virovitica, et plus au sud en

4 direction de l'Herzégovine et du Monténégro. Il en a été question en

5 Yougoslavie, de façon assez fréquente, avant même la publication du livre

6 de M. Kadijevic. Cela ne fait que confirmer ce que nous savions d'ores et

7 déjà bien avant.

8 Question: Je voudrais vous demander quelques autres commentaires avant

9 d'en finir avec les questions que j'ai à vous poser. L'une des questions

10 ou l'un des sujets concerne la situation de faits, cela est reproduit au

11 paragraphe 14 du résumé de votre déclaration. Dans la situation qui a

12 précédé la décision de sécession et de proclamation d'indépendance, vous

13 êtes-vous vu imposer des limites pour ce qui est de l'accès aux

14 informations qui vous avaient été fournies par l'armée? Quand je dis

15 "vous", j'entends la République de Slovénie.

16 Réponse: Pour ce qui est des relations entre la Slovénie et la JNA, je

17 dirais que ces relations étaient caractérisées par une série de conflits à

18 partir de 1988 déjà. Je crois que la Chambre est déjà au courant de cela.

19 Il est donc tout à fait compréhensible le fait que nous ne recevions

20 pratiquement pas d'informations ou d'informations très partielles,

21 notamment pour ce qui est des plans et des positions de l'armée à l'égard

22 de la Slovénie. Ce que nous savions, c'est qu'il y avait un quartier

23 général spécial de mis en place pour ce qui est de régler la situation en

24 Slovénie. Cela nous a été signifié par des généraux slovènes, mais nous

25 n'avons pas eu la possibilité de le vérifier, ou du moins nous n'avons pu

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1 le faire que bien plus tard.

2 Question: Messieurs les Juges, j'ai ici deux pièces à conviction que nous

3 n'avons pas encore examinées. Il s'agit des intercalaires 4 et 5. Ce sont

4 des articles comportant des interviews du témoin accordées en 1992 et

5 1993. La finalité peut être constatée à partir de la lecture de ces

6 articles. Il y est fait référence au terme de "Grande Serbie" qui avait

7 été utilisé; quoique non pas par l'accusé.

8 Ma question serait la suivante: je voudrais donc parler de la Serbie et

9 des limites qu'elle devrait comporter. La question à l'intention du témoin

10 est la suivante.

11 Pensez-vous, Monsieur Kucan, qu'il y avait des points de vue variés sur ce

12 que la Yougoslavie était censée devenir après son démantèlement? Vous avez

13 fait des appréciations disant que le nationalisme a joué un grand rôle.

14 Pourriez-vous donc nous en dire quelque chose, mais très brièvement?

15 Réponse: Dans mon introduction, j'ai dit qu'une des caractéristiques

16 fondamentales du démantèlement de la Yougoslavie avait été une crise des

17 valeurs, des valeurs éthiques et autres. En fait, la Yougoslavie, en sa

18 qualité de pays non aligné et en sa qualité de ce qu'elle avait constitué,

19 avait conduit ou parachevé le rôle qui était le sien. Une fois que ces

20 valeurs ont sombré, une fois que ce système de valeurs s'est effondré, il

21 a prévalu un concept nationaliste qui est devenu le critère fondamental

22 pour toutes les activités, et c'est là un développement des plus

23 tragiques. L'aspiration à la liberté, à l'indépendance de tout peuple est

24 un droit tout à fait légitime.

25 Maintenant, la question qui se pose est de savoir si ces droits peuvent et

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1 sauraient être réalisés au détriment des autres peuples ou du droit des

2 autres peuples. Et c'est là qu'il y a eu des divergences de conceptions.

3 Question: En effet. Avez-vous une opinion, un point de vue à formuler

4 concernant la perte de ces valeurs et concernant le vide qui s'est créé,

5 qui devait forcément être comblé?

6 Réponse: En effet. En fait, nous avons eu des propositions de formuler à

7 l'occasion du 14e Congrès de la Ligue des communistes de Yougoslavie. En

8 d'autres termes, les propositions formulées par la délégation slovène

9 soulignaient la nécessité de remplir ce vide au moyen d'un nouveau système

10 de valeur, de nouvelles normes en faveurs desquelles la Yougoslavie et

11 l'Europe s'employaient depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

12 J'entends par ces valeurs-là celles de démocratie, d'économie de marché

13 ouvert, d'ouverture à l'égard du monde et de nécessité de sauvegarder

14 cette image de marque, que la Yougoslavie avait ou était censée avoir au

15 niveau de la communauté internationale.

16 Je voudrais également souligner qu'officiellement les termes de "Grande

17 Serbie" n'étaient pas des termes utilisés par la direction des dirigeants

18 serbes. Toutefois, la République de Serbie -au sens restreint du terme et

19 au sens plus vaste du terme- à savoir la République de Serbie qui

20 engloberait tous les Serbes, ce sont là deux choses tout à fait

21 différentes.

22 Question: Justement, vous avez parlé auparavant de deux concepts pour la

23 Yougoslavie. L'un des concepts sous-entendait celui où les Serbes

24 vivraient tous sous un même toit, et l'autre serait une communauté de

25 nations. Est-ce que ce démantèlement reflétait en réalité la mise en place

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1 de l'une des deux conceptions en présence?

2 Réponse: La façon dont ces conceptions ou ces concepts réalisés et les

3 faits survenus en disent assez long par eux-mêmes. Et de nos jours encore,

4 ces concepts sont aisément discernables pour ce qui est de ce qui avait

5 été prôné par les différentes parties de l'ex-Yougoslavie; et cela englobe

6 également les circonstances et les systèmes de valeur caractéristique de

7 l'Europe de nos jours.

8 Question: Et pour finir, au paragraphe 62, je voudrais vous demander s'il

9 serait à votre avis important de procéder à une comparaison entre le

10 démantèlement de la Yougoslavie et des autres pays tels que l'URSS et la

11 Tchécoslovaquie à l'époque?

12 Réponse: Tout à fait, cela importe pour au moins deux raisons.

13 Premièrement, notre proposition à l'intention de la communauté

14 internationale, aussi bien qu'à l'intention de l'Union européenne,

15 consistait à réaliser et à reconnaître le fait que les jours de la

16 Yougoslavie de l'époque étaient comptés et que leur intervention était

17 nécessaire pour que ce démantèlement se fasse de façon contrôlée, sans

18 violence notamment.

19 La deuxième des raisons est en étroite corrélation avec la première que

20 j'ai avancée. La réponse à ces requêtes était celle de dire que la

21 Yougoslavie ne devait pas être démantelée parce que cela fournirait un

22 mauvais exemple, un mauvais modèle à l'intention de l'Union soviétique;

23 Union soviétique qui constituait un cas bien plus complexe que ne l'est

24 celui de la Yougoslavie. Dans ces changements et dans cette

25 restructuration après la chute du mur de Berlin, période à laquelle la

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1 Tchécoslovaquie s'est démantelée également, il y a eu en quelque sorte des

2 compositions de l'Union soviétique, et tout ceci s'est fait de manière

3 pacifique sans effusion de sang, et il n'y a que la Yougoslavie qui s'est

4 démantelée au moyen d'une tragédie et d'une effusion de sang. La question

5 qui se pose est celle de savoir pourquoi cela ne s'est passé qu'en

6 Yougoslavie.

7 M. Nice (interprétation): Merci. Je crois que maintenant vous aurez

8 l'opportunité de répondre aux questions de l'autre partie.

9 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, à vous.

10 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Milan Kucan, par l'accusé, M.

11 Milosevic.)

12 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je ne sais pas au juste

13 combien de temps il m'a été accordé pour le contre-interrogatoire de ce

14 témoin parce que je vois qu'il est déjà 11 heures 30 passé.

15 M. le Président (interprétation): Vous allez bénéficier du même temps qui

16 a été celui imparti à l'accusation, à savoir 1 heure 50 minutes. Peut-être

17 pourrons-nous étendre cela à deux heures si vous ne perdez pas de temps.

18 M. Milosevic (interprétation): J'estime que ce temps est des plus courts,

19 mais c'est là une pratique qui est certainement la vôtre.

20 M. le Président (interprétation): Le témoin ne peut rester ici

21 qu'aujourd'hui, donc il faut forcément que nous en terminions aujourd'hui

22 coûte que coûte, et ce de la façon la plus équitable.

23 M. Tapuskovic (interprétation): Moi, je voudrais vous demander une petite

24 minute pour une explication.

25 En ma qualité d'ami de la Chambre pendant toute cette période écoulée, je

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1 me suis efforcé d'économiser votre temps au maximum. Il me semble

2 toutefois qu'il convient de présenter une observation à la Chambre. Faire

3 venir un témoin de cette envergure, aussi important, pour une journée

4 seulement à mon avis ne convient pas, n'est pas approprié pour accomplir

5 tout ce qu'il y a à faire. Je vais respecter le temps imparti pour le

6 contre-interrogatoire, mais je crois que je ne serais pas en position de

7 poser des questions du tout. Je ne sais pas ce qu'il va me rester à poser

8 comme questions, mais je pense qu'il y a beaucoup de questions importantes

9 et j'aimerais savoir quel est le temps qui me serait imparti en ma qualité

10 d'ami de la Chambre.

11 M. le Président (interprétation): Monsieur Tapuskovic, dans ce procès,

12 tout comme dans les autres procès quels qu'ils soient, il convient

13 d'établir un équilibre entre la nécessité d'entendre des témoignages et la

14 disponibilité des témoins, c'est une chose qu'il convient d'avoir à

15 l'esprit.

16 Deuxièmement, pour ce qui est des amis de la Chambre, nous estimons que

17 votre rôle est certainement important, mais il importe davantage de

18 procéder au contre-interrogatoire par les bons soins de l'accusé, donc

19 c'est à l'accusé qu'il convient d'attribuer le temps qui lui revient.

20 Comme vous avez déjà entendu, il aura peut-être un peu plus de temps que

21 l'accusation. Nous essaierons de vous ménager le temps que nous pourrons

22 vous ménager.

23 M. Tapuskovic (interprétation): Nous avons beaucoup de compréhension pour

24 les obligations de travail de M. Kucan. Mais, comme je viens de

25 l'indiquer, des témoins aussi importants que celui-ci ne viennent ici que

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1 pour une journée. J'estime que, pour ces personnes-là, il conviendrait

2 qu'ils s'efforcent de trouver un peu plus de temps dans leur vie

3 professionnelle pour témoigner un peu plus longtemps. C'est l'objection

4 que je voulais soulever en ma qualité d'ami de la Chambre.

5 M. le Président (interprétation): Merci.

6 Continuons maintenant avec le contre-interrogatoire pour ne pas consacrer

7 davantage de temps à la question. Monsieur Milosevic, à vous.

8 M. Milosevic (interprétation): Il est 11 heures 35. Une question

9 préalable. Vous avez mentionné la guerre en Slovénie et vous vous êtes

10 servi de trois termes, vous avez dit "conflit", "agression", "guerre".

11 Est-ce que la Serbie avait quoi que ce soit à voir avec cette guerre en

12 Slovénie qui, comme vous l'avez indiqué vous-même, a duré une dizaine de

13 jours?

14 M. Kucan (interprétation): L'expression que j'ai utilisée était "la guerre

15 contre la Slovénie". La Slovénie a dû faire face, a dû se confronter à la

16 JNA… ou plutôt la JNA s'est confrontée avec la Slovénie. Maintenant, de là

17 à savoir qui est-ce qui avait influé sur la JNA, j'estime que la Chambre

18 pourra apporter un jugement partant des documents qui ont été mis à sa

19 disposition.

20 Question: Bien. Mais je crois que vous saviez à l'époque et je crois que

21 vous devez le savoir notamment à présent que nous n'étions même pas au

22 courant en Serbie de cette intervention. Nous ne savions pas quand est-ce

23 qu'elle a commencé et nous ne savions surtout pas à quel moment elle avait

24 commencé.

25 Réponse: Messieurs les Juges, nous Slovènes, nous nous étions adressés aux

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1 instances fédérales croyant bien que ces instances fédérales contrôlaient

2 la JNA et que la Fédération était la seule autre partie prenante au

3 dialogue entre les deux.

4 Question: Mais est-ce que cela signifie alors que la Serbie n'avait rien à

5 voir avec cette guerre?

6 M. Kucan (interprétation): Je ne le sais pas. Ce sont les documents qui en

7 parlent, tout comme les livres qui ont été rédigés ultérieurement. Mes

8 conclusions de ce jour partant des faits que je connais à présent et que

9 je ne connaissais pas à l'époque et celles que j'ai fournies.

10 M. Milosevic (interprétation): Qu'est-ce que vous avez fait comme

11 conclusions?

12 M. le Président (interprétation): Je crois qu'il serait bien plus facile

13 et plus productif de lui poser des questions sur ce qu'il savait lui-même

14 et sur ce qu'il disait à ce sujet. Et à présent, il précise qu'il ne

15 savait pas que la Serbie était impliquée parce qu'il s'entretenait avec

16 des instances fédérales.

17 Je vous préviens, Monsieur Milosevic, de la nécessité de ne pas vous

18 quereller avec le témoin et de lui poser des questions sur les sujets sur

19 lesquels il est venu témoigner et non pas sur autre chose.

20 Donc ses conclusions ne sont pas pertinentes à moins d'avoir quelque

21 corrélation que ce soit avec ce qui se passait à l'époque. Ses conclusions

22 sur ce que nous savons à présent sont une chose qui va être traitée par la

23 Chambre. Il appartient à la Chambre de tirer les conclusions sur ce qu'il

24 en est de nos jours et ce qui est pertinent à l'égard de l'Acte

25 d'accusation. Donc il n'y a point d'utilité à lui poser des questions sur

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1 ses conclusions.

2 M. Milosevic (interprétation): Je ne pose pas de questions sur ses

3 conclusions, mais sur ses connaissances. J'ai des notes sténographiées

4 portant sur la session de la Présidence datée du 21 août. Je vous propose

5 de vous lire la première phrase et une phrase ensuite –je cite-: "-Milan

6 Kucan: Je ne vais pas répondre à l'égard du Président du gouvernement ou

7 du Premier ministre qui, maintenant qu'il a perdu la guerre, veut, et de

8 façon évidente, gagner sur un autre plan." (Fin de citation.)

9 Puis, ensuite, en parlant du retour de deux membres du conseil exécutif

10 fédéral qui avaient quitté les rangs de ce conseil exécutif, vous dites:

11 "Je n'ai pas à vous convaincre que vous ne trouverez pas en Slovénie, y

12 compris ces deux-là qui retourneront au conseil exécutif fédéral. Et c'est

13 le conseil exécutif au sujet duquel, en Slovénie, nous savons que c'est

14 précisément celui-là qui a entamé la guerre en Slovénie."

15 Ce sont vos propos. Vous ai-je cité de façon correcte?

16 M. Kucan (interprétation): Oui. Et il est clair que la Slovénie a agi de

17 cette façon; c'est ma position à ce sujet.

18 M. le Président (interprétation): De quelle année parlons-nous et quelles

19 sont les circonstances de la tenue de cette réunion? De quelle réunion

20 s'agit-il?

21 M. Milosevic (interprétation): Il s'agit d'une session de la Présidence de

22 la RSFY au sens élargi du terme tel que nous l'entendions à l'époque où

23 nous étions convoqués, nous aussi, nous qui étions Présidents, soit

24 membres de la Présidence, soit Présidents des Républiques. Donc il y

25 avait, à cette réunion-là, moi-même; et y a assisté également le témoin.

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1 M. le Président (interprétation): En quelle année cela s'est-il tenu?

2 M. Milosevic (interprétation): Cela s'est tenu le 21 août 1991, après les

3 conflits en Slovénie. Et la constatation du témoin nous dit clairement ce

4 que les uns et les autres ont fait à ce moment-là.

5 Mais traitons maintenant de la chose, de la question, avec un peu plus de

6 sérieux. Je crois que vous en avez parlé et j'estime qu'il importe de

7 savoir si les choses étaient claires, à savoir: les instances fédérales

8 avaient-elles entrepris des mesures particulières pour entraver les

9 préjudices à l'intégrité et la souveraineté territoriale de la RSFY? Du

10 moins, n'était-ce pas là l'explication qui a été donnée à l'époque?

11 M. Kucan (interprétation): Messieurs les Juges, la Slovénie ne portait

12 aucunement atteinte à l'intégrité territoriale de la RSFY. Elle se servait

13 de moyens légitimes pour exercer son droit à l'autodétermination.

14 Question: Serait-il exact de dire que le lendemain de la proclamation de

15 l'indépendance de la Slovénie, le 25 juin, donc dès le 26 juin vous avez

16 repris le contrôle sur les passages frontière, vous avez enlevé les

17 indications disant qu'il s'agissait de la République socialiste fédérative

18 de Yougoslavie, vous avez pris en charge les passages frontière et les

19 postes douaniers?

20 Réponse: Conformément aux décisions de l'assemblée de l'assemblée de la

21 République qui a proclamé son indépendance, la République a en effet pris

22 en charge… ou pris le pouvoir sur les passages frontières et sur ce qu'a

23 dit l'accusé, à savoir enlever les plaques portant l'inscription de la

24 RSFY en les remplaçant avec des plaques de Slovénie.

25 Question: Donc les activités déployées par le gouvernement fédéral ont

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1 constitué une réaction par rapport à ce qui s'est passé, n'est-ce pas?

2 Réponse: Eh bien, six mois après le référendum et suite à l'annonce faite

3 concernant la réalisation des résultats du référendum dans un délai de six

4 mois, il n'y avait pas d'autre réaction qui était censée nous permettre de

5 résoudre la situation après la programmation de l'indépendance de la

6 Slovénie.

7 Question: Vous souvenez-vous des déclarations du Secrétaire d'Etat

8 américain, des Etats-Unis donc, Secrétaire d'Etat chargé des relations…

9 Secrétaire des relations internationales… qu'a-t-il dit après, donc au

10 Sénat américain, le 12 janvier 1995, pour ce qui est du début de la guerre

11 en Slovénie?

12 Réponse: Je suis au courant de déclarations. Chacun a le droit d'avoir son

13 opinion concernant ce qui se passait en Yougoslavie. Bien entendu, cela

14 sous-entend que j'avais le droit à une opinion, et je l'ai présentée

15 devant cette Chambre.

16 M. Milosevic (interprétation): Mais moi, je ne parle pas d'opinion, je

17 parle de faits.

18 Vous souvenez-vous du fait que Warren Zimmermann, le dernier des

19 ambassadeurs des Etats-Unis d'Amérique en RSFY, dans la revue "Foreign

20 affairs", "Affaires étrangères", en mars 1991, en souvenir de la

21 catastrophe survenue en Yougoslavie, dit ce qui suit: "Contrairement à

22 l'opinion généralement répandue, ce sont les Slovènes qui ont commencé la

23 guerre. Leur déclaration d'indépendance, qui n'a pas été précédée par le

24 moindre effort de négocier, a placé tous les postes frontière et tous les

25 postes douaniers sous son contrôle avec ses voisins, l'Italie et

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1 l'Autriche. Cela signifiait que la Slovénie s'était accaparée du seul

2 passage frontière entre la Yougoslavie et l'Europe occidentale, et s'était

3 appropriée les recettes des douanes qui étaient évaluées à quelque 75% des

4 recettes du budget fédéral. Et une armée moins primitive que la JNA aurait

5 certainement réagi. Donc la pire des choses était de voir les Slovènes

6 devenir indépendants, et cela avait condamné le reste de la Yougoslavie à

7 la guerre." (Fin de citation.)

8 M. le Président (interprétation): Laissez le témoin répondre! Vous avez

9 donné lecture de ce texte, le témoin doit pouvoir disposer de l'occasion

10 de faire un commentaire des différents éléments.

11 Monsieur Kucan, vous avez déjà traité de la question concernant le

12 commencement de la guerre par les Slovènes. Ce qui a été dit, c'est qu'il

13 n'y a pas eu d'effort de négocié au préalable, et que le résultat en a été

14 de voir la Slovénie fermer les passages internationaux entre la

15 Yougoslavie et l'Europe occidentale, et que vous vous étiez approprié les

16 différents droits et recettes en provenance des droits douaniers, etc., et

17 la JNA s'était donc vue contrainte de réagir.

18 Vous avez probablement entendu ce type de commentaire auparavant, mais je

19 crois que vous avez, de façon évidente, le droit d'apporter vos

20 commentaires.

21 M. Kucan (interprétation): Cela est la position formulée par l'ex

22 ambassadeur des USA, M. Zimmermann. Je suis au courant de sa position,

23 mais il est des opinions différentes toutefois.

24 Bien entendu, il n'est pas vrai de dire que la Slovénie n'a rien fait pour

25 que les choses se fassent de façon pacifique et ordonnée.

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1 Dès la réunion du mois de janvier 1991 ou après cette réunion quand il

2 s'est avéré qu'il ne pouvait pas y avoir d'arrangement ou d'accord au

3 sujet de la réorganisation de la Yougoslavie, notre Parlement a procédé au

4 mois de février 1991 à l'adoption d'une déclaration afférente à une

5 dissociation concertée. Cela comportait une proposition concernant la

6 façon dont le droit à l'autodétermination slovène devait être exercé. Il

7 était question de vouloir procéder de façon concertée, et non pas autre,

8 avec les autres Républiques. Cette déclaration a été envoyée aux Assemblés

9 des autres Républiques et provinces. La seule réponse positive que nous

10 ayons reçue est celle de l'Assemblée de la Croatie, personne d'autre n'a

11 répondu. Cela constitue juste un exemple parmi tant d'autres, concernant

12 ce que la Slovénie a fait pour que cette dissociation se fasse de façon

13 concertée et pacifique.

14 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Kucan, est-il contesté ou pas le

15 fait que personne en Yougoslavie n'a remis en question le droit de la

16 Slovénie et du peuple slovène à l'autodétermination et à l'exercice de

17 droit à l'autodétermination?

18 M. Kucan (interprétation): Non, cela n'est pas exact.

19 M. Milosevic (interprétation): Qui a contesté l'exercice du droit à

20 l'autodétermination?

21 M. Kucan (interprétation): Eh bien, il y avait une différence, une

22 divergence entre les positions de ce principe et les positions pratiques,

23 à savoir qu'on disait que ce droit pouvait être exercé jusqu'à l'exercice

24 du droit à la sécession. Et il était question de faire en sorte que les

25 instances fédérales en décident.

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1 Mais les instances fédérales, elles, décidaient par la majorité. Nous

2 savons de quoi cela avait l'air, nous savons de quoi avait eu l'air le 14e

3 Congrès en janvier 1991, moment où la Slovénie avait présenté des

4 propositions légitimes et des propositions qui étaient fondées sur le

5 droit. Les votes l'ont emporté dans le sens contraire.

6 M. Robinson (interprétation): Pouvez-vous commenter les passages cités par

7 M. Milosevic disant que l'un des résultats de votre déclaration afférente

8 à l'indépendance était celui d'avoir le droit de faire vôtre les recettes

9 des douanes en provenance de l'importation des biens provenant de l'Europe

10 occidentale ou de produits provenant de l'Europe occidentale?

11 Je n'ai pas très bien compris cela. Quelle en a été la conséquence?

12 M. Kucan (interprétation): L'une des décisions de l'Assemblée slovène

13 disait qu'il fallait que les recettes douanières perçues sur le territoire

14 de la République de Slovénie devaient être dirigées vers un fond à part.

15 La décision concernant la disposition avec les recettes se trouvant dans

16 ce fonds était censée être prise à l'occasion des négociations à l'avenir.

17 M. Robinson (interprétation): Vous voulez dire la décision afférente à la

18 distribution de ces recettes ou ces droits de douanes entre les

19 différentes Républiques?

20 M. Kucan (interprétation): Oui, cela est spécifié de façon concrète dans

21 l'Avenant 1 aux Accords de Brioni, Accords datés de juillet 1991.

22 M. Milosevic (interprétation): Juillet 1991, dites-vous, l'Accord de

23 Brioni a été conclu après la guerre. Alors qu'ici nous parlons de ce qui

24 s'est passé pendant la guerre. Mais dites-moi, je vous prie, puisque vous

25 aviez la possibilité de sortir de la Yougoslavie, comme l'a fait la

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1 Slovaquie par exemple, et que vous avez, contrairement à cela, opté pour

2 la violence, votre rôle a bien sûr été décisif -et l'Allemagne,

3 l'Autriche, les responsables politiques qui ont discuté de cette question

4 avec vous également-, pourquoi avez-vous opté pour la guerre, alors que

5 vous auriez pu vous retirer pacifiquement? Pourquoi avez-vous attaqué la

6 JNA en Slovénie?

7 Réponse: La décision relative aux droits de douane et au sort de ces

8 revenus douaniers était une décision adoptée par l'Assemblée slovène, le

9 25 juin. Quant aux autres pays et aux responsables politiques étrangers,

10 je ne peux pas dire quel était leur avis sur la décision slovène. La

11 décision a été prise par nous, par personne d'autre. Cette décision nous

12 l'avons prise et assumée.

13 S'agissant de la Slovaquie, personne n'a jamais établi de conditions pour

14 la Slovaquie. Les conditions de la scission ont été décidées par les deux

15 Présidents; à savoir le Président de la Tchéquie et de la Slovaquie.

16 Question: Vous venez de dire que vous n'avez pas pu vous adresser aux

17 organes fédéraux, de façon à ce que votre voix ne soit pas débordée par

18 celle d'autres éléments. Je crois qu'il est bien connu qu'au sein de

19 l'assemblée fédérale personne ne pouvait être battu sur le nombre de voix

20 automatiquement. Le conseil fédéral, le conseil des Chambres et des

21 provinces existaient à l'époque et la Slovénie n'aurait pas pu avoir son

22 point de vue écarté d'emblée par une majorité de voix ayant un point de

23 vue différent sans qu'il y ait débat et discussion. Donc cette

24 préoccupation ne doit pas exister.

25 Maintenant, je vous demande pourquoi vous avez attaqué la JNA sur votre

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1 territoire? La JNA qui se trouvait également chez elle…

2 M. le Président (interprétation): Permettez au témoin de répondre à la

3 question d'abord. La question que l'on vous pose consiste à dire qu'il

4 existait un consensus. Est-ce que ceci est vrai ou pas?

5 M. Kucan (interprétation): La loi relative à la sécession qui était

6 proposée aurait dû être adoptée par la chambre fédérale et pas par la

7 chambre des Républiques et des provinces qui fonctionnait sur base de

8 consensus. Il s'agissait de la chambre fédérale dans laquelle les votes se

9 faisaient à la majorité. La direction serbe, sous prétexte de rendre plus

10 efficaces les instances fédérales, insistait également pour que soit

11 appliqué le principe d'une voix pour chaque représentant. Donc dans ces

12 conditions, au sein de la fédération, la voix des petits était en général

13 débordée par celle des grands. Voilà quelle était la réalité.

14 M. Milosevic (interprétation): Mais le fait même que ce projet de loi

15 n'ait pas été voté compte tenu de l'absence de consensus, montre bien que

16 l'affirmation qui vient d'être faite est exacte, parce que ce projet de

17 loi n'est pas passé, n'est-ce pas? Puisqu'il n'a pas été possible de

18 réunir un consensus, n'est-ce pas, Monsieur Kucan? Pourquoi est-ce que ce

19 projet ne loi n'a pas été adopté si nous avions d'emblée la majorité au

20 sein de l'assemblée et que nous représentions les quatre autres

21 Républiques? Nous aurions pu, dans ces conditions, la faire adopter au

22 sein de la chambre fédérale, mais le consensus n'a pas été réuni. Est-ce

23 que ce n'est pas vous qui n'avez pas autorisé en fait le passage de ce

24 projet de loi?

25 M. Kucan (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en

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1 tant que représentant d'une petite nation il m'eût été très difficile de

2 dicter mes conditions à une majorité beaucoup plus importante. La réalité

3 était tout à fait différente. Cette décision était-elle une décision de

4 sécession de la part de la Slovénie ou était-elle une décision de se

5 dissocier de la Yougoslavie? La Yougoslavie ne pouvait exister en

6 l'absence de la Slovénie, donc un problème statutaire existait à ce niveau

7 puisque nous faisions partie intégrante de façon constitutionnelle de la

8 Yougoslavie, et ceci depuis 1918 lors de la création du pays. C'est la

9 raison pour laquelle nous avons proposé ce concept de dissociation d'une

10 République par rapport au reste du pays. Nous l'avons soumise à

11 l'assemblée de la République en février 1991. Cette proposition a

12 également été soumise aux assemblées des autres Républiques pour examen.

13 Je connais également l'existence de nombreuses autres propositions portant

14 sur ce projet de loi afférent à la sécession.

15 Et deux lignes de pensée se sont dégagées dans le cadre de l'examen de

16 toutes ces propositions. D'une part, il y avait un concept qui s'appuyait

17 sur l'impossibilité de dissoudre les Républiques, puisque la dissolution

18 d'une République était considérée, par les tenants de cette position,

19 comme équivalente à la mort. Dans ces conditions, les Républiques devaient

20 emprunter à l'étranger pour se développer et également avoir des

21 travailleurs quittant la République pour aller travailler ailleurs. Voilà

22 donc quelle était la position des tenants de cette ligne à l'époque.

23 Question: Mais je vous pose la question précisément parce que c'est vous

24 qui, il y a quelques instants, avez prononcé les mots "droit à

25 l'autodétermination" qui est celui de tous les peuples et de tous les

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1 groupes ethniques. Vous avez dit que ce droit ne pouvait s'exercer aux

2 dépens des autres peuples qui, eux, jouissaient également des mêmes

3 droits. Est-ce que sur cela, au moins, nous pouvons être d'accord là-

4 dessus, vous et moi?

5 Réponse: S'agissant du fait que toute nation a le droit à

6 l'autodétermination, oui, effectivement, c'est bien le cas. Mais il ne

7 s'agit pas d'abstraction, c'est quelque chose qui existe dans la réalité

8 et il appartenait aux Républiques de donner une vie à ce principe dans le

9 cadre des frontières existantes, car les frontières séparant les

10 Républiques étaient des frontières en bonne et due forme et ne pouvaient

11 pas être modifiées sans l'agrément de la République concernée. Donc toute

12 décision en matière d'autodétermination se fondait sur l'existence du

13 territoire concerné et pas sur la modification de ce territoire. Nous

14 n'avons rien fait non plus pour modifier l'importance du territoire d'une

15 quelconque autre République de Yougoslavie ou d'un quelconque pays voisin.

16 Question: Mais la décision de l'assemblée fédérale, l'intervention du

17 gouvernement fédéral ne concernait pas les frontières entre Républiques

18 mais les frontières extérieures de la Yougoslavie, n'est-ce pas, en

19 application du droit constitutionnel en vigueur? Quant à vous, vous avez

20 attaqué l'armée de votre pays, l'armée populaire yougoslave, la seule

21 armée légitime en Yougoslavie à l'époque, et vous l'avez attaquée chez

22 vous. Et ce faisant, vous avez pris des positions tout à fait claires par

23 rapport aux frontières extérieures de la Yougoslavie, n'est-ce pas?

24 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai été, pendant de

25 nombreuses années, tenu à remplir ce devoir tout à fait désagréable de

Page 20917

1 participer à des débats sur ce qu'est la Yougoslavie. Les frontières

2 extérieures de la Yougoslavie étaient également les frontières de la

3 Slovénie. Et lorsque la Slovénie a opté légalement pour l'indépendance,

4 les frontières de la Slovénie sont devenues les frontières extérieures de

5 la Yougoslavie. Mais, je l'ai déjà dit, il ne pouvait pas y avoir de

6 Yougoslavie en l'absence de Slovénie, donc il n'était pas nécessaire de

7 défendre les frontières yougoslaves. En tout cas, pas à l'endroit où le

8 territoire était un territoire yougoslave.

9 Question: Fort bien. J'ai déjà cité Zimmermann qui dit très clairement

10 quels sont les motifs qui vous poussaient à l'action, à l'époque. Donc

11 manifestement, il faut que nous changions de sujet.

12 Vous souvenez-vous de votre participation lors d'une émission de

13 télévision NTV -une télévision privée donc- en 1995, en novembre? Vous

14 étiez aux côtés de Mesic, Tomac, Spegelj, dans cette émission qui

15 s'appelait "Kontakt"?

16 Réponse: Il faudrait y regarder de plus près. Vous savez, il y a toutes

17 sortes d'émissions qui ont été diffusées et je ne me souviens pas

18 exactement de l'émission de laquelle vous parlez.

19 Question: Fort bien. Vous souvenez-vous… Je parle de cette émission de

20 télévision qui a été diffusée le 8 novembre 1995 sur la télévision privée

21 NTV, émission à laquelle vous avez participé aux côtés de Stipe Mesic -qui

22 dirigeait le Parti démocrate indépendant croate de l'époque- et vous avez

23 également participé à cette émission aux côtés de Spegelj, de Tomac et

24 d'autres. C'était un programme intitulé "Kontakt"; les spectateurs

25 pouvaient appeler et des débats étaient engagés avec le public. Je suis

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1 sûr que vous n'aviez pas de nombreuses émissions de ce genre avec

2 participation du public, à cette époque-là, donc vous vous en souvenez

3 sûrement?

4 Réponse: Je me souviens de cette émission, Monsieur le Président,

5 Messieurs les Juges, mais pas de la date exacte de celle-ci. Pour vous

6 parler de cette émission, il faudrait que je me souvienne de tous les

7 détails de l'émission de ce jour-là. Mais je me souviens d'avoir participé

8 à une émission de ce genre.

9 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Fort bien. Vous souvenez-vous

10 que, durant cette émission, Mesic, en votre présence, a déclaré que les

11 anciens ministres des Affaires étrangères de l'Allemagne, Hans Dietrich

12 Genscher, ainsi que le Pape Jean-Paul II, avaient, par leur accord tout à

13 fait clair et leur appui tout à fait clair au démantèlement de l'ex-

14 Yougoslavie, contribué pratiquement le plus à la réalisation de ce

15 démantèlement? Vous souvenez-vous de cette position qu'il a adoptée et des

16 explications qu'il a fournies dans le cadre de cette émission?

17 M. Kucan (interprétation): Il s'agissait des positions qui étaient celles

18 de M. Mesic. Moi, j'ai déjà dit que les hommes d'Etat étrangers n'avaient

19 pas leur place dans cette histoire de l'indépendance de la Slovénie. Quant

20 aux noms précis...

21 M. le Président (interprétation): Tenons-nous en, si vous le voulez bien,

22 à ce que l'accusé vous a soumis. Ce que Mesic a dit correspond à peu près

23 à ce que dit l'accusé, n'est-ce pas?

24 M. Kucan (interprétation): Oui. Mais mon expérience avec ces hommes-là

25 était différente, et c'est cela que je tenais à dire.

Page 20919

1 M. Milosevic (interprétation): Avec Genscher et le Pape, voulez-vous dire?

2 M. Kucan (interprétation): Oui.

3 M. Milosevic (interprétation): Mais moi, je vous demande simplement si

4 Mesic a bien dit ce que j'ai cité.

5 M. le Président (interprétation): Il a dit d'accord, il a dit oui.

6 M. Milosevic (interprétation): Bon, très bien. Mais, je vous en prie…

7 M. Kucan (interprétation): Je ne sais pas ce que vous souhaitez de moi.

8 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Kucan, vous témoignez ici et

9 consacrez pratiquement la moitié de votre déposition à l'ouvrage de

10 Borisav Jovic. Pour ma part, je vous interroge au sujet de la déclaration

11 de quelqu'un d'autre, par exemple de la déclaration de Stipe Mesic dans

12 une émission publique. Vous avez dit ici que vous pouviez confirmer ce

13 qu'a dit Borisav Jovic lors des entretiens qu'il a eus avec vous. Moi, je

14 vous demande si ce qu'a dit Mesic dans le cadre de cette émission, vous

15 pouviez le confirmer également?

16 M. le Président (interprétation): Oui, oui, oui. Passons à autre chose,

17 Monsieur Milosevic. Le témoin a déjà dit qu'il était d'accord avec cela.

18 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Mais il y a encore un point qui

19 mérite d'être précisé.

20 Vous souvenez-vous, Monsieur Kucan, que Mesic a dit ce jour-là qu'il était

21 arrivé aux fonctions les plus importantes de la Fédération à Belgrade

22 pour, dans le cadre de la diplomatie yougoslave, y établir des contacts

23 avec les représentants politiques les plus importants du monde et faire

24 confirmer que… pour les convaincre que la survie de la Yougoslavie était

25 un non-sens?

Page 20920

1 Je le cite: "Je souhaitais transmettre l'idée de la nécessité d'un

2 démantèlement de la Yougoslavie vis-à-vis de ceux qui exerçaient la plus

3 grande influence sur le sort de la Yougoslavie aux côtés de Genscher et du

4 Pape. J'ai eu trois rencontres avec Genscher; il a favorisé l'organisation

5 d'une rencontre avec le Saint-Père au sujet du démantèlement de la RSFY."

6 (Fin de citation.)

7 Ceci est-il exact ou pas?

8 M. Kucan (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

9 cette émission à laquelle j'ai participé avec M. Mesic, je peux en

10 confirmer l'existence. Mais s'il m'est demandé de confirmer chaque mot qui

11 a été prononcé par tous les participants à cette émission, il me faudrait

12 une transcription écrite ou la diffusion d'une séquence vidéo. Car les

13 mots qui viennent d'être prononcés sont des mots très lourds et je ne peux

14 pas témoigner de leur existence de façon aussi superficielle.

15 M. le Président (interprétation): Est-ce que ces mots ont été prononcés

16 par M. Mesic? Je ne me souviens pas de cela. Un instant.

17 Monsieur Milosevic, fort bien. Ne perdons pas de temps.

18 M. Nice (interprétation): Je ne me souviens pas que cet extrait ait été

19 cité.

20 M. Milosevic (interprétation): Non, ils n'ont pas été soumis, ils n'ont

21 pas été présentés parce que, lorsque j'ai contre-interrogé… Ils n'ont pas

22 été soumis à M. Mesic lorsqu'il est venu au Tribunal, parce que lorsque

23 j'ai contre-interrogé Mesic, je ne disposais pas de ces renseignements, je

24 ne savais pas ce qu'il en était de cette émission de télévision; mais

25 sinon, je lui aurais soumis ces propos. Mais puisque M. Kucan participait

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1 à cette émission, je pense qu'il est pertinent de lui permettre d'établir

2 les faits.

3 M. le Président (interprétation): Le témoin ne peut pas se souvenir de

4 tous les détails; il ne peut parler que de façon générale de cette

5 émission. Veuillez avancer.

6 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Vous souvenez-vous que Tomac à

7 l'époque a rappelé que la Slovénie et la Croatie constituaient un

8 partenariat très fort jusqu'en 1990 en faveur du démantèlement de la

9 Yougoslavie? Selon lui, il était donc favorable à vos positions, et avec

10 lui vous auriez constitué un couple auquel participait également Franjo

11 Tudjman. Est-ce exact?

12 M. Kucan (interprétation): Monsieur le Président, j'étais le dirigeant de

13 la Slovénie et personne d'autre. Et c'est moi qui ai travaillé à

14 l'élaboration du concept de démantèlement de la Yougoslavie. Nous avons

15 travaillé avec d'autres à la réorganisation, à la restructuration de la

16 Yougoslavie.

17 Je me souviens de cette séance de la Présidence, au cours de l'été 1990,

18 lorsque j'ai donné mon accord pour que la Slovénie et la Croatie préparent

19 un document définissant les contours de la Fédération, et un accord à

20 signer au niveau confédéral dont un projet a été établi, mais qui n'a pas

21 été accepté par les autres Républiques.

22 Question: Oui, quatre Républiques -comme vous l'avez dit vous-même- se

23 sont exprimées contre ce projet. Mais revenons, si vous le voulez bien, à

24 une étape antérieure, parce que je vous ai interrogé sur les raisons pour

25 lesquelles l'armée populaire yougoslave a été attaquée.

Page 20922

1 Je vous demande maintenant s'il est vrai que, durant le conflit en

2 Slovénie, 44 membres de la JNA ont été tués et 184 grièvement blessés?

3 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je dois réfuter

4 l'affirmation selon laquelle la Slovénie aurait attaqué la JNA. Ce n'est

5 pas l'armée slovène qui est sortie de ses casernes pour attaquer la JNA,

6 mais c'est la JNA à notre avis qui, se fondant sur une décision illégale

7 et anticonstitutionnelle du gouvernement fédéral, est sortie de ses

8 casernes; pas seulement en Slovénie d'ailleurs mais également des casernes

9 qui se trouvaient sur le territoire de la République de Croatie.

10 Ceci est un fait, et c'est un fait que nous ne pouvons que prendre en

11 compte, au cours de cette guerre -et c'est tout à fait regrettable- des

12 gens sont morts. Selon les données dont nous disposons 37 membres de la

13 JNA et 8 membres de la Défense territoriale slovène, 4 policiers, 6 civils

14 habitants slovènes, et 6 étrangers qui se trouvaient à l'époque sur le

15 territoire de la République de Slovénie ont trouvé la mort.

16 M. Milosevic (interprétation): J'ai la liste des tués et blessés de la JNA

17 suite au conflit qui a éclaté. Et, puisque je parle d'attaque sur la JNA,

18 je tiens à demander le versement de ce document au dossier.

19 Monsieur Kucan, vous souvenez-vous des crimes les plus graves que vous

20 avez commis contre...

21 M. le Président (interprétation): Avant de passer à cette question, je

22 vous demande quelle est l'origine de la liste que vous souhaitez verser au

23 dossier?

24 M. Milosevic (interprétation): Il y a un ouvrage officiel intitulé "Les

25 tués et les blessés de la JNA au cours du conflit", où l'on trouve la

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1 cause de la blessure, le nom de la personne concernée, sa date de

2 naissance, la caserne où ils étaient stationnés. C'est un document tout à

3 fait fiable, vérifiable et qui n'est pas contesté.

4 M. le Président (interprétation): Veuillez le remettre au Greffe pour que

5 nous puissions y jeter un coup d'œil.

6 M. Milosevic (interprétation): Oui, nous pourrons le faire plus tard pour

7 gagner du temps.

8 Vous souvenez-vous que les pires crimes commis…

9 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice a quelque chose à dire.

10 M. Nice (interprétation): Si cet extrait est admissible, alors l'ensemble

11 de l'ouvrage devrait être versé au dossier, à notre avis.

12 M. le Président (interprétation): Je ne suis pas sûr de cela.

13 M. Nice (interprétation): Ce serait plus intéressant, parce qu'il convient

14 de se demander si l'ensemble de l'ouvrage est admissible ou pas compte

15 tenu de sa pertinence ou non pertinence. Une liste de noms relative à la

16 réponse fournie par un témoin n'est peut-être pas nécessairement

17 pertinente. Nous aimerions que l'accusé soit invité à fournir l'ouvrage

18 dans son intégralité.

19 M. le Président (interprétation): Ce que nous pouvons faire, c'est vous

20 faire remettre la liste pour que vous puissiez jeter un coup d'œil pendant

21 la pause, et nous pourrions l'enregistrer à des fins d'identification de

22 façon à examiner sa pertinence en temps utile. Mais en tout cas qu'un

23 exemplaire soit remis au Procureur.

24 (Intervention de l'huissière.)

25 Je déclare maintenant une pause de 20 minutes.

Page 20924

1 (L'audience, suspendue à 12 heures 20, est reprise à 12 heures 38.)

2 M. le Président (interprétation): Veuillez d'abord attribuer une cote.

3 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il

4 s'agit de la pièce à conviction de la défense 135.

5 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, nous avons examiné ce

6 document pendant la suspension d'audience. Nous ne soulevons pas

7 d'objection quant à l'attribution d'une cote, mais nous aimerons consulter

8 l'ouvrage dont il est question en temps utile.

9 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, puis-je poursuivre?

10 M. le Président (interprétation): Oui.

11 M. Milosevic (interprétation): Monsieur le Témoin, pourriez-vous me

12 répondre de façon très brève vu le temps qui nous est imparti?

13 Vous souvenez-vous qu'à cinq points de contrôle, vous avez conduit des

14 enfants mineurs, des officiers de police, et que vous les avez obligés à

15 se rendre? Oui ou non?

16 M. Kucan (interprétation): Non, nous n'avons pas fait cela.

17 Question: Vous rappelez-vous que des civils armés ont arrêté des membres

18 de la JNA dans les rues des villes et que, lorsqu'ils étaient emprisonnés,

19 ils ont fait l'objet de différents sévices tels que la programmation de

20 leur exécution? Est-ce que vous vous en souvenez, oui ou non?

21 Réponse: Non.

22 Question: Vous souvenez-vous avoir expulsé de leur appartement des

23 familles d'officiers en menaçant de les liquider, à moins qu'ils ne

24 quittent la Slovénie dans un délai précis?

25 Réponse: Non.

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1 Question: Et est-il vrai que la Défense territoriale de la Slovénie, avec

2 des unités soi-disant de protection nationale, a érigé des barricades, des

3 barrages routiers, afin d'empêcher le barrage de la JNA; oui ou non?

4 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les barrages routiers

5 ont d'abord été érigés par les citoyens de la Slovénie, parce que la

6 Défense territoriale n'avait pas encore été organisée. Il s'agissait de la

7 nuit du 26 au 27 juin, nuit au cours de laquelle les citoyens ont fêté

8 leur indépendance. Et à leur retour, lorsqu'ils se dirigeaient chez eux,

9 ces citoyens ont vu les chars qui ont commencé à ériger ces barrages

10 routiers en utilisant leurs véhicules, les autocars, etc.

11 Question: Très bien. Je dispose de documents qui corroborent tout cela,

12 donc je ne vais pas m'appesantir sur cela plus avant.

13 Vous vous souviendrez certainement de véhicules privés qui portaient des

14 plaques minéralogiques de Serbie? Il s'agissait de passagers ordinaires,

15 de civils qui se trouvaient sur le territoire de la Slovénie et dont les

16 voitures avaient été réquisitionnées.

17 (Pas d'interprétation française: la cabine anglaise ayant des problèmes de

18 micro.)

19 M. Milosevic (interprétation): Vous vous souviendrez certainement de

20 véhicules privés qui avaient des plaques minéralogiques qui provenaient de

21 la Serbie. Vous vous souviendrez qu'il y avait des civils qui voyageaient

22 à bord de ces véhicules, mais que leurs véhicules ont été perquisitionnés

23 et que les passagers ont été pris en tant qu'otages et utilisés en tant

24 que boucliers humains. Oui ou non?

25 Réponse: Monsieur le Président, je me suis engagé à dire la vérité, rien

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1 que la vérité et toute la vérité. Il n'est pas possible pour moi de

2 répondre à ces questions.

3 En Slovénie, compte tenu de l'agression lancée par la JNA, certains

4 camions ont été arrêtés et les chauffeurs, les passagers ont reçu un

5 avertissement selon lequel ils seraient attaqués; et par conséquent, on

6 les invitait à se retirer. Je peux concevoir que, dans ces colonnes de

7 véhicules, il y avait peut-être certains véhicules qui portaient des

8 plaques d'immatriculation serbes.

9 Question: Et est-ce que vous vous souvenez de l'hôpital militaire à

10 Ljubljana, ainsi que le centre de réhabilitation Rimske Toplice? Or, ces

11 bâtiments ont vu des coupures d'électricité, d'eau; il n'y a plus eu

12 d'approvisionnement en nourriture. Est-ce qu'il y a eu des véhicules qui

13 ont été placés devant ces bâtiments et est-ce que ces véhicules étaient

14 remplis de jerricans d'essence, oui ou non?

15 Réponse: Je sais qu'on avait fait venir des camions qui étaient pleins de

16 jerricans d'essence, mais je sais également que des civils ont été blessés

17 et conduits dans ces hôpitaux civils.

18 Question: Vous souvenez-vous que dans ces hôpitaux militaires, dans ces

19 instituts, dans ce centre de réhabilitation militaire, les personnes ont

20 été informées qu'elles seraient tuées, de même que leurs patients, si la

21 JNA passait à l'acte et lançait une action militaire sur le territoire de

22 la République de la Slovénie?

23 Réponse: Je ne me souviens pas de cela. Mais je sais que la JNA utilisait

24 des hélicoptères pour assurer le transfert des personnes blessées, et que

25 ces hélicoptères portaient l'insigne de la Croix-Rouge.

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1 Question: Et savez-vous si une assistance a été fournie aux soldats

2 blessés? Savez-vous si on a empêché, plutôt, de fournir cette aide? Et

3 savez-vous qu'il y a eu des attaques contre les ambulances, que des rues

4 ont été bloquées, que le personnel médical civil a refusé de donner les

5 premiers soins aux officiers et aux soldats de la JNA, suite à quoi des

6 soldats très jeunes sont décédés, ont succombé à leurs blessures qui

7 n'étaient pas mortelles, à l'époque?

8 Réponse: Pour autant que je le sache, nos hôpitaux civils et nos centres

9 de premiers secours avaient pour mission d'aider toute personne qui était

10 blessée, qu'il s'agisse d'un soldat de la JNA, d'un membre de la JNA, de

11 la police de la Défense territoriale ou de civils.

12 M. Milosevic (interprétation): Comme cela n'est pas vrai, je dispose de

13 documents qui corroborent ces faits.

14 M. le Président (interprétation): Le témoin vient de préciser qu'il

15 affirme ce qu'il a dit, donc nul besoin de vous quereller avec lui.

16 M. Milosevic (interprétation): Non, je ne conteste pas cela, Monsieur May.

17 Je ne veux pas perdre le temps précieux qui m'est imparti.

18 Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous de blessures infligées à des civils

19 qui montrent qu'il y a eu violence contre des civils, que des otages ont

20 été pris, qu'il y avait terrorisme, qu'il y avait des actes de menace qui

21 étaient intolérables. Je dispose d'informations, je vais vous en donner le

22 titre, "Violations des règles du droit international humanitaire par les

23 membres de forces armées de Slovénie". Il s'agit d'un livre blanc.

24 Est-ce que ceci pourrait également être versé au dossier?

25 Je vous invite à considérer cela ou à envisager cette possibilité parce

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1 que je ne dispose pas du temps nécessaire pour en donner lecture. Je vous

2 rappelle que c'est donc "Violations du droit international s'agissant des

3 civils, des blessés, des patients, etc.".

4 M. le Président (interprétation): Nous allons procéder pas à pas. Il

5 s'agit donc d'un autre extrait du même ouvrage, n'est-ce pas exact?

6 M. Milosevic (interprétation): Oui.

7 M. le Président (interprétation): Bien. Veuillez nous remettre cet

8 extrait.

9 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il y

10 a lieu d'appliquer différents critères à cet extrait compte tenu de la

11 nature ou de la façon dont le titre a été lu, probablement parce qu'il

12 s'agit de prouver des choses que nous allons vraisemblablement contester.

13 Mais nous allons voir.

14 M. le Président (interprétation): S'agissant de la liste, elle peut être

15 versée au dossier, étant donné qu'il s'agit d'une simple liste. Et il

16 semble, effectivement, qu'il s'agisse d'un extrait de cet ouvrage. Je

17 pense que l'accusation peut soulever une objection en temps utile.

18 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit de la pièce à

19 conviction de la défense 136.

20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

21 Monsieur Milosevic, veuillez poursuivre.

22 M. Milosevic (interprétation): Vous souvenez-vous de violations du droit

23 international s'agissant de la population civile, de blessés, de personnes

24 malades, de personnes décédées, de personnels médicale? Je vois, ici, un

25 document où il est fait mention de 19 cas de manque de respect de ces

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1 dispositions, l'absence de respect par le personnel médical, d'attaques

2 non autorisées contre des véhicules qui faisaient mention des mots "la

3 Croix-Rouge", des ambulances, etc. Il s'agit de violations de la

4 législation concernant les blessés, les morts, etc. Il s'agit de 19

5 éléments différents. Que pouvez-vous dire à ce sujet?

6 M. le Président (interprétation): Non, je ne vais pas vous autoriser à

7 poser cette question, il s'agit de simples allégations formulées dans cet

8 ouvrage. Vous pouvez présenter des éléments de preuve en temps utile mais,

9 tout d'abord, je pense que le témoin doit avoir l'occasion de lire ces

10 allégations.

11 Monsieur Kucan, on vous dit -comme vous l'avez entendu- qu'il y a eu

12 plusieurs violations du droit international s'agissant du personnel

13 médical, d'attaques qui auraient été lancées à l'encontre de véhicules de

14 la Croix-Rouge, qu'il y aurait eu d'autres violations à l'encontre des

15 blessés et des malades. En règle générale, j'aurais demandé à l'accusé de

16 passer en revue chacune de ces 19 allégations, mais compte tenu du temps

17 qui nous fait défaut, dans un souci d'économie du temps, je ne vais pas me

18 livrer à cet exercice. Mais, vous devez avoir la possibilité de répondre à

19 cette question.

20 Est-il vrai qu'il y a eu des violations, de la part des Slovènes, de ces

21 dispositions?

22 M. Kucan (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ces

23 allégations, tous ces types d'allégations qui sont avancées par l'accusé,

24 sont réfutées par moi-même de la façon la plus catégorique qu'il soit. Il

25 s'agit d'une brochure de propagande publiée et imprimée par "Narodna

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1 Armija".

2 La Slovénie, en association avec cette affaire dont l'accusé a fait

3 mention, a fait l'objet d'une enquête par un juge chargé de cette affaire,

4 par un expert médico-légal, et nous disposons de certains documents qui

5 sont conservés au niveau du ministère de la Défense. Et si les Juges la

6 Chambre de première instance estiment qu'il est nécessaire, je pourrais

7 vous en faire parvenir un exemplaire.

8 J'affirme, pour ma part, que ceci ne s'est pas déroulé en Slovénie, et

9 même que, si quelque chose de la sorte s'était produite, il s'agirait là

10 d'une situation extrême.

11 S'agissant des membres de la Défense territoriale, de la JNA, les civils,

12 toutes ces personnes étaient présentes. Par la suite, s'agissant des

13 événements qui se sont déroulés à Srebrenica, à Vukovar, à Dubrovnik dans

14 les camps de concentration, on pouvait parler de système, mais je ne pense

15 pas que les enquêtes aient été effectuées et conduites à leur terme, comme

16 cela a été le cas, en Slovénie.

17 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.

18 Monsieur May, donc vous n'acceptez pas ceci, n'est-ce pas? Vous contestez

19 le fait qu'il y ait eu des blessures? Vous contestez le fait qu'il y ait

20 eu des violations?

21 M. le Président (interprétation): Non.

22 M. Milosevic (interprétation): Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous de

23 violations des lois s'agissant des personnes qui étaient placées en garde?

24 J'ai ici 17 éléments ou 17 rubriques qui prouvent que les blessés et les

25 malades n'ont pas bénéficié de l'aide appropriée, mais qu'au contraire ces

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1 personnes ont été menacées, leur vie était menacée. Par conséquent, on a

2 enfreint le principe de dignité humaine etc. Est-ce inexact, Monsieur

3 Kucan?

4 M. Kucan (interprétation): Monsieur le Président, j'ai déjà répondu à

5 cette question. J'ai dit que nous avions fourni une assistance et qu'après

6 l'Accord intervenu de Brioni, il avait également été convenu que les

7 échanges auraient lieu s'agissant non seulement des prisonniers de guerre

8 mais également des blessés, et que ces personnes pouvaient se rendre où

9 elles le souhaitaient.

10 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, Monsieur May, est-ce que

11 vous acceptez cela comme document? Non? Bien. Je dispose ici également de

12 documents qui précisent s'agissant de "Vrednost"; il s'agit donc de

13 documents qui ont été soumis, pour information, au Président de la

14 Slovénie, M. Milan Kucan. Il s'agit de documents du Tribunal de Kopar qui

15 ont été signés par le Président Nevacic Predan, le Président du Conseil de

16 Helsinki de la Slovénie. Je dispose également de documents du bureau du

17 procureur d'Etat à Maribor etc. J'ai également remis ces documents pour

18 les soumettre à votre attention.

19 La question que je vous pose est la suivante: aviez-vous eu connaissance

20 du cas bien connu au cours duquel trois membres de la JNA qui avaient été

21 faits prisonniers ont été exécutés? Il s'agissait de prisonniers de la JNA

22 qui ont été exécutés par les policiers slovènes au carrefour de Holmec, le

23 28 juin 1991. Est-ce que vous vous souvenez de cela?

24 Réponse: L'affaire Holmec ainsi que toutes les autres affaires dont il est

25 fait mention dans le livre blanc ont fait l'objet d'une enquête. Et, comme

Page 20932

1 je l'ai dit, il existe un rapport au sujet des conclusions. Si les Juges

2 de la Chambre de première instance l'estiment nécessaire, je peux remettre

3 un exemplaire de ce rapport. Mais je dois simplement dire que ces civils

4 ne les ont pas exécutés.

5 Question: Je n'ai pas reçu d'interprétation en serbe, j'ai simplement

6 entendu la réponse de M. Kucan. J'ai cru comprendre qu'il avait dit que

7 ces personnes n'avaient pas été exécutées, est-ce exact?

8 M. Kucan (interprétation): Si je vous ai bien compris à la lumière de la

9 question que vous m'avez posée, vous avez demandé si ces personnes en tant

10 que prisonniers de guerre ont été exécutées. Si tel est le cas, ma réponse

11 est négative.

12 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, ces soldats de la JNA n'ont

13 pas été exécutés.

14 M. le Président (interprétation): C'est exactement ce qu'a dit le témoin.

15 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Monsieur le Témoin, je dispose

16 ici des notes, des rapports qui ont été faits au sujet des trois soldats

17 de la JNA qui ont été exécutés. Il s'agit des lettres qui émanent de la

18 Commission de Helsinki ainsi que d'autres documents.

19 Est-ce que nous pourrions verser ces documents au dossier?

20 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il serait peut-être bon

21 d'abord de remettre ces documents au témoin, à moins qu'il puisse formuler

22 une observation à leur sujet.

23 M. Milosevic (interprétation): Je pense que l'on peut remettre la totalité

24 de ces documents. Mais je voudrais peut-être d'abord passer à autre chose.

25 Oui, il s'agit du document du Bureau du Procureur, il s'agit de cette

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1 liasse de documents et j'aimerais inviter le témoin à consulter ces

2 documents.

3 (Intervention de l'huissier.)

4 Je dispose également d'informations selon lesquelles la partie adverse

5 aurait également reçu ces documents, Monsieur le Président.

6 (Les Juges se concertent sur le siège.)

7 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, pouvez-vous répondre

8 à la question qui vous a été posée? De quoi s'agit-il?

9 M. Kucan (interprétation): Oui. Ces documents prouvent simplement que la

10 Slovénie dans le conflit, au cours de la guerre, a respecté la règle du

11 droit. C'est-à-dire que l'accusation a procédé à une enquête et a présenté

12 ses conclusions. La Commission d'Helsinki est intervenue. J'affirme, pour

13 ma part, que ces soldats n'ont pas été tués ni exécutés en tant que

14 prisonniers de guerre, mais que malheureusement ces personnes ont été

15 exécutées.

16 M. le Président (interprétation): D'après l'accusé, il s'agit d'un extrait

17 d'un dossier qui avait été mis dans les mains du Bureau du Procureur. Est-

18 ce exact? Est-ce que vous pensez que cette description convient?

19 M. Kucan (interprétation): Je ne sais pas de quoi dispose l'accusation,

20 mais il s'agit de documents authentiques qui font allusion aux travaux

21 menés par les instances judiciaires en Slovénie.

22 M. Milosevic (interprétation): Bien. Monsieur le Témoin, pouvez-vous me

23 dire simplement si ces personnes ont été exécutées ou non?

24 M. le Président (interprétation): Mais j'aimerais peut-être d'abord

25 trancher au sujet du fait de savoir si ce document est versé au dossier ou

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1 non.

2 M. Nice (interprétation): J'aimerais simplement rajouter un élément

3 d'information avant que vous ne preniez de décision. Il s'agit ici du

4 critère de pertinence que nous devons examiner, compte tenu des événements

5 qui se sont déroulés en Slovénie. Pour la Croatie, la Bosnie et le Kosovo,

6 c'est vrai qu'il y a eu un conflit; par conséquent, ce que la partie

7 adverse a fait et mis en exergue comme étant pertinent par l'accusé. Je ne

8 veux pas dire ici que les documents qui ont été présentés ce matin ne sont

9 pas utiles, mais si nous examinons la totalité du livre blanc et, par

10 conséquent, le rapport dans son intégralité en réponse à ce livre blanc, à

11 ce moment-là on ajoute des sources d'information à cette affaire. Et je

12 pense que nous avons dépassé, à ce moment-là, le cadre de la recevabilité

13 des éléments de preuve. Il s'agit là d'une question sur laquelle seule les

14 Juges peuvent statuer.

15 (Les Juges se concertent sur le siège.)

16 M. le Président (interprétation): Nous allons verser ces documents, mais

17 nous tiendrons compte de l'observation formulée par l'accusation au sujet

18 de la pertinence. Mais, dans l'intervalle, nous allons admettre ces

19 documents et les verser et autoriser l'accusé à poursuivre son contre-

20 interrogatoire de façon plus précise. En temps utile, il nous appartiendra

21 de prononcer une décision au sujet de la pertinence de ces documents.

22 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit de la pièce à

23 conviction de la défense 137.

24 M. le Président (interprétation): Merci.

25 M. Milosevic (interprétation): Je vous ai cité quelques exemples parmi

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1 tous ces documents qui montrent que dans cette soi-disant attaque menée

2 par la JNA contre la Slovénie, les victimes… ou le nombre des victimes

3 était beaucoup plus important parmi les soldats de la JNA. Je pense qu'il

4 s'agit en fait de huit membres de la Défense territoriale de la Slovénie

5 parmi lesquels il y a eu des morts, et il s'agissait simplement d'un moyen

6 d'autodéfense suite à une attaque...

7 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà examiné cette question

8 et le témoin a répondu. Passez à autre chose.

9 M. Milosevic (interprétation): Dans sa déclaration préliminaire, le

10 témoin, au paragraphe 75, fait allusion à Kostic et à Jovic, plus

11 particulièrement à l'île de Brioni, où il dit: "Quelques Slovènes

12 détestent la Yougoslavie à tel point qu'ils souhaitent quitter la

13 Yougoslavie. Si tel est le cas, bien, quittez ce pays, mais ne tuez pas

14 nos fils, parce que nos mères ne doivent pas être confrontées à ces morts

15 et ces personnes ne doivent pas mourir sur le territoire slovène." (Fin de

16 citation.)

17 Il s'agissait là de votre citation. Par conséquent, comment pouvez-vous

18 expliquer la guerre?

19 M. Kucan (interprétation): Monsieur le Président, la Slovénie ne voulait

20 pas de cette guerre; elle n'en avait pas besoin, elle ne l'a pas

21 provoquée. Les fils serbes de mères monténégrines sont décédés, mais il en

22 est de même pour les mères slovènes. Mais nous, en tant que Slovènes, nous

23 n'avons pas déclenché cette guerre.

24 M. Milosevic (interprétation): Bien. Nous allons à présent aborder un

25 autre domaine. J'ai présenté un certain nombre d'allégations, mais est-il

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1 vrai que vous auriez pu quitter la Yougoslavie sans devoir entamer une

2 guerre, et que vous avez déclenché une guerre dans l'objectif de détruire

3 toute la Yougoslavie, qu'en fait, tel était votre rôle?

4 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, le témoin a répondu

5 à plusieurs reprises en disant qu'il n'avait pas déclenché la guerre. Par

6 conséquent, toute question qui reviendrait sur cet aspect n'est pas

7 pertinente. Vous avez entendu la réponse du témoin, passons à autre chose.

8 Revenez peut-être sur d'autres détails qu'il a apportés.

9 M. Milosevic (interprétation): Sa déclaration est assez volumineuse

10 puisqu'elle couvre 27 pages. Plusieurs observations ont été formulées au

11 sujet de cette déclaration et nous avons eu certaines explications très

12 brèves, et j'aimerais poser de nombreuses questions à ce témoin.

13 Monsieur le Témoin, vous parlez du fait suivant. Au paragraphe 6, vous

14 dites que les Serbes ont insisté sur le fait que la Yougoslavie doit son

15 existence à une annexion d'autres royaumes, ce qui est exact. Et vous avez

16 également dit que les Serbes ont précisé que la Slovénie avait fait

17 sécession par rapport à la Yougoslavie et que nous avions insisté sur

18 cette dissociation.

19 Monsieur le Témoin, pouvez-vous convenir qu'il s'agit d'une allégation

20 montée de toutes pièces? Parce que les Serbes considéraient que les

21 Slovènes, de leur propre gré, pouvaient décider de leur propre sort, de

22 leur propre avenir, mais qu'ils ne pouvaient pas imposer leur volonté à

23 d'autres, ceux qui voulaient continuer à vivre en Yougoslavie; n'est-ce

24 pas exact?

25 M. Kucan (interprétation): Monsieur le Président, je ne tiens pas à

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1 rouvrir le débat, s'agissant des différentes opinions qui ont prévalu au

2 sujet du démantèlement de la Yougoslavie et du rôle qu'a joué la

3 Yougoslavie dans la vie de ces différentes nations.

4 Il s'agissait d'une volonté librement exprimée de tout un chacun qui

5 voulait faire partie de la Yougoslavie; je me réfère à l'année 1918. Il

6 est vrai que c'est de notre propre gré que nous sommes partis, mais nous

7 ne voulions pas imposer ceci à quiconque. Nous avons pris les mesures

8 nécessaires, nous ne les avons pas obligés. Nous voulions que tout se

9 fasse de façon pacifique et sur une base consensuelle.

10 Question: Nous allons tirer au clair un certain nombre de points; je pense

11 que vos connaissances sont suffisantes pour vous permettre de le faire.

12 Vous avez dit que les Serbes, en Bosnie-Herzégovine, représentaient un des

13 trois peuples constitutifs; n'est-ce pas exact?

14 Réponse: Oui.

15 M. Milosevic (interprétation): Estimez-vous que le référendum concernant

16 la sécession de la Bosnie-Herzégovine en l'absence d'un des trois peuples

17 constitutifs –en l'occurrence, le peuple serbe- pouvait être considéré

18 comme étant légitime ou non, compte tenu des critères, des principes, des

19 dispositions de la Constitution yougoslave, des normes générales?

20 M. le Président (interprétation): Le témoin n'est pas venu aujourd'hui

21 pour déposer en qualité d'expert en Constitutions, et la question de la

22 sécession de la Bosnie-Herzégovine -comme vous l'avez qualifiée vous-même-

23 n'a pas été soulevée dans sa déposition. Par conséquent, son opinion en la

24 matière ne nous aide guère.

25 M. Milosevic (interprétation): Je ne lui posais pas cette question en

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1 qualité d'expert en Constitutions. Je lui demandais simplement si, à la

2 lumière de la déclaration qu'il a faite, il savait que les Serbes étaient

3 un des trois peuples constitutifs de la Bosnie-Herzégovine et qu'il ne

4 s'agissait pas là d'un fait que l'on pouvait contester?

5 M. le Président (interprétation): Je vous rappelle une chose: il a précisé

6 un certain nombre d'aspects dans sa déclaration, mais il n'est pas venu

7 pour faire une déposition à ce sujet. Par conséquent, comme le temps qui

8 nous est imparti est très court, nous n'allons pas nous appesantir sur

9 cette question.

10 M. Milosevic (interprétation): Bien, Monsieur May. Je ne vais donc pas me

11 référer à tout ce qu'il a dit, mais je vais m'y référer en partie. Je

12 crois que ces déclarations sont un fondement pour ce qui est de poser des

13 questions de façon tout à fait légitime.

14 Monsieur, vous avez dit ici, aujourd'hui, que vous avez eu une réunion au

15 niveau de la Présidence de la RSFY et qu'avec le Président du conseil

16 exécutif fédéral… où vous avez dit, d'après les notes que j'ai prises, que

17 vous aviez demandé de procéder à des modifications, à des amendements

18 constitutionnels. Vous avez indiqué qu'il y avait une Cour

19 constitutionnelle qui sera à même de déterminer si telle ou telle chose

20 sera faite de façon constitutionnelle ou pas. En a-t-il été ainsi ou pas?

21 M. Kucan (interprétation): Oui.

22 Question: Et vous avez précisé qu'il y avait compétence de la Cour

23 constitutionnelle garantissant qu'il n'y aura pas violation de l'ordre

24 constitutionnel établi. Toutefois, étant donné que vous avez parlé de

25 l'attachement qu'avait la Slovénie à l'égard de la légalité et de la

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1 démocratie, je voudrais savoir s'il est exact que, contrairement à tout

2 ceci, la Slovénie, par les décisions unilatérales de ces organes d'Etat, a

3 procédé à la destruction de cet ordre établi par le biais de ses

4 représentants au niveau du Parlement yougoslave en prenant des décisions

5 qui n'étaient pas conformes avec la Constitution de cette République

6 socialiste fédérative de Yougoslavie. Est-ce exact ou pas?

7 Réponse: Cela n'est pas exact, parce qu'avant cet accord constitutionnel,

8 il y a eu quatre amendements. L'un des amendements avait porté sur le

9 droit des communautés religieuses d'ouvrir des écoles.

10 Le deuxième amendement avait trait à l'impossibilité de proclamer un Etat

11 d'urgence sans l'accord des autorités des différentes Républiques.

12 Le troisième amendement portait sur l'aide technologique… ou plutôt la

13 corrélation ou les transferts des infrastructures technologiques et, en

14 dernier lieu, le droit à l'autodétermination… Deux Juges de la Cour

15 constitutionnelle de Yougoslavie parce que chaque République en avait deux

16 au niveau de l'instance fédérale, ils avaient des points de vue distincts

17 à ce sujet.

18 Question: Mais moi, je ne parle pas de positions distinctes à l'occasion

19 des sessions de la Cour constitutionnelle parce qu'un juge peut mettre de

20 côté son vote ou son opinion, mais la Cour constitutionnelle décide de

21 plein droit. Vous avez dit qu'il y avait une Cour constitutionnelle qui

22 évaluerait si cela s'était fait conformément à la Constitution ou pas. En

23 réalité, vous avez procédé à une destruction de l'ordre juridique établi

24 en Yougoslavie.

25 Au sujet de l'assertion faite ici par le témoin, disant qu'il avait avancé

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1 la possibilité de faire en sorte que la Cour constitutionnelle se porte

2 garante, j'ai des décisions authentiques de la Cour constitutionnelle -que

3 je n'ai certes pas le temps de lire ici en public, car j'aurais besoin de

4 plusieurs journées pour le faire. Mais, c'est authentique, il y a une

5 opinion émanant de la Cour constitutionnelle de Yougoslavie qui est

6 contraire… qui a émis des opinions contraires aux Amendements 9 à 90 faits

7 par rapport à la Constitution de Slovénie, par rapport à la Constitution

8 fédérale.

9 Par la suite, on donne des opinions contraires aux amendements apportés à

10 la Constitution sur le plan de la défense nationale. Ce sont là des

11 décisions qui ont été faites par la Cour constitutionnelle, à laquelle le

12 témoin s'est référé.

13 Ensuite, on dit qu'il y a opposition d'un amendement à la Constitution de

14 la République de Slovénie, je me réfère à la page 99, ici.

15 Puis une décision, paragraphe 1, alinéa 2, pour ce qui est de la violation

16 de certaines procédures constitutionnelles qui ont été supprimées par la

17 Cour constitutionnelle fédérale. Et les articles afférents à la

18 souveraineté de la République de Slovénie supprimée par la Cour

19 constitutionnelle fédérale.

20 (Les interprètes demandent à M. Milosevic de ralentir son débit. Il n'est

21 pas possible de travailler à cette vitesse.)

22 Puis partant des articles 4 et 10 afférents au plébiscite, afférents à

23 l'indépendance et l'autonomie de la République de Slovénie supprimées par

24 la Cour constitutionnelle fédérale.

25 Puis la décision pour ce qui est de l'appréciation de la

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1 constitutionnalité de la résolution afférente à la dissociation de la

2 Slovénie par rapport à la République socialiste fédérative de Yougoslavie,

3 également supprimée.

4 Puis, décision sur la constitutionnalité de votre loi afférente à la

5 défense et à la protection civile, qui a été supprimée également.

6 Votre décision ou votre amendement concernant les obligations des

7 conscrits militaires, supprimée également.

8 Puis article 2, paragraphe 2, alinéa 3, articles 7 et 8 de la loi portant

9 modification de la loi relative à la circulation routière, supprimée.

10 Puis, celle qui porte sur la Charte constitutionnelle relative à

11 l'autonomie et à l'indépendance de la République de Slovénie, ce sont là

12 des décisions de la Cour constitutionnelle. Puis, des décisions pour ce

13 qui est de la mise en application de cette Charte constitutionnelle sur

14 l'indépendance et l'autonomie de la République de Slovénie, supprimées.

15 Puis, la décision sur la constitutionnalité ou non constitutionnalité de

16 la décision afférente à l'indépendance.

17 Puis celle qui est afférente au service douanier, à-propos de laquelle

18 vous avez procédé à ce que vous avez relaté au début…

19 M. le Président (interprétation): Je dois vous interrompre parce que vous

20 êtes en train de donner lecture d'une longue liste, alors que le témoin

21 devrait pouvoir bénéficier de l'occasion d'apporter ses commentaires et

22 d'apporter des réponses, si nécessaire; des réponses aux décisions

23 individuelles.

24 Monsieur Kucan, vous avez entendu les décisions ou plutôt la grande

25 quantité de décisions prises par cette Cour constitutionnelle de

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1 Yougoslavie. Au cas vous souhaiteriez vous pencher sur l'une quelconque de

2 ces décisions ou fournir un commentaire individuel ou alors faire un

3 commentaire général au sujet de ce qui a été dit, vous avez l'opportunité

4 de le faire.

5 M. Kucan (interprétation): Je suis certainement au courant de ces

6 décisions. L'accusé affirme que la Cour constitutionnelle de Yougoslavie a

7 supprimé les procédures ou les décisions adoptées. Mais la Cour

8 constitutionnelle n'avait pas cette autorité, n'avait pas cette

9 attribution. Elle avait pour attribution de déterminer si cela avait été

10 conforme ou pas avec la Constitution de la Yougoslavie.

11 Ce que je voudrais souligner, étant donné qu'il s'agit là des questions

12 les plus importantes et étant donné qu'il s'est passé des choses analogues

13 dans les autres instances de la Yougoslavie, eh bien, c'était la méthode

14 utilisée à la Cour constitutionnelle. Tant au niveau des votes… A ce

15 niveau-là, les deux juges provenant de Slovénie avaient des opinions

16 divergentes de celles de la majorité des autres juges.

17 M. le Président (interprétation): Que voulez-vous dire par "la même

18 méthode de vote", Monsieur Kucan? De quelle méthode parlez-vous?

19 M. Kucan (interprétation): Eh bien, le vote qui a été celui que nous avons

20 vu au 14e Congrès. Et il y avait la même méthode à l'assemblée fédérale

21 lorsqu'il s'agissait d'adopter des lois, et s'il y avait par exemple à

22 l'ordre du jour une décision afférente à la dissociation à l'égard de la

23 Yougoslavie.

24 M. le Président (interprétation): Mais si on se penche sur ces décisions,

25 on pourra constater que les juges slovènes étaient mis en minorité?

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1 M. Kucan (interprétation): C'est exact.

2 M. le Président (interprétation): Vous pouvez nous le dire et nous allons

3 procéder aux vérifications, mais est-ce que d'autres juges se seraient

4 prononcés de façon analogue à celle des vôtres?

5 M. Kucan (interprétation): Il faudrait que je me penche sur la question

6 par rapport aux décisions concrètes ou aux arrêts concrets adoptés par la

7 Cour constitutionnelle. Je ne voudrais pas émettre d'hypothèse pour ne pas

8 vous induire dans l'erreur.

9 M. le Président (interprétation): Bien.

10 Monsieur Milosevic?

11 M. Milosevic (interprétation): Je ne sais pas quelle est la finalité.

12 J'aimerais que vous me répondiez. A quoi amène la comparaison entre les

13 votes au congrès du parti -et ce parti vote, par majorité, conformément à

14 son règlement- et la Cour constitutionnelle qui a également un règlement

15 qui a force de loi, qui prend des décisions qu'elle ne peut prendre sans

16 une majorité qualifiée. Chaque tribunal, chaque cour au monde adopte des

17 décisions par majorité de voix.

18 Est-ce que vous êtes en train d'affirmer, pour que je sois tout à fait

19 précis sur mes questions, que les décisions de la Cour constitutionnelle

20 supprimant les documents, les actes et décisions prises par la Slovénie,

21 donc les documents formulant des positions de cette Cour constitutionnelle

22 disant que vos décisions sont non conformes à la Constitution de la

23 Yougoslavie, sont adoptées par violation du règlement de la Cour

24 constitutionnelle et au code de conduite, son règlement de procédure?

25 M. Kucan (interprétation): Messieurs les Juges, vous voyez l'accusé

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1 affirmer qu'il est non pertinent de parler de la méthode de vote. Mais

2 j'estime, pour ma part, qu'il est très important de parler de ce problème

3 de mise en minorité automatique au cours des votes, parce que cela nous

4 illustre bien la façon dont les positions d'une république sont imposées à

5 une autre par ce mécanisme de vote. Et notre République a ainsi été

6 systématiquement mise en minorité et placée dans l'impossibilité de

7 prononcer ses positions et de faire en sorte qu'elles soient adoptées.

8 Le principe était celui "d'un homme une voix" -c'est, certes, un principe

9 démocratique- mais dans un pays pluriethnique, le principe en question

10 devrait être remplacé par celui de "un citoyen, une république, un vote".

11 Il serait donc ainsi impossible de mettre en minorité systématiquement les

12 uns et les autres. En 1989 déjà, à l'occasion de cette réunion dont j'ai

13 parlé, j'ai parlé de la nécessité de mettre en place un tel principe; or

14 on m'a dit que ce type de modification ne saurait être adopté suivant un

15 principe de consensus. Or la logique était, là, différente que celle que

16 nous avions adoptée nous-mêmes, qui était la nôtre.

17 Question: Monsieur Kucan, n'inversez pas les choses. Je vous parle de

18 décisions légales de la Cour constitutionnelle de Yougoslavie, je ne parle

19 pas du principe "un citoyen, un vote". Vous avez dit vous-même que vous

20 aviez demandé à la Présidence de la Yougoslavie et au gouvernement fédéral

21 -lors de la réunion, que vous avez citée ce matin- de procéder à des

22 amendements constitutionnels en disant et en fournissant des garanties que

23 cela ne se ferait pas contrairement à la Constitution fédérale; et vous

24 avez avancé que la Cour constitutionnelle aura le loisir de constater les

25 écarts ou les divergences. Et la Cour constitutionnelle a constaté qu'il y

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1 a eu des éléments anticonstitutionnels et que vous avez sabordé l'ordre

2 constitutionnel de la Yougoslavie, le système légal de la Yougoslavie.

3 Est-ce que vous êtes conscient de ce fait?

4 Réponse: Tout d'abord, la Cour constitutionnelle n'a pas dit que la

5 Slovénie avait détruit ou mis à bas l'ordre constitutionnel de la

6 Yougoslavie. J'ai dit quelle était la signification des décisions

7 constitutionnelles, à savoir qu'il y avait à ce niveau-là le même nombre

8 de juges émanant des différentes Républiques de Yougoslavie. Si je puis

9 apporter une conclusion sur cette base-là, ce que je dirai c'est que les

10 deux juges de la Cour constitutionnelle originaires de la Slovénie

11 devraient être considérés comme incompétents et n'auraient donc aucune

12 autorité pour ce qui était de participer à la prise de cette décision.

13 M. Milosevic (interprétation): Mais ils prenaient part au processus de

14 prise de décision même s'ils étaient en minorité. Parce que vous n'ignorez

15 pas le fait que la Cour constitutionnelle ne siégeait qu'en séance

16 plénière avec la participation de tous ses membres.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je crois que nous

18 venons d'épuiser ce sujet. Je vous demanderai de passer à autre chose.

19 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais que ces 27 décisions de la Cour

20 constitutionnelle de Yougoslavie, étant donné que le témoin en a parlé et

21 que je les ai citées moi-même, soient versées au dossier en leur qualité

22 d'éléments de preuve unifiés. Il y a 27 noms. Je dirai même qu'il y a plus

23 de 27 décisions dans la liasse de documents que je vous remets.

24 M. le Président (interprétation): Nous allons d'abord leur attribuer une

25 cote pour identification.

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1 (Intervention de l'huissière.)

2 Eh bien, c'est versé au dossier aux fins d'identification, en attendant

3 leur traduction et en attendant que nous ne voyons de quoi il retourne.

4 Mme Anoya (interprétation): Messieurs les Juges, il s'agira de la pièce à

5 conviction de la défense n°138, marquée pour identification.

6 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai que très peu de temps à ma

7 disposition, je vais donc traverser quelques questions très importantes.

8 Est-il exact de dire que, début octobre 1990, on a entamé des activités

9 pour ce qui est d'un armement intensif et illégal de la Croatie avec la

10 coopération de la Slovénie? Vous souvenez-vous du fait qu'à l'époque, la

11 JNA a découvert neuf canaux d'armement illégal de la Croatie par le biais

12 de la Slovénie; est-ce exact ou pas?

13 M. Kucan (interprétation): Non, d'après ce que j'en sais… Et si la JNA

14 avait découvert quelque canal illégal que ce soit… Mais ce que je sais,

15 c'est que l'armée a désarmé la Défense territoriale slovène au mois de mai

16 de la même année; il en a déjà été question auparavant, et ceci lorsque

17 les autorités démocratiquement élues sont arrivées et sont venues au

18 pouvoir.

19 M. Milosevic (interprétation): Je ne vois pas de relation de cause à effet

20 sur ce point-là. J'ai ici une confirmation disant que la République de

21 Slovénie, ministère de l'Intérieur… confirmant que le transport d'armes et

22 de munitions traversant le territoire de la République de Slovénie est

23 destiné au ministère de la Défense de la République de Croatie. Et on

24 parle de 10.000 mines, 9.754.000 balles et ainsi de suite.

25 Je vais mieux me pencher… ou plutôt, j'ai besoin de lunettes pour lire le

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1 nom: ministre Jarnjak (phon.). Le nom est sous le tampon, ce qui fait

2 qu'il n'est pas très lisible. Ce qui fait que cela a été adressé au

3 ministère de l'Intérieur de la République de Slovénie.

4 Donc est-il exact de dire que vous avez participé à l'armement de la

5 République de Croatie?

6 M. le Président (interprétation): Si vous souhaitez que le témoin vous

7 fasse des commentaires au sujet d'un document, il faudrait qu'il puisse le

8 voir. Montrez-le donc au témoin et nous entendrons son commentaire.

9 (Intervention de l'huissière.)

10 Monsieur Kucan, veuillez vous pencher sur ce document, je vous prie, et

11 nous dire de quel document il s'agit. Vous pourrez éventuellement

12 confirmer ce que l'accusé a dit. Peut-être pourriez-vous aussi nous

13 indiquer une date et nous dire quel est votre commentaire?

14 M. Kucan (interprétation): Le document porte la date du 17 décembre 1992.

15 Et, bien entendu, c'est la première fois que je vois ce document.

16 Cependant, je n'y vois de rien de contestable. Parce que l'accusé, dans sa

17 question préalable, a indiqué qu'il y avait des canaux illégaux pour

18 l'approvisionnement en armes; et moi, je ne suis pas au courant de canaux

19 illégaux. Il y avait un canal légal qui relevait des compétences de

20 l'autorité de la République. Il n'y avait, pour les Républiques, aucune

21 nécessité de se procurer des armes.

22 M. Milosevic (interprétation): Mais n'est-il pas vrai qu'il y avait

23 embargo de la communauté internationale pour ce qui est de toute

24 importation d'armes vers le territoire de l'ex-Yougoslavie?

25 M. Kucan (interprétation): Cela s'est passé avant la reconnaissance

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1 internationale de la Slovénie et de la Croatie, comme nous pouvons en

2 conclure partant de la date qui est indiquée. Par conséquent, l'embargo ne

3 nous concernait pas nous-mêmes. Il s'agit d'une période qui a suivi le

4 retrait de la JNA.

5 Je m'excuse. Cela se passe au moment de la reconnaissance, de la

6 reconnaissance des deux Etats qui, chacun pour soi en leur qualité d'Etats

7 à part, ont pris des mesures pour protéger et sauvegarder leur

8 souveraineté.

9 Question: Mais l'embargo avait-il concerné la Bosnie-Herzégovine?

10 Réponse: L'embargo se rapportait à la vente d'armes et ne portait que sur

11 la vente d'armes.

12 Question: Ce serait une bonne chose pour vous d'entendre ceci, Messieurs.

13 J'ai demandé si l'embargo était en vigueur pour la Bosnie-Herzégovine et

14 vous avez répondu que l'embargo n'était en vigueur que pour la vente

15 d'armes; c'est bien ce que vous avez dit?

16 Réponse: Oui.

17 M. Milosevic (interprétation): Or j'ai ici une confirmation: "Présidence

18 de la Bosnie-Herzégovine", signée par Azim Karamehmedovic, attestation

19 suite à autorisation livrée par le Président de la Présidence de la

20 Bosnie-Herzégovine, Alija Izetbegovic, disant que le dénommé Azim

21 Karamehmedovic, membre de la cellule de crise, etc., etc., pour des

22 équipements valant 1.800.000…

23 M. le Président (interprétation): Ceci a l'air d'être une déclaration. Ce

24 que vous pouvez affirmer à l'intention du témoin, si tant est qu'il est en

25 mesure de répondre et si cela a quoi que ce soit à voir avec lui, c'est

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1 lui dire ce qui y est dit. Mais vous ne pouvez pas présenter ici une

2 déclaration.

3 M. Milosevic (interprétation): Ce n'est pas une déclaration, c'est une

4 attestation. C'est une attestation délivrée sur autorisation du Président

5 de la République, Alija Izetbegovic.

6 Il est dit "qu'il y a 1.850.000 marks d'équipement reçus de la République

7 de Slovénie qui allaient payés dans les meilleurs délais possibles. Et

8 jusqu'à la date de paiement, en guise de garantie, nous confions à la

9 République de Slovénie un hélicoptère nous appartenant sur le territoire

10 de la Slovénie. Au cas où la Bosnie-Herzégovine n'effectuerait pas le

11 paiement en question, l'hélicoptère se trouvant sur le territoire de la

12 République de Slovénie, resterait la propriété de celle-ci, la République

13 de Bosnie-Herzégovine…"

14 M. le Président (interprétation): De quelle date parlez-vous?

15 M. Milosevic (interprétation): Du 9 mai 1992, donc époque où était en

16 vigueur l'embargo et, comme l'a dit le témoin lui-même, qui portait sur la

17 vente des armes. Or ici, il s'agit bel et bien de vente d'armes.

18 M. le Président (interprétation): Montrez donc cela au témoin.

19 M. Milosevic (interprétation): Oui, je vais le lui montrer, Monsieur May,

20 et je demande à ce que ce soit versé au dossier comme élément de preuve.

21 Et avant que de ne le lui montrer, je voudrais lui montrer autre chose

22 encore. Il y a un récapitulatif des besoins à l'intention de la Bosnie-

23 Herzégovine destiné à...

24 M. le Président (interprétation): Une chose à la fois! Une chose à la

25 fois! Nous ne pouvons pas traiter de tant de documents à la fois. Montrez

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1 le document d'abord au témoin qui nous apporte son commentaire, et puis on

2 ira de l'avant.

3 M. Milosevic (interprétation): Je veux bien, mais le temps me manque.

4 Cette façon de faire me convient du reste. Il y a aussi le document de la

5 République de Slovénie, ministère de la Défense… à l'intention du

6 ministère de la Défense de Bosnie-Herzégovine. On énumère là… ou on donne

7 là un récapitulatif d'armement.

8 Tenez, prenez cela.

9 (Intervention de l'huissier.)

10 M. le Président (interprétation): Monsieur Kucan, veuillez vous pencher,

11 je vous prie, sur le document en question et nous confirmer si le document

12 est bel et bien ce que l'accusé affirme? Et si vous avez des commentaires,

13 veuillez nous les faire.

14 M. Kucan (interprétation): Tout d'abord, au sujet de l'embargo, il n'est

15 pas interdit que les Etats s'approvisionnent en armes pour leur défense.

16 Et, pour ce qui est de ce document émanant du ministère de la Défense, il

17 y a un organe responsable en Bosnie-Herzégovine. Il y a des documents

18 afférents dans les archives de la République de Slovénie et le ministère

19 de la Défense, au cas où le Procureur souhaiterait les obtenir, cela peut

20 être fait.

21 M. Milosevic (interprétation): Pouvez-vous et voyez-vous le récapitulatif

22 signé par Alija Izetbegovic pour ce qui est du nombre de millions de

23 balles, du nombre de fusils, etc., rédigé et signé par Alija Izetbegovic,

24 rédigé en manuscrit par Alija Izetbegovic? Et je crois que vous connaissez

25 son écriture aussi bien que moi-même.

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1 M. Kucan (interprétation): Pour ce qui est des soi-disant milliers de

2 fusils, je dirai qu'il s'agit de 1.000 fusils et non pas de milliers de

3 fusils. Comme je l'ai déjà dit, cela a déjà été pris en considération par

4 les instances compétentes de Slovénie, et ces instances sont à même de

5 vous apporter des réponses précises.

6 Le fait est qu'en janvier 1993, il a été adopté une décision conformément

7 à laquelle la Slovénie n'était plus tenue d'apporter de l'aide ou des

8 contributions que ce soit, sous forme d'armes ou sous forme de transports,

9 assurées par le biais des territoires de la Croatie ou la Bosnie-

10 Herzégovine.

11 M. le Président (interprétation): Bien. Nous allons verser au dossier ces

12 documents-là pour identification. Nous allons par la suite décider de leur

13 pertinence. D'abord, le document afférent à la Croatie, et ensuite celui

14 afférent à la Bosnie-Herzégovine.

15 Mme Anoya (interprétation): Messieurs les Juges, l'attestation datée du 17

16 septembre 1992 constituera la pièce à conviction de la défense 139,

17 marquée pour identification. Et l'attestation signée par Alija Izetbegovic

18 sera la pièce à conviction de la défense portant la cote 140, toujours

19 pour identification.

20 M. Milosevic (interprétation): Bien. Vous avez pris part à l'armement de

21 la Bosnie-Herzégovine, la chose n'est pas contestée?

22 M. Kucan (interprétation): Il m'est difficile de tomber d'accord avec des

23 allégations de ce type. Parce que, tout d'abord, il convient de déterminer

24 où étaient acheminées les armes prises par l'armée populaire yougoslave

25 lors de son retrait. Une fois qu'il a été établi qu'elle n'avait plus

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1 besoin de ces armes-là pour le service militaire des effectifs de réserve,

2 ce n'est qu'alors que nous pourrons constater si la Bosnie-Herzégovine

3 était capable d'organiser elle-même sa défense dans ces circonstances-là.

4 Question: Mais, moi, je vous demande seulement si vous contestiez ou pas

5 le fait que vous avez participé à l'armement de la Bosnie-Herzégovine?

6 Réponse: Moi, j'ai répondu en parlant du pourquoi cela était nécessaire.

7 Question: Très bien. Très bien. Est-il exact de dire que le Président de

8 votre Commission pour la détermination s'il y avait participation de la

9 Slovénie à l'armement de la Bosnie-Herzégovine, dont le nom est Rudolf

10 Mofe, a demandé que cette commission soit démantelée? Aviez-vous, oui ou

11 non, une commission chargée de déterminer s'il y a eu participation de la

12 Slovénie à l'armement de la Bosnie-Herzégovine?

13 Réponse: Ce nom ne me dit rien. Est-ce que vous pouvez le répéter, je vous

14 prie?

15 Question: Moi, j'ai ici le nom de "Rudolf Mofe".

16 Réponse: Eh bien, peut-être l'adjoint de l'assemblée slovène qui

17 s'appelait Rudolf Moge. Et lui avait fait partie du comité qui était

18 chargé de déterminer les faits en relation avec la participation de la

19 Slovénie à l'armement de la Défense territoriale. Et ces rapports peuvent

20 être retrouvés dans les archives. Je crois que le processus en question

21 n'est pas achevé en Slovénie en ce moment, à l'heure actuelle.

22 Question: Vous dites qu'il n'est pas achevé, mais passons à autre chose,

23 je vous prie. Vous dites, au point 7 de votre déclaration, que les Serbes

24 considéraient la Yougoslavie comme un Etat qui permettait à tous les

25 Serbes de vivre sous le même toit -ce qui est un fait, tous les Serbes

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1 vivaient en Yougoslavie-, et vous dites que les nations non serbes

2 considéraient que la Yougoslavie défendait des groupes, cela me paraît

3 invraisemblable.

4 Donc je vous demande aujourd'hui si vous saviez ou si vous savez que, par

5 la Constitution, tous les habitants de la Yougoslavie, indépendamment de

6 leur nationalité, avaient une égalité de droits et donc égalité devant les

7 tribunaux et du point de vue de la protection. La Constitution ne

8 défendait donc pas des groupes, mais des citoyens, et sans doute que

9 l'ensemble des citoyens considéraient qu'ils habitaient dans un seul et

10 même Etat, et que cet Etat était sans aucune discrimination, valable pour

11 tous.

12 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cette déclaration est

13 certainement invraisemblable, mais elle ne vient pas de moi, je n'en suis

14 pas l'auteur.

15 Question: J'ai dit qu'elle était invraisemblable, c'est le point 7 de

16 votre déclaration. Mais puisque vous dites aussi qu'elle est

17 invraisemblable, je ne vais pas vous en donner lecture.

18 Réponse: Je le dis, j'ai affirmé qu'elle était invraisemblable, mais j'ai

19 ajouté par ailleurs que ce n'était pas moi qui en étais l'auteur, que je

20 n'avais pas prononcé ces mots.

21 Question: Eh bien, écoutez, je lis -je cite-: "Les nations non serbes

22 considéraient la Yougoslavie comme défendant des groupes, alors que les

23 Serbes considéraient la Yougoslavie comme un Etat qui permettait à tous

24 les Serbes de vivre dans un seul et même Etat". (Fin de citation.)

25 J'ai considéré cette déclaration comme invraisemblable, mais j'ai grand

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1 plaisir à voir que vous êtes d'accord avec moi là-dessus.

2 Passons à autre chose. Vous affirmez que la Yougoslavie n'a pas admis

3 l'existence d'un commandement suprême militaire unique après l'époque de

4 Tito. Est-ce que c'est quelque chose que vous affirmiez ou est-ce que cela

5 aussi c'est une invention créée de toute pièce et totalement

6 invraisemblable?

7 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, s'agissant de la

8 première affirmation, je suis sûr qu'il doit s'agir d'une interprétation

9 ou d'une traduction erronée. La Yougoslavie ne défendait pas des groupes

10 et la Nation slovène d'ailleurs n'est pas un groupe, j'en ai déjà parlé.

11 Mais si nous parlons de la JNA, il est vrai qu'elle ne reconnaissait pas

12 le commandement suprême. Et lors de diverses réunions tenues au mois de

13 mars 1991 quant au fait de savoir ce qu'il y avait de vrai dans diverses

14 choses qui avaient été écrites, il est devenu tout à fait clair que la

15 JNA, en tout cas sa direction, souhaitait se situer au-dessus du

16 commandement suprême, c'est à dire au-dessus de la Présidence de la RSFY.

17 Je tiens à dire, le plus clairement qu'il soit, que dès la tenue du 13e

18 Congrès de la Ligue des communistes en 1986, un débat houleux a commencé

19 lors de ce 13e Congrès sur le fait de savoir que si la Ligue des

20 communistes n'était pas capable de résoudre la situation, eh bien, dans ce

21 cas ce serait la JNA qui prendrait à son compte la recherche d'une

22 solution. Des comptes rendus d'audience existent pour ces réunions des

23 congrès et vous pouvez donc vérifier.

24 Question: Mais, écoutez un instant. Au point 26 de votre déclaration,

25 paragraphe 26, vous dites que la JNA ne reconnaissait pas la présidence.

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1 Et vous utilisez un exemple qui est inexact, vous dites que l'armée ne

2 voulait pas que soit promulgué l'état d'urgence. C'est le contraire qui

3 était vrai: elle a proposé que soit promulgué l'état d'urgence, mais la

4 présidence a rejeté cette proposition. La présidence n'a pas donné son

5 aval à cette proposition, donc même l'exemple que vous citez est inexact.

6 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il faudrait regarder

7 de très près ce qui est dit, ce qui s'est passé à l'époque des faits. Nous

8 avons les ouvrages dont les auteurs sont Borislav Jovic et Veljko

9 Kadijevic qui s'expriment de la façon la plus claire qui soit sur la

10 nature de la direction de la JNA et sur la façon dont elle a réagi au

11 dilemme auquel la Yougoslavie était confrontée.

12 Et, afin de permettre à chacun de mieux comprendre les choses, j'aimerais

13 revenir si vous me permettez sur un détail. L'un des éléments les plus

14 controversés qui a été débattu lors du 14e Congrès de la Ligue des

15 communistes, c'était la proposition que la JNA soit contrôlée par les

16 civils et qu'il soit accepté également que les civils puissent refuser en

17 tant qu'objecteurs de conscience de faire leur service militaire.

18 M. Milosevic (interprétation): Pouvons-nous poursuivre, Monsieur May?

19 M. le Président (interprétation): Oui.

20 M. Milosevic (interprétation): Au début de votre déposition ce matin, M.

21 Nice a produit le procès-verbal d'une des réunions du comité central, au

22 cours de laquelle je me suis exprimé. Il a donc produit le texte de mon

23 allocution; et diverses manipulations ont été proposées au sujet d'un

24 certain nombre de mots qui étaient utilisés. En particulier, les mots:

25 "institutionnel", "non institutionnel", etc.

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1 Vous souvenez-vous que le recours à ces mots "institutionnel", et "non

2 institutionnel" avait un rapport avec les rassemblements populaires qui

3 étaient organisés à l'époque dans lesquels les citoyens faisaient

4 connaître leur mécontentement politique ou leur conviction politique?

5 Et il a été écrit à ce sujet que pas un pétale de fleur n'avait été

6 piétiné, pas une vitre n'avait été brisée; bien au contraire, les gens

7 défilaient en chantant et des fleurs à la main. Or, au sein de la

8 direction yougoslave de l'époque, il était dit que ces rassemblements

9 publics n'étaient pas des réunions institutionnelles; et il était ajouté

10 que les problèmes ne pouvaient pas être résolus de façon… en dehors des

11 institutions.

12 Alors, je vous rappelle que ces termes de "institutionnel" et de… "en

13 dehors des institutions" portaient sur les rassemblements de masse. Et je

14 ne vois pas comment on pourrait faire l'égalité entre "en dehors des

15 institutions" et "anticonstitutionnel". Alors, pourquoi, à votre avis, ces

16 rassemblements publics auraient-ils été anticonstitutionnels ou illégaux,

17 puisque la liberté de rassemblement était garantie par la Constitution?

18 M. Kucan (interprétation): Eh bien, il s'agit ici… Nous sommes en présence

19 d'une interprétation inexacte.

20 Lors de la réunion dont il est question, nous avons discuté des

21 modifications qu'il convenait d'introduire et il a été dit que ces

22 modifications ne seraient pas introduites par le biais des institutions,

23 mais en dehors des institutions; qu'elles ne correspondaient donc pas aux

24 procédures établies, qu'elles seraient adoptées en vertu de la volonté

25 populaire, de la volonté de la Nation, qu'il s'agisse de la nation en tant

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1 que telle ou du peuple dans la rue.

2 Nous avons affirmé que la rue pouvait exprimer son mécontentement, mais

3 que la rue ne devait pas être autorisée à mettre en place un programme

4 politique en bonne et due forme ou à promulguer des modifications

5 politiques.

6 Ces rassemblements populaires n'étaient pas aussi innocents qu'il y

7 paraît. Par exemple, la direction de la Vojvodine a rejeté les décisions

8 prises par le gouvernement de Belgrade et, suite à deux rassemblements

9 populaires, cette direction de Vojvodine a été remplacée; et plus tard, la

10 même chose s'est passée au Monténégro.

11 Donc nous ne parlons pas ici de rassemblements populaires au cours

12 desquels la population exprime son mécontentement populaire, mais…

13 D'ailleurs, les rassemblements publics ont été interdits à partir du 1er

14 décembre 1989 à Ljubljana.

15 Question: Ah, vous dites que cela s'est achevé sur l'interdiction d'un

16 rassemblement public prévu à Ljubljana? Qui a prévu cette interdiction?

17 Réponse: Ce n'est pas le fait des Slovènes.

18 Question: Nous allons y venir à cela aussi.

19 Dans cette allocution proposée par M. Nice, je lis ce qui suit: "Cette

20 destruction du système a atteint son point culminant au Kosovo, dans le

21 cadre des violences physiques, politiques et culturelles qui se sont

22 exercées contre les Serbes et les Monténégrins." (Fin de citation.)

23 Est-ce que vous pensez qu'il y a eu de nombreuses violences contre les

24 Serbes et les Monténégrins au Kosovo, ou est-ce vous le contestez?

25 Réponse: Je ne conteste pas le fait que des violences se soient

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1 manifestées au Kosovo; des violences mutuelles, d'ailleurs. Mais j'ai déjà

2 dit devant ce Tribunal quelle était ma position à cet égard. J'ai dit que

3 la question nationale serbe était une question très complexe et que cette

4 complexité ressortait également de la tension qui existait dans les

5 relations interethniques au Kosovo.

6 En 1985, je dirigeais un groupe de travail chargé de travailler sur les

7 relations constitutionnelles entre la République socialiste de Serbie, les

8 deux provinces autonomes et les autres Républiques au sein du système

9 fédéral. L'objectif assigné à notre groupe était de proposer des

10 modifications susceptibles de rendre la situation plus facile en

11 République de Serbie ainsi qu'au niveau fédéral.

12 Question: Fort bien. Mais ici, tout cela est sorti du contexte. Et je lis:

13 "Ces menaces ont atteint un point culminant dans la violence". Et puis,

14 nous lisons ensuite, à la phrase suivante: "Dans une situation marquée par

15 de tels problèmes, il est impossible de faire ce qu'il faut par le seul

16 biais des institutions, et qu'en conséquence, des rassemblements de masse

17 sont organisés à grande échelle par les citoyens pour protester." (Fin de

18 citation.)

19 Par conséquent, ce que je dis, c'est que les institutions n'ont pas réagi.

20 Les habitants ont protesté lors de rassemblements de masse pour faire

21 pression sur ces institutions. Et plus loin, je dis que cela se passe

22 toujours ainsi au sein de quelque société humaine que ce soit.

23 Mais ce qui est vrai, c'est qu'avec l'évolution de la société, avec une

24 meilleure organisation et une plus grande démocratisation de la société,

25 la capacité de l'être humain de mettre en œuvre des modifications par le

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1 biais des institutions devient de plus en plus grande, et c'est dans ce

2 sens que la Yougoslavie se dirigeait. Et je défends le droit des citoyens

3 de défendre leur position, y compris dans des rassemblements publics qui,

4 comme vous l'admettrez vous-même, je l'espère, n'étaient pas des

5 rassemblements publics marqués par la violence.

6 Est-ce bien ainsi ou pas, Monsieur Kucan?

7 Réponse: Je ne sais pas quelle est la question exacte que vous me posez,

8 après les explications très nombreuses que vous venez de donner.

9 M. Milosevic (interprétation): Je vous demande si, d'une quelconque façon,

10 ces rassemblements publics étaient marqués par la violence?

11 M. Kucan (interprétation): Je pense que ceux qui se sont vus contraints de

12 démissionner seraient mieux à même de répondre à cette question;

13 contraints de démissionner alors qu'ils avaient été élus à leur poste en

14 bonne et due forme. Suite à ces rassemblements publics, ils ont dû

15 démissionner.

16 Je me souviens qu'à partir de 1981, l'état d'urgence a été promulgué au

17 Kosovo à trois reprises. Mais permettez-moi de dire que l'état d'urgence

18 et la violence ne sont pas capables de mettre un terme à la violence; ils

19 ne font qu'ajouter à la violence. Et chaque fois, il faut trouver de

20 nouvelles solutions politiques passant par le renforcement des

21 institutions, solution préférable à celle qui consiste à rendre la vie et

22 le travail de ces institutions plus difficile et plus complexe.

23 M. le Président (interprétation): Il vous reste 5 minutes, Monsieur

24 Milosevic; 5 minutes!

25 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, il m'est impossible de

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1 parvenir à achever mon contre-interrogatoire en 5 minutes. Monsieur Nice a

2 consacré au moins 10 minutes aux citations qu'il a faites de mon

3 allocution. Et moi, j'ai encore des questions à poser au témoin au sujet

4 du Kosovo, ce sont des questions tout à fait capitales.

5 M. le Président (interprétation): Eh bien, passez à ces questions! On vous

6 a dit de quel temps vous disposiez -ne m'interrompez pas- et dans 5

7 minutes, ce temps sera arrivé à son terme. Donc avancez.

8 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est pour cela que je vous demande

9 davantage de temps, précisément parce que le temps qui m'est imparti

10 s'achève dans 5 minutes.

11 M. Kay (interprétation): Puis-je me permettre de prendre la parole,

12 Monsieur le Président?

13 M. le Président (interprétation): Oui.

14 M. Kay (interprétation): Je propose que l'on rappelle ce témoin à la barre

15 pour la suite de sa déposition. Il est courant d'entendre dire que les

16 personnalités importantes sont terriblement occupées, or l'expérience

17 montre que ce sont précisément ces personnalités importantes qui ont plus

18 de latitude pour se créer des possibilités de disponibilité et qu'il est

19 plus difficile pour les personnes qui ont un rang moins important de se

20 libérer afin de venir devant des institutions comme celles-ci.

21 (Les Juges se concertent sur le siège.)

22 M. le Président (interprétation): Vous disposerez d'un quart d'heure

23 supplémentaire, Monsieur Milosevic.

24 Maître Kay, nous avons entendu ce que vous venez de dire, et l'accusation

25 l'a entendu également.

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1 M. Milosevic (interprétation): Je disais donc que, grâce à une sortie du

2 contexte sélectif d'un certain nombre de phrases de l'ensemble de mon

3 allocution par M. Nice, et puis nous voyons que le témoin parle également

4 du fait que la Serbie aurait été favorable à une espèce de centralisation,

5 alors que la Slovénie aurait été plus encline à une décentralisation, donc

6 à une attitude plus libérale.

7 Je remercie d'abord d'ailleurs la partie d'en face de m'avoir mis à

8 disposition cette allocution prononcée par moi, car j'ai souvent les plus

9 grandes difficultés à mettre la main sur un certain nombre de documents.

10 Mais je dis dans cette allocution qu'un fait important, et à ne pas

11 négliger, est l'existence d'une fédération en Yougoslavie.

12 La Yougoslavie est donc un ensemble fédéré dans lequel toutes les nations

13 et nationalités coexistent. Ce qui signifie que chacun est égal à autrui

14 et que sur le plan économique, politique, culturel il n'y a pas

15 d'inégalités dans le pays.

16 Cette affirmation incontestée doit pour toutes sortes de raisons doit être

17 affirmée de la façon la plus claire qui soit, et elle va de paire avec le

18 fait de dire qu'un ensemble de votes est susceptible d'apporter une

19 solution à une situation particulière, problématique, alors que l'absence

20 d'égalité ne peut que nuire à la fédération; c'est ce que je disais dans

21 mon allocution. Je m'exprimais donc en faveur de l'égalité des nations et

22 des Républiques et telle était bien ma position.

23 M. le Président (interprétation): Ne perdons pas de temps en voyant le

24 détail de votre allocution, puisque nous avons sous les yeux le passage

25 sur la Yougoslavie communauté fédérale auquel vous faites référence. Si

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1 vous souhaitez poser une question, faites-le rapidement à l'adresse du

2 témoin.

3 M. Milosevic (interprétation): J'ai des questions à poser mais je dois le

4 faire rapidement, ça c'est tout à fait clair, me semble-t-il.

5 Monsieur le Témoin, vous ai-je entendu correctement… n'est-ce pas encore

6 une erreur de frappe, lorsque vous dites que vous saviez qu'au Kosovo la

7 fameuse grève de la faim de la part des mineurs qui était en cours n'a pas

8 eu lieu parce que ces mineurs ont reçu des vivres? Est-ce que c'est bien

9 de cette façon que les choses se sont passées?

10 M. Kucan (interprétation): Non, je n'étais pas au courant de cela.

11 D'ailleurs je pense que ce n'est pas pertinent; il est non pertinent de

12 savoir s'ils ont reçu des vivres ou pas. Mais la réalité c'est qu'ils

13 étaient en grève et qu'ils avaient plus ou moins connaissance des

14 modifications prévues s'agissant du statut de la province du Kosovo.

15 Question: Vous parlez, je suppose, d'une affirmation qui est la vôtre

16 selon laquelle la Vojvodine et le Kosovo auraient été privés de leur

17 autonomie, c'est bien cela ce que vous voulez dire?

18 Réponse: Je pense que j'ai été tout à fait précis. J'ai parlé d'une

19 autonomie qui a été supprimée officiellement.

20 Selon mon interprétation de la chose, la politique de la Serbie et de la

21 direction serbe à l'époque avait pour but principal de protéger les trois

22 voix dont disposait la Serbie à l'époque, c'est-à-dire la sienne, plus

23 celles des deux provinces autonomes. Par conséquent, les amendements

24 adoptés à la Constitution serbe ont considérablement réduit l'autonomie de

25 ces deux provinces.

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1 Question: Mais savez-vous qu'il est écrit dans la Constitution qu'il

2 existe deux provinces autonomes, le Kosovo-Metohija et la Vojvodine, et

3 que ces provinces bénéficient d'une réelle autonomie, que c'est écrit dans

4 la Constitution de la République de Serbie? Le savez-vous cela?

5 Réponse: C'était écrit également dans la Constitution yougoslave.

6 Question: Mais c'est écrit également noir sur blanc dans la Constitution

7 de la République de Serbie, donc même la Constitution de la République de

8 Serbie n'a pas servi à supprimer l'autonomie du Kosovo et de la Metohija?

9 Deuxième question, est-il exact que lorsque vous avez parlé de

10 remplacement à leur poste des membres de la direction de la RSFY, vous

11 avez commis encore une erreur? Parce que vous savez que Zelenovic qui

12 était membre de la présidence et qui a été élu Premier ministre de Serbie

13 avait été auparavant membre de la présidence yougoslave, représentant de

14 la province de Vojvodine, et lorsqu'il a été élu à ses nouvelles

15 fonctions, les assemblées de Serbie et de Vojvodine ont élu un nouveau

16 membre de la présidence. Donc ce n'est pas la Serbie qui l'a remplacé à

17 son poste, mais c'est le contraire. Il était Premier ministre nommé à son

18 poste, et il a laissé un siège vide à la Présidence de la Vojvodine parce

19 qu'il n'y avait pas possibilité de cumul des mandats. Donc l'Assemblée de

20 Vojvodine a élu un nouveau membre pour la représenter à la Présidence de

21 l'Etat yougoslave.

22 Est-ce que c'est ainsi que les choses se sont passées, Monsieur Kucan, ou

23 est-ce que vous dites que ce n'est pas ainsi qu'elles se sont passées?

24 Réponse: Officiellement, oui. Mais dans les faits, les événements

25 évoluaient sous la pression de ces rassemblements publics dont nous avons

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1 déjà parlé.

2 Question: Monsieur Kucan, vous ne dites pas sérieusement que quelqu'un

3 aurait pu être élu ou nommé Premier ministre de la Serbie simplement

4 officiellement ou théoriquement, donc élu à l'assemblée afin d'être

5 remplacé dans les faits en tant que membre de la Présidence yougoslave. Je

6 suis sûr que vous ne pourriez pas être l'auteur d'une affirmation aussi

7 insensée?

8 Réponse: Je ne dis pas que c'est un non-sens ou que cela s'est passé dans

9 le cadre d'une situation insensée. Ce que je dis, c'est que ces

10 remplacements ont eu lieu, qu'ils ont eu lieu dans la réalité, et que si

11 cela est pertinent nous devrions réexaminer de près les documents de

12 l'époque qui existent qui sont dans les dossiers. Mais je ne suis pas

13 historien et je n'ai pas suivi en tant qu'historien le déroulement de tous

14 ces événements, donc je ne peux pas parler ici devant ce Tribunal en

15 qualité d'historien.

16 M. Milosevic (interprétation): Non. Ce Tribunal, s'il a un rôle à jouer,

17 consiste uniquement à déformer la relation du déroulement de l'histoire,

18 refaire l'histoire autrement dit. Vous niez ce que j'ai dit il y a un

19 instant, donc je vais vous donner lecture du paragraphe 57 de votre

20 déclaration.

21 Je cite: "En rapport avec le paragraphe qui porte sur la façon dont

22 Milosevic a utilisé l'armée (à partir du transcript des commentaires Kucan

23 au sujet de la mort de la Yougoslavie) en rapport avec les événements

24 survenus dans les mines et la manifestation sur la Vieille Place, ceci

25 s'est produit dans le cadre d'une réunion régulière de la présidence (il

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1 faudrait qu'existe un procès-verbal à ce sujet), nus n'avons pas reçu ces

2 renseignements. Le rassemblement public a été organisé par l'opposition et

3 par des partis politiques slovènes."

4 J'aurais dû prendre la parole à ce sujet; on partait du principe qu'une

5 grève serait organisée comme un spectacle en fait, et que les mineurs ne

6 participaient pas réellement à une grève de la fin, qu'ils recevaient des

7 vivres dans la mine et on ne savait pas combien la réunion allait durer,

8 etc., etc., etc. Qu'est-ce que tout cela signifie? J'ai plusieurs

9 questions à vous poser et une première en particulier.

10 Est-ce que cela s'est passé pendant la période où j'étais président du

11 parti et non Président de la Serbie? Est-ce que cette grève et la réunion

12 de la Vieille Place sont en rapport avec la réunion de la présidence? Quel

13 a été le recours à l'armée dont vous parlez? Est-ce que l'armée aurait pu

14 être utilisée par une partie ou par l'autre au sein d'une même République?

15 Parce que Janez Drnovsek était président à l'époque…

16 (Interruption du Président.)

17 M. le Président (interprétation): Nous ne pouvons pas accepter une

18 question de ce genre. J'essaye de comprendre simplement ce que vous dites.

19 M. Milosevic (interprétation): J'interroge le témoin au sujet du

20 paragraphe 57 de sa déclaration. Comment est-ce que j'aurais pu

21 utiliser...

22 M. le Président (interprétation): Posez une question précise! Le témoin

23 pourra dans ces conditions y répondre.

24 M. Milosevic (interprétation): Comment est-ce que j'aurais pu me servir de

25 l'armée?

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1 M. Kucan (interprétation): Est-ce que c'est cela la question? L'armée

2 pouvait être utilisée en fonction des décisions de la présidence, et c'est

3 de cette façon que j'ai assisté là-dessus également lorsque l'armée a été

4 utilisée en Slovénie. La présidence n'a pas émis d'ordre, mais c'est elle

5 qui décidait de faire intervenir ou pas l'armée au Kosovo.

6 Question: Donc la présidence de la Yougoslavie a fait cela, n'est-ce pas;

7 d'après vous, a pris la décision de faire intervenir l'armée au Kosovo? La

8 présidence de l'Etat yougoslave a pris des décisions de ce genre d'après

9 vous, c'est bien cela?

10 Réponse: Oui, la présidence yougoslave a toujours pris des décisions sur

11 la base d'une proposition, mais je ne sais pas qui était l'auteur de ces

12 propositions qui était donc le fondement des décisions prises par la

13 suite.

14 Question: Je ne sais pas non plus si vous dites la vérité. Mais la

15 présidence yougoslave prenait des décisions, donc je suppose qu'il est de

16 notoriété publique et que vous le savez également qu'aucune des

17 Républiques ne pouvait exercer une influence indépendante sur l'armée et

18 que nous ne pouvions pas agir au niveau supérieur de l'armée. Nous

19 n'étions pas en mesure de donner des ordres de ce genre, n'est-il pas

20 vrai?

21 Réponse: Je n'ai jamais rien dit d'autre. Je ne sais pas d'où vient l'idée

22 que j'aurais affirmé que vous pouviez donner des ordres à l'armée.

23 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, c'est précisément la raison pour

24 laquelle je vous interroge, Monsieur Kucan. Parce que c'est une des bases

25 de manipulation de la partie d'en face sur le procès qui se déroule ici.

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1 Et dans le sommaire de votre déposition, donc un certain nombre de notes

2 jetées sur le papier, on voit que dans un paragraphe il est dit que

3 Milosevic s'est servi de l'armée par rapport aux événements qui se sont

4 déroulés à Stari Trg, la Vieille Place, etc., etc.

5 Moi, je ne pouvais pas croire que vous auriez pu dire une chose pareille.

6 Je voulais me débarrasser de cette manœuvre manipulatrice et je suis

7 heureux de voir que vous confirmez mes dires à ce sujet.

8 Maintenant, j'aimerais vous interroger au sujet du Kosovo. Encore quelques

9 petites questions. Est-il vrai que vous avez appuyé les séparatistes, donc

10 les séparatistes terroristes du Kosovo qui s'armaient activement par le

11 biais de la Slovénie ainsi que dans les centres de la Défense territoriale

12 de Slovénie et qui s'entraînaient...

13 (Interruption du Président.)

14 M. le Président (interprétation): Un instant. Laissez-moi un instant, je

15 vous prie. Nous venons d'être informés que nous pouvions encore utiliser

16 ce prétoire pendant une demi-heure supplémentaire, ce qui permettra de

17 poser toutes les questions. Je propose une pause de quelques minutes, dix

18 minutes disons. Après quoi, nous verrons combien de temps sera imparti à

19 chacune des parties.

20 Monsieur Kucan, il vient d'être dit que vous étiez favorable à deux choses

21 au Kosovo: que vous avez appuyé d'abord les séparatistes, après quoi il a

22 été dit que vous appuyez également les terroristes, et puis ensuite, une

23 troisième chose est dite, à savoir que les séparatistes du Kosovo étaient

24 armés par le biais de la Slovénie et entraînés par la Défense

25 territoriale?

Page 20968

1 M. Kucan (interprétation): Je tiens avec la plus grande énergie à réfuter

2 toutes ces allégations. J'affirme qu'aucun représentant de la direction

3 slovène n'a appuyé le séparatisme et personne n'a été entraîné sur notre

4 territoire. Nous avons toujours insisté pour qu'une solution politique

5 soit apportée au problème du Kosovo. Et lorsque la violence s'est

6 déchaînée et généralisée au Kosovo, lorsque nous avons assisté à l'exode

7 massif des Albanais, lorsque la violence a existé de toute part, eh bien,

8 je tiens à dire que l'on ne peut pas supprimer la violence par la

9 violence. Et je ne pourrais admettre que des accusations de ce genre

10 soient portées à mon encontre ou à l'encontre d'un quelconque membre de la

11 direction slovène.

12 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons maintenant

13 suspendre 10 minutes dans l'intérêt des interprètes. Après quoi, nous

14 reviendrons dans le prétoire et déterminerons le temps imparti à chacune

15 des parties.

16 Y aura-t-il des questions supplémentaires de la part de l'accusation?

17 M. Nice (interprétation): Quelques questions je pense, mais assez brèves.

18 (L'audience suspendue à 14 heures 12, est reprise à 14 heures 25.)

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, si vous le

20 souhaitez, vous pouvez avoir encore dix minutes pour poser des questions

21 au témoin.

22 Après cela, Monsieur Tapuskovic, vous avez 20 minutes par la suite.

23 Et, Monsieur Nice, cinq minutes encore.

24 M. Milosevic (interprétation): (Hors micro.)

25 …séparatisme au Kosovo. J'ai ici un livre de Agim Zogaj "Dialogues avec

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1 Agim Maljoku", où il parle d'abord d'une réunion à Cankarjevo, maison à

2 Cankar, qui leur apporte un soutien, puis coopération étroite avec Janez

3 Jansa. Il est question de renseignements portant sur l'entraînement de

4 leurs membres qui ont, par la suite, pris part aux rangs de l'UCK, ont

5 fait partie des rangs de l'UCK.

6 Et je vous donnerai lecture de la page 43 où il est dit… -étant donné que,

7 au sujet du rassemblement populaire que vous avez interdit et que les

8 Serbes étaient déjà venus du Kosovo en s'attendant à ce que le peuple

9 slovène se solidarise avec les souffrances que connaissaient ce peuple

10 serbe là-bas- il est dit: "Moi et Fadil Demiri, on avait regardé les

11 informations télévisées où cela avait commencé. Je cite en disant:

12 '500.000 Serbes armés arrivent à Ljubljana'." (Fin de citation.)

13 Donc pour ce qui est de cette initiative des Serbes du Kosovo qui étaient

14 victimes du terrorisme albanais, qui voulaient venir pour dire aux

15 citoyens slovènes -comme ils l'ont déjà dit- ailleurs et nulle part

16 ailleurs, il n'y a eu violence. Or vous, vous avez interdit à ces gens-là

17 de venir dire la vérité sur les souffrances. Et dans votre journal

18 télévisé, vous avez publié un renseignement disant que 500.000 Serbes

19 armés venaient à Ljubljana.

20 Est-ce que, en ces années-là, années où il y a eu ces rassemblements

21 populaires, il y a eu des armes? Y a-t-il eu des coups de feu de tirés ou

22 alors, s'agissait-il de discours et de témoignages afférents à la

23 situation pénible dans laquelle se trouvaient les Serbes et les

24 Monténégrins à l'époque, là-bas?

25 M. Kucan (interprétation): Il y a plusieurs questions de soulevées par

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1 l'accusé et il y a des appréciations qu'il a apportées. Tout d'abord, je

2 précise que je ne sais pas quel est le livre et quel est l'auteur qu'il a

3 cités.

4 Je réfute à présent -et je le ferai à l'avenir également- pour ce qui est

5 d'un soutien quelconque que nous aurions apporté au séparatisme albanais

6 au Kosovo. L'accusé sait parfaitement bien quelle est ma position, à

7 savoir celle de dire que le Kosovo est une partie intégrante du territoire

8 de la Serbie et qu'en tant que telle, c'était une partie intégrante de la

9 RSFY. Aussi le rassemblement populaire à Ljubljana a-t-il été un

10 rassemblement populaire en guise de soutien apporté aux mineurs de Stari

11 Trg à Kosovo, mais il n'a jamais été question d'apporter notre soutien au

12 séparatisme, à la sécession.

13 Nous avons été favorables à une solution politique du problème parce

14 qu'aucune autre solution, à notre avis, ne pouvaient s'avérer possible.

15 Pourquoi, alors, avons-nous interdit ce rassemblement dit "rassemblement

16 pour la vérité"? Les instances de l'intérieur ont estimé qu'il pouvait y

17 avoir des conflits et des troubles. Or les Slovènes ne voulaient pas que

18 ces rassemblements présentent une vérité sur le Kosovo; ils croyaient

19 qu'il y avait d'autre façon de ce faire. Nous n'avions aucune espèce de

20 propagande qui parlerait, de façon unilatérale, de la situation au Kosovo.

21 Nous étions pleinement conscients du fait que la solution, quelle qu'elle

22 soit, était forcément complexe et qu'aucune solution ne saurait être

23 imposée ni aux Serbes ni aux Monténégrins ni aux Albanais, et qu'il

24 fallait forcément trouver une solution de vie commune.

25 Nous n'avons jamais considéré qu'il serait irrationnel que de maintenir le

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1 Kosovo en Yougoslavie; or les Serbes ont affirmé que cela avait été notre

2 position. Et je crois que Borislav Jovic a écrit quelque chose dans ce

3 genre dans son livre; je ne sais pas si cela est authentique et vrai ou

4 pas.

5 M. Milosevic (interprétation): Mais je ne sais pas si vous vous souvenez

6 des manifestations qui ont eu lieu dès 1980 et qui ont été organisées par

7 les séparatistes. Vous savez que le slogan principal avancé était celui de

8 "Kosovo, République", donc l'indépendance du Kosovo et le ralliement à

9 l'Albanie. Il n'y avait pas de Milosevic sur la scène politique à

10 l'époque, il n'y avait rien de tout ce qui est présenté de façon tout à

11 fait erronée.

12 Et vous souvenez-vous du fait que le soutien apporté à ce type de

13 politique était placé au service de la stabilité de la Yougoslavie et de

14 la Serbie ou alors, au contraire, au service de la déstabilisation de

15 celle-ci?

16 M. le Président (interprétation): Mais où voyez-vous la pertinence de

17 cette question?

18 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, la pertinence, c'est parce que le

19 témoin a parlé du soutien apporté aux mineurs qui avaient fait soi-disant

20 la grève de la faim, qui n'a été qu'une grève mise en scène. Or leur

21 intention, c'était la réalisation des objectifs qui ont été proclamés ou

22 mis en avant dès 1980, à savoir de faire du Kosovo une république. En a-t-

23 il été ainsi, Monsieur Kucan, ou pas?

24 M. le Président (interprétation): Il a dit qu'il n'y a pas eu de soutien

25 apporté au séparatisme du Kosovo. Ils n'ont pas apporté de soutien; les

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1 Slovènes n'ont pas soutenu cela.

2 M. Milosevic (interprétation): Je pense que personnellement, il n'y avait

3 pas à apporter son soutien à cela. Mais je crois que Janez Jansa et toute

4 la "camaderia" autour de lui avait soutenu tout cela; et cela figure dans

5 le livre que…

6 M. le Président (interprétation): Non, non, non. Vous savez fort bien que

7 nous ne versons pas au dossier comme éléments de preuve les livres, à

8 moins qu'il n'y ait là un extrait qui serait susceptible d'être confirmé

9 par le témoin. En ce sens, nous avons procédé à une exception ce matin.

10 Mais vous êtes en train d'affirmer que Janez Jansa et sa "camaderia"

11 avaient apporté leur soutien à cela.

12 Monsieur Kucan, pouvez-vous nous apporter votre assistance à ce sujet?

13 M. Kucan (interprétation): Janez Jansa était ministre du premier

14 gouvernement élu à la suite des premières élections libres et

15 démocratiques. J'ai collaboré avec lui pendant toute la durée de son

16 mandat d'ailleurs. Et jamais au cours d'aucun des contacts officiels que

17 j'ai eus avec lui je n'ai reçu la moindre indication me permettant de

18 penser que quiconque aurait apporté son soutien à un quelconque

19 séparatisme albanais ou à la notion de République albanaise. Je ne vais

20 pas me répéter sur ce point.

21 Nous n'aurions pu agir de la sorte que si nous avions haïs les Serbes,

22 mais j'insiste pour dire que nous n'étions pas en conflit avec la Nation

23 serbe. Nous comprenions très bien quelle était la difficulté il y avait à

24 trouver une solution au problème national serbe, c'était l'un des

25 problèmes les plus ardus des Balkans. Mais nous divergions sur la solution

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1 à apporter au problème. Cela étant, notre divergence ne nous aurait pas

2 poussé à agir contre d'autres nations ou nationalités. C'est la raison

3 pour laquelle les récriminations relatives au soutien slovène à Janez

4 Jansa et au séparatisme albanais est infondée. Vous ne trouverez aucun

5 document gouvernemental ou provenant d'autres instances slovènes où

6 figurerait l'expression d'un tel soutien.

7 M. le Président (interprétation): Votre dernière question, Monsieur

8 Milosevic.

9 M. Milosevic (interprétation): Permettez-moi au moins deux questions,

10 Monsieur May.

11 Monsieur Kucan, vous vous souviendrez peut-être qu'en 1985 à Ljubljana il

12 y a eu un débat entre intellectuels slovènes et serbes au sujet de

13 l'avenir de la Yougoslavie organisé par "Nova Reveja", un magazine où

14 s'exprimait un certain nombre de théoriciens slovènes Hribar, Bahuca

15 (phon.), Civencic Apic, Hermaoun (phon.) etc. Il n'était pas contesté à ce

16 moment-là que le nationalisme slovène, l'anti-yougoslavisme slovène

17 s'exprimait et ce précisément à un moment où Milosevic n'était pas sur la

18 scène politique, à un moment où l'Académie des arts et des sciences serbes

19 était empêchée de s'exprimer. Est-ce que ceci est exact ou pas? Vous savez

20 très bien ce que j'ai à l'esprit lorsque je parle de 1985.

21 M. Kucan (interprétation): Cette réunion a effectivement eu lieu, une

22 réunion entre quelques intellectuels serbes et slovènes. Ceci est un fait

23 qui est de notoriété publique dans le monde entier. Mais je ne sais pas du

24 tout si, à cette époque-là, le nationalisme slovène s'est exprimé, a fait

25 surface ou pas.

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1 M. le Président (interprétation): Encore une question, Monsieur Milosevic,

2 et ce sera tout.

3 M. Milosevic (interprétation): Bien. Ma dernière question: au paragraphe

4 11 de votre déclaration, vous dites qu'il y avait de grandes différences

5 au sein du Royaume de Yougoslavie entre différents niveaux de vie… enfin,

6 la traduction n'est pas idéale, mais elle me suffit pour comprendre.

7 Ce qui m'intéresse, c'est la deuxième phase -je cite-: "L'occupation de

8 1941 a raccourci l'agonie, la Slovénie a capitulé essentiellement parce

9 qu'elle ne s'imaginait pas combattre pour protéger une situation qui n'y

10 était pas la sienne". (Fin de citation.)

11 Alors, est-ce que c'est vraiment ce que vous auriez dit? Est-ce que la

12 Slovénie a réellement capitulé, à votre avis, parce qu'elle ne voyait

13 aucune raison de défendre un pays qui n'était pas le sien? Je vous en

14 prie.

15 Et dans ce contexte, dans le cadre de cette question, je vous demande où

16 se trouvait votre famille au cours de la Deuxième Guerre mondiale, et

17 comment il se fait que votre prénom soit Milan?

18 M. le Président (interprétation): Vous n'avez pas besoin de répondre à

19 l'une ou l'autre de ces deux questions. La question relative à ce qui

20 s'est passé en 1941, si vous le souhaitez vous pouvez répondre, Monsieur

21 Kucan, mais les autres, non.

22 M. Kucan (interprétation): Je répondrai à cette question parce qu'il y a

23 de nombreuses spéculations qui circulent dans la presse serbe à ce sujet

24 et, apparemment, la chose est permanente.

25 Ma famille vivait à Prekmurje, c'est une région de Slovénie qui se trouve

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1 tout près de la frontière hongroise, mais cela se trouvait en Slovénie à

2 l'époque, sous occupation hongroise. Ma mère était enseignante. Elle a été

3 arrêtée et emprisonnée pendant plusieurs brèves périodes dans sa vie.

4 Mon père est revenu après la capitulation de l'armée royale yougoslave,

5 après avoir été enrôlé par les Allemands et envoyé sur le front russe. Il

6 a alors décidé, avec d'autres combattants, de rejoindre volontairement les

7 prisonniers de guerre et, lorsque la brigade yougoslave a été créée en

8 Union soviétique, il l'a rejointe; et avec les membres de cette brigade il

9 a été renvoyé en Yougoslavie et tué au cours de la bataille de Cacak, une

10 ville en Serbie. En fait, il y a été blessé et puis emmené à l'hôpital. Et

11 il est mort pour avoir perdu trop de sang, et c'est là-bas qu'il est

12 enterré. En 1954, ses restes ont été ramenés en Slovénie.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur Tapuskovic, vous avez la

14 parole.

15 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Milan Kucan.)

16 M. Tapuskovic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

17 Je ne sais tout simplement pas comment je vais pouvoir accomplir la tâche

18 qui m'incombe aujourd'hui.

19 Monsieur Kucan, je vous demanderai, si vous le voulez bien, de nous dire

20 d'abord si Ivan Kristan est bien l'un des juges constitutionnels de la

21 Cour constitutionnelle yougoslave qui rendait des décisions relatives à ce

22 dont il a été question ici?

23 M. Kucan (interprétation): Oui, le Dr Ivan Kristan était l'un des nombreux

24 juges de la Cour constitutionnelle, un Slovène qui travaillait à la Cour

25 constitutionnelle yougoslave.

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1 Question: J'aimerais appeler l'attention des Juges de cette Chambre sur le

2 fait que c'est un témoin expert qui a traité des questions

3 constitutionnelles devant ce Tribunal. C'est un Slovène qui a donc été

4 juge à la Cour constitutionnelle yougoslave, nous devrions ne pas perdre

5 cela de vue. Donc Ivan Kristan est un expert dans la présente affaire,

6 mais avant, il a été juge de la Cour constitutionnelle yougoslave.

7 Monsieur Kucan, est-ce que vous avez entendu parler avant 1991 -avant le

8 mois d'août 1991 pour être précis- d'un quelconque plan criminel mis en

9 place en rapport avec des crimes de guerre, un nettoyage ethnique

10 quelconque ou un génocide quelconque?

11 Réponse: Excusez-moi, mais où est-ce qu'un tel plan aurait dû être établi

12 et où est-ce qu'il aurait dû exister?

13 Question: D'après le Procureur de ce Tribunal, il existerait un plan

14 destiné à permettre la commission d'un nettoyage ethnique et d'un certain

15 nombre de crimes de guerre et de génocides? Est-ce que vous avez jamais

16 entendu parler avant 1991 de la préparation d'un tel plan?

17 Réponse: Non, je ne suis pas au courant de cela.

18 Question: Très bien, merci.

19 Réponse: Je n'ai d'ailleurs jamais rien dit dans ce sens.

20 M. Tapuskovic (interprétation): J'aimerais maintenant que nous parlions de

21 cet ouvrage du général Kadijevic. L'intitulé notamment qui se lit comme

22 suit, c'est le titre d'un chapitre -je cite-: "Evénements les plus

23 importants au cours des derniers stade du démantèlement de la Yougoslavie

24 et des attaques sur la JNA en Slovénie." Cela se trouve en page 99.

25 M. le Président (interprétation): Le témoin n'a pas l'ouvrage sous les

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1 yeux.

2 M. Tapuskovic (interprétation): Les événements les plus importants…

3 M. le Président (interprétation): Le témoin n'a pas l'ouvrage sous les

4 yeux, on lui a simplement soumis un extrait de ce livre.

5 M. Tapuskovic (interprétation): J'aimerais d'abord vous poser une question

6 dans ce cas. Il y a quelques instants, vous avez dit qu'en Slovénie, il

7 n'était pas autorisé au commandement de l'armée de s'exprimer en langue

8 serbe, n'est-ce pas?

9 M. Kucan (interprétation): En effet, oui.

10 Question: Mais dites-moi, est-ce qu'en Yougoslavie, la langue utilisée

11 dans tout le pays n'était pas le serbo-croate? Est-ce qu'on n'a jamais

12 parlé de serbe d'une part, de croate d'autre part depuis la fin de la

13 Deuxième Guerre mondiale dans ce pays, mais on a toujours parlé de serbo-

14 croate? Donc les instructions, les commandements, les ordres étaient émis

15 en langue serbo-croate, n'est-ce pas, au sein de l'armée?

16 Réponse: Vous parlez d'une langue dominante. Moi, je n'ai pas connaissance

17 de l'existence d'une langue dominante. La langue de toutes les nations de

18 Yougoslavie étaient égales dans les régions où ces nations étaient

19 représentées physiquement, y compris d'ailleurs, en tant que groupes

20 ethniques ou minorités ethniques.

21 Nous n'avons jamais dit d'ailleurs que nous étions opposés à la langue

22 utilisée pour l'émission des ordres, même si nous avions quelques réserves

23 à cet effet. Mais ce que j'ai dit, c'est que la langue officielle utilisée

24 au sein de la JNA était la langue pratiquée par toutes les nations, par

25 tous les groupes ethniques et que la langue slovène n'a pas été utilisée

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1 dans les rangs des forces armées à quelque moment que ce soit sur le

2 territoire slovène.

3 Question: Mais il était nécessaire que les ordres émis par la JNA soient

4 émis dans une langue compréhensible par toutes les nations et

5 nationalités. Je crois que les Slovènes comprenaient aussi bien le croate

6 que le serbe, n'est-ce pas?

7 Réponse: Ils comprenaient bien ces deux langues, mais l'inverse n'a jamais

8 été vrai. Les Serbes, les Croates, les Macédoniens n'ont jamais fait

9 l'effort nécessaire pour comprendre la langue slovène. Cela dit, c'est une

10 question qui ne me semble pas particulièrement pertinente.

11 Question: A moi non plus d'ailleurs, j'ai perdu du temps sur ce sujet. Je

12 n'aurais pas dû agir ainsi.

13 Dans cet ouvrage de Kadijevic, si vous vous en souvenez, existe-t-il un

14 titre qui se lit comme suit, ou plutôt existe-t-il un passage qui indique

15 que dans le cadre de l'importance accordée à l'époque aux attaques contre

16 la JNA, tous les problèmes auraient commencé avec l'adoption de la

17 nouvelle Constitution de 1974 et que par la suite la JNA a entrepris des

18 actions contre l'Etat yougoslave. Quel serait votre commentaire si l'on

19 vous disait que cela figure dans cet ouvrage?

20 Réponse: C'est une condamnation politique sévère pour laquelle je ne

21 trouve aucun argument politique susceptible de la justifier.

22 Question: Merci. Est-il vrai qu'en octobre 1984, une réunion des

23 dirigeants de la Slovénie de l'époque a été organisée, qui a rendu une

24 décision visant à déclencher un conflit politique ouvert et une attaque

25 tout à fait claire contre la JNA par le biais de la jeunesse en déclarant

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1 déjà à l'époque que la JNA était une armée d'occupation. Ceci est-il vrai?

2 Réponse: Non, c'est une invention de l'armée que je connais tout à fait

3 bien, je l'ai vue à plusieurs reprises.

4 Il est très intéressant d'ailleurs, Monsieur le Président, Messieurs les

5 Juges, d'examiner de plus près ce genre d'invention qui était répandue

6 lors des réunions du parti.

7 Je tiens à souligner que la Ligue des communistes yougoslaves se composait

8 de représentants des partis existant dans les diverses Républiques et

9 provinces autonomes. Cependant, l'armée avait sa propre organisation. Et

10 les femmes également au sein de la Ligue des communistes yougoslaves…

11 l'armée et les femmes étaient représentées avec les mêmes droits que les

12 représentations de parti et de la population. Voilà quelle était la

13 structure politique et idéologique sur laquelle se fondait la Ligue des

14 communistes de Yougoslavie dans son fonctionnement.

15 Question: Est-il vrai que ces attaques ont été particulièrement sévères

16 entre 1984 et 1988, donc avant la modification de la Constitution, date à

17 l'époque où les soldats de la JNA, qui venaient d'un peu partout en

18 Yougoslavie, étaient quelquefois humiliés, on leur crachait dessus et ils

19 étaient même frappés dans certains cas? Ceci est-il vrai ou pas? Monsieur

20 Kadijevic traite de cela dans son ouvrage?

21 Réponse: Vous utilisez le terme attaque, or ce terme correspond à la

22 terminologie de la JNA et des dirigeants politiques favorables à la JNA.

23 La question qui se posait était la suivante. Est-ce qu'une armée dans ses

24 plans, ses projets, l'expression de ses privilèges, peut élaborer des

25 projets de grandes importances, tel que par exemple, décider de la

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1 fabrication d'un char yougoslave ou d'un supersonique yougoslave?

2 Est-ce que ce genre de question peut être rendu public dans la presse?

3 Parce que le projet de construction d'un char a avorté, le projet de

4 construction d'un supersonique également. Il était tout à fait manifeste

5 que la JNA lançait ses projets pas seulement pour répondre à ses besoins

6 internes, mais également pour exporter.

7 Un article intitulé "Mamula rentre chez lui"; or Mamula était, à l'époque,

8 ministre de la Défense, cet article est paru dans la presse; il parlait de

9 la vente d'armes à l'Ethiopie, un pays très pauvre, à l'époque. Ces

10 articles étaient considérés comme des attaques contre la JNA.

11 Question: Quelle est la pertinence?

12 Réponse: La pertinence vient du fait que vous parlez d'attaques contre la

13 JNA.

14 Question: Le 12 août 1988, est-ce qu'une réunion de la Présidence a eu

15 lieu, Présidence de la RSFY, pour discuter de ce genre de problèmes? Est-

16 ce que les représentants de la Slovénie ont rejeté toutes les propositions

17 susceptibles de permettre que de telles choses ne se reproduisent pas à

18 l'avenir? Est-ce que vous avez connaissance de ce qui s'est passé à cette

19 réunion?

20 Réponse: Excusez-moi, l'orateur parlait si vite que je n'ai saisi ni la

21 date ni la nature de la réunion dont il était question.

22 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

23 Juges, je pourrais parler plus lentement; mais vraiment, dans les

24 conditions dans lesquelles nous nous trouvons, je me demande si je peux

25 remplir la tâche qui m'a été assignée ou pas. Je travaille dans des

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1 conditions vraiment très difficiles. Il y a de trop nombreuses questions

2 sur lesquelles j'aimerais appeler votre attention.

3 M. le Président (interprétation): Je suis tout à fait sûr de cela. Si vous

4 souhaitez poser vos questions par écrit, vous pourrez le faire et nous les

5 prendrons en compte. Mais, voyez-vous, ce témoin a déjà été contre-

6 interrogé pendant deux heures et demie.

7 M. Tapuskovic (interprétation): J'aimerais faire appel à vous. J'ai déjà

8 discuté de cela avec M. Kay; nous vous soumettrons des écritures. Mais,

9 dans les conditions actuelles, il m'est absolument impossible de terminer

10 mon interrogatoire en 20 minutes. Les questions qui se posent et qui

11 pourraient être d'un grand intérêt pour vous sont trop nombreuses, et

12 c'est seulement maintenant à l'instant que j'arrive au point le plus

13 intéressant.

14 M. le Président (interprétation): Eh bien, présentez votre point

15 principal. Et si vous souhaitez soumettre cette question au témoin,

16 faites-le. Sinon, nous devrons passer aux questions supplémentaires du

17 Procureur.

18 M. Tapuskovic (interprétation): Donc je dois vous soumettre le point le

19 plus important qui porte également sur l'ouvrage dont Kadijevic est

20 l'auteur. Avec le démantèlement de l'URSS, la possibilité d'une

21 intervention militaire à partir de l'Occident est devenue claire, n'est-ce

22 pas? Est-ce que c'est clair, Monsieur Kucan? Est-ce que c'est vrai?

23 M. Kucan (interprétation): Je ne vois vraiment pas de quelle intervention

24 militaire vous parlez. Je ne vois ce que vous avez à l'esprit en me posant

25 cette question.

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1 Question: Je ne parlais pas d'intervention militaire. Je parlais des

2 événements qui prévoyaient le démantèlement de l'Union Soviétique, le

3 démantèlement du mur de Berlin; tous ces événements qui ont eu lieu à

4 l'époque. D'ailleurs, dans vos notes personnelles qui datent des 5 et 6

5 novembre 2002, vous dites que la voie de la Slovénie vers l'indépendance

6 ne pouvait exister en dehors du démantèlement de l'Union Soviétique et de

7 la réunification allemande. Est-ce que ceci est exact?

8 Vous dites même que vous aviez compris la nature des problèmes avant

9 Gorbatchev et que vous avez parlé de cela à Gorbatchev; c'est écrit dans

10 ces notes que vous avez mises sur le papier, à l'époque.

11 Réponse: Mon témoignage est le suivant, et il est le plus authentique qui

12 soit. Je comprends que la crise yougoslave faisait partie d'une crise plus

13 vaste du monde socialiste qui a atteint son point culminant avec la chute

14 du mur de Berlin et la désintégration de l'Union Soviétique. Ceci est un

15 fait avéré, c'est une réalité que l'histoire a confirmée.

16 M. Tapuskovic (interprétation): Mais ce que le général Kadijevic dit dans

17 son livre est-il exact, à savoir que des influences ont été exercées à

18 partir de l'étranger et que, pour justifier l'agression, deux versions ont

19 été utilisées?

20 D'abord, si les défenseurs de l'unité de la Yougoslavie décidaient de

21 recourir les premiers à la force, ils étaient d'une certaine façon

22 justifiés parce que -je cite-: "Des forces unitaires favorables à la

23 Grande Serbie s'efforçaient de détruire démocratiquement les régimes en

24 place un peu partout en Yougoslavie."

25 Et la deuxième version, c'était que si la chose ne se passait pas de cette

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1 façon, alors la Slovénie et la Croatie pourraient être contraintes de

2 recourir à la force afin d'imposer leur volonté par une guerre médiatique

3 et une guerre en bonne et due forme qui pourrait persuader le monde que la

4 Croatie et la Slovénie avaient été victimes d'une agression déclarée.

5 Et ce qui s'est passé dans la réalité, c'est que c'est la deuxième option,

6 la deuxième version qui s'est matérialisée. Ceci est-il vrai ou pas?

7 M. le Président (interprétation): Je ne suis pas sûr que tout cela puisse

8 nous être d'une aide quelconque. Ce sont les avis du général Kadijevic; je

9 ne suis pas sûr que cela puisse nous aider de les voir soumis au témoin.

10 Nous avons entendu ce que le témoin a dit sur ces sujets.

11 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, est-ce qu'il y a eu

12 une influence extérieure sur la Slovénie l'incitant à attaquer la JNA la

13 première pour provoquer ce qui s'est passé par la suite en Yougoslavie?

14 C'est tout de même quelque chose qui est intéressant!

15 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons permettre au

16 témoin de répondre à cette question.

17 M. Kucan (interprétation): C'étaient les inquiétudes, les préoccupations

18 du général Kadijevic qui ne me les a jamais communiquées personnellement,

19 à l'époque. Et aucun intérêt extérieur au pays, aucune incitation externe

20 ou influence externe n'a eu lieu sur nos actions à l'intérieur du pays.

21 Nous nous sommes efforcés de trouver notre place au sein de la communauté

22 démocratique des nations. Nous avons essayé de le faire du mieux possible.

23 Nous n'avons jamais agi sur instruction de qui que ce soit; et cela est

24 vrai de l'époque comme cela est vrai aujourd'hui.

25 M. Tapuskovic (interprétation): Vous avez déclaré ici que vous ne vouliez

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1 que l'indépendance et que vous vous opposez à la violence. Ceci est-il

2 exact?

3 M. Kucan (interprétation): J'ai dit que ce que nous voulions, c'était

4 l'indépendance; et que nous voulions obtenir l'indépendance sur la base du

5 consensus et sans recours à la force. Donc nous voulions nous appuyer sur

6 un consensus pour régler les problèmes du passé et définir si, oui ou non,

7 nous pouvions continuer à coexister avec ceux qui habitaient sur le

8 territoire de la RSFY jusqu'à cette époque, jusqu'à l'époque dont nous

9 parlons. Ceci est écrit également dans tous les documents pertinents.

10 M. Tapuskovic (interprétation): Avez-vous vu -et cela a été démontré en

11 Slovénie très récemment- un film tourné par une équipe de la télévision

12 autrichienne? On voit un groupe de soldats de la JNA les mains en l'air,

13 en signe de reddition, qui sortent d'une tranchée et sur lesquels des

14 membres de la Défense territoriale slovène ouvrent le feu; et on voit

15 leurs corps retomber à l'arrière, dans la tranchée, donc dans la tranchée

16 qui se trouve derrière eux. Est-ce que ceci a eu lieu où pas?

17 M. Kucan (interprétation): C'est la couverture par la télévision d'un

18 événement dont il a déjà été question. J'insiste sur le fait qu'une

19 commission spéciale, une commission d'enquête a été créée en Slovénie pour

20 enquêter sur cet événement. Il n'a pas été établi…

21 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que nous ayons besoin de

22 vous ennuyer davantage avec ce sujet; c'est l'incident de Holmec dont il a

23 déjà été question.

24 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, je reviens sur cet

25 incident et sur cette séquence, car on y voit des hommes les mains en

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1 l'air, sur lesquels d'autres hommes sont en train de tirer. C'est la

2 raison de ma répétition. Ils étaient de se rendre et on a tiré sur eux, on

3 a ouvert le feu sur eux. Et je voudrais savoir si cela est exact.

4 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà traité de cela. Le

5 témoin dit qu'une commission d'enquête a été nommée et qu'une enquête a eu

6 lieu. Nous devons en finir maintenant.

7 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, vraiment, les

8 conditions sont difficiles. Je vais poser ma dernière question.

9 J'ai reçu du Procureur une interview de Kucan datant du 21 décembre 1993,

10 pour un journal de Slovénie. Lorsque la guerre a éclaté en Croatie, la

11 position du ministère de la Défense a été élaborée et elle consistait à

12 aider la Croatie en lui envoyant des armes qui pourraient assurer une

13 défense de la Slovénie.

14 Est-ce que ceci est exact ou pas? Est-ce bien ce que vous avez déclaré le

15 21 décembre 1993 et est-ce que cela a été publié dans un journal ou un

16 magazine, que vous étiez contre la violence et que c'est la raison pour

17 laquelle vous avez aidé la Croatie en lui fournissant des armes, et la

18 raison également pour laquelle vous avez fait de même avec la Bosnie par

19 la suite, même si, selon votre première affirmation, vous estimiez que

20 c'était une guerre civile qui se déroulait en Bosnie?

21 M. Kucan (interprétation): Je ne sais pas de quoi il est question ici.

22 Est-ce que vous me demandez si la guerre a été une guerre civile?

23 M. le Président (interprétation): Je vais essayer de tirer cela au clair.

24 Ce qui est allégué ici, c'est qu'une interview a été publiée dans un

25 journal en 1993, dans laquelle votre position a consisté à dire que vous

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1 avez aidé la Croatie en lui fournissant des armes lorsque la guerre a

2 éclaté en Croatie, et que vous l'avez fait car ce serait la meilleure

3 défense pour la Slovénie. Est-ce que vous avez dit cela?

4 M. Kucan (interprétation): Oui. J'ai dit au cours de cette interview que

5 j'étais persuadé qu'agir de la sorte était justifié. A l'époque, il y

6 avait un cessez-le-feu en Slovénie. La guerre a été transférée en Croatie.

7 Et puisque la Croatie a été attaquée, en aidant la Croatie nous étions

8 effectivement convaincus que c'était la meilleure façon de créer une force

9 de défense, là-bas, pour la Slovénie.

10 M. Tapuskovic (interprétation): Mais un point de clarification, je vous

11 prie. Est-ce que c'est la Croatie qui a été attaquée ou est-ce que ce sont

12 les casernes situées sur le territoire croate qui ont été attaquées avec

13 encerclement des soldats qui se trouvaient à l'intérieur de ces casernes,

14 qu'on a laissés sans une miette de pain, sans eau, sans électricité, etc.?

15 M. le Président (interprétation): Monsieur Tapuskovic, nous en avons déjà

16 parlé abondamment et nous avons de nombreux éléments de preuve qui en

17 traitent. C'est à nous qu'il appartiendra de trancher. Je ne pense pas que

18 nous ayons besoin d'ennuyer le témoin avec cela.

19 Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose au sujet de l'interview?

20 Est-ce que vous voulez la verser au dossier?

21 M. Tapuskovic (interprétation): Le Procureur dispose de ce texte. Je peux

22 vous donner la référence: R0336514, communiqué le 12 mai.

23 M. le Président (interprétation): Fort bien. Merci.

24 Monsieur Nice, deux minutes, pas plus, je le crains.

25 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Milan Kucan, par M.

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1 Nice.)

2 M. Nice (interprétation): Monsieur Kucan, très rapidement, quelques

3 questions, pour gagner du temps.

4 Nous avons entendu parler d'argent et de douanes. Au moment de la

5 déclaration de l'indépendance, est-ce que la Slovénie était habilitée à

6 garder pour elle l'argent de la Banque centrale, oui ou non?

7 M. Kucan (interprétation): Les douanes sont un exemple. L'argent des

8 douanes était recueilli et placé par la Slovénie sur un compte spécial. Ce

9 compte faisait l'objet de décisions dans le cadre d'une recherche de

10 solution définitive pour l'ex-Yougoslavie; c'était ce qui était prévu.

11 Mais la République de Serbie est intervenue en agissant sur le système

12 monétaire en janvier 1991.

13 Question: Et en conséquence de cela, la Slovénie se voit réclamer des

14 sommes considérables encore aujourd'hui, oui ou non?

15 Réponse: Lorsque les réserves de devises étrangères ont été discutées,

16 nous n'en connaissions pas les montants. C'est la raison pour laquelle

17 nous demandons des relevés de banque à la Banque nationale yougoslave,

18 parce que ceci pourrait être un sujet à aborder au cours des négociations

19 de succession qui ne sont pas encore terminées.

20 Question: Des manifestations de masse dont a parlé l'accusé, telles que

21 celles de Vojvodine, étaient-elles spontanées ou stimulées à partir de

22 l'extérieur, à votre avis?

23 Réponse: S'agissant des conditions de vie des Serbes et des Monténégrins

24 au Kosovo, elles se caractérisaient par l'angoisse et de grandes

25 difficultés dans ces rapports entre Serbes, Monténégrins d'une part, et

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1 Kosovars de l'autre.

2 Les manifestations de masse, les rassemblements populaires n'ont pas eu

3 lieu en 1987, date à laquelle l'accusé a déclaré: "Personne n'aura le

4 droit de toucher à un cheveu de votre tête". Ceci s'est fait lors d'une

5 réunion publique dont il serait permis de penser qu'elle était spontanée

6 mais en fait, s'il avait dit que personne n'avait le droit de toucher à un

7 cheveu d'un habitant du Kosovo de façon générale, j'aurais encore des

8 doutes quant à la véracité de ses propos aujourd'hui.

9 Question: Les armes payées par la Slovénie et conservées dans les bases de

10 la Défense territoriale, est-ce que la Défense territoriale a gardé ces

11 armes ou pas?

12 Réponse: Ces armes ont été emportées par la JNA. Quand elle s'est retirée,

13 elle a emporté ces armes.

14 M. Nice (interprétation): Faute de temps, Monsieur le Président, je dirai

15 que j'avais des questions à poser au sujet du journal intime de M. Jovic

16 quant au fait que la Slovénie aurait déclenché la guerre.

17 Je vous demande de prendre en compte, en tout cas, ces extraits du journal

18 intime de M. Jovic. J'ajoute qu'il s'agit d'extraits particulièrement

19 importants et relativement longs. Si vous avez les documents sous les yeux

20 nous n'avons pas besoin d'en traiter oralement. Des décisions

21 constitutionnelles seront versées au dossier.

22 Il y a également le document de février 1990 dont nous n'avons pas pu

23 parler, mais nous le soumettrons au témoin expert, le Dr Kristan,

24 lorsqu'il viendra.

25 Et j'espère que je n'ai pas débordé sur les 2 minutes qui m'étaient

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1 imparties.

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Kucan, merci d'être venu devant

3 ce Tribunal pour déposer. Nous sommes arrivés au terme de votre

4 déposition.

5 Suspension. Demain matin, 9 heures.

6 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, j'avais encore quelques

7 questions administratives.

8 M. le Président (interprétation): Non, il y a un autre procès cet après-

9 midi.

10 Suspension. 9 heures du matin demain.

11 Si vous avez des éléments à nous soumettre, vous pouvez le faire par

12 écrit.

13 (L'audience est levée à 14 heures 02.)

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