Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 24 juin 2003

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Groome, vous avez la

6 parole.

7 M. GROOME : [interprétation] Le bureau du Procureur appelle à la barre M.

8 Michael Charles Williams.

9 Nous allons demander le versement d'un jeu de 42 pièces. Quelle sera la

10 cote ?

11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de l'Accusation 470.

12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais demander au témoin de prononcer

14 la déclaration solennelle.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la

16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

17 LE TÉMOIN: MICHAEL CHARLES WILLIAMS [Assermenté]

18 [Le témoin répond par l'interprète]

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

21 Interrogatoire principal par M. Groome :

22 Q. [interpétation] Vu le grand nombre de pièces que nous allons examinées

23 et afin d'accélérer la procédure ce matin, je vais demander l'autorisation

24 à la Chambre de remettre au témoin les mêmes pièces avec les mêmes

25 intercalaires, de cette façon, il pourra mieux suivre ce que je demande.

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1 R. Oui.

2 Q. Veuillez décliner votre identité.

3 R. Je m'appelle Michael Charles Williams.

4 Q. Commençons en vous montrant l'intercalaire numéro 1 de la pièce 470.

5 Est-ce que vous reconnaissez ce document ?

6 R. Oui. C'est effectivement une lettre envoyée par M. Vieira de Mello à M.

7 Karadzic.

8 Q. Excusez-moi. Excusez-moi. Je vais vous demander qu'on vous remettre ce

9 document en personne parce que celui-ci n'avait pas été remis dans le

10 classeur qui vous a été donné hier.

11 R. Oui. Je reconnais ce document, c'est mon curriculum vitae, c'est mon

12 parcours professionnel.

13 Q. Est-ce que ceci consigne bien tout votre parcours professionnel ?

14 R. Oui. Aujourd'hui je suis conseillé spécial auprès du ministère des

15 Affaires étrangères au Royaume-Uni.

16 Q. Veuillez maintenant examiner l'intercalaire 2 de la pièce 470.

17 M. GROOME : [interprétation] Veuillez ouvrir le jeu de pièces à cet

18 endroit.

19 Q. Reconnaissez vous l'intercalaire 2 de la pièce 470 ?

20 R. Oui.

21 Q. Qu'est-ce qu'il représente ?

22 R. C'est un résumé des différentes pièces que j'ai examinées.

23 Q. Les commentaires que nous trouvons à droite dans la colonne de droite,

24 reflètent-ils bien les souvenirs que vous avez à propos des contacts et des

25 autres informations que nous allons parler dans le cadre de ces pièces ce

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1 matin ?

2 R. Oui.

3 Q. Merci.

4 Je vous demande maintenant d'expliquer quels sont vos contacts, vos

5 rapports avec l'ex-Yougoslavie. Au cours de quelle période avez-vous

6 travaillé en ex-Yougoslavie ?

7 R. Je suis allé en ex-Yougoslavie en février 1994. Auparavant, je faisais

8 partie de la mission des Nations unies au Cambodge en tant que directeur

9 adjoint des droits de l'homme. Le chef de cette mission M. Akashi, m'avait

10 demandé de l'accompagner en ex-Yougoslavie, où j'ai pris les fonctions de

11 directeur de la formation en février 1994. Ce poste que j'ai conservé

12 jusque -- jusqu'à la date du 17 avril 1995.

13 Q. Quelles étaient vos attributions et vos compétences ?

14 R. J'avais diverses fonctions. Il y avait un petit groupe de quatre

15 supérieurs qui conseillaient M. Akashi pour ce qui est des questions de

16 politique générale. J'étais le principal porte-parole pour la région.

17 J'étais directeur de l'unité d'informations qui a essayé de la façon la

18 plus exacte possible de transmettre les événements tel qu'ils se

19 développaient dans la région, dans la région même mais aussi pour la

20 communauté internationale.

21 Q. Au cours de ce temps que vous avez passé à ces fonctions, avez-vous eu

22 des réunions régulières, quotidiennes avec M. Akashi ?

23 R. Régulières, il y avait en général une réunion vers 8 heures 30 à

24 Zagreb, réunions qui duraient une heure, six jours par semaine, lundi à

25 samedi. Et si l'urgence sur le terrain l'exigeait, nous nous rencontrions

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1 aussi le dimanche.

2 Q. Quelles étaient les organisations représentées à ces réunions ?

3 R. En règle générale, il y avait une vingtaine de personnes qui

4 assistaient à ces réunions. C'étaient des représentants civils et

5 militaires. Il y avait toujours le commandant de la force, le chef des

6 forces militaires de protection des Nations unies à mon époque, c'était

7 Bertrand de Lapresle, un général français. Il y avait d'autres hauts gradés

8 militaires et des hauts représentants, y compris le représentant ou les

9 représentants du Haut-Commissariat aux réfugiés.

10 Q. Dans le cadre de vos fonctions, avez-vous pu consulter tous les

11 documents et rapports qu'examinait M. Akashi dans l'exercice de ses

12 fonctions ?

13 R. Oui, j'ai pu consulter des câbles codés, confidentiels. C'étaient des

14 rapports qui venaient des autorités civiles et militaires sur le terrain en

15 Croatie et en Bosnie, mais également de nos bureaux de Belgrade et les

16 télégrammes codés qui portaient de Zagreb vers le QG de New York ou qui en

17 revenaient.

18 Q. Un commentaire plus précis s'il vous plaît, à propos des rapports que

19 vous aviez avec les représentants du Haut-Commissariat aux réfugiés.

20 Replacez, si vous le voulez bien, ceci dans le contexte que vous aviez avec

21 la Republika Srpska, à l'époque.

22 R. Oui. J'avais d'étroits contacts avec eux parce que j'ai fait le plus

23 clair de ma carrière dans le domaine des droits de l'homme. J'ai travaillé

24 pour Amnistie Internationale, et j'ai eu des responsabilités, je vous l'ai

25 fait comprendre. J'ai travaillé au Cambodge dans le domaine de la Défense

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1 des droits de l'homme.

2 Pour ce qui est de la Republika Srpska, pendant tout le temps que j'ai

3 passé en ex-Yougoslavie et même auparavant, dès 1992. J'étais vivement

4 préoccupé par le fait que la communauté internationale, par le fait que les

5 agences des Nations unies n'avaient pas véritablement accès à la Republika

6 Srpska que ces autorités n'étaient pas en mesure de s'acquitter en bonne et

7 due forme de leur mandat. Le Haut-Commissariat aux réfugiés a bien eu un

8 accès mais il était limité. Et comme j'étais particulièrement proche de

9 plusieurs fonctionnaires, j'ai essayé de saisir la situation telle qu'elle

10 se présentait en Republika Srpska.

11 Q. Vous avez dit que d'autres représentants officiels n'avaient

12 véritablement accès. Laissons de côté pour le moment le Haut-Commissariat

13 aux réfugiés, mais quels étaient les contacts que les fonctionnaires des

14 Nations unies avec la Republika Srpska ?

15 R. On pourra dire carrément, il n'y en avait pas. M. Akashi n'a eu de

16 cesse de demander à être autorisé à aller à Banja Luka, ainsi que dans

17 d'autres régions de la Republika Srpska. Pourquoi à Banja Luka, parce que

18 c'est la ville la plus importante en Republika Srpska. Mais c'est aussi

19 parce que, encore à cette époque-là, il y avait beaucoup de minorités

20 ethniques, des Musulmans, des Croates et quelques Romains en moindre

21 nombre. Nous recevions des informations suivant lesquelles la situation

22 dans laquelle vivaient ces communautés était tout à fait désespérée. Et en

23 dépit de ces appels, M. Akashi n'a jamais une seule fois autorisé à

24 effectuer une visite en Republika Srpska. Mais ça ne s'est pas arrêté là.

25 C'était vrai pour tous les hauts représentants des Nations unies. Eux aussi

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1 n'avaient pas accès.

2 Je pense qu'il est important de dire aux Juges que des représentants de la

3 presse internationale n'étaient pas non plus autorisés à aller en Republika

4 Srpska. Si vous me le permettez, à certains égards, les autorités de la

5 Republika Srpska ont peut-être tiré une leçon de cette découverte quasi

6 accidentelle qu'on fait des correspondants étrangers des camps de Omarska

7 et de Trnopolje fin 1992. A la suite de ces événements, il était

8 pratiquement impossible qu'un correspondant étranger se rende en Republika

9 Srpska.

10 Q. Pourriez-vous en quelques mots nous dire si vous avez eu des contacts

11 avec la communauté internationale ou la Croix-Rouge ?

12 R. Oui. J'avais des rapports avec ces organisations, vous le savez-vous

13 Messieurs les Juges, la Croix-Rouge a depuis longtemps une grande

14 responsabilité, celle de s'acquitter de ses devoirs humanitaires en

15 situation de guerre. Aussi bien des guerres entre les états que les guerres

16 à l'intérieur d'un seul et même état. A cet égard, sur tout le territoire

17 de l'ex-Yougoslavie, la Croix-Rouge a continué à travailler même si tout au

18 cours de ces années, il y a eu d'énormes difficultés qui se sont

19 présentées. J'ai essayé effectivement de rencontrer des représentants de la

20 Croix-Rouge.

21 Q. Vous dites que la communauté internationale n'avait qu'un accès limité

22 à la Republika Srpska. Est-ce que ceci valait aussi pour les enclaves de la

23 communauté -- pour la communauté nationale en Bosnie ?

24 R. Oui, c'est un effet particulièrement négatif, horrible de la situation

25 pour la situation pour la mission des Nations unies. Nous avions Gorazde,

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1 Srebrenica et Dzapa. Ces enclaves de l'est, ces zones étaient tout à fait

2 interdites d'accès. M. Akashi n'est jamais allé dans ces enclaves. Les

3 autorités serbes de Bosnie avaient fait comprendre qu'une telle visite ne

4 serait pas la bienvenue. En dépit du fait qu'il s'agissait-là d'enclaves du

5 gouvernement de Bosnie, d'un gouvernement reconnu par les Nations unies, de

6 surcroît ces enclaves avaient été proclamées zones sûres en application de

7 la résolution 824 et la résolution 836 du conseil de Sécurité.

8 Mais ceci n'était pas seulement vrai pour M. Akashi. D'autres hauts

9 fonctionnaires se sont vus interdits d'accès dans ces enclaves. Une fois

10 j'ai demandé personnellement d'aller dans ces enclaves. Il me l'a refusé.

11 Q. Est-ce qu'à un moment donné, il a été possible d'avoir au moins un

12 représentant civil de la FORPRONU qui soit allé à l'enclave de Gorazde ?

13 R. C'est vrai. Le chef des affaires civiles, M. Vieier de Mello est allé à

14 Gorazde fin avril 1994 avec le premier convoi qui eut réussi à parvenir

15 dans cette enclave, à siéger après l'attaque des Serbes, l'attaque

16 concertée, l'assaut concerté des Serbes sur cette enclave en avril.

17 Plus tard, au cours de ces allées, j'ai aussi veillé à ce qu'un des

18 responsables des droits de l'homme avec qui j'avais travaillé en Cambodge

19 soit nommé en tant que haut représentant des Nations unies à Gorazde.

20 Q. Comment s'appelait-il ?

21 R. Craig Jenness du Canada.

22 Q. Je vous poserai davantage de questions à propos de la situation

23 humanitaire, mais pour le moment pourriez-vous nous résumer la situation en

24 matière de humanitaire en Republika Srpska à l'époque, au cours de cette

25 visite, au cours de vos fonctions ?

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1 R. Il faut faire une différence entre la Republika Srpska et ces enclaves.

2 A l'égard de la Republika Srpska au cours des quelques 15 mois que j'ai

3 passés sur le terrain, la situation était vraiment une situation atroce. Et

4 il y a eu des fluctuations en fonction manifestement de l'accès qu'a pu

5 obtenir le Haut-Commissariat aux réfugiés qu'on pu réunir les Nations unies

6 dans ces enclaves. Ce n'était pas comme à

7 Sarajevo où il n'y avait -- où il y avait la possibilité d'arriver à

8 Sarajevo par l'air. Les enclaves de l'est avaient pour seul accès la route

9 qui était contrôlée par les autorités serbes de Bosnie. Il y a eu des

10 périodes manifestement où des convoies ont pu passer qui transportaient des

11 denrées alimentaires.

12 Mais il y a eu de longues périodes surtout à partir de la fin 1994 et au

13 cours des six premiers mois de 1995. Et au cours de cette période il était

14 pratiquement impossible d'avoir un quelconque accès.

15 Je me souviens que dans une de ces lettres les plus musclées qu'il a

16 adressée à M. Karadzic, M. Akashi s'est dit absolument effaré de l'absence

17 de tous produits médicamenteux, de tous produits médicaux dans ces

18 enclaves. Il n'y avait pas d'antibiotiques, il n'y avait pas de médicaments

19 contre les problèmes cardiaques, des choses aussi essentielles que

20 l'aspirine n'était pas disponible.

21 Q. Et est-ce qu'il était possible pour des gens qui avaient besoin d'une

22 évacuation médicale d'être évacués de cette enclave ?

23 R. A quelques exceptions près, non. Il a eu après une certaine accalmie de

24 la crise à Gorazde fin avril, il y a bien eu quelques évacuations, c'était

25 vers la fin 1994. Mais pour vous donner une idée de la difficulté que

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1 présentait la situation début 1995, mes propres -- mon propre représentant

2 pour ainsi dire à Gorazde, M. Jenness n'a pas été autorisé à quitter cette

3 enclave. Il n'a pas obtenu cette autorisation des autorités serbes de

4 Bosnie pendant près de trois mois. Si une telle interdiction pèse sur un

5 haut fonctionnaire à [imperceptible] la situation n'en est que pire pour un

6 simple citoyen qui habite dans ces enclaves même pour des raisons

7 médicales.

8 Q. Est-ce que vous avez essayé de contribuer à l'évacuation médicale de

9 quelques soldats britanniques qui avaient été grièvement blessés et qui

10 étaient des observateurs militaires en Republika Srpska ?

11 R. Dans cette mesure, si. J'étais ce jour-là à Zagreb au QG. Il s'agissait

12 du 15 avril 1994, c'était un vendredi. Les soldats britanniques faisaient

13 partie d'une unité de la SAS qui était entrée dans Gorazde, peut-être huit

14 ou dix jours auparavant. De ces soldats, ce trouvait un poste d'observation

15 qui a essuyé un feu concerté des forces serbes de Bosnie, y compris des

16 tirs de mortier et de mitrailleuses. Si je me souviens bien du moment, M.

17 Akashi se jour-là se trouvait à Pale, le QG des Serbes de Bosnie. Il

18 s'entretenait avec M. Karadzic. A 17 heures 53, il a été informé que deux

19 des soldats avaient été touchés et étaient grièvement blessés.

20 S'ensuivre des négociations très difficiles avec les Serbes de Bosnie, il

21 s'agissait de voir si un hélicoptère allait être autorisé à s'approcher de

22 Gorazde afin d'évacuer ces deux soldats. L'un de ces soldats avait subi des

23 blessures très graves. Finalement, vers 20 heures, il était possible de

24 déplacer des deux soldats jusqu'à l'hôpital de Gorazde, qui disposait de

25 très peu de moyen d'ailleurs. Et ces soldats furent ensuite emmenés en

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1 hélicoptère à Sarajevo. Ils sont arrivés à Sarajevo à 10 heures,

2 pratiquement quatre heures et trente minutes après l'incident, au cours

3 duquel ils avaient été blessés. Malheureusement, un des soldats est mort

4 très peu de temps après son arrivée à Sarajevo. Il est mort de ses

5 blessures.

6 Q. Evoquons un autre sujet. Dans le cadre de vos fonctions, avez-vous

7 assisté à des réunions qu'avait M. Akashi avec des hauts représentants, des

8 dirigeants Serbes de Bosnie ?

9 R. Oui, très fréquemment. Ces réunions avaient lieu à Pale, la République

10 des Serbes de Bosnie. En général, c'était des réunions très longues. Elles

11 se déroulaient pratiquement toujours le vendredi. Elles commençaient fin

12 d'après-midi. Elles duraient jusqu'à minuit. A au moins une de ces

13 réunions, je suis allé seul -- je suis allé seul à Pale pour rencontrer M.

14 Karadzic. En une autre occasion, en juin 1994, la première semaine de juin

15 1994, j'ai accompagné M. Akashi pour des pourparlers, pourparlers que nous

16 avions avec les Serbes de Bosnie mais aussi avec le gouvernement de Bosnie

17 à Genève afin d'essayer de parvenir à un cessez-le-feu.

18 Q. Pourriez-vous donner le nom de certains des membres les plus importants

19 y compris les dirigeants militaires qui participaient à ces réunions ?

20 R. M. le général Mladic était toujours présent si je me souviens bien. Il

21 se peut qu'il fût souvent accompagné d'autres dirigeants militaires serbes

22 de Bosnie. Le général Gvero était souvent présent.

23 Pour ce qui est des dirigeants civils, en règle générale, ils étaient assez

24 nombreux. J'ai toujours trouvé ça un peu inhabituel. Il pouvait y avoir

25 jusqu'à huit ou neuf dirigeants civils. Ceux qui étaient toujours présents,

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1 c'était M. Karadzic personnellement, M. Krajisnik qui était le représentant

2 de l'assemblée parlementaire des Serbes de Bosnie; Alex Buha, le ministre

3 des Affaires étrangères; M. le professeur Koljevic, qui était le vice-

4 président; il y avait le général Tolimir qui participait parfois à ces

5 réunions. Voici les noms dont je me souviens.

6 Q. Est-ce que au cours de ces réunions, vous vous êtes fait une idée

7 s'agissant de la capacité qu'avait M. le général Mladic où plutôt en ce qui

8 concerne la structure de commandement de l'armée de la Republika Srpska ?

9 Quelle était l'efficacité de cette structure de commandement ?

10 R. A en juger par les réunions où j'étais présent et où il était présent

11 également, mais aussi à en juger par les rapports que j'ai reçus du

12 terrain, mes propres lectures, c'est que la structure était assez rigide,

13 très disciplinée. C'était un commandant ferme, déterminé, décisif. Et c'est

14 là en fait la marque même de son origine. Il venait de la vieille JNA avec

15 laquelle il conservait de forts liens. La JNA qui est devenue après l'armée

16 de Yougoslavie.

17 Q. Est-ce qu'il y a eu un exemple concret où Mladic aurait pu prendre le

18 téléphone, utiliser un moyen de communication pour entrer immédiatement en

19 contact ?

20 R. Je vous ai parlé déjà de la crise à Gorazde. En avril 1994, exemple

21 frappant à Genève. Cette crise tout comme malheureusement la plupart des

22 crises, n'a jamais vraiment connu de résolutions. En avril 1994, le 22 et

23 le 23, un accord avait été bouclé à Belgrade. Les forces serbes de Bosnie

24 étaient censées se retirer d'une zone d'environ trois kilomètres par

25 rapport au centre de la ville. Mais ça n'a jamais été un retrait effectué.

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1 A Genève nous avons appris que certaines forces serbes de Bosnie étaient

2 restées dans cette zone interdite. Le Dr Karadzic était tout à fait

3 réticent à faire le moindre effort. M. Akashi l'a mis en garde. Il lui a

4 dit les pourparlers ne pourraient se poursuivre tant qu'il y aurait encore

5 violations de l'accord auxquelles on n'étaient parvenues à Belgrade.

6 Karadzic a dit que c'était la faute des Musulmans qui essaient toujours de

7 causer des ennuis. Mladic était un peu plus calme, moins engagé dans la

8 discussion. Puis, il a dit : "Laissez moi faire". Ensuite, il a discuté

9 avec je suppose le commandant de ces forces de la région. Ces forces ont

10 quitté la zone en l'espace de 24 heures, ce qui a permis la poursuite des

11 pourparlers à Genève. J'ajouterais que cette unité des Serbes de Bosnie se

12 trouvait dans une situation difficile. Je pense qu'elle se trouvait sur une

13 crête assez isolée, ce qui rendait une évacuation rapide difficile. Mais à

14 mon avis c'est une idée de la structure de commandement qui est restée tout

15 à fait intacte pendant toute la période.

16 Q. Au cours de ces réunions, des dirigeants serbes de Bosnie en

17 particulier, le général Mladic, était-il informé de la situation militaire,

18 et d'autres questions importantes, questions qui semblent importantes aux

19 yeux de la délégation des Nations unies ?

20 R. Tout à fait. Il n'y a pas eu une seule réunion où la situation

21 humanitaire n'aurait pas été invoquée.

22 Q. Examinez, si vous le voulez bien, l'intercalaire 3 qui va être affiché

23 par notre système d'affichage électronique à l'écran. Je vais vous demander

24 un commentaire -- un résumé de ce document. Est-ce ici un exemple du fait

25 que Monsieur Karadzic est informé qu'il y a des crimes qui sont commis par

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1 les forces serbes où que celles-ci prennent pour cibles intentionnellement,

2 des maisons civiles qu'elles veulent détruire ?

3 R. Oui. C'est une lettre qui cite que :

4 "Des exemples précis avec mention de coordonnées ainsi donc au cours

5 desquels des forces serbes dans plusieurs endroits dans le nord-ouest de la

6 Bosnie avaient prises délibérément pour cibles, des maisons civiles sachant

7 pertinemment que, dans bien des cas comme s'est indiqué dans la lettre, ces

8 maisons étaient toujours occupées."

9 M. de Mello poursuit. Il attire l'attention de M. Karadzic sur les

10 dispositions pertinentes et la Convention de Genève en ce qui concerne le

11 droit humanitaire international en conflit armé.

12 Q. Cette date, c'est celle du 3 mars 1994. On mentionne Bosanska Krupa,

13 Otoko, Dornja, Pokoj et Bihac, n'est-ce pas ?

14 R. C'est une lettre assez typique d'un bon nombre de lettres envoyées par

15 M. de Mello ou par M. Akashi lui-même, lettre envoyée à M. Karadzic au

16 cours des quelque 15 mois que j'ai passé en ex-Yougoslavie.

17 Q. J'aimerais attirer votre attention sur un sujet tout à fait différent.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'était écrit uniquement en anglais ?

19 Pourriez-vous nous dire si cette lettre n'a pas été traduite ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] La lettre a été rédigée uniquement en anglais.

21 Le Dr Karadzic parle excellemment anglais. Il n'a aucune difficulté à lire

22 les documents en anglais, c'est vrai à dire pour pas mal d'autres

23 dirigeants serbes de Bosnie qui parlaient bien l'anglais.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

25 M. GROOME : [interprétation]

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1 Q. Après que le plan Vance-Owen n'a pas été adopté par l'assemblée de

2 Republika Srpska, que s'est il passé ? Qu'avez vous observé s'agissant des

3 rapports entre les dirigeants serbes de Bosnie et les dirigeants serbes à

4 l'époque.

5 R. Je pense que les rapports sont devenus tendus, c'était très clair. Que

6 ce soit après l'échec du plan Vance-Owen l'été 1994, et aussi après l'échec

7 du groupe de contact et du plan de paix que celui-ci avait mis au point.

8 C'est à ce moment-là, par exemple, que M. Milosevic, qui était alors

9 président de la Serbie avait annoncé que des sanctions seraient imposées

10 aux dirigeants serbes de Bosnie, seraient imposées à la Republika Srpska.

11 Q. Veuillez maintenant examiner l'intercalaire 5 de la pièce 470, la

12 deuxième page plus exactement.

13 Je vais donner lecture d'une phrase se trouvant dans le dernier paragraphe

14 et je vais vous demander de replacer ceci dans son contexte :

15 "Une délégation des membres de l'assemblée dirigée par M. Buha, 'ministre

16 des Affaires étrangères' et comprenant le dirigeant des députés du SDS à

17 l'assemblée, M. Maksimovic, ont effectué une visite à Belgrade et rencontré

18 Milosevic. Cette visite coïncidait avec une déclaration faite par le comité

19 exécutif du SDS qui condamnait des visites des réunions non autorisées des

20 membres des dirigeants serbes de Bosnie à Belgrade. Et ceci a créé une

21 certaine confusion pendant tout un temps quant à savoir quel était le

22 véritable support de la mission de Buha à Pale"

23 Avez-vous retrouvé ce passage ?

24 R. Oui. Ce document porte la date du mois de décembre 1994. Excusez moi,

25 Monsieur Groome, est-ce que vous pourriez répéter votre question ?

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1 Q. Je vous demanderais de replacer ceci dans son contexte. Est-ce qu'il y

2 a eu une certaine confusion de la part de la délégation Onusienne,

3 s'agissant de la position adoptée en public." Si vous voulez, y a-t-il

4 hiatus entre la position publique et la position privée ?

5 R. A l'époque, au sein des Nations unies, et au sein de la communauté

6 internationale en général, on se demandait quelles étaient-- quelle est la

7 profondeur, l'intensité des divisions qui existaient entre Belgrade et

8 Pale, entre la Yougoslavie d'un coté et la Republika Srpska de Bosnie. Je

9 pense qu'il y avait de grosses tensions qui avaient été produites par le

10 fait que les dirigeants serbes de Bosnie n'avaient pas accepté ce plan

11 Vance-Owen, que ce soit 1993 ou le plan du groupe de contact en 1994. Je ne

12 sais pas si j'irais jusqu'à dire qu'il y avait une fracture politique entre

13 Belgrade et Pale pour ainsi dire; effectivement, cette réunion qui est

14 mentionnée, et des réunions ultérieures indiquent éventuellement que de

15 part et d'autre on ne voulait pas que cette rupture soit trop profonde,

16 qu'on aille trop loin. Il y avait pas mal d'indices montrant que si

17 effectivement, sans aucun doute, il y avait du coté politique des tensions.

18 Ces tensions ne se présentaient pas sur le plan militaire entre les

19 militaires yougoslaves d'un coté et la VRS, l'armée des Serbes de Bosnie de

20 l'autre.

21 Q. Veuillez maintenant examiner l'intercalaire 6 de la pièce 470. Nous

22 avons ici une lettre portant la date du 15 octobre 1994, adressé par M.

23 Stoltenberg au Secrétaire général. Vous avez ici une évaluation des

24 rapports qu'avait M. Milosevic avec les Serbes de Bosnie.

25 Commentaire de votre part sur ces dernières lignes qui disent :

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1 "Si on parle de M. Milosevic, son plan c'est que soit les dirigeants

2 Serbes de Bosnie acceptent le plan du groupe de contact où qu'ils soient

3 remplacés."

4 Pourriez-vous faire un commentaire à ce propos ?

5 R. Manifestement, dans ce télégramme envoyé par M. Stoltenberg au

6 Secrétaire général, il souligne de fait que M. Milosevic avait accepté le

7 plan du groupe de contact or celui-ci avait été rejeté par les dirigeants

8 serbes de Bosnie et M. Stoltenberg se dit qu'éventuellement, il pourrait y

9 avoir des changements au sommet des dirigeants serbes de Bosnie. Il y avait

10 ce qu'on appelle la RSK à l'époque, la république Serbe en Croatie de

11 Krajina. Il y avait eu des changements au niveau des dirigeants, des

12 élections s'étaient tenues qui avaient amenées au pouvoir, si je ne

13 m'abuse, en janvier 1994, M. Martic qui avait une politique beaucoup plus

14 proche de celle de Belgrade et de M. Milosevic.

15 Q. Page suivante du document quelques phrases, l'évaluation que fait M.

16 Stoltenberg de M. Milosevic :

17 "M. Milosevic, quant à lui, donne l'impression d'être un acteur discipliné

18 qui cherche à prédominer par rapport aux dirigeants serbes En général, il

19 pourrait bien y parvenir. Il a bien réfléchi à la forme que doivent prendre

20 des options politiques futures qui concerneraient les Serbes de Croatie,

21 ainsi que les Serbes de Bosnie."

22 Etes-vous d'accord avec l'évaluation faite ?

23 R. Je crois qu'il a été tout à fait exact et très sensible à cet égard. Je

24 me souviens d'une réunion de quelque 18 heures à Belgrade pendant la crise

25 de Gorazde, les 22 et 23 avril 1994. Cette réunion était présidée par le

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1 président Milosevic. Il y avait beaucoup de dirigeants serbes de Bosnie; au

2 moins 10 ou 12 à cette réunion et sans nul doute, M. Milosevic a donné

3 l'impression comme le souligne ici M. Stoltenberg que c'était un acteur, un

4 protagoniste tout à fait discipliné qui présidait à la destinée de gens qui

5 n'étaient pas ses égaux en matière de politique de détermination et de la

6 capacité à en fait tenir compte de toutes les questions qu'il fallait

7 garder à l'esprit.

8 Q. Au cours de cette même période, à partir des informations qui vous

9 étaient disponibles à l'époque, que saviez-vous s'agissant de la présence

10 du général Mladic dans la zone de Belgrade ?

11 R. Vous parlez d'avril 1994 ou vous parlez du mois d'août 1994 ?

12 Q. Parlez des deux périodes peut-être mais séparément.

13 R. Le général Mladic s'est souvent trouvé à Belgrade, dans la région de

14 Belgrade. Il avait bien sûr de la famille sur place. La première fois qu'il

15 s'est trouvé à Belgrade, je parle de cette réunion des 22 et 23 avril 1994,

16 je me souviens très bien d'une chose : c'est la seule fois, je pense, où je

17 l'ai vu en civil. Il portait un costume noir, une chemise noire parce qu'il

18 était toujours en deuil. Il venait de perdre sa fille qui s'était suicidée.

19 Je pense qu'elle étudiait la médecine à la Faculté de Belgrade. Avant que

20 les sanctions soient imposées en août 1994 mais aussi après l'imposition

21 des fonctions -- des sanctions, nous avions des indications sur lesquelles

22 M. Mladic est souvent allé à Belgrade indépendamment des tensions

23 politiques qui étaient manifestes dans les rapports entre Belgrade et Pale.

24 Ces tensions ne semblaient pas avoir d'incidences délétères sur ses allées

25 et venues.

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1 Q. Examinons maintenant l'intercalaire 7. Nous parlons maintenant de la

2 période postérieure à l'imposition des sanctions, troisième page de ce

3 document qui porte la date du 6 mars 1995 et évoque une réunion qui a eu

4 lieu entre le général Smith et le général Mladic le 5 mars. Voici la

5 question que je vous pose : Ce rapport des Nations unies traduit-il bien la

6 présence de fonctionnaires de Belgrade à cette réunion ?

7 R. C'est exact. Je me souviens très clairement de cet incident. Le colonel

8 Baxter, qui était un adjoint du général Smith, du général Rupert Smith, le

9 commandant britannique en Bosnie, il avait convoqué une réunion pour en

10 parler. Ce qui était notamment inhabituel, les documents le montrent bien,

11 c'est que cette réunion avait été suscitée par le général Mladic. Si je me

12 souviens bien s'agissant de toutes les autres réunions, elles étaient

13 faites à la demande des Nations unies. Dans son rapport, dans celui-ci mais

14 aussi dans d'autres observations qu'il a fait plus tard, le colonel Baxter

15 dit que pendant qu'il se trouve à Jahorina, une station de ski au sud de

16 Pale où la réunion a eu lieu, ils avaient rencontré plusieurs

17 fonctionnaires de Belgrade.

18 Q. Parlons maintenant du document suivant qui se trouve à l'intercalaire

19 8. Examinez la page 3 de ce document. Je vous demande donc de vous pencher

20 sur la page 3 et je me propose de vous donner lecture de quelques fragments

21 pour vous demander par la suite votre commentaire.

22 "Une Commission conjointe a été créée également aux fins de tracer, de

23 brosser des modalités pour ce qui est de l'unification de la RS et de la

24 RSK."

25 Etiez-vous au courant dans cette période-là de certaines tentatives

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1 d'unifier la Republika Srpska et la république de la Krajina ?

2 R. Oui. J'étais au courant. Où plutôt, je tiens à préciser que ceci était

3 une réunion publique pour autant que je m'en souvienne. Il y a eu des

4 communiqués de presse et à ce sujet et ainsi de suite. Je ne suis pas sûr

5 d'avoir compris ou pris au sérieux cette possibilité-là. Et d'après

6 l'évaluation que j'en ai fait, il s'agissait de façon évidente de quelque

7 chose de susceptible d'élargir le conflit et de réunir la guerre en Croatie

8 et la guerre en Bosnie, si je puis m'exprimer ainsi. Et cela franchirait

9 les frontières internationalement reconnues entre deux états, reconnus par

10 les Nations unies et membres des Nations unies en Bosnie-Herzégovine. Je

11 crois qu'il s'agissait notamment d'une astuce à laquelle avait recours de

12 temps en temps le Dr. Karadzic. Je crois qu'il n'a pas réussi à convaincre

13 M. Martic à Knin de se joindre à ses idées. M. Martic, à mon avis, était

14 plus à l'écoute de M. Milosevic à Belgrade de ce point de vue-là.

15 Q. Je me propose de vous donner quelques lectures de quelques autres

16 phrases :

17 "Les rapports de cette réunion indiquent qu'il y a eu une scission sérieuse

18 entre la direction militaire et politique de Pale. La chose s'est aggravée

19 en raison de la -- du blocus économique et du -- de la lutte pour les

20 ressources financières et matérielles limitées. Les -- il semblerait que,

21 il y aura une érosion suivie de cette autorité, processus tacitement

22 soutenu par M. Milosevic. Et s'agissant de cette réunion entre Milosevic et

23 Mladic en date du 21 avril qui se serait tenue sans la connaissance de

24 Karadzic ou soi- disant sans son savoir, semble abonder dans ce sens."

25 Ma question est la suivante. Pouvez-vous, partant de ce document et du

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1 contexte dans lequel vous travaillez, décrire les relations entre M.

2 Milosevic, Karadzic, et le général Mladic, entre ces trois personnes-là ?

3 R. C'est très difficile à faire, parce que ces relations se sont

4 construites et ont évolué à l'écart du public. Il est certain une chose, à

5 savoir que M. Milosevic et le général Mladic d'un certain -- d'une certaine

6 mesure ont partagé des choses pour ce qui est de leur CV. Par exemple, ils

7 ont été -- ils sont intervenus dans cette République fédérale socialiste --

8 socialiste fédérative de la Yougoslavie. Ils étaient membres de cette -- de

9 ce parti monolithique qui s'appelait le Parti communiste ou plutôt la Ligue

10 des communistes de la Yougoslavie. Ils étaient membres tous les deux du

11 même parti et ce à compter de leur temps d'étudiants. Et le Dr. Karadzic,

12 lui, n'a pas eu cette -- ce même historique. Il n'a jamais été un haut

13 responsable dans cette ex-Yougoslavie ou dans le gouvernement de celle-ci.

14 Il a été apporté ou amené à la surface de ce qui se passait par la tempête

15 de guerre en Bosnie-Herzégovine. Et au début de ces guerres qui ont suivi

16 la dissolution de la Yougoslavie dans le courant des années 1990-1991, le

17 général Mladic qui, à l'époque, probablement se trouvait encore être

18 colonel était quelqu'un de stationnaire en Croatie dans le secteur de la

19 Krajina. Et ce n'est que par la suite, plus tard en 1992, qu'il a été

20 transféré vers la Bosnie et qu'il a été promu au grade de général pour être

21 Commandant en chef des forces serbes de Bosnie.

22 Q. Dr. Williams, c'est après cette évaluation qui a été rédigée à

23 l'intention de M. Akashi en avril 1995, pouvez-vous nous dire si vous aviez

24 la conviction de voir les relations entre ces trois hommes en train

25 d'évoluer constamment ?

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1 R. Je pense que c'était véritablement ce qui se passait, les pressions

2 étaient énormes. Monsieur Milosevic avait accepté le plan du groupe de

3 contact, la direction des Serbes de Bosnie ne l'avait pas fait. La

4 situation sur le terrain en Bosnie était fluide. Cela évoluait constamment

5 et il y avait des pressions croissantes de la part des Nations unies aux

6 fins de réagir de façon plus conséquente à l'égard des Serbes de Bosnie.

7 Donc, il y avait des pressions constantes. Pour ce qui de la Republika

8 Srpska, je pense vous dire qu'elle dépendait dans une grande mesure sur le

9 plan financier et matériel et autre de la Serbie. La Republika Srpska

10 n'était pas une région -- n'a jamais été une région riche. Il n'y a pas eu

11 d'économie autonome sur place si ce n'est de la contrebande et du trafic

12 illégal. Ce type de trafic est une chose à laquelle ont vaqué les

13 dirigeants des Serbes de Bosnie, chose qui les a d'ailleurs rendu riches et

14 ils étaient méprisés et ridiculisés par le général Mladic et c'est

15 précisément de cela qui était question dans ce paragraphe ici.

16 Q. Et si vous voulez me permettre de poser une autre question. Vous venez

17 de parler de M. Martic. Je voudrais que vous nous résumiez la situation qui

18 avait prévalu en République de la Krajina serbe dans la période de votre

19 mandat.

20 R. Et bien, j'ai déjà mentionne tout à l'heure que la situation économique

21 prévalant en Republika Srpska était plutôt mauvaise et si cela était le cas

22 dans la Republika Srpska, la situation au niveau de la Krajina qui est le

23 cœur même de la République serbe en Croatie était encore plus mauvaise. Il

24 y avait encore quelques éléments d'activités économiques mais cela ne

25 permettrait en gros aux gens que de subsister et les gens survivaient

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1 surtout grâce à l'aide humanitaire et ce qui venait de Belgrade. Il

2 s'agissait d'une petite zone qui n'avait aucune perspective, aucune

3 possibilité de survie en tant qu'unité autonome indépendante. Je crois que

4 ce point de vue-là, les dirigeants de là-bas et notamment après les

5 élections de janvier 1994, lorsque M. Martic est arrivé au pouvoir, la

6 direction s'est plus inclinée vis-à-vis de Belgrade parce qu'il n'y avait

7 pas d'autres alternatives.

8 Q. Je vous demanderais de vous pencher la pièce à conviction 470,

9 intercalaire 9. Il s'agit d'une évaluation faite par M. Akashi en date du

10 1er février 1994 et on dit là que M. Martic a remporté les élections. Je me

11 propose de vous donner lecture d'une partie et je vous demanderais de nous

12 dire si vous êtes d'accord avec les évaluations de M. Akashi. Voici comment

13 cela s'énonce.

14 "Le revirement particulièrement spectaculaire à la suite des élections

15 montre bien ce qui s'est passé et peut être attribué aux efforts du

16 président Milosevic et à ses partisans en RSK."

17 Etes-vous d'accord ?

18 R. Tout à fait. Les habitants de la RSK se sentaient très exposés, très

19 vulnérables. Ils pensaient que des liens étroits avec Belgrade étaient leur

20 seul espoir. Il y avait les médias de Belgrade qui jouaient un rôle très

21 important, qui avait beaucoup d'influence en RSK.

22 Q. M. Akashi poursuit et prévoit que les rapports entre la Krajina et

23 Belgrade vont devenir plus forts du fait de l'élection de M. Martic. Etes-

24 vous d'accord avec cette évaluation ? Est-ce que ceci s'est bien passé ?

25 R. Oui. C'est une évaluation exacte et c'est pratiquement ce qui s'est

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1 produit. Je ne pense que Martic lui-même a été un homme, un dirigeant

2 politique très efficace. Je me souviens de réunions au cours desquelles M.

3 Milosevic a souvent fait référence aux faiblesses de Martic au fait que

4 Martic ne parvenait pas à maîtriser son rival politique, Babic, pas plus

5 que l'assemblée locale.

6 Q. Pièce suivante, l'intercalaire 10 de la pièce 470, vous avez déjà

7 fourni certains commentaires dans ce tableau qui se trouve à l'intercalaire

8 2. Pour gagner du temps, je vais m'appuyer sur ces commentaires. Veuillez

9 maintenant vous concentrer sur l'enclave de Gorazde. Parlons si vous le

10 voulez bien du printemps 1994. Comment se présentait la situation à Gorazde

11 à ce moment-là ?

12 R. Vous vous souvenez que Gorazde était une des zones sûres, une des zones

13 protégées des six zones déclarées protégées par le conseil de Sécurité en

14 mai 1993. La période commence dans les dernières semaines du mois de mars

15 1994, l'enclave de Gorazde a été attaquée par des forces serbes de Bosnie.

16 Arrive le début du mois d'avril, c'est donc la deuxième semaine de cette

17 offensive. Il a parlé clairement à ce moment-là que l'attaque était

18 préméditée, que c'était un assaut à l'aide de chars et d'artilleries

19 lourdes, menée par une dose certaine de brutalité et pas la moindre volonté

20 d'éviter des pertes civiles.

21 Et j'aimerais replacer cette offensive dans un contexte plus large, celui-

22 ci. Vous vous souviendrez, Messieurs les Juges, de la crise à Sarajevo en

23 février 1994. Cette crise avait donné lieu à un ultimatum prononcé par

24 l'OTAN, qui à son tour, avait entraîné le retrait de beaucoup des armes

25 lourdes des Serbes. Les Serbes ont déplacé ces armes lourdes vers l'est,

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1 vers Gorazde.

2 Et les dirigeants serbes de Bosnie étaient quelque peu amers suite à

3 l'issue de la crise de Sarajevo. Autre facteur pertinent me semble-t-il

4 ici, c'est le fait qu'en mars 1994, à la surprise des observateurs se

5 trouvant sur place à l'époque, il y avait eu négociations en vue d'un

6 accord de paix entre les Musulmans de Bosnie, le gouvernement de Bosnie et

7 les forces croates de Bosnie. Ce qui veut dire que du jour au lendemain, la

8 situation était tout à fait différente. Je m'explique.

9 Auparavant, nous avions eu une guerre dans laquelle intervenaient trois

10 factions, armées différentes, désormais vous avez deux de ces factions qui

11 parviennent à un accord de paix entre elle qui s'est maintenue, accord de

12 paix, qui de surcroît, impliquait l'intervention des Etats-Unis. Les Etats-

13 Unis ont joué un rôle capital dans la négociation de cet accord.

14 Et je crois que cette évolution a énervé, a exaspéré les dirigeants serbes

15 de Bosnie qui se disait qu'il fallait maintenant redéployer les forces et

16 qui s'inquiétaient peut-être d'une application accrue des Etats-Unis dans

17 le conflit en Bosnie.

18 Q. Au cours de cette période, y a-t-il eu des offensives menées par les

19 Musulmans sur l'enclave de Gorazde ?

20 R. Je dirais avec quoi et pourquoi les forces du gouvernement de Bosnie à

21 Gorazde disposaient de très peu d'armes et de façon générale, on peut dire

22 que ceci s'applique à toute la Bosnie à l'époque. Il y avait beaucoup

23 d'inégalité. Les forces étaient inégales quand vous pensez aux armes dont

24 disposaient les Serbes de Bosnie et celles dont disposait le gouvernement.

25 Cette disproportion était encore accrue pour ce qui est des forces qui se

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1 trouvaient à l'intérieur de l'enclave. En vertu du fait que ces forces

2 étaient assiégées, ils leur étaient très difficiles d'obtenir des renforts

3 en armes de l'extérieur. Ce qui veut dire que les forces du gouvernement de

4 Bosnie, à l'intérieur de Gorazde, avait très peu d'armes qui aurait été

5 plus lourdes que des mortiers ou des mitrailleuses. Il y a un fait évoqué,

6 je pense, dans le rapport du Secrétaire général au conseil de Sécurité, un

7 fait qui est intéressant. Il parle de la collecte des armes lourdes. Je

8 pense que ceci se trouve à l'intercalaire 20. Il est fait allusion à la

9 collecte d'armes lourdes et il est fait référence à plusieurs armes et ceci

10 est postérieur aux hostilités de Gorazde. Ces armes ont été trouvées du

11 côté des Serbes de Bosnie et il n'y avait que deux ou trois armes qui ont

12 été trouvées du côté du gouvernement de Bosnie.

13 Pour ce qui est d'attaques vers l'extérieur mise à part quelques incidents

14 de tirs isolés, les forces du gouvernement de Bosnie n'auraient pas pu

15 faire de percées, n'aurait pas pu établir une espèce de corridor avec

16 Sarajevo. Ils ne disposaient tout simplement pas des moyens, des ressources

17 nécessaires à une campagne militaire de ce genre.

18 Q. S'agissant de l'intercalaire 11, je me fonde sur les commentaires

19 figurant à l'intercalaire 2. Passons maintenant à l'intercalaire 12 et plus

20 précisément à la deuxième page de ce document. Je vais vous demander de

21 donner lecture et de fournir un commentaire s'agissant des dernières

22 phrases que l'on trouve au paragraphe 3.

23 R. Dernière phrase du paragraphe 3 ?

24 Q. Qui commence par "Andreev --"

25 R. "Andreev qui était un haut fonctionnaire des Nations unies à Sarajevo a

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1 dit que Churkin avait eu des contacts avec Milosevic et Karadzic et que ces

2 deux hommes étaient d'accord pour dire qu'il fallait mettre fin aux

3 pilonnages. Leur intervention n'a pas semblé avoir d'effet immédiat."

4 C'est un rapport venant du commandant des forces et envoyé le 11 avril

5 1994.

6 Q. Examinons un autre document qui porte, lui, la date du 13 avril. Il

7 s'agit de l'intercalaire 4. Nous allons revenir en arrière pour passer à

8 l'examen de l'intercalaire 4. Examinez, si vous le voulez bien, le deuxième

9 paragraphe de ce document. J'en lis une phrase. C'est un rapport envoyé par

10 M. Akashi à Kofi Annan qui à ce moment-là est responsable des forces du

11 maintien de la paix. Je cite :

12 "Le président Milosevic affirme que l'attaque menée par les Serbes de

13 Bosnie à Gorazde est une réponse à l'offensive à laquelle s'attendait les

14 Serbes surtout depuis l'accord passé à Washington entre les Croates et les

15 Musulmans."

16 Un commentaire, s'il vous plaît.

17 R. Oui. Vous voyez la référence qui est faite ici à l'accord entre les

18 Croates et les Musulmans à Washington. Je pense que ceci fait partie du

19 contexte dans lequel s'est lancé l'attaque sur Gorazde. Il est intéressant

20 à mon avis de voir que M. Milosevic lorsqu'il rencontre M. Akashi le 13

21 avril, a attiré l'attention de M. Akashi sur ce point. Ça ne pose pas de

22 problèmes pour moi. Ce qui me semble incorrect, c'est qu'il y aurait eu une

23 offensive musulmane sur Gorazde. Je ne vois aucune preuve de l'existence

24 d'une quelconque offensive. Je me souviens que M. Milosevic a fait une

25 remarque analogue à la réunion à laquelle j'ai assisté, celle du 22 et

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1 23 avril. Mais d'après moi, c'est impossible.

2 Q. Parlons du 16 avril. Examinons l'intercalaire 13 de la pièce 470. Il

3 s'agit enfin de deux documents. Il y a un communiqué de presse et puis un

4 rapport de base. Reconnaissez-vous ces documents ?

5 R. Oui. Le communiqué de presse est un document que j'ai personnellement

6 rédigé. Puis vous avez le document qui l'accompagne, il s'agit d'une

7 chronologie des événements en ce qui concerne les 15 et 16 avril. Vous le

8 voyez au cours de cette semaine, il y a eu des événements à Gorazde et aux

9 alentours et il y a une dégradation générale, permanente.

10 Q. Est-ce que dans cette chronologie, on trouve la relation des événements

11 à la minute près, au moment où ces événements se sont écoulés dans

12 l'affaire de Gorazde ?

13 R. Tout à fait. Dans des situations telles que celles-ci, vous avez une

14 consignation très précise des événements tels qu'ils se déroulent. Pour la

15 première fois, l'OTAN avait participé à ces événements par des missions

16 très limitées d'appuis aériens autour de Gorazde.

17 Q. Pourriez-vous nous préciser qu'elle a été la participation de l'OTAN à

18 l'époque ?

19 R. L'OTAN avait la responsabilité de la zone d'interdiction de vols,

20 imposée par le conseil de Sécurité. Depuis un certain temps, la zone

21 d'exclusion aérienne, plus précisément. Et puis l'OTAN avait aussi reçu

22 l'autorisation limitée d'apporter un soutien aérien rapproché aux forces

23 des Nations unies s'il y avait une attaque menée par qui se soit. Cet appui

24 avait été d'abord autorisé un dimanche, le 11 avril.

25 Je me souviens de cet événement puisque j'y ai participé de très près. Ce

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1 fut une journée assez dramatique et spectaculaire. Des chars serbes,

2 l'artillerie serbe, ont tiré directement sur la zone de Gorazde, ont tiré,

3 ont pris pour cible directe des civils. Ces forces ont tiré sur un bâtiment

4 qui était une ancienne banque et c'est là qu'essayait de s'abriter les

5 représentants des Nations unies. Dimanche après-midi, c'est à ce moment-là

6 que la mission d'appui aérien rapproché est autorisée et ceci, si je ne

7 m'abuse, a entraîné une attaque sur poste de contrôle de commandement

8 serbe, qui me semble a été détruit.

9 Q. D'où vous vient l'information que des cibles ont été visées à

10 l'intérieur de Gorazde ?

11 R. D'un certain nombre de rapports. D'ailleurs, il y a un élément dont je

12 n'ai pas parlé devant les Juges et je tiens à le faire. Gorazde était la

13 seule enclave où il n'y avait aucune présence des Nations unies. Les

14 Nations unies étaient présentes à Zepa, étaient présentes à Srebrenica et

15 bien sûr à Sarajevo et à Tuzla. Mais il n'y avait pas de Casques bleus des

16 Nations unies à Gorazde. La seule présence onusienne à Gorazde était celle

17 d'un nombre très limité d'observateurs militaires des Nations unies qui

18 étaient à Gorazde, accompagnés d'un certain nombre de responsables de

19 l'organisation d'aide aux réfugiés, et je crois également de quelques

20 fonctionnaires du CICR.

21 Et au fur et à mesure que la situation se dégradait, le général Rose des

22 forces armées britanniques était parvenu à faire entrer dans Gorazde en

23 traversant les lignes un certain nombre d'éléments de l'armée britannique.

24 Donc, les rapports provenaient des observateurs militaires des Nations

25 unies présents à Gorazde et étaient ensuite complétés par ceux des soldats

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1 britanniques qui désormais se trouvaient également à Gorazde.

2 Q. J'aimerais appeler votre attention sur la pièce à conviction 470 de

3 l'Accusation, intercalaire 14. Il s'agit d'une interprétation de la

4 situation par M. Akashi, adressée à M. Annan. Et j'aimerais que vous nous

5 parliez du troisième paragraphe. Pouvez-vous nous faire un commentaire ?

6 R. Je cite : "Compte tenu de l'attitude des manifestés jusqu'à présent par

7 les Serbes, la crédibilité de l'accord conclu aujourd'hui est faite. Entre

8 temps, il n'y a plus de mesures défensives militaires efficaces disponibles

9 pour l'armée de Bosnie-Herzégovine, s'agissant de la ville de Gorazde."

10 A mon avis, ceci est une appréciation très modérée de M. Akashi qui évitait

11 en général d'émettre de telles appréciations. Donc, il voit la situation

12 comme étant assez sombre et je pense, qu'en effet, il pensait qu'à ce

13 moment-là la situation évoluait dans une direction tout à fait négative. Il

14 s'était efforcé pendant une semaine ou davantage de faire échec à l'attaque

15 des Serbes sur Gorazde mais en vain.

16 Et la résistance bosnienne à Gorazde était visiblement en train d'être

17 battue en brèche, deux jours avant, comme nous le savons, les troupes des

18 Nations unies avaient été attaquées de front. Un avion britannique avait

19 été descendue par les Serbes le 15 avril et je pense que ce l'on peut voir,

20 d'ailleurs ce commentaire de M. Akashi, c'est une appréciation très

21 négative de la situation.

22 J'ajouterais si vous le voulez bien, que ce message soit daté du 17 avril.

23 Je crois qu'il a eu un effet très important sur le Secrétaire général des

24 Nations unies, M. Boutros Boutros-Ghali, qui le lendemain, c'est-à-dire le

25 18 avril, a écrit au Secrétaire général de l'OTAN qui était à l'époque M.

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1 Manfred Worner, un allemand. Donc, et il demandait à l'OTAN de réfléchir à

2 la possibilité de frappes aériennes rapidement pour frapper les positions

3 serbes dans l'une ou l'autre des zones protégées des Nations unies à moins

4 que ce ne soit sur l'ensemble d'entre elles et ce chaque fois que des

5 attaques avaient pris pour cibles la population civile dans ces zones.

6 Q. J'aimerais maintenant appeler votre attention sur la pièce à conviction

7 de l'Accusation 470, intercalaire 15. C'est un message câblé, envoyé par M.

8 Annan à M. Akashi. Paragraphe 7, je vous prie, voudriez-vous commencer par

9 nous lire la deuxième phrase, à moins que vous ne lisiez l'ensemble du

10 paragraphe cela restituera les événements dans leur contexte.

11 R. Le paragraphe se lit comme suit :

12 Je cite : "Suite à la réunion, l'ambassadeur Vorontsov a informé M.

13 Gharekhan des efforts accomplis à Belgrade par le ministre des Affaires

14 étrangères Kozyrev. Selon ces informations, le président Milosevic avait

15 donné 'instruction' au général Mladic d'arrêter l'attaque sur Gorazde de

16 restaurer la liberté de mouvement de la FORPRONU et d'autoriser celle-ci à

17 déployer ses troupes à Gorazde. Ces éléments -- ces instructions devraient

18 être exécutées le 17 avril avant votre rencontre avec le Dr Karadzic."

19 Q. Je vous demande votre commentaire sur ce paragraphe.

20 R. Et bien, ce message venait de M. Annan qui était alors chef des forces

21 de maintien de la paix à New York, et il y ait question de l'ambassade en

22 Vorontsov, ambassadeur de Russie. Ce paragraphe stipule clairement que le

23 ministre des Affaires étrangères avait reçu des assurances du président

24 Milosevic à Belgrade, selon lesquelles l'attaque sur Gorazde allait cesser.

25 Je dois dire que rien ne prouve que de telle instruction ait été donnée et

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1 d'après ce que je me souviens cette attaque a en fait augmenté en intensité

2 pour devenir réellement féroce dans les jours qui ont suivi. Selon mon

3 souvenir le 18 avril entre 8 h et 10 h du matin 42 obus qui ont frappé la

4 ville, alors qu'un seul était tiré à partir de la ville, ce qui indique à

5 quel point il y avait une inégalité de force entre les Serbes de Bosnie et

6 les forces gouvernementales Bosniaques.

7 Q. J'aimerais que nous parlions maintenant du 22 et 23 avril, le point

8 culminant des événements dont vous êtes en train de parler. Je vous

9 demanderais de nous relater les réunions qui -- auxquelles vous avez

10 participé et qui ont traité au cours de ces journées de la crise à Gorazde.

11 R. Je pense que les représentants des Nations unies à la fois à Sarajevo

12 et au quartier général de Zagreb étaient très préoccupés. Ils avaient un

13 sentiment très négatif. Ils pensaient que Gorazde, en dépit de la

14 résistance opposée par les Bosniaques, allait tomber entre les mains des

15 Serbes de Bosnie et qu'une partie importante de la population civile se

16 trouverait donc à la merci des forces en question, qui je crains de devoir

17 le dire, c'étaient déjà fait notoirement être négativement connaître par

18 leur brutalité à l'égard de la population civile qui tombait entre leur

19 main.

20 Monsieur Groome, j'ajouterais que le secrétaire général avait écrit à

21 l'OTAN le 18, implorant l'OTAN d'examiner la possibilité de lancer des

22 actions aériennes contre les positions de Bosnie si celle-ci était coupable

23 d'attaque contre les zones protégées des Nations unies. Je crois que M.

24 Akashi craignait que l'implication de l'OTAN ne provoque une escalade du

25 conflit en entraînant éventuellement les Serbes dans une guerre ouverte.

Page 22922

1 Donc, tout cela concernait M. Akashi et ce dernier avait eu au cours de la

2 semaine un certain nombre de réunions avec le président Milosevic.

3 Au quartier général nous avons tenue notre rencontre habituelle le matin du

4 vendredi 22 avril, où il était d'esprit très noir, très négatif. Nous

5 savions que l'organisation de l'Atlantique nord -- le conseil de

6 l'Atlantique nord, c'est-à-dire, le cœur même de l'OTAN, allait se réunir à

7 Bruxelles et s'occuper donc de cette lettre du secrétaire général, donc

8 nous pensions qu'un ultimatum serait lancé aux Serbes de Bosnie, ce qui est

9 effectivement a eu lieu au cours de la journée.

10 M. Akashi, a examiné la situation, dans le cadre d'une intervention très

11 longue au cours de cette réunion du conseil de l'OTAN, et il annoncé

12 ensuite qu'il avait l'intention de se rendre à Belgrade pour discuter de

13 tout cela avec le président Milosevic, et que le président Milosevic avait

14 la possibilité de rassembler les Serbes de Bosnie. Parce que M. Akashi

15 avait eu des rencontres avec les Serbes à Belgrade et avec les Serbes de

16 Bosnie, mais jamais avec les deux groupes ensemble, donc il pensait peut-

17 être qu'une telle réunion conjointe pourrait déboucher sur un cesser le

18 feu, seul capable d'éviter la tragédie qui s'annonçait.

19 Je dois dire que, lors de cette réunion du conseil de l'Exécutif, la

20 position de M. Akashi a été contestée par plusieurs d'entre nous. En effet

21 nous n'avions aucune certitude quant au résultat possible d'une réunion à

22 Belgrade. En effet, il y avait déjà eu plusieurs cesser le feu qui en fait

23 n'avaient abouti à rien et au fur et à mesure nous ne voyons qu'une chose à

24 savoir, que l'intensité de l'attaque sur les zones protégées ne cesser de

25 croître. Nous pensions également que l'action de secrétaire général pouvait

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1 engager directement l'OTAN et que ceci ne pourrait qu'entraîner de

2 nouvelles évolutions qui en fait auraient été plus justement traitées par

3 d'autre à cette époque-là, par d'autre que les Nations unies.

4 Q. Puis je vous demande maintenant de nous parler de ces réunions qui --

5 des sujets qui ont été abordés au cours de ces réunions.

6 R. M. Akashi, en dépit de notre discussion, a décidé de se rendre à

7 Belgrade. Donc, en dépit de tout ce qui a été dit au cours de la réunion à

8 Zagreb, je me souviens que nous étions un certain nombre à l'accompagner à

9 Belgrade et au moment de notre arrivée tard dans la matinée déjà

10 pratiquement à l'heure du déjeuner, je me souviens que le 4e commandant,

11 qui accompagnait M. Akashi, a dû chercher en urgence une antenne satellite

12 pour contacter Paris et Bruxelles en raison des événements qui à moment-là

13 se déroulaient à Bruxelles où en effet le conseil de l'OTAN était en train

14 de parvenir à une décision à Bruxelles.

15 Donc, à partir de la piste d'atterrissage à l'aéroport, il a parlé aussi

16 bien avec Paris, qu'avec Bruxelles et, suite à ses conversations, nous nous

17 sommes rendus dans le bureau de M. Milosevic au centre de Belgrade où nous

18 nous sommes rapidement retrouvés en pleine réunion plénière, présidée par

19 le président Milosevic, à laquelle a participé un grand nombre de

20 dirigeants Serbes de Bosnie. Je crois qu'ils étaient au moins 10 ou 12,

21 comme je viens de le dire. Ces discussions commencées aux environs de midi,

22 treize heures, elles se sont poursuivies tard dans la soirée jusqu'à 21 h

23 30, 22 h, heure à laquelle nous nous sommes partis pour notre hôtel, mais

24 nous nous sommes réunis à nouveau le lendemain matin à 9h.

25 Donc, j'ai eu le sentiment que la situation s'intensifie grandement et M.

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1 Akashi avait reçu instruction du secrétaire général à New York lui disant

2 qu'il ne devait pas tarder à quitter Belgrade pour retourner à Zagreb.

3 Q. Savez-vous pourquoi cette instruction ?

4 R. Je pense que le secrétaire général pensait aux délibérations et aux

5 décisions qui étaient en train de se prendre en même temps que se déroulait

6 la réunion de Belgrade. Mais à Bruxelles, le 22 avril -- en effet le 22

7 avril à Bruxelles, le conseil de l'OTAN avait un ultimatum aux Serbes de

8 Bosnie dans lequel il leur était demandé de mettre fin à leur engagement,

9 de signer immédiatement un cessez-le-feu valable sur tout le territoire de

10 la Bosnie de se retirer de-- à une distance de 3 km des zones en question

11 et, de retirer leurs armements lourds à une distance minimale de 20 km tour

12 de Sarajevo.

13 Donc ces discussions portaient sur des sujets assez similaires que celles

14 de Belgrade et tout cela s'est passé cette journée du 22 avril, un

15 vendredi, ainsi que quelques heures de la matinée du samedi 23 avril.

16 Q. Je vous demanderais pendant toutes ces réunions de nous dire quelles

17 ont été vos remarques, s'agissant des rapports entre M. Milosevic et les

18 dirigeants serbes de Bosnie présents à cette réunion.

19 R. Je pense à la remarque que fait par M. Stoltenberg dans un des

20 documents que nous avons déjà examiné au cours de ma déposition à savoir,

21 que M. Milosevic était un acteur tout à fait central de ces événements.

22 Dans mon souvenir cela a été dit au début de la réunion, lorsqu'il était

23 question de la gravité de la situation et l'ordre du jour comportait, si je

24 ne m'abuse, trois points.

25 Premier point, la normalisation des relations entre les Nations unies et

Page 22925

1 les Serbes de Bosnie; point numéro 2, la situation à Gorazde; point no 3,

2 la nécessité d'un cessez-le-feu sur tout le territoire de la Bosnie. En

3 général M. Akashi n'avait pas tendance à intervenir directement pour

4 contester ce qu'aurait pu dire M. Milosevic où le quelconque de ses

5 interlocuteurs. Il n'aurait pas l'habitude de contester de front ce qu'il

6 lui était dit, or ce jour-là il l'a fait et je pense que cela démontre

7 qu'il estimait que c'était la seule possibilité qu'il avait pour répondre à

8 la gravité sur le fond de la situation de Gorazde, et sur la nécessité

9 absolue d'obtenir un cessez-le-feu. Car, dans le cas contraire, les

10 événements risquaient d'évoluer d'une façon particulièrement négative.

11 Q. Quelle a été la conclusion de ces réunions si vous pouvez nous le

12 dire ? Quelles ont été les décisions prises ?

13 R. La réunion s'est achevée sur un plan de paix en six points qui

14 impliquaient un cessez-le-feu, le retrait des Serbes de Bosnie à 3 km, le

15 désengagement de leur armement lourd, un engagement de leur part de

16 permettre aux Nations unies de pénétrer sans un quelconque obstacle dans la

17 ville de Gorazde. Je dois dire que cette promesse n'a jamais été tenue,

18 jamais un autre point de ce plan de paix concernait des dispositions

19 permettant une évacuation médicale par avion des personnes blessées ou

20 gravement malades. Cette promesse n'a été appliquée que lors des premiers

21 jours suivant les conclusions de cet accord.

22 Q. J'aimerais attirer votre attention sur l'intercalaire 16 de la pièce à

23 conviction de l'Accusation 470. Vous reconnaissez ce document ?

24 R. Vous parlez bien de l'intercalaire 16 ?

25 Q. Oui.

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1 R. Oui. Je reconnais ce document. C'est un communiqué de presse dont je

2 suis l'auteur. Je l'ai rédigé à Zagreb le samedi 23 avril, après notre

3 retour dans cette ville suite à la réunion de Belgrade.

4 Q. Il y a un autre document, rapport de M. Akashi daté du 23 avril dans

5 cette pièce à conviction.

6 R. Oui, effectivement c'est un rapport des discussions qui ont eu lieu à

7 Belgrade envoyées au QG de New York.

8 Q. Et estimez-vous que ces deux documents rendent bien compte de ce qui

9 s'est passé au cours de la rencontre, de la réunion.

10 R. Oui, pour autant que je m'en souvienne.

11 Q. J'aimerais maintenant appeler votre attention sur l'intercalaire 18 de

12 la pièce 470, premier paragraphe en particulier. C'est un document envoyé

13 par de Lapresle à M. Annan en date du 25 avril 1994, la phrase que je vous

14 demande de commenter est la suivante.

15 Je cite : "La situation à Gorazde s'est stabilisée au moment où les forces

16 des Serbes de Bosnie ont achevé leur retrait sur une ligne située à 3 km de

17 la zone protégée, suite à l'accord conclu par le Dr Karadzic et M. Akashi à

18 Belgrade. Cette phase de l'opération est désormais achevée."

19 Votre commentaire sur cette phrase.

20 R. Excusez moi, Monsieur Groome, mais à quelle phrase faites vous

21 référence ?

22 Q. Elle se trouve au premier paragraphe de l'intercalaire 17.

23 R. Ah oui, oui, oui.

24 Q. Elle commence par : "La situation en Gorazde …" Et elle figure

25 également sur l'écran devant vous.

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1 R. Oui, je vois cette phrase maintenant. Il s'agit donc d'un rapport qui a

2 été déposé le lundi, et il est vrai que lorsque ce message a été écrit le

3 lundi matin, les forces serbes de Bosnie se sont retirées à 3 ou 4 km de la

4 zone d'exclusion. Nous découvrirons cependant quelques jours plus tard que

5 les forces serbes de Bosnie sont rentrées dans la zone.

6 Q. J'appellerai votre attention sur l'international 18 de la pièce à

7 conviction de l'Accusation --

8 R. J'aimerais parler au juge d'un point particulier que l'on trouve à

9 l'intercalaire 17, paragraphe 4. Je pense que cette phrase est importante,

10 c'est la dernière phrase du paragraphe qui se lit comme suit.

11 Je cite : "La démolition des usines de filtrage d'eau par les Serbes de

12 Bosnie a des conséquences humanitaires graves--aura des conséquences

13 humanitaires graves dans les semaines à venir."

14 J'appelle l'attention des juges sur cette phrase pour la raison suivante :

15 En effet il était tout à fait clair que l'attaque préméditée sur cette

16 usine de filtrage et d'épuration d'eau était un acte voulu. C'était assez

17 courant dans le comportement militaire des Serbes de Bosnie et les

18 conséquences de la destruction d'une telle usine sont, je crois, tout à

19 fait clairs aux yeux de chacun en fait à partir de cette date en avril

20 1994. Et pendant 2 ans et demi, donc jusqu'à la fin 1996, il n'y a pas eu

21 d'alimentation convenable en eau à Gorazde, l'eau ne pouvait être obtenue

22 qu'à partir de la rivière.

23 Q. J'appellerais votre attention sur la pièce à conviction de l'Accusation

24 470 intercalaire 18 à présent; c'est une lettre de M. Akashi à M. Milosevic

25 datée du 10 mai 1994. Je vous demanderais de lire quelques phrases que l'on

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1 trouve dans cette lettre et de les restituer dans leur contexte à

2 l'intention des juges.

3 R. Je cite : "Comme vous le savez sans doute, la situation autour de

4 Gorazde continue à être difficile. La mise en œuvre de l'accord conclu à

5 Belgrade sous votre direction compréhensive s'est heurtée à des difficultés

6 insurmontables. J'ai pris la liberté d'inclure une lettre envoyée par moi

7 aujourd'hui au Dr Karadzic dans l'espoir que vous puissiez contribuer à

8 l'obtention d'une solution rapide du problème qui ne supporte véritablement

9 plus aucun délai."

10 Et puis, il y a une lettre d'accompagnement que M. Akashi a envoyé au Dr

11 Karadzic et que je crois indique très clairement les violations par les

12 Serbes de Bosnie de l'accord conclu deux semaines avant seulement à

13 Belgrade à savoir, l'entrée d'armements lourds dans la zone, obstacle à

14 l'avancée des convois des Nations unies - un convoi a été retardé six jours

15 à un barrage routier - les évacuations médicales n'avaient pas lieu et

16 cetera. Je pense que M. Akashi était très déçu par la mise en œuvre de cet

17 accord conclu à Belgrade et qui n'a pas eu d'effet durable.

18 Q. S'agissant de la pièce à conviction de l'Accusation 470 intercalaire

19 19, nous examinerons les commentaires que l'on trouve à l'intercalaire 2,

20 mais est-il exact qu'il s'agit d'une réponse du Dr Karadzic à la lettre que

21 l'on trouvait à l'intercalaire 18 ?

22 R. En effet, cette réponse provient d'un membre de l'exécutif du Dr

23 Karadzic, le Dr Jovan Zametica.

24 Q. Le document suivant sur lequel j'aimerais appeler votre attention est

25 l'intercalaire 20 de la pièce à conviction de l'Accusation 470. D'abord le

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1 paragraphe 19 de ce document --

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai quelques difficultés à suivre.

3 Quelle est la réponse de M. Karadzic ?

4 M. GROOME : [interprétation]

5 Q. Je vous demanderais, Docteur Williams, de répondre à la question du

6 Juge Kwon au sujet de la réponse faite par le Dr Karadzic. Peut-être

7 pourriez-vous la résumer à notre intention ?

8 R. Et bien, pour résumer sa réponse, Monsieur le Juge Kwon, le Dr Jovan

9 Zametica, conseiller du Dr Karadzic, accuse réception de la lettre de M.

10 Akashi. Il n'exprime -- il ne répond pas aux préoccupations exprimées par

11 M. Akashi dans le moindre détail, se contentant de dire qu'il admet la

12 présence d'hommes en uniforme dépendant de lui. Il ne les qualifie pas de

13 soldats. Il les appelle des hommes en uniforme, ce qui est tout de même une

14 distinction assez intéressante. Donc, il admet leur présence dans un

15 secteur de trois kilomètre autour de la zone d'exclusion. Et il dit que ces

16 hommes ont été démobilisés, qu'ils n'ont pas d'autres vêtements à se mettre

17 sur le dos, mais qu'ils ne sont plus des combattants.

18 En bref, à mon avis, ceci n'est pas une réponse sur le fond à la lettre de

19 M. Akashi reçue précédemment par la direction des Serbes de Bosnie.

20 Q. Je vous renvoie maintenant à l'intercalaire 20 de la pièce à conviction

21 de l'Accusation 470, paragraphe 19, deux phrases simplement. Pourriez-vous

22 lire ce passage et le resituer dans son contexte ?

23 R. Je cite : "Le 14 mai 1994, mon représentant spécial a parlé au

24 président Milosevic qui avait apprécié la situation lors de la réunion de

25 Belgrade des 22 et 23 avril 1994. Le président Milosevic l'a assuré qu'il

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1 ferait son possible pour obtenir une conclusion rapide et une mise en œuvre

2 complète des dispositions décrites au paragraphe précédent".

3 A savoir donc, les préoccupations exprimées eu égard à Gorazde que l'on

4 trouvaient dans le paragraphe précédent du document.

5 Q. J'appellerais votre attention sur le rapport du Secrétaire général,

6 Intercalaire 20, paragraphe 4, si vous voulez bien ?

7 R. Oui.

8 Q. Y a-t-il quelque chose qui mérite un commentaire de votre part dans ce

9 paragraphe ?

10 R. Et bien, ce paragraphe souligne la gravité de la situation qui

11 prévalait à l'époque de cette crise à Gorazde. Ce paragraphe traite de la

12 lettre du Secrétaire général datant du 18 avril envoyée à Manfred Werner,

13 Secrétaire général de l'OTAN, pour lui demander de lancer le plus

14 rapidement possible des frappes aériennes contre l'artillerie lourde

15 présente à l'intérieur et aux environs immédiats des zone protégées, compte

16 tenu des responsabilités des Nations unies vis-à-vis d'une quelconque

17 attaque prenant les civils pour cibles.

18 Le texte se poursuit en indiquant que le 22, à savoir le jour où le Dr

19 Werner l'avait informé des deux décisions prises au sujet des frappes

20 aériennes sur les zones protégées, il fallait donc que dans les 48 heures,

21 les Serbes de Bosnie retirent leurs troupes à 3 kilomètres autour de la

22 zone protégée et en deuxième lieu, qu'un cessez-le-feu soit conclut et que

23 les forces des Nations unies aient accès plein et entier à la zone

24 protégée. Il fallait également qu'il y ait retrait des armes lourdes à 20

25 kilomètres de la zone et tout ceci s'il -- si cela n'était pas fait

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1 entraînerait une attaque aérienne de la part de l'OTAN.

2 Je pense que la gravité de la situation est bien décrite dans ce

3 paragraphe, à savoir que sans la rencontre des 22 et 23 à Belgrade, les

4 frappes aériennes auraient eues lieu contre les Serbes de Bosnie. Je ne

5 pense pas qu'il y aurait eu retrait en réponse -- positive à la demande de

6 l'OTAN et je pense que l'OTAN aurait eu des obstacles beaucoup plus

7 importants à lever donc, se serait trouvé dans une situation beaucoup plus

8 difficile s'agissant de mettre un terme aux hostilités.

9 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le moment

10 est venu de la pause.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Nous allons faire une pause de 20

12 minutes.

13 Et je vous demande, Monsieur Williams, de veiller à ne parler à personne de

14 votre déposition pendant cette pause et toutes celles qui suivront jusqu'à

15 la fin de votre déposition.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] 20 minutes de pause.

18 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

19 --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Groome, poursuivez s'il vous

21 plaît.

22 M. GROOME : [interprétation]

23 Q. Monsieur Williams, si vous le voulez bien passons à la réunion des 22

24 et 23 avril à Belgrade. J'ai des questions de détails à vous poser. Au

25 cours de cette réunion, est-ce qu'il est arrivé à M. Milosevic d'exprimer

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1 son avis quant à genèse du problème à Gorazde ?

2 R. Oui. Si je me souviens bien, il l'a fait. Et si l'on veut, c'était un

3 peu de façon plus étoffée que ce qu'avait dit M. Akashi à la suite d'une

4 réunion qu'il avait eu précédemment avec M. Milosevic le 13 avril.

5 Apparemment, M. Milosevic voyait l'origine de la crise qui prévalait autour

6 de Gorazde comme étant l'offensive menée par les Musulmans pour sortir de

7 l'enclave. Et je pense qu'à plusieurs reprises, il a dit qu'il s'agissait

8 là d'un territoire serbe.

9 Q. Au cours de cette réunion qui a duré un jour et demi, est-ce que vous

10 vous êtes fait une idée de l'avis qu'avait M. Milosevic de -- du général

11 Mladic et de M. Karadzic ? Pourriez-vous contraster ses avis.

12 R. Il y avait une différence qui provenait du fait que M. Karadzic

13 représentait les dirigeants politiques, et Mladic, des gens militaires. Les

14 dirigeants politiques étaient un peu encombrants puisqu'ils étaient

15 toujours très présents au cours des réunions, en grand nombre. D'habitude

16 on à faire à deux ou trois hauts fonctionnaires, or ici, ils étaient huit

17 ou dix.

18 Et puis, ils n'étaient pas très organisés. Il y avait des querelles entre

19 eux. Ils n'étaient pas près à se pencher sur les questions telles qu'elles

20 se posaient. Je pense à la discussion qu'il y a eu le 22 et le 23 avril

21 1994. C'est là un bon exemple puisque la question dont il était discuté

22 était à ce point sérieuse.

23 Contrastant ceci avec le général Mladic, il était moins prône à la

24 délibération, à la discussion. Chaque fois qu'il intervenait, là où j'étais

25 présent, il était très déterminé. Si je me souviens bien de cette réunion

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1 qui a eu lieu à Belgrade, il était un peu plus en retrait. C'était peu de

2 temps après le suicide de sa fille. Ceci a dû avoir un effet sur lui.

3 Q. Au cours de cette réunion, étiez-vous présent au moment où M. Milosevic

4 a dit à M. Karadzic de passer un coup de fil à la suite d'une situation qui

5 était survenue à Rogatica ?

6 R. Oui. Rogatica est un village qui est à mi-distance entre Sarajevo et

7 Gorazde. Un convoi des Nations unies que les Nations unies essayaient

8 d'envoyer à Gorazde pour acheminer des produits humanitaires avec des

9 Casques bleus chargés de maintien de la paix, il y avait eu donc un arrêt

10 de ce convoi qui avait été harcelé par les Serbes de la région. Et M.

11 Milosevic avait manifesté de l'impatience à cet égard. Et je crois qu'il

12 avait été très explicite. Il avait dit qu'il été en intérêt de tout à

13 chacun que ce convoi arrive à Gorazde le plus vite possible. Et je pense

14 qu'il s'était un peu fâché face à l'attitude de M. Karadzic. Il lui avait

15 demandé de donner l'ordre à ses représentants à Rogatica de veiller à

16 écarter tous ces obstacles dans les meilleurs délais.

17 Q. Est-ce que M. Karadzic s'est exécuté ?

18 R. Oui.

19 Q. Avant de quitter Gorazde, j'appelle votre attention sur un dernier

20 document et là nous passons aussitôt à la date du 1er avril 1995. Il s'agit

21 de l'intercalaire 21 de la pièce 470. C'est un rapport de M. Jenness.

22 Deuxième page du document, paragraphes 1, 2, 3 et 4, vous l'avez dit

23 brièvement déjà dans le cadre de votre déposition, cependant, je vais vous

24 demander de faire la synthèse de ces quatre paragraphes en vous attachant

25 que particulièrement aux cibles civiles qui de l'avis de M. Jenness étaient

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1 en but à du pilonnage.

2 R. Nous avons ici la date du mois d'avril 1995, douze mois exactement

3 après les événements qui nous occupaient. Il fait référence à un pilonnage

4 tout à fait au hasard, prenons pour cible la ville de Gorazde. Il est

5 informé, dit-il, par des collègues militaires qu'il n'y a pas de tirs

6 ciblés sur des cibles militaires, des objectifs militaires. Il dit que

7 manifestement on vise le centre de la ville où se trouve l'hôpital, le

8 centre social, le bureau de la Croix-Rouge, le bureau du Haut-Commissariat

9 aux réfugiés, divers cafés, autant de lieux bien connus de l'armée des

10 Serbes de Bosnie qui a un champ de vision directe depuis les hauteurs

11 environnantes.

12 Il dit : "Qu'il n'y a pas d'activités de provocations déployées par les

13 forces locales, par les forces de l'armée de Bosnie, avant l'attaque."

14 Q. Dans ce dernier paragraphe, est-ce qu'il est fait référence par M.

15 Jenness à un commentaire puisqu'il a vu l'explication donnée à l'offensive

16 menée sur Gorazde, opinion transmise et reliée apparemment auprès des

17 autorités locales serbes de Bosnie ?

18 R. Oui. Il cite un fonctionnaire. Il livre là :

19 "Nous serrons la Serbie. La Serbie fait pression sur nous et nous nous

20 faisons pression sur vous."

21 Q. Pourriez-vous nous expliquer dans quel contexte vous avez appris

22 comment se sont déroulés ces événements à Sarajevo ?

23 R. J'ai été une première fois à Sarajevo, en février 1994. C'était à la

24 suite de l'incident survenu au marché le 5 février qui avait provoqué la

25 mort de beaucoup de civils. Plus tard, je suis retourné à Sarajevo au moins

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1 10 ou 12 fois sur les douze mois suivants. J'accompagnais souvent M. Akashi

2 mais parfois je suis allé seul pour rencontrer des représentants qui

3 travaillaient pour moi à Sarajevo.

4 Q. Pourriez-vous dire aux Juges, en quelques mots, les mesures que vous

5 avez dû prendre où veiller à ce que des mesures de sécurité soient prises

6 pendant votre présence à Sarajevo ?

7 R. S'appliquait en fonction de la situation du moment. J'ajouterais,

8 Messieurs les Juges, qu'à bien des reprises, je n'ai pas pu aller à

9 Sarajevo car il y avait un pont aérien. Vous aviez les avions des Nations

10 unies qui voyageaient régulièrement de Zagreb à Sarajevo mais ce pont

11 aérien ne fonctionnait pas. Des vols avaient fait l'objet de menaces de la

12 part des forces serbes de Serbie où avaient essuyé des tirs directs de la

13 part de ces forces serbes de Bosnie.

14 Permettez-moi d'illustrer mon propos par un exemple. Au moment de la crise

15 de Gorazde, l'avion du commandant des forces, au moment de son arrivée à

16 Sarajevo le 17 avril, avait essuyé des tirs délibérés de la part des forces

17 serbes de Bosnie. Le commandant en a parlé à Karadzic qui n'a pas nié la

18 chose, qui n'a pas porté de démenti à cette accusation. Il m'est arrivé de

19 ne pas pouvoir y arriver mais même quand j'y suis parvenu, il a fallu que

20 mon arrivée soit entourée de mesures de sécurité. Je devais porter un gilet

21 par balles, voyager dans des véhicules blindés, avoir un casque.

22 Q. Vous parlez de ponts aériens. Vous voulez dire par là qu'il y avait la

23 possibilité pour des membres des Nations unies ou de la communauté

24 internationale d'arriver à Sarajevo, mais est-ce que ça voulait dire aussi

25 que l'aide humanitaire pouvait être arrivée de cette façon à Sarajevo ?

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1 R. Oui. L'aide humanitaire, les médicaments, les vivres s'étaient en

2 grande partie acheminés par avion. Il y a eu des périodes au cours

3 desquelles il a été impossible d'avoir des convois qui se déplaçaient par

4 route sur Sarajevo, mais là s'exposer encore plus aux harcèlements des

5 forces serbes surtout au cours des 16 mois qu'a duré ma mission.

6 Q. Est-ce que M. Akashi a demandé directement à M. Karadzic de veiller au

7 maintien de ce pont aérien conformément aux résolutions prises par le

8 conseil de Sécurité ?

9 R. C'était dit de façon répétée à chaque fois que je me suis trouvé en

10 réunion avec les dirigeants serbes de Bosnie, M. Akashi.

11 Q. Et quel était le résultat obtenu suite à ces demandes ?

12 R. Ça dépendait. En général, la réaction était hostile. On se disait

13 pourquoi faire quoi que ce soit pour aider les Musulmans. Ça c'était le

14 refrain de litanie habituelle. Les Serbes de Bosnie, c'est-à-dire qu'ils

15 voulaient renégocier la situation qui prévalait pour l'aéroport, qui de

16 leur avis, était le leur. Ils disaient que les Nations unies avaient le

17 privilège de pouvoir y venir en avion. Parfois, ils arrivaient qu'ils

18 formulent des menaces directes quant à la sécurité des avions au cours des

19 réunions.

20 Ainsi, en septembre 1994, le Pape avait formulé le souhait d'aller à

21 Sarajevo, et M. Akashi a parlé directement aux dirigeants serbes de Bosnie

22 à l'occasion d'une réunion et la réponse a été que ce n'était pas sûr,

23 qu'on ne pouvait garantir la sûreté de Sa Sainteté en une telle occasion.

24 Q. Examinons maintenant l'intercalaire 22, on y trouve beaucoup de

25 documents que vous avez eu l'occasion de parcourir n'est-ce pas, hier ?

Page 22937

1 Pourriez-vous en faire la synthèse ?

2 R. C'est une série de documents qui souligne la précarité dans laquelle se

3 trouvait Sarajevo. La ville était assiégée. Qu'est-ce que ça veut dire

4 "siège", si l'on accepte cela à un encerclement militaire d'une population

5 urbaine qui se voit interdire l'accès à l'extérieur ou l'accès à d'autres à

6 cette population se trouvant à l'intérieur. Il y avait des degrés

7 d'intensité divers. Ce document montre que les convois humanitaires

8 essuyaient souvent des tirs. Il y a eu notamment juillet 1994, le 17

9 juillet 1994, un convoi britannique qui a été pris pour cible par des

10 tireurs serbes, entraînant la mort d'un soldat britannique. Les civils

11 étaient souvent en butte à des dangers extrêmes, se trouvaient être la

12 cible de tireurs isolés. Il y a eu des pilonnages également. Mais, je dois

13 dire qu'il y en a eu moins, après le mois de février 1994. Date à laquelle

14 il y a eu un accord de retrait des armes lourdes de Sarajevo.

15 Q. Dans cette pièce-ci ou plus exactement, est-ce que cette pièce-ci

16 montre l'avis qu'avait Karadzic à l'égard des sanctions et la réponse qu'il

17 a fournie à l'égard de la population civile de Sarajevo ?

18 R. Oui. A pratiquement chaque réunion dont j'ai le souvenir, on

19 considérait que le siège était une arme de guerre déployée contre la

20 population civile. Il était fait ouvertement référence à -- au refus de

21 fournir de l'aide humanitaire, à l'arrêt du fonctionnement des services

22 essentiels, que ce soit l'électricité, le gaz ou l'eau ou au fait qu'il n'y

23 avait pas accès aux institutions médicales, ce genre de chose.

24 Q. Examinons un extrait de ce document. Je précise à l'inter -- dans

25 l'intérêt des Juges, que le numéro ERN se termine par les chiffres 2892.

Page 22938

1 C'est un discours de M. Karadzic qui va être affiché à l'écran.

2 Connaissez-vous ce document ?

3 R. Tout à fait. C'est un discours prononcé par le Dr. Karadzic à Pale,

4 adressé à l'assemblée des Serbes de Bosnie et il formule des menaces non

5 dissimulées à l'égard de la population civile de Sarajevo. Il est très

6 explicite.

7 Q. Et comment ces menaces devaient-elles se manifester ?

8 R. Notamment, par le fait que l'acheminement des vivres ou des divers

9 moyens envers la ville devait être arrêtés et par l'imposition de diverses

10 sanctions alors, contre des habitants. Il y a une phrase qui donne des

11 frissons dans le dos. Je l'ai entendue prononcer cette phrase à plusieurs

12 reprises à l'occasion de réunions. Permettez-moi de la répéter aux Juges :

13 "Je pense aujourd'hui que nous avons pleinement le droit d'introduire ces

14 sanctions contre les Musulmans. Même l'oiseau ne pourra leur parvenir tant

15 que la Yougoslavie ne verra pas les sanctions économiques imposées contre

16 elle et à l'encontre des Serbes de Bosnie levées par le monde."

17 Q. Revenons à un élément antérieur à votre déposition d'aujourd'hui. Avez-

18 vous été membre de l'Institut international d'études stratégiques ?

19 R. Oui. J'en ai fait partie à Londres, de 1995 à 1998.

20 Q. Vu votre expérience, pourriez-vous resituer le siège de Sarajevo dans

21 un contexte historique plus large s'agissant des sièges qui ont existé, qui

22 ont été imposés au cours de ces siècles ?

23 R. L'idée du siège remonte à des temps lointains dans l'histoire de l'art

24 de mener la guerre. C'était une tactique, une stratégie utilisée pendant la

25 Seconde guerre mondiale, surtout sur le front oriental, utilisée tant par

Page 22939

1 les Allemands que par les Russes. Mais il y a une chose qui me semble

2 frappante. C'est que, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, depuis

3 1945, en dépit des conflits, des guerres qui se sont produits sur

4 pratiquement sur chacun des continents de notre planète, c'est devenu

5 quelque chose d'exceptionnel. Et à cet égard, ce qu'on fait les forces

6 serbes de Bosnie, l'égard aux différentes zones protégées qu'il y a eu en

7 Bosnie et auparavant, quand on voit le comportement des forces de l'armée

8 yougoslave à l'égard de Vukovar, on peut dire que c'est quelque chose

9 d'exceptionnel, à deux égards, à deux titres. D'abord, parce que ce n'est

10 pas quelque chose de classique par rapport aux guerres qu'il y a eues

11 depuis 1945. Et si c'est exceptionnel, c'est aussi par la brutalité, la

12 rigueur avec lesquelles ces sièges ont été menés et maintenus, puisqu'on

13 prenait clairement pour cible des civils.

14 Q. Pourriez-vous resituer ce siège de Sarajevo dans le contexte des autres

15 événements qu'il y a eus en Bosnie à l'époque ?

16 R. Vous voulez dire lorsque je me trouvais -- à l'époque où je me trouvais

17 en ex-Yougoslavie ?

18 Q. Oui.

19 R. Bien. Il est survenu un -- une sorte d'apaisement au niveau de la

20 situation à Sarajevo après cette crise de février 1944. Les pilonnages qui

21 étaient chose quotidienne depuis 1992 ont été interrompues lorsque les

22 armes lourdes de -- des forces serbes se sont retirées à l'extérieur de

23 cette zone d'exclusion définie par l'OTAN. Et pendant une brève période

24 après février, pendant deux mois à peu près, il a été plus aisé pour les

25 convois humanitaires d'accéder tant par les routes que par les airs jusqu'à

Page 22940

1 Sarajevo. A partir du mois d'avril, je crois que cela coïncide avec la

2 crise de Gorazde, la position de Sarajevo a commencé à se détériorer une

3 fois de plus. Il y a eu donc détérioration qui a été notamment marquée à la

4 fin de l'année 1994 et qui s'est poursuivie jusqu'en 1995 et qui a finie

5 par résulter par une privation de la population civile de tous les services

6 communautaires les plus élémentaires avec la privation fréquente de ces

7 approvisionnements humanitaires.

8 Q. Pouvez-vous nous donner une description brève de la situation dans

9 laquelle se trouvaient les Serbes de Bosnie ? Est-ce qu'une assistance

10 humanitaire avait été interrompue à leur égard également ?

11 R. La question, je suppose, est celle de savoir qui est-ce qui a

12 interrompu cette aide ? Parce que les agences humanitaires ont des

13 obligations qui sont précisément et explicitement indiquées dans la loi --

14 les lois humanitaires internationales. Et cela fait partie des mandats et

15 des obligations des organisations qui marquaient ce type de -- d'activités.

16 L'aide humanitaire pouvait se frayer un passage jusqu'à la Republika

17 Srpska. Ce qui ne signifiait pas que les situ -- les conditions et où les

18 circonstances économiques pour la Republika Srpska étaient aisées. Au

19 contraire, ces conditions étaient très difficiles. Mais ces difficultés

20 provenaient du fait qu'il s'agissait d'une entité qui n'avait pas de moyen

21 réel d'assurer sa subsistance économique.

22 Q. Bien. Je voudrais attirer votre attention sur une pièce à conviction,

23 de la pièce 470 à savoir, l'intercalaire 23. Il s'agit d'une lettre de M.

24 Akashi à l'attention du Dr. Karadzic. Je voudrais attirer votre attention

25 sur le deuxième paragraphe de cette lettre et je voudrais, et je tiens à

Page 22941

1 dire que :

2 "Je suis certain et il dit que vous n'avez pas l'intention de provoquer les

3 souffrances des civils innocents, et je vous demande de vous abstenir de

4 prendre des actions qui pourraient avoir des effets dévastateurs sur la vie

5 de gens innocents."

6 Est-ce qu'il s'agit là de l'une des nombreuses -- de nombreux

7 -- l'un des nombreux avertissements à l'intention de ces dirigeants des

8 Serbes de Bosnie.

9 R. Oui. C'était un avertissement qui a été --

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Juste un moment. Vous savez Monsieur

11 Groome lorsque -- il nous est difficile de retrouver les documents parce

12 que lorsque nous recevons un paquet de documents de telle taille, et si

13 nous n'avons pas de pagination, on ne sait pas si -- à quel moment

14 commencent et à quel moment se terminent ces documents. Donc, nous n'avons

15 pas de date, nous ne savons pas quand est-ce que cela s'est fait ce

16 discours. Et lorsqu'on voit les dates des fax on voit qu'il y a une date

17 qui est celle du 2 septembre. Si vous vous référez au bas de la page, je

18 crois qu'il faut lire, à l'envers et cela est assez irritant. Et si vous

19 réussissez à faire tout ce que je viens d'expliquer, vous vous retrouverez

20 la date 2 septembre 1994.

21 M. GROOME : [interprétation] Messieurs les Juges, je m'excuse pour ce qui

22 est de cette pièce à conviction, je vais poser la question au témoin de

23 nous dire s'il a connaissance -- souvenir de la date de la tenue de ce

24 discours ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. D'après mes souvenirs, ce discours a été

Page 22942

1 fait au soir du 1er septembre 1994. La traduction de ce discours m'a été

2 faxée par le correspondant de l'agence Reuters à Sarajevo et alors M.

3 Akashi a, suite à cela, rédigé une lettre au Dr Karadzic en date du 3

4 septembre.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie.

6 M. GROOME : [interprétation]

7 Q. Je voudrais maintenant que vous reveniez à la pièce à conviction 23. Le

8 fait de mentionner ces enclaves de l'est dans le courrier du Dr Akashi

9 devait constituer un avertissement à l'intention du Dr Karadzic pour ce qui

10 est des emplacements spécifiques dont il s'agissait ?

11 R. M. Akashi s'était référé à trois zones protégées à l'est de la Bosnie.

12 Il s'agit de Gorazde, Srebrenica et Zepa. J'ai parlé de la situation

13 difficile qui avait prévalue à Sarajevo. Mais les difficultés en question

14 devaient être multipliées -- par N pour ce qui est de la situation sur ces

15 enclaves-là. Parce qu'il n'y avait pas moyen d'accéder à ces enclaves par

16 voie aérienne, si ce n'est par voie routière, donc il n'y avait pas

17 d'aéroports et il n'y avait pas de pistes d'atterrissage ou de décolle --

18 ou de décollage pour faciliter les approvisionnements.

19 Q. Ce qui s'est passé à Sarajevo a été caractérisé par beau soin de siège

20 dans vos écritures. Avez-vous vu une tactique analogue en Bosnie et

21 ailleurs ?

22 R. Oui. Par exemple à Gorazde, j'ai fait tout à l'heure référence à M.

23 Jenness, un officier que j'avait nommé et posté là-bas. J'étais dépendant

24 dans une grande mesure des rapports qu'il envoyait régulièrement. Gorazde

25 avait été exposé à des pilonnages fréquents, indépendamment des accords de

Page 22943

1 Belgrade datés du 22 avril 1994. Comme je l'ai indiqué, il y a eu une

2 destruction délibérée d'une -- d'un système d'épuration d'eau, il n'y avait

3 pas de -- d'électricité dans le territoire de cette enclave tout entière,

4 si ce n'est l'énergie électrique fournie par les groupes électrogènes qui

5 fonctionnaient aux carburants. Mais cette énergie, il n'y en avait que pour

6 deux heures par jour et il appart -- il apparaîtra de façon claire à la

7 Chambre, les difficultés qui en découlaient pour les hôpitaux et pour ceux

8 qui traitaient -- qui soignaient les enfants, les personnes âgées, les

9 malades sur le territoire de cette enclave.

10 Q. Je vous demande de vous pencher maintenant sur la pièce à conviction

11 24. Il s'agit d'un télégramme codé de la part de M. Eagleton à l'attention

12 de M. Annan et de M. Akashi daté du 19 septembre 1994. Mais il s'agit de

13 coupures d'approvisionnements en gaz et électricité --

14 L'INTERPRÈTE : Précise qu'il s'agit de l'intercalaire 24 de la pièce 1470.

15 M. GROOME : [interprétation]

16 Q. Ma question était -- c'était celle de savoir est-ce que dans cette

17 période il y a eu des activités militaires d'importance qui pourraient

18 justifier de telle - - la prise de telles mesures ?

19 R. Je ne suis pas sûr pour ce qui est de pouvoir dire que les activités

20 militaires étaient en mesure de justifier de -- la prise de telles mesures.

21 Je comprends que les conventions de Genève s'agissant de l'interruption des

22 approvisionnements en produits d'importance vitale tels que le gaz, l'eau

23 et l'électricité devaient être chose à éviter par toutes les parties

24 belligérantes. Mais cela n'était pas une chose inhabituelle dans cette

25 période. Il n'y a pas eu d'activités particulières qui étaient susceptibles

Page 22944

1 de -- d'inciter les Serbes de Bosnie à faire -- fermer les vannes

2 d'approvisionnements pour ce qui est du gaz et des autres produits de

3 première nécessité.

4 Q. Je voudrais que vous vous penchiez maintenant sur cette pièce 470,

5 intercalaire 25. Et je me réfère notamment au paragraphe 3. Il est question

6 d'une citation de propos du Dr Karadzic. Je vous demanderais de donner

7 lecture de ce qui est dit et de nous apporter un commentaire par la suite ?

8 R. Et bien, il dit : "Si la communauté internationale nous traite comme

9 des bêtes, nous nous comporterons en tant que telles. Il a mentionné

10 spécifiquement l'utilisation de ces produits de première nécessité en tant

11 que moyen de guerre et au fur et à mesure que la journée s'écoulait, il

12 avait adouci ses positions et il avait dit qu'il allait prendre en

13 considération la possibilité de rétablir les approvisionnements en

14 électricité, eau et gaz pour Sarajevo. Et il avait placé cela dans nos

15 contextes de réparation, des installations dans le -- sur le territoire de

16 la Bosnie."

17 Q. Cela suffirait. M. Milosevic, à votre avis, était-il au courant des

18 points de vue du Dr Karadzic s'agissant de ces approvisionnements en biens

19 communaux et utilisation de ces approvisionnements à l'intention de cette

20 population ?

21 R. Je crois qu'il était au courant. Il s'agissait certainement de sujets

22 qui avaient été traités avec lui par M. Akashi. D'ailleurs tout le monde

23 était au courant. Il était question souvent de tout ceci et Karadzic en

24 avait parlé à l'assemblée serbe de Bosnie.

25 Q. Mais -- M. Karadzic avait-il dit qu'elle avait été son objectif pour

Page 22945

1 Sarajevo ?

2 R. Oui. En effet, il avait parlé de division -- de partage de la ville. Il

3 avait -- comparé cela au partage de Berlin ou au partage de Beyrouth. Il

4 avait fourni deux exemples à ce sujet-là. Il avait en effet dit qu'à

5 l'avenir il y aurait deux villes tout à fait distinctes avec une ligne de

6 démarcation très stricte à tous points de vue.

7 Q. Bien. Je voudrais attirer maintenant votre attention sur les pilonnages

8 et les tirs de -- tireurs isolés à Sarajevo. Y aura bien entendu des

9 témoins autres qui viendront témoigner à ce sujet. Mais je vous poserais la

10 question suivante : Avez-vous personnellement assister à l'un quelconque

11 des incidents survenus notamment celui où une femme -- une jeune femme

12 avait été touchée par un tir de tireur isolé ?

13 R. Oui. Je voudrais dire que ces tirs de tireurs isolés étaient chose

14 quotidienne. Il y a eu des périodes où cela se passait de façon plus

15 intense que dans d'autres. Il y a eu des tentatives d'aboutir à des accords

16 pour ce qui est d'une cessation de ces tirs de tireurs isolés et l'un de

17 ces accords a été signé en août 1994. Mais indépendamment de cela, les

18 incidents de ce type étaient chose courante et j'ai été une fois présent

19 lorsque cette jeune fille a été touchée.

20 Q. Pouvez-vous décrire l'incident auquel vous avez assisté ?

21 R. En effet. J'étais en train de marcher, de me déplacer depuis le QG des

22 Nations unies, que l'on appelait la résidence. J'allais donc de l'hôtel

23 Holiday Inn où j'avais eu une rencontre avec les journalistes. J'étais en

24 train de marcher et j'ai entendu des coups de feu. J'ai vu à quelques

25 centaines de mètres une jeune fille touchée.

Page 22946

1 Q. Quand est-ce que cela s'est passé ?

2 R. D'après mes souvenirs, ça s'est passé en septembre, octobre 1994.

3 Q. Y a-t-il eu du personnel militaire, du personnel international sur les

4 lieux ?

5 R. Heureusement, oui. C'était un quartier que l'on appelait l'allée des

6 tireurs isolés et heureusement il y avait régulièrement des patrouilles de

7 soldats français, par -- dans ce quartier. Donc, un -- un véhicule de ces

8 forces françaises a ramassé cette fille blessée pour l'emmener à l'hôpital.

9 Q. Mais est-ce que les membres de ces forces armées françaises ont dit

10 quelque chose au sujet de la provenance des tirs ?

11 R. Oui. Ils l'ont fait. Ils ont dit que le feu venait de bâtiment tenu par

12 des Serbes de Bosnie de l'autre coté de la ligne de conflit. Il s'agissait

13 de bâtiment à partir desquels l'on ouvrait souvent le feu.

14 Q. S'agissant de ces pilonnages, est-ce que vous êtes plaint au général

15 Mladic pour ce qui est de ces pilonnages de Sarajevo ?

16 R. Oui, je l'ai fait à l'occasion d'une réunion à Pale quoique le sujet ne

17 soit pas été le sujet véritablement traité en occasion. J'ai dit que cela

18 était chose à condamner de toute façon parce que cela a été contraire aux

19 accords et à la loi régissant tous les combats ou tous les conflits.

20 Et il avait dit : "Qu'il allait riposter avec deux grenades, à chaque

21 grenade tirée par les Musulmans."

22 Q. Est-ce qu'il s'était référé à des grenades tirées par les Musulmans de

23 Sarajevo ou d'une autre partie de Bosnie ?

24 R. Je crois qu'a à ce moment-là, il pensait à Sarajevo, il avait Sarajevo

25 à l'esprit ?

Page 22947

1 Q. Je voudrais que nous penchions maintenant de l'enlèvement d'une pièce à

2 conviction, celle qui porte la cote 470, intercalaire 2. Est-ce qu'il

3 s'agit là d'une conférence de presse que vous avez -- ou plutôt d'un

4 communiqué de presse que vous avez rédigée vous-même ?

5 R. En effet.

6 Q. Pendant votre intervention à Sarajevo, avez-vous pu apprendre qu'il y a

7 eu augmentation de l'intensité de la Défense aérienne serbe autour de

8 l'aéroport de Sarajevo ?

9 R. Je crois qu'ils ont tiré certaines leçons de la crise de Gorazde en

10 avril 1994. En effet ils ont compris clairement qu'il y avait des menaces

11 de frappes aériennes de l'OTAN et vers l'automne 1994 nos collègues

12 militaires des forces des Nations unies ont fait

13 -- ont présenté des rapports pour ce qui est des activités et mesures

14 renforcées pour ce qui est de la Défense anti-aérienne des Serbes autour de

15 Sarajevo aussi bien que dans le nord-ouest de la Bosnie, ces mesures

16 englobaient le déploiement plus important d'instrument radar d'appareil

17 radar et un renforcement de recours à des projets qu'en fin des missiles

18 terre air ?

19 Q. Quelle avait été la conclusion que vous avez tirée pour ce qui est de

20 leur équipement ?

21 R. C'est qu'il venait sans doute de Yougoslavie.

22 Q. Est-ce là c'est une évaluation qu'ont partagé aussi M. Akashi et les

23 autres représentants militaires ?

24 R. Tout à fait.

25 Q. J'appelle votre attention sur Bijeljina. Pourriez-vous faire la

Page 22948

1 synthèse de la situation qui prévalait à Bijeljina pendant votre mission ?

2 R. Bijeljina est une ville qui a bien des égards avait été épargné par les

3 excès les plus terribles du début de la guerre en 1992. Certaines minorités

4 étaient restées à Bijeljina. C'était vrai aussi à Banja Luka, mais pour ce

5 qui est de Bijeljina, si je me souviens bien, il y avait environ 7 000

6 Musulmans qui habitaient à Bijeljina, il y avait aussi un nombre moindre de

7 Romes.

8 Au début du mois de février -- excusez-moi, mois de juillet 1994, la Croix-

9 Rouge nous a fait savoir qu'il y avait beaucoup de Musulmans qui étaient

10 chassés de chez eux, de leurs foyers à Bijeljina et qui étaient contraints

11 de franchir les lignes pour passer dans la partie occupée ou tenue par les

12 forces du gouvernement de Bosnie. Au cours du mois suivant, 2 500 Musulmans

13 ont été chassés de chez eux à Bijeljina, puis de septembre à novembre, de

14 nouveaux 2 500 Musulmans ont dû partir, ce qui veut dire que la plupart des

15 représentants des minorités ont dû partir.

16 Q. Au cours de cette période, est-ce que des familles musulmanes ont dû

17 accueillir des réfugiés serbes de Bosnie chez elles ?

18 R. Oui, ça a semblé être surtout pratiqué à Banja Luka. C'est là qu'il y

19 avait aussi encore des représentants d'autres minorités. Ce qui m'a

20 toujours frappé c'est par l'image très pessimiste qui était véhiculée

21 s'agissant de la vie que devait mener les Musulmans et les Croates à Banja

22 Luka. C'était une vie qu'ils ont subie avec dignité, mais une vie de

23 privation qui leur interdisait tout accès à des médicaments et même de

24 droit à la mort. Les Musulmans, qui avaient trouvé la mort, n'étaient pas

25 autorisés à être enterrés dans des cimetières musulmans, mais l'obligation

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1 d'accueillir en terre réfugiée serbe se répétait souvent. Les Musulmans

2 m'ont dit plus tard qu'en certains égards on y trouvait certains avantages

3 dans la mesure ou au moins on pouvait garder un Croate à la maison.

4 Q. Parlons de la situation qui prévalait à Banja Luka, examinons pour ce

5 faire l'intercalaire 42 de pièce 470, la première page en particulier, et

6 plus exactement le numéro 6. Je ne sais pas si vous avez ce document sous

7 les yeux, Monsieur l'Huissier, on va vous le remettre.

8 R. Oui.

9 Q. C'est une télécopie envoyée par M. Stoltenberg au secrétaire général,

10 le 27 juin 1994. Je prends le chiffre romain VI et M. Stoltenberg écrit

11 ceci :

12 "Au cours de notre réunion avec le président Milosevic, je lui ai parlé de

13 la situation qui prévalait dans la zone de Banja Luka et je lui dit que ce

14 qui s'est passé était tout à fait inacceptable. Il m'a répondu qu'il

15 n'allait pas faire de commentaire."

16 Etiez-vous au courant de cet échange entre Stoltenberg et Milosevic ?

17 R. Oui, j'étais au courant de l'envoi de ce télégramme où il était fait

18 état de la réunion. Je pense même que l'intervention de M. Stoltenberg

19 auprès de M. Milosevic avait été suscitée par les rapports qui ne cessaient

20 d'arriver et qui parlaient de la situation terrible que l'on trouvait à

21 Banja Luka.

22 Q. Examinons maintenant l'intercalaire 27. Je m'excuse d'avance auprès des

23 juges puisque c'est toute une série de documents qui s'y trouve. Je ne

24 parlerais de façon détaillée que de la dernière page dont le chiffre ERN se

25 termine par le numéro -- ERN se termine par le chiffre 4223.

Page 22950

1 Est-il exact de dire, qu'il s'agit ici d'une série de communiqués de presse

2 venant aussi bien du CICR des Nations unies, mais que d'autres

3 organisations aussi, qui font état de la situation à Bijeljina en 1994 ?

4 R. Exact. On n'en a souvent parlé auprès des dirigeants serbes de Bosnie

5 et j'ai le regret de dire que ceci n'a jamais été suivi des faits. Si ce

6 n'est que M. Karadzic a fait, semblant à un moment donné d'avoir destitué

7 de ses fonctions un chef de la police qui d'après lui c'était rendu

8 coupable de harcèlement de Musulmans.

9 Q. Examinons maintenant la dernière page. C'est une lettre envoyée par M.

10 Akashi au Dr Karadzic le 12 septembre 1994. Connaissez-vous le contenu de

11 cette lettre ?

12 R. Oui. Je crois que j'ai assisté à sa rédaction. C'est une lettre qui

13 surprend en par sa sincérité, il parle de son indignation vu la poursuite

14 des expulsions de Musulmans, de civils Musulmans. Il donne un exemple et il

15 dit qu'en en seul jour, 700 personnes sont arrivées en l'occurrence le 17

16 septembre, il l'appelle également du Dr Karadzic. Je pense que c'était la

17 première fois qu'il le faisait d'ailleurs sur la possibilité de soumettre à

18 des enquêtes et à des poursuites de la part d'un Tribunal pénal

19 international, chargé de poursuite pendant la guerre en ex-Yougoslavie,

20 pour ce qui est des personnes qui se sont rendues coupables d'actes aussi

21 méprisables.

22 Q. Avez-vous parlé de la destruction de mosquée dans la zone contrôlée par

23 les Serbes de Bosnie ? En avez-vous vous parlé avec docteur Karadzic ?

24 R. Oui, et à peu près autour de cette date-là. Je me suis rendu à Pale.

25 J'y suis allé seul pour y rencontrer tout d'abord le conseiller du docteur

Page 22951

1 Karadzic, Jovan Zametica, et puis j'ai rencontré M. Karadzic en personne.

2 Je voulais parler des accès aux zones de l'est. Mais, je voulais discuter

3 avec lui également de la destruction délibérée de lieux de culte et de

4 lieux d'importance historique.

5 Q. Que vous a-t-il dit ? A-t-il expliqué pourquoi ces mosquées étaient

6 détruites ?

7 R. Il était surpris, a-t-il dit. Il n'a pas nié le fait que des mosquées

8 aient été détruites délibérément. Il a simplement dit que si elles

9 l'avaient été, c'est parce que c'était des symboles de l'impérialisme turc

10 et que la colère, lire populaire, ne devrait pas être jugulée. Il a dit

11 tout à fait explicitement que ce serait une bonne chose que tous les

12 aspects, que toutes les facettes de cet héritage soit effacé.

13 Q. Parlons rapidement de Tuzla, de la présence d'un aérodrome à Tuzla.

14 Qu'elle en était la signification, l'importance sur le plan humanitaire ?

15 R. C'est un aérodrome assez important que celui de Tuzla. Tuzla est aussi

16 une des zones protégées qui avaient été déclarées par le conseil de

17 Sécurité en mai 1993. Malgré la présence de cet important aérodrome à

18 proximité de la ville, les Nations unies s'étaient trouvés dans

19 l'impossibilité de l'utiliser parce que les Serbes de Bosnie ne voulaient

20 pas, avait-il dit, que des vivres soient acheminées aux Musulmans par le

21 billet de cet aérodrome.

22 Je pense que c'est le 1er mars 1994 que M. Akashi a décidé de présenter,

23 pour ainsi dire un fait accompli, accompagné d'un grand nombre de

24 journalistes, de hauts fonctionnaires, nous sommes partis dans un avion des

25 Nations unies qui transportait de l'aide humanitaire. Nous sommes partis de

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1 Zagreb pour arriver à Tuzla. Les Serbes de Bosnie étaient furieux. Ils

2 avaient dit ne pas avoir donner l'autorisation de vol et que tout vol

3 supplémentaire serait pris pour cible par leurs forces et que d'ailleurs

4 ils ont régulièrement pilonné l'aérodrome par la suite.

5 Il n'y a pas eu, pendant bien des années par la suite, de vols des Nations

6 unies.

7 Q. La poche de Bihac maintenant. Quelles furent vos observations

8 s'agissant des événements qui s'y sont produits en 1994 et autour de ces

9 dates-là ?

10 R. C'est une poche assez importante qui se trouve au nord-ouest de la

11 Bosnie. Davantage que dans d'autres poches, me semble-t-il, il y avait-là

12 des forces nombreuses du gouvernement de Bosnie. Début octobre, me semble-

13 t-il, le 23 octobre 1994, une offensive a été déclenchée à partir de la

14 poche de Bihac par les forces du gouvernement de Bosnie. Au départ, cette

15 attaque a été couronnée de succès mais dès le mois de novembre, les Serbes

16 de Bosnie ont pu lancer une offensive pour repousser les forces du

17 gouvernement de Bosnie vers la zone protégée de Bihac.

18 Intéressant de voir pourquoi ces forces ont été en mesure de le faire

19 puisqu'à l'époque, elles étaient censées être frappées par des sanctions de

20 la part des autorités yougoslaves. Si vous voulez lancer une telle

21 offensive, il vous faut beaucoup de carburent, beaucoup de munitions aussi

22 manifestement et les Serbes de Bosnie, ces forces n'ont pas montré de

23 moindre signe d'être à cours de quoi que ce soit. Que du contraire ces

24 forces ont pu se redéployer à une distance assez considérable à partie de

25 la Bosnie orientale vers le nord-ouest de la Bosnie.

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1 Q. Examinons maintenant l'intercalaire 28. C'est un câble crypté, envoyé

2 par M. Akashi à M. Annan. Il porte sur une réunion avec le président

3 Tudjman. Examinons si vous le voulez bien, le paragraphe 4, dernière phrase

4 de ce paragraphe 4. On y trouve une évaluation à laquelle se livre M.

5 Tudjman qui dit ceci :

6 "Quelque soit le rapport des forces à Knin, tous les protagonistes devront

7 finalement rendre compte à Belgrade."

8 Est-ce que ceci cadre bien avec l'évaluation que vous vous avez faite de la

9 situation politique à Knin au cours de cette période ?

10 R. Tout à fait. Je crois l'avoir déjà dit aux Juges auparavant. Les Serbes

11 de Croatie, qui vivaient dans ce qu'on appelait la République de la

12 Krajina, connaissaient une situation bien plus vulnérable, bien plus

13 précaire que celle des Serbes de Bosnie en Republika Srpska.

14 Q. Passons à un sujet carrément différent. Y avait-il pendant la période

15 que vous avez passé en ex-Yougoslavie beaucoup d'inquiétudes quant à la

16 possibilité de voir une intervention active de l'armée de Yougoslavie en

17 Bosnie ?

18 R. Oui.

19 Q. Pourriez-vous en quelques mots nous dire ce qu'il en était avant de

20 vous poser des questions de détails à l'aide de documents ?

21 R. Je crois que tout le monde était au courant du fait que les forces, de

22 ce qu'on appelle la République de Krajina mais aussi les forces de la

23 République serbe de Bosnie avaient trouvé leur origine dans l'ancienne JNA,

24 l'ancienne armée de Yougoslavie. Rien ne semblait indiquer que la parenté

25 de ces deux forces, je parle ici des forces de la RSK mais aussi de la RS,

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1 aurait été abandonné. Au contraire, on a assisté à un roulement assez

2 régulier des officiers entre la JNA et les forces de la RSK et de la RS.

3 Les Serbes de Croatie et les Serbes de Bosnie étaient capables de mener des

4 actions qui auraient nécessité davantage de moyens logistiques et

5 techniques qu'ils avaient. Il y avait notamment des vols d'hélicoptères.

6 Un autre aspect, c'était le renforcement du système de défense aérienne en

7 Bosnie au cours de l'année 1994. On ne peut pas simplement partir de rien

8 du tout pour monter un système de défense aérien. Il faut avoir des moyens.

9 Q. Examinons l'intercalaire 30 de la pièce 470. Reconnaissez-vous le

10 contenu de ce document ?

11 R. Oui. C'est un télégramme qui a été envoyé à M. Annan par M. Akashi qui

12 fait état d'un article publié dans le New York Times portant sur la

13 présence d'officiers de l'armée de Yougoslavie, pas seulement d'officiers,

14 aussi apparemment de véhicules de l'armée en Bosnie orientale au mois de

15 janvier 1994.

16 Q. Est-ce que ceci était accompagné d'une lettre envoyée par la mission

17 permanente aux Nations unies ?

18 R. Oui.

19 Q. Je vais vous demander de donner lecture du premier paragraphe de cette

20 lettre qui résume ce que disaient les médias à propos d'un éventuel

21 engagement de la VJ en Bosnie.

22 R. "Nous regrettons de voir exprimer notre profonde inquiétude face au

23 rapport fait par notre gouvernement et par les médias internationaux à

24 propos de nouveaux déploiements intensifs de l'armée de Yougoslavie et de

25 véhicules blindés venant surtout de trois directions : de Serbie en

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1 passant par Bijeljina, Zvornik et Visegrad. Et ceci n'est que la dernière

2 preuve d'infractions flagrantes et d'une impression flagrante de Serbie et

3 du Monténégro contre un état, une république reconnue internationalement,

4 celle de Bosnie-Herzégovine qui est membre à part entière des Nations

5 unies."

6 Q. Est-ce que ces revendications étaient portées à l'attention de M.

7 Milosevic ?

8 R. Je ne m'en souviens pas de façon absolument précise. Mais je suppose

9 que ce fut le cas.

10 Q. Ce télégramme porte la date du 27 janvier 1994. Examinons maintenant

11 l'intercalaire 31, où nous trouvons un document portant la date du 2

12 février 1994. Première question, qu'est-ce que le point de la situation

13 quotidienne en Yougoslavie, Yugoslav Daily Survey ?

14 R. C'est un récapitulé, un récapitulatif de la presse quotidienne. C'était

15 un document qui était publié régulièrement et qui permettait de donner des

16 informations sur plusieurs pays. C'est fourni par les Nations unies. Vous

17 parlez du numéro portant la date de février, du 1er février. D'abord, on

18 cite Krajisnik qui était le président de l'assemblée de la République serbe

19 qui disait pas un seul soldat de la RFY ne se trouve sur le territoire que

20 la RS ne reçoit pas d'arme de la part de la RFY. Et puis, Krajisnik

21 mentionne un rapport radio qui apporte un démenti des plus catégorique

22 selon -- aux affirmations, selon lesquelles la VJ passe du côté de la RS

23 pour combattre du côté serbe.

24 Q. Vous avez parlé de la position de sanctions. Avez-vous discuté avez M.

25 Milosevic du suivi et du contrôle des frontières entre la Serbie et la

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1 Bosnie-Herzégovine ?

2 R. Si je me souviens bien, ça était le cas. M. Milosevic a accepté le plan

3 du groupe de contacts au cours de l'été 1994 en ce qui concernait la

4 Bosnie. Mais les Serbes de Bosnie n'ont pas accepté ce plan. Le 4 août, me

5 semble-t-il M. Milosevic a annoncé l'imposition de sanctions contre la

6 Republika Srpska contre les Serbes de Bosnie. Ensuite il y a eu des

7 discussions, je pense. M. Akashi et M. de Mello mais aussi Lord Owen et M.

8 Stoltenberg ont discuté avec M. Milosevic, du fait qu'il serait souhaitable

9 d'assurer un suivi de ce régime de sanctions.

10 Q. Et ce serait par qui ?

11 R. Cela n'a pas été décidé au départ. Ça tombait sous le sens puisque il y

12 avait eu un fort déploiement sur toute la Yougoslavie. Il aurait été

13 logique que se soit par les Nations unies, par la force de protection des

14 Nations unies.

15 Q. Excusez-moi, je vous ai interrompu.

16 R. Effectivement, ces sanctions avait été annoncées le 4 août et, par la

17 suite, il y a eu des évaluations de la situation qui avaient été établies

18 par les Nations unies pour voir s'il était possible d'avoir une force de

19 contrôle.

20 Q. Que pensait M. Milosevic de la présence d'observateurs internationaux

21 en Serbie pour voir ce qu'il en était des suivis ?

22 R. Je pense qu'il a eu quelques hésitations, des réticences à l'idée d'un

23 tel déploiement de force. Il a dit que ceci allait provoquer des

24 difficultés sur le plan politique en Serbie même. C'est vrai, la Serbie

25 était un état souverain, un territoire souverain. Au départ il était

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1 réticent à l'idée d'un tel déploiement.

2 Q. Et quelles furent les forces qui furent déployées le long de la

3 frontière ?

4 R. Ça finit par se faire le 17 septembre. Donc, six semaines après

5 l'annonce des sanctions. Et ces forces se trouvaient sous l'égide de la

6 Conférence internationale pour l'ex-Yougoslavie. C'était au fond un

7 mécanisme de négociations. Ce n'était pas une force d'application sur le

8 terrain. C'était un mécanisme de négociations qui avait à sa tête à

9 l'époque Lord Owen ainsi que M. Stoltenberg. Si je me souviens bien, il y

10 avait quelque 135 hommes qui étaient sensés superviser ou contrôler une

11 frontière de 300 milles -- 350 ou 360 kilomètres à peu près.

12 Q. Est-ce que c'était un système de contrôle efficace ?

13 L'INTERPRÈTE : 450, se corrige l'interprète.

14 R. A mon avis, pas. D'après les premiers plans établis par les Nations

15 unies, deux options avaient été offertes. L'une revenait à dire qu'il y

16 aurait eu déploiement de force militaire du côté serbe de la frontière. Et

17 en application de ce plan-là, il y aurait eu déploiement de 4 000 hommes.

18 L'autre option, consistait à déployer des forces mixtes, aussi bien

19 militaires que civiles, avec des observateurs militaires des Nations unies

20 et des civils qui auraient compté 700 hommes. Ceci aurait pu bien se prêter

21 à des activités de contrôle des frontières, mais je pense que les effectifs

22 de cette Conférence internationale pour la Yougoslavie étaient trop

23 faibles. La base nationale était au front scandinave. C'est-à-dire que les

24 effectifs étaient surtout de Scandinavie. Et les fonctionnaires n'avaient

25 pas la possibilité de consulter les renseignements dont disposaient les

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1 forces de l'OTAN.

2 Q. Un bref commentaire pour ce qui est de l'intercalaire 32. C'est un

3 télégramme envoyé à M. Annan, le 31 janvier. Est-ce qu'on y discute de

4 certains des problèmes posés par le contrôle de ces frontières, entre la

5 Serbie et la Bosnie-Herzégovine ?

6 R. Oui. On dit qu'il est difficile de contrôler des frontières où que ce

7 soit dans le monde. Et qu'en Yougoslavie, c'est particulièrement difficile

8 du fait du relief, de la topographie, du relief montagneux, ainsi de suite.

9 Puis le général Cot qui commandait à ce moment-là les forces de la FORPRONU

10 a dit à New York qu'il était vraiment impossible d'assurer un contrôle

11 véritable de ces frontières, que ce soit entre la Croatie et la Bosnie ou

12 entre la Bosnie et la Serbie.

13 Q. Examinons maintenant l'intercalaire 34. Note concernant une réunion

14 entre M. Milosevic et M. de Mello le 9 août 1994, dans la nuit. Veuillez

15 examiner le paragraphe 7. M. Milosevic parle de cette frontière. Je vais

16 vous demander de lire la frontière -- la phrase qui commence par les termes

17 suivants : "La frontière est tout à fait fermée."

18 R. "La frontière est tout à fait fermée; seuls les vivres, les vêtements,

19 les médicaments pourront passer. Et il a précisé que ceci, le blocage

20 n'avait pas été -- ou les exceptions de blocage ne s'étaient pas regroupées

21 sous une catégorie vague de 'produits humanitaires', on voulait éviter

22 toute ambiguïté."

23 Q. Est-ce qu'à la fin du paragraphe, il ne dit pas ceci :

24 "On n'est pas au Brésil et nos frontières peuvent être rendues

25 hermétiquement fermées -- closes."

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1 Est-ce que là, il ne se montrait pas l'assurance dont il faisait preuve,

2 dont M. Milosevic faisait preuve par rapport à la frontière entre la Serbie

3 et la Bosnie-Herzégovine ?

4 R. Tout à fait, dans une certaine mesure. Je pense qu'il fait référence au

5 Brésil, parce que M. de Mello était brésilien et que le Brésil est un grand

6 pays en taille par rapport à la taille de la Serbie. Mais vous savez-vous

7 qu'il est plus facile de dire qu'on va fermer des frontières que de le

8 faire. On est frappé par le fait que la Republika Srpska semblait s'en

9 sortir en dépit des sanctions qui avaient été imposées.

10 Q. Examinons maintenant l'intercalaire 35. Est-ce que ce document

11 corrobore certaines des observations que vous avez faites en ce qui

12 concerne la fermeture des frontières ?

13 R. Vous parlez de l'intercalaire 35 ?

14 Q. Oui.

15 R. Effectivement.

16 Q. J'appelle maintenant votre attention sur l'intercalaire 36 de cette

17 même pièce 470, et plus exactement sur le paragraphe du chiffre romain I.

18 C'est un document envoyé par M. Stoltenberg à M. Goulding, à M. Annan et à

19 M. Akashi.I il porte la date du 6 septembre 1994.

20 Première phrase du deuxième paragraphe la voici :

21 "Le président Milosevic et le président Bulatovic nous ont tous deux

22 assurés que la fermeture de la frontière était appliquée de façon stricte

23 et permanente."

24 Ils ont tous deux partagé l'avis exprimé par la communauté internationale

25 selon lequel ce blocage était appliqué et respecté par la Serbie ?

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1 R. Oui.

2 Q. Il y a quelques instants dans le cadre de votre déposition, vous avez

3 parlé de vols hélicoptères, pourriez-vous nous donner davantage de

4 détails ? A-t-on constaté qu'il y avait eu des vols venant de la Serbie

5 vers la Republika Srpska ou la Bosnie ?

6 R. Oui. Vous trouverez à l'intercalaire 37 un document à cet égard ainsi

7 qu'à l'intercalaire 38 et à l'intercalaire 39. C'est un problème fréquent

8 que celui-là. Et il semble s'être aggravé avec l'imposition de sanctions.

9 Je savais qu'il y avait des hélicoptères qui se déplaçaient de la Serbie ou

10 qui allaient vers la Serbie à commencer par le début du mois de septembre

11 1994. J'en ai parlé brièvement à la presse, d'ailleurs. Et je pense qu'un

12 article a apparu le 21 septembre dans le New York Times.

13 C'était souvent des vols assez importants. Je parle du nombre

14 d'hélicoptères, y en avait cinq ou six, voire dix qui faisaient des vols de

15 nuit. Ce n'est pas une opération simple que celle-là. Si vous avez autant

16 d'hélicoptères qui font des vols de nuit, c'est quelque chose de difficile.

17 Il faut une coordination considérable des radars terrestres, des radars

18 embarqués et des hélicoptères. Nous savons, grâce aux archives des Serbes

19 de Bosnie, qu'ils n'avaient à l'époque que 20 hélicoptères. La question se

20 pose donc de savoir comment ils pouvaient en un seul vol utiliser 15

21 hélicoptères. Je crois qu'il est impossible de s'imaginer une telle chose.

22 Q. Y a-t-il eu des enquêtes suite à ces vols ?

23 R. Oui. Des documents ont été produits. La Cour -- le Tribunal en dispose.

24 Il y a eu des incidents mentionnés et décrits dans ces documents. Des

25 observateurs militaires des Nations unies qui étaient présents sur des

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1 aérodromes en Serbie se sont vu interdire l'accès à plus d'une reprise

2 d'ailleurs, accès à des radars qu'ils auraient pu devoir -- qu'ils auraient

3 pu consulter ou voir.

4 Q. Examinons maintenant l'intercalaire 39.

5 M. GROOME : [interprétation] S'y trouvent une fois de plus plusieurs

6 documents. Ce sont des rapports évoqués par le témoin. Mais le document-

7 clé, nous vous avons fourni tous les rapports pour être complets mais nous

8 nous basons surtout sur les cartes contenues dans ces rapports. Ces cartes

9 montrent la Bosnie-Herzégovine et les lignes indiquent les - l'aéronef ou

10 hélicoptère observé par le radar.

11 Q. Et la projection -- la trajectoire suivie par ces aéronefs. C'est bien

12 ce cas ?

13 R. Oui.

14 Q. Ces trajectoires montrent-ils les vols tracés et suivis par les radars

15 de la Serbie en Bosnie-Herzégovine et vice versa ?

16 R. C'est vrai surtout pour le 23 février. On voit qu'il y a des mouvements

17 considérables vers la Serbie à partir de l'est de la Bosnie-Herzégovine.

18 Q. Quelles furent les résultats définitifs de ces observations ? Mais

19 auparavant, je vais vous demander ceci. Combien y a-t-il eu de détections,

20 d'observations d'aéronefs de cette frontière séparant la Serbie de la

21 Bosnie-Herzégovine ?

22 R. Oh, écoutez. Le nombre était vraiment très important. Je ne saurais

23 vous le préciser à l'unité près.

24 Mais j'aimerais indiquer une chose à l'intention des juges et c'est la

25 suivante : A Srebrenica, comme les juges le savent sans doute, se

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1 trouvaient présentes les forces néerlandaises sur le terrain, qui étaient

2 très bien équipées pour procéder à des observations aériennes. Dans

3 l'enclave de Zepa par exemple, la seule présence des Nations unies étaient

4 représentés par les forces ukrainiennes qui, je crains de devoir le dire,

5 étaient légèrement moins bien équipées pour des observations aériennes.

6 Donc, en fait les cartes que vous avez sous les yeux montrent

7 éventuellement des résultats sous-estimés s'agissant du nombre de

8 déplacements aériens qui se sont déroulés à cette époque-là en Bosnie

9 orientale.

10 Q. Quelles étaient les conclusions définitives de l'enquête au sujet de

11 ces transgressions -- de ces infractions au blocus des frontières ?

12 R. Je pense que les conclusions qui ont été publiées dans le rapport ont

13 consisté à dire pour l'essentiel que l'accord n'avait pas été respecté

14 convenablement par les autorités yougoslaves.

15 Q. Est-ce que cela confirme également certaines positions exprimées en

16 privé par des représentants de la mission des Nations unies ?

17 R. Oui. En effet.

18 Q. J'appelle votre attention à présent sur la frontière croate avec la

19 Slovénie orientale où c'est produit d'autres violations et il y a eu une

20 enquête n'est-ce pas, une participation russe --

21 R. Oui. En effet.

22 Q. Pouvez-vous nous décrire cet incident, le décrire aux Juges de la

23 Chambre ?

24 R. Cet incident s'est déroulé si je ne m'abuse, fin mars/début avril 1995.

25 Il s'agissait de matériel militaire qui est arrivé en Slovénie orientale en

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1 provenance de la Serbie. En Slovénie orientale se trouvaient des unités

2 russes et belges qui faisaient partie des forces des Nations unies. Et, à

3 certains moments dans cette période l'officier commandant russe, le général

4 Perelyakin, a demandé aux forces belges de ne pas intervenir, donc de ne

5 pas gêner le transport d'équipements militaires provenant de la Serbie.

6 Q. J'aimerais appeler votre attention sur la pièce à conviction de

7 l'Accusation 470, intercalaire 40 ?

8 R. Oui.

9 Q. Je vous demanderais de nous dire de quel document il s'agit ?

10 R. Ce document est un télégramme crypté provenant de New York adressé par

11 M. Annan à M. Akashi. Il y est dit que la mission américaine présente sur

12 place nous a contacté officiellement, ayant reçu instruction dû au fait que

13 l'on pensait que du matériel militaire provenant de la Serbie était entré

14 dans la région, que la majeure partie de ce matériel était enregistrée

15 auprès des Nations unies, hormis peut-être six destroyers et deux obusiers,

16 et que ce matériel venait d'une partie de la république serbe de Krajina

17 pour se diriger vers une autre partie de la Republika Srpska de Krajina en

18 traversant la Serbie.

19 Le texte du télégramme se poursuit par les mots suivants :

20 "Les Etats-Unis estiment que ceci constitue une violation flagrante des

21 résolutions du conseil de Sécurité et demandent donc des explications".

22 Et la question de la complicité entre le bataillon russe et les Serbes dans

23 le transport de cet armement est évoquée dans le texte.

24 Q. D'autres préoccupations ont-elles été suscitées par les violations des

25 sanctions en rapport avec le bataillon russe ?

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1 R. Je dois dire que ces préoccupations ont été très importantes et

2 qu'elles ont conduit à une demande adressée à la Fédération russe de

3 retirer immédiatement le général Perelyakin de Croatie, ce qui a demandé

4 quelques délibérations.

5 Q. J'appellerai votre attention sur l'intercalaire 41 de pièce à

6 conviction 470, à présent, c'est bien n'est-ce pas, un autre rapport de M.

7 Akashi à M. Annan qui traite de cet incident, celui dont vous venez de

8 parler ?

9 R. Oui, en effet.

10 Q. Quand avez-vous, quand vos fonctions ont-elles pris fin dans l'ex-

11 Yougoslavie ?

12 R. Mes fonctions ont pris fin le 17 avril 1995, et à ce moment-là, je suis

13 retourné à Londres où j'ai obtenu un poste de professeur honoraire à

14 l'Institut international des études stratégiques et au nombre des tâches

15 qui étaient désormais les miennes, il y avait l'appréciation et l'analyse

16 de la situation dans l'ex Yougoslavie qui continuait à évoluer.

17 Q. Vous étiez parti quelques mois avant les événements tragiques de

18 juillet 1995, à Srebrenica. Je vous demande si au cours des 15 mois que

19 vous avez passé dans l'ex-Yougoslavie, vous avez constaté des signes

20 objectifs montrant que l'enclave de Srebrenica devait être plongée dans une

21 crise humanitaire à grande échelle ?

22 R. Oui, il y a eu de tels signes. Personnellement, pendant toute la durée

23 de la mission que j'ai exécuté sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, j'ai

24 ressenti une très grande inquiétude quant à se qui risquait de se passer si

25 une des attaques lancées par les Serbes de Bosnie aboutissait à sa

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1 conclusion définitive, à savoir, à la chute entre les mains des Serbes de

2 Bosnie d'une des enclaves anciennement zone protégée par les Nations unies.

3 Et je pense que depuis le début de la guerre en 1992, et très certainement

4 au cours des 16 mois que j'ai passé en ex-Yougoslavie, les actions des

5 Serbes de Bosnie ont prouvé qu'ils n'étaient pas seulement incapables de

6 distinguer entre des cibles civils et militaires mais qu'en fait, ils

7 prenaient délibérément pour cibles les civils au cours de leurs opérations

8 militaires, et ils continuaient à agir de même une fois que le territoire

9 était occupé par eux. Il suffit pour s'en convaincre de voir qu'elle était

10 la situation des minorités en Republika Srpska qui, à mon avis, ne trouve

11 pas d'élément de comparaison en dehors de la Seconde guerre mondiale.

12 Q. Laissons d'un coté le nombre exact des personnes qui ont trouvé la mort

13 à Srebrenica. Mais quiconque ayant une connaissance, une très bonne

14 connaissance des événements en ex-Yougoslavie en 1994 et 1995 aurait-il pu

15 être raisonnablement surpris de voir que des hommes en âge de combattre ont

16 été tués lors de la chute de Srebrenica ?

17 R. Et bien, je pense que si nous en revenons à la crise de Gorazde,

18 c'était une période pendant laquelle tous les militaires--tous les

19 observateurs militaires des Nations unies à Gorazde et M. Akashi lui même

20 avaient les plus grandes craintes quant aux conséquences possibles de ce

21 qui se passerait si les forces serbes de Bosnie pénétraient dans la ville

22 de Gorazde. Je pense nous avions conclu que ces conséquences inévitables

23 seraient des pertes civiles importantes et donc, des violations flagrantes

24 des droits de l'homme et très franchement, la seule question que nous

25 avions à l'esprit à cet égard consistait à se demander quelle serait

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1 l'importance numérique de ces pertes humaines.

2 Q. J'aimerais appeler votre attention sur la pièce à conviction de

3 l'Accusation 470, intercalaire 29, page 3, paragraphe 9. Il s'agit d'un

4 rapport de M. Akashi à M. Annan, daté du 25 février 1995 et on y trouve les

5 positions de M. Milosevic sur la situation en Bosnie à l'époque. Pourrais-

6 je vous demander de lire la première phrase du paragraphe 9 ?

7 R. Je cite : "Le président Milosevic a convenu que la situation en Bosnie-

8 Herzégovine ne pouvait que se dégrader et a reproché cela à la communauté

9 internationale qui se concentrait sur des détails et non sur la situation

10 globale."

11 Q. A votre avis, en février 1995 M. Milosevic appréciait-il dans les même

12 termes, la gravité de la situation à Bosnie ?

13 R. Je pense que oui. Nous ne cessions de passer d'une crise à une autre

14 crise depuis la situation de Sarajevo en février 1994, jusqu'à la crise de

15 Gorazde en avril 1994, puis ensuite Bihac en octobre et novembre. Et il

16 était tout à fait clair compte tenu de la dégradation de la situation sur

17 le terrain en Bosnie et aux environs des enclaves de l'est qu'il était

18 permis de prévoir une crise supplémentaire et une dégradation encore plus

19 importante en 1995.

20 M. GROOME : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais revenir sur la signification

22 du commentaire qui vient d'être évoqué, le commentaire de l'accusé qui

23 parle de se concentrer sur les détails et non sur la situation globale.

24 Quelle est votre interprétation de ce commentaire ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, Monsieur le juge Kwon, j'interprète

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1 ces mots comme signifiant que M. Milosevic estimait que trop souvent la

2 communauté internationale se concentrait sur une crise particulière plutôt

3 que sur l'ensemble des crises que je viens d'évoquer à savoir, Sarajevo,

4 Gorazde, Bihac, et que la paix si elle devait être établie ne pouvait

5 l'être que par le biais d'un accord global portant sur toutes les crises.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle était la --quelle était donc la

7 situation globale ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, la situation globale aurait consisté

9 -- tenir compte de la situation globale aurait consisté à conclure un

10 accord de cessez-le-feu valable sur l'ensemble du territoire de la Bosnie

11 et aurait consisté à conclure un accord politique. Je pense qu'au fil de la

12 guerre et, très certainement en 1994 alors que la guerre durait déjà depuis

13 2 ans, les Serbes de Bosnie et M. Milosevic souhaitaient un règlement et un

14 règlement aussi positif pour eux et possible bien sûr.

15 Ils étaient très conscients du fait et j'en ai déjà parlé qu'un accord de

16 paix avait été conclu entre les Musulmans et les Croates à ce moment-là et

17 que ceci avait regonflé l'énergie du gouvernement bosniaque. Cela indiquait

18 une implication plus grande des Etats-Unis et je pense que le sentiment

19 prévalant à l'époque peut-être c'est que le temps n'était pas du coté des

20 Serbes de Bosnie et que la guerre devait, en tout état de cause, s'arrêter.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien, nous allons maintenant

23 suspendre 20 minutes après quoi commencera le Contre-interrogatoire.

24 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.

25 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

Page 22968

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, à vous.

2 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

3 Q. [interprétation] Monsieur Williams, répondant à la dernière question

4 que vous a posé M. Groome, qui vous demandait de commenter mes positions,

5 vous avez déclaré que j'aurais dit que la communauté internationale

6 s'occupait du détail plutôt que de la situation globale. Ce qui est exact

7 et j'espère que vous et moi partageons sur ce point, la même opinion.

8 Connaissez-vous la position qui était la mienne depuis le début de la

9 guerre sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, ma position qui était due à

10 la nature même du conflit. Cette position consistait à penser qu'il était

11 impossible de régler la situation en ce concentrant sur le détail

12 uniquement, que les détails ne pouvaient pas permettre de résoudre le

13 problème de la guerre et que celle-ci devait être arrêtée ?

14 R. Oui. Je connais bien votre position sur ce point.

15 Q. Est-ce que bien ce qui s'est passé ? Est-ce que c'est bien par un

16 accord de Dayton, un accord global donc que la guerre a cessé puisque après

17 l'accord de Dayton, le seul accord global, il n'y a plus eu

18 d'affrontements, plus de guerre ?

19 R. Je crois qu'il est permis de conclure effectivement dans les termes que

20 vous venez de prononcer. Mais j'ajouterais ce qui suit : les Nations unies

21 et notamment M. Akashi, pendant la période où il a exercé les fonctions de

22 Chef de la mission des Nations unies, à savoir, en 1994 et 1995, devait

23 s'intéresser aux détails. Et vous savez sans doute, mieux que personne, que

24 le détail ne peut être séparé du global et que c'est notamment vrai dans

25 une situation telle que celle qui prévalait en 1994, 1995. Car je crains de

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1 devoir dire qu'à de très nombreuses reprises à Sarajevo, à Gorazde, à Bihac

2 et finalement à Srebrenica, les forces serbes de Bosnie ont insisté pour

3 lancer des attaques qui se sont terminées comme nous savons, qu'elles se

4 sont terminées à Srebrenica, par exemple.

5 Donc, le détail ne peut pas être séparé de l'ensemble et lors des

6 discussions qui ont eu lieu avec vous, les 22 et 23 avril 1994, il fallait

7 en fait s'intéresser d'abord aux détails car les populations des zones

8 protégées par les Nations unies et notamment la population de Gorazde était

9 l'objet d'une attaque tout à fait frontale. Mais je ne discuterai pas avec

10 vous. Je ne contesterai pas la conclusion qui est la vôtre quant au fait

11 que la guerre manifestement a pris fin grâce à l'accord de Dayton.

12 Et si vous permettez de poursuivre encore par quelques mots, j'ajouterais

13 que très franchement cet accord aurait pu être conclu beaucoup plus tôt.

14 Q. C'est ce que je pense également. Mais vous conviendrez, je l'espère

15 avec moi, pour admettre que la question qui se pose ici n'est pas un choix

16 exclusif entre soit le détail, soit le global. Bien sûr, les détails

17 importent et le global importe également pour mettre un terme à la guerre.

18 Cependant, c'est la vue globale de la situation qui l'emporte sur le détail

19 qui est tout de même dans cette situation à une importance un peu

20 inférieur, n'est-ce pas, M. Williams ?

21 R. Je ne serais pas tout à fait d'accord avec vous. Je pense que le détail

22 représente le fond du problème dans bien des cas. Par exemple, s'agissant

23 de la crise d'avril 1994 à Gorazde, il était impossible d'aller vers une

24 cessation totale des hostilités pour la simple raison que la situation aux

25 environs de Gorazde était particulièrement grave et brûlante. Cette réunion

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1 des 22 et 23 avril, même si elle a permis de mettre un coup d'arrêt à

2 l'attaque des Serbes de Bosnie, n'a pas empêché que les pilonnages se

3 poursuivent et que la présence des hommes en armes des Serbes de Bosnie se

4 poursuivent dans les zones d'exclusion avec empêchement des convois des

5 Nations unies d'entrer dans ces zones et cetera, et cetera.

6 Donc, si l'accord avait été totalement appliqué, très franchement, je

7 pense qu'il y aurait eu progression vers un arrêt global des hostilités, ce

8 qui correspondait aux vœux très sincères de M. Akashi. Et bien sûr qui

9 était au cœur de la mission de la conférence de Genève en juin 1994.

10 Q. C'était également ce que j'ai préconisé pendant toute cette période. Je

11 suppose que vous n'avez pas nié cela ?

12 R. Je ne vais pas polémiquer avec vous sur ce point. Mais, ce que je dois

13 dire c'est que compte tenu de la nature du conflit qui s'est déroulé en

14 Bosnie dans cette période, nous savons bien sûr qu'il s'agissait d'une

15 guerre. Mais c'étaient les attaques concertées de la part des Serbes de

16 Bosnie sur des zones qui avaient déjà été déclarées zones protégées par le

17 conseil de Sécurité des Nations unies. C'étaient donc ces attaques qui

18 caractérisaient la guerre en question. Et à mon avis, dans ces conditions,

19 il était difficile de se diriger vers un règlement politique général.

20 Vous venez de parler de Dayton et du succès de l'accord de Dayton et

21 franchement, je crois s'agissant de la Bosnie, c'est l'un des éléments les

22 plus remarquables. Car à mon avis, il n'y a pas de très nombreux accords de

23 paix dans notre monde moderne qui ont tenu aussi longtemps que l'accord de

24 Dayton l'a fait, à savoir, sept ou huit ans. Mais l'une des raisons pour

25 lesquelles l'accord de Dayton a tenu réside dans le fait que la communauté

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1 internationale a démontré avec une grande vigueur, car c'était absolument

2 indispensable, qu'elle ne tolèrerait plus la moindre attaque de la part des

3 Serbes de Bosnie sur des populations civiles et notamment sur des zones

4 déclarées, zones protégées par le conseil de Sécurité des Nations unies.

5 Q. Mais pour conclure sur cette question, je vous demanderais M. Williams

6 de bien vouloir répondre plus brièvement à mes questions car le temps qui

7 m'est imparti me sera très certainement compté.

8 Partagez-vous le point de vue de Lord Owen qui présidait la conférence sur

9 l'ex-Yougoslavie et qui a travaillé avec vous ? Il estimait que suite à

10 Dayton, la guerre aurait pu, il estimait après la conclusion de l'accord de

11 Dayton -- que la guerre aurait pu s'arrêter deux ans avant avec les mêmes

12 résultats si la communauté internationale avait réellement soutenu cette

13 éventualité et il a surtout parlé de l'administration américaine et du

14 président Clinton à cet égard. Je suis sûr que vous vous en souvenez.

15 Partagez-vous le point de vue de Lord Owen ?

16 R. Oui et non à la fois. Je partage ce point de vue dans le sens où je

17 pense que la guerre aurait pu effectivement être interrompue plus tôt, mais

18 seulement si la communauté internationale avait pris -- avait engagé des

19 actions tout à fait décisives contre les Serbes de Bosnie plus tôt.

20 Q. Je comprends votre position, Monsieur Williams. Elle émane du fait

21 semble-t-il que ce seraient uniquement les Serbes de Bosnie qui auraient

22 participer à cette guerre et qu'aucune autre partie n'y aurait participer ?

23 C'est en tout cas ce que vous semblez dire dans votre déposition.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est une affirmation faite par l'accusé.

25 Le témoin doit avoir la possibilité d'y répondre.

Page 22972

1 Il est suggéré que vous seriez subjectif à la partie prise dans cette

2 affaire.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de me donner

4 l'occasion de répondre.

5 Je dois absolument, Monsieur Milosevic, nier ce que vous venez de dire et

6 je nie toute validité à cette remarque s'agissant de l'ensemble de ma

7 déposition, qui tourne autour de cette période de 16 mois au cours de

8 laquelle j'ai exercé mes fonctions au sein des Nations unies sur le

9 territoire de l'ex-Yougoslavie. Dans la majeure partie de cette période, la

10 principale action militaire engagée par les forces serbes de Bosnie a été

11 dirigée contre les forces gouvernementales bosniaques, ce qui ne signifie

12 pas. Et ce n'est pas ce que j'ai dit, qu'il n'y avait pas d'observations

13 militaires de la part de l'autre partie au conflit ou même des opérations

14 militaires n'auraient pas été lancées par l'autre partie au conflit.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Fort bien. Mais s'agissant précisément de la période dont vous parlez,

17 je comprends bien que vos fonctions impliquaient d'examiner l'ensemble des

18 documents qui étaient dirigés à l'envoyé spécial du secrétaire général, M.

19 Akashi, qu'ils s'agissent de documents civils ou militaires, et que vous

20 aviez donc accès à tous les rapports recueillis également par les

21 observateurs militaires des Nations unies, ainsi que par les membres des

22 contingents nationaux qui faisaient partie des forces des Nations unies,

23 n'est-ce pas ?

24 R. Oui, c'est exact.

25 Q. Et au cours de la période sur laquelle vous témoignez, vous

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1 représentiez également la FORPRONU dans ces contacts avec le public en ex-

2 Yougoslavie, n'est-ce pas ? Vous coordonniez la diffusion d'informations,

3 n'est-ce pas, Monsieur Williams ?

4 R. Je pense que c'est une bonne description de mon travail en effet.

5 Q. Fort bien. Dans ces conditions, est-il permis de dire de façon générale

6 que vous étiez l'homme le mieux informé ou plutôt pour être plus précis, le

7 représentant des Nations unies le mieux informé au sujet de la situation

8 dans l'ex-Yougoslavie à l'époque dont il est question ici.

9 R. Et bien, excusez-moi. J'hésiterais un peu à utiliser les termes le

10 mieux informés car, à mon avis, M. Akashi était à bien des égards mieux

11 informés que moi ainsi qu'un certain nombre de hauts fonctionnaires des

12 Nations unies. Mais j'admets que j'étais bien informé, que je faisais

13 partie de ce cercle restreint de hauts fonctionnaires des Nations unies, au

14 côté de M. Akashi qui était très bien informé.

15 Q. Je suis heureux de vous l'entendre dire car j'espère que nous aurons la

16 possibilité d'entendre témoigner ici, M. Akashi également.

17 Mais dites-moi, Monsieur Williams, est-il en tout cas permis de supposer en

18 tenant compte des réserves que vous venez d'exprimer que vous étiez celui

19 qui coordonnait les programmes d'informations de la FORPRONU, que vous

20 établissiez les déclarations désignées au public en provenance de la région

21 et je vous demande donc si vous étiez la personne qui choisissait les

22 éléments d'informations qui pouvaient être diffusés et communiquer vers

23 l'extérieur. Pouvez-vous me répondre brièvement ?

24 R. Oui, ainsi que d'autres responsables qui travaillaient sous mes ordres.

25 Q. Est-il exact qu'objectivement vous n'étiez pas en mesure de transformer

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1 tous les quotidiens, tous les hebdomadaires et tous les mensuels en

2 communiqués de presse destinés à l'opinion publique, mais que vous

3 effectuiez une sélection dans tous ces journaux ?

4 R. Je ne suis pas tout à fait sûr d'avoir compris la nature de votre

5 question, M. Milosevic.

6 Q. Et bien, ce que je veux dire, c'est que les informations étaient très,

7 très nombreuses, celles que vous receviez. Donc, je suppose que vous étiez

8 contraint de choisir parmi les éléments que vous transmettiez.

9 R. Et bien, c'est tout à fait clair. J'ai essayé de faire tout ce qui

10 était dans mon pouvoir et de veiller à ceux qui travaillaient sous mes

11 ordres soient également aussi objectifs que possible lorsqu'ils traitaient

12 des sources d'informations qu'ils avaient accès.

13 Q. Compte tenu du fait que vous vous occupiez également de ce se passait à

14 l'université et que vous traitiez d'un certain nombre de sujets tout à fait

15 bien définis, vous aviez des positions tout à fait claires par rapport aux

16 éléments avec lesquels vous opériez. Donc, pouvez-vous nous dire s'agissant

17 de ce choix d'informations effectué par vous à l'époque dont nous parlons,

18 si vous étiez capable de faire la distinction entre vos points de vue

19 personnels, entre vos positions personnels et les informations que vous

20 étiez censées diffuser à partir du terrain ?

21 R. Oui. Je pense que j'ai réussi à le faire. La rigueur et l'objectivité

22 sont des éléments que j'ai toujours estimés de la plus haute importance,

23 très franchement, dans toute ma carrière professionnelle que ce soit dans

24 la période où j'ai travaillé pour les Nations unies ou dans la période

25 actuelle, pendant laquelle je travaille pour le gouvernement britannique ou

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1 même par le passé dans ma carrière universitaire.

2 Q. Monsieur Williams, puisqu'une grande partie de votre déposition

3 concerne les événements de Sarajevo, pouvez-vous me répondre en me disant à

4 combien de reprises personnellement vous vous êtes rendu à Sarajevo dans

5 cette période 1994-1995 ?

6 R. Je dirais que pendant cette année, j'ai dû y aller 10, 14 ou 15 fois.

7 Q. Combien de fois êtes-vous allez à Gorazde ?

8 R. Je ne suis jamais allé à Gorazde. J'ai à plusieurs reprises demandé à

9 m'y rendre. En fait un peu plus tôt dans ma déposition, vous vous en

10 souviendrez sans doute, j'ai parlé d'une rencontre que j'ai eu avec le Dr

11 Karadzic à la fin du mois de septembre 1994 et l'un des motifs de la

12 provocation de cette réunion consistait pour moi à lui demander son aide

13 pour que je puisse me rendre à Gorazde. Mais je n'ai jamais obtenu

14 l'autorisation nécessaire.

15 Q. Fort bien. Mais suis-je en droit dans ces conditions de conclure que

16 tout ce que vous nous avez dit ici dans votre déposition s'appuie en grande

17 partie sur les observations faites par les observateurs militaires dans les

18 Nations unies, c'est bien cela ?

19 R. Eu égard à Gorazde, oui. Ce que j'ai dit ici s'appuie complètement sur

20 les rapports que j'ai reçus du terrain. Par la suite, après la conclusion

21 des accords de Dayton, alors que j'occupais des positions différentes, je

22 me suis rendu à Gorazde, mais je n'y suis jamais allé pendant l'année 1994-

23 1995.

24 Q. Fort bien. Mais je crois comprendre dans ces conditions que les

25 observateurs sur le terrain étaient, sans aucun doute, plus compétents que

Page 22976

1 vous pour apprécier la situation ou témoigner éventuellement au sujet des

2 événements qui se sont déroulés à l'époque puisqu'ils ont été témoins

3 oculaires de ce qui s'est passé.

4 R. Oui, manifestement. Eu égard au caractère immédiat des événements, il

5 arrivait que des gens qui se trouvaient sur le terrain ait une vision

6 immédiate et très claire de ce qui se passait sur le terrain. Donc, c'est

7 le cas parfois. Mais parfois lorsqu'on est plus éloigné du terrain, on est

8 mieux en mesure de réunir -- de regrouper les fils qui décrivent une

9 situation.

10 Q. Monsieur Williams, alors que vous exerciez vos fonctions avez-vous

11 jamais ressenti le moindre doute quand à l'objectivité de l'un quelconque

12 des observateurs qui se trouvait sur le terrain ?

13 R. Etes-vous en train de parler de Gorazde en particulier ?

14 Q. Je parle de Gorazde, mais également des autres lieux d'où provenaient

15 des rapports d'observateurs, car si vous aviez -- avez nourri de tels

16 doutes, j'aimerais éventuellement savoir à l'égard de qui vous avez éprouvé

17 de tels doutes quant à l'objectivité des rapports qui vous parvenaient.

18 R. Et bien, vous parlez par exemple de Gorazde. Ce qui me paraîtrait

19 frappant lorsque je repense à cette période où j'ai exercé mes fonctions

20 pour les Nations unies, c'est l'homogénéité des rapports qui provenaient de

21 Gorazde. Au début, lorsque les Serbes de Bosnie ont lancé leur attaque

22 contre Gorazde, donc c'était à la fin mars 1994, la majeure partie des

23 rapports provenant des observateurs militaires des Nations unies ou du HCR

24 contenait -- était tout à fait remarquable des observations assez

25 similaires. Une équipe très compétente était chargée de vérifier la teneur

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1 de ces rapports et a donc fait observer ce fait plus tard. J'ai envoyé mon

2 représentant personnel, si je puis l'appeler ainsi, sur place. Il

3 s'agissait de M. Craig Jenness qui s'est occupé de la fin de l'année 1994,

4 et du début de l'année 1995, et il m'a fait état de la même chose dans ses

5 rapports.

6 Q. Mais nous ne cessons de parler de Gorazde. Si vous le voulez bien,

7 parlons de la situation de façon plus générale. Avez-vous jamais ressenti

8 le moindre doute quand à l'objectivité d'un observateur sur le terrain et,

9 si oui, de qui s'agissait il ?

10 R. Et bien, certains rapports étaient plus détaillés, plus incisifs que

11 d'autres. Et je pense qu'il est toujours nécessaire de comparer les

12 rapports et puis il y avait également des régions d'où il était plus facile

13 d'obtenir des rapports : les Nations unies pour exemple, et les

14 responsables de la presse internationales étaient présents en grand nombre

15 sur le territoire tenu par le gouvernement bosniaque. Mais s'agissant de la

16 Republika Srpska et j'en ai déjà parlé au début de ma déposition, il était

17 très difficile d'obtenir des rapports émanant de cette région, puisque les

18 autorités de la Republika Srpska refusaient systématiquement l'accès aux

19 représentants des Nations unies et aux journalistes.

20 Q. Monsieur Williams, je vais vous demander une fois de plus de répondre

21 si possible un peu plus brièvement aux questions que je vous pose, étant

22 donné que le temps qui m'est imparti est limité.

23 Donc, soyons précis parce que nous n'arrivons pas à nous tirer des choses

24 au clair. Estimez-vous oui ou non que quelqu'un qui serait observateur

25 militaire -- ou observateur militaire haut gradé serait une personne sur le

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1 terrain et qui sinon plus, mais au moins autant que vous se trouvait être

2 compétent pour faire des évaluations de ce qui se passait sur le terrain

3 pour témoigner de la chose.

4 R. C'est vrai dans toute domaine d'activité professionnelle, je le crains

5 bien fort. Certains sont meilleurs que d'autres. Certains observateurs le

6 sont; certains journalistes le sont aussi dans la façon qu'ils ont de

7 relater des événements, mais à Gorazde, même au cours de la période la plus

8 difficile, par exemple, il y avait des équipes qui étaient sur le terrain,

9 ce qui veut dire que les faiblesses de l'un sont compensées par les forces

10 de l'autre.

11 Q. Mais bon, la tâche fondamentale d'un observateur militaire haut gradé

12 c'était en fait -- le fait de commander -- de gérer les observateurs

13 militaires d'un secteur, par exemple sur le territoire de Sarajevo, n'est-

14 ce pas, vous pouvez répondre par oui ou par non ?

15 R. C'est oui.

16 Q. Quand nous parlons de Sarajevo est-ce que vous savez de ce que c'était

17 que les teams Lima et Papa, oui ou non ?

18 R. Je ne crains que ce ne soit pas le cas pour le moment.

19 Q. Vais-je essayer de vous rafraîchir la mémoire de façon tout à fait bien

20 attentionnée. Je voudrais--je ne voudrais pas vous tendre un piège en vous

21 posant ces types de questions. Est-il exact de dire que les observateurs

22 militaires à Sarajevo avaient été subdivisés en deux teams -- en deux

23 équipes; l'équipe Papa qui était chargée de la partie musulmane, qui était

24 donc chargée de suivre les tirs -- la détermination du nombre de victimes,

25 la communication avec les brigades, avec les hôpitaux dans leur zone de

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1 responsabilité, le suivi des activités musulmanes, les lignes de front, les

2 activités d'enquête lorsque cet observateur militaire haut gradé le

3 demandait. Est-ce que vous vous souvenez maintenant ? Et d'autre part, il y

4 avait des observateurs militaires qui faisaient partie de l'équipe Lima qui

5 avaient les mêmes missions, les mêmes tâches alors qu'ils agissaient du

6 coté serbe, vous vous en souvenez-vous maintenant ?

7 R. Oui, c'est exact.

8 Q. Bon. Savez-vous me dire combien d'observateurs militaires ont fait

9 partie de cette équipe Papa et combien il y en eu dans cette équipe Lima ?

10 R. Je ne peux pas à tout go vous dire ce qu'il en est.

11 Q. D'après les renseignements qui me sont -- qui m'ont été disponibles, il

12 y en avait six dans une équipe et sept dans l'autre. Donc, six pour ce qui

13 est de la partie musulmane et sept pour ce qui de la partie serbe, et ça

14 reviendrait à dire qu'il s'agissait plus ou moins d'un nombre

15 d'observateurs identiques.

16 R. Exact.

17 Q. Savez-vous alors nous dire qui est Francis Thomas Roy ?

18 R. Non. Je ne connais pas cet homme, je le crains.

19 Q. Mais savez-vous que c'était là un observateur militaire haut gradé pour

20 Sarajevo dans le courant de l'année 1994 et sous son commandement direct il

21 y avait les deux équipes en question, l'équipe Papa et l'équipe Lima ?

22 R. Non.

23 Q. Et pendant l'exercice de vos fonctions vous-même ou quelqu'un d'autre

24 a-t-il eu à formuler quelque objection que ce soit pour ce qui est de

25 l'objectivité de ce qu'il faisait, et de ce que faisaient les équipes qui

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1 étaient placées sous ses ordres sur le terrain ?

2 R. Non, mais j'aimerais tirer ceci au clair, à l'attention des Juges. Les

3 militaires observateurs des Nations unies, c'était qu'une partie seulement

4 de la présence militaire à Sarajevo, il y avait le QG important à l'époque

5 qui avait à sa tête le général Rose, puis il y avait des bataillons

6 français sur place à Sarajevo ce qui veut dire qu'ils faisaient leur propre

7 travail, donc, il y avait d'autres éléments que les seuls observateurs.

8 Q. Ça, je le comprends mais ma question a été celle de savoir si vous

9 saviez vous-même que Francis Thomas Roy, tout comme vous, a déposé ici et

10 il l'a fait le 18 avril 1998 en fait --

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, aux fins d'identifier les

12 déclarations des témoins, je dirais que la déclaration de Francis Thomas

13 Roy est enregistrée à compter du numéro 00908234 jusqu'à 009088328.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Monsieur Williams, dites-nous si la date du 22 décembre 1993 vous dit

16 quelque chose, lorsqu'il s'agit de Sarajevo ?

17 R. Ça ne me dit rien de précis sur le coupable. Je n'étais pas présent à

18 ce moment-là, j'étais toujours au Cambodge, bien sûr.

19 Q. Fort bien. Je vous citerais alors ou plutôt savez-vous, indépendamment

20 du fait que vous soyez à tel ou tel endroit, tous les medias du monde ont

21 rapporté le pilonnage de Sarajevo. Ils ont dit qu'il y avait eu des

22 centaines de morts et de blessés. Vous souvenez- vous des rapports qui ont

23 été diffusés ? Cela a été une journée très marquée par le fait que tous les

24 medias avaient rapporté dans le monde qu'il y avait eu des centaines de

25 morts et de blessés, ce jour- là.

Page 22981

1 R. Je me dois de vous dire que j'étais à l'autre bout du monde. Je suis un

2 écouteur -- un auditeur acharné de la BBC. Mais je ne me souviens pas.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il ne sert pas à grand-chose de poser

4 cette question sur le témoin puisqu'il était à ce moment-là au Cambodge.

5 Tout ce que vous pouvez poser comme question, c'est un témoin qui est au

6 courant.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Je souhaiterais vous dire que dans la déclaration de M. Tomas Roy --

9 Francis Tomas Roy, que j'ai mentionné tout à l'heure et j'ai remarqué

10 Monsieur May, que vous n'avez pas gardé votre écouteur sur les oreilles.

11 J'ai parlé d'une déposition qui était fatidique tout comme vient -- est en

12 train de le faire à présent, M. Williams. S'il a -- il dit ce qui suit la

13 partie bosnienne avait affirmé qu'il y avait des centaines de morts et de

14 blessés et --

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. Non. Inutile. Impossible de demander

16 un commentaire à ce témoin-ci à propos de ce qu'un autre témoin a déclaré.

17 Vous pourrez appeler vous-même ce témoin à la barre où s'il est appelé par

18 l'Accusation vous pourrez le contre-interrogé. Mais, il ne sert à rien de

19 poser d'autres questions de la même veine à ce témoin.

20 Vous pouvez lui poser des questions à propos de la période pendant laquelle

21 il s'est trouvée en Bosnie, à Sarajevo. Bien sûr, que vous avez la

22 possibilité de lui poser des questions à ce propos mais pas à propos

23 d'événements extérieurs à cela.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Certes. Mais étant donné les compétences de M.

25 Williams, je voudrais lui poser des questions pour ce qui est de ces

Page 22982

1 opinions concernant les émissions de médias où il avait été question de

2 centaines de morts et de blessés et où --

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous parlez de quelle date ? Quelle est

4 la date de tout ceci ? Si vous pensez au 3 décembre 1993, on vous a dit que

5 ceci était sans intérêt, que vous ne sauriez poser de questions à ce

6 propos-là au témoin. Passez donc à autre chose.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je suis en train de parler d'une

8 déclaration où il est question de 17 morts en tout et pour tout. Et je

9 voudrais savoir que ce que M. Williams pense --

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais sur tout le respect que je dois à M.

11 Williams, qu'importe son opinion. Si vous parlez du mois de décembre 1993,

12 on vous a dit que ceci n'était pas autorisé. Si vous avez une autre date en

13 tête, et bien nous verrons.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Très bien, Monsieur May. Je n'ai pas

15 supposé que M. Williams n'avait pas d'opinions du tout.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Je voudrais vous poser une question concrète, Monsieur Williams. Savez-

18 vous du point de vue de la mise en place de formation en présence, qui

19 avait été les parties belligérantes sur le front de Sarajevo ? Ou pour être

20 plus précis encore, pour ne pas vous parler en devinettes. Savez-vous qui

21 du côté musulman, s'il agissait du 1er Corps de l'armée -- de l'armée de

22 Bosnie-Herzégovine et je dirais que le commandant s'appelait Karavelic, et

23 de l'autre côté il y avait le Corps de Sarajevo-Romanija de l'Armée de la

24 Republika Srpska. Est-ce là chose que vous savez ou pas ?

25 R. Oui, oui, je sais.

Page 22983

1 Q. Vous affirmez pour votre part, que la plupart des attaques, du reste

2 c'est votre opinion que vous avez présentée, faisaient partie d'opérations

3 offensives déployées par l'Armée de la Republika Srpska et non pas en

4 frappes défensives comme cela avaient été affirmées de tout temps par la

5 direction de Pale. C'est bien ce que vous avez déclaré, n'est-ce pas ?

6 R. Oui. Je pense que c'est exact.

7 Q. Bien. Etant donné que dans votre déclaration vous parlez uniquement de

8 la partie serbe et de leurs participations aux conflits, savez-vous que

9 dans ce rapport de 1998 et maintenant de Francis Tomas Roy, il est dit ce

10 qui suit :

11 "Il semblait que les Serbes autour de Sarajevo suivaient une politique de

12 défenses des positions. Je n'ai vu les Serbes réaliser aucune attaque."

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Qu'est-ce qu'il peut dire ce témoin à ce

14 propos ? Lui, il ne peut parler que des rapports qu'il a reçus. Il ne peut

15 parler des dires de M. Roy.

16 Monsieur Groome, qui était ce M. Roy. Pouvez-nous aider ?

17 M. GROOME : [interprétation] Je ne sais pas. Nous sommes en train de

18 rechercher sa déposition, grâce au numéro ERN.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, j'ai mentionné cet homme lorsque j'ai cité

20 le fait qu'il s'agissait d'une déclaration du 15 avril 1998. Francis Tomas

21 Roy avait été le Chef des missions d'observation à Sarajevo. Et j'ai dit

22 que cela se trouvait sur les pages allant de 00908234 jusqu'à la fin de sa

23 déclaration faite précisément. Je le suppose à l'intention de -- ou devant

24 M. Groome ou devant l'un de ses collaborateurs.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, oui. Nous avons le document. Passons

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1 maintenant à autre chose.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. J'avais demandé à M. Williams, étant

3 donné le fait que l'on dit bien ici que :

4 "Il semblait que les Serbes autour de Sarajevo suivaient une politique de

5 défenses des positions et je n'ai vu les Serbes déployés aucune opération

6 d'attaques."

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non. Et je vous l'ai dit, vous ne

8 pouvez pas poser cette question. C'est une pure perte de temps et nous

9 n'allez pas -- et vous n'allez pas poursuivre cette attitude qui consiste à

10 faire perdre le temps du Tribunal. Appelez vous-même à la barre M. Roy, et

11 vous pourrez lui demander ce qu'il en est. Mais demandez à ce témoin ce

12 qu'il a vu, ce qui lui était rapporté, s'il est d'accord avec la

13 qualification qui avait été donnée, à savoir qu'il s'agissait surtout d'une

14 opération de maintien de position. Etes-vous d'accord avec ce qui est

15 cité ? Etait-ce uniquement une opération de maintien de position. Etait-ce

16 cela simplement ce qui a été fait par les Serbes de Bosnie ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça dépend du moment dont vous parlez Monsieur

18 Milosevic, sur une guerre de trois ans. Au cours de la période où moi je me

19 suis trouvé sur place au départ en janvier et en février 1994, il y a eu

20 des attaques très sérieuses menées par la partie serbe, ce qui a poussé ou

21 conduit un ultimatum de l'OTAN. Après cela, il y a eu une diminution des

22 actions au niveau de leur gravité et je tiens à préciser que je ne nie pas

23 que les forces du gouvernement bosniaque aient mené de temps à autre des

24 attaques au cours de ma mission aux Nations unies. Il y a eu des attaques à

25 partir de Sarajevo menées par les forces du gouvernement de Bosnie.

Page 22985

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Ce que je voudrais c'est attiré votre attention Monsieur Williams, sur

3 le fait que M. Roy avait été un observateur militaire à compter du mi

4 octobre 1993 jusqu'au mi juillet 1994. Donc, cela couvre six mois de la

5 période sur laquelle vous témoignez vous-même.

6 R. C'est vrai. Mais je tiens à vous informer du fait que jamais je n'ai

7 rencontré M. Roy. Je ne suis malheureusement pas au courant de la

8 déposition qu'il a faite à ce Tribunal --

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre. Il ne

10 faudrait d'ailleurs pas que vous le soyez. Ce serait tout à fait erroné.

11 Monsieur Milosevic, il ne sert à rien de poser ce genre de question au

12 témoin. Il ne sert à rien de lui demander si M. Roy a tort ou raison. Bien

13 sûr, vous avez le loisir de lui poser des questions qui consistent à

14 demander si c'était une opération de maintien de position. Mais il n'est

15 pas correct de faire des déclarations à partir d'une déclaration au

16 préalable faites par quelqu'un d'autre.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, vous m'avez précisément dit que

18 je pouvais poser au témoin la question de savoir s'il était d'accord avec

19 une évaluation, une appréciation que je lui avais lue, rien d'autre que

20 cela.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Avançons.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Serait-il exact de dire que des forces bosniennes se sont efforcées de

25 s'emparer de la route menant à Pale, donc interrompre la communication

Page 22986

1 serbe entre Pale et Lukavica, c'était des forces, je dirais même fort bien

2 équipées avec tous les moyens nécessaires du -- pour l'infanterie et le

3 reste face à ces effectifs serbes, avez-vous quelque information que ce

4 soit à ce sujet ?

5 R. Oui. Et il y a eu effectivement en 1994 une attaque qui visait à

6 s'emparer d'une partie de la route menant à Pale. Vu les circonstances vous

7 savez, je pense qu'il est peut-être utile que les Juges voient l'artillerie

8 ou l'arsenal d'armes dont disposaient les partis en présence. Je pense que

9 ceci a bien été prouvé. Ceci a été prouvé par des instituts objectifs dont

10 l'Institut national -- international d'études stratégiques. Et ces

11 informations montrent clairement que s'agissant de chars, artilleries

12 lourdes, hélicoptères lourds, l'équipement dont disposaient les forces

13 serbes de Bosnie était de loin supérieur numériquement et qualité à ce

14 qu'avait la partie adverse. Je pense tout simplement qu'il s'agit là d'une

15 évaluation objective.

16 Q. Bien, Monsieur Williams. Mais seriez-vous d'accord avec cette

17 appréciation-ci qui émane également de M. Thomas Roy qui dit dans son --

18 dans sa déposition et je le cite, vous me direz si vous êtes d'accord ou

19 pas, si cela coïncide avec les connaissances que vous avez :

20 "Les Bosniens étaient portés sur le recours à l'artillerie lourde et ils

21 voulaient -- ils tiraient pour créer des incendies. Ils avaient par exemple

22 tiré depuis l'hôpital ou ils avaient tiré depuis un mortier derrière le

23 bâtiment de PTT où se trouvait les Nations unies ou un train de transport

24 de charbon et une fois, j'ai remarqué que les Bosniens ont --"

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Je vois effectivement bon, ce

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1 que M. Roy a constaté importe peu mais je pense que vous avez compris.

2 Monsieur le Témoin, la nature générale de l'information.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je pense que oui. Même si je ne peux pas

4 réagir aux détails précis évoqués par M. Roy dans sa déposition. J'ai

5 effectivement de temps à autre entendu dire que les Bosniens avaient placé

6 des armes à proximité d'un hôpital de Sarajevo. Je reconnais avoir entendu

7 parler de ça dans un rapport.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Bon, vous avez reçu des rapports mais est-ce que vous les avez vu armés

10 ou est-ce que vous les avez vus tirer à partir de la proximité immédiate de

11 cet hôpital, ou de cet -- de ce bâtiment des PTT où se trouvait le QG des

12 Nations unies à Sarajevo ? Et que par la suite ils se retiraient de là-

13 bas ?

14 R. Je ne me souviens pas d'une allégation précise en ce qui concerne la

15 position se trouvant près du bâtiment des PTT dont vous avez parlé. Il y a

16 eu des tirs depuis la ville à plusieurs reprises en direction de zones

17 tenues par les Serbes de Bosnie. Je ne le nie pas un seul instant. C'est

18 cette nature assez laide et sale du combat urbain qui apparaît là. Souvent

19 des armes sont placées à proximité de bâtiments civils.

20 Q. Bon, étant donné que votre observateur militaire, celui de la FORPRONU

21 dit qu'il n'a pas vu --

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce sont là autant de commentaires de

23 votre part. Le témoin ne peut parler de ce qu'il a vu ou entendu.

24 Avançons, s'il vous plaît.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais Monsieur May, le témoin a reçu des

Page 22988

1 rapports. C'était lui le coordinateur principaux -- principal des

2 observateurs militaires à Sarajevo. Donc, je voulais savoir s'il recevait

3 ces évaluations. Et ces évaluations divergent grandement de celles qu'avait

4 fait M. Williams.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Mais vous formulez des commentaires

6 que vous pourrez faire en temps utile mais pas maintenant. Poursuivez.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je vous fournir

8 cette explication. Les représentants officiels militaires ne tombaient pas

9 sous mon commandement. En fait, ils étaient redevables ou rendaient des

10 comptes à une hiérarchie militaire. Il y avait tout d'abord le général

11 Rose, qui était le commandant en Bosnie et ensuite le général de Lapresle.

12 J'ai vu le rapport, mais il n'est pas exact de dire que les observateurs

13 militaires me faisaient rapport à moi. Il se pouvait même, puisque le fait

14 était que moi, j'étais un représentant officiel, un fonctionnaire civil

15 alors qu'eux, c'était des officiers militaires.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Bien, mais teniez compte de leurs rapports lorsque vous faisiez vos

18 évaluations à vous ou ne l'avez-vous pas fait ?

19 R. Oui, j'en ai tenu compte. Vous avez parlé de ce qu'avait dit M. Roy à

20 savoir que les forces serbes de Bosnie menaient des actions visant à

21 maintenir des positions. Mais moi, je conteste cela. Quand on parle de

22 positions de maintien, il y a une connotation de passivité, alors qu'à

23 Sarajevo c'était un siège actif qui était mené. A cet égard, le fait qu'il

24 y a eu des interventions répétées consistant à interrompre la fourniture de

25 services généraux, le fait que de façon répétée on a interdit l'accès de la

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1 ville aux Nations unies, je pense que ce sont là des faits montrant une

2 activité.

3 Q. Bien. Mais tout à l'heure, vous disiez que M. Roy avait été à la tête

4 des observateurs militaires. Mais pensez-vous que lorsqu'il s'agit de --

5 d'opérations de combat, c'est l'expert militaire qui est plus compétent que

6 l'expert civil pour ce qui est d'évaluer ce qui se passe de parts et

7 d'autres ?

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Excusez-moi, je vous interromps. Avez-

9 vous dit que M. Roy était à la tête des observateurs militaires, Monsieur

10 le Témoin ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Juge, mais oui, je

12 répondais à M. Milosevic.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Oui, c'est de cette façon-là qu'on

14 l'émanant -- qu'on sème l'erreur.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Une autre précision. Parce que je pense que

16 M. Milosevic essaie de faire une distinction entre les observateurs civils

17 et les observateurs militaires. Il n'y avait qu'un seul -- une seule équipe

18 d'observateurs militaires à Sarajevo. Il y avait ce qu'on appelle en

19 anglais les UNMO, les observateurs militaires des Nations unies mais ils

20 avaient aussi les rapports envoyés directement par les commandants -- le

21 commandant secteur, ça toujours été un Français et par l'état major du

22 général Rose au commandement de la BH.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Groome, qui est ce monsieur ?

24 M. GROOME : [interprétation] J'ai une copie de la déclaration en B/C/S et

25 nous essayons d'obtenir la traduction en anglais.

Page 22990

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, pour les besoins du compte rendu

2 de l'audience, étant donné que l'on conteste ici le fait que j'ai mentionné

3 les fonctions de M. Roy concernant les déclarations qu'il a fait, en page 2

4 de sa déclaration en langue serbe, dernier paragraphe on dit avec précision

5 :

6 "En date du 15 octobre 1993, je suis devenu observateur militaire supérieur

7 pour Sarajevo (SMO) - senior military observer -, et j'ai gardé ces

8 fonctions jusqu'au 14 juillet 1994 et mon prédécesseur avait été un

9 observateur du lieutenant colonel Kukula [phon] de Finlande, et avant cela

10 il y avait un commandant qui s'appelait P.G. Scott."

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien, merci. Nous avons compris,

12 reçu le message. Poursuivez.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Je vous ai demandé tout à l'heure Monsieur Williams, comment se pouvait-

15 il que les rapports que vous avez rédigés divergent de façon aussi

16 substantielle des rapports de ces observateurs militaires sur la base

17 desquelles vous avez rédigé vous-même vos rapports ? Comment se fait-il ?

18 R. Ça se peut pour la raison suivante, Monsieur Milosevic. Mes rapports

19 s'appuyaient sur un large éventail de rapports et d'évaluations aussi bien

20 civils que militaires. Des rapports de toute sorte, pas seulement émanent

21 des observateurs militaires des Nations unies mais venant du commandement

22 du secteur de Sarajevo, du commandement de la BH, du responsable au

23 directeur des affaires civiles des Etats-Unis, du Haut-Commissariat aux

24 réfugiés et en temps que de besoin, je m'appuyais sur des rapports venant

25 de la presse internationale représentée à Sarajevo. Par conséquent, les

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1 rapports que m'envoyaient les observateurs, ce n'était qu'une partie des

2 rapports reçus.

3 Q. Oui, mais cette source s'agissant d'opérations militaires et là

4 trouvez-vous compétente ou plus compétente que les sources des journalistes

5 des UNHCR parce que j'estime qu'elles devaient forcément faire des

6 évaluations objectives.

7 R. Je pense que chacun a fait de son mieux pour fournir une évaluation

8 exacte. Manifestement, des observateurs militaires sont mieux qualifiés que

9 d'autres pour se livrer à des commentaires sur les questions militaires

10 davantage qu'humanitaires. Et l'inverse serait vrai également.

11 Q. Bien, je vous remercie. Je voulais que nous constations précisément

12 cela. Vous avez mentionné le fait que vous étiez au courant, partant des

13 rapports qui vous ont été soumis, d'attaques sur les positions serbes entre

14 Pale et Lukavica. Vous avez eu vent de cela, n'est-ce pas ?

15 R. Exact.

16 Q. Et savez-vous de quelle façon et suivant quelle modalité ces forces

17 musulmanes de l'armée de Bosnie-Herzégovine pendant le siège de Sarajevo,

18 dont vous avez parlé précisément ici, se sont armées moyennant équipements

19 de très bonne qualité d'origine française, par exemple. Avez-vous eu des

20 informations quelconques à ce sujet-là ?

21 R. Non.

22 Q. Bien. Dites-moi alors, si le nom de David Fraser vous dit quelque chose

23 ?

24 R. Non. Je crains ne pas connaître cet homme.

25 Q. Je vais essayer de vous rafraîchir la mémoire. C'est l'adjoint

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1 militaire du commandant du secteur Sarajevo, du général français Soubirou.

2 Il avait un QG qui était constitué de français, des commandants

3 d'adjudants, des gardes de corps qui étaient tous français. Donc, c'était

4 un adjoint du commandant ou du chef du secteur chargé de Sarajevo.

5 Et j'ajouterais qu'il avait accompli ses fonctions du 17 avril 1994

6 jusqu'au 26 mai 1995. Donc, cela coïncide tout à fait avec la période de

7 votre séjour là-bas au sujet duquel vous êtes témoigné ici.

8 R. Je dois vous croire sur parole. Le général Soubirou, je le connais. Je

9 l'ai rencontré à plusieurs reprises. Je me souviens d'un certain capitaine

10 Dedier qui faisait partie de son état major. Mais je n'ai jamais rencontré

11 un officier répondant au nom de David Fraser.

12 Q. Bien. J'ai ici sa déclaration qu'il a faite à la partie représentée par

13 M. Groome. M. Groome qui vous a interrogé tout à l'heure. Cela part de la

14 page ERN 00908284 communiquée à mon attention en vertu de l'Article 68.

15 Donc, cette période coïncide avec celle que vous avez, enfin qui a été la

16 vôtre pour ce qui est du séjour là-bas. C'est donc la période qui couvre

17 les années 1994 et 1995 et c'est ce que dit sa déclaration. Or, la

18 déclaration elle-même a été faite en 1997. Donc, ces dates coïncident avec

19 les dates de votre séjour là-bas, n'est-ce pas ?

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Inutile de répondre à ceci. C'est une

21 perte de temps. Vous connaissez les règles. Vous n'êtes pas autorisé à

22 verser la totalité de la déclaration. Plutôt que de donner un avis sur

23 quelque chose ou vous fournir un commentaire, voulez-vous poser une

24 question auquel le témoin puisse répondre ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est précisément ce que je suis en train de

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1 faire. J'identifie d'abord la personne en question. Puis je pose la

2 question elle-même.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Donc, les dires de M. David Fraser sont-ils exacts ou pas ? Il a fait

5 ces déclarations dans une déposition et il dit :

6 "Lorsque je suis arrivé à Sarajevo", il est arrivé le 17 avril 1994, "il y

7 avait une 9e Division de la marine et de la patrie française. Il y avait

8 une 11e Division des parachutistes française qui avait été auparavant sous

9 le commandement du général Gobillard et c'est ce général qui a remplacé le

10 général Soubirou. Cette division était constituée de légionnaires."

11 Etait-ce là des renseignements exacts, Monsieur le Témoin ?

12 R. Je pense que c'est exact effectivement. Oui, si je me souviens bien des

13 différents éléments, oui.

14 Q. Dites-moi maintenant d'où l'armée de Bosnie-Herzégovine avait-elle

15 obtenu les armes les plus sophistiquées d'origine française dans les

16 conditions de blocus --

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. Le témoin a déjà dit ne pas être au

18 courant. Il a dit ne pas savoir si ça existait, si ces armes existaient.

19 Inutile de lui poser une question à ce propos.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. S'il ne le sait pas -- je n'ai pas

21 entendu le témoin qu'il n'en savait rien, lui-même.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Etiez-vous informer de cela, Monsieur le Témoin ?

24 R. Je pensais y avoir fait allusion précédemment avant que vous ne posiez

25 cette question. Je pense que vous m'aviez demandé si je savais s'ils

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1 avaient ce que vous appelez du matériel de pointe français et j'ai dit non.

2 Mais pourriez-vous être plus précis ? Qu'est-ce que ça veut dire du

3 "matériel français" ? On parle de quelles armes ici ?

4 Q. Et bien, les armes que j'ai mentionnées et qu'ils ont obtenues de la

5 part des français. J'ai identifié les unités qui étaient présentes sur

6 place en donnant lecture de sa déposition.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ne perdons plus de temps. Le témoin a

8 déjà dit qu'il n'était pas au courant.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Avez-vous connaissance d'une lettre de protestation que le général

12 Morillon avait adressée à Alija Izetbegovic et qui portait le titre

13 "Violation des conventions de Genève ?" Et comme il se trouve que j'ai en

14 ma possession cette lettre de protestation adressée au président

15 Izetbegovic, présidence de la Bosnie-Herzégovine et sujet à violation des

16 conventions de Genève : "Vous êtes certainement conscient du fait que les

17 tirs à l'arme partant de l'hôpital s'opposent, se trouvent être au

18 contraire aux textes des conventions de Genève." Et on dit, je vais sauter

19 les détails, pour enchaîner en disant :

20 "Calibre 82 de mortiers se trouve à l'ouest de l'hôpital de Kosovo et à

21 l'intérieur de l'enceinte de l'hôpital. Ce mortier et ses servants ont

22 commencé à tirer neuf obus en se servant de l'hôpital comme écran. La

23 conséquence directe de cet acte lâche et condamnable a été celle-ci. Peu de

24 temps après, l'hôpital a été pris pour cible par une artillerie, par

25 l'artillerie anti-aérienne ainsi que par des tirs de mortiers."

Page 22995

1 Je saute encore puis on dit : "Je suis de plus en plus préoccupé par la

2 recrudescence constatée tout dernièrement et par l'augmentation de

3 discipline -- ou une -- un manque de discipline de plus en plus flagrante

4 constaté parmi vos rangs. Je dois vous mettre en garde et je dois vous

5 exhorter à prendre des mesures préventives sur le champ. Je regrette de

6 devoir vous informer que j'ai dû transmettre les détails de cet incident au

7 Comité international de la Croix-Rouge à Genève."

8 Donc, avez-vous connaissance de ces événements Monsieur Williams, ou pas ?

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Tout d'abord pourriez-vous

10 nous donner une date quand cette lettre a-t-elle été envoyée ?

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit de janvier 1993. C'est une lettre du

12 général Morillon pour Alija Izetbegovic. C'est la lettre qui m'a été

13 communiquée et ce n'est pas la seule que j'ai à ma disposition.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Puisque c'est une lettre, même si elle ne

15 se trouve pas au cours de la période pendant laquelle le témoin s'est

16 trouvé sur le terrain. Et bien, nous allons estimer que c'est un document

17 que nous demandons à voir, tout d'abord. Quelle soit présentée au témoin.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est effectivement une lettre envoyée par le

19 général Morillon comme le disait, M. Milosevic. Elle porte la date du 19

20 janvier, toute une année avant que je ne prenne fonction en Yougoslavie.

21 Comme le disait M. Milosevic, ceci renvoie à un incident très précis qui

22 s'est produit à 14 heures 30, un lundi le 11 janvier 1993. Il m'est

23 impossible malheureusement d'en parler. Cependant, je suis au courant de

24 l'existence d'un rapport. Je l'ai dit en répondant à une question posée

25 précédemment par M. Milosevic. Je sais qu'il y a eu de temps à autre des

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1 rapports faisant état de mortiers étant placés à proximité de l'hôpital

2 Kosovo à Sarajevo.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est un document que nous allons verser

4 au dossier. Le bureau du Procureur peut l'examiner.

5 Quelle sera la cote, Madame la Greffière ?

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce de la défense 147.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie. Veillez à ce que le

8 bureau du Procureur en prenne connaissance.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Pensez-vous pas Monsieur Williams, que cette lettre pour être concret,

11 et il y en a d'autres encore, constitue précisément une confirmation des

12 dires de M. Thomas Roy, observateur militaire haut gradé que j'ai cité tout

13 à l'heure ?

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est une question qu'il nous revient de

15 traiter puisque ce n'est qu'un commentaire, quant à savoir, si nous allons

16 entendre parler de M. Roy. C'est là une question dont il ne faut pas

17 demander au témoin qui la commande -- qui la commente.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Monsieur Williams, mais le siège des Nations unies ou plutôt de la

21 FORPRONU à Sarajevo se trouvait-il dans le bâtiment des PTT, des postes ou

22 pas ? Répondez-moi par un oui ou un non, tout simplement ?

23 R. Je dirais non. Le QG du secteur de Sarajevo avait sa base au bâtiment

24 des PTT, mais le QG du commandement de la BH se trouvait dans ce que l'on

25 appelait le bâtiment de la résidence qui est plus loin vers le centre de la

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1 ville. Je dirais en guise de réponse que le QG du secteur de Sarajevo était

2 bien au bâtiment des PTT.

3 Q. Donc, le siège des Nations unies pour le secteur Sarajevo se trouvait

4 au bâtiment de la PTT -- des PTT. C'est bien cela, n'est-ce pas ?

5 R. Non. Ce n'est pas contesté.

6 Q. Seriez-vous d'accord avec cette constatation-ci. On dit

7 ici : "Les Bosniens étaient portés sur le recours à l'artillerie lourde

8 pour jeter le trouble. Ils avaient tirés pour occasionner des incendies.

9 Ils avaient tiré depuis l'enceinte du -- de l'hôpital, ils avaient tiré aux

10 mortiers depuis un wagon qu'ils ont déplacé derrière le bâtiment des PTT où

11 se trouvaient les Nations unies. On tirait de là puis on quittait ses

12 positions."

13 Est-ce que vous êtes au courant de cette pratique qui avait été la leur ?

14 Je viens de vous donner citation d'un rapport d'un observateur militaire

15 haut gradé tout à fait concret, donc un exemple où il est question de faire

16 venir des mortiers dans l'enceinte des PTT, de tirer à partir de là en

17 direction des positions serbes, puis de les retirer de là-bas. C'est ce qui

18 figure dans sa déclaration à lui, donc le texte figure chez M. Groome. Est-

19 ce que vous estimez que ce -- cette allégation est exacte ou est-ce que

20 vous contestez ?

21 R. Je ne suis pas en mesure de formuler un avis quel qu'il soit. Jamais je

22 n'ai entendu parler d'un rapport précis, d'une allégation précise qui

23 concernerait l'utilisation de mortiers à proximité du bâtiment des PTT à

24 Sarajevo. Je parle de mortiers mobiles.

25 Q. Mais je n'ai pas affirmé cela à partir de sources qui seraient serbes

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1 mais c'est à partir de sources qui sont -- sources de votre observateur

2 militaire haut gradé.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pas de commentaire. Nous ne voulons pas

4 qu'il y ait en filigrane de votre contre-interrogatoire un commentaire

5 permanent. Nous voulons des questions. Allez-y.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Dites-moi, Monsieur Williams, combien de rapports sur les attaques de

8 l'armée de la Republika Srpska, précisément allant à l'égard de ce

9 commandement -- poste de commandement, à partir duquel suivant vos

10 observateurs, il a été ouvert des tirs vers leurs positions sans pour

11 autant que l'on ait précisé au préalable qu'il y avait eu des tirs passant

12 de là en direction des positions de l'armée de la Republika Srpska ? Ou

13 plutôt, est-ce que ce bâtiment du commandement des Nations unies n'avait-il

14 pas été utilisé comme abri à partir duquel l'on avait ouvert le feu en

15 direction des positions tenues par l'armée de la Republika Srpska ?

16 R. Difficile de suivre votre question. Je crois qu'il est honteux de

17 laisser entendre qu'on s'est servi du bâtiment des Nations unies comme

18 écran, comme abri. Vous semblez laisser entendre que ceci s'est fait avec

19 la quiescence des Nations unies. Je suis sûr ou la connivence des Nations

20 unies. Je suis sûr que cela n'a pas été le cas. Pendant toute cette période

21 où moi j'ai travaillé dans le cadre des Nations unies, on a déployé --

22 ménagé aucun effort chaque fois qu'il y a eu un incident de tirs.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Laissez le temps au témoin de terminer

24 parce que la question était assez confuse, difficile à suivre. Peut-être

25 que le sujet a été épuisé. A-t-on laissé entendre

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1 -- vous a-t-on laissé entendre qu'on se servait de ce bâtiment pour

2 permettre aux Musulmans de tirer, aux Musulmans et qui que ce soient

3 d'ailleurs ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Vraiment Monsieur le Juge, je dirais que non.

5 Pas que je sache.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Monsieur Williams, il faut que nous tirions les choses au clair. Je

8 n'affirme pas du tout qu'il y avait eu accord ou approbation ou entente

9 entre la partie musulmane et les Nations unies pour ce qui est de se servir

10 de ce bâtiment en guise d'écran ou d'abri. Bien au contraire. Parce que

11 s'il y avait eu connivence, il n'y aurait pas eu rapport de la part d'un

12 observateur militaire des Nations unies qui citerait cela dans sa

13 déposition en parlant de qu'on -- d'infractions --

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Peu importe ce qu'il a dit, nous l'avons

15 déjà parcouru ce terrain, je ne sais pas si vous avez d'autres sujets à

16 invoquer dans votre contre-interrogatoire, si ce n'est pas le cas, il

17 faudra terminer.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais j'en ai des sujets, j'en ai suffisamment.

19 J'espère que vous me donnerez suffisamment de temps Monsieur May, mais je

20 crois comprendre que pour aujourd'hui c'est terminé.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons travailler jusqu'à 2 h moins

22 cinq, il vous reste encore cinq minutes aujourd'hui.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Monsieur Williams, si nous ne tenons pas compte de ces faits-là, quand

Page 23000

1 je fais citation à partir de rapports fait par vos observateurs militaires

2 à vous, ne trouve t-on pas une image plutôt déformée que l'on fait des

3 Serbes, que l'on donne des Serbes ou de leur comme on le dit.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non je vous ai déjà dit plus qu'une seule

5 fois que ce genre de commentaire est dépourvu de tout intérêt. Ce que vous

6 dites à propos de votre Contre-interrogatoire est dépourvu de tout intérêt

7 et sans pertinence. Le fait que vous citez des observateurs, c'est sans

8 pertinence.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Seriez-vous d'accord avec la constatation suivante, Monsieur Williams,

11 et je vais citer un observateur militaire donc je vous demande seulement de

12 nous dire si vous êtes d'accord avec cette constatation :

13 "Le plus gros avantage des Serbes de Bosnie était leur nombre. Leur

14 armement en -- suprématie en chars et en artillerie n'a pas eu d'importance

15 pour ce qui est dans les zones urbaines et leur usage de l'artillerie et

16 des chars pour pilonner Sarajevo aux fins d'influencer la volonté du

17 gouvernement Bosnie avait eu très peu d'effet. Les pilonnages provoquaient

18 la terreur et décourageaient les attaques de l'infanterie du coté Bosnien,

19 et étant donné que ces medias internationaux se trouvaient à l'hôtel

20 Holiday Inn à Sarajevo ces medias avaient tendance à informer de ce qui se

21 passait partant de la situation en ville."

22 C'est ce que dit votre observateur. Avez-vous eu communication d'un rapport

23 de ce type de quelque rapporteur ou de quelque observateur militaire que ce

24 soit ?

25 R. Je n'ai aucun souvenir de ce rapport-là en particulier. Je peux vous

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1 faire un commentaire limité sur la teneur de cette citation. Je constate

2 que l'observateur reconnaît très clairement qu'il y a une très forte

3 inégalité en matière d'armes, entre d'un coté les forces serbes et puis de

4 l'autre, les forces de gouvernement puisqu'on parle chars d'artillerie d'un

5 coté et d'autre, d'assaut d'infanterie de l'autre. Je pense qu'il ajoute

6 quelque chose qui n'est pas faux, même si ces attaques étaient dirigées sur

7 la population civile de Sarajevo, le moral de la population n'en a pas pour

8 autant été touché, pour autant que cela a été l'objectif de l'attaque.

9 Q. Je souligne bien, Monsieur, je ne m'aventure pas pour ma part à faire

10 des évaluations sur l'équilibre dont vous parlez. Mettons cela de coté. Je

11 pense que vous n'ignorez pas que même officiellement le gouvernement de la

12 Serbie à plusieurs reprises, tant au niveau des medias et au niveau du

13 public en général, a condamné le pilonnage de Sarajevo, ça c'est une chose

14 dont vous savez. Je suppose connaissance.

15 R. J'ai connaissance du fait que de telles déclarations ont été faites de

16 temps à autre par nécessairement --

17 Q. Et ce que je veux vous demander ici c'est de savoir s'il est clair

18 qu'il s'agit non seulement d'une attaque unilatérale de la part des Serbes,

19 mais des conflits entre deux parties belligérantes en présence sur le

20 secteur de Sarajevo, est-ce que cela est contesté à vos yeux en votre

21 qualité --

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Laissez le temps au témoin de répondre.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est clair qu'il y avait une guerre, que

24 Sarajevo était un des points où se concentrait cette guerre. Si l'on veut

25 qualifier la campagne menée autour de Sarajevo à partir de l'été 1992

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1 jusqu'en automne 1995, il faudrait dire qu'il y avait une partie -- la

2 partie des Serbes de Bosnie qui, sans aucun doute, a assiégée la ville de

3 Sarajevo. Or, Sarajevo je vous le rappelle, avait été déclaré zone protégée

4 par le conseil de Sécurité des Nations unies. Ailleurs en Bosnie, ça a pris

5 une autre forme en fonction de la région ou ça se situe. Il y a eu des

6 régions, je l'ai déjà dit, notamment à Bihac, où les combats en 1994

7 avaient été déclenchés par la défense de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Monsieur Williams, mais ce n'est pas la question que je vous pose. Ce

10 que je vous pose comme question, c'est de savoir s'il est clair que c'était

11 là un conflit entre deux parties belligérantes, ce n'était une attaque

12 unilatérale de la part de l'armée des Serbes de Bosnie et, comme vous avez

13 expliqué, que c'était là une zone de sécurité, serait-il exact -- logique

14 de dire qu'à partir d'une zone protégée l'on est pas censé tirer -- ouvrir

15 le feu en direction d'un territoire qui était sous le contrôle de l'armée

16 de la Republika Srpska ?

17 R. Oui, je croyais vous l'avoir dit implicitement lorsque j'ai dit qu'il

18 y avait une guerre implicitement. Une guerre nécessite deux parties

19 belligérantes, je l'ai reconnu.

20 Q. Je suis fort aisé de vous l'entendre dire. Monsieur Williams, n'est il

21 pas évident que s'il n'y avait pas eu ouverture de tirs ou du feu à partir

22 de positions depuis Sarajevo en direction des positions tenues par l'armée

23 de la Republika Srpska, pensez vous que l'armée de la Republika Srpska

24 unilatéralement aurait ouvert le feu en direction de Sarajevo, rien que

25 pour le plaisir de le faire ?

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1 R. Je dois vous dire qu'en bien des reprises dans la majorité des cas, ce

2 fut le cas.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faut en terminer pour la journée

4 d'aujourd'hui.

5 Monsieur Williams, nous avons reçu un message selon lequel vous devez

6 rentrer à Londres demain matin, est-ce exact ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais, si je le pouvais, partir à midi

8 demain.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] On me donne l'heure de 11h15 ou de 11h30,

10 est-ce exact ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de mon départ du Tribunal,

12 oui, si c'est possible.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Voici comment se présente la situation,

14 l'accusé a disposé de 1h15 aujourd'hui. S'il a 1h et demie demain, il aura

15 ainsi bénéficier du même temps que celui qu'a eu l'accusation. Nous allons

16 voir combien de temps devait lui être accordé.

17 Mais, Monsieur Milosevic, vous n'aurez pas beaucoup plus qu'une heure et

18 demie. Rappelez-vous, vous perdez le plus clair de votre temps en

19 querellant avec le témoin. Lorsque vous essayez de forcer le témoin à être

20 d'accord avec vous, alors que la déposition du témoin va dans le sens

21 opposé. Et une partie importante du temps d'audience est consacré aux

22 tentatives que vous déployez pour faire accepter par le témoin une

23 opposition qui est contraire à la sienne.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je comprends les efforts que vous

25 déployez pour m'accorder un temps identique mais moi je vous demanderais un

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1 peu plus de temps, or, et d'autre part, j'espère que M. Williams ne

2 contestera pas le fait qu'il donne des réponses assez vastes, assez amples

3 et que nous perdons beaucoup de temps avec ces réponses.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Presque autant de temps, presque aussi

5 vaste que vos questions.

6 Quoiqu'il en soit, l'audience est levée pour aujourd'hui. Nous la

7 reprendrons demain à 9 heures. Le témoin sera présent à l'audience.

8 --- L'audience est levée à 13 heures 58 et reprendra le mercredi 25 juin

9 2003, à 9 heures.

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