Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 27 juin 2003

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, vous avez la

7 parole.

8 LE TÉMOIN: SUAD DZAFIC [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Contre-interrogatoire par M. Milosevic : [Suite]

11 Q. [interprétation] Monsieur Dzafic, vous nous avez dit que lorsque ces

12 gens étaient désarmés le même jour vers midi, il est arrivé deux autocars

13 dans le village ?

14 R. C'est cela.

15 Q. Vous avez parlé de formations paramilitaires. De quelles formations

16 paramilitaires ?

17 R. Mais de quels gens désarmés avez-vous parlé tout à l'heure ?

18 Q. J'ai parlé de la journée où on a emmené des gens au poste de police.

19 R. Ils ont été emmenés là-bas le jour d'avant.

20 Q. Donc, le jour où les unités paramilitaires sont arrivées, il n'y avait

21 personne ?

22 R. C'est cela.

23 Q. Mais quelles unités paramilitaires était-ce ?

24 R. C'était des soldats de la Défense territoriale serbe. C'était des

25 voisins à moi qui ont pris part à cela.

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1 Q. C'était des gens que vous connaissiez, si je vous comprends bien ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous les avez tous connus ?

4 R Quatre-vingt-dix pour cent d'entre eux.

5 Q. Ils étaient tous originaires de la municipalité de Bratunac, n'est-ce

6 pas ?

7 R. Quatre-vingt-dix pour cent d'entre eux étaient venus des villages à

8 proximité du mien.

9 Q. En page 4, dans le premier paragraphe de votre déclaration, vous avez

10 dit que pendant que vous attendiez sur le terrain de foot de Bratunac, un

11 certain Fadil Habibovic était venu ?

12 R. Oui.

13 Q. Pourquoi l'a-t-on fait venir parmi lui -- parmi tous ces gens qui se

14 trouvaient là. Il les connaissait probablement tous, vous vous connaissiez

15 tous entre vous, n'est-ce pas ?

16 R. Vous parlez de gens qu'il emmenait.

17 Q. Oui. Vous avez dit que c'était tous des voisins.

18 R. Les gens qui ont emmené Fadil, je ne les ai pas connus du tout. Je ne

19 les connaissais pas.

20 Q. Vous avez dit que Fadil Habibovic a été emmené à Krasno Polje ?

21 R. Oui.

22 Q. Et vous dites que vous -- qu'il a été tué là-bas.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est le paragraphe 20, Messieurs les

24 Juges.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, oui, nous l'avons retrouvé.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Vous avez dit qu'il a été emmené vers sa maison de Krasno Polje et

3 qu'il a été tué là-bas.

4 R. Oui.

5 Q. Qui vous a dit cela ?

6 R. Je n'arrive pas à me souvenir du nom de la personne.

7 Q. Mais pourquoi l'a-t-on ramené là-bas, pour quelle raison ?

8 R. D'après les récits de certaines personnes, Fadil Habibovic était une

9 personne aisée, un homme riche.

10 Q. Et cela avait pu être la raison, n'est-ce pas ?

11 R. A mon avis, oui.

12 Q. Mais vous n'avez pas du tout vu ce qui lui est arrivé ?

13 R. Non. J'ai juste vu quand on l'a emmené.

14 Q. On a interpellé un certain Omer Muminovic ici ?

15 R. Oui.

16 Q. Et à part ces deux-là, a-t-on interpellé quelqu'un d'autre ?

17 R. Non.

18 Q. Vous dites que le mot Muminovic, il lui est rien arrivé ?

19 R. Non, lui. Il est revenu.

20 Q. Il est revenu. Donc Habibovic n'est pas revenu. Muminovic est revenu et

21 pour le premier vous avez dit qu'on vous a raconté qu'il avait été tué,

22 n'est-ce pas ?

23 R. J'ai entendu dire qu'il avait été tué par Novo.

24 Q. Qui est ce Novo ?

25 R. Un voisin à moi, un ex-chauffeur de taxi à Bratunac.

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1 Q. Vous parlez d'un certain Jasmin Muminovic et vous dites qu'on a

2 retrouvé un sac militaire sur lui et qu'il a été emmené au MUP pour être

3 interrogé ?

4 R. Oui.

5 Q. Ce Jasmin Muminovic était-il en membre de la famille de Omer ?

6 R. Oui. C'était son père. Omer a été emmené puis relâché.

7 Q. Et qu'est-il arrivé à Jasmin ?

8 R. Jasmin a été emmené au poste de police de Vlasenica pour être interrogé

9 puis il a été relâché.

10 Q. Donc, il a été emmené pour cause de matériel militaire qu'on a trouvé

11 chez lui, puis on l'a relâché ?

12 R. Je ne sais ce qu'il avait comme équipement ou matériel mais il était

13 rentré deux jours auparavant de son service militaire de la JNA.

14 Q. Vous avez ensuite dit que 32 détenus, des hommes, comme vous le

15 précisez, en âge de faire leur service militaire, ont a été emmenés vers le

16 MUP ?

17 R. Non, pas au MUP. Dans une pièce du MUP mais qui faisait office de

18 prison.

19 Q. Mais c'était dans le bâtiment du MUP ?

20 R. Non, à côté.

21 Q. Une prison ordinaire ?

22 R. Je ne sais pas si c'était une prison mais j'avais l'impression que

23 c'était une prison. Je n'y suis jamais allé à Vlasenica ni à la police, ni

24 à la prison. Donc, je ne sais pas si c'était effectivement le bâtiment de

25 la prison.

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1 Q. Mais vous dites que la cellule où vous avez été installé faisait à peu

2 près trois mètres sur cinq ?

3 R. A peu près, trois sur cinq.

4 Q. Et vous êtes entré à 32 à l'intérieur, puis il est arrivé encore cinq

5 soldats. Ils ont commencé à vous tabasser ?

6 R. Non. Ce n'était pas des soldats, c'était des civils.

7 Q. Qui était ces civils ?

8 R. Eux, ils ont été emmenés ultérieurement.

9 Q. Mais ces civils, ils venaient de votre région à vous aussi ?

10 R. Oui.

11 Q. Dites-moi, je vous prie, comment se peut-il que dans une pièce si

12 petite que cela, trois sur cinq, il y ait 32 hommes et qu'il y a encore

13 cinq civils qui peuvent entrer et les battre ?

14 R. Dans cette pièce, il n'y avait que des civils. Il y avait 32 hommes et

15 cinq civils. C'était tout des civils. Nous étions 37, oui. C'est possible.

16 Tout est possible.

17 Q. Je comprends cette réponse au terme de laquelle tout serait possible.

18 Dites-moi, je vous prie, pour passer à l'événement où un certain macédonien

19 est arrivé dans l'autocar où vous vous trouviez, il vous a dit de sortir

20 par la porte arrière, en gros vous êtes quatre ou cinq hommes. C'est bien

21 ce que vous avez déclaré en page 6, paragraphe 5 ?

22 R. Oui.

23 Q. Où vous trouviez vous à ce moment-là ?

24 R. Nous étions à l'entrée de Kasaba.

25 Q. Est-ce que ça se trouvait, cela signifie que vous étiez déjà en ville ?

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1 R. Non.

2 Q. Donc c'était à l'entrée de Kasaba, dites-vous ?

3 R. Oui.

4 Q. A quelle distance vous trouviez-vous de la ville parce que Kasaba, je

5 ne sais pas si c'est une ville ?

6 R. Ce n'est pas véritablement une ville. Disons que c'est une bourgade.

7 Q. Bon, un bourg. A l'entrée du bourg ?

8 R. Oui, à l'entrée.

9 Q. Vous indiquez ensuite qu'un premier groupe est descendu de l'autocar et

10 que les soldats les abattaient sur place, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Et juste là, à l'entrée de la ville ? De la bourgade ?

13 R. Oui, à l'entrée de cette bourgade.

14 Q. De quelle distance a-t-on tiré ?

15 R. Je ne sais vous dire. Je n'ai pas eu le temps de compter les pas ou les

16 mètres.

17 Q. Mais vous devez avoir une idée ?

18 R. J'ai une idée. L'autocar s'était arrêté sur la route goudronnée et il y

19 avait des gens à côté de la porte arrière, derrière et d'autres se

20 trouvaient devant l'autocar. Il y avait un blindé de transport de troupes à

21 l'avant de l'autocar et eux là-bas, ils ont pris part aux tirs également.

22 Ils ont traversé le pré et ils ont tiré.

23 Q. Mais dites-moi, est-ce qu'on vous a tiré dessus, à vous, dès que vous

24 êtes sorti de l'autocar ?

25 R. Quand je suis sorti de l'autocar, j'ai entendu proféré un ordre disant

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1 qu'il fallait fuir par les prés, les champs. Alors j'ai réussi à m'écarter,

2 à m'éloigner de la route goudronnée parce que ceux qui descendaient,

3 derrière l'autocar, il y avait des champs et on les a abattus là, tout de

4 suite sur place.

5 Q. Mais je ne comprends pas très bien, parce que vous dites qu'au fur et à

6 mesure qu'ils descendaient de l'autocar, on leur tirait dessus ?

7 R. Je n'ai pas dit on leur tirait. On sait qui leur a tiré dessus.

8 Q. Oui. Vous venez de nous dire qui étaient ces gens-là.

9 R. Non. Les gens qui m'ont chassé du village n'étaient pas ces mêmes gens.

10 Je n'arrive plus à rattacher les éléments. Je ne m'y retrouve plus.

11 Q. On ne vous a pas tiré dessus ? Ce n'était pas les gens qui vous avait

12 chassé de là-bas et qui vous avait emmené ? Qui vous a tiré dessus ?

13 R. Ceux qui m'ont chassé du village, qui m'ont expulsé du village

14 n'étaient pas là. C'était des gens qui étaient venus d'autres personnes qui

15 étaient venus à Vlasenica.

16 Q. Mais qui sont ces gens qui sont venus à Vlasenica ?

17 R. D'après ce que j'ai appris par la suite, c'était des membres du peloton

18 de sabotage de Vukovar et j'ai remarqué qu'ils portaient des uniformes des

19 Tigres d'Arkan, des Aigles blancs, ça c'étaient des hommes en uniformes, en

20 uniformes vert olive. J'en connaissais un, Pero Mitrovic, c'était un voisin

21 à moi. Lui, il a pris une part active à tout cela. Lui, il portait un

22 uniforme vert olive et comme j'avais fait le service dans la JNA, il avait

23 cette espèce de pèlerine et il avait un fusil à lunette et j'ai vu une

24 personne qui était en short ordinaire. Puis il y avait des gens en

25 uniformes de camouflage.

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1 Q. Donc, certains étaient avec des pèlerines et d'autres avaient des

2 shorts ?

3 R. Oui. Ils y en avaient qui étaient vêtus de façon variée.

4 Q. Donc, vous nous dites que vous avez été blessé dans quatre parties de

5 votre corps, et ce, à partir de -- par fusil et par mitraillette. C'est

6 bien ce que vous avez dit ?

7 R. Oui. J'ai été blessé du côté droit et j'ai reçu quatre balles. On

8 m'avait tiré dessus avec une mitrailleuse lourde.

9 Q. Où est-ce que vous avez été blessé au juste ?

10 R. A l'estomac, à la jambe, deux balles dans la jambe, à la hanche.

11 Q. Vous avez une documentation médicale pour le prouver ?

12 R. Non mais j'ai des cicatrices visibles.

13 Q. Comment savez-vous quelles sont les balles qui vous ont touchés ?

14 R. Je le sais tout simplement. La blessure que j'ai devait provenir d'un

15 endroit en sur élévation parce que cette balle était venue de la

16 mitrailleuse qui se trouvait juchée sur le blindé de transport de troupes.

17 Q. Je ne comprends pas cette situation étant donné que vous venez ou,

18 plutôt dans la déclaration que vous avez faite en date du 15 juin 1993 au

19 centre des services de sécurité de Tuzla, vous avez décrit l'événement en

20 question d'une façon quelque peu différente.

21 R. Oui.

22 Q. Et dans la page 5, vous dites que vous avez entendu des tirs à partir

23 de ce blindé transport de troupes et que vous avez vu un groupe sorti de

24 l'autocar et qu'on lui avait donné l'ordre de se diriger vers les champs

25 non loin de là.

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1 R. Je ne pense pas avoir dit cela; ce n'était pas passé ainsi, ça s'est

2 passé comme je viens de vous le raconter.

3 Q. Moi j'ai votre déclaration sous les yeux, la déclaration que vous avez

4 faite auprès de ce centre de Tuzla. Ce n'est pas tout à fait lisible, je

5 l'admets.

6 M. NICE : [interprétation] Vous souhaitez un exemplaire, Messieurs les

7 Juges.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Je pense que ce serait nécessaire.

9 M. NICE : [interprétation] Il faudrait que le témoin dispose d'un document.

10 Je ne sais pas si nous en avons la version B/C/S pour lui, ceci se trouve

11 également à la page 5, que ce soit en anglais ou en B/C/S. Je vais remettre

12 à l'Huissier la version B/C/S à l'intention du témoin. Il l'a déjà.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Vous dites à la fin de la page, j'ai vu qu'un groupe était sorti de

15 l'autocar et on leur a donné l'ordre de se diriger vers les champs.

16 M. NICE : [interprétation] C'est à peu près à la huitième ligne de la page

17 5.

18 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pourriez-vous nous préciser ceci ?

20 M. NICE : [interprétation] En anglais, c'est à la page 5, mais en partant

21 du bas, alors que dans la page en B/C/S c'est à partir du haut. Je pense

22 que c'est bien le passage auquel l'accusé fait référence lorsque la

23 personne se dirige vers les champs.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Donc dites moi, leur a-t-on tiré dessus sur place ou leur a-t-on donné

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1 l'ordre de se diriger vers les champs pour que nous coordonnions un peu ces

2 deux déclarations. Tout à l'heure vous avez dit que ce n'était pas exact,

3 mais c'est ce qui est écrit ici.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, Monsieur le Témoin. Ne semez

5 pas la confusion dans l'esprit du témoin s'il vous plaît.

6 Un instant, un instant Monsieur Milosevic, est-ce que vous avez trouvé cet

7 extrait, ce passage Monsieur Dzafic, dans la déclaration fournie au centre

8 de sécurité ? Est-ce que vous avez trouvé ce passage ? Vous voyez. On dit

9 j'ai vu un groupe qui avait été emmené et qui avait reçu l'ordre d'aller

10 vers le champ; les soldats serbes leur ont tirés dans le dos et des gens se

11 sont effondrés au sol. Phrase suivante : 5 ou 6 personnes aient été prises

12 du bus, emmenées dans ce champ et là, ils étaient abattus par des rafales

13 de fusils automatiques et des rafales de mitrailleuses antiaériennes, avez-

14 vous un commentaire à faire à ce propos, Monsieur le Témoin ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils n'ont pas été emmenés vers les champs en

16 descendant des autocars. On leur a tiré dessus tout de suite, après on leur

17 a laissé le temps de descendre, d'avancer quelque peu et de se trouver

18 devant les soldats et on leur a tiré dessus.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. C'est pour ça je lui ai posé la question parce que vous venez de dire

21 qu'ils s'étaient éloignés de 30 ou 40 mètres, et dans cette déclaration --

22 ci -- on vous dites qu'on leur a tiré dessus dès qu'ils étaient descendus

23 de l'autocar. Alors où est la vérité ?

24 R. Il se peut que les cinq ou les six dernières personnes qui se soient

25 éloignées du goudron d'une quarantaine de mètre mais s'était le dernier

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1 groupe qui était sorti.

2 Q. Bien. Dans la déclaration faite aux enquêteurs, vous affirmez que vous

3 avez été touché dès que vous êtes sortis de l'autocar, alors qu'aux

4 instances de sécurité de Tuzla, vous avez dit qu'on vous avait donné

5 l'ordre de vous enfuir et que vous avez traversé 30 ou 40 mètres.

6 R. J'ai été touché lorsque je suis sorti de l'autocar. Je n'ai pas été

7 touché lorsque j'étais dans l'autocar. Ce n'était pas des minutes, vous

8 savez, c'était des secondes. J'étais sorti de l'autocar, l'ordre a été

9 tombé de courir par les champs, j'ai couru, et ça s'est passé ainsi.

10 Q. Veuillez m'indiquer parce que vous venez de nous dire que les gens qui

11 vous avaient tiré dessus avaient par la suite cherché les survivants.

12 R. Oui.

13 Q. Et, ensuite ils ont tiré dans chacun d'entre eux avec un revolver.

14 R. J'ai pas compris.

15 Q. Est-ce qu'ils ont recherché des survivants dans chaque groupe ou alors

16 seulement lorsque vous avez été touché ?

17 R. J'ai été dans le dernier groupe et quand ils ont tout terminé, ils sont

18 allés de l'un à l'autre pour voir s'il y avait des survivants.

19 Q. Et ils sont arrivés jusqu'à vous et juste à ce moment-là ils s'étaient

20 discutés entre eux, vous le dites en page 6, paragraphe 13.

21 R. Vous dites quoi ?

22 Q. Quand ils sont arrivés ils s'étaient disputés.

23 R. A proximité de là où j'étais, c'était pas des kilomètres, c'était plus

24 à 10 ou 20 m de là où j'étais.

25 Q. Donc, ils sont discutés, ils sont repartis ?

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1 R. Ils ont vérifié qui étaient vivants et Pero Mitrovic et le Makedonac

2 s'étaient discutés entre eux. Ils disaient que cela ne devait pas avoir été

3 fait à côté de la grande route. Et il fallait monter dans le véhicule,

4 disait l'un d'entre eux, et on a entendu des bruits des moteurs pulsion. Et

5 moi je me suis redressé, plutôt, j'ai relevé la tête après.

6 Q. Vous dites que vous êtes resté allongé encore deux heures ?

7 R. Non, j'avais besoin deux heures pour arriver jusqu'à l'endroit où je me

8 suis installé. Après moi, les deux autres survivants sont arrivés au bout

9 de deux heures.

10 Q. Écoutez dernier paragraphe de la page 6.

11 Vous dites :

12 "J'étais allongé au sol encore deux heures."

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, le témoin vient de

14 rectifier la teneur de ce paragraphe,

15 Il a dit :

16 "Je me suis relevé tout de suite et j'ai essayé de me diriger vers des

17 hameaux musulmans." un hameau musulman, se corrige l'interprète.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Kwon.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous faites référence maintenant à quelle

20 déclaration, celle faite au centre de sécurité ou celle faite au bureau du

21 Procureur ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, c'est la déclaration faite aux enquêteurs.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, il s'agit du

24 paragraphe 50.

25 L'INTERPRÈTE : Les interprètes sauraient gré, Maître Tapuskovic, d'attendre

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1 que les uns aient terminé de parler.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, nous allons examiner et la

3 déclaration et la correction.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Donc, vous n'étiez pas allongé encore 2 h mais dès que vous vous êtes

6 éloigné, vous êtes reparti.

7 R. Oui, je me suis relevé et je me suis parti.

8 Q. Et, étant donné que vous étiez blessé à quatre endroits, vous avez dit

9 que vous avez deux balles dans la jambe et une à l'estomac et une autre à

10 la hanche.

11 R. Oui.

12 Q. Vous êtes dirigé vers le village -- le hameau.

13 R. Je ne sais pas quel village, c'était -- j'étais -- je m'étais dirigé

14 pour chercher un abris et par la suite, il s'est avéré que ce village

15 s'appelle Celokovic, c'était un petit village avec quelques maisons

16 seulement.

17 Q. Mais à quelle distance ce village se trouve t-il du site des

18 événements.

19 R. Et bien, je ne sais pas exactement. Je crois que j'ai mis deux heures

20 pour y arriver. Il se peut que si je n'avais pas été blessé, j'aurais mis

21 une trentaine de minutes à peine ou environ.

22 Q. Vous avez pu marcher avec ses quatre blessures ?

23 R. J'ai dû avancer. J'ai essayé de m'arranger mais la douleur ne me

24 laissait pas de répit; la douleur était lancinante.

25 Q. Vous avez précisé que : "Au bout de deux heures, deux survivants ont

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1 été emmenés au village."

2 R. Oui.

3 Q. Qui les a emmenés ?

4 R. Deux gens de ce village, des villageois.

5 Q. Dans la déclaration que vous avez fait à Tuzla, vous avez précisé que

6 leurs blessures étaient des blessures légères ?

7 R. Oui.

8 Q. Quels types de blessures avaient-il eues ?

9 R. Rama Garic avait une blessure au bras gauche et Sado Mujic avait été

10 effleuré seulement au bras ici. On lui avait juste enlevé un bout de la

11 peau et il avait été blessé par revolver. Ils m'ont raconté qu'au moment où

12 ils descendaient, ils n'ont pas été blessés mais ce n'est que par la suite

13 lorsque on leur a ouvert le feu vers eux qu'ils ont été touchés.

14 Q. Donc, ils sont restés après vous sur les lieux des événements, n'est-ce

15 pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Ceux qui avaient des blessures légères sont restés là après vous et

18 vous grièvement blessez, vous avez pu vous en aller avant ?

19 R. Oui. Parce que la douleur ne me -- était lancinance, je ne pouvais pas

20 rester alors j'ai dû me relever et ce que la peur ait joué un rôle

21 déterminant.

22 Q. Monsieur Dzafic, puisque vous nous relatez ici qu'il y a eu un certain

23 nombre de personnes, vous avez parlé d'hommes originaires de votre région,

24 n'était-ce pas là des gens qui ont été blessés dans les unités de Naser

25 Oric dans cette région, plutôt que d'affirmer que c'était des gens

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1 exécutés ?

2 R. Je n'ai pas bien entendu.

3 Q. Monsieur Dzafic, ne s'agit-il pas ici de gens qui ont péri dans des

4 combats au sein des unités de Naser Oric dans la région même et qu'il ne

5 s'agit pas d'exécutions ?

6 R. De quels combats et de quelles unités parlez-vous ?

7 Q. Dans cette région il y avait des unités musulmanes ?

8 R. Vous parlez des gens de la liste ?

9 Q. Oui.

10 R. Non.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Dzafic, l'accusé laisse

12 entendre, il faut pouvoir vous donner le temps de répondre qu'il est laissé

13 entendre par l'accusé qu'il n'y a pas eu du tout d'exécutions ? Est-ce

14 vrai, est-il possible que ce soit le cas, qu'il n'y a pas eu d'exécutions ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu des exécutions, ces uns figurant

16 dans la liste ont été exécutés.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Vous affirmez que ces hommes qui font partie de la liste ne se

19 trouvaient pas dans les unités de Naser Oric, n'ont pas été tués aux

20 combats ? Vous dites que ces hommes ont été exécutés par ces autres

21 hommes ?

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, c'est ce que le témoin a dit et vous

23 l'avez entendu.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon. Je n'ai pas d'autres questions à poser à

25 ce témoin.

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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Nous n'avons pas de questions à poser à ce

2 témoin ?

3 M. NICE : [interprétation] J'aurais deux questions supplémentaires ?

4 Nouvel interrogatoire par M. Nice :

5 Q. [interprétation] Monsieur Dzafic, on vous a posé des questions à propos

6 de l'ultimatum qui avait été donné consistant à rendre les armes. Lorsque

7 cet homme est venu pour vous donnez cet ultimatum, est-ce qu'il avait avec

8 lui des listes ?

9 R. Oui.

10 Q. Avez-vous appris la teneur de cette liste à un moment donné ?

11 R. Il avait une liste en mains et il a dit que : "D'après cette liste,

12 nous avions reçu des armes."

13 Q. Y avait-il la moindre vérité dans ce qu'il disait ?

14 R. Non.

15 Q. L'accusé a laissé entendre que vous avez concocté ceci, tout ceci, tout

16 ce récit de l'exécution ? Combien de membres de votre famille y avait-il

17 parmi ceux qui ont péri au moment où ils sont sortis de cet autobus ?

18 R. Quatre-vingt-dix pour cent de ces gens étaient des parents à moi et

19 pour ce qui est de ma maison familiale, mon frère, mes deux frères ont été

20 tués.

21 Q. Et l'accusé laisse entendre que vous-même, votre père ainsi que vos

22 deux frères notamment combattaient pour Naser Oric, qu'ils ont été tués et

23 que vous vous avez été blessé au cours de ces combats ? Y a-t-il la moindre

24 once de vérité dans tout ceci ?

25 R. Non. Ce n'est pas vrai. La vérité c'est que nous avons été capturés

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1 alors que nous étions chez nous. Nous avons -- on nous a sortis et nous

2 avons été tués, nous étions des civils.

3 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser. Je

4 relève que l'accusé a même contesté que ce témoin ait été blessé. Le témoin

5 a offert qu'on voit les traces, les séquelles de ses blessures mais il me

6 semble qu'il ne soit pas, qu'il n'est pas correct de procéder à ce genre

7 d'examens.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Tout à fait. Vous en avez terminé.

9 M. NICE : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons donner une cote pour ce qui

11 est de cette déclaration faite au service de sécurité publique.

12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce de la Défense

13 153.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je me demande s'il ne serait plus

15 efficace d'en faire une déclaration de l'accusation puisque nous avons

16 toujours eu pour pratique d'agir de la sorte. On a toujours dit que ce

17 serait jusqu'à présent une pièce de la Défense, mais est-ce vraiment

18 utile ?

19 M. NICE : [interprétation] Pour retrouver ce document, ce serait peut-être

20 plus commode de suivre la numérotation.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Puisque c'est tout un jeu de pièces,

22 n'est-ce pas ?

23 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas vraiment regardé s'il y avait ces

24 différences comme cela a été affirmées. Je crois qu'elles sont plus

25 apparentes que réelles.

Page 23253

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] S'adressant à la greffière hors micro.

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de l'accusation 474.

3 M. NICE : [interprétation] C'est Mme Hildegarde Uertz-Retzlaff qui va

4 procéder à l'interrogatoire principal du témoin suivant.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Dzafic, nous vous remercions

6 d'être venu déposer au Tribunal pénal international. Votre déposition est

7 désormais terminée. Vous pouvez vous retirer.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

9 [Le témoin se retire]

10 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

11 Juges, notre prochain témoin sera Imra Agotic et il n'a pas demandé de

12 mesures de protection.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce de l'accusation

14 475. Ceci concerne la pièce sera accordée, ou attribuée plus exactement, au

15 jeu de documents présentés par le truchement du témoin Imra Agotic. Ce sera

16 la pièce 475.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais demander au témoin de prononcer

18 la déclaration solennelle.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la

20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 LE TÉMOIN: IMRA AGOTIC [Assermenté]

22 [Le témoin répond par l'interprète]

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci, Monsieur. Veuillez vous asseoir.

24 Madame Uertz-Retzlaff.

25 MME RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 23254

1 Interrogatoire principal par Mme Uertz-Retzlaff :

2 Q. [interprétation] Monsieur, veuillez décliner votre identité.

3 R. Je m'appelle Imra Agotic.

4 Q. Est-ce qu'avant la guerre, vous étiez un soldat militaire de carrière

5 au sein de la JNA et plus tard dans l'armée de Croatie ?

6 R. C'est exact.

7 Q. A quel moment, êtes-vous parti à la retraite de l'armée de Croatie. Et

8 quel grade -- aviez-vous à ce moment-là, à votre retraite ?

9 R. Je suis parti à la retraite le 2 juillet 1991. A ce moment-là, j'étais

10 colonel.

11 Q. Ça c'est au moment de la JNA. Et à quel moment avez-vous pris votre

12 retraite alors que vous étiez dans l'armée de Croatie. Quel grade aviez-

13 vous à ce moment-là ?

14 R. C'est exact. Ma retraite, à ce moment-là a commencé le 30 décembre

15 2002.

16 Q. Quel grade aviez-vous ?

17 R. J'étais général de Corps d'armée 4 étoiles.

18 Q. Et vous étiez militaire de carrière. Mais outre cela, est-ce que vous

19 avez aussi une maîtrise de la Faculté de sciences politiques de

20 l'Université de Zagreb ?

21 R. Effectivement, j'ai une maîtrise en relations internationales que j'ai

22 obtenue en 1985.

23 Q. Et que faites-vous aujourd'hui ?

24 R. Aujourd'hui, je suis conseiller du président du la république de

25 Croatie pour des questions de sécurité nationale.

Page 23255

1 Q. Vous avez préparé votre déposition. Dans ce cadre, est-ce qu'avec des

2 membres du personnel du bureau du Procureur, vous avez dressé une liste de

3 votre bagage professionnel, de votre parcours professionnel ?

4 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est l'intercalaire 1.

5 Q. Est-ce que vous avez passé en revue ce document. Estimez-vous qu'il est

6 exact ?

7 R. Oui. J'ai sous les yeux un document qui est exact.

8 Q. Avant que n'arrive le mois de mai 1990, Monsieur le Témoin, je n'ai

9 plus besoin de ce premier document. Je pense que nous pouvons le laisser de

10 côté.

11 Avant le mois de mai 1990, les armes de la TO, où étaient-elles

12 entreposées. Qui en avait le contrôle ?

13 R. Je n'ai pas tout à fait entendu la dernière partie de votre question.

14 Q. Où les armes de la TO étaient-elles entreposées avant mai 1990. Et qui

15 avait le contrôle de ces armes ?

16 R. Est-ce que vous pensez aux armes de la Défense territoriale de la

17 république de Croatie ?

18 Q. Oui.

19 R. Ces armes de la Défense territoriale de la république de Croatie

20 jusqu'au mois de mai 1991, étaient entreposées dans des arsenaux de la TO,

21 de cette république de Croatie. Les officiers de la Défense territoriale de

22 la république de Croatie avaient le droit de s'en servir et de les

23 contrôler.

24 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je vais demander l'aide de l'Huissier

25 pour présenter au témoin la pièce 447, en son intercalaire 3. Il s'agit

Page 23256

1 d'un ordre donné par le général Adzic, le 14 mai 1990. Il concerne le

2 transfert d'armes et de munitions de la TO.

3 Q. Connaissez-vous cet ordre, Monsieur le Témoin ?

4 R. Oui. Je le connais. Cependant dans le cours de l'année 1992, je n'ai

5 pas vu cet ordre. Parce qu'à ce moment-là, je n'étais pas en fonction.

6 Cependant, j'en ai pris connaissance plus tard au moment où j'ai rejoins

7 l'armée de Croatie.

8 Q. Il est dit ici dans le petit paragraphe au-dessus du terme "ordre", une

9 référence. On parle de la conservation et de l'entreposage en sécurité de

10 ces armes. Est-ce qu'à ce moment-là, il y avait un décret de précarité ou

11 d'insécurité s'agissant de la façon dont ces armes étaient entreposées dans

12 les arsenaux de la TO ?

13 R. Si vous parlez de sécurité, bon, ces armes étaient bien protégées dans

14 les entrepôts. Mais à partir du rapport établi suite à l'inspection

15 principale qui avait eu lieu plusieurs mois avant cet événement, au moment

16 où il y a eu transfert et prise en main de ces armes, il y avait contrôle

17 de certains arsenaux ou entrepôts de la Défense territoriale.

18 Q. Ici, au premier paragraphe, on fait également référence. Je parle du

19 premier de cet ordre.

20 On dit :

21 "Qu'en vu de l'absence d'espace d'entreposage dans ces dépôts et arsenaux,

22 et on parle des locaux qui se prêteraient mieux à l'entreposage de ces

23 armes."

24 Autre référence, celle qui est faite aux pièces se trouvant dans les

25 casernes. Pensait-on que ces endroits étaient plus sûrs que les entrepôts

Page 23257

1 de la TO ?

2 R. Ce premier paragraphe, ainsi que la totalité de l'ordre ne consistait

3 pas à donner des meilleures conditions de sécurité pour la surveillance ou

4 la conservation des armes. L'objectif poursuivi par cet ordre, c'était au

5 fond de remplacer les gardes de la TO et du ministère de l'Intérieur qui

6 surveillait cet entrepôt jusqu'alors de les remplacer, disais-je, par des

7 gardes de la JNA.

8 Q. Il est fait également référence à des cas exceptionnels où il y aurait

9 des armes de la TO qui ne seraient pas placés à l'intérieur de ces dépôts

10 de la JNA. Il est dit :

11 "Ici, qu'il faut les conserver dans les dépôts de la TO, gardés et

12 surveillés par des unités de la JNA."

13 Qu'est-ce que ceci a eu comme effet ?

14 R. C'est tout à fait exact. Ceci corrobore ce que je viens de dire.

15 L'objectif étant de changer le type de gardes pour que ce soit une autre

16 "compagnie" qui contrôle et surveille ces armes. L'effet ce fût que la

17 Défense territoriale de la République de Croatie n'avait plus de pouvoir de

18 contrôle de ses propres actifs, de ses propres biens.

19 Q. Et est-ce que le gouvernement de Croatie a appliqué cet ordre ?

20 R. Il y a eu parfait respect, parfait application de cet ordre. Tout ce

21 qui est resté à la disposition du gouvernement de Croatie se trouvait dans

22 un entrepôt, plutôt une société de Zagreb qui portait le nom de Mega et ça

23 représentait quelque chose comme 30 armes puisqu'ils étaient refusés de

24 remettre leurs armes. Tous les autres en Croatie avaient effectivement

25 remis leurs armes à la Défense territoriale.

Page 23258

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je n'ai pas, dans le jeu de pièces, cet

2 ordre d'Adzic. Il y a un rapport établi par le colonel mais je n'ai pas cet

3 ordre.

4 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Vous avez un jeu séparé de pièces qui

5 ont une page de garde verte. Ce sont des pièces déjà versées au dossier

6 dans lequel se trouve cet ordre.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faudrait que ce soit dit plus

8 clairement.

9 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Le document se trouve à

10 l'intercalaire 2, dans le jeu de nouveaux documents, Monsieur le Président.

11 Je le précise. L'intercalaire 2, disais-je.

12 Q. Monsieur général, jetez-y si vous le voulez bien un coupable d'œil

13 rapide. C'est un exemple qui montre que cet ordre a été appliqué. Ici la

14 municipalité concernée, celle de Split, et on dit qu'on a exécuté l'ordre.

15 La date est celle du 21 mai 1990. Est-ce là un exemple parmi d'autres,

16 parmi tant d'autres. Est-ce une lettre qui constitue un de ces nombreux

17 exemples ?

18 R. Exact. C'est de cette façon-ci qu'on faisait état de l'exécution des

19 missions. Ici en l'occurrence, il y a transferts des munitions de la

20 Défense territoriale vers des entrepôts de la JNA.

21 Q. Pourriez-vous nous donner un ordre de grandeur s'agissant du nombre

22 d'armes de la TO qui ont été transférées au cours du mois de mai 1992, de

23 façon très approximative.

24 R. La TO de la République de Croatie a remis quelque 180 000 fusils à la

25 JNA. Il y avait donc des armes légères, à canons longs. Quelque 60 mortiers

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1 ont été remis. Un grand nombre de canons de défense antiaérienne, en fait,

2 tout le matériel disponible a été remis et transféré. Il y avait aussi des

3 armes de plus faibles calibres, de 20 millimètres et toutes les munitions

4 ont été également, qui étaient disponibles à l'époque, ont été également

5 transférées. Et ceci jusqu'à cinq jeux de tenues de combat et d'appareils

6 de combat. Donc, ça représentait plusieurs millions de balles, de faibles

7 jusqu'à calibre -- de calibres faibles à calibres très élevés.

8 Q. Vous avez déjà dit que vous avez quitté la JNA de votre plein gré, le 2

9 juillet 1991. Pourquoi avez-vous quitté la JNA ?

10 R. C'est exact. J'ai écrit cette demande le 2 juillet, dans l'après-midi

11 et l'après-midi j'ai été informé qu'une décision avait été prise

12 m'accordant l'autorisation de partir. C'est à cause de l'intervention de la

13 JNA et de l'opération menée par la JNA en Slovénie. C'était la goutte d'eau

14 qui a fait débordé le vase. C'est à ce moment-là que j'ai perdu patience et

15 que j'ai décidé que je ne serais plus officier de la JNA.

16 Q. Et est-ce qu'à ce moment-là, vous avez rejoint le ZNG ?

17 R. Exact. J'ai offert mes bons offices au gouvernement de la République de

18 Croatie. J'ai été accueilli par le président et il m'a dit que je serais

19 son conseil militaire dans cinq jours. Cinq jours plus tard, il m'a donné

20 l'ordre de prendre le commandement du Corps national des gardes. Donc, je

21 suis devenu chef d'état major de la ZNG.

22 Q. Et vous avez occupé ce poste pendant combien de temps ?

23 R. Je suis resté chef d'état major et commandant de la ZNG jusqu'au 21

24 septembre 1991. A ce moment-là, le Grand état major de l'armée de Croatie a

25 été constitué et le général Anton Tus a été nommé chef de ce Grand état

Page 23260

1 major.

2 Q. Au moment où vous avez rejoint la ZNG, qu'elles étaient ces effectifs

3 et combien d'armes avaient la ZNG ?

4 R. Elle a été constituée dans le cadre du ministère de l'Intérieur de la

5 République de Croatie. A l'époque où j'ai rejoint ces rangs, la ZNG

6 comptait quatre brigades. Il y avait un degré d'utilisation ou des

7 effectifs à 80 pour cent. Ce qui veut dire aussi qu'il y avait donc de

8 8 000 à 9 000 hommes et ces effectifs disposaient seulement de 30 pour cent

9 des armes dont ils auraient eu besoin pour ce qui est des armes à longs

10 canons. Je parle là des fusils.

11 Q. Et qu'elle était l'état d'organisation de ces brigades ? Est-ce qu'il y

12 avait des soldats professionnels, de carrière dans ces unités ?

13 R. Au départ, ce Corps de la garde nationale était tout de suite une armée

14 professionnelle. Des hommes se sont portés volontaire pour en faire partie

15 et au moment où j'ai été commandant de ce corps, les hommes qui

16 rejoignaient ce corps étaient des volontaires.

17 Q. Et est-ce que c'était une structure très organisée au moment où vous

18 avez voulu en faire partie ? Quel était le degré ou la qualité de

19 l'organisation ?

20 R. Etant donné que le ZNG était composé au départ d'hommes qui n'avaient

21 pas vraiment d'expérience militaire, ni de formation militaire, ils

22 n'étaient pas sortis d'Académie militaire, d'école militaire. Il était

23 impossible que le ZNG soit organisé à ce moment-là aussi bien qu'elle le ne

24 fût plus tard. Parce que plus tard, il y a eu des stages de formation. Il y

25 a eu l'expérience gagnée au combat. On peut donc dire que le Corps de la

Page 23261

1 garde nationale, à l'époque, n'était pas assez bien entraîné. Mais il était

2 très dévoué à la défense de la Croatie.

3 Q. Est-ce que le général Spegelj a procédé à l'achat d'armes avant que

4 vous ne rejoigniez le Corps de la garde national. Pouvez nous dire quoi que

5 ce soit à propos du type d'armes acheté ainsi que du nombre d'armes acheté.

6 R. Lorsque je rejoins le Corps de la garde nationale il y avait déjà un

7 certain nombre d'armes. Il y avait des Kalashnikovs armes bien connues, ce

8 sont des armes à canot long, le Corps de la garde nationale ne comptait --

9 disposait également de 8,000 de ces armes. Mais plus tard, j'ai eu les

10 conversations avec le général Spegelj, et j'ai pu ainsi apprendre pendant

11 la période où lui même et d'autres hommes procédaient à l'achat d'armes,

12 20,000 de ces armes avaient été achetées.

13 Q. Et, est-ce que cet achat d'armes, c'était fait légalement en passant

14 par les organes fédéraux; si c'est le cas, quel était précisément la

15 procédure utilisée ?

16 R. Après le désarmement de la Défense territoriale, le général Spegelj

17 était le ministre de la Défense de la république de Croatie. Il a présenté

18 une demande officielle au secrétariat fédéral à la Défense nationale et il

19 a demandé qu'il soit procédé à l'achat de ces armes à destination du

20 ministère de l'Intérieur. Et il faut savoir que le Corps de la garde

21 nationale a seulement été formé le 28 mai 1991, en d'autre terme, cette

22 demande a été faite au nom du ministère de l'Intérieur, pas au nom du Corps

23 de la garde nationale. Cette demande est restée sans réponse ou peut-être

24 n'y a-t-on pas donné réponse de la façon habituelle jusqu'à lors --

25 lorsqu'il s'agissait d'acheter des armes sur le territoire de l'ex-

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1 Yougoslavie.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pourriez-vous expliciter un peu ce fait,

3 Monsieur le Témoin, parce que vous avez dit, n'est-ce pas, que la ZNG

4 possédait 30 % des armes à canon long dont elle avait besoin mais vous avez

5 ajouté qu'elle possédait également 8,000 Kalashnikovs, et qu'il y avait de

6 8 à 9 mille hommes au sein de la garde nationale. Alors il est possible que

7 vous ayez parlé de choses différentes, c'est à ce différent moment mais

8 j'aimerais vous demander des explications.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien 20,000 fusils ou Kalashnikovs ont été

10 acquis avant la création de la Garde nationale, et donc ce sont les unités

11 du ministère de l'Intérieur qui ont reçu ces armes achetées avant que

12 n'existe la ZNG. Donc ces unités dépendant du ministère de l'Intérieur

13 étaient sur le territoire de la Croatie avaient pour tâche de régler les

14 problèmes de nature interne de la république. Et une fois que le Corps de

15 la garde nationale a été créée à la fin du mois de mai 1991, sous l'égide

16 du ministère de l'Intérieur, et en tant que formation dépendant du

17 ministère de l'Intérieur, un bataillon de chacune des brigades a reçu des

18 armes -- a été armé. Et c'est la raison pour laquelle je dis que la ZNG ne

19 possédait que 30 % des armes dont elle avait besoin car l'afflux d'hommes

20 était très important vers la ZNG et les armes étaient distribuées --

21 avaient déjà été distribuées à ce bataillon au sein de chaque brigade ainsi

22 qu'aux unités dépendant directement du ministère de l'intérieur auquel

23 d'ailleurs, les armes étaient destinées à l'origine. Donc, il y avait une

24 différence importante dans les quantités.

25 Et je vais vous donner un exemple, au sein de la 1ere brigade stationnaire

Page 23263

1 à Zagreb et dans les environs de Zagreb, dont j'ai pris la responsabilité,

2 je n'avais qu'un seul bataillon qui était complètement armé. Et en fait,

3 les effectifs dont je disposais auraient pu constituer quatre bataillons

4 car les hommes rejoignaient les rangs de la ZNG en grand nombre à cette

5 époque-là. Donc ceux qui n'avaient d'armes et n'avaient moyen d'obtenir une

6 arme, devaient régler le problème de diverses façons, par exemple, en

7 prenant leur fusil de chasse.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je crois que vous êtes expliqué sur ce

9 point, merci.

10 Pouvons nous passer à autre chose, Madame Uertz-Retzlaff.

11 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.

12 Q. En rapport avec l'agrément nécessaire du SSNO dont vous venez de

13 parler, est-ce que cet agrément s'appliquait aux demandes d'armes destinées

14 à la Défense territoriale ainsi qu'aux demandes d'armes destinée à la

15 police ? Est-ce que dans les deux cas il fallait cet agrément ?

16 R. Oui, c'est exact. C'était l'instance qui donnait son autorisation et

17 qui donc permettait qu'une unité soit armée à tel ou tel moment ou réarmée

18 enfin, reçoive des armes supplémentaires ou qu'elle reçoive des effectifs

19 complémentaires et cetera.

20 Q. Le SSNO contrôlait-il les entreprises fabricantes d'armes sur tout le

21 territoire de l'ex-Yougoslavie ?

22 R. Oui, c'est exact. C'était une entreprise industrielle à but spécial,

23 comme on les appelait, qui était sous les ordres du ministère fédéral de la

24 Défense.

25 Q. Lorsque vous avez remarqué que les armes étaient en nombre insuffisant,

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1 avez-vous envoyé une lettre au président Tudjman pour lui faire des

2 propositions s'agissant de la façon d'acquérir des armes ?

3 R. Oui, c'est exact. La 1ere requête que j'ai présentée à Tudjman, qui

4 était à l'époque le Commandant suprême des Forces armées de la république

5 de Croatie, et donc le Commandant suprême du Corps de la garde nationale

6 également. Donc, la 1ere requête que je lui ai adressée a consisté à lui

7 parler de la situation que l'on constatait sur le territoire de la

8 république de Croatie à l'époque du grand nombre de barrages routiers du

9 fait que la Croatie en était arrivée à ne contrôler que 30 % de son

10 territoire. Et j'ai demandé donc, que des armes et des munitions soient

11 acquises pour armer les hommes de la garde nationale.

12 Et le président Tudjman en août 1991 m'a répondu :

13 "Ne vous pressez pas. Il n'y aura pas de guerre. Nous concluons un accord.

14 Nous résoudrons les problèmes qui se posent de façon pacifique."

15 Malheureusement ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées.

16 Q. Pourquoi estimait-il qu'un accord serait conclu et si accord il y

17 avait; avec qui était-il censé être conclu, vous disait- il quelque chose à

18 ce sujet ?

19 R. Je n'étais pas responsable de la résolution de la partie politique du

20 problème. Donc, je ne sais pas à l'époque avec qui il avait des

21 conversations, des entretiens, des pourparlers. Mais je sais que la

22 présidence de la RSFY s'est réunie à de nombreuses reprises à cette époque-

23 là et que le président Tudjman a participé à certaines de ces réunions et

24 je sais, parce que je l'ai appris plus tard, qu'il avait des contacts

25 téléphoniques fréquents avec des dirigeants serbes. Quant à savoir s'il

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1 avait d'autres formes de contact je ne sais. Donc, d'après notre façon

2 d'apprécier les choses, c'était à notre avis l'interlocuteur tout désigné

3 pour des négociations au sujet de la situation au sein de la république de

4 Croatie.

5 Q. J'aimerais vous demander de clarifier un point car je relis le compte

6 rendu d'audience en anglais et je vois que vous avez dit qu'à un certain

7 moment les autorités croates ne contrôlaient que 30 % du territoire de la

8 Croatie; c'est bien ce que vous avez dit ?

9 R. J'en -- j'ai dit c'est qu'elle ne -- elle n'avait plus le contrôle de

10 30 % de son territoire. Elle contrôlait le reste. Autrement dit, 30 % du

11 territoire de la république de Croatie était assiégé par les rebelles

12 serbes sur le territoire de la république de Croatie.

13 Q. Une fois que la guerre a commencé, les forces croates ont-elle saisi

14 des armes de la JNA et si oui comment cela s'est-il passé ?

15 R. Les forces croates ont saisi certaines des armes de la JNA car

16 certaines casernes ont été prises avec recours à la force une fois que l'on

17 a pu constater que la guerre faisait rage un peu partout en Croatie, et que

18 la JNA avait pris partie pour les rebelles serbes de Croatie. Et puis, il y

19 a une autre partie des armes qui sont celles que la Croatie a continué à

20 recevoir jusqu'à la fin de 1991. Ces armes étaient destinées à armer les

21 soldats de Croatie. Et il s'agit d'armes de la Défense territoriale de la

22 république de Croatie qui ont été restituées au moins en partie suite aux

23 négociations avec les négociateurs habiletés de l'armée populaire

24 yougoslave à Zagreb, négociations entamées le 8 octobre 1991. Et ce en

25 application de l'accord de La Haye signée le 4 octobre 1991.

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1 Q. Â quel moment l'armée Croate a-t-elle reçu ces armes de la Défense

2 territoriale. Vous venez de citer la date d'octobre 1991, mais je vous

3 demande à quel moment exactement l'armée croate a reçu ces armes de la

4 Défense territoriale ?

5 R. Lorsque les unités de la JNA se sont retirées de la république Croate,

6 l'armée croate a reçu entre -- autres choses, les armes de la Défense

7 territoriale. La dernière unité qui s'est retirée du territoire de la

8 république de Croatie s'est retirée de Vis et de Lastovo au mois de janvier

9 1992.

10 Mais la majeure partie de la JNA avait achevé son retrait avant la fin du,

11 de 1991. Et lorsque je parle de retraits, je parle de cette partie du

12 territoire de la république de Croatie qui était sous le contrôle du

13 pouvoir en place en Croatie. Donc, 70 % du territoire dont j'ai parlé tout

14 à l'heure.

15 Q. Avez-vous reçu toutes les armes que vous aviez transférées auparavant

16 où en avez-vous reçues moins ?

17 R. Je n'ai pas les chiffres exacts. Mais je sais qu'à partir de mai 1991,

18 certains des entrepôts où étaient conservées les armes de la Défense

19 territoriale de Croatie ont été plastiqués. Je vais vous donner un exemple

20 : Le dépôt d'armes de Rijeka, le dépôt d'armes de Gorski Kotar à Delnice,

21 qui contenaient plusieurs dizaines de milliers de canons et de nombreuses

22 munitions ont été détruits à ce moment-là de la façon que je viens

23 d'indiquer.

24 Q. Mais vous ne pouvez pas nous donner une estimation chiffrée du nombre

25 d'armes que vous avez reçues n'est-ce pas ?

Page 23267

1 R. D'après mon appréciation personnelle, je dirais que nous avons reçu 60

2 à 70 % des armes de la Défense territoriale.

3 Q. S'agissant à présent des armes que vous avez saisies pendant la guerre,

4 récupérées pendant la guerre, j'aimerais vous soumettre une citation de

5 l'intercalaire 3, donc, une nouvelle pièce à conviction. Le document est

6 écrit en anglais. Je vais donc le citer, le lire pour que ce passage vous

7 soit interprété. Il est fait référence à une conférence donnée par le

8 général Tus, le 7 février 1993 et aussi sujet de l'armée croate,

9 Il dit ce qui suit :

10 "Le 1er octobre 1991, 24 brigades avaient été crées et dix autres étaient en

11 cours de création et vers la fin de cette année, l'armée Croate comptait

12 déjà 200,000 combattants répartis dans dix zones d'opération avec 63

13 brigades, une marine, une force aérienne et une défense terrestre."

14 C'est bien ainsi que les choses se passaient ?

15 R. S'agissant du nombre de brigades existantes, c'est exact. En tout cas,

16 ces 24 brigades, à la date du 1er octobre 1991, mais ce qui est dit ici au

17 sujet de l'armement de ces formations n'est pas exact. En effet, un certain

18 nombre de ces brigades, même si elles étaient déjà mobilisées à l'époque,

19 n'étaient pas armées du tout ou uniquement armées partiellement. Je parle

20 de la période antérieure au mois d'octobre.

21 Vers la fin de l'année, il est exact qu'il y avait à peu près 63 brigades

22 et qu'elles étaient totalement armées grâce aux dispositions dont je viens

23 de parler, à savoir, pour partie la restitution des armes de la Défense

24 territoriale et, pour partie, la saisie, la prise des casernes de la JNA

25 situées sur le territoire de la République de Croatie.

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1 Je dois indiquer que les interprètes m'ont parlé de 63 brigades et de la

2 marine ainsi que de la force aérienne. A cet égard, je dirais que ces 63

3 brigades existaient dans les forces terrestres et qu'à ces forces

4 terrestres s'ajoutaient donc, les forces aériennes et la marine qui pour

5 être tout à fait franc n'étaient pas suffisamment armées à l'époque.

6 Q. Mais il est fait référence également dans cet article du général Tus à

7 la mobilisation en générale qui n'a pas été décrétée en Croatie en raison

8 de l'insuffisance des armes disponibles. Cela correspond-il également à

9 votre souvenir ?

10 R. C'est exact. C'est exact. La mobilisation générale devait être décrétée

11 au début du mois de septembre déjà, mais cela n'a pas été le cas en raison

12 de l'insuffisance des armes disponibles.

13 Q. S'agissant maintenant des armes qui ont été prises -- saisies au moment

14 de la prise des casernes, le général Tus fait également remarquer,

15 Je cite : "Nous avons capturé 230 chars, plus de 40 pièces d'artilleries

16 lourdes, plusieurs navires de guerre et un grand nombre d'armes

17 d'infanterie."

18 Ceci est-il exact, êtes-vous d'accord également avec cette affirmation ?

19 R. C'est exact, mais il faut dire qu'au nombre de ces 230 chars, on trouve

20 également les blindés transports de troupes et c'est le corps de Varazdin

21 qui s'est rendu en septembre 1991 qui a été la source principale de ces

22 chars et blindés.

23 Q. Toutes ces armes capturées, à quel moment l'ont-elles été ? Vous avez

24 parlé à l'instant de septembre 1991, mais combien de temps ce processus a-

25 t-il duré ?

Page 23269

1 R. Les premières actions destinées à s'emparer d'entrepôts contenant des

2 armes ont commencé à la fin du mois d'août 1991 et ces opérations ont duré

3 pratiquement jusqu'au début des pourparlers avec la JNA, pourparlers

4 destinés à assurer un retrait pacifique de la JNA. Donc, à peu près

5 jusqu'au 10 octobre 1991. Là je parle des armes qui ont été capturées dans

6 les casernes. Mais si nous parlons des armes récupérées à la Défense

7 territoriale, ce processus-là a duré jusqu'à la fin de l'année, comme je

8 l'ai déjà expliqué.

9 Q. Est-ce que les casernes de la JNA situées dans les 70 pour cent du

10 territoire contrôlées par les autorités croates ont également laissé

11 derrière, ont également permis d'obtenir du matériel et des armes, lors de

12 leur reprise ?

13 R. A part le matériel et les armes qui appartenaient à Défense

14 territoriale de la République de Croatie, tout a été emporté. Ceux qui

15 restaient sur place étaient dans un tel état qu'en fait, c'était

16 inutilisable. En effet, une partie de l'accord de La Haye prévoyait que la

17 JNA soit autorisée à se retirer du territoire de la République de Croatie

18 en emportant avec elle ses armes et son matériel.

19 Q. Vous travaillez -- vous avez travaillé -- vous avez été en charge de la

20 sécurité au sein de la JNA pendant combien d'années ?

21 R. Je travaillais au sein du service de sécurité. Je n'ai jamais travaillé

22 à la direction de la sécurité. Mais tous les organes chargés de la sécurité

23 au sein de la JNA qui sont dirigés par la direction de la sécurité sont

24 considérés comme des services de la sécurité de la JNA. Et donc, j'ai

25 travaillé dans les services de sécurité de la JNA depuis juin 1971 jusqu'au

Page 23270

1 début du mois de mars 1993, date de ma révocation.

2 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Avec l'aide de l'huissier, j'aimerais

3 soumettre au témoin la pièce 387 que l'on trouve dans ce jeu de documents

4 avec intercalaire de couleur verte. Nous y voyons un organigramme de

5 service de sécurité.

6 Q. Je ne vais pas vous demander de le détailler à notre intention, mais de

7 dire simplement aux Juges où figurent les fonctions qui étaient les vôtres

8 au moment où vous avez quitté vos fonctions. Pouvez-vous nous dire

9 exactement où se situe votre poste ?

10 R. Mon poste était celui de chef de la sécurité du 5e Corps aéroporté ou

11 des forces aériennes. C'est ici que vous le voyez. Ceci se trouve dans le

12 cadre de la RV et de la PVO. Il s'agit là du département de la sécurité, du

13 service de sécurité de la défense aérienne. Et je me trouve dans la

14 dernière case du côté gauche.

15 Q. Est-ce là qu'on trouve le chiffre 5 ?

16 R. Exact.

17 Q. Qui était votre supérieur hiérarchique ?

18 R. Dans les services de sécurité, mon supérieur c'était le chef de

19 l'administration sécurité de la force aérienne à Zemun. Il s'appelait

20 Slobodan Rakocevic. C'était un colonel.

21 Q. Voilà, je n'ai plus de questions à vous poser à propos de cet

22 organigramme. Mais j'en ai encore quelques-unes à propos de la chaîne de

23 commandement de la hiérarchie dans les organes de sécurité.

24 Les officiers qui faisaient partie des organes de sécurité de la JNA, se

25 trouvaient-il en fait dans une double voie hiérarchique. Quelles étaient

Page 23271

1 ces deux voies hiérarchiques ?

2 R. Tous les membres des unités ou des commandements correspondant dans la

3 JNA, se trouvaient sous un commandement unifié, celui d'un commandant

4 jusqu'au sommet qui était occupé par le secrétaire national -- fédéral à la

5 Défense nationale. I y avait donc, qu'une seule hiérarchie.

6 Cependant, les organes de sécurité disposaient de leur propre chaîne de

7 commandements parallèles. Ce qui veut dire que parmi les tâches qui étaient

8 les leurs, ils faisaient uniquement du contre renseignements ou pour ses

9 activités professionnelles, ils n'avaient à rendre des comptes qu'à leurs

10 dirigeants, leurs directeurs professionnels en suivant cette hiérarchie.

11 Cette chaîne de contrôle et de commandements. Il y avait d'autres tâches à

12 accomplir. Celles de la prévention, de la protection, de la

13 confidentialité. Et là ils devaient rendre des comptes à leurs commandants

14 militaires. C'est ainsi que s'instaure cette double hiérarchie ou ces deux

15 hiérarchies parallèles.

16 Q. Est-ce que le général Vasiljevic en tant que chef de l'administration

17 de la sécurité ou le général Kadijevic, est-ce qu'ils auraient pu donner

18 des ordres en passant par cette hiérarchie établie au sein des services de

19 sécurité sans en informer les commandants militaires ?

20 R. Le général Vasiljevic était en mesure d'agir ainsi. Vu la nature de

21 cette hiérarchie s'appliquant aux services de sécurité. Cependant, vu les

22 instructions données par le commandant militaire, par le secrétaire fédéral

23 à la Défense nationale, il fallait quand même tenir de tout ceci. Je

24 m'explique. Le secrétaire fédéral à la Défense nationale ainsi que les

25 commandants des régions militaires dont les forces -- la force aérienne et

Page 23272

1 la force navale, la marine pouvaient être informées en règle générale, de

2 façon détaillée des activités du service. La pour eux, pour ces hommes-là,

3 il ne devait pas y avoir de secret.

4 Q. S'il y avait eu un crime de guerre commis, est-ce que ceci aurait

5 rapporté en suivant la hiérarchie. Comment une telle information aurait-

6 elle été acheminée dans les organes de sécurité. L'officier chargé de la

7 sécurité, que devait-il faire ?

8 R. Dans la JNA, il y avait plusieurs hiérarchies en fonction de la

9 situation qui se présentait dans une unité donnée. Je peux au moins vous en

10 citer cinq.

11 Il y avait une filière qui était celle de la chaîne de commandements, par

12 laquelle les commandants de moindre rang informaient leur supérieur

13 respectif chaque fois qu'il y avait une situation particulière ou même

14 faisait un rapport régulier.

15 Et puis, la deuxième filière, c'était la filière politique qui appliquait

16 les organes politiques.

17 La troisième filière, c'était celle de la ligue de la -- des communistes de

18 Yougoslavie, à l'époque. Là je ne parle plus de 1991, bien sûr. Parce que

19 là je ne suis pas au courant. Mais je peux vous dire que là aussi, il y

20 avait une filière, une hiérarchie.

21 La quatrième, c'était celle de la police militaire. Là, il était fait

22 rapport jusqu'au sommet de la police militaire, jusqu'au secrétaire

23 fédéral.

24 La cinquième filière ou cinquième hiérarchie, c'était pour le service de

25 sécurité. Là, il était fait rapport à l'officier supérieur dans le respect

Page 23273

1 des directives et instructions données par le -- l'organe supérieur de la

2 sécurité et par la hiérarchie elle-même.

3 S'il se produisait un événement tel que l'officier chargé de la sécurité

4 pensait devoir intervenir pour régler la situation, je pense ici à un cas

5 d'un crime de guerre, où s'il y avait urgence dans la région ou dans la

6 formation. L'officier chargé de la sécurité prenait contact ses sources. Ça

7 veut dire qu'il applique la méthode de travail habituel. Il fait le point

8 de la situation et fait rapport au commandant où il informe le commandant

9 de ce qui doit être fait vu la situation qui a surgi et de façon générique,

10 il rendait compte à son supérieur de service.

11 Q. Les organes politiques, vous les avez qualifiés de chaînes politiques

12 en matière de commandants. Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que

13 ça veut dire au sein de la JNA ?

14 R. C'était des organes qui faisaient partie de la JNA. Des organes qui

15 étaient très puissants. Ils étaient, au fond, chargé du moral des troupes.

16 Il s'agissait de remonter ou de donner suffisamment de vigueur aux

17 combattants, aux membres des différentes formations et unités afin qu'ils

18 accomplissent et mènent à bien les missions qui leurs avaient été confiées.

19 Ces organes, en fait, ils se répartissaient sur toute l'hiérarchie depuis

20 le bas jusqu'au sommet. Donc, toute la structure -- donc, toute l'ancienne

21 structure de la JNA et ces organes avaient pour devoirs, pour missions de

22 faire rapport sur la situation qui risquait d'avoir un incident sur le

23 moral des troupes.

24 Q. Et est-ce qu'il aurait été obligatoire de faire rapport s'il y avait eu

25 commission de crimes de guerre sur le terrain ?

Page 23274

1 R. Tout à fait. Une telle obligation existait puisque le sommet de

2 l'hiérarchie devait être informée, en tout cas en temps de paix. Et moi, je

3 ne connais la JNA qu'en temps de paix. Il fallait informer le sommet de la

4 hiérarchie des moindres détails, des moindres incidents susceptibles de se

5 produire au sein d'une unité ou dans la région où était déployée une unité.

6 S'il y avait bien sûr, un grand nombre de morts, là c'est une autre

7 question. Mais effectivement, en général, ceci était transmis au sommet de

8 l'hiérarchie de la JNA.

9 Q. J'aimerais vous soumettre plusieurs documents portant sur des ports.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le moment se prête peut-être à une pause.

11 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous le disons à tous les témoins, vous

13 n'êtes censé parler à personne de votre déposition telle que celle-ci n'est

14 pas terminée. Ceci inclus également les représentants du bureau du

15 Procureur. Veuillez être de retour à l'audience dans 20 minutes.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

18 --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Madame Uertz-Retzlaff, vous avez la

20 parole.

21 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 Q. Général, il vous faut d'abord ce rapport du commandant Branislav Ristic

23 en date du 27 novembre 1991. Il porte sur le meurtre de civils à Skabrnja.

24 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de

25 la pièce 387 dans l'intercalaire vert.

Page 23275

1 Q. Je ne vous demande pas un commentaire à propos de la teneur même du

2 rapport. C'est plutôt une question de suivi. S'agit-il ici d'un rapport

3 envoyé par un officier chargé de la sécurité, rapport qu'il envoie à un

4 autre organe de sécurité qui lui est supérieur ?

5 R. C'est exact.

6 Q. Et d'après votre expérience, qu'en pensez-vous ? Est-ce là un rapport

7 authentique ?

8 R. Je suis en mesure de dire que les organes de sécurité rédigeaient ce

9 genre de rapports s'agissant des règlements de service de ces organes de

10 sécurité qui prévoyaient la rédaction de ce genre de rapports. C'est un

11 rapport authentique effectivement.

12 Q. On parle ici du 9e Corps d'armée. S'agit-il du Corps d'armée de Knin ?

13 R. Exact. Affirmatif. C'est bien le commandement du Corps d'armée de Knin.

14 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Intercalaire suivant, Messieurs les

15 Juges. C'est la pièce 387, intercalaire 35.

16 Q. C'est un rapport qui porte la date du 1er décembre 1991. Il est envoyé

17 par le lieutenant Radjen aux responsables de la police militaire de

18 Benkovac. Est-ce un rapport à l'intérieur de cette chaîne militaire, qui

19 s'inscrit dans cette hiérarchie de la police militaire que vous avez

20 évoquée avant la pause ?

21 R. Affirmatif. A l'évidence, c'est un homme qui est commandant de

22 pelotons, qui est allé dans le village de Skabrnja après qu'il y ait eu

23 dans ce village un massacre pour voir comment Se présentait la situation

24 sur le terrain. Et il fait rapport à son supérieur hiérarchique dans la

25 police militaire. Il l'informe de ce qu'il a observé.

Page 23276

1 Q. Est-ce là un document authentique au vue de ce que vous savez,

2 s'agissant des procédures suivies ?

3 R. Je pense que c'est un document authentique, vu sa rédaction et c'est

4 comme ça au fond que se faisaient les choses dans les services de la police

5 militaire.

6 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Nous avons maintenant une nouvelle

7 pièce Messieurs les Juges, qui se trouve à l'intercalaire 4 de la pièce

8 475.

9 Q. C'est à nouveau un rapport qui porte vue sur Skabrnja et Nadin. Le

10 lieutenant Rosic, qui était commandant fait rapport au 9e corps d'armée et

11 plus exactement, à l'organe de sécurité de ce corps le 8 mars 1992. Est-ce

12 là la façon habituelle dont se faisait ces rapports, en suivant la

13 hiérarchie et est-ce un document authentique ?

14 R. Ces notes de service ici suivent la forme qui a été utilisée jusque

15 dans les années 1990 dans les services de sécurité. Cependant, oui c'est un

16 document qu'on utilisait et on se servait de cette méthode pour rédiger ces

17 documents. Donc, je pense qu'effectivement ce document a bien été rédigé à

18 la date indiquée avec cet objectif poursuivi. C'est bien la teneur de cette

19 note officielle.

20 Q. Il n'y a pas de signature à ce document pas plus qu'à d'autres. Pas de

21 signature de l'officier chargé de la sécurité. Est-ce là quelque chose

22 d'inusité ou est-ce que ça se passait comme ça en règle générale ?

23 R. Non. C'était tout à fait coutumier. Il était habituel de ne pas signer

24 ces notes officielles, ces notes de service. Pour ce qui -- si on applique

25 les méthodes de travail que nous avons examinées, il y a un instant. Oui,

Page 23277

1 c'était tout à fait habituel dans le service. La source ou plutôt l'auteur

2 de ce document le disait par une indication apportée dans le coin supérieur

3 gauche.

4 Q. Intercalaire suivant, intercalaire 5. Une fois de plus c'est un

5 document des services de sécurité, il est adressé au 9e corps d'armée et il

6 porte sur un incident qui s'est produit à Bruska le 11 mars 1992, c'est du

7 moins la date à laquelle ce document a été rédigé. Est-ce un document

8 authentique pareil que les documents précédents ?

9 R. Oui. Je pense que c'est un document authentique vu le format utilisé,

10 c'était le format utilisé dans le service. C'est un rapport fait à

11 l'officier supérieur dans le cadre des organes de sécurité du 9e corps

12 d'armée de Knin.

13 Q. Nous sommes toujours en train d'examiner ce rapport, mais prenez la

14 fin. On y trouve une remarque, une observation. A ma connaissance, est-il

15 dit :

16 "Le SJS, le poste de police de Benkovac a terminé son enquête et conclu que

17 le groupe de terroristes de sabotage Oustachi devrait être tenu responsable

18 de ce massacre. Je pense que les preuves matérielles ne sont pas à la

19 disposition, permettant de tirer une telle conclusion et qu'en fait, il

20 faudrait ré ouvrir l'enquête afin de voir qui est responsable du massacre

21 de la nation Serbe."

22 Etiez-vous au courant de ça, qu'on essayait d'attribuer la responsabilité

23 de ce qui s'est passé aux Croates ?

24 R. J'ai bien entendu dire qu'il y avait eu des manipulations et qu'on

25 avait attribué la responsabilité de ce qui s'était passé aux Croates mais

Page 23278

1 plus tard nous avons reçu des renseignements. On avait fait le point de la

2 situation dans le territoire occupé de la république de Croatie mais on a

3 parlé, ceci a été rédigé à l'époque. Et manifestement les organes de

4 sécurité de la JNA ont tiré des conclusions différentes suite à ce même

5 événement. Conclusion différente, celle tirée par le poste de sécurité

6 publique de Benkovac.

7 Q. Document suivant, Il se trouve à l'intercalaire 6. Là aussi c'est une

8 note rédigée par les organes de sécurité; c'est adressé au commandant

9 Ristic. Il concerne Bruska et, l'interprète se corrige, il est émis par le

10 commandant Ristic et est adressé au 9e corps. Est-ce un document

11 authentique ?

12 R. Oui. Comme les autres.

13 Q. Dernier document du genre. Il se trouve à l'intercalaire 7. C'est un

14 rapport qui fait le point sur la situation. Il est envoyé par le lieutenant

15 colonel Slobodan Tarbuk le 13 juillet 1991 aux organes de sécurité de la 5e

16 région militaire. Tout d'abord, connaissez-vous ce monsieur Tarbuk. Savez-

17 vous quel poste il occupait ?

18 R. Oui. Je le connaissais à l'époque, je le connaissais du temps de paix.

19 Il faisait partie des organes de sécurité dans la 5e région militaire.

20 Q. C'est un rapport d'urgence en matière de sécurité et là on fait

21 référence à une attaque lancée sur la -- le poste de police de Kraljevcani.

22 C'était un poste de police croate ?

23 R. Tout à fait. C'est un endroit qui se trouve dans la Banja, non loin de

24 la ville de Sisak. Ici en l'occurrence, c'est un télégramme où plutôt,

25 comme on l'appelait dans la JNA, une dépêche envoyée d'urgence pour donner

Page 23279

1 des précisions sur un événement particulier. Et en règle générale, il était

2 accompagné du type de document que nous avons pris, vu dans la première

3 pièce. Normalement c'est cette forme-là que ce document aurait dû avoir

4 pris.

5 Q. Premier paragraphe, mais aussi au dernier paragraphe, on fait référence

6 à un commandant de l'unité spéciale, Dusan Momcilovic, dans le dernier

7 paragraphe sont mentionnées également des forces spéciales de Knin.

8 S'agissait-il là de forces de la JNA, était-ce des forces différentes ou ne

9 le savez-vous pas ?

10 R. S'agissant de Dusan Momcilovic, je ne connais pas cet homme. Je n'ai

11 pas entendu parler de lui. Dans ce dernier paragraphe, il est dit que 24

12 hommes sont venus, ils venaient du corps d'entraînement spécial de Knin où

13 ils avaient passé trois semaines ce sur quoi ils avaient été aussitôt

14 envoyés dans une zone où ils devaient intervenir dans des combats.

15 Il est manifeste que ce sont là des membres d'unités ou de forces

16 spéciales, de ce que l'on a appelé la SAO de Krajina à l'époque. Ce ne sont

17 pas des membres des forces spéciales de la JNA.

18 Q. On fait également référence dans ce paragraphe au fait que ces hommes

19 ont été envoyés sur le champ à Samarica. Est-ce qu'il y avait une base

20 militaire à Samarica. Et s'il y en avait une, qui la contrôlait ?

21 R. Je ne sais pas qui se trouvait à la tête de celle-ci. Mais je sais qu'à

22 Samarica, il y avait le commandement d'une unité du rang d'une brigade qui

23 était présente là-bas pendant toute la durée de la guerre jusqu'à

24 l'Opération tempête en 1995. C'est en effet une région de montagne avec

25 beaucoup de forêts et il se prêtre beaucoup aux activités de combat des

Page 23280

1 unités spéciales.

2 Q. Je comprends que nous avons suffisamment traité de ce document. Nous

3 avons guerre besoin d'avantage de détails.

4 Ici nous avons un rapport urgent sur la situation afférente au problème de

5 sécurité en 1991. Cette administration chargée de la sécurité envoyait-elle

6 des rapports quotidiennement, hebdomadairement, mensuellement ? Pouvez-vous

7 donc nous expliquer sur quoi l'on présentait les rapports et quel a été la

8 fréquence de présentation de ces rapports ?

9 R. Pour ce qui est d'organisation militaire, en principe, l'on informe de

10 certains événements, suite au dit événement la forme, de présentation de

11 rapport qui se résume en un télégramme ou en message radio, message

12 verbalement communiqué, ou alors par téléphone se fait tout de suite par un

13 subordonné dès qu'il a eu vent de tel ou tel autre événement. Pour ce qui

14 des ordres afférents aux activités, qui se sont déroulées dans une journée

15 ou dans le courant d'une étape prolongée, l'on indique au dernier point de

16 l'ordre reçu la façon dont il convient d'informer des supérieurs de sa

17 réalisation. Je crois que dans la JNA, à compter de l'été 1991, date à

18 laquelle je l'ai quittée, les choses n'ont pas été modifiées, on disait

19 présentation de rapport quotidienne avant telle heure. Pour ce qui est des

20 unités subalternes, cela se faisait tôt dans la journée pour les unités ou

21 les échelons supérieurs un peu plus tard pour que l'on ait le temps de

22 traiter les informations au différent échelon, mais pour ce qui est des

23 événements il convenait de présentation immédiatement. Je crois que la

24 pratique est restée la même au niveau de la JNA même dans le courant de la

25 guerre.

Page 23281

1 Q. Avant la guerre, les instances de sécurité ont-elles suivi les

2 activités des mouvements nationalistes y compris mouvement nationaliste

3 serbe.

4 R. C'est exact. Les instances de sécurité de tout temps du service que

5 j'ai effectué, ce qui revient à dire presque 20 ans, ont eu pour mission

6 d'intervenir à l'encontre de ce que l'on désignait par les termes de

7 dénommé interne. C'est à l'époque ce que l'on considérait comme étant les

8 structures opposées au pouvoir en place.

9 Une des structures principales à compter de 1971, date à laquelle je suis

10 entré au service et jusqu'à la fin, avait consisté à étudier les phénomènes

11 nationalistes au sein de la JNA.

12 Lorsque l'on parle de ces phénomènes nationalistes, je précise qu'il n'a

13 pas été spécifié lequel on avait vaqué à l'étude de tous les nationalistes

14 certains ont été plus de l'actualité que d'autres à des moments déterminés

15 c'est à cela que l'on accordait plus d'importance dans les moments en

16 question.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne voudrais pas vous interrompre, mais

18 si le Procureur souhaite des explications plus détaillées, elle vous les

19 demandera.

20 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

21 Q. C'est cela je vous demanderais de répondre à un peu plus brièvement aux

22 questions que je vous ai posées.

23 Comment la direction de la JNA a-t-elle réagi au nationalisme serbe,

24 s'opposait t-elle à celui-ci ?

25 R. Elle s'opposait à ce nationalisme serbe jusqu'au début de l'année 1990,

Page 23282

1 jusqu'à la fin de l989.

2 Q. Les officiers nationalistes ils étaient placés sous surveillance, et si

3 oui, pouvez vous nous donner certains exemples ?

4 R. Cela a effectivement été le cas. Je vous donnerai un exemple que je

5 connais et qui est issu de l'aviation de guerre, c'est celui du général

6 Mika Stevanovic.

7 Les services de sécurité de la JNA l'ont étudié en raison de sympathie dont

8 il a fait preuve pour s'exprimer par euphémisme à l'égard des nationalistes

9 serbes.

10 Q. Cela a-t-il influé de façon négative sur sa carrière ou a-t-il été

11 promu ultérieurement ?

12 R. Cela a eu des effets négatifs sur celle-ci jusqu'au début de la guerre.

13 Mais pendant la guerre il s'était levé au rang de commandant de l'aviation

14 de guerre, cela à ce moment-là n'avait plus considéré comme un défaut pour

15 ce qui le concernait.

16 Q. Est-ce que cela signifie que la JNA avait échangé de politique à

17 l'égard du nationaliste serbe à un moment donné, et si cela est le cas

18 quand, et pourquoi ?

19 R. Il apparaît avec évidence que cela s'est -- a évolué a été changé dans

20 le courant de la guerre. La JNA au travers des informations, qui

21 parvenaient régulièrement de Belgrade de la direction politique, du

22 secrétariat fédéral à la Défense nationale, donnait pour mission à toutes

23 les unités d'informer tous les membres de la nécessité de préserver la

24 Yougoslavie à tout prix.

25 L'estimation que j'ai faite et les estimations que des gens qui

Page 23283

1 m'entouraient disaient, que la JNA avait épousé la variante défendue par la

2 direction serbe voulant sauvegarder la Yougoslavie à tout prix dans son

3 intégralité ou sous une forme amoindrie.

4 Q. Lorsque la ligue des communistes de Yougoslavie s'est désintégrée en

5 1990, a-t-il été mise en place un mouvement de -- plutôt une ligue de

6 communistes mouvement pour la Yougoslavie et est-ce que cela avait

7 bénéficié le soutien de la direction de la JNA ?

8 R. Exact.

9 Q. Avait t-il le même objectif celui de préserver la Yougoslavie à tout

10 prix ?

11 R. C'est évident que la Ligue des communistes, qui tirait mouvement pour

12 la Yougoslavie, a été créée fin 1990, et la direction de l'armée avait été

13 favorable à cette Ligue des communistes, mouvement pour la Yougoslavie. Et

14 jusqu'en 1991 tous les membres de la JNA devaient opter en faveur de

15 l'affiliation de l'adhésion à cette Ligue des communistes, mouvement pour

16 la Yougoslavie, et ceci avant le 15 janvier 1991.

17 Q. Ceux qui n'ont pas adhéré à ce mouvement ont-ils eue une position

18 défavorisée au sein de la JNA ?

19 R. Leur position a été défavorisée parce que l'on avait adopté une

20 attitude de méfiance à leur égard, et l'on a mis à profit la première des

21 opportunités survenues pour les écarter des postes de responsabilité.

22 Q. Avez-vous été vous-même écarté, révoqué et si c'est le cas, qui vous a

23 remplacé ?

24 R. Je m'étais déclaré ouvertement contre ce mouvement. Je n'ai pas voulu

25 donc adhérer à celui-ci et la première opportunité pour ma révocation s'est

Page 23284

1 présentée le 1er mars 1991 et c'est là que j'ai été révoqué par mon

2 supérieur immédiat.

3 Q. Et qui vous a remplacé ?

4 R. Jovo Topalovic, le lieutenant-colonel Jovo Topalovic, mon adjoint

5 jusque-là, a occupé mon poste.

6 Q. S'agissait-il d'un Serbe là ?

7 R. Oui. C'est un Serbe de Bosnie.

8 Q. Vous avez dit que l'on a profité de la première des opportunités

9 survenues pour vous révoquer. Qu'elle est en fait la raison que l'on a

10 avancée pour votre révocation en ce 2 mars 1991 ?

11 R. On a avancé aucune raison par écrit mais le prétexte en avait été

12 l'évaluation que j'avais faite des événements de Pakrac en date du 1er mars

13 1991 et du rôle de la JNA dans les événements en question.

14 Q. De quelle façon avez-vous été ou manifesté votre désaccord avec ce qui

15 s'est passé là-bas ? Avez-vous eu une escarmouche entre vous et votre

16 supérieur à ce sujet ?

17 R. Je m'étais employé en faveur de la nécessité de faire en sorte que ces

18 nouvelles directions des républiques, directions nouvellement élues des

19 républiques, dont la Croatie dans laquelle j'y intervenait avec mon corps

20 d'armée, devraient être reconnues comme étant légalement élues à des

21 élections plus répartites.

22 Mes supérieurs à moi, m'ont reproché les positions que j'avais prises à ce

23 moment-là.

24 Q. Quand vous dites que l'on vous a révoqué -- comme vous avez dit que

25 vous avez été révoqué le 2 mars, je tiens à préciser que vous êtes resté au

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1 sein de la JNA jusqu'au mois de juillet. Alors dites-nous qu'elles étaient

2 les tâches que vous accomplissiez jusque-là ?

3 R. Et bien, sur le plan formel, on disait que j'étais mis à disposition du

4 commandement du 5e Corps d'armée de la RV et PVO à disposition de guerre et

5 défense antiaérienne. En fait, j'avais reçu un bureau mais je ne siégeais

6 pas dans ce bureau. Je ne me suis pas vu confié quelque tâche que ce soit.

7 Q. Mais avez-vous pris part aux briefings, aux débats qui se tenaient à

8 l'époque ?

9 R. Je n'ai pris part à aucune réunion officielle et je n'y ai pas été

10 convié non plus. Je me suis entretenu avec des personnes qui venaient me

11 voir ou que je rencontrais tout simplement mais pour ce qui est de filières

12 officielles d'ordres d'hiérarchie pour ce qui est des ordres que l'on me

13 communiquaient, il n'y en avait tout simplement pas.

14 Q. Mais qu'est-il advenu des non-Serbes qui s'opposaient à cette politique

15 officielle de la JNA ? Ont-ils également été remplacés au sein de ces

16 organes de sécurité en 1991 ?

17 R. Dans le courant de cette première moitié de 1991, il n'a pas été

18 révoqué de membres de ces services de sécurité en vue parce que le service

19 a jusque-là, a été suffisamment nettoyé de ceux qui n'ont pas été d'accord

20 avec la ligne politique de cette Ligue des communistes, mouvement pour la

21 Yougoslavie au sein de la JNA.

22 Q. L'administration chargée de la sécurité est-elle devenue plus ou moins

23 homogène et a-t-elle été plus ou moins composée de ressortissants serbes et

24 monténégrins ? Je parle de l'année 1991.

25 R. C'est exact. En 1991, ce service a eu, je dirais pratiquement une

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1 composition homogène et s'est trouvée composée de membres du groupe

2 ethnique, soit Serbe, soit Monténégrin.

3 Q. Cette structure ou cette composition-là a-t-elle été mise à profit pour

4 ce qui était de véhiculer les ordres de nature plus délicates dans la JNA ?

5 R. C'est exact.

6 Q. Quels types d'ordres étaient cela ? Si vous le savez.

7 R. A titre d'exemple, je dirais qu'il y a l'armement des régions serbes en

8 Croatie qui s'est fait suivant cette filière. Depuis la fin de 1990

9 jusqu'au début de la guerre pour autant que j'ai pu suivre l'évolution des

10 choses ou en être informé, du moins en parti.

11 Q. Nous reviendrons plus tard sur certains de ces détails.

12 L'administration chargée de la sécurité ou les instances chargées de la

13 sécurité ont-elles constitué un facteur important pour ce qui est des

14 nominations des officiers de la JNA ?

15 R. En effet. Les instances de sécurité ou la direction chargée de la

16 sécurité avait la possibilité d'interdire ou de s'opposer à la nomination

17 d'un officier qui était censé être nommé à des fonctions de responsabilités

18 plus élevées.

19 Q. Vous avez parlé de l'objectif de la JNA qui avait consisté à

20 sauvegarder la Yougoslavie à tout prix. Y avait-il eu un plan pour ce qui

21 est de la réalisation de cet objectif à l'égard des gouvernements en

22 Slovénie et Croatie ? Au cas où cela aurait été effectivement le cas, le

23 plan a-t-il été élaboré ?

24 R. Il y a eu un plan de cette nature. Il a été aménagé en fonction de

25 l'évolution de la situation. Au début, le plan avait été celui de

Page 23287

1 sauvegarder la Yougoslavie à tout prix. Je crois savoir qu'au mois de juin

2 1990, le général Adzic qui se trouvait être chef du Grand état major de la

3 JNA à l'époque, à une réunion à laquelle il y avait une partie des

4 commandants militaires à l'aéroport de Pleso, aéroport de Zagreb, en

5 répondant à l'une des questions d'un général qui était Serbe dans le cas

6 concret, portant sur les modalités de collaboration avec les nouvelles

7 autorités en Croatie et Slovénie.

8 Adzic a, de façon très énergique et en colère, répondu que : "Avec Tudjman

9 il ne saurait y avoir de coopération. Dire à Tudjman, fiche le camp de ce

10 siège du poste que tu occupes." En d'autres termes, il s'agissait de faire

11 tomber un pouvoir légalement élu.

12 Et c'est en accord avec cette position que les préparatifs se sont

13 déroulés sur le territoire de la Croatie. L'armement des Serbes en

14 Croatie, parce que l'on s'attendait que ce fût là, la force avec laquelle

15 la JNA bien sûr on s'attendait à ce que ce soit la force qui permettrait de

16 faire chuter la direction croate. Par la suite, en 1991, au fur et à mesure

17 de l'évolution de la situation sur le territoire de la Croatie et du fait,

18 des pressions étrangères, la position est rectifiée.

19 Et une fois que l'on a, après un conflit, vu quitté la Yougoslavie, la

20 Croatie est devenue la république qui était la république suivante, qui a

21 suivi. Et la Croatie était sensé être placée sous le contrôle de la JNA sur

22 -- par son intégralité. Et le plan a été rectifié après la deuxième moitié

23 de 1991.

24 Je l'ai désigné par un plan appelé disons "B" et il s'agissait de placer

25 sous leur contrôle une partie de la Croatie suivant l'axe Karlovac-

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1 Virovitica-Karlobag. Cela inclurait des territoires à majorité de la

2 population serbe mais avec une bonne partie de territoires où vivaient des

3 Croates. Par la suite, le plan a été -- ce plan a été rectifié lui aussi.

4 On a adopté un plan "C" qui s'est satisfait de faire en sorte que la JNA

5 avec l'aide des insurgés serbes s'empare de territoires habités notamment

6 par une majorité serbe -- des territoires à prédominance serbe.

7 Q. Pour ce qui est du plan "A", pour ce qui est donc de -- du plan qui

8 consistait à faire chuter le gouvernement croate, avez-vous vu un document

9 quelconque des plans ou des préparatifs en ce sens ?

10 R. J'occupais un échelon trop peu élevé pour être en mesure ou avoir la

11 possibilité de voir un plan de cette nature. Je ne sais pas si un plan de

12 cette nature a existé. Mais toutes les informations, qui provenaient du

13 secrétariat fédéral à la Défense nationale tant par la filière politique

14 que par la filière sécuritaire disaient que des variantes de cette nature

15 existaient.

16 Ce que j'ai pu seulement voir, c'est un document qui visait à mettre en

17 œuvre un plan d'occupation des frontières de la Croatie dans une forme

18 déterminée. Il s'agit du plan "A". Et c'est un plan du mois de septembre

19 1991. C'est un plan qui a été envoyé aux unités sur le territoire de la

20 Croatie par l'état major -- le Grand état major de la JNA.

21 Q. Et comment avez-vous pu voir ce document ? Vous nous dites que vous

22 l'avez vu, mais vous n'étiez plus dans la JNA. Comment avez-vous fait pour

23 le voir ?

24 R. Ce document a été envoyé sous forme de dépêche, sur plusieurs pages. Il

25 est arrivé du Grand état major dans la brigade chargée des communications à

Page 23289

1 Samobor. Et cette caserne-là a été prise par l'armée croate dans le courant

2 du mois de septembre et elle a retrouvé ce document dans les archives de

3 cette unité. C'est ainsi que nous avons pu en prendre connaissance.

4 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons

5 pas pu nous procurer le document en question. Nous avons demandé au témoin

6 de le rechercher. Mais comme il nous l'a dit, il ne l'a pas trouvé.

7 Q. Monsieur le Témoin --

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin pourrait peut-être nous donner

9 davantage de détails au sujet de ce document.

10 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

11 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous être plus précis si vous vous en

12 souvenez. Que demandait ce document ou que pouvait-on lire dans ce

13 document ?

14 R. Des missions sont confiées aux unités de la JNA situées sur le

15 territoire de la république de Croatie dans ce document. Il leur est dit

16 qu'en collaboration avec les forces qui se rapprochaient des frontières de

17 la république de Croatie en provenance de la Bosnie et de la Serbie

18 Vojvodine, ainsi que du Monténégro. Elles étaient chargées de couper le

19 territoire de la république de Croatie à certains endroits bien précis.

20 Donc, des opérations devaient être entreprises par ces unités qui se

21 trouvaient déjà en république de Croatie ainsi que par les unités qui

22 arrivaient en provenance d'autres républiques et ainsi les frontières de la

23 Croatie seraient maîtrisées. Et cet ordre faisait précisément référence à

24 ce qui s'était passé en Slovénie.

25 Il y était dit qu'à partir de Knin et dans la direction de Zadar, le

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1 territoire de la Croatie devait donc être coupé, et puis aussi au niveau de

2 la vallée de la Neretva. Donc, c'était pour l'essentiel ce que contenait

3 cette dépêche qui a été saisie pendant le mois de septembre.

4 Dans ce document, aucune référence n'était faite à une -- à un renversement

5 du gouvernement de la république de Croatie puisque c'était un document de

6 nature militaire, un ordre militaire. Mais il y était question de s'emparer

7 du territoire de la république de Croatie en d'autres termes, cela

8 signifiait que le nouveau gouvernement devait être renversé. En tout cas,

9 c'est ce que je peux dire au sujet de ce document pour le moment. Si cela

10 devient nécessaire, je peux en parler plus en détail.

11 Q. Je pense que nous avons déjà vu ces grandes lignes de division dans

12 l'ouvrage de Kadijevic.

13 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ou bien le Juge Kwon aimerait

14 davantage de détails ?

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela me convient merci. Madame Uertz-

16 Retzlaff, merci.

17 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

18 Q. J'aimerais maintenant, Monsieur le Témoin, faire référence à deux

19 documents, deux citations d'un ouvrage de M. Jovic, celui qui à l'époque

20 était président de la présidence.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faut que vous fassiez attention à

22 cela. Je ne suis pas sûr que des fondements pour -- qui peuvent

23 éventuellement justifier cette question.

24 Maître Kay, peut-être pourriez-vous nous dire quelques mots sur ce sujet ?

25 M. KAY : [interprétation] Oui. J'ai examiné les pièces à conviction qui ont

Page 23291

1 été fournies ce matin en rapport avec ce témoin. Et je remarque que l'on

2 trouve dans ces pièces l'ouvrage du général Kadijevic, à l'appui de la

3 déposition que nous sommes à entendre. Je sais que les Juges de cette

4 Chambre ont exprimé quelque inquiétude quant à la nécessité de ne pas

5 admettre au dossier l'avis ou l'opinion de tierce personne par le billet de

6 témoin. Donc, puisque ce que les Juges souhaitent entendre, c'est la

7 déposition du témoin en tant que tel. Donc, c'est une manière un peu

8 artificielle. Si vous voulez, de faire entrer au dossier une pièce à

9 conviction à l'attention de la Chambre de première instance.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, je ne crois pas que ce document soit

11 recevable.

12 Madame Uertz-Retzlaff, ce que -- ce qui vient d'être dit, c'est ce que M.

13 Jovic et si vous souhaitez citer à la barre, vous pouvez le faire. Mais je

14 ne suis pas sûr que ce témoin puisse traiter de toutes ces questions.

15 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Le témoin a expliqué la teneur du

16 plan. Il a dit quelle était sa manière tant qu'à l'évolution de ce plan,

17 pendant toute cette période qui s'étend sur une année environ. Et je

18 souhaitais lui soumettre des citations -- quelques citations de cet ouvrage

19 qui portent sur le même sujet.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, demandez-lui simplement s'il est

21 d'accord ou pas Madame Uertz-Retzlaff.

22 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Mais cela correspond à ce qu'il a vu

23 sur le terrain, c'est pourquoi je souhaitais l'interroger à ce sujet.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il peut nous dire ce qui s'est passé bien

25 entendu. Cela fait partie de sa déposition. Mais il ne peut pas se servir

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1 de l'ouvrage de Jovic ou de quiconque. D'ailleurs, pour dire qu'il a vu

2 telle et telle chose se passer, si vous souhaitez obtenir un témoignage au

3 sujet de ce que le témoin a vu, il peut vous le fournir sans s'appuyer sur

4 l'avis d'une tierce personne, car cet avis est celui d'une tierce personne

5 et rien de plus.

6 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Et bien, je ne -- je n'utiliserai pas

7 cet ouvrage par conséquent, mais le témoin a préparé une carte géographique

8 en rapport avec cette opération --

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez moi. Est-ce que nous avons déjà

10 admis au dossier le journal personnel de M. Jovic ?

11 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, en fait --

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Enregistré sous quelle cote ?

13 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est la pièce à conviction 448.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que ce document était enregistré

15 à des fins d'identification ?

16 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Seulement les parties qui ont un

17 rapport étroit avec la déposition du témoin et avec ce qui est dit dans

18 l'ouvrage. Lorsqu'un événement est décrit dans l'ouvrage de Jovic et qu'un

19 témoin en a parlé, certains extraits du journal sont alors versés au

20 dossier, reçu en tant qu'éléments de preuve. La situation aujourd'hui est

21 un peu différente bien sûr, puisque le témoin n'a pas parlé de quoi que ce

22 soit qui est en rapport avec ces événements.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

24 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais soumettre au témoin une

25 carte géographique qui comporte des annotations de sa main. Donc, vous

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1 trouvez cette carte dans le classeur de pièce à conviction constituée de

2 carte géographique. On peut voir sur cette carte des mouvements de troupe.

3 Q. Et je vous demande, mon général, si c'est vous qui aviez apposé les

4 annotations que l'on trouve sur cette carte et sur quelle base vous l'avez

5 fait ?

6 R. Oui, c'est moi qui ai posé ces annotations aux différents endroits où

7 l'on trouve de telles annotations et de façon générale, on voit ici la mise

8 en œuvre de l'ordre dont j'ai parlé tout à l'heure. A savoir, que par voie

9 d'une percée vers la Slavonie orientale, et d'un encerclement de la

10 Slavonie orientale, ainsi qu'avec l'aide de la population serbe habitant la

11 partie occidentale de la Slavonie, ça s'est indiqué par cette ligne jaune

12 que l'on voit un peu plus à l'ouest de la carte. Et donc cette région était

13 déjà à l'époque sous le contrôle des soldats serbes.

14 Donc, en partant -- en utilisant une Brigade de la garde venue de Belgrade

15 pour effectuer cette percée très rapide en direction de la Slavonie

16 orientale à partir de -- en direction de la Slavonie orientale, il fallait

17 effectuer la jonction avec les autres forces celles qui se trouvaient en

18 Slavonie occidentale et une fois que les quatre unités se seraient

19 rejointes dans la région de Varazdin, Bjelovar, et Zagreb, ainsi que de

20 Karlovac, il fallait se diriger vers la frontière croato-slovenne.

21 Et puis une autre partie des effectifs engagés dans cette opération

22 devaient partir de la région de Bihac, qui à l'époque était déjà sous le

23 contrôle des insurgés serbes, pour se diriger vers Karlovac afin d'assurer

24 la réalisation du plan que j'ai décrit tout à l'heure. Et puis un troisième

25 volet du plan constituait pour les forces venues de Knin et assistées

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1 d'unités provenant du territoire de la Bosnie-Herzégovine, on peut donc

2 tirer une ligne dans la direction de la ville Zadar. Et c'est ce que ces

3 unités devaient faire, se diriger vers Zadar.

4 Un quatrième volet du plan, il fallait utiliser les unités venues de Mostar

5 pour effectuer une percée en direction de Split, ce qui permettait de

6 couper en deux la république de Croatie à ce niveau. Donc, voilà les

7 diverses façons dont l'ordre devait être exécuté dans la pratique.

8 On a également parlé d'unités de la région de Trebinje en Herzégovine

9 orientale, et d'unités de Monténégro qui devaient être également déployés

10 afin d'encercler Dubrovnik, d'assiéger Dubrovnik et d'aller ensuite vers la

11 Neretva -- vers la vallée de la Neretva qui se trouve ici, jusqu'à la

12 localité de Metkovici.

13 Q. Vous avez déjà parlé de ce plan. Vous nous avez dit quel était

14 l'origine de ce plan mais il n'a pas été exécuté selon ces modalités,

15 n'est-ce pas ? Alors, je vous demande pourquoi, si vous le savez ?

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne suis pas sûr que je comprenne ce

17 plan qui est extrêmement compliqué.

18 Pouvez vous nous dire Monsieur -- mon général, quelques mots de la façon

19 dont vous interprétiez ce plan ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce plan de façon général consistait à

21 s'emparer du territoire de la République de la Croatie au nord de la Sava

22 et au sud de la Sava jusqu'à Kupa. Donc, il fallait atteindre la frontière

23 séparant la République de Croatie de la Slovénie, et s'emparer de tout le

24 territoire situé entre la Drava et la Sava. Les unités de la JNA étaient

25 chargées de cette tache. C'était une partie du plan mais il y en avait

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1 d'autre.

2 La deuxième partie du plan consistait à couper en deux la république de

3 Croatie au niveau de Knin et de Zadar pour empêcher toute communication

4 entre ces deux villes, Knin et Zadar. Et c'est la seule partie du plan qui

5 a été réellement exécutée.

6 Ensuite, il y avait une quatrième partie du plan qui consistait à faire un

7 peu la même chose au niveau de Mostar et de Split de façon à ce que la

8 République de Croatie ne puisse plus assurer de communication complète sur

9 l'ensemble de son territoire.

10 Et puis, une autre partie du plan a été exécutée à savoir, le siège de

11 Dubrovnik à l'aide d'unités venues de Trebinje et du Monténégro. Mais ce

12 plan n'a pas été exécuté complètement pour des raisons que j'expliquerais

13 plus tard.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Madame Uertz-Retzlaff, nous

15 devons réellement essayer d'aller un peu plus vite.

16 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

17 Q. Monsieur le Témoin, vous avez déjà dit que ce plan a été modifié par la

18 suite et réduit à certaine partie du territoire croate. Savez-vous pourquoi

19 ces modifications ont eu lieu ? Cela a-t-il été le fait de la résistance

20 des forces croates ou bien ne savez-vous pas ce qu'est la cause de ces

21 changements ?

22 R. Il y a eu deux raisons. A cela, la première et la raison principale,

23 c'était la résistance des forces croates. Et la deuxième raison c'était

24 l'incapacité des unités de la JNA d'accomplir ce plan, car elles n'ont pas

25 réussi à faire respecter la mobilisation là où il le fallait. Autrement

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1 dit, les effectifs de la JNA n'étaient pas suffisants à l'époque pour

2 exécuter ce plan.

3 Et puis la troisième raison qui est également importante, c'est la pression

4 exercée par la communauté internationale qui souhaitait la fin de la

5 guerre.

6 Q. Vous avez parlé du fait que les organes de sécurité de JNA ont

7 contribué à armer les Serbes de Croatie. Mais quelles sont les instances

8 responsables de cela ? Quels sont les éléments des instances de sécurité

9 qui ont fait cela, et comment savez-vous cela ?

10 R. Je sais que c'est le 2e Détachement du groupe de contre-espionnage qui

11 est responsable de cela. En effet, c'était un groupe qui avait son lieu de

12 travail, ses bureaux dans le même bâtiment de celui où se trouvait mon

13 bureau, et ce sont les membres de ce détachement qui m'ont parlé de cela.

14 Q. Qui ?

15 R. Mirko Martic qui à l'époque était lieutenant-colonel et qui était chef

16 de ce détachement. C'est lui qui m'en a parlé le premier et ensuite M.

17 Slavko Kodak m'en a parlé également. Il était à l'époque commandant et se

18 trouvait à l'aéroport de Bihac. Et puis le commandant Stjepan Rakaric qui

19 était un assistant du 2e Détachement de contre-espionnage m'en a parlé

20 également. Par ailleurs, au cours du printemps 1991, deux membres des

21 instances de sécurité, l'un qui est le lieutenant-colonel Smiljanic et qui

22 appartenait à la 5e région militaire, donc lui a été appréhendé par la

23 police croate en Slovénie orientale avec un camion rempli d'armes

24 d'infanterie qui devaient être distribuées à la population serbe dans les

25 villages à ce moment-là. Et la presse croate a rendu compte de cet

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1 événement à l'époque.

2 Q. Mais vous avez parlé du fait que les Serbes de Croatie étaient armées.

3 Dans cette période, qu'on fait les organes de sécurité si vous le savez ?

4 R. C'était à l'automne 1990 et au printemps 1991. Je ne sais pas si cela

5 s'est reproduit par la suite mais en tout cas pour la fin 1990, début 1991,

6 je suis au courant.

7 Q. Dans quelle région cela s'est-il passé ?

8 R. Le deuxième détachement du groupe de contre espionnage était

9 responsable du secteur allant de Banija à Kordun et à la Krajina de Bihac,

10 c'est-à-dire, la région de Bihac -- Les villages serbes situés autour de

11 Bihac. Quand à cette partie de la Slovénie orientale, bien sûr, c'était le

12 cinquième corps d'armée qui avait son QG à Zagreb -- qui la 5e région

13 militaire, se reprend l'interprète, qui avait son QG à Zagreb et qui était

14 responsable de la Slovénie orientale.

15 Q. Vous avez dit que Mirko Martic dirigeait cet organe. Je veux parler du

16 deuxième détachement du contre espionnage et je vous demande s'il a reçu un

17 ordre pour agir ainsi ou si c'était simplement une initiative personnelle ?

18 R. Pour autant que je le sache, il a reçu un ordre de son supérieur, le

19 colonel Radkocevic, mais est-ce que les responsables situés plus haut que

20 Radkocevic dans le service étaient au courant, je ne sais pas.

21 Q. Est-ce que ceux qui ont distribué les armes avaient stocké des armes

22 quelque part ou est-ce qu'ils les ont trouvé dans des entrepôts, dans des

23 dépôts de la JNA ? Ou bien est-ce qu'ils ont trouvé ces armes ailleurs ?

24 R. Les services de sécurité ne possédaient pas leur propre dépôt d'armes,

25 les dépôts d'armes étaient sous la responsabilité des commandants de

Page 23298

1 l'armée, le deuxième détachement du contre espionnage utilisait les dépôts

2 d'armes de l'aéroport de Bihac. C'est là que des armes ont été prises pour

3 armer les éléments dont je viens de parler.

4 Q. Est-ce que cela veut dire que ce deuxième détachement du contre

5 espionnage avait besoin d'une coopération de la part des commandants de

6 l'armée, responsables de ce dépôt d'armes ?

7 R. C'est exact. Ils avaient besoin de la coopération de l'armée et il est

8 fort probable que le commandant qui surveillait ce dépôt a eu un avis

9 favorable au sujet de toute cette action et que c'est donc lui qui a remis

10 les armes. Mais est-ce qu'il a reçu l'ordre de le faire de sa hiérarchie,

11 je ne sais pas.

12 Q. S'agissant des armes de la JNA entreposées dans les dépôts de

13 l'aéroport de Bihac, est-ce que vous avez été informé que ce lieu servait

14 également de centre de détention ?

15 R. Exact. J'ai été informé de cela. Cela se passait dans le village de

16 Valjevac tout près de l'aéroport de Bihac. On pouvait pratiquement dire que

17 cela se trouvait sur les pistes de l'aéroport de Bihac.

18 Q. Pouvez-vous dire en quelques mots aux juges quel a été le sort du

19 Prêtre Josip Bogovic en leur disant également comment vous l'avez

20 rencontré ?

21 R. Josip Bogovic était le curé de -- un prêtre dans la région qui se

22 trouvait tout près de Bihac, dans la paroisse qui se trouvait juste à côté

23 de Bihac centré sur le village de Rezni Grad. Et il a été arrêté par les

24 organes de sécurité de la JNA en septembre 1991 parce qu'il avait un

25 certain pouvoir dans la région. On l'a envoyé dans ce centre de

Page 23299

1 regroupement que l'on retrouvait à l'aéroport Bihac. Et après quelque

2 temps, on l'a transféré à l'aéroport de Banija où il est resté en détention

3 plusieurs mois en subissant des interrogatoires et des sévices.

4 Q. Avez-vous interrogé cet homme ou lui avez-vous parlé une fois qu'il a

5 été remis en liberté et d'ailleurs, avez-vous participé vous-même, avez-

6 vous déployé des efforts pour obtenir sa liberté ?

7 R. En tant que négociateur du gouvernement croate avec la JNA, quand j'ai

8 appris qu'il avait été arrêté, j'ai eu des pourparlers avec le général

9 Raseta et j'ai demandé qu'il soit remis en liberté.

10 Et une fois qu'il a été effectivement remis en liberté, plusieurs mois plus

11 tard, il a pris contact avec moi et j'ai parlé avec lui de toutes ces

12 circonstances.

13 Q. Avez-vous remarqué des séquelles de la détention quant à son état de

14 santé physique ou mental ?

15 R. Cet homme était brisé sur le plan psychique d'ailleurs, aujourd'hui

16 encore, c'est un malade psychique et je suis certain que toutes ces

17 circonstances ont eu un effet très négatif sur son état de santé. Quant à

18 son état physique je n'ai pas vu de blessures sur son corps ce jour-là mais

19 je ne l'ai pas examiné.

20 Q. Vous avez déjà dit que vous alliez négocier avec le général Raseta,

21 est-ce qu'en 1991, vous étiez l'un des principaux négociateurs pour la

22 partie croate au cours des négociations qui se déroulaient avec la JNA et

23 le ECMM, c'est-à-dire les observateurs européens ?

24 R. C'est exact. J'étais chargé par le président de la république de mener

25 les négociations avec la JNA portant sur le retrait de la JNA du territoire

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1 de la république de Croatie.

2 Q. Quand ces négociations ont-elles commencé ?

3 R. Les négociations ont commencé le 8 octobre 1991.

4 Q. Où se sont-elles déroulées et à quelle fréquence ?

5 R. Elles se sont déroulées à Zagreb, à l'hôtel I et y participaient à

6 titre d'observateurs, les observateurs de la communauté européenne. Et ces

7 négociations se déroulaient quotidiennement et ont duré jusqu'à la fin de

8 l'année 1991.

9 Q. Le général Raseta était-il le principal négociateur du côté de la JNA ?

10 R. Jusqu'à la fin de 1991. Oui.

11 Q. Qui était son supérieur ?

12 R. Son supérieur officiel était le commandant de la cinquième région

13 militaire, le général de corps d'armée Zivota Avramovic. Il travaillait

14 donc au QG de Zagreb. Mais au moment où les négociations ont eu lieu, il

15 s'était déjà retiré avec son commandement, avec son état major dans la

16 région de Slunj. Et celui qui participait le plus souvent à ce moment-là

17 aux négociations, était l'amiral Brovet qui transmettait ses positions à

18 Zivota Avramovic, qui recevait ces conseils. Et le général Adzic

19 participait également dans une certaine mesure à ces négociations.

20 Q. Est-ce que ça signifie que le général Raseta était très fréquemment en

21 contact avec le QG de la JNA à Belgrade, avec Brovet et Adzic ?

22 R. Il le faisait pratiquement tous les jours et même parfois plusieurs

23 fois par jour.

24 Q. Comment le savez-vous ?

25 R. Parce que nous travaillions dans le même bureau. Une table nous

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1 séparait simplement et chaque fois que j'insistais sur un point, les

2 négociations étaient interrompues. Il partait dans la pièce voisine. Il

3 demandait à utiliser le téléphone. Il joignait Brovet ou Adzic au téléphone

4 et revenait ensuite en exposant une position et d'ailleurs il citait très

5 souvent le nom des hommes qu'il avait consulté.

6 Q. Etait-il en contact avec Zivota Panic également, le général Panic ?

7 R. Il est certain qu'il a eu un contact avec lui au moins une fois au

8 moment où Vukovar était assiégé, au moment où l'hôpital de Vukovar a été

9 pilonné. Ce contre quoi j'ai protesté. J'ai demandé d'ailleurs que tout

10 cela cesse et après la consultation dont je suis en train de parler, il est

11 revenu en disant qu'il avait discuté avec le général Zivota Panic,

12 commandant de la région militaire de Belgrade qui s'était trouvé à un poste

13 d'observation situé non loin de Vukovar et qu'il lui avait dit que les

14 Croates montaient et que l'hôpital n'avait pas été touchée.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] De quoi est-ce que nous parlons

16 maintenant ? Monsieur le Témoin, écoutez bien la question qui vous est

17 posée. Est-ce que nous allons maintenant parler de Vukovar ? Mme UERTZ-

18 RETZLAFF : [interprétation] En effet, en effet. Nous sommes en train donc

19 d'examiner les documents, intercalaire 8, en rapport avec l'annonce qui

20 avait été faite et la réaction dont il vient d'être question. Cela se

21 trouve à la fin du résumé de la déposition du témoin. Il s'agit de Vukovar,

22 des négociations qui ont porté sur Vukovar entre les Croates et la JNA.

23 Q. D'abord, Monsieur le Témoin, vous n'avez pas dit à quel moment ce que

24 le général Panic a dit, a été dit, au sujet de Vukovar et du pilonnage de

25 l'hôpital. Quand cela se passait-il ?

Page 23302

1 R. C'était en octobre 1991, dans les dix derniers jours du mois. J'ai

2 écrit la date dans mon agenda, mais je ne m'en souviens pas ici,

3 aujourd'hui.

4 Q. D'abord, je vous demanderais de regarder l'intercalaire 8, un protocole

5 d'accord du 8 octobre 1991. Est-ce bien le texte initial de l'accord ?

6 R. Oui.

7 Q. Au premier point de ce protocole d'accord, il est question d'un cessez-

8 le-feu général et ce cessez-le-feu devait-il être la suite de la série de

9 cessez-le-feu négocié au cours des pourparlers ?

10 R. Oui.

11 Q. Au point 3, il est question de suppression simultanée des blocus sur

12 terre et mer, et pouvez-vous nous dire combien de temps cela a duré pour ce

13 qui vous concerne ?

14 R. Les négociations et le retrait, en globalement parlant, ont duré

15 jusqu'à la fin de 1991. Mais sur les -- pour ce qui est des îles de Vis et

16 Lastovo, des petites unités ont continué à y séjourner et ne les ont

17 quitter que vers la fin de 1992. Mais le problème principal a été le

18 suivant : les unités de la JNA voulaient emporter toutes les armes et tous

19 les équipements, chose pour laquelle elles avaient besoin de moyens de

20 transport complémentaires et c'est là que les négociations se sont étirées

21 sur une période assez longue.

22 Q. Dites-nous, je vous prie, la partie croate avait-elle également des

23 requêtes ou des exigences particulières pour ce qui est de l'ordre de

24 repliement pour ce qui est de la JNA ?

25 R. C'est exact.

Page 23303

1 Q. Laquelle ou lesquelles ?

2 R. J'ai insisté sur deux points, d'abord, retirer les unités de la JNA qui

3 n'avaient pas de garnisons du temps de paix, donc qui ont été emmenés là

4 pour la guerre.

5 Et deuxièmement, j'ai insisté pour que l'objet de nos négociations soient

6 le repliement des unités de la JNA du territoire entier de la Croatie et

7 non pas du territoire seulement qui se trouvait être contrôlé par les

8 autorités croates.

9 Q. J'aimerais maintenant vous poser plusieurs questions au sujet des

10 protestations avancées dans le courant des négociations. Avez-vous protesté

11 en raison des activités de la JNA ou des forces serbes pendant les mois,

12 pendant lesquels ont duré ces négociations ?

13 R. Certainement. Cela se faisait au quotidien et plusieurs fois par jour

14 même.

15 Q. Quelles étaient les réactions de la mission d'observateurs militaires

16 de la CE, de la communauté européenne dans ces cas-là ?

17 R. La mission d'observation européenne avait demandé des réponses de la

18 part des représentants de la JNA et ces protestations se faisaient par

19 écrit et de façon orale.

20 Q. Et comment réagissait Raseta ? Que faisait-il dans ces cas-là ?

21 R. La plupart du temps, il disait que les protestations de la partie

22 croate n'étaient pas conformes à la vérité, que la réalité des faits était

23 tout à fait à l'opposé.

24 Q. Passons maintenant à quelques autres documents en corrélation avec ces

25 protestations. Le premier de ces documents se trouve à l'intercalaire 9,

Page 23304

1 cela porte sur le pilonnage de Dubrovnik. Il s'agit là d'une lettre que

2 vous avez rédigée vous-même à l'intention de la mission d'observation de la

3 communauté européenne, en date du 24 octobre 1991.

4 A-t-on pilonné Dubrovnik à l'époque et qu'est-il advenu après vos

5 protestations par écrit ?

6 R. Ceci est une protestation de ma part. Dubrovnik, en effet, était

7 pilonné à l'époque et par la suite, la réponse de Raseta pour autant que je

8 m'en souvienne a été celle d'affirmer que cela n'était pas vrai et que les

9 forces croates avaient simulé des attaques de ce genre, notamment pour ce

10 qui est de la veille ville protégée de Dubrovnik.

11 Q. Le document suivant est un document qui a déjà été versé au dossier qui

12 se trouve donc dans l'alias à feuille de garde de couleur verte. Il s'agit

13 de la pièce 330, intercalaire 12. Le ministre, Ivan Vekic, s'adresse à une

14 commission chargée d'exercer un contrôle de cessez-le-feu sur le territoire

15 de la RSFY. Et savez-vous qu'elle avait été la réaction ?

16 Pour être plus précise, je dirais que c'est une demande d'intervention

17 urgence.

18 R. Je ne sais pas quelle a été la réponse, mais je sais que ces villages-

19 là, pendant deux mois, ont été occupés.

20 Q. Avez-vous à quelque moment que ce soit protesté contre des expulsions

21 de Croates ?

22 R. En effet, cela s'est fait quotidiennement dans le courant de l'année

23 1991.

24 Q. Et quelles étaient les réponses et réactions de la part du général

25 Raseta à cela?

Page 23305

1 R. Il disait qu'il allait voir de quoi il s'agissait. Il disait que les

2 gens s'en allaient de leur plein gré. Et que l'on n'exerçait à leur

3 encontre aucune pression.

4 Q. D'après les informations dont vous disposiez, est-ce que cela

5 correspondait à la réalité ?

6 R. Non, parce que tous les villages et là, c'est la tactique bien connue

7 de la Slavonie de l'Est, avant que d'attaquer, on pilonne de façon

8 systématique. Et c'est sous ces pressions-là que les gens déménageaient,

9 s'en allaient pour quitter la zone du front. Et sur les territoires

10 occupés, il y avait eu des pressions constantes de la part des autorités

11 serbes pour ce qui est de faire en sorte que la population croate s'en

12 aille. Chose qui a d'ailleurs été réalisée.

13 Q. Je voudrais que l'on place devant le témoin, les documents qui figurent

14 aux intercalaires 10 à 17 qui concernent tous Vukovar. Comme on peut le

15 constater, la situation à Vukovar, a fait l'objet de pourparlers dès le

16 début. N'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Si nous nous penchons sur cet intercalaire 10, datée du 12 octobre, il

19 s'agit là d'une lettre de la mission d'observation et cela porte sur les

20 blessés, les blessés de Vukovar. Est-ce que cela a fait l'objet de

21 préoccupations constantes ? Est-ce que c'est là quelque chose qui a fait

22 l'objet de négociations permanentes avec le général Raseta ?

23 R. Oui. Cela a été un problème permanent. Et la majeure partie des

24 négociations a porté sur Vukovar. Et notamment, sur les blessés et malades

25 de l'Hôpital de Vukovar.

Page 23306

1 Q. Je me réfère maintenant à l'intercalaire 11, il s'agit d'une lettre de

2 du -- datée en -- du 18 octobre 1991. Cela est un courrier rédigé par le

3 général Tus. Il s'agit de -- d'attaques et de blessés. Est-ce là un

4 document authentique ?

5 R. C'est exact. C'est un document authentique.

6 Q. Nous passons à l'intercalaire d'après à savoir, l'intercalaire 12. Il

7 s'agit ici d'un document qui porte sur une proposition du 17 novembre 1991.

8 S'agit-il là de ce qui avait été convenu pour ce qui est de l'évacuation

9 des malades de l'Hôpital de Vukovar ?

10 R. A l'époque juste précédent immédiatement l'occupation de Vukovar, la

11 négociation -- les négociations principales concernant l'évacuation des

12 malades et des blessés étaient conduites par le ministre de la Santé, Dr

13 Andrija Hebrang et pour autant que je m'en souvienne, c'est bien de ce

14 document qu'il s'agit. C'est le document de l'époque.

15 Q. Il a été convenu que l'évacuation se fasse suivant un itinéraire

16 déterminé en date du 17 novembre.

17 Et si vous vous penchez maintenant sur l'intercalaire 13, nous pourrons

18 voir que le 18, il y a eu signature d'un accord. Donc, signature de

19 l'accord en date du 18 novembre portant sur l'évacuation. Pouvez-vous nous

20 dire qui a signé cet accord ?

21 R. Du côté croate, l'accord en question a été signé par le Dr Andrija

22 Hebrang. Et du côté de la JNA, cela a été signé par Andrija Raseta.

23 Q. A l'Article 6 de l'accord en question, il est dit;la République de

24 Croatie et la JNA reconnaîtront la neutralité du -- de l'Hôpital de Vukovar

25 pendant la période de l'évacuation.

Page 23307

1 Est-ce que la JNA s'en est tenue à la lettre de ce qui a été convenu ?

2 R. La JNA ne s'en est pas tenue à la lettre de ce qui est dit ici. Et cela

3 est peut-être constaté de nos jours.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons déjà entendu des témoignages à

5 ce sujet. Je crois que le document a déjà été versé au dossier. Si vous

6 vous penchez sur le témoignage ou les pièces versées par le billet du

7 témoignage du Dr Bosanac, je crois que cela est couvert par celui-ci. Nous

8 l'avons déjà vu.

9 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

10 Q. Le document suivant à l'intercalaire 14, est un document daté du 21

11 novembre. Il s'agit d'un accord verbal réalisé en date du 20. Avez-vous

12 connaissance de ceci ?

13 R. Oui.

14 Q. Si vous vous penchez sur l'intercalaire 15, vous verrez là, une lettre

15 de votre part adressée au général Andrija Raseta. Et cela concerne l'accord

16 en question. Il est dit à un endroit, que l'évacuation des blessés et des

17 malades se feraient par la localité de Bosanka Raca. Nous n'avons pas

18 besoin d'en parler. Mais nous savons que certains seulement, sont arrivés

19 jusqu'à ce site-là. Qu'avez-vous fait lorsque vous avez remarqué que

20 seulement certaines personnes sont arrivées jusque là ?

21 R. Nous avons énergiquement protesté au quotidien auprès du général Raseta

22 pour que les autres blessés et les autres personnes évacuées soient

23 acheminés par cet itinéraire-là ou par un itinéraire autre vers le

24 territoire croate.

25 Q. Et que vous a-t-on répondu. Qu'a-t-on dit ?

Page 23308

1 R. On répondait qu'on ne savait pas, qu'on allait voir, qu'il fallait

2 attendre, qu'on allait organiser et que, et en somme, c'était toujours plus

3 ou moins vague. Nous n'avions pas la possibilité de les contraindre à un

4 comportement différent.

5 Q. Nous passons maintenant aux intercalaires 16 et 17. Il s'agit là de

6 lettres émanant du Dr Granic et du ministre Hebrang. Il s'agit de questions

7 posées concernant l'emplacement des blessés et des personnes disparues.

8 Est-ce que la JNA vous a, à quelque moment dit cela ou avez-vous compris

9 cela ?

10 R. Je n'ai pas compris là, votre question.

11 Q. Avez-vous à quelque moment que ce soit reçu, obtenu une réponse

12 officielle de la JNA concernant ce qui était arrivé aux personnes

13 disparues ?

14 R. Jamais, nous n'avons reçu de réponse officielle ne serait-ce que par

15 voie verbale.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, l'heure est

17 arrivée ou est révolue pour ce qui est de la pause. Serait-ce là un moment

18 approprié.

19 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Nous venons de traverser Vukovar, je

20 voulais justement passer à un autre sujet, à l'expulsion de personnes et de

21 plaintes adressées à ce sujet. J'allais me passer à Saborsko avec le

22 témoin.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien. Nous allons lever l'audience pour

24 20 minutes.

25 --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.

Page 23309

1 --- L'audience est reprise à 12 heures 43.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Veuillez continuer Madame Uertz-Retzlaff.

3 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 Q. Général, l'intercalaire 18 nous parle -- nous donne une information

5 portant sur une réunion, réunion entre le chef de Mission d'observation et

6 le ministre Granic, réunion datée du 15 janvier 1992, et vous êtes

7 mentionné ici comme étant participant aux entretiens. Etait-ce là une

8 réunion de préparation pour plutôt aux négociations futures avec le général

9 Raseta ?

10 R. C'est exact. A la fin ces entretiens il y a eu des négociations après

11 Zagreb en Hongrie et c'est ce qui avait entre autre était convenu avec la

12 mission européenne quant à la tenue de telle réunion.

13 Q. C'est un document en anglais, mais vous avez eu le temps de le

14 parcourir avec l'aide d'un interprète dans le cadre de la préparation de

15 votre témoignage. Est-ce que exact ?

16 R. C'est exact.

17 Q. Point 4 de ce document, ils sont énumérés les priorités posées par les

18 Croates à propos de ces pourparlers futurs, et je vois le point A :

19 "Arrêter ce processus qui consiste à pousser les Croates à quitter leurs

20 foyers dans les zones se trouvant sous le contrôle de la JNA ainsi que

21 d'empêcher qu'ils soient remplacés par des colons Serbes."

22 Pourriez-vous nous dire ici à quelle région il est fait référence, à quel

23 moment ceci s'est t-il passé et où ?

24 R. Sur tout le territoire occupé, il y a eu des départs de la population

25 dans la partie, qui est un peu moins dans la partie ouest parce

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1 qu'auparavant elle avait été déjà nettoyée des Croates qui s'y trouvaient

2 tant dans le secteur nord que dans le secteur sud, mais c'était notamment

3 dans le secteur est.

4 Q. Donc ça veut dire la Slavonie orientale ?

5 R. Exact.

6 Q. Intercalaire 19, on y trouve une lettre ou plutôt une télécopie vous le

7 constaterez dans sur l'original, on y voit la date du 15 mars 1992. Voyons-

8 nous ici un exemple du type de comportement qu'on constatait ici se

9 rapporte au village de Boksic ?

10 R. Exact.

11 Q. Dans ce document -- excusez-moi -- on voit une partie manuscrite. Est-

12 ce que c'est écrit de votre main ? Cette note dit que j'ai demandé qu'on

13 m'envoie en toute urgence une équipe de l'ECMM depuis Belgrade afin de

14 protéger les habitants. Est-ce que là une note écrite de votre main ?

15 R. Oui, c'est mon écriture à moi.

16 Q. L'ECMM était-elle en mesure d'entrer dans cette région et est-ce que

17 l'ECMM a pu mettre un terme à ce qui se passait ?

18 R. Il devait avoir accès à partir de Belgrade. Cela n'a pas été le cas

19 pour ce qui est de Zagreb, pour autant que je sache, il pouvait intervenir.

20 Je ne pense pas qu'ils aient pu faire mettre terme à l'accès parce que cela

21 s'est poursuivi.

22 Q. Mais pendant combien de temps. Je parle ici de la totalité de la

23 région.

24 R. A peu près jusqu'à la fin 1993, tous les territoires occupés par les

25 Serbes ont été nettoyés des autres groupes ethniques. Il est resté certains

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1 vieillards dans leurs maisons respectives.

2 Q. Intercalaire 20. On y trouve un rapport, un résumé consécutif à toute

3 une série de réunions qui se sont tenues le 20 mars 1992 et aux alentours

4 de cette date, réunions de représentants de la communauté internationale et

5 des représentants croates. Il est dit au paragraphe 4, que vous avez

6 également participé à ces discussions. Ce fut le cas aussi de M. Ramljak,

7 ce fut le cas de l'ambassadeur Salgueiro [phon], il y avait aussi un

8 général, un consul tchèque.

9 R. Je m'en souviens, il y a eu toute une série de réunions de ce type.

10 Q. Le document le dit on parle ici de l'expulsion d'habitants et de

11 questions y afférant.

12 Paragraphe 2 du document. Voici ce qui est dit. D'abord on fait référence à

13 l'expulsion de 61 personnes de Jovarnik et du Nijemci. Quelles sont les

14 personnes, quels types de personnes ont-elles été expulsées de ces

15 villages, quelles étaient leurs appartenances ethniques ?

16 R. On a expulsé de là des Croates, du village de Nijemci parce que 95 %,

17 ils avaient été, à 95 %, la population de cette localité de Nijemci. Pour

18 ce qui est de l'autre village de Jovarnik, on a chassé de là d'autres

19 groupes ethniques. Pour être concret, je dirais des Slovaques, des

20 Tchèques, des Hongrois, qui étaient assez nombreux dans ces villages-là.

21 Q. Je vais vous présenter une citation qui concerne d'autres groupes

22 ethniques.

23 On dit :

24 "Aussi que le Consul général tchèque le 27 mars, était venu se plaindre en

25 termes vigoureux de l'expulsion de Tchèques de Ilok."

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1 Où la situation se poursuit, Ramljak qui demandait une réunion immédiate

2 avec l'ECMM a contesté vigoureusement qu'il y ait une tactique, une

3 pratique qui se développe dans ces zones protégées où l'on a essayé de

4 faire des "purges ethniques". Il n'y avait pas que des Croates, il y avait

5 des Tchèques, des Hongrois, des Ukrainiens et des Ruthènes qui ont été

6 aussi chassés avant le déploiement de la FORPRONU.

7 Ici nous parlons de quelle période et d'abord aussi étiez-vous conscient de

8 ça ?

9 R. C'est exact.

10 Q. Nous parlons de quelle époque ?

11 R. Cela s'est passé à cette époque-là. Il y avait des cas individuels et

12 des cas en masse. Les gens venaient ou étaient emmenés jusqu'à la ligne de

13 démarcation pour passer du côté croate.

14 Q. Dans ce même paragraphe on dit ceci :

15 "Les zones les plus touchées sont pour le moment la Dalmatie centrale, la

16 Slovénie orientale, et la région de Ilok."

17 Est-ce que ceci cadre bien avec le souvenir que vous avez de ces régions ?

18 R. Oui.

19 Q. Sujet différent. Je vais maintenant vous demander d'examiner une carte

20 et après à l'attaque menée sur Saborsko. C'est un document qui avait reçu

21 une cote provisoire par l'intermédiaire de notre témoin, il s'agit de

22 l'intercalaire 9 de la pièce 326. Le témoin qui était sensé se servir de ce

23 document n'a pas pu fournir d'explications valables. Pourriez-vous nous

24 aider mon général ?

25 Première chose, étiez-vous au courant de ce qui se passait à Saborsko en

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1 novembre 1991 ?

2 R. J'étais au courant parce que le président de la communauté de Saborsko

3 donnait signe de vie très souvent pour que je vienne en aide, pour ce qui

4 est d'éliminer les pressions exercées sur Saborsko et pour ce qui est

5 d'armer Saborsko, afin de leur permettre de se défendre par eux-mêmes.

6 Q. Avons-nous ici une carte de la JNA d'après la connaissance que vous

7 avez de ce type de cartes ?

8 R. Sur cette carte-là, il n'y a pas d'inscriptions comme à l'accoutumé. Il

9 n'y a pas d'inscriptions concernant le grade du commandant concerné. Mais

10 ce type de cartes est le type de cartes que l'on préparait quand on

11 planifiait des opérations. C'est une carte qui relève du niveau d'une

12 brigade et ce qui apparaît à partir d'ici, cela appartiendrait au

13 commandant de la cinquième brigade des partisans qui étaient stationnés sur

14 le territoire.

15 Q. La cinquième brigade des partisans, est-ce là une brigade de la JNA ou

16 non ?

17 R. Les brigades de partisans étaient prévues dans l'organisation de la

18 mobilisation qui avait été celle de l'ex-JNA et ces unités étaient placées

19 sous les ordres de la JNA. On les complétait ces unités-là par des

20 ressortissants de population locale, qui eux avaient l'obligation de faire

21 leurs services et de prendre part à la défense de leur territoire dans le

22 cadre de cette brigade. Ces brigades de partisans ont -- avaient été

23 prévues pour des territoires locaux et n'étaient pas prévues pour être

24 expédiées vers des territoires autres. Ces brigades étaient armées d'armes

25 légères et elles étaient notamment destinées à défendre certaines positions

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1 et territoires et peut-être procédées à des assauts à échelles inférieures.

2 Q. On voit sur la carte, des annotations en rouge, est-ce que ceci indique

3 les mouvements des Serbes et que représente les annotations en bleu ?

4 R. En rouge, il s'agit de la JNA et des Serbes et les marquages en blanc

5 sous-entendent les effectifs croates sur ces territoires.

6 Q. Était-ce là l'attaque prévue sur Saborsko et d'autres villages, deux

7 autres Poljana.

8 L'INTERPRÈTE : Je pense -- je ne vois pas l'autre, impossible de le lire --

9 R. Exact.

10 Q. Étiez-vous au courant de la présence sur les lieux de l'armée de

11 Croatie. Est-ce qu'il y avait sur place des unités de l'armée de Croatie ou

12 des unités de police ?

13 R. Il y avait là une unité de la police et la population auto organisée de

14 Saborsko et des villages de Sertic Poljana à savoir au sud-est de Saborsko

15 en allant vers les lacs de Plitvice.

16 Q. La carte vous permet-elle de voir qu'elles sont les unités qui

17 interviennent du côté serbe ?

18 R. J'ai dit qu'il s'agissait de la 5e Brigade des partisans. C'était là sa

19 carte à elle et c'est par elle qu'il a été mis sur pied un groupe tactique

20 que l'on appelle ici Groupe tactique 2. A Plasko qui se trouvait être

21 occupé par des forces serbes, dès cette époque-là, il y avait une compagnie

22 de la TO de Plasko et dans le secteur de Ogrizovici au nord, nord-est de

23 Licka et Jasanica et de Saborsko, il se trouvait une deuxième brigade

24 blindé -- une deuxième compagnie blindée -- bataillon blindé, et il y avait

25 des unités moindre. Partant des structures d'activités indiqués ici, en

Page 23315

1 haut à gauche, partie gauche, on voit qu'il bénéficiait d'un soutien de

2 l'aviation entre 8 heures 40 jusqu'à 9 heures 10, donc une demie heure de

3 soutien aérien. Et je suppose que cela s'est fait à partir de l'aéroport de

4 Bihac, étant donné qu'il était encore actif sur le plan opérationnel. Et

5 c'est de là que les avions étaient basés.

6 C'est de là qu'on été planifié -- a été planifié un soutien à

7 l'artillerie. Il y avait des obusiers de 122 millimètres. C'est un calibre

8 relativement important. A partir du secteur des lacs de Plitvice, c'est là

9 qu'ils avaient été disposés. En d'autres termes, il ne s'agit pas d'une

10 opération de la part des membres de la Défense territoriale seulement mais

11 aussi de la Brigade de partisans et des unités régulières de la JNA.

12 Q. Combien d'hommes y avait-il qui assurait la défense ? Vous avez parlé

13 des gens de la localité, de la police. Pourriez-vous nous dire qu'elle

14 était leur nombre et qu'elles étaient les armes dont ils disposaient ?

15 R. Je ne dispose pas de renseignements exacts mais il devait y avoir au

16 maximum 100 hommes armés à Saborsko et dans les villages environnants. Ils

17 étaient armés à l'arme légère, à savoir, de fusils. Et ici, dans la

18 présentation qu'on en fait, exception faite de barrages routiers organisés

19 par la partie croate, on ne peut constater que les attaquants ont prévu la

20 présence de pièces d'artilleries lourdes.

21 Q. Savez-vous si ce plan a fini par être exécuté ? Et si l'exécution a été

22 conforme au plan ?

23 R. Exact. Le plan en question a été réalisé et Saborsko a été vidée de sa

24 population, donc occupée, et par la suite, a été rasée complètement.

25 Q. Savez-vous si ceux qui défendaient le village ont pris la fuite pendant

Page 23316

1 l'attaque aérienne ou l'attaque d'artillerie qui a précédé l'attaque de

2 l'infanterie ?

3 R. La majeure partie de la population a fui. Les défenseurs, eux, se sont

4 retirés face à un attaquant supérieur en nombre.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, d'où vient ce

6 plan ? Pouvez-vous nous aider sur ce point ?

7 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il a été fourni par le gouvernement

8 de Croatie qui l'a saisi en même temps que d'autres documents.

9 Q. Le saviez-vous, Monsieur le Témoin ? Saviez-vous que ce document avait

10 été saisi ?

11 R. Je ne le sais pas pour ce document-ci mais je sais qu'un grand nombre

12 de documents ont été saisis après l'Opération tempête.

13 Q. Vous avez dit qu'ensuite le village a été rayé de la carte. Est-ce que

14 ceci s'est passé dans d'autres villages aussi vers cette époque, dans la

15 région ?

16 R. Plus ou moins tous les villages croates sur ce territoire ont été vidés

17 de leurs populations et par la suite, les maisons, les constructions se

18 sont vues dévastées. Il y a peu de villages croates sur cet axe allant

19 depuis Plitvice vers Saborsko mais il y en a eu davantage sur la direction

20 allant de Plitvice vers Slunj mais la question afférente à l'occupation, je

21 dirais que cela s'est fait avant. Je souligne même, je parle de Drezni

22 Grad, Vaganac et Rakovica.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général Agotic, suis-je en droit de

24 penser s'agissant de cette carte, qu'il y a un passage ou une partie que

25 fait référence aux pertes subies dans le cadre de cette opération ?

Page 23317

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne puis garantir s'il s'agit là de

2 prévisions, de pertes ou s'il s'agit de pertes réelles pour ce qui est de

3 ce qui est en bas de page.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais c'est là précisément la raison de

5 ma question.

6 On dit qu'il y a d'après la légende que je vois, on parle en bleu des

7 blessés et en rouge, on donne un chiffre de 315. Est-ce exact ? Puisqu'il y

8 a cette carte, n'était-elle pas davantage un rapport qu'un plan ? Avez-vous

9 des informations à ce propos ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça serait plutôt un plan parce que les 315, ça

11 peut porter sur le nombre d'habitants de Saborsko, y compris ceux qui

12 avaient disposés d'armes.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est la signification qu'il faut

14 donner aux couleurs rouges et bleus. Parce que je vois en rouge trois

15 blessés et puis vert, 315. Est-ce que 315 c'est le nombre d'habitants ?

16 C'est peut-être cela d'après vous ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Exact. Il serait réaliste de considérer que du

18 côté serbe, il y avait eu trois blessés parce qu'il y avait une démesure

19 pour ce qui est de l'armement. Et les 315 ont été déménagés, chassés de

20 Saborsko. Il y avait à peu près ce nombre-là d'habitants dans la localité

21 en question.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

23 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Dans ce contexte, j'ai une question

24 supplémentaire à poser.

25 Q. Ici, nous avons une carte militaire. Au moment de l'élaboration d'un

Page 23318

1 tel plan, est-ce qu'on ajoute ce genre de sections ? On fait une

2 estimation, une prévision des pertes de part et d'autres d'ailleurs.

3 R. C'est ce qui est rédigé dans l'ordre donné. La carte est un document

4 qui accompagne l'ordre. Cela fait partie intégrante d'un ordre. L'ordre est

5 fourni par écrit et l'un des alinéas qui doit y figurer c'est celui qui

6 porte sur les pertes auxquelles on pouvait s'attendre. Nous n'avons pas

7 l'ordre écrit, nous n'avons que la carte.

8 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur.

9 Nous avons ainsi terminé l'interrogatoire principal.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie.

11 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je n'ai pas utilisé l'autre carte qui

12 n'était pas tellement importante vu le manque du temps. C'est la carte de

13 Slunj.

14 M. LE JUGE MAY : [aucune interprétation]

15 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

16 Q. [interprétation] Monsieur le Général, vous avez fourni des réponses

17 très claires et très précises. J'espère que nous allons pouvoir mettre à

18 profit le temps qu'il nous est imparti de façon efficace. Tout d'abord, je

19 voudrais que nous tirions au clair quelques éléments avancés dans la fin

20 des explications que vous avez données lors de l'interrogatoire principal.

21 Il s'agit en effet du plan de la JNA, qui était celui de sauvegarder la

22 Yougoslavie à tout prix. Vous en avez parlé, n'est-ce pas ?

23 L'INTERPRÈTE : Le témoin signe affirmatif de la tête.

24 Q. J'ai cru comprendre que vous aviez expliqué des opérations planifiées

25 par la JNA de façon à placer la Croatie toute entière sous le contrôle de

Page 23319

1 la JNA, à savoir, de façon à ce que les forces soient disposées aux

2 frontières avec la Slovénie, n'est-ce pas ?

3 R. Exact.

4 Q. Cela avait été le premier des plans. J'ai cru comprendre que vous avez

5 décrit cela comme étant le premier des plans élaboré.

6 R. Exact.

7 Q. Par la suite, vous avez expliqué comment ce plan était sensé se

8 réaliser. Et vous avez mentionné une dépêche datée de 1991, où la chose se

9 trouvait être élaborée. C'est bien cela ?

10 R. C'est bien cela.

11 Q. Malheureusement, nous n'avons pas la dépêche en question mais vous

12 connaissez certaines heures ?

13 R. C'est exact. Mais celle-ci doit certainement dans les archives de la

14 JNA.

15 Q. Il se peut que nous puissions l'obtenir et j'espère que là, il n'y aura

16 pas de litige. Dans le contexte des tâches prévues par dépêche en question,

17 vous avez parlé d'acheminement d'effectifs de la JNA à partir d'axe variée.

18 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de la tête.

19 Q. Étant donné que vous êtes général, que vous êtes un expert en matière

20 militaire, que certaines -- certains éléments expliqués de façon confuse

21 dans certains autres témoignages soient expliqués par vos soins de façon

22 nette et claire, il n'est pas contesté qu'il y ait eu un plan de la JNA

23 d'occuper la frontière avec la Slovénie pour préserver la république

24 fédérale de Yougoslavie sans la Slovénie, mais avec la Croatie. Et vous

25 avez parlé des axes d'accès. Vous avez parlé de couper certains

Page 23320

1 territoires. Il ne s'agissait pas de mettre en place des frontières

2 quelconques, si j'ai bien compris, mais il s'agissait de recouper le

3 territoire pour faire venir des territoires aux fins de leur permettre de

4 réaliser cette tâche et conserver la Croatie entière dans le reste du pays

5 en préservant les frontières à l'égard de la Slovénie, n'est-ce pas ?

6 R. C'est en partie exact.

7 Q. Donc, en vertu de ce premier plan, il y avait intention de la JNA de

8 préserver la Croatie dans le cadre du territoire intégral de la RSFY sans

9 la Slovénie ?

10 R. C'est cela.

11 Q. A cet effet, ce que vous mentionnez pour ce qui est de l'acheminement

12 des unités en provenance de Bihac, de Knin, de la vallée de la Neretva, de

13 la région du Monténégro, de la Serbie. Toutes ces unités ont été placées au

14 service de la réalisation du plan que vous venez de mentionner. C'est bien

15 cela ?

16 R. C'est cela.

17 Q. Par conséquent, ces recoupes sont en fait des axes d'accès des troupes

18 pour prendre des positions stratégiques aux fins de réaliser le plan tel

19 quel et préserver la Croatie dans le cadre des frontières de la RSFY ?

20 R. C'est en partie cela, oui.

21 Q. Puis, vous parlez du plan en disant qu'il n'a pas marché, que ce plan

22 n'a pas porté ses fruits pour des raisons que vous avez avancées. Et que la

23 mission de ces unités a été ramenée à un échelon inférieur ?

24 R. C'est cela.

25 Q. Et la deuxième des missions que vous avez exposée ou expliquée, c'était

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1 de disposer les unités sur l'axe Virovitica-Karlovac-Karlobag. C'est cela,

2 n'est-ce pas ?

3 R. C'est exact.

4 Q. Par la suite, un -- une troisième étape de rapetissement -- de

5 réduction de la mission était celui de retirer les unités vers les

6 territoires où il y avait majorité des Serbes, à savoir, les territoires où

7 la population n'avait pas considéré que la JNA était une armée ennemie,

8 n'est-ce pas ?

9 R. C'est exact.

10 Q. Partant de vos explications, au final, je tiens à dire que pour la

11 première fois et ça fait un an et demi que cela que l'on peut voir qu'il

12 s'agit d'opérations militaires et non pas de frontières d'état Virovitica-

13 Karlobag-Karlovac.

14 R. En partie, oui, parce que là où il y avait l'armée, cela devait

15 constituer la frontière.

16 Q. Oui, mais ici il s'agit d'un plan qui, d'une part, était celui de la

17 JNA et, d'autre part, le plan qu'avaient les unités croates ?

18 R. Exact. Ce sont deux plans opposés l'un à l'autre.

19 Q. Oui. Deux plans opposés, mais toute la journée aujourd'hui, pendant

20 toute votre déposition, vous n'avez cessé de parler d'une partie, à savoir,

21 la JNA et d'une autre partie, à savoir, les forces armées de Croatie,

22 n'est-ce pas ?

23 R. C'est exact.

24 Q. Est-ce que la Serbie se trouve quelque part là-dedans où que ce soit ?

25 R. Si elle se trouve quelque part, je ne sais pas. Moi, ce dont je parle,

Page 23322

1 c'est la situation qui prévalait à l'époque sur le terrain. Qui était

2 derrière tout cela, il appartient à d'autres de le prouver. En ma qualité

3 de militaire, c'est de cette façon que j'ai vu les choses et je les

4 communique comme je les ai vues.

5 Q. C'est la raison pour laquelle je pense que votre déposition est très

6 utile car, en tant que soldat, et pas seulement en tant que soldat

7 d'ailleurs, mais en tant que commandant au sein de l'armée et en tant

8 qu'interlocuteur participant à des négociations également, vous aviez en

9 face de vous la JNA. C'était la JNA qui était votre interlocuteur dans ces

10 négociations, n'est-ce pas ?

11 R. C'est exact.

12 Q. Pendant tout le temps ?

13 R. Oui.

14 Q. Quant à la situation politique, vous avez parlé de la participation du

15 président Tudjman aux réunions de la présidence de la RSFY, ainsi que des

16 activités qui se menaient en parallèle aux activités que vous venez de

17 décrire dans votre déposition, n'est-ce pas ?

18 R. C'est bien cela.

19 Q. Et bien, maintenant je vais essayer de suivre un ordre déterminé pour

20 faciliter notre travail. Mon général, je vous demande si, depuis le début

21 vous avez appuyé l'idée, vous avez été favorable à l'idée d'une Croatie --

22 d'un état croate indépendant situé donc à l'extérieur des frontières de la

23 Yougoslavie.

24 R. Que voulez-vous dire par "depuis le début" ?

25 Q. Et bien, ce que je veux dire c'est quand avez vous commencé à être

Page 23323

1 favorable à l'idée d'une Croatie extérieure à la RSFY et donc un état

2 indépendant, quand en tant qu'officier de la JNA avez-vous commencé à

3 appuyer cette idée ?

4 R. J'ai apporté mon appui à cette idée à partir du moment où la guerre a

5 commencé sur le territoire de Croatie et où je me suis rendu compte que

6 c'était la seule solution, la seule solution étant un état indépendant

7 croate et la même chose aurait dû être fait dans toutes les autres

8 républiques de l'ex-Yougoslavie, d'ailleurs.

9 Q. Fort bien. Comme vous l'avez dit il y a un instant, vous avez décrit

10 les efforts déployés par la JNA et vous étiez au sein de la JNA parmi les

11 officiers les plus hauts gradés. Vous étiez colonel, n'est-ce pas, donc,

12 vous saviez que la JNA avait pour mission principale de défendre

13 l'intégrité territoriale de la Yougoslavie, c'est bien le cas, n'est-ce pas

14 ?

15 R. Oui.

16 Q. Mais en tant qu'officier de la JNA, il est arrivé un moment où vous

17 avez changé d'avis et vous avez estimé que la nécessité de préserver -- de

18 défendre l'intégrité territoriale de la Yougoslavie n'existait plus et que

19 des états indépendants devaient être créés à partir de ce pays.

20 R. Monsieur Milosevic, ce n'est pas un moment qui est arrivé. Cela s'est

21 passé dans le cadre d'un processus qui a commencé en 1989. En fait j'ai

22 beaucoup réfléchi à tout cela; j'ai écrit au général Kadijevic qui était

23 le no 1 de l'ex JNA.Je l'ai écrit officiellement en ma qualité de chef

24 service de sécurité de la JNA et je ne sais s'il a reçu mes courriers car

25 je n'ai jamais reçu de réponse de sa part. Mais dans ces lettres je disais

Page 23324

1 quel était mon inquiétude par rapport à la situation qui était en train de

2 se développer car d'après moi, ce que je voyais c'est que des rapports qui

3 auraient dû être bons étaient en train de se dégrader sur le territoire de

4 l'ex-Yougoslavie et je me rendais compte, je voyais que la JNA dans le

5 cadre de ces conflits naissants aurait pu et aurait dû jouer un rôle

6 beaucoup plus important. Elle aurait pu le faire si elle s'était abstenue

7 de prendre partie pour les uns ou pour les autres, si elle avait exigé soit

8 la reconstitution pacifique de la Yougoslavie, soit sa division pacifique,

9 mais à partir du moment où elle a laissé échapper cette chance, à partir du

10 moment où elle a pris parti pour une partie au dépend de l'autre, et je

11 suis en mesure de garantir la partie pour laquelle la JNA a pris parti

12 était la partie serbe, donc à partir de ce moment-là, j'ai perdu tout

13 espoir en la JNA.

14 Il y avait la guerre en Slovénie qui a été suivie par les problèmes en

15 Croatie. Donc voilà quel a été le processus qui n'a pas été de ma part une

16 décision instantanée mais un processus donc qui m'a mené--qui m'a amené à

17 changer d'avis.

18 Q. Fort bien, fort bien, mais la carrière que vous aviez embrassés,

19 puisque vous avez passez toute votre vie en tant que officier de la JNA à

20 faire suite à des études que vous avez faites à l'académie militaire de

21 Belgrade, n'est-ce pas ? Et à des lycées militaires dont vous aviez suivi

22 les cours auparavant ?

23 R. Le lycée de guerre également, oui.

24 Q. Oui, oui, le lycée le collège de guerre également.

25 Q. Oui, oui le collège de guerre qui est, n'est-ce pas, la plus haute

Page 23325

1 institution militaire du pays ?

2 R. Oui c'est exact.

3 Q. C'est une école dont les cours sont suivis par les généraux et par

4 conséquent je suppose que vous avez également fait une bonne carrière au

5 sein de la JNA, que vous avez été promu en obtenant des grades toujours

6 plus élevés et que vous étiez en fait au sein du cinquième corps des forces

7 aériennes au grade le plus élevé possible auquel vous êtes resté jusqu'à

8 mars 1992, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous avez passé le plus clair de votre temps à travailler dans le

11 domaine de la sécurité, n'est-ce pas ? Les fonctions qui étaient les vôtres

12 au cours de votre carrière étaient principalement centrées sur la sécurité.

13 R. Oui.

14 Q. En tant que professionnel, en tant qu'expert, je vous demande si les

15 militaires qui travaillent dans le domaine de la sécurité sont grandement

16 respectés, s'ils bénéficient d'une estime professionnelle particulière si

17 on estime que ce sont des gens à qui on peut faire confiance. Bien sûr,

18 étant entendu que les personnes comme vous qui atteignait à ce genre de

19 fonction avaient déjà mérité le poste qui était le leur en obtenant des

20 diplômes de toutes ces écoles très importantes, c'est bien le cas, n'est-ce

21 pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous dites également que votre tâche principale en tant que chef de la

24 sécurité du cinquième corps d'armée consistait à défendre les unités qui

25 appartenaient à ce corps, n'est-ce pas ?

Page 23326

1 R. Oui.

2 Q. Que voulez vous dire par protéger, qu'est-ce qu'implique le terme

3 protection. Je suppose que vous faisiez votre travail avec le plus grand

4 succès.

5 R. Oui.

6 Q. En page 2 de votre déclaration écrite paragraphe 6, vous dites que

7 toute cette direction de la sécurité - non, non vous n'avez pas besoin de

8 lire votre déclaration, je ne vais pas vous prendre--vous tendre un piège

9 ou quoi que ce soit de ce genre. Je n'ai aucune intention de vous piéger

10 mais vous souhaitiez neutraliser l'intervention étrangère, neutraliser les

11 extrémistes qui étaient susceptible d'agir, neutraliser également les

12 ennemis de l'intérieur ou de l'extérieur c'est bien la tâche qui était la

13 vôtre pour l'essentiel celle dont vous avez parlé, alors dites- moi, est-ce

14 que vous--dans laquelle de ces tâches vous étiez engagé le plus ?

15 R. À partir de l971 au sein du service auquel j'appartenais et jusqu'en

16 1991 en tout cas, 70 % des capacités de notre service étaient centré sur la

17 neutralisation d'un ennemi interne.

18 Q. La JNA était-elle la seule force armée au sein de la FSFY qui

19 s'opposait à toutes formes de nationaliste ?

20 R. Pendant un certain temps oui, ou en tout cas, pendant les années où

21 j'ai occupé les fonctions qui ont été les miennes au sein de la JNA.

22 Q. Vous dites que la situation au sein de la RSFY est devenue plus

23 complexe après la mort de Tito, c'est bien cela, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que ça signifie qu'immédiatement après sa mort des tentatives de

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1 scission se sont fait jour de la part de mouvement extrémistes et autres,

2 tous marqués par le nationalisme, le chauvinisme et ce genre de tendance

3 qui constituait une menace pour l'intégrité de la Yougoslavie ?

4 R. Oui, en effet.

5 Q. Les services de sécurité ont-ils suivi de très près toutes ces

6 activités indépendamment de ceux qui les accomplissaient donc

7 indépendamment, du fait de savoir si les auteurs de tels actes étaient

8 Serbes, Croates, Albanais ou autre ?

9 R. Oui, c'est exact, cela a été le cas pendant un moment, par la suite les

10 services de sécurité ont changé d'attitude et n'ont plus considéré le

11 nationalisme comme quelque chose de dangereux alors, non plus considéré un

12 certain nationalisme comme dangereux, alors que les autres continuaient à

13 être considérés comme dangereux.

14 Q. Lorsque vous dites un certain nationalisme dangereux, et les autres

15 pas, voulez vous dire que ces services considéraient le nationalisme comme

16 dangereux lorsqu'il était dirigé vers le démantèlement de la Yougoslavie ?

17 R. Tous les nationalistes dans leur ensemble travaillent au dépend d'un

18 groupe ethnique et dans l'intérêt d'autres groupes ethniques, et ils

19 entrent tous dans cette catégorie. Donc l'effet ultime recherché partout

20 par ces groupes existant à l'époque, consistait à démanteler la

21 Yougoslavie. Donc, en fonction de la période dont nous parlons les services

22 de sécurité et la direction des services de sécurité se consacraient plus

23 ou moins à un ou à l'autre des nationalismes existant selon leur nature.

24 Est-ce que c'était justifié sur le plan historique ou pas ? C'est une autre

25 question.

Page 23328

1 Q. À ce moment particulier, vous parlez de la période qui a fait suite à

2 la mort de Tito contestez-vous le fait que l'extrémisme albanais, le

3 nationalisme albanais était celui qui s'exprimait le plus, est-ce que vous

4 contestez cela ?

5 R. La politique officielle ou plutôt les politiques mises en œuvre par les

6 services de sécurité consistaient à penser que le nationalisme extrémiste

7 albanais était ceux qui s'exprimaient le plus, mais est-ce que c'est juste

8 objectivement ou pas ? C'est une autre affaire, en tout cas c'était la

9 position officielle des services de la direction de la sécurité.

10 Q. Mais dites-moi ceci est-il exact, ou pas ? Etait-il exact ou pas ?

11 R. Pendant un certain temps, peut-être.

12 Q. Merci beaucoup de votre réponse. Maintenant vous poursuivez en parlant

13 de la direction militaire et vous dites en page 3, paragraphe 4 de votre

14 déclaration, et je suis sûr que vous vous souvenez avoir dit cela dans

15 votre déclaration écrite, que la direction de la sécurité a proposé que les

16 conscrits qui faisaient leurs services au Kosovo soient envoyés le plus

17 loin possible dans la région; c'est-à-dire là où ils se trouvaient des

18 Albanais.

19 Alors dites-moi mon Général.

20 R. Oui.

21 Q. Quand j'ai fait mon service militaire je l'ai fait à Zadar dans la

22 ville côtière de Zadar. N'est-il pas vrai qu'il était, que c'était une

23 pratique commune pour la RSFY, s'agissant des recrues du service, des

24 conscrits qui faisaient leurs services militaires, lorsqu'ils étaient

25 originaires d'une république, de les envoyer faire leurs services

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1 militaires dans une autre république, une autre région, une autre ville,

2 n'est-ce pas ? Dans les années 1960, moi, j'ai fait mon service militaire.

3 Je suis originaire de Pozarevac et j'ai fait mon service à Zadar. Donc,

4 c'était bien une pratique courante. Les conscrits étaient envoyés un peu

5 partout en Yougoslavie parce que on voulait leur montrer quel était le

6 caractère très Yougoslave de l'armée et en faire de véritables Yougoslaves

7 également. C'est une des façons de tromper le caractère Yougoslave grâce à

8 l'armée, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Donc, de nombreux Croates ont fait leurs services militaires en Serbie,

11 en Macédoine, en Slovénie ou ailleurs, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Alors vous avez dit il y a un instant, et vous confirmez maintenant ce

14 que j'ai dit au sujet du Kosovo. Et il y avait une autre raison qui était

15 précisément le fait que le séparatisme albanais était en train de se

16 développer, qu'il s'était intensifié dans la dernière période et qu'il y

17 avait des manifestations assez brutales, assez violentes de ce

18 nationalisme, de ce séparatisme des Albanais, n'est-ce pas ?

19 R. Et bien, cela pourrait faire l'objet d'un long débat, et d'un débat qui

20 devrait être très approfondi.

21 Dans certaines unités de la JNA à l'époque, quel que soit le nombre de

22 soldats, les soldats albanais, il y en a toujours eu beaucoup dans les

23 forces terrestres pour des raisons tout à fait faciles à comprendre et

24 connues de tous. Donc, il y avait de nombreux nationalistes albanais, "des

25 irrédentistes", comme on les appelait à l'époque qui servait dans les

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1 forces terrestres. Et ce nationalisme était en train de s'y développer.

2 Mais qu'est-ce que cela indique ? Cela indique que certains officiers,

3 responsables de la sécurité, et surtout dans la première moitié des années

4 1980, dans la région de Sarajevo par exemple, il y avait ce que l'on

5 appelle l'armée de Sarajevo. Alors que sur le territoire de Belgrade, il y

6 avait ce que l'on appelait l'armée de Belgrade. Et il y avait un grand

7 nombre de groupes illégaux. Ces Albanais par ailleurs étaient dans d'autres

8 unités qui n'étaient pas de nature politique, donc qui n'avaient pas

9 l'intention de recourir à la force pour défendre le nationalisme albanais.

10 Ce n'était pas le cas à l'époque, ce qui indique que le traitement subit

11 par ces Albanais était sensé être objectif alors qu'en fait, il a peu à peu

12 subi une évolution et a dépendu de la politique mise en œuvre dans le pays.

13 Nous avons en tout cas une impression que c'était le cas et que cela s'est

14 passé également dans d'autres régions yougoslaves. Et finalement, s'est

15 avéré exact.

16 Q. Fort bien. Dites-moi Général, connaissez-vous le cas de ce soldat

17 Kelmendi dont vous avez parlé.

18 R. Je connais sa situation.

19 Q. Qu'a-t-il fait ?

20 R. A l'époque, il a été dit qu'il aurait commis un meurtre. Mais par la

21 suite il s'est avéré que peut-être ce n'était pas le cas. Que peut-être

22 tout cela n'était qu'une affaire montée tout de pièce.

23 Et je ne peux pas vous dire ce qu'il en est exactement puisque je n'ai pas

24 fait partie des -- de ceux qui ont enquêté sur la question. Mais cette

25 affaire Kelmendi a été utilisée au sein de la JNA comme un motif permettant

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1 de se lancer à l'attaque des Albanais du Kosovo.

2 Et je pense que ceci n'est pas absolument pas justifié car c'était une

3 affaire individuelle, un simple soldat qui a agit comme il l'a fait et ce

4 genre de chose peut se passer n'importe où, dans n'importe quelle armée.

5 Q. Fort bien. Mais ce soldat a tué un certain nombre de ses camarades qui

6 étaient en train de dormir. Et il l'a fait sans qu'il n'y ait eu ne serait

7 ce qu'une simple querelle au préalable, aucun incident de ce genre. Donc,

8 il -- la chose est très simple. Il s'est saisi de son arme et a tué les

9 gens qui étaient autour de lui. Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

10 R. Oui. Mais je réponds que des dizaines d'incidents de ce genre se

11 déroulent aujourd'hui dans les rangs de l'armée américaine. Des dizaine

12 d'individus commettent ce genre de crimes parce que "tout d'un coup ils

13 sont pris d'un coup de folie", comme on pourrait le dire.

14 Donc, pourquoi est-ce que ceci a été utilisé à des fins -- enfin pourquoi

15 est-ce qu'on a dit que Kelmendi avait fait cela à des fins nationalistes ?

16 C'était pour utiliser une psychose -- pour créer la psychose dans le pays

17 en faisant croire à l'existence d'un danger. En tout cas, c'est ce que je

18 pense.

19 Q. La direction de l'armée dont vous faisiez partie, est-ce que vous avez

20 le sentiment qu'elle avait aucune raison d'être inquiète de ce cas

21 particulier, notamment dans la situation que vous avez évoquée vous-même à

22 l'époque ? Je parle du développement d'un nationalisme albanais ?

23 R. Je pense qu'il n'y avait pas de raisons pour tout cela et je pense que

24 les responsables de la direction de la sécurité et les membres des services

25 de sécurité en générale au sein de la JNA ont tiré profit de la situation

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1 qui prévalaient à l'époque pour lancer cette chasse à l'Albanais sans

2 aucune raison valable. Par exemple, au sein du 5e Corps des forces armées,

3 où je travaillais en tant que chef de la sécurité, il n'y avait pas un seul

4 groupe d'Albanais qui se serait organisé de façon illégale. Et nous avions

5 sous nos ordres 7 000 à 8 000 soldats, contrairement à certains dans la

6 région militaire de Sarajevo où se trouvait M. Vasiljevic. Quelques unités

7 existaient sur le territoire de Serbie dirigées par d'autres chefs de la

8 sécurité qui ont trouvé donc des troïkas illégales d'Albanais dans la

9 région militaire de Belgrade entre autres. Mais cette découverte était

10 suffisante pour que trois noms albanais soient rendus publiques et qu'il

11 soit immédiatement question de constitution de groupes illégales.

12 Moi, je travaillais dans ce secteur et je sais comment les choses se

13 passaient.

14 Q. En quelle année vous êtes-vous trouvé dans ce secteur ?

15 R. Je ne parle pas du Kosovo en particulier. Je parle de l'armée de

16 l'environnement militaire. C'était en 1986, 1987, 1988. Pendant toutes ces

17 années, des responsables des services de sécurité ou de la direction de la

18 sécurité comme le colonel Bogdan Vujic par exemple demandaient la liste des

19 soldats albanais de telles ou telles unités et après avoir lu les noms qui

20 figuraient sur la liste, il était fréquent d'établir des troïkas, des

21 groupes d'Albanais illégaux. J'étais là, je connais toutes ces méthodes.

22 Depuis le début on n'appréciait pas beaucoup la direction de la sécurité

23 pour cela.

24 Q. Fort bien. Mais vous dites que cela se passait en 1986, et en 1991,

25 vous étiez chef de la sécurité du 5e Corps d'armée. Donc, on ne peut pas

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1 penser que vous ayez subi quelques conséquences négatives que ce soit des

2 positions qui étaient les vôtres à l'époque ?

3 R. C'est là des détails sur lequel je n'étais pas d'accord avec mes

4 supérieurs. Il y a eu d'autres détails dans ma carrière où j'ai eu des

5 positions divergentes avec eux sur d'autres points. Mais en tout cas, ça

6 n'a pas été la cause de mon succès.

7 Q. Fort bien. Vous souvenez-vous que ce genre de choses s'est passé, ou en

8 tout cas c'est développé, immédiatement après la mort de Tito à partir de

9 1980. En 1981, déjà des manifestations d'Albanais ont eu lieu au Kosovo. La

10 république du Kosovo était la plus en retard. C'est ce que l'on disait et

11 aujourd'hui on discute de choses qui ne ce sont pas passées immédiatement

12 après la mort de Tito. Mais vous vous rappelez ces manifestations de 1965,

13 et cetera ?

14 R. Je m'en souviens.

15 Q. Donc, on ne peut pas dire que tout cela était le fait d'individus à

16 l'esprit déranger. Un individu à l'esprit dérangé qui aurait tué ses

17 camarades alors qu'ils étaient en train de dormir, là il s'agit de chose

18 qui pouvait à juste titre provoquer des inquiétudes au sein des services de

19 la sécurité. N'est-ce pas, mon Général ?

20 R. L'appréciation qui a été faite à l'époque, consistait à penser que ces

21 manifestations étaient mues par des motifs nationalistes. C'est ce que --

22 c'est ce qu'il était courant d'entendre au sein de la JNA et un peu partout

23 au sein de la société en Yougoslavie. Mais est-ce que objectivement,

24 c'était bien le cas ? Il appartient aux enquêteurs chargés des enquêtes sur

25 ce sujet de le déterminer.

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1 Pendant très longtemps, j'ai eu une opinion assez différente.

2 Q. Lorsque vous dites que c'était ce que l'on entendait dire très souvent

3 au sein de la JNA et dans la société en Yougoslavie, vous souvenez-vous

4 combien de Slovènes, de Croates, de Musulmans, de Macédoniens et d'autres

5 personnalités connues ayant d'autres nationalités étaient célèbres à

6 l'époque ? Donc, ce n'est pas le produit du nationalisme serbe, toutes ces

7 personnalités connues qui n'étaient pas Serbes. C'est quelque chose qui

8 existait au sein de la société yougoslave. Vous vous souvenez de cela ?

9 R. Oui, je me souviens. On a beaucoup écrit à ce sujet. C'était un sujet

10 d'intérêt sur l'ensemble du territoire yougoslave.

11 Q. Merci beaucoup. Mais dites-moi puisque vous parlez du général

12 Vasiljevic qui a participé aux -- qui était l'un des officiers les plus

13 importants avec Ademi et Rrahim et qui était responsable semble-t-il de ce

14 montage, de cette opération montée de toute pièce, mais enfin, comment est-

15 ce que je pourrais m'exprimer de quelque chose qui a été créé de toute

16 pièce, que personne ne connaissait. Et on ne sait pas pourquoi un procès

17 s'en est suivi car les charges n'ont pas été indiquées.

18 J'aimerais vous aider avec la meilleure intention du monde. Votre ancien

19 collègue, en toute équité, avait un rang inférieur à celui de Mustafa

20 Candic qui a témoigné ici et qui a donné des informations très précises au

21 sujet de toute cette affaire. Il a dit pourquoi des personnes avaient

22 retenu des charges contre eux.

23 R. A partir de 1991, j'ai beaucoup parlé avec les Albanais qui étaient

24 condamnés pour nationalisme albanais ou irrédentisme ou soupçonnés de ce

25 genre de chose. Et dans le cas -- dans le procès de Rahim Ademi, je pense

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1 qu'il n'y avait absolument aucune trace de nationalisme malgré les charges

2 qui ont été retenues contre lui, puisqu'on l'a accusé à 100 % de

3 nationaliste et d'irrédentiste. Il n'avait rien fait d'illégal. Il n'avait

4 pas organisé des soldats et cette partie de l'acte d'accusation contre lui

5 n'avait pas lieu d'être.

6 J peux vous donner un exemple. Au sein de -- du cinquième corps d'armée où

7 il y avait des officiers, des sous-officiers et des soldats par centaines

8 et centaines qui étaient albanais mais n'étaient pas nationalistes albanais

9 ou irrédentistes. Cela s'est avéré exact. Au cours des événements de 1989

10 au Kosovo, ces officiers, ces sous-officiers du cinquième corps d'armée

11 n'ont pas participé à tout ce qui s'est passé et qui était dû aux

12 irrédentistes comme on les appelle aujourd'hui. Donc, il n'y a pas eu

13 d'organisations illégales au sein de l'armée. C'est la vérité toute nue.

14 Et le Général Vasiljevic a travaillé très énergiquement dans toute cette

15 affaire. Il a mentionné Bogdan Vujovic et d'autres responsables de la

16 direction de la sécurité qui ont monté toute cette affaire et qui avaient

17 un objectif bien précis.

18 Par la suite, la vérité a éclaté.

19 Q. Mais quels pouvaient être leurs motifs. Par exemple, bien que le

20 Général Vasiljevic ait témoigné ici contre moi, assis à la chaise que vous

21 occupez aujourd'hui, j'ai à son sujet le sentiment que c'était un général

22 qui était favorable à la Yougoslavie, qui se considérait comme un

23 yougoslave. Est-ce que c'est votre avis également, que c'était un général

24 qui était favorable à la Yougoslavie dans son ensemble ou bien pensez-vous

25 que c'était un nationaliste serbe ?

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1 R. J'ai beaucoup de respect pour le général Vasiljevic en tant que

2 professionnel, en tant que personne également à l'époque où je le

3 connaissais. Mais en 1991, il s'est mis au service de la guerre de la

4 république de Croatie, à savoir, qu'il a défendu les intérêts d'un seul des

5 peuples yougoslaves. Donc, de ce point de vue, j'ai perdu l'estime que

6 j'avais pour lui.

7 Mais sur le plan professionnel, jusqu'à ce moment-là, je n'avais que des

8 raisons de le féliciter.

9 Q. Mon Général, c'est lui qui a découvert l'importation illégale d'armes

10 dans le pays, est-ce que ce n'était pas sa tâche ? Est-ce qu'il n'était pas

11 le chef de la sécurité. Est-ce qu'il n'avait pas pour mission au sein du

12 service de sécurité d'arrêter des trafics de ce genre, de les rendre public

13 et de les rendre impossibles à l'avenir ?

14 R. C'était sa mission. Mais par ailleurs, on peut discuter du fait de

15 savoir s'il était normal qu'il ait pour tâche une tâche qui aurait

16 davantage incombé au service de sécurité de l'état. Il y a là un débat que

17 l'on pourrait lancer. Ça c'est une chose, parce que selon les règles de

18 service, les services de sécurité de la JNA n'avaient pas le droit de

19 travailler hors des structures de la JNA. Or, c'est ce qu'il a fait.

20 Et puis deuxièmement, une fois que tout cela a été rendu public, une fois

21 qu'il a vu que l'une des républiques agissait à l'encontre des autres dans

22 cette affaire de la république de Croatie, il aurait étudié les choses plus

23 en -- de façon plus approfondie. Il aurait dû regarder les choses de plus

24 près, insister auprès des dirigeants de l'armée pour en discuter avec eux

25 et voir quelle autre solution pouvait permettre de régler la crise de la

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1 JNA. Je pense que la réaction de la JNA aurait pu avoir un avis différent

2 et que le démantèlement de la Yougoslavie aurait pu se faire pacifiquement

3 en évitant toutes ces victimes.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, il est treize heures

5 quarante-cinq donc, l'heure de suspendre. Je vois que M. Nice est ici, je

6 ne sais pas s'il a d'autres dépêches à nous soumettre.

7 M. NICE : [interprétation] Non, fort bien.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, il vous reste deux

9 heures lundi matin, pour le contre-interrogatoire de ce témoin. Donc, vous

10 aurez le même temps que l'Accusation.

11 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, hier nous

12 avons été informés par l'unité à laquelle appartient le témoin, que le

13 général Agotic doit se trouver en Croatie lundi. Je me demande si le

14 problème peut être réglé et s'il pourra être disponible lundi.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mon Général, pouvez-vous nous dire quelle

16 est la situation pour lundi ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je pourrais en finir

18 aujourd'hui mais je n'ai pas l'intention de perturber votre ordre du jour.

19 Lundi effectivement, je suis attendu à Belgrade dans le cadre de certaines

20 obligations.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous serais reconnaissant d'être ici

22 lundi. Car, nous n'avons pas la possibilité de poursuivre notre audience

23 cet après-midi. Ce prétoire est utilisé dans le cadre d'une autre affaire.

24 Je vous demanderais donc de bien vouloir reprogrammer vos obligations et

25 nous veillerons à ce que vous puissiez retourner en Croatie le plus

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1 rapidement possible.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, si c'est obligatoire, je vous

3 demanderais lundi d'être entendu le premier de façon à pouvoir prendre

4 l'avion dans la journée de lundi et arriver à Zagreb dans la soirée.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ça nous pouvons vous le garantir.

6 Suspension.

7 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le lundi 30 juin 2003,

8 à 9 heures.

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