Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 24740

1 Le mercredi 23 juillet 2003

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

7 M. NICE : [interprétation] Nous sommes à l'examen du paragraphe 42.

8 LE TÉMOIN : TÉMOIN B-083 [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Interrogatoire principal par M. Nice :

11 Q. [interprétation] Au cours de la période que vous avez passé au

12 ministère de la Défense, dites-nous de façon générale si vous y avez vu ces

13 personnes : Goran Hadzic, est-ce qu'il vous est arrivé de le voir ?

14 R. Oui.

15 Q. Milan Babic ?

16 R. Oui.

17 Q. L'homme connu sous le nom d'Arkan ?

18 R. Arkan, oui.

19 Q. L'homme connu sous le nom de capitaine Dragan, Dragan Vasiljkovic ?

20 R. Oui.

21 Q. Avant de passer à autre chose, où les avez-vous vues ces personnes ?

22 Dans quel bureau ou dans quel lieu ?

23 R. Je les ai vues dans le bâtiment du ministère de la Défense. C'est le

24 bâtiment qui se trouvait dans la rue Nemanjina, au numéro 11, là où se

25 trouve actuellement le siège du gouvernement de la République de Serbie.

Page 24741

1 Q. Je vous remercie. Paragraphe 55. A combien de reprises avez-vous vu

2 Arkan; une seule fois ou plusieurs fois ?

3 R. J'ai vu Arkan à deux reprises. Une fois nous n'avons pas eu de contact,

4 et la deuxième fois nous nous sommes même parlés.

5 Q. Quant à Dragan Vasiljkovic, l'avez-vous vu une fois ou plusieurs fois ?

6 R. Je l'ai vu deux fois; une fois en 1991 et une fois en 1992.

7 Q. Merci beaucoup. Pour terminer ce volet-ci de votre déposition, nous

8 examinons le paragraphe 66 qui se trouve au haut de la page 10.

9 M. NICE : [interprétation] Peut-on soumettre au témoin, l'intercalaire 4 de

10 la pièce portant la cote 507. Vous le voyez Messieurs les Juges, il s'agit

11 ici d'un document apparemment venant du ministère de la Défense de la RSK,

12 et est adressé au ministère de la Défense de la République de Serbie, en

13 septembre 1992. Vous constatez à la fin du document, on fait référence à

14 des fonds qui doivent être transférés des organisations de travail

15 mentionné dans le document vers Knin, "vers un autre compte à Knin". Il est

16 dit : "Nous sommes obligés d'agir de la sorte vu la cessation des

17 transferts de paiement entre la République Krajina serbe, et la République

18 fédérale de Yougoslavie." Sont mentionnés dans ce document plusieurs

19 activités commerciales et certains montants.

20 Apparemment, ce document aurait été envoyé au lieutenant-colonel Jelic, je

21 vous demande ceci, est-ce que ce document vient du colonel Spanovic.

22 Q. Est-ce que le lieutenant-colonel Jelic a travaillé à votre

23 connaissance, à un moment donné au ministère de la Défense ? Répondez par

24 un simple oui ou par un non.

25 R. A l'époque il travaillait là-bas et il était chargé de la réalisation

Page 24742

1 de tout ceci. Je suppose qu'il a réalisé également, mais on ne peut pas le

2 voir à partir de ce texte ici.

3 Q. Je vous remercie.

4 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, s'agissant d'autres

5 questions que je voudrais aborder avec ce témoin, je voudrais passer à huis

6 clos partiel. Je vais vous indiquer où se trouve le premier paragraphe que

7 j'aimerais aborder dans ces conditions. Et pour motiver ma demande, ceci

8 d'abord, le paragraphe 25.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

10 [Audience à huis clos partiel]

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 24743

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page 24743-24757 –expurgées– audience à huis clos partiel.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 24758

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 [Audience publique]

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Maître Kay.

6 M. KAY : [interprétation] Je soulève cette question parce

7 qu'autant le faire ici qu'ailleurs. Ce moment s'y prête aussi bien. Il

8 s'agit ici du temps consacré aux témoins et de l'ordre de leur comparution.

9 Le bureau du Procureur a son propre ordre du jour, a ses propres objectifs.

10 Et l'accusé doit recevoir la liste hebdomadaire des témoins. Il est certain

11 que l'ordre de comparution des témoins est important pour l'accusé, en

12 regard de la préparation qu'il a besoin de faire, et l'estimation du temps

13 total figurant dans cette liste est aussi importante. En effet, si à cette

14 estimation de temps, il est en mesure de mettre au point, un système lui

15 permettant d'établir une certaine systématicité dans son travail. Et je

16 suppose que ceux qui travaillent avec lui se repartis ce temps en fonction

17 de cela, et se concentrent sur un programme, sur un cadre temporel qui est

18 indiqué dans la liste des témoins. Et je suis sûr que les associés passent

19 d'un sujet à l'autre en fonction de l'audition des témoins prévue cette

20 semaine-là.

21 J'imagine aisément qu'il est important, pour la bonne préparation effectuée

22 par ses associés, de maintenir l'ordre de comparution. J'en parle

23 aujourd'hui parce que hier il était question d'avoir Mme Budding qui allait

24 être entendu avant un témoin en application du 92 bis, mais c'est important

25 aussi pour le temps dont dispose l'accusé. En effet, il ne fait pas l'ombre

Page 24759

1 d'un doute que l'accusé est conscient du temps d'audience. Et il prépare

2 son contre-interrogatoire pour ce qui semble être le temps indiqué dans la

3 liste des témoins. Par conséquent, les documents qu'il reçoit, c'est

4 certain, les sujets qu'il doit examiner s'appuient sur l'estimation de

5 temps indiqué dans le programme hebdomadaire.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Je pense que ceci a été dit

7 clairement déjà. S'agissant des indications de temps, bien sûr, personne ne

8 peut être tenu par les estimations fournies par l'Accusation, quant au

9 temps consacré à l'audition de chaque témoin. Ce n'est qu'une estimation.

10 Et si l'accusé s'appuie sur ces chiffres, nous lui avons déjà dit, il ne

11 pourra pas le faire. Mais nous allons revenir à l'ordre de comparution de

12 témoins, là je vous reçois tout à fait. S'il y a des permutations

13 constantes, ça rend la préparation difficile, je le comprends.

14 Mais pour ce qui est du temps d'audience, il faut tenir compte de la durée

15 générale de ce procès. Il est certain qu'il est utile -- quelque part

16 l'Accusation est responsable du nombre de témoins appelés, du temps qui

17 leur est consacré, puisque ce sont les témoins à charge. Et il n'est pas

18 surprenant de voir qu'on prenne autant de temps. Si j'ai bien calculé, nous

19 avons ici le 214e témoin, et il nous reste encore l'automne. Cependant, il

20 faut tenir compte des impératifs de temps.

21 Est-ce qu'on ne peut pas en guise de réponse, dire ceci : il faudrait bien

22 sûr donner un temps nécessaire à l'accusé, mais il doit en faire un usage

23 raisonnable. Il ne peut pas le consacrer à polémiquer avec le témoin comme

24 il le fait, et puis il ne peut pas se plaindre des limites de temps qui lui

25 sont imposées. Lorsqu'il pose les questions importantes à la fin du contre-

Page 24760

1 interrogatoire, s'il se concentrait mieux, ça irait mieux.

2 M. KAY : [interprétation] Ça c'est peut-être une question de technique. Des

3 avocats chevronnés savent peut-être mieux comment insérer les questions

4 essentielles, si vous le voulez, en quelques moments cruciaux.

5 Mais si l'Accusation, et surtout avec M. Nice qui peut fonctionner comme un

6 TGV qui part de la gare de départ et arrive au terminal en moins de temps

7 qu'il faut pour le dire, et s'il aborde rapidement une audition de témoin,

8 alors que le témoin peut en très peu de temps fournir beaucoup

9 d'informations. Ceci peut avoir un effet délétère sur l'accusé qui va avoir

10 moins de temps que prévu, ou qui ne serait le cas autrement. Parce qu'ici

11 sont mises en œuvre les compétences différentes, et l'accusé n'a pas les

12 moyens d'aborder tous les sujets qu'il voudrait aborder dans le temps qui

13 lui est imparti. Ce temps est écourté parce que le Procureur a abordé

14 rapidement, très rapidement même, ces différentes questions. Si je l'ai dit

15 c'est parce que je voudrais que les Juges en tiennent compte au moment où

16 ils examinent cette question, et je le dis au nom de l'accusé.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que ça durait plus longtemps avec

18 un conseil moins rapide ?

19 M. KAY : [interprétation] Oui, oui et c'est en effet notable. M. Nice

20 aborde sans doute l'examen des témoins les plus importants. Rappelez-vous

21 le témoin Kucan ? C'était un témoin très important et il l'a liquidé en une

22 journée, alors que nous avons eu des personnes moins importantes, des

23 témoins moins importants qui ont pris une journée entière.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais ce qui est important c'est

25 la teneur de la déposition, c'est la substance même du témoignage qui

Page 24761

1 compte d'avantage, que la durée de l'interrogatoire principal.

2 M. KAY : [interprétation] Certes. J'en conviens, Monsieur le Juge. C'est

3 bien pour cela que je dis la durée ou le temps pris par le Procureur n'est

4 pas nécessairement une indication pour l'accusé, parce que M. Nice peut

5 aborder une quantité énorme de détails en un bref laps de temps. Je ne veux

6 pas le décourager, et moi-même je ne veux pas utiliser trop de temps, mais

7 si je le dis c'est parce que c'est important. Il faut en tenir compte

8 lorsque vous avez un accusé qui se défend en personne.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie.

10 M. NICE : [interprétation] Je n'aurais à dire que ceci, j'espère que moi-

11 même et mes collègues que nous commençons à mieux circonscrire les moyens

12 de preuve pour arriver aux moyens de preuve les plus pertinents. Et nous

13 demanderons par votre truchement à l'accusé et aux amis de faire de même.

14 Permettez-moi de faire valoir que l'accusé a fait preuve de compétence

15 qu'il a développé très rapidement au niveau du contre-interrogatoire, et

16 ceci apparaît clairement à la fin du contre-interrogatoire. Et

17 manifestement, il comprend bien quels sont les sujets ici en jeu. Il est

18 quelquefois navrant de voir que, malheureusement pour lui, il les aborde à

19 la fin du contre-interrogatoire plutôt qu'au début.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous disposerez de 75

22 minutes.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je suppose que ce n'est pas pour

24 un huis clos partiel que de parler de l'établissement où a travaillé le

25 témoin ici présent. Je ne vais certainement pas lui poser des questions qui

Page 24762

1 seraient susceptibles de dévoiler son identité. Mais je pense que c'est en

2 session publique, en audience publique que nous avons parlé du lieu

3 d'emploi qui était le sien, si je ne trompe pas.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, ceci a été dit en audience publique.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

6 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

7 Q. [interprétation] Monsieur 83, je voudrais brièvement parcourir certains

8 sujets que je voudrais toucher pour constater certains éléments. (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, bien

12 sûr c'est une question que peut trancher le témoin mais ceci va sans doute

13 violer les mesures de protection accordées.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais ceci a été abordé effectivement, à

15 huis clos partiel. Passons à huis clos partiel.

16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

17 [Audience à huis clos partiel]

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 24763

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page 24763-24792 –expurgées– audience à huis clos partiel.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 24793

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 [Audience publique]

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Bien. Monsieur le Témoin, puisque nous sommes de nouveau en audience

19 publique, je vous demanderais de vous pencher sur deux de vos déclarations,

20 celle de 2001 et celle de 2002 où vous avez dit qu'il n'y avait pas un seul

21 paragraphe dans aucune de ces déclarations sans qu'il y ait des choses

22 biffées, rectifiées et des remarques de votre part disant qu'il y a

23 mauvaise interprétation, que c'était inexact, il y avait erreur et ainsi de

24 suite, ainsi de suite, n'est-ce pas ?

25 R. C'est exact. Je l'ai fait parce qu'à ce moment-là, j'ai eu l'occasion

Page 24794

1 de recevoir le texte de ce que j'ai dit en serbe, et j'ai dit que

2 j'estimais que ce n'était pas ce que j'avais dit. Et j'estime également

3 qu'il n'était pas justifié de vous mettre à charge tout ce qu'il a

4 d'erroné. Je me suis excusé au Tribunal, je me suis excusé à vous-même et

5 je voudrais que nous ne parlions pas de choses que je trouve erronées.

6 C'est indéfendable. Je pense que c'est là une perte de temps pour le

7 Tribunal. J'ai dit ouvertement qu'il y avait là des erreurs qui étaient de

8 nature à ne pas être signées par mes soins. Les gens -- mes interlocuteurs

9 ont compris et j'ai rédigé de ma main certaines choses. Alors si j'avais,

10 au départ, rédigé de ma main ce que j'ai dit, croyez-moi bien qu'il n'y

11 aurait pas ce type d'erreurs parce qu'ici, il est question de choses qui

12 n'ont rien à voir. Par exemple, les choses dont j'ai entendu parlé au sujet

13 de certaines voitures de la bouche d'une secrétaire, ça n'a rien à voir et

14 j'ai estimé que de tels éléments ne seraient pas portés dans des documents

15 de cette nature-ci.

16 Je m'excuse donc auprès de vous et j'avais demandé qu'on vous présente les

17 rectificatifs en temps utile. Il vaut mieux que nous parlions de choses

18 autres plutôt que de parler de ces omissions techniques et de choses qui

19 n'ont aucun sens. Je ne pense pas de cette façon. Je ne veux pas qu'on vous

20 mette à charge des choses pareilles et ça c'est une omission de ma part. Je

21 m'excuse auprès de la Chambre d'avoir eu le manque de prudence et de ne pas

22 avoir lu au préalable avant que d'avoir signé.

23 Q. Justement, vous avez parlé de problèmes de voiture ou de problèmes

24 afférents à des voitures et dans votre déclaration, là où il est dit -- je

25 vous donnerais, par exemple, un autre exemple de collecte illégale de

Page 24795

1 ressources où il est question de policiers qui avaient fait partie -- qui

2 avaient fait partie de vols organisés de voitures et vous avez, de votre

3 main, dit : "Inexact."

4 R. Oui. C'est bien cela.

5 Q. Et toute une série d'autres choses parce qu'il n'y a pratiquement pas

6 un seul passage sans segment biffé ou sans inscriptions manuscrites avec

7 des explications tout à fait autre par rapport à ce qui figure.

8 R. L'interprétation de notre entretien véritable n'est pas bonne parce que

9 si l'on dit quelque chose sur trois pages et que vous expliquez cela en dix

10 lignes, ça ne peut pas être fidèle à ce qu'on a dit. Je peux même vous dire

11 de quoi il en retourne.

12 Q. Ecoutez, ne perdons pas de temps.

13 R. Seules, les constations sont erronées pour ce qui est de cette voiture-

14 là.

15 Q. Bon. Bon. Mais de votre main, vous avez plus loin inscrit :

16 "Qu'il fallait procéder à des rectificatifs conformément aux observations

17 que j'ai faites et rédigé le texte correctement avec les excuses à

18 présenter à l'accusé pour ce qui est des erreurs plus qu'évidentes.

19 J'estime, dites-vous, qu'il n'est correct que ces renseignements et

20 interprétations telles qu'elles figurent, ici, soient portés à la charge de

21 l'accusé."

22 Cela a été fait en date du 18 juillet, à quelques jours donc, et c'est ce

23 que vous avez inscrit.

24 R. C'est exact.

25 Q. A la fin de la page, vous dites que :

Page 24796

1 "Vous avez commencé à rédiger -- à corriger une partie de la déclaration,

2 une fois reçue en langue serbe, et Gerald Saxton, l'enquêteur, m'a dit

3 qu'il ne fallait pas le faire parce que j'aurais l'occasion de le faire à

4 la Haye."

5 R. Exact. Il m'a montré cela à la maison, chez moi.

6 Q. Donc, par conséquent, une fois arrivé à La Haye, il y a quelques jours,

7 vous avez eu l'occasion ?

8 R. Oui, de m'asseoir à une table et de faire les choses correctement. Et

9 si j'avais pu le faire à Belgrade, on n'aurait pas discuté pendant plus

10 d'une minute de tout ceci. Croyez moi bien.

11 Q. Mais autrement dit, étant donné que nous avons parcouru toute une série

12 de plaintes que vous aviez rédigées pour ce qui est des choses illicites

13 dans les différents services, dans vos services.

14 R. Organisation inadéquate, au besoin manque de qualifications, mauvais

15 traitements à l'égard de certaines personnes.

16 Q. Et choses erronées faites dans différents départements.

17 R. Omissions financières, disparitions de certains biens où l'on ne savait

18 où cela était parti parce que les dirigeants n'avaient pas voulu qu'on le

19 détermine parce que les responsables avaient même empêché, entravé la

20 découverte des éléments disparus.

21 Q. Donc, vous vous souvenez, j'imagine, que l'on avait fait bon nombre de

22 choses pour justement entraver ce type de comportement. Vous vous

23 souviendrez que deux ministres avaient été arrêtés pour malversation

24 financière ?

25 R. Excusez-moi, je n'arrive pas à m'en souvenir. Je veux bien vous croire

Page 24797

1 sur parole, mais ceux qui ont fait ces choses-là, Monsieur Milosevic, ont

2 été promus et de nos jours encore, ils sont encore présents dans notre

3 société alors que nous sommes ici à nous entretenir, vous et moi. Ceux qui

4 nous ont réglé nos comptes, ceux qui ont fait ce qu'ils ont fait et nous

5 autres qui avons demandé à ce que les choses se fassent conformément à la

6 loi et si, au moins, on avait fait comme on l'avait demandé, nous n'aurions

7 peut-être pas été riches, mais nous aurions l'honneur sauf et intact de nos

8 jours encore.

9 Q. Je suis content de vous entendre dire cela et d'avoir débattu de

10 questions afférentes à ce manque de conscience dans l'exercice de fonctions

11 de certaines personnes.

12 R. Et de mauvais traitements à l'égard de personnes.

13 Q. Mais qu'est-ce que cela a à voir avec tout ce qui se passe ici ?

14 R. Cela n'a rien à voir à mon avis. Je suis en train de vous parler de ce

15 que j'ai vécu. Je ne sais pas à qui on va mettre cela à charge, à qui on va

16 reprocher cela. Mais, d'après ce que je crois voir et savoir, c'est vos

17 collaborateurs qui ont remis ces choses-là à des personnes à qui il ne

18 fallait pas que ces choses soient remises.

19 Q. Mais vous imaginez bien que le Cabinet du président de la république

20 envoie, s'agissant d'employés du gouvernement, les documents afférents au

21 chef du gouvernement, au premier ministre.

22 R. Justement. Mais vous voyez ce qu'il a été mon sort par la suite.

23 Q. En page 4, paragraphe 2, vous dites que l'assemblée de Serbie a décidé

24 de conduire une enquête et vous avez été, vous-même, chargé de l'enquête en

25 question. Vous avez découvert qu'au Kosovo, bon nombre d'équipements et

Page 24798

1 d'armes et munitions ont été volés.

2 R. Oui. Ça a disparu et j'ai présenté personnellement un rapport au

3 général Simovic à ce sujet.

4 Q. Mais est-ce que vous avez déterminé qui est-ce qui a volé ces armes ?

5 R. On ne nous a pas rendu la chose possible. Pour ce qui me concerne, moi-

6 même --

7 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas que le

8 témoin se rappelle qu'il est en audience publique. Peut-être va-t-il

9 s'inquiéter des réponses qu'il a fournies aux deux questions précédentes.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Oui, Monsieur Milosevic,

11 poursuivez.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Vous nous dites : "Il y a beaucoup d'équipements et de munitions qui

14 ont été volés et l'argent a fait défaut également. Et on dit que la région

15 du Kosovo recevait quotidiennement une aide se chiffrant à 1 500 000 de

16 dollars par jour."

17 R. Non. Il y a confusion. Il y a eu assistance à l'intention du Kosovo qui

18 était une région sous développée comme d'autres régions sous développées.

19 Q. Cela venait des ressources fédérales ?

20 R. Oui, des ressources fédérales.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un seul à la fois, s'il vous plaît.

22 Monsieur le Témoin, vous êtes en train de déposer, rappelez-le vous. Et

23 Monsieur Milosevic, vous êtes en train de procéder à un contre-

24 interrogatoire. Vous n'êtes pas en train de mener une conversation entre

25 vous deux.

Page 24799

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Fort bien, Monsieur May. Je me félicite

2 pour ma part, d'avoir la possibilité de m'entretenir avec ce témoin-ci que

3 je n'ai pas connu à l'époque personnellement, mais je vois qu'il a été

4 chargé de ces tâches-là. Et je vois que c'est un témoin qui ne souhaite pas

5 faire de fausses déclarations.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Vous dites, Monsieur, en page 4, paragraphe 3 : "Que bon nombre de

8 Serbes avaient déjà quitté cette région." Dites-nous pourquoi, pour quelle

9 raison ?

10 R. Ils ne sont certainement pas partis de leur plein gré. Ils ont dû

11 partir de là. Mais je ne sais pas si vous parlez de la Krajina ou du

12 Kosovo.

13 Q. Non, non. Je parle du Kosovo. Parce que là le contexte se situe au

14 niveau du Kosovo. Vous dites que le Kosovo était une région sous développée

15 qui recevait une assistance financière et qu'un grand nombre de Serbes

16 avaient quitté.

17 R. Je connais très bien les circonstances au Kosovo. J'y suis allé souvent

18 en ma qualité d'inspecteur et pour d'autres raisons également. Je sais ce

19 qu'il s'y passait. L'irrédentisme n'a pas existé depuis 1990, mais cela

20 existait depuis 50 ans et plus même. Ce qui fait que ce sont là des

21 problèmes de longue date.

22 Q. Je vois que vous parlez des frères Karic. Et vous dites qu'ils auraient

23 dit aux autorités qu'ils avaient l'intention d'édifier, de mettre sur place

24 30 à 50 entreprises à l'intention de Serbes souhaitant résider à Pec, ainsi

25 de suite.

Page 24800

1 Donc, savez-vous étant donné que j'en savais quand même quelque chose moi

2 aussi; donc, saviez-vous qu'ils étaient réputés comme étant des gens qui

3 avaient employé tant des Serbes que des Albanais ?

4 R. Monsieur Milosevic, c'est là une interprétation plutôt libre de ce que

5 j'ai dit. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je connais moi-même Bogoljub Karic.

6 Je l'ai connu en sa qualité d'entrepreneur. Ça ce sont des rumeurs qu'on

7 transmet. Je n'ai jamais été en inspection chez lui. Ce sont des rumeurs

8 qu'on a lancées et eux, ils n'auraient pas du tout fait partie de ce texte

9 si j'avais vu le texte en langue serbe. Et je pense que cela aussi est une

10 chose peu correcte.

11 Q. Mais en sus du fait de ne pas être allé chez eux, vous devez savoir

12 qu'ils ont mis sur pied une université, une fondation, des hautes écoles ?

13 R. Oui, en Serbie. Je le sais. Et je pense que l'interprétation qu'on a

14 donnée ici, n'est pas correcte. J'ai dit qu'ils ont reçu des crédits et

15 qu'ils les avaient utilisés à des fins économiques et ils les ont utilisés

16 à bon escient. Mais donc, ce que l'on a dit ici, ne figurerait pas si

17 j'avais eu l'opportunité de le lire en Serbe. Donc, il est inutile d'en

18 parler. Je pense que c'est un entrepreneur qui a utilisé les fonds à bon

19 escient; qu'il s'est fait de l'argent. En effet, et que, de nos jours,

20 c'est quelqu'un de respectable.

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 24801

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 M. NICE : [interprétation] Je pense que ceci a été abordé à huis clos

7 partiel. Le témoin l'a peut-être oublié.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Poursuivez, Monsieur Milosevic.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Vous indiquez également en page 5, paragraphe 1, que sur les documents,

11 on ne voyait jamais les noms des personnes qui recevaient l'argent. Et que

12 cet argent circulait ou passait par le service de la comptabilité publique,

13 le SDK. Je pense que les paiements clandestins et le passage par la SDK, ça

14 ne va pas l'un avec l'autre. En votre qualité de personne qualifiée, vous

15 devez certainement le savoir.

16 R. Mais justement. Pourquoi en parlons-nous ? Je vous l'ai dit, Monsieur

17 Milosevic.

18 Q. Mais moi, je dois forcément vous poser des questions à ce sujet.

19 R. Mais moi, je dois forcément vous avez tout à fait raison.

20 Q. Je vous remercie. Fort bien. J'ai vu également ici, et je me réfère,

21 attendez je vais attirer votre attention sur un autre passage, une

22 allégation au terme de laquelle avec Adzic et Simovic auraient organisé et

23 planifié le financement clandestin de je ne sais quoi et ainsi de suite.

24 R. Je vais vous répondre. On m'a probablement demandé qui est responsable

25 si des choses pareilles se passent. Alors j'ai dit que, si on était sur un

Page 24802

1 navire, c'est le capitaine du navire qui en est responsable. Donc, j'ai

2 parlé de la chaîne de subordination pour ce qui est des responsabilités

3 dans notre état et dans tout autre état. Donc, s'il l y a des opérations de

4 planifier, c'est le chef d'état major. Si au ministère, la faute est à

5 quelqu'un, doit revenir ou retomber sur quelqu'un, c'est le ministre. Si

6 dans un état de Serbie, que la faute doit retomber sur quelqu'un, c'est le

7 chef de l'état.

8 Q. Et moi, j'étais président de Serbie ?

9 R. Oui. C'est ainsi qu'on a traduit la chose.

10 Q. Bon, bon. Donc, vous avez mentionné par la suite, pour ne pas passer à

11 huis clos partiel; je ne vais pas mentionné de noms, mais, étant donné

12 qu'il s'agissait d'un homme qui était un parent à vous.

13 R. Oui. Et vous le connaissez.

14 Q. Justement.

15 R. (expurgé).

16 Q. Et il m'aurait demandé à résoudre un problème de logement pour ce qui

17 est d'un parent à lui qui aurait été réfugié. Et je lui aurais répondu

18 qu'il y avait 600 000 réfugiés à loger.

19 R. Oui. Et vous voulez que je vous dise de qui il s'agit ?

20 Q J'ai lu.

21 R. Oui, c'est votre Kum, votre parrain.

22 Q. Oui. Ma fille a été marraine. C'est exact. Mais il était mon chauffeur

23 jusqu'en 1983.

24 R. Pendant que vous étiez à l'étranger. Et après il est parti à la

25 retraite.

Page 24803

1 Q. Oui. Il a pris la retraite. Il est parti à la retraite.

2 Mais est-ce que vous pensez que vraiment c'est là une question de

3 principe ? C'était un homme qui avait travaillé pour moi. Il m'avait

4 demandé d'aider quelqu'un et je lui avais dit, il avait travaillé pour moi

5 à la banque. Et il m'avait demandé d'aider quelqu'un et je lui avais dit

6 qu'il y avait 600 000 réfugiés à aider.

7 R. Et il y avait trois générations qui avaient besoin d'être logées.

8 Q. Oui. Moi, je comprends cela. Mais vous avez mentionné la réaction que

9 j'ai eue. J'ai dit qu'il fallait se comporter de façon identique à l'égard

10 de toutes ces personnes-là et que ces personnes étaient 600 000.

11 R. Oui. Mais c'était ma femme qui avait parlé. C'était sa famille à elle.

12 Donc, tout cela est vrai. Mais cela n'a aucune pertinence. Nous sommes en

13 train de gaspiller notre temps et nous pouvons en discuter à l'extérieur de

14 ce prétoire.

15 Q. Bien. Dites-moi, puisque vous traitez --

16 R. Je ne traite de rien. Je suis retraité à présent.

17 Q. Vous parlez du budget dans votre déclaration écrite. Alors, je vous

18 demande ce qui suit. Vous ne savez pas quel était le montant du budget à

19 l'époque, n'est-ce pas ?

20 R. Le budget, c'est quelque chose qui est publié et connu de tous. On le

21 publie en Serbie. Moi, je n'utiliserai pas de termes tels que des fonds

22 cachés, des fonds secrets, des fonds noirs. Précisément ce que je voulais

23 vous dire. Non. Moi, Monsieur Milosevic, je n'utilise pas ce genre

24 d'expression.

25 Q. Je voulais vous poser la question parce que je lis ici dans cette

Page 24804

1 déclaration qu'il existait des parties secrètes du budget que l'on appelait

2 "les fonds noirs."

3 R. Mais ce n'est pas possible. Ça pourrait s'appliquer à une équipe de

4 football, s'il y avait des footballeurs qui étaient vendus. Dans ces

5 conditions, on pourrait peut-être parler de fonds noirs, mais pas pour un

6 budget national.

7 Q. Dans votre déclaration écrite, on lit même que cette partie du budget

8 était supérieure à la partie officielle ?

9 R. Mais c'est impossible.

10 Q. Donc, ça encore, ça était introduit dans votre déclaration ?

11 R. De façon inexacte, je crois qu'il est écrit d'ailleurs quelque part que

12 tout ceci est inexact, contraire à la vérité. C'est la raison pour

13 laquelle, j'ai demandé qu'on le supprime. J'ai proposé mes excuses car j'ai

14 laissé faire en signant un texte que je n'avais pas relu et de cette façon,

15 j'ai permis que ce genre de choses soit introduit dans ce document. Et je

16 vous prie de m'excuser car il n'est pas question de laisser dans un

17 document de ce genre des éléments susceptibles d'être des éléments à charge

18 contre vous. Et je vous demande pardon --

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce qui se passe dans un Tribunal c'est

20 que l'on donne des éléments de preuve. On témoigne, donc ceci n'est pas

21 dans votre déclaration. Cela n'a aucun rapport avec votre déclaration

22 écrite. Tout ce qui compte ici dans ce prétoire, c'est ce qui est dit

23 oralement dans le cadre de la déposition.

24 Monsieur Milosevic, il vous reste cinq minutes. A mon avis, vous avez

25 consacré une très grande partie du temps qui vous était imparti à des

Page 24805

1 questions tout à fait secondaires et ceci est totalement votre faute parce

2 qu'on vous a dit, dès le début, de quel temps vous disposiez. Il vous reste

3 cinq minutes.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur May, mais pouvez-vous

5 maintenant, pour parler d'une question pertinente que je n'ai pas encore

6 abordée, et ceci en audience publique, en évitant de passer à huis clos

7 partiel.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Vous avez parlé d'une réunion privée avec une personne, dont je ne

10 prononcerai pas le nom, qui est venu au ministère, que vous avez rencontré,

11 qu'y a demandé à voir le ministre adjoint. Et ceci avait des rapports avec

12 des moyens financiers, n'est-ce pas ?

13 R. Non, non. Cette personne venait de l'étranger. J'étais déjà en congé de

14 maladie.

15 Q. Non, non. Ce n'est pas de cela que je parle. Je vous parlais de cette

16 personne qui était chef d'un certain nombre de volontaires. Vous dites

17 qu'il a demandé ce qu'il était advenu des moyens fournis par lui ?

18 R. Oui, oui. Je me souviens maintenant; dans ce bureau.

19 Q. Oui, lorsque vous avez apporté vos documents de congé de maladie comme

20 vous l'avez déjà dit.

21 R. Oui.

22 Q. Alors, savez-vous que ces moyens financiers qui ont été reçus de lui,

23 qui ont en fait été saisis par la police entre ses mains, compte tenu des

24 volontaires qui étaient concernés, il a demandé à ce que quelqu'un

25 intervienne pour que ces moyens financiers lui soient restitués.

Page 24806

1 R. Ça je n'étais pas au courant. Ce que je sais, c'est que ce que j'ai dit

2 dans la lettre est ce qui figure dans ma déclaration écrite que j'ai

3 signée.

4 Q. Vous avez personnellement mentionné uniquement l'équipe de football de

5 l'Etoile rouge.

6 R. Oui, l'équipe de football de l'Etoile rouge et Tigric est la mascotte

7 de ce club de football qui est un petit tigre en peluche.

8 Nous avons passé un moment agréable à parler de cela.

9 Q. Fort bien. J'en arrive maintenant au point qui m'intéresse. Comme vous

10 l'avez dit, la diaspora a participé au financement de cette aide, de cette

11 assistance. Mais vous n'avez pas idée du nombre de représentants de cette

12 diaspora qui a participé à cette action, ni du rôle joué dans ce

13 financement par la diaspora en chiffres ?

14 R. Je n'en ai pas la moindre idée, mais j'ai simplement dit que j'étais

15 révolté et outré comme je l'ais expliqué par la façon dont cet homme est

16 venu présenter ses problèmes au premier ministre et par la façon dont les

17 gens de l'étranger sont intervenus. J'étais révolté au sujet de la

18 situation. Je le lui ai dit. Il m'a répondu : "Pourquoi est-ce que vous

19 ressentez ce genre de chose ?" Moi, j'ai dit que je me sentais complètement

20 dépasser, complètement inonder comme par un fleuve en crus et j'ai écrit

21 aux dirigeants à ce sujet. J'ai dit que nous étions en train de nager dans

22 des eaux très troubles, que c'était la façon dont je voyais le climat

23 général. Je suis sûr que vous avez également eu des problèmes de ce genre

24 dans votre vie parce qu'il y a souvent des problèmes qui se posent qu'on

25 aimerait ne pas voir se poser.

Page 24807

1 Q. Fort bien. Mais dites-moi Monsieur, M. Nice a présenté un document dont

2 le titre était :

3 "Renseignements au sujet des moyens financiers garantis dans le cadre du

4 budget par la république à titre d'aide pour les régions serbes de Croatie

5 et de mise en œuvre de cette aide."

6 C'est bien exact ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-il clair que nous parlons d'ici d'aide financière aux régions

9 serbes de Croatie ? C'est bien ça, n'est-ce pas ?

10 R. Tout à fait.

11 Q. Il est également clair que pas un seul habitant de Serbie n'a refusé de

12 contribuer à cette aide dans cette période difficile ?

13 R. C'est exact. C'est exact à vos yeux. C'est exact à mes yeux. Egalement,

14 nous sommes intervenus personnellement, mais des irrégularités se sont

15 produites au moment du transfert de ces moyens financiers. Cela ne s'est

16 pas passé de façon professionnelle et ces moyens financiers sont passés de

17 mains en mains. D'autres problèmes se sont posés que les dirigeants ont eu

18 à régler ou qu'ils n'ont pas affronté. En tout cas, ces transferts

19 financiers ne se sont pas faits de façon professionnelle.

20 Q. Fort bien. Donc, c'est là l'objet de votre plainte, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, en effet.

22 Q. Un peu plus bas dans le texte, nous voyons qu'il est fait mention des

23 différents niveaux hiérarchiques dans votre ministère.

24 R. Oui. Ces personnes appartenaient au milieu dirigeant du ministère et

25 ils étaient responsables des promotions en particulier et nous ne pouvions

Page 24808

1 pas nous opposer à leurs décisions.

2 Q. A l'intercalaire 4, nous voyons une lettre qui en fait vient de la

3 République serbe de Krajina et qui traite :

4 "De l'impossibilité de transferts financiers avec nos comptes, et il est

5 question d'un contrat avec des organisations de travail permettant de tels

6 transferts financiers," et cetera, et cetera.

7 Alors, dites-moi, je vous prie, tout cela figure à l'intercalaire 4, s'il y

8 a quelque chose qui là-dedans était disons malhonnête ?

9 R. J'ai vu ce document ici pour la première fois. Mais, en fait, c'était

10 une façon de régler les irrégularités, c'est-à-dire, de faire cesser, de

11 mettre -- de combler les défauts de paiements ou interruptions dans les

12 flux financiers. Et ceci c'est fait afin que l'argent destiné à une

13 destination particulière arrive à cette destination.

14 Q. M. Nice vous a interrogé au sujet des annotations faites sur ce

15 document, des numéros, il a dit que c'était "confidentiel," "strictement

16 confidentiel," il vous a demandé quelles étaient les mentions ?

17 R. Oui, et j'ai dit ce que je voyais, ce que j'avais sous les yeux.

18 Q. Oui, nous ne contestons pas cela. Mais dites-moi, je vous prie, puisque

19 vous avez travaillé dans ce ministère assez longtemps, est-il exact que 90

20 % des documents que vous avez eus sous les yeux pendant vos années de

21 service, pendant toutes ces décennies que vous avez passé au ministère,

22 donc 90% de ces documents étaient en général "strictement confidentiel" et

23 comportaient cette note en haut de page ?

24 R. Oui, parce que le niveau du travail déterminait le niveau de

25 confidentialité et ce n'était pas à nous qu'il appartenait de décider qu'un

Page 24809

1 document était "confidentiel" ou pas mais nous voyons la mention qui

2 figurait sur ces documents.

3 Q. Bien, mais c'était la pratique pendant des décennies ?

4 R. En effet.

5 Q. Et tout, en général, était qualifié de "confidentiel" ou de

6 "strictement confidentiel", lorsque cela traitait de ce genre de question ?

7 R. Oui, vous avez raison.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Votre dernière question, Monsieur

9 Milosevic.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Si tel est le cas, je ne vous

11 poserai pas d'autres questions sur ce sujet, bien que j'aurais aimé vous

12 interroger davantage.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aurais aimé ça également, Monsieur

14 Milosevic.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Nous parlons des documents et vous dites que les Serbes et les Croates

17 de Bosnie n'avaient pas d'autres sources de financement que les fonds

18 provenant de Serbie, ou plutôt, est-il clair que -- est-il clair à vos yeux

19 qu'ils avaient d'autres moyens de financement ?

20 R. Oui.

21 Q. Cependant, sans votre aide, ils n'auraient pas pu survivre ?

22 R. Mon avis personnel c'est qu'il aurait été beaucoup plus difficile pour

23 eux de survivre dans des conditions aussi difficiles que celles-là; et

24 qu'il était tout à fait opportun et adapté de leur fournir une aide.

25 Q. Fort bien. Merci beaucoup.

Page 24810

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Maître Tapuskovic.

2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Quelques instants seulement, Monsieur le

3 Président, Messieurs les Juges.

4 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

5 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, nous avons ces documents,

6 intercalaire 2, en particulier, qui portent sur les moyens financiers dans

7 le cadre du budget de la république, fournis à titre d'aide aux régions

8 serbes, extérieures à la Serbie; et puis, l'intercalaire 3, qui est cette

9 plainte, soumise en rapport avec des activités irrégulières ou illégales.

10 M. NICE : [interprétation] Huis clos partiel, je vous prie.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous passons à huis clos partiel.

12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

13 [Audience à huis clos partiel]

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 24811

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 [Audience publique]

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur le Témoin, ma question suivante porte sur le document que nous

17 avons abordé au cours de l'interrogatoire principal. Les documents qu'on

18 vous a demandé d'examiner et qui portent sur l'assistance, l'aide fournie,

19 un document qui mentionne la somme de 92 millions de marks allemands. Vous

20 rappelez-vous de ce document ?

21 R. Oui.

22 Q. Ma question suivante porte sur ces documents, il y en avait d'autre

23 bien sûr, mais voici ma question : Avez-vous eu connaissance du fait que

24 certains moyens financiers, certains fonds ont été envoyés à des régions

25 situées hors de la République de Serbie ? Avez-vous vu des documents

Page 24812

1 indiquant cela, et savez-vous quel était le montant des sommes transmises

2 de cette façon ?

3 R. Oui, j'ai connaissance de cela. Je me suis occupé de cela

4 personnellement. J'ai ouvert certains comptes personnellement dans

5 certaines banques, et je pense que ceci est écrit dans le document dont

6 nous discutons, ou en tout cas, dans un des documents examinés au cours de

7 ma déposition. Je sais que c'était à Knin, Novi Sad, et en d'autres lieux.

8 Par conséquent, je suis au courant, tout cela est exact.

9 Q. Ce qui m'intéresse ici, c'est cette somme de 92 millions marks.

10 R. Il n'est pas fait mention d'une somme en marks. Les sommes mentionnées

11 sont chiffrées en dinars.

12 Q. Fort bien, mais l'équivalent de 92 millions de marks figure t-il dans

13 le document en dinars ?

14 R. Je ne peux pas calculer l'équivalent au taux de change de l'époque.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

16 M. NICE : [interprétation] J'ai quelques questions à poser à huis clos

17 partiel.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

19 [Audience à huis clos partiel]

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 24813

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page 24813 –expurgées– audience à huis clos partiel.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 24814

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 [Audience publique]

10 M. NICE : [interprétation]

11 Q. Nous allons maintenant nous occuper des deux premiers documents qui ont

12 été produits en audience publique, et nous parlerons du transfert -- des

13 transferts monétaires effectués à l'intention des Serbes de Croatie, et de

14 l'idée que ces sommes n'étaient pas destinées à financer des assassinats de

15 quiconque. Alors je vous demande dans ce cadre, si ces transferts

16 monétaires devaient servir aux membres de la Défense territoriale, oui ou

17 non ?

18 R. Oui.

19 M. NICE : [interprétation] Fort bien.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur le Témoin B-083, ceci est la fin

21 de votre déposition. Je vous remercie d'être venu devant le Tribunal pour

22 témoigner. Vous pouvez maintenant vous retirer, mais je vous demanderais

23 simplement d'attendre quelques instants, le temps que l'on baisse les

24 stores dans ce prétoire.

25 [Le témoin se retire]

Page 24815

1 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, pendant ce temps,

2 j'aimerais si vous me le permettez, répéter ce que j'ai dit un certain

3 nombre de fois déjà, de façon à ce que le témoin ne perde pas cela de vue :

4 Les chiffres qui figurent sur les listes de témoins, et qui concernent le

5 temps destiné aux différents témoins ne sont que des estimations. Mais nous

6 sommes tenus de fournir ces chiffres car nous sommes dans l'obligation de

7 tenter d'estimer la durée des dépositions de différents témoins. Chaque

8 fois que je pourrais auditionner un témoin plus rapidement que prévu, ou

9 que l'un de mes collègues pourra le faire, nous le ferons, soit parce qu'il

10 s'avèrera possible d'entendre le témoin plus rapidement que prévu. Donc

11 plus rapidement que nous l'indique le calcul préalable effectué par nous,

12 soit qu'il soit possible de laisser tomber un certain nombre d'éléments de

13 la déposition prévue à l'origine, mais que nous ne considérions plus comme

14 suffisamment pertinents pour mériter d'occuper le temps des juges de cette

15 Chambre. Donc par conséquent, nous concentrerons nos efforts sur l'audition

16 d'un nombre maximum de témoins, lorsqu'ils sont pertinents. Mais les

17 durées qui figurent sur nos tableaux préalables ne sont pas nécessairement

18 les durées qui seront respectées dans tous les cas.

19 Alors Monsieur le président, Messieurs les Juges, le témoin suivant indiqué

20 sur notre liste initiale de témoins devait être un témoin entendu en

21 application de l'article 92 bis. Mais les juges de cette Chambre se

22 souviendront qu'hier nous avons demandé à inverser l'ordre d'audition des

23 témoins. Et ce témoin 92 bis n'est pas présent à La Haye aujourd'hui. Donc

24 que je demande que ce soit entendu Audrey Budding, à ce qu'elle soit

25 entendue maintenant, en remplacement de ce témoin 92 bis.

Page 24816

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Combien de temps pensez-vous que -- de

2 combien de temps pensez-vous avoir besoin pour votre interrogatoire

3 principal ?

4 M. NICE : [interprétation] Moins d'une demie heure.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Peut-être que pourriez-vous vérifier si

6 le témoin 1102, est présent.

7 M. NICE : [interprétation] Non, pas encore. Dans 20 minutes peut-être.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a un instant, M. Nice a déclaré que les

10 estimations de temps fournies par lui n'étaient en fait pas des estimations

11 précises. Mais dans ce cas, pourquoi y a-t-il estimation de temps ? Ne

12 serait-il pas logique, ne serait-il pas normal que si une estimation est

13 faite, elle corresponde à la réalité de façon à ce qu'elle constitue pour

14 moi un renseignement utile me permettant de planifier à l'avance la durée

15 de mon contre-interrogatoire ? Quel sens y a-t-il à fournir un

16 renseignement qui en fait ne lie pas l'auteur de cette information. Dans ce

17 cas-là, cela n'a aucun sens, et puis par ailleurs, et c'est encore plus

18 important, cela n'est absolument pas logique.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez entendu les explications

20 fournies, mentionnées dans ces tableaux sont destinées à la planification

21 interne du bureau du Procureur. Elles ne peuvent être considérées que comme

22 des estimations indicatives du temps que l'Accusation pense nécessiter pour

23 l'audition d'un témoin. Cela peut vous aider à planifier la durée de votre

24 contre-interrogatoire, mais certainement pas aller au-delà de cela. Et

25 l'Accusation ne peut évidemment pas être liée par de telles estimations

Page 24817

1 chiffrées.

2 Alors la proposition faite en ce moment, c'est d'entendre Audrey Helfant

3 Budding.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Avez-vous quelque chose à dire à ce

5 sujet ?

6 Mais un instant d'abord, je vous prie.

7 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous souhaitez vous exprimer sur ce

9 point, Monsieur Milosevic ?

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, c'est à vous qu'il appartient de

11 décider dans quel ordre vous appelez les témoins à la barre. Ce que je

12 tiens à tirer au clair ici, simplement, c'est ce que M. Nice a dit ici à

13 titre d'information il y a quelques instants. A savoir que, cette femme,

14 qui est censée témoigné à la barre en tant que témoin expert en parlant du

15 contexte historique du nationalisme serbe, selon ce qu'elle dit. Et je

16 crois pouvoir constater qu'elle s'intéresse tant à la question qu'elle

17 remonte jusqu'au 15e siècle dans son témoignage d'expert. Et je viens

18 d'entendre qu'il est prévu de l'entendre pendant une demie heure. Donc, je

19 tiens à dire que pour entendre un témoin comme cette femme, il faut sans

20 aucun doute un temps plus long qu'une demie heure. Et je vous annonce que

21 j'aurai en tout état de cause, besoin d'un temps plus long que cela.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce n'est pas la question pour le moment.

23 Avez-vous une objection ou souhaitez-vous faire une remarque au sujet du

24 fait qu'il est proposé d'entendre ce témoin, maintenant ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela m'est complètement égal à quel moment vous

Page 24818

1 citez un témoin à la barre.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, fort bien. Si cela est égal pour

3 vous, nous pouvons faire entrer le témoin dans le prétoire. A la fin de

4 l'interrogatoire principal, nous nous pencherons sur la question de savoir

5 combien doit durer le contre-interrogatoire.

6 M. NICE : [interprétation] Je lis à l'écran les phrases prononcées par

7 l'accusé qui semblent indiquer qu'il a quelques craintes quant au temps

8 qu'il lui sera imparti. Mais je ne voudrais pas qu'il s'en tienne à cette

9 idée fausse. En effet, les témoins experts sont interrogés sur la base d'un

10 rapport. Et en fait, il pourrait s'avérer qu'un interrogatoire principal ne

11 serait même pas indispensable. Mais nous procédons à un contre-

12 interrogatoire sans laisser entendre de quelque façon que ce soit, que

13 l'accusé devrait pour son contre-interrogatoire, être limité dans le temps

14 au temps très bref que nous consacrerons au principal.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien entendu.

16 M. NICE : [interprétation] Et je ne voudrais pas que l'accusé nous impute

17 une quelconque action autre que celle de respecter strictement le règlement

18 de ce Tribunal, dans le but de gagner autant de temps qu'il est possible

19 d'en gagner.

20 J'espère que les Juges de cette Chambre disposent du rapport d'expert de ce

21 témoin ainsi que du curriculum vitae de ce témoin.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne crois pas disposer du curriculum

23 vitae.

24 M. NICE : [interprétation] J'ai subi le même problème hier soir. Mais je

25 crois que ce document est en cours de photocopie.

Page 24819

1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Que le témoin prononce la déclaration

3 solennelle.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci beaucoup. Vous pouvez vous asseoir.

7 LE TÉMOIN: AUDREY BUDDING [Assermenté]

8 [Le témoin répond par l'interprète]

9 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, une révision a été

10 apportée au rapport. Et je remarque malheureusement, que certaines notes en

11 bas de pages n'ont pas été entièrement traduites en B/C/S. Ceci, je pense

12 est une version révisée de la distribution de ce document. Mais je crois

13 constater qu'en dépit de ce léger obstacle, le corps du texte pour sa part,

14 n'est pas affecté.

15 Je demande une cote pour ce rapport.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est le nouveau rapport auquel il

17 convient d'affecter une cote.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, le nouveau

19 rapport avec les notes en bas de pages sera la pièce à conviction de

20 l'Accusation 508.

21 M. NICE : [interprétation] Et le curriculum vitae du témoin, peut-on lui

22 affecter une cote.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction de l'Accusation 509.

24 M. NICE : [interprétation] Fort bien.

25 Interrogatoire principal par M. Nice :

Page 24820

1 Q. [interprétation] Votre nom au complet est-il Audrey Helfant Budding ?

2 R. Oui.

3 Q. Professeur associée à l'université de Harvard, chargée des études

4 internationales ?

5 R. En effet.

6 Q. Vous avez suivi vos études à l'université de Swarthmor en Grec et

7 Sciences politique et sociale puis, à Harvard où vous avez obtenu une

8 maîtrise en 1998 suite à une thèse qui portait sur les Serbes et la

9 question nationale.

10 R. Oui, c'est tout à fait exact.

11 Q. Avez-vous l'expérience entre autres, d'un travail auprès des services

12 de l'étranger, à l'ambassade des Etats Unis de Belgrade entre 1987 et

13 1990 ?

14 R. Oui.

15 Q. Avez-vous publié un certain nombre de documents, y compris des

16 documents portant sur l'ex-Yougoslavie ?

17 R. Oui.

18 Q. Avez-vous à l'invitation et à la requête du bureau du Procureur,

19 préparé un rapport à utiliser dans la présente affaire intitulé

20 "Nationalisme serbe au 20e siècle, contexte historique." C'est bien ça,

21 n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Cette publication, est-elle disponible de façon générale et a-t-elle

24 été déposée publiquement auprès de ce Tribunal ?

25 R. Oui.

Page 24821

1 Q. Par conséquent, tout critique qui souhaiterait se pencher sur ce texte

2 pour apporter des commentaires, peut le faire, n'est-ce pas. Et ces

3 commentaires peuvent être faits à l'accusé et à son équipe s'il le

4 demande ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous préférez que l'on vous appelle Madame Budding ou Docteur Budding ?

7 R. Cela m'est égal.

8 Q. Fort bien. Professeur Budding, votre rapport est donc disponible.

9 Certaines parties seront abordées plus en détail. Je vais vous interroger à

10 ce sujet. Je vais vous poser des questions sur un certain nombre de sujets;

11 une demie douzaine au total. Et j'aimerais que vous limitiez vos réponses à

12 quelques phrases uniquement si vous le pouvez de façon à circonscrire votre

13 opinion sur tel ou tel sujet.

14 D'abord, vous êtes historienne, n'est-ce pas ? Et par conséquent, vous

15 n'êtes pas ici pour discuter dans le cadre d'une quelconque polémique avec

16 l'accusé mais simplement pour instruire les Juges de cette Chambre au sujet

17 du contexte dans lequel se situe l'affaire qu'ils ont a jugée.

18 Etant donné la connaissance que vous avez de l'histoire yougoslave et vos

19 connaissances générales qui interviennent ici et dans la rédaction de votre

20 rapport, quels sont les sujets qui, à votre avis, permettent le mieux de

21 comprendre les sujets auxquels nous nous intéressons ici ?

22 R. Si je devais choisir un seul sujet dont j'estimerais qu'il aide le

23 mieux à comprendre les événements contemporains survenus dans les Balkans,

24 je pense qu'il s'agirait du concept de l'idée d'une société frontière, à

25 savoir, d'une région où les pouvoirs en présence n'ont cessé de s'affronter

Page 24822

1 au cours des siècles avec pour conséquences, la division deux peuples des

2 Balkans. Ceci est dû aux migrations nombreuses qui se sont produites

3 pendant les débuts de la période moderne, à savoir, que les populations de

4 nombreuses régions sont devenues mixtes sur le plan confessionnel. Et que,

5 peu à peu, les populations concernées ont acquis une conscience plus aigue

6 de leur nationalisme.

7 Deuxième conséquence majeure pour les peuples des Balkans, elle se trouve

8 dans le rapport où les questions de répétition cyclique, donc de retours

9 cycliques d'un certain nombre d'événements, en d'autres termes. Chaque fois

10 que les gouvernements se succédaient avec tendance plus favorable à telle

11 ou telle nationalité ou religion, et privilèges accordés à un tel ou tel

12 groupe au sein de la population globale, nous pouvions constater un certain

13 nombre de conséquences favorables pour tel ou tel village ou défavorable

14 pour tel ou tel village et ceci se répétait constamment.

15 Q. Dans votre rapport, vous abordez les concepts, de façon très ordonnée,

16 et en page 10, nous trouvons une référence à un point qui a été évoqué par

17 l'accusé en rapport avec Drenica et ce qui s'y est passé pendant la Seconde

18 guerre mondiale ou après. En quelques phrases, je vous demanderais de nous

19 aider en nous disant ce que révèlent les recherches effectuées par vous au

20 sujet de Drenica.

21 R. Comme je l'ai rapidement dit dans mon rapport, à la fin de la Seconde

22 guerre mondiale, le Kosovo a été réintégré dans l'état yougoslave par les

23 partisans en dépit d'une résistance relativement importante de la part de

24 la population Albanaise. S'agissant plus précisément de Drenica, Drenica

25 était le site d'une révolte de la part de Shaban Polluzha, un dirigeant

Page 24823

1 Albanais, qui avait été fondateur du Front national albanais, et qui, plus

2 tard, avait rejoint les rangs des partisans, qu'il avait autorisé en fait à

3 mobiliser pour les partisans dans la région de Drenica. C'est ce qu'il a

4 fait à la fin de 1944, mais en janvier 1945, lui-même et ses hommes se sont

5 soulevés contre les partisans en refusant d'être envoyés sur le Front de

6 Srem au nord de Belgrade, et cette révolte a été maté au prix d'une

7 effusion de sang importante. Nous n'avons pas de chiffres précis quant aux

8 nombres des victimes, mais les différentes sources consultées permettent de

9 penser que plusieurs milliers d'Albanais ont, sans doute, été tués,

10 certains au cours des combats et d'autres suite à des exécutions sommaires.

11 Q. Page 14 de votre rapport, vous relevez qu'au cours des 30 ans, qui ont

12 précédé la chute de la Yougoslavie, il y a eu déclin -- déclin culturel,

13 politique, et que ceux-ci invoquent la mobilisation de tous les Serbes et,

14 plus exactement, de l'affaiblissement de la Yougoslavie puisqu'on s'attache

15 surtout aux Serbes à l'intérieur de la Serbie qui ont un sentiment national

16 serbe très fort par rapport aux Serbes à l'extérieur de la Serbie.

17 Pourriez-vous nous donner quelques exemples ?

18 R. J'ai parlé de ce processus et ceci cadre avec un sujet plus large, à

19 savoir, l'émergence de plusieurs conceptions nationalistes serbes, tout un

20 jeu de croyances ayant trait à la question serbe en Yougoslavie, et la

21 composante serbe de cette conviction. C'était que, si la Yougoslavie

22 n'existait pas en tant qu'état unifié, état uni, qui pourrait unir les

23 Serbes, il faudrait que la Serbie essaie de protéger et d'unifier, sinon

24 tous les Serbes, le plus grand nombre possible de Serbes. Et ceci apparaît

25 clairement au moment de la période qui préside à la dissolution de la

Page 24824

1 Yougoslavie. Et le parallèle le plus important nous renvoie à la fin des

2 années 1960 où il y a forte décentralisation, vu les modifications

3 apportées à la constitution. A cette époque-là, cette idée surgit et est

4 soulevée, notamment, à la faculté de droit de Belgrade. On dit que, s'il y

5 a décentralisation de la Yougoslavie, comme le prévoit les amendements à la

6 constitution, à ce moment-là, les frontières de la Serbie devraient être

7 modifiées.

8 Q. Il est possible que l'accusé se soit prononcé pour la première fois sur

9 la modification des frontières de la Yougoslavie en 1990. On trouve une

10 référence à cet effet aux pages 65 [sic] et 66 [sic] du rapport. Pourriez-

11 vous nous dire comment cette idée a été accueillie en Yougoslavie ou

12 quelles étaient les réactions prévisibles à cette idée, à votre avis ?

13 R. Au mois de juin 1990, et ce que je dis dans le rapport, M. Milosevic

14 soulève pour la première fois la possibilité de voir une modification des

15 frontières de la Serbie dans le cadre des discussions portant sur la

16 nouvelle constitution serbe. Ce que je dirais, c'est que les réactions,

17 enregistrées à l'extérieur de la Serbie, ont été des réactions de

18 consternation, en grande partie, parce que les gens étaient tout à fait

19 conscients de la mesure dans laquelle la population yougoslave était une

20 population mixte. Il n'y avait pas, en d'autres termes, de façon de

21 repousser les frontières de la Serbie pour n'inclure que les Serbes à

22 l'intérieur de celles-ci.

23 Quant à savoir si ces réactions étaient prévisibles ou pas, je pense

24 qu'elles l'étaient tout à fait. De fait, dans le rapport, je cite une

25 déclaration, faite quelques vingt ans plutôt par Dobrica Cosic, à la

Page 24825

1 quatrième Réunion plénière du Parti serbe où il dit, dans le contexte de la

2 discussion portant sur les modifications apportées à la constitution, que,

3 si le processus de constitution de l'état se poursuit en Yougoslavie, les

4 Serbes demanderont à avoir un état à eux, et il ne faut pas beaucoup

5 d'imagination politique pour prévoir les conséquences d'une telle idée, si

6 elle venait à se réaliser.

7 Q. Pages 57 et 58 de votre rapport, vous faites référence à la politique

8 jusqu'aux boutisses de l'accusé qui enfreint les règles régissant la

9 politique yougoslave. Pourriez-vous expliciter votre propos ?

10 R. Quand je pensais à cela, je pensais surtout aux événements qui se sont

11 produits au cours de l'année 1998, du démantèlement, de l'effondrement de

12 la Ligue des communistes de Yougoslavie en janvier 1990. C'est à ce moment-

13 là qu'on a parlé de la révolution anti-bureaucratique, à savoir qu'on a

14 utilisé des rassemblements populaires de citoyens pour renverser la

15 direction des provinces de Vojvodina et du Monténégro ainsi que

16 l'approbation importante de l'autonomie du Kosovo par la modification de la

17 constitution du printemps 1989, qui permettait la réduction du degré

18 d'autonomie de cette province par la nouvelle constitution adoptée en 1990.

19 J'ai dit que c'était une politique jusqu'aux boutisses parce que ça montre

20 tout d'abord que M. Milosevic est prêt à promouvoir une Yougoslavie plus

21 re-centralisée à tout prix, aux risques d'aliénés les autres dans l'état

22 yougoslave. Et je pense que c'est précisément le résultat qu'on a

23 enregistré et à la chute des dirigeants Monténégrins, vu la pression des

24 foules, et ceci a été considéré comme une grande menace à l'extérieur de la

25 Serbie. On risquait de voir une exportation de cette révolution anti-

Page 24826

1 bureaucratique vers d'autres républiques. Et, surtout pour ce qui est des

2 règles du jeu politique en Yougoslavie, règles de conduite politique agréée

3 déjà. Ce qu'il y a, surtout ici, c'est le principe du consensus

4 "usaglasavanje", c'est un principe qui était essentiel pour la constitution

5 de 1974. Manifestement, en utilisant le soutien populaire pour renverser

6 les dirigeants d'autres républiques et cela, à l'évidence, était, tout à

7 fait, contraire à ce dit principe de "usaglasavanje" de la concertation.

8 Q. Je vais bientôt vous poser quelques questions à propos du Kosovo, mais

9 est-il possible de dire en quelques mots d'une façon qui nous permettra de

10 comprendre mieux la perception et la conception des Juges. Et quel était ce

11 concept de tous les Serbes vivant dans un seul et même état ? Est-ce que

12 c'était un concept plutôt général ou limité à une époque ?

13 R. Ceci nous renvoie à l'idée de rassembler toute une population à

14 l'intérieur d'un seul et même état. Ce n'est pas quelque chose qui est

15 propre au nationalisme serbe. C'est vrai, de tous les nationalismes, on

16 essaie de faire coïncider les frontières d'un état avec des frontières

17 culturelles au sein d'une population, des frontières politiques.

18 Le nationalisme serbe à mon avis, est devenu particulièrement destructeur

19 et auto destructeur vers la fin du 20e siècle, pourquoi. Parce qu'au cours

20 du 19e siècle, les Serbes avaient cherché à vivre dans un état unifié; un

21 état dans lequel les Serbes et tous les Slaves du Sud pouvaient avoir un

22 état. Mais ce n'était pas très clair au début du 19e siècle, c'était une

23 simple expansion d'un état serbe. Mais ce processus a été pris de vitesse

24 par ce qui s'est passé plus tard, au cours de la Première guerre mondiale;

25 et par ce qui s'est passé avec l'établissement de l'état Yougoslave au

Page 24827

1 moment où, à partir des territoires slaves du Sud, où il y avait la

2 monarchie serbe, Habsburg qui était combinée avec l'état indépendant de

3 Serbie. Où devraient se trouver les frontières de la Serbie ? C'est quelque

4 chose que les Serbes n'ont pas vraiment étudié jusqu'au bout. Ils n'ont pas

5 poussé leur raisonnement jusqu'au bout. Permettez-moi une comparaison. Bon

6 nombre d'états des Balkans mais d'ailleurs aussi, beaucoup de projets

7 étatiques plus grands ou plus petits que ceci, en sont la preuve. Prenons

8 la Bulgarie début du 20e siècle; le nationalisme bulgare, de façon tout à

9 fait cohérente, et quelquefois avec beaucoup d'agressivité a cherché à

10 constituer une grande Bulgarie pour inclure de grands territoires de la

11 Macédoine. Arrivé à la fin du 20e siècle, ce concept est marginalisé pour

12 diverses raisons. Notamment, parce que la Bulgarie avait finalement été du

13 côté des perdants au cours des deux guerres mondiales vu ces revendications

14 territoriales.

15 Le processus en Serbie est un peu différent. Parce que les frontières de la

16 Serbie dans l'état yougoslave, n'étaient pas internationalement reconnues.

17 Au moment où l'état yougoslave s'effondre, les frontières de la République

18 de la Serbie dans bon nombre de cas, pas dans tous les cas, mais n'étaient

19 pas ressenties comme étant en Serbie et à l'extérieur de la Serbie, comme

20 étant les frontières légitimes de la Serbité.

21 Q. Merci beaucoup. Parlons maintenant de l'autonomie du Kosovo et des

22 modifications intervenues dans ce régime. Quels furent à votre avis, les

23 effets sur la constitution et sur la structure politique ? Vous abordez

24 longuement cette question dans votre rapport, aux pages plus précisément

25 41, 47, et 48.

Page 24828

1 R. Voyons d'abord le statut du Kosovo et de l'autre province autonome, la

2 Vojvodine dans la constitution de 1974. D'après la définition, c'était des

3 éléments constitutifs de la fédération. Et il y avait une représentation

4 tout à fait cohérente au niveau de la fédération. La république avait comme

5 les autres républiques, un représentant au niveau de la présidence

6 fédérale, des représentants dans les deux Chambres du parlement fédéral.

7 Là, ces provinces avaient leur propre délégation, qui même si elles étaient

8 petites en taille, moindre en taille que celles des républiques, avaient

9 une signification tout à fait pratique. Puisqu'il fallait leur consentement

10 pour parvenir aux décisions prises par consensus par toutes les délégations

11 sur les questions cruciales.

12 Par conséquent, les dirigeants serbes, se trouvaient dans l'impossibilité

13 de modifier les rapports de ces provinces autonomes avec la Serbie au sens

14 constitutionnel, sans simultanément modifier l'équilibre des forces, le

15 rapport des forces au niveau fédéral. Le fait qu'il y a eu réduction de

16 l'autonomie de ces provinces, a eu pour effet pratique de voir le

17 remplacement de dirigeants assez indépendants dans ces provinces par des

18 personnes étant sous l'influence de M. Milosevic. Et ceci a signifié que le

19 rapport de pouvoir au niveau fédéral a connu de fortes mutations. Après

20 cette révolution anti-bureaucratique au Monténégro, la Serbie a eu un

21 contrôle effectif sur les votes de quatre membres de la présidence

22 fédérale, de quatre délégations dans chacune des Chambres du parlement

23 fédéral.

24 Q. Je n'aborderai plus que trois autres sujets aussi brièvement que les

25 premiers.

Page 24829

1 Nous parlons ici de la Bosnie-Herzégovine. Comment est-ce que cette

2 question s'intégrait dans le concept nationaliste serbe et éventuellement,

3 par contraste le nationalisme croate ?

4 R. Il y a des parallèles entre ces deux types de nationalisme serbe et

5 croate, pour ce qui est des revendications territoriales en Bosnie-

6 Herzégovine. Aussi bien les Serbes que les Croates ont toujours dans

7 l'histoire, revendiqué que les Musulmans faisaient partie de leur propre

8 nation. Simplement qu'il y avait des confessions des religions différentes.

9 Beaucoup n'ont pas accepté l'idée que les Musulmans de Bosnie ou les

10 Bosniens constitueraient un groupe différent, un groupe national différent.

11 Moi, je vois un certain contraste entre les revendications nationalistes

12 serbes et croates sur la Bosnie. Souvent, les Croates se sont davantage

13 servis de cet argument historique comme corollaire pour rejeter l'idée de

14 l'existence de Bosnie-Herzégovine, comme étant une entité historique. Alors

15 que, les Serbes eux, se sont davantage servis de l'aspect ethnique. Et

16 c'est surtout vrai depuis que la Serbie a eu des revendications à

17 l'encontre de la Bosnie au cours des dernières quelques décennies du 20e

18 siècle, au moment, où les Serbes constituaient le groupe national unique le

19 plus important numériquement en Bosnie-Herzégovine.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le moment se prête t-il bien à une

21 pause ?

22 M. NICE : [interprétation] Tout à fait.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons faire une pause de 20

24 minutes. Rappelez-vous Madame le témoin, nous le disons à tous les témoins,

25 qu'au cours de cette pause ou de toute autre pause ultérieure, il y aura

Page 24830

1 peut-être d'autres pauses pour vous au moment de votre déposition. Vous

2 n'êtes censée parler à personne de votre déposition tant que celle-ci n'est

3 pas terminée. Et cet avertissement s'applique aussi aux représentants du

4 bureau du Procureur.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pause de 20 minutes.

7 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.

8 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice, avant que vous ne

10 repreniez, j'aimerais aborder quelques questions d'ordre administratif. Il

11 faut d'abord que nous entendions vos arguments concernant des déclarations

12 préalables de témoins visés par l'Article 92 bis pour ce qui est du reste

13 des témoins de la Bosnie, municipalité de Bijeljina, Zvornik, et cetera. Il

14 faudra réserver un temps d'audience, cette semaine, pour ce faire.

15 A cela, s'ajoute des requêtes pour le versement au dossier de compte rendu

16 d'audience concernant Visegrad et Brcko. Un témoin devrait comparaître la

17 semaine prochaine. Il faudra recevoir ses arguments au plus tard, lundi.

18 M. NICE : [interprétation] Nous pourrions terminer les témoins prévus cette

19 semaine avant la fin de l'audience de vendredi. Nous avons déjà essayé

20 d'avancer les témoins prévus la semaine prochaine pour vendredi. Je ne

21 serai pas là vendredi mais M. Groome pourrait vous présenter nos arguments

22 de façon générale concernant la Bosnie.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, prévenez-le en conséquence.

24 Autre chose ?

25 M. NICE : [interprétation] [aucune interprétation]

Page 24831

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons perdre une heure et demie la

2 semaine prochaine car nous terminons vendredi, à midi. Il faudra essayer de

3 trouver une heure et demie supplémentaire au cours de la semaine. N'oubliez

4 pas cela.

5 M. NICE : [interprétation] Non.

6 M. KAY : [interprétation] Permettez-moi de soulever une question à propos

7 des arguments juridiques que nous avons déposés, les écritures

8 circonstanciées à propos de toutes ces questions. Je ne serai pas présent

9 demain car j'ai d'autres engagements dans ce cadre de cette affaire. Je ne

10 pense pas qu'il soit nécessaire d'ajouter quoi que ce soit aux écritures

11 déjà déposées par les amis de la Chambre.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie. Oui, Monsieur Nice,

13 vous avez la parole.

14 M. NICE : [interprétation]

15 Q. Madame Budding, nous allons maintenant passer à trois sujets et non pas

16 deux. Il y a d'abord la question du mémorandum. Vous parlez longuement de

17 l'académie des Sciences. Ceci se trouve à la page 53. Les Juges ont déjà

18 entendu beaucoup d'éléments de preuve à ce propos. Soyons donc brefs.

19 Quelle est la signification à donner à ce mémorandum. Pourriez-vous aider

20 ceux qui ne viennent pas d'un pays où qu'il n'y a qu'un état, où qu'il n'y

21 a qu'une académie ? Quel est le rôle joué par une telle académie dans ce

22 contexte ?

23 R. Puis-je d'abord aborder le deuxième volet de votre question. Les

24 intellectuels, et surtout les institutions savantes, ont dans l'histoire de

25 l'Europe, ont joué un rôle politique. Il n'est pas facile de comprendre

Page 24832

1 cela si vous venez d'un système différent. Notamment parce que les

2 intellectuels ont servi de porte-parole de la nation au 19e siècle par

3 rapport à des empires plurinationaux. Aussi parce que leurs participations

4 politiques se situent à un niveau beaucoup plus élevé que ce n'était le cas

5 dans le monde occidental. Dans beaucoup de parties de l'Europe orientale,

6 cette société d'intellectuels était réduite en nombre. C'était souvent des

7 professeurs d'université davantage que des membres qui sont devenus membres

8 du gouvernement. L'académie Serbe est, sans nul doute, l'institution la

9 plus prestigieuse pour les intellectuels en Serbie et pour le peuple serbe

10 en général. Ce qui veut dire que les déclarations d'une telle institution

11 ont gagné beaucoup d'importance. Pour ce qui est du mémorandum, il faut

12 relever que ce document qui a été connu sous le nom de mémorandum, c'est un

13 projet de textes qui n'a pas été adopté par l'académie. Il y a eu fuite

14 vers la presse et les travaux ont été arrêtés.

15 Ceci dit, à bien des endroits, ce mémorandum donne des idées très élaborées

16 s'agissant de la perception qu'on avait en Serbie de la question nationale

17 vers le milieu des années 1980. A mes yeux, la partie la plus importante,

18 vu sous cet angle du mémorandum, c'est la façon très unilatérale dont on a

19 parlé de la victimisation serbe. La présentation de la décentralisation de

20 la Yougoslavie comme nuisant uniquement aux Serbes. On a exagéré la

21 question, vu les problèmes que connaissaient les Serbes au Kosovo, la façon

22 dont on a qualifié les Serbes du Kosovo. On a dit qu'ils étaient en butte

23 au génocide. A mon avis, c'est là un avis exagéré et unilatéral.

24 Enfin, pour parler de la signification du mémorandum, même s'il ne prévoit

25 pas un programme politique post-yougoslave, un programme national, on dit

Page 24833

1 que la Yougoslavie, telle qu'elle existait, lésait tellement les Serbes et

2 la Serbie, que la Serbie devait veiller à ses propres intérêts. --

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame le Témoin, sur quoi vous

4 appuyez vous pour tirer de telles conclusions ? Pour dire que la façon dont

5 on a qualifié les Serbes du Kosovo et quand on les a présenté comme étant

6 des victimes, pourquoi dites-vous que c'était là quelque chose d'exagérer ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Regardez les statistiques pour ce qui est de

8 crimes commis au Kosovo dans les années 1980, les cas de viols,

9 d'assassinats, les crimes les plus graves. Ils étaient, en fait, moins

10 nombreux que la moyenne en Yougoslavie. Je ne pense pas qu'on peut parler

11 de génocide parce qu'il n'y a pas eu de meurtres à grande échelle.

12 Permettez-moi d'élaborer mon propos s'agissant des difficultés rencontrées

13 par les Serbes du Kosovo. Il est certain qu'il y a eu, ici et là, des actes

14 d'intimidation dont des actes de brutalité, de violence, mais si à

15 l'époque, n'est pas à un niveau, un degré qu'on pourrait qualifier de

16 génocide.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

18 M. NICE : [interprétation]

19 Q. Vous étiez en train d'expliquer que même si le mémorandum ne prévoyait

20 pas de programme post-yougoslave, il disait que la Yougoslavie d'alors

21 était à ce point un danger pour les Serbes que la Serbie et les Serbes

22 devaient veiller à leurs propres intérêts. Vous étiez sur le point de

23 terminer votre phrase.

24 R. Je vous remercie. J'allais dire que ce mémorandum et d'autres

25 publications contemporaines constituent une véritable nouveauté dans

Page 24834

1 l'attitude des Serbes à l'égard de la Yougoslavie. Jusqu'alors, l'attitude

2 prédominante avait été celle-ci : On disait que les Serbes avaient un

3 intérêt tout particulier à maintenir la Yougoslavie, qu'à certains égards,

4 la Yougoslavie était indispensable pour les Serbes. Pour moi, ce

5 mémorandum, et je ne suis pas la seule à le penser, est le début d'un

6 virage de la Serbie qui s'écarte de la Yougoslavie pour trouver une autre

7 solution aux problèmes serbes.

8 Q. Page 69 de votre rapport, vous parlez du 28 mars 1991, date à laquelle

9 se fait la réunion des présidents. Vous dites, en bas de page, que

10 l'attitude fondamentale de l'accusé c'était que la dissolution de la

11 Yougoslavie ne pouvait se faire qu'à partir de l'autodétermination des

12 peuples s'effectuant par le billet de référendums nationaux sans donner de

13 précision. Pourriez-vous nous apporter un commentaire ? Quel aurait été la

14 conséquence ou l'apparence d'un référendum des Musulmans ?

15 R. L'appel au référendum national, c'est quelque chose qui est au fond

16 dénué de côté pratique. C'est impossible dans le contexte yougoslave,

17 comment aurait-il pu s'effectuer lorsque vous aviez une population mixte

18 dans une région. Bon nombre de gens en Serbie et ailleurs, d'ailleurs, le

19 savaient pertinemment. Dans mon rapport, vous trouvez une phrase écrite par

20 Zoran Djindjic au cours de l'été 1990. Il dit que si le pays pouvait être

21 secoué en Yougoslavie avec la volonté des habitants de vivre ailleurs, cela

22 signifierait un véritable tremblement de terre. A mon avis, ceci montre

23 qu'il était impossible de réaliser de tel référendum.

24 Si une telle tentative avait été faite à l'époque et vous me posez une

25 question quant à l'attitude des Musulmans. Dans une telle éventualité, je

Page 24835

1 suppose qu'une écrasante majorité aurait voté en faveur du maintien en

2 Yougoslavie parce que la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine étaient les

3 deux républiques qui ont le plus tenté à parvenir à un compromis pour

4 permettre le maintien de la Yougoslavie sous une forme ou sous une autre.

5 Q. Au bas de cette même page 70, et on arrive à la dernière page de votre

6 rapport, vous citez Alija Izetbegovic qui pose une question à cette même

7 réunion. Il dit qu'il faudrait expliquer ce que signifierait un référendum

8 national et d'après lui, quel résultat pouvait-on escompter. Ce sera ce que

9 je vous demande en guise de commentaire avant ma toute dernière question.

10 R. Et bien, expliquez-moi ce que signifierait un référendum national à

11 Sarajevo où il y a beaucoup de Musulmans, beaucoup de Serbes et de Croates

12 et il a répondu à sa propre question en disant que cela veut dire que les

13 gens se tiraient les uns sur les autres à partir de leurs fenêtres. Il

14 montrait et voyait l'absurdité d'une telle idée.

15 Permettez-moi de poursuivre. Il a ainsi reconnu une vérité, celle-ci,

16 l'idée du référendum national ne s'applique tout simplement pas à une

17 population urbaine. Dans certaines régions rurales, il aurait été possible

18 de tracer ou d'essayer de tracer des frontières ou des délimitations

19 territoriales en fonction du clivage ethnique mais dans d'autres régions de

20 Serbie ou à Sarajevo où il y a peut-être 170 000 Serbes, c'était un concept

21 dénué de sens.

22 Q. Dernière question. Vous y avez peut-être déjà suffisamment répondu

23 lorsque vous avez parlé de l'affrontement des civilisations. Ici, dans ce

24 procès, ce qui nous intéresse sont les actes et les pensées de l'accusé

25 mais aussi des actes et pensées d'autres individus. Vous connaissez

Page 24836

1 l'histoire du bout des doigts. Ce ne sera pas vrai de tous mais que l'on

2 prenne l'histoire plus longue ou plus récente du génocide des Serbes,

3 notamment, au moment de la Seconde guerre mondiale. Quelle est la

4 signification, à votre avis, qu'il faut apporter à certains volets de

5 l'histoire pour comprendre la pensée, la réflexion de certains

6 protagonistes ?

7 R. Avant de vous fournir ma réponse principale, je reviens à ce conflit ou

8 l'affrontement des civilisations. La présentation que je fais de la

9 problématique n'est pas, pour moi, un conflit de civilisations. Parce que

10 cette appellation allait souvent être utilisée pour opposer des orthodoxes

11 et des catholiques, du simple fait qu'ils sont orthodoxes ou catholiques ou

12 musulmans et que ce sont là, des civilisations différentes qui ne peuvent

13 pas connaître de coexistence. Moi, je présente l'affrontement des empires

14 et des civilisations de façon différente dans mon rapport.

15 Q. Merci.

16 R. Si l'on pense à la façon dont l'histoire a formé les esprits et, si

17 pour se faire, on repense aux événements de 1990, à mon avis, l'événement

18 singulier le plus important, c'est que dans de la mémoire de tout ceux qui

19 vivaient encore, il y a un cadre de crises là où il y a des populations

20 mixtes, coexistences de personnes venant d'une autre nation, nationalité ou

21 à des mariages mixtes. Il y a une société plurinationale. Mais en même

22 temps, et c'est vrai si l'on repense à la Deuxième guerre mondiale, il y a

23 une idée vivace selon laquelle les choses pourraient se passer

24 différemment, selon laquelle il y a peut-être une autre réalité. Et je

25 pense que ceci a formé l'évolution politique de la Yougoslavie et de sa

Page 24837

1 dissolution.

2 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie. Des questions vont maintenant

3 vous être posées par l'accusé.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous disposez du

5 reste de l'audience aujourd'hui. Nous pourrons poursuivre peut-être un peu

6 après 13 heures 45 et vous disposerez du premier volet de l'audience de

7 demain. Si vous demandez un supplément de temps, nous verrons ce qu'il en

8 est. Mais pour le moment, vous avez deux heures et demie à peu près. Je ne

9 sais pas si ceci peut vous aider dans votre contre-interrogatoire. Vous

10 avez la parole.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je dois, d'emblée, vous dire que

12 le temps imparti est absolument insuffisant pour le contre-interrogatoire

13 de ce témoin-ci qui a présenté un rapport des plus volumineux pour ce qui

14 est des aspects historiques ou des questions historiques. Je vous demande

15 la journée de demain toute entière.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Commençons. Nous verrons comment nous

17 progressons avant de nous prononcer sur une telle demande.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant que vous ne commenciez,

19 Monsieur Milosevic, je voulais poser une question au témoin. Suite au

20 dernier commentaire qu'elle a présenté. Vous parliez de l'influence

21 qu'avait la réalité la Deuxième guerre mondiale. N'avez-vous pas dit ceci,

22 même s'il y avait des gens d'appartenance ethnique différente qui vivaient

23 ensemble, qui coexistaient, ils avaient une autre réalité susceptible

24 d'exister, susceptible d'être ravivée. Est-ce que vous voulez dire qu'au

25 cours de la période de Tito, là où il y avait maintien par Tito de la co-

Page 24838

1 existence, cette différence à partenaire ethnique demeurait malgré tout

2 présente; ce concept et cette autre réalité.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une question très complexe que la vôtre,

4 Monsieur le Juge. Ce n'était pas nécessairement quelque chose de conscient

5 dans l'esprit des gens. Voyez les gens qui avaient, eux-mêmes, connus la

6 Deuxième guerre mondiale, et qui auraient pu en parler, mais ils ont décidé

7 de ne pas en parler avec leurs enfants, ce qui veut dire que leurs enfants

8 n'auraient pas nécessairement présent à l'esprit ce type de chose.

9 C'était enfui quelque part et tout était fonction de l'endroit du pays dont

10 on parle, du degré de destruction connue par cette partie du pays pendant

11 la guerre. Et le problème a sans doute été aggravé par le fait qu'il n'y

12 avait pas de discussion libre et factuelle de la Deuxième guerre pendant

13 l'ère de Tito, qu'il y avait plutôt une présentation très idéologique du

14 conflit et des partisans.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Ceci va sans doute

16 être un sujet abordé au cours du contre-interrogatoire.

17 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

18 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

19 Q. [interprétation] Madame Budding, je tiens à dire qu'au début, on nous a

20 précisé qu'en sus du rapport que vous avez intitulé, "Nationalisme serbe

21 au 20e siècle," il y a eu quatre années auparavant, donc en 1998, défense

22 par vos soins d'une thèse de doctorat, qui elle avait porté le titre,

23 "Intellectuels serbes et questions nationales serbes entre 1961 et 1991."

24 R. Exact.

25 Q. Je voudrais que nous constations à présent quelque chose. Le rapport

Page 24839

1 que vous avez présenté ici a été fait sur commande de la partie adverse,

2 n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Je suppose que votre thèse de doctorat, vous l'avez rédigé suite aux

5 options libres et scientifiques qui sont les vôtres, n'est-ce pas ?

6 R. Exact.

7 Q. Une question générale maintenant sur laquelle je me propose de revenir

8 dans le courant de mon contre-interrogatoire. Etes-vous consciente des

9 différences qui existent entre votre rapport, celui que vous avez fait sur

10 commande, et votre thèse de doctorat qui émane de vous également, les deux

11 ouvrages traitent de la même thématique, à savoir, la question nationale

12 serbe ?

13 R. Certainement, à bien des égards, il porte sur la même problématique, et

14 je le dis dans mon rapport. Il y a des parties importantes du rapport qui

15 sont une adaptation de ma thèse de doctorat. Même si l'objectif poursuivi

16 est différent, j'ai fait de mon mieux dans ces deux publications pour

17 respecter les critères de l'objectivité scientifique.

18 Q. Très bien. Mais serons-nous d'accord pour dire que la finalité de la

19 rédaction d'une étude scientifique ne devrait et ne serait mettre en péril

20 l'énorme de l'objectivité scientifique et faire en sorte que l'opinion du

21 même auteur vienne à être changée, compte tenu de l'objectif ?

22 R. Je ne veux pas entrer dans une discussion théorique ici, mais je peux

23 vous dire que dans le cadre de la préparation de mon rapport, qui pour moi

24 est un travail scientifique, j'ai fait de mon mieux pour faire une

25 présentation objective à partir des éléments de preuve dont je disposais.

Page 24840

1 Q. Bon. Dites-moi, je vous prie, serait-il exact d'affirmer que dans la

2 partie introductive d'avant propos de votre thèse de doctorat, vous traitez

3 en quelque sorte des plaintes qui avaient été formulées par les non-Serbes

4 du temps encore du règne de Tito ?

5 R. C'est vrai dans une certaine mesure, en effet, je situe le contexte du

6 mouvement national serbe, ce contexte étant celui des mouvements nationaux

7 d'autres populations. Par exemple, je parle du "Maspok," de ce printemps

8 croate.

9 Q. Je tiens à vous rappeler seulement une chose. Vous indiquez, et je vous

10 cite :

11 "Les Serbes ont été le groupe national le plus important en Yougoslavie et

12 il comptait 36 % de la population dans les années 1980, alors que les

13 Croates étaient le groupe suivant et il faisait un peu moins de 20 %. Des

14 Serbes étaient trop représentés parmi les adhérents au parti," entre

15 parenthèses, vous dites, "qu'en 1980, les Serbes et les Monténégrins

16 ensembles constituaient plus de la moitié des adhérents du parti par

17 rapport au 40 % qu'il constituait dans la population yougoslave."

18 Et on dit, plus encore, parmi dans les rangs de l'armée --

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Que citez-vous ? Qu'êtes-vous en train de

20 citer, Monsieur Milosevic ?

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis en train de lire la thèse de Mme

22 Budding, pages 10 et 11.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Avez-vous un exemplaire de la thèse à

24 l'intention du témoin ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je n'en ai pas, mais je suis convaincu que

Page 24841

1 le témoin qui a défendu une thèse de doctorat là-dessus connaît

2 parfaitement bien la teneur de celle-ci.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens peut-être pas de chaque mot,

4 mais je me souviens de ce passage que vous citez.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Auriez-vous un exemplaire au cas où nous

6 en avons besoin ?

7 M. NICE : [interprétation] Pas pour le moment. Mais si l'accusé nous

8 fournit sa copie, nous pourrons en photocopier plusieurs exemplaires et,

9 bien sûr, il faudrait à défaut, vous pouvez nous demander de communiquer à

10 ce propos avec le témoin.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ça me semble correct. Poursuivez,

12 Monsieur Milosevic.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous avez posé une question ?

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ne vous préoccupez de cela. Poursuivez.

15 Quelle est votre question suivante, Monsieur Milosevic ? Si vous faites une

16 citation de cette thèse, quelle est la question que vous posez à la clé ?

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Et bien, ce que je voulais seulement, c'est que nous constations la

19 chose. On enchaîne en disant :

20 "Sur représenté parmi les adhérents au parti, plus encore parmi les -- dans

21 les rangs des officiers de l'armée." Puis vous dites, "D'autre part, les

22 Serbes en tant que Serbes n'ont pas bénéficié de privilèges particuliers

23 dans cette Yougoslavie et la Serbie n'a pas prédominée au sein de la

24 fédération, ni sur le plan économique, ni sur le plan politique."

25 Est-ce que c'est bien ainsi que vous pensez ?

Page 24842

1 R. Oui et d'ailleurs je dis quelque chose de tout à fait analogue dans mon

2 rapport d'expert.

3 Q. Fort bien. Est-il contesté ou pas, le fait que dans votre thèse de

4 doctorat, les Serbes et les Monténégrins dans la Yougoslavie de l'après-

5 guerre sont traités par vous-même et pendant la période de l'après-guerre

6 sont considérés par Vojcin [phon] comme un tout, une entité nationale

7 unique ?

8 R. C'est parce que j'ai dit, vous le savez sans doute, dans mon rapport je

9 parle plus précisément de la question de l'identité Monténégrine dans le

10 cadre de cette problématique, je présente le processus par lequel les

11 Monténégrins, au moment de la fédération socialiste, étaient traités comme

12 étant un peuple séparé, tout à fait séparé. Effectivement, après la guerre,

13 la question était restée ouverte. Dans ma thèse, je cite Milovan Djilas qui

14 était le communiste dirigeant monténégrin qui en a parlé au sein du parti

15 et qui présentait le Monténégro comme étant une "nacija", une nation, mais

16 pas nécessairement comme un "narod", un peuple.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si vous avez pour stratégie dans

18 votre contre-interrogatoire de faire la différence entre la thèse de ce

19 témoin et son rapport, nous sommes tous lésés parce que nous n'avons pas

20 cette thèse. Il faut en tenir compte. Reportez éventuellement ce type de

21 questions à plus tard jusqu'au moment où nous nous aurons sous les yeux

22 cette thèse.

23 Et ça se rapporte pour le témoin. Est-ce que vous avez l'intention de

24 poursuivre ce type de questions dans votre contre-interrogatoire ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, pas dans une grande mesure, Monsieur

Page 24843

1 Robinson. J'estime, toutefois, avoir le droit de poser ce type de questions

2 parce que M. Nice, dans le courant de son interrogatoire principal, a bien

3 indiqué qu'il y avait ces deux ouvrages, ce rapport et la thèse de

4 doctorat, chose que Mme Budding n'a fait que confirmé. Je pense qu'en

5 conséquent que la question qui se pose n'est pas celle de pouvoir poser à

6 l'auteur de deux ouvrages des questions afférentes aux divergences

7 manifestes entre ces deux ouvrages en fonction divergences dues à la

8 finalité de la rédaction de ces ouvrages.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez. Nous verrons dans quelle

10 mesure nous pouvons nous passer de cette thèse.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Permettez-moi de vous prodiguez un

12 conseil. Nous avons peine à vous suivre ou à comprendre la première partie

13 de votre réponse parce que vous répondez déjà au moment où l'interprétation

14 est en train de nous parvenir. Essayez de ménager une pause avant de

15 répondre.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Je tiens à vous rappeler que j'ai donné citation d'une partie de votre

19 thèse. Vous parlez du fait de voir les Serbes et les Monténégrins

20 constitués ensemble plus de la moitié des adhérents au parti, et ainsi de

21 suite. Puis, partant de là, je vous ai posé une question qui est celle de

22 savoir s'il est contesté ou pas, de vous voir traiter les Serbes et les

23 Monténégrins de la Yougoslavie d'après-guerre comme une entité nationale

24 unique parce que vous les avez additionnés dans votre thèse.

25 Donc, vous les avez pris en considération, additionnés les uns aux autres,

Page 24844

1 n'est-ce pas ?

2 R. Ce n'est pas ce que je fais. Dans mon rapport, je n'ai pas abordé la

3 question de l'identité nationale monténégrine parce que ceci ne semblait

4 pas pertinent.

5 S'agissant de chiffres que je cite dans lesquels j'additionne les Serbes et

6 les Monténégrins, lorsque j'évoque notamment la question de l'armée. J'ai

7 consulté bon nombre de sources où on voit que ceci ne s'appliquait pas qu'à

8 l'armée. Il y avait tout un débat au milieu des années 1980 en Serbie à

9 propos du Kosovo et on disait pratiquement toujours que la population serbe

10 et monténégrine du Kosovo n'en était qu'une. Pourquoi parce qu'il y a

11 beaucoup de Monténégrins qui se voient comme étant des Serbes. Il y a des

12 preuves toutes récentes. La répartition en partie égale des électeurs

13 monténégrins lors des référendums en faveur de l'indépendance le prouve.

14 Quant à savoir si c'est mon avis personnel, si je crois que les Serbes et

15 les Monténégrins sont pratiquement une seule et même entité, non, ce n'est

16 pas mon avis.

17 Q. Fort bien. Je ne souhaite pas, pour ma part, remettre en question

18 l'existence d'une nation monténégrine, bien entendu. Seulement, tout à fait

19 ouvertement, je tenais à indiquer qu'il y avait des points de vues

20 divergeant présentés d'une part dans votre thèse par rapport à ceux que

21 vous présentez dans votre rapport. Je tiens à vous rappeler en outre, une

22 autre --

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il vous faudra justifier ce type

24 d'allégation. Inutile de vous livrer à ce type d'allégation sans apporter

25 de justification.

Page 24845

1 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas combien de pages fait ce document

2 mais manifestement, il est en anglais. Si l'accusé nous le remet, je

3 demanderais un représentant du Greffe ou un de nos représentants de faire

4 une photocopie. Ça prendra cinq minutes.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. N'allez pas le chercher, Monsieur le

6 Huissier.

7 Vous avez un exemplaire du document, Monsieur Milosevic ?

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne l'ai pas sur moi. J'ai mes notes à moi.

9 J'avais pensé que Mme Budding se sentait chez elle lorsqu'il s'agissait de

10 sa thèse et de ce rapport. Mais --

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais elle l'a écrit, il y a cinq ans de

12 cela. Elle ne se souvient pas de chacun des mots. C'est quand même une

13 tâche impossible. Progressons. Avançons.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais, Monsieur May, elle n'a pas contesté les

15 citations que je lui ai données, les citations, l'une et l'autre et si elle

16 les conteste, il nous sera facile de --

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il n'y a pas vraiment d'utilité pour le

18 moment vous n'avez pas vraiment avancer d'arguments, marquer le point.

19 Trouvez quelque chose d'un peu plus substantiel.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, il me semble que ce sont des questions

21 tout à fait substantielles, Monsieur May. Mais permettez-moi de continuer

22 avec mon contre-interrogatoire.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Je vais vous rafraîchir la mémoire et vous me direz si vous ne vous en

25 souvenez pas. Vous avez précisé, à ce sujet-là, dans votre thèse entre

Page 24846

1 autre que la pensée nationale serbe qui avait été prédominante jusqu'à la

2 période communistes, les Macédoniens, les Monténégrins et les Musulmans

3 slaves étaient considérés comme étant membre de la nation serbe.

4 R. Oui. C'est bien ce que j'ai dit.

5 Q. Alors, quelques pages plus loin, ça se trouve à la page 55, mais déjà à

6 la page 61, vous indiquez qu'au premier recensement de la population après

7 la guerre, un grand nombre de Musulmans se sont prononcés comme étant des

8 Serbes, c'est bien cela ?

9 R. Oui, c'est exact.

10 Q. Et qui plus c'est, vous dites de façon très explicite que, partant des

11 renseignements disponibles, il semblerait que l'option serbe était la plus

12 populaire de toute celle qui était -- qui existait et il y avait parmi ceux

13 qui s'étaient prononcés comme cela, l'auraient sous les mains Musulmans

14 principal [sic] et M. Alija Izetbegovic, à l'époque. Je pense que vous vous

15 en souvenez.

16 R. [imperceptible] c'est ce que je dis et j'apporte d'ailleurs des sources

17 à l'appui de ce que je dis dans ma thèse.

18 Q. Fort bien. Donc, est-il contesté ou pas, partant de ce que vous dites

19 dans votre thèse, que non seulement la pensée nationale serbe

20 traditionnelle n'est pas été la seule à considérer les Macédoniens, les

21 Monténégrins et les Musulmans bosniaques comme étant des Serbes, mais

22 qu'eux-mêmes, après la guerre, en grand nombre, c'était prononcé comme

23 étant eux-mêmes, des Serbes.

24 R. Comme je l'ai dit, et je reconnais qu'un grand nombre de Musulmans se

25 sont déclarés Serbes à l'époque. Mais je ne tire pas comme conclusion de ce

Page 24847

1 fait, que dans leur pensée nationaliste, il se voyait comme étant des

2 Serbes. Il faut voir quel était le contexte politique de ce recensement de

3 1948. A l'époque, il n'y avait pas d'autres possibilités offertes au

4 Musulmans. La seule option, c'était de se déclarer pour les Musulmans,

5 Serbe ou Croate. Voyez le contexte immédiatement consécutif à la Seconde

6 guerre mondiale, le mouvement des partisans de Bosnie était un mouvement

7 dans lequel il y avait une surreprésentation serbe. Quand je dis

8 surreprésentation, je dis par rapport à leur représentation démographique

9 dans la population. Et surreprésentation aussi au niveau des structures

10 politiques d'après guerre. Et, à mon avis, ceci s'explique par la situation

11 politique. Les Musulmans n'avaient pas eu l'occasion, le choix de se

12 déclarer Musulmans. Ils devaient se déclarer Serbes musulmans plutôt que

13 Croates musulmans.

14 Q. Pour être plus précis, ils se sont prononcés de Serbes de confession

15 musulmane ?

16 R. Tout à fait. Ce recensement présentait des catégories. Il y avait

17 Musulmans-Serbes ou bien Musulmans-Croates [sic], en d'autres mots,

18 Musulmans-Serbes ou Musulmans-Croates. Ce qui veut dire, ils ne disaient

19 pas, ce faisant, qu'ils s'estimaient Serbes de confession musulmane,

20 nécessairement.

21 Q. Donc ce n'était pas nécessairement le cas. Mais en grand nombre après

22 la guerre, dans cette période après guerre, ils s'étaient prononcés comme

23 étant des Serbes, n'est-ce pas ?

24 R. C'est exact, pour ce qui est du premier recensement d'après la guerre

25 en 1948, mais je relève que pour ce qui est du second recensement, celui de

Page 24848

1 1953, on trouve une catégorie, par exemple, yougoslave, non spécifique. A

2 ce moment-là, on trouve que cette catégorie est utilisée par le plus grand

3 nombre de Musulmans, qui ne choisissent pas la catégorie serbe ou croate.

4 Et dans le recensement de 1961, on trouve une catégorie nouvelle, celle

5 d'appartenance ethnique musulmane, et c'est celle qui était choisie par la

6 plupart des citoyens musulmans.

7 Q. Bien, mais dites-moi alors, pourquoi dans votre rapport professionnel

8 vous décalez vers l'arrière la mise en place, ou la création d'une nation

9 serbe ou monténégrine, et qu'entre les deux guerres, il ne peut-être parlé

10 -- il n'a peut-être question à ce sujet-là, d'une identité nationale à

11 part.

12 R. Vous me demandez pourquoi, selon moi cette période intervenant entre

13 les deux guerres, ce groupe avait une identité nationale qui était surtout

14 non serbe ?

15 Q. Non, je vous pose la question parce que je voudrais savoir si vous avez

16 conscience de la divergence qui existe entre votre thèse et votre rapport

17 d'expert. La divergence est évidente pour ce qui est de l'identité, et de

18 la notion d'identité de la population orthodoxe au Monténégro ?

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne vois pas de quoi vous parlez, à

20 quelle partie du rapport pensez-vous. Soyons concret plutôt qu'abstrait. Si

21 vous voulez nous indiquer un passage du rapport, le témoin pourra répondre.

22 Il lui est impossible de répondre à des allégations aussi générales.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Avez-vous compris mon allégation généralisée, comme elle l'a été ?

Page 24849

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Peu importe ce qu'a compris le témoin.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, très bien, Monsieur May, je vais

3 aller de l'avant. Je ne vais pas insister davantage sur cette réponse-là.

4 Je crois que le témoin comprendra.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. J'aimerais que vous me disiez si, oui ou non, il est exact dans votre

7 thèse de doctorat. Vous avez sous entendu que non seulement entre les deux

8 guerres, mais longtemps après la Deuxième guerre mondiale, les Monténégrins

9 ont dit de même, qu'ils étaient Serbes, or dans votre expert -- le rapport

10 d'expert, il y a une séparation nationale des Serbes et des Monténégrins

11 qui repoussait bien avant cette période-là. Donc, repoussez vers la période

12 des guerres balkaniques. En a-t-il été ainsi, ou pas ?

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faut que vous nous citiez la

14 référence. Nous ne savons pas si ce que vous affirmez est vrai, il faut un

15 minimum d'organisation. Vous devez dire, voila je renvoie le témoin à tel

16 ou tel passage, et puis faire valoir ce que vous voulez dire.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May --

18 L'INTERPRÈTE : M. Milosevic hors micro.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous ne parlons pas d'un témoin ordinaire, nous

20 parlons d'un rapport d'expert.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous -- en tant

22 que Juges, nous devons comprendre ce que dit un témoin, ce qui est dit dans

23 le contre-interrogatoire, et la seule façon de le faire, c'est de veiller à

24 ce qu'il y ait une corrélation entre vos dires et le rapport. La meilleure

25 façon de procéder, c'est de renvoyer à telle ou telle page. Si vos associés

Page 24850

1 ne l'ont pas fait, dans le cadre de leur préparatif, tant pis pour vous.

2 Vous devez nous renvoyer à des pages de rapport pour que nous puissions

3 suivre ce qui se dit.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, ce que j'avais à l'esprit c'est

5 que je m'entretenais avec un intellectuel, qui a défendu une thèse de

6 doctorat, et plusieurs ouvrages scientifiques. J'ai lu sa thèse de doctorat

7 et --

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous faites souvent cette erreur, vous

9 faites une confusion de fonction. Vous n'êtes pas en train de vous adresser

10 à qui que ce soit. Vous posez des questions à un témoin devant un Tribunal

11 -- un Tribunal, je le répète. Il faut donc que vous vous agissiez

12 conformément à des modalités que comprennent les Juges et le témoin.

13 Nous tenons compte que vous vous défendez vous-même, que vous n'êtes pas

14 sous cet angle-là un avocat dûment qualifié. Si tel était le cas, vous

15 auriez encore plus de problème. Mais pour quel que témoin que ce soit, dont

16 celui-ci il faut citer le passage. Si vous dites ceci ou cela, il faut

17 citer le passage pertinent au témoin, et veillez à ce que ceux qui

18 préparent votre contre-interrogatoire, que ce soit vous ou d'autres qui

19 citent le passage. Si non, il est impossible de vous suivre. Essayez de

20 donner les bonnes références.

21 Voyons si nous pouvons avancer davantage aujourd'hui.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que nous pourrons le faire parce que

23 je n'ai pas pris mes notes, par point et page du document, mais par

24 questions, au sujet desquelles Mme Budding est venue témoigner -- au sujet

25 desquelles elle est venue ici témoigner en tant qu'expert. La situation est

Page 24851

1 tout à fait autre que là où vous avez un témoin qui témoigne par différents

2 alinéas de sa déposition, et un ouvrage scientifique, une thèse de doctorat

3 est un ouvrage scientifique de grande envergure.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Madame Budding, dans votre thèse de doctorat, ne dites-vous pas que le

6 service de Sûreté de l'état à Rankovic n'était pas plus cruel à l'égard des

7 Albanais, qu'il ne l'a été à l'égard des Serbes ex-techniques, et ceux qui

8 avaient été membres de l'info bureau, à savoir qui étaient d'obédience pro

9 Stalinienne, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, c'est exact.

11 Q. Bon. Mais pourquoi, dans votre rapport d'expert, ne parlez-vous pas --

12 parlez-vous seulement des abus de ce service -- de ce département à l'égard

13 des Albanais seulement, qui étaient alors dans cette façon de se comporter

14 -- motiver par un nationalisme.

15 R. Ce n'est pas en fait ce que je dis dans mon rapport. J'ai fait

16 référence dans mon rapport aux persécutions de ce qui avait été les

17 communes formes, à savoir, les adeptes de Stalin avant la séparation entre

18 Tito et Stalin en 1948. Et je me sers de cet exemple pour faire comprendre

19 de façon générale, qu'en fait il y a eu des identifications politiques qui

20 prévalaient sur les identités nationales dans la Yougoslavie de Tito.

21 Q. Bon. Mais, tout à l'heure, lorsque vous avez parlé des déplacements des

22 Serbes du Kosovo et de la Metohija, de leur départ, et vous le mentionnez

23 dans votre thèse de doctorat ces départs des Serbes du Kosovo et de la

24 Metohija. Vous les avez attribués à l'intimidation perpétrée par les

25 Albanais à leur égard, n'est-ce

Page 24852

1 pas ?

2 R. Ce n'est pas tout à fait exact, ce que je dis tant dans la thèse, que

3 dans le rapport, c'est que les motifs, animant les familles serbes et

4 monténégrines qui les ont poussées à quitter le Kosovo, sont des motifs --

5 ou motivations complexes. Il y a des facteurs économiques qui

6 interviennent, ainsi que des actes d'intimidation.

7 Q. Certes, mais dans le rapport d'expert, ces départs ne sont qualifiés

8 par vous que comme étant un phénomène complexe.

9 R. Ce n'est pas exact. Je dis que c'est un phénomène complexe, mais je

10 poursuis la discussion, et je cite, entre autre ressource, l'étude menée

11 par l'académie serbe. Je pense qu'en 1985, il y avait quelque centaines de

12 familles qui avaient quitté le Kosovo, et j'explique les différents motifs

13 qui les ont poussés à l'émigration.

14 Q. Nous reviendrons un peu plus tard à ces questions afférentes à

15 l'académie.

16 Cependant, étant donné que vous avez expliqué ce qu'était que l'académie

17 serbe des Sciences tout à l'heure, et vous venez de la mentionner à

18 l'instant. J'en profite pour vous poser une question.

19 Vous avez travaillé à Belgrade, vous avez eu l'opportunité de bien

20 connaître les circonstances yougoslaves. Et j'imagine que vous avez connu

21 les circonstances qui ont prévalu en Yougoslavie avant que d'être en

22 service là-bas. Je le suppose du moins.

23 Et vous avez dit que de telles académies des Sciences dans les pays de

24 l'est étaient une sorte de porte parole de la voix du peuple, n'est-ce pas

25 ?

Page 24853

1 R. C'est ce que j'ai dit, mais c'était surtout en rapport à une période

2 bien antérieure, celle où les états nationaux n'existaient pas encore.

3 C'était là le contexte dans lequel il faut placer cette déclaration.

4 Cependant, je conviens que, plus tard, il est arrivé que l'académie joue ce

5 rôle-là.

6 Q. Bien. Savez-vous alors que c'est précisément l'académie serbe des

7 Sciences qui, de tout temps pendant la période socialiste, s'était trouvée

8 dans un rôle -- occupait un rôle d'opposition par rapport des autorités de

9 l'époque ?

10 R. Ce n'est pas de cette façon-là que je qualifierais l'attitude de

11 l'académie pendant toute la période socialiste, mais c'est sans doute vrai

12 pour le début des années 1980 et le milieu des années 1980.

13 Q. Bien. Dans l'avant propos de votre rapport, vous indiquez que ce

14 rapport identifiera et essaiera de clarifier les éléments de la situation

15 de la conscience nationale auprès de la plupart des Serbes vers les années

16 1980, chose qui a contribué d'ailleurs au démantèlement de la Yougoslavie,

17 par la suite.

18 Ma question est la suivante : savez-vous que la Yougoslavie ne s'est pas

19 démantelée d'elle-même, mais sous des pressions internationales et avec des

20 appuis politiques, médiatiques, financiers, à l'intention précisément des

21 forces qui étaient celles du séparatisme et à l'attention des dirigeants

22 nationalistes de la Slovénie, de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine,

23 elle s'est vue désintégrer ?

24 R. Vous renvoyez à deux sujets, d'abord le rôle joué par les acteurs

25 internationaux dans la dissolution de la Yougoslavie. Je n'en parle pas

Page 24854

1 dans le rapport car, à mes yeux, ceci n'intervient pas dans le cadre

2 temporel de mon rapport. L'autre c'est l'action entamée par d'autres

3 dirigeants des républiques.

4 Je le dis dans mon rapport même si celui-ci s'attache à parler des actions

5 entreprises par les dirigeants serbes et la façon dont celles-ci ont

6 contribué à la dissolution. Je n'affirme pas, ce disant, que les dirigeants

7 serbes sont les seuls responsables de l'effondrement de l'état yougoslave.

8 Q. Bon. Nous allons, j'espère, constater tout à fait le contraire. Mais

9 savez-vous qu'il y a une appréciation de Samuel Huntington, qui dit qu'il a

10 eu éclatement de la guerre en 1992, avec soutien du Vatican, pour faire en

11 sorte que les Républiques catholiques romaines fassent acte de sécession

12 pour que les acteurs de la civilisation occidentale puisse se réunifier

13 avec leurs contre- parts en Europe de l'est. Et il a rédigé cela dans son

14 ouvrage "Le conflit des civilisations." Vous avez certainement dû le lire,

15 l'ouvrage en question pour faire l'étude que vous avez faite.

16 R. Oui, j'ai lu cet ouvrage, mais je ne dirais pas que je l'ai lu

17 récemment. Ce que je me souviens dans ce livre, c'est que l'auteur explique

18 la façon dont différents états ont pris partie, pour ou contre, les parties

19 belligérantes dans l'ex-Yougoslavie, une fois dissoute l'ex-Yougoslavie,

20 sur la base des convictions religieuses que lui considère comme des

21 éléments de civilisation ou des éléments d'adhésion à telle ou telle

22 civilisation, plutôt que les facteurs de la dissolution de la Yougoslavie.

23 Et donc, il explique la dissolution sur des bases religieuses, mais je n'ai

24 pas lu le livre récemment, donc je ne peux pas commenter davantage.

25 Q. Fort bien. Mais j'ai dit, il y a un instant, comme vous l'avez

Page 24855

1 d'ailleurs dit vous-même dans votre propos préliminaire, que votre rapport

2 permettra d'identifier et tentera d'expliquer les éléments de l'esprit

3 national existant parmi les Serbes, qui, en général, est retenu contre les

4 Serbes. Donc, pourriez-vous nous dire ce qui constitue cet esprit national

5 serbe, cette conscience serbe ? Et quelles sont les conséquences de cet

6 esprit national serbe et de cette conscience serbe pour les Serbes ?

7 R. Et bien, j'ai parlé plutôt dans mon témoignage de ce que j'entendais

8 par état d'esprit national, j'ai dit qu'il s'agissait d'une série de

9 positions adoptées sur la question nationale serbe et pas d'un état

10 d'esprit en tant que tel, et que je croyais, que j'étais d'avis que les

11 Serbes étaient tenant d'une série de convictions.

12 Les éléments de l'état d'esprit dont je parle résident, notamment, dans une

13 perception très importante de la reconnaissance de la décentralisation

14 yougoslave en tant que désavantage pour les Serbes, en tant qu'éléments qui

15 laissent de côté -- qui ignorent les membres des autres populations

16 existant au sein de la Yougoslavie, donc tout cela sera sur un plan

17 quantitatif plutôt que qualificatif. Je pense, en particulier, aux Croates,

18 aux Musulmans et aux Albanais. Je pense que, sur la base de la

19 décentralisation qui est considérée comme une fait négatif par les Serbes,

20 car ce n'est pas une idée abstraite, c'est une idée qui repose sur des

21 éléments assez concrets. Donc, sur cette base, la façon de concilier les

22 droits nationaux et les droits territoriaux des uns et des autres peut se

23 faire de différentes façons sur le plan institutionnel. C'est une partie

24 importante de mon interprétation de cet état d'esprit prédominant chez les

25 Serbes sur la question serbe.

Page 24856

1 Q. Fort bien. Vous avez dit, il y a un instant, que les Albanais étaient

2 divisé en Yougoslavie, mais, où se trouvaient-ils physiquement les

3 Albanais ? Principalement, au Kosovo, Metohija, n'est-ce pas ?

4 R. Et bien, oui, ceci est tout à fait certain et c'est devenu un fait de

5 plus en plus marqué au cours de la période socialiste en Yougoslavie. Mais,

6 comme vous le savez, il y a également une minorité albanaise importante en

7 Macédoine et également au Monténégro.

8 Q. Fort bien. Mais, je ne vais pas respecter l'ordre des questions que je

9 pensais vous poser car j'aimerais plutôt suivre l'ordre que vous avez

10 respecté vous-même dans l'interrogatoire principal très court d'ailleurs

11 réalisé par M. Nice. Vous avez dit que Drenica avait été intégré à l'état

12 yougoslave après la Seconde guerre mondiale, n'est-ce pas ? Ou bien, est-ce

13 que je vous aurais mal entendue ?

14 R. Pour autant que je m'en souvienne, j'ai dit que le Kosovo avait été

15 réintégré dans l'état yougoslave. Je ne crois pas avoir parlé précisément

16 de Drenica dans cette phrase. Même si, bien entendu, lorsqu'on parle du

17 Kosovo, cela inclut Drenica.

18 Q. Oui, mais dans votre rapport, et vous en avez parlé il y a quelques

19 instants, vous dites, qu'en 1944 et 1945, et là j'ai pris note de ce que

20 vous avez dit, cela se trouve en page 16 de votre rapport. Donc vous avez

21 dit que, pendant ces deux années, les partisans ont étouffé la rébellion la

22 plus importante des Albanais et que les combats les plus importants à cet

23 égard se sont déroulés dans la région de Drenica, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, c'est exact.

25 Q. Etes-vous au courant du fait que, dans cette période, donc 1944, 1945,

Page 24857

1 durant ces événements, les partisans constituaient une force militaire

2 régulière reconnue par les grandes puissances au niveau international car

3 ils combattaient le fascisme en qualité d'alliés et de membres de la

4 Coalition anti-hitlérienne, n'est-ce

5 pas ?

6 R. Ils ont certainement reçu l'aide des alliés à ce moment-là. Je ne sais

7 pas si cela peut coïncider avec la définition d'une reconnaissance

8 internationale. Je ne suis pas sûr que des forces armées peuvent prétendre

9 à une quelconque reconnaissance internationale.

10 Q. Fort bien. Mais n'est-il pas exact que le fait d'étouffer cette

11 rébellion albanaise comme vous la qualifiez, que je qualifierais moi-même

12 plutôt comme le fait d'étouffer une rébellion, le soulèvement de fascistes

13 albanais, qui sous la dénomination de Balias [sic] ont aidé les Allemands

14 et les Italiens pendant la Seconde guerre mondiale et commis des crimes

15 terribles et des atrocités à l'encontre des Serbes et des Monténégrins au

16 Kosovo. Donc, ne serait-il pas plus exact de qualifier les choses de cette

17 façon ?

18 R. Il est sans aucun doute exact comme je le dis dans mon rapport, que les

19 crimes ont été commis contre les Serbes et les Monténégrins durant la

20 Seconde guerre mondiale au Kosovo. Je n'admets pas la qualification de

21 l'ensemble des Albanais qui ont résisté aux partisans comme alliés des

22 fascistes. Je pense pour ma part, si je tiens compte du déroulement des

23 événements au cours de la Seconde guerre mondiale, qu'il y a eu des moments

24 de la guerre au cours desquels les partisans, eux-mêmes, ont quitté le

25 Kosovo pour rejoindre l'Albanie. Et je pense qu'il est tout à fait clair,

Page 24858

1 sur la base de tous les éléments disponibles, que cela exprimait un désir

2 de leur part de constituer une majorité de la population albanaise au

3 Kosovo indépendamment des adhésions politiques dans un sens un dans un

4 autre.

5 Q. Oui, mais puisque vous l'avez dit, et que cela figure dans votre

6 rapport d'expert, le soulèvement de Drenica a eu lieu après le retrait de

7 l'armée allemande dans la profondeur du territoire à l'arrière. L'armée en

8 question était membre de la coalition anti-hitlérienne. Donc, il y avait

9 les alliés d'Hitler d'un côté et les Albanais en tant que tels, ont trouvé

10 à ce moment-là, un nouveau front ?

11 R. Je ne serais pas d'accord pour dire que la révolte de Drenica peut être

12 qualifiée de cette façon. Je l'ai traitée rapidement au cours de

13 l'interrogatoire principal et si l'autorisation m'en est donnée, j'y

14 accorderai un peu de temps à l'instant. Les sources d'informations

15 contemporaines permettent de penser que, ce qui a motivé la révolte de

16 Drenica peut être lié à différents éléments. L'un d'entre eux étant, et je

17 suis d'accord pour dire que les partisans se sont réunis et que les

18 partisans, en fait, pouvaient être ressentis à l'époque, comme souhaitant

19 une association entre le Kosovo et l'Albanie. Est-ce que cela s'est passé

20 dans le contexte d'une fédération yougoslave ou albanaise ou est-ce que

21 cela devait se passer dans le contexte d'une fédération yougoslave ou

22 albanaise ou dans un autre cadre demeurait une question ouverte à l'époque.

23 Mais c'était une possibilité.

24 S'agissant des conditions liées immédiatement à cette révolte, les éléments

25 disponibles à l'heure actuelle, indiquent qu'une raison possible était que

Page 24859

1 Shaban, cet homme qui avait rejoint le mouvement des partisans en refusant

2 de se rendre sur le front de Srem, était donc actif dans la région du

3 Sandzak avec un certain nombre de bandes de Chetniks, et ceci dans la

4 région de Drenica et il est possible que c'est pour défendre leur domicile

5 contre les Chetniks que cette révolte a eu lieu.

6 Q. Donc, vous prétendez que cette révolte n'était pas une révolte de la

7 part des armées alliées aux forces antifascistes contre l'armée allemande

8 mais qu'elle avait un caractère tout à fait différent ?

9 R. Oui, c'est exact. Je ne nie pas que la majorité des participants à

10 cette révolte aient pu être d'anciens membres de ce groupe appelé le groupe

11 des Balistes. Je n'ai pas d'information précise à cet égard.

12 Q. Est-ce que vous savez quel était exactement ce groupe appelé groupe des

13 Balistes pendant la Seconde guerre mondiale. Et quel a été leur rôle ?

14 Contre qui ils se sont battus en particulier ?

15 R. Je pense, c'est une certitude pour moi d'ailleurs, je le dis dans mon

16 rapport, que la majorité des Albanais résidant au Kosovo, ont favorablement

17 accueilli les suites de l'occupation au cours de la Seconde guerre

18 mondiale. A savoir, la création d'une grande Albanie intégrant, incluant le

19 Kosovo.

20 Q. Mais existe-il un doute quant au fait que la grande Albanie était une

21 création de Mussolini, c'est-à-dire, une création fasciste ?

22 R. Très certainement. C'était une création de l'Italie fasciste. Je crois

23 que cela ne fait pas le moindre doute.

24 Q. Mais y a-t-il dans ces conditions, un doute quant au fait que ces

25 Balistes étaient des fascistes albanais ? Je ne parle pas de la nation

Page 24860

1 albanaise. Je parle de ces Balistes que je qualifie de fascistes albanais.

2 R. Je pense que qualifier les Balistes de fascistes albanais n'est pas

3 tout à fait exact. Car, ils n'étaient pas favorables à une organisation

4 fasciste de l'état. Ils n'étaient pas favorables à une forme de

5 gouvernement considéré généralement comme correspondant à un gouvernement

6 fasciste.

7 Q. A quoi les Balistes étaient-ils favorables ? Qui ont-ils soutenu ? Ils

8 ont soutenu les Italiens qui constituaient une force d'occupation sur ce

9 territoire dans le cadre de la grande Albanie créée par Mussolini. C'est

10 bien cela ou pas ?

11 R. Il est tout à fait certain qu'ils étaient favorables à l'idée, à la

12 création, l'idée de créer une grande Albanie.

13 Q. Je ne parle pas uniquement de la création d'une grande Albanie. Je

14 parle également du fait qu'ils ont appuyé les forces mussoliniennes et

15 qu'ils ont combattu à leur côté. Autrement dit, ils ont appuyé les forces

16 fascistes italienne et hitlérienne pendant la Seconde guerre mondiale,

17 n'est-ce pas ? Est-ce que cela fait un doute ?

18 R. Je ne connais pas parfaitement bien toutes les actions militaires

19 auxquelles ont participé les Balistes pendant la Seconde guerre mondiale.

20 Il y a eu des groupes divers, qui en fonction du temps, ont adopté des

21 positions diverses, eux aussi.

22 Q. Fort bien. Si vous n'êtes pas au courant de cela, je vais revenir sur

23 les questions abordées par vous il y a quelques instants, lorsque je vous

24 interrogeais au sujet des éléments qui constituent l'état d'esprit national

25 des Serbes; questions auxquelles vous avez répondu en apportant quelques

Page 24861

1 explications.

2 Je vous demande maintenant, compte tenu de votre propos luminaire et de

3 différentes parties de votre ouvrage, où vous évoquez souvent le

4 nationalisme serbe, ce que vous voulez dire par le mot nationalisme. Est-ce

5 que vous en faites un synonyme du mot chauvinisme. Et est-ce qu'il y a des

6 nationalismes qui existaient au 19e siècle, comme il en existe d'ailleurs,

7 aujourd'hui. Prenons l'exemple du nationalisme français où du début d'euro

8 nationalisme, si vous le voulez.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Laissez le témoin répondre.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien d'abord, je crois que l'on m'a demandé si

11 j'interprétais la notion de nationalisme --

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je pense que le premier point de la

13 question, c'était une question qui traitait directement du nationalisme

14 serbe. Après tout, c'est la question qui nous intéresse.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien lorsque j'emploie les mots

16 nationalisme serbe, je ne parle pas uniquement de chauvinisme ou

17 d'exclusivisme national. Je pense plus précisément au nationalisme en tant

18 que principe politique, qui tente de faire coïncider des frontières

19 politiques avec des frontières culturelles. Et ce que j'aborde dans mon

20 rapport, c'est la définition d'Ernest Gellner, de tout nationalisme, et

21 bien entendu, pas uniquement du nationalisme serbe.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Mais estimez-vous que le nationalisme serbe au 19e siècle se

24 distinguait d'eux ou était un élément tout à fait comparable aux autres

25 nationalismes présents en Europe. Je parle du 19e siècle là. Je ne parle

Page 24862

1 pas de la Seconde guerre mondiale. Par exemple, au 19e siècle, le

2 nationalisme des Allemands, des Italiens, qui à cette époque-là, se

3 battaient eux aussi, pour créer leur propre état.

4 R. Je pense qu'il est tout à fait comparable dans son contenu. Mais les

5 conditions entourant ce nationalisme étaient un peu différentes comme je le

6 signale dans mon rapport. En effet, les frontières de la Serbité [sic]

7 étaient contestées. Bien entendu, la question de savoir où se situait la

8 frontière permettant à un être humain de se qualifier d'Allemand était

9 contesté elle aussi. Comme il y avait contestation également -- et cette

10 contestation tournait autour de la frontière de l'Autriche ou de la Prusse.

11 Mais la question plus générale de l'identité que j'aborde dans mon rapport,

12 au 19e siècle, se fonde sur une équation complète des Serbes avec la foi,

13 avec la confession orthodoxe. Et au 20e siècle, cette coïncidence n'est pas

14 aussi complète. Donc, la différence à mon avis, c'est là qu'elle se situe

15 s'agissant de la comparaison avec d'autres nationalismes européens.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je pense que le moment est venu de lever

17 l'audience. Monsieur Nice, vous avez quelque chose à ajouter ?

18 M. NICE : [interprétation] J'essaierai de retrouver la thèse de doctorat du

19 témoin avant le début de l'audience demain. Et les Juges pourront alors

20 l'avoir sous les yeux, de même que l'accusé.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il serait bon que nous l'ayons demain

22 matin.

23 Madame Budding, je vous demanderais de revenir dans ce prétoire demain

24 matin à 9 heures, si vous le voulez bien.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument.

Page 24863

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci.

2 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le jeudi 24 juillet

3 2003, à 9 heures.

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25