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Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 2 septembre 2003

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Groome. Vous avez la

7 parole.

8 LE TÉMOIN: TÉMOIN B-1505 [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Interrogatoire principal par M. Groome : [Suite]

11 M. GROOME : [interprétation]

12 Q. Monsieur le Témoin 1505, la semaine dernière, nous nous étions arrêté

13 au moment où vous faisiez la description d'une colonne de civils musulmans

14 venant de la municipalité de Visegrad qui allait vers la ville de Visegrad.

15 Veuillez reprendre votre récit pour nous dire ce que vous savez à propos de

16 cette colonne de civils qui sont entrés ou qui allaient vers la ville de

17 Visegrad.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour d'abord.

19 M. GROOME : [interprétation] Permettez-moi d'interrompre le témoin. Je vois

20 qu'il a ce mécanisme de déformation de la voix. Vous vous souviendrez, le

21 témoin a dit que ce n'était plus nécessaire, qu'on pouvait se passer de ce

22 dispositif.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Le Greffe peut-il s'occuper de la

24 question.

25 Pendant que cette question se règle, Monsieur Nice, nous avons oublié de

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1 régler la question de la pièce 526.

2 M. NICE : [interprétation] Oui. J'y ai pensé après l'audience.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] A un moment qui conviendra ce matin, le

4 plus vite possible, nous allons régler la question.

5 M. NICE : [interprétation] Ou cet après-midi. Voici ce qu'il en est. Toutes

6 les pièces à l'exception des cotes 27 et 28 sont mentionnées dans le

7 rapport du témoin. Ces deux documents ont été mentionnés pendant la

8 déposition par le témoin mais je n'y ai pas fait référence explicite. Mais

9 il s'agissait de l'ordre consistant à siéger à Belgrade plutôt qu'ailleurs.

10 Puisque nous en avons parlé, j'en demanderais le versement mais j'ai

11 vérifié toutes les autres pièces, elles sont mentionnées dans le rapport.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Je vais

13 consulter mes collègues.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Veuillez vérifier ceci, Monsieur Nice,

16 afin de vérifier qu'il n'y a pas dans ce document, un document qui n'aurait

17 pas été mentionné. Vous allez donc procéder à cette vérification et en

18 fonction de cela, toutes les pièces seront admises telles que présentées

19 dans le classeur.

20 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie.

21 M. GROOME : [interprétation]

22 Q. Pourriez-vous maintenant répondre à la question que je vous avais

23 posée, Monsieur le Témoin ?

24 R. Certainement. Lorsque le capitaine Vuksavljevic, qui se trouvait être

25 le commandant au barrage, a reçu un ordre du colonel Ojdanic, disant qu'il

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1 pouvait se diriger vers Brstanica et sortir de là cette colonne de civils.

2 Il s'est dirigé là-bas, en effet avec deux camions. Il y avait là, une

3 trentaine de soldats.

4 Nous sommes arrivés à Brstanica et s'est constituée là, une colonne. Les

5 choses se sont passées assez vite parce que nous étions très pressés. La

6 plupart étaient venus à pied, d'autres en voiture et tous se sont dirigés

7 vers la ville. Aux abords de la ville, on a entendu beaucoup de tirs dans

8 le secteur que nous devions traverser notamment, pour atteindre la ville.

9 Et à ce moment, le capitaine Vuksavljevic a dit qu'il fallait que nous

10 continuions et qu'il bifurquerait en direction de l'endroit d'où venaient

11 les tirs pour résoudre les problèmes éventuels qui pourraient surgir sur la

12 route. C'est ce que nous avons fait. Nous avons donc poursuivi notre

13 chemin. Et dans cette colonne organisée, conduite par ces soldats, les

14 gens, les hommes se sont dirigés vers le stade de football de la ville.

15 Q. Je vous interromps. Je vais vous poser des questions à propos du stade

16 de football. Mais auparavant, pourriez-vous nous donner une idée

17 approximative du nombre de personnes qui se trouvaient dans cette colonne ?

18 R. Dans cette colonne, d'après moi, il devait avoir quelque

19 4 000 [sic] hommes. C'était pour l'essentiel, dirais-je ? Des habitants de

20 la région; des femmes, des enfants, des hommes âgés, des jeunes gens.

21 Q. Est-ce que la colonne a franchi de vieux pont turc sur la Drina qui

22 permettent d'arriver en ville ?

23 R. Oui. Pour passer par là, il fallait forcément emprunter ce pont.

24 Q. Les Juges de la Chambre ont entendu ce qu'est venu dire un témoin.

25 C'était un journaliste serbe qui avait observé cette colonne. Etes-vous au

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1 courant d'une autre colonne qui aurait franchi ce pont pour aller dans la

2 ville de Visegrad, mis à part la colonne dont vous parlez ici, aujourd'hui.

3 R. Non. C'était certainement, une seule et même colonne.

4 Q. Est-ce que la totalité de la colonne a été escortée jusqu'au stade de

5 football de Visegrad ?

6 R. Oui.

7 Q. Mis à part cette colonne, est-ce qu'il y avait d'autres personnes qui

8 se trouvaient déjà au stade de football ?

9 R. Non. Pour l'essentiel, c'étaient des gens de la colonne même.

10 Q. Pourriez-vous nous relater ce qui s'est passé au stade de football ?

11 R. Au stade de football, les gens ont pris place. La plupart des gens se

12 sont installés d'un côté du stade. De l'autre côté, il y avait des soldats.

13 Puis, à ce moment-là, il est arrivé un officier qui s'est présenté par

14 porte-voix, à l'assistance. Il a dit quelque chose du genre, "Je m'appelle

15 -- je suis le lieutenant-colonel Jovanovic. Je suis commandant, le

16 commandant chargé de cette

17 ville-ci. Je suis à la tête des soldats qui se trouvent ici. J'ai une unité

18 des Aigles blancs placée sous mon commandement, et je vous informe que vous

19 allez vous diriger vers des localités," qu'il a énuméré. Il a dit que ces

20 localités étaient sûres que c'était passé sous le contrôle de l'armée. Et

21 il a précisé qu'il n'était pas question de fournir quelque résistance que

22 ce soit à l'encontre de l'armée, au cas où l'on ouvrirait le feu en

23 direction des soldats, à partir d'une maison; la maison en question serait

24 rasée. Et si un soldat venait à être blessé, il a dit qu'il raserait le

25 village entier. C'est ainsi que cette réunion a pris fin.

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1 Q. Les personnes qui étaient rassemblées dans ce stade, est-ce qu'elles

2 ont été aussi fouillées par les soldats qui se trouvaient au stade ?

3 R. Oui. Avant que de quitter le stade, et l'autre l'a expliqué également

4 par porte-voix, il a dit que l'on constituerait quatre ou cinq colonnes et

5 qu'il devait y avoir deux soldats à la tête de chacune d'entre elles, et

6 que les gens seraient fouillés pour que l'on puisse vérifier s'ils n'ont

7 pas d'armes, ou quelque chose de ce genre.

8 Q. Quelle était l'appartenance ethnique des personnes ainsi rassemblées,

9 ce jour-là au stade ?

10 R. Il n'y avait là, que des Bosniens, des Musulmans.

11 Q. Pourriez-vous nous donner une idée du nombre maximum de Bosniens qui

12 ont été rassemblés dans le stade, à cette époque-là ?

13 R. D'après nos évaluations, il y avait là, 4 000 à 5 000 hommes, 4 000 à 5

14 000 personnes.

15 Q. Ces 4 000 ou 5 000 personnes ont-elles été fouillées ?

16 R. Je pense que oui. Je n'ai pas attendu la fin des fouilles. Mais en

17 principe, tous étaient censés être fouillés.

18 Q. Est-ce qu'on a dit à toutes ces personnes où elles étaient autorisées à

19 aller, et où elles avaient l'interdiction d'aller au moment de quitter le

20 stade ?

21 R. Oui. Le commandant a été très précis pour expliquer cela. Il a été

22 précis pour ce qui est des endroits où l'on pouvait aller, et des endroits

23 où l'on ne pouvait pas aller.

24 Q. Est-ce qu'on a interdit à bon nombre de ces personnes de rentrer chez

25 elles ?

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1 R. Oui.

2 Q. Est-ce qu'ensuite, à un moment donné, vous avez été sommés de vous

3 rendre à une réunion qui se trouvait à l'hôtel Visegrad ?

4 R. En effet. Plus tard, après ces propos adressés aux personnes présentes

5 par le lieutenant-colonel, il est venu me voir et m'a dit, "Tu viendras me

6 voir à l'hôtel Visegrad."

7 Q. Etes-vous allé à l'hôtel Visegrad ?

8 R. Non. Les gens ont commencé donc, à se diriger vers des localités où on

9 les avait laissé aller. Et je suis passé à l'hôtel pour me présenter

10 conformément à l'ordre reçu.

11 Q. Vous a-t-il fallu attendre un certain temps à l'entrée, dans le hall de

12 l'hôtel ?

13 R. Si, oui. Je suis arrivé à l'hôtel, et on m'a dit qu'il fallait

14 patienter un peu à la réception, avant que d'être reçu par le commandant.

15 J'ai donc, attendu un peu à cet endroit-là.

16 Q. Pendant que vous attendiez, est-ce que vous avez pu déterminer où se

17 trouvait dans l'hôtel, ce lieutenant-colonel ?

18 R. Oui. Je savais à quelle pièce il était. Mais moi, j'attendais auprès de

19 la réception.

20 Q. Est-ce qu'à un moment donné, deux personnes sont venues parce qu'elles

21 voulaient voir le lieutenant-colonel, là où il se trouvait, dans l'hôtel ?

22 R. Oui.

23 Q. Qui étaient ces personnes qui venaient le voir ?

24 R. Comme j'attendais auprès de la réception, à un moment donné, il est

25 passé à côté de moi, Mme Biljana Plavsic. On savait que c'était le vice-

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1 président de la Republika Srpska. Et Branimir Savovic, lui, se trouvait

2 être le président du Parti démocratique serbe pour la municipalité de

3 Visegrad.

4 Q. Est-ce que ces personnes sont entrées, et sont allées voir le

5 lieutenant-colonel ?

6 R. En effet. Ils sont passés dans la pièce où j'étais censé me rendre pour

7 cette réunion avec le lieutenant-colonel. Et peu de temps après, on m'a dit

8 que je pouvais m'en aller, et qu'il fallait revenir le lendemain parce qu'à

9 ce moment-là, le lieutenant-colonel ne pouvait plus me recevoir.

10 M. GROOME : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais demander que soit

11 attribué une cote à un enregistrement. C'est le vidéo qui a fait l'objet

12 d'une note importante de ma part dans le résumé. Nous aimerions en parler

13 après qu'apparaissent à l'écran deux images et vous pourrez comparer ces

14 deux images avec la pièce 506 qui a été montrée au témoin B-127.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.

16 M. GROOME : [interprétation] Je vais demander à Monsieur l'Huissier que le

17 système est prêt pour recevoir les images du système électronique. Il n'y

18 aura pas de bandes de sons.

19 Q. Je vais m'interrompre souvent pour vous donner l'occasion de nous

20 expliquer ce que vous êtes en train de voir.

21 M. GROOME : [interprétation] Pouvons-nous commencer la diffusion de cet

22 enregistrement vidéo ?

23 [Diffusion de cassette vidéo]

24 M. GROOME : [interprétation]

25 Q. Avec-vous déjà vu ces images, Monsieur ?

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1 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas si, oui ou non, j'ai déjà vu ces

2 images.

3 Q. Est-ce que vous reconnaissez cet enregistrement maintenant ?

4 R. Oui, oui.

5 Q. Est-ce que nous voyons ici la région de Visegrad sur ces images ?

6 R. C'est cela.

7 Q. Nous voyons à l'écran un drapeau, le reconnaissez-vous ?

8 Pouvez-vous nous apporter un commentaire à propos de ce drapeau ?

9 R. Et bien, voyez-vous, ce drapeau n'est pas le drapeau yougoslave, ce

10 n'est pas non plus le drapeau de l'Armée populaire yougoslave. Un drapeau

11 de ce type avait été porté par des Unités paramilitaires serbes.

12 Q. Veuillez poursuivre.

13 M. GROOME : [interprétation] Nous relevons à l'intention des Juges que

14 l'enregistrement fait quatre minutes.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas compris ?

16 M. GROOME : [interprétation] L'enregistrement fait quatre minutes en tout.

17 Q. Pendant que nous voyons ces images, je vous demande ceci. Est-ce que

18 c'est vous qui avez conduit le caméraman, celui qui a filmé ces images sur

19 les lieux ?

20 R. Oui.

21 Q. Pourriez-vous nous dire quand quelle partie de l'extrait vous avez été

22 le chauffeur de cet homme, l'homme qui conduisait la voiture dans laquelle

23 il se trouvait ?

24 R. Certainement. Lorsqu'on viendra à l'endroit, je vous le signalerai.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il serait peut-être utile que le témoin

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1 nous dise ce que nous sommes en train de voir, Monsieur Groome. Pourriez-

2 vous lui demander ?

3 M. GROOME : [interprétation] Arrêtons l'image à une minute 50 secondes.

4 Q. Pourriez-vous nous dire ce que nous avons vu au cours des deux

5 premières minutes de cette diffusion ?

6 R. Et bien, jusqu'à présent, l'on a essentiellement vu la banlieue de la

7 ville -- les abords de la ville. L'axe d'arrivée est celui en provenance

8 d'Uzice. On voit le stade d'en haut, on voit l'arrivée de certains soldats.

9 Donc l'on a filmé les abords de la ville, la banlieue lorsque l'on arrive

10 d'Uzice pour aboutir à Visegrad.

11 Q. Est-ce que ces images ont été filmées au moment de l'entrée de la JNA à

12 Visegrad au cours de la journée ou des journées de l'entrée de la JNA à

13 Visegrad ?

14 R. Oui, c'est précisément cela que l'on a filmée. On a filmé l'arrivée des

15 soldats.

16 M. GROOME : [interprétation] Poursuivez la diffusion. Je m'adresse à la

17 régie.

18 Q. Monsieur, que voyons-nous ici ?

19 R. On voit la même chose. Maintenant, l'on voie les abords de la ville,

20 mais c'est une vue prise à partir d'un hélicoptère. Ceci est l'un des ponts

21 de Visegrad, c'est ce que l'on appelle le nouveau pont. Et tout à fait au

22 fond, on voit le vieux pont Turc.

23 Q. Lequel se trouve dans le coin supérieur droit de l'image, n'est-ce

24 pas ?

25 R. C'est cela. Ici on voit des vues panoramiques de la ville, toujours

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1 prise à partir de l'hélicoptère, et la voiture que vous voyez c'était moi

2 qui la conduisais. Je conduisais cette équipe de la télévision. Maintenant,

3 on voit encore des vues prises depuis l'hélicoptère. Voilà le vieux pont et

4 le panorama de la ville, ici la centrale hydroélectrique de Visegrad. Elle

5 se trouve à deux kilomètres à peu près du vieux pont. Encore une vue

6 panoramique du centre ville puis on voit les camions militaires qui ont

7 escorté les civils, les civils dont on a parlé, pour dire qu'ils étaient

8 arrivés dans la ville.

9 Q. Sans révéler l'identité de personnes, car ceci risque de vous

10 identifier, vous, est-ce que vous connaissez les personnes qui se trouvent

11 dans ce camion ?

12 R. Oui. Je connais fort bien certaines personnes que l'on voit là.

13 Ce sont des détails ou des vues de certaines parties de la ville -- du

14 centre ville. Là vous voyez le vieux pont.

15 M. GROOME : [interprétation] Nous allons maintenant voir apparaître les

16 deux photos ou images venant de la pièce 506.

17 Q. Pouvez-vous nous dire si ces images sont les mêmes ? Vous avez à gauche

18 la pièce qui vient de -- la photo qui vient de la pièce 506 et, à droite,

19 vous avez la photo -- ou l'image qui vient de la présente pièce. Pouviez-

20 vous nous dire s'il s'agit bien de la même chose ?

21 R. Les photos ne sont pas suffisamment nettes. Je ne peux rien vous dire

22 du tout à ce sujet.

23 M. GROOME : [interprétation] Je laisse le soin aux Juges d'évaluer la

24 qualité de ceux des photos.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] L'image est quand même floue.

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1 M. GROOME : [interprétation] Pardonnez-moi, Messieurs les Juges, si j'ai

2 fait une erreur, mais je n'ai pas encore obtenu de cote, je pense, pour le

3 présent enregistrement vidéo.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Quelle sera la prochaine cote ?

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P527.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous n'utilisons pas de P. Je le précise

7 à l'attention du Greffe. Ici nous parlons simplement de la pièce 527.

8 M. GROOME : [interprétation] J'ai terminé mon interrogatoire principal.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Rappelez-moi ceci, Monsieur Groome. Qui

10 était le journaliste serbe qui a déposé à propos de cette colonne qui

11 empruntait le pont de la Drina ?

12 M. GROOME : [interprétation] Jovan Dulovic.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Groome.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez bien fait d'attirer mon attention, du

16 moins vous l'avez fait la fois passée, et je l'ai gardé en mémoire. A

17 chaque fois que je dois accéder au début d'un contre-interrogatoire, il

18 s'agissait pour moi de souligner si je considérais le témoin -- que le

19 témoin était en train de mentir. J'ai estimé que c'était superflu puisque,

20 de toute façon, tout l'acte d'accusation -- tout entier est mensonger. Mais

21 je vais m'en tenir à la suggestion que vous venez de faire et je tiens, dès

22 le départ, à préciser que ce témoin à tout point de vue, pour ce qui est

23 des accusations proférées à l'occasion de l'interrogatoire principal,

24 lorsqu'il a parlé d'un nettoyage ethnique effectué par la JNA, je tiens à

25 préciser que ce n'est pas du tout la vérité, que c'est là mensonge, pur et

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1 simple. Mais nous allons en arriver aux détails --

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais vous dire autre chose moi.

3 Lorsque vous affirmez que le témoin n'a pas dit la vérité, si vous devez

4 étayer ceci, il y a deux autres raisons. Tout d'abord, il faut laisser le

5 soin au témoin de répondre à une telle allégation, surtout si vous proférez

6 une allégation aussi sérieuse que cela, c'est la moindre des choses, lui

7 laisser l'occasion d'y répondre. Deuxième chose, la Chambre de première

8 instance devrait savoir quelles sont les questions qui se posent dans ce

9 procès, et celles qui ne se posent pas. Dire que vous contestez le tout ce

10 n'est pas une réponse. S'il s'agit d'un fait précis que vous contestez,

11 faites-le, mais dites-le aussi. Oui, poursuivez.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien à l'occasion de mon

13 contre-interrogatoire je le démontrerais, mais je ne conteste toutefois pas

14 le fait que le témoin 1505 soit originaire de Visegrad, je ne conteste pas

15 qu'il y ait vécu, certainement pas, ce que je conteste c'est le fait, ou

16 l'assertion au terme de laquelle la JNA aurait procédé à des nettoyages

17 ethniques, et considération faite de l'enregistrement vidéo, je dirais que

18 cela n'a rien à voir avec ce qu'il nous a raconté. Du reste, vous avez pu

19 vous en rendre compte par vous-même.

20 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

21 Q. [interprétation] Monsieur 1505, serait-il exact de dire que c'est vous

22 en personne, pas quelqu'un d'autre, mais vous-même qui avait au sujet d'un

23 groupe de sabotage de Niha Dizdarevic, Faho

24 Isic [phon], Mufa Muftasic [phon], et Fikret Sacirevic, qui a fabriqué des

25 explosifs, qui avait donc -- c'était vous qui avez assuré des explosifs

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1 pour qu'ils puissent faire ce type de travail, compte tenu du poste qui

2 avait été le vôtre et --

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez déjà posé deux questions.

4 Attendez, Monsieur le Témoin, l'accusé laisse entendre qu'il existait un

5 groupe de sabotage, il a mentionné trois noms. Deuxième choses, il laisse

6 entendre que vous avez fourni des explosifs à ce groupe, voila les deux

7 questions posées, il vous faut maintenant pouvoir y répondre.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May --

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non, qu'il réponde d'abord puisque

10 c'est vous qui lui présentiez ces allégations. Il faut qu'il puisse y

11 répondre dans l'ordre.

12 Monsieur le Témoin, êtes-vous d'accord pour dire qu'il existait un groupe

13 de sabotage ou pas ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, voyez-vous, je ne suis pas au courant de

15 l'existence de ce groupe de sabotage et, s'agissant des noms cités, il n'y

16 en a qu'un que je connaisse, et les autres je n'en ai jamais entendu

17 parler. C'est ce qui pourrait être apporté comme réponse à la première

18 partie de la question.

19 Pour ce qui est de la deuxième partie de cette question, portant sur le

20 fait que j'aurais fourni des explosifs à leur intention, cela est

21 absolument inexact.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, le témoin a dit que j'ai

23 mentionné trois noms. Or, j'en ai cité cinq, on pourra réécouter, si besoin

24 était.

25 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Mais, avant que de passer à des questions spécifiques ou autres, je

3 voudrais que vous m'indiquiez si vous avez souvenance du fait que le 19

4 septembre 1991, il a été procédé à un sabotage d'un tunnel ferroviaire à

5 Dobrun et, en même temps, on a placé des explosifs sous le viaduc de

6 Bistrica [sic] sur la voie ferrée allant de Belgrade à Bar. Ça se passe en

7 1991 et j'ai dit qu'il s'agissait du 19 septembre ?

8 R. Je n'ai vraiment pas entendu parler de ces événements.

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11 R. Oui.

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15 R. C'est bien cela.

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18 R. Il est permis de le dire.

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21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

22 M. GROOME : [interprétation] [aucune interprétation]

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel si

24 vous souhaitez poursuivre des questions de cette nature.

25 Nous passons à huis clos partiel et nous verrons comment les choses se

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1 passeront.

2 Et nous expurgerons le passage où il est question du parti.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne comprends pas, Monsieur May. Pourquoi le

4 nom du parti serait expurgé du texte ? Il s'agit du parti d'Alija

5 Izetbegovic et le témoin, qui est ici, est un permanent --

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Si vous l'identifiez en tant que membre,

7 en tant que haut responsable d'un parti politique donné dans une ville ou

8 une région déterminée, et bien, vous l'identifiez ou, en tout cas, cela

9 risque de permettre de l'identifier. C'est là que se situe le danger.

10 Maintenant, nous sommes à huis clos partiel.

11 [Audience à huis clos partiel]

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23 [Audience publique]

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Dites-moi, je vous prie, Monsieur 1505, est-il exact qu'à Visegrad,

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1 suite aux élections plus répartîtes de 1990, des pressions ont commencé à

2 se faire sentir sous forme de menaces, d'agressions physiques sur les

3 Serbes et y compris de diffusion de mots d'ordre quant à la nécessité

4 d'exterminer les Serbes de Visegrad ?

5 R. Non. Ceci est absolument contraire à la réalité.

6 Q. Fort bien. Puisque c'est absolument contraire à la réalité, je vous

7 demande si vous vous souvenez que le frère du vice-président du SDA de

8 Visegrad, qui faisait partie des extrémistes musulmans de la ville, a

9 détruit le monument érigé à la mémoire d'Ivo Andric, que l'on pouvait voir

10 dans le parc de la libération de Visegrad, et ceci en 1991 ?

11 R. Je suis au courant du fait. Je suis au courant de cet événement, mais

12 il n'était pas dirigé particulièrement contre les Serbes. En fait, il

13 s'agissait d'une action isolée, et Ivo Andric d'ailleurs n'était pas serbe,

14 il était croate, si vous voulez dire que la destruction de ce monument

15 était une menace à l'égard des Serbes.

16 Q. Les Serbes le considèrent comme un Serbe. Si vous le considérez comme

17 un Croate, la décision vous appartient. Mais que pensez-vous qu'a pu être

18 la cause de la destruction d'un tel monument, et ce en date du 1er juillet

19 1991 ? Le monument a été brisé au marteau, un marteau qu'on utilise

20 normalement pour travailler dans les carrières et les morceaux du monument

21 ont été jetés dans la Drina. Alors que pensez-vous d'une telle action,

22 Monsieur 1505 ?

23 R. Si nous parlons de cet événement, je dirais qu'elle n'a pas été

24 organisé par un gouvernement ou par un pouvoir quelconque. Et puis, en

25 deuxième lieu, je dirais qu'il s'agit d'un incident isolé et, après cela,

Page 25841

1 des poursuites judiciaires ont été engagées contre la personne responsable

2 de cet acte. Donc cela n'avait rien de particulier. Au cours de match de

3 football, aujourd'hui, on voit souvent des gens cassés un siège ou d'autres

4 objets et être sanctionnés après un tel acte et puis les choses ne vont pas

5 plus loin.

6 Q. Fort bien. Donc, briser des sièges pendant un match de football et

7 détruire un monument situé en plein centre d'une ville et dédié au seul

8 prix Nobel obtenu par un représentant d'une région déterminée, pour vous

9 c'est la même chose ?

10 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il s'agissait d'un incident

11 qui a été provoqué par un ou deux -- par une ou deux personnes. Ce que ces

12 personnes voulaient réaliser, compte tenu de la notoriété de ce monument,

13 c'était simplement d'attirer l'attention sur elles, et ce comme étant un

14 acte qui a entraîné une sanction. Donc il s'agit simplement d'un incident.

15 Q. Vous prétendez que ces personnes ont été punies pour l'acte en

16 question ?

17 R. Je ne suis pas certain si les poursuites ont été engagées, si elles ont

18 portées des fruits, mais, effectivement, je ne suis pas sûr à 100 % de la

19 façon dont les choses se sont terminées.

20 Q. Donc vous ne savez rien à ce sujet, n'est-ce pas ?

21 R. Je sais avec certitude que des poursuites ont été engagées. Une enquête

22 a eu lieu. Ces hommes ont comparu en justice, mais comment tout cela s'est

23 terminé, je ne peux que le supposer.

24 Q. Vous n'êtes pas sûr donc ?

25 R. Non. Je ne suis pas sûr. Je ne sais pas à une peine de combien d'années

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1 ces personnes ont été condamnées.

2 Q. Mais est-ce que quelqu'un a traité de la question en public ?

3 R. Oui. Oui. S'il y a eu procès au Tribunal, alors il a bien fallu que

4 quelqu'un se rende compte --

5 Q. Oui, mais ça ce sont des points de vues généraux. Savez-vous si une

6 personne en particulier a effectivement été punie pour cet acte ?

7 R. Je suis sûr que les auteurs de l'acte ont été punis, mais je ne sais

8 pas s'il s'agit d'une amende ou d'une peine de prison, ni même de quel

9 montant était l'amende. Je ne sais pas cela.

10 Q. Donc il y a eu complication ou confusion sur le plan administratif.

11 Etait-ce une amende à votre avis ?

12 R. Non, non. Il n'y a pas eu confusion. Il y a eu jugement par un Tribunal

13 tout à fait normalement.

14 Q. Fort bien. Vous souvenez-vous un tract distribué en août 1991 dans

15 toute la ville de Visegrad, qui contenait 20 instructions quant à ce qu'il

16 devait être fait pour chasser les Serbes ou les anéantir ? Et parmi ces

17 instructions, il y avait le message suivant :

18 "N'autorisez pas vos enfants à jouer avec eux. Déversez vos poubelles

19 devant leurs portes. Urinez devant le seuil de leur domicile. Inscrivez des

20 graffitis sur les murs de leurs maisons et sur leurs églises."

21 Donc, 20 -- 20 instructions différentes sur un tract, distribuées en août

22 1991. Je suppose que ceci, vous avez sans aucun doute, dû en être informé ?

23 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vous prie de m'excuser

24 pour ce que je vais dire, mais je dis tout à fait clairement que ceci est

25 un mensonge et pas ce que le monsieur-là a dit tout à l'heure. Je n'ai

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1 jamais entendu parler de cela pendant toute mon existence et si quelque

2 chose de ce genre s'était passé, j'aurais dû en être informé

3 personnellement. Tout cela, ce sont des inventions. Tout ce que ce monsieur

4 vient de dire, ce sont des inventions.

5 Q. Est-ce que vous êtes au courant de l'événement survenu le 13 avril 1992

6 lorsque Murat Sabanovic, responsable de la destruction du monument à la

7 mémoire d'Ivo Andric, a menacé de détruire également une centrale

8 hydraulique ? Alija Izetbegovic, à ce moment-là, lui a dit, grâce à une

9 radio, donc sur les ondes radio : "Ne fait pas cela. Le moment n'est pas

10 encore venu pour faire cela." Vous rappelez-vous de cela ?

11 R. Je me souviens. Cela a été entendu à la radio. Je l'ai entendu à la

12 radio comme la moitié de la Bosnie-Herzégovine. Quant au fait que M. Alija

13 Izetbegovic ait conseillé quelque chose à quelqu'un, c'est la première fois

14 que j'entends parler de cela.

15 Q. Fort bien. Mais peu de jours après, lorsque le moment est venu d'agir,

16 les vannes du barrages ont été levées et une véritable inondation a eu lieu

17 qui a donc recouvert d'eau de très nombreux biens et il y a eu de

18 nombreuses victimes humaines sur le cour de la Drina. Surtout dans la

19 région habitée par les Serbes, n'est-ce pas ? Peut-être êtes-vous au

20 courant de cela ?

21 R. Je suis tout à fait au courant de cela. Et je répondrai, Monsieur le

22 Président, Messieurs les Juges, il y eu des dommages matériels, mais pas

23 aussi importants qu'on aurait pu le penser. L'eau a donc provoqué des

24 dégâts, mais de ce cas précis, ces dégâts ont été subis par des Bosniens,

25 autrement dit, par des Musulmans, parce que ce sont leur maison qui se

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1 trouvait le plus près de la rivière. Il n'y a pas eu un seul Serbe qui a

2 subi le moindre dégât matériel à cause de cet incident.

3 Q. Donc vous prétendez que l'eau a envahi la région et heureusement le

4 barrage n'a pas explosé, n'a pas été dynamité malgré les menaces faites par

5 cet homme. Vous êtes au courant de cela, n'est-ce pas ? Vous savez qu'il

6 avait menacé de faire sauter le barrage ?

7 R. Oui, je suis au courant.

8 Q. Est-ce qu'il s'agit bien de ce même Murat Sabanovic qui avait détruit

9 le monument à la mémoire d'Ivo Andric ?

10 R. Oui, c'est le même homme.

11 Q. Donc l'homme, qui a détruit le monument en question, menace ensuite de

12 faire exploser le barrage et il ne le fait pas exploser, mais il ouvre une

13 vanne et l'eau envahit la région et provoque des dommages matériels, et

14 vous prétendez que l'eau a sélectivement choisi de nuire uniquement aux

15 Musulmans et pas aux Serbes ?

16 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, est-ce que je peux apporter

17 quelques éclaircissements ? Je ne prétends pas que l'eau a agit de façon

18 sélective, mais il se trouve que les maisons situées le plus près des rives

19 de la Drina sont des maisons appartenant à des Bosniens. C'est l'effet du

20 hasard d'une certaine façon, mais la partie de la rive plus près de

21 Visegrad est plus vaste que la partie en amont. Et la station hydraulique

22 de Bajina Basta était vide à ce moment-là. Donc, il n'y avait aucun danger

23 parce que le réservoir qui est associé à cette centrale a une capacité très

24 importante et supérieure à celle du lac qui se trouve au-dessus.

25 Donc, pour détruire le barrage, on peut dire que menacer de faire sauter le

Page 25845

1 barrage, c'était pratiquement ridicule, personne ne s'imaginait pouvoir

2 réellement et effectivement détruire un barrage qui avait 40 mètres de

3 haut.

4 Q. Donc, selon vous, il ne s'agissait pas d'une menace sérieuse. C'était

5 plus comme un calambour.

6 R. Malheureusement, ce n'était pas un calambour. L'événement, lui, a été

7 grave et sérieux. Et, ce n'était pas le seul. Il y a eu bien sûr, cet

8 homme, Murat Sabanovic, dont vous venez de parler, qui vivait tout près de

9 la centrale, à 500 mètres à peine de celle-ci. Et lui-même et ses voisins,

10 éprouvaient de la peur, et parce qu'ils se sentaient terriblement menacés,

11 ils ont dit : "Si vous nous faites prisonniers, nous allons faire sauter la

12 centrale hydraulique." Il était tout à fait clair aux yeux de chacun que

13 rien dans la centrale ne serait réellement détruit et encore moins quelle

14 serait -- qu'on la ferait sauter.

15 Q. Vous souvenez-vous, par exemple, d'une interview puisque vous avez dit

16 il y a un instant que la personne responsable de la destruction du

17 monument, à la mémoire d'Ivo Andric [sic] n'était pas totalement

18 responsable de cet acte. Vous vous souvenez d'une interview en date du 18

19 février 2002, qui a été faite à Sarajevo et au cours de cette interview,

20 Murat Sabanovic a déclaré que la destruction du monument avait été ordonnée

21 par Ejub Ganic et Omer Mehmet. Savez-vous que ceci a été publié dans le

22 journal Oslobodjenje ?

23 R. Je ne suis pas au courant de cette déclaration.

24 Q. Savez-vous que ce même Murat Sabanovic, avec son groupe d'extrémistes,

25 dont faisait partie Ibrahim Demir, Nusret Velagic --

Page 25846

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Veuillez à ce qu'il n'y ait aucune erreur

2 au sujet des noms prononcés parce que les interprètes ont beaucoup de

3 difficulté lorsque le rythme est trop soutenu à saisir tous les noms de

4 façon précise. Alors, revenons sur les noms propres et nous interrogerons

5 ensuite le témoin.

6 Je vous demande, Monsieur le Témoin, si Murat Sabanovic faisait partie d'un

7 groupe d'extrémistes ? Vous pourriez sans doute répondre à cette question.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux répondre, Monsieur le Président.

9 Il n'existait aucun groupe d'extrémistes, donc cet homme ne pouvait

10 évidemment pas faire partie d'un groupe qui n'existait pas.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Connaissez-vous Demir Ibrahim, Nusret Velagic, Zijad Subasic ?

13 R. Sur les trois noms que vous venez de mentionner, je connais Nusret

14 Velagic qui était serveur dans un café, c'est comme ça que je l'ai connu.

15 Q. Est-ce que vous savez que Sabanovic avec son groupe, dont faisaient

16 partie les hommes dont je viens de prononcer les noms, que j'ai lus avec

17 soin et aussi lentement que possible, ont commencé dès l'année 1990 à

18 arrêter des véhicules qui passaient sur la route et qui venaient de Serbie

19 et harcelaient les passagers de ces véhicules, qui en général, étaient des

20 touristes ? Ils arrêtaient même les autobus à bord desquels se trouvaient

21 des enfants, des personnes âgées, qui venaient en visite parce qu'ils

22 avaient un intérêt particulier par rapport à telle ou telle localité ? Est-

23 ce que vous êtes au courant de ces incidents ?

24 R. Je voudrais être très clair. Je ne dis pas que ce groupe a existé,

25 j'affirme que ce groupe n'existait pas.

Page 25847

1 Mais vous parlez de certains incidents et ils ont probablement eu lieu

2 avant et après le moment dont nous parlons. Il y a toujours des incidents à

3 tous moments parmi les habitants d'une localité.

4 Q. Fort bien. Puisque vous dites que tout cela s'est passé avant et que

5 par la suite également il y a eu des incidents de ce genre parmi les

6 habitants, est-ce que vous êtes au courant de l'arrestation de Nermin

7 Sisic, un délinquant, arrêté le 14 juin 1991, parce qu'il avait coutume de

8 donner l'ordre à certains d'attaquer la police et de toute façon, de façon

9 générale, il provoquait des troubles dans la région. J'aimerais vous

10 rafraîchir la mémoire ? Ce Murat et ce Alija Sabanovic ont fait irruption

11 dans le bâtiment du secrétariat du ministère de l'Intérieur pour s'emparer

12 d'armes et ils ont demandé aux représentants de la police, qui étaient des

13 Serbes en l'occurrence, ils ont demandé que ces Serbes soient immédiatement

14 démis de leurs fonctions. Je vais même vous citer la date, le

15 14 juin 1991. Vous souvenez-vous de cela ?

16 R. Je le sais par hasard. J'ai appris cet incident par hasard, puisque

17 vous l'appelez un incident, mais vous avez tout de même un certain nombre

18 de choses très fausses en relatant cet incident.

19 Il se trouve que je sais que ce jeune homme vivait dans mon voisinage et je

20 le connaissais, donc, je sais qu'un jour il a commis une infraction, donc

21 bien sûr, il a été emmené par la police. Et quant à tout le reste de ce que

22 vous avez dit, vous avez simplement ajouté tout cela à ce fait réel de

23 votre gré à vous. Il s'agit d'allégations fausses, d'insinuations.

24 Q. J'ai des informations à ce sujet, Monsieur 1505. Je ne me trouvais pas

25 à Visegrad moi-même à l'époque, bien entendu.

Page 25848

1 R. On ne vous a pas bien informé.

2 Q. Est-il exact que dans la nuit du 2 au 3 août 1991, le secrétariat

3 municipal à la Défense nationale, qui donc conserve tous les documents

4 relatifs aux jeunes gens qui font leurs services militaires et un certain

5 Miralem Ibisevic ainsi que Mesic Tvrtkovic ont participé au vol donc de ces

6 documents. Etes-vous au courant de cela ?

7 R. C'est la première fois que j'entends parler de cela dans cette

8 situation particulière où nous sommes aujourd'hui.

9 Q. Savez-vous qu'en septembre 1991, sans aucun motif, un certain Cebic, un

10 Serbe, a été passé à tabac ? Ensuite, il a été emmené à l'hôpital d'Uzice ?

11 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas de qui vous parler. Je ne connais pas

12 cet homme.

13 Q. Vous ne savez pas ? Vous n'êtes pas au courant de cet incident ?

14 R. Vous dites qu'il y a eu un incident à ce moment-là. Moi, je ne suis pas

15 au courant. C'est la première fois que j'en entends parler.

16 Q. Mais, êtes-vous au courant que ce Murat Sabanovic dont nous parlons, a

17 organisé, en octobre 1991, une agression armée sur le poste de police de

18 Visegrad parce que la police avait arrêté son frère Avdija, et ceci en

19 dépit du fait que son frère a été relâché le même jour dans l'après-midi,

20 en fin d'après-midi ?

21 R. Si quelque chose de ce genre s'était passé, j'aurais très certainement

22 dû en être informé. C'est vraiment comique, Monsieur le Président,

23 Messieurs les Juges. C'est tout à fait comique d'entendre parler d'un homme

24 qui attaque un poste de police dans lequel se trouvait, je ne sais pas

25 exactement mais une trentaine [sic] ou une quarantaine [sic] de policiers

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1 au moins.

2 Q. Est-il comique que Ranko Baranac, un Serbe, en 1991 également se soit

3 fait passé à tabac dans sa propre maison et que Hasan Sabanija, qui était

4 responsable de la sécurité dans une entreprise de Visegrad, lui ait tiré

5 dans la poitrine et l'homme en question est mort ? Est-ce que vous êtes au

6 courant de cet incident ?

7 R. Il se trouve que je suis au courant de cet incident parce que le Hasan

8 dont vous parlez était un voisin à moi. Donc, je sais ce qui s'est passé.

9 Il ne s'agit en aucun cas, d'un heurt entre des gens de deux groupes

10 ethniques différents. Ils avaient un problème personnel qui les opposait et

11 je ne vais pas donner les détails. Je crois qu'il s'agissait d'une femme et

12 finalement cet homme dont vous avez parlé, ce Hasan, a fait un séjour en

13 prison parce qu'il avait commis cet acte.

14 Q. Donc, ce Hasan Sabanija a tué Ranko Baranac, n'est-ce pas ? Et ceci

15 c'est passé à la fin de l'année 1991. Ça vous le savez, n'est-ce pas ?

16 R. Je ne sais pas la date exacte, Monsieur le Président, mais c'était une

17 rixe, une bagarre, et finalement, et bien, elle s'est terminées comme elle

18 s'est terminée. Et comme Hasan est resté vivant, je sais avec certitude

19 qu'il a été condamné à une peine de prison parce que c'était un voisin à

20 moi.

21 Q. Donc, vous êtes au courant de cet assassinat, mais simplement vous le

22 considérez, vous traitez ce cas comme un simple cas de bagarre entre deux

23 personnes ?

24 R. Oui, c'était tout à fait certainement une affaire de conflit

25 personnelle entre deux hommes.

Page 25850

1 Q. Est-il exact que le 24 mars 1991 [sic], ceux qui travaillaient au SUP

2 de Visegrad ont quitté leur travail parce que, la veille, des groupes de

3 Musulmans armés avaient pris le contrôle de la ville ou, en tout cas -- et

4 donc également le contrôle du poste de Police, et avaient commencé à piller

5 un peu partout en ville, en s'emparant des biens qui appartenaient aux

6 Serbes, de leur voiture personnelle, et cetera, et cetera.

7 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, là il y a inversion des

8 faits par rapport à la réalité. Les policiers serbes ont quitté leur lieu

9 de travail officiel, donc l'endroit, où la police était logée jusqu'à ce

10 moment-là. Je ne sais pas exactement si cela s'est passé à la date qui

11 vient d'être citée, mais, en tout cas, cela ne s'est pas passé pour les

12 motifs que vient de citer le monsieur assis ici dans cette salle. Il

13 s'agissait très précisément d'un ordre qui leur avait été donné par le

14 Parti démocratique serbe. C'est la raison de cette action.

15 Q. Fort bien, Monsieur 1505. Mais cette menace de détruire le barrage de

16 Visegrad -- d'ailleurs la menace ne s'est pas arrêtée au stade de la

17 menace, même si le barrage n'a pas sauté. Il y tout de même eu inondations,

18 donc ce qui est arrivé au barrage, cela s'est bien passé le 13 avril 1992,

19 n'est-ce pas ?

20 R. C'est possible. Je ne sais pas exactement, mais c'est possible.

21 Q. Donc tout ce dont j'ai parlé dans la période immédiatement antérieure

22 concernait une période antérieure aux problèmes subis par le barrage,

23 n'est-ce pas ? Et cela -- et ensuite on a vu des éléments de l'unité -- des

24 unités du Corps de Uzice qui sont arrivées à Visegrad le 15 avril, selon

25 vos propres dires, n'est-ce pas ?

Page 25851

1 R. Là, vous venez de poser plusieurs questions à la fois. Il n'y a pas de

2 lien de causalité entre les différents éléments de votre question.

3 Q. Qu'est-ce qui a été la cause ?

4 R. Mais vous créez la confusion dans mon esprit parce que vous avez parlé

5 de plusieurs choses…

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Recommençons. Posez vos questions dans

7 l'ordre, de façon à ce que le témoin puisse suivre et répondre.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Le 13 avril, les vans du barrage ont été ouverts, et la menace de le

10 faire sauter, date donc, de ce jour-là. En réponse à cette provocation, à

11 cette menace très sérieuse, aux conséquences incalculables, deux jours plus

12 tard, une unité du Corps d'Uzice --

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous arrête, je vous arrête pour

14 permettre au témoin de répondre.

15 Ce qui vient d'être dit, c'est que le Corps d'Uzice -- ou, en tout cas, des

16 éléments du Corps d'Uzice sont arrivés à Visegrad le 15 avril, c'est-à-

17 dire, deux jours après la menace relative au barrage. Ceci est-il exact,

18 Monsieur le Témoin ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, cela est effectivement

20 exact.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Attendez. Il y a un deuxième

22 volet de la question, qui se lit comme suit. Et vous pouvez peut-être

23 répondre, peut-être n'êtes-vous pas en mesure de le faire. Est-il -- est-ce

24 que cela est arrivé en conséquence des menaces proférées à l'encontre du

25 barrage ? Est-ce que cet acte est la raison de ce qui s'est passé, ou

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1 n'êtes-vous pas en mesure de le dire ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je puis répondre que cela n'a pas été la cause

3 de l'arrivée du Corps d'Uzice.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Bien. Dites-moi alors, puisque vous venez, en mentionnant le capitaine

6 Vukosavljevic tout à l'heure vous-même dans cette salle d'audience, vous

7 avez indiqué que ce capitaine Vukosavljevic avait été le commandant chargé

8 de la défense, de la protection du barrage, c'est bien cela ?

9 R. Oui, oui.

10 Q. Et l'autre jour, lorsque vous avez commencé à témoigner que le

11 capitaine Vukosavljevic était arrivé à Visegrad, et lorsque le Corps

12 d'Uzice en date du 15 avril, vous l'avez dit vous-même. Et vous venez à

13 l'instant de dire qu'il avait été chargé de commander les effectifs chargés

14 de défendre le barrage. Donc n'est-il pas -- ne s'établit-il pas clairement

15 une corrélation entre l'arrivée du Corps d'Uzice et la protection du

16 barrage ?

17 R. Messieurs les Juges, il est exact de dire que ce capitaine

18 Vukosavljevic a été chargé de défendre le barrage, mais ce n'était qu'une

19 toute petite portion de ce Corps d'Uzice. C'était une unité toute petite

20 par rapport aux effectifs entiers de ce Corps d'Uzice.

21 Q. Bien. Mais est-il contesté ou pas le fait que le danger de voir le

22 barrage détruit pouvait laisser présager d'une grande catastrophe tout en

23 aval de cet endroit-là, en contrebas de la Drina ?

24 R. Messieurs les Juges, j'ai déjà expliqué la chose toute à l'heure, mais

25 je puis répéter ce que j'ai dit. Au cas où le barrage éclaterait, ou donc

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1 serait détruit pour des raisons naturelles ou artificielles, le l'accusé,

2 venant à se déverser, ne pouvait rien mettre en péril du tout en contrebas,

3 en aval parce que -- pour les raisons que j'ai déjà indiquées tout à

4 l'heure. Et je crois que cela suffit.

5 Q. Donc vous affirmez que la destruction du barrage de Visegrad ne

6 produirait pas de problèmes d'envergure. C'est bien ce que vous affirmez

7 ici, Monsieur le Témoin 1505.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il a déjà répondu plusieurs fois à cette

9 question. Inutile qu'il le fasse une fois de plus. Avançons.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Nous avons déterminé l'ordre des choses.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Etant donné la tâche qui a été la vôtre, et les activités qui étaient

13 les vôtres, vous étiez au courant du contexte politique sur un plan assez

14 large. Ne serait-il pas exact de dire que les tensions ont monté après le

15 référendum portant sur l'indépendance de la Bosnie, et qui s'est tenu sans

16 la participation des Serbes ? Est-il exact de dire que c'est au lendemain

17 que les conflits ont éclaté ?

18 R. Le référendum, oui, je suis au courant. Pour ce qui est maintenant de

19 dire que c'est précisément ce fait-là qui aurait, si je puis dire, changé à

20 tel point les relations, je ne sais pas. La question n'est pas des plus

21 concrètes.

22 Q. Ne serait-il pas exact de dire que c'est tout de suite après le

23 référendum que les meurtres de Serbes ont été commis ?

24 R. Ce n'est pas exact.

25 Q. Le lendemain, après le référendum à Sarajevo, on a tué des gens à un

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1 mariage serbe, et ce de la part de membres de ces Bérets verts. On sait

2 exactement qui est-ce qui les a tués, ces gens-là.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci n'a rien à voir avec le témoin. Vous

4 pourrez appeler à la barre des personnes qui viendront parler de Sarajevo,

5 et qui auront la possibilité de répondre face aux allégations que vous

6 présentées.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faut corriger le compte rendu

9 d'audience. Je parlais "d'allégations" et non pas "d'applications".

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Fort bien. Vous n'ignorez toutefois pas qu'à Visegrad, la population de

12 Serbes n'a pas pris part au référendum en question.

13 R. Le référendum a été organisé au niveau de la

14 Bosnie-Herzégovine toute entière. Cela n'était pas un référendum municipal,

15 mais un référendum de la Bosnie-Herzégovine toute entière. Et certains se

16 sont présentés, d'autres ne l'ont pas fait comme dans tous les états du

17 monde.

18 Q. Donc, comme dans tous les autres états du monde, certains sont venus se

19 prononcer au vote, d'autres pas. Et il n'y a que les Serbes qui ne sont pas

20 venus ?

21 R. Vous ne pensez tout de même pas que c'est de ma faute, pour ce qui est

22 des résultats du référendum.

23 Q. Je pense que vous êtes co-responsable, compte tenu de votre fonction,

24 et je crois que vous avez pris part à tout ça.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous n'avancerons véritablement si vous

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1 posez ce genre de question.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Bien. Vous souvenez-vous par la suite de la montée des tensions, des

4 combats à Sarajevo, par la suite les attaques lancées sur les convois

5 militaires à Tuzla et ainsi de suite, donc toute une série d'événements,

6 série qui a donné lieu à un trouble très grand et je dirais aussi un grand

7 nombre de victimes parmi les Serbes. Vous en souvenez-vous de cela,

8 Monsieur 1505 ?

9 R. Pour ce qui est de cet événement, j'ai un peu suivi la chose à la

10 télévision et pour ce qui s'est passé, je le sais par la télévision, mais

11 je dirais qu'il n'est pas exact de dire que ce sont là des événements où

12 des Serbes ont péri.

13 Q. Bon. Les renseignements existent à ce sujet-là du moins, mais, étant

14 donné que vous étiez en position de le savoir, saviez-vous que la

15 présidence de la Bosnie-Herzégovine, dans une composition incomplète en

16 date du 4 avril 1992, a pris la décision de mobiliser les unités de la

17 Défense territoriale, de la Police, de la Protection civile, en dépit des

18 avertissements disant qu'une solution pacifique ne saurait être trouvée que

19 par accord concerté des trois peuples en présence ? Vous en souvenez-vous ?

20 R. Je sais qu'il y a eu des ordres de cette nature. Je ne sais pas vous

21 dire exactement la date. Je ne pense pas qu'il s'agisse là du 4 avril. Ça

22 s'est passé après les attaques qui commençaient à être lancées sur la ville

23 et c'est alors que cette décision a été prise pour autant que je m'en

24 souvienne. Mais cela ne faisait pas partie de mes attributions.

25 Q. Cela ne fait pas partie de vos attributions, mais le général Nambiar a

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1 bien dit qu'il n'y a pas eu d'attaques de lancer sur la ville avant et

2 qu'il n'y a pas eu de pilonnage avant le 3 mai et ces événements --

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Comment voulez-vous que ce témoin réponde

4 à ce qu'aurait dit le général Nambiar. Ça n'a rien à voir.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Savez-vous que, le 12 avril 1992, Izetbegovic a donné des directives à

7 l'intention du Grand QG de la Défense territoriale pour ce qui était de

8 lancer une attaque généralisée sur les casernes de la JNA ?

9 R. C'est la première fois que j'entends parler d'une attaque ou d'attaques

10 de cette nature ici.

11 Q. Fort bien. Veuillez m'indiquer, je vous prie, étant donné le contexte

12 et les circonstances dont nous avons parlé et à ce sujet-là, vous avez

13 précisé dans votre déclaration -- je vais faire une digression assez brève

14 -- et vous dites que le vice-président du Parti démocratique serbe était

15 Stanko Pecikoza :

16 "J'ai ouï dire qu'il a été tué par le SDS, qui revient à dire que c'est son

17 propre parti qui l'a éliminé parce qu'il avait aidé les Musulmans à quitter

18 la ville. Il m'a aidé, moi-même et ma famille, à sortir de Visegrad. Il a

19 fait sortir bon nombre de familles. Il pouvait le faire parce qu'il était

20 vice-président du parti. Peu de temps après qu'il m'est fait sortir, j'ai

21 appris qu'on l'avait tué."

22 Ce peut-il que vous affirmiez que le vice-président du Parti démocratique

23 serbe a été tué par les gens de son propre parti pour avoir aidé des

24 Musulmans à quitter la ville, entre autres, vous et votre famille ? Et vous

25 savez que c'est le Parti démocratique serbe qui l'aurait tué et que c'est

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1 la motivation de ce meurtre, la motivation que vous venez de mentionner ?

2 R. Je n'ai rien de particulier à ajouter ou à retrancher de ce que j'ai

3 déjà dit auparavant. J'ai précisé que j'ai ouï-dire que c'est ainsi que ça

4 s'est passé. Il est évident que je n'étais pas présent.

5 Q. Bien. Vous avez ouï-dire que ça s'est passé ainsi, mais ce que vous

6 avez affirmé ici, au sujet du meurtre de ce vice-président du Parti

7 démocratique serbe et autre chose encore, à savoir, le fait que les

8 Musulmans ont délibérément quitté la ville avec l'aide de quelqu'un et non

9 pas que ces Musulmans sont partis parce qu'ils ont été chassés par qui que

10 ce soit. En est-il été ainsi ou pas, Monsieur 1505 ?

11 R. Il était très difficile de sortir de la ville. Il fallait être très

12 influent ou très en vue dans la ville pour pouvoir sortir de la ville.

13 Q. Mais je sais ce que vous voulez dire, je sais lire. Mais est-ce que

14 cela signifie que personne n'a chassé les Musulmans de la ville, les a

15 expulsés ? Le fait qu'il était difficile de sortir pour des raisons de

16 sécurité, c'est une chose, mais est-ce que ceci ne signifie donc pas que

17 l'on n'a pas expulsé les Musulmans de cette ville ?

18 R. Messieurs les Juges, il s'agit du fait suivant : les gens payaient des

19 sommes très fortes pour pouvoir sortir parce que leur vies, à l'intérieur

20 de la ville, ne valaient pas un seul pfennig. Ils étaient absolument non

21 protégés par les autorités. Ils étaient hors-la-loi. Tout le monde pouvait

22 tuer un Bosnien sans répondre de ses actes devant qui que ce soit. C'est la

23 raison pour laquelle il était difficile de sortir de la ville. C'est ce que

24 j'avais à l'esprit que donc il s'agissait de se faire sortir de la ville

25 pour sauver sa propre peau.

Page 25858

1 Q. Bien, Monsieur 1505. Le point que je voulais mettre en valeur, en

2 exergue dans ma question, c'était le fait que personne n'avait, à l'époque,

3 expulsé les Musulmans de la ville. J'espère que cela, au moins, est clair.

4 R. En parti ou au début, cela était le cas, mais, par la suite, on a fermé

5 les sorties de la ville et toux ceux qui voulaient sortir ne pouvaient pas

6 le faire et tous voulaient sortir parce que leurs vies -- leurs existences

7 n'étaient pas sûres, n'étaient pas mises à l'abri des risques là-bas.

8 Q. A part les événements au niveau du barrage, nous avons établi qu'il y a

9 eu menace de faire sauter ce barrage en date du 13 et, le 15, des unités du

10 Corps d'Uzice sont arrivées. Vous avez également parlé des coups de feu

11 tirés en date du 4 avril 1992 et vous avez parlé de Seval Delibasic, n'est-

12 ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Et vous affirmez qu'il n'y a pas eu d'enquêtes. Est-ce que vous êtes

15 certain qu'il n'y a pas eu d'enquêtes ?

16 R. On a juste constaté ce qui s'est passé. On a coché cela sur papier au

17 sein du MUP, mais les gens ne sont pas sortis sur le terrain.

18 Q. Mais vous dites qu'il y a eu des tirs au village de Dobrun. Serait-il

19 exact de dire que vous ne savez pas qui est-ce qui a tiré et sur qui l'on

20 avait ouvert le feu ?

21 R. Quant à savoir qui tirait, il est impossible de l'établir avec

22 certitude; cependant, qui était pris pour cible ça c'est connu. On a ouvert

23 le feu sur ce village et sur ses habitants. Et il n'y avait là, comme

24 habitants, que des Musulmans de Bosnie.

25 Q. Très bien. Paragraphe 14 et 15 de votre déclaration, vous dites que les

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1 combats ont commencé tout autour de Visegrad. Il y a eu des tirs au mortier

2 dirigés sur plusieurs quartiers de Visegrad. Nous parviendrons à ce

3 contexte, mais dites-moi ceci dès maintenant. Est-il exact de dire que les

4 personnes, qui organisaient les positions, portaient aussi bien des

5 vêtements civils que l'uniforme et que ceci n'avait rien à voir avec la JNA

6 -- je veux dire, ce que vous affirmez ?

7 R. Si, oui, ils déterminaient les positions militaires dans les environs

8 de la ville, c'est vrai.

9 Q. Mais ceci n'a rien à voir avec la JNA, n'est-ce pas ?

10 R. Et bien, quand même, il y a certain lien direct et indirect avec la

11 JNA. En effet, d'après ce que je sais, c'est la JNA qui a supervisé, dans

12 une large mesure, tout ceci.

13 Q. Mais comment aurait-elle pu le faire si vous dites qu'elle est arrivée

14 le 15 avril 1992 ? Comment la JNA aurait-elle pu supervisé, contrôlé quoi

15 que ce soit auparavant ? Vous les avez vu pour la première fois, le 15

16 avril 1992, après qu'on ait menacé de faire sauter le barrage.

17 R. Une fois de plus, vous avez axé les choses, vous les renversez, ici

18 vous parlez -- il y a des unités du corps d'où j'étais -- qui étaient des

19 unités de combat, et elles étaient nombreuses, très bien équipées. Ces

20 unités sont arrivées vers le 15; cependant, auparavant, il n'était peut-

21 être pas nécessaire d'avoir une unité chargée de la supervision, du

22 contrôle ou susceptible de donner des instructions, c'était des hommes peu

23 nombreux, trois, quatre, une dizaine.

24 Q. Fort bien. C'était une dizaine d'hommes, ce n'était pas des gens de la

25 JNA, n'est-ce pas, Monsieur le témoin ?

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1 R. Vous voyez, si on n'avait pas remarqué leur véhicule, les hélicoptères,

2 et les hélicoptères c'étaient des choses que seul l'armée avait à ce

3 moment-là, on n'aurait pas pu le dire, mais puisqu'on les a vus ces engins-

4 là, on peut l'établir de façon sûre.

5 Q. Donc, vous voyez, tout d'un coup sur la vidéo, une Gazelle, un

6 hélicoptère léger, chargé uniquement de reconnaissance ou de transporter un

7 blessé d'un lieu à un autre, ce n'est pas du tout un engin de combat, et

8 vous l'avez montré ici, ici même dans ce prétoire ?

9 R. Oui, ici en l'occurrence, sur ces images vidéo, il s'agit bien d'un

10 hélicoptère, mais reconnaissez-le, admettez-les, l'armée, elle, a beaucoup

11 d'hélicoptères de type divers. Moi je ne pense pas du tout à celui qu'on a

12 vu. Lorsque je dis qu'on a vu des hélicoptères, je ne pensais pas à celui

13 qu'on voit sur ces images vidéo. Je parle d'une période antérieure. C'est

14 plutôt un mois, voire deux mois auparavant, avant les événements. Et vous

15 posez des questions à propos des événements liés au barrage. A ce moment-

16 là, on a vu des véhicules militaires, des hélicoptères qui atterrissaient

17 là où on organisait des positions militaires.

18 Q. Un instant, s'il vous plaît. Est-ce que vous avez vu le moindre

19 hélicoptère militaire engagé où que ce soit, qui se serait livré à une

20 mission relative ?

21 R. Vous parlez de quelle période ?

22 Q. Mais de n'importe laquelle. Jusqu'au moment de l'arrivée de l'armée, le

23 15 avril, est-ce qu'il y a eu un seul hélicoptère militaire qui aurait

24 opéré, de quelque façon que ce soit, qu'est-ce que vous nous dites ?

25 R. Avant le 15 avril, il n'y a pas eu d'action entreprise par des

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1 hélicoptères militaires.

2 Q. Est-ce qu'il y a eu d'autres actions menées par d'autres engins, ou

3 véhicules militaires lancés par une autre unité, quelle qu'il soit ?

4 R. Non, il n'y a pas eu d'action visible, disons.

5 Q. Je vois. Il n'y a pas eu d'action visible, dites-vous, fort bien.

6 Puisque nous parlons d'hélicoptères, terminons en de cet enregistrement

7 vidéo que nous avons visionné. L'hélicoptère emmène un cameraman qui filme

8 les environs de Visegrad, rien de plus, et dans une partie de cet

9 enregistrement, on voit très clairement des soldats de la JNA, en colonnes

10 qui suivent une route. Ils portent le casque de la JNA, ils sont en nombre

11 de formation, ils portent l'uniforme régulier, et ce qui les distingue

12 c'est effectivement le casque qu'ils portent. Et dans un enregistrement,

13 dans une partie tout à fait différente, on voit un homme qui porte un

14 drapeau différent et qui lui suit une autre route, se trouve sur une route

15 différente. C'est tout ce que l'on a pu voir sur cet enregistrement vidéo,

16 n'est-ce pas le cas, Monsieur le Témoin 1505 ? Qu'est-ce que vous nous avez

17 montré d'autre ?

18 R. Je n'ai rien montré de particulier, mis à part ces images que vous avez

19 vues.

20 Q. Mais qu'est-ce qu'on peut voir sur ces images qui, à votre avis, est

21 important ? Il y a un groupe de soldats qui fait sans doute partie du corps

22 d'où j'étais, si c'est bien ce que vous dites. Si vous dites que ce corps

23 était présent sur place, qui se déplaçait en formation, en casque, qui

24 assurait la sécurité de la région, et qui marchait sur cette route. Après

25 quoi, on a vu quelques hommes, et un homme plus exactement qui porte un

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1 drapeau, c'est manifeste que ce ne sont pas des hommes de la JNA. On peut

2 le voir à la casquette qu'ils portent, ils portent ce drapeau le long de la

3 route, mais il n'y a pas d'action qui est menée, à quoi cela revient-il au

4 fond ?

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il ne revient pas au témoin de préciser

6 quelle est l'importance des moyens de preuve. C'est une charge, c'est une

7 obligation qui revient à l'Accusation, et les juges statueront. Nous avons

8 vu ces images. Vous pouvez faire tous les commentaires que vous voulez,

9 Monsieur Milosevic.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur May.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Monsieur le Témoin 1505, vous dites que vous étiez le chauffeur de

13 cette voiture, et c'est de cette voiture qu'on a filmé certains quartiers

14 de Visegrad, mais qu'est-ce qu'on voit ?

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pouvez demander au témoin ce que lui

16 a vu, mais je vous l'ai déjà dit que la signification, qu'il faudra

17 attribuer éventuellement à ces images, c'est là quelque chose qui nous

18 revient, et à nous seuls.

19 Ce que vous pouvez nous dire, Monsieur le Témoin B-1505, c'est ce que vous

20 avez vu au moment où vous conduisiez cette voiture ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, vous voyez, ce n'est pas une question

22 très concrète qui m'est posée. Il y avait avec moi une équipe de la

23 télévision de Belgrade, équipée d'une camera. Et c'est une question très

24 longue, très circonstanciée qu'il m'a posé. Est-ce qu'il pourrait être plus

25 précis ?

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ne perdons pas de temps, Monsieur

2 Milosevic. Posez votre question suivante.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Bon, est-ce que l'équipe de la télévision de Belgrade vous a demandé à

5 vous, en votre qualité d'habitant de Visegrad, sans précision votre qualité

6 -- est-ce que cette équipe vous a demandé de lui montrer Visegrad pour voir

7 comment se passaient les choses ?

8 R. C'est vrai, cette équipe a demandé à quelqu'un de leur montrer le

9 chemin, de leur montrer là où ils allaient, où les membres de l'équipe

10 allaient, et puis à la fin j'ai pratiquement reçu l'ordre implicite de le

11 faire, mais tout s'est bien terminé, heureusement.

12 Q. Qu'est-ce que vous voulez dire, heureusement ou pas ? Vous emmenez une

13 équipe de la télévision, deux caméramans. Vous faites parcourir la ville à

14 cette équipe.

15 R. Oui, dans des circonstances normales, ce ne serait rien de bien

16 spécial, mais il s'agissait à ce moment-là de circonstances tout à fait

17 exceptionnelles. Il n'y avait plus un seul habitant en ville. Il y avait

18 des soldats, des paramilitaires, qui déambulaient dans la ville, donc

19 c'était assez dangereux, heureusement ça s'est bien terminé.

20 Q. Fort bien. Mais, dites-moi, paragraphe 18, vous dites avoir parler à un

21 certain Savovic de la nécessité de mettre fin aux tirs, car des gens

22 perdaient la vie, et le SDS voulait une scission de la police. C'est ce que

23 vous dites au point 18. Est-ce que vous auriez l'obligeance de me donner

24 une explication ?

25 R. Vous voyez, il faut placer cette déclaration dans un contexte plus

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1 large et, pour vous donner une explication, il faudrait effectivement

2 aborder ce contexte élargi. Ce que vous avez lu est exact -- correct.

3 Q. Mais c'est ce que je vous demande. Je vous demande une explication tout

4 simplement. Vous avez parlé à un certain Savovic, vous avez demandé que

5 soit mis fin aux tirs, le SDS voulait qu'il y ait une division des forces

6 de police. Pourquoi ? Qu'est-ce qui se passait ?

7 R. Messieurs les Juges, Savovic n'était pas n'importe qui. Il était le

8 président du SDS à Visegrad, il était aussi commandant de la présidence de

9 guerre serbe et c'est sous son commandement que diverses attaques, venant

10 de divers côtés, ont été dirigées sur la ville. C'est pour cela que nous

11 avons eu des négociations avec lui -- avec eux pour que soit mis fin aux

12 pilonnages et ils ont exigé une division des forces de Police pour qu'il y

13 ait eux leurs propres locaux, diverses installations qui leur soient

14 propres. Mais ce n'est pas un rapport de causalité. Il s'agit ici de choses

15 différentes. Il avait déjà fait partie du Parti SDS [sic] au moment où ces

16 revendications ont été formulées.

17 Q. Un instant, attendez. Examinez votre déclaration.

18 R. Je ne trouve pas l'endroit.

19 Q. Paragraphe 18 -- enfin le 18e paragraphe. Si on suit l'ordre, page 4,

20 dernier paragraphe, je vais vous en donner lecture :

21 "J'ai parlé à Savovic à propos de la nécessité de mettre fin aux tirs car

22 il y avait des gens qui mouraient. Le SDS avait demandé que soit divisé les

23 forces de police."

24 Et j'attire votre attention sur la phrase suivante, sans laisser quoi que

25 ce soit de côté : "C'est ce qui avait été demandé environ dix jours avant

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1 le début des tirs." Donc ils avaient demandé la division des forces de

2 Police dix jours avant le début des tirs, n'est-ce pas ? Et puis je vous

3 fais la citation une fois de plus :

4 "Une douzaine de Serbes en uniformes avaient été capturés par la police

5 régulière de Bubanj Potok; ceci c'est passé au moment où les tirs avaient

6 commencé à Visegrad. Certains de ces Serbes qui avaient été capturés

7 portaient la tenue de police régulière donc et d'autres étaient en tenue de

8 camouflage. Je le sais parce que, plus tard, c'est moi qui les ai relâchés

9 et je les ai vus."

10 Pourriez-vous nous expliquer ce qui vient d'être dit ? Au début de votre

11 déposition, vous avez dit que ces 12 policiers avaient été relâchés après

12 l'arrivée de la JNA. Ils auraient été libérés après l'arrivée de la JNA.

13 R. Faut-il que je réponde à cette question. Oui, si c'est une question, je

14 pourrais bien répondre.

15 Q. Oui, bien, allez-y.

16 R. Je n'avais pas compris que vous aviez terminé de poser votre question.

17 La séquence des événements est bien exacte comme vous l'avez présentée. Ces

18 gens ont été relâchés. Ils l'ont été après l'arrivée de la JNA.

19 Q. Vous nous dites dès lors --

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] L'heure est venue de faire la pause.

21 Nous allons faire une pause de 20 minutes et puis sera repris le contre-

22 interrogatoire. Il vous restera à ce moment-là encore 20 minutes, Monsieur

23 Milosevic.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour le tout.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, oui, vous avez déjà eu plus d'une

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1 heure à votre disposition.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais ce n'est pas un témoin qui relève de

3 l'Article 92 bis, n'est-ce pas ?

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, c'est un témoin que nous appelons

5 par compte rendu d'audience, à savoir qu'il a déjà déposé dans une autre

6 affaire. Pause de 20 minutes.

7 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

8 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic. Continuez, je

10 vous prie.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] [hors micro] Ce témoin a lui-même dit, tout à

12 l'heure, [hors micro] --

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendez. Nous attendons que votre

14 microphone soit branché. Oui, allez-y.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, Monsieur May. Mais ce témoin-ci a dit

16 tout à l'heure lui-même, que s'agissant des événements sur lesquels je l'ai

17 interrogé, il devait forcément être au courant de ce qui s'était passé.

18 J'ai un grand nombre de questions pour lui et c'est la raison pour laquelle

19 je vous demande davantage de temps pour le contre-interrogatoire afin que

20 je puisse lui poser des questions que j'ai l'intention de lui poser.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous verrons. Pour le moment, vous avez

22 20 minutes, et nous verrons comment vous allez utiliser ces 20 minutes, si

23 vous les utilisez à bon escient. Mais commencez.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Donc lorsque la JNA est arrivée, elle a libéré les 12 policiers serbes

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1 emprisonnés ? C'est bien ainsi que ça s'est passé, Monsieur 1505 ?

2 R. Il n'en est pas été ainsi. Ils n'ont pas été libérés par la JNA. Il y

3 avait des autorités légales qui fonctionnaient encore. Et c'est ces

4 autorités qui ont pris la décision de libérer ces gens-là, de relâcher ces

5 personnes-là.

6 Q. Bon. Pourquoi ces 12 policiers serbes ont-ils été emprisonnés ? Est-ce

7 que cette autorité légale les a emprisonnés également ?

8 R. Ces 12 policiers que nous désignons comme étant des policiers serbes

9 ont été emprisonnés parce qu'ils avaient fait partie d'unités irrégulières

10 de la police ou de la Défense territoriale. Ils ont donc été emprisonnés

11 par des unités de la Défense territoriale, de façon légale.

12 Q. Donc ils ont été emprisonnés par des unités de la Défense territoriale.

13 Vous voulez dire, par là, unités musulmanes, n'est-ce pas ?

14 R. Non. Ce n'était pas seulement des unités musulmanes. Dans ces unités-

15 là, il y avait encore une composition ethnique mixte.

16 Q. Vous dites au point 27 qu'il n'y a pas eu, du côté musulman,

17 d'armements qui permettaient à ces unités d'ouvrir le feu sur qui que ce

18 soit. Or, comment ces unités non armées ont-elles fait pour emprisonner un

19 tel nombre d'hommes ?

20 R. La police et la Défense territoriale avaient un certain nombre d'armes

21 d'infanterie, celles qui avaient fait partie de leurs équipements usuels.

22 Q. Bon. Mais serait-il exact de dire que l'armée a donné l'ordre de

23 confisquer toutes les armes et lorsque l'armée est arrivée, une action de

24 désarmement des unités paramilitaires a été entamée. Oui ou non, Monsieur

25 1505 ?

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1 R. Il ne s'agit pas de voir l'armée désarmer des unités paramilitaires, les

2 seules formations paramilitaires de faites se trouvaient du côté de

3 l'armée. L'armée, elle, a désarmé les unités régulières. Elle a confisqué

4 des armes que les gens possédaient en tant de paix, à savoir, des armes de

5 chasse et un armement personnel avec permis de port d'armes.

6 Q. Mais vous avez dit vous-même, qu'avant cela, il y a eu des échanges de

7 tirs ?

8 R. Il y a eu des tirs en provenance des collines environnantes, qui

9 étaient dirigés vers la ville ou vers les villages.

10 Q. Bon. Mais lorsque vous décrivez votre deuxième réunion, deuxième

11 réunion à laquelle vous vous êtes rendu, vous avez indiqué que les

12 officiers qui s'étaient entretenus-là, devant vous, avaient dit que la rive

13 droite de la Drina était nettoyée, et qu'il s'agissait d'inspecter la rive

14 gauche pour voir ce qu'il y avait là-bas, et ainsi de suite. Par

15 conséquent, était-ce là une activité qui visait à confisquer les armes aux

16 fins d'apaiser la situation dans le secteur de Visegrad ?

17 R. Monsieur les Juges, si vous le permettez, je vais être un peu plus

18 détaillé. Il s'agissait d'une réunion avec le

19 lieutenant-colonel Ojdanic, dans une caserne militaire.

20 J'étais censé pour ma part, venir d'une autre partie de la ville. Et à ce

21 moment-là, on a entendu un grand nombre de coups de feu du côté droit -- de

22 la rive droite de la Drina. J'ai téléphoné au -- à Drago [phon] [sic]

23 Vukosavljevic, je lui ai dit que j'étais censé venir à une réunion, mais

24 qu'il y avait un tel échange de tirs, que je n'osais pas venir. Il m'a dit

25 : "Bon, on va faire cesser cela," Et effectivement, peu de temps après les

Page 25869

1 tirs ont cessé. J'ai pu venir en toute quiétude. Donc, il ne faut pas être

2 sorcier pour en déduire qu'il avait un contact avec les gens qui ouvraient

3 le feu du côté droit de la Drina.

4 Q. Mais pourquoi cette expression de "nettoyer" est-elle mise en

5 corrélation par vos soins avec nettoyage ethnique ? Quand on dit "clean", à

6 savoir, "nettoyer", ça veut dire "sûr".

7 R. Quand on se sert de cette expression "cisto" en B/C/S, on entend par

8 là, qu'il n'y a plus là-bas, d'habitants bosniaques, musulmans. On peut

9 interpréter cela en effet, par des termes afférents à la situation

10 sécuritaire. Mais le fait est que les gens s'étaient retirés devant l'armée

11 populaire yougoslave, et qu'ils étaient passés dans d'autres localités.

12 Donc, "cisto", ici, voulait dire qu'il n'y avait plus de population

13 bosnienne.

14 Q. Mais peut-être, cela sous-entend-il qu'il n'y a pas de formation armée,

15 et non pas de population, comme vous le dites. Vous voulez dire donc, que

16 la JNA avait procédé à un nettoyage ethnique dans le secteur de Visegrad,

17 n'est-ce pas ?

18 R. Je ne sais pas ce que vous entendez par là. Ce que je sais, ce que

19 j'affirme pour ma part, c'est que là où l'armée arrivait, les gens s'en

20 allaient. Personne ne restait. Et si tant est que personne ne restait - je

21 suis au courant de certains cas où les gens étaient restés - ces gens-là

22 ont péris.

23 Q. Attendez, attendez, je vous en prie. Moi, je vous interroge au sujet

24 d'un événement déterminé. Vous avez dit qu'Ojdanic a promis qu'il allait

25 protéger toute la population civile. C'est bien cela ?

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1 R. Oui.

2 Q. Et le lendemain, à l'occasion d'une conversation avec le capitaine

3 Vukosavljevic que vous avez mentionné également, Vukosavljevic et son unité

4 se rendent vers la localité où vous dites que -- au sujet de laquelle vous

5 dites qu'elle se trouve à

6 5 ou 6 kilomètres du centre, pour escorter les gens qui y habitaient, parce

7 qu'ils étaient en danger là-bas, en raison des opérations de combat. C'est

8 bien ainsi que ça s'est passé ou pas ?

9 R. Vous avez dit une bonne partie des choses de façon conforme à la vérité

10 sauf le fait que ces gens n'étaient pas en danger

11 là-bas en raison d'opérations de combat, parce qu'il n'y a pas eu

12 d'opposition ou de résistance à l'arrivée de la JNA. Donc, personne n'a

13 ouvert le feu, là-bas. Ça c'est d'une part. D'autre part, si l'on se penche

14 plus en détail sur la carte géographique, Messieurs les Juges, vous

15 constaterez que l'endroit où les gens s'étaient groupés, et ils s'étaient

16 groupés là-bas, pas de leur plein gré, mais ils ont été poussés à se

17 regrouper là-bas. Il n'y avait pas d'issue autre que la route qui menait

18 vers la ville. Au nord, il y avait la Drina, ou alors des montagnes

19 impraticables. La seule issue qu'ils avaient, était celle d'aller -- qui

20 conduisait vers la ville. Donc, ils n'ont pas été là-bas par hasard, ils

21 ont été poussés là-bas de façon intentionnelle.

22 Q. Bien, Monsieur 1505, d'après ce que vous avez dit, j'ai cru comprendre

23 que vous étiez allé vous-même avec le capitaine Vukosavljevic pour faire en

24 sorte que ces gens-là soient escortés en toute sécurité jusqu'à la ville ?

25 R. Oui. Je suis allé là-bas avec le capitaine Vukosavljevic.

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1 Q. Par conséquent, cela avait été votre revendication à vous. Vous avez

2 demandé l'aide de l'armée pour que ces gens-là arrivent jusqu'à la ville en

3 toute sécurité ?

4 R. Oui.

5 Q. Donc, si l'armée était partie là-bas pour protéger ces gens, on parle,

6 on peut supposer qu'elle n'est pas allée pour ouvrir le feu sur eux, mais

7 pour les protéger.

8 R. Permettez-moi d'apporter quelques explications. Il est exact que nous

9 avons demandé à l'armée de protéger ces gens. Je viens de vous expliquer

10 dans quelle situation ces gens s'étaient trouvés. Ils étaient dans une

11 situation sans issue. Ils ne pouvaient aller nulle part. Il n'y avait

12 d'autres routes à emprunter. Donc, ces gens avaient paniqué. Et la panique

13 était très grande là-bas. Les gens étaient conscients du fait qu'au nord,

14 il y avait la Drina. De l'autre côté, c'était les montagnes, des chemins

15 impraticables, et le seul salut qu'il leur restait, c'était de voir l'armée

16 les escorter, d'une façon ou d'une autre, jusqu'à la ville, et voir l'armée

17 les placer sous sa protection. Il n'y avait pas d'autres choix.

18 Q. Bien. Mais l'armée, a-t-elle protégé ces gens ou pas ? Précisément

19 donc, n'a-t-elle pas fait ce que vous aviez demandé ? Elle est allée là-bas

20 pour sécuriser le passage de ces gens, et placer cette population-là sous

21 sa protection ?

22 R. A ce moment-là, l'armée a protégé ces gens et a effectué sa tâche de

23 façon tout à fait correcte.

24 Q. Par conséquent, elle n'a pas procédé à un nettoyage ethnique. Elle a

25 procédé à une protection d'une -- à la protection d'une population civile.

Page 25872

1 Dites-moi maintenant, je vous prie, à propos de ce que vous dites au point

2 28, à savoir que vous de la TO, vous avez été en contact avec les

3 représentants de l'autorité à Sarajevo, et que vous receviez des

4 instructions seulement en provenance de Sarajevo concernant ce qu'il

5 convenait de faire. C'est bien cela ?

6 R. Je n'ai pas fait parti de la Défense territoriale. Il faut rectifier

7 les choses et dire la vérité. Les instructions, elles, venaient de

8 Sarajevo, en effet. Nous réalisions les décisions de la présidence et du

9 gouvernement de l'époque qui se trouvaient à Sarajevo.

10 Q. Bien. Vous dites que vous avez réalisé les instructions du gouvernement

11 de Sarajevo. Serait-il exact de dire que des ordres ont été donnés pour ce

12 qui était d'installer des blocus, des casernes de la JNA ?

13 R. Je n'ai jamais entendu un ordre parvenir à Visegrad, un ordre de cette

14 nature.

15 Q. Mais ces ordres n'ont-ils pas eu pour conséquence, l'effet que les

16 équipements et les unités militaires ne pouvaient pas être extirpés des

17 casernes ou sortis des casernes de la JNA, en

18 Bosnie-Herzégovine ?

19 R. Je vous ai déjà dit que je n'ai pas vu d'ordre ou de décision de cette

20 nature. Je n'ai pas occupé de position de nature à me permettre de recevoir

21 ce type d'ordre-là.

22 Q. Mais avez-vous entendu parler d'attaques lancées contre la JNA

23 s'agissant des casernes sur le territoire de Bosnie-Herzégovine ?

24 R. Tout ce que je sais vous dire à ce sujet, c'est ce que j'ai pu lire

25 dans les médias. Et c'est-là une chose que tout à chacun pouvait apprendre.

Page 25873

1 Q. Bien. Mais savez-vous nous dire quoi que ce soit vous-même, pour ce qui

2 est des livraisons de taille, s'agissant d'armes, livraisons au profit des

3 effectifs musulmans dès le mois d'octobre 1991, donc presque six mois avant

4 le début des conflits armés, une grande quantité d'armes automatiques ? Il

5 y a une étude de Jacques Merlinot, un publiciste français, qui a publié ce

6 type de renseignements à Paris dès 1993.

7 R. Je n'ai pas été en position d'apprendre ce type de choses. Ce que je

8 sais c'est qu'il n'y a pas eu d'unités musulmanes à parts distinctes. Ce

9 que je sais c'est ce qu'il y avait de légal, la police et la Défense

10 territoriale. Cela se trouvait sous l'autorité et le commandement de la

11 présidence de Bosnie-Herzégovine.

12 Q. Bien. Mais vous souvenez-vous, alors, étant donné que cela se trouvait

13 sous le commandement de la présidence du fait que c'est précisément cette

14 présidence, début avril, qui a pris la décision de supprimer le QG de la

15 république pour ce qui est de la Défense territoriale et d'organiser un QG

16 de la Bosnie-Herzégovine et Drago Vukosavljevic, le commandant jusque-là, a

17 été révoqué de ses fonctions et il a été remplacé par Hasan Efendic ? Tout

18 cela se passe début avril.

19 R. Certes. Mais je n'ai pas occupé des fonctions de nature à me permettre

20 d'en savoir plus long là-dessus. Donc, je n'ai pas été si informé. J'avais

21 mes obligations personnelles au plus.

22 Q. Mais à partir du mois d'avril, moment où Hasan Efendic a commencé à

23 exercer ses fonctions, il se réfère d'ailleurs dans son livre, à ce fait,

24 et il dit qu'après 1918 [sic] et 1941, l'état de Bosnie-Herzégovine

25 rétablie ses propres unités et c'est la première fois que la Bosnie dispose

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1 d'une armée à elle. C'est ce qui se passe en début avril.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est comme ça que vous perdez votre

3 temps et que vous utilisez les 20 minutes qui vous sont données.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que je n'ai pas gaspillé mon temps, au

5 contraire.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Est-ce que vous savez nous dire, Monsieur, quoi que ce soit au sujet

8 des livraisons d'armes à l'intention de la partie musulmane lorsqu'un

9 Boeing 747 venu de l'Iran passant par la Slovénie à la Croatie ? Et c'est

10 même Lord Owen qui en parle, qui dans son livre l'Odyssée balkanique en été

11 1991 [sic]. C'est à ce moment-là qu'a eu lieu ladite livraison d'armes ?

12 R. Monsieur Milosevic, vous avez, somme toute, beaucoup plus de temps que

13 moi-même. Vous avez lu certainement beaucoup plus de livres que moi-même.

14 Je n'ai pas personnellement lu ce livre.

15 Q. Moi, je ne vous pose pas de questions au sujet de ce livre. Je vous

16 demande si vous savez quelque chose au sujet de l'armement des formations

17 en question. Vous êtes en train de témoigner d'une période ultérieure à

18 ceux dont je viens de parler moi-même.

19 R. Ecoutez. Vous avez dit dès le début que ma déclaration, dans son

20 intégralité, était fausse. Je ne vois pas pourquoi me croiriez si je venais

21 vous dire quoi que ce soit à ce sujet.

22 Q. Mais vous avez vous-même parlé du nettoyage ethnique. Vous avez vous-

23 même parlé de la réunion que vous avez eue et vous avez pratiquement

24 démenti ce que vous avez dit parce que l'armée est venue vous protéger et

25 n'ont pas procédé à un nettoyage ethnique.

Page 25875

1 Mais dites-nous, avez-vous connaissance de ce qui suit : Ne savez-vous pas

2 qu'il y a eu une cinquième conférence sur la Bosnie-Herzégovine en date du

3 17 mars et que les trois parties en présence, Izetbegovic, Karadzic et

4 Boban ont signé une déclaration portant sur l'aménagement constitutionnel

5 de la Bosnie-Herzégovine ? Ce plan-là porte le nom d'un diplomate portugais

6 du nom de Cutileiro.

7 R. Je vais d'abord répondre au premier segment de votre question, à

8 savoir, le fait de voir l'armée protéger la population ou procéder à un

9 nettoyage ethnique.

10 Q. C'est vous qui l'avez dit ça.

11 R. Je n'ai explicitement, nulle part, indiqué cela dans ma déclaration.

12 Mais les faits sont les suivants. Il appartiendra à la Chambre, au

13 Tribunal, de décider au sujet de ces faits. Le fait est que j'ai été

14 présent à ces réunions. Le fait est que, suite à la prise du pouvoir en

15 ville, l'armée a révoqué les autorités légales qui étaient au pouvoir

16 jusque-là et a nommé des autorités qui n'étaient composées que de Serbes.

17 Le fait est également que toutes les armes possédées par les unités légales

18 des Bosniens et des Musulmans ont été confisquées et le fait est que l'on a

19 armé les Serbes. Ce sont des faits incontestables. Je laisserai la Chambre

20 tiré des commentaires, voir des conclusions.

21 Q. Vous savez vous-même que cela n'est pas exact. L'armée a désarmé les

22 unités paramilitaires sur le territoire de Visegrad et par la suite, elle a

23 quitté ce territoire suite à l'accord signé concernant le retrait du

24 territoire de la Bosnie-Herzégovine.

25 R. Ecoutez. Les seules unités paramilitaires étaient celles qui ont été

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1 organisées par le Parti démocratique serbe. Il n'y a pas eu d'autres unités

2 paramilitaires.

3 Q. Vous affirmez qu'à Visegrad, il n'y a pas eu de formations musulmanes

4 armées qui contrôlaient Visegrad et qui avaient commis toute une série de

5 crimes, à l'époque ?

6 R. Oui. Vous l'avez bien dit. Il n'y a pas eu, du tout, comme vous dites,

7 de groupes armés musulmans. Cela est certain. Il est également certain

8 qu'ils n'ont commis aucune sorte de crimes.

9 Et quelle était la troisième chose que vous avez mentionnée ?

10 Q. Mais comme vous dites vous-même qu'il n'y en a pas eu, j'ai bon nombre

11 de documents sur moi qui parle de crimes perpétrés à Visegrad, crimes

12 perpétrés par votre parti à vous. A titre d'exemple, je citerais un rapport

13 rédigé par le Procureur public de Visegrad et cela englobe tous les

14 événements survenus jusqu'à mars 1993, ou plutôt une partie de ce qui

15 s'était passé et choses qu'ils ont pu constater eux-mêmes. C'est là, le

16 Procureur, le ministère public qui a présenté ce rapport dès la date du 17

17 mars. On indique là que dès l'année 1991, les extrémistes, les intégristes

18 musulmans ont commis telles choses. Il y a eu des attaques terroristes, des

19 crimes perpétrés par les formations musulmanes à Visegrad, et ainsi de

20 suite.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous demanderais, Monsieur May, de verser

22 cela au dossier en tant qu'éléments de preuve parce que ce sont là, c'est

23 une information concernant le génocide et les crimes de guerre perpétrés à

24 l'encontre de la population serbe de Visegrad dans le courant des années

25 1991 et 1992. C'est un rapport qui a été rédigé par le ministère public ou

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1 municipal de Visegrad. L'information comporte 18 pages et c'est signé par

2 le Procureur public, Monsieur Drasko Lazar.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] D'abord, laissez le témoin voir ce

4 document, et ensuite nous déciderons de ce qu'il en adviendra.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne puis étudier la teneur de ce document

6 dans son intégralité. Mais ce que je remarque c'est que ce document a été

7 rédigé à l'hôtel Kikinda de Pale, le ministère public de Sokolac. La date

8 est celle du --

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Monsieur 1505 --

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Laissez le finir. Ne l'interrompez donc

12 pas. Laissez-le terminer. Qui est-ce qui a rédigé ceci ? Est-ce que c'est

13 la partie serbe qui l'a rédigé ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Précisément. C'est ce que j'allais dire. Le 17

15 mars 1993, cela a été rédigé à l'époque où c'était seulement le Parti

16 démocratique serbe qui était au pouvoir, et c'est donc de façon unilatérale

17 et tendancieuse que ceci a été rédigé. Je ne pense donc pas que cela puisse

18 constituer un document véridique.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ecoutez, laissez finir le témoin. Et

20 dites-nous qui a rédigé -- qui a signé ce document ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Le procureur public, Drasko Lazar, on voit ici

22 que c'est un document émanant du centre chargé de l'Etude des crimes de

23 guerre perpétrés, rédigé à l'hôtel Kikinda de Pale, ministère public de

24 Sokolac à Pale et il y a ici un papier entête du "ministère public de

25 Visegrad."

Page 25878

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. C'est précisément ce que j'allais dire, Monsieur le Témoin 1505. C'est

3 le ministère public municipal de Visegrad et les personnes que vous avez

4 mentionnées, ce sont ceux dont les adresses figurent là, donc ce sont les

5 destinataires, ce ne sont pas les auteurs du document. L'auteur du

6 document, c'est le ministère public de Visegrad et c'est signé par le

7 procureur public. En est-il ainsi ou pas, Monsieur 1505 ?

8 R. C'est exact. Mais je précise et, pendant que vous parliez, je me suis

9 penché sur ce qu'il y est écrit. On parle : "De la destruction du monument

10 d'Ivo Andric," et il dit que c'est une introduction en des temps de

11 ténèbres et on en parle dans ces termes-là parce qu'un citoyen a des

12 données, a détruit un monument.

13 Q. Il n'y a pas que le monument dont on parle, ce n'est pas seulement du

14 monument dont on parle sur ces 18 pages.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, mais cela a été rédigé par une

16 partie déterminée. Et la question qui se pose c'est de savoir quelle valeur

17 probante cela peut constituer en tant qu'éléments de preuve.

18 Monsieur Groome, pouvez-vous nous dire de quel document il s'agit ?

19 M. GROOME : [interprétation] Nous avons vu le document en question,

20 Monsieur le Président, mais pour les raisons indiquées par la Chambre, nous

21 n'avons pas voulu verser au dossier ce type de document généré par la

22 partie musulmane ou la partie serbe, voir le Procureur publique de la

23 partie musulmane ou de la partie serbe. Le Procureur en question devait

24 forcément savoir que le Visegrad était à l'époque une ville ethniquement

25 nettoyée et tous les membres de ce bureau du Procureur public -- tous ceux

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1 qui étaient en place à l'époque avaient quitté cette localité du moins pour

2 ce qui est de ce groupe ethnique concerné.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce n'est pas un document qui émane d'une

4 entité judiciaire impartiale.

5 M. GROOME : [interprétation] C'est précisément notre opinion, Monsieur le

6 Président. Nous avons un grand nombre apparemment authentique et qui font

7 autorité, qui contredisent complètement le document en question et qui

8 traitent du même sujet. Le bureau du Procureur n'a donc pas demandé le

9 versement au dossier de ce document.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc il sont des documents que vous

11 demanderez à être produits par la partie adverse ?

12 M. GROOME : [interprétation] Non, le bureau du Procureur ne va pas demander

13 le versement au dossier de ces documents, étant donné qu'ils sont peu

14 fiables vus qu'ils ont été rédigés par une partie seule.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc c'est ce que vous pourriez dire,

16 mais si nous versons au dossier ce document-là, "nous pourrions verser au

17 dossier tous les documents émanant de la seule partie musulmane."

18 M. GROOME : [interprétation] En théorie, c'est ce que je voulais dire.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc, cela ne rendrait que -- ce serait

20 la finalité de la chose ?

21 M. GROOME : [interprétation] Cela rendrait la tâche de la Chambre encore

22 plus difficile parce que cela est d'autant plus vrai que si l'on va de la

23 municipalité de Visegrad vers d'autres municipalités en Bosnie.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le fait est que nous avons deux -- ou

25 plus de deux parties engagées au combat ou au conflit. Et, pour autant que

Page 25880

1 nous le sachions, les deux parties ont fait des accusations très lourdes à

2 l'encontre de la partie adverse et ont porté "le blâme sur la partie

3 adverse". Donc il faudrait que nous ayons d'abord des informations sur

4 l'authenticité des documents ou alors allons-nous attendre que des éléments

5 de preuve soient présentés à l'appui de l'une ou l'autre des pièces

6 produites ?

7 Vous avez adopté une position très appropriée et vous avez décidé de ne pas

8 verser au dossier des documents émanant de la partie musulmane seule parce

9 que, si nous acceptons ce document en tant qu'élément de preuve, il nous

10 faudra accepter les documents produits par la partie musulmane seule.

11 M. GROOME : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Les

12 événements décrits dans ce document -- et nous les avons -- nous n'avons

13 pas encore pu le lire -- mais si cela est vrai, nous estimons que ces

14 informations devraient être figurées ici -- devraient se retrouver ici. Or,

15 nous estimons qu'il y a quand même des doutes à exprimer à ce sujet. Et le

16 versement au dossier de ce document par le biais de ce témoignage devrait

17 se faire de façon prudente parce qu'il nous faudrait faire venir les

18 enquêteurs et ceux qui ont rédigé avant que de permettre le versement au

19 dossier.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc c'est bien la formulation que j'ai

21 utilisée. Les deux parties -- je dis bien, les deux parties pourraient être

22 intéressées par ce type de document. Pour ce qui est de la présentation de

23 ce type de document en disant que cela est non conforme à la vérité, on

24 pourrait dire que cela ne constitue que de la propagande.

25 M. GROOME : [interprétation] Cela est exact, Monsieur le Président.

Page 25881

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc cela n'a pas de valeur.

2 M. GROOME : [interprétation] C'est exact.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons donc nous pencher sur la

4 position adoptée.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May --

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Juste un moment.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais juste une petite observation, si vous le

9 permettez.

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons accepter le versement au

12 dossier de ce document qui -- avec l'opinion du Juge May, qui diverge.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, je vais expliquer la divergence.

14 Pour ce qui est de mon opinion, il y a un grand danger pour nous de nous

15 voir submerger par des documents partiaux ou des documents où il n'y a pas

16 un seul mot de vrai. Et la façon adéquate de procéder serait de faire venir

17 un témoin par les bons soins du Procureur pour nous parler de ce qui est

18 avancé comme allégation dans ce document, et nous vous demanderons de

19 présenter des documents à ce sujet, Monsieur Groome.

20 M. GROOME : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien. Nous donnerons une cote à cette

22 pièce. Ce sera une cote de la Défense.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] D178.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il ne s'agit pas du document, d'une partie ou

25 d'une autre. C'est un document émanant du ministère public de Visegrad, et

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1 le fait qu'il ait été signé par --

2 L'INTERPRÈTE : Monsieur Milosevic hors micro --

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit d'un document émanant du ministère

4 public de Visegrad.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je croyais que c'était un document où il

6 était question de génocide à l'encontre du peuple serbe, est-ce exact ?

7 Est-ce que c'est là un signe de partialité ou pas ?

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais on doit devoir évaluer s'il s'agit de la

9 vérité dans les dires qui y figurent et il ne s'agit pas d'apprécier la

10 partialité ou l'impartialité d'après le signataire du document. C'est un

11 document officiel émanant du ministère public de Visegrad. Il ne peut pas

12 être disqualifié par le fait même de son signataire.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien, écoutez, cessons cette polémique.

14 Nous allons le verser au dossier. Ce sera la pièce à conviction de la

15 Défense D178. Vous venez de dépenser le temps imparti en parlant de ce

16 document. Il nous appartient maintenant de nous pencher sur -- de vous

17 accorder davantage de temps ou pas.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez encore 10 minutes, Monsieur

20 Milosevic.

21 L'ACCUSÉ [interprétation] Fort bien, je vois que c'est une pratique ici.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Monsieur 1505, vous avez parlé d'une réunion avec la JNA dans la caserne

24 à proximité du barrage. Serait-il exact de dire que, dans cette caserne, il

25 y a eu un groupe nombre de réfugiés, à savoir, des gens qui s'étaient

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1 rendus là-bas pour demander protection auprès de la JNA, vrai ou faux ?

2 R. Il est vrai de dire que, dans la caserne, il y avait un groupe nombre

3 de civils, qui résidait à proximité de la caserne. J'ai déjà indiqué,

4 Messieurs les Juges, que les gens avaient si peur, ils étaient dans une

5 situation à tel point sans issue, qu'ils se trouvaient plus en sécurité là,

6 plutôt que se trouver exposer à tous les périls ailleurs.

7 Q. Cela figure à la page 7, paragraphe 2, qui est très bref. Vous dites :

8 "Dans la caserne, il y avait beaucoup de réfugiés, des gens qui sont allés

9 là-bas, pour demander protection auprès de la JNA, qui se trouvait

10 stationner là-bas, de façon tout à fait ordinaire."

11 Et ces gens-là ont-ils bénéficié, oui ou non, d'une protection, une fois

12 arrivée là-bas ?

13 R. Ils sont allés à cette caserne en effet, et c'était une caserne

14 régulière. C'était là l'armée régulière qui se trouvait à l'ordinaire, et

15 ces personnes n'ont pas été malmenées en aucune façon.

16 Q. Bien, et vous avez indiqué qu'Ojdanic vous avait répondu qu'il n'était

17 pas au courant des responsables de ces échanges de tirs, il n'était pas en

18 mesure d'ordonner un cessez-le-feu, étant donné que l'armée n'y avait pas

19 pris part. Est-il donc exact de dire qu'Ojdanic avait demandé aux autorités

20 municipales de se charger, d'assurer l'ordre et la paix publiques aux fins

21 de ne pas faire intervenir l'armée pour établir l'ordre.

22 R. Ce n'était que la déclaration à Ojdanic. Je suis tout à fait certain du

23 fait qu'il savait pertinemment bien qui avait ouvert le feu et à partir

24 d'où. C'était là une action concertée avec la JNA et il se trouvait être

25 absurde que de demander à la police régulière de maintenir la paix et

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1 l'ordre dans la ville. Alors que si je puis dire, c'était l'armée qui avait

2 perturbé cet ordre.

3 Q. Comment voulez-vous que l'armée ait pu perturber l'ordre alors qu'elle

4 est venue protéger le barrage, et rétablir l'ordre ? Vous avez vous-même

5 dit qu'il y avait l'intéressé et Vukosavljevic, qui étaient chargés de

6 commander les forces de Sécurité auprès du barrage. Alors comment l'armée,

7 avait-elle pu provoquer le désordre si l'ordre avait déjà été perturbé ?

8 R. La vie normale était perturbée et l'arrivée de la JNA, là où elle

9 arrivait, la population se retirait d'une façon générale. On ne faisait pas

10 confiance à l'Armée populaire yougoslave parce qu'elle n'était mono

11 ethnique déjà et parce qu'elle était partiale, elle s'était notamment mise

12 du côté serbe. C'est la raison pour laquelle les gens ont quitté la ville,

13 et je dirais que la partie civile des autorités s'était retirée également,

14 face à l'Armée populaire yougoslave. Donc, pour ce qui est de l'existence

15 d'une grande confiance, si c'est cela avait été le cas, on n'aurait pas vu

16 ces gens se retirer. Et avec l'armée arrivée, lorsque l'armée a pris

17 position, elle a nommé des autorités civiles nouvelles, des gens qui

18 n'étaient que Serbes.

19 Q. Écoutez, vous avez dit que vous avez posé la question à Ojdanic,

20 question de savoir si l'armée allait protéger la population civile. Où est-

21 ce qu'elle allait rester les bras croisés à observer cette population

22 civile massacrée. Vous dites vous-même que vous avez posé la question à

23 Ojdanic.

24 R. Oui, je lui ai posé cette question.

25 Q. Et Ojdanic vous a affirmé que l'armée allait protéger la population,

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1 c'est bien cela ?

2 R. Oui, c'est ce que j'ai demandé à Ojdanic, je lui avais également

3 demandé et je pense, Messieurs les Juges, que j'ai expliqué que la

4 situation était sans issue, sans espoir pour la population. La seule paille

5 de salut c'était de voir la JNA protéger cette population des unités

6 paramilitaires qui étaient également sous son commandement. Le lieutenant-

7 colonel Jovanovic nous l'a d'ailleurs indiqué, mais le naufragé essaie de

8 se sauver même en se saisissant d'une paille, et c'est la raison pour

9 laquelle nous avions demandé à l'armée de faire ce qu'on lui a demandé de

10 faire. Cela se situe dans le contexte d'une situation sans issue pour ces

11 gens-là, et pour que ces gens puissent être acheminés vers la ville, vers

12 la partie habitée.

13 Q. Donc ce que vous avez demandé à savoir que l'armée protège les civils,

14 elle l'a fait.

15 R. Oui, à ce moment-là et dans ce contexte-là, ils ont aidé à la

16 protection de ces gens-là, et je pense qu'il a été établi -- élaboré un

17 plan de massacre de cette population. Donc, à ce moment-là, il y a eu

18 quelque chose de positif par cette armée, mais j'ai aussi indiqué ce que

19 cette armée avait fait à titre ultérieur -- ultérieurement.

20 Q. Donc, à ce moment-là, la JNA avait protégé les civils. C'était le

21 moment où la JNA ne s'était pas encore retiré complètement de la Bosnie-

22 Herzégovine. Cela avait été les dernières journées du séjour de la JNA sur

23 le territoire de la Bosnie-Herzégovine, oui ou non ?

24 R. La JNA a, par la suite, quitté de Bosnie-Herzégovine -- ou plutôt le

25 Corps d'Uzice a quitté le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Je ne serais

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1 pas d'accord avec vous pour dire qu'ils ont protégé, d'une façon générale,

2 la population civile. J'ai déjà indiqué qu'ils ont désarmé les unités

3 légales de la Police, de la Défense territoriale. Ils ont nommé de

4 nouvelles autorités municipales, dont n'ont fait partie que des Serbes, ils

5 ont procédé à des arrestations de gens, ils ont malmené des gens, ils ont

6 réclamé des armes, un désarmement de la part de Bosniaques, de Musulmans

7 uniquement. Donc je ne serais pas d'accord avec vous pour constater que

8 l'armée a, d'une façon générale, procédé à la protection de civils et,

9 notamment, je ne serai pas d'accord pour dire que le traitement réservé aux

10 uns ou autres était le même. Elle a été notamment partiale en faveur de la

11 partie Serbe absolument.

12 Q. Mais ceci c'est un sujet particulier, sur lequel vous déposez qui prouve

13 exactement le contraire. Vous avez demandé au colonel Ojdanic de protéger

14 les civils. L'armée a proposé et a offert cette protection, et l'armée a

15 protégé les civils effectivement. Quant au reste de ce que vous dites, ce

16 n'est pas le sujet de votre déposition, vous en parlez de façon générale.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous polémiquez avec le témoin, et cela

18 ne nous mène nul part. Il vous reste deux minutes.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Monsieur le Témoin, savez-vous que l'Armée populaire yougoslave n'était

22 pas une partie aux conflits en Bosnie-Herzégovine parce qu'elle était

23 simplement stationnée dans les casernes, jusqu'au 4 mai 1992, date à

24 laquelle la présidence de la Yougoslavie a ordonné le retrait de la JNA de

25 ces casernes, ainsi que celui de tous les citoyens yougoslaves stationnés

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1 dans ces casernes en Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous êtes au courant de

2 cela ?

3 R. Je suis au courant de cette décision, mais je ne suis pas d'accord avec

4 vous quant au fait que l'armée était simplement dans les casernes. J'ai

5 déjà présenté des documents qui sont un exemple, justifiant ce que je dis

6 quant à ce qui nous intéresse, c'est en particulier le Corps d'Uzice.

7 Q. Fort bien. Je pense que nous avons expliqué pourquoi ce corps se

8 trouvait à cet endroit. Mais revenons à la colonne, qu'avez-vous dit ?

9 Combien de personnes se trouvaient dans cette colonne ?

10 R. Et bien, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cette colonne

11 commençait à Brstanica, mais des habitants des villages de plus en plus

12 nombreux se sont joints à cette colonne au fil du temps, donc je pense que,

13 quand elle arrivait au stade, elle comptait 4 000 à 5 000 personnes.

14 Q. Vous avez dit au dernier paragraphe, en page 14, je cite :

15 "Les civils nous ont dit d'attendre un moment, de façon à ce que davantage

16 de civils puissent arriver en provenance du village voisin."

17 Donc, ils étaient déjà prêts et 1 000 personnes de plus ont rejoint la

18 colonne, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, ce sont des estimations non prouvées, mais il existe également une

20 estimation non prouvé selon les quelque 4 000 à 5 000 personnes au total

21 sont arrivées au stade.

22 Q. Ils sont tous arrivés au stade en sécurité ?

23 R. A ce moment-là, oui, au moment où ils sont arrivés au stade, c'était le

24 cas.

25 Q. Vous dites -- vous parlez également de l'arrivée de Biljana Plavsic.

Page 25888

1 Est-ce que des efforts ont été déployés à Visegrad pour régler le problème,

2 pour apaiser la situation ?

3 R. Je ne saurais faire de commentaires à ce sujet. Ce que le lieutenant-

4 colonel Jovanovic et Biljana Plavsic se sont dits, je n'en sais rien. Mais

5 la situation s'est développée par la suite et pas dans un sens favorable.

6 Donc on peut en déduire de cette réalité la teneur de leur conversation.

7 Q. J'ai déduit --

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est votre dernière question, Monsieur

9 Milosevic.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Monsieur 1505, j'appelle votre attention sur le fait qu'au paragraphe

12 105, il est indiqué que la JNA est parvenue assez rapidement à normaliser

13 la situation à Visegrad, de façon à ce que la vie reprenne dans de bonnes

14 conditions, que la JNA souhaitait que les entreprises reprennent le travail

15 normalement. Tout ceci figure, noir sur blanc, au paragraphe 105, donc la

16 JNA a essayé de vous proposer de convaincre les civils de revenir dans les

17 entreprises pour y travailler et également de retourner dans les

18 entreprises agricoles pour y travailler. Et il est également indiqué dans

19 ce paragraphe qu'à la télévision, vous avez demandé aux civils de revenir,

20 que les Musulmans et les Serbes ont commencé rapidement à reprendre le

21 travail.

22 Donc, c'est bien ce que vous dites dans votre propre déclaration ? Est-ce

23 exact ou pas ? Ceci figure aux paragraphes 105, 106, 108 de votre

24 déclaration écrite, paragraphes auxquels je viens simplement de me référer.

25 Ceci est-il exact ou pas, Monsieur 1505 ?

Page 25889

1 R. Cette question est sortie du contexte, donc je pense qu'il faudrait que

2 j'y réponde de façon un peu plus complète avec l'autorisation des Juges de

3 cette Chambre. Je ne peux pas répondre en 20 ou 30 secondes. Ce que j'ai à

4 expliquer est important.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Vous pouvez apporter des

6 éclaircissements. Ce sera la dernière question qui vous est posée par

7 l'accusé.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, il est exact que l'armée a repris la

9 situation en main assez rapidement en prenant le pouvoir car, assez

10 rapidement, l'armée a créé un nouveau pouvoir local, un nouveau pouvoir

11 municipal composé uniquement de Serbes et, un peu plus tard, l'armée a

12 organisé l'entraînement des Serbes de la région, l'entraînement au

13 maniement aux armes en particulier. Donc, pendant le mois dont je parle

14 ici, l'armée a fait tout ce qu'elle pouvait pour assurer la supériorité

15 complète des Serbes par voie de distribution d'armes, par voie de formation

16 au maniement des armes, et cetera. Et lorsque l'armée est partie, elle a

17 laissé derrière elle les armes nécessaires alors que les Musulmans sont

18 demeurés totalement dépourvus de la moindre protection dans cette

19 municipalité dont nous parlons.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May --

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, Monsieur Milosevic, nous avons

22 entendu ce témoin pendant un temps suffisamment long. Vous l'avez interrogé

23 pendant plus de deux heures.

24 Maître Tapuskovic, vous avez la parole.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 25890

1 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

2 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, je vous demanderais de vous

3 efforcer de répondre, par oui ou par non, aux questions que je vais vous

4 poser car je ne parlerai que des événements survenus dans un laps de temps

5 qui se limite à quelques jours et ce sont des événements dont vous avez

6 déjà parlé. Donc je vous demanderais de vous rendre en page 14 de votre

7 déclaration écrite, paragraphe 2.

8 Au cours de l'interrogatoire principal, vous avez dit que vous étiez au

9 courant de l'existence de cet ordre donné par Ojdanic, selon lequel il

10 convenait donc de faire sortir ces civils de la ville en organisant une

11 colonne humaine, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Et au paragraphe 2 de cette page, vous dites, je cite que Vukosavljevic

14 a dit avoir reçu l'autorisation de faire sortir les civils de Brstanica. Il

15 savait qu'il y avait 4 000 ou 5 000 civils dans cette région, qu'il ne

16 savait où aller. Il a déclaré avoir l'autorisation de les faire sortir pour

17 les diriger là-haut, "là-haut" signifiant vers la ville. C'est bien cela ?

18 R. Oui.

19 Q. Deux paragraphes plus loin, nous lisons au milieu du paragraphe, je

20 cite : "Vukosavlejic et moi-même sommes descendus de la voiture et nous

21 nous sommes mêlés aux gens." Et vous dites, je cite : "Je leur ai dit que

22 l'armée était venue les emmener en ville et que rien de négatif n'allait

23 leur arriver. Je leur ai dit qu'ils seraient escortés par l'armée." C'est

24 bien cela ?

25 R. Oui.

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1 Q. Et deux paragraphes plus loin, vous parlez de la fouille. Vous en avez

2 déjà parlé, je n'y reviens pas. Et en page 6 de votre déclaration écrite,

3 au paragraphe 2, à partir du haut, vous parlez des quatre colonnes, vous

4 dites, je cite :

5 "Toutes ces colonnes devaient être disposées de deux soldats pour contrôler

6 les gens qui se trouvaient dans la colonne." Ça c'est un ordre venant de

7 Jovanovic. Je reprends la citation : "Ils ont déclaré que les gens

8 devraient passer entre les soldats et qu'après avoir subi une fouille, ils

9 pourraient s'en aller en toute liberté. Il a déclaré que toute personne

10 portant des armes devait le déclarer et qu'après la fouille, chacun

11 pourrait rentrer chez soi."

12 C'est bien ce qu'on lit dans ce passage, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. En page 17, je pense que ceci est au cœur du problème dont nous

15 discutons. Vous dites que des gens ont demandé à rentrer chez eux, c'est

16 bien cela ? Cela figure en haut de la page.

17 R. Oui.

18 Q. "Jovanovic déclare que les gens pouvaient aller dans les endroits qui

19 étaient contrôlés par l'armée. Il a ajouté qu'il ne pouvait pas garantir la

20 sécurité des personnes qui souhaitaient aller dans d'autres endroits que

21 ceux contrôlés par l'armée." C'est bien cela ?

22 R. Oui.

23 Q. Je cite : "Je me souviens que Jovanovic a été très précis. Il a cité

24 les noms des villages où les gens pouvaient aller parce qu'ils y seraient

25 en sécurité." C'est bien ce qui est écrit, n'est-ce pas ?

Page 25892

1 R. Oui.

2 Q. Je cite : "Il a cité l'exemple du village de Musici, en disant qu'à

3 Musici, il était impossible pour lui de garantir un retour en toute

4 sécurité des gens qui y habitaient." C'est exact, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Et, finalement, il dit -- ou plutôt vous dites, je cite : "Les civils

7 ont alors quitté le stade à pied ou en voiture. L'armée ne les ai pas

8 escortés." Est-ce exact ?

9 R. Oui.

10 (expurgée)

11 (expurgée)

12 (expurgée)

13 R. Oui.

14 Q. Hier, vous avez dit que vous craigniez que peut-être le village dans

15 lequel vous habitiez soit soumis à des dangers, qui y arrivent des

16 événements terribles, mais votre famille n'a subi aucun problème. Est-ce

17 que vous avez entendu parler de quelqu'un qui aurait perdu la vie à Crnca ?

18 R. Je vous demande pardon ? A quel moment ?

19 Q. D'abord au moment où vous avez eu cette conversation avec les

20 officiers, les hommes que vous avez entendu parler et, plus tard, donc

21 votre famille est restée vivante. Rien ne lui est arrivé ?

22 R. Au cours de ces journées-là, personne n'a été blessé.

23 M. GROOME : [interprétation] Je rappelle simplement à Me Tapuskovic qu'il

24 ne doit pas prononcer le nom des villages. J'ai entendu un nom et je

25 demande que le nom de son village soit expurgé.

Page 25893

1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous demande pardon. Vraiment, je suis

2 désolé.

3 Q. Monsieur le Témoin, après tout ce que vous avez dit, nous lisons en

4 page 19, au paragraphe 2, en fait deuxième paragraphe à partir du bas,

5 qu'après tous ces événements, après tout ce qui est arrivé à ces personnes,

6 tout le monde a pu, en fait, aller où ils souhaitaient aller. Personne n'a

7 été empêché d'aller où il voulait parce que vous dites, je cite :

8 "La JNA a réussi assez rapidement à organiser une vie à peu près normale

9 dans Visegrad. La première chose que souhaitait la JNA c'est que les

10 entreprises reprennent le travail normalement. Moi, entre autres, j'ai

11 repris le travail. Je suis retourné, et cetera, et cetera."

12 Et un peu plus bas dans un autre paragraphe, vous dites, je cite : "Une

13 fois que la loi et l'ordre ont été rétablis, les Musulmans et les Serbes

14 ont, peu à peu, commencé à reprendre le travail." C'est bien cela ?

15 R. Oui, c'est une réalité.

16 Q. Après cela dans votre déclaration, vous ne dites nulle part que l'armée

17 a distribué des armes. Vous ne parlez plus d'événements sortant de

18 l'ordinaire. Vous dites, je cite : "Je pense que le Corps d'Uzice a

19 commencé à se retirer." Ceci figure en page 21. Je cite : "Le 19 mai,

20 finalement, elle a commencé son retrait le 20 et le 21 mai 1992, elle était

21 partie." C'est bien cela ?

22 R. Oui. C'est une déclaration écrite assez longue. Je ne la connais pas

23 par cœur, mais il s'y trouve très certainement ce passage, où il est

24 question de l'armée serbe qui entraîne la population civile parce que

25 l'armée a commencé à recruter. Je sais très bien que quelqu'un me l'a dit -

Page 25894

1 - on me l'a expliqué en détail. Je ne pouvais pas travailler parce que

2 cette personne m'a dit, "Je ne peux pas aller au travail parce que je dois

3 aller à l'entraînement sur le terrain d'exercices," et d'autres choses du

4 même genre.

5 Q. Fort bien. Mais aujourd'hui, vous dites cela, mais vous ne l'aviez

6 mentionné avant. Vous avez déclaré que l'armée avait rétabli l'ordre, et

7 vous n'avez rien dit tant qu'à un quelconque événement extraordinaire,

8 jusqu'au retrait de l'armée le 20 et 21 mai. Donc comment expliquez-vous

9 ceci aujourd'hui ? Comment expliquez-vous que vous disiez aujourd'hui que

10 l'armée a distribué des armes à la population ?

11 R. Et bien, voyez-vous, j'ai fait une déclaration qui se composait de

12 réponses apportées à des questions qui m'étaient posées par des tiers. J'ai

13 fait cette déclaration, mais elle ne pouvait contenir des renseignements

14 sur tous les événements survenus. Et, aujourd'hui, vous me posez d'autres

15 questions, donc je peux m'expliquer davantage.

16 Donc ce qui s'est passé, c'est que tous les événements survenus à l'époque

17 ne peuvent pas résumés dans 25 pages de déclaration écrite.

18 Q. Merci beaucoup. J'aimerais maintenant conclure sur la question

19 suivante. Cette déclaration que vous avez faite, vous en avez traité

20 également dans une autre affaire, et le compte rendu de cette autre

21 audience est disponible ici. Nous en parlons en page 176. Mais j'aimerais

22 vous poser une autre question. Vous avez dit que vous connaissiez une

23 personne qui avait perdu la vie, et c'est quelqu'un qui s'appelle Pecikoza,

24 et qui est Serbe ?

25 R. J'en connais plusieurs, mais la question précise qui m'était concernait

Page 25895

1 cet homme.

2 Q. M. Domazet, conseiller à la Défense dans une affaire jugée devant ce

3 Tribunal, vous a demandé combien de victimes vous connaissiez à ce moment-

4 là. Et vous avez répondu que vous connaissiez une femme, dont vous avez

5 parlé. Une femme, n'est-ce pas ? Vous avez dit qu'elle était décédée au

6 cours d'événements particuliers pendant ces journées, mais je ne -- mais

7 vous avez dit ne pas connaître exactement les conditions dans lesquelles

8 elle était morte.

9 R. Voyez-vous, je ne sais pas de quelle période vous parlez. Est-ce que

10 vous parlez de la période où l'armée est arrivée et a pris le contrôle de

11 la ville ?

12 Q. Je parle de la période dont vous, vous avez parlé, le nettoyage des

13 villages, les maisons abandonnées. Je parle uniquement de cette période

14 parce que c'est celle sur laquelle vous témoignez.

15 R. Bien. Je sais qu'à cette époque, dans un village qui s'appelle Zilici,

16 deux personnes sont mortes, un homme et sa femme. Ils étaient âgés

17 d'environ 70 ans, et tout cela parce qu'ils n'étaient pas partis. Tous les

18 autres étaient partis, mais eux étaient restés et ils ont été tués. Et

19 puis, je connais aussi trois hommes qui, je crois, sont de Gornja Crnca,

20 comment est-ce que je pourrais dire, ils sont restés quand les autres

21 habitants sont partis et ils ont également été tués.

22 Q. Savez-vous qui les a tués ? Est-ce que ces morts ont quoi que ce soit à

23 voir avec la JNA ? Parce que vous avez témoigné dans l'affaire, au cours de

24 laquelle vous étiez interrogé, et vous n'avez rien dit à ce sujet. Vous

25 avez dit que des gens avaient été -- étaient morts, mais vous avez dit ne

Page 25896

1 pas savoir dans quelle condition. C'est bien ce que vous avez dit, à ce

2 moment-là ?

3 R. Et bien, pour être tout à fait franc, je ne me souviens pas exactement

4 de tous les détails aujourd'hui, mais peut-être une question très précise

5 m'a-t-elle été posée à l'époque. Comment est-ce que je pourrais dire ? Ma

6 réponse était tout de même assez longue. Ce que je vous ai dit, c'est

7 quelque chose que je sais avec certitude. Je sais que ces personnes ont été

8 tuées par l'Armée populaire yougoslave, c'est-à-dire, par le Corps d'Uzice.

9 Je le sais avec certitude.

10 Q. Vous n'avez pas dit cela la dernière fois que vous avez été entendu par

11 ce Tribunal. Vous avez déclaré en fait que vous n'aviez aucune certitude.

12 Pouvez-vous vous expliquer sur ce point ? Ce sera ma dernière question.

13 R. Je peux m'expliquer. Les questions qui m'ont été posées à l'époque

14 n'étaient sans doute pas formulées d'une façon très précise. Ce que je dis

15 aujourd'hui est une réalité. C'est une réalité que je sais sans l'ombre

16 d'un doute.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci beaucoup.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Groome, ce

19 M. Ojdanic dont nous parlons -- ce colonel Ojdanic, a-t-il une relation

20 quelconque avec celui dont nous parlons dans -- en d'autres occasions, et

21 qui était chef de l'état major ?

22 M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est donc bien le même homme.

24 M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Cela est peut-être

25 confus, mais il y a deux Ojdanic et un Jovanovic, qui ont joué un rôle

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1 important pendant cette période à Visegrad.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Est-ce que vous avez des questions ?

3 Nouvel interrogatoire par M. Groome :

4 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, j'aimerais éclaircir un certain

5 nombre de points avec vous. Vous avez dit, au cours du contre-

6 interrogatoire, que des tirs ont été -- ont commencé. Et vous avez dit que

7 vous avez été empêché de vous rendre à une réunion avec Ojdanic, et avoir

8 Vukosavljevic. La question que je vous pose est la suivante : une fois que

9 vous avez appelé au téléphone M. Vukosavljevic, vous dites que c'est à ce

10 moment-là que les coups de feu ont commencé. Est-ce que c'est bien ce que

11 vous dites dans votre déposition ? Que s'est-il passé, une fois que vous

12 avez terminé votre coup de fil à M. Vukosavljevic ?

13 R. J'ai appelé Vukosavljevic. Je lui ai dit que je devais aller à une

14 réunion convoquée par un autre colonel, mais que je ne pouvais pas m'y

15 rendre en cause -- en raison des tirs très nourris. Et il a dit de la façon

16 la plus claire qu'il soit : "Fort bien, n'y allez pas, tout cela s'arrêtera

17 bientôt." Et ce qui s'est passé, tout s'est arrêté, je suis retourné à la

18 caserne pour participer à la réunion.

19 Q. Le document qui est enregistré en tant que pièce à conviction de la

20 Défense 178, et qui vous a été soumis, il date de mars 1993, savez-vous

21 combien de membres de la communauté bosnienne musulmane étaient toujours

22 dans les rangs de la police, ou travaillaient dans les tribunaux de

23 Visegrad ou dans le bureau du ministère public de Visegrad ?

24 R. Je sais qu'il n'y en avait pas un seul dans toutes ces institutions. Je

25 le sais avec certitude. Je sais que même des habitants bosniens musulmans

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1 n'étaient plus dans la ville, sans parler d'emplois dans des institutions

2 publiques de ce genre.

3 Q. Avant les événements que vous avez décrits aujourd'hui, est-il permis

4 de dire que ces institutions employaient des gens des deux communautés ?

5 R. Oui.

6 Q. Aux fins de la question que je vais vous poser maintenant, je partirai

7 de l'hypothèse que tout ce que M. Milosevic vous a dit, au sujet des

8 événements qui ont accrû les tensions ethniques, en prenant les Serbes pour

9 victimes, est conforme à la réalité. Et je contrasterai ces propos avec ce

10 que vous avez dit des paramilitaires dont vous pensez qu'ils ont menacé les

11 Bosniens ou les Musulmans. Donc partant de l'hypothèse que tout cela est

12 conforme à la réalité, et en vous fondant sur votre expérience d'officier

13 de l'armé, pouvez-vous nous dire quel est votre avis quant à l'importance

14 du déploiement du Corps d'Uzice à Visegrad ? Pensez-vous que ce déploiement

15 suffisait pour faire pièce à toutes les menaces contre tel ou tel groupe

16 ethnique, et pour assurer la sécurité dans la municipalité de Visegrad --

17 ce déploiement du Corps d'Uzice dans la ville ?

18 R. Oui, absolument, parce que le nombre d'hommes arrivés dans la ville

19 était, sans aucun doute, en mesure de rétablir l'ordre dans un laps de

20 temps très court.

21 Q. Ceci aurait pu -- aurait-il pu être fait sans déplacer la population

22 musulmane qui habitait sur une rive de la Drina ?

23 R. Oui. Bien entendu, c'était possible. Oui.

24 Q. Enfin, je vous rappelle que M. Milosevic vous a dit que les Bosniens,

25 les Musulmans n'avaient pas été contraints de quitter Visegrad. Pouvez-vous

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1 donc nous donner une idée -- donner une idée à la Chambre de l'importance

2 de la population musulmane avant les événements que vous venez de décrire

3 et, d'ailleurs, après ces événements également au jour d'aujourd'hui, si

4 vous pouvez nous le dire ?

5 R. Je peux le faire. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, avant les

6 événements en question, 13 000 à 14 000 Bosniens et Musulmans habitaient à

7 Visegrad. Après un certain temps, donc cinq ou six mois plus tard, il n'y

8 en avait plus aucun. Autrement dit, au début de 1993, il n'y avait un seul

9 Musulman à Visegrad. Ça c'est sûr. Et, aujourd'hui, je ne connais pas le

10 nombre exact des Musulmans qui habitent à Visegrad, mais je le situerai aux

11 environs de 1 500 personnes.

12 M. GROOME : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur le Témoin B-1505, ceci met un

14 terme à votre déposition. Je vous remercie d'être venu devant le Tribunal

15 pénal international pour témoigner. Vous pouvez maintenant vous retirer,

16 mais je vous demanderais d'attendre simplement que les stores soient

17 baissés.

18 [Le témoin se retire]

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Dans l'attente de l'arrivée du témoin

20 suivant, Monsieur Groome, vous pourrez peut-être nous aider sur le point

21 suivant : on avait discuté au moment de Racak d'un certain témoin. Je sais

22 que vous ne vous êtes pas occupé de ce volet-là du procès, mais, puisque M.

23 Nice est présent à l'audience, nous pouvons en parler. Il s'agissait d'un

24 (expurgé). Il a été fait mention de cet homme. J'aimerais

25 savoir ce qu'il en est. N'avait-il pas été suggéré à la Chambre de

Page 25900

1 l'appeler à la barre en tant que témoin des faits.

2 M. NICE : [interprétation] Est-ce que nous sommes en audience publique ou à

3 huis clos partiel.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] En audience publique.

5 M. NICE : [interprétation] Et le témoin suivant --

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je voulais simplement parler de ça.

7 M. NICE : [interprétation] J'essayais de me souvenir de son nom. Je ne sais

8 plus en tout cas si on l'a mentionné son nom en audience publique. Je n'en

9 suis plus trop sûr.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Voici je pense comment la chose se

11 présente.

12 M. NICE : [interprétation] Nous avions l'intention de l'utiliser, mais ça

13 posait des problèmes. Nous avons fini par décider ceci. Sa citation posait

14 des problèmes qui pouvaient être résolus en matière de procédures, mais, vu

15 les contraintes de temps qui nous sont imposées par la présentation de ces

16 moyens, nous nous sommes dits qu'il n'était pas un témoin indispensable;

17 cependant, en cours de route, le Juge Robinson a fait une demande. Il a

18 demandé qu'un témoin d'une catégorie précise, en ce qui concerne Racak,

19 soit mis à votre disposition puisque vous aviez manifesté quelques

20 inquiétudes à propos d'autres éléments de preuve présentés. Je pourrais

21 retrouver les détails à ce propos.

22 Mais ce témoin relevait d'une catégorie qui vous intéressait, mais je pense

23 que M. le Juge Robinson a dit que, finalement, il n'était pas de cette

24 catégorie. Quoi qu'il en soit, c'est une des questions qui se sont posées

25 et c'est à la lumière du souhait manifesté par la Chambre ou par le juge

Page 25901

1 Robinson d'entendre un tel témoin que nous avons dit que, même si nous,

2 nous n'avions pas le temps de le citer, vous pourriez le vouloir vous-même.

3 Mais, ceci dit, ceci fait part de la deuxième partie de notre liste de

4 témoins depuis belle lurette, à savoir, le type de témoins que nous

5 aimerions citer, mais que nous n'avons pas le temps de faire nous-même. Il

6 existe, cependant, qu'il représente en puissance un élément de preuves

7 intéressantes et c'est là-dessus que nous attirons votre attention.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pourrez peut-être nous dire ce que

9 vous pensez de ce témoin.

10 M. NICE : [interprétation] Il est peu probable que nous changions d'avis

11 pour ce qui est des critères que nous avons retenus en matière de priorité

12 au citation de ce témoin.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Nous verrons ce qu'il en est.

14 Rappelons le témoin suivant.

15 M. GROOME : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos complet ?

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Nous sommes maintenant à huis clos ?

17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui.

18 [Audience à huis clos]

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 25902

1 [Audience publique]

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai cru comprendre que le témoin suivant

3 bénéficiait de mesures de protection, déformation des traits du visage, de

4 la voix. Son identité ne sera pas révélée notamment et puis M. Nice a

5 formulé une demande, ce sur quoi ce témoin bénéficie de quelque chose que

6 nous n'avons pas encore connu. Le public -- l'opinion publique ne connaîtra

7 même pas la teneur de la déposition de ce témoin. Ce qui m'amène à conclure

8 que, pour ce qui est de la partie de la Republika Srpska sur laquelle

9 portera son témoignage, nombreux seront ceux qui verront qu'il ne dit pas

10 la vérité et, vu ces circonstances, vous avez ici quelqu'un avec le plus

11 grand anonymat dont personne n'a jamais entendu parler, qui bénéficie de

12 mesures de protection, et maintenant vous voulez un huis clos complet.

13 C'est contraire aux principes de l'équité de la justice.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons déjà statué et rendu notre

15 décision. Je le répète, il y a ici des circonstances exceptionnelles qui

16 sont en jeu. Le témoin a fait l'objet de menaces. Le présent Tribunal a

17 pour obligation -- pour devoir, dans la mesure du possible, d'assurer la

18 protection de ces témoins.

19 Dans l'intérêt supérieur de la justice, il faut que les témoins soient à

20 l'abri de tels comportements. Si nous autorisions des personnes à menacer

21 des témoins, qui pousseraient ces témoins à ne pas comparaître, je pense

22 que l'intérêt de la justice -- l'intérêt suprême ce serait la victime, et

23 personne d'autres.

24 C'est la raison pour laquelle nous avons rendu notre décision, comme nous

25 l'avons fait, et je le répète pour que tout soit clair.

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1 Faisons entrer le témoin.

2 [Audience à huis clos]

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13 Page 25904-25939 –expurgées– audience à huis clos.

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20 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le mercredi 3

21 septembre 2003, à 9 heures.

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