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1 Le mercredi 3 septembre 2003
2 [Audience à huis clos]
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7 --- L'audience est suspendue à 12 heures 12.
8 --- L'audience est reprise à 12 heures 38.
9 [Audience publique]
10 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, avant la déclaration
11 solennelle du témoin, permettez-moi d'intervenir
12 20 [sic] secondes.
13 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
14 M. NICE : [interprétation] Nous avons une liste de témoins mise à jour, que
15 nous avons présentée hier,lors de la conférence de mise en état. Elle
16 n'était très satisfaisante, très peu lisible, notamment pour les parties
17 rayées. Et il faudra mettre à jour ce document à d'autres endroits. Nous
18 allons essayer de vous fournir un document plus utile, demain. Je voulais
19 simplement vous dire que nous y travaillons.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.
21 Je vais demander au témoin de prononcer la déclaration solennelle.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
24 LE TÉMOIN: MUSTAFA HRUSTANOVIC [Assermenté]
25 [Le témoin répond par l'interprète]
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur. Veuillez vous
2 asseoir.
3 Oui, Madame Bibles, vous avez la parole.
4 Interrogatoire principal par Madame Bibles :
5 Q. [interprétation] Veuillez décliner votre identité, Monsieur.
6 R. Hrustanovic Mustafa.
7 Q. Ce lundi, avez-vous rencontré un membre du Greffe, un représentant du
8 Greffe pour attester de la véracité des dires répercutés, s'agissant des
9 événements de Bijeljina ?
10 R. Oui.
11 Q. Et il y a une déclaration du 7 octobre 1994, une autre du 12 novembre
12 1999, c'est bien exact ?
13 R. Oui.
14 Mme BIBLES : [interprétation] Je vais demander que soient présentées ces
15 déclarations au témoin ?
16 Q. [aucune interprétation]
17 R. Oui.
18 Mme BIBLES : [interprétation] Je demande le versement de ce jeu de
19 documents en application de l'Article 92 bis.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] La cote suivante sera laquelle, Madame la
21 Greffière ?
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P530.
23 Mme BIBLES : [interprétation]
24 Q. M. Hrustanovic habite depuis longtemps la ville de Bijeljina. Avant la
25 prise de pouvoir à Bijeljina, il était directeur financier d'une grande
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1 entreprise de Bijeljina. Sa déposition est en application de l'Article 92
2 bis et porte sur beaucoup de domaines pertinents de l'acte d'accusation, en
3 ce qui concerne Bijeljina.
4 Avant la prise de contrôle de Bijeljina, lui et d'autres membres de sa
5 communauté, avaient entendu dire qu'Arkan et ses hommes étaient à Popovi
6 sur la Drina.
7 Le 31 mars 1992, au cours de la nuit, il s'est réveillé du fait des coups
8 de feu qu'il a entendus. Ces tirs se sont poursuivis cette nuit-là et
9 encore trois ou quatre jours, journées au cours desquelles les Musulmans
10 ont dû être chez eux -- rester chez eux.
11 Il a parlé au téléphone à des amis, à des membres de sa famille et il a
12 appris que la guerre avait éclaté. Il a appris par les médias que 40
13 personnes avaient été tuées.
14 Au cours des journées où il y a eu des tirs, un Serbe armé, en uniforme,
15 Goran Jelisic contrôlait le quartier. Jelisic, c'est ce Goran Jelisic qui a
16 été condamné par le présent Tribunal.
17 Il a dit aux personnes, aux habitants, qu'ils devaient rester chez eux.
18 Après la cessation des tirs, sont demeurés en place des restrictions, pour
19 ce qui est du déplacement des habitants musulmans. Et des Serbes en
20 uniformes patrouillaient les rues, arrêtaient les non-Serbes et vérifiaient
21 leurs papiers d'identité.
22 Le témoin a vu que beaucoup de commerces et d'entreprises, appartenant à
23 des Musulmans de Bosnie avaient été dévalisés. On lui a aussi dit, c'est un
24 Serbe, un ami à lui, qui lui a dit qu'il faisait partie d'une liste de
25 personnes qu'on devait exécuter et son ami lui a dit que son collègue
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1 l'avait enlevé de la liste.
2 Il y a eu des licenciements massifs de non-Serbes, des postes qu'ils ont
3 occupés, postes auxquels ils ont été remplacés par des Serbes. A la fin, à
4 Bijeljina, ils ne restaient plus que des Serbes et tous les non-Serbes, qui
5 restaient à leurs postes, étaient étroitement surveillés.
6 Pour ce qui est de la destruction et de la profanation de lieux non
7 orthodoxes, le témoin parlera dans ces déclarations, des destructions
8 importantes apportées à ces symboles non orthodoxes. Les mosquées de la
9 municipalité ont été détruites et l'intérieur d'une église catholique a été
10 profané.
11 Pour ce qui est des travaux obligatoires, Monsieur le témoin a été détenu
12 le 10 août 1993. Il a dû travailler à creuser des tranchées et des
13 fortifications sur les lignes de front de la VRS. Ceci ce passait à
14 l'endroit où la VRS a repoussé l'attaque de l'armée de Bosnie-Herzégovine
15 de Brcko.
16 Les détenus ont -- se sont entendus dire qu'ils devaient s'abriter dans des
17 maisons qui avaient été bombardées dans la région. Ils ont vécu sans toits,
18 sans installations sanitaires, sans eaux courantes. Ils ont reçu
19 uniquement, pour nourriture, ce qui restaient des vivres des soldats de la
20 VRS.
21 Un des Musulmans de Bijeljina, Suljo Osmanovic, a été tué au moment où une
22 bombe, où un projectile plus exactement, a frappé la région où ils étaient
23 en train de creuser des tranchées. Ce groupe de détenus a été repoussé vers
24 Bijeljina, emmené au QG du MUP, pour y être enregistré avant leurs
25 libérations, le 4 septembre 1993.
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1 Finalement, M. Hrustanovic a été forcé de quitter la municipalité en 1994.
2 Ça s'est passé au moment où, il a été appelé dans les bureaux de Vojkan
3 Djurkovic, qui portait l'uniforme de la JNA et intimidait, voir proférait
4 des menaces à l'encontre de
5 M. Hrustanovic. Et ceci a fini par un ordre qui le sommait de quitter la
6 municipalité et il a dû prendre une décision de partir soit en passant par
7 la Drina ou de partir pour aller à Tuzla. M. Hrustanovic a dit clairement
8 qu'il n'avait pas l'intention de quitter Bijeljina.
9 Au cours des jours qui se sont suivis, le témoin a été harcelé et passé à
10 tabac par les hommes de Djurkovic. Le 22 août, avec sa famille, il a été
11 détenu et envoyé avec les autres résidents musulmans en camions en bétails
12 vers Tuzla. Ils ont été détenus pendant la nuit et soumis à des fouilles
13 humiliantes. A la fin, ce groupe de Musulmans a été forcé de traverser le
14 no man's land pour passer en territoire détenu par les Bosniens.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez parole.
16 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :
17 Q. [interprétation] Monsieur Hrustanovic, pour une partie de votre
18 déclaration, vous avez dit que la vie à Bijeljina commençait à changer
19 après la mort du Président Tito, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. Et vous dites qu'il y a eu des changements sociaux d'intervenus, qui
22 ont été remarqués par des personnes qui avaient une sensibilité
23 suffisamment développée en ce sens ? C'est bien ce que vous avez déclaré ?
24 R. Oui.
25 Q. Dans ce même paragraphe, dans le même contexte, vous avez dit que les
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1 Bosniens avaient été refoulés à de -- depuis toutes les positions ou les
2 champs d'intervention sociale, politique, économique et autres ?
3 R. Oui.
4 Q. Et vous dites que les Bosniens n'avaient pas remarqué ce qui se
5 passait, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Et vous dites que les changements pouvaient être remarqués au niveau du
8 non versement des salaires aux ouvriers, qu'il y avait eu des grèves,
9 n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Vous êtes en train de parler de problèmes économiques et sociaux,
12 n'est-ce pas ?
13 R. Il y avait d'autres choses en sus des problèmes sociaux et économiques.
14 Q. Mais dites-moi, les Musulmans ont-ils été les seuls à avoir fait la
15 grève et à ne pas recevoir des salaires ou alors les problèmes sociaux et
16 économiques de ces années-là, ce sont-ils répercutés sur la totalité des
17 ouvriers, indépendamment de leurs appartenances ethniques ?
18 R. Cela dépend de la structure de la population qui était présente dans
19 les différentes sociétés et entreprises. Il n'y avait pas que les problèmes
20 sociaux et économiques. Les Bosniens se sont vus refouler depuis les
21 positions, de toutes positions élevées où l'on a plutôt fait venir des
22 Serbes. Cela s'est passé par le biais de l'organisation de la Ligue des
23 communistes. Les Bosniens avaient été proclamés comme inappropriés sur le
24 plan politique pour qu'on puisse les -- leur faire dégager -- les faire
25 partir de certaines fonctions et faire venir des Serbes. Dans cette
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1 période-là, il y a eu une évolution très rapide de ce mouvement où les
2 Bosniens étaient révoqués de fonctions et où on a placé des Serbes à leurs
3 places. Par exemple, le maire de la municipalité est devenu Serbe, le
4 président de la Ligue des communistes était devenu un Serbe. Le chef du MUP
5 était un Serbe. Le commandant de la JNA, de la garnison était également un
6 Serbe. Le directeur de Zitopromet est devenu un Serbe, le directeur du
7 centre médical est devenu également un Serbe. Je ne vais pas vous énumérer
8 davantage parce que si l'on me posait la question, à savoir, qui est-ce qui
9 était resté à la tête de quelques entreprises que ce soit, ce n'est la
10 mienne, je ne saurais vous répondre, et vous donner un seul exemple.
11 Q. Moi, je vous ai posé des questions concernant vos allégations au
12 paragraphe 7, vous avez dit que, ces changements ont été visibles, parce
13 que les ouvriers ne touchaient plus leurs salaires, il y a eu des grèves,
14 et ainsi de suite. Par conséquent, je voulais dire et demander si les
15 Musulmans étaient les seuls à avoir ces problèmes, à faire la grève ou est-
16 ce que les problèmes et la crise économique et sociale avaient affecté tout
17 un chacun ?
18 R. Ceux qui faisaient la grève, c'étaient surtout ceux qui étaient dans
19 des entreprises qui avaient des ouvriers nombreux, à savoir des Bosniaques.
20 Je précise qu'il s'agissait de Zenit, une usine de fil de fer, et dans ce
21 type d'entreprise cela se passait ainsi, étant donné que nous dépendions de
22 l'économie Belgradoise. Nous exportions vers Belgrade et depuis Belgrade on
23 exportait les chaussures vers l'URSS. Mais il nous a été difficile de nous
24 faire payer nos biens, nos marchandises, par Centre Textile, une entreprise
25 de Belgrade qui s'occupait de l'exportation. Donc, il apparaissait
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1 clairement que les sociétés, les entreprises où il y avait une majorité de
2 Bosniaques, l'on encaissait plus difficilement le produit des exportations
3 qu'ailleurs.
4 Q. Vous voulez dire donc que les Musulmans ont ressenti davantage les
5 effets de la crise économique, que cela n'a été le cas des Serbes ? C'est
6 bien ce que vous voulez dire ?
7 R. Oui, en gros, c'est cela.
8 Q. Allons de l'avant.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation]. Monsieur May, pour ce qui est des événements
10 de Bijeljina, je crois qu'il y a eu un grand nombre de témoins. Etant donné
11 que celui-ci est un témoin en vertu du 92 bis, je ne vais pas reprendre des
12 choses que nous avons déjà traitées. Nous en avons parlé longuement, si je
13 répétais tout cela, je n'aurais pas le temps de nous consacrer aux
14 spécificités de la déclaration de ce témoin. C'est la raison pour laquelle,
15 s'agissant de ces événements, je n'ai pas l'intention de m'y attarder,
16 notamment pas avec ce témoin-ci.
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Si vous agissez de la sorte
18 pour d'autres témoins, si vous retenez cette position, nous comprenons bien
19 pourquoi vous le faites, et nous vous encourageons de toute façon à faire
20 des économies de temps, là où c'est possible.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis contraint de faire des économies de
22 temps parce que pour une 92 bis, on n'a prévu pour moi qu'une seule heure.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Monsieur Hrustanovic, au paragraphe 10, vous dites qu'en date du 31
25 mars 1992, vers 21 heures vous avez pu entendre des coups de feu, vous avez
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1 téléphoné à votre belle-soeur à Janja, et elle vous a dit que la guerre
2 avait commencé.
3 R. Oui.
4 Q. Que vous avez téléphoné à d'autres amis, et comme personne ne savait ce
5 qui se passait, on vous a dit que des gens étaient déjà abattus, c'est bien
6 ce que vous avez déclaré ?
7 R. Oui.
8 Q. Dites-moi d'abord, ce que votre belle-sœur vous a dit, est-ce que la
9 guerre a commencé à Bijeljina ou Janja ? Où est-ce qu'il y a eu des
10 échanges de tirs ?
11 R. Elle m'a dit que la guerre avait commencé à Bijeljina.
12 Q. A quelle distance se trouve Janja ?
13 R. A 11 ou 12 kilomètres.
14 Q. Et à Janja, il ne s'est rien passé du tout, n'est-ce pas ?
15 R. A ce moment-là, non.
16 Q. Et vous affirmez qu'aucun de vos amis ne savait ce qui se passait.
17 Comment ont-ils su que des personnes avaient été abattues, alors ?
18 R. Parce que j'ai d'abord téléphoné à Janja.
19 Q. Là où il ne se passait rien.
20 R. Il ne s'est rien passé à Janja, mais ils ont communiqué avec les
21 autres, et ils ont appris d'où venaient les tirs. Moi, je ne pouvais pas
22 les entendre, étant donné qu'à l'époque, j'étais couché, je dormais.
23 Q. Mais vous dites, au paragraphe 10, que vous avez entendu des tirs,
24 maintenant vous venez de nous dire que vous ne les avez pas entendus. Vous
25 les avez entendus ou pas ?
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1 R. Je les ai entendus dans une certaine mesure. Alors il y a eu une
2 situation chaotique, un remue-ménage, j'ai bondi de mon lit. J'ai téléphoné
3 à Janja, on m'a répondu sur ce qu'ils savaient, puis j'ai téléphoné à des
4 gens à Bijeljina, le tout c'était du ouïe-dire. Mais toujours est-il qu'il
5 y a eu des tirs, et c'était très bruyant.
6 Q. Mais est-ce que les gens, est-ce que c'est des gens de Bijeljina ou des
7 environs qui ont été tués, et si oui lesquels, la nuit du 31 mars 1991 ?
8 R. Non, ils ne m'ont pas dit lesquels, ils ont juste entendu du bouche à
9 oreille. Et ce n'est que par la suite, par les medias que l'on a appris
10 qu'il y en avait de 2, 3, 4, 5, voire 6 de tués. Et par la suite, il y a eu
11 un blocus informatif pour ce qui nous concernait, du reste.
12 Q. Quand vous dites pour ce qui nous concernait, vous parlez des habitants
13 de Bijeljina ?
14 R. Oui, je parle des habitants de Bijeljina. Parce que au 3e et 4e et 5e
15 jour, le relais radio à Majevica a été endommagé, et nous n'avons plus de
16 retransmission.
17 Q. Mais savez-vous nous dire combien de gens ont été tués ?
18 R. Est-ce que vous parlez du total ?
19 Q. Oui, je parle de Bijeljina, dans l'ensemble, savez-vous nous le dire ?
20 R. On a parlé d'un chiffre de 600 habitants de Bijeljina qui ont été tués.
21 Q. Vous dites, on a parlé du chiffre.
22 R. Oui, c'est une spéculation.
23 Q. Bien, mais qui sont les gens, les personnes qui ont été tuées ?
24 R. Je peux vous donner les noms de certaines personnes. Il est certain que
25 je ne peux pas vous donner la liste entière mais des familles entières ont
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1 disparu.
2 Q. Qui est-ce qui les a tués ces gens, et où ?
3 R. Ils ont été tués en gros, et pour l'essentiel par des gens d'Arkan, et
4 des hommes de la Garde qui étaient placés sous les ordres de capitaine
5 Dragan, et les Chetniks du Duc [sic][phon] Mile Blagic. C'est le 31 mars
6 qu'ils sont entrés dans Bijeljina.
7 Q. Enfin cela diffère de ce que d'autres témoins nous ont dit. Nous allons
8 laisser cela de côté pour une occasion ultérieure.
9 Vous dites au paragraphe 11 que vous avez été très prudent au téléphone,
10 parce que vous avez appris que les téléphones étaient sur écoute.
11 R. Oui, les communications se croisaient. On ne savait plus qui parlait
12 avec qui, il y avait des interférences. Mais j'ai dit que j'ai eu du mal à
13 contacter la personne que je voulais contacter.
14 Q. Donc, il y a probablement eu une panne au niveau de la centrale
15 téléphonique ? Pourquoi, enfin comment pourriez-vous expliquer que
16 quelqu'un mette à l'écoute votre téléphone à vous ?
17 R. Je crois que c'était délibérément organisé ainsi. Ce n'était pas une
18 panne, on avait fait exprès.
19 Q. Mais dites-moi, Monsieur Hrustanovic, quelles étaient les fonctions qui
20 étaient les vôtres, à ce moment-là ?
21 R. J'étais membre du comité directeur chargé des questions économiques et
22 financières d'une usine, fabriquant du matériel de protection au travail,
23 qui s'appelait Zenit.
24 Q. Donc vous étiez membre de la direction de cette entreprise, Zenit, qui
25 fabriquait des chaussures de travail ?
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1 R. Oui, et j'étais directeur adjoint d'Elektro.
2 Q. Oui, mais quelle serait une raison pour laquelle on mettrait votre
3 téléphone à vous sur écoute ? Quels sont les secrets qu'on serait
4 susceptible d'entendre ?
5 R. Il y a eu interférence au niveau des lignes, de là à savoir qui
6 écoutait qui, ça je ne sais pas vous le dire, je n'en sais rien. Je suppose
7 seulement que des personnes ont été à l'écoute.
8 Q. Vous pensez que des personnes étaient placées sous écoute, et parmi ces
9 personnes vous pensez que vous en faisiez partie, vous-même ?
10 R. En quelque sorte.
11 Q. Vous voulez dire que les Serbes avaient mis votre numéro de téléphone
12 sous écoute ?
13 R. Ceux qui ont créé tout ce remue-ménage à Bijeljina ont certainement
14 placé cela sur écoute, et c'étaient des Serbes.
15 Q. Bien. Comment ont-ils fait tout cela ? Il n'y avait-il que les Serbes à
16 le faire, ou alors, j'entends au niveau de la police de Bijeljina au centre
17 de sécurité publique de Bijeljina, voire au niveau de la poste de
18 Bijeljina. N'y avait-il, là-bas, que des Serbes d'employés, ou y avait-il
19 des employés tant serbes que musulmans ?
20 R. Il y a eu des employés, des uns et des autres, mais lorsque ceux que
21 j'ai énumérés sont arrivés, ils ont repris toutes les fonctions en ville.
22 Ce qui fait qu'ils ont refoulé de leurs postes tous les -- à tous les
23 Musulmans.
24 Q. Mais vous dites que les Bosniens et les Musulmans ont, avant cela, été
25 révoqués de leur poste, dès après la mort de Tito, après 1980.
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1 R. Ce n'est pas ce que j'ai dit.
2 Q. Ecoutez. C'est la question que je vous ai posée tout au début. Vous
3 avez dit que les choses avaient commencé à évoluer, à changer, que les
4 Musulmans étaient refoulés des postes où ils étaient, que le secrétaire de
5 la Ligue des communistes était devenu Serbe, que les autres étaient -- aux
6 autres postes, il y avait les Serbes. Mais là, dans ces événements, il n'a
7 pas été question de la Ligue des communistes ?
8 R. Vous n'avez pas bien lu.
9 Q. Ecoutez. Moi, je n'ai pas à faire référence à ce que j'ai lu.
10 Seulement, j'ai écouté ce que vous avez dit.
11 R. Ce n'est pas ce que j'ai dit.
12 Q. Je crois vous avoir entendu ainsi. Et vous avez dit que le secrétaire
13 de la Ligue des communistes, enfin, que c'est au niveau municipal, un Serbe
14 qui est devenu le chef de la Ligue des communistes de la localité.
15 R. Oui. Et au bureau de poste, il y avait des gens qui travaillaient, des
16 Serbes, des Musulmans. Et le 31 mars justement, ils ont pris toutes ces
17 positions, ils avaient placé des gardes. Cela a été fait par les bons soins
18 d'Arkan, du capitaine Dragan. Il n'y avait plus personne, il n'y avait plus
19 de Musulmans. Et ils pouvaient, avec les lignes téléphoniques faire tout ce
20 que bon leur semblait. Ils pouvaient mettre sur écoute. Il y avait toujours
21 des gens de la localité qui étaient à portée de main pour leur venir en
22 aide, à ce sujet.
23 Q. J'ai reçu des renseignements différents confirmés d'ailleurs par
24 d'autres témoins. Ce n'était pas du tout le capitaine Dragan. C'était un
25 garde serbe -- une garde serbe dirigée par Mauzer. Donc, un citoyen de
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1 Bijeljina.
2 R. Mauzer n'a fait que les rejoindre, ces hommes.
3 Q. Mais dites-moi ceci : Vous déclarez que les tirs se sont poursuivis sur
4 trois ou quatre jours, ensuite. Et que c'est par les médias que vous avez
5 appris qu'il vous fallait rester chez vous. C'est bien cela ?
6 R. Oui. Et dans chaque rue, on avait désigné un commissaire. Et ces
7 commissaires nous ont dit qu'il ne fallait pas sortir. Qu'il fallait rester
8 chez soi. Il y avait notamment parmi eux, Dragan Jelisic, qui s'occupait de
9 notre quartier. Puisque nous étions voisins. Il est venu voir un ami à lui
10 qui avait sa maison juste à côté de la mienne. Moi, je suis sorti de chez
11 moi. Il m'a dit : "Non, non, non, rentres chez toi." Quelque chose de ce
12 goût-là.
13 Q. Mais dites-moi ceci : Vous déclarez que c'est par les médias que vous
14 avez appris qu'une quarantaine de personnes avaient été tuées ?
15 R. Oui.
16 Q. Quels sont les médias qui ont fait état de la chose ?
17 R. Il y avait que la télévision de Bijeljina, ou ça s'est peut-être passé
18 par la TV Sarajevo. Et puis, ces émissions-là ont été interrompues, elles
19 aussi. Plus tard, nous avons appris l'identité de toutes les personnes
20 portées disparues, des familles toutes entières ont été anéanties. De cette
21 façon, elles ont été tuées dans le centre-ville.
22 Q. Nous avons déjà eu l'occasion tout ceci, ici même. Et ce que vous dites
23 est tout à fait différent de ce que disent d'autres témoins. Mais je ne
24 veux pas m'attarder sur ce point, maintenant. Vous affirmez quelque chose
25 au paragraphe 14. Vous dites que des Bosniens en âge de porter ont reçu en
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1 1992, des appels à la mobilisation, afin qu'ils servent dans l'armée de la
2 Republika Srpska, n'est-ce pas ?
3 R. D'abord, il y a eu appel aux convocations à la mobilisation générale.
4 Et au moment où il y a eu ces proclamations, nous, Musulmans, nous nous
5 sommes dit que ceci ne nous concernait pas. Cependant, en peu de temps,
6 tous les Musulmans ont reçu une convocation individuelle pour se rendre à
7 Novo Selo, dans le cadre de cette mobilisation. Moi, je n'ai pas répondu à
8 l'appel, mais beaucoup l'ont fait. Plus tard, ceux qui ont répondu à la
9 convocation, ont reçu des papiers de mobilisation, et ont été envoyés sur
10 la ligne de front. Ceux qui n'avaient pas répondu ont reçu un traitement
11 tout à fait différent. On nous a envoyés dans le cadre de ces travaux
12 forcés, obligations de travail. Mais moi, pour moi, c'est de la prison.
13 C'est de l'esclavage. C'est comme cela que je l'appelle.
14 Q. Est-il vrai de dire que ceci s'appliquait aussi bien aux Serbes qu'aux
15 Musulmans ? Ceux qui étaient dans l'armée n'avaient pas d'obligation de
16 travail, et ceux qui n'étaient pas dans l'armée en avaient une ?
17 R. Non, non. Il n'y avait pas de Serbes qui recevaient cette obligation de
18 travail.
19 Q. Il y avait combien de Musulmans de Bijeljina dans l'armée de la
20 Republika Srpska ?
21 R. Je ne connais pas le nombre exact, mais il y en avait pas mal. Et pour
22 l'essentiel, c'étaient des hommes qui ont été envoyés à Pelagicevo et à --
23 en Posavina. Ils n'ont pas été envoyés à Teocak ou à Majevica, parce que
24 là-bas, ils avaient beaucoup d'amis. Il y avait des liens familiaux.
25 Q. Ne parlons pas des endroits où ils ont été envoyés. Ces Musulmans, qui
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1 étaient dans l'armée de la Republika Srpska, ils portaient des armes,
2 n'est-ce pas ? Ils étaient armés, aussi ?
3 R. Sans doute que oui. Ils avaient sans doute, des armes.
4 Q. Connaissez-vous le nom d'officiers musulmans qui auraient été à la tête
5 d'unités de l'armée de la Republika Srpska de Bijeljina ?
6 R. Je connais deux de ces hommes.
7 Q. Comment ils s'appellent ?
8 R. Jahic Mujica et Pasaga Halilovic.
9 Q. Est-ce que ce dernier était commandant d'une brigade ?
10 R. Ce n'était pas une brigade. Mais c'était une formation assez
11 importante.
12 Q. C'est un Musulman, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Il y avait combien de Musulmans dans ces unités ? Ils se comptaient par
15 centaines ou par milliers ? Combien étaient-ils ?
16 R. Je ne peux pas vous répondre. Je sais qu'il y a eu assez de Musulmans
17 qui sont allés sur la ligne de front.
18 Q. Vous avez donné un autre nom. Quel était le poste de cet homme ?
19 R. Il avait un grade, je pense. Il n'était pas à la tête d'une formation,
20 mais il était engagé.
21 Q. C'était aussi, un Musulman de l'armée de la Republika Srpska ?
22 R. Oui.
23 Q. C'était un officier, dans cette armée de la Republika Srpska ?
24 R. Oui.
25 Q. Si j'ai bien compris vos dires, vous n'avez pas répondu à la
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1 convocation, à l'appel à la mobilisation ?
2 R. Non.
3 Q. Poursuivez.
4 R. C'est pour ça, que j'ai fait l'objet d'un traitement différent. C'est
5 cette raison-là qui fait que j'ai dû aller creuser des tranchées de
6 communication, et tout ce qui était fortification des lignes.
7 Q. Fort bien. Monsieur Hrustanovic, vous avez refusé de répondre à cet
8 appelé. Est-ce que vous avez été arrêté ?
9 R. J'aurais pu l'être, mais j'ai réussi à éviter d'être arrêté, parce que
10 je n'avais pas mes papiers sur moi. Ce qui m'aurait permis de me déplacer
11 librement.
12 Q. Vous dites que vous aviez fait cette obligation de travail, de façon à
13 ce que tout le monde puisse vous voir. Et vous ne pouviez éviter personne,
14 si quelqu'un voulait vous voir, n'est-ce pas ?
15 R. Votre question n'est pas très claire.
16 Q. Vous dites avoir évité d'être arrêté. Pourtant, vous vous êtes acquitté
17 de ces obligations de travail en même temps que d'autres personnes. Donc,
18 vous ne vous êtes caché nulle part ?
19 R. Non, non. J'étais chez moi. J'ai reçu cet appel à mobilisation. Et je
20 devais, en vertu des ces papiers, me présenter dans une cour d'école, de
21 l'école Fadil Jahic Spanac, le 10 août 1993, qui est juste en face du MUP
22 ou du SUP. Ça dépend comment vous appelez cet endroit. Nous étions 40 ou
23 47, plus exactement. Il y en avait 17 de Bijeljina, et 30 de Janja. Nous
24 avons été emmenés à Brcko.
25 Q. Vous deviez aller travailler là-bas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Au paragraphe 15, vous dites que le cinquième jour, par rapport au
3 début, vous étiez sorti avec votre voisin dans la rue pour la première fois
4 pour voir ce qui se passait ?
5 R. Oui.
6 Q. Donc, c'est seulement le cinquième jour que vous avez appris ce qui se
7 passait ?
8 R. Oui. Et les détails, on ne les a appris qu'à ce moment-là.
9 Q. Et puis, des Serbes en uniforme vous ont ramené chez vous parce qu'on
10 n'était pas en sécurité dans la rue. C'est cela ?
11 R. Oui. C'est seulement plus tard que nous avons compris comment il était
12 dangereux de sortir. On aurait pu être tué.
13 Q. Et ces Serbes qui vous ont ramené chez vous, vous ont renvoyé chez
14 vous, ils l'ont fait de façon à ce que vous ne soyez pas en but à des tirs,
15 n'est-ce pas ?
16 R. Oui. C'est un voisin, c'est Jelisic. Il était surnommé Adolf. Il avait
17 un ami et c'est lui, c'est cet ami-là qui nous a renvoyé chez nous. Mais il
18 n'était pas seul, il y avait d'autres hommes avec eux.
19 Q. Donc, ils vous ont renvoyé chez vous. Mais ils ne vous ont pas fait
20 subir de mauvais traitements. Ils ne vous ont pas fait subir de mauvais
21 traitements, ils ne vous ont pas insulté se faisant ?
22 R. Non. Ils nous ont simplement renvoyé chez nous. Il nous a fallu ramper
23 pour rentrer, nous cacher chez nous parce qu'au moment, c'était très
24 dangereux d'être dehors.
25 Q. Fort bien, Monsieur Hrustanovic. Vous êtes Musulman et vous avez fait
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1 pratiquement toute votre carrière en poste de gestion, de direction ?
2 R. Exact.
3 Q. Et lorsque les événements ont commencé à Bijeljina, vous étiez vice-
4 directeur général, n'est-ce pas ?
5 R. Oui.
6 Q. Vous étiez un membre respecté, un membre éminent, un notable de la
7 communauté de Bijeljina ?
8 R. Oui, tout à fait.
9 Q. Pourtant, au paragraphe 22 de votre déclaration au préalable, vous
10 dites qu'une des caractéristiques de la campagne serbe avait pour objet à
11 intimider la population non-serbe. C'était le licenciement massif de tous
12 les non-Serbes. C'est bien ce que vous déclarez, n'est-ce pas ?
13 R. Oui. Et j'ai dit qu'il y avait des personnes qui étaient irremplaçables
14 mais finalement, mon tour est bien vite arrivé. Nous tous, nous avons été
15 écarté. Zenit était une entreprise difficile, très difficile.
16 Q. Et vous avez fait toute votre carrière à Bijeljina à un poste de
17 directeur ?
18 R. J'ai dirigé plusieurs entreprises au fil du temps et puis j'étais aussi
19 directeur d'une entreprise de restauration.
20 Q. A Bijeljina ?
21 R. Oui, oui. A Bijeljina.
22 Q. Et si j'ai bien compris, personne ne vous a jamais limogé ou maltraité,
23 même dans les rues de Bijeljina et même au moment du conflit alors que
24 n'importe quel Serbe aurait pu vous reconnaître puisque vous étiez un
25 notable, une personne bien connue à Bijeljina ?
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1 R. Mais c'est bien grâce à mes propres mérites, parce que j'étais en bons
2 termes avec tout le monde. Je n'ai empiété sur les prérogatives de
3 personne, ce qui veut dire qu'il n'y avait pas de raisons à me maltraiter,
4 à me faire subir ce genre de choses.
5 Q. Vous avez mentionné quelque chose en passant. Il y a quelques instants,
6 vous avez dit qu'il n'y avait que des non-Serbes irremplaçables qui étaient
7 restés en poste, qui avaient gardé leur emploi. Est-ce que ça veut dire que
8 les Serbes de Bijeljina ont opéré de façon sélective ? Ils ont fait un
9 choix ou une distinction entre les Musulmans remplaçables et les Musulmans
10 irremplaçables.
11 R. Je vais vous expliquer. Par exemple à Zenit, il y avait un spécialiste
12 en technologie et bien un homme de ce genre, il est impossible d'en trouver
13 un autre. Tous ceux qui faisaient de la technologie étaient des personnes
14 qu'il était difficile de remplacer ce qui veut dire qu'on a gardé ces
15 employés jusqu'au moment où on aurait formé d'autres éléments, ou aurait
16 fait venir d'autres personnes d'ailleurs. C'est ça que je voulais dire. A
17 un moment donné, ces personnes étaient indispensables, irremplaçables.
18 Irremplaçables dans la mesure où, s'il n'y a pas un autre électricien, et
19 bien, on gardait celui qui était déjà en poste, pareil pour un spécialiste
20 en technologie. En d'autres termes, c'étaient des personnes qui n'étaient
21 pas facile de remplacer de façon adéquate rapidement.
22 Q. Est-ce que vous voulez dire qu'il n'y avait pas d'électriciens et de
23 techniciens serbes ? Que c'est la raison pour laquelle ces Musulmans sont
24 restés en poste ?
25 R. Je vous donnais simplement un exemple en parlant d'électricien.
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1 Q. Fort bien, Monsieur Hrustanovic. C'est un peu bizarre que ce soit là la
2 seule raison pour laquelle les Musulmans ont gardé leur emploi. Vous avez
3 parlé du grand nombre de Musulmans qu'il y avait dans la VRS, qui venaient
4 de Bijeljina. Vous avez parlé aussi d'officiers de la VRS qui étaient
5 Musulmans. Est-ce qu'eux aussi étaient irremplaçables ?
6 R. Non. Non. Ils ont accepté d'être loyaux et fidèles à la Republika
7 Srpska.
8 Q. Vous nous parlez de ce Pasaga Halilovic. Est-ce qu'il était directeur
9 d'entreprise à Bijeljina auparavant ?
10 R. Oui, de Duvan.
11 Q. Est-ce qu'il l'est toujours directeur aujourd'hui ?
12 R. Dès qu'il a terminé son travail, ils se sont débarrassés de lui comme
13 ils se sont débarrassés de moi, de la même façon.
14 Q. Il a été chassé de Bijeljina ?
15 R. Oui. Maintenant, il se trouve à Gradacac dans la fédération de Bosnie-
16 Herzégovine.
17 Q. Le 10 août, c'est ce qui est dit dans votre déclaration au préalable,
18 vous avez été placé en détention. Vous avez été emmené à Omerbegovaca, près
19 de Brcko.
20 R. Oui.
21 Q. Dites-moi ceci. Est-ce que vous avez été arrêté ou est-ce que c'était-
22 là, une activité de travail ? Parce que quand vous dites "détenu", c'est
23 placé en détention, c'est incarcéré.
24 R. Je ne sais pas comment je peux vous l'expliquer. Je peux vous dire que
25 nous étions 47, qu'on nous a ramassé et qu'on nous a conduit dans cette
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1 direction-là. Donc, c'est comme si j'avais été fait prisonnier. C'est pour
2 ça que j'ai déclaré que c'était une peine de prison pour moi.
3 Q. C'est comme si vous aviez été arrêté, le fait qu'on vous a emmené faire
4 ces travaux forcés ?
5 R. Oui.
6 Q. Mais est-ce que vous avez été maltraité, frappé, l'objet de menaces à
7 l'arme à feu ?
8 R. Oui. Nous avons rencontré ce genre de situations très déplaisantes.
9 Certains d'entre nous ont été gravement passés à tabac, roué de coups.
10 D'autres ont presque été battus à mort. Leurs visages avaient la couleur de
11 l'écran noir que je vois ici devant moi.
12 Q. Fort bien. Mais n'avez-vous pas dit vous-même que ce conflit et la
13 campagne antimusulmane avait commencé plus tôt. Vous dites, même en 1991 et
14 qu'à ce moment-là, elle battait son plein. Est-ce que ce n'est pas ce que
15 vous dites ? Vous parlez d'une campagne dirigée contre les Musulmans ?
16 R. Campagne, oui. Mais il n'y avait pas de conflit.
17 Q. Fort bien. Une campagne, dites-vous. Et vous, vous étiez un notable,
18 Musulman respecté à Bijeljina. Ce n'est pas contesté, n'est-ce pas ?
19 R. Non.
20 Q. Mais alors comment est-ce qu'il se peut que c'est en août 1993
21 seulement, que les Serbes vous ont détenu ou arrêté si vous affirmez que la
22 persécution contre les Musulmans avaient commencé plusieurs années
23 auparavant ?
24 R. Les autres Serbes sont venus. Tout le monde était réprimé mais les
25 hommes de Krajisnik, de Krajina, d'Ilidza sont venus chez nous. Il n'était
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1 plus possible de faire la différence entre les différents Serbes. On ne
2 savait plus qui vivait à Bijeljina.
3 Q. Fort bien. Vous dites que cette fois-là, les Serbes vous ont placé à la
4 tête d'un groupe d'une dizaine de personnes ?
5 R. Lorsque nous sommes arrivés à Omerbegovaca, près de Brcko, ils nous ont
6 réparti en groupes.
7 Q. Et on vous a mis à la tête d'un de ces groupes ?
8 R. Oui. Et c'est la première fois que j'ai vu qui se trouvait dans ce
9 groupe avec moi parce qu'auparavant, j'étais vraiment traumatisé.
10 Q. Dites-moi ce qui vous a traumatisé, ce qui vous a choqué de cette
11 façon ?
12 R. Et bien, le fait qu'on m'ait humilié, qu'on m'ait emmené creuser des
13 tranchées, des abris, et qu'on m'ait emmené fortifier la ligne de front de
14 l'armée de la Republika Srpska. C'est ça qui m'a choqué.
15 Q. Mais dites-moi, je vous prie. Est-ce que quelqu'un vous a infligé des
16 sévices de quelque nature que ce soit ? Est-ce que quelqu'un vous a frappé
17 ou malmené, maltraité d'une façon ou d'une autre ?
18 R. Moi, personnellement, non. Mais d'autres membres de mon groupe, oui.
19 Ils ont malmené un ou deux des membres de ce groupe, Suljo Osmanovic, dont
20 le nom est inscrit dans la déclaration écrite -- quelques questions.
21 Q. Vous dites au paragraphe 26 que pendant que vous étiez
22 sur ces positions, cet homme, comment s'appelait-il ?
23 R. Osmanovic.
24 Q. Ce Suljo Osmanovic donc a été tué. J'ai pris note de cela.
25 R. Oui, oui, c'est Osmanovic.
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1 Q. Bien.
2 R. Et ceci. le 20 août 1993.
3 Q. Et bien, que tout soit clair sur ce point. Il est mort, il a été tué
4 par un obus qui a été tiré à partir des positions musulmanes, n'est-ce pas
5 ?
6 R. Oui.
7 Q. Donc personne ne l'aura en fait tué à cet endroit, aucun des Serbes qui
8 étaient avec vous ?
9 R. Mais, je vais vous expliquer comment les choses se sont passées. Il y
10 avait des équipes, les hommes se relevaient -- se relayaient. Une équipe
11 relevait l'équipe précédente au bout de deux ou trois jours. Et, en
12 général, au moment de la relève, certains des jeunes gens de l'armée de la
13 Republika Srpska, je veux dire donc les plus jeunes si on peut dire les
14 choses ainsi, parce que l'armée de la Republika Srpska avait un armement
15 massif. Donc, il commençait à tirer sur les positions tenues par les
16 combattants de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Et lorsque les tirs cessaient
17 de la part de l'armée de la Republika Srpska, à ce moment-là, un obus a été
18 -- donc lorsque les obus ont -- lorsque les tirs ont cessé, un obus a été
19 tiré par les Ljiljans, du côté bosniaque. Cet obus a frappé un tronc
20 d'arbre et il y avait un homme, là, qui creusait des tranchées, qui a été
21 touché par un éclat d'obus au front. Et lorsqu'ils ont réussi à le
22 transférer ailleurs, il était déjà mort. En fait, on l'a emmené à Belgrade.
23 C'est ce qu'on nous a dit en tout cas. Et il est mort une fois arrivé là-
24 bas. C'est le seul qui a été renvoyé chez lui, parce que Suljo avait
25 plusieurs sœurs qui ont demandé à le localiser, à savoir où il était. Et
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1 par le biais de la Croix rouge, une fois que l'endroit où il se trouvait a
2 été découvert, il a été ramené et enterré à Sremska Mitrovica.
3 Q. Donc il est mort suite à ses blessures alors qu'il était transféré vers
4 l'hôpital ?
5 R. Oui, probablement.
6 Q. Et bien, dites-moi, il a donc reçu une blessure mortelle durant
7 l'attaque des Musulmans sur les positions serbes. On peut dire les choses
8 de cette façon ?
9 R. Ce n'était pas une attaque. C'était simplement des provocations parce
10 que les autres ne cessaient pas de tirer et donc il y avait -- on
11 répliquait de temps en temps.
12 Q. Fort bien. Donc, il est mort en raison des tirs de la part des
13 Musulmans, c'est bien cela ?
14 R. Oui.
15 Q. Et sur ces positions, il y avait de nombreux Serbes, n'est-ce pas ?
16 C'est exact ?
17 R. Du côté serbe, mais de l'autre côté --
18 Q. Evidemment pas du côté serbe [sic]. Mais il y avait de nombreux Serbes
19 à cet emplacement. Donc l'obus n'était pas sélectif, n'est-ce pas ? Il n'a
20 pas choisi de façon délibérée de tuer Suljo Osmanovic [sic]. Le problème
21 c'était que les positions serbes étaient visées et que c'est dans ces
22 conditions qu'il a été tué ?
23 R. Oui, il a été tué au niveau des positions serbes. Moi aussi, j'aurais
24 pu être tuer. Et aujourd'hui, lorsque je me rappelle ces journées, ces
25 événements, je ne sais pas comment je suis resté vivant, ils étaient six en
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1 uniformes et nous étions quatre à creuser les tranchées. Mais lui, c'était
2 le seul qui a été tué.
3 Q. Donc, il y avait six hommes en uniformes, n'est-ce pas ? Et il y avait
4 aussi des Musulmans, n'est-ce pas ?
5 R. Non, ils étaient tous Serbes.
6 Q. Ils étaient Serbes. Et les quatre autres, est-ce qu'il y avait des
7 représentants, des Serbes de la localité ?
8 R. Six, d'entre eux, étaient soldats de l'armée de la Republika Srpska,
9 ils étaient en uniformes et nous, nous travaillions, nous étions ceux qui
10 creusent.
11 Q. Fort bien. Alors, dites-moi ce qui suit : Vous êtes rentré le 4
12 septembre 1992, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Vous avez donc passé sur ces positions, 23 à 24 jours. C'est bien
15 cela ?
16 R. Vingt-six jours.
17 Q. Très bien, 26 jours. Vous n'avez pas été arrêté pendant tout ce temps-
18 là. Vous n'avez pas été emprisonné, n'est-ce pas ? Ce que je dis est
19 exact ?
20 R. Oui. A part une seule fois.
21 Q. Très bien. Dans votre déclaration, celle que vous avez faite devant les
22 représentants du ministère de l'Intérieur de Bosnie-Herzégovine à Tuzla le
23 7 octobre 1994, vous dites que votre frère est mort le 20 mai 1993. Est-ce
24 exact ?
25 R. Oui.
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1 Q. Vous dites que votre épouse, c'est vous qui le dites dans votre
2 déclaration -- s'est mise en ménage avec un autre homme, un Serbe, qui
3 s'appelle Dragutin Mackovic, qu'elle avait donc une liaison avec cet homme
4 pendant que votre frère était toujours vivant, n'est-ce pas ? Et votre
5 belle-fille est partie pour la France vers la fin de l'année de 1993, et
6 vous dites que cet homme dénommé Mackovic est resté pour résider, pour
7 vivre dans la maison.
8 R. Oui.
9 Q. Et c'est alors que vos problèmes ont commencé en rapport avec cette
10 maison, parce qu'il ne voulait pas la quitter, n'est-ce pas ?
11 R. Oui. Mais ce n'est pas ça la raison. La raison c'est qu'il voulait que
12 je lui donne une signature pour cette maison. Alors que cette maison
13 m'appartenait, j'en étais le propriétaire.
14 Q. Un instant. Reprenons tout cela dans l'ordre. Vous êtes engagé dans un
15 conflit non pas sur des bases ethniques mais en raison d'un problème
16 personnel, d'une divergence entre l'amant de votre belle-sœur et vous-même,
17 c'est cela ?
18 R. Et bien, les maisons ont été saisies et il pensait qu'il pouvait aussi
19 s'emparer de ma maison parce qu'elle avait laissé un certificat où elle lui
20 disait de me demander de signer pour que la propriété de la maison soit
21 transférée sur elle, donc sur ma belle-sœur. Et plus tard, elle aurait
22 transféré cette propriété sur lui.
23 Q. Un instant, je vous prie. Votre belle-sœur lui a laissé un certificat
24 en demandant que la propriété de la maison soit transférée à cet homme et
25 elle habitait dans cette maison pendant quelle était l'épouse de votre
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1 frère ?
2 R. Oui. Il était probable que c'est le prix qu'elle -- qu'on lui avait
3 demandé de payer pour qu'il la laisse partir hors de Bosnie.
4 Q. Fort bien. Je suppose que vous ne souhaitez pas déclarer que vous
5 n'avez pas l'intention de dire que quelqu'un aurait empêché votre belle-
6 sœur de partir. Et bien, des dizaines de milliers de personnes sont
7 parties. Des dizaines de milliers de Musulmans sont devenus réfugiés en
8 Serbie alors qu'ils provenaient de Bosnie, sans parler de ceux qui sont
9 partis pour d'autres pays. Personne ne les a empêchés de partir. Donc qui
10 est-ce qui aurait pu arrêter votre belle-sœur et l'empêcher de quitter
11 Bijeljina ?
12 R. Les informations dont vous disposez ne sont pas exactes.
13 Q. Et bien, de toute façon, nous n'allons pas contester cette divergence
14 personnelle que vous aviez avec quelqu'un. Nous n'allons pas dire qu'il
15 s'agissait d'un problème ethnique. Ce n'était pas une opposition, sur base
16 ethnique. C'était donc simplement entre vous et lui, un problème
17 personnel ?
18 R. On peut dire qu'il y avait également une origine ethnique à tout cela.
19 Q. Je suppose que votre belle-sœur ne vivait maritalement avec ce Mackovic
20 pour des raisons ethniques.
21 R. Et bien, c'est par amour qu'ils vivaient ensembles.
22 Q. Très bien. Mais avançons. Au paragraphe 31 de votre déclaration écrite,
23 vous parlez d'un homme dénommé Vojkan Djurkovic, si j'ai bien noté son nom.
24 Et vous ne le connaissiez pas, mais il a commencé à jouer un rôle important
25 dans votre vie, comme vous le dites vous-même.
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1 R. Oui.
2 Q. Et vous dites au paragraphe 35 que vous avez vu ce Djurkovic revêtu
3 d'un uniforme de la JNA ?
4 R. Je ne sais pas s'il était officier ou pas, mais il portait un uniforme
5 d'officier en tout cas, et c'était l'uniforme que portaient les officiers
6 de la JNA.
7 Q. Fort bien. Vous parlez d'une période particulière et vous parlez de ce
8 Djurkovic. Est-ce qu'à ce moment-là, il y avait une unité de la JNA à
9 Bijeljina ou est-ce qu'il y en a à quelque moment que ce soit ?
10 R. Je ne sais pas. Je n'avais pas accès à la caserne. A l'époque, on
11 appelait cela l'école Fadil Jahic Spanac.
12 Q. Mais, au paragraphe 38, vous dites que la fois suivante où vous l'avez
13 vu, ces paramilitaires étaient là.
14 R. Oui.
15 Q. Et qu'ils vous ont reconnu parce que l'un des policiers venaient
16 souvent chez vous. C'est bien ce que vous avez dit ?
17 R. Oui, pour me convoquer et me dire d'aller dans le bureau de Vojkan.
18 Q. Fort bien. Donc, il est clair que cet homme n'était pas officier de la
19 JNA mais qu'en fait, il était le chef d'une espèce d'unité paramilitaire ou
20 d'une unité para policière ou membres de la VRS ou de la police ou qu'est-
21 ce qu'il était ? Dites-moi ce qu'il était en réalité ? Qui était cet homme
22 ?
23 R. Il était chef et il dirigeait cette commission, la commission que l'on
24 appelait Commission chargé des échanges.
25 Q. Je vois.
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1 R. Mais il portait un uniforme.
2 Q. Je vois. Mais tout le monde portait un uniforme. Mais, par ailleurs, il
3 n'était originaire de Bijeljina, n'est-ce pas ?
4 R. Il était d'un village qui s'appelait Latoma [phon] situé tout près, non
5 loin de Bijeljina.
6 Q. Fort bien. Mais nous pouvons dire, donc, qu'il était de la municipalité
7 de Bijeljina.
8 R. Oui.
9 Q. Mais il n'était pas de Bijeljina de la ville, elle-même, mais d'un
10 village voisin, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Et vous dites que Djurkovic a exercé des pressions sur vous pour que
13 vous quittiez Bijeljina. C'est cela ?
14 R. Oui. Je pense que c'est bien ce qui s'est passé.
15 Q. Dites-moi, je vous prie, cet homme, ce Djurkovic et cet autre homme que
16 j'ai mentionné, il y a un instant, Mackovic, avec lequel vous avez eu ce
17 désaccord, vous étiez ami avec ces deux hommes, n'est-ce pas ?
18 R. Je suppose, oui.
19 Q. Donc, ils étaient bien vos amis ?
20 R. Oui.
21 Q. Mais revenir à ce Mackovic, un instant, il ne vous a pas demandé de lui
22 donner quoi que ce soit. C'est votre belle sœur qui lui a laissé un
23 certificat l'autorisant à s'emparer de la maison dont la propriété aurait
24 été transférée sur elle, la maison qui appartenait à votre frère.
25 R. Oui. Mais après cela, elle aurait signé un papier pour faire de lui le
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1 propriétaire.
2 Q. Fort bien. Qu'est-ce qui se serait passé dans cette hypothèse, nous ne
3 pourrons pas le savoir. Mais, en tout cas, elle, elle a laissé cette
4 feuille de papier où lui donnait pour instructions où elle lui demandait de
5 transférer la propriété de la maison sur elle. Donc, est-ce que ceci est un
6 différent interethnique ou est-ce que c'est un problème de relation
7 personnelle ?
8 R. Tout en fait, à ce moment-là, était lié à des problèmes ethniques.
9 Q. Tout était lié à des problèmes ethniques, je vois. Maintenant, quelques
10 jours plus tard, vous et votre famille, en présence de cet homme, à savoir,
11 ce Djurkovic, avez été envoyé à bord d'un camion jusqu'à un territoire qui
12 était contrôlé par les Musulmans, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Selon ce que vous dites dans votre déclaration devant les services de
15 Sécurité de Tuzla, un Serbe, dénommé Vujadin, vous a informé de tout cela.
16 C'est bien ce que vous avez dit ?
17 R. Oui. Il m'a dit de faire attention, de me méfiez de Dragutin.
18 Q. Mais de quel Dragutin, de Mackovic ou de Djurkovic ?
19 R. De Mackovic.
20 Q. Donc, c'était bien l'homme dont vous parlez, et bien l'homme qui
21 habitait avec votre belle sœur sans être marié avec elle.
22 R. Oui. Il m'a dit de me méfier parce qu'il était dans les parages et il
23 avait dit à Vujadin qu'il allait m'envoyer chercher pour me faire faire des
24 travaux forcés pour me contraindre à l'obligation de travail et qu'il
25 trouverait quelqu'un qui allait me tirer dessus.
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1 Q. Très bien. Selon ce que vous avez déclaré, tout cela se passait en mai
2 1994, n'est-ce pas ?
3 R. Oui. Tout cela s'est passé en 1994.
4 Q. Fort bien. Est-ce que vous l'avez dénoncé au poste de police local à ce
5 moment-là ?
6 R. Oui.
7 Q. Donc, en fait, vous aviez confiance dans la police. Vous pensiez
8 qu'elle allait vous protéger. Est-ce que les policiers étaient des Serbes ?
9 R. Je pense qu'à cet endroit-là, j'ai fait une énorme erreur. J'ai fait
10 une énorme erreur en le dénonçant parce qu'ils étaient tous du même bord.
11 Le Procureur, le Juge, ne faisait qu'un.
12 Q. Et puis, vous dites qu'une personne, inconnu de vous, a dévasté la
13 maison, vous a frappé, passé à tabac et vous a forcé à quitter la maison.
14 R. Oui et tout cela se passait sans arrêt parce que nous parlons d'une
15 série d'événements qui, finalement, m'ont contraint à quitter Bijeljina.
16 Avant, j'avais dit à Vojkan que je ne quitterais pas Bijeljina, mort ou
17 vif, que je n'avais aucune intention de déménager.
18 Q. Fort bien. Mais est-il vrai que vous avez dénoncé cet événement au
19 Centre de sécurité de Bijeljina ?
20 R. Oui.
21 Q. Et que ce sont des Serbes qui se trouvaient au Centre de sécurité,
22 n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Et vous dites que les policiers ont fait leur travail de façon
25 professionnelle, ont donc établi un rapport comme il se doit et que tout a
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1 été fait dans les règles, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Est-ce que vous lui avez dit que Vojkan Djurkovic vous avait forcé à
4 quitter votre maison ou est-ce que vous avez simplement décrit les hommes
5 qui vous avaient malmené le 30 mai ?
6 R. J'ai simplement parlé de l'homme surnommé Rosavi qui m'avait fait du
7 mal.
8 Q. Donc, vous avez décrit les hommes qui vous avaient malmené. Vous n'avez
9 pas dit que c'est en fait Djurkovic qui vous avait contraint à quitter
10 Bijeljina.
11 R. Mais tout cela a eu lieu à cause de Djurkovic.
12 Q. Je vois. Mais vous n'avez pas dit dans votre plainte à la police de
13 Bijeljina, vous n'avez pas dit cela. Vous avez simplement décrit les gens
14 qui vous avaient malmené lorsqu'ils ont dévasté votre maison.
15 R. Et bien, j'ai fait cette déclaration au poste de police. Elle ne
16 contenait pas simplement une ou deux phrases. J'ai fait une déclaration
17 complète, une déposition complète en racontant tout ce qui s'était passé.
18 Q. Très bien. Le 22 août 1994, Djurkovic vous a donc expulsé, vous-même et
19 votre famille, et vous êtes allé sur le territoire sous contrôle musulman,
20 n'est-ce pas ?
21 R. Le 22, il nous a encerclé et c'est seulement le 24 que j'ai traversé la
22 ligner pour passer sur le territoire sous contrôle de l'armée de la
23 République de Bosnie-Herzégovine.
24 Q. Qui était avec lui ?
25 R. Avec Vojkan, vous voulez dire ?
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1 Q. Oui.
2 R. Il y avait un policier avec un ceinturon et un baudrier.
3 Q. Vous voulez dire, donc, un policier chargé de la circulation qui
4 portait un ceinturon blanc parce que c'est ce que portait les policiers
5 chargés de la sécurité, n'est-ce pas, des ceinturons blancs ?
6 R. Je ne suis pas spécialiste de ce genre de choses.
7 Q. Vous dites que 161 personnes ont quitté Bijeljina en même temps que
8 vous. Mais poursuivez.
9 R. Trente cinq d'entre nous ont été encerclés, regroupés, le 22 et on nous
10 a emmené à Fazanerija à Suho Polje. Et le lendemain, 161 autres personnes
11 sont arrivées à bord de deux autobus. Et c'est seulement à 16 heures, après
12 interrogatoire et vérification, qu'on nous a emmené à Lopare en passant par
13 Priboj à bord de ces deux camions.
14 Q. Fort bien. Mais d'après ce que vous dites, vous avez parlé de 161
15 personnes qui sont parties avec vous. Donc, il semblerait qu'ils ont quitté
16 Bijeljina de leur propre gré.
17 R. En fait, personne n'a quitté Bijeljina de son plein gré. Il fallait
18 payer un prix élevé à Vojkan Djurkovic pour partir.
19 Q. Vous voulez dire qu'il fallait soudoyer Djurkovic pour qu'il vous
20 permette de quitter Bijeljina ?
21 R. Oui et pour éviter d'être frappé comme je l'ai été. Donc, ces personnes
22 ont dû payer Djurkovic, lui donner l'argent dont elles disposaient et
23 ensuite, elles ont été autorisées à emporter quelques objets personnels
24 avec elle dans un sac alors que moi-même, j'ai dû partir avec simplement, à
25 la main, un sac en plastique et tout ce que j'ai pu mettre dans ce sac, ce
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1 sont quelques vêtements de rechange.
2 Q. Ce qui veut dire qu'on ne vous a pas permis d'emporter des effets
3 personnels avec vous ?
4 R. Non. Aucun de ceux qui avaient été regroupés avec moi, n'a pu le faire.
5 Q. Très bien. Dites-moi, sur la base de ce que vous nous dites
6 aujourd'hui, personne ne vous a chassé d'où que ce soit, au contraire. Vous
7 dites que ces personnes avaient dû soudoyer un homme pour pouvoir partir.
8 Alors, tirons tout cela au clair.
9 R. Je n'ai pas dit "soudoyer".
10 Q. Mais vous avez dit que ces personnes avaient, d'après vous,
11 dû verser une somme d'argent.
12 R. Elles avaient subi un chantage de Vojkan, qui demandait d'argent, que
13 ces personnes puissent donner pour les aider à franchir les lignes.
14 Q. Très bien, au vu de ce que vous expliquez aujourd'hui, Djurkovic,
15 Mackovic, au sujet de Djurkovic, Mackovic et de vos rapports avec Mackovic,
16 ne vous semble t-il pas Monsieur Hrustanovic que la cause de votre départ,
17 est très différente de celle que vous avez donnée? Et qu'en tout cas ce
18 n'était pas le fait d'être expulsé de chez vous ?
19 R. Mais quelle aurait été cette cause ? Alors veuillez me le dire.
20 Q. Un problème personnel.
21 R. Non.
22 Q. Le problème que vous aviez avec ce Mackovic.
23 R. Non, non pas de problème personnel, pas du tout.
24 Q. Fort bien, si ce n'est pas cela, alors pourtant c'est bien ce que vous
25 avez dit, mais je ne vais pas bien sûr polémiquer ou me discuter avec vous
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1 sur ce point.
2 Mais dites-moi, ce Djurkovic dont vous avez parlé, qui d'après vous était
3 l'organisateur de ces expulsions, est-ce qu'il était membre d'une
4 organisation politique dans la région de Bijeljina ?
5 R. Je pense qu'il faisait partie du parti de l'unité serbe, ou quelque
6 chose de ce genre, je crois que c'était à peu près le nom de ce parti, le
7 parti d'Arkan.
8 Q. Je vous prie, il n'était pas membre de l'armée de la Republika Srpska,
9 ou de la police dans ce cas. C'était simplement un médiateur qui s'était
10 auto proclamé médiateur, et il existait une commission chargée des échanges
11 qui était dirigé par quelqu'un de très différent, et cet autre homme
12 dirigeait cette commission de la façon la plus officielle qu'il soit ?
13 R. C'est lui qui était le dirigeant officiel de cette commission.
14 Q. Fort bien, mais de toute façon des informations officielles existent à
15 ce sujet. Puisqu'il n'était pas membre de l'armée ou de la police, est-ce
16 qu'on peut dire la même chose de Mackovic, est-ce que Mackovic lui faisait
17 partie de l'armée ou de la police ?
18 R. Dans ma déclaration, il est dit que Mackovic ne faisait partie d'aucune
19 de ces formations, mais qu'il était membre du comité exécutif du parti
20 démocratique serbe.
21 Q. Mais ne vous semble t-il pas Monsieur Hrustanovic que vous avez en fait
22 été victime des agissements d'un groupe de délinquants, et pas d'une
23 campagne orchestrée par des Serbes contre vous ?
24 R. Je n'ai pas été la seule victime de tout cela. Il y a eu 30.000
25 habitants, c'était la population de Bijeljina, et tout le monde a été
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1 expulsé. 5 pour cent des Musulmans sont restés seulement, donc nous avons
2 tous été victimes de cela.
3 Q. Vous ne parlez pas de cela dans votre déposition, du nombre de
4 Musulmans qui sont restés dans la ville. Vous ne --savez-vous qu'un grand
5 nombre de Musulmans résident aujourd'hui, et travaillaient à Bijeljina.
6 R. Je sais comment ils vivent à Bijeljina, ces 5 pour cent qui sont
7 restés, 800 à 2000 personnes, ils ne vivent pas dans leur maison, ils
8 vivent dans des espèces de bâtiments préfabriqués, dans des abris, des
9 garages, des caves.
10 Q. Est-ce que vous-même, vous habitez à Bijeljina ?
11 R. Non, pas encore, je n'ai pas encore réussi à récupérer ma propriété,
12 j'habite à Tuzla.
13 Q. Très bien, est-ce que vous êtes allé à Bijeljina récemment ? Est-ce que
14 y avez fait une visite ?
15 R. Oui, j'étais membre de l'assemblée dans cette région. La première
16 assemblée créée après Dayton, en 1997-1998.
17 Q. Vous étiez donc membre de l'assemblée, combien d'autres membres de
18 l'assemblée musulmans ont-il été élus à Bijeljina ?
19 R. 12.
20 Q. Sur un total de combien de députés de l'assemblée municipale, de
21 représentants de l'assemblée municipale.
22 R. 60, donc 20 %.
23 Q. Ah 20 %.
24 R. Nous aurions dû avoir une représentation plus importante.
25 Q. Et puis donc à partir de ce moment-là, est-ce que vous n'avez pas pensé
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1 qu'il n'y avait pas de discrimination contre les Musulmans, de la part des
2 Serbes de Bijeljina ?
3 R. Nous étions simplement comme des ikebanas, comme une décoration
4 florale.
5 Q. Est-ce que vous tentez de dire que vous n'avez pas rempli vos
6 fonctions ?
7 R. Je vous dis, nous étions simplement là pour décorer les lieux.
8 Q. Est-ce que quelqu'un a exercé des pressions contre vous, pendant que
9 vous étiez membre de l'assemblée, est-ce que des pressions ont été exercées
10 contre vous en tant que Musulmans ?
11 R. Non, personne n'a exercé de pressions, mais simplement rien d'important
12 ne m'a été proposé. Et on ne nous demandait, que ce qu'on était obligé de
13 nous demander.
14 Q. Fort bien. Lorsque la guerre s'est achevée, lorsque vous vous êtes
15 retrouvé à Bijeljina, et que vous étiez membre de l'assemblée, est-ce que
16 vous avez évoqué le problème de Mackovic, et de Djurkovic, de leur
17 responsabilité, si vous pensiez que tout cela vous avez été fait de façon
18 illégale, en violation de vos droits ? Est-ce que vous l'avez fait savoir,
19 est-ce que vous avez porté plainte contre eux ?
20 R. Non, je n'ai porté plainte contre personne, mais une fois que les
21 conditions me permettront de le faire, je le ferai.
22 Q. Merci.
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je me permets d'interrompre. Est-ce que
24 vous en avez fini. A vous la parole Monsieur Tapuskovic.
25 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :
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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'en aurais que
2 pour quelques minutes.
3 Q. Monsieur Hrustanovic, vous avez fait deux déclarations, la première en
4 1994, et au paragraphe 3 de celle-ci on voit ce que vous avez dit, au
5 troisième paragraphe on lit, ce je cite : "Mes problèmes à Bijeljina n'ont
6 commencé qu'après la mort de mon frère." Cette déclaration montre donc, que
7 vous n'aviez aucun problème personnel jusqu'à mai 1993, jusqu'au 20 mai
8 1993, c'est bien ce qui est écrit ici.
9 R. Et bien, je n'avais pas de problème, j'avais des rapports tout à fait
10 corrects avec mes voisins.
11 Q. Merci. Et puis en réponse à la question posée par quelqu'un, je ne sais
12 pas qui exactement, vous dites que vous parlez du nombre approximatif
13 d'habitants d'Ilidza, et de la Krajina qui sont arrivés à Bijeljina, et qui
14 se sont emparés d'un grand nombre de propriétés dans la ville.
15 R. Oui.
16 Q. Pouvez-vous expliquer au Juge de cette Chambre d'où ces personnes
17 étaient venues, et quel était leur nombre, parce qu'elles avaient également
18 quitté leur domicile quelque part. Etes-vous au courant de cela ou pas ?
19 R. Je ne connais pas leur nombre, je sais que ces gens venaient
20 d'ailleurs, et qu'ils se sont emparés des positions plus importantes à
21 Bijeljina.
22 Q. Mais savez-vous d'où venaient ces personnes ? De la Krajina, ou de
23 Sarajevo ?
24 R. En général, on disait que ces personnes venaient de Krajina.
25 Q. Encore une chose, dans le résumé que nous avons sous les yeux, vous
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1 évoquez un Procureur, vous dites que 40 victimes sont tombées lors des tirs
2 à Bijeljina, et vous le dites donc dans la déclaration que vous avez faite
3 devant les enquêteurs. Je suis désolé si je me suis trompé, mais je pense
4 que vous avez dit aujourd'hui qu'à Bijeljina au cours du mois de mars 600
5 personnes avaient été tuées. Est-ce que je vous ai bien entendu ?
6 R. Je vais m'expliquer sur ce point. Les medias ont cité un chiffre de 40,
7 nous étions coupés de toute information à ce moment-là, et c'est seulement
8 plus tard, lorsque nous avons pu commencer à nous déplacer que nous avons
9 entendu ce qui s'était passé dans la région, et le bruit a commencé à
10 courir que 600 Bosniaques avaient été tués à Bijeljina.
11 Q. Au cours du mois de mars de cette année-là ?
12 R. Au cours du mois de mars de cette année-là.
13 Q. Merci beaucoup.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mme Bibles.
15 Mme BIBLES : [interprétation] Je n'ai pas de questions supplémentaires
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci.
17 Monsieur Hrustanovic, ceci met un terme à votre déposition, je vous
18 remercie d'être venu devant le Tribunal pénal international pour témoigner.
19 Vous pourrez maintenant vous retirer.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons suspendre jusqu'à 9 h, demain
22 matin.
23 --- L'audience est levée à 13 heures 48 p.m et reprendra le jeudi 43
24 septembre 2003, à 9 heures.
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