Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 4 novembre 2003

  2   [Audience publique]

  3   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  6   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, avant de poursuivre je voudrais

  8   vous poser la question suivante : Avez-vous pris en considération la

  9   possibilité de m'accorder davantage de temps parce que Lord Owen a passé

 10   trois ans aux fonctions de négociateur international primordial principal.

 11   Il est impossible de parcourir en trois heures ne serait-ce que de façon

 12   superficielle autant de questions.

 13   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons étudié la question -- nous

 14   vous l'avions dit. Vous aurez le premier volet de la journée, une heure et

 15   demie. Vous pourriez gagner du temps, économiser du temps en posant des

 16   questions plus concises, plus concentrées plutôt que de vous éterniser

 17   lorsque vous les posez. Allez-y.

 18   LE TÉMOIN: DAVID OWEN [Reprise]

 19   [Le témoin répond par l'interprète]

 20   Questions de la Défense, M. Milosevic : [Suite]

 21   Q.  [interprétation] Lord Owen, nous avons levé l'audience hier sur vos

 22   propos au sujet des crimes perpétrés par les Serbes et pour ce qui est de

 23   ma constatation au sujet des crimes perpétrés par toutes les parties en

 24   présence. J'espère que vous vous souviendrez du fait que nous avons parlé

 25   des camps en Bosnie-Herzégovine. Et vous vous souviendrez j'espère que

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  1   vous-même, Stoltenberg, et moi-même, ainsi que d'autres participants aux

  2   entretiens, le président Bulatovic notamment qui était présent, avions

  3   obtenu des assurances de la part de la direction de la Republika Srpska

  4   disant que mis à part les prisonniers de guerre et les prisons régulières,

  5   il n'y avait rien d'autres. Et on nous a affirmé que Radovan Karadzic avait

  6   convié Paddy Ashdown à venir pour s'assurer de lui-même. Il l'a fait et il

  7   a fait une déclaration par la suite, et il s'est avéré que ce qui a été

  8   repris par la presse ne s'est pas arrivé exact, vous en souvenez-vous ?

  9   R.  Pour ce qui est du premier volet de nos conversations avec M. Karadzic,

 10   je m'en souviens, c'est certain. Et elles se sont bien déroulées dans ce

 11   sens-là, nous avons reçu beaucoup d'assurance que ce soit à propos des

 12   camps ou à propos des otages. Il avait des gens qui avaient été faits

 13   prisonniers. Il est tout à fait exact de dire que ces questions étaient

 14   soulevées fréquemment par moi-même puis par M. Vance, avec M. Vance plus

 15   exactement, et puis quand même avec M. Stoltenberg et vous. Vous avez

 16   exhorté ces hommes pour veiller à ce que leur pratique soit acceptable aux

 17   yeux de la communauté internationale et à nos yeux.

 18   Q.  Et j'ai demandé la présence constante de la Croix rouge internationale.

 19   J'ai demandé qu'il soit procédé aux échanges de prisonniers suivant un

 20   principe tous pour tous. En a-t-il été ainsi ou pas, Lord Owen ? 

 21   R.  Il est certain que toujours vous avez cherché à faire participer la

 22   communauté internationale le CICR, et vous avez vu le chef du CICR de temps

 23   à autre. Je crois que nous avons eu un bien meilleur accès au camp. La

 24   situation était bien pire à mon arrivée début septembre 1992. Je pense que

 25   la situation s'est améliorée mais d'après ce que j'ai entendu dire plus

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  1   tard, les améliorations n'étaient pas ce qui avait été promis -- elles

  2   n'étaient pas aussi bonnes que celles qui avaient été promises.

  3   Q.  Oui, mais mon impression a été la suivante, et j'espère que vous avez

  4   eu la même impression, parce qu'un bon moment après la guerre il nous est

  5   parvenu des rumeurs disant qu'il y a eu des violations du droit de guerre

  6   internationale au niveau de certaines prisons, mais à l'époque quand la

  7   direction de la Republika Srpska, et j'entends là Karadzic, Koljevic,

  8   Krajisnik et autres qui avaient pris part aux activités politiques

  9   n'avaient pas connaissance de ses violations là. C'est du moins ce qu'on

 10   nous avait assuré. Et mon impression à moi était celle de croire qu'ils

 11   étaient sincères en nous le disant. Etait-ce votre impression à vous

 12   aussi ?

 13   R.  Je pense qu'un changement est intervenu au niveau de

 14   M. Karadzic. Au début, en 1992 ainsi qu'en 1993, cet homme donnait

 15   l'impression de comprendre la pression exercée par l'opinion internationale

 16   à propos des questions du droit humanitaire. Pour exemple, s'il arrivait

 17   que quelqu'un soit fait prisonnier, un étranger par exemple, et qu'on

 18   intervenait pour le libérer, il disait que ce n'était pas une prise

 19   d'otage, que c'était simplement une question de droit commun et qu'une

 20   procédure serait instaurée et que lui n'avait rien à voir dans tout cela.

 21   Au début, on avait l'impression que c'était juste mais il a essayé de

 22   bafouer l'opinion internationale sur les champs de bataille, et plus les

 23   plans se sont succédés, moins il est devenu digne de confiance, et on avait

 24   l'impression que ce n'était pas simplement des prisonniers mais des otages.

 25   Il nous a posé beaucoup de problèmes en 1994 et 1995 puisqu'il a eu à ce

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  1   moment-là des prises d'otages. Il devenait épatant. Il était beaucoup plus

  2   manifeste que c'était des otages politiques que ce n'était pas des gens qui

  3   avaient commis des délits.

  4   Mais vous le saviez cependant, nous ne pouvons rien faire de plus. Nous

  5   avons reçu des assurances de la part de M. Karadzic. Et moi, je n'étais pas

  6   d'accord avec vous selon lesquels ces engagements à lui étaient sincères.

  7   De plus en plus ils étaient moins sincères et moins convaincants.

  8   Q.  Je ne puis m'aventurer à étudier le degré de sincérité, mon impression

  9   était celle qu'ils avaient été sincères. Il a contribué le fait, si vous en

 10   souvenez, que certaines délégations, et même en arrivant en Serbie, avaient

 11   posé des questions sur des camps qui auraient été créés en Serbie. Vous en

 12   souvenez-vous de cela ?

 13   R.  Oui, je n'en ai pas un souvenir parfait, je l'avoue, mais je pense

 14   effectivement qu'on a parlé du camps en Serbie.

 15   Q.  Alors, vous en souvenez-vous alors du fait que face à une assertion

 16   aussi absurde que cela, je l'ai contestée non pas en fournissant des

 17   garantis disant qu'il n'y en avait pas, mais à chaque délégation qui posait

 18   ce type de question, je proposais de se servir de l'hélicoptère de

 19   permanence de la police et de placer sur un doigt sur la carte de la Serbie

 20   pour se déplacer vers l'endroit où ils avaient des doutes au sujet ou des

 21   suspicions, au sujet de l'existence de camps de quelle que nature que ce

 22   soit et j'ai dit qu'il n'en avait pas. Vous en souvenez-vous ?

 23   R.  Non, je ne m'en souviens pas, mais je n'ai aucune raison de douter de

 24   vous. Je pense que vous étiez assez confiant à propos de ce qui se passait

 25   dans votre pays dont vous étiez responsable, la Serbie et puis la

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  1   République fédérale de Yougoslavie. Mais je pense que vous saviez que ce

  2   qui se passait en Serbie au Monténégro. Je n'en ai pas le moindre doute.

  3   Q.  Mais je pense que vous devez forcément savoir qu'il n'y avait aucun

  4   camp sur le territoire de la Serbie et du Monténégro.

  5   R.  Le problème pour moi ce serait d'affirmer quelque chose que je ne sais

  6   pas. Ce n'est pas quelque chose qui est apparue sur mon radar si vous

  7   voulez de façon massive. Je m'intéressais surtout à l'époque aux camps qui

  8   existaient en Bosnie-Herzégovine. Je m'intéressais aux violations des

  9   droits de l'homme en Croatie au Kosovo ainsi qu'en Bosnie-Herzégovine.

 10   Souvent j'ai parlé avec vous de violation des droits de l'homme au Kosovo,

 11   et rappelez-vous je n'étais pas d'accord avec ce qui se faisait au Kosovo

 12   qui se trouvait sur le contrôle serbe.

 13   Q.  Le Kosovo est un sujet à part. Il s'agit-là d'une question de principe.

 14   J'ai estimé que le Kosovo était une question intérieure à nous et cela

 15   n'avait rien à voir du tout avec la guerre en Bosnie-Herzégovine en

 16   Croatie, d'une manière générale, avec les événements liés au démantèlement

 17   de la Yougoslavie, et ça vous le savez pertinemment.

 18   R.  Oui, je sais que c'était votre avis. Et bien sûr je n'étais pas

 19   d'accord avec vous. Et il nous fallait parvenir à une espèce de modus

 20   vivendi. Mais vous avez accepté que le mandat de la conférence de Londres,

 21   mandat que vous aviez accepté, signifiait que cette conférence

 22   internationale sur l'ex-Yougoslavie avait le droit de regard sur le Kosovo,

 23   et vous n'avez jamais exclu d'en parler. Vous avez montré de façon très

 24   claire que vous n'étiez pas prêt à en parler, que vous estimiez que nous

 25   n'avions pas le droit d'intervenir. Bien sûr, nous n'étions pas là pour

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  1   parler du Kosovo, mais si on parle de dialogue, je pense que le dialogue à

  2   propos du Kosovo a été le plus frustrant de tous. Vous en conviendrez, je

  3   suis sûr.

  4   Q.  Nous n'en avons pas parlé du tout parce que j'ai toujours considéré que

  5   c'était-là une affaire intérieure.

  6   R.  Ce n'est pas le souvenir que j'en ai. Nous avons bien parlé du Kosovo.

  7   Souvent vous avez dit que c'était une question de politique intérieure,

  8   mais ni moi-même, ni M. Stoltenberg, ni

  9   M. Vance n'avons accepté ceci. Il y avait désaccord très profond entre nous

 10   à ce propos.

 11   Q.  Pour ce qui est du désaccord à ce sujet-là, oui. Il a existé. Je ne

 12   conteste pas.

 13   Il est quelques sujets, Lord Owen, que j'essaierai de mettre sur le tapis

 14   pour profiter du peu de temps, du temps limité qui m'est imparti. Je vous

 15   demanderais donc à cette fin de me répondre de la façon la plus concise

 16   possible.

 17   D'abord, au sujet de la nature de la guerre. A plusieurs endroits dans

 18   votre ouvrage, dans votre livre sur la guerre en Bosnie-Herzégovine et au

 19   sujet des guerres sur le reste des territoires de l'ex-Yougoslavie, vous

 20   les qualifiez de guerres civiles et de guerres de sécessions. Par exemple,

 21   en page 5, paragraphe 1, moi j'ai ce CD-ROM que la partie adverse m'a

 22   confié, et la pagination de ce que vous avez sous les yeux, ce n'est pas de

 23   ma faute si ce n'est pas la même.

 24   Mais vous dites que toutes les guerres apportent du mal mais notamment les

 25   guerres civiles, et cela l'histoire entière l'a enregistré. Le fait que ces

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  1   guerres de Yougoslavie ont contenu des éléments de guerre de sécession et

  2   de guerre civile n'ont fait que contribuer à la gravité des conflits et à

  3   la difficulté d'apporter des jugements objectifs.

  4   Avez-vous estimé véritablement que ces conflits étaient d'une guerre civile

  5   et de sécession ?

  6   R.  Je crois qu'il y a eu dans ce conflit des éléments d'agression et qu'il

  7   était impossible de qualifier ce conflit de guerre civile dès le moment où

  8   la communauté internationale avait accepté l'indépendance de ce qui avait

  9   été jusqu'alors des républiques dans la région de l'ex-Yougoslavie.

 10   Cependant, dans mon livre, je ne nie pas que j'aie dit qu'il y avait des

 11   aspects de cette guerre qui relevaient de la guerre civile. A mon avis, la

 12   communauté internationale n'a jamais vraiment compris notamment cela, en

 13   tout cas, des parties importantes de la problématique.

 14   Q.  Je pense également que la communauté internationale n'a pas compris et

 15   c'est la raison pour laquelle votre explication est très utile parce que

 16   vous êtes la personne la plus compétente pour l'apporter.

 17   Nous avons constaté en effet hier que l'Armée populaire yougoslave se

 18   trouvait sur tout son territoire à elle et que, suite à la reconnaissance

 19   de l'indépendance de la république, elle s'est retirée de la Croatie une

 20   fois que le plan Vance a été adopté et que les Nations Unies sont arrivées,

 21   puis elle s'est retirée de la Bosnie-Herzégovine à la période que nous

 22   avons citée hier. Il a été par la suite créé une armée de la Republika

 23   Srpska. Depuis lors, il n'y pas eu de soldats étrangers du moins pour ce

 24   qui est de la Serbie ou du Monténégro, en d'autres termes, la République

 25   fédérale de Yougoslavie sur le territoire de cette république-là. Et

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  1   j'imagine que vous devez forcément vous en souvenir assez bien parce

  2   qu'avant cela, le tout était une Yougoslavie.

  3   R.  Oui, l'histoire est complexe. Et je ne prétends pas la maîtriser de

  4   façon complète, mais c'était une partie importante de la tâche qui

  5   m'incombait de comprendre comment était née la Yougoslavie, comment les

  6   frontières internes des différentes nations, des différentes régions de la

  7   Yougoslavie avait été établies, comment les cartes avaient été tracées. Et

  8   je ne suis pas à ce propos en désaccord avec vous.

  9   Q.  Je tiens à vous rappeler, et je ne lis votre livre, mais j'ai une

 10   chronologie des événements. Je crois que vous allez vous en rappelez, le 23

 11   juillet 1993, comme le dit cette chronologie, le co-président de la

 12   conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie, Lord David Owen, a rejeté

 13   la possibilité d'une intervention militaire en Bosnie-Herzégovine et a

 14   argumenté la chose en affirmant qu'il était difficile d'intervenir dans une

 15   situation qui n'est pas une agression.

 16   Et ensuite, on cite vos propos : "C'est ainsi qu'en partie que cette guerre

 17   a commencé, mais cela a toujours été un conflit entre les Serbes de Bosnie,

 18   les Croates de Bosnie, et les Musulmans de Bosnie."

 19   C'est ce que vous avez déclaré en juillet 1993. J'imagine que vous vous en

 20   souvenez de cela ?

 21   R.  Hélas, je ne me souviens pas de chacun des mots que j'ai eu l'occasion

 22   de prononcer, mais je pense qu'en principe la guerre en Bosnie-Herzégovine

 23   était une guerre opposant ceux qui y vivaient, mais il serait fou ou

 24   stupide de croire que c'était-là le seul aspect de cette guerre. Pendant

 25   toute cette période, cette période de mon mandat, il y avait des forces de

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  1   la JNA, des gens qui n'étaient nés en Bosnie-Herzégovine et qui opéraient à

  2   l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine et qui recevaient l'aide et

  3   l'assistance de l'armée yougoslave. Dans la même veine, il y avait des

  4   forces conséquentes venant de Croatie qui opéraient aux côtés des Serbes de

  5   Croatie et qu'ils leurs donnaient des armes et des munitions. Par

  6   conséquent, les deux états voisins limitrophes de la Bosnie-Herzégovine qui

  7   avaient été partis de la Yougoslavie dans le passé, à savoir, la Serbie et

  8   la Croatie, étaient parties prenantes à cette guerre et c'était-là des

  9   aspects en faisant une guerre civile qui traversait la Yougoslavie. Mais

 10   c'était aussi une guerre civile à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine.

 11   Puis il fallait que la guerre change sur le plan de la communauté

 12   internationale. Je pense que vous et beaucoup de Serbes ont trouvé ça

 13   difficile et s'étaient posés de beaucoup de Croates. Mais une fois qu'il y

 14   avait eu la reconnaissance, à ce moment-là, il fallait qu'il y ait un

 15   changement. Il fallait traiter ces pays en tant que pays indépendants.

 16   On peut discuter évidemment de l'opportunité de la reconnaissance, mais le

 17   droit qu'avait la communauté internationale de déclarer un état en passe de

 18   dissolution, de déclarer certaines parties de cet ancien état indépendant,

 19   ceci est un droit qui est inscrit dans la charte des Nations Unies, et

 20   c'est ce qui s'est passé, et ça a changé la situation. Par conséquent, à

 21   partir de ce moment-là, toute activité déployée par un pays à l'extérieur

 22   de la Bosnie-Herzégovine, aux yeux du droit international, était une

 23   agression. Ce n'était plus une guerre civile.

 24   Q.  Ce serait exact si nous avions eu des troupes sur les territoires de la

 25   Bosnie-Herzégovine après la reconnaissance de celle-ci. Vous n'ignorez

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  1   toutefois pas que nous n'avions pas de troupes sur son territoire. Et je

  2   vous ai dit à vous et à Stoltenberg qu'il y a une seule exception, à savoir

  3   que j'avais envoyé un peloton de la police sur le territoire de la Bosnie-

  4   Herzégovine à la gare ferroviaire de Strpce, là où un crime a été perpétré

  5   parce qu'on a fait descendre des gens du train. C'est la voie ferrée de

  6   Belgrade à Bar et ça passait par le territoire de la Republika Srpska, mais

  7   nous n'avions pas confiance pour ce qui est d'une perpétration, à nouveau,

  8   d'un autre crime par des paramilitaires et cela se trouve seulement à neuf

  9   kilomètres de cette ligne de voie ferrée entre Belgrade et Bar. 

 10   Et je vous ai informé, vous-même et Stoltenberg de la chose. C'était la

 11   seule exception. J'ai envoyé un peloton de police pour monter la garde à

 12   cette station et prévenir toute éventualité de renouvellement de ce type

 13   d'événements.

 14   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous avais averti. Il ne faut pas que

 15   vous perdiez votre temps. Quelle est la question posée ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens de cet incident et je ne pense

 17   que ce fût vraiment un incident sur tout ce qui s'est passé, mais c'est un

 18   fait. Cette voie ferrée passait sur un tout petit bout de territoire dans

 19   la Bosnie-Herzégovine, neuf kilomètres à peine, peut-être un peu plus au

 20   plus.

 21   M. MILOSEVIC : [interprétation]

 22   Q.  Mais c'est précisément à l'exception de la présence de ce peloton que

 23   j'ai -- c'est de cela que je vous avais parlé et si l'on accepte cela, il

 24   n'y avait pas d'autres forces de la République fédérale de Yougoslavie sur

 25   le territoire de la Bosnie-Herzégovine. J'imagine que vous vous en

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  1   souvenez ?

  2   R.  Je me souviens de l'interprétation que vous avez livrée. On en a parlé

  3   hier et rappelez-vous pourquoi je n'étais pas d'accord avec vous. Je crois

  4   que c'était une façon assez habile de faire venir des forces yougoslaves

  5   pour soutenir, pour renforcer l'armée des Serbes de Bosnie sans en donner

  6   l'apparence ainsi en Croatie. C'était quelque chose de tout à fait apparent

  7   à un moment donné de la guerre. Il y avait des forces, c'est indubitable,

  8   des détachements tous entiers qui avaient été déployés, donc dépêchés en

  9   Bosnie-Herzégovine. Vous, vous avez utilisé un subterfuge, mais je

 10   n'accepte pas votre interprétation selon laquelle il n'y aurait pas eu de

 11   Serbes combattants en Bosnie dont on aurait dû croire qu'il faisait partie

 12   de la JNA, et qui vous rendait des comptes à vous, en Serbie, en

 13   Monténégro.

 14   Je peux me tromper. En tout cas, c'est l'avis que j'avais, et que je n'ai

 15   eu de cesse d'avoir. Et j'ai des éléments de preuve qui corroborent ce que

 16   je pensais et qui étaient aussi à la base de l'avis que nous nous étions

 17   fait.

 18   Q.  Vous n'avez jamais présenté quelque observation que ce soit concernant

 19   la présence d'une unité quelconque de la JNA intervenant sur le territoire

 20   de la Bosnie-Herzégovine. Est-ce exact ou pas ? Vous vous êtes entretenu

 21   avec moi je ne sais combien de fois.

 22   R.  Une fois de plus, je tiens à le répéter, je ne pense pas que vous avez

 23   envoyé des unités toutes entières en Bosnie-Herzégovine. C'étaient plutôt

 24   des gens qui servaient dans des unités qui n'étaient pas toujours résidants

 25   de Bosnie-Herzégovine, qui n'avaient pas passé toute leur vie en Bosnie-

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  1   Herzégovine. Il y avait un peu un mélange des deux. Mais c'est ce que vous

  2   niez, et je suis sûr qu'il y aura eu des éléments de preuve soumis ici à ce

  3   propos. Moi, je vous livre seulement mon avis, celui que j'avais à

  4   l'époque.

  5   Q. Mais pensiez-vous que ces gens-là étaient des volontaires qui étaient

  6   partis là-bas ? Vous n'ignorez pas que de Sandzak, il y a eu énormément de

  7   gens qui s'étaient battus dans les rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine,

  8   au côté des gens de Alija Izetbegovic. Et c'étaient des gens qui étaient

  9   originaires de Serbie. Mais je suppose que vous n'avez pas estimé qu'ils

 10   étaient envoyés par la Serbie pour se battre là-bas. Donc la question des

 11   volontaires est une question tout à fait dissociée.

 12   R.  Oui, c'est tout à fait séparé. Il est certain que ça s'est passé. Je me

 13   souviens qu'à Sarajevo, on m'avait, avec fierté, présenté un commandant des

 14   forces du gouvernement de Bosnie. On m'avait -- et j'avais été présenté par

 15   ce commandant, un général serbe qui servait, qui s'était porté volontaire

 16   dans l'armée de Bosnie-Herzégovine. C'est pour ça que cette question est

 17   aussi complexe. Elle est loin d'être simple.

 18   Q.  C'est bien exact. Et c'est précisément de cela qu'il s'agit. En page

 19   552, vous dites que l'un des plus grands historiens a conclu que les gens

 20   allaient en guerre en raison, -- pour l'honneur, parce qu'ils ont peur, ou

 21   par intérêt. Il n'y a pas que des coupables et des victimes. Et cela est

 22   valable pour les guerres entre les états différents lorsque ces guerres

 23   sont en partie ou totalement des guerres civiles comme cela a été le cas

 24   pour ce qui est des guerres qui ont eu lieu en Yougoslavie. Nous nous

 25   tromperions si nous prenions ces -- si nous considérions ces -- cette

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  1   guerre comme une chose simple, et comme un combat entre bons et méchants.

  2   Donc vous parlez de guerre, de quelle guerre êtes-vous en train de parler ?

  3   R.  Vous savez qu'il y a toujours eu un problème de définition. Il y a eu

  4   dans un premier temps, une guerre qu'on a quelquefois qualifiée de guerre

  5   entre la Serbie et la Slovénie. Si l'on pense que c'était une guerre

  6   séparée, elle n'a duré que quelques semaines. Puis elle s'est terminée.

  7   Ensuite, il y a eu une guerre opposant la Serbie et la Croatie, bien sûr,

  8   mise en exergue que par les sièges, et notamment le siège de Vukovar. A ce

  9   moment-là, il y a eu les sanctions, et l'interdiction de transfert d'armes

 10   en direction de ce qui était alors l'ex-Yougoslavie, et ceci a lésé des

 11   Croates. Il ne faut pas l'oublier. Et bien sûr, par la suite, ça a surtout

 12   lésé les Musulmans de Bosnie.

 13   Enfin, il y a eu une guerre opposant la Serbie à la Bosnie-Herzégovine. Il

 14   y a eu donc cette guerre-là. On peut discuter de la définition à donner,

 15   était-ce uniquement un guerre avec la Republika Srpska ou pas ?

 16   S'en suivi, une guerre interne entre les Croates de Bosnie et les Musulmans

 17   de Bosnie, guerre qui a fait rage et qui a connu des moments très durs,

 18   notamment au cours du printemps 1993. Il y a eu une nouvelle recrudescence

 19   plus tard, en 1994. Puis il y a la guerre à propos du Kosovo.

 20   Difficile de dire combien il y a eu de guerres. Mais il y a eu un thème

 21   commun à tout ceci. Et le thème commun c'est la dissolution de l'ex-

 22   République de Yougoslavie.

 23   Q.  Cela n'a été qu'une seule guerre, une guerre unique entre la

 24   Yougoslavie, et la Yougoslavie a été dissoute, brisée. Mais cela n'a rien à

 25   voir au niveau d'une guerre entre la Serbie et la Slovénie. C'était une

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  1   intervention de l'armée fédérale en Slovénie. Et il a été -- c'est une

  2   chose qui a été décidé par le gouvernement fédéral. J'espère que vous le

  3   savez ?

  4   R.  Je n'ai pas été parti prenant de façon directe à cette part de

  5   l'histoire. Et je ne pensais pas qu'il était intéressant d'examiner ce

  6   moment-là de l'histoire. Vous avez sans doute une connaissance plus

  7   complète, plus précise sur ce qui s'est passé exactement. Moi, ma lecture

  8   des événements que c'était une guerre qui posait des jalons sur la voie de

  9   la dissolution.

 10   Q.  Oui. Il est exact de dire que c'est une guerre qui a été très

 11   préjudiciable. Mais nous n'avions rien à voir avec cette guerre, et nous ne

 12   savions même pas qu'il allait y avoir une intervention. Pour ce qui est de

 13   la Croatie maintenant, j'ai une lettre ici que j'avais envoyé à Cyrus

 14   Vance, notamment après quelques rondes d'entretiens que nous avons eus dans

 15   le courant de novembre, 24 novembre 1991, avant la reconnaissance

 16   internationale. Donc d'ex-Yougoslavie qu'il s'agit encore. Et il m'écrit le

 17   24 novembre, lui. Et moi je réponds le 27 novembre. Je m'excuse d'avoir

 18   confondu ces deux dates.

 19   Et je lui dis que je voulais exprimer mon approbation pour ce qui est de

 20   l'importance des questions qui ont été soulevées dans sa lettre. Il s'agit

 21   de questions afférentes à la définition des territoires qui seraient

 22   protégés par les forces du maintien de paix des Nations Unies, il était

 23   indubitable, le soutien de la Serbie et la présidence de Yougoslavie pour

 24   ce qui est de la venue de ces Casques bleus en Croatie -- pour ce qui est

 25   de l'arrivée de ces Casques bleus.

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  1   Et je dis, étant donné que la définition des territoires où l'on a une fois

  2   de plus essayé, et malheureusement réussi à procéder à réaliser un génocide

  3   à l'encontre de ressortissants du peuple serbe, la définition des

  4   territoires est une question de fait. Et nous estimons pour notre part, que

  5   c'était la seule réponse objective à apporter, parce qu'ils s'étaient

  6   enquis pour savoir où ces troupes devaient être réparties. Alors je lui ai

  7   dit que le territoire entier où il y a eu des conflits devrait bénéficier

  8   d'une protection efficace des forces de maintien de la paix des Nations

  9   Unies. Et j'explique que la liberté et la sécurité des populations qui y

 10   résidaient relevaient des intérêts vitaux de ces populations. J'ai estimé

 11   que toute définition de ces territoires devait forcément être vérifiée et

 12   confirmée sur le terrain, à savoir, là où des conflits ont surgi.

 13   Et je parle de l'importance des décisions prises par la présidence de

 14   Yougoslavie au sujet de cette question dans l'intérêt de --

 15   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous interromps. De toute façon, il y

 16   a des limites à ce que ce témoin tout comme tout autre témoin peut dire.

 17   Quelle est votre question au fond, Monsieur Milosevic ? Vous posez des

 18   questions à ce témoin. Quelle est celle-ci ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je présente au témoin une question, et je lui

 20   demande de nous dire s'il est exact d'affirmer que sur les territoires où

 21   avaient résidé des Serbes il y a eu d'énormes représailles à l'égard de ces

 22   Serbes. Ces Serbes se sont soulevés. Et la Yougoslavie, dès le départ,

 23   s'est efforcé de faire en sorte que ces conflits soient empêchés. Quand je

 24   dis "Yougoslavie", j'entends l'Armée populaire Yougoslave, les institutions

 25   fédérales qui existaient encore à l'époque. Et nous, nous étions nous-mêmes

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  1   employés en faveur d'un traitement impartial de toutes ces questions, et en

  2   faveur de l'arrivée d'une mission des Nations Unies.

  3   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une fois de plus, vous ramassez toute une

  4   série de choses. Le premier point que vous avancez, c'est qu'il y a eu

  5   d'énormes représailles à l'encontre des Serbes dans les régions où ils

  6   habitaient. C'était une chose. Vous ajoutez que dès le départ, la

  7   Yougoslavie s'est employé à empêcher la survenue d'un conflit, là à savoir,

  8   la JNA. Je ne sais pas si Lord Owen a le sentiment qu'il est en mesure

  9   d'apporter en commentaire sur cette hypothèse-là.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, je n'étais partie prenante,

 11   mais il est certain que Cyrus Vance était un très bon ami à moi. Nous en

 12   avons discuté.

 13   Vous avez soulevé la question de savoir si vous avez été utile dans ces

 14   négociations à M. Vance. Malheureusement, il n'est plus vivant pour

 15   répondre à cette question, mais je suppose que vous avez eu son adjoint,

 16   l'ambassadeur Okun qui est venu déposer. Il pourrait en parler. Mais à mon

 17   avis, M. Vance avait le sentiment que vous aviez été très utile dans ces

 18   négociations. Je ne suis pas en désaccord avec vous là-dessus.

 19   Pour ce qui est de la deuxième série de questions. Toute cette question est

 20   problématique, à savoir, qu'il y avait des communautés serbes importantes,

 21   pas seulement en Bosnie-Herzégovine, mais aussi en Croatie. Certes c'est un

 22   fait indubitable. Et il est certain que les zones de sécurité qui faisaient

 23   partie du plan des Nations Unies avaient pour objectif de régler cette

 24   question. Mais en l'absence de négociations sérieuses, en l'absence d'un

 25   accord en Bosnie-Herzégovine qui aurait permis de trouver une solution à ce

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  1   problème en Croatie, à cause de tout ça, il y a eu exode massif des Serbes

  2   de la Krajina et tout ceci démontre qu'on peut parcourir une fois de plus

  3   l'histoire. Il y a tellement d'histoire dans cette région que ceci empêche

  4   de parler de l'avenir.

  5   Et tout ce que je peux vous dire c'est que vous avez à mon avis un grief

  6   justifié. C'est que le monde occidental s'est dit que la seule façon de

  7   créer des pays indépendants à partir de ce qui avait été la Yougoslavie

  8   c'était d'accepter la carte régionale de la Yougoslavie telle quelle avait

  9   été tracée au moment de la guerre en 1944 notamment par M. Djilas. Et là je

 10   pense que c'est un grief parfaitement justifié. Je l'ai toujours dit haut

 11   et clair. Nous aurions dû être plus disposer à apporter des changements à

 12   ces cas afin que soit pris en compte le règlement durable pour ces

 13   individus, pour les Croates et surtout pour les Serbes. Mais ce n'est pas

 14   la décision qui a été prise en 1991 par l'Union européenne, et mon livre en

 15   parle.

 16   Ça était une décision lourde de conséquences mais prise de bonne foi

 17   convaincue qu'on était, qu'il ne serait pas possible de parvenir à un

 18   accord sur d'autres tracés de frontières et ce jugement était sans doute

 19   juste, mais ceci a lésé, a été préjudiciable aux Serbes.

 20   M. MILOSEVIC : [interprétation]

 21   Q.  Malheureusement il me faut accélérer ma démarche.

 22   En page 274, vous parlez de Ratko Mladic et vous dites que : "Lorsqu'en

 23   juin 1991 la guerre serbo-croate a commencé, et il était à la tête d'un

 24   corps d'armée à Knin. Et ce corps d'armée s'est démantelé étant donné que

 25   les officiers commencèrent à se prononcer comme étant des Croates, des

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  1   Slovènes, et cetera, à quitter la JNA pour regagner les rangs de leur armée

  2   nationale. Et certains ont même quitté le pays. Et les Serbes qui sont

  3   restés dans la JNA n'avaient pas du tout la liberté de faire, de se

  4   déplacer et bon nombre d'entre eux avaient été encerclés par l'armée croate

  5   dans leur caserne. C'est la raison pour laquelle la JNA avait réagi aussi

  6   fort dans des localités telles que Vukovar. C'est à partir de cette phase-

  7   là que s'est développée une guerre civile avec scission au niveau des rangs

  8   de l'armée et sécession des amitiés entre officiers du même régiment qui

  9   ont commencé à se battre entre eux."

 10   Et vous qualifiez cette guerre de guerre civile classique, Lord Owen.

 11   Peut-on en déduire que la scission qui est intervenue dans les rangs d'une

 12   armée où les gens qui étaient membres d'une même armée ont commencé à se

 13   battre les uns contre les autres, et que cela ne peut être le propre que

 14   d'une guerre civile et d'aucune autre forme de guerre. Quelle autre forme

 15   de guerre pourrait avoir lieu entre membres d'une même armée qui s'est

 16   scindée et où les membres ont commencé à se battre entre eux ?

 17   R.  Je suis d'accord avec les termes utilisés par moi dans mon livre. Cela

 18   ne vous ne surprendrait pas. Et je suis d'accord aussi avec la citation que

 19   vous venez de donner.

 20   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Je voudrais aborder une

 21   question avec le Procureur. Puisque vous allez produire ces documents, je

 22   pense qu'il serait utile d'avoir des références en temps utile à ces

 23   passages du CD-ROM. De cette façon nous pourrons établir le lien avec nos

 24   propres copies.

 25   M. NICE : [interprétation] Hors micro. Nous allons y veiller pas

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  1   nécessairement aujourd'hui mais dans les meilleurs délais.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit des pages 155 et 156.

  3   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci, Lord Owen. Veuillez poursuivre,

  4   Monsieur Milosevic.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] 165 et 166.

  6   M. MILOSEVIC : [interprétation]

  7   Q.  Par conséquent, s'il s'agit là d'une guerre civile et s'il y a eu

  8   guerre de sécession, il apparaît clairement que la faute pour la guerre, la

  9   culpabilité de la guerre est celle de ceux qui procèdent à une sécession

 10   par la force. Est-ce que la chose a été contestée, Lord Owen, ou pas ?

 11   R.  Je crois que là c'est une simplification exagérée d'un contexte

 12   complexe. Vous avez vu que des opinions se sont partagées. Il y a eu des

 13   divisions qui sont intervenus dans les structures, les  anciennes

 14   républiques de la Yougoslavie. Vous les avez pertinemment puisque vous en

 15   avez été partie prenante, vous avez été président, il y avait un roulement

 16   à la présidence et les structures instaurées par Tito ne se sont effondrées

 17   pas seulement avec le début de la guerre mais bien des mois, voir des

 18   années avant que la guerre n'éclate.

 19   Q.  J'aimerais à présent en raison du peu de temps qu'il me reste -- j'ai

 20   quelque chose qui cloche avec mon micro.

 21   Je voudrais en finir avec la Croatie : Le 16 juillet 1993 et j'ai ici la

 22   façon dont les médias ont rapporté la chose. Le gouvernement de la Croatie

 23   et de la république serbe de la Krajina ont signé un accord aux termes en

 24   vertu duquel la Croatie s'était engagée à retirer ses troupes des

 25   territoires occupés de la Krajina Serbe, à savoir, Ravni Kotor, Maslenica,

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  1   Miljevac Plateau et la centrale d'hydroélectrique de Peruca à l'aéroport de

  2   Zemunik en échange de l'ouverture du pont par le canal de Maslenica et

  3   l'ouverture des accès vers l'aéroport de Zemunik.

  4   Il est question du président de la République de Serbie, Slobodan

  5   Milosevic, du président de la République de Croatie,

  6   M. Franjo Tudjman, après la réunion qui s'est tenue dans l'organisation des

  7   co-présidents de la conférence sur l'ex-Yougoslavie Lord Owen et Thorvald

  8   Stoltenberg, je vais sauter un certain point et je vais dire qu'au point 3,

  9   ils ont exprimé le plaisir d'avoir résolu ces problèmes cruciaux de

 10   Maslenica Most et de Zemunik, et les parties aux négociations saluent

 11   l'accord obtenu et il estime que toutes les parties à l'accord doivent

 12   assumer une responsabilité pleine et entière pour ce qui est de l'accord

 13   obtenu. Les présidents indiquent que l'importance de celui-ci et l'avance

 14   en -- le mettre en qualité d'exemple permettant de résoudre de façon

 15   pacifique les relations entre Serbes et Croates dans leur ensemble.

 16   Donc, est-il exact d'affirmer qu'une fois que ces zones ou ces sites ont

 17   été placés sous la protection des Nations Unies, il n'y a pas eu de cas où

 18   les forces Serbes de la Krajina serbe se soient attaquées à l'extérieur de

 19   ces zones sur quelque territoire que ce soit ? Mais il y a eu comme on n'a

 20   pu le voir par la suite, des violations très graves des zones protégées des

 21   Nations Unies par les unités croates et nous étions efforcés de faire en

 22   sorte que cela ne se fasse -- n'arrive plus. En a-t-il été ainsi, Lord

 23   Owen, ou pas ?

 24   R. Je pense que la Chambre doit recueillir des éléments de preuve des

 25   différents commandants de la FORPRONU à Zagreb. Parce que là vous me

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  1   demandez des détails qui me sont impossibles de vérifier dans un sens ou

  2   dans l'autre.

  3   Q.  Bien. Passons alors à un autre sujet. Et pour vous faciliter la tâche,

  4   je vais tout de suite vous dévoilez mon intention quel est le sujet. Le

  5   sujet ce dont je veux parler c'est la Grande Serbie.

  6   Il y a plusieurs endroits dans ce livre et dans un télégramme où vous

  7   parlez de l'idée de la Grande Serbie et vous placez dans ce contexte mon

  8   nom. On s'y attend compte tenu de la terrible propagande et de la

  9   satanisation qui s'est opérée dans les médias occidentaux, qui ont

 10   construit cette histoire montée toute pièce sur la Grande Serbie.

 11   Et en page 228, paragraphe 1, vous dites, à partir de ce moment-là, à

 12   savoir à compter du 25 avril vous parlez de l'année 1993, et au-delà,

 13   "Milosevic a renoncé formellement de créer une Grande Serbie et dans les

 14   deux années qui ont suivi, il n'a jamais cessé de rechercher une solution.

 15   Mais la satanisation de Milosevic est arrivée à tel point où

 16   l'administration le congrès et les autres intervenants n'ont plus pu

 17   s'adapter à la réalité nouvelle, et on continuait à dire que Milosevic

 18   était un adepte de cette cause de Grande Serbie."

 19   Et au lieu de cela, Milosevic s'est engagé en faveur de la recherche d'une

 20   solution pacifique, au terme du plan Vance-Owen. Et si j'ai bien compris ce

 21   que vous y dites dans ce texte à compter de ce 25 avril, je n'ai plus été

 22   favorable à la création d'une Grande Serbie, exact ou pas ?

 23   R.  C'est vrai par rapport à la Bosnie-Herzégovine. Certains ont eu une

 24   lecture différente à propos du Kosovo, mais je pense que le Kosovo faisait

 25   partie de la Serbie, elle l'est toujours, tout du moins jusqu'au moment où

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  1   le conseil de Sécurité et les Nations Unies apportent des délimitations

  2   différentes au Kosovo. Mais je pense que vous disiez que la seule façon

  3   qu'il y avait de parvenir à un règlement c'est que la partie de la

  4   Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine soit reliée géographiquement,

  5   parlant à la Serbie et au Monténégro. Vous teniez toujours à ce qu'il y ait

  6   des liens étroits, et à mon avis et même si après, dans tous ces plans que

  7   vous avez soutenus, il y avait toujours une frontière, un maintien des

  8   frontières de la Bosnie-Herzégovine on avait maintenu les frontières qui

  9   avaient été acceptées en mai 1992 par le conseil de Sécurité au moment où a

 10   été définie la Bosnie-Herzégovine.

 11   Q.  Par conséquent, vous êtes en train de parler d'une chose à savoir que

 12   je ne m'employais pas en faveur de la Grande Serbie à compter du moment où

 13   vous avez pris part à ces négociations. Mais vous ne savez pas si

 14   auparavant je m'étais employé en faveur de celle-ci. Avez-vous des

 15   connaissances quelconque à ce sujet ou était-ce là pure propagande ?

 16   R.  La connaissance est difficile à cerner lorsqu'il s'agit d'arrêter une

 17   période précise. Toutefois mon impression et ce jusqu'en janvier 1993,

 18   c'est que toute chose étant égale, vous auriez préféré une division de

 19   certaines parties ou en différentes parties de la Bosnie-Herzégovine et

 20   vous auriez préféré qu'une partie de la Bosnie-Herzégovine devienne partie

 21   de la Serbie et du Monténégro et qu'une partie revienne à la Croatie.

 22   Si vous me demandez si je peux le prouver, si j'ai des preuves à l'appui de

 23   ce que j'avance, je dois répondre que non.

 24   M. KAY : [interprétation] Le passage se trouve dans la version souple à la

 25   page 153.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que, Monsieur Milosevic, que vous

  2   étiez un pragmatiste. Nous avons eu des pourparlers à Genève au début, et

  3   au cours de l'évolution du plan de paix Vance-Owen et même avant cela,

  4   lorsque vous avez eu des discussions avec M. Vance, vous aviez fini par

  5   comprendre qu'il devrait y avoir un processus long, mais que finalement les

  6   Serbes de Croatie devraient vivre en Croatie. Et vous n'auriez pas eu --

  7   vous n'avez pas eu cet avis tout de suite. Il n'est intervenu  que --

  8   qu'une partie des pourparlers se soit déjà déroulée.

  9   Nous avons eu une réunion plus tard à Paris. C'était une réunion importante

 10   à mes yeux. Vous aviez compris que si vous pouviez parvenir à un règlement

 11   en Bosnie-Herzégovine, le président Mitterrand allait faire intervenir la

 12   France pour que soient levées les sanctions, et vous l'avez promis

 13   d'ailleurs explicitement. Et à partir de ce moment-là, je pense que vous

 14   avez commencé à voir une voie de sortie qui vous satisferait, ou qui vous

 15   satisferait s'agissant de ce qui était à votre avis les besoins des Serbes,

 16   mais qui ne signifierait pas une division de la Bosnie-Herzégovine.

 17   C'est tout du moins là lecture que je fais moi de ce que vous pensiez, il

 18   se peut que je me trompe.

 19   M. MILOSEVIC : [interprétation]

 20   Q.  Vous n'avez pas raison dans la mesure où vous avez pensé que je m'étais

 21   employé dans le passé en faveur d'une Grande Serbie. Cette formulation de

 22   Grande Serbie, c'est une création de l'Autriche- Hongrie qui date de la

 23   période après l'annexion de la Bosnie-Herzégovine, et tout ce qui était

 24   serbe avait été qualifié de Grand Serbe à l'époque. Mais jamais personne

 25   parmi les hommes politiques serbes et parmi ceux qui faisaient parties des

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  1   structures du pouvoir n'aient jamais allé devant le public pour avancer des

  2   idées de Grande Serbie.

  3   Et dans le même passage du reste vous indiquez, "Que pour ce qui est de

  4   Milosevic, les Serbes de Bosnie ont procédé à la protection des intérêts

  5   vitaux qui étaient les siens. Et de ce point de vue là ils étaient

  6   gagnants. Et il ne s'agissait pas d'une Serbie qui irait de Belgrade à

  7   Banja Luka. Cela n'était pas important depuis nos réunions du mois de

  8   janvier à Genève."

  9   Donc dès le mois de janvier, vous dites qu'il ne s'agissait pas de Grande

 10   Serbie, et avant cela nous avons eu des contacts et vous avez quand même

 11   justifié ou fondé ces récits de Grande Serbie en disant qu'il s'agissait

 12   d'une propagande qui était conduite à l'époque. Et je pense que cela devait

 13   être des récits de Milan Panic, mais cela ne devait pas, certainement pas,

 14   se fonder sur des arguments objectifs que vous aviez pu avoir en votre

 15   possession. Vrai ou faux ?

 16   R.  Vous n'y allez pas de même ordre lorsque vous prononcez ces

 17   allégations. Mais la différence qu'il y avait entre vous et le président

 18   Tudjman c'est que ce dernier n'a jamais caché le fait qu'il aimait bien la

 19   carte telle qu'elle existe, et qu'à son avis la carte de la Bosnie-

 20   Herzégovine n'était pas correcte jamais. La Bosnie-Herzégovine avait été un

 21   pays indépendant et ne devrait jamais l'être. Il voulait en revenir à

 22   l'ancienne carte des Badovan [phon].

 23    Ce n'était pas votre avis tel que vous l'exprimiez explicitement, mais

 24   cela ne veut pas dire que pour autant que vous n'étiez pas du même avis que

 25   lui. Je vous entends, je vous écoute, c'est tout ce que je peux accepter

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  1   comme étant votre avis. Et mais je l'avais entendu dire de façon plus

  2   concise que cela avant au moment des négociations. Mais je suppose que

  3   c'est l'avis que vous exprimez.

  4   Q.  Certes mais, Lord Owen, je vous demande de vous pencher, et je tiens à

  5   vous rappeler une chose. Voici la carte de Cutileiro pour ce qui est du

  6   partage de la Bosnie, partage cantonal partant des recensements de 1981,

  7   1991, et cetera. Donc les territoires serbes ici sont en blancs, les

  8   territoires occupés par les Croates sont en rayure -- sont rayurés, [sic]

  9   et les Musulmans sont dans les zones noires.

 10   J'attire votre attention sur ce fait et c'est Cutileiro qui avait établi ce

 11   plan. Nous avions emporté notre soutien à celui-ci, et on peut voir que

 12   lorsque le plan de Cutileiro avait été d'actualité, il était question de

 13   territoire où l'on ne saurait en aucune façon parler de Grande Serbie.  

 14   C'est le plan de Cutileiro, c'est la carte que les Serbes avaient acceptée

 15   et celle-là avait été signée par Izetbegovic, Karadzic et Boban. Tout cela

 16   s'est passé avant l'éclatement des conflits. Et il n'y aurait pas eu de

 17   guerre si l'on avait accepté ou si l'on était resté à ce que prévoyait le

 18   plan de Cutileiro. Et depuis cette époque-là, on peut constater que dès

 19   cette période-là, il ne pouvait en aucune façon être question de Grande

 20   Serbie. Il y avait des territoires à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine

 21   les Serbes ont accepté. Radovan Karadzic l'a signé. Et Izetbegovic, après

 22   avoir signé, a retiré sa signature après avoir été persuadé de le faire par

 23   Warren Zimmermann, et Zimmermann lui-même, le confirme dans son propre

 24   livre, vous le savez vous-même.

 25   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Posez une question. Qu'est-ce

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  1   que vous essayez de faire valoir que ce plan illustre le fait que vous ne

  2   preniez pas la Grande Serbie ? C'est ça que vous voulez dire ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ceci démontre bien que la direction de la

  4   Republika Srpska, à la tête de laquelle il y avait Radovan Karadzic avait

  5   apporté son soutien, avait signé ce plan et n'avait en aucune façon l'idée

  6   de créer une Grande Serbie. Ce plan de Cutileiro  avait --

  7   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Fort bien.

  8   Non, je vous arrête. Je vous empêche de continuer. Je pense qu'il est temps

  9   de laisser l'occasion au témoin de répondre à l'hypothèse que vous avancez.

 10   Avez-vous un commentaire, Lord Owen.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est là un avis tout à fait

 12   raisonnable ce que vient de dire M. Milosevic. Ça montre que ce que j'ai

 13   dit à propos du moment où il est passé à cette idée, il a abandonné l'idée

 14   d'une Grande Serbie pour autant qu'il l'ait jamais eu. C'est évidemment

 15   quelque chose de raisonnable, effectivement le plan Cutileiro n'a pas été

 16   accepté. Regardez-le une fois de plus, ce plan il présente un problème. On

 17   peut se demander s'il aurait permis d'avoir en Bosnie-Herzégovine un

 18   gouvernement cohérent. Mais je ne m'oppose pas à ce qu'essayait de faire

 19   l'ambassadeur Cutileiro, et on retrouve bon nombre de ces éléments dans la

 20   carte des provinces, des dix provinces en Bosnie-Herzégovine, ce qui

 21   constituait la base du plan de paix Vance-Owen.

 22   Vous pourrez peut-être convaincre pas mal de gens de croire que vous n'avez

 23   jamais été en faveur d'une Grande Serbie et parmi ces éléments, il y a

 24   peut-être celui-ci. Mais ça ne veut pas dire que moi, personnellement,

 25   j'accepte la façon dont vous interprétez l'histoire. A mon avis il y a eu

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  1   une aspiration qui était nourrie par vous, mais pas beaucoup de

  2   nationalistes serbes. A savoir qu'il pourrait y avoir une autre carte et en

  3   théorie bien sûr il y aurait pu en avoir une. Il y a eu des étapes dans des

  4   négociations au cours desquelles le président Izetbegovic en personne s'est

  5   beaucoup intéressé à l'idée d'un était musulman dans les confins de la

  6   Bosnie-Herzégovine. Mais des limitations exactes n'ont jamais fait l'objet

  7   de discussions, ne serait-ce que parce que ceci outrepassait le mandat

  8   donné à la conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie. Ce mandat qui

  9   nous avait été conféré en août 1992 et qui consistait à nous demander de

 10   trouver une solution pacifique dans le cadre des frontières

 11   internationalement reconnues de la Bosnie-Herzégovine. Et j'ai déjà indiqué

 12   que c'était là un mandat qui était trop rigide et qu'on aurait dû être prêt

 13   à retracer les frontières beaucoup plutôt.

 14   Mais ça c'est de l'histoire. C'est bien sûr important, mais c'est une

 15   histoire aussi au moment où moi je n'occupais pas ces fonctions, il m'est

 16   donc impossible d'ajouter beaucoup plus à ce qui est contenu dans la carte

 17   Cutileiro.

 18   M. MILOSEVIC : [interprétation]

 19   Q.  Lord Owen, bien entendu il aurait possible de décider des cartes très

 20   différentes. Mais trois cartes, de toute façon, ont été dessinées avec

 21   l'aide de son excellence, l'ambassadeur M. Cutileiro. Mais le fait que

 22   Radovan Karadzic et dirigeants de la Republika Srpska aient signé ce plan

 23   qui signifiait l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine et la création de

 24   cantons qui en tout état de cause ne peut avoir aucun rapport avec une

 25   quelconque idée de Grande Serbie, suffit je suppose, à prouver que tel

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  1   n'était pas l'idée qui se trouvait à la base des conceptions mêmes de la

  2   direction de la Republika Srpska et y compris avant que les conflits

  3   n'éclatent, y compris avant qu'il n'y ait la moindre victime. Cette

  4   signature dont je parle a bien été apposée au bas de ce texte. Est-ce que

  5   cela ne fait pas de doute, Lord Owen ?

  6   R.  Vous êtes très fort pour poser des questions qui contiennent leurs

  7   réponses, Monsieur Milosevic. Mais je ne nierai pas que si votre thèse

  8   consiste à dire que si vous aviez été partisan de la Grande Serbie, ce que

  9   vous venez de dire suffit effectivement à prouver ce que j'ai dit moi-même

 10   dans ma déclaration, et que j'ai rappelé tout à l'heure, à savoir que c'est

 11   en avril 1993 que vous aviez admis l'erreur de la chose et que vous aviez

 12   peut-être même admis cela plutôt.

 13   J'espère que -- vous me comprenez. Je pense que vous devez pouvoir

 14   présenter votre thèse, que vous devez pouvoir avoir un procès équitable et

 15   présentez la thèse qui est la vôtre à l'aide des éléments de preuve que

 16   vous jugerez bon de présenter. Je ne suis pas là pour vous combattre sur ce

 17   point. En avril 1993, en effet peut-être d'ailleurs, est-ce un point de vue

 18   trop étroit que de parler d'avril 1993, puisque je n'étais partie prenante

 19   aux négociations que depuis septembre 1992.

 20   Q.  Mais j'affirme ici comme vous pouvez le constater, que Radovan Karadzic

 21   non plus n'était pas un tenant de la Grande Serbie  lui aussi. Toute la

 22   direction de la Republika Srpska a apposé sa signature au plan Cutileiro.

 23   R.  Monsieur Milosevic, vous et moi savons que M. Radovan Karadzic a signé

 24   pas mal de choses, et si nous nous penchions sur tout ce qu'il a signé et

 25   comparions ces signatures aux intentions qui étaient les siennes, nous ne

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  1   retrouverions face à un problème. Parce que de façon constante, il lui

  2   arrivait de prendre des positions dans un sens à un endroit et ensuite de

  3   prendre des positions dans un sens contraire ailleurs.

  4   Cela ne présente aucune difficulté que d'apposer sa signature au bas d'une

  5   carte pour ensuite prendre toutes les régions de la carte Cutileiro qui

  6   figurent en blanc, qui sont donc les régions peuplées par les Serbes pour

  7   en faire une république.

  8   Je pense également qu'il est tout à fait possible que

  9   M. Radovan Karadzic ait eu à l'esprit une Republika Srpska reliée à la

 10   Serbie pendant un moment, et puis ensuite il a acquis plus de confiance en

 11   lui. Et il a fini par souhaiter que la Republika Srpska ne fasse pas

 12   partie, ne soit pas reliée à la Serbie, tout cela c'est une -- je ne crois

 13   pas que sur ce point il partageait votre idéologie. Il ne m'appartient pas

 14   de lire l'esprit de M. Radovan Karadzic mais je pense que j'ai le droit de

 15   dire que j'éprouve le plus grand scepticisme par rapport aux signatures

 16   apposées par

 17   M. Radovan Karadzic -- ou plutôt par le Dr Radovan Karadzic au bas de

 18   quelque document que ce soit.

 19   Q.  Votre scepticisme c'est votre droit, mais vous vous souvenez très bien

 20   qu'en 1992, lorsque la République fédérale yougoslave a été créée en avril,

 21   une déclaration a été faite selon laquelle l'état en question annonçait ubi

 22   et orbi n'avoir aucune prétention territoriale par rapport à quelque

 23   ancienne république de la Yougoslavie que ce soit. Je parle du moment où

 24   s'est créé la République fédérale yougoslave, c'est-à-dire lorsque la

 25   Serbie et le Monténégro constituaient cette République fédérale yougoslave.

Page 28519

  1   Vous vous en souvenez, j'en suis sûr.

  2   R.  Oui, mais il ne s'ensuit pas logiquement que cette déclaration

  3   permettait la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine. Nous avions passé

  4   des heures à discuter des raisons pour lesquelles vous ne souhaitiez pas

  5   reconnaître la Bosnie-Herzégovine, son indépendance. Et si vous l'aviez

  6   fait, je pense donc si la Serbie et le Monténégro avaient reconnu le

  7   gouvernement de Bosnie-Herzégovine, les choses auraient été beaucoup plus

  8   facile dans les négociations que nous menions même si vous aviez apporté

  9   une nuance supplémentaire en disant que le gouvernement aurait dû s'appuyer

 10   sur des bases différentes de celles sur lesquelles elles s'appuyaient. Mais

 11   je ne vais pas vous faire perdre votre temps sur cette question. Vous avez

 12   fait cette déclaration. Il ne s'ensuivait pas logiquement que la Bosnie-

 13   Herzégovine était reconnue aux termes du droit international.

 14   Q.  D'abord, premier règlement politique c'était une nécessité il fallait

 15   que ce soit le premier résultat obtenu en Bosnie-Herzégovine. Vous-même,

 16   vous dites que le gouvernement ne contrôlait que 10 % du territoire. Alors

 17   qui est-ce qui aurait pu traiter en tant que partenaire égal un

 18   gouvernement qui n'avait le contrôle que sur 10 % de sont territoire ? Nous

 19   insistions nous-mêmes pour obtenir d'abord un règlement politique

 20   susceptible de défendre les intérêts des trois peuples à égalité sur la

 21   base d'un accord entre eux. Et plus tard, lorsque la paix était -- la paix,

 22   une fois rétablie, vous vous souviendrez que Izetbegovic et moi-même

 23   profitant de l'hospitalité offerte par la France au moment de la signature

 24   des accords de Dayton. Donc profitant de l'hospitalité de M. Chirac, à

 25   Paris. D'ailleurs, Tudjman, à ce moment-là, est intervenu. Une demande a

Page 28520

  1   été présentée pour que la Yougoslavie revienne au sein des Nations Unies.

  2   Mais ça c'est une autre question.

  3   Donc lorsque tout cela, tous les problèmes ont été réglés, lorsque les

  4   parties se sont entendues, lorsque les intérêts des trois nations ont été

  5   reconnus, il n'y avait plus de problèmes. Jusqu'à ce moment-là, les débats

  6   faisaient rage. Mais ne trouvez-vous pas cela logique ?

  7   R.  Et bien, ça c'est la façon dont vous voyez les choses. Comme vous le

  8   savez, le groupe de contact a essayé à plusieurs reprises, et pendant des

  9   mois, de vous pousser à reconnaître la Bosnie-Herzégovine. Et vous aviez

 10   recours à tous les arguments possibles pour refuser cette reconnaissance.

 11   Alors qu'aujourd'hui, vous dites que vous n'auriez pas agi de cette façon

 12   s'il y avait eu un règlement définitif. Donc vous êtes demeuré conséquent

 13   dans votre thèse. Mais nous sommes nombreux à penser que la reconnaissance

 14   de la Bosnie-Herzégovine avec la nuance permettant de penser que le

 15   gouvernement aurait dû être différent de ce qu'il était, si vous le

 16   souhaitez, donc que tout cela était de la propagande favorable à la Grande

 17   Serbie.

 18   Certainement, je croyais à votre intérêt de nuancer cette reconnaissance.

 19   Q.  Mais le gouvernement dont vous parlez, a commis des crimes très graves

 20   contre les Serbes, à cette époque-là, ce même gouvernement. Ce n'était pas

 21   un gouvernement où étaient représentés les Serbes, les Croates et les

 22   Musulmans.C'était un gouvernement qui avait commis des crimes graves contre

 23   les Serbes à l'époque. Même si certaines personnes affirment que les crimes

 24   commis par les Serbes sont plus graves, ces crimes-là ont bel et bien

 25   existés. Ils ont été établis.

Page 28521

  1   Et ce gouvernement est responsable des crimes les plus graves contre les

  2   Serbes et les Croates d'ailleurs, dans la période mentionnée, c'est-à-dire

  3   1993, 1994.

  4   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faut que nous avancions sur ce sujet.

  5   Nous n'allons pas le faire en continuant de cette manière. Est-ce que vous

  6   avez des questions à adresser à ce témoin ? Le temps court.

  7   M. MILOSEVIC : [interprétation]

  8   Q.  Je suis tout à fait d'accord avec votre citation selon laquelle je

  9   souhaitais que les Serbes de Bosnie-Herzégovine et de Croatie, et

 10   d'ailleurs, puissent défendre leurs intérêts vitaux, et que je n'allais pas

 11   au-delà de cela. Ces intérêts, une fois protégés, ils pouvaient être des

 12   éléments égaux les uns aux autres. Mais j'espère que vous conviendrez avec

 13   moi que la notion d'égalité concerne les Serbes également, et que donc les

 14   autres devaient être égaux à eux, et les Serbes égaux aux autres. C'est un

 15   processus qui va dans les deux sens.

 16   Donc dites-moi, je vous prie, si je n'ai jamais à quelque moment que ce

 17   soit demandé autre chose pour les Serbes où qu'ils résident que l'égalité

 18   avec tous les autres peuples. Et ce, pendant les trois ans des

 19   négociations ?

 20   R.  Ce mot "égal" ou "égalité", est un mot très compliqué. Je ne veux pas

 21   être pédant, mais je crois si nous avions bénéficié d'une bonne volonté

 22   plus importante que celle que nous avons trouvée, nous aurions pu parvenir

 23   à une solution grâce à laquelle les Croates de Croatie auraient pu

 24   continuer à résider chez eux. Nous sommes, en ce moment, concentrés sur la

 25   Bosnie-Herzégovine, mais il ne faut pas oublier que les plus grands

Page 28522

  1   nettoyages ethniques des Balkans ont concerné les Serbes qui ont fui la

  2   Krajina au début de l'été 1995. Et lorsque nous parlons de ce problème très

  3   complexe, il nous faut bien reconnaître que l'un de nos plus grands échecs

  4   est venu du fait que les Croates -- les habitants de Croatie, des gens très

  5   simples qui étaient Serbes, n'ont pas pu continuer à vivre en Croatie.

  6   Donc nous avons passé pas mal de temps à discuter de cette question, et

  7   nous n'avons jamais pu obtenir de la part des dirigeants serbes de Croatie,

  8   le degré de réalisme nécessaire pour que leur peuple puisse être défendu

  9   comme il le fallait. De temps en temps, il y a eu quelques dirigeants qui

 10   étaient prêts à faire preuve de ce degré de réalisme. Mais en tout cas, les

 11   choses n'ont pas pu avancer suffisamment. Je pense que s'agissant de ce que

 12   vous faisiez à ce moment-là, vous avez essayé d'obtenir une égalité dans le

 13   rôle de citoyens pour les Serbes de Croatie et les Croates de Croatie,

 14   grâce à la création des zones protégées, et grâce au premier plan Vance.

 15   Mais eux, ne se sont pas aidés eux-mêmes.

 16   Je veux dire que les mois que nous avons passés en 1994 et 1995, à essayer

 17   de concocter un accord économique, ont été des mois de grande désillusion

 18   où il a été très difficile d'obtenir une quelconque compréhension de

 19   Zagreb, quant aux concessions qu'il fallait accepter qui étaient

 20   nécessaires, et la même chose vaut pour Knin. Et de bien des façons, les

 21   dirigeants de Knin se sont montrés encore moins compréhensifs par rapport

 22   aux obligations qui étaient les leurs vis-à-vis des citoyens qu'ils

 23   représentaient. Et la conséquence de tout cela a été un nettoyage ethnique

 24   massif des Serbes de Croatie.

 25   Q.  Puisque vous avez abordé à nouveau ce sujet, j'aimerais vous donner

Page 28523

  1   lecture d'une citation de Thorvald Stoltenberg datant de septembre de cette

  2   année lors d'une visite faite par lui, qui parle des événements que vous

  3   venez d'évoquer. Il dit, je cite :

  4   "Au cours des négociations entre Knin et Zagreb, à la veille de l'opération

  5   Tempête, à laquelle a également participé Franjo Tudjman, j'ai proposé que

  6   la SAO, donc région serbe autonome de Krajina, demeure au sein de la

  7   Croatie, mais ait le droit à l'autodétermination. Les deux parties ont

  8   accepté cette proposition. Mais la réponse n'a été valable que pendant

  9   quelques heures, parce que Tudjman était toujours prêt à ordonner une

 10   offensive avec l'accord des Américains. Je fais remarquer que les Nations

 11   Unies ne savait rien des préparatifs des Croates, ni de l'accord donné par

 12   la Maison blanche à cette opération Tempête. Lorsque l'offensive a

 13   commencé, j'ai eu l'impression qu'on m'avait trompé. Et ce que je dis ici,

 14   est l'entière vérité."

 15   Est-ce bien ce qu'a dit M. Thorvald Stoltenberg, Lord Owen ?

 16   R.  Je ne sais pas. Mais cela me surprendrait que Thorvald Stoltenberg ait

 17   parlé ainsi. Thorvald était mon partenaire dans les négociations, dans le

 18   cadre de la mission des Nations Unies, après Cyrus Vance se soit retiré de

 19   ces négociations. Et c'était un homme remarquablement honnête, un dirigeant

 20   politique très droit qui déployait d'énormes efforts pour se faire

 21   comprendre, notamment à partir où il est devenu le représentant des Nations

 22   Unies responsable de la FORPRONU, et qu'il s'est retrouvé à Zagreb, ainsi

 23   que pendant la période où il coprésidait la conférence internationale sur

 24   l'ex-Yougoslavie. Donc il a toujours déployé d'énormes efforts pour faire

 25   comprendre le plus clairement qu'ils soient les obligations du monde et des

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  1   Nations Unies, vis-à-vis des Serbes de Croatie, et imposer un traitement

  2   équitable pour ces Serbes de Croatie. Je crains fort qu'à ce moment-là, il

  3   était tout à fait clair que le président croate avait conquis le cœur, si

  4   vous voulez, mais en tout cas, l'esprit des Américains à un tel point que

  5   certaines réalités n'étaient plus possibles.

  6   Mais encore une fois, c'est de façon tout à fait désespérée que

  7   l'acceptation de l'entrée des forces armées croates en Bosnie-Herzégovine a

  8   eu lieu, compte tenu du fait qu'il était clair que cela allait détruire

  9   l'équilibre des forces en Bosnie-Herzégovine. Et c'est exactement ce qui

 10   s'est passé au cours de l'été 1995. Si nous cherchons d'où venait le

 11   réalisme et bien, finalement les Serbes de Bosnie ont abouti à Dayton et

 12   votre participation à Dayton est un signe de ce réalisme dû, sans doute en

 13   partie, à la défaite des Serbes sous les coups de l'armée croate en Bosnie

 14   occidentale.

 15   Q.  Mais ce réalisme, sans doute, était le résultat de nos efforts pour la

 16   paix, Lord Owen ?

 17   R.  Non. Je pense que la réalité c'est que même le général Mladic a dû

 18   faire face au fait que les Serbes commençaient à perdre la guerre, que le

 19   fait que les pays occidentaux toléraient l'intrusion de l'armée croate en

 20   Bosnie-Herzégovine signifiait que le rapport des forces avait changé au

 21   désavantage des Serbes de Bosnie et que l'armée croate n'apportait pas son

 22   aide simplement aux Serbes de Croatie mais également aux forces

 23   gouvernementales de Bosnie-Herzégovine. Donc lorsque le bombardement de

 24   l'OTAN a eu lieu au mois août, fin août début septembre, l'équilibre des

 25   forces était devenue très différent et je crois que c'est de là qu'est venu

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  1   le degré accru de réalisme de la part du général Mladic.

  2   Mais malgré cela, il a bien fallu deux semaines de bombardements avant

  3   d'obtenir ce résultat. Cela dit, vous le savez mieux que moi. Je n'étais

  4   plus dans la course. J'étais devenu, si vous voulez, davantage un

  5   observateur intéressé à l'époque.

  6   Q.  Mais le choix à l'époque impliquait soit la guerre, soit la paix. Que

  7   se serait-il passé si la Yougoslavie s'était trouvé impliquée de la même

  8   façon que la Croatie s'est impliquée ? Les Balkans tout entier auraient

  9   pris feu, or le résultat obtenu c'est la paix et l'accord de Dayton a été

 10   signé. C'est bien la Serbie qui a défendu au maximum cet accord de Dayton.

 11   Sans l'intervention de la Serbie, il n'y aurait pas eu signature de

 12   l'accord de Dayton. Ça au moins, j'espère que c'est exact d'après vous,

 13   Lord Owen, n'est-ce

 14   pas ?

 15   R.  Oui. A mon avis, ceci est indubitablement exact. Je pense également que

 16   vous avez raison de dire que si la Serbie et le Monténégro, c'est-à-dire la

 17   République fédérale de Yougoslavie, si les forces armées de la RFY avaient

 18   franchi la frontière de la Bosnie-Herzégovine pour pénétrer en Bosnie-

 19   Herzégovine, nous aurions eu une guerre affreusement sanglante.

 20   Q.  Donc, nous nous sommes prononcés en faveur de la paix. Nous nous sommes

 21   employés à défendre la paix.

 22   R.  Je suppose, je suppose oui. Je crois bien. Je veux croire que vous

 23   souhaitiez la paix. Je l'ai d'ailleurs déjà dit à partir du mois d'avril

 24   1993, vous avez commencé à soutenir une autre solution que par le passé.

 25   Mais ce que j'aurais souhaité c'est que l'appui que vous fournissiez

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  1   verbalement à l'idée de la paix se soit traduit par des pressions

  2   militaires et des actions militaires. Nous en avons parlé hier. A ce

  3   moment-là, la paix aurait pu être rétablie beaucoup plus tôt. Je crois que

  4   si vous aviez fait pièce aux efforts d'obstruction des Serbes, opposés par

  5   les Serbes de Bosnie, au rétablissement de la paix et bien vous auriez pu

  6   le faire deux ans et demi plus tôt.

  7   Q.  Lord Owen, j'aimerais que nous fassions toute la clarté sur les faits.

  8   Je crois que vous êtes quelqu'un de tout à fait droit par rapport à la

  9   description des faits.

 10   Alors, examinez les différents plans de paix. Le plan Cutileiro en date du

 11   mars 1992. Les Serbes l'ont adopté. Ensuite, pendant une longue période, il

 12   n'y a plus rien. Mais il y a toute cette correspondance. Je n'ai pas le

 13   temps de vous citer des passages de ces courriers où les Serbes insistent

 14   dans des courriers adressés à Carrington et Cutileiro sur le fait que les

 15   négociations doivent se poursuivre même si Izetbegovic ne veut plus y

 16   participer et qu'il a retiré sa signature au plan Cutileiro. Donc il y

 17   avait ce plan Cutileiro, et ensuite le plan de 1993, et ensuite vous me

 18   reprochez de n'avoir pas insister pour prendre des mesures encore plus

 19   draconiennes en faveur de plan de paix Vance-Owen.

 20   Vous dites que c'est moi qui ai abandonné les efforts nécessaires pour

 21   appuyer ce plan, alors qu'en fait se sont bien les Américains qui ont

 22   abandonné ce plan, n'est-ce pas ? Vous ne direz pas que ce n'est pas

 23   exact ? Ils ont fait savoir, ils ont prétendu que c'étaient les Serbes qui

 24   considéraient que ce plan n'était pas un plan acceptable. Et à partir de

 25   Belgrade, dans le même temps, ils ont agit de leur côté pour montrer qu'ils

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  1   n'étaient pas favorables à l'adoption de ce plan. Et c'est donc la plus

  2   grande puissance mondiale et la communauté internationale qui a agit de

  3   cette façon. Est-ce exact ou pas, Lord Owen ?

  4   R.  Il y a beaucoup de vérité dans ce que vous venez de dire.

  5   Q.  Et bien, Lord Owen, lorsque ce plan dont vous venez de parler, je ne

  6   sais plus quel nom on peut lui donner, vous, vous l'avez baptisé plan Owen-

  7   Stoltenberg, enfin le nom importe peu, mais nous parlons bien du même plan.

  8   Vous vous en souvenez, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui, en septembre 1993.

 10   Q.  Donc en septembre 1993, effectivement. Il y avait ce plan Vance-Owen et

 11   tous les efforts et les pressions exercés par nous. Et ce plan est

 12   immédiatement abandonné par la communauté internationale et dès le mois de

 13   septembre, il y a ce plan Stoltenberg qui est sur la table et que les

 14   Serbes acceptent encore une fois. Donc nous faisions pression à partir du

 15   moi de mai et jusqu'au mois de septembre pour l'adoption d'un plan de paix,

 16   mais c'est bien la communauté internationale qui a abandonné ces différents

 17   plans de paix parce que ces plans ne leur paraissaient pas suffisant et que

 18   les Musulmans l'avait rejeté alors que les Serbes les avaient acceptés. Ce

 19   n'est pas ainsi que les choses se sont passées ?

 20   R.  Non. Je ne pense pas que la communauté internationale ait laissé tomber

 21   ce plan. Le plan de l'Union européenne prévoyait trois républiques et

 22   augmentait la part de territoire accordé au gouvernement bosnien qui

 23   passait de 33 -- 33,3 %. Ce plan a été étudié en décembre 1993 et hier,

 24   nous en avons parlé. Il a été dit que c'était sans doute la meilleure

 25   occasion de paix qui se sont offerte et que si ce plan avait été mis en

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  1   œuvre, il aurait grandement facilité la réconciliation entre les parties en

  2   présence, davantage en tout cas que le plan de Dayton, y compris. Je pense

  3   que les frontières créées entre les Musulmans, enfin la région, la

  4   république majoritairement peuplé de Musulmans et la république

  5   majoritairement peuplé de Croates auraient signifié une beaucoup plus

  6   grande stabilité pour la Bosnie-Herzégovine.

  7   Mais enfin, ce plan n'a pas été adopté, et il y a eu une différence de 0,5

  8   % dans le territoire accordé au gouvernement bosniaque, discutait donc

  9   entre le Docteur Karadzic et le président Izetbegovic à Bruxelles. Et tout

 10   cela a abouti au plan du Groupe de contacts en juillet 1994, et le plan de

 11   Dayton en 1995. Et j'ajouterais que vous avez toujours soutenu tous ces

 12   plans, mais pour qu'un accord soit réellement conclu, il fallait bien qu'il

 13   y ait accord sur la carte géographique, et les Serbes de Bosnie opposaient

 14   de temps en temps des obstacles tellement importants qu'on en arrivait à un

 15   point de blocage à l'égard de propositions d'accords qui aurait été

 16   considérées comme raisonnables et rationnelles par la majorité des gens.

 17   Q.  Lord Owen, je suis d'accord avec vous. Il est absolument insensé

 18   d'imaginer qu'un plan peut échouer pour une différence de 0,5 % dans les

 19   territoires octroyés. C'est vraiment inimaginable mais il y avait sans

 20   doute plus que cela dans les raisons de cet échec. Regardez de nouveau ces

 21   plans de paix, et la chronologie de ces plans de paix. Donc, le plan de

 22   Cutileiro en 1992, le plan Vance-Owen en 1993, le plan Invincible en

 23   septembre 1993, le plan Kinkel-Juppe, ou plutôt le plan de l'Union

 24   européenne, le plan ensuite du Groupe de contacts, et ensuite le plan de

 25   Dayton.

Page 28529

  1   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je suis désolé, mais je dois vous

  2   interrompre. Nous recevons l'interprétation française sur le canal anglais.

  3   L'INTERPRÈTE : L'interprète s'excuse c'est un problème technique.

  4   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Peut-on reprendre.

  5   L'INTERPRÈTE : Reprend la fin de l'interprétation.

  6   M. MILOSEVIC : [interprétation]

  7   Q.  Donc nous étions dans une question de M. Milosevic, il y a eu ensuite

  8   le plan Vance-Owen en 1993, le plan Invincible en septembre 1993 le plan

  9   Kinkel-Juppe, le plan de l'Union européenne du Groupe de contact, et

 10   ensuite Dayton.

 11   Les Serbes ont accepté le plan Cutileiro, le plan Invincible, ils ont

 12   accepté le plan d'action de l'Union européenne, et ils ont accepté Dayton.

 13   Par conséquent, si l'on veut être équitable à l'égard des dirigeants de

 14   Pale, il faut dire qu'ils ont accepté quatre plans, n'est-ce pas ?

 15   R.  Non, ce n'est pas tout à fait exact. Vous dites que vous avez apporté

 16   votre appui aux quatre plans en question, mais les Serbes de Bosnie ont

 17   rejeté le plan Vance-Owen à Pale. Les Serbes de Bosnie n'ont pas [sic]

 18   accepté le plan Cutileiro, les Serbes de Bosnie ont accepté le plan

 19   Invincible et nous étions nombreux à penser que le président Izetbegovic, à

 20   son retour à Sarajevo, allait également proposé que ce plan soit accepté,

 21   mais le plan d'action de l'Union européenne n'a jamais obtenu un accord

 22   définitif enfin de compte. Donc nous aurions pu -- nous ne pouvions pas

 23   imposer un règlement et nous essayons bien sûr d'obtenir que les deux

 24   parties donnent leur accord. Les Croates avaient donné leur accord. En

 25   fait, ils avaient donné leur accord à tous ces plans mais il y avait cette

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  1   différence dans les territoires octroyés qui n'étaient pas de 0,5 % et vous

  2   savez qu'il était dans -- possible pour Karadzic et Krajisnik de s'entendre

  3   sur les territoires et leur distribution. Donc il est tout à fait insensé

  4   qu'il ne l'est pas fait.

  5   Et à Dayton, en tout cas c'est mon interprétation, vous avez bénéficié

  6   d'une voix prépondérante au sein de la délégation des Serbes, et vous avez

  7   fini par obtenir un accord.

  8   Q. J'apporterai juste une petite correction. Je n'ai pas empêché le vote

  9   des Serbes de Bosnie mais ils ont appris sur la base d'expérience très

 10   amère que, comme vous le savez aussi bien que moi, avant d'aller à Dayton,

 11   j'ai donc rédigé un accord. Et c'est cet accord qui a fini par être

 12   l'accord définitif que vous connaissez sans doute. Il était signé par

 13   Karadzic et Koljevic ainsi que par Plavsic et Krajisnik et Kosic. Le

 14   premier ministre Buha et Mladic également avaient apporté leur accord. Du

 15   côté yougoslave, il y avait Lilic, Kontic, le premier ministre fédéral, il

 16   y avait Bulatovic, le ministre de la Défense, le chef de l'état major et

 17   également le patriarche Paul de l'église orthodoxe serbe.

 18   Alors, pourquoi tout cela ? Pourquoi avoir agi de la sorte au préalable.

 19   Parce que je ne voulais pas un renouvellement de ce qui s'était passé à

 20   Athènes au moment du rejet du plan Vance-Owen. Et je souhaitais que nous

 21   ayons entre les mains un document qui permettrait une adoption définitive

 22   des conditions proposées à Dayton, de façon à ce qu'il n'y ait pas

 23   changement ou amendement ultérieur. Et si les votes se répartissaient à

 24   égalité, c'est-à-dire 3-3, trois pour la Republika Srpska et trois pour la

 25   Yougoslavie, je voulais avoir un vote prépondérant. Parce que mon vote

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  1   devait être décisif pour l'emporter effectivement, pour éviter les dangers

  2   dont nous venons de parler, que cette disposition a été prise, vous le

  3   savez sans doute. Je n'ai pas donc empêché les Serbes de Bosnie de voter

  4   comme ils le voulaient, mais à Dayton un accord a été obtenu, accord qui

  5   était réaliste et qu'il était possible de mettre en œuvre, et qui d'un

  6   certain point de vue défendait les intérêts des trois nations. Ce n'était

  7   pas ainsi les choses se sont passées, Lord Owen ?

  8   R.  Oui, je pense en effet. Je ne plaisantais pas totalement lorsque j'ai

  9   dit que je souhaitais que vous ayez eu un vote prépondérant à Athènes, et

 10   que le patriarche Paul était présent pour attester de tout cela.

 11   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Suspension de 20 minutes.

 12   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.      

 13   --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

 14   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez la parole, Monsieur Milosevic.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si j'ai bien compris, Monsieur May, vous m'avez

 16   accordé encore 15 minutes; c'est bien cela ?

 17   M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est exact.

 18   M. MILOSEVIC : [interprétation]

 19   Q.  Lord Owen, au sujet de ces plans, étant donné il m'apparaît nécessaire

 20   de tirer au clair ces questions afférentes au plan d'action dont vous avez

 21   parlé tout à l'heure. Je tiens à vous rappeler une citation de votre livre

 22   en page 407 de la version anglaise que j'ai sur CD-ROM, et vous y dites :

 23   "Il y a été perdu quatre initiatives de paix dit le plan de Carrington, le

 24   plan de Cutileiro et ceux avant le commencement de la guerre, le plan

 25   Vance-Owen, le plan du bateau Invincible et le plan d'action de l'Union

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  1   européenne. La plupart des européens, à mon avis, ont estimé que les

  2   efforts ultérieurs, tant que les Etats-Unis se gardaient de côté, étaient

  3   voués à l'échec parce que cela permettait aux Musulmans de continuer à

  4   éviter les compromis qui sont inhérents à toute négociation."

  5   Estimez-vous donc, Monsieur le Témoin, que l'absence de succès pour ce qui

  6   est de ce plan d'action de l'Union européenne devrait être attribué

  7   notamment à la partie musulmane, y compris les Etats-Unis ?

  8   R.  Non. Ce n'est pas ce que je pense. Je pense que le président

  9   Izetbegovic avait à faire face à une question extrêmement difficile. Il

 10   s'agissait en effet de tomber d'accord avec un plan qui était en réalité

 11   susceptible de définir une république à prédominance musulmane et c'était-

 12   là la substance des structures dont nous parlions. Nous avions abandonné la

 13   structure cantonale qui était prévue par le plan Cutileiro, la structure

 14   par province du plan Vance-Owen et il s'agissait maintenant de créer au

 15   sein de la Bosnie-Herzégovine, trois secteurs autonomes.

 16   Et cette carte avait prévu l'acceptation de l'existence de trois enclaves

 17   en Bosnie de l'est était très étroite. Donc nous avions procédé à un

 18   élargissement. Nous avions établi une corrélation où des espèces de

 19   couloirs entre Gorazde, Zepa et Srebrenica, mais ça demeurait étroit. Et le

 20   président Izetbegovic avait un grand problème à convaincre sa propre

 21   population de la nécessité de faire de la sorte.

 22   Et en plus, il y avait en plus de cet Bosnie de l'est un problème réel en

 23   Bosnie occidentale où il leur fallait beaucoup plus de territoires. Et

 24   comme je l'ai dit, ceux qui avaient ces territoires, c'était le Dr

 25   Karadzic, à savoir, le leader des Serbes de Bosnie. Et il y avait une

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  1   personne qui avait le moins de territoire et qui avait peut-être la

  2   majorité de la population. Peut-être n'avait-il pas le territoire le plus

  3   petit mais c'était toujours un territoire inférieur à ceux des Serbes, donc

  4   et c'était les Musulmans de Serbie, donc je pense qu'il n'était pas

  5   déraisonnable de demander aux Serbes de renoncer à 0,5 % de leur

  6   territoire.

  7   Vous êtes resté jusque tard dans la nuit cette nuit-là, et je crois que

  8   vous avez véritablement quitté Bruxelles en passant que Karadzic et

  9   Krajisnik allaient finir par approuver ces 0,5 %, mais ils ne l'ont pas

 10   fait le jour d'après. Et c'était une chose qui ne tenait qu'à eux de faire.

 11   Ils devaient donc quitter le point mort pour ce qui est de ces deux parties

 12   du territoire pour que le plan d'action de l'Union européenne puisse être

 13   accepté à Bruxelles.

 14   Q.  Il n'en fait pas de doute. Je crois que vous-même et moi-même ne

 15   pouvions pas supposer à ce moment-là que les choses pouvaient être freinées

 16   pour ce qui est d'un problème de seulement 0,5 % de territoire. Les choses

 17   étaient tout à fait claires de ce point de vue.

 18   Mais je tenais à vous rappeler la citation qui est la vôtre, à savoir que

 19   cette position-là des Américains avait permis aux Musulmans d'éviter la

 20   nécessité d'aboutir à un compromis, compromis absolument indispensable dans

 21   toutes négociations. Et c'était là le point où je voulais en venir pour ce

 22   qui est de la citation que j'ai faite de votre livre.

 23   R.  Là-dessus, je suis d'accord, et à titre privé j'avais depuis longtemps

 24   été d'avis que le format de ces négociations conduites par l'Union

 25   européenne et les Nations Unies était insuffisant et qu'il fallait

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  1   impliquer les Etats-Unis. Et dans les mois qui ont suivi j'ai affirmé qu'il

  2   fallait opérer davantage au travers de l'OTAN, et j'avais été la personne

  3   qui s'était employée en faveur du plan du Groupe de contact qui prévoyait

  4   quant à lui, que l'Union européenne soit représentée par l'Angleterre, la

  5   France et les Etats-Unis. Et il y avait un autre élément complémentaire,

  6   c'était la fédération Russe et les Etats-Unis. A partir de ce moment-là,

  7   les Etats-Unis sont devenus un partenaire aux négociations.

  8   Le plan du Groupe de contact différait en vérité peu du plan d'action de

  9   l'Union européenne ou du plan de Dayton, pour être tout à fait honnête. Le

 10   51 % pour la Republika Srpska était prévue dans tous ces plans-là, tant

 11   pour ce qui est du plan de l'Union européenne que du plan qui avait été

 12   élaboré sur le bateau Invincible. Les Américains avaient accepté le

 13   principe des 51 % et ce sont eux qui ont influé sur la fédération croato-

 14   musulmane. J'estime donc qu'il a été d'une importance cruciale que de voir

 15   l'administration du président Clinton impliquée, et nos positions sont

 16   devenues plus cohérentes. Mais pour ce faire comme je l'ai déjà dit, nous

 17   avons décidé que l'Union européenne devait être représentée par ses membres

 18   les plus importants, ces trois pays que j'ai mentionnés.

 19   Q.  Ce n'est pas contesté. Je voudrais que nous passions à d'autres

 20   questions qui concernent un fait, notamment celui où il est question

 21   d'erreurs qui ont été à l'origine d'une guerre civile, à savoir, une

 22   reconnaissance prématurée de la Croatie, de l'indépendance de la Croatie et

 23   de la Slovénie.

 24   Est-il contesté ou pas, Lord Owen, que ce n'est qu'en Yougoslavie que tous

 25   les peuples qui la constituaient avaient fait en sorte de ne pas être

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  1   morcelés, subdivisés en plusieurs états, donc tous les Croates, tous les

  2   Serbes, tous les Musulmans avaient vécu dans un seul et même pays, et dans

  3   cette espace yougoslave indivisible il y avait tout un tas d'avantages pour

  4   les citoyens, tous les citoyens qui résidaient sur ce territoire-là ? Il y

  5   avait ce plan et tous les autres plans, et c'est d'ailleurs la raison pour

  6   laquelle les états s'associent en une Union européenne ? Je crois que les

  7   choses ne sont pas contestées de ce côté-là.

  8   R.  Non, je pense que les choses auraient été plus simples s'il n'y avait

  9   pas eu dissolution de la Yougoslavie.

 10   Q.  Et c'est précisément de cela que je parle. L'ex-Yougoslavie avait

 11   offert des avantages pour tous les peuples qui y vivaient. Vous n'ignorez

 12   pas, je l'imagine, que toute une série d'états et d'organisations

 13   internationales, une personnalité internationale s'étaient employés en

 14   faveur de l'intégrité de la Yougoslavie et au début de la crise yougoslave

 15   s'étaient employés en faveur de la préservation de son unité, n'est-ce pas

 16   ?

 17   R.  Oui, c'était l'attitude adoptée par les Etats-Unis et par le président

 18   Bush ainsi que par le secrétaire d'état, James Baker. C'était aussi

 19   l'attitude retenue par la Communauté européenne.

 20   Q.  Vous n'ignorez pas le fait que le parlement européen, le 9 juillet

 21   1991, avait adopté une résolution sur la Yougoslavie qui n'a pas soutenu

 22   les actes de sécession unilatéraux intervenus en Slovénie et Croatie.

 23   R.  Oui, je ne suis pas au courant, mais je crois ne pas pouvoir vous

 24   accorder foi, c'est tout à fait cohérent.

 25   Q.  Ne savez-vous pas que le conseil des Ministres de la Communauté

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  1   européenne et le conseil des Ministres de l'Union européenne avaient

  2   apporté leur soutien à l'intégrité territoriale de la RSFY, et en mars

  3   1991, la Communauté européenne avait adopté une déclaration sur la

  4   Yougoslavie disant que : "Seul, une Yougoslavie unifiée et démocratique qui

  5   avait des chances de s'intégrer de façon harmonieuse à cette Europe unie."

  6   C'est une citation que je fais de la déclaration adoptée à l'époque.

  7   R.  C'est exact.

  8   Q.  Saviez-vous que le conseil des Ministres de la OSCE à une réunion à

  9   Berlin, le 19 juin 1991, a adopté une déclaration disant entre autres qu'il

 10   apportait son soutien à l'unité, à l'intégrité territoriale de la

 11   Yougoslavie ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Et maintenant s'agissant de ce revirement, je tiens à vous rappeler ce

 14   que vous avez indiqué dans votre livre, version anglaise de mon CD-ROM,

 15   page 46, paragraphe 1, c'est donc tout de suite après votre nomination, et

 16   vous vous référez à ces événements, vous dites :

 17   "Dimanche, nous avons pris la voiture pour Londres et chemin faisant nous

 18   avons pris le thé chez Peter Carrington à sa ferme de Buckinghamshire.

 19   Comme d'habitude, Peter était détendu, décontracté mais dans sa voix,

 20   pendant qu'il parlait de la façon s'était comporté à son égard les

 21   ministres européens des Affaires étrangères, il y a eu des moments de

 22   gravité. Il n'a pas mis en doute que la décision prise par l'Union

 23   européenne en décembre 1991 avait été une trahison. Et lorsqu'il a évoqué

 24   la chronique des événements je m'étais posé à haute voix la question --"

 25   c'est ce que vous dites vous-même -- "Que vont-ils me faire à moi-même ?

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  1   Alors, lui, il a ri en jubilant." Et il m'a dit : "Ne t'inquiètes pas. Il

  2   ne reste plus grand-chose à faire."

  3   Donc Carrington a estimé que la reconnaissance a fait tomber à l'eau, dans

  4   l'eau les efforts de paix, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui. Il a d'ailleurs dit dans une lettre où il essaie de consigner plus

  6   officiellement ce qu'il pensait, ceci fut vrai aussi de Cyrus Vance et de

  7   Perez de Cuellar, qui était alors secrétaire général des Nations Unies. Ce

  8   qui veut dire que les trois principaux protagonistes des pourparlers de

  9   paix s'opposaient tous à la décision prise par la Communauté européenne qui

 10   assurait cette reconnaissance, et il y avait bien sûr certains mérites à

 11   cette question slovène et à la question croate on pensait que ces pays --

 12   il était inévitable de passer à une reconnaissance prématurée de la Bosnie-

 13   Herzégovine; et c'est précisément ce qui s'est passé et ce fut là une

 14   erreur grave.

 15   Q.  Je dirais même tragique, Lord Owen, j'espère que vous serez d'accord

 16   avec moi pour le dire aussi.

 17   Souvenez-vous de la déclaration de James Baker du 13 janvier 1991, devant

 18   le Congrès américain lorsqu'il a dit que : "Le fait est que la Slovénie et

 19   la Croatie avaient unilatéralement proclamé leur indépendance. En dépit de

 20   nos avertissements, ils prévenaient du recours à la force pour ce qui est

 21   de la prise des passages frontières et c'est ce qui a provoqué ou suscité

 22   la guerre civile."

 23   C'est ce que James Baker a dit à l'occasion de son audition devant le

 24   Congrès le 13 janvier 1991.

 25   R.  Je ne suis pas au courant de cela mais je n'ai pas de raisons de mettre

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  1   en doute ces dires.

  2   Q.  Vous souvenez-vous de la déclaration de Cyrus Vance le 9 février 1995,

  3   et il dit : "La reconnaissance prématurée des ex-républiques yougoslaves a

  4   été une erreur terrible."

  5   R.  C'est ce qu'il pensait, c'est ce qu'il a continué de croire jusqu'à sa

  6   mort.

  7   Q.  "Il aurait été préférable de s'en tenir aux accords de La Haye, qui

  8   n'acceptaient pas la reconnaissance des ex-républiques yougoslaves avant

  9   l'aboutissement à une solution globale. Cela n'a pas été respecté, et

 10   j'estime que cela a été une erreur terrible." Je le cite. Vous souvenez-

 11   vous de cela ?

 12   R.  Oui. J'étais au courant, et je suis d'accord avec ce qu'il pensait.

 13   Q.  Lord Carrington, a, dans une interview à l'hebdomadaire viennois

 14   Profile, dit au sujet des tentatives d'aboutir à la paix, il dit :

 15   "Dans cette tâche, j'aidais Cyrus Vance qui était le négociateur principal.

 16   Les négociations se passaient assez bien. Nous étions sur le point

 17   d'aboutir à une solution pour ce qui est des problèmes de la Krajina et de

 18   la Slavonie. La Communauté européenne, fin 1991, a toutefois, décidé de

 19   reconnaître la Slovénie et la Croatie." Il indique que, "Le comportement de

 20   l'Union européenne a renversé les résultats de la conférence de paix, la

 21   Croatie également.

 22   Et il n'avait plus aucunement envie de continuer la conférence de paix. Et

 23   chose plus importante encore, il fallait permettre la chose à d'autres, et

 24   en premier lieu, à la Bosnie-Herzégovine. Alija Izetbegovic ne s'est pas

 25   décidé en faveur d'autre chose si ce n'est de l'indépendance, et il savait

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  1   pertinemment bien qu'une telle option allait signifier la guerre. Hans

  2   Dietrich Genscher voulait la reconnaissance internationale de la Slovénie

  3   et de la Croatie. Et presque tous les autres avaient été contre."

  4   Alors, Lord Carrington fait une observation où il dit qu'on lui avait

  5   reproché d'avoir été pro-Serbe. Et il a dit : "C'est insensé." Il n'a pas

  6   été facile de dire qui est le bon, et qui est le méchant. Lorsque les

  7   Croates ont proclamé leur indépendance, ils n'ont pas attribué aux Serbes

  8   qui étaient 600 000 dans leur pays, aucune espèce de garantie. Il était

  9   tout à fait compréhensible de voir les Serbes préoccupés par la chose,

 10   notamment si l'on ne perd pas de vue les sauvageries commises par les

 11   Serbes, les Croates, et les Musulmans pendant la Deuxième guerre mondiale."

 12   Est-ce que vous vous souvenez des positions exprimées par Lord Carrington,

 13   à l'époque ?

 14   R.  Non, je ne m'en souviens pas. Mais c'est vous qui êtes responsable de

 15   cette citation, et Lord Carrington est parfaitement en mesure de répondre

 16   de ce qu'il aurait dit lui-même.

 17   Q.  Et vous souvenez-vous de ce que le monde diplomatique [sic] avait dit,

 18   le chancelier Kohl, au sommet de l'Union européenne à Bruxelles au 30 juin

 19   1991, quatre jours après la proclamation de la sécession par la Slovénie à

 20   la Croatie, et quoique cela n'a pas été à l'ordre du jour, avait demandé de

 21   reconnaître momentanément l'indépendance de ces républiques-là.

 22   R.  Je sais, sans aucun doute, que c'était-là son avis, mais quant à savoir

 23   si c'est ce qu'il a dit expressément, je ne le sais pas.

 24   Q.  Et avez-vous connaissance de ce qui s'était passé le 16 décembre 1991,

 25   au sommet de l'Union européenne où Genscher a

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  1   déclaré --

  2   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non. Un instant. Inutile de poser ce

  3   genre de questions au témoin. Ce sont des sujets qu'il n'est pas en mesure

  4   d'aborder. Vous avez disposé de ce quart d'heure. Vous avez encore le temps

  5   de poser quelques questions pour autant qu'elles soient pertinentes, et que

  6   ce soit sur des sujets dont peut parler le témoin. De la pure propagande de

  7   votre part, ne nous aidera aucunement.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne fais aucunement de la propagande.

  9   J'essaie, au contraire, de parler de faits uniquement.

 10   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, oui. Et vous aurez l'occasion d'en

 11   parler lorsque vous déposerez. Mais inutile de poser à un témoin des

 12   questions auxquelles il ne peut pas répondre. Il faut lui poser des

 13   questions pour lesquelles il est en mesure de fournir des réponses.

 14   M. MILOSEVIC : [interprétation]

 15   Q.  Et bien, en page 556 et 557, de votre livre, vous indiquez que : "Lord

 16   Carrington et Perez de Cuellar, par leurs lettres, avaient attirer

 17   l'attention de tout un chacun, disant que la reconnaissance prématurée de

 18   la Slovénie et de la Croatie pouvait transférer la crise sur la Bosnie-

 19   Herzégovine. Et vous êtes allé même au-delà de cela." Au premier paragraphe

 20   de la page suivante, vous dites : "L'erreur de la Communauté européenne

 21   aurait pu être surmontée si la situation n'avait pas été compliquée par la

 22   reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine, indépendamment des séquelles que

 23   cela pouvait avoir. Et il s'agit de la fin 1991. Et il y a eu opposition à

 24   la reconnaissance de -- il y a eu de la part des USA qui s'était opposé à

 25   la reconnaissance de la Croatie et de la Slovénie, une reconnaissance de la

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  1   Bosnie-Herzégovine, en 1992, au printemps. Donc il était inévitable et

  2   logique -- et pas logique du tout de reconnaître la Bosnie-Herzégovine.

  3   C'était une république qui était composée de trois nations constitutives.

  4   Et on peut dire qu'on allait d'une erreur à l'autre."

  5   Et le prix que cela a coûté a été exprimé en vie humaine, Lord Owen. Et

  6   comme vous avez vous-même établi, toutes ces guerres dont vous avez parlé,

  7   comme une seule guerre, une guerre contre la Yougoslavie, une guerre qui

  8   visait à briser la Yougoslavie. En est-il été ainsi ou pas ?

  9   R.  A mon avis, ça était une erreur profonde de procéder à la

 10   reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine, simplement qu'on avait déjà

 11   reconnu la Slovénie et la Croatie. Et le faire en l'absence de véritables

 12   effectifs de maintien de la paix des Nations Unies dans le pays avant la

 13   reconnaissance. Parce qu'au moins de cette façon, on aurait pu diminuer le

 14   risque de l'irruption d'une guerre.

 15   Un des problèmes qui s'est posé, c'est que les Nations Unies, à ce moment-

 16   là, était en butte à des difficultés, ne parvenait pas à rassembler

 17   suffisamment d'effectifs des pays susceptibles d'en fournir pour maintenir

 18   les quatre zones de sécurité des Nations Unies en Croatie. D'une certaine

 19   façon, notre problème, il a perduré tout au long de la crise, on a eu une

 20   habitude magnifique et merveilleuse des hommes politiques qui s'engagent en

 21   parole au conseil de Sécurité, mais ceci n'est pas soutenu par la présence

 22   des forces et des ressources sur le terrain. Et hélas, c'est bien là

 23   l'histoire de l'ex-Yougoslavie, et rien ne le montre mieux que Srebrenica

 24   là, on a donné l'impression qu'on était en mesure d'assurer la protection

 25   des gens sans en avoir les moyens.

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  1   Et il ne faut pas en blâmer les Nations Unies. Souvent on se sert des

  2   Nations Unies de façon générique pour reprocher des choses. Mais il faut

  3   reprocher ces événements au conseil de Sécurité de l'époque, et plus

  4   particulièrement à ses membres permanents.

  5   Q.  Lord Owen, vous avez parlé du général Morillon, et j'apprécie partant

  6   de ce que vous avez dit à son sujet dans votre livre, que votre opinion à

  7   son sujet est des meilleurs, n'est-ce

  8   pas ?

  9   R.  Tout à fait.

 10   Q.  Vous n'ignorez pas qu'il a témoigné devant le parlement français, et

 11   j'ai ici le texte authentique de L'audition de Générale Philipe Morillon,

 12   commandant de la FORPRONU, octobre 1992, 1993, et ainsi de suite, devant le

 13   parlement de la République française, étant donné que M. Nice vous a posé

 14   des questions au sujet de Srebrenica, et quoique vous ayez mis des réserves

 15   puisque vous n'étiez pas en fonction à l'époque. Dans son document, il est

 16   dit :

 17   "Je n'ai pas hésité à dire et à écrire que Mladic est tombé dans un piège à

 18   Srebrenica. Il s'attendait à une résistance qu'il n'a pas trouvée. Il ne

 19   s'attendait pas à ce qu'il y ait massacre, mais il a sous-estimé la haine

 20   amoncelée chez les uns et les autres. Je ne pense pas qu'il ait donné

 21   l'ordre de commettre ces massacres. Mais je ne le sais pas. C'est ma

 22   conviction personnelle."

 23   Et je vous parle, moi-même, d'une conviction personnelle à moi. Je n'arrive

 24   pas à y croire. Vous avez connu le général Mladic, et j'imagine que vous-

 25   même ne pourrez pas croire qu'il ait pu donner l'ordre de commettre quelque

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  1   chose d'aussi déshonorable.

  2   R.  Je crains que maintenant nous ne soyons vraiment pas d'accord. Je n'ai

  3   pas pour tâche de me livrer à des conjectures s'agissant de ce qui s'est

  4   passé à Srebrenica en 1995. Mais ce qui est certain, c'est que mon devoir

  5   est de vous dire à vous, Monsieur Milosevic, et aux Juges, que je ne

  6   partage pas votre avis, en ce qui concerne M. Mladic. Il y a beaucoup de

  7   traits de sa personnalité qui en font un être très ambigu, très ambivalent.

  8   Mais à mon avis, vu ses antécédents, il aurait être complice dans ce

  9   massacre des Musulmans. Je pense que c'était un homme raciste et qu'il

 10   avait beaucoup d'attitudes tout à fait irrationnelles à l'égard de la

 11   population musulmane. Je crois que ces antécédents en tant que général

 12   montre qu'il était tout à fait brutal à ce point qu'il aurait pu prendre de

 13   telles décisions. Je ne le sais pas. Je ne suis pas prêt ici à vous livrer

 14   des hypothèses mais pour ce qui est de sa personnalité, je ne serais pas

 15   prêt à comparaître en tant que témoin de moralité quant à sa capacité en

 16   tant que général à comment dire, je pèse mes mots. Je ne pense pas

 17   nécessairement à son comportement mais à apporter son acquiescement pour ce

 18   qui est du massacre des Musulmans.

 19   Q.  Lord Owen, je vous ai cité le général Morillon. Je vous ai dit que je

 20   ne croyais pas personnellement qu'il ait pu donner un ordre de ce genre, et

 21   Morillon dit qu'il ne pensait pas que celui-ci ait pu ordonner ce massacre.

 22   Mais partant des connaissances datant de 1993, et compte tenu du témoignage

 23   de Morillon devant le parlement français, il parle de haine. Il en a

 24   informé les Nations Unies. Il ajoute :

 25   "J'ai informé de la chose, Belgrade. Je suis allé voir Milosevic et je lui

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  1   ai dit ce qu'il allait se passer. Il m'a aidé. Le fait que j'ai gagné la

  2   bataille à ce moment-là, c'était grâce à la position prise par Milosevic à

  3   ce moment-là, mais New York était au courant également."

  4   Je suppose que vous êtes au courant de ce qui s'était passé en 1993, du

  5   moins ?

  6   R.  Monsieur Milosevic, je l'ai dit très clairement, et certains n'aiment

  7   pas ce que j'ai dit mais je crois, effectivement, que vous avez été très

  8   utile en 1993 lorsque vous avez empêché que Mladic s'empare de Srebrenica.

  9   Je vous ai téléphoné en personne. Il y a beaucoup d'autres personnes qui

 10   sont intervenues auprès de vous et l'histoire le montre, vous êtes

 11   intervenu et vous avez été d'une aide précieuse face à cette situation.

 12   Vous connaissiez les périls graves qui pesaient sur la réputation des

 13   Serbes au cas où les Serbes seraient entrés dans Srebrenica. Il y aurait eu

 14   d'âpres combats dans les rues. Il y a eu vraiment des affrontements autour

 15   de Srebrenica, notamment à Bratunac et ceci aurait pu déborder sur

 16   Srebrenica avec des scènes effroyables.

 17   Je ne sais pas si des arguments vous ont été présentés à ce propos en 1995.

 18   Je ne connais pas cette circonstance. Je le répète, je n'étais plus

 19   négociateur à ce moment-là. Cependant, je pense que c'est l'épisode

 20   singulier le plus honteux qui se soit produit en Bosnie-Herzégovine, le

 21   massacre autour de Srebrenica en 1995, et j'y ai, peut-être à certains

 22   égards, contribué en n'alertant pas suffisamment de monde, en ne montrant

 23   pas suffisamment clairement tout ce qui avait comme danger dans cette

 24   situation. Je le regrette profondément. Mais je vous l'ai dit, je me suis

 25   opposé du début à la fin à cette politique des zones de sécurité. C'était

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  1   une farce. Je l'ai dit au ministre. Je me suis opposé au plan d'action

  2   conjoint en 1993. Et en fait, je me suis gagné l'hostilité des Etats-Unis

  3   se faisant. Et chacun des membres du conseil de Sécurité au moment où ils

  4   ont adopté cette résolution sur les zones de sécurité savait qu'il n'y

  5   aurait pas suffisamment de soldats pour la faire s'appliquer. Les Nations

  6   Unies savait qu'il fallait au moins 35 000 nouveaux hommes de plus pour

  7   mener cette politique à bien. Ces hommes n'ont pas été fournis et nous

  8   sommes en partie responsables de ce massacre effroyable.

  9   Q.  Je partage entièrement votre opinion, Lord Owen. Il n'y a rien eu de

 10   plus honteux à pouvoir survenir et rien ne s'est fait plus au détriment de

 11   ces gens qui ont péri et en même temps au détriment des Serbes eux-mêmes.

 12   C'est la raison pour laquelle je suis si intéressé par les événements de

 13   1995 et par l'éclaircissement de toutes les circonstances.

 14   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il vous reste cinq minutes, Monsieur

 15   Milosevic.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur May. Je ne perds pas de vue

 17   le fait que vous soyez très généreux du point de vue du temps qui m'est

 18   accordé.

 19   M. MILOSEVIC : [interprétation]

 20   Q.  Dans son témoignage devant le parlement de l'assemblée Nationale

 21   française, le général Philippe Morillon a répondu à Marie-France Aubert

 22   [sic][phon] et la question était la suivante : "Estimez-vous qu'il y a eu

 23   un agresseur et des victimes de cette agression et qu'il fallait défendre

 24   les agresseurs ?"

 25   Le général Morillon a dit : "J'étais présent là-bas. Non. J'ai traversé

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  1   cette crise depuis son début en avril 1992 et j'ai toujours refusé

  2   d'estimer qu'il y a eu des agresseurs et des victimes de cette agression.

  3   C'est la raison pour laquelle les Bosniens me l'ont reproché pendant si

  4   longtemps."

  5   A la différence de Philippe Morillon, vous n'avez pas été en

  6   Bosnie-Herzégovine au début même de la guerre. Vous êtes venu six mois

  7   après. Partant de vos expériences et de vos connaissances, seriez-vous

  8   d'accord avec le général Morillon pour dire ou pour formuler une

  9   appréciation analogue à la sienne ?

 10   R.  Je pense qu'il est un peu trop simpliste de voir la guerre en Bosnie-

 11   Herzégovine comme une guerre entre agresseurs et victimes. Je le dis très

 12   clairement, à mon avis, le mal a été fait de part et d'autres par toutes

 13   les parties au conflit. Les dirigeants politiques ont fait preuve d'un

 14   manque de compassion, de compréhension. Ils n'étaient pas prêts à un

 15   compromis de qu'il soit. Il n'en demeure pas moins qu'il est dangereux

 16   d'essayer de se montrer équitable lorsqu'il s'agit d'attribuer à part égale

 17   la responsabilité de dire que tous étaient fautifs. Ce n'était pas le cas,

 18   à mon avis. Je l'ai dis hier et je le répète aujourd'hui. Il n'est pas

 19   facile de déterminer qui était responsable. Si on peut établir un rapport

 20   de culpabilité et de comportements irresponsables, si on essaie de le

 21   faire, je crois que les Serbes de Bosnie sont les premiers fautifs, suivi

 22   de près par les dirigeants musulmans et par leurs effectifs et, je

 23   m'excuse, par les Croates de Bosnie.

 24   D'abord, il y a au niveau de la culpabilité des Serbes de Bosnie pour ce

 25   qui est des mauvais comportements, suivi par les Croates de Bosnie et

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  1   arrive aussi des Musulmans de Bosnie. Mais je ne suis pas Dieu. Je ne suis

  2   pas ici pour attribuer sa part de responsabilités à chacun. Je vous livre

  3   mon avis personnel car lorsqu'on a une guerre de propagande comme ce fût le

  4   cas, chacun affirme qu'il est le bon et que l'autre est toujours le

  5   mauvais. Malheureusement, il va être nécessaire de se faire une idée, de

  6   formuler un jugement mais il faut voir la totalité du problème. Et les

  7   choses n'étaient jamais ce qu'elle donnait l'apparence d'être. A première

  8   vue, on pouvait attribuer la responsabilité d'un événement à une partie

  9   mais il y avait beaucoup d'agents provocateurs. Donc il faut faire preuve

 10   de scepticisme lorsqu'on se demande qui était responsable d'un incident

 11   particulier. Mais je pense que les Serbes n'ont pas aidé à la réputation

 12   mondiale des Serbes vu le comportement qu'ils ont affiché en Bosnie.

 13   Q.  Quand vous parlez de ces incidents et de l'image déformée qui s'est

 14   créée, prenons l'explosion au marché de Sarajevo, à Markale, le samedi 5

 15   février 1994. Cela a constitué l'un des carrefours du tournant de cette

 16   guerre, et on avait accusé les Serbes. Le blâme est tombé sur les Serbes,

 17   n'est-ce pas ? Et en page 419, vous dites :

 18   "Une délégation du gouvernement bosniaque qui était censé négocier et cela

 19   s'est répété par la suite, n'est pas venu à l'aéroport de Sarajevo. Rose

 20   était furieux. Il est allé à la présidence bosniaque pour convaincre le

 21   président Izetbegovic et son commandant militaire, le général Delic, de

 22   venir à cette réunion. Et ils n'ont jamais dissimulé devant le général Rose

 23   qu'à cette réunion, il a précisé aux chefs musulmans qu'il avait reçu des

 24   informations techniques et montrant que ce tir de mortier n'était pas

 25   arrivé de régions contrôlées par les Serbes mais de secteurs contrôlés par

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  1   les Musulmans à Sarajevo."

  2   "Si cette information était diffusée, l'issu de la réunion de l'OTAN allait

  3   être tout à fait autre -- Izetbegovic a fait traîner les choses et Rose

  4   s'était tenu obligé de publier les résultats de l'enquête des Nations

  5   Unies."

  6   Vous le dites, en page 419 de votre livre. "Alors si l'équipe de

  7   négociations du gouvernement ne venait pas à l'aéroport le jour d'après en

  8   février, il allait organiser une conférence de presse." On savait que les

  9   Musulmans avaient pilonné cet endroit et il ne l'a pas publié, il s'en est

 10   servi d'instrument de pression en dépit de l'opinion publique mondiale qui

 11   était prise déjà d'une hystérie anti-Serbe. En a-t-il été ainsi ou pas,

 12   Lord Owen ?

 13   R.  Vous avez raison en partie, malheureusement, vous n'avez pas dit toute

 14   l'histoire. A la demande de M. Karadzic, et de toute façon c'était

 15   inévitable, il y a eu une enquête complète indépendante suite à cette

 16   attaque de mortier. L'enquête onusienne diligentée par Boutros Boutros-

 17   Ghali a conclu qu'il était impossible de déterminer qui était à l'origine

 18   de cette attaque, de savoir si ce mortier venait d'une zone contrôlée par

 19   l'armée musulmane ou d'une région où se trouvaient des forces musulmanes ou

 20   des forces serbes. Et vous avez raison de dire qu'au départ, au stade

 21   préliminaire de l'enquête, il semblait que cet obus venait d'une zone tenue

 22   par les forces musulmanes. C'était une situation tout à fait extraordinaire

 23   que celle-là, on a vu l'OTAN, l'Union européenne qui était plus que prête à

 24   prendre une décision partant automatiquement de l'hypothèse que l'obus

 25   devait venir d'une région tenue par les Serbes. Et ceci n'a jamais été

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  1   prouvé, je le répète. Le contraire n'a pas non plus été prouvé.

  2   Mais l'impression initiale c'était cet obus venait d'une zone tenue par les

  3   forces musulmanes. C'est donc un épisode tout à fait frustrant et la

  4   diplomatie à l'époque était telle qu'il était important que les Nations

  5   Unies conservent leur intégrité, et en dépit de critique incessante, le

  6   général Rose a insisté. Il faut le dire à ces Juges beaucoup de membres des

  7   Nations Unies ont perdu leur vie en Bosnie-Herzégovine pour lutter en

  8   faveur de l'impartialité, s'opposant à des forces très vives. Il y avait

  9   une certaine attitude de la part de l'Union européenne, et je n'en suis pas

 10   fier, je l'avoue, de même que de l'OTAN, qui tenait à arriver à une

 11   conclusion, à une seule, à savoir qu'il fallait blâmer les forces serbes de

 12   Bosnie.

 13   Cependant, il faut comprendre que l'Union européenne et l'OTAN se

 14   trouvaient face à un contexte de particulier, à savoir que jour après jour

 15   il y avait des obus qui tombaient dans Sarajevo de mortier de canon tenu

 16   par les Serbes. Je me suis trouvé moi-même avec le général Morillon et

 17   j'étais réveillé au milieu de la nuit par des tirs d'artillerie dirigés,

 18   braqués directement sur le QG des Nations Unies.

 19   Donc il y avait tout un contexte. Et si vous prenez cet incident

 20   particulier là, on risquait de voir l'impartialité, l'intégrité des Nations

 21   Unies qui soit mise en pièce. Ça n'a pas été le cas, heureusement, on n'a

 22   pas pu déterminer qui était l'auteur de ces tirs, mais on savait qu'il y

 23   avait trop d'armes de positions où se trouvaient des armes tout autour de

 24   Sarajevo, qui a plus d'aisance de tirer sur Sarajevo. Il fallait que ces

 25   pièces soient enlevées. Mladic s'est trouvé face à un ultimatum. Il fallait

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  1   assurer le retrait de ces troupes, tout à fait correcte comme attitude.

  2   Il a refusé. C'est ça la réalité. Il les a fait tourner autour de Sarajevo.

  3   Il les a fait revenir par d'autres voies de communication. C'est seulement

  4   au moment-là où les Russes d'abord à notre demande, mais ils sont aussi

  5   très vite réagi. Ils ont déplacé des forces des Nations Unies qui avaient

  6   été assignées en Croatie, et ils les ont fait passer vers Sarajevo pour

  7   renforcer ce secteur de Sarajevo afin de rassurer les Serbes.

  8    Et puis vous avez vos généraux à vous qui ont forcé le général Mladic à

  9   commencer à retirer non pas ses hommes, mais ces armes lourdes. Et nous

 10   avons réussi à avoir une zone d'expulsion à Sarajevo, et finalement à

 11   rétablir la paix à Sarajevo pendant de nombreux mois avec seulement

 12   quelques incidents épisodiques. Cela n'a pas duré longtemps.

 13   Ce ne sont là que certains détails. Ces des faits dont qu'il est difficile

 14   d'établir, si on veut établir la vérité d'une période très difficile qui a

 15   duré dix à quatorze jours.

 16   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez eu plus de

 17   temps qu'est-ce qui vous avez été accordé, mais vous avez encore le temps

 18   de poser une dernière question.

 19   M. MILOSEVIC : [interprétation]

 20   Q.  Si ce n'est qu'une dernière question que je puis poser, alors puisqu'il

 21   a également été question de mes positions politiques, Lord Owen, j'ai pris

 22   bonne note de ce que vous avez dit hier, et vous avez été explicite. Vous

 23   avez dit que j'avais exprimé et était une opinion prépondérante serbe.

 24   Qu'est-ce que j'étais censé exprimer en tant que représentant élu en Serbie

 25   si ce n'est l'opinion prépondérante de cette population serbe qui m'a élu ?

Page 28551

  1   R.  Monsieur Milosevic, quant à savoir si vous avez été élu au sens reconnu

  2   dans les démocraties occidentales, c'est une autre question. Mais je n'ai

  3   jamais eu le moindre doute dans mon esprit vous avez été le dirigeant élu

  4   du peuple serbe. Vous représentiez l'avis majoritaire. Je ne contexte pas

  5   ici le processus électoral, mais je pense que pendant tout un temps vous

  6   avez représenté l'avis des Serbes.

  7   Et ceci, investir un dirigeant politique d'une responsabilité particulière,

  8   car quelquefois certains sont prêts à adopter une position minoritaire

  9   contre leur opinion publique, en s'opposant à l'avis de cette opinion.

 10   Malheureusement, vous, lorsqu'on pense à l'avis nationaliste serbe à propos

 11   du Kosovo, mais aussi par rapport à d'autres facettes de ce conflit, cela

 12   ne justifie pas de dire que on a toujours représenté l'avis majoritaire. La

 13   démocratie n'est pas simplement un référendum perpétuel dans lequel les

 14   dirigeants sont censés représentés l'avis de la majorité. Il est essentiel

 15   que ces dirigeants soient prêts à défendre des avis qui représentent aussi

 16   la minorité. Ce qui est juste au plan international et en droit

 17   international, doit être préservé, maintenu et vous aviez pour devoir de

 18   faire respecter ce droit international même si ce n'était pas ce qu'a

 19   accepté la majorité de l'opinion publique serbe.

 20   Désolé de terminer sur un mode de leçon à vous donner, mais vous savez que

 21   tout au long de l'histoire, le poste d'un dirigeant politique est le mieux

 22   rempli lorsque les dirigeants sont prêts à affronter l'opinion publique.

 23   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Kay.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je puisse seulement --

 25   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, maintenant le tour est venu à M. Kay

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  1   d'intervenir.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais juste --

  3   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Si vous avez des pièces à verser au

  4   dossier nous en parlerons plus tard.

  5   Maître Kay, vous avez la parole.

  6   Questions de l'Amicus Curiae, M. Kay :

  7   Q. [interprétation] Je vais maintenant vous poser quelques questions qui se

  8   fondent sur la pièce C18, votre livre l'Odyssée Balkanique. Je vais en

  9   extraire quelques pages.

 10   Prenons d'abord la page 94, chapitre 3. Vous parlez à cet endroit du plan

 11   de paix Vance-Owen. Nous sommes en janvier 1993, vous avez pris part à ce

 12   processus de paix à partir du mois de septembre 1992. Intervient donc une

 13   période allant de septembre à janvier et manifestement vous avez fait une

 14   étude de fond pour comprendre le contexte, vous avez des réunions pour

 15   déterminer ce que vous alliez proposer comme modalité aux protagonistes.

 16   Est-ce là un résumé fidèle de votre situation ?     

 17   R.  Je l'espère.

 18   Q.  Voyons maintenant le plan page 94. Nous voyons là les principes

 19   constitutionnels, on définit la Bosnie-Herzégovine comme étant un état

 20   décentralisé et vous accordez une importante autonomie aux provinces toutes

 21   en refusant de reconnaître à ces provinces un caractère légal

 22   international. Donc finalement dans ce plan de paix qui était le vôtre à

 23   l'époque, ce qui était important c'est qu'il y avait la reconnaissance déjà

 24   accordée à la Bosnie-Herzégovine par la communauté internationale et votre

 25   prémisse c'était que la Bosnie-Herzégovine allait rester à l'état reconnu.

Page 28553

  1   Il était impossible de faire marche arrière. C'était bien votre idée, votre

  2   principe directeur, n'est-ce pas ?

  3   R.  Exact. C'était le mandat qui nous avait été donné par la conférence de

  4   Londres. Et de toute façon, c'était le droit international qui prévalait.

  5   Q.  Oui. Et dans le cadre de cet état décentralisé, vous n'alliez pas

  6   déterminer quels étaient les groupements ethniques de ces provinces qui

  7   allaient s'y trouver ?

  8   R.  Non. Nous n'avons pas attribué de bases ethniques au niveau des noms,

  9   ni dans nos descriptions, mais il a toujours été manifeste vue la situation

 10   qui se présentait en ex-Yougoslavie, que certains affirmeraient que

 11   certaines provinces allaient probablement avoir telle ou telle majorité.

 12   Q.  Janvier 1993, à ce moment-là, les Serbes de Bosnie se trouvaient dans

 13   la position la plus forte, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui. Ils occupaient quelque 70 % du territoire.

 15   Q.  A ce stade, si on avait reconnu le plan de paix, ça aurait signifié

 16   qu'ils auraient dû abandonner certains des gains militaires conséquents

 17   qu'ils avaient obtenu au cours des années précédentes ?

 18   R.  Oui. Ils étaient censés abandonner quelque 23 % du territoire en

 19   Bosnie-Herzégovine. C'était donc là un renversement assez conséquent du

 20   fruit de la guerre si vous voulez, ou du fruit du nettoyage ethnique. Et

 21   ceci devait être réalisé par la voie de négociation sur la force. Il ne

 22   fait pas l'ombre d'un doute que c'était un plan ambitieux.

 23   Q.  Page 97 de ce livre, vous dites clairement que vous demandiez un

 24   vainqueur d'abandonner une portion territoriale importante qui est assez

 25   inusité dans un contexte historique ?

Page 28554

  1   R.  Oui, 38,6 % du territoire.

  2   Q.  Et vous avez défié les critiques de ce plan de retrouver dans

  3   l'histoire un cas analogue où il y aurait eu une telle générosité d'un

  4   vainqueur.

  5   R.  Exact. Et moi, je n'ai en tête aucun exemple de ce genre.

  6   Q.  Replaçons ceci dans son contexte en rapport à M. Milosevic à Belgrade,

  7   pour qu'il gagne l'adhésion à ce plan, vous le reconnaissez, ce aurait été

  8   un défi, une gageure politique considérable pour lui dans ces contacts avec

  9   les dirigeants serbes de Bosnie ?

 10   R.   Oui, je le reconnais, mais c'était une revendication qui ne

 11   s'adressait pas qu'à lui tout seul. Il était président de la Serbie à

 12   l'époque et nous essayions de faire participer aussi l'autorité de Cosic,

 13   qui était alors président de la RFY, nationaliste notoire, ainsi que nous

 14   voulions la participation de Bulatovic, président du Monténégro.

 15   Q.  Au moment où a été révélé ce plan de paix, page 99, vous dites que

 16   nombreuses furent les critiques du président Izetbegovic qui se plaignait

 17   de la teneur même du plan. On a utilisé l'appareil de propagande. Il a

 18   utilisé cet appareil de propagande pour donner l'impression qu'il était

 19   forcé à accepter moins de choses que ce à quoi il avait droit dans ce

 20   processus.

 21   R.  En fait, on a entendu dire que les Musulmans de Bosnie avaient accepté

 22   ce plan, M. l'ex-ambassadeur, c'est normal qu'il avait entendu dire et nous

 23   aussi, nous avions cette impression. Il est vrai, bien sûr de dire, que

 24   sachant qu'il y allait bientôt avoir une nouvelle administration

 25   américaine, bizarrement, on s'était dit que ce plan était trop favorable

Page 28555

  1   pour les Serbes et ils voulaient plus de territoire.

  2   Q.  Vous abordez la question qui allait être la mienne. Si nous voyons la

  3   page 100 de votre livre, vous pensiez que le ministère des Affaires

  4   étrangères américain a déformé la situation, a encouragé Izetbegovic à

  5   revendiquer un territoire qu'il ne pouvait pas être accepté par les Serbes,

  6   forçant ce plan de paix à capoter ?

  7   R.  Je ne pense que c'était quelque chose de délibérer. Je pense qu'ils

  8   n'ont pas compris ce plan. Ils n'ont pas compris l'histoire à l'époque.

  9   C'était une nouvelle administration qui se mettait en place, bien sûr, ils

 10   y avaient des gens qui comprenaient, cependant, certains à New York et

 11   ailleurs avaient des avis assez catégoriques, à Washington notamment, on

 12   estimait qu'on avait été trop généreux à l'égard des Serbes.

 13   Q.  Page 100, vous dites que Vance et Okun s'étaient plaints de la façon

 14   dont les Etats-Unis avait présenté vos intentions ainsi que les détails de

 15   ce plan ?

 16   R.  Exact. C'est exact.

 17   Q.  Et on pensait peut-être que derrière tout ça, la raison c'était que les

 18   Russes soutenaient ce plan et les Américains craignaient une initiative

 19   soutenue par les Russes.

 20   R.  Ça peut-être été un des facteurs qui a contribué.

 21   Q.  Si nous revenons à l'histoire politique de M. Milosevic, c'était un

 22   communiste qui venait d'un parti socialiste. Son gouvernement entretenait

 23   de bons rapports avec la Russie.

 24   R.  Là, vous allez un peu loin mais c'est vrai.

 25   Q.  Mais est-ce que ce n'était pas une des composantes ?

Page 28556

  1   R.  Je ne pense pas que la Fédération de Russie, à ce moment-là, soutenait

  2   les Serbes comme ceux-ci auraient voulu être soutenus par les Russes

  3   puisque c'était tous des Slaves. Il y avait M. Kosyrev qui était le

  4   ministre des Affaires étrangères de la fédération. Il a essayé d'être

  5   équitable et je pense que la Russie a été très utile dans tout ce processus

  6   jusqu'au moment de la négociation de Dayton et même au-delà pour ce qui est

  7   de la mise en œuvre de ce plan.

  8   Q.  Là, je fais peut-être un bond audacieux, mais est-ce que finalement les

  9   états qui examinaient ces questions de l'extérieur voyaient en fait leurs

 10   intérêts politiques bien servis, n'est-ce pas ?

 11   R.  Nous ne vivons dans un monde idéal, ni parfait.

 12   Q.  Page 102, vues les difficultés rencontrées par ce plan dans la façon

 13   dont il allait être perçu par les Serbes de Bosnie, le fait que M.

 14   Milosevic ait soutenu ce plan, n'était-ce pas un élément en votre faveur ?

 15   R.  Oui. A ce moment-là, au mois de janvier, nous n'avions pas son soutien

 16   inconditionnel, mais il était utile car il comprenait que nous essayions

 17   d'établir des principes, des principes de coopération et je pense le dire

 18   quelque part dans mon livre. Il a eu l'idée de faire une fusion de deux

 19   principes. Il voulait en représenter neuf plutôt que dix et c'est lui qui a

 20   fourni le fondement d'un compromis. Karadzic avait dit avoir proposé huit,

 21   le président ou le co-président en avait offert dix, on en est arrivé à

 22   neuf. C'était un trait de génie et j'en serai gré M. Milosevic.

 23   Q.  Milieu de la page 102, "M. Milosevic a offert une formule qui nous a

 24   permis de sauver la face."

 25   R.  Exact.

Page 28557

  1   Q.  Et manifestement, vous avez été en mesure de comprendre et de

  2   reconnaître qu'il y avait pour lui, lui aussi, des conséquences politiques

  3   importantes s'il vous aidait à soutenir et à présenter un plan qui était

  4   contraire aux autres aspirations des dirigeants serbes de Bosnie de

  5   l'époque ?

  6   R.  Oui. Il faut se souvenir du fait que la plupart des parties

  7   d'opposition soutenaient le Dr Karadzic, dont certains qui sont devenus

  8   dirigeants et chefs de la République fédérale de Yougoslavie après la

  9   défaite électorale de M. Milosevic.

 10   Q.  Et pour replacer ceci dans son contexte, à Belgrade, vous savez que

 11   lui, il avait besoin de poursuivre ceci jusqu'au bout et de leur faire

 12   comprendre ceci, et de faire accepter ceci par les hommes politiques de

 13   Belgrade en Serbie ?

 14   R.  Dans une certaine mesure seulement. Ce n'est pas une démocratie telle

 15   qu'elle fonctionne à l'ouest, bien sûr il devait tenir compte des critiques

 16   formulées à l'encontre de son plan que ces critiques viennent de Draskovic

 17   ou de Seselj ou d'autres dirigeants.

 18   Q.  Vous avez essayé de voir dans quelle mesure il soutenait ce plan et

 19   pour ce faire il vous fallait comprendre qu'il fallait la preuve que

 20   Karadzic essayait de faire passer, de faire accepter ce plan par son

 21   électorat ?

 22   R.  Mais, ça aurait été utile qu'il le fasse.

 23   Q.  Mais il essayait de présenter ceci comme étant une victoire acquise par

 24   lui ?

 25   R.  Voulez-vous parler de ce plan ?

Page 28558

  1   Q.  Oui. Le fait qu'il ait accepté.

  2   R.  Vous voulez parler de Karadzic ?

  3   Q.  Oui.

  4   R.  Tout du contraire. En fait, Karadzic il essayait de répartir ses

  5   atouts. Il se disait que s'il y avait une défaite des Serbes, il devrait

  6   abandonner tous ces territoires, il devrait abandonner un territoire où il

  7   y avait des sites industriels et au contraire Karadzic n'a jamais accepté

  8   ce plan. Il ne le voulait pas. Les faits de la vie, c'est qu'en fait Dayton

  9   a donné aux Serbes 6 % de territoire en plus que ne le faisait le plan

 10   Vance-Owen.

 11   Q.  Page 103 de votre livre, vous montrez clairement que c'est la pression

 12   exercée par M. Milosevic qui était alors président, pression exercée sur

 13   Mladic et Karadzic et sur les autres dirigeants qui a forcé l'adoption de

 14   ce plan ?

 15   R.  Il a exercé des pressions et il a obtenu d'eux qu'ils signent ce plan à

 16   Athènes, mais à ce moment-là ils sont revenus sur leur signature, donc M.

 17   Karadzic à Pale. Il est apparemment allé pour soutenir ce plan à Pale, mais

 18   ce n'était qu'une apparence d'après ce que j'ai entendu dire à propos du

 19   discours qu'il a prononcé, c'était un discours tellement mou qu'en fait il

 20   est de ceux qui allaient voter contre ce plan.

 21   Q.  Vous dites que Karadzic s'effondre et abandonne à la 25e heure pour ce

 22   qui est de ce plan ?

 23   R.  Oui. En fait il a négocié pratiquement toute la nuite avec lui, il n'y

 24   avait pas que le président Milosevic, il y avait le président Cosic, il y

 25   avait Bulatovic et aussi le premier Ministre grec, Mitsotakis qui a joué un

Page 28559

  1   rôle très utile.

  2   Q.  C'était là des mesures tout à fait essentielles prises par M. Milosevic

  3   en faveur du plan de paix afin que de son côté, du côté des Serbes de

  4   Bosnie on donne l'aval à ce plan ?

  5   R.  Oui. Je n'ai pas le moindre doute quant à l'engagement de M. Milosevic

  6   -- je ne pense pas qu'il est allé à Pale pour que ce plan soit rejeté.

  7   Parce qu'il a été très humilié de retour à Belgrade car il n'avait pas pu

  8   faire intervenir sa volonté, il n'avait pas pu gagner à Pale. Tout le monde

  9   n'est pas de mon avis, il y a une théorie du complot mais je ne sais pas si

 10   c'est la vérité.

 11   Q.  Vous dites qu'il a eu une défaite à Pale puisqu'il y a seulement deux

 12   voix en sa faveur alors que l'autre partie en obtient 51 et puis qu'il

 13   quitte l'assemblée par une porte de secours.

 14   R.  Je n'étais pas là pour le dire mais on en a fait la description dans

 15   les journaux. Et il y a eu surtout l'intervention cruciale du général

 16   Mladic mais aussi de Mme Plavsic.

 17   Q.  En janvier au moment où on essaie de faire passer ce plan de paix --

 18   page 105 de votre livre-là -- pour établir un bon rapport de force, il ne

 19   fallait pas pour conserver l'appui des Serbes, la dernière chose que vous

 20   vouliez c'était l'attaque militaire déclenchée par le président Tudjman sur

 21   les Serbes de Croatie pour s'emparer de leur territoire ?

 22   R.  Oui, c'était quelque chose de tout à fait contre productif. Tout le

 23   monde s'intéressait à la Bosnie-Herzégovine, au plan de paix. Il en a

 24   profité pour faire passer son action militaire.

 25   Q.  Toujours à ce moment-là l'administration Clinton prenait des mesures

Page 28560

  1   qui pour vous revenaient à tuer ce plan de paix Vance-Owen ?

  2   R.  Je pense qu'il s'intéressait surtout à la Croatie. Vous savez c'était

  3   un nouveau gouvernement. Je pense qu'il a prêté serment le président

  4   Clinton le 20 janvier. Le 23 janvier, on attaque le pont de Maslenica. Je

  5   ne pense pas qu'on pouvait attendre du gouvernement Clinton d'avoir un avis

  6   très clair sur la question, sur ce volet-là, le volet Croate. Mais le

  7   gouvernement américain avait déjà montré qu'il n'était pas très satisfait

  8   du plan de paix Vance-Owen plusieurs semaines avant l'entrée en fonction.

  9   Et vous connaissez le système américain, les élections avaient eu lieu au

 10   mois de novembre, et il y a une période de deux mois qui va du mois de

 11   novembre à l'entrée en fonction en janvier, et en règle générale c'est une

 12   politique bipartisane qui intervient à ce moment-là, et qui, tient compte

 13   de la politique que va adopter le nouveau président en matière de politique

 14   étrangère, c'est tout à fait compréhensible comme système.

 15   Q.  Page 114. Vous dites que la nouvelle administration s'était déjà fait

 16   une idée très claire de la situation et voulait faire avorter ce plan de

 17   paix.

 18   R.  C'est très clair pour moi. La question qui se posait pour moi et Cyrus

 19   Vance c'était de savoir si nous allions accepter cela. Et c'était surtout

 20   grave pour Cyrus Vance, d'abord parce qu'il est Américain et puis il avait

 21   été secrétaire d'Etat, ministre des Affaires étrangères et son adjoint,

 22   Warren Christopher, était devenu ministre des Affaires étrangères. Donc si

 23   Cyrus Vance s'opposait à une nouvelle administration démocrate pour

 24   laquelle il y avait des sympathies, c'était une situation très pénible dans

 25   laquelle il se trouvait. Nous en avons discuté et j'ai convenu d'endosser

Page 28561

  1   la responsabilité d'accuser l'attaque frontale américaine. Il a accepté et

  2   c'est ce qu'ils ont fait. Exemple d'une question très ardue il aurait pu ne

  3   rien faire et nous pouvions aussi relever le défi et j'estimais que l'Union

  4   européenne unit sur la question, unanime devait relever le défi. On ne

  5   disait pas ça passe ou ça casse aux Américains, on disait simplement

  6   examinez-le ce plan, ne le rejetez pas tout de go, parce que ce sont ici

  7   vos alliés, vos amis, qui font cette proposition dans le cadre d'une

  8   conférence où était représenté les Etats-Unis, ainsi que la Fédération de

  9   Russie et d'autre pays non européens -- non-membres de l'Union européenne,

 10   et nous ne voulons pas que ce plan soit mis sur la touche sans combattre.

 11   Et nous voulions avoir un appui ne serait-ce que théorique des Etats-Unis.

 12   Ils ont peut-être donné cet accord deux ou trois semaines plus tard. Mais

 13   ce n'était jamais un accord véritable.

 14   Q.  Puis arrive le mois de mai, se fait la réunion de Pale, vous saviez à

 15   ce moment-là que M. Milosevic n'avait cessé de faire pression sur Radovan

 16   Karadzic, et vous dites qu'il avait presque forcé Karadzic à accepté ce

 17   plan et à accepter ce réalisme politique.

 18   R.  Oui, et je l'ai tout à fait soutenu.

 19   Q.  Oui. Pages 148 [sic] et 149 [sic].

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Vous estimiez qu'en l'occurrence Karadzic n'était pas un dirigeant, ne

 22   dirigeait pas. Il n'était pas prêt à suivre jusqu'au bout ce qui était ce

 23   plan face à son électorat, pour exhorter cet électorat à participer ?

 24   R.  Exact.

 25   Q.  Page 163, vous décrivez l'assemblée de Pale, vous parlez de l'attitude

Page 28562

  1   dure tenue par Mme Plavsic qui s'opposait à la signature du plan. Vous avez

  2   Krajisnik et Karadzic lui se préoccupait plutôt de son rôle de dirigeant

  3   des Serbes de Bosnie davantage que d'essayer de faire aboutir ce plan de

  4   paix ?

  5   R.  Oui. Je pense qu'on a commencé à ce moment-là à voir l'émergence de

  6   Krajisnik en tant que personnalité très influente. Il se trouvait à

  7   Athènes, mais là il est un peu mis à l'écart et n'a pas joué un rôle

  8   principal, mais après Pale, Krajisnik -- une influence. Plus tard, il faut

  9   voir en fait dans Krajisnik et Karadzic un binôme. Ils étaient pratiquement

 10   unifiés. Je pense que Karadzic n'aurait pas beaucoup bougé s'il n'avait pas

 11   eu à ses côtés Krajisnik.

 12   Q.  Page 165. Ceci ne porte pas seulement sur la dimension politique, elle

 13   englobe aussi la dimension militaire dans la situation. Vous avez le

 14   général Mladic, personnalité puissante à ce moment-là, qui fait

 15   pratiquement cavalier seul. Il échappe au contrôle du parlement serbe de

 16   Bosnie. Il est en mesure d'exercer ses propres influences, et de chercher

 17   ses propres -- et d'avoir ses propres alliés parmi les cercles politiques,

 18   les regroupements politiques du parlement ?

 19   R.  Oui. Je pense que Mladic est devenu très, très puissant à partir de ce

 20   moment-là. Non pas qu'il l'aurait été uniquement sur le plan militaire,

 21   mais il a commencé à avoir, si voulez, un suivi politique parmi les députés

 22   de Pale. Et plus tard aussi.

 23   Q.  A quelle situation faisiez-vous face en mai ? Pale pouvait à ce moment-

 24   là rejeter Belgrade sans problème.

 25   R.  Oui. Et défier le reste du monde.

Page 28563

  1   Q.  Tout simplement, parce que Pale pouvait représenter une force

  2   conséquente dans la région, et avait un ordre du jour politique tout à fait

  3   cohérent établi par eux-mêmes ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Comme le montre le vote à l'assemblée de Pale ?

  6   R.  Oui. Il faut se souvenir du fait que ces gens n'étaient pas du même

  7   parti politique que celui qui était le parti du président Milosevic. Il

  8   était président à ce moment-là. Ils avaient une lecture de l'histoire serbe

  9   qui était la leur. Il est vrai de dire que Karadzic a commencé à se voir

 10   comme une espèce de Mihajlovic serbe, une autre tradition que celle

 11   instaurée par Tito et les partisans.

 12   Q.  Tout à fait en mesure de penser tout seul, et d'avoir son royaume à

 13   lui, dissocié, divorcé de la Serbie.

 14   R.  C'est peut-être vrai de temps à autres, mais ce qui s'est passé c'est

 15   que Belgrade a occasionnellement rappelé à Pale ce qui se passerait sans la

 16   prise de Belgrade. Il y avait ces artères de communication qui passaient

 17   par la Serbie, le Monténégro, pour arriver aux Serbes de Bosnie. Mais

 18   lorsqu'ils étaient un peu trop impétueux, on les ramenait à la réalité qui

 19   était celle de leur dépendance, à l'égard de Belgrade.

 20   Q.  Pourtant à Belgrade, on se demandait comment contrôler ces Serbes qui

 21   étaient alors en Bosnie. On ne peut pas attaquer les siens. Le programme

 22   politique, l'ordre du jour politique de l'époque ne l'aurait pas autorisé.

 23   R.  On en a discuté hier.

 24   Q.  Oui.

 25   R.  Et j'ai été très franc. Il aurait irréaliste de demander au président

Page 28564

  1   Milosevic, à quelque moment que ce soit, de faire intervenir les forces de

  2   la JNA contre les Serbes, militairement. Ceci est politiquement

  3   impraticable.

  4   Q.  Il faut ici admettre les liens ethniques qui existent entre les

  5   différents groupes de population.

  6   R.  Oui. Et que ce soit Belgrade ou les Serbes de Bosnie, vous savez les

  7   Serbes de Bosnie se vantaient de l'établissement du fait qu'ils n'étaient

  8   pas communistes, même si beaucoup l'avaient été. Mais je pense que les

  9   rapports avec la Russie étaient un peu plus ambigus. Mais il y avait aussi

 10   des forces d'opposition en Russie, d'opposition au président Yeltsin qui se

 11   mettait du côté des Serbes de Bosnie.

 12   Q.  A ce stade-là, en mai 1993, vous aviez compris que le président

 13   Milosevic n'était pas une espèce de balle magique qu'on pouvait tirer pour

 14   obtenir ce qu'on voulait.

 15   R.  Oui. Je ne pouvais pas l'utiliser cette balle. Pas plus que d'autres.

 16   Bien sûr, il avait des limites qui lui étaient imposées. Il serait absurde

 17   de ne pas le reconnaître. Mais je l'ai déjà dit clairement. A mon avis, il

 18   a exagéré les contraintes qui pesaient sur lui, que ce soit à dessein ou

 19   pas, je ne sais pas. Mais il ne serait pas le premier homme politique à

 20   être très prudent quant à l'exercice du pouvoir lorsque ce pouvoir signifie

 21   qu'on met -- qu'on endommage ou qu'on met en question cette base, ce socle

 22   sur lequel repose les hommes politiques.

 23   Q.  Donc à partir de ce moment-là, à partir du mois de mai, la plus grande

 24   incertitude régnait sur le plan politique. Il y avait cette phase sauvage

 25   de la guerre entre les Musulmans et les Croates en Bosnie-Herzégovine. Vous

Page 28565

  1   en parlez à la page 171, de votre ouvrage.

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Et donc il y a eu un changement de politique de la part des Etats-Unis,

  4   cité en page 180, de votre ouvrage. Au départ, les revendications

  5   territoriales ont été plus importantes pour les Musulmans. Et ensuite elles

  6   se sont muées en revendications territoriales plus importantes pour les

  7   Serbes. Ce qui constituait un revirement complet, n'est-ce pas ? Assez --

  8   une grande contradiction ?

  9   R.  Oui, c'était extraordinaire. Au mois de mai, nous avions en face de

 10   nous une administration américaine qui condamnait le plan de paix Vance-

 11   Owen en disant qu'il était trop généreux pour les Serbes. Et que les Serbes

 12   -- et ensuite disant que les Serbes devraient disposer de plus de

 13   territoires. Et que ce plan était irréaliste. Les circonstances étaient

 14   vraiment étonnantes.

 15    Q.  Et les Russes qui, au départ, étaient satisfaits, ont ensuite demandé

 16   plus de territoires pour les Serbes ?

 17   R.  Oui. Il est difficile pour le ministre des Affaires étrangères russe

 18   confronté au secrétaire d'Etat américain qui souhaite qu'il n'y ait aucune

 19   concession faite à l'égard des Serbes, de dire, "Non merci, je pense que

 20   vous devriez être plus dur sur les Serbes." Ce n'était pas une position

 21   réaliste à adopter. Donc je ne critique pas le plan conjoint. Je pense que

 22   les problèmes étaient tout à fait évidents. Et qu'il était tout à fait

 23   compréhensible qu'il ait agi de la sorte.

 24   Q.  Et ceci était un encouragement aux diverses parties d'essayer de

 25   continuer à défendre leurs intérêts respectifs ?

Page 28566

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Même si c'était aux dépens du cessez-le-feu ou de la paix. Ils se

  3   rendaient compte que le territoire était à prendre. Et la chasse aux

  4   territoires a commencé.

  5   R.  Oui. Et je pense que ce genre de personnes, des gens qui, sur le plan

  6   politique ne sont pas très matures, et qui exercent la force pour obtenir

  7   satisfaction, si une concession l'aurait fait, ils considèrent cette

  8   concession comme une autorisation d'exiger de nouvelles concessions. Et

  9   l'attitude occidentale par rapport à ces différents plans de paix -- je

 10   tiens à souligner que le plan Vance-Owen est le seul plan de l'époque qui

 11   était un cercle vicieux. Donc c'était le plan le plus important. Il était

 12   plus important que le plan du Groupe de contact. Le fait qu'ils aient

 13   renoncé à négocier sur la base de la carte, et cela a donné à Karadzic et à

 14   Krajisnik ainsi qu'à Mladic, l'impression qu'ils pouvaient défier Belgrade.

 15   Et défier en fait, n'importe qui.

 16   Q.  A l'époque du plan du Groupe de contact, donc lorsque ce plan a vu le

 17   jour sur le plan politique, le président Milosevic souhaitait que le Groupe

 18   de contact soit pris au sérieux, parce qu'il y avait eu tellement

 19   d'hésitations, tellement de modifications qu'il devenait difficile pour qui

 20   que ce soit de savoir qui était vraiment sérieux, et qui ne l'était pas.

 21   R.  Je ne sais exactement de qui vous parlez ici, mais si vous parlez de

 22   cela -- de Tolkenson [sic] [phon], je pense qu'il était sérieux.

 23   Q.  Je parle de la page 69 [sic] de votre ouvrage. Nous y voyons la

 24   conclusion que je viens de citer.

 25   R.  Vous avez mieux lu mon ouvrage que moi-même.

Page 28567

  1   Q.  Mais entre temps, parce que le président Milosevic avait apporté son

  2   soutien au plan de paix Vance-Owen, son autorité avait été mise en cause

  3   par les Serbes de Bosnie.

  4   R.  Je crois que c'est exact. Je crois pouvoir dire qu'il y a eu des étapes

  5   diverses et très intéressantes dans la réalité du pouvoir dont jouissait le

  6   président Milosevic sur les Serbes. Au départ, ce pouvoir, cette influence

  7   était assez grande. Et après un certain temps, après ce qui s'est passé à

  8   Pale, il y a eu un moment où son influence a commencé à diminuer. Et le

  9   plan a fini par ne plus jouir du même soutien. Donc je pense qu'il a

 10   commencé à leur en vouloir, de lui refuser le soutien du plan qu'il

 11   soutenait lui-même.

 12   Et en septembre 1994, la décision de réduire les approvisionnements qui

 13   arrivaient aux Serbes de Bosnie a constitué une tentative pour recouvrer

 14   une influence perdue. Donc, je crois que c'est en 1995, sans doute ou en

 15   tout cas à l'été 1995, que l'on peut dire qu'il avait récupéré, recouvré

 16   une grande partie de son influence. Et que donc, il a pu obtenir cette voix

 17   prépondérante dans les négociations relatives au plan de Dayton. A ce

 18   moment-là, les Serbes avaient perdu la Krajina. Les Serbes de Bosnie

 19   étaient en train de voir la réalité telle qu'elle était. Les Serbes donc de

 20   Croatie avaient été expulsés de Krajina. Le gouvernement croate agissait

 21   très ouvertement en Bosnie-Herzégovine ce qui avait modifié le rapport de

 22   force. Les Serbes de Bosnie et leurs forces armées avaient été réduites en

 23   nombre. Il y avait des restrictions. Nous pouvons discuter longtemps de

 24   tout cela, notamment de l'efficacité des restrictions imposées. Je pense

 25   que les pouvoirs du président Milosevic étaient probablement plus

Page 28568

  1   importants et il les a exercés. Quiconque a lu l'ouvrage de Richard

  2   Holbrooke au sujet des négociations de Dayton sait qu'au dernier moment au

  3   sujet de Brcko, le débat est devenu très animé et que les discussions ont

  4   duré plusieurs mois.

  5   Donc la position qu'il a prise au sujet de Brcko était prévisible. C'est la

  6   position qu'il avait toujours maintenue dans les négociations sur Brcko

  7   depuis le début.

  8   Q.  Oui.

  9   R.  Donc il y a une continuité dans tout cela.

 10   Q.  Mais à partir de mai 1993 jusqu'à l'été 1995 --

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May.

 12   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour qu'il n'y ait pas de confusion sur les

 14   dates, cette réunion, au cours de laquelle la direction de la Yougoslavie,

 15   à mon initiative, a accepté un accord avec la direction de la Republika

 16   Srpska au sujet de l'envoi d'une délégation unie à Dayton, s'est tenue le

 17   29 août 1995, 29 août 1995, autrement dit, longtemps après les événements

 18   de Bosnie et de Croatie, en tout cas, plusieurs semaines plus tard.

 19   M. KAY : [interprétation]

 20   Q.  Oui, mais jusqu'à ce moment-là, jusqu'à 1995 et après ce qui s'était

 21   passé en 1993, il avait vécu une période où son pouvoir avait été remis en

 22   cause et ou finalement c'est Karadzic qui exerçait le contrôle politique

 23   sur les Serbes de Bosnie.

 24   R.  Et/ou Mladic.

 25   Q.  Oui.

Page 28569

  1   R.  Oui, je suis d'accord.

  2   Q.  Il est difficile --

  3   R.  Oui. Cette position a été défendue par pas mal de gens mais ce n'est

  4   pas la mienne.

  5   Q.  Bon.

  6   R.  Ces personnes qui participaient de très près aux négociations, qui

  7   s'agisse du général Wahlgren, de certains des experts russes, d'un grand

  8   nombre de personnes qui donc ont participé aux négociations, ces personnes

  9   estiment qu'il y a une baisse dans l'influence du président Milosevic et je

 10   suis d'accord avec votre analyse.

 11   Q.  Les Russes accordaient un soutien très ouvert au président Milosevic et

 12   essayaient d'influer sur Karadzic et d'exercer une pression sur lui.

 13   R.  Oui. Je veux dire que les Russes ou plutôt les Américains dans le cadre

 14   de la nouvelle initiative américaine, après les débats animés au sujet du

 15   plan Vance-Owen en février 1993, donc les Américains à ce moment-là avaient

 16   nommé l'ambassadeur Bartholomew à son poste. C'était un diplomate très

 17   compétent et il représentait les Etats-Unis. Les Russes ont répliqué en

 18   nommant l'ambassadeur Churkin. Et l'ambassadeur Churkin a exercé des

 19   efforts sans relâche en allant sur le terrain pour tenter d'influer sur les

 20   différentes factions serbes.

 21   Q.  Oui. Page 307 de votre ouvrage.

 22   Dans la même période, bien sûr, il y avait les frappes aériennes de l'OTAN.

 23   Je rappelle que c'était donc en mai 1995. Nonobstant le fait que les

 24   frappes aériennes de l'OTAN avaient eu lieu, le président Milosevic a

 25   néanmoins continué à apporter son soutien au plan du groupe de contacts.

Page 28570

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Page 330. Alors que Karadzic tenait toujours les manettes du pouvoir et

  3   le président Milosevic, agissant en tant que représentant politique, a pris

  4   une position dont je suis pratiquement sûr que vous la considérerez comme

  5   très courageuse car en dépit des frappes aériennes de l'OTAN, il a continué

  6   à soutenir le plan de paix du groupe de contacts.

  7   R.  Il est certain qu'il a continué à soutenir ce plan et je crois qu'il

  8   avait quelques doutes quant aux pressions qu'il serait prêt à mettre en

  9   œuvre pour en obtenir l'application. Et bien sûr, il pensait que suite à

 10   son attitude, les sanctions contre son pays seraient levées.

 11   Donc la question est très difficile au sein de l'Union européenne, les

 12   positions étaient contradictoires. Pour parler de façon générale, l'Union

 13   européenne estimait que nous aurions dû user du bâton et de la carotte et

 14   qu'en allégeant les sanctions contre la Serbie et le Monténégro, nous

 15   agirions de façon raisonnable pour obtenir en retour la coopération que

 16   nous demandions de Belgrade. Les Américains pensaient de façon globale

 17   qu'un allégement des sanctions serait sans retour et que donc il était

 18   préférable de maintenir fermement les sanctions sur la République fédérale

 19   de Yougoslavie.

 20   C'était une thèse légitime car du point de vue de la diplomatie

 21   internationale, il était légitime de discuter de la meilleure manière de

 22   traiter la situation et les arguments étaient valables de tous les côtés.

 23   Mais cela a créé une situation plus difficile pour le président Milosevic

 24   car les pays occidentaux ne semblaient pas prêts à le récompenser de ses

 25   efforts en allégeant les sanctions et donc la perspective pour la Serbie et

Page 28571

  1   le Monténégro n'était pas très positive.

  2   Q.  A ce moment-là, il y a l'attaque sur la Krajina serbe de la part de la

  3   Croatie, page 343 de votre ouvrage, une fois que Martic coupe la route

  4   principale, et le président Milosevic est très mécontent, apparemment, car

  5   pour lui c'est un risque d'anéantissement du plan de paix du groupe de

  6   contacts.

  7   R.  Et bien, le président Tudjman avait montré à ce moment-là qu'il jugeait

  8   de façon assez juste la situation politique. Il avait fourni aux Américains

  9   une possibilité d'agir autrement. Il pouvait donc s'en sortir et attaquer

 10   son problème. Il n'a pas été aidé par le fait que celui que l'on appelait

 11   le dirigeant des Serbes de Krajina, Martic en l'occurrence, était un homme

 12   très déraisonnable et malheureusement il y avait cet autre homme qui

 13   s'appelait Mikelic, qui lui était beaucoup plus raisonnable, beaucoup plus

 14   sérieux et qui était très entendu, très écouté à Knin mais qui n'a pas été

 15   en mesure de prendre la direction des négociations. Les Serbes de Croatie

 16   ont fait preuve d'un esprit provocateur absolument absurde en coupant la

 17   route principale, ce qui a fourni à Tudjman une excuse pour les attaquer et

 18   bien sûr, violer le droit international et l'accord existant au sujet des

 19   zones protégées par les Nations Unies. Mais il s'en est sorti.

 20   Q.  Et dans le cadre de cette situation très complexe, vous, vous étiez

 21   très sceptique quant au chien qui n'aboyait pas -- excusez-moi d'utiliser

 22   cette expression mais quant au fait que les Serbes de Bosnie et Karadzic

 23   avaient décidé de conclure un accord avec Tudjman au sujet des fournitures

 24   de produits pétroliers.

 25   R.  Et bien, oui, je suis bien forcé de sourire ici parce que la situation

Page 28572

  1   était comique. Je crois me souvenir que j'ai écrit à Douglas Hurd et je lui

  2   ai dis d'ailleurs, je l'ai écrit dans ma déposition devant ce Tribunal,

  3   fait par écrit, j'ai dit que je ne voyais pas quelle stratégie permettait

  4   de discuter et d'agir en plein milieu d'un cloaque. Donc il y avait cette

  5   République fédérale de Yougoslavie. Il y avait le président Milosevic qui

  6   faisait parvenir ses tankers jusqu'aux Serbes de Croatie et un peu de

  7   produits pétroliers étaient sans doute perdus en route, ici ou là, qui peut

  8   le savoir. Mais en tout cas, nous voyons tout d'un coup ce président

  9   Tudjman qui offre à Karadzic et aux Serbes de Bosnie des approvisionnements

 10   en pétrole. Alors où est-ce que nous en sommes pour recevoir les

 11   approvisionnements en question dont il avait besoin. Par ailleurs il offre

 12   des produits pétroliers aux Serbes de Bosnie.

 13   Vous savez, à un certain moment, on lit les commentaires formulés par telle

 14   ou telle personne et vous n'avez pas idée du caractère extraordinaire de la

 15   situation dans laquelle nous opérions avec ces résolutions des Nations

 16   Unies et du conseil de Sécurité et toutes sortes de contradictions.

 17   Q.  Et Tudjman vous a dit qu'il défendait ses propres intérêts et qu'il

 18   était tout à fait prêt à le faire en agissant contre un ennemi déjà

 19   ancien ?

 20   R.  Oui. Il avait l'avantage, c'était tout à fait clair. Ce qu'il voulait

 21   était évident. Il voulait contrôler totalement le territoire de la Croatie

 22   et il ne s'inquiétait beaucoup des méthodes qu'il utiliserait pour ce

 23   faire.

 24   M. KAY : [interprétation] Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

 25   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Lord Owen, ceci met un terme à votre

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  1   déposition. Merci d'être venu devant le Tribunal pénal international pour

  2   témoigner.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne suis pas

  4   sûr d'être autorisé à formuler un commentaire mais je pense que la dernière

  5   période des questions montre bien que les Amis de la Chambre ont pu très

  6   utilement intervenir dans cette déposition.

  7   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci. Nous suspendons l'audience pendant

  8   20 minutes.

  9   --- L'audience est suspendue à 12 heures 28.

 10   --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

 11   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons quelques questions

 12   d'intendance à régler avant le début de l'audition de ce témoin.

 13   Monsieur Milosevic, il y a un certain nombre de documents qui sont en votre

 14   possession et dont vous souhaitez le versement au dossier, n'est-ce pas ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je les ai déjà remis à la Greffière

 16   d'audience.

 17   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Nous allons les examiner un

 18   par un. Le premier de ces documents est un exemplaire du plan Cutileiro,

 19   qui a été évoqué à de très nombreuses reprises dans la présente affaire

 20   mais je ne me souviens pas qu'il ait été versé au dossier. Donc il convient

 21   de lui affecter la cote suivante -- des pièces à conviction de la Défense.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] D209, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le document suivant, c'est la lettre du

 24   27 novembre 1991 de l'accusé à M. Cyrus Vance. Cote suivante, s'il vous

 25   plaît.

Page 28574

  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction de

  2   la Défense 210, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ensuite l'interview avec le général

  4   Morillon, document rédigé en français. Je vais consulter mes collègues

  5   quelques instants.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous en acceptons le versement au

  8   dossier. Cote suivante des pièces à conviction de la Défense, s'il vous

  9   plaît.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction de la Défense 211,

 11   Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Y a-t-il d'autres documents que vous

 13   auriez voulu soumettre au témoin, mais vous n'en avez pas eu le temps ?

 14   C'est bien cela qui s'est passé ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Il y en a effectivement. Mais je crois

 16   pouvoir les utiliser dans le cadre de l'audition d'autres témoins.

 17   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Merci.

 18   Madame Pack, à vous la parole.

 19   Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin suivant est le

 20   Témoin B-1531.

 21   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Faisons entrer le témoin.

 22   Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, je me permettrai

 23   quelques mots sur une question administrative. Le témoin B-1524 sera

 24   entendu après M. Harland. Au départ, il était prévu qu'il soit entendu

 25   jeudi dernier, mais l'ordre a été inversé. Donc pour demain et la semaine

Page 28575

  1   prochaine, l'ordre sera celui que je viens d'indiquer.

  2   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Je ne pense pas que nous pourrons

  3   aller beaucoup plus loin que l'audition du témoin Harland, aujourd'hui, de

  4   toute façon. Mais nous verrons.

  5   Mme PACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  7   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous demanderais, Monsieur le Témoin,

  8   de bien vous lever pour prononcer la déclaration solennelle.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation]  Je déclare solennellement que je dirai la

 10   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 11   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir.

 12   LE TÉMOIN: Témoin B-1531 [Assermenté]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   Interrogatoire principal par Mme Pack : 

 15   Mme PACK : [interprétation] Je demande que l'on remette au témoin la

 16   première page de couverture de l'intercalaire 1. Je voudrais donc que le

 17   témoin ait sous les yeux la version en B/C/S de document. La page de la

 18   couverture de l'intercalaire 1.

 19   Q.  Monsieur le Témoin, je vous demanderais donc de relire ce qui est écrit

 20   sur cette page de couverture. Et je vous demande si les détails vous

 21   concernant c'est-à-dire, vos nom et prénom notamment, sont exacts ?

 22   Je répète la question si c'est nécessaire. Monsieur le Témoin, je vous

 23   demande si les détails vous concernant qui figurent sur cette page de

 24   couverture sont exacts ?

 25   R.  Oui.

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  1   Q.  Monsieur le Témoin, avez-vous bien fourni deux déclarations aux

  2   représentants du bureau du Procureur, en date du 25 juin 1996, et du 28

  3   juin 1997 ?

  4   R.  Oui.

  5   Mme PACK : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on remette au

  6   témoin l'intercalaire 2, et en particulier la page de la couverture de la

  7   déclaration en langue anglaise qui constitue donc, cet intercalaire 2.

  8   Q.  Monsieur le Témoin, pouvez-vous confirmer qu'il s'agit bien de votre

  9   signature, au bas de la page de garde de cette déclaration émanant de vous,

 10   et faite le 28 juin 1997 ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  J'aimerais maintenant que vous vous rendiez en page 5 de cette

 13   déclaration. Donc la dernière page. Et que vous confirmiez que c'est

 14   également votre signature que l'on trouve à ce niveau.

 15   R.  Oui.

 16   Mme PACK : [interprétation]  J'aimerais maintenant que l'on remette au

 17   témoin l'intercalaire 3. Donc la page de couverture de la déclaration en

 18   langue anglaise qui constitue l'intercalaire 3.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 20   Mme PACK : [interprétation]

 21   Q.  Donc cette déclaration que l'on voit ici, émane bien de vous, n'est-ce

 22   pas ?

 23   R.  C'est bien cela.

 24   Q.  Veuillez je vous prie, vous rendre en page de cette déclaration pour

 25   nous dire s'il s'agit bien encore une fois de votre signature que l'on

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  1   trouve donc à la dernière page de cette déclaration.

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Monsieur le Témoin, avez-vous eu la possibilité de lire ces deux

  4   déclarations depuis votre arrivée à La Haye ? Et avez-vous établi un

  5   addendum à ces déclarations, à la date d'hier ? C'est-à-dire le 3 novembre.

  6   Et trouve-t-on dans cet addendum, un certain nombre de modifications que

  7   vous souhaitiez apporter à ces deux déclarations, avec également un certain

  8   nombre d'ajouts ?

  9   R.  Oui.

 10   Mme PACK : [interprétation] J'aimerais que l'on redonne au témoin

 11   l'intercalaire 1.

 12   Q.  Version B/C/S de l'intercalaire 1. Veuillez, Monsieur, vous rendre à la

 13   dernière page de cette déclaration. Est-ce bien votre signature que l'on

 14   voit à la dernière page de la version en B/C/S de cette déclaration ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Monsieur le Témoin, la teneur des deux premières déclarations émanant

 17   de vous, est intégrée aux modifications et ajouts que vous avez apportés

 18   dans l'addendum, correspond-elle à la vérité ? Et est-elle donc exacte

 19   d'après vos souvenirs ?

 20   R.  Oui.

 21   Mme PACK : [interprétation] J'aimerais que ces trois déclarations soient

 22   versées au dossier, et qu'une cote leur soit affectée.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction 581, Monsieur le

 24   Président, conservée sous pli scellé, donc confidentiel.

 25   Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas de questions

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  1   pour ce témoin. Je vais simplement donner lecture du résumé de sa

  2   déposition.

  3   Le témoin était une personnalité publique importante dans la ville de Foca,

  4   à l'époque où le conflit a éclaté. Il décrit les tensions ethniques sur

  5   base de photographies. Il dit que Velibor Ostojic, Petko Cancar, et

  6   Vojislav Maksimovic étaient à Foca très souvent, dans l'année qui a précédé

  7   le début de la guerre. Au cours du premier semestre 1992, ils ont passé

  8   tout leur temps à Foca. Ils distribuaient des ordres aux forces

  9   paramilitaires et aux volontaires venus du Monténégro et de Serbie, ainsi

 10   qu'à certaines formations de la JNA.

 11   Le témoin décrit des réunions auxquelles assistaient Ostojic, Maksimovic

 12   Cancar Stanic le président du SDS de Foca. Réunion tenue dans les locaux de

 13   l'église de Cerazuluk à Foca.

 14   Les Serbes y avaient leur quartier général en 1990 l'assemblée constituante

 15   du SDS de Foca se tient. Petko Cancar est l'une des personnes chargée

 16   d'organiser cette assemblée. L'affaire transe commence à Foca elle se

 17   déroule à l'époque de quoi s'agit-il. Il s'agit d'ouvriers serbes qui

 18   avaient quitté la société Focatrans et qui donc faisaient grève depuis

 19   plusieurs mois. Ils avaient bloqué les rues de la ville et empêcher la

 20   circulation des habitants en ville. Ces ouvriers ont reçu des instructions

 21   de la part de Ostojic et de Maksimovic ainsi que de Cancar au niveau de la

 22   République. Ils se réunissaient régulièrement avec le comité de grève.

 23   Les dirigeants du SDS incitaient les travailleurs les ouvriers serbes à

 24   créer leur propre entreprise et essayer de créer le même sentiment parmi la

 25   population serbe qui résidait dans un certain nombre de villages

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  1   environnant.

  2   Le témoin parle de la distribution d'armes aux civils serbes de Foca. Il

  3   rappelle un jour six mois avant le début de la guerre où un policier

  4   musulman avait arrêté deux véhicules de longue taille dans lesquels on a

  5   retrouvé des armes d'infanterie et des armes d'artillerie.

  6   Le 6 et le 7 avril tous les policiers serbes de Foca sont invités à

  7   participer à une réunion avec Ostojic, Cancar et Maksimovic. Réunion

  8   présidée par Stanisic et qui -- réunion présidée par Stanic et au cours de

  9   laquelle les Serbes -- les Musulmans --réunion présidée par Stanic et qui

 10   se tient dans les locaux du SDS. Les Serbes se voient soumis à un ultimatum

 11   ils leur est enjoint de créer une police distincte de la police musulmane.

 12   Peu après tous les policiers serbes quittent le MUP de Bosnie-Herzégovine

 13   et ils se créent donc deux postes de police distincts même s'ils sont

 14   abrités sous le toit du même bâtiment.

 15   Le témoin parle de négociations entre les membres du SDS et le SDA qui

 16   commencent environ à cette époque. A son avis les négociations n'étaient

 17   qu'une façon pour le SDS de gagner du temps. L'attaque armée sur Foca

 18   démarre le 8 avril 1992. le témoin parle des barrages qui sont érigés par

 19   les Serbes aux abords de la ville il y avait également un barrage tenu par

 20   les Musulmans à Donje Polje qui est érigé en réponse aux barrages dressés

 21   par les Serbes.

 22   La première nuit de l'attaque le témoin entend de nombreux des coups de feu

 23   très nourris. Les paramilitaires serbes possédaient des mitrailleuses qui

 24   visaient les quartiers musulmans de Foca. Le témoin parle de Donje Polje de

 25   Sukovac qui sont prises pour cible par les tirs d'artillerie. Une certaine

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  1   résistance est opposée mais elle n'est que sporadique et peu importante.

  2   Plus tard le témoin apprend que des directives arrivent à Foca directement

  3   de Radovan Karadzic et que Cancar Maksimovic Ostojic lorsqu'ils

  4   interviennent le font en se contentant de transmettre les ordres aux

  5   dirigeants locaux tels que Stanic.

  6   Après le premier jour de l'attaque le témoin quitte la ville de Foca et se

  7   dirigent vers Ustikolina et à partir de là au mois d'avril il part pour

  8   Gorazde.

  9   Monsieur le Président je n'ai pas de question à poser à ce témoin, mais

 10   j'aimerais attirer votre attention sur les questions que vous pouvez voir

 11   résumer dans les premières pages du résumé de la déposition. Ce témoin à

 12   des problèmes est inquiet pour sa sécurité. Et j'invite la Chambre à

 13   entendre sa déposition à huis clos partiel car il craint que si son

 14   identité est révélée au public cela ne lui crée des problèmes. J'ai décrit

 15   en détail les questions qui l'inquiètent et qui risquent de révéler son

 16   identité. Vous les trouverez en première page du résumé de la déposition du

 17   témoin ainsi que dans les pages suivantes. Dans les parties soulignées du

 18   texte.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une chose s'il vous plaît Madame Pack.

 20   Nous avons accepté comme pièce à conviction toutes les déclarations

 21   préalables du témoin, ainsi que l'addendum. Mais je constate que l'addendum

 22   n'a été établi qu'hier donc il contient sans doute des modifications et des

 23   ajouts importants. Et compte tenu du fait que l'accusé ne l'a eu entre les

 24   mains qu'aujourd'hui, il n'a sans doute pas eu le temps de se préparer à en

 25   parler. Donc je crois que ces modifications et ajouts sont des parties

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  1   importantes de sa déposition qu'ils conviendraient de traiter en public ou

  2   en tout cas, -- sur lesquelles il conviendrait que vous lui posez des

  3   questions, ou en tout cas que vous lui demandiez quelques explications.

  4   Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Juge, en effet la position est la

  5   suivante. Ce témoin par une ordonnance du 10 octobre de cette année était

  6   accepté en tant que témoin déposant dans le cadre de l'application de

  7   l'article 92 bis et le Procureur n'a donc pas recueilli de déclarations de

  8   sa bouche. L'addendum se situe dans le même contexte, c'est un ajout aux

  9   déclarations préalables du témoin qu'il est tout à fait courant de

 10   recueillir de la part des témoins 92 bis. Donc au paragraphe 8 vous verrez

 11   un certain nombre d'éléments plus importants que dans le reste du texte,

 12   mais de toute façon les modifications sont contenues dans l'addendum.

 13   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le témoin pourrait donc traiter de cela

 14   verbalement le cas échéant à huis clos partiel. Je veux parler du

 15   paragraphe 8.

 16   Mme PACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous pourrons

 17   passer maintenant à huis clos partiel.

 18   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 20   [Audience à huis clos partiel]

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 11   [Audience publique]

 12   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

 13   Contre-interrogatoire par M. Milosevic : 

 14   Q.  [interprétation] Monsieur 1531, dans le résumé introductif présenté par

 15   Mlle Pack, et il a été dit dès le début que vous aviez été une personnalité

 16   respectée dans la vie politique de Foca. Je suppose que vous connaissez

 17   parfaitement bien les événements survenus à l'époque. En est-il ainsi ou

 18   pas ?

 19   R.  Je pense que la demoiselle que vous avez citée avait parlé de la vie

 20   publique, et non pas de la vie politique de Foca.

 21   Q.  Soit. Qu'il en soit ainsi. Moi j'ai cru entendre politique, mais vie

 22   publique me convient. De toute façon, vous étiez une personnalité respectée

 23   à Foca. Ce n'est pas contesté, n'est-ce pas ?

 24   R.  Non. Ce n'est pas contesté.

 25   Q.  Bien. Vous parlez de la situation à Foca avant et juste après

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  1   l'éclatement des conflits armés en 1992. Et il découle de ce que vous avez

  2   dit que les Serbes s'étaient préparés pour la guerre, et que les Musulmans

  3   ne s'étaient pas préparés pour cela.

  4   Donc, est-ce que vous maintenez cette affirmation ?

  5   R.  Je n'ai pas participé aux préparatifs des Musulmans. Et je n'ai aucune

  6   information afférente à ces préparatifs.

  7   Q.  Vous n'avez pas été partie intégrante à ces préparatifs. Mais est-ce

  8   que les Musulmans se préparaient à la guerre, et si oui comment ?

  9   R.  Je ne peux pas le confirmer. Je ne peux pas l'infirmer non plus. Je

 10   n'avais pas d'information à ce sujet.

 11   Q.  Bien. Serait-il exact de dire que le 25 août 1990, il s'est tenu un

 12   grand rassemblement public de promotion du parti du SDA à Foca ?

 13   R.  Je ne me souviens pas de la date exacte. Mais je sais qu'il y a eu une

 14   assemblée promotionnelle du SDA.

 15   Q.  Serait-il exact de dire que c'est un rassemblement qui a été -- où il

 16   s'est réuni plus de 150 000 personnes ?

 17   R.  Je crois que le nombre était un peu moins important. Mais il y avait un

 18   grand nombre de citoyens.

 19   Q.  Si le chiffre était moins important. Dites-nous combien ?

 20   R.  Je dirais à peu près 100 000 hommes, ou plus de 100 000 hommes.

 21   Q.  Fort bien. Et parmi ces gens-là, il y avait 20 000 hommes qui étaient

 22   venus de Serbie, du Sandzak. Et à la tête desquels se trouvait Sulejman

 23   Ugljanin ?

 24   R.  Un certain nombre de gens étaient venus de cette région, en effet. Mais

 25   je ne peux pas vous confirmer combien ils étaient.

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  1   Q.  Mais qu'est-ce que vous pourriez nous confirmer comme chiffre ?

  2   R.  Je ne le peux pas -- je ne puis parler que de ceux dont je suis

  3   certain. Et l'une de ces personnes, c'est celle dont vous avez mentionné le

  4   nom tout à l'heure.

  5   Q.  Dites-moi combien d'habitants y avait-il à Foca avant la guerre ?

  6   R.  Environ 42 000 habitants.

  7   Q.  Par conséquent, dans cette ville d'environ 42 000 habitants comme vous

  8   le dites vous-même, il s'est rassemblé disons, le chiffre inférieur qui est

  9   celui que vous présentez; plus de 100 000 personnes dans une si petite

 10   ville. Donc, un aussi grand nombre de personnes réunies dans une si petite

 11   ville, c'est véritablement un événement ou une secousse tectonique, n'est-

 12   ce pas ?

 13   R.  Il est venu un grand nombre de gens, de personnes de l'intérieur de la

 14   Bosnie-Herzégovine. Le transport avait été organisé. On avait organisé les

 15   parkings pour ces autocars, aux fins d'accueillir les personnes désireuses

 16   d'assister à cette assemblée promotionnelle.

 17   Q.  Bien. Donc, nous pouvons constater que sur le plan politique, le parti

 18   de l'action démocratique à Foca a démarré ses activités à plein rendement ?

 19   R.  Je ne partage pas votre avis.

 20   Q.  Mais vous dites que dans cette ville de 40 000 habitants à peu près, il

 21   en est venu plus de 100 000. Il en est venu de l'intérieur du pays, de

 22   Serbie, du Sandzak avec Sulejman Ugljanin à leur tête. Est-ce que l'on

 23   pouvait imaginer en accueillir davantage ?

 24   R.  Pour ce qui est de la situation à Foca, je dirais que ça avait commencé

 25   dans la première moitié de cette année-là.

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  1   Q.  Non, non. Ce n'est pas ce que je vous demande. Je vous parle du

  2   rassemblement. Nous avons constaté ensemble,

  3   peut-être en n'étant pas d'accord sur les chiffres. Mais nous ne divergeons

  4   pas tant que cela. L'ordre de grandeur des chiffres est incontesté. Donc,

  5   si une telle activité d'un parti dans une localité aussi petite, cela

  6   signifie forcément que la localité en question est une place forte de ce

  7   parti-là, n'est-ce pas ? Répondez-moi par un oui ou par un non pour que

  8   l'on gagne du temps.

  9   R.  A l'occasion de la tenue de ce rassemblement promotionnel, il a été dit

 10   entre autres que cela serait organisé à la mémoire des victimes tombées

 11   pendant la Deuxième guerre mondiale, afin que cela ne se réitère pas.

 12   Q.  Monsieur 1531, je ne vous demande pas ce qui avait été dit. Je vous

 13   demande s'il y a eu  un rassemblement aussi -- considérable. Comme vous le

 14   dites vous-même, il y avait plus de 100 000 hommes -- 100 000 personnes

 15   venues de régions variées, y compris des régions de Serbie; ne signifie-t-

 16   il pas que le SDA avait un appui important dans cette localité-là ?

 17   R.  Je puis dire que certains individus de Foca avaient été des militants

 18   de ce parti. En effet.

 19   Q.  Fort bien, Monsieur 1531. Et parmi ces plus de 100 000 personnes, il y

 20   avait des individus qui étaient militants du parti. Cela me semble assez

 21   convainquant. Mais allons de l'avant.

 22   Ne serait-il pas exact d'affirmer que la famille Cengic était l'une des

 23   plus respectées des familles de Foca ?

 24   R.  Je puis dire que la famille Cengic, se trouvait en effet, être

 25   influente pour ce qui est de l'aile politique du SDA.

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  1   Q.  Et la tête de la famille, c'était Halid Cengic,

  2   n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et le fils de Halid, Hasan Cengic avait été arrêté en 1983  et condamné

  5   à une peine de prison avec Alija Izetbegovic, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et savez-vous qu'on les avait jugés pour leur position extrémiste

  8   islamique; pour ce qui est d'Izetbegovic notamment, référence faite à sa

  9   déclaration islamique publiée dans les années  1970.

 10   R.  Je n'ai pas eu l'occasion de lire cet ouvrage. Mais les médias ont

 11   parlé de leur arrestation et de leur condamnation.

 12   Q.  Vous savez pourquoi ils ont été condamnés ?

 13   R.  J'en sais ce qui a été publié dans les médias.

 14   Q.  Il s'agissait de la déclaration islamique où Izetbegovic disait, qu'il

 15   ne serait y avoir de paix, de coexistence entre la religion islamique et

 16   les religions non islamiques.

 17   R.  Je n'ai pas eu l'occasion de prendre connaissance de ce document.

 18   Q.  Monsieur 1531, si vous affirmez être une personnalité éminente dans la

 19   vie publique; se peut-il qu'en votre qualité de membre éminent du SDA, vous

 20   n'ayez pas pris connaissance d'un tel ouvrage rédigé de la main de votre

 21   président ?

 22   R.  Je n'ai pas été membre du SDA.

 23   Q.  Bon. Etes-vous au courant que cette déclaration a été rééditée en 1990

 24   en Bosnie-Herzégovine ? Le fait est, que cela a joué un rôle considérable

 25   dans la campagne électorale de M. Izetbegovic.

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  1   R.  Je ne suis pas au courant de cela.

  2   Q.  Fort bien. Pour ce qui est de la condamnation de Hasan Cengic, les

  3   raisons étaient analogues à celles qui ont été prononcées pour ce qui est

  4   d'Izetbegovic. Ils avaient des positions islamiques, intégristes ou

  5   extrémistes, qui les ont fait condamner les deux, ainsi que d'autres

  6   personnes en même temps.

  7   R.  Je sais qu'ils ont été condamnés à l'occasion du même procès.

  8   Q.  Savez-vous que dans les années 1980, Hasan Cengic --

  9   -- dans le courant de l'année 1990, Hasan Cengic est devenu un haut

 10   responsable de ce parti ?

 11   R.  Ce que j'en sais, c'est ce que les médias ont publié. Je sais qu'il

 12   était dans la direction du parti de l'Action démocratique.

 13   Q.  Vous devez savoir également qu'il est devenu par la suite, vice-premier

 14   ministre du gouvernement de Bosnie-Herzégovine ?

 15   R.  Non, pas Hasan Cengic. Muhamed Cengic.

 16   Q.  Mais Hasan Cengic, avait-il un titre quelconque pour ce qui est de la

 17   hiérarchie religieuse musulmane, islamique ?

 18   R.  Je ne suis pas au courant.

 19   Q.  Est-ce qu'avant son arrestation et sa condamnation, les Cengic à Foca,

 20   avaient constitué un appui considérable pour ce qui est des activités

 21   illégales de Alija Izetbegovic jusqu'à son arrestation en 1983 ? Etes-vous

 22   au courant de la chose ou pas ?

 23   R.  Je ne suis pas au courant.

 24   Q.  Dans la deuxième des déclarations que vous avez faites, vous avez parlé

 25   des grèves et des protestations des employés dans l'entreprise Focatrans.

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  1   Cette grève et ces protestations avaient été motivées par des raisons

  2   sociales. Et vous leur attribuez des motifs politiques, n'est-ce pas ?

  3   R.  Tout ce qui se passait à l'époque, et par la suite encore, nous fait

  4   tirer ces conclusions-là.

  5   Q.  Mais en général, les ouvriers, ils font la grève pour des raisons

  6   sociales. Quelles seraient les motivations politiques de la grève en

  7   question ?

  8   R.  Les ouvriers du groupe ethnique serbe de Focatrans dans le courant de

  9   la première moitié de l'année 1990, ont quitté l'entreprise. Et je crois

 10   qu'ils avaient emmené une partie des véhicules avec eux. Et ils ont formulé

 11   des revendications. Et si mes souvenirs sont bons, ils avaient exigé la

 12   révocation ultimative du directeur de l'époque de cette entreprise

 13   Focatrans. Je sais que cela s'est étiré sur des mois. Et à l'époque, l'on

 14   s'apprêtait déjà à mettre sur pied des partis nationaux. Ce qui fait que

 15   certaines personnes qui avaient souvent été en contact avec les grévistes

 16   et le comité de grève par la suite, après les élections, sont venues au

 17   premier plan pour ce qui est de la direction du SDS. Et se sont vues

 18   attribuer des fonctions importantes dans le pouvoir exécutif en Bosnie-

 19   Herzégovine. Je sais donc, au travers de cette période de la grève, que les

 20   relations interethniques étaient déjà gravement détériorées. Et en donnant

 21   leur soutien à ces gens-là, on avait visé à démontrer que la vie et le

 22   travail conjoint étaient devenus impossibles. On les avait conviés à

 23   plusieurs reprises à revenir à leur poste de travail. Et l'aggravation des

 24   problèmes au niveau des institutions locales et au niveau des institutions

 25   de la république, n'ont fait que compliquer les circonstances, pour les

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  1   acheminer vers une culmination.

  2   Q.  Mais comme vous l'avez dit, parmi les faits matériels, vous avez dit

  3   que cette grève a duré pendant des mois. Et l'une des revendications avait

  4   été celle de remplacer le directeur. Mais pour autant que je le sache, il

  5   n'y a pas eu de grève du tout à ce jour ou jusqu'à cette date-là, qui se

  6   serait déroulée sans que l'on ait exigé le remplacement du directeur.

  7   Expliquez-moi, s'il vous plaît, quelle était la motivation politique à

  8   laquelle vous faites allusion. Parce que jusque-là ils n'ont demandé, que

  9   le directeur soit remplacé.

 10   R.  Et bien, ils ont refusé de retourner au travail. Ils ont persisté dans

 11   cette décision. Et ils ont persisté à vouloir se séparer des autres, et à

 12   créer une autre entreprise avec les ressources qu'ils avaient reçues de

 13   Serbie. Je parle là, de véhicules.

 14   Q.  Mais c'étaient des ouvriers d'une entreprise de transport. Vous

 15   indiquez que par la suite, certains des individus, je dis bien individus,

 16   certains de ces grévistes pouvaient être vus parmi les membres du Parti

 17   démocratique serbe. C'est ce que vous avez dit tout à l'heure, n'est-ce pas

 18   ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Ne savez-vous pas que le Parti de l'action démocratique, le parti

 21   musulman, a été créé bien avant le Parti démocratique serbe ?

 22   R.  Je ne sais pas vous dire à quelle date l'un et l'autre ont été créés.

 23   Je n'exclus pas la réalité de ce que vous affirmez.

 24   Q.  Et bien, le 27 mars 1990, le comité d'initiative du Parti du SDA, a dit

 25   que l'on allait mettre sur pied ce parti. Et le président de ce parti,

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  1   Alija Izetbegovic a dit au mois de mai que, "Le SDA constituait une

  2   alliance politique des citoyens de Yougoslavie qui font partie du cercle

  3   historique et culturel musulman, mais d'autres citoyens également."

  4   Donc, ce cercle culturel et historique musulman, vous êtes au courant de

  5   son existence. Et nous sommes encore au mois de mars 1990.

  6   R.  A l'époque, le SDA n'avait pas du tout pris part au litige entre les

  7   employés de l'entreprise Focatrans.

  8   Q.  Quand est-ce que cette grève de Focatrans a commencé ?

  9   R.  Je pense que c'était la première moitié de l'année 1990, lorsque les

 10   ouvriers du groupe ethnique serbe se sont dissociés et ont commencé à faire

 11   la grève.

 12   Q.  Vous voulez dire que ce n'est que les Serbes qui avaient fait la grève

 13   dans Focatrans. Ce n'est pas les autres ?

 14   R.  Les employés, les ouvriers du groupe ethnique serbe pour l'essentiel.

 15   Il y avait peut-être quelques Serbes qui étaient restés travailler. Mais je

 16   parle d'une grande majorité de ceux qui avaient fait la grève.

 17   Q.  Mais les Serbes n'avaient-ils pas été majoritaires parmi les employés

 18   de cette entreprise Focatrans ?

 19   R.  Je ne sais pas vous dire le pourcentage exact des uns et des autres.

 20   Mais je ne pense pas qu'il y ait eu une très grosse différence entre le

 21   nombre des Musulmans et des Serbes employés par cette entreprise.

 22   Q.  Bien. Mais y avait-il des Musulmans qui avaient fait la grève

 23   également ?

 24   R.  Je n'ai pas d'information de cette nature.

 25   Q.  Vous n'avez pas d'information. Mais est-ce que vous affirmeriez que pas

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  1   un seul Musulman n'a pris part à la grève ?

  2   R.  Je ne l'affirme pas. Je n'ai pas d'information.

  3   Q.  Bon. Quelle avait été la structure de la population à Foca à l'époque,

  4   avant la guerre d'après le recensement de 1991, pour ce qui est du rapport

  5   des populations serbes et musulmanes respectivement ?

  6   R.  Les plus nombreux étaient les Bosniens, les Musulmans. Ensuite venaient

  7   les Serbes. Et il y avait un certain pourcentage, 18 à 19 % de ceux qui se

  8   déclaraient être Yougoslaves.

  9   Q.  Donc, un cinquième s'était déclaré comme étant des Yougoslaves à Foca ?

 10   R.  Je crois qu'ils étaient à peu près 18 %.

 11   Q.  Et quel était le pourcentage des Serbes, je vous prie ?

 12   R.  Je pense qu'ils étaient environ 38 %.

 13   Q.  Bien. Avec les Yougoslaves, ça fait 56 %. Donc vous voulez dire par là

 14   que 44 % de la population était des Musulmans à Foca ? Vous connaissez les

 15   données qui émanent de ce recensement de 1991.

 16   R.  Je ne saurais être précis en ce moment-ci. Ce que je sais, c'est que la

 17   population musulmane avait été la plus nombreuse. Puis venaient les Serbes.

 18   Et il y a un certain pourcentage de personnes qui s'étaient déclarées

 19   Yougoslaves.

 20   Q.  Bien. Je n'irai pas plus avant avec vous, parce qu'il y a des chiffres

 21   exacts à ce sujet. Dans votre déclaration, vous avez dit que vous n'étiez

 22   pas membre du SDA, mais que le SDA vous avait nommé aux fonctions qui ont

 23   été par la suite, les vôtres.

 24   (expurgé)

 25   (expurgé)

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  1   Q.  Oui. Vous avez été proposé donc, par le SDA. Il y a donc là, toutes les

  2   raisons pour vous de savoir ce que faisait le SDA à Foca, d'abord les

  3   relations proches que vous aviez avec le SDA. Parce que j'imagine qu'ils ne

  4   vous auraient pas proposé à des fonctions importantes, si vous n'étiez pas

  5   très proche d'eux, et s'il ne vous faisait pas confiance. N'en est-il pas

  6   ainsi ?

  7   R.  Si je voulais répondre plus en détails à cette question, je crois que

  8   très certainement, il me faudrait dévoiler mon identité. Je demanderais

  9   donc --

 10   Q.  Non. Je n'insiste pas. Le deuxième fondement pour ce qui est de la

 11   connaissance des activités du SDA, c'était votre (expurgé)

 12   (expurgé)

 13   (expurgé)

 14   (expurgé)

 15   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Passons à huis clos partiel pour que le

 16   témoin puisse répondre.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 18   [Audience à huis clos partiel]

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 17   [Audience publique]

 18   M. MILOSEVIC : [interprétation]

 19   Q.  J'aimerais un commentaire de votre part, Monsieur le Témoin 1531.

 20   Puisqu'on a déjà parlé de M. Halid Cengic. Commentaire à propos d'un

 21   entretien accordé à l'hebdomadaire de Sarajevo Liljan, numéro 279, pages 11

 22   à 13, le tire est un Cengic, le responsable de la logistique dans l'armée

 23   de la Bosnie-Herzégovine, un soldat et un --  

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  1   Dans cette interview, Cengic mentionne des renseignements relatifs à

  2   l'activité du SDA à Foca et forcément, à mon avis, vous devez connaître ces

  3   renseignements. D'après ce qu'il dit : "Les Musulmans de Foca dès le 1er

  4   août 1990, apparemment afin de défendre Focatrans, disposaient d'un peloton

  5   d'hommes équipés d'armes automatiques, d'une mitrailleuse et d'un mortier.

  6   Ils étaient tous en tenue de camouflage. Ils ont prêté serment à la mosquée

  7   de Ustikolina en posant la main sur le Coran."

  8   Voilà donc une citation, un extrait que je tire de cette interview. A mon

  9   avis, vous devriez, vous devez être au courant de cela pour les raisons que

 10   j'ai avancées. Etes-vous au courant, Monsieur le Témoin 1531 ?

 11   R.  Il aurait été préférable de me poser la question à huis clos partiel,

 12   ainsi j'aurais pu vous donner une explication à vous, à l'Accusation et aux

 13   Juges.

 14   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous revenons à huis clos partiel.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 16   Monsieur le Président.

 17   [Audience à huis clos partiel]

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  8   [Audience publique]

  9   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous reprendrons l'audience demain matin

 10   9 heures. Il vous reste 20 minutes, Monsieur Milosevic, pour le contre-

 11   interrogatoire de ce témoin.

 12   Monsieur le Témoin B-1531, je vous rappelle, nous le faisons pour tous les

 13   témoins que vous n'êtes censé parler à personne de votre déclaration tant

 14   qu'elle n'est pas terminée.

 15   L'audience est levée.

 16   --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le mercredi 5 novembre

 17   2003, à 9 heures 00.

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