Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 26 novembre 2003

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

7 LE TÉMOIN: ESAD VELIC [Reprise]

8 [Le témoin répond par l'interprète]

9 Contre-interrogatoire par M. Milosevic : [Suite]

10 Q. [interprétation] Monsieur Velic, d'après les renseignements dont je

11 dispose, dans votre municipalité à vous, vous avez été l'homme numéro 1

12 pour ce qui est de toutes les décisions prises à l'époque. Serait-il exact

13 de dire que Semsudin Velic, votre frère, a été nommé au poste de

14 responsable du secrétariat à l'Intérieur suite à une proposition émanant de

15 vous-même ?

16 R. Non. Ce n'est pas exact, compte tenu du fait qu'au moment où il a été

17 nommé à ces fonctions, je n'étais pas du tout président du SDA de Bosanska

18 Krupa.

19 Q. Bien. Mais vous n'étiez pas président du SDA, mais il n'en demeure pas

20 moins qu'il a été nommé ?

21 R. Il est exact qu'il a été nommé tout de suite après les élections

22 partites, et moi j'ai été élu président un mois après.

23 Q. Bien. Mais est-il exact de dire que le président du comité exécutif

24 était Edhem Dizdarevic, un cousin à vous ?

25 R. Edhem Dizdarevic avait été le secrétaire du comité exécutif, mais je

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1 n'ai pas connaissance des relations familiales, de parenté.

2 Q. Mais Suad Alibegic, le président du comité exécutif, a-t-il lui aussi

3 été nommé suite à une proposition de votre part ?

4 R. Décédé soit de -- Alibegic avait été nommé -- donc proposé

5 l'organisation du SDA de Buzim, une organisation autonome.

6 Q. Sans votre participation ?

7 R. Non, absolument pas avec une participation parce que je ne le

8 connaissais pas à l'époque.

9 Q. Mais votre oncle, Omer Velic, a-t-il occupé des fonctions de direction

10 dans l'entreprise Krupatrans ?

11 R. Moi, je n'ai qu'un oncle. Il s'appelle Kasim Velic et il n'a jamais été

12 dans Bosanska Krupa. Il a travaillé pendant 20 ans en Autriche.

13 Q. Et qui est celui-ci ?

14 R. Je le connais, mais nous n'avons aucun lien de parenté.

15 Q. Bien.

16 R. Je connais M. Omer Velic, mais nous n'avons pas de liens de parenté,

17 disais-je.

18 Q. Et vous dites que vous n'avez exercé aucune influence sur ces

19 nominations ?

20 R. Pour ce qui est de la nomination de mon frère, Semsudin Velic, pour ce

21 qui est de ces fonctions du poste de Police de Bosanska Krupa, je n'ai pas

22 exercé une influence directe parce que je n'ai été que membre du comité

23 exécutif de cette municipalité du SDA

24 -- du SDA de la municipalité de Bosanska Krupa. Pour ce qui est de la

25 nomination de M. Omer Alibegic, je n'ai pas exercé d'influence non plus,

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1 étant donné que c'est une autre cellule du SDA qui l'avait proposé.

2 Q. Mais vous aviez exercé une influence sur quoi ?

3 R. J'ai exercé une influence dans la mesure du possible dans le cadre des

4 activités déployées par l'organisation du SDA de Bosanska Krupa partant des

5 arguments qui étaient les miens.

6 Q. Vous imposiez vos positions par vos arguments, bien. Dites-moi, vous

7 indiquez, dans un paragraphe déterminé, que les relations entre le SDS et

8 le SDA sur le territoire de Krupa sont survenus -- il y a des divergences

9 pour ce qui est des conflits survenus en Croatie. C'est ce que vous avez

10 dit ?

11 R. Je n'ai pas ma déclaration ici sous les yeux, mais, autant que je m'en

12 souvienne, les problèmes ne sont survenus rien que pour cela, quoique les

13 positions du SDA et du SDS aient divergées pour ce qui est de la

14 participation de la JNA dans les conflits de la Croatie.

15 Q. Bien. Vous dites, en page 4, paragraphe 1, que vous n'avez pas été

16 d'accord pour l'utilisation de la JNA quant à la solution des problèmes

17 politiques en Croatie, n'est-ce pas ?

18 R. Si vous me posez une question directe quant à ma participation de la

19 JNA --

20 Q. Moi, je ne vous parle pas de vos réflexions, je vous parle de ce que

21 vous dites dans votre déclaration.

22 R. Je ne peux pas retrouver ce passage pour vous faire un commentaire,

23 mais, en tout état de cause, je n'étais pas d'accord et, de nos jours,

24 encore, je ne serais pas d'accord pour ce qui est de l'utilisation de la

25 JNA dans quelque conflit interne que ce soit au sein de l'ex-JNA.

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1 Q. Vous parlez de solution des problèmes politiques en Croatie.

2 R. Je crois qu'il s'agit d'une interprétation erronée de ma déclaration.

3 Q. C'est une interprétation erronée de votre déclaration.

4 R. C'est ce que je pense.

5 Q. Fort bien. Vous ne sauriez donc indiquez aucun problème politique en

6 Croatie auquel la JNA aurait apporté une solution ?

7 R. Je vous demanderais de concrétiser votre question. Je ne sais pas du

8 tout à quoi vous pensez.

9 Q. Vous dites qu'il y a une déclaration erronée ou une interprétation

10 erronée pour ce qui est de la solution des problèmes politiques en Croatie,

11 mais, de toute façon, cela n'est pas une chose qui a été résolue par la

12 JNA, n'est-ce pas ?

13 R. Je crois que c'est ce que j'ai dit. C'est une interprétation erronée de

14 ma déclaration parce que les divergences politiques qui étaient survenues

15 dans la vie plus répartite de la Croatie étaient de nature ou était ce

16 qu'elle était. La JNA, ultérieurement, de même que pendant ces divergences

17 et ces débats politiques, ne s'était pas prononcée en public.

18 Q. Qu'est-ce l'on pourrait sous-entendre par l'énoncé des positions de la

19 JNA ?

20 R. Les responsables -- les dirigeants de la JNA n'avaient pas été en

21 mesure de dire publiquement quelles avaient été leurs propres réflexions à

22 eux.

23 Q. Bien. Mais en 1991, année au sujet de laquelle vous êtes en train de

24 nous parler, la Bosnie-Herzégovine faisait partie intégrante de la

25 Yougoslavie, n'est-ce pas ?

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1 R. Ce n'est pas contesté.

2 Q. Bien. Je suppose que vous serez d'accord avec moi pour dire en votre

3 qualité de juriste, en votre qualité d'ex-procureur public et juge, vous

4 savez certainement que la décision, portant mobilisation prise par les

5 organes fédéraux, avait force d'obligation pour tous les conscrits quelque

6 soit leur appartenance ethnique, n'est-ce pas ?

7 R. Je n'ai pas connaissance d'une décision portant mobilisation qui aurait

8 été prise à l'époque par des organes compétentes, Monsieur Milosevic.

9 Q. Bien. Vous dites, en page 4, paragraphe 2, que le Parti démocratique

10 serbe avait voulu exercer un contrôle complet pour ce qui est des cartes

11 d'identité appartenant aux conscrits de Bosanska Krupa. C'est ce que vous

12 avez dit.

13 R. En substance, ce que je voulais dire, c'est que le SDS avait souhaité

14 disposer de la documentation militaire portant sur les conscrits du groupe

15 ethnique serbe.

16 Q. Ils avaient souhaité la documentation personnelle des conscrits

17 militaires du groupe ethnique serbe.

18 R. C'est exact. Dans les concertations entre partis, les représentants du

19 SDS avaient été explicites. Ils avaient demandé que l'on mette de côté la

20 documentation des conscrits militaires du groupe ethnique serbe afin qu'ils

21 puissent, eux-mêmes, disposer de cette documentation-là et mobiliser les

22 conscrits en question.

23 Q. Bien. Je suppose que ce que vous venez de dire sous entend les dossiers

24 des conscrits militaires de cette municipalité, mais pas leur carte

25 d'identité individuelle.

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1 R. Non. Je parle de la documentation militaire.

2 Q. Il y a un autre défaut de précision. On dit que ces documents n'avaient

3 pas appartenu -- vous dites que cela avait appartenu -- cette documentation

4 avait appartenu aux conscrits militaires, mais cela appartenait aux

5 autorités militaires. C'est ce que vous voulez dire ?

6 R. C'est exact.

7 Q. Vous dites que ces fichiers se trouvaient dans le Secrétariat à la

8 Défense nationale ?

9 R. Cela se trouvait dans les pièces du Secrétariat à la Défense nationale.

10 Q. Mais à l'époque, le secrétaire du secrétariat municipal de la Défense,

11 c'était un Serbe, un certain Boro ?

12 R. C'est exact.

13 Q. Vous ne connaissez pas son nom de famille, mais vous dites que c'était

14 un membre du SDS.

15 R. C'est exact. Il avait été proposé à ces fonctions-là par le SDS.

16 Q. Bien. Mais comment se peut-il que ce Boro est secrétaire à la Défense

17 nationale dans les locaux duquel se trouvait cette documentation, ne

18 pouvait pas se procurer les fichiers en question ?

19 R. Tous comme les autres personnes autorisées dans ce secrétariat, il

20 avait le droit d'accéder à cette documentation. Il pouvait s'en servir de

21 la façon qui était prescrite ou suivant les modalités prescrites par la

22 loi.

23 Q. Mais, en d'autres termes, il avait accès à la documentation en question

24 et pouvait s'en servir, n'est-ce pas ?

25 R. Bien entendu. De façon tout à fait légale, il était autorisé à avoir

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1 droit d'examen de cette documentation mais conformément avec les décisions

2 des organes compétentes.

3 Q. Et vous dites, en page 4, que le SDA avait refusé au SDS le droit

4 d'exercer un contrôle. Quel est ce contrôle dont vous parlez ?

5 R. Le SDS ne pouvait pas exercer de contrôle pour ce qui est de cette

6 documentation et un droit de vue, quant à cette documentation,

7 n'appartenait qu'au personnel autorisé. C'est ce qu'il faut comprendre.

8 Q. Bien. Donc cela sous-entend que le SDA avait établi un contrôle de

9 faits pour ce qui est de cette documentation.

10 R. Non, ce n'est pas ce que cela signifie. Cela signifie que les personnes

11 autorisées avaient droit de vue pour ce qui est de cette documentation, et

12 suivant les modalités prescrites par la loi.

13 Q. Est-ce que vous avez empêché le responsable d'arriver à son poste de

14 travail ?

15 R. Qui est-ce qui était censé interdire l'accès au responsable, soyez

16 concret.

17 Q. Mais --

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendez. Attendez un moment, tous les

19 deux -- tous les deux. Vous devez avoir présent à l'esprit le fait que ceci

20 doit être interprété, et, Monsieur Milosevic, vous devez forcément le

21 savoir. Cela fait quand même assez longtemps que vous êtes ici. N'oubliez

22 pas les interprètes.

23 Et nous allons reprendre votre question parce que l'on ne sait plus ce que

24 vous aviez demandé.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Monsieur Velic, en paragraphe 3, page 4, vous dites que, suite à la

2 prise de cette décision de la part du SDA, il y a eu un intervention de la

3 JNA et je vous cite : "La police et les civils ont réussi à empêcher la

4 chose et la JNA n'a rien tenté de ce genre."

5 C'est ce que vous avez lu avec précision ? Mais de quoi s'agit-il ?

6 R. Peut-être ce ne sont pas des termes plus précises, de quoi il en

7 retourne.

8 Et bien, un jour une petite unité militaire est arrivée à Bosanska Krupa,

9 et chez le président de la municipalité de Bosanska Krupa, M. Mehmed Mahic,

10 il avait demandé la documentation du secrétariat à la Défense fédérale de

11 Bosanska Krupa. Pour autant que je le sache, cela a provoqué le

12 mécontentement d'un certain nombre de citoyens qui s'était rassemblé dans

13 les locaux du secrétariat à la Défense nationale et avec le président

14 Mahic. Les représentants de l'armée ont renoncé à la prise de possession de

15 cette documentation.

16 Q. Bien, mais cela signifie que la JNA n'a pas essayé d'intervenir ?

17 R. Je crois que le terme "d'intervention" est trop fort. Il est venu une

18 petite unité, ils étaient 15 ou 20, mais ils n'ont toutefois pas essayé de

19 s'emparer de la documentation par la force.

20 Q. Bien. Est-ce qu'il serait exact de dire que dès le début automne 1991,

21 à l'occasion de ces fichiers des conscrits, il y a eu des négociations

22 entre les représentants des autorités militaires et les responsables locaux

23 qui étaient membres du SDA et non pas entre le SDS et le SDA comme vous le

24 dites ?

25 R. Oui, les détails de ces conversations ne me sont pas connus. Je n'ai

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1 pas été présent à l'occasion des entretiens entre le président de

2 l'assemblée municipale et les autorités militaires. Ce qui fait que je ne

3 sais pas s'il y a eu ou non des entretiens autres.

4 Q. Bien. Mais ils ont eu lieu entre des représentants des autorités

5 militaires et des représentants du SDA ?

6 R. Non, pas les représentants du SDA, Monsieur Milosevic. C'était des

7 représentants officiels de l'assemblée municipale de Bosanska Krupa.

8 Q. Oui, mais qu'ils y étaient du SDA, n'est-ce pas ?

9 R. Dans le cas que j'ai cité, le président de l'assemblée municipale de

10 Bosanska Krupa, M. Mehmed Mahic, était membre, oui, du SDA. Mais si vous

11 citez quelques autres personnes par leurs noms et prénoms, nous pouvons en

12 parler.

13 Q. Mais Safia [phon] Velic, votre épouse, pendant la durée de ces

14 négociations, avait sorti de façon clandestine ces dossiers par la fenêtre

15 avec un Semso Sensodin [phon] ?

16 R. Je n'en ai pas connaissance, Monsieur Milosevic. Mon épouse avait

17 travaillé au secrétariat à la Défense nationale de Bosanska Krupa à

18 l'époque.

19 Q. Bien, Monsieur Velic. Mais vous vous employé en faveur d'une

20 suppression de ce secrétariat municipale à la Défense nationale et vous

21 vouliez qu'il soit adjoint ou annexé au secrétariat à l'Economie ?

22 R. Vous ne pouvez pas dire que c'était moi qui m'étais employé en faveur

23 d'une chose de cette nature. Il y avait une procédure de réorganisation de

24 ces organes administratifs municipaux. Dans le courant de la procédure en

25 question, pour autant que je m'en souvienne, il y a eu une proposition qui

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1 disait que le secrétariat à la Défense devrait être réorganisé et faire

2 partie du secrétariat à l'Economie.

3 Q. Mais quelle était l'argumentation ? Pouvez-vous le dire ?

4 R. Je ne peux pas m'en souvenir, mais je crois savoir qu'il y a des

5 documents disponibles qu'on peut mettre à votre disposition.

6 Q. Mais est-ce que vous avez à l'esprit une idée logique des raisons qui

7 avaient motivé la jonction du secrétariat à la Défense au secrétariat à

8 l'Economie alors que l'un n'a rien à voir avec l'autre ?

9 R. Je ne peux pas vous donner d'argumentation. Je vous ai dit que je n'ai

10 pas fait partie des activités afférentes et à compter du mois de septembre

11 1991, j'avais été, moi, président de l'organisation du SDA, mais en tant

12 que volontaire et non pas en tant que professionnel.

13 Q. Bon, alors on va passer à d'autres questions, Monsieur Velic. Page 5,

14 paragraphe 3, vous dites qu'il y a eu un événement en date du 8 septembre

15 1991, date à laquelle sur le territoire de Bosanska Krupa, ou plutôt de la

16 communauté locale d'Otoka, il y a eu, comme vous le dites vous-même,

17 arrestations de plusieurs policiers à Martic, c'est ainsi que vous les

18 dénommez. C'est bien ce que vous nous dites là ?

19 R. Oui.

20 Q. Mais je suppose que votre frère qui était chef du SUP, Semsudin Velic,

21 doit en savoir bien plus long que vous ?

22 R. Je suppose que c'est bien le cas.

23 Q. Fort bien. Le même soir, comme vous le dites, on a arrêté Martic lui-

24 même qui était en compagnie d'un officier de la JNA du corps de Banja Luka,

25 un dénommé Smiljanic. C'est bien ce que vous avez dit ?

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1 R. C'est exact. Peut-être le terme "d'arrestations" ne correspond-il pas

2 tout à fait à la réalité.

3 Q. Bien. Quel est le terme que vous utiliserez vous-même ?

4 R. Les événements précédents avec les policiers à Martic comme je l'ai

5 indiqués ici, ont provoqué le trouble parmi la population de Bosanska

6 Krupa. Ils ont été libérés du poste de police de Bosanska Krupa parce qu'il

7 est arrivé une vingtaine de policiers à Martic qui étaient armés. C'était

8 un dimanche et le poste de police n'avait pas été sécurisé de façon

9 appropriée. C'est ce qui a fait que cela a pu se passer. Je croyais à

10 l'époque, et je crois à présent, que c'était une provocation armée et une

11 tentative de déstabilisation de la situation en Bosanska Krupa.

12 Par un concours de circonstances, compte tenu du trouble qui s'était

13 installée parmi la population, il s'est rassemblé de façon spontanée, 500 à

14 1 000 citoyens sur le pont. Et cela s'est passé vers le début de la soirée.

15 Il y avait là-bas un poste de contrôle de la circulation par la police et à

16 l'occasion de ces événements, lorsque les citoyens se sont rassemblés, il

17 est arrivé un véhicule par hasard, un véhicule où il y avait Martic et M.

18 Smiljanic.

19 Etant donné que les citoyens avaient remarqué les plaques de la SAO de

20 Krajina sur les uniformes des personnes dans le véhicule, il y a eu un

21 trouble plus grand encore qui s'est installé et les policiers qui étaient

22 là se sont trouvés contraints d'escorter ce véhicule jusqu'au poste de

23 police d'Otoka. Ce n'est qu'une fois que l'on a procédé à l'identification

24 des intéressés que l'on a reconnu Martic, et Smiljanic, lui, a présenté ses

25 pièces d'identité militaires.

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1 Q. Vous dites en page 5 de cette déclaration -- comme vous le dites que le

2 terme d'arrestation n'est pas adéquat -- mais vous dites que : "Ce même

3 soir, Milan Martic, commandant serbe de Croatie, a été arrêté à proximité

4 d'une petite ville appelée Otoka." C'est ce que je vous ai posé comme

5 question et c'est vous qui avez parlé de ce colonel Smiljanic.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ecoutez, le témoin vous a déjà répondu à

7 cette question, il n'est pas nécessaire de revenir là-dessus. Il vous a

8 déjà expliqué ce qu'il voulait dire.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Dites-moi, Monsieur le Témoin, qui est-ce qui a donné l'ordre d'arrêter

12 Martic ?

13 R. Pour autant que je le sache personne, je crois avoir dit "qu'arrêter"

14 n'est pas le terme qui correspond aux circonstances et à la situation telle

15 quelle s'est passée.

16 Ce soir-là, je suis arrivé à Otoka et je me suis rendu compte par moi-même

17 une fois que Martic était au département de police d'Otoka qu'il avait

18 bénéficié de la protection de la police en réalité.

19 Q. Bien. Etant donné que votre frère, comme vous le dites vous-même, avait

20 été ce qu'il avait été à savoir le chef de la police, serait-il exact de

21 dire que c'est sous commandement qu'il y a eu distribution d'armes aux

22 civils musulmans de Bosanska Krupa ?

23 R. Pour autant que je le sache, cela n'est pas exact, Monsieur Milosevic.

24 Il y a eu distribution d'armes aux réservistes de la police ou plutôt à une

25 partie des réservistes de la police.

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1 Q. Donc, il y a bien eu distribution des armes, c'est bien ce que vous

2 dites, à une partie des réservistes de la police ? Et vous indiquez par la

3 suite que l'ordre d'arrêter Martic a été supprimé depuis Belgrade, n'est-ce

4 pas ?

5 R. En effet. Lorsque Martic a été libéré, on lui avait fourni une escorte

6 du MUP de la république de Bosnie-Herzégovine à son attention à lui et à

7 l'attention de M. Smiljanic pour être escorté à Bosanski Novi. A Bosanski

8 Novi, il y avait Mahic Mehmed, président de l'assemblée municipale de

9 Bosanska Krupa, qui lui avait assisté à une réunion entre Martic et le

10 général Mladic, qui à l'époque n'avait pas probablement son grade de

11 général. Il l'a mérité par la suite.

12 Là, la rencontre a été cordiale. Ça c'est terminé par des embrassades et

13 c'est ce qui m'a été rapporté comme commentaire par les personnes

14 présentes. M. Mahic m'a dit qu'un avis de recherche fédéral pour M. Martic

15 avait été supprimé et c'est ce qui a donné lieu à sa libération.

16 Q. Vous dites que M. Martic avait fait l'objet d'un ordre d'arrestation,

17 le MUP de Bosnie est intervenu et il a été ramené à Bosanski Novi. Il a été

18 relâché par la suite, il était attendu là-bas par le général Mladic et

19 l'ordre de le libérer venait de Belgrade.

20 Mais est-ce qu'étant donné que vous n'en savez pas très long au sujet de

21 l'incident en question, ne savez-vous pas que l'ordre n'a pas été supprimé

22 par Belgrade puisque ce n'est pas Belgrade qui avait donné l'ordre de le

23 faire, l'ordre était venu du ministre de la Défense, Alija Delimustafic ?

24 R. Vous parlez de la suppression de l'ordre ou alors du lancement de

25 l'avis de recherche ?

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1 Q. De l'arrestation, pour autant que je le sache, il y avait -- que je le

2 savais, il y avait une information de publier pour ce qui est d'un avis de

3 recherche pour M. Martic qui avait été lancé suite à une initiative de la

4 Croatie. Et cela a été transmis par des organes fédéraux, puis ça a été

5 supprimé. M. Delimustafic, si l'on se réfère aux modalités qui étaient en

6 vigueur ne pouvait pas le faire quant à lui.

7 Q. Mais vous parlez dans le principe vous ne savez pas exactement qui est-

8 ce qui a supprimé cette décision ?

9 R. Je ne sais pas.

10 Q. Serait-il exact de dire que dans la pièce du MUP [sic] à Krupa, il y

11 avait un grand nombre de Musulmans armés devant le bâtiment du SUP.

12 R. M. Martic n'était pas à Krupa, il était au département de police

13 d'Otoka.

14 Q. Mais Otoka c'est à Krupa ?

15 R. Otoka --

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je -- vous êtes sollicités une fois de

17 plus par les interprètes de ne parler en même temps. Laisser quelques

18 instants entre les questions et les réponses avant donc de répondre.

19 Laissez s'écouler quelques instants.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Otoka était une communauté locale dans le

21 cadre de la municipalité de Bosanska Krupa. Il y avait là-bas un

22 département de la police et c'est là que Martic s'était trouvé dans la nuit

23 du 8 au 9 septembre 1991. Un certain nombre de citoyens d'Otoka s'était

24 rassemblé, comme je l'ai dit, dans le centre même de la localité, et autour

25 du département du poste de police. Mais il n'y a pas eu de conséquences

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1 graves suite à cela.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Donc ils s'étaient rassemblés. Ils avaient demandé qu'on leur remettre

4 Martic pour qu'ils puissent le juger eux-mêmes.

5 R. Monsieur Milosevic, ils s'étaient rassemblés. Disons que certains

6 avaient été sous l'effet de l'alcool, mais la police avait tout gardé sous

7 son contrôle et il n'y a pas eu de revendication concrète de la part des

8 citoyens, pour autant que je le sache moi-même.

9 Q. En page 5, paragraphe 9 et 11, vous indiquez que vous du parti du SDA,

10 vous vous étiez efforcé d'augmenter le nombre des réservistes de la police,

11 et c'était la seule façon pour vous de vous procurer légalement des armes.

12 C'est bien ce que vous dites ?

13 R. C'est exact.

14 Q. Et cette initiative a été lancée en automne 1991, n'est-ce pas, M.

15 Velic ?

16 R. Cette initiative a été lancée bien avant, peut-être un an ou moins, un

17 peu moins d'un an avant. Cela devait se situer au printemps 1991 et

18 l'initiative émanait d'une instance officielle de l'assemblée municipale de

19 Bosanska Krupa, cela a été adressé aux instances compétentes, à savoir, la

20 présidence de l'époque de la Bosnie-Herzégovine.

21 Q. Mais dites-moi, pourquoi aviez-vous à l'époque besoin d'armes au

22 printemps 1991 ? Il n'y avait pas eu de conflit. Comment saviez-vous qu'il

23 y allait y avoir des conflits ? Pourquoi aviez-vous alors besoin d'armes ?

24 R. Monsieur Milosevic, nous avions demandé légalement l'augmentation des

25 effectifs de réserves de la police parce que notre région de la Bosanska

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1 Krajina avait été déstabilisée bien avant le début des conflits de guerre

2 en Bosnie-Herzégovine. Et ceci en raison du conflit en Croatie, la chose

3 s'est reflétée sur le territoire de la Krajina de Bosnie. Dans notre région

4 les gens n'ont pas traversé la région de la Krajina serbe pour se diriger

5 vers la Croatie, certains qui avaient essayé de voyager par là ont été tués

6 à l'époque.

7 Q. Mais quand vous dites que vous établissez une corrélation entre ceci et

8 les événements de Krajina, voici quelque chose qui s'est passé chez vous et

9 non pas dans la Krajina. Vous vous souviendrez certainement du fait qu'il y

10 a eu une situation de survenu dans le courant de 1991, toujours à Bosanska

11 Krupa, et l'on a constaté la disparition d'un monument dédié à un écrivain

12 Branko Copic, qui devait être placé sur un piédestal à proximité du poste

13 de police ou du poste de sécurité publique là-bas, n'est-ce pas ?

14 R. Le monument en question n'a disparu, M. Izetbegovic, -- ne peut pas --

15 cela n'a pas pu être traité comme cela. Ceci s'est produit au début de

16 l'année 1991.

17 Le différend à propos du monument a eu lieu parce que l'autorisation de

18 placer le monument à cet endroit-là avait été donnée de façon illégale. Le

19 président du SDS, M. Vjestica, à ce moment-là, était le secrétaire des

20 Affaires sociales.

21 Q. Très bien. Déjà à deux reprises vous m'avez appelé

22 Monsieur Izetbegovic. C'est sans doute votre subconscient qui parle. Vous

23 avez certainement des raisons pour dire cela.

24 R. Oui, sans doute.

25 Q. Très bien. Vous dites, sans doute, que ceci a été organisé par le

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1 secrétaire du secrétariat des Services sociaux. Est-ce exact de dire que ce

2 monument a été volé du centre ville ce soir-là ? Qu'est-il advenu ?

3 R. Ceci n'est pas vrai.

4 Q. Qu'est-il advenu du monument ?

5 R. Comme je l'ai dit, le monument n'a jamais existé et lorsque les

6 préparatifs ont commencé et lorsque on a commencé à construire le pied du

7 piédestal, on avait lancé une procédure qui visait à faire annuler cette

8 autorisation, ce permis de construire qui avait été délivré de façon

9 illégale.

10 Et les autorités, à ce moment-là, avaient fait arrêter cette construction

11 avant que la première cérémonie ait lieu dans l'église orthodoxe de

12 Bosanska Krupa. Je ne me souviens pas de la date exacte. Et Branko Copic a

13 laissé un buste de -- un buste de Branko Copic était à cet endroit-là, et à

14 mon sens, ce buste a été retiré par les autorités à l'époque de façon tout

15 à fait légale.

16 Q. Est-il vrai de dire que ceci a conduit à des tensions interethniques

17 car une réunion a été tenue par les différents dirigeants de la Bosnie-

18 Herzégovine à laquelle ont assisté Alija Izetbegovic, Momcilo Krajisnik,

19 Ejub Ganic, Mehmed Mahic et Suad Alibegic, différentes personnes de votre

20 municipalité, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, et je crois qu'il y avait des tensions. C'est la raison pour

22 laquelle cette réunion a été organisée. Il s'agissait de faire en sorte que

23 la déstabilisation ne puisse pas -- ne puisse pas se développer davantage.

24 En fait, les représentants du SDS et les représentants locaux de l'église

25 orthodoxe de Bosanska Krupa sont allés voir la présidence de Bosnie-

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1 Herzégovine, et ils ont lancé une initiative en vue de tenir cette réunion-

2 là. La réunion ne s'est pas tenue, n'a pas été organisée par la présidence

3 de Bosnie-Herzégovine parce que les représentants du SDS, à ce moment-là,

4 ne souhaitaient pas participer à cette réunion jusqu'à ce que le président

5 du SDS de Bosnie-Herzégovine, M. Karadzic, ne retire sa déclaration qu'il

6 avait faite à la télévision de Bosnie-Herzégovine à cet égard, car il a

7 jugé que cela n'était pas correct. Je sais qu'une conférence de presse a

8 été tenue.

9 Q. Je sais que M. Drljaca, qui était secrétaire de la municipalité de

10 Bosanska Krupa, a participé à cette réunion.

11 R. Je répète encore une fois, il n'y avait pas de réunion officielle qui

12 s'est tenue. Il n'y avait aucune conférence de presse. C'est tout. Et pour

13 ce qui est de M. Drljaca, je le connais personnellement. Je ne me souviens

14 pas de sa présence lors de cette réunion. Je me souviens qu'il est venu à

15 Sarajevo. J'étais un des représentants du SDA de Bosanska Krupa.

16 Q. Donc vous-même, vous avez assisté à la réunion ?

17 R. J'ai participé à la conférence de presse, Monsieur Milosevic.

18 Q. Très bien. Savez-vous alors, étant donné qu'il ne s'agissait pas d'une

19 réunion officielle, savez-vous que Ejub Ganic, lors de cette réunion, ne

20 sachant pas que M. Drljaca était Serbe, a dit Mehmed Mahic que, "Tous ces

21 Serbes devaient être nettoyés."

22 M. Mahic vous a-t-il dit cela ?

23 R. Monsieur Milosevic, Mahic n'était pas présent lors de cette conférence

24 de presse, et il ne faisait pas partie de la délégation du SDA de Bosanska

25 Krupa qui était censé participer à cette réunion. Et nous avons conclu que

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1 Bosanska Krupa -- qu'à Bosanska Krupa qu'il ne serait pas correct que les

2 représentants officiels des autorités de Bosanska Krupa participent à cette

3 réunion parce que cela pourrait être interprété comme une pression exercée

4 sur les représentants des autorités dans ce cas-ci. Par conséquent, il n'y

5 avait que moi-même et M. Mahic qui sommes allés à cette réunion.

6 Q. Je vous demande si vous saviez que M. Ganic a dit que tous les Serbes

7 devaient être nettoyés ?

8 R. Il n'y a pas eu de réunion à ce moment-là. Je ne peux pas être au

9 courant de ce que vous venez de dire.

10 Q. Par conséquent, si vous ne le savez pas, dites-le simplement. Dites le

11 que vous ne savez pas et à ce moment-là nous pourrons passer à autre chose.

12 Le même jour après la tenue de cette réunion, le monument a été érigé dans

13 la chapelle du cimetière municipal de Bosanska Krupa.

14 R. Après la réunion qui s'est tenue à Bosanska Krupa, un jour précédent la

15 messe dans l'église orthodoxe, le buste de Branko Copic a été remis à un

16 monsieur qui avait financé ce projet, la construction de ce buste, et je

17 suppose que ceci s'est passé dans la chapelle de la municipalité de

18 Bosanska Krupa. Il y avait également un accord écrit en vertu de quoi ce

19 buste devait rester dans son garage.

20 Q. Et au paragraphe 2, à la page 6, vous faites référence à ce qui s'est

21 passé dans le village Arapusa. Vous y parlez ici d'un incident.

22 R. Oui. Je me souviens bien de cela.

23 Q. Et vous dites qu'à cette occasion-là, il y a eu quelques coups de feu,

24 et qu'un jeune Serbe a été blessé.

25 R. Oui. J'ai entendu parler de cela de façon indirecte. M. Mehmed Mahic,

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1 président de l'assemblée municipale, a participé à tous ces pourparlers. Je

2 ne puis que transmettre ces informations que j'ai eues de lui.

3 Q. Mais vous savez certainement que trois jeunes Serbes ont été blessés,

4 et blessés sérieusement, de surcroît par des armes à feu ?

5 R. Je ne suis pas au courant de cela, Monsieur Milosevic, et, comme je

6 vous l'ai déjà dit, je tiens les informations d'autres personnes à cet

7 égard.

8 Q. Et lorsque vous dites qu'il y a eu quelques coups de feu, cela signifie

9 qu'il y a eu un échange de coups de feu, mais ces jeunes hommes ont été

10 pris en embuscade. Il n'y a pas eu d'échange de coups de feu. Ne savez-vous

11 pas cela ?

12 R. D'après les informations que j'ai reçues, il y a eu effectivement une

13 fusillade, et ceci s'est produit au cours de la nuit près de Arapusa a été

14 atteint; village Arapusa de Bosniens. Il s'agissait de jeunes hommes qui

15 étaient en voiture et qui traversaient le village en voiture. Ils sont

16 tombés sur un poste de contrôle des réservistes de la police. Et d'après

17 les informations que j'ai eues, il y a eu un échange de coups de feu.

18 Q. Et au même paragraphe à la page 6, vous dites que ceci a été mis en

19 scène par le SDS, en vue de provoquer un incident.

20 R. C'est ce que je croyais à l'époque, et c'est ce que je crois toujours.

21 Q. Par conséquent, vous pensez que le SDS a renvoyé de jeunes Serbes dans

22 un village musulman, et que le SDS a renvoyé des membres des forces de la

23 Police musulmane pour tirer sur ces jeunes Serbes et de blesser gravement -

24 - de tuer ces jeunes Serbes délibérément et, parce que ceux qui étaient

25 dans l'embuscade ne savaient pas s'ils avaient été tués ou non. C'est ce

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1 que vous êtes en train de dire ? C'est ce qui s'est passé ensuite et

2 qu'ensuite il y a eu l'attaque sur Bosanska Krupa ?

3 R. Ce n'est pas ce que je dis. Ce n'est pas ce que je suis en train de

4 dire.

5 Q. Vous dites que le SDS a mis ceci en scène. Ils ont envoyé ces jeunes

6 hommes enfin et ils ont envoyé la police musulmane pour leur tirer dessus.

7 R. Il s'agit de spéculation, Monsieur Milosevic.

8 Q. Comment peut-il s'agir de spéculation lorsqu'il est indiqué au

9 paragraphe 2, page 6, que ceci a été mis en scène par le SDS, la fusillade

10 de ces jeunes Serbes ?

11 R. Je crois que j'ai déjà répondu à cette question. Si vous avez besoin

12 de réponse, je crois que vous avez répondu à la question. Si vous avez

13 besoin d'explication supplémentaire, je peux vous le dire.

14 Q. Très bien. Votre frère savait alors et connaissait exactement qui avait

15 tiré sur ces deux jeunes hommes, et rien n'a été fait. La police était sous

16 son commandement et rien n'a été fait pour arrêter les auteurs. Rien n'a

17 été fait pour calmer les tensions interethniques, à ce moment-là.

18 R. A ma connaissance, Monsieur Milosevic, cet incident a eu lieu deux

19 jours avant l'attaque sur Bosanska Krupa, à savoir, si des mesures avaient

20 été prises contre ces policiers de réserve, je ne sais pas parce qu'à

21 partir du 21 avril et entre temps, entre le 19 et le 21 avril, les

22 représentants du SDS ne se sont pas présentés aux négociations, ni aux

23 réunions qui avaient été organisées à Bosanska Krupa. Par conséquent, je

24 n'avais aucune information émanant d'eux.

25 Q. Très bien. Mais vous dites à un autre paragraphe, à la page 6, que le

Page 29605

1 SDS a réagi à cet incident en envoyant des unités paramilitaires dans ce

2 village, de façon à encercler ce village. S'agissait-il d'une action

3 concertée entre le paramilitaire et le SDS, ou simplement d'une réaction

4 spontanée des résidents -- des habitants de la région ?

5 R. Comme je l'ai dis, les représentants de la municipalité de Bosanska

6 Krupa se sont rendus immédiatement dans ce village -- et je parle de Mehmed

7 Mahic qui était président de l'assemblée municipale de Bosanska Krupa. Et,

8 en échangeant des paroles avec lui, j'ai appris qu'il avait fait un tour du

9 village en présence de Gojko Klickovic, qui était président de la cellule

10 de Crise, qui avait reçu ses informations du SDS. Et, en visitant le

11 village, ils avaient pu constater à ce moment-là que M. Mahic a vu des

12 paramilitaires en armes dans le village. Ils avaient l'impression qu'ils

13 étaient sous le commandement de M. Klickovic et, en faisant un tour de la

14 région, il avait dit qu'un des membres de ces unités paramilitaires -- que

15 cela était fait à dessein ou non -- a tiré une rafale de coups de feu à

16 partir d'une arme automatique.

17 Q. Mais pendant ce siège comme vous l'appelez, personne n'a été blessé,

18 personne n'a été tué. Le seul -- il s'agissait simplement -- la seule

19 demande, qui avait été faite, était de se rendre à la police -- et je

20 précise bien la police, non pas aux habitants du village. Les auteurs des

21 crimes contre ces jeunes hommes serbes devaient se rendre à la police.

22 R. Et bien, les personnes qui étaient responsables de cet incident -- et

23 je ne vais ici utiliser le terme "crime" -- se sont mis à la disposition de

24 la police dès le début. Mais je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous

25 dites qu'au cours de cette opération, lorsque les paramilitaires sont

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1 venus, les paramilitaires serbes, personne n'a été tué.

2 Arapusa a été assiégé pendant les deux jours suivants et au cours de

3 l'attaque contre Bosanska Krupa. Tous les civils, par la suite, ont dû

4 quitter leur domicile et certaines personnes, dont je peux donner le nom,

5 ont été portées disparues. Ces personnes ont été emmenées dans des camps de

6 concentration. Elles n'ont jamais été revues par la suite. Ces deux

7 personnes sont Ibrahim Ibrahimovic et Sulejman Ibrahimovic.

8 Q. Je ne connais pas l'existence de ces camps.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il vous reste deux minutes, Monsieur

10 Milosevic.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Je vais faire de mon mieux, et j'apprécierais que vous me fournissiez

13 des réponses courtes, s'il vous plaît. Il me reste quelques questions à

14 vous poser, et cela prendra deux à trois minutes.

15 Le 21 avril 1992, une réunion s'est tenue à Bosanska Krupa afin de décider

16 de cet incident et le général Spiro Ninkovic du 2e Corps de Banja Luka a

17 assisté à cette réunion.

18 R. Pas précisément. C'était son officier de liaison qui est arrivé. Je ne

19 connais pas son nom. C'était un commandant d'après son grade militaire. M.

20 Spiro Ninkovic est arrivé lorsque la réunion a commencé. Il ne souhaitait

21 pas assisté à la réunion, il souhaitait simplement s'entretenir avec le

22 président de l'assemblée, M. Mehmed Mahic.

23 Q. Très bien. Est-ce bien vrai qu'il vrai qu'il est venu à Bosanska Krupa

24 pour s'entretenir avec les autorités locales, qui se trouvaient alors à

25 Jasenica, un village de lui faire part de la position de Blagoje Adzic qui

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1 était chef de l'état major général, pour préciser que tout devait être mis

2 en œuvre pour désamorcer les tensions après l'assassinat des hommes

3 serbes ?

4 R. Je ne sais pas, mais je puis dire que M. Ninkovic a quitté le bâtiment,

5 accompagné de M. Mahic. Il a ensuite visité le village de Vranjska et

6 Jasenica. Quoiqu'il en soit, quelques minutes après le retour de M. Mahic

7 dans le bâtiment, le pilonnage de Bosanska Krupa a commencé venant

8 exactement de cette direction-là.

9 Q. Est-il vrai qu'à deux kilomètres de l'entrée de Bosanska Krupa, le

10 véhicule, dans lequel se trouvait Ninkovic et son entourage, a été pris --

11 a été visé par des armes automatiques ?

12 R. Je ne sais pas si cela est vrai. Les positions musulmanes n'existaient

13 à ce moment-là. Il y avait simplement un poste sous le contrôle de la

14 police à ce moment-là. A la sortie de la ville, il a donc passé le poste de

15 contrôle de la ville en présence de M. Mahic.

16 Q. Oui, précisément. Etant donné que leur a tiré dessus, il souhaitait

17 être escorté ?

18 R. Je ne suis pas au courant de cela.

19 Q. Il est vrai que l'attaque sur Bosanska Krupa a eu lieu à ce moment-là

20 et la fusillade s'est poursuivie tout au long de la nuit. Est-ce exact ?

21 R. Et bien, la fusillade a duré environ une heure et, ensuite, il y a eu

22 une pause. On n'entendait plus de coups de feu, il n'y avait plus d'autres

23 opérations militaires et le pilonnage a repris à six heures du matin, le

24 lendemain matin.

25 Q. Et qui a ouvert le feu sur Bosanska Krupa à ce moment-là ?

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1 R. Je ne peux pas vous donner de noms et je ne peux pas vous dire quelque

2 chose de précis. Je peux simplement vous faire part de mes réflexions.

3 Q. Très bien. Par conséquent, vous n'avez rien vu de visu, mais cela vous

4 est apparu très clairement qu'il ne s'agissait pas ici de la JNA qui tirait

5 des coups de feu ?

6 R. A mon sens, il s'agissait des formations armées du SDS qui tiraient

7 avec des fusils de la JNA.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci est votre dernière question,

9 Monsieur Milosevic.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Par conséquent, ce n'est pas la JNA qui a attaqué la ville. Au

12 contraire, lors de la réunion du 25 avril, auquel ont participé Fikret

13 Abdic et Miroslav Vjestica et d'autres, on a précisé qu'il fallait mettre

14 en place des zones neutres justement pour empêcher que ces incidents ne se

15 reproduisent.

16 R. J'ai assisté à une autre réunion à Bosanski Petrovac qui était une

17 autre tentative visant à essayer de trouver une solution pour Bosanska

18 Krupa. Lors de cette réunion à Bosanski Petrovac, le général Ninkovic était

19 présent, ainsi que Fikret Abdic. Et les pourparlers qui sont suivis lors de

20 ces réunions avaient pour objet d'essayer de trouver une solution, mais

21 c'était trop vague, c'était imprécis. Le général Spiro Ninkovic a

22 effectivement parlé de rôles que devaient jouer l'armée, mais il n'a pas

23 été assez précis et n'a pas apporté de solution concrète. Nous avons estimé

24 que nous pouvions trouver une solution par l'intermédiaire des institutions

25 déjà en place sans faire appel à la JNA.

Page 29609

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est votre dernière question, Monsieur

2 Milosevic.

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je crois qu'il y a

4 quelque chose, je crois qu'il n'est pas clair, eu égard à la déclaration de

5 ce témoin.

6 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

7 Q. [interprétation] Si vous auriez l'amabilité, s'il vous plaît, de

8 regarder le dernier paragraphe à la page 8 où vous avez d'abord évoquer la

9 réunion qui a eu lieu entre le SDS et le SDA qui était la dernière réunion,

10 vous n'avez pas parlé de négociations avec la JNA et, ensuite, vous dites :

11 "La ligne de front autour de Bosanska Krupa se sont réduites. La ville a

12 été divisée en deux parties. Il y avait, d'une part, la rivière Una et a

13 formé la frontière. A ce moment-là, aucune tentative sérieuse de la part

14 des forces serbes n'a tenté de prendre la rive gauche. Il semblait

15 satisfait du territoire dont ils s'étaient emparés pour l'instant."

16 Et, ensuite, vous dites un peu loin que vous avez débattu de différentes

17 façons de vous défendre.

18 La question que j'ai à vous poser est la suivante : cette ligne de défense

19 -- cette ligne de front existait bel et bien entre vos forces et les forces

20 du SDS, à savoir, vos unités paramilitaires et leurs unités

21 paramilitaires ?

22 R. Pardonnez-moi, mon microphone n'était pas ouvert. Je crois que la

23 "ligne de front" n'est pas un terme que j'utiliserais et cela ne correspond

24 certainement pas à la situation de la réalité à Bosanska Krupa à l'époque.

25 Vous dites que la participation de la JNA lors de cette réunion n'est pas

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1 évidente, mais ce qui est évoqué c'est la présence de général Ninkovic

2 ainsi que ses propositions.

3 Les lignes de front n'existaient pas en temps que telles puisqu'il n'y

4 avait que des forces de police à Bosanska Krupa. Ces forces de police

5 étaient désorganisées pendant les quelques trois ou quatre jours qui

6 suivirent. Il y avait certaines personnes qui s'étaient portées volontaires

7 si je puis les appeler, ainsi qui s'étaient organisés eux-mêmes afin de

8 défendre la ville. Et je dois dire que la dernière partie de votre citation

9 est exacte.

10 Q. Vous parlez effectivement de lignes de front et vous dites que la ville

11 a été divisée en deux. Et, ensuite, vous dites au paragraphe suivant qu'ils

12 avaient réussi -- "Nous avons réussi à tenir ces lignes jusqu'au mois de

13 novembre 1992. Les Serbes se sont déplacés du côté de la rive gauche de la

14 ville et se sont emparés de certaines parties de la ville."

15 Pouvez-vous expliquer cela ?

16 R. Oui, tout à fait. Après quelques jours où le chaos régnait dans cette

17 partie de la ville sur la rive gauche de la rivière Una. La population de

18 Bosanska Krupa s'est retirée et s'est retirée sur la rive gauche du fleuve

19 Una et cette situation a perduré pendant quelques mois qui suivirent.

20 Ensuite, les événements, que j'ai décrits déjà, se sont déroulés. Je ne me

21 trouvais plus en ville à l'époque, mais les informations que j'ai citées

22 ici sont des informations que j'ai notées d'autres personnes qui vivaient

23 là à ce moment-là.

24 Q. Mais parce qu'à ce moment-là, vous faisiez partie de la présidence de

25 guerre de Bosnie-Herzégovine qui se trouvait à Zagreb à ce moment-là ?

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1 R. Ceci est une interprétation tout à fait erronée de mes propos. Je me

2 trouvais à Zagreb, d'après la décision de la présidence de guerre de

3 Bosanska Krupa. J'étais envoyé à Zagreb en mission.

4 Q. Donc cela n'est pas vrai, comme il est indiqué ici : "J'ai quitté

5 Bosanska Krupa en novembre 1992. J'ai été envoyé à Zagreb pour y travailler

6 et travailler au sein de la présidence de guerre."

7 R. Cela n'est pas vrai. La présidence de guerre se trouvait à Bosanska

8 Krupa. On devrait lire, ici, dans ce texte : "D'après les décisions prises

9 par la présidence de guerre." Je ne sais comment cette erreur a pu se

10 glisser dans ma déclaration.

11 M. AGHA : [interprétation] Je souhaite poser quelques questions

12 supplémentaires, s'il vous plaît, Messieurs les Juges.

13 Nouvel interrogatoire par M. Agha :

14 Q. [interprétation] Monsieur Velic, vous dites dans votre déclaration que

15 vous faisiez partie des services administratifs de Bosanska Krupa et vous

16 avez parlé des différentes mesures qui visaient à réorganiser l'ex-

17 Yougoslavie. Combien de municipalités ont proposé des études similaires ?

18 R. Oui, j'ai parlé de cette étude et nous faisions souvent des études de

19 faisabilité sur la réorganisation des municipalités, la division de

20 Bosanska Krupa. Le titre officiel était tellement différent.

21 Il ne s'agissait pas de mettre en place un état fantôme. Ces études

22 parlaient de la mise en place du premier état unifié des Balkans et j'ai

23 appris, par la suite, que des études similaires avaient été faites pour la

24 municipalité de Bihac et, par la suite, j'ai eu des contacts officieux et

25 j'ai appris que, dans des municipalités où la population ethnique était

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1 mixte, à savoir, Serbes, Croates et Bosniennes, le SDS avait proposé et

2 souvent proposé des projets semblables.

3 Q. Maintenant, il s'agit d'un point important puisque vous êtes un avocat

4 et vous êtes un membre éminent du SDA, vous pourrez aider la Chambre en la

5 matière. Vous avez fait référence à une décision prise par la présidence de

6 la Bosnie-Herzégovine en vertu de quoi personne ne devait rejoindre la JNA

7 et, à ce moment-là, quel groupe ethnique composait la présidence de Bosnie-

8 Herzégovine.

9 R. Oui. Ceci s'est produit lors des événements de Croatie en 1991. A ce

10 moment-là, il y avait sept membres de la présidence de Bosnie-Herzégovine,

11 y compris des représentants des trois peuples constitutifs -- nations

12 constitutives parce qu'il y avait trois nations constitutives à ce moment-

13 là. Il y avait des Serbes, des Musulmans et des Croates et il y avait de

14 plus un représentant des groupes des Yougoslaves. Il y avait, par

15 conséquent, sept membres au total.

16 Q. Cette décision était exécutoire pour quel groupe dans la République de

17 Bosnie-Herzégovine ?

18 R. La décision prise par la présidence de Bosnie-Herzégovine était, bien

19 entendu, contraignante pour toutes les autorités en Bosnie-Herzégovine,

20 toutes les autorités, qui étaient subordonnées à la présidence, y compris

21 bien évidemment les secrétariats de Défense nationale dans les différentes

22 municipalités.

23 Q. Ceci évidemment comprendrait toutes les populations musulmanes croates

24 et serbes ensemble, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, certainement, puisque les autorités, à savoir, les différents

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1 organes administratifs -- les différents organes représentant le

2 gouvernement en Bosnie-Herzégovine avaient été élus à la suite d'élection

3 multipartite en 1991.

4 Q. J'ai une dernière question à vous poser. Vous avez parlé de la mosquée

5 de l'église catholique sur la rive de la rivière Una et vous avez parlé de

6 la destruction de ces deux monuments lorsque les forces serbes ont occupé

7 cette partie de Bosanska Krupa, quel avait été le sort réservé à l'église

8 orthodoxe, s'il vous plaît ?

9 R. Et bien, les lieux de culte que vous avez évoqués se trouvaient à une

10 centaine de mètres l'un de l'autre à Bosanska Krupa. La mosquée a été

11 incendiée dès que les forces serbes sont entrées dans Bosanska Krupa.

12 L'église catholique a été détruite dans des circonstances que je ne connais

13 pas car j'ai simplement vu, lorsque je suis retourné à Bosanska Krupa après

14 la guerre et l'église orthodoxe serbe est restée intacte, et c'est toujours

15 le cas aujourd'hui.

16 M. AGHA : [interprétation] J'ai terminé mes questions supplémentaires. Je

17 vous remercie, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Velic, vous terminez, par

19 conséquent, votre témoignage aujourd'hui. Je vous remercie d'être venu à ce

20 Tribunal international pour déposer votre témoignage, et vous êtes libre de

21 partir. Attendez un instant, s'il vous plaît, que l'on vous raccompagne.

22 [Le témoin se retire]

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais utiliser le temps pour vous poser une

25 question, s'il vous plaît. Je viens de recevoir le calendrier. Il est

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1 précisé que, le 9 décembre, il faut prendre une décision : allons-nous

2 tenir une audience le 9 décembre ou non ? Je ne suis pas tout à fait

3 certain. J'ai besoin de savoir évidemment parce que j'ai besoin de

4 m'organiser.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] La décision n'est pas encore prise. Tout

6 dépend de l'état de santé de M. le Juge Robinson. Je pense qu'il serait

7 préférable que vous considériez cette journée comme une journée d'audience,

8 mais, si nous ne pouvons pas siéger, et bien, nous ne siégerons pas. Je

9 crains de ne pas pouvoir vous donner une décision plus claire que cela

10 aujourd'hui car tout dépend de son état de santé, comme je l'ai déjà dit.

11 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin suivant -- je

12 ne sais pas si nous sommes à huis clos partiel ou en audience publique.

13 Nous pouvons travailler en audience publique sans problème.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

15 M. NICE : [interprétation] Le témoin suivant est M. Deronjic. Nous n'avons

16 pas demandé officiellement de disposer de sa déclaration préalable en

17 application de l'Article 89 (F). Les Juges se souviendront que nous avons

18 remis un projet de déclaration préalable de ce témoin pour répondre à

19 l'ordonnance. Nous estimons de fournir des documents écrits, mais nous

20 n'avons reçu la version définitive de cette déclaration qu'hier.

21 S'agissant de la communication des documents, elle s'est réalisée, de la

22 façon suivante. Une autorisation a été accordée pour qu'il soit cité à la

23 barre le 16 octobre et, prévoyant cet événement des procès verbaux de ces

24 entretiens, qui ont été communiqués le 10 octobre à l'accusé, la première

25 version de sa déclaration non définitive en anglais a été fournie à

Page 29615

1 l'accusé le 13 novembre et, ensuite, des comparaisons ont été établies

2 entre les procès verbaux de ces différents entretiens. Un autre projet de

3 texte en anglais et en B/C/S a été communiqué le 24 novembre. Le témoin a

4 signé sa déclaration en y apportant hier quelques corrections mineures et

5 ce document également a été fourni en anglais et en B/C/S aux diverses

6 personnes intéressées hier. Les Juges disposent du projet de texte

7 antérieur et j'espère que, désormais, un mémorandum leur est parvenu qui

8 les informe des modifications mineures apportées à six paragraphes de ce

9 texte.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, nous jugeons cette déclaration

11 préalable recevable.

12 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, merci beaucoup. La

13 déclaration traite d'un grand nombre de questions. Le témoin a déjà déposé

14 deux fois récemment en public une fois d'ailleurs, la dernière fois c'était

15 la semaine dernière. Pour ne pas perdre de temps et à moins que les Juges

16 en décident autrement, je ne vais pas l'interroger sur tous les sujets

17 abordés au cours de l'interrogatoire principal, mais j'aimerais

18 l'interroger de façon générale sur certains aspects des événements et

19 produire par son intermédiaire, une pièce à conviction qui a déjà été

20 abordée par d'autres témoins. J'espère que cette façon de procéder sera

21 acceptable pour les Juges.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

23 M. NICE : [interprétation] Que le témoin entre dans le prétoire.

24 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Que le témoin prononce la déclaration

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1 solennelle.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la

3 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir.

5 LE TÉMOIN: MIROSLAV DERONJIC [Assermenté]

6 [Le témoin répond par l'interprète]

7 Interrogatoire principal par M. Nice :

8 Q. [interprétation] Pouvez-vous décliner vos nom et prénom, Monsieur.

9 R. Je m'appelle Miroslav Deronjic.

10 Q. Ceci figure dans des comptes rendus d'audience publique. Vous avez

11 plaidé coupable devant ce Tribunal par rapport à un acte d'accusation

12 dressé à votre encontre, et vous attendez d'être jugé sur ces chefs

13 d'accusation, n'est-ce pas ?

14 R. Oui, c'est exact.

15 Q. Vous avez déjà témoigné deux fois dans diverses audiences de ce

16 Tribunal, et vous avez coopéré avec le Tribunal au moment où vous prépariez

17 votre déclaration préalable de témoin qui est assez volumineuse,

18 puisqu'elle comporte à l'heure actuelle 232 paragraphes.

19 R. C'est exact.

20 Q. Vous avez relu cette déclaration dans votre langue ces derniers jours,

21 avant de signer une version de ce texte et d'apposer -- et de parapher

22 chacune des pages de ce texte hier ?

23 R. Oui, c'est exact.

24 Q. Je vous demande si le contenu de ce document de cette déclaration

25 préalable corresponde au mieux de vos souvenirs à la réalité ?

Page 29617

1 R. Cette déclaration est totalement véridique et j'ai accepté de la signer

2 car je la considère absolument véridique.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, il conviendrait d'affecter à ce

4 document une cote.

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction 600, Monsieur le

6 Président.

7 M. NICE : [interprétation]

8 Q. Dans cette déclaration écrite, vous évoquez quatre pièces à conviction

9 dont trois ont déjà été versés au dossier lors d'audience antérieure, au

10 paragraphe 45, vous parlez des versions A et B de la municipalité et des

11 consignes qui avaient été distribuées à l'époque.

12 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il

13 s'agit de la pièce à conviction 434, intercalaire 3. Je ne crois pas qu'il

14 soit nécessaire d'entrer dans les détails. Je voulais simplement en parler

15 pour identifier ce document.

16 Q. Au paragraphe 68, de votre déclaration, vous parlez des objectifs

17 stratégiques de la nation serbe en Bosnie-Herzégovine, et la pièce à

18 conviction, le document où figure noir sur blanc ces objectifs constituent

19 aujourd'hui la pièce à conviction 451, intercalaire 12.

20 Au paragraphe 224, autre document qui constitue déjà une pièce à

21 conviction, il s'agit d'un document que M. Franken a finalement signé après

22 que quelques corrections aient été apportées à ce document. Ceci s'est fait

23 très récemment. Il s'agit maintenant de la pièce à conviction 591,

24 intercalaire 9.

25 Je vous demande donc si vous avez bien relu ces trois documents qui sont

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1 des pièces à conviction de ce Tribunal et si vous confirmez qu'il s'agit

2 bien des documents que je viens d'évoquer ?

3 R. J'ai lu ces trois documents et il s'agit bien des documents que vous

4 venez de décrire.

5 Q. Je dois vous dire, Monsieur Deronjic, que les Juges de cette Chambre

6 ont décidé d'admettre au dossier l'intégralité de votre déclaration au

7 préalable au cours de l'interrogatoire principal. Donc je ne vais vous

8 poser que quelques questions peu nombreuses après quoi nous passerons

9 rapidement au contre-interrogatoire. Mais au préalable, j'aimerais vous

10 soumettre un autre document qui deviendra une pièce à conviction, vous

11 pouvez donc vous appuyer également sur votre déclaration de témoin pour, si

12 vous le souhaitez, pour traiter de ce document et ce suite à une décision

13 des Juges de la Chambre. Donc je vous renvoie au paragraphe 206 de cette

14 déclaration, où il est question des actions réalisées le 13 juillet 1995,

15 vous parlez d'un coup de téléphone que vous avez passé à Karadzic. Et je

16 vous demanderais maintenant de regarder la pièce à conviction qui est sous

17 vos yeux en cet instant. Il s'agit d'une transcription d'écoute

18 téléphonique de cette conversation entre vous et Karadzic. Avez-vous eu

19 l'occasion de lire ce document ?

20 R. Oui, j'ai lu ce document.

21 Q. Pouvez-vous nous dire pour nous aider si ce relevé semble être exact

22 des mots échangés entre vous et Karadzic au cours de cette conversation ?

23 R. Oui, c'est une transcription exacte de la conversation que j'ai eue le

24 13 juillet avec M. Karadzic.

25 M. NICE : [interprétation] Je demanderais à Madame l'Huissière de placer la

Page 29619

1 première partie de la version anglaise de ce texte sur le rétroprojecteur.

2 Q. Monsieur Deronjic, en bas de la page, nous trouvons un passage de cette

3 conversation qui se lit comme suit, je cite : "Vous m'entendez, Monsieur le

4 Président ?" Et ensuite des petits points qui indiquent que le Président ne

5 semble pas entendre ce qui se dit, après quoi nous lisons. Je cite :

6 "Deronjic est l'intermédiaire." Et puis vous dites : "J'en ai 2 000 ici à

7 présent," et votre voix se perd, après quoi l'interlocuteur X dit :

8 "Deronjic, le président déclare que tous ces objets doivent être entreposés

9 dans le hangar avant demain." Et puis X dit : "Pas dans le hangar mais

10 ailleurs." Et vous répondez : "Bien compris." Et puis nous passons à la

11 page suivante, où nous lisons, je cite : "J'attends un appel, j'attends de

12 parler au président Karadzic. Est-il ici ?" "Oui, bonjour. Un instant, le

13 responsable va vous répondre maintenant, Monsieur le Président." "Allô,

14 j'ai Deronjic en ligne," ou plutôt, "Bonjour, j'ai Deronjic en ligne." Et

15 puis vous parlez à Karadzic : "Allô, je vous entends. La presse [sic]

16 demande combien de milliers". Vous dites : "Deux pour le moment, mais il y

17 en aura plus pendant la nuit."

18 Alors ces produits, ces objets dont il est question dans cette

19 conversation, de quoi s'agit-il, ce dont il est dit qu'il y en a

20 2 000 ? Pouvez-vous nous aider sur ce point, je vous prie ?

21 R. Les objets qui sont mentionnés sont mentionnés en tant que 2 000 en

22 nombre, et c'était des objets qui appartenaient aux Musulmans qui avaient

23 été amenés à Bratunac pendant la nuit du 13 et qui avaient été placés en

24 divers lieux, y compris l'école primaire, un hangar, le stade, et cetera.

25 M. NICE : [interprétation] Je demande que cette transcription de l'écoute

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1 téléphonique soit versée au dossier, soit en tant que pièce à conviction à

2 part entière, soit pour l'instant enregistrer à des fins d'identification,

3 mais je tiens à ce que l'admission du témoin selon laquelle ce document est

4 exact soit bien versée au dossier et donc ce document peut devenir une

5 pièce à conviction.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pour le moment nous allons l'enregistrer

8 à des fins d'identification car nous reviendrons sur des écoutes

9 téléphoniques du même genre plus tard.

10 M. NICE : [interprétation] Absolument.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien, cote suivante.

12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 601, Monsieur le Président, enregistrée

13 aux fins d'identification.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me suis peut-être trompé, mais je n'ai pas

17 reçu cette écoute téléphonique que ce soit sous forme audio ou sous forme

18 de CD, donc je demanderais à ce que ce document me soit remis en temps

19 utile.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice.

21 M. NICE : [interprétation] Je vérifierai après pendant la pause et je

22 verrai si le document peut être remis ou pas; et s'il n'a pas été remis, je

23 verrai pour quelle raison.

24 Q. Monsieur Deronjic, votre déclaration qui est à présent une pièce à

25 conviction dans cette affaire, couvre un certain nombre de questions très

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1 variées qui vont de l'armement des Serbes jusqu'à votre situation en tant

2 que commissaire à Srebrenica, et cetera. Alors pouvez-vous nous aider sur

3 quelques points en nous disant en quelques phrases, puisque vous êtes un

4 homme instruit, vous êtes enseignants, en nous disant donc quels ont été

5 les événements et en revenant, mais en quelques phrases, j'insiste là-

6 dessus sur les aspects historiques pertinents pour nous expliquer de quelle

7 façon des gens comme vous ont été impliqués dans ces événements. Je ne

8 tiens pas à vous souffler les réponses aux questions mais je vous

9 rappellerai ce que vous avez déjà relaté en d'autres occasions et vous avez

10 à plusieurs reprises paré de "spirale" des événements. Donc je vous

11 demanderai de le faire en quelques minutes, si c'est possible, cela nous

12 aiderait beaucoup.

13 R. Oui, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vais essayer de

14 répondre à cette question. Vous avez remarqué dans ma déclaration que je

15 parle d'événements qui s'étendent sur une période très longue puisqu'il

16 s'agit d'une période de cinq ans, pratiquement de 1990 à 1995. Dans cette

17 déclaration, je me suis efforcé de me centrer sur les événements auxquels

18 j'ai participé directement, à savoir, les événements survenus à Bratunac.

19 Et j'ai essayé de dire ce que je savais personnellement de ce qui s'était

20 passé dans la municipalité de Bratunac et les municipalités voisines.

21 Je parle également de façon très générale des actions politiques qui ont

22 été mises en œuvre à cette époque, depuis le niveau inférieur, où j'étais

23 un intervenant, jusqu'au niveau supérieur puisqu'en 1993 je suis devenu

24 assistant du conseil exécutif du SDS. Bien entendu, ces questions étaient

25 des questions très préoccupantes pour moi comme pour grand nombre d'autres

Page 29622

1 personnes. Que s'est-il réellement passé dans cette région et même dans

2 l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine ? C'est une question que nous ne

3 cessons de nous poser.

4 Comme je le dis dans ma déclaration écrite, j'ai souhaité témoigner au

5 sujet des questions suivantes : D'abord, les événements bien connus qui se

6 sont déroulés ainsi que les démarches politiques des Serbes, des Musulmans

7 et des Croates, bien connus également au début des années 1990, au cours de

8 cette crise absolue dans laquelle la Yougoslavie s'est trouvée enfoncée.

9 Ce qui m'a amené moi et tant d'autres à participer à ces événements, ce

10 sont les projets qui ont été rendus publics dans les premiers temps de ces

11 événements. Je parle des projets et des plans établis par les Serbes de

12 Bosnie-Herzégovine. Tout cela relevait de la nécessité pour eux de se

13 trouver ensemble dans un seul et même état. Au début, il s'est agi de

14 tentative destinée à préserver l'unité de la Yougoslavie, et par la suite,

15 ces projets ont évolué au fil des événements.

16 Alors qu'est-ce que je me suis efforcé de montrer dans toutes ces

17 déclarations et dépositions que j'ai faites : D'abord que ces projets

18 publics auxquels j'ai moi-même participé à partir de 1991, avaient en fait

19 pour objectif de créer une entité appartenant aux Serbes sur le territoire

20 de la Bosnie-Herzégovine. Et ces projets sont connus comme étant un plan de

21 la création de la Republika Srpska. Ce plan est connu du public. Des

22 passages importants de ce plan ont été publiés par les médias, ainsi que

23 des commentaires au sujet de ce plan, y compris des commentaires venant de

24 moi, que j'ai pu formuler au cours des activités publiques qui étaient les

25 miennes à l'endroit où je résidais et travaillais.

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1 Ces projets se sont réalisés en plusieurs étapes. Au départ, il s'est agi

2 de création de municipalités communes qui se sont transformées peu à peu

3 comme on le sait bien, en régions autonomes serbes. Il y en a eu cinq qui

4 ont été créées en Bosnie-Herzégovine en 1991. Et puis à l'automne, ces

5 régions autonomes serbes créées dans diverses municipalités, étaient en

6 train peu à peu de se transformer en ce qui devait devenir l'entité serbe

7 de Bosnie-Herzégovine.

8 Et puis vers la fin de 1991, les événements se sont produits qui ont

9 surpris pas mal de ceux qui en Bosnie-Herzégovine, s'occupaient de

10 politique. Il s'agissait d'événements préparés secrètement, et qui avaient

11 pour but de créer la réalité de cette entité serbe de Bosnie-Herzégovine.

12 Ici, devant ce Tribunal, on connaît cela sous le nom de versions A et B.

13 Les diverses instances du SDS, à tous les niveaux en Bosnie-Herzégovine,

14 avaient reçu pour objectif la réalisation du compte tenu de ces consignes,

15 consignes qui étaient très confidentielles. Et d'ailleurs, c'est à l'époque

16 que pour la première fois, j'ai commencé à recevoir des documents

17 comportant cette notation strictement confidentielle. Il s'agissait donc

18 d'agir au niveau des municipalités, et notamment au niveau des

19 municipalités minoritaires. Lorsque je dis "minoritaire," je parle des

20 municipalités où les Serbes étaient en minorité, comme par exemple,

21 Bratunac, Zvornik, Visegrad, Srebrenica, pour ne citer que ces

22 municipalités. Tout cela dans les régions autonomes serbes qui avaient déjà

23 été créées.

24 Et puis je dois dire que ces consignes ont été interprétées de façon

25 différente par différentes personnes, et donc exécutées de façons

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1 différentes. Il y a eu dans certains secteurs, opposition à leur

2 réalisation. Moi, j'ai déjà expliqué de quelle façon j'avais moi-même mis

3 en œuvre ces consignes, en les exposant devant l'assemblée municipale de la

4 municipalité de Bratunac, en accord avec les représentants musulmans,

5 puisque nous travaillions dans cette assemblée de façon conjointe. J'ai

6 insisté pour que les choses se passent sans singulariser l'un ou l'autre

7 des groupes concernés. Mais il y avait, il ne faut pas l'oublier, la police

8 de Bratunac.

9 Et je sais qu'à Zvornik, des événements assez particuliers ont eu lieu

10 également. Je connaissais les dirigeants de la municipalité de Zvornik très

11 bien, ainsi que d'autres municipalités.

12 Cette situation, donc au début de 1992, a continué à évoluer. Des

13 formations militaires se sont constituées dont on parle comme étant des

14 formations de volontaires. Notamment la garde d'Arkan est arrivé dans ce

15 secteur, ainsi que les volontaires de Seselj, et cetera, et cetera. Je

16 n'entrerai pas dans les détails. Ces hommes sont arrivés dans la région de

17 la Drina et dans d'autres secteurs de Bosnie-Herzégovine et ont provoqué

18 des affrontements.

19 Tout cela est arrivé de façon -- a surpris la majorité de la population. Je

20 ne parlerai pas seulement de moi-même, mais je sais que ce qui s'est passé

21 à Zvornik notamment, et à Bijeljina en a surpris plus d'un. Je connais des

22 dirigeants serbes qui ont été arrêtés, passés à tabac, incarcérés,

23 torturés, et cetera. Donc nous nous sommes trouvés à une étape très intense

24 de la situation avec des réactions très radicales de la part des différents

25 groupes nationaux de la région, et tout cela dans la municipalité de

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1 Bratunac.

2 Lorsque ces hommes en arme sont arrivés, ils étaient censés exécuter

3 certaines parties secrètes du plan. Un certain nombre d'hommes, je ne sais

4 pas combien ils étaient, car même la direction du SDS au niveau local

5 n'était pas au courant. Mais à mon avis, ce sont -- c'est bien l'arrivée de

6 ces hommes qui a provoqué ce qui s'est passé plus tard. En quelques mots,

7 je dirais que lorsque ces unités de volontaires sont venues de Serbie,

8 elles ont semé la mort et le pillage. Elles ont suscité la panique dans les

9 municipalités dont je parle. Et les rapports interethniques qui étaient

10 déjà très tendus se sont aggravés avec la peur qui est devenue

11 prédominante, et les Musulmans qui ont commencé à fuir.

12 Maintenant je me centrerai sur Bratunac, car c'est la situation que je

13 connais le mieux. Il était prévisible que les Musulmans n'allaient pas

14 simplement les bras croisés à regarder ce qui se passait. Donc très

15 rapidement, ces hommes qui sont arrivés dans la région de Srebrenica et

16 dans le village de Potocari, le 20 avril, ont dressé des embuscades contre

17 les unités dont je parle et tué certains des hommes de ces unités. Je ne

18 sais pas exactement combien de fois cela s'est produit, mais je sais que la

19 plupart des hommes qui ont été tués, l'ont été dans des embuscades, pour

20 autant que je le sache.

21 Par la suite, Goran Zekic a été tué. C'était un des dirigeants serbes de la

22 région de Srebrenica. Et le 8 mai ainsi que le 9 mai, nous avions déjà pris

23 des mesures que je décrit en détail dans mon plaidoyer de culpabilité, ou

24 en tout cas dans le mémoire destiné à l'audience de prononcé de la peine.

25 Et tout cela a provoqué un certain nombre de réactions.

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1 Au mois de juin donc, nous en sommes au mois de juin, et les Musulmans

2 entament un certain nombre d'actions destinées à reprendre le territoire de

3 Srebrenica. Donc les combats sont nombreux et violents avec des pertes

4 importantes de part et d'autres, et la prise d'un certain nombre de

5 territoires. Tout cela en 1992, 1993.

6 La contre offensive démarre de la part des Serbes de Srebrenica un peu plus

7 tard. Et on connaît toute l'affaire Morillon et la déclaration de

8 Srebrenica en tant que zone de sécurité protégée par les Nations Unies le

9 13 avril 1994.

10 En 1994, des efforts sont déployés des deux côtés pour s'emparer de la

11 totalité de la zone. Les forces musulmanes effectuent des incursions dans

12 l'espace aérien tenu par les Serbes. J'en ai déjà parlé ici dans mes

13 dépositions. J'ai vu également des ordres au niveau inférieur ou au niveau

14 supérieur de commandements émanant des forces serbes de Srebrenica. Et tous

15 ces documents attestent que l'objectif était de rendre la vie impossible

16 aux gens qui s'étaient rassemblés dans ce secteur, car ils pensaient que

17 c'était un secteur protégé par les Nations Unies.

18 Et logiquement, mais très malheureusement, car je ne dit en aucun cas qu'il

19 s'agit de quelque chose de normal, les forces serbes ont lancé l'offensive

20 en 1995. Il s'agit de l'attaque bien connue dont on connaît les

21 conséquences. Tout cela, chacun de nous est au courant, plusieurs milliers

22 de Musulmans emprisonnés dans le secteur et tués par la suite.

23 Je souhaitais parler de ce qui s'est passé à Bratunac et dans la région de

24 la Drina, dans ces municipalités que je connais bien, et je dirais qu'à mon

25 avis, il s'est agit d'une situation caractérisée par le principe des

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1 dominos. Des hommes, donc, venaient de Serbie dans une situation déjà assez

2 négative sur le plan des relations interethniques qui étaient déjà assez

3 mauvaises, et nous savons ce qui s'est passé par la suite en raison de

4 leurs actions. A mon avis, Srebrenica 1995 est une conséquence tout à fait

5 logique de tout ce qui a précédé, la seule conséquence possible.

6 Excusez-moi d'avoir été un peu long mais je voulais revenir sur tout ce

7 dont j'avais traité dans mes déclarations antérieures.

8 Q. S'agissant de ce que vous venez de dire, à savoir que la situation de

9 Srebrenica en 1995 était une conséquence logique et la seule conséquence

10 possible des événements préalables, est-ce quelque chose que vous pensiez à

11 l'époque au moment où vous étiez observateur des événements ou est-ce

12 quelque chose que vous dites aujourd'hui a posteriori ?

13 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, bien entendu, j'ai été

14 témoin oculaire d'une grande partie de tous ces événements comme je l'ai

15 expliqué dans mes déclarations écrites. Et évidemment, même pendant que la

16 guerre faisait rage, j'ai réfléchi à tous ces événements, mais par la

17 suite, et notamment pendant les entretiens que j'ai eus avec les

18 représentants du bureau du Procureur, depuis 1997, j'ai eu sous les yeux de

19 très, très nombreux documents relatifs à la situation, notamment, des

20 ordres écrits que je n'avais pas eu l'occasion de voir au moment où j'étais

21 actif dans la situation de l'époque et dans la région. Et cela m'a fait

22 réfléchir de façon un peu différente.

23 Q. Je ne suis pas sûr que ce soit une réponse à la question que je vous ai

24 posée. Je vous demandais si lorsque vous réfléchissiez à la situation à

25 l'époque, vous pensiez que les événements qui se sont produits allaient se

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1 produire. Mais enfin, je ne vais pas insister pour obtenir une réponse de

2 vous.

3 R. J'ai dit que pendant la guerre j'ai réfléchi et compris un certain

4 nombre de choses mais que mes conclusions définitives, je les ai tirées

5 après la fin des événements dans la région.

6 Q. Merci beaucoup.

7 M. NICE : [interprétation] Puisque les Juges ont admis au dossier

8 l'intégralité de la déclaration au préalable de ce témoin, je pense qu'il

9 n'est pas nécessaire que nous revenions sur tous les aspects évoqués dans

10 cette déclaration. Je me contenterai d'en traiter quatre ou cinq après la

11 pause et ensuite le contre-interrogatoire pourra se dérouler.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Suspension pour la pause.

13 Monsieur Deronjic, pendant ces vingt minutes de pause, je vous demanderais

14 de ne parler à personne de votre déposition. Lorsque je dis "personne",

15 cela concerne également les membres du bureau du Procureur.

16 Vingt minutes de pause.

17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

18 --- L'audience est reprise à 10 heures 53.

19 M. NICE : [interprétation] Avec la permission de vous -- des Juges, je

20 voudrais identifier six éléments des éléments de preuve et cela n'a pas été

21 lu pour ce qui est de la déclaration préalable.

22 Q. M. Deronjic, il s'agit pour nous maintenant de nous pencher sur le

23 paragraphe 8, de votre déclaration préalable, où il est question de

24 l'armement des Serbes. Vous étiez en train de parler de ce que Karadzic

25 vous disait au sujet de ce qu'il avait discuté lui même avec Milosevic

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1 concernant l'armement des Serbes, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Et comme vous l'avez indiqué ici ce que Karadzic a réalisé dans ses

4 conversations avec Milosevic pour ce qui est de l'armement des Serbes,

5 pouvez-vous nous dire ce qu'il a réalisé en réalité.

6 R. A l'occasion de cette réunion à Milici, à laquelle il y avait Dukic, M.

7 Zekic et moi-même, M. Rajko Dukic s'était servi d'une phrase pour dire que

8 M. Karadzic avait personnellement convaincu M. Milosevic de la nécessité

9 d'armer les Serbes de Bosnie-Herzégovine. Par la suite, j'ai eu l'occasion

10 -- et je ne me souviens pas de la date exacte pas plus que de la forme de

11 la réunion et où. D'une rencontre de Karadzic, pour ce qui est du

12 spécifique, j'ai donc entendu dire qu'il avait personnellement convaincu M.

13 Milosevic de la nécessité d'armer les Serbes de Bosnie-Herzégovine. Il y a

14 eu certaines divergences pour ce qui est du rôle de l'armée, quant au

15 dénouement possible de la crise, et je crois que cela s'est terminé par le

16 souhait de M. Karadzic concernant l'armement des Serbes en

17 Bosnie-Herzégovine. C'est ce que j'ai sous entendu lorsque j'ai parlé de

18 ces faits-là.

19 Q. Merci. Nous pouvons passer maintenant au paragraphe 63. Et je crois que

20 vous avez noté ici qu'il y avait un chemin de prise du pouvoir dans les

21 municipalités. En effet, il arrivait d'abord des volontaires, puis il y

22 avait des intimidations, des meurtres et cetera, puis il venait quelque

23 temps après la JNA et ce que vous en avez déduit, partant du schéma des

24 événements survenus dans plusieurs localités, c'est quoi au juste ?

25 R. J'ai désigné cela par organigramme des événements en Bosnie orientale,

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1 c'est -- je parlais de la Bosnie orientale parce que c'est la région que je

2 connaissais le mieux. Il y avait une espèce de chronologie déterminée --

3 d'ordre déterminé pour ce qui est des événements qui se sont suivis dans

4 cette chronologie, avec des variantes pour ce qui est des événements et

5 leur ordre. Mais je pensais à partir par là que les effectifs de Serbie, à

6 savoir, la garde d'Arkan, les volontaires venaient dans ces régions avant

7 que n'éclatent les conflits. Et pour dire vrai, je dois dire que les

8 relations interethniques se trouvaient déjà perturbées du fait, notamment,

9 de la mise en œuvre des instructions connues sous les appellations

10 variantes A et B.

11 L'arrivée de ces volontaires avait créée une ambiance déterminée dans la

12 région, notamment, en raison de l'assassinat de personnes innocentes puis

13 des pillages répandus, des confiscations de biens privés, notamment, pour

14 ce qui est des personnes appartenant à la confession musulmane. Et cela a

15 engendré une intimidation de la population, des fuites de ce territoire et

16 il s'est déroulé véritablement des événements complexes dans la région.

17 L'arrivée de l'armée populaire yougoslave dans la région -- et je précise

18 qu'il s'agit encore de l'armée populaire yougoslave parce que cela se passe

19 avant le 15 mai, en quelque sorte -- avait créé un semblant au terme duquel

20 la JNA allait se mêler aux événements dans ce qui se passait pour empêcher,

21 précisément, ce qu'il arrivait sur le terrain. Et une série de faits a

22 permis de constater que la JNA s'était mise du côté des Serbes. En réalité,

23 que son intervention sur ce terrain a contribué à l'approfondissement des

24 conflits interethniques, a contribué à la fuite des Musulmans de ces

25 régions-là. Et, pour autant que je le sache, dans la municipalité de

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1 Bratunac, ainsi que dans les municipalités avoisinantes, l'armée populaire

2 yougoslave a pris part, également, à des opérations offensives déployées

3 par les Serbes sur le terrain.

4 Q. Le paragraphe suivant se trouve être le paragraphe 136. Je vais vous

5 fournir le contexte dont il s'agit. Vous commencez ici de parler de ce

6 sujet dans le paragraphe 131 et vous parlez de l'arrivée des Bérets rouges

7 à Bratunac. Vous parlez d'une réunion en juin, peut-être même en juillet,

8 puis, au paragraphe 134, vous expliquez de la façon dont M. Simatovic, le

9 surnommé Frenki, est arrivé là-bas. Et, s'agissant du paragraphe 136, je

10 voudrais que vous nous disiez une chose viva voce, à savoir, ce qui suit :

11 Frenki Simatovic vous a-t-il, oui ou non, dit à quel niveau avait été

12 convenu la mission que lui était censé accomplir ?

13 R. Oui, Monsieur le Juge. Frenki, à l'occasion de cette réunion dont je ne

14 saurais pas vous donner de date exacte, a dit que la chose avait été

15 convenue au niveau le plus élevé. Il sous-entendait le niveau politique, le

16 niveau de l'état de la République de Serbie et de la Republika Srpska.

17 Q. Nous allons passer maintenant au paragraphe 163. Dans cette

18 déclaration-ci, il est déjà question de l'année 1995 et de toute une série

19 d'événements dans le courant de cette 1995. Vous décrivez la façon dont

20 Karadzic avait visité la région et donné ou fixé des réunions. Et à une des

21 réunions où vous étiez présent pour ce qui est de Srebrenica, il a dit ce

22 qu'il allait se passer là-bas. Or, j'aimerais que vous nous disiez, en une

23 phrase, ce que Karadzic a dit qu'il arriverait à Srebrenica en printemps

24 1995.

25 R. Et bien, oui. C'étaient les premières connaissances que j'ai eues

Page 29632

1 concernant les activités militaires dans la région de Srebrenica, mais je

2 ne serais pas d'accord avec vous pour dire ce qu'il allait se passer à

3 Srebrenica. Il a indiqué qu'il allait y avoir des activités militaires dans

4 la région et, si j'estimais nécessaire, j'étais censé déployer des

5 activités, prendre des mesures à titre préparatoire pour ce qui allait

6 suivre le territoire de Srebrenica. C'étaient ces propos à lui.

7 Q. Mais en terme concret, que vous a-t-il dit, s'il tant est qu'il a dit

8 quelque chose pour ce que Srebrenica devait connaître comme événement ?

9 R. A ce moment-là, il n'a rien dit du tout. Il a dit qu'il allait y avoir

10 des activités militaires aux alentours de Srebrenica, de ne rien dire à

11 personne, qu'il n'était pas en mesure lui-même de me parler de détail de ce

12 qu'il allait se passer, mais que, si j'estimais nécessaire, je devais

13 procéder à des préparatifs qui se résumaient à veiller à ce qu'il y ait

14 suffisamment de réserves de pétrole, de vivres, de médicaments, enfin, ce

15 qui étaient les activités habituelles des autorités civiles pour ce qui est

16 des besoins militaires. Donc, sans expliquer davantage dans le détail ce

17 qui était censé se passer au niveau militaire dans la région de Srebrenica.

18 Q. Deux ou trois références encore. La suivante se trouve au paragraphe

19 175 où vous nous parlez de la réunion qui s'est passée en date du 9 juillet

20 à Pale. Vous y avez vu Karadzic, Krajisnik et vous avez vu un autre homme

21 que vous décrivez, au paragraphe 175, et vous nous indiquez comment il vous

22 avait été présenté. Alors, de qui s'agissait-il ?

23 R. Il s'agissait de M. Jovica Stanisic. J'ai déjà indiqué que l'on m'avait

24 présenté suivant des modalités qui m'ont laissé entendre qu'à la réunion

25 précédente, ils avaient débattu des événements de Srebrenica. Et le fait

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1 que je les ai retrouvés, en date du 8 ou du 9, je crois que c'était plutôt

2 le 9, une fois que les opérations à proximité de Srebrenica battaient leur

3 plein, cela ne faisait que confirmer qu'éventuellement le sujet traité

4 était également celui de Srebrenica. Et le président Karadzic a dit : voici

5 un de nos gaillards de là-bas du terrain. Et j'ai cru comprendre qu'il

6 parlait de la région de Srebrenica. La formulation de cette phrase avait

7 implicitement laissé entendre qu'il avait été débattu de questions

8 afférentes à Srebrenica à l'occasion de cette réunion.

9 Q. Pour ce qui est maintenant du paragraphe 208, Monsieur Deronjic, vous y

10 dites qu'un dénommé Beara est arrivé à Srebrenica. Vous avez compris qu'il

11 s'agissait là de l'homme dont avait parlé Karadzic. En outre, il y est

12 question des instructions qui avaient été laissées à nos sujets des

13 prisonniers et sur ce qu'il devait advenir de ces prisonniers. Dites-nous

14 de quoi s'agissait-il ?

15 R. Pouvez-vous m'indiquer, je vous prie, le numéro du paragraphe. Je ne

16 l'ai pas retenu.

17 Q. Paragraphe 209, Monsieur Deronjic.

18 R. Oui. Dans ce paragraphe-là, j'ai parlé de l'arrivée de M. Beara à

19 Bratunac, dirais-je, parce que je ne sais pas s'il est allé à Srebrenica ou

20 pas. J'ai parlé de son apparition dans mon bureau, tard dans la soirée,

21 dans la nuit du 13 ou 14 juillet.

22 Il est un fait notoirement connu que j'ai expliqué dans ma déclaration au

23 préalable, à savoir que le 13, au soir -- vers huit heures du soir pour

24 être précis, j'ai eu une conversation avec M. Karadzic et la transcription

25 de cette conversation est un document que nous avons examiné il y a

Page 29634

1 quelques instants et dont nous avons donné lecture ici.

2 M. Beara, donc le 13 au soir, fait son apparition dans mes bureaux. Et j'ai

3 décrit dans ce paragraphe, avec précision, quelle avait été l'ambiance qui

4 régnait dans mon bureau. J'ai parlé des propos, des ordres qu'il avait au

5 sujet des prisonniers musulmans qui se trouvait à ce moment-là sur le

6 territoire de la municipalité de Bratunac.

7 Voulez-vous que je donne plus dans le détail, que j'étoffe mon propos aux

8 fins d'être plus précis ?

9 Q. Non, cela figure dans la déclaration et tout à chacun peut lire quelles

10 avaient été ces instructions.

11 Pour finir, je passe au paragraphe 227. Vous y dites qu'il y a eu un

12 document et ce document a été présenté à la Chambre. Ce document d'ailleurs

13 était dans ce dossier. Il s'agit d'un document où il est question

14 d'évacuation de la population de Srebrenica. C'est un document signé par M.

15 Franken, une fois qu'il a apporté certaines modifications.

16 Et vous traitez du document en question aux paragraphes 226 et 227 et vous

17 indiquez que le document en question ne correspond pas à la réalité. Je

18 vous demande maintenant de vous pencher sur la fin de ce paragraphe 227, où

19 il est question des raisons pour lesquelles cela ne correspondait pas à la

20 réalité. Et vous dites que la raison principale -- la raison fondamentale,

21 pour laquelle vous avez affirmé que le document ne correspondait pas à la

22 réalité, c'était quoi au juste, Monsieur Deronjic ?

23 R. J'ai dit que la raison fondamentale qu'il n'y avait pas d'intention

24 sérieuse pour ce qui est de cette population civile qui s'est trouvée à

25 Potocari après les opérations militaires et après la prise de Srebrenica

Page 29635

1 d'une part, donc il n'y avait pas eu d'intention sérieuse de faire en sorte

2 que ces gens-là restent sur place. Les événements précédents et l'événement

3 même confirment la thèse dont j'ai parlée auparavant déjà, et il s'agit

4 notamment du fait suivant. La population civile et musulmane était censée

5 être éliminée de cette région-là. C'était l'intention réelle et les

6 instructions, que j'ai reçues ne convenaient pas, ne correspondaient pas à

7 la réalité, ni aux intentions véritables. Quand j'ai parlé des trois

8 options proposées aux Musulmans par le président Karadzic, c'est notamment

9 cela que j'avais à l'esprit.

10 Q. Je vous remercie, Monsieur Deronjic. Ils vous sera poser à présent

11 d'autres questions par la partie adverse.

12 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, la conversation

13 interceptée, au sujet desquels est intervenu l'accusé, est une

14 communication que nous n'avons pas en version audio. Nous n'avons que la

15 transcription.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il vous appartient à présent de contre-

17 interroger le témoin. Nous avons pris en considération le temps qu'il

18 conviendrait de vous accorder pour cela faire. Nous avons donc décidé de

19 vous accorder deux heures et demie pour le contre-interrogatoire du présent

20 témoin.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne comprends pas, Monsieur May. Il se peut

22 que l'on m'accorde deux heures et demie pour un témoin qui a témoigné ici,

23 viva voce, et qui a fait une déclaration à laquelle compte 232 paragraphes,

24 232 allégations en d'autres termes, cela signifie --

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

Page 29636

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- cela signifie que je devrai parcourir plus

2 de 100 paragraphes à l'heure avec le reste de la documentation, et cela me

3 semble impossible.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] En effet. Commencez avec votre contre-

5 interrogatoire donc et ne perdez pas davantage de temps.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne veux pas perdre mon temps, mais je

7 voudrais que nous constations au préalable ce que signifie une

8 transcription au sujet de laquelle il n'y a pas d'enregistrement audio ?

9 Qu'est-ce que l'on a transcrit s'il n'y a pas d'enregistrement audio quant

10 à la conversation entre M. Deronjic et M. Karadzic ?

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pour le moment, cette pièce à conviction

12 ne porte une cote qu'à titre d'identification. Nous allons décidé par la

13 suite si la pièce sera versée au dossier ou pas.

14 Mais je vous demande d'entamer votre contre-interrogatoire.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

16 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

17 Q. [interprétation] Monsieur Deronjic, je me propose d'abord de vous poser

18 quelques questions introductives et cela se trouve être en corrélation avec

19 l'allégation que vous avez faite tout à l'heure en répondant à l'une des

20 questions de M. Nice et vous y avez dit que vos conclusions, au sujet des

21 dits événements, vous les avez tirées à la période ou, c'est-à-dire, en

22 1997 lorsque vous avez eu des contacts avec le bureau du Procureur ?

23 R. Ce n'est pas ce que j'ai dit, Monsieur Milosevic. J'ai dit que la

24 plupart de ces conclusions ont été tirées dans le courant de la guerre et

25 une partie des conclusions ont été tirées une fois la guerre terminée.

Page 29637

1 Q. Vous avez parlé de la partie adverse. Vous avez parlé des contacts que

2 vous avez eus avec eux à compter de 1997, et vous avez élaboré une version

3 à vous de ce qui s'est passé dans la région de la Bosnie-Herzégovine où

4 vous avez résidé.

5 R. Oui, c'est ce que j'ai relaté, c'est exact.

6 Q. Bien. A ce sujet-là, j'aimerais que vous m'apportiez des

7 éclaircissements sur plusieurs points. En effet j'ai sous les yeux votre

8 accord de plaidoyer lorsque vous avez plaidé coupable. Je suppose que vous

9 connaissez ce texte suffisamment bien. Vous avez abouti à un accord pour ce

10 qui est d'un plaidoyer de culpabilité avec la partie adverse, n'est-ce pas

11 ?

12 R. C'est exact.

13 Q. Je n'ai pas le temps de le parcourir dans son ensemble -- dans son

14 intégralité, mais je voudrais mentionner plusieurs éléments quand même.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère, Messieurs les Juges, que vous

16 disposez du texte de l'interprétation de l'accord en question.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous ne l'avons pas, mais nous allons

18 nous efforcer de l'obtenir.

19 M. NICE : [hors micro] -- voilà un exemplaire est disponible ici.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Microphone.

21 M. NICE : [interprétation] Nous allons distribué une copie aux Juges et

22 nous allons faire des photocopies pour les autres parties intéressées, pour

23 les communiquer aussitôt que possible.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Continuez.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 29638

1 Q. Dans l'accord que vous avez établi avec le bureau du Procureur pour

2 autant que je puisse le voir et au sujet de la partie cruciale de votre

3 témoignage afférant à Srebrenica, ils ne vous ont accusé de rien du tout,

4 n'est-ce pas ?

5 R. C'est exact.

6 Q. "Pour ce qui est de l'interprétation de l'accord faite par le bureau du

7 Procureur." C'est ce qu'il est dit. Point A : "Partant d'une coopération

8 complète et notable de Miroslav Deronjic avec le bureau du Procureur,

9 celui-ci se proposera de demander à la Chambre un prononcé de peine de dix

10 ans." Est-ce exact ?

11 R. C'est exact.

12 Q. Le point B dit : "Il sera déployé des mesures nécessaires et

13 raisonnables pour que Miroslav Deronjic et les membres de sa famille

14 puissent bénéficier d'une protection et de la sécurité nécessaire."

15 R. C'est exact.

16 Q. Le point C dit : "Que le plaidoyer de culpabilité de l'accusé signifie

17 l'acceptation de sa culpabilité pour ce qui est de son comportement

18 passible d'une peine au pénal dans le village de Glogova dans le courant de

19 ces événements là." Et l'on ramène votre responsabilité pénale au village

20 de Glogova, n'est-ce pas ?

21 R. C'est exact, Monsieur Milosevic.

22 Q. Point D, le bureau du Procureur : "S'agissant de la responsabilité

23 pénale de Miroslav Deronjic, vis-à-vis de tous autres actes pénaux, dont il

24 pourrait être considéré responsable pour ce qui concerne Glogova, tel que

25 décrit dans les éléments de fait dans le deuxième axe d'accusation amendé

Page 29639

1 seront communiqués aux Juges, l'on considéra que ces délits pénaux sont

2 déjà résolus par le prononcé de sentence." Donc, en d'autres termes, vous

3 ne serez pas poursuivis pour ces actes pénaux ?

4 R. C'est exact.

5 Q. Le bureau du Procureur dit encore que, s'agissant des événements de

6 Glogova du 9 mai 1992, tels que décrits, et ainsi de suite dans --

7 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à M. Milosevic de lire plus

8 lentement parce que les interprètes ne disposent pas du texte en question.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation] Bien, étant donné que les interprètes ne

10 disposent pas de ce texte, j'en tiens compte.

11 Q. Donc l'on informera les Tribunaux à juridiction nationale pour faire

12 savoir que les délits pénaux relèvent en premier lieu des compétences du

13 Tribunal pénal international ici, n'est-ce pas ?

14 R. C'est exact, Monsieur Milosevic.

15 Q. Dites-moi, maintenant, étant donné qu'il y a un acte d'accusation

16 modifié un deuxième acte d'accusation, quelle est la différence entre ce

17 deuxième acte d'accusation modifié par rapport au premier acte

18 d'accusation ?

19 R. Où est la différence, vous vouliez dire ?

20 Q. Oui.

21 R. Je ne peux pas vous parler de façon précise parce que je n'ai pas sous

22 les yeux le texte du deuxième acte d'accusation modifié, mais, en tout état

23 de cause, cela diffère du premier.

24 Q. Bien, mais ce deuxième acte modifié ne se ramène qu'à Glogova, si j'ai

25 bien compris, et l'on vous promet là une peine de dix ans seulement.

Page 29640

1 R. Monsieur Milosevic, le premier acte d'accusation me concernant portait

2 lui aussi rien que sur Glogova.

3 Q. Bien, Monsieur Deronjic, plus loin on dit intituler "Coopération de M.

4 Deronjic qui a fait donc preuve d'esprit de coopération et qui a accepté de

5 rencontrer les représentants du bureau du Procureur autant de fois que

6 nécessaire, donc qui leur fournira des informations dont il a connaissance

7 pour ce qui est des événements survenus en ex-Yougoslavie."

8 On dit plus loin encore "que l'accord prévoit la coopération sincère de M.

9 Deronjic dans quelque autre procès que ce soit devant le Tribunal pénal

10 international où, d'après l'opinion du bureau du Procureur, son opinion

11 pourrait s'avérait pertinente, qu'il s'agisse d'affaire actuellement en

12 cours ou d'affaire qui pourrait être en cours à l'avenir devant ce

13 Tribunal." N'est-ce pas, Monsieur Deronjic ?

14 R. Oui.

15 Q. Par conséquent, votre témoignage se fonde sur l'accord que vous avez

16 réalisé ou que vous avez signé avec le bureau du Procureur, n'est-ce pas ?

17 R. C'est exact, Monsieur Milosevic. Je vais vous dire autre chose que vous

18 ne savez probablement pas. A l'occasion des premiers contacts avec le

19 bureau du Procureur -- et mes témoins peuvent en témoigner -- j'ai précisé

20 que, s'il n'y avait pas d'accord, je témoignerais quand même devant le

21 Tribunal. Donc cela ne figure pas dans le texte de l'accord, mais vous

22 pourrez vérifier la chose auprès de mes avocats.

23 Q. Bien, mais je n'ai pas du tout l'intention pour ma part de vérifier

24 cela. Dans ce deuxième texte de l'acte d'accusation modifié qui se rapporte

25 à Glogova --

Page 29641

1 R. Excusez-moi, Monsieur Milosevic, je vous le précise le premier acte

2 d'accusation se rapporte lui aussi uniquement aux événements de Glogova.

3 J'aimerais que la chose soit constatée de la façon la plus claire possible.

4 Q. Fort bien, Monsieur Deronjic, mais le point crucial ce n'est pas celui

5 de savoir à quoi se rapporte en tout et pour tout l'acte d'accusation, mais

6 à quoi se rapporte votre accord avec le bureau du Procureur, accord au

7 terme duquel il s'engage à recommander à la Chambre de première instance à

8 prononcer de peine correspondant à dix ans de détention. Et c'est la raison

9 pour laquelle vous avez signé cet accord, n'est-ce pas ?

10 R. Entre autres, le prononcé de la sentence est un élément constructif de

11 la peine et de l'accord.

12 Q. Et il y également les éléments de protection libération -- de votre

13 libération de toute responsabilité -- exemption de toute responsabilité à

14 l'égard des Tribunaux nationaux, n'est-ce pas ?

15 R. Monsieur Milosevic, vous n'ignorez pas le fait que ce Tribunal-ci, a la

16 priorité pour ce qui est de poursuivre en justice les personnes pour les

17 crimes de guerre perpétrés sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, je ne

18 vois rien de contestable si un tel énoncé figure s'agissant des actes qui

19 me sont reprochés.

20 Q. Ça je ne le sais pas. C'est ce dont dispose -- c'est ce que vous

21 entendez par Tribunal et ce que vous considérez comme étant Tribunal -- le

22 Tribunal ici, mais nous parlerons de l'accord et du témoignage qui se font

23 de sur l'accord que vous avez signé avec ce bureau du Procureur.

24 Nous allons donc parler des événements principaux. Je ne sais pas combien

25 de temps il me sera accordé au final, et je voudrais d'abord parler de

Page 29642

1 Srebrenica en 1995. Au paragraphe 161, de votre déclaration, vous précisez

2 que vous êtes souvent entretenu avec Karadzic sur le terrain de Srebrenica,

3 et vous indiquez que cela s'est fait en présence des forces internationales

4 sur l'armée sur les opérations sur les questions afférentes au personnel,

5 et cetera, n'est-ce pas, Monsieur Deronjic ?

6 R. Oui, c'est exact.

7 Q. Et, en raison de ces échanges de vue de ces conversations fréquentes,

8 Karadzic -- les positions de Karadzic sur Srebrenica devaient forcément

9 vous être bien connues avant même les événements de 1995.

10 R. Dans une certaine mesure, dans la mesure où M. Karadzic avait

11 l'intention de parler de façon tout à fait ouverte de ses intentions à ce

12 sujet. Ce que je savais, je le savais.

13 Q. Mais, étant donné que vous avez eu des conversations fréquentes et vous

14 étiez l'homme chargé de Srebrenica, j'imagine que ses positions à lui

15 devaient vous être connues, n'est-ce pas ?

16 R. Il n'en est pas ainsi s'il y avait eu des plans secrets si M. le

17 Président n'avait pas estimé nécessaire de me dire certaines choses,

18 j'estime qu'illogique qu'il ne me les a pas communiquées. Mais ce que je

19 puis confirmer, en tout état de cause, c'est que, s'agissant de certains

20 plans afférents à Srebrenica, j'en ai été au courant, oui.

21 Q. Il découle, par exemple, de ce que vous y dites que vous n'aviez pas

22 connaissance de ces positions au sujet de Srebrenica parce que si cela vous

23 avait été connu, vous en auriez parlé dans votre déclaration préalable.

24 R. S'agissant de certains plans j'en ai entendu parler, je ne sais pas

25 s'ils sont objectifs -- s'ils correspondent à la vérité, mais je l'ai

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1 indiqué au bureau du Procureur, dans l'énoncé plus large de ma déclaration

2 préalable. J'ai indiqué également qu'il y a eu des rumeurs disant que

3 Srebrenica allait probablement être échangé contre un territoire dans le

4 cadre de la fédération, donc j'ai entendu parler de certain plan de cette

5 nature, à l'occasion de ces conversations. Je ne sais pas si cela était

6 objectif, je ne sais pas si cela a été réalisable à ce moment-là, et ainsi

7 de suite.

8 Q. Bien, mais, pour parler de conversations concrètes que vous auriez eu

9 avec Karadzic, et concernant Srebrenica, j'imagine que vous n'avez pas tout

10 cité, que vous citez dans ces déclarations certaines de ces conversations

11 et que vous avez fourni là ce que vous avez jugé être en corrélation avec

12 le comportement qui était le vote là-bas et les événements qui se

13 trouvaient être en corrélation avec vous-même. Je pense que cette

14 conversation s'est passée lorsque Karadzic est arrivé à Zvornik une fois et

15 vous indiquez qu'il s'agissait du printemps. Il pouvait bien qu'il

16 s'agissait du mois de mai 1995, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Et vous dites qu'il vous a mis de côté et vous avez précisé qu'il

19 allait y avoir des opérations militaires bientôt, mais il ne vous a pas

20 fourni de détails autres.

21 R. C'est exact. Entre autres, c'est ce qu'il m'a dit.

22 Q. Etant donné que c'est ce qu'il vous a dit à ce moment-là et vous avez

23 déjà prévenu de la nécessité de n'en parler -- de ne pas en parler à qui

24 que ce soit.

25 R. C'est exact.

Page 29644

1 Q. Donc je suppose qu'il vous faisait confiance dans une très grande

2 mesure.

3 R. Je le suppose aussi.

4 Q. Il vous a demandé de faire le nécessaire une fois revenu à Bratunac de

5 prendre les mesures que vous estimez nécessaires, au sujet des opérations à

6 venir et qu'il vous a laissé entendre dont il vous a laissé entendre le

7 déroulement prochain.

8 R. C'est exact.

9 Q. Dites-moi, quelles sont les actions que vous avez entreprises -- ou les

10 démarches que vous avez entreprises au sujet des opérations qu'il vous a

11 laissé entendre ?

12 R. J'ai dit que c'était des opérations -- ou des activités routinières.

13 J'ai vérifié si -- dans les réserves de la municipalité dont nous

14 disposions de quantités suffisantes de pétrole, j'ai vérifié si, à

15 l'hôpital, nous avions suffisamment de médicaments, si nous avions des

16 réserves suffisantes de vivres au niveau de nos stocks. Et j'ai demandé à

17 la direction municipale de préparer ce qu'il fallait si l'on déterminait

18 qu'il manquait quoi que ce soit. J'ai dit qu'il allait y avoir des

19 opérations à proximité de Srebrenica et qu'à cet effet, il fallait que nous

20 soyons, nous aussi, prêts comme nous l'avions fait à plusieurs reprises

21 lorsqu'il y a eu des opérations -- des opérations de déployer sur ce

22 terrain-là.

23 Q. Fort bien. Etant donné que vous nous dites, vous-même, que vous n'aviez

24 pas connaissance dans le détail des opérations à venir, comment partant de

25 ces connaissances donc, si minimes avez-vous pu savoir de quelle quantité

Page 29645

1 il fallait disposer, de quelles étaient les quantités de matériel qu'il

2 fallait préparer ?

3 R. Nous n'avons su jamais au juste quelles étaient les quantités

4 nécessaires. Nous nous sommes, par contre, toujours efforcés de disposer de

5 quantités optimum par rapport aux possibilités qui étaient celles de la

6 municipalité. Par exemple, s'il y avait des opérations militaires déployées

7 sur le terrain, il fallait que nous ayons une entreprise de transport --

8 une grande entreprise de transport de mise à contribution, afin qu'elle ait

9 des réserves de pétrole ou alors veiller à ce que des quantités soient

10 procurées. Nous ne savions pas quelles étaient les quantités exactes parce

11 que l'armée s'approvisionnait par ces propres lignes d'approvisionnement.

12 Mais très souvent, dans le courant de la guerre, la municipalité a aidé

13 l'armée. Je puis vous donner une quantité innombrable d'exemples, et ceci

14 en achetant des vivres, des quantités de pétrole, notamment, et en priorité

15 pour satisfaire aux besoins de l'armée.

16 Q. Bien, Monsieur Deronjic. Avez-vous présenté, entre temps, quelque

17 rapport que ce soit à l'intention de Karadzic, s'agissant des préparatifs

18 effectués ?

19 R. Non. Il n'y a pas eu pratique de le faire pour ce qui est des

20 obligations qui étaient des obligations normales et naturelles des

21 autorités civiles vis-à-vis de l'armée. Donc il n'était pas nécessaire

22 d'informer l'armée de la Republika Srpska.

23 Q. Donc Karadzic ne pouvait pas savoir sur quoi il pouvait compter à

24 Bratunac s'il y avait des conflits ?

25 R. Il savait qu'il pouvait compter sur Bratunac pour ce qui est des

Page 29646

1 préparatifs qui concernaient l'armée et je crois que, très certainement,

2 ces renseignements lui étaient mis à disposition.

3 Q. Mais, étant donné que vous venez de nous dire que vous n'avez pas fait

4 de rapport, il n'a pas eu sur quoi fonder sa conviction concernant le fait

5 de pouvoir compter sur vous.

6 R. Il pouvait sous-entendre que conformément aux possibilités matérielles

7 de la municipalité et à mes possibilités à moi, j'avais fait tout le

8 nécessaire.

9 Q. Bien. Au paragraphe 166, vous indiquez que les préparatifs, auxquels

10 vous avez veillé, n'ont pas donné lieu à un intérêt spectaculaire parmi la

11 population. Et vous n'avez pas participé au segment militaire de la

12 planification de l'opération à Srebrenica, n'est-ce pas ?

13 R. La première partie de ce paragraphe, il y est contenu dans ce que j'ai

14 dit. J'ai dit qu'il s'agissait d'activité de routine, et j'ai parlé de

15 l'arrivée des unités dans la deuxième moitié du mois de juin dans la

16 région. J'ai parlé du commandement de ces unités, des activités de

17 reconnaissance qui n'ont pas suscité un intérêt spectaculaire auprès du

18 commun des mortels, à savoir, de l'homme de la rue, parce que des

19 opérations analogues avaient déjà été déployées auparavant.

20 Q. Est-ce que cela signifie qu'en sus de ce que vous avez dit avoir

21 discuté avec Karadzic ? Au début des opérations vous vous n'êtes entretenu

22 avec personne sur Srebrenica à ce sujet-là, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Quand a commencé au juste l'opération militaire sur Srebrenica ? A

25 quelle date ?

Page 29647

1 R. Je ne suis pas tout à fait certainement. Je ne sais pas exactement à

2 quel moment cette opération a démarré. Les premiers jours du mois de

3 juillet, je crois. Mais certaines opérations avaient déjà commencé dans la

4 deuxième moitié du mois de juin. Je ne peux pas vous dire exactement à

5 quelle date car je n'ai pas participé à ces opérations-là, mais il y avait

6 certaines opérations militaires que l'on pouvait remarquer dans la deuxième

7 partie du mois de juin, en particulier. Je crois que les opérations autour

8 de Srebrenica ont commencé dans les premiers jours du mois de juillet.

9 Q. J'ai compris, d'après vos propos, au paragraphe 167, de votre

10 déclaration, que lors des premiers jours de cette opération, vous ne vous

11 êtes pas rendu vous-même à Srebrenica, comme vous l'avez dit vous-même,

12 afin de voir de vous-même ce qu'il s'y passait.

13 R. Oui. Il s'agit du mois de juillet peut-être, les premiers jours du mois

14 de juillet. C'est de cela que j'entends lorsque je parle de cette époque-

15 là, alors que j'ai dit que je ne me suis pas rendu dans la direction de

16 Srebrenica.

17 Q. Très bien. Mais, au paragraphe 168, vous dites que le 1er juillet ou

18 peut-être un ou deux jours avant.

19 R. Oui.

20 Q. Vous dites que le 1er juillet, un ou deux jours précédent, ou peut-être

21 le 29 ou le 30 juin, vous vous êtes rendu au poste de commandement avancé

22 au Pribicevac. Et c'est la première fois que vous avez vu le général Krstic

23 pendant quelques instants.

24 R. C'est exact. C'est ce que j'ai dit car je ne me souviens pas de la date

25 exacte. Et lorsque je me trouvais à Pribicevac moi-même. C'est la raison

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1 pour laquelle j'ai donné la date du 1er juillet, ou peut-être un ou deux

2 jours avant, ou peut-être un ou deux jours après. Je ne peux pas vous

3 donner la date exacte.

4 Q. Très bien. Dites-moi, comment cela est-il possible lorsqu'au paragraphe

5 précédent, 167, vous dites qu'au cours des premiers jours, vous n'êtes

6 parti nulle part. Vous êtes resté à Bratunac, et vous ne faisiez que

7 deviner, et vous pensiez qu'il s'agissait d'un combat pour la route entre

8 Skelani et Milici.

9 R. Qu'est-ce que vous entendez par là, lorsque vous dites que cela n'est

10 pas possible ? J'ai répondu que les préparatifs militaires dans la région

11 avaient commencé dans la deuxième partie du mois de juin. Certaines

12 opérations de l'armée, je n'y ai pas participé, moi-même, je n'ai pas pris

13 part à ces manœuvres militaires. Lorsque je me suis rendu à Pribicevac,

14 c'est-à-dire, ces jours-là -- je ne peux pas vous donner la date exacte --

15 j'ai vu, moi-même, de quoi il s'agissait et quelles étaient ces opérations

16 menées dans la région.

17 Q. Très bien. Puisque vous dites qu'à ce moment-là, vous vous êtes

18 entretenu de façon brève avec M. Krstic -- le général Krstic, de quoi avez-

19 vous parlé, s'il vous plaît ?

20 R. Rien de particulier. J'ai dit qu'il s'agissait d'une réunion très

21 brève, que je me suis entretenu avec M. Krstic à Pribicevac pendant ces

22 journées au mois de juillet. Je me suis entretenu avec lui de façon très

23 courte. Je me suis présenté. Je lui ai expliqué ce que je faisais là, et

24 rien de particulier. Nous n'avons rien abordé de particulier parce que

25 c'était un homme très occupé puisqu'il devait donner des ordres dans la

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1 région.

2 Q. Je vois, très bien. Donc vous lui avez simplement dit bonjour. Vous

3 n'avez pas vraiment parlé avec lui.

4 R. Bien sûr, je ne peux pas m'en souvenir très précisément. Ce sont des

5 événements qui se sont déroulés, il y a fort longtemps. J'ai expliqué qu'il

6 y avait cette table qui était devant nous. Il s'agissait d'un poste de

7 commandement avancé. Nous nous sommes mis autour de cette table, devant une

8 tasse de café. Personnellement, je n'avais jamais rencontré M. Krstic, lui

9 non plus. Il s'agissait simplement d'une visite de courtoisie et je ne

10 voulais pas le gêner en aucune manière. Et je ne peux pas vous dire combien

11 de temps cette conversation a duré.

12 Q. Au paragraphe 170, vous dites qu'un jour, vous vous êtes rendu sur le

13 lieu du combat, dans la partie sud de Pribicevac. Et vous dites que là une

14 opération était menée.

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. Quel jour vous êtes-vous rendu?

17 R. Je ne peux pas vous donner la date exacte car il s'agissait des

18 premiers jours de juillet. Il s'agissait peut-être du 10, du 7, du 6, je ne

19 sais pas exactement. Je ne peux pas vous donner la date exacte parce qu'à

20 ce moment-là, l'opération a commencé, mais je ne peux pas vous dire

21 aujourd'hui à quelle date cela s'est produit. C'est là que j'ai vu le

22 commandant de la Brigade de Zvornik. Je lui ai dit bonjour et j'ai vu

23 comment ces opérations autour de Srebrenica étaient organisées.

24 Q. Vous dites que vous avez vu le commandant des Loups de la Drina, dont

25 le surnom "Legenda", la Légende.

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1 R. Je me souviens d'avoir vu Vinko Pandurevic. J'ai vu cet homme également

2 surnommé la Légende. Je ne connais pas son vrai nom.

3 Q. Lui avez-vous parlé ?

4 R. Je peux expliquer ceci de façon assez précise car il y avait une

5 tranchée par l'intermédiaire de laquelle ils arrivaient à communiquer. Une

6 tranchée avait été construite en face d'une commune et, pendant l'opération

7 militaire, elle-même, pendant qu'on construisait ces tranchées, on les

8 avait appelés "les trois mamelles," parce que cela formait des monticules.

9 Je ne suis pas resté très longtemps. J'ai simplement dit bonjour à M.

10 Pandurevic, car j'ai constaté qu'il était très pressé. Cette opération

11 était déjà en cours et s'est poursuivie par la suite. Je ne sais pas car je

12 ne suis pas resté longtemps sur place. Et je suis rentré.

13 Q. Très bien, Monsieur Deronjic. Et pour ce qui est du général Krstic, ou

14 cet homme nommait la Légende, ou Pandurevic, ces hommes, par conséquent,

15 étaient des officiers du commandant au sein du commandement qui a dirigé

16 l'opération. Vous n'avez demandé à personne quel était l'objectif de cette

17 opération ? Vous avez simplement déduit vos propres conclusions. Vous

18 n'avez pas obtenu d'informations d'eux ?

19 R. Non, du tout.

20 Q. Quoi qu'il en soit, ne sachant rien à propos des objectifs de cette

21 opération militaire, vous avez décidé à ce moment-là, d'aller à la

22 recherche des informations vous-même et vous les avez obtenues de Radovan

23 Karadzic directement et vous lui avez suggéré qu'il fallait faire

24 participer des unités spéciales du MUP de la Republika Srpska, de

25 Borovcanin, de façon à ce qu'ils puissent participer à l'opération. C'est

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1 ce que vous dites, en tout cas, au paragraphe 171. Est-ce exact ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, pourquoi avez-vous eu cette idée, à savoir,

4 si je peux m'exprimer ainsi, il s'agit de l'idée d'un militaire ? Autrement

5 dit, vous dites que vous étiez un profane et que vous n'étiez pas au

6 courant. Donc, pourquoi avez-vous proposé que l'Unité spéciale de

7 Borovcanin soit impliquée ?

8 R. Monsieur Milosevic, j'ai expliqué dans le détail, dans ma déclaration,

9 qu'étant donné que j'ai passé pour la première moitié du mois de juillet un

10 certain temps à cet endroit-là, qui s'appelle Pribicevac, j'ai visité les

11 Unités de la Brigade de Bratunac qui, la plupart, étaient cantonnées dans

12 cette région et j'ai passé une nuit, voir même davantage, dans la région.

13 Je me suis entretenu avec différentes personnes à propos de différents

14 sujets, bien sûr. Et ce qui nous intéressait plus particulièrement, c'était

15 le plan Srebrenica et on m'a posé moi-même des questions sur les plans qui

16 avaient été organisés à propos de Srebrenica et qui y participait donc.

17 Voici les contenus de nos conversations et je leur répondais en disant que

18 j'allais me procurer davantage d'informations parce que je n'avais pour eux

19 aucune information. C'est la raison pour laquelle je suis allé voir M.

20 Karadzic.

21 Un autre mobile qui était le mien, était le suivant : Je devais faire une

22 proposition à laquelle j'ai déjà fait référence et M. Borovcanin devait

23 venir avec sa propre unité. Et j'ai remarqué que, pendant toute cette

24 guerre, qui n'était pas une guerre entre des armées classiques, il s'agit

25 de personnes qui avaient pris les armes et qui faisaient la guerre, et j'ai

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1 constaté qu'il y avait des morts -- des morts tout à fait inutiles dû aux

2 faits que ces personnes étaient mal formées. Elles ne pouvaient pas diriger

3 des opérations militaires.

4 Je dois vous dire que, lorsque je sillonnais cette région à ce moment-là,

5 bon nombre de mes collègues, des professeurs occupaient ces postes-là,

6 ainsi que des directeurs d'entreprise, des personnes qui étaient même des

7 personnes âgées, des personnes qui n'étaient pas à même de faire des

8 percées ou de prendre des positions fortifiées de l'ennemi, et cetera,

9 elles n'étaient pas en mesure de le faire. Et j'ai compris, à un moment

10 donné, que les opérations organisées autour de Srebrenica n'étaient pas

11 simplement une question de routine, qu'il s'agissait en fait de quelque

12 chose de plus sérieux à propos de Srebrenica. Et j'ai compris cela lorsque

13 j'étais sur le terrain et j'ai compris que ceci serait catastrophique pour

14 un bon nombre de personnes que je connaissais personnellement. Bratunac est

15 une toute petite ville. Nous nous connaissions tous. Nous sommes tous amis

16 et je pensais qu'il serait bon que les plans se déroulent de la façon

17 suivante, qu'une unité professionnelle et bien formée puisse se rendre dans

18 la région.

19 Je connaissais M. Ljubisa Borovcanin. Je connaissais un certain nombre de

20 personnes qui faisaient partie de son unité et j'estimais que ces gens-là

21 étaient tout à fait capables de mener une telle opération, mais c'était à

22 moi de faire cette proposition. Mais, bien sûr, il incombait au président

23 de prendre la décision et de savoir s'il était d'accord avec ce que je

24 proposais ou non.

25 Q. Bien. D'après ce que vous dites et d'après ce que vous avez écrit, au

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1 paragraphe 171, il en découle que vous aviez remarqué qu'hormis ces Loups

2 de la Drina, c'étaient des hommes ordinaires, des hommes de la rue qui ont

3 pris aux combats. Il ne s'agissait pas de soldats qui avaient été formés.

4 C'est pour cela que vous avez suggéré à Karadzic que cette Unité spéciale

5 du MUP de la Republika Srpska intervienne ?

6 R. Oui, c'est exact.

7 Q. Et ensuite, vous expliquez qu'afin de réaliser cette mission dont vous

8 n'aviez aucune information, une telle unité était nécessaire ?

9 R. Monsieur Milosevic, je n'ai pas dis que je n'avais aucun renseignement

10 à ce moment-là sur cette opération. Je ne savais rien à propos des

11 objectifs militaires de cette opération autour de Srebrenica et sur

12 Srebrenica concernant la période précédent ces jours-là. J'ai vu que les

13 opérations s'intensifiaient sur le terrain et j'ai constaté qu'un plan

14 avait été échafaudé en vue de prendre Srebrenica. Si je n'avais pas vu ce

15 que j'ai vu sur le terrain, je ne serais pas allé rencontrer le président

16 Karadzic, mais, étant donné que j'étais le témoin de toutes ces opérations

17 de routine, je pouvais les comparer avec les opérations militaires en cours

18 et j'étais à même de savoir qu'il ne s'agit pas de la même chose.

19 Q. J'ai crû comprendre que vous n'étiez pas au courant des objectifs

20 militaires, des unités qui ont pris part à ces attaques et ces opérations

21 militaires autour de Srebrenica.

22 R. Monsieur Milosevic, aucune des personnes sur le terrain qui ont

23 participé, qui ont commandé ces opérations ne m'ont informé de ces

24 objectifs. Mais j'ai pu simplement, grâce à mon expérience et à des

25 raisonnements logiques, d'en tirer mes propres conclusions, et je pouvais

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1 voir ces événements moi-même.

2 Q. Très bien. J'ai reçu de mes collaborateurs deux documents que je vais

3 tâcher d'expliciter avec votre aide.

4 Savez-vous que le commandant en chef, M. Zivanovic, le 2 juillet 1995, a

5 donné un ordre en vue de mener des opérations de combat. Et ceci fait

6 référence à l'opération de combat appelée Krivaja 1995.

7 R. Non. Je ne suis pas au courant de cela.

8 Q. Je vais vous le lire. C'est daté du 2 juillet 1995, ce secret

9 militaire, strictement confidentiel, exemplaire numéro illisible, Krivaja

10 1995, ordre en vue de mener des opérations de combat, ici référence est

11 faite à des cartes.

12 A la page 2, au point numéro 2, il est précisé que : "le commandant de la

13 DK" -- à savoir, le Corps de la Drina -- "sur la base des instructions OP

14 71 de l'état major général de la Republika Srpska, étant donné la situation

15 dans la région dont vous avez la responsabilité, a pour ordre de mener des

16 opérations de combat. Il s'agit de séparer les enclaves de Zepa et

17 Srebrenica dès que possible et de les réduire et de les cantonner à leurs

18 zones urbaines uniquement."

19 Pour ma part, la manière dont j'entends l'objectif ici, il s'agit "de

20 séparer complètement et de cantonner les enclaves de Zepa et de Srebrenica.

21 Il s'agit d'améliorer les positions tactiques de façon conséquente." Il

22 s'agit ici de l'ordre donné par le commandant. C'est un ordre qui est assez

23 long. C'est un ordre qui a été donné par le général de division Zivanovic.

24 Vous connaissez ce général, je crois.

25 R. Oui, c'est exact.

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1 Q. Dans l'ordre, l'objectif est expliqué de façon très claire ici. La date

2 est le 2 juillet et ensuite je cite à partir de la page 5 de ce document.

3 Ce document précise que : "Les organes de sécurité, la police militaire

4 vont désigner différentes régions, définir la sécurité des prisonniers de

5 guerre et du butin de guerre. Pour ce qui est du traitement des prisonniers

6 de guerre ainsi que de la population civile -- et doivent adhérer aux

7 conventions de Genève."

8 C'est ce qui est indiqué ici pour ce qui est de l'ordre donné par le

9 général Zivanovic eu égard aux opérations autour de Srebrenica.

10 Est-ce que vous dites, Monsieur Deronjic, que vous n'étiez absolument pas

11 au courant de cela ? Vous étiez la personne qui détenait le plus haut

12 niveau de responsabilité dans la région ?

13 R. Oui, c'est effectivement ce que je dis.

14 Q. Très bien. Est-ce que nous pouvons déduire d'après cet ordre que le 2

15 juillet déjà il était tout à fait clair quel était l'objectif de cette

16 opération militaire, et il était clair comment les prisonniers de guerre et

17 les civils devaient être traités ? C'est indiqué clairement dans cet ordre

18 et toutes personnes qui recevait cet ordre qu'il soit derrière les lignes

19 de front ou non devaient en avoir connaissance.

20 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas qui a reçu cet ordre. Personnellement,

21 je ne l'ai pas reçu et je ne vois pas par conséquent comment j'aurais pu

22 être au courant. Mais je ne conteste pas le fait que les personnes qui ont

23 effectivement reçu cet ordre connaissaient bien les contenus de cet ordre.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je souhaite verser cet ordre au

25 dossier, s'il vous plaît.

Page 29656

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Montrez-le au témoin, s'il vous plaît.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, le témoin peut regarder ce document. Il

3 s'agit d'une photocopie et je n'ai pas le document original. Mais il pourra

4 constater qu'il s'agit effectivement d'un ordre authentique.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Deronjic, je sais que vous

6 n'avez pas vu cet ordre, mais je vous laisse le temps de le regarder. Si

7 vous avez un commentaire à faire à son sujet c'est le moment de le faire.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, cela me prendrait trop de

9 temps si je devais lire l'ensemble de ce document. Je puis simplement

10 constater que c'est la première fois que je vois ce document. Je n'ai

11 jamais vu ce document auparavant. Et si vous souhaitez que je fasse des

12 commentaires --

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Peut-être pour l'instant ce que nous

14 pourrions faire c'est procédé de la chose suivante : Nous allons le marquer

15 aux fins d'identification.

16 C'est marqué aux fins d'identification numéro 2 suivant, s'il vous plaît.

17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit en fait de la pièce portant

18 la cote D219, enregistré aux fins d'identification.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, Monsieur Deronjic, le général Krstic,

21 lorsque vous l'avez rencontré à Pribicevac pendant un court moment en

22 présence d'autres officiers, vous a-t-il dit que cette opération ne se

23 déroulait pas comme souhaiter ?

24 R. Je ne me souviens pas de quelque chose de la sorte. A un moment donné,

25 j'ai tiré mes propres conclusions et j'en ai déduit que l'opération ne se

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1 déroulait pas comme prévue car j'étais présent lorsque les forces

2 musulmanes dans cette région protégée ont tenté de faire une sortie et de

3 repousser nos forces aussi loin que possibles du centre d'opération

4 militaire. Mais je n'en ai pas parlé avec M. le général Krstic ou tout

5 autre officier de l'armée.

6 Q. Dites-moi alors, en tant que profane, comment saviez-vous que cette

7 opération ne se déroulait pas comme prévue et qu'il était nécessaire par

8 conséquent de faire venir cette unité spéciale de la police du MUP de la

9 Republika Srpska ?

10 R. Monsieur Milosevic, vous ne semblez pas écouter ce que je dis. Ma

11 motivation eu égard à la décision que j'avais proposée est double. Je ne

12 suis pas un soldat moi-même, mais j'étais capable de voir ce qui se passait

13 autour de moi et sur le terrain. Et une personne qui est capable de

14 raisonner logiquement est capable de tirer ces propres conclusions, et on

15 sait si une opération militaire se déroule normalement ou non. J'ai été

16 capable de voir qu'il y avait un nombre important de morts et de blessés.

17 Q. Bien. Alors mettons de côté le fait que vous n'avez pas lu cet ordre.

18 Moi-même, je n'ai fait que le parcourir parce que mes collaborateurs ne me

19 l'ont remis qu'hier et j'ai compris que l'objectif de combat de la Brigade

20 de Bratunac et de la Brigade Milici étaient à l'étalage de leurs forces,

21 quelque chose qui permettrait de contenir l'ennemi et de faire en sorte

22 qu'ils continuent à se battre et qu'ils ne soient pas capables de se battre

23 ailleurs. Il s'agissait d'une démonstration de force en quelque chose qui

24 visait à retenir les forces ennemies sur place. C'est ce que j'ai compris

25 d'après les documents que j'ai pus obtenir. Je crois que c'était-là

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1 l'objectif de la Brigade de Bratunac et de Milici. Bien évidemment, je n'ai

2 pas suffisamment d'information là-dessus pour le dire en toute certitude.

3 R. Je vous ai dit ce que j'ai vu sur le terrain. La Brigade de Bratunac

4 sur le terrain était déployée dans la région de Pribicevac et jusqu'à

5 Bratunac. Et les premiers objectifs de cette opération, je ne sais pas, je

6 ne le sais pas, car ce n'est que l'après-midi du 11 que j'ai rencontré le

7 commandant de la Brigade de Bratunac, c'est M. Blagojevic, et à ce moment-

8 là l'ordre d'entrer dans Srebrenica avait déjà été donné. Et les troupes

9 étaient déjà massées autour et avaient reçu l'ordre de rentrer dans la

10 ville.

11 Je n'ai aucune raison de douter vos propos, mais simplement je n'avais pas

12 les informations nécessaires à l'époque.

13 Q. Très bien. Au paragraphe 172, vous dites que vous vous êtes rendu à

14 Pale pour aller voir Karadzic seul et la nuit. De quelle date parle-t-on

15 ici ?

16 R. Et bien, je dois dire que je ne peux pas vous le dire avec certitude.

17 Je vous ai dit que ceci s'est passé il y a fort longtemps. Et je pense

18 qu'il devait s'agir soit du 7, soit du 8 ou voir même peut-être du 9. Et

19 sans doute le 8 ou le 9. C'était les dates les plus probables lorsque je me

20 suis rendu à Pale.

21 Q. Moi, j'avais l'impression que vous y êtes rendu le 9. Je vais vérifier

22 dans ce paragraphe 172. Je vais simplement regarder le paragraphe 172. Il

23 est précisé : "Je me suis rendu à Pale seul le 9 juillet. Ljubisa

24 Borovcanin est venu lui-même avec son unité à Bratunac le lendemain." Et

25 ensuite le texte se poursuit en disant : "…c'est comme ça que je peux

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1 déterminer la date exacte de la visite."

2 Vous êtes assez précis.

3 R. Oui, mais dans la déclaration initiale, j'ai précisé qu'il pouvait

4 s'agir du 8 ou du 9.

5 Vous savez, Monsieur Milosevic, que j'ai fait cette déclaration sans

6 pouvoir me rafraîchir la mémoire, et surtout en ce qui concerne les dates,

7 car j'étais déjà en détention. Et j'ai émis des réserves à ce moment-là sur

8 certaines dates -- certains évènements, et je n'ai même pas -- je n'avais

9 même pas -- je n'ai pas pensé que les dates étaient si importantes.

10 Malheureusement, je ne peux pas vous donner la date exacte.

11 Q. Bien. Bon à supposer que c'était le 9 comme vous le dites dans votre

12 déclaration. Nous n'allons entrer dans les détails ici.

13 Ces objectifs militaires concernant l'opération en question, et je suppose

14 que vous savez que je suis moi-même placé en détention depuis trois ans, il

15 m'est très difficile d'avoir accès à différents documents, mais d'après ce

16 que je vois, je peux reconstruire différents -- je peux reconstruire ce qui

17 s'est passé. Je peux reconstituer les événements.

18 Et si on vous demande quels étaient les objectifs à ce

19 moment-là le 9, et si que les objectifs sont clairement précisés dans

20 l'ordre qui a été donné le 2 juillet, il s'agit de la séparation de Zepa,

21 Srebrenica, et de la prise de contrôle des routes, et cetera, je crois que

22 nous pourrons vérifier tout cela. Par conséquent, toute personne qui a pris

23 part à cette opération, étant donné l'ordre qui avait été donné, toute

24 personne devait savoir clairement quel était l'objectif militaire. Et si

25 vous-même, vous êtes le chef politique le plus important dans la région,

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1 vous êtes la seule personne qui ne connaissait pas l'objectif militaire, et

2 vous devez aller voir Karadzic le 9. Donc c'est sept jours plus tard que

3 vous allez le voir pour apprendre quel est l'objectif.

4 R. Je ne sais pas si c'était sept jours plus tard, mais je n'ai rien su

5 entre le moment où l'ordre a été donné et le moment où je lui ai rendu ma

6 visite.

7 Q. Non, je parle simplement des dates et de la séquence des événements.

8 Vous êtes allé voir Karadzic sept jours après les missions de l'ordre. Nous

9 parlons d'un ordre qui était connu d'un grand nombre de personnes qui

10 précisait les objectifs de l'opération et le fait que vous soyez aller voir

11 Karadzic sept jours plus tard me parait difficile à comprendre.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais quelle est la raison de cette

13 discussion, Monsieur Milosevic. Que vous voulez-vous prouver ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, je dis ce que je dis parce que je suis

15 fermement convaincu que ce que ce témoin dit dans sa déposition, tout ce

16 qu'il a en tête, est orienté uniquement sur les différents points qui

17 figurent dans l'accord de plaidoyer avec le Procureur. Il y a des

18 contradictions dans ce qu'il dit parce que l'ordre a été émis le 2 juillet.

19 Les objectifs sont décrits dans cet ordre.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais il vous l'a dit je ne sais pas

21 combien de fois, il l'a dit et répète il ne connaît rien de cet ordre, et

22 nous non plus d'ailleurs. Il va bien falloir que vous l'acceptiez. Vous

23 pouvez présenter des témoins pour dire si cet ordre a été émis ou pas vous-

24 même si vous n'accordez pas crédit à ce que ce témoin dit dans sa

25 déposition. Mais ce qu'il dit est très clair. Il ne sait rien de cet ordre.

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1 C'est ce qu'il dit dans sa déposition. Il ne sert à rien d'ergoter avec le

2 témoin sur ce point.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, j'aimerais que les choses soient

4 claires. Comme vous le savez très bien, la Serbie n'a rien à voir avec tout

5 cela, et je souhaite que cela soit dit clairement.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Monsieur Deronjic, dites-moi, je vous prie, puisque le 9 ou à peu près

8 le 9 juillet, vous êtes allé à Pale, est-ce que vous avez prévenu de votre

9 arrivée ? Comment est-ce que vous pourriez savoir que Karadzic serait

10 présent, parce que vous arriviez dans la soirée ? Est-ce que vous avez

11 annoncé votre arrivée pour être sûr qu'il puisse vous recevoir ? Est-ce que

12 vous avez passé un coup de fil au préalable pour avertir de votre visite,

13 et faire en sorte qu'il puisse vous recevoir ? Comment les choses se sont-

14 elles passées ?

15 R. Monsieur Milosevic, je l'ai expliqué dans ma déclaration écrite. Mais à

16 vrai dire, dans la version que j'ai sous les yeux la chose ne figure pas,

17 mais en tout cas, vous vous êtes allé à Pale plusieurs fois. Donc vous

18 saviez très bien comment les choses se passaient. Vous saviez quelle était

19 la dimension de cette localité. Vous saviez que M. Karadzic passait la

20 plupart de son temps quand il y avait des opérations pas seulement en

21 rapport avec Srebrenica, il y passait le plus clair de son temps. Donc il

22 était logique de supposer qu'il serait au siège de la présidence ou dans

23 l'un des bâtiments situés non loin de la présidence. Et je trouvais tout à

24 fait réaliste d'aller le voir pour essayer d'établir le contact avec lui.

25 C'était tout à fait logique de penser que je le trouverais à Pale et que je

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1 pourrais le rencontrer.

2 Q. Je me suis rendu à Pale une fois lors d'une réunion de l'assemblée de

3 la Republika Srpska qui avait à voir avec le plan Vance-Owen. Et en fait,

4 je sais effectivement que c'était une petite ville et qu'avant la guerre

5 c'était une région touristique.

6 Donc vous êtes allé là-bas en pensant que vous alliez l'y trouver, et vous

7 l'avez effectivement trouvé.

8 R. Oui, on peut le dire dans ces mots. Je ne voudrais pas exprimer des

9 suppositions ici. Je ne me souviens pas si j'ai passé un coup de fil avant

10 ou pas. C'est la raison pour laquelle je n'en ai pas parlé. J'aurais pu

11 m'arrêter au bureau et vérifier si le président se trouvait à Pale, à ce

12 moment-là. Cela aurait été suffit. Mais je pouvais aussi aller à Pale pour

13 lui parler sans prévenir.

14 Q. Très bien. Si vous êtes allé le rencontrer, est-ce qu'une trace existe

15 quelque part dans un registre officiel ? Est-ce que cette information était

16 enregistrée par qui que ce soit lorsque vous avez rendu cette visite à

17 Karadzic ?

18 R. Je ne sais pas.

19 Q. Donc y a-t-il une trace ?

20 R. Réellement, je ne sais pas, Monsieur Milosevic. Comment est-ce que je

21 pourrais savoir s'il y en a une trace ou pas ?

22 Q. Est-ce que vous avez dit à quelqu'un à Bratunac où vous alliez ?

23 R. Non. Bratunac à l'époque était assez désert. Tout le monde était

24 mobilisé sauf les gens qui travaillaient dans mon bureau, et je parle

25 surtout de secrétaire. Donc j'ai dit au représentant du bureau du Procureur

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1 ce qu'il en était. A l'époque, je rencontrais M. Sinisa Glogovac à

2 Pribicevac, et il aurait pu le savoir. Je ne sais pas si je lui en ai

3 parlé, mais j'aurais pu lui dire que j'allais à Pale.

4 Q. Alors à l'instant, je ne comprends pas très bien parce que à l'instant

5 vous parlez de Sinisa Glogovac, alors que vous aviez dit quelques secondes

6 avant que vous ne rencontrez personne.

7 R. Et bien, si vous lisez ma déclaration, vous verrez que je l'ai

8 rencontré à Pribicevac.

9 Q. Mais où est-ce qu'il travaille à présent ?

10 R. A l'époque, il travaillait là-bas, mais maintenant, depuis mon

11 arrestation, je ne sais pas.

12 Q. Très bien. Donc vous êtes allé à Pale sur votre propre initiative,

13 n'est-ce pas ?

14 R. Oui, c'est exact.

15 Q. Vous n'avez dit à personne que vous y alliez sauf éventuellement à

16 Sinisa Glogovac. C'est bien ce que vous affirmez ?

17 R. Oui.

18 Q. Donc ce que vous êtes en train de dire pourrait éventuellement être

19 confirmé par Glogovac ?

20 R. Non, ce n'est pas exact. Cela peut être confirmé par Karadzic,

21 Krajisnik, et M. Jovica Stanisic.

22 Q. Fort bien. Quelle est la distance qui sépare Bratunac de Pale ? Combien

23 de temps faut-il pour arriver en voiture ?

24 R. Bratunac se trouve à peu près 130 kilomètres de Pale.

25 Q. Quand êtes-vous arrivé à Pale ?

Page 29664

1 R. Dans ma déclaration écrite, j'ai dit que je ne me souvenais pas à

2 quelle heure j'y étais arrivé, mais d'après mon souvenir, il est possible

3 que j'y sois arrivé dans l'après midi. Peut-être suis-je abusé mes

4 impressions personnelles parce que vous savez que c'est une zone

5 montagneuse, donc là-bas la nuit tombe plus tôt qu'à Bratunac qui se trouve

6 dans la plaine. Mais je crois que j'y suis arrivé dans l'après-midi.

7 Q. Et vous dites qu'à l'entrée du bâtiment de la présidence vous avez vu

8 Karadzic, Krajisnik et Stanisic qui se promenaient ensemble.

9 R. Je les ai vus sortir du bâtiment de la présidence. Enfin, je n'étais

10 pas là quand ils en ont sorti. Quand je les ai vus ils étaient déjà dehors.

11 D'ailleurs je peux décrire avec précision le bâtiment de la présidence et

12 l'endroit à partir duquel je les ai vus. C'est situé à gauche du bâtiment.

13 Ils étaient sortis du bâtiment de la présidence. Ils étaient, en fait, sur

14 le point de sortir de la cour qui se trouve devant la présidence.

15 Et lorsque j'ai dit qu'ils se promenaient, je ne pensais qu'ils circulaient

16 n'importe où en ville. Je veux dire simplement qu'ils marchaient à pas

17 relativement long en parlant les uns avec les autres à leur sortie de la

18 présidence.

19 Q. Fort bien. Au paragraphe 173, vous dites que connaissant la position de

20 Jovica Stanisic, vous avez supposé qu'ils parlaient de Srebrenica. C'est

21 bien ce que vous avez dit ?

22 R. Oui, c'est ce que je dis.

23 Q. Et vous dites qu'à ce moment-là, Radovan Karadzic vous a présenté et

24 que Jovica Stanisic a dit : "Voilà, c'est un de nos gaillards qui vient du

25 terrain." C'est bien cela ?

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1 R. Oui.

2 Q. Et c'est sur la base de ces mots que vous avez conclu qu'ils étaient en

3 train de parler de Srebrenica ?

4 R. Et bien, entre autres, en me fondant sur ces mots mais également parce

5 qu'ils étaient présents à Pale au moment où avait lieu une opération

6 importante aux environs de Srebrenica, importante du point de vue

7 militaire, donc j'ai supposé que sa présence à Pale, à ce moment-là, était

8 liée aux événements de Srebrenica. Je ne l'affirme pas avec certitude. Je

9 ne disposais d'aucun fait me permettant de l'affirmer avec certitude.

10 Q. Mais cette phrase -- le fait de dire voilà quelqu'un qui vient du

11 terrain, on la trouve toujours en rapport avec les dirigeants locaux

12 lorsque l'on parle d'eux, n'est-ce pas ? En tout cas, c'est ce que j'ai pu

13 constaté dans les textes que j'ai sous les yeux, n'est-ce pas ?

14 R. Oui. Mais il y a quelque chose que je voudrais ajouter. Lorsqu'on dit :

15 "Ce gaillard important", cela peut laisser entendre qu'il s'agit de

16 quelqu'un qui vient du terrain. Mais, lorsqu'on dit simplement que c'est

17 quelqu'un qui vient d'en haut, sans dire s'il vient de Bratunac, de

18 Trebinje, de Zvornik, de Bijeljina ou d'ailleurs, alors cela veut dire que

19 ce terme "qui vient d'en haut" porte sur quelque chose que les auditeurs

20 connaissent.

21 Q. Mais est-ce que c'était une façon courante de présenter les gens ? Est-

22 ce que c'était une façon exceptionnelle ou courante de présenter quelqu'un

23 pour dire, comme c'était votre cas, que vous veniez du terrain ?

24 R. Et bien, me fondant sur la façon dont M. Karadzic s'est exprimé, me

25 fondant sur le fait que lui et moi avons immédiatement après discuté des

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1 événements de Srebrenica, j'ai tiré une conclusion logique, à savoir que

2 les trois hommes discutaient entre eux également des événements de

3 Srebrenica. Mais je n'ai pas dit que je le savais avec certitude. J'ai dit

4 que je le supposais.

5 Q. Je vois mal sur quoi vous pouvez vous fonder pour déclarer ce que vous

6 venez de dire, Monsieur Deronjic. Je vous ai entendu, j'ai entendu les

7 motifs que vous avez évoqués. Ils m'apparaissent relativement faible pour

8 une telle affirmation. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

9 R. Monsieur Milosevic, écoutez, moi je pense que les Juges de cette

10 Chambre ont compris. J'ai dit que le président avait utilisé l'expression

11 courante "d'en haut", sans préciser de quoi il s'agissait précisément. Et

12 il est permis de penser qu'il estimait que chacun savait d'où je venais et

13 de quel niveau supérieur je venais. C'est ce que je peux dire pour répondre

14 à votre question.

15 Q. Fort bien. Donc il vous prend à part, Krajisnik et Stanisic attendent à

16 quelques pas de distance ?

17 R. Oui, enfin, je ne dirais pas attendre, mais, enfin, ils étaient là

18 debout.

19 Q. Bon. Ils étaient debout à quelque distance de vous et lui vous a pris à

20 part pour vous parlez en particulier, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Et puis, à ce moment-là, vous avez parlé de l'intervention de

23 Borovcanin. Il était question d'une proposition, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Il vous a dit que c'était une proposition qui serait mise en œuvre,

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1 n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Ou bien, vous a-t-il dit que c'était une bonne proposition mais qu'elle

4 était impossible de mettre en oeuvre ?

5 R. Non. Il n'a pas dit qu'elle était impossible à mettre en œuvre. Il

6 était d'accord avec ma proposition et j'ai eu le sentiment qu'il ferait ce

7 qu'il pouvait pour que, finalement, elle soit mise en œuvre, mais il

8 fallait qu'il en discute au préalable avec le ministre de l'Intérieur parce

9 que l'unité venait des environs de Sarajevo.

10 Q. Vous dites que Karadzic s'est excusé auprès de Krajisnik et de Stanisic

11 -- cela figure au paragraphe 176 -- "il m'a pris à part et, à cinq ou six

12 pas de distance, nous nous sommes entretenus. Je lui ai demandé quel était

13 l'objectif exact de l'opération menée à Srebrenica." Et c'est, à ce moment-

14 là, que vous lui avez demandé, donc, quel est l'objectif de l'opération de

15 Srebrenica. Vous dites ne rien savoir des ordres qui ont pu être émis et de

16 chose de ce genre. Et puis Karadzic vous dit qu'il existe deux plans au

17 sujet de Srebrenica, les versions A et B, et qu'il a donné son accord à ces

18 deux plans, le plan A consistant à libérer -- à rouvrir la route qui va

19 vers le sud et réduire la superficie de la zone protégée de Srebrenica pour

20 qu'elle atteigne les dimensions convenues, en tout cas, définies dans les

21 documents des Nations Unies.

22 Quant à la version B, je lis toujours le paragraphe 177. La version B

23 consistait à pénétrer dans Srebrenica et à s'en emparer militairement. Et

24 il vous dit qu'il a rendu public le fait que l'option B ou plan B était un

25 plan provisoire soumis à condition et qu'il ne serait mis en œuvre que s'il

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1 était considéré comme réalisable sur le plan pratique. C'est bien cela,

2 n'est-ce pas ?

3 R. Exactement.

4 Q. Votre déclaration est très longue.

5 Donc maintenant, j'aimerais sauter quelques pages et vous soumettre un

6 autre passage, je cite : "La deuxième question a été celle de ma

7 proposition. Il a dit que s'il ne décidait pas de pénétrer dans Srebrenica,

8 il serait indispensable d'y amener une unité militaire conséquente. J'ai

9 dit à Karadzic très honnêtement que j'avais confiance dans la compétence

10 militaire de Ljubisa Borovcanin et dans ses qualités personnelles. Karadzic

11 a exprimé son accord sur le principe mais très rapidement, il a ajouté que

12 l'unité était engagée dans les environs de Sarajevo, à Kalinovik. J'ai

13 insisté et j'ai eu le sentiment que ma proposition soit acceptée."

14 Donc voilà ce qui s'est passé lorsque vous vous êtes entretenu avec lui.

15 Vous dites que très concrètement, Borovcanin est venu à Pale le lendemain

16 du jour où vous y étiez vous-même. C'est ce que vous dites dans ce

17 paragraphe que j'ai cité il y a quelques minutes, n'est-ce pas ?

18 R. Oui, Monsieur Milosevic. C'est ce que j'ai dit mais je ne cesse de vous

19 répéter que je ne suis pas sûr des dates. Je vous ai dit qu'un jour ou deux

20 après, Ljubisa Borovcanin est venu à Bratunac. Il m'est très difficile de

21 me souvenir, avec précision, de ce s'est passé jour après jour.

22 Q. Je vous pose cette question sans aucune intention malveillante. Je n'ai

23 pas l'intention de vous pousser à la contradiction. Je conclus que c'est

24 simplement votre déclaration au préalable. Vous avez dit que le lendemain,

25 Borovcanin était arrivé à Bratunac avec son unité. Est-ce que bien ce que

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1 vous avez dit ?

2 R. Et bien, par la suite, j'ai reçu des renseignements à ce sujet, même

3 depuis mon arrivée ici, j'ai appris que Ljubisa était arrivé à Bratunac, le

4 10 ou le 11. Donc, ce que j'ai dit à l'époque est en contraction avec ce

5 fait d'une certaine manière. Mais j'ai dit au membres du bureau du

6 Procureur, très ouvertement, que je n'étais certain d'aucune des dates

7 auxquelles je faisais référence, s'agissant de ces événements parce que je

8 n'y ai pas participé directement. Je n'ai pas rencontré Ljubisa à Bratunac

9 lorsqu'il est venu, donc c'était un avis que j'exprimé quant à la date de

10 son arrivée.

11 Q. Fort bien, Monsieur Deronjic. Maintenant, au paragraphe 180, vous

12 dites, je cite : "Karadzic m'a demandé : Que faites-vous Miroslav avec

13 toute cette population qui se trouve ici ?" Je ne cite pas peut-être ces

14 propos mot pour mot, mais je me souviens très clairement qu'il a utilisé le

15 "vous". Il m'a donc vouvoyé en parlant au pluriel. Pour autant que je le

16 sache, il avait l'habitude de s'adresser par le tutoiement quand il

17 s'adressait aux personnes de la région. Donc, il a utilisé la deuxième

18 personne du pluriel par courtoisie. Je suppose.

19 Poursuite de la citation : "Il a employé la deuxième personne du pluriel."

20 Et j'ai supposé qu'il parlait de nous tous qui nous trouvions dans la

21 région, et que ce n'était pas simplement une façon polie de s'adresser à

22 moi, mais qu'il parlait de tous ceux qui se trouvaient là."

23 R. Non.

24 Q. C'est la raison pour laquelle je vous demande s'il vous a vouvoyé par

25 politesse, ou parce qu'il parlait de plusieurs personnes ?

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1 R. En effet.

2 Q. Donc vous ne pouvez pas être certain qu'il vous ait vouvoyé pour parler

3 de plusieurs personnes, c'est-à-dire en pensant à un pluriel. Peut-être

4 s'agissait-il simplement d'une parole -- d'un signe de politesse comme

5 lorsqu'on parle à un responsable et à un officiel ?

6 R. Monsieur le Président -- enfin, Monsieur Milosevic, excusez-moi, j'ai

7 fait une erreur, j'ai continué à vous appeler Monsieur le Président. Vous

8 n'êtes plus président, bien sûr aujourd'hui. Mais n'oubliez pas une chose.

9 Je suis professeur de langue, et je ressens les intentions utilisées dans

10 l'expression.

11 Q. Fort bien. Ne perdons pas de temps sur ce sujet.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pause de vingt minutes.

13 --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.

14 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons poursuivre jusqu'à 14 heures,

16 Monsieur Milosevic, pour essayer de rattraper un peu le temps que nous

17 avons perdu.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Monsieur Deronjic, au paragraphe 181, de votre déclaration, vous

20 affirmez que Karadzic a dit à un certain moment, je cite : "Miroslav, il

21 faut les tuer tous." Et un peu plus loin, vous affirmez être sûr à 100 %

22 qu'il a bien prononcé ces mots, c'est bien cela, Monsieur Deronjic ?

23 R. Non, Monsieur Milosevic, il est exact qu'il a prononcé cette phrase,

24 mais j'ai ajouté qu'il a dit quelque chose immédiatement après. J'aimerais

25 que vous lisiez l'intégralité de la citation car, après cette phrase, il en

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1 a prononcé quelques autres et c'est seulement après quelques autres phrases

2 que l'on trouve l'expression suivante au sujet du concept de Slavonie

3 occidentale. Je suis sûr à 100 % qu'il a utilisé cette expression. Cela

4 portait sur la Slavonie occidentale.

5 Q. Fort bien. Donc vous faites porter cette nuance le fait qu'il était à

6 100 % sûr sur la Slavonie occidentale, mais la faites-vous porter également

7 sur la phrase qui consiste à dire qu'ils fallaient les tuer tous ?

8 R. Je suis sûr qu'il a bien dit cette phrase, mais je ne suis pas sûr

9 qu'il l'ait dit dans ces mots-là. Mais enfin le sens était bien celui-là à

10 savoir qu'il fallait que ces gens soient tués.

11 Q. Et c'est tout ce qui s'est passé le 9 ?

12 R. Oui, à condition que cela se soit passé le 9. J'ai exprimé mes réserves

13 au sujet de la date.

14 Q. Mais cela correspond avec l'arrivée de Borovcanin qui se situe le 10 ou

15 le 11, donc ce qui s'est passé entre vous et lui s'est passé le 9 ?

16 R. Je ne suis pas absolument sûr du 9. Je pense que cela aurait pu par

17 exemple être le 7 ou le 8.

18 Q. Ce qui veut dire que les événements de Srebrenica n'avaient pas encore

19 eus lieu ?

20 R. Non, en effet.

21 Q. Donc, qu'est-ce que cela aurait pu vouloir dire qu'il fallait tous les

22 tuer si Srebrenica n'était pas encore prise ?

23 R. Et bien, Karadzic m'avait dit, juste avant que nos forces s'apprêtent à

24 pénétrer dans Srebrenica.

25 Q. Bien. Nous allons nous intéressé à cette question lorsque nous aurons

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1 davantage d'éléments un peu plus tard. Mais je vous pose maintenant une

2 autre question. Monsieur Deronjic, à ce moment-là, est-ce que vous jouiez

3 le moindre rôle dans la chaîne de commandement de l'armée de la Republika

4 Srpska ou au ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska ?

5 R. A ce moment-là, je ne jouais aucun rôle à cet égard.

6 Q. Aucun rôle, très bien. Est-ce que vous aviez donc le moindre moyen de

7 peser sur les décisions prises par les chefs de la police ou de l'armée ?

8 R. Aucun.

9 Q. Aucun moyen. Mais, dans ce cas-là, comment expliquez-vous que Radovan

10 Karadzic se soit adressé à vous pour vous dire qu'il fallait les tuer tous

11 puisque de toute évidence vous ne pouviez rien faire à cet égard d'après ce

12 que vous venez d'admettre vous-même ?

13 R. Oui, en effet, c'est bien le cas.

14 Q. Donc il n'aurait pas pu vous donner cet ordre ?

15 R. Monsieur Milosevic, ceci n'était pas un ordre. Il était tout à fait

16 clair à ses yeux et à mes yeux à l'époque que ce qu'il était en train de me

17 dire ne constituait pas un ordre. Cela faisait suite simplement à la

18 situation qui avait cours à Srebrenica à ce moment-là. Et permettez-moi

19 d'ajouter quelques mots d'ailleurs. Nous avions discuté à plusieurs

20 reprises de Srebrenica avant ce jour-là.Lors de nos rencontres antérieures

21 et nous avions parlé notamment du nombre d'habitants de Srebrenica et de la

22 définition de ce qu'était la population de Srebrenica à l'époque, donc la

23 question, qui se posait à ce moment-là, c'était de savoir ce qu'il

24 adviendrait de cette population si nos troupes pénétraient dans la ville de

25 Srebrenica.

Page 29673

1 Q. Mais savez-vous que Radovan Karadzic le 9 juillet dans la soirée

2 puisque vous affirmez que vous étiez présent à ce moment-là sur les lieux a

3 appris grâce à une conversation téléphonique avec le général Tolimir qu'il

4 y avait une possibilité que Srebrenica soit prise ?

5 R. Non, je ne suis pas au courant.

6 Q. Si vous n'êtes pas au courant, est-ce que vous savez que c'est sur la

7 base de ce renseignement qu'un ordre de Karadzic a été adressé aux généraux

8 Gvero et Krstic ?

9 R. Je connais l'existence d'un ordre donné au général Krstic. Je suppose

10 que c'est l'ordre dont vous parlez. J'ai entendu parler de cet ordre au

11 cours de l'affaire Krstic.

12 Q. Mais cet ordre a été émis le 9 juillet 1995. Il est signé par le

13 général Tolimir et il stipule entre autres, je cite : "Conformément aux

14 ordres du président de la république, l'ordre est donné à toutes les unités

15 participant aux actions de combats menées par l'armée dans les environs de

16 Srebrenica de veiller à assurer un degré de protection et de sécurité

17 maximum pour les troupes de la FORPRONU et pour la population civile. Cet

18 ordre doit être communiqué à toutes les unités auxquelles il est demandé de

19 ne détruire aucune installation appartenant à des civils à moins d'être

20 contraint à le faire pour se défendre. Il aurait enjoint également de ne

21 détruire aucun bien et de traiter les prisonniers de guerre et la

22 population civile conformément aux conventions de Genève du 12 août 1949."

23 Donc j'ai cité un passage de cet ordre que j'ai actuellement sous les yeux.

24 R. Oui. J'ai vu cet ordre durant le procès Krstic ici devant ce Tribunal.

25 Q. Vous n'aviez jamais vu cet ordre par le passé. Vous n'en aviez pas

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1 connaissance au moment des événements de Srebrenica ?

2 R. Non. Je ne l'ai même jamais réellement vu. Je ne l'ai jamais eu sous

3 les yeux.

4 Q. Et il est clair que ce qui était dit dans cet ordre du président

5 Karadzic en personne, traitait -- portait sur la façon dont il convenait de

6 traiter les civils et les prisonniers de guerre. Et il est stipulé que cet

7 ordre doit être communiqué à tous les commandants des unités participant

8 aux combats.

9 R. Oui. C'est ce qui est écrit ici.

10 Q. Cet ordre, date du 9 juillet 1995. Il est donc tout à fait clair,

11 Monsieur Deronjic, que le 9 juillet, donc le jour où cet ordre est émis,

12 vous n'avez pas pu avoir de contacts directs avec le président Karadzic ou

13 de conversations téléphoniques avec lui ?

14 R. Non, vous ne pouvez pas tirer cette conclusion. Vous ne pouvez pas dire

15 que je n'étais pas à Pale ce jour-là.

16 Q. S'il est impossible de tirer cette conclusion, alors nous pouvons

17 conclure, n'est-ce pas, que Radovan Karadzic ne pouvait en aucun cas vous

18 parler de la nécessité de tuer qui que ce soit ce jour-là, mais plutôt

19 qu'il vous aurait dit le contraire. J'ai l'ordre ici entre les mains.

20 R. Monsieur Milosevic, je vous l'ai déjà dit et je le répète, je n'ai

21 jamais compris qu'il s'agissait lorsque j'ai parlé à Karadzic d'un ordre

22 qui m'était donné. Et ce n'était pas non plus son sentiment. J'ai eu

23 l'impression qu'il m'avait informé du fait que les nôtres allaient pénétrer

24 dans Srebrenica, et qu'il voulait parler avec moi de ce qui pouvait

25 éventuellement se passer de ce qu'il convenait de faire. Il a évoqué le

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1 principe de la Slavonie occidentale également et je suppose que vous ne

2 pensez pas un instant que ce soit en raison de mon rôle ou de ma

3 participation dans les événements de Slavonie occidentale qu'il a utilisé

4 cette expression devant moi.

5 Q. Je ne vous ai pas parlé de cela. Je vous ai simplement dit que, compte

6 tenu des dates et de la séquence des événements, il n'a pas pu vous dire à

7 vous pas plus qu'à qui que ce soit, de tuer tout le monde, puisque nous

8 avons lu, n'est-ce pas, le contenu de l'ordre dont nous venons de parler,

9 et il était question de la nécessité de s'occuper avec soin des civils, des

10 prisonniers de guerre, et cetera ?

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non. Vous n'avez pas écouté ce qu'a

12 dit le témoin. Il faut écouter avec soin si vous voulez interroger -- si

13 vous voulez déterminer sur quel sujet il importe que vous interrogiez le

14 témoin. Le témoin vient de vous dire simplement -- et la chose est facile à

15 comprendre -- qu'il ne s'agissait pas d'un ordre. C'était simplement un

16 commentaire formulé par Karadzic. Il n'est pas nécessaire de répéter qu'il

17 s'agissait d'un ordre, alors que le témoin vous dit le contraire. Veuillez

18 procéder.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le problème n'est pas de savoir s'il s'agissait

20 d'un ordre ou pas. Le problème c'est que ce dont j'ai cité quelques

21 passages, il y a quelques instants, était bel et bien un ordre et que, dans

22 cet ordre, il est écrit très clairement qu'il est demandé à toutes les

23 unités de se conformer aux dispositions des conventions de Genève pour

24 traiter la population civile, les prisonniers de guerre et les membres de

25 la FORPRONU. Donc vous dites que ce que le témoin a mentionné n'est pas un

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1 ordre, mais cela n'a pas beaucoup d'importance. Ce que je dis c'est qu'il

2 était impossible qu'il dise qu'il fallait tuer tout le monde, compte tenu

3 du contenu de l'ordre qu'il avait donné au préalable.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il vous a dit très clairement, le témoin,

5 que c'est ce que Karadzic lui a dit. Maintenant ce qui est écrit dans

6 d'autres documents n'a guère d'importance que l'on accorde foi à ces

7 documents ou pas. D'ailleurs, c'est encore une autre question. Le témoin a

8 dit ce qu'il a dit dans sa déposition, s'agissant de ce qui s'est passé à

9 un moment déterminé. Vous pouvez produire vos propres moyens de preuve en

10 temps utile si vous le souhaitez. Mais nous avons entendu ce que le témoin

11 déclare quant aux mots que Karadzic lui a dit.

12 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, pour vous aider à vous y

13 retrouver, le document dont parle l'accusé est la pièce D171.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Enregistré aux fins d'identification, si

15 je comprends bien, pour le moment.

16 M. NICE : [interprétation] Ce document vient de vous être remis. Il vient

17 d'être enregistré à des fins d'identification effectivement, mais il émane

18 des documents que nous avons communiqués à l'accusé. Vous en avez

19 maintenant une version anglaise.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons maintenant la pièce 171 et

21 l'ordre.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc je n'ai pas besoin d'en demander le

23 versement au dossier une nouvelle fois, n'est-ce pas, Monsieur May ?

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, aucune nécessité d'en demander une

25 nouvelle fois le versement au dossier.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur Deronjic, vous avez évoqué ce principe de la Slavonie

3 occidentale dont vous affirmez que Karadzic l'a utilisé au cours de son

4 entretien avec vous. Mais, dans cet entretien, il n'y avait que lui et

5 vous, n'est-ce pas ?

6 R. Au moment où il a parlé du principe de Slavonie occidentale et où il a

7 fait toutes les constatations que je viens de décrire, nous étions debout à

8 cinq ou six pas de M. Krajisnik et Stanisic.

9 Q. Vous avez déjà expliqué qu'il vous a pris à part et qu'il a parlé avec

10 vous, alors que les deux autres étaient debout un peu plus loin, n'est-ce

11 pas ? Vous l'affirmez toujours ?

12 R. Oui. Je le maintiens.

13 Q. Fort bien. Vous parlez de ce principe de Slavonie occidentale. Savez-

14 vous, à ce sujet, qu'au moment où cette action militaire a eu lieu en

15 Slavonie occidentale, il y a eu un exode massif de la population serbe qui

16 vivait sur ce territoire ? Donc voilà, dans quelle situation les choses se

17 sont passées ? Il ne peut pas s'être agi d'avoir voulu les tuer tous.

18 Alors, comment pouvez-vous en tirer la conclusion que cela signifiait qu'il

19 fallait les tuer tous ?

20 R. Monsieur Milosevic, je n'ai jamais dit que j'en avais tiré la

21 conclusion qu'il fallait les tuer tous. J'ai cité simplement les mots dont,

22 je crois, me souvenir qu'il les a prononcés au cours de cet entretien avec

23 moi. Quant à ma conclusion et à mon sentiment personnel, il est bien connu.

24 Je l'ai déjà dit, à plusieurs reprises, y compris dans ma déclaration

25 écrite, même en rêve, je ne pouvais pas supposer ce qui allait se passer

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1 par la suite.

2 Deuxièmement, parce que j'ai compris qu'il y avait deux parties dans votre

3 question, les événements survenus en Slavonie occidentale, qui datent du 1er

4 mai, si ma mémoire est bonne, ont fait l'objet de commentaires de la part

5 des dirigeants de la Republika Srpska, et ont fait couler beaucoup d'encre

6 dans les médias. Et le sentiment général, en tout cas, très répandu à

7 l'époque, consistait à penser que l'armée croate, au cours de ces

8 événements, donc lorsque cette colonne de personnes quittant la Slavonie,

9 s'est constituée, le sentiment le plus répandu. C'est que l'armée croate a

10 tué un certain nombre de civils et, y compris, la presse croate en a fait

11 mention. C'est une chose bien connue.

12 Q. Les événements de Slavonie occidentale sont bien connus, mais ils ne

13 pouvaient en aucun signifier qu'il fallait tous les tuer.

14 R. Je n'ai jamais dit qu'il fallait tous les tuer. Les deux choses sont

15 distinctes. Les deux événements n'ont aucun rapport l'un avec l'autre.

16 Q. Fort bien. Au paragraphe 184, de votre déclaration écrite, vous dites

17 que Vidoje Blagojevic, commandant de la Brigade de Bratunac a été informé à

18 ce moment-là, qu'un ordre avait été donné de pénétrer dans Srebrenica,

19 n'est-ce pas ?

20 R. Oui, en effet.

21 Q. Mais, en chemin vers Srebrenica, vous avez -- vous vous êtes rendu

22 compte que Karadzic vous cherchait ?

23 R. Oui.

24 Q. Et c'est la raison pour laquelle vous n'êtes pas allé jusqu'à

25 Srebrenica. Mais vous avez fait demi-tour, et vous êtes retourné à

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1 Bratunac ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que vous auriez pu avoir une conversation téléphonique avec

4 Karadzic à partir de Srebrenica ? Est-ce que vous aviez obligation de

5 retourner à Bratunac à cette fin ?

6 R. Non. Je n'aurais pas pu parler avec lui à partir de Srebrenica, parce

7 que les troupes n'étaient pas encore entrées dans Srebrenica. Elles ne

8 faisaient que mouvement vers Srebrenica à ce moment-là.

9 Q. Fort bien. Donc lorsque vous avez pris contact avez lui; j'appelle

10 votre attention sur le paragraphe 185 de votre déclaration écrite, la

11 première chose qu'il vous a demandée était la suivante, je cite :

12 "Deronjic, est-ce que les informations que j'ai reçues sont exactes ? Est-

13 ce que nous avons pénétrer dans Srebrenica ?"

14 R. Oui. C'est ce que j'ai dit.

15 Q. Fort bien. Mais dites-moi maintenant, comment expliquez-vous cette

16 contradiction dans vos dires ? D'une part, Radovan Karadzic président de la

17 Republika Srpska et commandant suprême de l'armée Republika Srpska, parlait

18 de versions A et B d'un plan, dit qu'il faut tous les tuer. Et d'autre

19 part, il ne sait pas que l'opération, à cours aux environs de Srebrenica,

20 et ne sait pas si le commandement, chargé de cette opération, a pénétré

21 dans la ville ou pas, mais doit s'adresser à vous pour vous poser la

22 question. Comment se fait-il qu'il vous ait posé la question à vous ? Est-

23 ce que vous êtes vraiment la personne la plus qualifiée ? Etes-vous

24 vraiment la personne qu'il lui fallait appeler pour savoir si les troupes

25 étaient entrées dans Srebrenica ou pas ?

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1 R. Monsieur Milosevic, d'abord je tiens à dire que vous avez dans le texte

2 de ma déclaration écrite, de temps en temps, des guillemets. Autrement dit,

3 il s'agirait de citations exactes mais l'endroit où sont placés ces

4 guillemets, n'est pas toujours, toujours absolument garanti. Ils veulent

5 simplement dire que je cite des choses que Karadzic m'a dites mais il n'est

6 pas certain que les mots qui figurent dans la déclaration écrite aient

7 vraiment été utilisés par lui.

8 Quant au fait qu'il m'est posé la question, cela signifie qu'il avait eu

9 cette information de la bouche de quelqu'un et qu'il souhaitait la

10 confirmer en s'adressant à moi. Qu'est-ce que cela a d'étonnant ?

11 Q. Non. Vous avez dit qu'il m'a demandé : Est-ce que les renseignements

12 reçus par moi, à savoir que nos troupes sont entrées dans Srebrenica sont

13 exacts ?

14 R. Oui, précisément.

15 Q. Et au cours de la conversation téléphonique que vous avez eu avec

16 Karadzic, il vous a expliqué, entre autres, quelles étaient les tâches qui

17 seraient les vôtres à l'avenir, et il vous a dit que vous étiez nommé

18 commissaire chargé de Srebrenica.

19 R. Oui.

20 Q. Dites-moi ce que cela signifiait ?

21 R. Et bien, à ce moment-là, il y avait déjà une population importante

22 regroupée à Potocari. Il m'a dit qu'il me proposait trois versions de sa

23 proposition et qu'il serait bon que j'en discute avec M. Mladic, si

24 possible. Et ces trois versions, je peux vous les décrire si cela vous

25 intéresse même si dans ma déclaration écrite, il est dit de façon détaillée

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1 quel est le contenu de ces trois versions. Et entre autres, l'une de ces

2 versions prévoyait que je propose aux représentants musulmans quels

3 traitements leur seraient destinés.

4 Q. Oui, mais la première variante disant de leur indiquer que tous ceux

5 qui voulaient rester pouvaient rester à Srebrenica. C'est bien ce qui a été

6 dit, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Et ici, dans votre déclaration, vous dites que cette idée-là avait été

9 insensée.

10 R. J'avais dit que cette mission avait une mission, si vous le voulez,

11 impossible.

12 Q. Attendez. Expliquez-moi. Lorsqu'il dit d'indiquer aux Musulmans que

13 ceux qui voulaient rester à Srebrenica pouvaient le faire, pourquoi

14 estimez-vous que cela était insensé ?

15 R. J'ai expliqué en long et en large pourquoi je le pensais. J'ai avancé

16 cinq ou six raisons à cela. Si vous le voulez, je peux le répéter mais je

17 n'estime pas que cela soit nécessaire. Je pense en somme que toutes ces

18 raisons étaient notoirement connues tant de M. Karadzic que de moi-même, et

19 de toutes les personnes qui avaient pris part à cela. Vous n'allez tout de

20 même pas penser vous-même, à titre sérieux, que l'on pouvait assurer à la

21 population, la possibilité de rester sans encombres à Srebrenica.

22 Q. Pour autant que je sache, toutes les conclusions de la direction de la

23 Republika Srpska abondaient dans le sens de permettre de ceux qui voulaient

24 rester, de rester, effectivement, non seulement à Srebrenica mais n'importe

25 où ailleurs quelle que soit la région de la Bosnie-Herzégovine, là où il y

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1 avait l'exercice de l'autorité de la Republika Srpska.

2 R. Je ne suis pas au courant de conclusions de cette nature et personne ne

3 me les a communiquées. Les événements sur le terrain disaient tout à fait

4 autre chose.

5 Q. Attendez. Je crois avoir reçu, aujourd'hui, ce n'est pas la première

6 fois que ça m'est arrivé. A l'occasion du témoignage de notre témoin, la

7 chose a été étudiée, je ne vais donc pas m'attarder plus en longueur mais

8 il y a un passage où vous avez parlé du SDS. Il ne m'appartient pas à moi

9 de commenter. C'est une question qui relève des attributions du SDS mais il

10 y a eu une instruction pour ce qui est du comportement du peuple serbe dans

11 ces circonstances exceptionnelles. Et au point 8 de ce document, il est

12 précisé, étant donné qu'il s'agissait là des instructions que vous avez

13 vous-même réalisées, n'est-ce pas, et vous êtes intervenu suite à cela. Et

14 au point 8, on dit ce dernier point qui est donné : "Dans la prise de

15 toutes ces mesures, tenir compte de la nécessité du respect des droits

16 ethniques et autres des membres de ressortissants, de tous les autres

17 groupes ethniques pour ce qui est de leur participation aux autorités ou

18 aux instances du pouvoir qui seront mises en place par la Republika

19 Srpska."

20 Donc c'était là une position d'ordre général qui avait été prise et que

21 vous avez réalisé vous-même qui consistait à tenir compte de la prise de

22 mesures, de toutes les mesures nécessaires pour ce qui est du respect des

23 droits nationaux, donc ethniques, des autres groupes ethniques pour ce qui

24 est de leur participation ultérieure aux instances du pouvoir.

25 R. C'est bien ce qui est écrit. Je suis au courant de ce document.

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1 Q. Donc quand il s'agit, étant donné l'insistance de M. Nice sur les

2 variantes A et B en vertu desquelles il s'agissait d'éliminer les

3 ressortissants des autres groupes ethniques de ces régions-là et ça, ce

4 n'est pas une chose que j'ai pu voir dans les positions prises par le SDS.

5 J'ai vu au contraire, qu'il est question de tenir compte du respect des

6 droits nationaux, donc des droits ethniques des autres groupes, n'est-ce

7 pas ?

8 R. Il est exact, Monsieur Milosevic, d'affirmer que c'est ce qui figure

9 dans les instructions. Je n'ai pas crû comprendre, je n'ai pas affirmé moi-

10 même, non plus, que cette variante, à savoir, le document comportant une

11 variante A et variante B a été la seule à avoir engendre le déménagement ou

12 le départ d'un grand nombre de personnes de ces régions-là. J'ai dit que

13 les variantes A et B, pour ma part, avaient constituées une facette du plan

14 qui a résulté par l'abandon de ces terres ou le départ d'une partie de la

15 population de ces terres-là. Et les événements dont nous parlons sont en

16 date de 1995, de la fin de la guerre et cela n'a pas bien des choses en

17 commun avec les événements de 1991, date à laquelle il avait été possible

18 de faire rester la population sur certains territoires, même dans les

19 municipalités où les Serbes étaient au pouvoir. Mais en 1995 à Srebrenica,

20 cela avait été, à mon avis, absolument impossible.

21 Q. Bon. C'est une évaluation que vous faites vous-même. Il se peut que ce

22 soit la précession d'autres personnes, encore. Moi, ce que je suis en train

23 de dire, c'était une chose qui était notoirement connue, à savoir, la

24 position politique qu'ils avaient adopté et je vous donne lecture de la

25 chose pour vous le rappeler. Je reviens au fait que vous ayez été nommé

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1 commissaire civil à Srebrenica. Il vous a parlé de trois variantes en

2 place. Est-il exact de dire qu'à cette occasion-là, il vous a dit qu'il

3 était nécessaire d'entrer en contact avec le général Mladic, comme vous

4 l'indiquez vous-même, qui était la personne responsable de toute chose et

5 qu'il fallait convenir d'une réunion avec la FORPRONU et les Musulmans aux

6 fins de leur proposer les trois variantes en question. Je me réfère

7 notamment au point 187 de votre déclaration au préalable.

8 R. Monsieur Milosevic, il me faudra répondre d'abord, étant donné que vous

9 avez fait une allusion à un sujet, à quelque chose, je vais clarifier les

10 choses. Dans les événements de 1992, il y a eu une grande partie de la

11 population musulmane qui, je parle des Musulmans cette fois, qui ont quitté

12 ces territoires-là en 1992, y compris la municipalité de Bratunac et de

13 Zvornik.

14 Si cela n'avait pas été les intentions de la direction de la Republika

15 Srpska, est-ce qu'il y a eu des personnes qui ont été sanctionnées pour

16 cela ? Est-ce que l'on a mis en prison quelqu'un ? Est-ce que l'on a jugé

17 quelqu'un ?

18 Q. Monsieur Deronjic, c'est la question que je pourrais vous poser à vous,

19 moi-même, parce que c'était vous le responsable de la Republika Srpska, pas

20 moi. Vous étiez un haut responsable du SDS, pas moi.

21 R. C'est précisément la raison pour laquelle je vous en parle, Monsieur

22 Milosevic. C'est parce que je le sais. Je suppose que je le sais mieux que

23 vous-même. Je sais que personne n'a été sanctionné.

24 Q. Je suppose, je suis certain même, que vous le savez mieux que moi-même.

25 Fort bien.

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1 R. Revenons à la question que vous avez soulevée si vous le désirez pour

2 ce qui est de Mladic, question que vous avez posée tout à l'heure. Je vous

3 ai précisé que Karadzic m'avait dit de contacter Mladic à ce sujet.

4 Q. Justement. Et c'est là que vous avez présenté ces variantes.

5 R. A la réunion du 12 juillet à l'hôtel Fontana, j'ai effectivement parlé

6 de ces variantes-là.

7 Q. Et la variante numéro 1 disait que les Musulmans devaient rester à

8 Srebrenica s'ils le voulaient; la deuxième variante ouvrait le passage pour

9 aller vers des territoires contrôlés par l'armée musulmane, à savoir, vers

10 Kladanj; et la troisième variante, c'était d'aller où ils voulaient dans

11 des pays tiers. Donc, il y avait ces trois variantes, rester, s'en aller

12 vers des territoires contrôlés par leurs effectifs ou alors se constituer

13 réfugiés et partir vers des pays tiers, n'est-ce pas ?

14 R. La constatation est tout à fait exacte.

15 Q. Bien. Alors vous dites que Karadzic vous a prévenu de la possibilité

16 qu'il y ait parmi les civils des tentatives de dissimulation de criminels

17 de guerre. Il avait insisté pour que de tels individus soient gardés sur

18 place si on les découvrait parce que vous aviez le droit de le faire en

19 vertu des conventions régissant le droit de la guerre, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. La question donc s'est référée aux conventions régissant le droit de la

22 guerre, et il avait dit de garder là-bas les criminels de guerre au cas où

23 on les trouverait où on les découvrirait.

24 R. C'est exact.

25 Q. Donc un jour avant, ou un jour et demi avant, la même personne qui vous

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1 avait dit de qu'il fallait tout abattre, qu'il fallait donc abattre tous

2 les Musulmans à Srebrenica, insiste sur la nécessité de rencontrer Mladic

3 et les Musulmans à la FORPRONU en votre qualité de représentant des

4 autorités civiles, et de leur présenter trois variantes possibles, et de

5 veiller à la découverte à l'identification des criminels de guerre dans les

6 rangs de ces Musulmans.

7 Donc est-ce que cela, Monsieur Deronjic, une chose qui est tout à fait

8 contradictoire par rapport à ce que vous affirmez avoir entendu de sa

9 bouche, à savoir qu'il fallait tout abattre ?

10 R. Oui, Monsieur Milosevic. Dans une certaine mesure, des ordres qui m'ont

11 été communiqués par téléphone, pour ce qui est du comportement adopté à

12 l'égard des civils, sont en contradiction directe avec ce que le président

13 m'a dit en date du 9 mai [sic], mais permettez-moi d'expliquer pour écarter

14 tout doute possible. Vous ne pensez tout de même pas qu'au téléphone en

15 public de façon directe il irait me communiquer des intentions qu'il aurait

16 pu avoir lui, ou aurait pu avoir quelqu'un d'autre afin que des intentions

17 de cette nature soit réalisée à Potocari en présence des effectifs

18 internationaux, notamment de la FORPRONU ? Et déjà, certains autres

19 journalistes arrivaient sur les lieux. Je ne me perds pas en conjecture. Je

20 ne veux pas le faire, mais je ne vais pas non plus rester en dette vis-à-

21 vis de quelques réponses à porter que ce soit.

22 Q. C'est la raison pour laquelle je ne vais pas faire de conjecture non

23 plus, parce que l'idée dans son ensemble me semble complètement insensé,

24 dénué de raison ou de sens parce que toute personne dotée d'une raison, ou

25 toute personne raisonnable pourrait douter de la chose pour ce qui est de

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1 croire à ce que, "Karadzic ait pu dire d'abattre tout ce qui avait là-bas."

2 R. Monsieur Milosevic, on peut impliquer ce que j'ai dit si l'on ne prend

3 que cette phrase là. Il a ajouté plusieurs phrases. Quand il dit, "abattre

4 tout ce qu'on pourra abattre," cela ne veut pas dire "abattre tout le

5 monde", parce qu'il s'agit de rattraper les uns ou les autres.

6 Q. Mais il me semble insensé qu'il ait pu faire une déclaration de cette

7 nature.

8 R. Mais tout de suite après --

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Point d'importance tout cela. Vous êtes

10 revenu à plusieurs reprises pendant plus d'une demie heure, et le témoin a

11 déjà dit ce qu'il avait à dire. Il a dit ce que Karadzic a déclaré. Il

12 n'est point nécessaire de revenir constamment sur ce même point. Le témoin

13 a déjà fait, a apporté sa réponse. Il a fait son témoignage, et il ne sert

14 à rien de dire que cela est contraire à la raison même. Donc vous lui -- en

15 lui posant la même question, cela ne nous aide guère.

16 Et vous avez demandé plus de temps, donc au moins, utilisez le temps qui

17 vous est imparti de façon utile.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Mais je ne suis pas en train de

19 poser la même question.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Est-ce qu'il est exact de dire que M. Karadzic vous aurait dit d'entrer

22 en personne à Srebrenica, d'installer des forces de police et de ramener,

23 de rétablir l'ordre dans la ville ?

24 R. Une fois que les circonstances le permettraient, c'était en effet la

25 tâche primordiale qui m'avait été attribuée à ce moment-là, le soir même.

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1 Q. Vous avez reçu des instructions par écrit ?

2 R. J'ai d'abord demandé un ordre me nommant à ces fonctions, parce qu'il

3 était complètement dénué de sens que de me présenter là-bas sans un

4 document de cette nature.

5 Q. Mais mettre sur pied la police, sécuriser les installations,

6 réinstaller l'ordre, c'était là la tâche d'un commissaire civil, n'est-ce

7 pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Et vous avez demandé un ordre de cette nature par écrit?

10 R. Oui.

11 Q. Si vous avez demandé tout cela, comment se fait-il que vous n'ayez pas

12 demandé un ordre portant sur la nécessité d'abattre tout le monde, parce

13 que c'est là la chose la plus cardinale de ce que l'on devrait demander.

14 Alors comment se fait-il que vous ne l'ayez pas fait ?

15 R. Excusez-moi, Monsieur Milosevic. Nous n'arrêtons pas de revenir à la

16 même question. Je n'ai jamais dit qu'il fallait abattre tout le monde. Vous

17 négligez l'explication que j'ai apportée, que signifie "tout le monde." Ce

18 qu'a dit le président, c'était la signification ou la connotation de la

19 Slavonie occidentale, s'il y avait fuite des soldats et des civils qu'il

20 fallait pilonner ces colonnes.

21 Q. Serait-il exact de dire que le 12 [sic] juillet, vous avez appris

22 qu'une grande quantité de Musulmans aptes à combattre s'étaient retirés de

23 Srebrenica pour se diriger vers Konjevic Polje ?

24 R. Exact.

25 Q. Saviez-vous combien ils étaient et quel était le nombre en question ?

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1 R. Je vous ai déjà donné mon opinion. Je l'ai communiquée au président

2 Karadzic également. J'ai estimé qu'il devait s'agir de 15 à 20 mille

3 hommes.

4 Q. Etaient-ils armés ?

5 R. Je ne sais pas quel nombre parmi eux portait une arme, mais un grand

6 nombre de ces personnes, de ces hommes-là, avait opéré une percée avec

7 leurs armes vers Tuzla. Je ne peux avancer aucun renseignement concret ou

8 précis. Il ne m'était pas possible de le savoir cela, mais je suppose qu'un

9 très grand nombre de ces hommes était armé.

10 Q. Donc ces armés en se battant qu'ils opéraient une percée vers Tuzla,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Dans la mesure où cela relève des informations dont je disposais, je

13 dirais qu'un nombre était armé. Je ne sais pas combien d'entre eux avaient

14 des armes.

15 Q. Donc dans la nuit du 11 au 12 juillet, vous avez eu une information

16 disant que vous étiez attendu par Mladic à une réunion à l'hôtel Fontana,

17 n'est-ce pas ?

18 R. Exact.

19 Q. Est-il exact de dire qu'à la réunion il y avait des représentants

20 Musulmans où vous avez reconnu deux hommes notamment ?

21 R. Oui, c'est exact.

22 R. Est-il exact de dire qu'à cette réunion ils avaient insisté, de façon

23 tenace, sur la nécessité de leur permettre de quitter Srebrenica ?

24 R. Exact.

25 Q. Et en dépit de cela, vous leur avez présenté les trois variantes qui

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1 vous avaient été communiquées par Karadzic.

2 R. Exact.

3 Q. Et vous avez dit demander que les personnes au sujet desquelles les

4 services de renseignements établiraient qu'ils avaient quelque chose à voir

5 avec la perpétration de crime de guerre, devaient être gardés sur place,

6 n'est-ce pas ?

7 R. Cela est exact aussi.

8 Q. Fort bien. J'ai cru comprendre que vous ne vouliez pas vous en souvenir

9 et vous rappelez le paragraphe.

10 R. Vous n'aviez pas fini votre phrase et j'ai attendu que l'on termine la

11 traduction pour vous répondre.

12 Q. En dépit de tout cela, les représentants musulmans ont assisté sur la

13 possibilité à donner aux Musulmans de quitter Srebrenica. Exact ?

14 R. Exact.

15 Q. Serait-il contesté ou pas, Monsieur Deronjic, pour ce qui est de ces

16 insistances réitérées sur les variantes avancées de dire que les Musulmans

17 de Srebrenica et autres qui se trouvaient sur le territoire de la zone

18 protégée, avaient insisté pour quitter Srebrenica ?

19 R. Ce fait là est incontestable.

20 Q. Donc ils n'ont pas été expulsés. Ils ont insisté eux mêmes pour s'en

21 aller.

22 R. Suite à toutes ces activités-là, je pense qu'ils n'avaient pas de

23 solution autre.

24 Q. Serait-il exact de dire, Monsieur Deronjic, que vous avez été contacté

25 au téléphone par Karadzic le lendemain, le 13 juillet, pour savoir comment

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1 s'effectuait les transports des civils et pour savoir comment se

2 déroulaient les combats qui s'étaient déroulés dans le secteur de Konjevic

3 Polje, en date du 11 [sic] juillet, donc le jour ou deux jours avant.

4 R. Oui.

5 Q. Et est-il exact de dire que cette fois-là, vous lui avez dit qu'après

6 ce contact avec lui, depuis cette conversation, il a été transporté plus de

7 la moitié des civils et vers Konjevic Polje, 12 ou 15 mille hommes se

8 battaient de façon acharnée pour opérer une percée et que depuis Konjevic

9 Polje on pouvait entendre du tir d'artillerie ?

10 R. Je ne sais pas si tous les mots sont justes, mais je crois qu'en

11 substance c'est ce que j'ai dit.

12 Q. Mais vous n'avez pas dit à Karadzic à ce moment-là qu'à Konjevic Polje

13 il y a eu des emprisonnements et des liquidations de Musulmans, n'est-ce

14 pas ?

15 R. Non, je ne l'ai pas dit. C'est une conversation téléphonique et s'est

16 faite à partir de bon bureau.

17 Q. Pourquoi avez-vous passé cela sous silence ? N'y pensez-vous pas que si

18 vous le lui aviez dit à ce moment-là, son autorité lui aurait permis

19 d'empêcher ce type d'activité, à savoir, ces exécutions, n'est-ce pas ?

20 R. Monsieur Milosevic, à l'occasion d'une conversation précédente que j'ai

21 eu, à savoir, le 11, celle du 11, j'ai été prévenu de la nécessité de

22 m'adresser pour ce type d'information à lui par la filière militaire, parce

23 qu'il y avait des périls d'écoute, des dangers d'écoute. Et le 13, j'ai été

24 convoqué à Pale. En d'autres termes, j'avais la possibilité dès le 14 au

25 matin d'informer le président de tout ce qui s'était passé.

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1 Q. Bien. En d'autres termes, jusque-là il n'avait pas pu être informé,

2 n'est-ce pas ?

3 R. Ce n'est pas ce que j'ai dit, au contraire, il y a trois possibilités

4 d'informer le président à partir du terrain. Il y a tout d'abord la filière

5 militaire, à savoir, la filière du ministère de l'Intérieur et il y a la

6 filière de la Sûreté de l'état dont le bureau se trouvait à Bratunac.

7 Q. Bien, au paragraphe 21, vous parlez d'exécutions et vous rectifiez le

8 tir, vous voulez être plus précis et vous indiquez et je vous cite : "Quand

9 je dis 'exécutions', j'entends meurtres, j'entends que quelqu'un a été tué.

10 Cela ne veut pas dire qu'on a fusillé quelqu'un. Cela veut dire que l'on a

11 exécuté -- voir tué quelqu'un. Je ne peux pas savoir de quelle précision il

12 s'agit au juste." Que signifie que de dire pas fusiller mais liquidé, tué,

13 n'est-ce pas là la même chose ?

14 R. Mais ça ne peut pas être la même chose, Monsieur Milosevic. On peut

15 emprisonner quelqu'un puis le fusiller ensuite. On peut le tuer à

16 l'occasion d'une percée opérée. On peut le tuer au combat.

17 Q. Certes. Mais quelles sont les connaissances qui sont les vôtres ? Pour

18 ce qui est du nombre de personnes qui ont péril à l'occasion de ces

19 combats, de cette percée -- et vous avez parlé de 12 à 15 000 hommes qui se

20 battaient de façon acharnée -- pour opérer une percée vers Tuzla ?

21 R. Je vais expliquer cela, Monsieur Milosevic. A ce moment-là, je n'avais

22 pas du tout d'informations précises ni sur l'un, ni sur l'autre. Ces

23 informations me parvenaient de la part de personnes qui étaient sur le

24 terrain. Et il s'agit notamment de responsables de la police qui avaient

25 des voies de communication à eux. Ils m'ont transmis donc des informations

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1 disant qu'il y ait eu des meurtres, qu'il y ait eu des liquidations. En

2 d'autres termes les combats se déroulaient déjà. Il est normal qu'il y ait

3 eu des morts aux combats et il y a eu comme on me l'a dit des constitutions

4 de prisonniers et des exécutions de personnes.

5 Les informations qui m'ont été communiquées ultérieurement non pas ce jour

6 même bien plus tard j'ai appris qu'il y avait eu là un grand nombre de

7 personnes dans le secteur qui sont tombés aux combats. J'ai pu informer

8 l'opinion publique internationale de la chose, lorsque Mme Elizabeth Wren

9 et Mme --

10 L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas entendu le nom.

11 R. -- j'ai dit qu'il y avait un grand nombre de personnes qui étaient

12 tombées aux combats. Et je leur avais dit que je ne savais pas combien ils

13 étaient, mais j'ai dit qu'un grand nombre avait été tué aux combats.

14 Q. Ecoutez, apportez-moi certains éclaircissements. Quelles étaient les

15 informations dont vous disposiez à compter de ce jour-là, à savoir qu'il y

16 a eu des liquidations, des exécutions de prisonniers ? Ou qu'il y a eu --

17 ou est-ce que les informations disaient plutôt qu'il y avait plus de morts

18 dans les combats, au cours des combats ?

19 R. Ce jours-là, je disposais d'informations autres. J'ai dit qu'il y a eu

20 des morts aux combats, mais j'ai également dit qu'il y avait eu des hommes

21 qui s'étaient constitués prisonniers, qui ont été exécutés. Or il avait été

22 question de représailles de la part d'individus à titre individuel donc.

23 Q. Oui, mais aviez-vous, ce jour-là, des informations quelconque, disant

24 quelle avait été l'envergure de ces exécutions ? Je ne parle pas des gens

25 qui ont été tués aux combats. Vous avez précisé qu'ils étaient nombreux,

Page 29694

1 mais les exécutions était-ce là des cas isolés, à savoir des représailles,

2 des vengeances ou choses analogues ou alors aviez-vous des informations

3 disant qu'un grand nombre de personnes avaient été exécutées de la sorte ?

4 R. Dans l'après-midi du 13 -- ou plutôt dans la soirée du 13 et non pas au

5 moment où je me suis entretenu avec Karadzic au téléphone, et on s'est

6 entretenu l'après-midi du 13 et le soir. J'ai obtenu de l'information,

7 disant qu'il y avait été exécuté plusieurs personnes dans la coopérative

8 agricole de Kravica. Je ne sais plus qui me l'avait dit, mais, dans la

9 soirée du 13, M. Borovcanin m'a dit ce qui s'était passé. Il a été précis

10 et cela sous-entend un grand nombre de victimes. Cela répond à votre

11 question. Pour ce qui est de ce que j'ai entendu dire, cela peut

12 effectivement faire partie de cas isolés dont les auteurs seraient des

13 individus.

14 Q. Oui, mais, le jour où vous vous êtes entretenu avec Karadzic vous

15 n'aviez pas disposé de l'information que vous venez de nous communiquer, à

16 savoir qu'il y a eu des exécutions dans cette coopérative agricole de

17 Kravica, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Mais est-ce que vous avez informé Karadzic par la suite lui ou

20 quiconque d'autres dans la direction militaire ou politique sur ce que vous

21 avez appris au sujet de ces événements ?

22 R. Oui.

23 Q. Quand est-ce que vous l'avez informé ?

24 R. Le 14. Le 13 on m'avait déjà convoqué à Pale et le 14, dans la matinée,

25 je me trouvais à Pale et j'ai communiqué la chose au président.

Page 29695

1 Q. Bien. Avant que de passer à cette date du 14, date où vous étiez à

2 Pale, quand vous avez été informé de ce qui s'était passé, la personne qui

3 vous a informé vous a-t-elle dit qui est-ce qui a réalisé ou exécuté, qui

4 est-ce qui a fait ces exécutions -- perpétré ces exécutions ?

5 R. Non, ça ne m'a pas été dit. On m'a dit quelles avaient été les

6 circonstances de l'exécution de ces hommes-là dans la coopérative agricole.

7 Q. Attendez, je ne comprends pas "circonstances". Il ne vous a pas dit qui

8 est-ce qui a exécuté ces gens-là ?

9 R. Bien sûr que non. Je ne sais même pas s'il le savait. Ça s'est passé

10 juste après. Comment voulez-vous qu'à la va vite ? Il est pu effectuer une

11 enquête et me donner des réponses précises à ce sujet. Il m'a dit qu'il

12 s'agissait d'unités qui s'étaient trouvées là, y compris l'une de ces

13 unités à lui, de la police spéciale, j'entends. Je n'exclus pas pourtant

14 qu'il y ait eu possibilité que quelqu'un d'autres aient pris part à tout

15 cela encore.

16 Q. Attendez, au point 205, vous indiquez que Borovcanin en date du 13

17 juillet vous a dit que Mladic avait donné l'ordre à l'armée de se diriger

18 sur Zepa ?

19 R. Vous dites 205 ?

20 Q. Oui.

21 R. C'est exact.

22 Q. Donc l'armée est allée à Zepa et cette information vous a troublé parce

23 que la plupart des effectifs musulmans n'avaient pas été battus et

24 s'étaient trouvés à proximité de Bratunac, très près de Bratunac, même ?

25 R. C'est exact.

Page 29696

1 Q. Donc outre là le fait que la plupart des effectifs musulmans n'avaient

2 pas encore été battus, Mladic se dirige avec le gros de ses effectifs en

3 direction de Zepa, n'est-ce pas ?

4 R. Il donne des ordres à l'armée de se diriger vers Zepa, mais je ne sais

5 pas moi quels effectifs et combien d'hommes se sont dirigés réellement sur

6 Zepa.

7 Q. Dites-moi maintenant, je vous prie, Monsieur Deronjic, est-ce que cela

8 signifie que, dès le 13 et l4, Mladic se dirige là-bas et donc le 14 il ne

9 se trouve pas à Srebrenica ?

10 R. Je ne sais pas comment je pourrais tirer cette conclusion.

11 Q. Mais Borovcanin vous informe, en disant que Mladic se dirige vers

12 Zepa ?

13 R. Non. M. Borovcanin m'a dit que Mladic avait donné l'ordre à l'armée d'y

14 aller. Cela ne signifie pas que l'armée est déjà partie et cela ne signifie

15 pas non plus même si l'armée était partie qu'il y soit allé lui-même.

16 Q. Bien. Mais, au paragraphe 206, vous dites qu'en raison du grand nombre

17 de Musulmans emprisonnés à Bratunac même et en raison de l'appréhension qui

18 était la vôtre de les voir tuer sur place, vous avez contacté par la

19 filière militaire Karadzic pour voir ce qu'il vous convenait de faire,

20 n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. N'aviez-vous pas dès lors une des directives tout à fait claire à cet

23 effet de la bouche de Karadzic et de la bouche de Tolimir disant que tous

24 les Musulmans, les civils musulmans devaient être sécurisés et qu'il

25 fallait les traiter conformément aux dispositions des conventions de

Page 29697

1 Genève ? Pourquoi lui poseriez-vous une fois de plus la question ?

2 R. Je n'ai pas pu avoir cette information. Je n'ai pas dit que j'étais au

3 courant de l'information que vous avez mentionnée.

4 Même si je l'avais été, j'ai estimé que les prisonniers n'étaient pas

5 sécurisés, n'étaient pas détenus dans des pièces appropriées et qu'il y

6 avait eu déjà des meurtres incontrôlés dans les locaux de l'école

7 élémentaire Vuk Karadzic.

8 Q. Mais, attendez, Karadzic vous aurait dit : "Miroslav, tu m'entends ? Il

9 viendra un homme qui est porteur d'instructions concernant ce qu'il

10 convient de faire." C'est ce qu'il a dit ?

11 R. C'est exact.

12 Q. C'est bien ainsi que ça s'est passé ?

13 R. Dans un sens, oui.

14 Q. Est-ce que c'est là cette conversation qui se passait par le biais d'un

15 intermédiaire dans les transmissions ?

16 R. Oui.

17 Q. J'ai ici la teneur de cette conversation. On voit que c'est au

18 manuscrit que ça été par la suite tapé à la machine. Je ne sais pas ce que

19 l'on a indiqué par le B et D; D c'est Deronjic, non ?

20 R. Probablement.

21 Q. Et B c'est probablement l'intermédiaire, n'est-ce pas ?

22 R. Oui, oui. Je ne conteste en rien ces choses-là.

23 Q. Dites-moi alors, d'où vient cette transcription ? Qu'est-ce que

24 signifie ici est exact ou juste ? Qu'est-ce qui s'est passé exactement ?

25 R. J'ai déjà indiqué qu'il s'agissait de la teneur de notre conversation

Page 29698

1 avec la président Karadzic, sans savoir que la chose avait été mise à

2 l'écoute, que cela avait été enregistré. Mais, en substance, c'est ce que

3 nous nous sommes dits, le président Karadzic et moi-même au téléphone. Et

4 je précise que j'ai fait cette déclaration avant que d'avoir vu la

5 transcription en question. Et j'ai, en grande partie, confirmé pratiquement

6 chaque phrase de ce texte.

7 Q. Avant que je n'ai vu cette transcription et je l'ai vu tout à l'heure,

8 puisque ça vient d'être distribué, il en découlerait que vous ne vous êtes

9 pas entretenu avec Karadzic, mais avec un intermédiaire, n'est-ce pas ?

10 R. J'ai déjà expliqué au bureau du Procureur comment ça se passait. Ça

11 figure dans ma déclaration au préalable. A un moment donné, j'ai entendu en

12 direct le président Karadzic. Je n'affirme pas, toutefois, que toutes les

13 phrases sont prononcées par lui, même en direct. Une grande partie de ces

14 phrases m'ont été transmises par un intermédiaire.

15 Q. Et on dit ici X, avant cela Deronjic dit : "Est-ce qu'on s'entend

16 président ?" Alors X dit : "Le président ne vous entend pas, Deronjic, ici,

17 l'intermédiaire."

18 R. Certes.

19 Q. Et vous dites : "J'en ai 2 000 ici." Puis alors, on entend un télex. Je

20 suppose que le bruit du télex assourdit ou recouvre ce qui a été dit par la

21 suite, ce qui fait qu'on ne vous entendait pas. Et l'intermédiaire vous dit

22 : "Le président dit que toute la marchandise doit être installée dans les

23 entrepôts avant demain midi." Et vous répondez : "Bien." Ensuite,

24 "Deronjic, pas à l'entrepôt, mais quelque part là-bas, ailleurs." Alors,

25 vous me dites : "Je comprends."

Page 29699

1 Alors, je vous demande de nous expliquer. Je ne sais pas de quoi il en

2 retourne. C'est la première fois que je lis cette transcription, et que

3 sous-entendez-vous, en disant : "J'ai bien compris" ?

4 R. Monsieur Milosevic, tout d'abord, ceci n'est pas l'enregistrement

5 complet de la conversation que j'ai eue avec M. Karadzic. Cela englobe

6 d'autres détails encore.

7 Les trois petits points, que je ne sais pas si l'on a placé dans votre

8 copie à vous. Parfois, on voit trois petits points, cela signifie que la

9 conversation intégrale n'a pas été enregistrée, qu'il y a eu des coupures.

10 J'ai averti le bureau du Procureur de la présence de ces coupures et ils

11 m'ont confirmé qu'il y avait eu des coupures.

12 Deuxièmement, une partie de la conversation est recoupée par le bruit du

13 télex, comme on l'a dit ici et cela figure dans le texte. Troisièmement,

14 j'ai demandé des instructions pour ce qui est du comportement à adopter

15 vis-à-vis des prisonniers musulmans, pas pour moi, mais pour que le

16 président ait connaissance de la situation nouvellement survenue. C'était

17 mon intention. Je ne lui pas tout explicité au téléphone parce qu'il n'est

18 pas possible de tout dire au téléphone brièvement. Je l'informe du nombre

19 de prisonniers à Bratunac et je lui demande comment il fallait se comporter

20 à leur égard. Et le président Karadzic dit que la marchandise doit se

21 trouver dans des entrepôts avant l'aube, mais ailleurs plutôt. Donc je

22 comprends que les prisonniers ne doivent pas rester à Bratunac et c'est

23 dans cette intention-là que j'étais allé là-bas pour me faire confirmer

24 cette position. Comment voulez-vous que je n'aie pas compris ?

25 Q. Je n'ai pas dit moi-même que vous n'avez pas compris. Je vous ai

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1 demandé de m'expliquer à moi parce que c'est moi qui ne peux pas comprendre

2 de quoi il en retourne. Vous nous dites à présent qu'il ne fallait pas

3 qu'ils restent à Bratunac, mais qu'il faille les évacuer de Bratunac pour

4 les envoyer ailleurs, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Je vous pose une question justement à propos de ce passage. Vous dites

7 à un moment donné qu'ils ne pouvaient pas rester à Bratunac et qu'ils

8 devaient être évacués.

9 R. Oui.

10 Q. Aucune mention n'est faite de liquidation.

11 R. Non, pas dans cette conversation-ci.

12 Q. Vous faites référence à une évacuation de Bratunac. Est-ce possible

13 qu'à ce moment-là, étant donné que vous avez déclaré un peu plus tôt -- je

14 ne sais plus dans quel paragraphe -- lorsque vous avez décrit vos fonctions

15 en tant que commissaire civil, votre rôle consistait à approvisionner la

16 ville en butin de guerre ? Est-ce que des "marchandises" pourraient faire

17 allusion ici à du butin de guerre ?

18 R. Absolument pas, Monsieur Milosevic. Ici, je devais relier des

19 informations au président et de certains éléments que je ne pouvais pas

20 rapporter au téléphone. Et j'ai expliqué au président combien de personnes

21 avaient été capturées.

22 Q. Et ce chiffre était-il de 2 000 ?

23 R. Oui, environ. Il m'a demandé et je lui ai donné mon estimation.

24 Q. Qui est cet intermédiaire avec lequel vous vous êtes entretenu ? Avez-

25 vous des informations sur lui ?

Page 29701

1 R. Je n'ai pas de renseignements exacts sur lui. Et il est vrai que ma

2 mémoire n'est pas si bonne puisque ces événements se sont produits il y a

3 quelque temps, mais il s'agit d'une ligne de communication de l'armée et

4 c'est au plan technique. Je ne sais pas comment cela fonctionne, mais c'est

5 une ligne établie entre la Brigade de Bratunac et le président. Et je sais

6 que, lorsque vous prenez la conversation, on vous dit : "Maintenant, vous

7 êtes en ligne avec le président. Parlez."

8 Q. Et s'il s'agit effectivement d'une référence à des personnes, l'ordre

9 consiste à faire évacuer ces gens de Bratunac, n'est-ce pas, et qu'il ne

10 fallait pas les liquider ?

11 R. Oui, tout à fait. Ils disent qu'ils doivent les évacuer.

12 Q. Dans le même paragraphe, vous précisez que des personnes ont été tuées

13 dans l'école Vuk Karadzic ?

14 R. Lorsque je suis allé parler avec Karadzic, j'avais l'intention de le

15 prévenir et de lui dire que certains incidents et massacres avaient été

16 perpétrés.

17 Q. Et vous aviez l'intention de le faire, mais vous ne l'avez pas fait,

18 n'est-ce pas ?

19 R. Je ne sais pas. Je crois que non, effectivement.

20 Q. Pourquoi non ?

21 R. Parce qu'il n'était pas approprié de dire ce genre de choses au

22 téléphone.

23 Q. Vous avez insinué, vous avez imaginé qu'il avait besoin d'obtenir ce

24 genre d'informations parce qu'il fallait agir et faire quelque chose pour

25 empêcher cela ?

Page 29702

1 R. C'est exact, Monsieur Milosevic. Je ne me souviens pas des propos

2 exacts de cette conversation, mais il est vrai que j'ai essayé de lui faire

3 part de l'essentiel de ma conversation. Et j'ai essayé d'insinuer tout cela

4 et je crois qu'il m'a fort bien compris.

5 Q. Et pendant que vous lui parliez, vous l'avez tenu informé puisque vous

6 étiez le commissaire civil à Srebrenica, vous lui avez précisé qu'il y a eu

7 des massacres et vous ne saviez pas, à ce moment-là, à quelle échelle ces

8 massacres étaient perpétrés, mais je suppose que vous aviez l'intention d'y

9 mettre fin, d'empêcher cela ?

10 R. Oui, c'est tout à fait exact et j'avais l'intention de faire cela.

11 J'avais l'intention de le lui communiquer lorsque j'ai eu cette

12 conversation. Je n'ai pas évoqué toutes les autres mesures que j'ai prises.

13 Si la Chambre le souhaite, je peux en parler.

14 Vous dites que j'étais commissaire civil pour la région de Srebrenica et

15 que ma zone de responsabilités avait été très clairement définie. Si vous

16 jugez que ces massacres tombaient également dans ma zone de

17 responsabilités, j'ai réagi à cela en tant qu'être humain. Cela n'avait

18 rien à voir avec mes responsabilités officielles dans la région.

19 Et je souhaite vous rappeler que tout l'état major de la Republika Srpska

20 se trouvait sur place, tous les membres de l'état major général, tous les

21 membres des différentes brigades et tous les hauts représentants de l'armée

22 étaient représentés dans la région, y compris les forces de police. Et

23 pensez-vous que c'était à moi d'assurer la sûreté de ces prisonniers alors

24 que toutes ces personnes étaient présentes ?

25 Q. Non, je n'ai pas dit cela. Ce que j'ai dit, c'est que, si vous êtes le

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1 numéro un dans la sphère politique et administrative, c'est à vous de

2 protéger ces personnes ou du moins de les protéger de ces massacres. Et

3 qu'avez-vous fait ? Vous n'avez même pas tenu Karadzic informé.

4 R. Les interprètes me signalent que je dois faire une pause. Il est tout à

5 fait vrai que j'ai pris certaines mesures, et ces mesures je les ai

6 énumérées dans ma déclaration. J'ai demandé à certains officiers de police

7 de venir dans mon bureau. Je leur ai demandé d'assurer une meilleure

8 protection à ces prisonniers et, pendant la nuit, des personnes à la

9 retraite et même des mineurs ont été mobilisés -- engagés comme gardes de

10 Sécurité. Mais Bratunac était tout à fait vide à ce moment-là. Et toutes

11 les forces vides étaient engagées le long des lignes de combat qui étaient

12 exactement à 22 kilomètres de Bratunac même. Je rapportai ceci au

13 président, et j'ai utilisé le style indirect. Je lui ai expliqué que des

14 choses malencontreuses s'étaient passées. Il m'a fort bien compris. Je

15 m'excuse auprès des interprètes.

16 Et je lui ai dit que cette retranscription ne représentait pas l'ensemble

17 de la conversation. Vous pouvez peut-être poser la question aux experts. Et

18 d'autres choses ont été rapportées au cours de ces conversations. Ne

19 m'interrompez pas, s'il vous plaît, je n'ai pas terminé.

20 Je souhaite vous dire que je ne peux pas consulter les documents qui ne

21 m'ont jamais été remis.

22 Q. Je ne souhaite pas que vous ne soyez pas sur un pied d'égalité dans

23 cette conversation. Il s'agit d'une pièce de la partie adverse. Et s'il y a

24 des incohérences, je souhaite que vous me les signaliez.

25 R. C'est exactement pour cela que je dis cela. Et je vais vous donner un

Page 29704

1 point de comparaison. En 1992, des volontaires sont venus, 32 étaient armés

2 jusqu'aux dents, ils ont commencé à tuer des gens à Bratunac. A ce moment-

3 là, j'étais un civil, un homme politique. A votre avis, pensez-vous que je

4 pouvais protéger ces personnes-là à Bratunac, le 13 juillet 1995, si je

5 n'étais pas à même de prendre les mesures nécessaires en 1992 ?

6 Q. Mais vous avez dit, vous-même, que vous n'en avez même pas parlé à

7 Karadzic.

8 R. J'en ai informé M. Karadzic le 14 au matin car, après la conversation

9 que nous avons eue dans l'après-midi du 13, je savais que j'allais le

10 rencontrer à Pale le lendemain.

11 Q. Très bien. Avant de passer à la date du 14, vous dites que, le 13 au

12 soir, un colonel ou un lieutenant-colonel a fait irruption dans votre

13 bureau, et c'était un officier de renseignements ou quelque chose, ou un

14 homme de la sûreté de l'armée de la Republika Srpska. Est-ce exact ?

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. Et ce colonel Beara, est-ce que vous avez imaginé que c'était un

17 émissaire de Karadzic, et qui transmettait ses ordres ?

18 R. C'est exactement ce que j'ai dit.

19 Q. Et comment avez-vous supposé cela ? Et sur quoi vous basiez-vous

20 lorsqu'il a dit qu'il venait au nom du président de la république ? Ou est-

21 ce que vous dites qu'il a fait irruption dans votre bureau ? Est-ce qu'il a

22 dit expressément qu'il apportait un message du président Karadzic --

23 Radovan Karadzic, président de la république ?

24 R. Je vais répondre à vos questions une après l'autre. D'abord, comment

25 est-ce que je pouvais savoir qu'il représentait Karadzic ? Car je viens de

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1 vous dire que, trois ou quatre heures auparavant, je m'étais entretenu avec

2 Karadzic. Et il m'a dit, sans citer de noms qu'un homme viendrait -- et

3 ceci je l'ai expliqué de façon très claire au bureau du Procureur -- qu'un

4 homme viendrait et apporterait des instructions.

5 Et lorsque Beara est arrivé, j'ai été pris de cours. Je ne savais pas, je

6 ne l'attendais pas, je ne pensais pas qu'il viendrait dans mon bureau et

7 j'étais soucieux à propos de la situation, et je n'essayais pas de

8 m'esquiver. Il est vrai que Beara ne l'a pas dit. Il a dit qu'il venait au

9 nom du président Karadzic et qu'il apportait des instructions du président

10 Karadzic. C'est moi qui ai déduit cela parce que, par la suite, c'est ce

11 colonel même -- que c'est le colonel Beara qui s'est occupé de ces

12 personnes, et de la sûreté de ces personnes. Et il a assuré leur sécurité,

13 et personne ne s'est présenté à Bratunac, par la suite, avec quelques

14 instructions que ce soit.

15 Q. Très bien. Dites-moi, alors, exactement ce que Beara vous a dit

16 exactement, à ce moment-là ?

17 R. Ecoutez, si vous faites allusion ici à des ordres très clairs qu'il m'a

18 donné, il m'a dit : "M. Deronjic, j'ai des ordres au niveau, précisant que

19 ces personnes doivent être tuées."

20 Q. Il vous a dit -- il vous a même ordonné de tuer ces personnes?

21 R. Oui.

22 Q. Et c'est vous qui en déduisez que ces ordres venaient de Karadzic, bien

23 qu'il ne vous l'ait pas dit expressément.

24 R. A ce moment-là, je ne pensais pas à cela. Il a simplement dit : "Les

25 instructions viennent d'en haut."

Page 29706

1 Q. "Viennent d'en haut." Et vous avez demandé à Ljubo Simic. Qui est Ljubo

2 Simic ?

3 R. Le président de la municipalité de Bratunac.

4 Q. Donc vous avez demandé à Ljubo Simic de vous laisser seul à seul avec

5 Beara dans votre bureau.

6 R. Oui, c'est exact.

7 Q. Et lorsque vous êtes resté en tête-à-tête, n'était-il pas normal de lui

8 demander : "Est-ce que Karadzic qui vous a donné ces ordres ?" Une fois que

9 cette personne qui était votre bras droit, représentant de la municipalité,

10 n'était-il pas normal que vous lui posiez la question : "Qui vous a

11 envoyé ?

12 R. Je me suis entretenu avec Beara pendant quelques instants, peut-être

13 même dix minutes, et il a passé un certain temps dans mon bureau car il

14 était pris de boisson, comme je l'ai expliqué au bureau du Procureur, et il

15 s'agit ici d'un extrait de ma déclaration. Et j'ai cité les quelques faits

16 saillants qu'il a cités. Je suis retourné dans mon bureau après avoir dit

17 au revoir à M. Simic et, ensuite, sur un ton assez abrupt, j'ai dit à Beara

18 : "Ce que vous me dites là et les ordres que vous me donnés ne

19 correspondent pas aux instructions qui m'ont été données par Karadzic." Et,

20 ensuite, nous avons eu un différent.

21 Q. Donc, d'après vous, Beara vous aurait dit que les personnes devaient

22 être tuées. Et vous, vous avez répondu que ceci n'était pas conforme aux

23 instructions de Karadzic. Et il y a une heure ou deux, vous avez expliqué

24 que c'est Karadzic qui vous a dit que les personnes devaient être tuées, et

25 que tout le monde devait être tué. Est-ce clair maintenant que c'est

Page 29707

1 Karadzic -- que Karadzic ne vous a pas dit que tout le monde devait être

2 tué. Et même si Beara était dans un tel état d'ébriété, est-ce que l'on

3 peut se fier à ses dires ?

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ecoutez, nous n'allons pas aborder cette

5 question encore une fois. Nous l'avons déjà amplement discutée. Vous n'avez

6 pas besoin de répondre à la question.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Très bien. Donc ce que Beara aurait prétendument dit, est-ce en

9 présence ou non de Simic ?

10 R. Et bien, écoutez, l'ordre qui m'avait été donné par son intermédiaire,

11 est l'ordre qui avait été donné après M. Simic.

12 Q. Donc M. Simic ne peut pas corroborer vos dires ?

13 R. Non. Je ne pense pas. Je n'en suis pas tout à fait certain.

14 Q. Et, d'après votre déclaration, après que vous ayez renvoyé Simic, vous

15 dites à Beara que vous vous étiez entretenu avec Karadzic, et que les

16 prisonniers devaient être évacués de Bratunac et emmenés en direction de

17 Bijeljina, Batkovic. Et Batkovic était quelque chose comme un centre de

18 Rassemblement, n'est-ce pas ?

19 R. Donc je ne sais pas exactement de quoi il s'agissait. J'avais des

20 informations à partir de quoi c'était une prison militaire dans la région

21 autour de Bijeljina.

22 Q. Très bien. Alors, vous lui avez dit que, conformément à Karadzic, ces

23 prisonniers devaient être emmenés à la prison militaire ?

24 R. C'est exact.

25 Q. Et ceci était conforme aux instructions que vous avez de Karadzic

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1 lorsqu'il vous avait dit que les prisonniers devaient être emmenés à la

2 prison militaire, à savoir s'il s'agissait de criminels de guerre parmi

3 eux, n'est-ce pas ?

4 R. Je vais vous dire très exactement. C'était mon interprétation des

5 instructions du président et je fais ceci conformément à mon propre

6 sentiment.

7 Q. Donc votre interprétation de ces instructions portait à croire que ces

8 prisonniers de guerre devaient être emmenés dans la prison militaire, est-

9 ce exact, et non pas tués ?

10 R. C'est exact.

11 Q. Bon, bien. Et, d'après ce que vous dites, vous dites que Karadzic vous

12 avait dit qu'un homme viendrait et vous dirait ce que vous devriez faire.

13 Vous ne deviez pas lui remettre les prisonniers ou quoique ce soit d'autre,

14 n'est-ce pas ? Vous dites qu'un homme viendrait et vous dirait ce qu'il

15 faut faire.

16 R. Non, il ne m'a pas dit cela. Il ne m'a pas dit qu'un homme viendrait et

17 qu'il me donnerait des instructions. Et moi-même je n'ai pas joué un rôle

18 direct, ce n'est pas comme si moi je devais remettre les prisonniers à

19 quelqu'un. Mon sujet de préoccupation est-elle suivante : le président a

20 dit : "Très bien, je vais envoyer un homme qui viendra vous apporter les

21 instructions." Et donc que -- comment puis-je être impliqué dans cela ?

22 Comment pouvais-je moi-même remettre des prisonniers de guerre à l'armée ?

23 Q. Parce que, bon, il s'agissait de prisonniers militaires ?

24 R. Et bien, la question que je me posais également.

25 Q. En accord avec les instructions de Karadzic, vous insistez que ces

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1 personnes doivent être évacuées et emmenées dans la prison militaire,

2 n'est-ce pas.

3 R. Oui, c'est comme ça que j'ai compris les choses.

4 Q. Très bien. Donc vous avez compris que Karadzic -- vous avez dit que ces

5 personnes devaient être envoyées à prison militaire, donc, après cette

6 réunion avec Beara -- et Beara ne s'était pas fait énoncé parce qu'il a

7 fait irruption dans votre bureau comme vous avez dit.

8 R. C'est exact.

9 Q. Et cette réunion s'est terminée aux premières heures du matin le 14

10 juillet, est-ce exact ?

11 R. C'est exact.

12 Q. Et vous avez dit à Karadzic s'il s'agissait bien de l'homme en question

13 qui était censé vous remettre les instructions, n'est-ce pas ?

14 R. Monsieur Milosevic, je ne l'ai pas fait car il était tard. Nous étions

15 aux premières heures du matin le 14 juillet, et ce matin-là, je me suis

16 rendu à Pale.

17 Q. Attendez, un instant, s'il vous plaît. Avant de vous rendre à Pale,

18 vous dites, au paragraphe 211, que vous avez rencontré Beara une nouvelle

19 fois ce matin-là, à savoir, le 14 juillet, au milieu -- un endroit que vous

20 avez indiqué comme étant l'usine de brique à mi chemin, est-ce exact ?

21 R. Oui.

22 Q. Et où ?

23 R. Le matin du 14.

24 Q. Mais, quand vous dites que la réunion s'est terminée le matin -- encore

25 une fois, vous dites "le matin". Que signifie ce terme "le matin" ? Quand

Page 29710

1 avez-vous rencontré Beara ?

2 R. Sur cette route qui menait à la fabrique de brique. Pour éviter toute

3 confusion, cette réunion s'est tenue dans mon bureau en présence de Beara

4 au cours de la nuit jusqu'aux premières heures du matin. Et on peut en

5 conclure puisque, comme je l'ai dit, que le jour ne s'était pas levé

6 encore, j'ai décidé de rentrer chez moi et de me reposer un petit peu et de

7 dormir un petit peu pour me rendre ensuite à Pale le lendemain, afin de

8 rencontrer M. Karadzic. Et comme je m'étais mis d'accord avec lui à ce

9 propos, j'ai été réveillé vers 6 ou 7 heures du matin, je crois, et ces

10 événements se sont déroulés, il y a fort longtemps, mais je me souviens

11 très bien -- et je me souviens très bien de cette rencontre, et je me

12 souviens pourquoi les personnes m'avaient réveillé, mais je ne peux pas

13 vous dire l'heure à laquelle je me suis réveillé et je me suis levé

14 simplement. On m'a dit que Beara essayait d'emmener des personnes à l'usine

15 de brique afin d'en faire quelque chose. Personne ne m'a dit que ces

16 personnes avaient été tuées, mais c'est simplement par rapport à son

17 comportement que j'en ai déduit cela.

18 Q. Pardonnez-moi, Monsieur Deronjic, mais, à ce moment-là, je n'ai pas

19 établi de lien ici. Vous dites que Beara devait emmener des personnes à

20 l'usine de brique ?

21 R. Oui.

22 Q. Donc ces personnes ne s'y trouvaient pas déjà encore l'idée que c'était

23 que Beara les y emmène n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Et lorsque vous avez rattrapé Beara, comme vous dites vous-même, dans

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1 votre déclaration, vous l'avez rattrapé sur un pont, je crois, ou près d'un

2 pont à mi chemin entre Bratunac et l'usine de brique. Il était seul, il

3 n'était pas accompagné.

4 R. Il était tout seul. Il était dans une voiture, je crois, qu'il était

5 escorté.

6 Q. Je ne parle pas du tout à son chauffeur, ni à ses gardes du corps, en

7 fait il ne transportait aucun prisonnier.

8 R. Oui, c'est exact.

9 Q. Donc vous ne l'avez pas vu accompagner de prisonnier, il n'emmenait

10 personne à l'usine de brique.

11 R. Non.

12 Q. Alors, pourquoi -- quelle était la teneur de votre conversation à ce

13 moment-là.

14 R. Je lui ai demandé pourquoi il se rendait à l'usine de brique et je lui

15 ai demandé ce qu'il avait l'intention d'y faire puisqu'il ne dirigeait pas

16 cette usine à Bratunac. Et il s'est rendu à l'usine de brique avec

17 l'intention clairement avouée de faire quelque chose et voir ce qu'il

18 allait faire des prisonniers. Et il m'a dit -- je vais essayer de me

19 souvenir de ses propos exacts : "J'y vais pour voir si certains prisonniers

20 pouvaient y être logés." Il ne m'a pas dit qu'il souhaitait quiconque parce

21 qu'il a vu que j'avais l'air très inquiet. Et je lui ai dit : "Monsieur

22 Beara, nous avons parlé de ceci hier soir. Il en est hors de question,

23 l'usine de brique tout autre endroit à Bratunac agissait sous vos propres

24 ordres."

25 Q. Monsieur Deronjic, sur la base de ce que vous venez de dire, d'après ce

Page 29712

1 que vous venez dire, vous ne souhaitiez pas que les prisonniers soient

2 gardés à Bratunac, vous souhaitiez qu'ils soient détenus à l'usine de

3 brique ou, dans tout autre endroit, vous souhaitiez que ces prisonniers

4 soient évacués de Bratunac et emmener dans la prison militaire, n'est-ce

5 pas ?

6 R. Oui, c'est exact.

7 Q. Et vous insistez là-dessus, vous insistez que tel fût le rôle de Beara,

8 c'est ce qu'il a accepté de faire, n'est-ce pas ?

9 R. Oui, au bout du compte, c'est effectivement ce qu'il a fait, et il a

10 effectivement emmené ces personnes dans la direction de Zvornik le

11 lendemain, voire même le jour même.

12 Q. Donc le 14, il les a emmenés de Bratunac ?

13 R. Oui, le 14. Mais je dois vous rappeler un fait important. C'est pour

14 cela que je l'évoque. Le soir du 13, j'ai reçu des informations en vertu de

15 quoi avant que Beara n'entre dans mon bureau des autocars étaient déjà

16 partis, je ne sais sur quel ordre en direction de Zvornik.

17 Q. Par conséquent, ce Beara qui est venu vous voir aux premières heures du

18 matin, le 14 juillet, à savoir, après minuit, je crois. Il n'avait rien à

19 voir avec les personnes qui étaient emmenées, qui sont parties à Zvornik

20 parce qu'il est venu vous voir après.

21 R. Pourquoi excluez-vous cette possibilité-là ? Parce que je crois que

22 vous êtes assez intelligent pour comprendre cela. Il aurait pu être dans

23 mon bureau avant également.

24 Q. Je vous ai posé simplement une question sur ce que vous pouviez savoir

25 à ce moment-là.

Page 29713

1 R. Je ne sais pas s'il était là avant, mais la possibilité existe, n'est-

2 ce pas ?

3 Q. Bon, très bien, d'après les informations dont je dispose, Monsieur

4 Deronjic, vous êtes rendu à Pale le 14 juillet. En présence d'une

5 délégation de Srebrenica, est-ce exact ? Car vous vouliez rencontrer

6 Karadzic ?

7 R. Je vais vous expliquer ceci, Monsieur Milosevic. J'ai été très clair

8 dans ma déclaration. Le document qui est plus long et j'ai indiqué que

9 j'avais quelque doute. Et j'ai dit que je ne me souvenais pas si la réunion

10 s'était tenue, ce jour-là ou non, avec les représentants de Srebrenica. Il

11 pouvait s'agir du lendemain, je ne souvenais pas de la date exacte. Si vous

12 avez ce document sous les yeux, cela confirme bien que ce jour-là nous

13 avons tenu cette réunion avec les représentants de Srebrenica, qui étaient

14 opposés à ma nomination au poste de commissaire civil, et je sais cela

15 parce qu'ils étaient allés voir Karadzic à ce propos et avaient exprimé

16 leur désaccord. Ils étaient allés rencontrer Karadzic le 13.

17 Qu'est-ce que je suis en train de dire maintenant ? Je n'ai pas -- je ne

18 souhaite pas répéter ce que j'ai déjà dit, je parle ici des représentants

19 de Srebrenica.

20 Donc je reprends. Il y a deux alternatives possibles. Moi-même, nous nous

21 sommes rencontrés le jour de la réunion ou le lendemain avec les

22 représentants de Srebrenica; ou il y a une autre alternative possible,

23 c'est peut-être que les jours suivants, cette réunion s'est tenue avec un

24 représentant de Srebrenica. Mais lors de cette réunion où j'ai tenu le

25 président informer de ces événements, les gens de Srebrenica ou les

Page 29714

1 représentants de Srebrenica n'étaient pas présents. Mais il est fort

2 possible que ce jour-là, après cet échange de paroles, c'est peut-être ce

3 jour-là que nous avons également rencontré les représentants de Srebrenica.

4 Mais je me souviens très bien de cette réunion avec les représentants de

5 Srebrenica. Mais je ne me souviens pas simplement s'il s'agissait avant ou

6 après la réunion avec Karadzic, ou peut-être qu'il s'agit du lendemain,

7 parce qu'il se passait beaucoup de choses à ce moment-là, et j'ai du mal à

8 me remémorer ces différents événements de façon distincte.

9 Q. J'ai un extrait ici de journal daté du 14 juillet. C'est indiqué ici

10 qu'il s'agit du 14 juillet, mais tout est sous forme manuscrit. Néanmoins

11 c'est lisible. Et je suppose qu'il doit s'agir de plan ou de différentes

12 organisations de réunions. Je pense que c'est la secrétaire de Karadzic qui

13 doit avoir écrit cela. Dix-huit heures Churkin, et de 19 heures à 22

14 heures 40. Et ensuite une demi-heure, Mira Petrovic, et ensuite Mira, 13

15 heures 35 [sic] Karadzic et Ostojic, Miroslav le lendemain et la délégation

16 de Srebrenica.

17 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, c'est un document dont

18 nous n'avons pas pris connaissance. Bien évidemment ici, le témoin doit

19 répondre à des questions à ce sujet. Je crois qu'on doit lui montrer ce

20 document bien évidemment --

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ecoutez, nous allons voir. Venez-en au

22 fait, s'il vous plaît, pour l'instant.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, je vais en venir au fait, voici ce

24 dont il s'agit. Il s'agit ici d'un journal. C'est simplement un carnet de

25 la secrétaire de Karadzic, et j'ai obtenu ce document de mes collaborateurs

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1 il y a quelques jours. Il est indiqué 11 heures, Deronjic Miroslav et

2 "DLG", délégation de Srebrenica, et ensuite entre parenthèses 14 heures 25

3 jusqu'à 18 heures 25.

4 Et donc ce jour-là, étiez-vous là en présence des représentants de

5 Srebrenica pendant quatre heures au côté de Karadzic ? Je peux vous donner

6 ce journal si vous le voulez.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ecoutez. Remettez ce document au témoin

8 pour qu'il puisse regarder.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Il s'agit de la deuxième partie ici là où on parle du 14 juillet. Je

11 vous ai lu tout ceci dans l'ordre. Peut-être que cela peut vous être utile

12 pour vous si vous voulez ici en reconstituer les événements.

13 L'INTERPRÈTE : Je crois qu'il a été question de "gaillards" dans la

14 citation ajoutée, "ce gaillard vient d'en haut, il vient du terrain" --

15 deux fois.

16 R. Monsieur Milosevic, oui, je vois ce qui était envisagé, j'imagine que

17 ce document, cette espèce de tableau est un projet d'organisation du

18 travail, donc il était envisagé que M. Karadzic me rencontre à 11 heures du

19 matin le 14, et qu'une réunion se tienne avec les représentants de

20 Srebrenica de 14 heures 25 à 18 heures 25.

21 Q. Non, non. La seule chose qui est dite ici dans ce document c'est qu'il

22 était prévu que la réunion se tienne à 11 heures, mais qu'elle s'est tenue

23 de 14 heures 15 à 18 heures 25, comme cela était le cas tout à l'heure

24 lorsqu'une réunion était prévue une certaine heure et se déroulait

25 effectivement à une autre heure. Pour quelle raison, je n'en sais rien. Les

Page 29716

1 raisons peuvent être diverses. Je ne vais pas les imaginer. Ce n'est pas à

2 moi qu'il appartient de le faire.

3 Est-ce que vous avez passé quatre heures dans le cadre d'une délégation qui

4 a rencontré Karadzic et qui venait de Srebrenica ?

5 Nous voyons qu'un certain Djoko en fait partie également. Je ne parle pas

6 de ce qui s'est passé la veille ?

7 R. Non, écoutez. Je tiens à ce que les choses soient claires. Je ne parle

8 pas non plus de ce qui s'est passé la veille. La date est écrite ici. En

9 aucun cas cela ne peut vouloir dire, cela ne peut signifier que j'étais

10 présent lors de cette rencontre qui est prévue dans ce document. Mais je

11 vais répondre à votre question.

12 Je suis arrivé à Pale, je l'ai déjà dit, je ne me souviens pas exactement à

13 quelle heure, et avant cela, une réunion avait été tenue pour parler de

14 l'évacuation des civils de Potocari. Je pense donc que tout cela était tout

15 à fait logique parce que c'est la première fois que nous avions la

16 possibilité de nous réunir après la journée du 12 ainsi qu'après la journée

17 du 13, donc après l'évacuation des Musulmans de Potocari. Et toutes les

18 informations que nous recevions nous indiquaient avaient un rapport avec la

19 réunion qui s'est tenue à l'hôtel Fontana, et cetera, et cetera. Donc il y

20 avait pas mal de choses que nous pouvions dire au président. Et pendant

21 cette partie de la conversation, j'ai dit au président Karadzic quels

22 étaient les détails de la situation. J'ai parlé des incidents de Konjevic

23 Polje, du massacre important de Kravica à la coopérative de Kravica.

24 Et je me souviens -- qu'il m'a demandé ce qu'ils étaient advenus des

25 cadavres. Ça c'est resté dans ma mémoire.

Page 29717

1 Et puis nous avons parlé de M. Beara qui avait fait irruption dans mon

2 bureau. J'ai cité la phrase qu'il m'avait transmise mot pour mot, en

3 essayant de savoir auprès de lui ce qu'il me demandait de faire et de

4 savoir si cet ordre venait de lui, si ces consignes venaient bien de lui.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons dépassé l'heure de la

6 suspension. Nous aimerions voir ce document, Monsieur Deronjic, s'il vous

7 plaît.

8 Est-ce que vous demandez le versement au dossier de cette photocopie,

9 Monsieur Milosevic ?

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que ce serait utile, Monsieur May, en

11 effet.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons l'enregistrer à des fins

13 d'identification car il ne s'agit que d'une photocopie. Nous n'avons pas

14 encore l'originale, donc pour l'instant enregistrement à des fins

15 d'identification, c'est tout ce que nous pouvons faire.

16 Souhaitez également de demander versement au dossier du plaidoyer de

17 culpabilité du témoin dont vous avez parlé ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Absolument, Monsieur May.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien ces deux documents sont donc

20 enregistrés.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

22 Juges, l'accord de plaidoyer devient la pièce à conviction de la Défense

23 220, et le tableau des horaires de réunions devient la pièce à conviction

24 de la Défense 221, enregistrés à des fins d'identification.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous avons examiné la

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1 question du contre-interrogatoire. Vous disposerez d'une demi-heure demain

2 matin pour la fin du contre-interrogatoire de ce témoin.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Un instant, Monsieur May.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non. Attendez un moment, je vous

5 prie, que je termine. J'ai quelque chose à dire au Témoin. Monsieur

6 Deronjic, est-ce que vous pouvez vous retrouver dans cette salle à 9 heures

7 demain pour la suite du contre-interrogatoire ?

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je ne peux absolument pas

9 terminer le contre-interrogatoire de ce témoin en une demi-heure.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez été averti du problème de

11 temps. Vous avez choisi de consacrer toute l'audience d'aujourd'hui à un

12 seul sujet. Il vous faut bien comprendre que compte tenu des limites de

13 temps qui vous sont imposées, vous êtes tenu d'organiser l'emploi du temps

14 qui vous est imparti.

15 Suspension. Neuf heures demain matin.

16 --- L'audience est levée à 14 heures 07 et reprendra le jeudi 27 novembre

17 2003, à 9 heures.

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