Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 16 janvier 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

7 M. NICE : [interprétation] Une minute seulement avant la déclaration

8 solennelle du témoin, question d'ordre administratif pour tirer le meilleur

9 parti de notre temps. Vu l'évolution du procès, je pense que nous pourrons

10 entendre tous les témoins prévus. Il a fallu prendre des décisions quant

11 aux témoins qu'il faudrait lâcher, abandonner. Il serait utile de savoir en

12 temps utile quels sont les contre-interrogatoires que souhaitera l'accusé

13 pour voir quels sont les témoins qu'on peut élaguer.

14 Vous serez peut-être aider de savoir la chose suivante : Nous avions des

15 témoins prévus pour mercredi prochain, Saronjic, un témoin plus exactement.

16 Il était prévu d'avoir quatre heures mais c'était avant la décision en

17 application du 89(F). Nous allons essayer d'avoir un temps inférieur pour

18 la totalité de sa déposition. Puis, viennent deux témoins - là, je ne

19 demande d'indications - mais il y a deux témoins, le général Vegh, le 5

20 février et M. Bromberg, le 4 février. Ce sont des experts tous les deux. On

21 avait prévu une durée considérable pour leurs dépositions mais pour chacun

22 d'entre eux, si on les retient, la durée sera abrégée. Et l'accusé ainsi

23 que les amis de la Chambre accepteront-ils ou la Chambre décidera-t-elle de

24 ne pas avoir un trop long contre-interrogatoire, ce sera là une chose fort

25 utile mais voilà où nous en sommes.

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1 J'espère que ceci vous aidera, Messieurs les Juges, car il est préférable

2 de planifier plutôt que d'être à court de temps. Et je voudrais savoir

3 quels sont les témoins à laisser tomber et quels seront les témoins à

4 entendre.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Quels sont ces deux témoins ?

6 M. NICE : [interprétation] [hors micro] Nous avons le général Vegh, le

7 5 février et l'expert Brumborg le 4 février.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez dit le 4 février pour lui ?

9 N'était-ce pas le 29 janvier qui avait été prévu ?

10 M. NICE : [interprétation] Si. C'est notre expert. Son nom c'est Bromberg.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie. Je vais demander au

12 témoin de prononcer la déclaration solennelle.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur, veuillez vous

16 asseoir.

17 LE TÉMOIN: BERKO ZECEVIC [Assermenté]

18 [Le témoin répond par l'interprète]

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Groome, vous avez la parole.

20 M. GROOME : [interprétation] L'Accusation va demander le versement de deux

21 pièces. D'abord, il y a le rapport d'expert du témoin, M. Zecevic, et il y

22 a un classeur de 30 pièces, de 30 intercalaires. Je voudrais avoir des

23 cotes pour ces pièces.

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le rapport d'expert sera la pièce 636

25 et le classeur portera la cote 637.

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1 M. GROOME : [interprétation] Pour gagner du temps, nous allons demander le

2 retrait de trois documents de ce classeur qui porte maintenant la cote 637.

3 Il s'agit des intercalaires 6, 16 et 28. Nous nous excusons de la présence

4 de ces documents. Il y a aussi le curriculum vitae dans ce rapport d'expert

5 alors qu'il se trouvait aussi à l'intercalaire premier dont nous demandons

6 maintenant le retrait.

7 Interrogatoire principal par M. Groome :

8 Q. [interprétation] Monsieur, pourriez-vous commencer votre déposition en

9 déclinant votre identité.

10 R. Je m'appelle Berko Zecevic.

11 Q. La Chambre dispose de votre parcours professionnel, académique.

12 Pourriez-vous en quelques mots nous dire en quoi vous êtes expert.

13 R. Je suis spécialiste dans deux domaines : l'éducation, l'enseignement,

14 plus exactement. J'enseigne à la faculté de génie mécanique et je suis

15 expert pour ce qui est de la conception de munitions, de projectiles.

16 M. GROOME : [interprétation] Si vous en êtes d'accord, Monsieur le

17 Président, je vais vous lire le résumé du contenu de ce rapport d'expert et

18 puis j'aurais d'autres questions portant sur des faits dont dispose le

19 témoin que je voudrais poser.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que vous avez une copie de ce

21 document ou est-ce que c'est votre résumé ?

22 M. GROOME : [interprétation] Non, ce sont simplement des notes personnelles

23 que j'ai prises.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

25 M. GROOME : [interprétation] Ce témoin est un expert en génie mécanique. Il

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1 a une grande expérience pour ce qui est de la fabrication de munitions et

2 d'armes lourdes en ex-Yougoslavie avant la guerre en Bosnie-Herzégovine. Il

3 travaillait à la conception, au design d'armes lourdes, y compris des

4 mortiers de 120 millimètres pour la JNA.

5 Pendant la guerre, il a aidé le gouvernement de Bosnie-Herzégovine pour ce

6 qui est de l'industrie de production d'armes. Il a sa totalité de

7 déclarations en tant qu'expert en application du 94 bis et ce rapport fait

8 état de l'effet qu'a un projectile de mortier de 120 millimètres et du

9 pilonnage du marché de Markale à Sarajevo en février 1994. A l'époque, il

10 s'était porté volontaire pour participer à l'enquête qu'il fallait mener

11 suite au pilonnage du marché. C'est le juge d'instruction local qui l'a

12 désigné à cet effet. Il faisait partie d'une équipe d'ingénieurs qui se

13 sont penchés sur les éléments de preuve physiques et ont présenté une étude

14 de ce pilonnage.

15 La conclusion de son analyse, pour plusieurs partielles du moins, est la

16 suivante : Tout d'abord, c'est que cet obus de 120 millimètres de mortier a

17 explosé à l'impact avec la surface du marché et que la queue stabilisatrice

18 du mortier a été retrouvée au centre du cratère créé par la chute du

19 mortier. Son analyse a montré que cet obus venait de la direction nord,

20 nord-est avec un azimut de 18 degrés avec un écart d'erreur de deux degrés.

21 Troisième conclusion, six endroits sont plausibles pour ce qui est de

22 l'endroit d'où venait cet obus.

23 Quatrième conclusion, sur six endroits, seul le site le plus proche se

24 trouvait contrôlé par le gouvernement ou l'armée du gouvernement de Bosnie-

25 Herzégovine à l'époque. Les cinq autres endroits possibles se trouvaient

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1 dans un territoire contrôlé par l'armée de la Republika Srpska.

2 Cinquième conclusion, le personnel de la FORPRONU a interrogé, a déclaré

3 n'avoir pas vu un seul tir venant de la zone contrôlée par l'armée de

4 Bosnie-Herzégovine au moment des faits. Le personnel a estimé qu'il était

5 impossible de dissimuler le bruit occasionné par le tir d'un obus de 120

6 millimètres dans ce périmètre. La conclusion s'imposant est donc que cet

7 obus devait avoir été tiré à partir d'un des cinq autres endroits.

8 Sixième conclusion, scientifiquement, il est possible qu'un obus de 120

9 millimètres tue le grand nombre de personnes qui ont été tuées ce jour-là.

10 Dernière conclusion, l'absence de couleur sur la queue stabilisatrice

11 retrouvée indique probablement, très probablement, que cet obus a été

12 fabriqué à Bogosca ou à l'usine Marko Oreskovic à Licki Osik en Croatie,

13 deux lieux qui étaient contrôlés par l'armée de la Republika Srpska au

14 moment des faits.

15 Cet expert établi aussi un rapport et présente des éléments de recherche

16 scientifique qui montre que les queues stabilisatrices des obus de 120

17 millimètres utilisées en Yougoslavie ne pourraient pas s'incruster dans le

18 sol si les charges étaient un et deux et qu'il serait peu possible qu'il

19 s'encastre dans le sol avec trois charges, non plus, qu'il en faudra

20 quatre, cinq ou six.

21 Cette recherche permet à l'expert de conclure que cet obus a été tiré à

22 partir d'un territoire contrôlé par les Serbes de Bosnie.

23 Voilà, maintenant je vais poser des questions au témoin à propos du moment

24 où il a travaillé dans l'usine Pretis.

25 Q. Combien d'années avez-vous travaillé à l'usine Pretis ?

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1 R. Pendant 17 ans.

2 Q. Et est-ce qu'au cours de ces années, vous avez appris à connaître le

3 travail effectué par cette usine ? Et est-ce que vous avez eu connaissance

4 des échanges, des correspondances qui se faisaient régulièrement entre

5 cette usine, et d'autres fabriques de munitions ainsi qu'avec la JNA ?

6 R. Je travaillais dans le service de la recherche et du développement de

7 l'usine de Pretis. Disons que c'est le noyau dur du fonctionnement de cette

8 usine.

9 En d'autres termes, on fabriquait des munitions. Nous étions de 30 à 50

10 dans ce service en fonction des années. Et tous, bien entendu, nous avons

11 eu l'occasion de voir comment évoluaient nos collègues. Les personnes les

12 plus responsables pour ce qui est de la conception, de la mise à l'épreuve

13 des tests et de la mise en œuvre des munitions de la JNA c'était nous. Nous

14 avons toujours été là, à tous les stades, que ce soit au moment de la

15 fabrication, au moment des tests. Parce que c'était notre pays à l'époque.

16 Nous étions heureux de pouvoir contribuer aux activités de la JNA de la

17 meilleure façon possible.

18 Q. Mais parlons précisément des documents qui étaient produits de façon

19 générale par cette usine Pretis. Parlons aussi des courriers qui

20 s'échangeaient entre l'usine et la JNA, ou d'autres fabriques de munitions.

21 Est-ce que vous avez connu ces documents ? Est-ce que vous en connaissiez

22 la teneur ?

23 R. J'ai été un des concepteurs de la roquette 128 millimètres M27. De ce

24 fait, j'ai parcouru chacune des étapes de son développement et aussi son

25 introduction auprès de la JNA. C'était donc logique.

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1 Q. Essayez de répondre par oui ou par non pour gagner du temps. Est-ce que

2 vous connaissiez la teneur de ces documents ?

3 R. Oui. Tout à fait.

4 Q. Ces derniers jours, vous a-t-on demandé d'examiner certains documents

5 émanant précisément de l'usine Pretis ?

6 R. Tout à fait.

7 M. GROOME : [interprétation] Si les Juges me le permettent, je vais

8 demander qu'on vous remette ce classeur qui porte la cote 637. Nous allons

9 parcourir ces documents qui feront l'objet de quelques-unes de mes

10 questions.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] La cote.

12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui. C'est la pièce 637.

13 M. GROOME : [interprétation]

14 Q. Monsieur, examinez si vous le voulez l'intercalaire 2 de ce classeur.

15 Voici ma question. Est-ce qu'on y trouve un résumé de vos observations

16 établies après avoir examiné les documents que nous avions demandé de

17 consulter ici à La Haye ?

18 R. Oui.

19 Q. J'ai des questions précises. Mais en quelques mots, pourriez-vous dire

20 aux Juges quelle était la structure de l'industrie de munitions et de

21 fabrication d'armes en Yougoslavie avant la guerre ?

22 R. L'industrie militaire de la RSFY était très bien organisée. Les

23 compétences étaient clairement réparties. Au niveau de la conception se

24 présentaient deux possibilités, elle était le fait de l'institut militaire

25 technologique à Belgrade, où par des usines ou fabriques individuelles qui

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1 se trouvaient surtout en Bosnie-Herzégovine et en Serbie. Les munitions

2 étaient testées à Nikinci en Serbie. Lorsqu'il s'agissait de décider s'il

3 fallait développer telle ou telle munition, et bien ces décisions étaient

4 prises par le conseil technique militaire de la JNA. Donc, ce conseil

5 adoptait de telles décisions. La division technique du secrétariat fédéral

6 à la Défense nationale prenait toutes les autres décisions compétentes. En

7 d'autres termes, toutes les compétences étaient clairement définies.

8 Il me faut ajouter une chose. Pendant très longtemps, nous avions pour

9 règle ceci; il fallait une division très nette des activités de chacune des

10 fabriques. Pendant très longtemps, il n'y a pas eu de parallélisme dans la

11 production. Il y a eu doublon seulement très tard vers l'année 1980. Avant,

12 l'organisation était très poussée.

13 Les échanges avec l'étranger étaient le fait du SDPR. Les fabriques

14 n'avaient pas elles-mêmes le droit de vendre le produit de leur travail.

15 Q. Mais quelle est la signification qu'il faut accorder à l'usine Pretis

16 en tant que telle ? Etait-ce une entité très grande, et quel était le

17 volume de sa production ?

18 R. L'épine dorsale de toute armée, ce sont les unités d'artillerie et

19 d'infanterie. Mais c'est surtout les unités d'artillerie qui sont

20 essentielles.

21 Et l'usine de Pretis a produit des munitions d'artillerie pour ce qui est

22 des obus de 76 millimètres à 155 millimètres, des roquettes de 128

23 millimètres, et des bombes aériennes de 250 millimètres. C'était donc une

24 usine de très bonne réputation, peut-être une des plus grandes fabriques de

25 munitions en Europe.

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1 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent au témoin de parler plus

2 lentement.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse.

4 M. GROOME : [interprétation]

5 Q. Il y a eu retrait en mai 1992 de la Bosnie-Herzégovine. Est-ce qu'à ce

6 moment-là, le 19 mai plus exactement, est-ce qu'à ce moment-là vous avez

7 découvert un document portant cette date, qui vous a indiqué qu'il y a eu

8 poursuite des relations entre l'armée yougoslave, c'est comme cela qu'elle

9 était appelée à ce moment-là, et l'usine Pretis ? Nous examinons ici

10 l'intercalaire 3.

11 M. GROOME : [interprétation] Je vais demander que la première page de ce

12 document soit placée sur le rétroprojecteur.

13 Q. Reconnaissez-vous ce document que l'on trouve à l'intercalaire 3 de la

14 pièce 637 ?

15 R. Oui.

16 Q. Avez-vous, vous-même trouvé ce document ?

17 R. Oui.

18 Q. Pourriez-vous en faire la synthèse à l'intention des Juges ?

19 R. Le président de la communauté des industries militaires de Yougoslavie,

20 M. Jovan Jovicic, propose ici de désigner des directeurs dans diverses

21 fabriques; Rudi Cajavec, Pretis et Famos. Toutes ces usines se trouvaient

22 contrôlées à ce moment-là par l'armée de la Republika Srpska.

23 Q. Ce document, qu'est-ce qu'il est censé faire ?

24 R. Il était coutumier en ex-Yougoslavie, que les directeurs soient

25 désignés par voie d'accord. On cherchait à parvenir à un accord entre le

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1 secrétariat fédéral à la Défense nationale, alors qu'en principe c'était le

2 conseil ouvrier qui nommait ces gens. Mais il n'y a pas eu un seul cas où

3 un directeur aurait été nommé dans l'industrie militaire sans que le

4 secrétariat fédéral à la Défense nationale ne soit consulté et ne donne son

5 aval. Ici en l'occurrence, objectivement, la Bosnie-Herzégovine avait

6 obtenu son indépendance. Il n'était pas logique que ce soit le secrétariat

7 d'avant à la Défense nationale qui intervienne. Ceci a été proposé par une

8 organisation qui fonctionnait toujours, et qui s'appelait communauté des

9 industries de l'armement et de l'équipement militaire en Yougoslavie, qui

10 avait à sa tête Jovan Jovicic.

11 Q. Est-ce qu'ici, par cette procédure, on propose un candidat au poste de

12 directeur de l'usine Pretis ?

13 R. Oui.

14 Q. Quelle est la personne proposée à ce poste, poste de directeur d'une

15 usine se trouvant en Bosnie-Herzégovine ?

16 R. M. Milorad Motika, diplômé ingénieur. C'est lui qui devait devenir

17 directeur.

18 Q. Examinez maintenant l'intercalaire 4 de cette même pièce qui porte la

19 cote 637. Je vais demander qu'on place la première de la version en anglais

20 sur le rétroprojecteur.

21 Ici nous avons la date du 18 juin 1992. Pourriez-vous nous faire la

22 synthèse de ce document, et je vais vous demander aussi de donner lecture

23 de la conclusion qu'on trouve ou de la décision, plus exactement, qu'on

24 trouve au chiffre romain I.

25 R. Au chiffre romain I, on évoque les problèmes qui se présentent, et

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1 occasionnés par le conflit qui régnait sur le territoire de la Bosnie-

2 Herzégovine --

3 Q. Je m'excuse. Est-ce qu'on regarde bien le même document ? Vous examinez

4 l'intercalaire 4, Monsieur ? Je pense que vous êtes à l'intercalaire 5 pour

5 le moment.

6 R. Excusez-moi. Intercalaire 4, ici il s'agit de la décision portant

7 nomination du directeur de l'usine Pretis de Vogosca. Le directeur

8 précédent avait été démis de ses fonctions, et c'est Milorad Motika,

9 ingénieur, qui est ainsi nommé directeur de l'usine Pretis de Vogosca, et

10 c'est Branko Djeric, premier ministre, qui signe ce document.

11 Q. Est-ce que ceci montre qu'en fait on utilise ce mécanisme du

12 secrétariat fédéral qui est utilisé pour nommer ce directeur, et c'est

13 ainsi qu'a été adoptée la décision portant nomination de ce monsieur ?

14 R. Exact.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, qu'est-ce qu'il y a ?

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] La question posée par M. Groome n'est pas

17 juste, n'est pas équitable parce qu'il dit que la proposition est faite par

18 le truchement du secrétariat fédéral, or ce n'est pas le cas. C'est une

19 proposition qui émane d'une communauté d'affaire. On parle de la communauté

20 de l'industrie, ou des industries de l'armement et des équipements

21 militaires, communauté qui a existé pendant des années en Yougoslavie. Vous

22 aviez pratiquement les directeurs de l'industrie militaire. Ceci n'était en

23 aucun rapport avec le gouvernement, et la question que pose M. Groome est

24 donc tout à fait erronée.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Tirons ceci au clair.

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1 M. GROOME : [interprétation]

2 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous préciser les rapports qui

3 existaient entre l'organisation qui est l'auteur de ce document qu'on

4 trouve à l'intercalaire 3, et les organes fédéraux chargés des questions

5 militaires en Yougoslavie ?

6 R. C'est un fait que la communauté des industries militaires a existé

7 pendant de nombreuses années en Yougoslavie, qu'elle avait été constituée

8 en vue de résoudre certains des problèmes communs qu'on rencontrait dans le

9 fonctionnement de l'industrie militaire, et elle avait pour vocation ceci :

10 Lorsqu'il avait des exportations, il fallait adopter des positions

11 communes. Cependant, il n'était pas habituel que cette communauté-ci

12 propose un candidat à ce poste. C'était toujours le secrétariat fédéral à

13 la Défense nationale qui le faisait. On n'aurait pas pu approuver la

14 nomination de ce directeur de façon indépendante. Les directeurs ne se

15 réunissaient pas pour trouver un successeur. Non, ceci devait se faire avec

16 l'approbation du secrétariat fédéral à la Défense nationale.

17 A ce moment-là de l'histoire, il n'était pas logique que ce soit une fois

18 de plus le secrétariat fédéral qu'intervienne pour faire une proposition de

19 candidat. Donc on s'est servi de ces communautés qui existaient encore et

20 on a proposé M. Motika comme directeur. A mon avis, il n'y a pas eu

21 synchronisation de ce processus, comme ça avait été le cas auparavant.

22 Q. Est-ce qu'en avril 1992 vous avez cessé vos fonctions à l'usine

23 Pretis ?

24 R. J'ai cessé de travailler le 17 avril.

25 Q. Je vous demanderais à présent de nous décrire brièvement pourquoi vous

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1 avez cessé d'y travailler le 17 avril 1992 ?

2 R. Les jours précédents, il y a eu des tirs intenses dans la région de

3 Sarajevo. Et cette semaine-là, on a fait refonctionner les usines, et le

4 jour en question, en compagnie d'un nombre réduit de collègues, je suis

5 arrivé à l'usine parce que j'avais estimé qu'il était impossible d'avoir

6 des conflits sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Je suis arrivé

7 donc le matin à l'usine, et vers 11 heures nous avons pu entendre un

8 silence total entre 11 heures et 13 heures.

9 Je précise que ce complexe-là accueillait 5 à 7 000 personnes, 5 à 7 000

10 ouvriers. Il y avait tout le temps du bruit, une atmosphère, une ambiance

11 de travail. A ce moment-là, on a senti cesser toute activité. Nous avons

12 regardé par nos fenêtres et nous avons pu constater que les gens

13 quittaient, en masse, l'usine. Je suis resté quelques heures encore, et à

14 un moment donné je suis sorti de mon bureau parce qu'aucun de mes

15 collaborateurs immédiats n'était venu. J'étais seul dans le département du

16 développement qui était le département le plus important de l'usine. Il n'y

17 avait ni directeur, ni secrétaire, ni autre personnel.

18 Par la suite j'ai quitté l'usine, et au bout d'un jour ou deux, on ne

19 pouvait plus accéder à l'usine étant donné que l'armée yougoslave avait

20 occupé les lieux.

21 Q. Si je puis attirer votre attention sur la période après le conflit. Je

22 voudrais que vous résumiez, à l'attention de la Chambre, la situation qui

23 avait prévalu au sujet des munitions qui avaient été mises à la disposition

24 de l'armée de la Republika Srpska au tout début ?

25 R. L'usine de Pretis, dans son programme de production, avait un processus

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1 ininterrompu. A tout moment au sein de l'usine, il y avait des quantités

2 importantes de munition en cours de production. En même temps l'usine

3 Pretis constituait un complexe énorme, et il y avait des segments de

4 stockage qui avaient servi d'entrepôt de guerre pour l'armée populaire

5 yougoslave. Il y avait là-bas des quantités énormes de produits semi-finis,

6 donc non pas des munitions déjà toutes faites mais des produits semi-finis

7 que l'on pouvait rapidement compléter en cas de situation de guerre.

8 L'on estime qu'il devait y avoir de quoi satisfaire six mois de processus

9 de production pour ce qui est des besoins.

10 Q. Pouvez-vous tout simplement nous indiquer quels étaient les problèmes

11 de l'industrie des munitions, qui étaient ceux de l'industrie de ces

12 équipements en Republika Srpska.

13 R. Moi, je peux parler des problèmes que pouvaient avoir le Pretis dans la

14 Republika Srpska, au sujet des processus de production. C'est une usine

15 énorme et la plupart de la production se faisait à Pretis.

16 Il y avait d'abord le problème d'approvisionnement en énergie électrique

17 puis l'approvisionnement en pétrole, l'approvisionnement en vapeur. On

18 avait besoin de charbon. Les usines militaires de Yougoslavie constituaient

19 un organisme intégré. Aucune usine ne pouvait fonctionner par elle-même et

20 toute seule, et l'usine de carburant pour les missiles à Vitez avait été

21 placée sous le contrôle du HVO à ce moment-là. L'usine des amorces et des

22 détonateurs à Gorazde, voire à Bugojno, avait été placée sous le contrôle

23 de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, donc il est logique qu'il y ait eu

24 l'impossibilité de procéder au complètement de ce processus de fabrication

25 des munitions. En d'autres termes il y a eu des problèmes énergétiques et

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1 des problèmes d'approvisionnement en produits énergétiques pour parachever

2 les équipements et les munitions.

3 Q. Je voudrais que vous vous penchiez maintenant sur l'intercalaire 5 de

4 cette pièce à conviction 637. Il s'agit là d'un document qui émane du

5 ministère de l'Industrie et de l'énergétique de la Republika Srpska. Il est

6 intitulé "Information portant sur les problèmes d'actualité de l'industrie

7 des armements de la Republika Srpska." C'est daté du 26 novembre 1992. Est-

8 ce que vous avez eu l'opportunité de voir ce document ? Et dites-nous, je

9 vous prie, si ce document présente avec exactitude les problèmes auxquels

10 était confronté l'industrie de l'armement de la Republika Srpska ?

11 R. J'ai étudié ce document. Je suis tout à fait d'accord pour dire que les

12 évaluations qui y figurent sont tout à fait réalistes.

13 Q. Je vais vous demander, à présent, de vous penchez sur l'intercalaire 7

14 de la même pièce. Vous avez parlé de matières premières. Je voudrais que

15 vous nous expliquiez un peu plus en détail quels étaient les types de

16 matières premières dont dépendait, ou dont avait besoin cette usine Pretis,

17 si dans la deuxième moitié de 1992 et par la suite en 1993, ces matières

18 premières n'étaient plus accessibles, disponibles.

19 R. Il y a toute une série de matières premières qui sont indispensables

20 pour compléter une fabrication de munitions. L'un des segments important,

21 c'est l'acier. L'acier provenait de Slovénie, de Croatie, voir Niksic et de

22 Zenica en Bosnie-Herzégovine, la dernière. Chose très importante, ce sont

23 les carburants pour les systèmes d'artillerie. Ces carburants pouvaient

24 être procurés auprès de l'usine de Vitez, passé sous le contrôle du HVO ou

25 une partie de l'usine Lucani qui se trouvait en Serbie. Je tiens à préciser

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1 que ces combustibles de Vitez et de Lucani ne sont pas compatibles. Ils

2 sont respectivement utilisés pour certains types de munitions seulement.

3 Un problème particulier constitué par les détonateurs et les amorces pour

4 ce qui est de la fabrication des douilles, il convient d'avoir de la

5 matière première donc, de l'étain et puis il faut du cuivre. Et l'étain et

6 le cuivre étaient importés à partir de la Serbie. Compte tenu de cette

7 situation générale, il était très difficile de continuer à produire

8 normalement au sein de Pretis, si tant est que ces cycles de

9 l'approvisionnement n'avaient pas été disponibles. Je tiens à préciser que

10 les explosifs constituaient un problème particulier. Cela était également

11 acheminé à partir de la Serbie.

12 Q. Je voudrais, à présent, que vous vous penchiez sur l'intercalaire 7 de

13 cette même pièce à conviction 637. La date qui y figure est celle du 20

14 septembre 1994. La signature qui y figure est celle de M. Motika, le

15 directeur de l'usine Pretis. Dites-moi maintenant si ce document décrit les

16 types de munitions qui étaient fabriquées à partir de 1994. Est-ce que l'on

17 y décrit brièvement la situation au sujet de l'acheminement des matières

18 premières pendant l'année 1994 ?

19 R. En effet. En pratique, tout le programme de production de l'usine de

20 Pretis y est repris. Et l'on spécifie exactement quelles sont les usines à

21 partir desquelles s'étaient effectués les approvisionnements en matériel ou

22 en biens intermédiaires. Cela aidait pour indiquer les difficultés qu'avait

23 l'usine dans son fonctionnement.

24 Q. S'agissant de ce document et des informations qui y figurent, en

25 découle-t-il que bon nombre de problèmes qui étaient présents en 1992 se

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1 trouvaient être résolus au moment de la rédaction de ce document en 1994 ?

2 R. Oui.

3 Q. Je voudrais maintenant que vous vous penchiez sur l'intercalaire 8 de

4 cette pièce à conviction 637. Je demanderais à la Greffière de placer la

5 première page sur le rétroprojecteur.

6 Le document en question est daté du 6 novembre 1992. C'est une fois de plus

7 signé par M. Motika. Je voudrais que vous nous donniez une phrase ou deux

8 pour nous dire de quoi il s'agit dans ce document.

9 R. Il s'agit d'un contact entre deux usines : l'usine Pretis d'une part à

10 Vogosca, près de Sarajevo, et l'usine Milan Blagovici, située à Lucani. Et

11 l'objet de ce courrier est la fabrication de projectiles pour des obus de

12 125 millimètres pour les chars M84 ou M72. L'usine Blagovici fabriquait

13 elle du combustible pour ces munitions.

14 Q. Je vous demanderais à présent de vous pencher sur l'intercalaire 9 de

15 la même pièce. J'aimerais que la première page de la version anglaise soit

16 placée sur le rétroprojecteur. La date du document, est celle du 11 août

17 1995. J'aimerais maintenant que vous nous décriviez ce qui y figure.

18 R. Ce document indique que M. Motika Milorad s'adresse au ministère de la

19 Défense de la Republika Srpska, pour lui demander d'assurer un transport de

20 marchandises à partir de la République de Serbie vers la Republika Srpska

21 s'agissant de TNT, donc de poudre et de conduits en cuivre, de tubes en

22 cuivre.

23 Q. Est-ce que dans cette période de temps, il a existé des accords de

24 coopération commerciale entre les usines en Republika Srpska et la

25 République de Serbie pour ce qui est des échanges de matières premières et

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1 de produits semi-finis ?

2 R. Je pense que c'était une chose tout à fait naturelle, parce que les

3 usines ne pouvaient pas fonctionner. De nos jours encore, les usines en

4 Serbie, en Bosnie-Herzégovine, s'efforcent d'établir une coopération. C'est

5 un mécanisme tout à fait naturel, les uns ne peuvent subsister sans les

6 autres.

7 Q. Je voudrais vous demander maintenant de vous penchez sur l'intercalaire

8 10 de la même pièce, pièce 637. Il s'agit d'un contrat daté du 24 juillet

9 1995. Pouvez-vous nous dire s'il s'agit là d'un exemple de contrats,

10 d'échanges commerciaux comme on en a. Enfin, du type de ceux dont on vient

11 de parler ?

12 R. Oui.

13 Q. Maintenant, si vous vous penchez sur ce qui figure à l'intercalaire 11

14 qui est un document daté du 10 novembre 1992, et qui est également signé

15 par M. Motika. Je vous demanderais de nous dire si cela traduit les accords

16 d'échanges commerciaux ?

17 R. Je ne peux pas dire que ce document ne traite d'échanges commerciaux.

18 Il s'agit plutôt d'une demande de M. Motika adressée aux établissements de

19 révision mécanique, qui est une organisation au sein de l'armée yougoslave

20 Il s'agit de la fourniture d'éléments, d'une quantité d'éléments

21 nécessaires pour compléter les munitions dont il avait besoin. Je m'excuse

22 -- oui, je n'ai pas consulté le bon document. Je réponds par l'affirmative

23 à votre question. Les deux documents se complètent. Je n'ai pas prêté

24 attention à ce qui figurait à l'entête.

25 Q. Maintenant, je vous demande de vous référer à l'intercalaire 12 de

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1 cette même pièce à conviction, et de nous dire ce qui y figure, ce qui est

2 dit.

3 R. Le document en question nous dit que l'usine Krusik de Valjevo, en

4 Serbie, vend des détonateurs UTIUM 70 [sic], des détonateurs pour canons et

5 des charges pour des mortiers de 120 millimètres à l'intention de l'usine

6 de Pretis. Et les prix établis ici, sont établis par le secrétariat fédéral

7 à la Défense nationale ou plutôt à l'un des départements de celui-ci. C'est

8 de cela qu'il s'agit dans le document en question. Ce sont les éléments

9 principaux du document. Cela correspond à ce que j'ai dit tout à l'heure, à

10 savoir que le secrétariat fédéral, avant la guerre, procédait aux

11 évaluations de la valeur d'une heure de travail ou de la valeur des

12 différentes composantes des munitions fabriquées par ces usines sur le

13 marché.

14 Q. A présent, je vous demande de consulter l'intercalaire 13 de cette

15 pièce 637. S'agit-il ici d'un document que vous étiez censé examiner, ici,

16 à La Haye ?

17 R. En effet.

18 Q. Ma question au sujet de ce document est la suivante : ce document nous

19 montre-t-il que le ministère de la Défense de la Republika Srpska a

20 directement participé à l'un ou plusieurs de ces accords d'échanges

21 commerciaux ?

22 R. Oui.

23 Q. Je vous demande à présent de consulter l'intercalaire 14 de cette pièce

24 637. Je voudrais que la première page soit placée sur le rétroprojecteur.

25 Dites-nous si vous avez eu l'opportunité d'examiner le document. Dans

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1 l'affirmative, dites-nous de quoi il s'agit. C'est un document daté du 29

2 janvier 1994.

3 R. C'est un document que j'ai pu consulter. Dans ce document, l'état major

4 de l'armée de la Republika Srpska, département de la logistique, est

5 informé par le ministère de la Défense de la Republika Srpska et l'usine

6 Pretis pour lui dire qu'il n'est pas en mesure de lui assurer 2 000 tonnes

7 d'acier en provenance de l'aciérie Niksic pour assurer son fonctionnement

8 normal en raison de défauts ou de carences de moyens financiers. Il est

9 précisé que dans ce processus d'approvisionnement avec 100 tonnes

10 d'explosifs pour ce qui est d'un marché de compensation en échange de

11 munitions de chars M84, 125 millimètres, et au point 3, on dit qu'il a été

12 accordé que l'entreprise Krusik fournisse des moyens explosifs à

13 l'intention de l'usine Pretis.

14 Q. Je vous prie de vous pencher sur la première phrase où il est dit :

15 "Notification d'allocation de moyens techniques et d'équipement."

16 R. Je ne le vois pas.

17 Q. Je voudrais que vous vous penchiez sur l'intercalaire pour que nous

18 soyons, cette fois-ci, sûr que nous parlons bien du même document.

19 R. Oui. Vous avez dit 14, n'est-ce pas ?

20 Q. Oui. Peut-être pourriez-vous l'étudier plus en détail pendant la pause.

21 Il serait peut-être préférable que nous allions de l'avant.

22 Je vous demande maintenant de consulter l'intercalaire 15. La copie de

23 l'original devrait être remise à mains propres du témoin pour qu'il puisse

24 vérifier si c'est bien le même document que celui qui figure dans son

25 classeur et la version anglaise devrait être placée sur le rétroprojecteur.

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1 Monsieur, pour être sûr qu'il n'y a pas eu de confusion de quelque nature

2 que ce soit, je vous demande de vérifier les pages qui se trouvent sur

3 votre droite et de nous dire ensuite de quoi il s'agit.

4 R. Dans ce document, le directeur Milorad Motika adresse une requête à

5 l'intention du général Mladic, donc au Grand état major de l'armée de la

6 Republika Srpska, afin que celui-ci intervienne auprès du chef d'état

7 major, du Grand état major de l'armée de Yougoslavie, le général Perisic,

8 pour faire en sorte que 1 000 moteurs de projectiles de 122 millimètres,

9 appelés Grad [phon], soit adressée au ministre adjoint de la Défense de la

10 République fédérale de Yougoslavie pour approbation. Cela est destiné à

11 l'usine Krusik de Valjevo pour les besoins du Holding Pretis, donc, il

12 s'agit d'une demande d'approvisionnement avec 1 000 unités de moteurs ou

13 d'instruments propulsifs de ces missiles.

14 M. GROOME : [interprétation] Messieurs les Juges, dans l'intérêt d'une

15 économie de temps, nous allons retirer la pièce à l'intercalaire 16.

16 Q. Monsieur, nous nous sommes entretenus au sujet de Pretis et de ses

17 activités entre 1992 et 1995. Vous avez examiné des documents à La Haye et

18 je vous prie de nous dire où une grande partie de ces produits, et

19 notamment munitions, a été envoyée à partir de l'usine Pretis ?

20 R. Vous parlez de la période de la guerre ?

21 Q. Oui.

22 R. La majeure partie des munitions a été utilisée sur les lignes de

23 conflits, de combats à proximité de Sarajevo. Donc, cela a été utilisé par

24 le Corps d'armée de Sarajevo-Romanija.

25 Q. Pendant la guerre, en raison de vos connaissances professionnelles,

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1 avez-vous été convoqué aux endroits d'impact, aux points d'impact de ces

2 obus ou de ces grenades à Sarajevo ?

3 R. J'ai été présent pour les deux explosions du marché de Markale et la

4 deuxième fois, j'ai été présent lorsqu'un obus a touché la télévision de

5 Sarajevo.

6 Q. Avez-vous, à quelque moment que ce soit, partant des connaissances qui

7 sont les vôtres, appris ou constaté que des obus, avec une date de

8 production 1993, ont été découverts à Sarajevo ?

9 R. A ce moment, j'étais toujours chef du département chargé de la

10 recherche auprès du Grand état major et l'une de mes tâches avait consisté

11 à trouver des modalités ou des alternatives pour ce qui est des

12 approvisionnements. Nous avons retrouvé un obus de 122 millimètres daté de

13 1993, fabriqué à Krusik Valjevo.

14 Q. Et cette usine se trouve où ?

15 R. Cette usine se situe en Serbie.

16 Q. Autrement dit, dans la ville de Sarajevo, vous avez retrouvé un obus

17 qui n'a pas explosé, qui est fabriqué en 1993 en Serbie ?

18 R. Oui.

19 Q. A présent, je vous demanderais de vous pencher sur l'intercalaire 7 de

20 cette pièce 637.

21 M. GROOME : [interprétation] Et je demanderais au Greffier -- non, je

22 m'excuse, ce n'est pas l'intercalaire 7 que je voulais dire mais

23 l'intercalaire 17.

24 Q. Ma question pour vous est de celle de nous dire - et je voulais dire

25 page 7 - donc, c'est un document du 11 février 1993. Est-ce que ce document

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1 comporte des informations sur la destination de ces munitions fabriquées

2 par Pretis, vers quelle unité de l'armée Republika Srpska ?

3 R. En effet.

4 Q. Je n'ignore pas le fait que vous parliez l'anglais. Je voudrais que

5 vous nous indiquiez avec votre pointeur la colonne qui figure sur le

6 rétroprojecteur et qui comporte les renseignements sur les munitions. Il

7 faudrait que vous passiez cela sur l'original, à gauche. Donc, montrez-nous

8 les colonnes dans ce tableau qui comportent les munitions envoyées vers les

9 différentes unités y compris les unités de Sarajevo.

10 R. La colonne 4, la colonne 5, la colonne 6, la colonne 7 et la colonne 8,

11 9, 10, la colonne 11, la colonne 15, 18, 19, 20.

12 Q. Merci. Je vous prie maintenant de consulter l'intercalaire 18 de cette

13 pièce à conviction 637. Il s'agit d'un rapport daté du 5 décembre 1993.

14 Dites-nous, je vous prie, si ce rapport indique que les quantités de

15 munitions fabriquées entre le 1er janvier 1993 et le 30 novembre 1993 ?

16 R. En effet.

17 Q. Penchons-nous maintenant sur l'intercalaire 19 de cette pièce à

18 conviction 637. Il s'agit d'un document daté du 6 juillet 1995. Je vous

19 prie de nous indiquer brièvement ce qui y est dit.

20 R. Dans ce document, le secteur chargé de la logistique des départements

21 techniques du Grand état-major de la Republika Srpska, communique une

22 demande au commandement du Corps de Sarajevo Romanija, un poste de

23 commandement avancé, pour lui demander de procéder à la fourniture d'une

24 certaine quantité de munitions de 100 millimètres, 105 millimètres, 120

25 millimètres et 122 millimètres pour un obusier M38.

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1 Q. Maintenant, je vous demande de passer à l'intercalaire 20 de cette

2 pièce 637, et de nous dire ce qui est dit.

3 R. Ce document qui porte le cachet de l'usine Pretis, fournit une liste de

4 munitions par quantité déterminée, fournie aux brigades variées

5 qu'intervenaient sur le secteur de Sarajevo.

6 M. GROOME : [interprétation] Etant donné que nous n'avons pas beaucoup de

7 temps, je renonce à la présentation de l'intercalaire 21.

8 Q. Je vous demande de passer au 22 de cette même pièce à conviction. Et je

9 voudrais que la première page de la version anglaise soit placée sur le

10 rétroprojecteur.

11 Q. Veuillez nous indiquer, Monsieur, si ce document intitulé "Aperçu des

12 munitions fournies, des moyens explosifs et autre matériel NVO pour la

13 période du 1er janvier au 31 septembre 1993," comporte les quantités totales

14 pour ce qui est de la fabrication de l'usine Pretis, et qui a été confiée

15 au Corps de Sarajevo Romanija ?

16 R. Sur les quantités totales 67,3 % sont destinées au Corps de Sarajevo-

17 Romanija.

18 Q. A présent, et partant de l'expérience qui est la votre, dites nous je

19 vous prie, y a-t-il eu un type ou plusieurs types d'armes qui ne pouvaient

20 être fabriquées qu'en République de Serbie ?

21 R. Tous les missiles étaient fabriqués en République de Serbie, tous les

22 projectiles pour mortier 120, 82, et 60 millimètres. Les munitions pour ce

23 qui est des canons anti-aériens aussi, les munitions pour armes

24 d'infanterie également. C'est ce que je sais vous dire. Il est fort

25 probable que le même commentaire s'applique à des munitions plus complexes,

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1 y compris à des systèmes très complexes, s'il est arrivé qu'ils aient dû

2 être fabriqués pendant la guerre.

3 Q. J'aimerais maintenant que nous passions à l'intercalaire 23 de la pièce

4 637, et que vous nous disiez ce qui indique ce document qui porte la date

5 du 30 mars 1993.

6 R. Dans ce document le centre technique et d'essai de Nikinci, ou plutôt,

7 ce document est adressé par le directeur des services de contrôle de

8 l'usine Pretis au centre d'essai technique de Nikinci. Et il demande que

9 des essais soient effectués sur cinq projectiles de calibre 125 millimètres

10 destinés à deux chars T72 et M82. C'est une procédure tout à fait standard

11 qui se pratique sur des munitions dès la fin du processus de fabrication.

12 Un certain nombre d'échantillons sont testés au centre d'essai. Et lorsque

13 ces munitions correspondent aux spécifications, elles sont livrées aux

14 unités qui les ont commandées.

15 Q. Où ce centre d'essai se trouve t-il ?

16 R. Il se trouve à Nikinci tout près de Sabac en Serbie.

17 Q. J'aimerais maintenant que nous passions à l'intercalaire 24 de la pièce

18 637 si vous le voulez bien. Je vous demanderais d'examiner la première page

19 de ce document.

20 C'est un document qui porte la date du 21 mai 1994, qui est signé par M.

21 Motika comme d'autres documents. Je vous demande si l'on voit dans ce

22 document que certaines munitions sont envoyées à Nikinci pour subir des

23 essais ?

24 R. Oui. Il est écrit ici que neuf missiles modifiés M63 de calibre 128

25 millimètres sont envoyés dans les installations de Nikinci qui servent à

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1 effectuer les essais. Dans le cas précis, ce document est signé par le

2 directeur du groupe Pretis, Milorad Motika.

3 Q. Merci. J'en ai terminé avec ce document.

4 Maintenant je vais appeler votre attention sur un autre sujet, à savoir,

5 les explosifs chargés de participer à des combats anti-aériens.

6 R. Les explosifs que l'on appelle full air explosives en anglais, qui sont

7 donc des explosifs à air comprimé ont été utilisés au cours de la guerre du

8 Vietnam et en Tchétchénie, et dans une autre région. Ce sont des explosifs

9 qui ne visent pas des cibles précises, mais de grandes surfaces; et dont

10 les effets ont des conséquences beaucoup plus destructives, en terme de

11 destruction de vies humaines et de blindés, que des explosifs solides

12 usuels. Ils sont donc particulièrement dangereux dans des zones

13 circonscrites et des centres urbains, où l'effet de ces explosifs est

14 considérablement plus important que celui des explosifs classiques.

15 Ces explosifs ont été fabriqués pour l'armée de l'air dans les années 80.

16 Et dans l'usine Pretis avant la guerre, nous étions pratiquement -- nous

17 avions pratiquement achevé le développement d'un obus de calibre 250

18 millimètre qui contenait ce type d'explosif.

19 Q. Monsieur, est-ce que vous avez récemment obtenu une photographie de

20 telles grenades fabriquées par, ou plutôt utilisées par le Corps de

21 Sarajevo-Romanija ?

22 R. Oui.

23 M. GROOME : [interprétation] Je demanderais que l'intercalaire 30 de la

24 pièce 637 soit placé sur le rétroprojecteur.

25 Q. Je vous demanderais, Monsieur, de bien vouloir nous dire ce que nous

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1 voyons dans cette pièce à conviction et que vous nous parliez, d'une façon

2 générale, de ce type de bombes.

3 R. Il n'est pas permis de parler réellement de bombes. Il s'agit en fait

4 d'un missile dont la tête équivaut à un missile de portée 250 kilomètres.

5 Ce projectile se compose de trois propulseurs d'une tête qui correspond à

6 celle d'un missile de calibre de portée de 250 kilomètres ainsi que d'une

7 ailette qui est rattachée à la partie arrière du propulseur. Ici, nous

8 avons un système relativement simple, de fabrication russe, qui se

9 composait de quatre propulseurs et qui a été utilisé dans les environs de

10 Sarajevo en 1994.

11 Ce système de missile n'est pas précis mais ce que j'ai pu voir des

12 conséquences de l'utilisation de ce système à la télévision, c'est que les

13 effets destructeurs de ce genre de projectiles sont très importants, en

14 effet.

15 A l'intérieur de la tête du missile, on trouve un explosif liquide, du

16 propylène, dans le cas précis et ce combustible sert à amorcer l'engin.

17 Donc, au moment de l'impact, l'objectile pénètre dans les obstacles qu'il a

18 atteint et en quatre, sept ou quinze secondes, l'explosif est amorcé et

19 l'effet de souffle est également très important sur les environs de la zone

20 où il est tombé.

21 Q. J'aimerais maintenant vous demander d'examiner l'intercalaire 25 de la

22 pièce --

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Où cette photographie a-t-elle été

24 prise ? Le savez-vous ?

25 M. GROOME : [interprétation]

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1 Q. Docteur Zecevic, pouvez-vous nous dire où cette photographie a été

2 prise ?

3 R. Je ne sais pas exactement où mais je sais qui a pris cette

4 photographie. Nous la voyons, ici, nous voyons donc quel est l'aspect de ce

5 projectile. Je n'ai jamais eu l'occasion de voir ce projectile sous la

6 forme que l'on voit sur cette photographie car c'est le projectile que l'on

7 a trouvé dans les locaux de la télévision, et ici nous voyons qu'il est

8 associé au stabilisateur du système. La tête a explosé, donc, on ne voit

9 que des segments du système.

10 Il y a un an et demi à peu près, j'ai eu la possibilité de rencontrer un

11 officier néerlandais qui était responsable en Bosnie, chargé de découvrir

12 les munitions non-explosées, et au cours de la conversation que nous avons

13 eue, je lui ai demandé s'il avait eu la possibilité un jour de voir un

14 système de ce genre. Il m'a répondu qu'il l'avait vu à plusieurs reprises

15 et c'est lui qui m'a, à ce moment-là, montré ces photographies.

16 Je crains de ne pas connaître son nom mais je peux vous le fournir plus

17 tard si cela vous intéresse. Il possède également des photographies d'un

18 autre système d'armements, un système russe, sur le modèle duquel celui-ci

19 a été fabriqué. Donc, on trouvait des exemples de tels systèmes en Bosnie-

20 Herzégovine lorsque les projectiles en question n'avaient pas explosés.

21 Q. J'aimerais appeler votre attention maintenant sur l'intercalaire 25 de

22 la pièce à conviction 637, et de nous décrire en une phrase ou deux ce que

23 l'on voit dans ce document daté du 16 juin 1995.

24 R. Dans ce document, le secteur chargé de la logistique du département

25 technique du Grand quartier général de l'armée de la Republika Srpska

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1 s'adresse au commandement de la 35e base logistique de la 27e base

2 logistique ainsi qu'à l'usine Pretis, un courrier annonçant que la 35e base

3 sera chargée de transporter des bombes provenant de l'usine Pretis, des

4 bombes de 100 kilogrammes, 15 bombes de 250 kilogrammes et 14 ou 11 - je ne

5 sais pas s'il n'y a pas une erreur ici - de propulseurs de missiles de

6 calibre 128 millimètres ainsi que 57 pièces qui complèteront le chargement

7 --

8 Q. J'aimerais vous demander, car nous ne voulons pas perdre de temps,

9 d'examiner maintenant l'intercalaire 26 de la pièce 637. Y a-t-il, à votre

10 avis, une correspondance quelconque entre l'usine Pretis et ces carburants

11 d'explosifs ?

12 R. Oui, tout à fait.

13 Q. Encore une fois, le numéro de l'intercalaire est le numéro 27.

14 R. Oui, oui, tout à fait.

15 Q. Les propulseurs de certaines de ces bombes venaient d'où à votre avis ?

16 R. Compte tenu du fait que l'usine Pretis ne pouvait pas obtenir du

17 carburant pour ce type de missiles, elle ne pouvait plus fabriquer de

18 missiles de calibre 128 millimètres qui était le calibre standard et ne

19 pouvait pas se fournir en carburant pour les missiles de calibre 122

20 millimètres qu'elle venait de commencer à fabriquer avant la guerre. Il

21 fallait qu'elle importe et cela signifiait qu'il fallait organiser des

22 transports en direction de la Bosnie-Herzégovine à partir de l'extérieur.

23 Q. Sur la base de votre expérience, quelles sont les voies qui ont été

24 utilisées par l'acquisition des pièces nécessaires ?

25 R. Normalement, ces produits pouvaient être acquis en Roumanie, en

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1 Bulgarie, en Russie ou en Belarus. En juin 1993, un peloton a commencé à

2 opérer dans la partie urbaine de Sarajevo et j'étais présent, un jour, tout

3 près du point d'impact d'un projectile de ce type. Je me suis rendu sur

4 place. J'ai trouvé des restes de propulseurs qui comportaient des

5 inscriptions indiquant que l'institut d'assemblage technique de Kragujevac

6 était en cause et l'année de fabrication était 1991. Plus tard, au moment

7 où la télévision de Sarajevo a été bombardée, j'ai également vu des

8 propulseurs qui comportaient des inscriptions indiquant qu'il s'agissait de

9 missiles de calibre 122 millimètres qui avaient été assemblés dans

10 l'institut d'assemblage technique de Kragujevac, en Serbie. Et dans mon

11 rapport, on peut trouver des photographies de ces exemples.

12 Q. Une fois que les forces serbes ont quitté Vogosca dans le secteur de

13 Sarajevo en février 1996, avez-vous découvert des schémas techniques

14 relatifs au lancement de telles bombes et missiles ?

15 R. Oui. Il y avait un certain nombre de schémas décrivant le lancement de

16 tels systèmes et les éléments nécessaires à ces lancements.

17 Q. Monsieur --

18 R. Et j'ai eu la possibilité de voir ces schémas.

19 Q. Sans rentrer dans les détails techniques ce ces systèmes de lancement,

20 avez-vous pu déterminer où ces schémas avaient été réalisés et à quel

21 moment ?

22 R. Sur ces schémas, on trouvait le cigle VTI qui signifie institut

23 technique militaire des forces armées, des forces terrestres de l'armée.

24 Q. Mais dans quelle république ?

25 R. Vous parlez de l'institut technique militaire ? Non, ce n'était pas un

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1 institut de Bosnie-Herzégovine.

2 Q. Les schémas que vous avez découverts qui portaient sur les méthodes de

3 lancement de ces missiles, est-ce que vous pourriez nous dire -- est-ce que

4 vous êtes en mesure de dire qui était l'auteur de ces schémas et à quel

5 moment ils ont été établis ?

6 R. Ils ont été établis par l'institut technique militaire de Belgrade mais

7 à quel moment, je ne le sais pas exactement.

8 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

9 pour ne pas perdre de temps, je ne vais pas présenter une écoute

10 téléphonique qui constitue actuellement la pièce à conviction 613. Il

11 s'agit de l'écoute numéro 244 mais j'appellerais l'attention des Juges de

12 la Chambre sur la question suivante que je vais poser au témoin.

13 Q. Monsieur, combien de ces bombes ont-elles été mentionnées pendant la

14 période qui nous intéresse ?

15 R. Ces bombes étaient connues sous le cigle FAB 100 ou 250. Les premières

16 avaient un poids de 100 kilogrammes et les deuxièmes de 250. Donc le numéro

17 de code indique le poids de ces bombes.

18 Q. Merci.

19 M. GROOME : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

20 Président.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Combien de temps vous a-t-on accordé pour

22 vos questions ?

23 M. GROOME : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, quelles

24 questions ? Vous parlez de la durée de l'interrogatoire que je viens de

25 mener.

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Je ne crois pas que nous en ayons

2 discuté au préalable.

3 M. GROOME : [interprétation] Non. Pas avec moi, en tout cas, Monsieur le

4 Président.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais nous devons déterminer quel temps a

6 été utilisé par l'Accusation. Et puis, il faut bien surveiller à l'équité

7 de l'interrogatoire et du contre-interrogatoire. Est-ce que vous auriez un

8 autre point à aborder durant l'audience d'aujourd'hui, peut-être ?

9 M. GROOME : [interprétation] Je sais que M. Tieger souhaiterait reprendre

10 l'interrogatoire après le contre-interrogatoire, pour l'achever aujourd'hui

11 si possible.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci. Très bien.

13 L'INTERPRÈTE : Monsieur Tieger a un interrogatoire à terminer après la fin

14 du contre-interrogatoire de ce témoin.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons réfléchi à la décision qu'il

17 nous appartient de prendre de façon à permettre à l'accusé de disposer d'un

18 temps de contre-interrogatoire équitable par rapport au temps de

19 l'interrogatoire principal. Il faut bien sûr que nous tenions compte de

20 l'intérêt de toutes les parties. Nous allons accorder le reste du temps à

21 l'accusé pour son contre-interrogatoire. Mais nous réserverons quelques

22 minutes si le temps nous le permet aux amis de la Chambre qui pourraient

23 avoir à poser quelques questions.

24 Donc, Monsieur Milosevic, vous pouvez commencer.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je tiens vraiment pour commencer

Page 30979

1 à remercier M. Groome d'avoir présenté un témoin comme celui-ci. D'autant

2 plus que grâce à ce témoin, il présente à la Chambre un très grand nombre

3 de documents. Ce qui permet à chacun dans ce prétoire d'apprendre, deux ans

4 après le début des débats, quelle était l'énorme quantité de munitions qui

5 a été fabriquée sur le territoire de l'ancienne Bosnie-Herzégovine, et

6 notamment en Republika Srpska. On est même en mesure de constater que la

7 République fédérale de Yougoslavie, ou plutôt l'armée de Yougoslavie

8 procédait à l'acquisition de certains de ces systèmes et de certaines de

9 ces munitions. Jusqu'à présent, chacun avait tendance à penser que tout

10 venait de la République fédérale de Yougoslavie.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce n'est pas le moment d'un discours,

12 mais le moment de votre contre-interrogatoire.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. J'ai reçu une documentation très

14 volumineuse en préparation à l'audition de ce témoin, qui a d'abord annoncé

15 avoir été présent lors des explosions de Markale. Mais je constate

16 aujourd'hui, que de nombreux autres éléments matériels ont été fournis en

17 relation avec l'audition de ce témoin. Je ferai de mon mieux pour me

18 concentrer sur tous ces documents, en laissant un certain temps à cet

19 expert bien sûr, pour qu'il rende compte des explosions survenues sur le

20 marché de Markale.

21 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

22 Q. [interprétation] J'aimerais d'abord rapidement passer en revue un

23 certain nombre de documents présentés par M. Groome. Nous avons vu un

24 rapport sur les possibilités de financement des usines à destination

25 spéciale.

Page 30980

1 Monsieur Zecevic, cet ensemble d'équipement militaire et de munitions fait

2 l'objet d'une activité commerciale, n'est-ce pas, qui n'est pas

3 exclusivement de nature économique ?

4 R. Non, pas exclusivement de nature économique. Elle ne pouvait

5 fonctionner que grâce aux usines militaires qui étaient sous le contrôle du

6 ministère fédéral de la Défense nationale, compte tenu du fait que les prix

7 de ces produits étaient établis au préalable par ce ministère fédéral. Par

8 conséquent, il ne s'agissait pas de production économique indépendante.

9 Mais l'industrie militaire était tout de même une activité économique en

10 partie.

11 Q. Monsieur Zecevic, vous avez travaillé dans une entreprise dans laquelle

12 j'ai moi-même travaillé pendant plusieurs années. Indépendamment de la

13 nature du produit fabriqué par une entreprise, il faut nécessairement que

14 s'exerce un certain contrôle, notamment lorsqu'il est question de matériel

15 militaire. Les autorités militaires ont un certain pouvoir de contrôle.

16 Mais lorsqu'on parle d'entre -- parce que lorsqu'on parle d'une entreprise

17 classique, elle fonctionne en général dans une totale indépendance. Mais ce

18 type d'entreprise avait des dépenses un peu particulières, donc une

19 comptabilité particulière également. Elle faisait par ailleurs un profit

20 comme toute entreprise commerciale, et versait des sommes à divers fonds.

21 Elle payait ses dépenses à partir de ses recettes. Elle décidait elle-même

22 des pièces qu'elle allait fabriquer. Par conséquent, c'est une entreprise

23 qui tout de même fonctionnait dans la vie économique comme toute autre

24 entreprise, n'est-ce pas ?

25 R. Non. Toutes les usines militaires de Yougoslavie faisaient partie d'un

Page 30981

1 seul et même système qui ne pouvait pas fonctionner indépendamment. Il

2 s'agissait de respecter ce qu'il était convenu d'appeler le principe de la

3 production commune, qui signifiait que le prix de ses produits était

4 déterminé par le ministère au niveau de la fédération, le ministère de la

5 Défense nationale, et que toutes les usines militaires avaient une

6 participation à ce système global s'agissant de la fabrication d'un certain

7 nombre de produits destinés à l'armée populaire yougoslave.

8 Pour les exportations, par exemple, il était impossible à une seule usine

9 militaire d'exporter. Les ventes se faisaient par le biais d'institution

10 qui relevait du ministère de la Défense nationale. La distribution des

11 financements était également contrôlée usine par usine. Donc, ces usines

12 militaires ne peuvent pas être considérées comme des entités indépendantes,

13 parce qu'elles ne prenaient pas leur propre décision dans un grand nombre

14 de domaines. C'est un système relativement compliqué pour celui qui n'est

15 pas spécialiste.

16 Q. Oui. Mais c'est compliqué pour ceux qui ne comprennent pas le

17 processus. Mais comme vous l'avez expliqué, il n'y a pas une seule usine

18 qui produit toutes les pièces du produit final qu'elle. Mais sur le marché,

19 combien y a-t-il d'usines qu'interviennent pour la fabrication d'un simple

20 véhicule personnel ? Qui produit les instruments de mesures, les pièces en

21 plastique ? Qui fabrique les pneus, les pare-chocs ? Il est donc tout à

22 fait difficile en Yougoslavie comme ailleurs, de trouver une seule usine

23 qui produit toutes les pièces destinées à constituer un produit fini.

24 R. Oui. Mais la différence, c'est que le prix des productions militaires

25 était fixé différemment de la façon dont était fixé le prix d'une voiture

Page 30982

1 Zastava, parce qu'en général, c'est le marché qui détermine le prix.

2 Q. Vous aviez également des pertes parfois. Alors, qui est-ce qui couvrait

3 les pertes ?

4 R. Nous n'avions pas de pertes, pour la simple raison que l'usine Pretis

5 avait jusqu'à 50 à 70 millions de recettes à l'exportation, c'est-à-dire,

6 60 % du prix de ses productions. Il s'agissait d'entreprises qui étaient

7 largement bénéficiaires.

8 Q. L'usine Pretis était une usine largement bénéficiaire qui fonctionnait

9 comme tout autre usine sur le marché.

10 R. Une usine hautement bénéficiaire, mais placée sous un contrôle direct,

11 c'est-à-dire, que les prix et les salaires du personnel étaient fixés à

12 l'avance. Il n'était pas question d'augmenter les salaires lorsque les

13 bénéfices augmentaient.

14 Q. Les salariés n'ont jamais bénéficié du profit réalisé par l'usine

15 Pretis ?

16 R. Rarement.

17 Q. Cela me surprend, parce que je pense que dans la plupart des

18 entreprises yougoslaves, les personnels recevaient des primes lorsque

19 l'usine faisait du profit.

20 Donc, ce rapport de l'industrie militaire, bien sûr, toute production

21 militaire est un peu particulière compte tenu de sa nature militaire, bien

22 entendu. Mais j'aimerais vous lire le premier paragraphe de ce texte. "Dans

23 les conditions de guerre en Bosnie-Herzégovine, il est possible de

24 poursuivre une coopération organisée avec les divers éléments relevant de

25 la République fédérale de Yougoslavie dans le but d'organiser la production

Page 30983

1 à Rudi Cajavec…" qui fabrique des composants électroniques, n'est-ce pas ?

2 R. Oui. Il s'agit de fabrication de postes de télévision et de radio, ce

3 genre de choses. Il y avait l'usine Rudi Cajavec, Pretis, Famos.

4 Q. Famos produisait les moteurs, n'est-ce pas ?

5 R. Oui. Il est fait référence ici à des véhicules spéciaux.

6 Q. Oui, mais les moteurs provenant de l'usine Famos étaient également

7 utilisés par l'usine de camion de Priboj en Serbie. Il y avait ce groupe

8 qui s'appelait Famos, et qui avait une coopération commerciale avec

9 Mercedes. Vous vous souvenez de cela ?

10 R. Oui. Vous avez tout à fait raison s'agissant des automobiles.

11 Q. Et puis, il y a Pobjeda qui est une autre usine, où la coopération

12 était possible également jusqu'à un certain moment. Nous avons ici un avis

13 qui est exprimé dans ce document, un avis d'expert je dirais, de la part de

14 spécialistes commerciaux. Et je souligne les conditions dans lesquelles cet

15 avis était donné, car il était déjà question des conditions de la

16 stabilisation économique. Et puis un point, c'est tout.

17 Il y a indication du fait que des commerciaux qui travaillent dans un

18 domaine commercial particulier, s'occupent dans ce document de problèmes

19 économiques particuliers. Et on vous montre ce document, où il est question

20 de la nomination d'un directeur pour l'usine Pretis, le groupe Pretis de

21 Vogosca, nomination à ce poste par le gouvernement de la Republika Srpska,

22 ou pour être plus précis par le premier ministre, M. le professeur Branko

23 Djeric. Ce qui est tout à fait logique également, car la Republika Srpska

24 avait été créée, et l'usine Pretis se trouvait sur le territoire de cette

25 Republika Srpska. N'est-ce pas exact, Monsieur Zecevic ?

Page 30984

1 R. Non. La Republika Srpska n'existait pas encore.

2 Q. Et bien, comment se fait-il que le premier ministre, M. le professeur

3 Branko Djeric, car si je ne m'abuse, il était bien premier ministre de la

4 Republika Srpska, soit mentionné dans ce document. Il est dit ici que le

5 gouvernement de la République serbe de Bosnie-Herzégovine est l'auteur de

6 cette décision.

7 R. Nous pouvons discuter de cela pendant des heures. Mais j'aimerais

8 appeler votre attention sur un autre point. Si le président de la

9 communauté des industries militaires de Yougoslavie propose l'établissement

10 de telles relations, pourquoi ne mentionne-t-il pas l'usine de Bugojno ?

11 Q. Et bien, il mentionne l'usine de Pobjeda à Gorazde.

12 R. Mais on pensait que Pobjeda serait placé sous le contrôle des forces

13 serbes. Malheureusement, cela n'a pas été possible à l'époque.

14 J'aimerais appeler votre attention sur le fait que le président de

15 l'association des usines d'armements, doit être nommé avec l'accord des

16 autorités militaires compétentes. En bref, il s'agit d'harmoniser les

17 conditions sur le plan de la sécurité, et de coordonner la fabrication de

18 munitions, et cetera, et cetera. Si nous nous contentons de dire qu'il

19 était président de l'association des industries d'armements, alors, on peut

20 penser que les autorités militaires peuvent intervenir pour assurer la

21 sécurité dans l'usine. Mais il aurait dû s'occuper de problèmes

22 professionnels, et non uniquement de problèmes de sécurité militaire.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je dois suspendre l'audience pour

24 quelques instants, car l'heure tourne. Pause de 20 minutes. Monsieur

25 Zecevic, comme je le fais pour tous les autres témoins, je me vois dans

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1 l'obligation de vous rappeler que pendant la pause, vous ne devez parler à

2 personne de votre déposition. Et ceci vaut jusqu'à la fin de votre

3 déposition.

4 Vingt minutes de pause.

5 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

6 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Poursuivez.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Je vais essayer d'avancer le plus vite possible, car il nous reste peu

10 de temps, Monsieur Zecevic. Je vais donc vous demander de la façon la plus

11 concise possible. Bien sûr pas au détriment de ce que vous avez à dire,

12 mais essayons de garder ceci dans les limites du raisonnable.

13 Nous avons plusieurs documents indiquant que la Republika Srpska était en

14 train d'être formée, et elle a donc établi une réglementation de son

15 économie et aussi de son complexe industriel. On voit ici pour ce document

16 portant la mention du directeur du groupe Pretis, le gouvernement de la

17 République serbe de Bosnie-Herzégovine adopte une décision portant

18 désignation de ce directeur, et c'est signé de la main du premier ministre.

19 Ce n'est pas contesté.

20 R. Pas du tout.

21 Q. M. Groome vous a demandé un commentaire sur ce qui se passait. Il vous

22 a demandé aussi ce que le groupe Pretis obtenait comme marchandises venant

23 d'ailleurs. Vous avez parlé d'électricité, de charbon, de vapeur,

24 d'explosifs fabriqués à Vitez qui se trouvait sous le contrôle du HVO, et

25 aussi de fusible -- ou de fusées plus exactement de Gorazde. C'est une

Page 30986

1 usine qui se trouvait aussi sous le contrôle de l'armée de Bosnie-

2 Herzégovine, n'est-ce pas ? Vous avez parlé d'éléments dispersés au niveau

3 de leur origine, n'est-ce pas ? Ce n'est pas contesté.

4 R. Non.

5 Q. Fort bien. Vous avez également eu l'occasion de consulter un assez long

6 document en date du 26 novembre 1992. Il concernait les problèmes que

7 connaissait la Republika Srpska, pour ce qui est de la production à

8 destination spéciale.

9 R. Pourriez-vous me donner l'intercalaire, afin que je vous suive plus

10 facilement ?

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Intercalaire 5.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Ici, on parle surtout de questions économiques et financières.

14 R. Ici, je me dois d'intervenir. Excusez-moi.

15 Q. Oui. Allez-y.

16 R. Il ne s'agit pas uniquement de questions économiques. Par exemple, à la

17 page 5 de cet intercalaire-ci, il est dit que les créances générales de

18 l'usine à destination ou à production spéciale par rapport au SDPR,

19 représentent un certain montant en dollars, 100 millions de dollars. Ceci

20 englobe des usines qui à ce moment-là, se trouvent sous le contrôle de

21 l'armée de Bosnie-Herzégovine.

22 Q. Monsieur Zecevic, ce qui m'intéresse, ce n'est à savoir si ces

23 informations sont exactes. Mais vous savez que la SDPR s'occupait de

24 l'exportation des produits venant de l'industrie spécialisée pour ce qui

25 est de la Yougoslavie, n'est-ce pas ?

Page 30987

1 R. Oui. Mais à ce moment-là, la SDPR n'avait pas d'autorité.

2 Q. Non. Mais les créances dues le demeure, n'est-ce pas ?

3 R. Oui, tant qu'il n'y a pas eu réglementation légale des choses en

4 Bosnie-Herzégovine, la SDPR, mais c'était vrai aussi de la communauté des

5 productions militaires, n'avait pas le droit de s'immiscer dans le

6 fonctionnement des affaires internes de la République de Bosnie-

7 Herzégovine, qui existait elle également, à cette époque.

8 Q. Oui. Mais la SDPR ne s'immisce pas dans ces questions. On parle

9 d'informations à propos des problèmes que connaît à ce moment-là

10 l'industrie à fabrication spéciale de la Republika Srpska. Et c'est

11 présenté au gouvernement de la Republika Srpska.

12 R. Oui. Mais il me semble que ceci n'ait rien changé pour ce qui est de son

13 domaine d'influence. C'est cela la différence.

14 Q. Oui. Mais ici, je vous montre une différence. Fin de page 7 il est dit

15 comme ceci : "Comme nous sommes dépendants d'eux, inévitablement, ils sont

16 en mesure de faire pression sur nous." Donc, on parle des relations

17 économiques entre les différentes entreprises.

18 R. Exact.

19 Q. Ils demandent à ce que différentes dettes soient payées. Il est

20 question de plusieurs entreprises, notamment aussi de la SDPR en

21 Yougoslavie. On dit qu'ils sont en mesure de faire un chantage à notre

22 égard, pour exiger le remboursement de vielles dettes, et ils nous

23 menacent. On parle donc des dettes qu'il faut rembourser. C'est vrai pour

24 toutes les entreprises. Mais comment dire, on essaie de replacer tout ceci

25 dans un cadre plus général, dans cet équilibre général qu'il faut trouver

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1 entre la République fédérale de Yougoslavie, la République de Bosnie-

2 Herzégovine, la Republika Srpska, et ainsi de suite. Car il faut qu'il y

3 ait une répartition des ressources et des actifs. On demande ici des

4 paiements en espèces anticipés à l'avance, en vue de nouvelles commandes.

5 C'est donc la réalité que mentionne ce document.

6 R. Mais effectivement. C'est bien ce qui est écrit ici.

7 Q. De plus, il y a des renseignements concernant les capacités de

8 production du groupe Pretis. On parle du développement de ce groupe qui

9 s'oriente sur huit voies. On explique qu'il y a la production spéciale à

10 des fins militaires aussi, qu'il y a deux lignes de production générale

11 pour ce qui est d'équipement, aussi pour l'industrie automobile, pour les

12 industries du transport, et d'autres programmes de production qui

13 s'orientent en fonction des besoins du marché. Il y a d'autres

14 renseignements également, d'autres informations --

15 R. Pourriez-vous donner l'intercalaire. Je ne vous suis pas. Il m'est donc

16 impossible de répondre à vos questions.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est l'intercalaire suivant.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Je me contente de citer toutes ces données. On parle du principal

20 partenaire en matière de coopération Nicivic [phon], Bistrica, Nevocenica

21 [phon] Vlasenica, Vitez, autant d'installations qui s'inscrivent dans le

22 contexte économique, des capacités de production et de fabrication de

23 Pretis ?

24 R. Non, non. C'est la coopération militaire ici dont il est question.

25 Voilà la différence. Si le produit fini a pour objet de tuer des gens à

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1 Sarajevo, on ne peut pas dire que ce sont de bonnes affaires, de bonnes

2 activités économiques.

3 Q. Je vous en prie. Voici ici les informations fournies par le groupe

4 Pretis au secrétariat de l'Economie de la municipalité serbe de Vogosca,

5 n'est-ce pas ? Voilà le document concerné. On explique quelles sont les

6 capacités de production de Pretis, explication fournie à la municipalité de

7 Vogosca ?

8 R. Je ne vois pas ce qu'on peut contester à propos de ce rapport si ce

9 n'est le fondement même, la teneur essentiel.

10 Q. Mais le fondement concerne les activités générales de Pretis avant la

11 guerre. Il est précisé ce qu'il est possible d'utiliser parmi toutes ces

12 installations.

13 R. Oui, tout ce rapport me semble correct.

14 Q. Fort bien. Ensuite, nous trouvons la lettre du directeur de ce groupe,

15 M. Milorad Motika, lettre adressée à l'usine de Lucani. Il dit à l'usine de

16 Lucani qu'il a fourni des douilles, des jeux complets et pour sa part,

17 l'usine de Lucani demande la livraison. Ceci montre les relations existant

18 entre deux entreprises différentes. Ce document montre notamment que

19 l'usine de Lucani achète des produits à l'autre compagnie, à l'autre

20 entreprise qui lui en vend.

21 R. Non, non. En vertu du droit international, s'il s'agit d'explosifs, il

22 faut respecter une certaine procédure. On n'a pas le droit de transférer ce

23 genre de produits d'une entreprise à un autre sans respecter ces règles. On

24 peut parvenir à un accord, certes, mais une fois qu'il y a accord, il faut

25 le respecter. Il faut respecter la réglementation prévue par cette

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1 procédure.

2 Or, à ce moment-là, il y avait une guerre en Bosnie-Herzégovine. S'il y

3 avait exportation de munitions depuis la Serbie ou c'est des éléments

4 composant des munitions, que ce soit les fusées, les amorces, des douilles,

5 si ceci était envoyé en Bosnie-Herzégovine alors que ce pays se trouvait

6 sous embargo, et bien, il y avait participation directe à l'assassinat de

7 personnes sans défense, non armées. Ici, on voit que les deux entreprises

8 conviennent de se fournir des éléments. Il y a une entreprise qui est à

9 huit kilomètres de Sarajevo et elle était sensé produire des munitions qui

10 allaient être destinées à tirer sur les habitants de Sarajevo.

11 Q. Mais qu'en est-il de ce qui était vendu à une entreprise en

12 Yougoslavie ? Il n'y avait pas de guerre en Yougoslavie. Qu'est-ce qu'on a

13 fait à ce propos ? Cette autre entreprise vendait quelque chose à une

14 entreprise yougoslave ?

15 R. A ce moment-là, il était impossible à la Yougoslavie de produire des

16 éléments de T72 et de M84. Et bien sûr, l'armée yougoslave, que voulait-

17 elle ? Elle voulait disposer de ce type de munitions pour les chars T72 et

18 M84. Ce sont des chars que n'avait pas l'armée de Bosnie-Herzégovine, armée

19 serbe de Bosnie-Herzégovine en tout cas, très peu par rapport à l'armée

20 yougoslave.

21 Q. Merci de cette explication. Donc, vous voulez dire que l'armée

22 yougoslave obtenait les munitions dont elle avait besoin de Pretis, n'est-

23 ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Donc elle achetait à ce groupe Pretis des produits que l'usine

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1 fabriquait et ce que les entreprises yougoslaves ne pouvaient pas

2 fabriquer ?

3 R. Et en même temps, elles vendaient à Pretis ce que Pretis ne pouvait pas

4 acquérir en Bosnie.

5 Q. Mais n'est-ce pas la nature même de toute échange commercial. Je vais

6 parcourir rapidement ces documents parce que je dois passer à votre rapport

7 d'expert.

8 Vous parlez de l'usine de production générale de Kragujevac qui

9 fonctionnait en tant qu'entreprise.

10 R. Non, non. Ce n'est pas une entreprise ordinaire. En fait, elle a code

11 postal, un code militaire. C'est une unité de l'armée yougoslave. Par

12 conséquent, il ne s'agit pas d'une entité économique indépendante,

13 autonome.

14 Q. Mais ce qui est très certain, c'est qu'en fait, elle a reçu des

15 paiements pour les services prestés.

16 R. Oui.

17 Q. Et ceci à titre de façon commerciale.

18 R. Mais vous savez que les généraux, et bien, voient leurs services

19 rémunérés par la solde qu'ils reçoivent.

20 Q. Ici, c'est un peu différent. Intercalaire 10, on parle ici "d'échange

21 de troque," si vous voulez, effectué entre le dépôt d'entretien et de

22 maintenance de Kragujevac et le groupe Pretis, les deux entités étant

23 représentés par leurs directeurs. Il s'agit d'un échange de marchandises

24 entre ces deux parties au contrat. Cet échange est précisé par les

25 conditions reprises dans ce contrat.

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1 Examinez l'article 2, on parle de bois, on parle de moteurs, on parle de

2 moteurs de Golf, de produits métalliques fournis par la Bosnie et ce qui

3 est importé en Bosnie, ce sont des mines, des munitions, du carburant, ce

4 qui est nécessaire pour les mortiers de 120 millimètres, c'est donc du

5 troque. Chacun vend ce qu'il a et obtient ce qu'il n'a pas.

6 R. Un embargo avait été imposé sur l'importation d'armes en Bosnie-

7 Herzégovine.

8 Q. Mais il y avait un embargo sur toutes ces marchandises. Des sanctions

9 avaient été imposées à la totalité de la République fédérale de

10 Yougoslavie.

11 R. Ici, je parle de l'assassinat de gens. Des gens ont été tués en Bosnie.

12 Ils ont été tués à cause, notamment, de ce contrat de troque.

13 Q. A ma connaissance, tous les pays procèdent à des échanges d'armes, de

14 matériel militaire, tout ceux qui disposent de leur propre industrie

15 militaire. Vous le savez pertinemment puisque vous avez été un employé

16 d'une telle industrie.

17 R. Oui, mais il y a des circonstances spéciales parfois lorsqu'il y a

18 crise. Et lorsqu'il y a crise, il y a des règles particulières qui

19 régissent l'importation et l'exportation d'armes.

20 Q. M. Groome vous a posé une question à propos de ce télex. Ça a été

21 dactylographié comme si c'était un télégramme. On parle d'une munition de

22 125 millimètres pour les chars M84, n'est-ce pas, notamment ? Est-ce que

23 ceci ne montre pas clairement que la République fédérale de Yougoslavie

24 achète ses produits à Pretis ?

25 R. Oui. Munitions de 125 millimètres envoyés en Bosnie-Herzégovine, ce

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1 qu'il faut pour tuer des gens.

2 Q. Et avant, il y a 2 000 tonnes d'acier qui viennent de l'aciérie de

3 Niksic.

4 R. C'est rendu impossible car les ressources financières sont

5 insuffisantes.

6 Q. Mais c'est bien ce qui est demandé, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, pour tuer des gens, une fois de plus.

8 Q. Mais lorsque quelqu'un passe une commande d'acier à une aciérie, c'est

9 simplement une production --

10 R. Non, non, pas lorsqu'il s'agit de fabriquer des projectiles. Vous savez

11 qu'il y a un type particulier d'acier qu'on utilise à des fins spéciales

12 utilisées à partir de critères spéciaux des éléments d'ôter de propriétés

13 physiques et mécaniques particulières utilisées pour la manufacture, la

14 production de projectiles. Ici, en l'espèce, l'usine de Niksic est

15 spécialisée. Elle a été construite pour produire un type d'acier bien

16 particulier. Cet un acier de haute qualité qui est très coûteux et utilisé

17 uniquement pour la fabrication de munitions et pour des composantes très

18 sophistiquées.

19 Q. Et c'est vrai que Niksic fabrique cet acier particulier, spécialisé,

20 mais on fabrique d'autres types, également, n'est-ce pas ? Ici, je pense

21 que nous sommes à l'intercalaire 18. Je voulais relever ces données. Ce ne

22 sont pas les volumes qui m'intéressent. Vous avez un rapport concernant les

23 munitions fournies par le groupe Pretis en application des instructions

24 fournies par le Grand état major de l'armée de la Republika Srpska, et ceci

25 concerne la période allant du 1er janvier 1993 au 30 novembre 1993. Ce sont

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1 les instructions données par le Grand état major de l'armée de la Republika

2 Srpska, et voilà les produits fournis par Pretis. Suite une liste qui fait

3 plusieurs pages et qui montre la quantité de produits manufacturés et

4 envoyés aux différentes unités.

5 R. On ne parle pas ici de la fabrication. On parle simplement des

6 quantités reçues par l'armée de la Republika Srpska.

7 Q. Mais venant de Pretis.

8 R. Oui, de Pretis.

9 Q. Donc c'est la différence. Un peu plus loin également - il y a beaucoup

10 d'intercalaires dans cette pièce - et ici, vous avez ensuite l'intercalaire

11 19. Une fois de plus, on fait référence au fait que pour répondre au besoin

12 de l'armée, Pretis fournit certaine quantité de munitions ?

13 R. Oui.

14 Q. Intercalaire 20, on a le tableau montrant les munitions fournies au

15 cours de la période allant du 1er février jusqu'au 28 février. Sont nommés

16 les différentes pièces et on précise les unités qui ont reçu de telles ou

17 telles quantités.

18 On a placé sur le rétroprojecteur cette vue d'ensemble, ce tableau pour

19 Vogosca, Ilijas, Sokolac, Baza [phon], et Pale. Ce sont les différentes

20 brigades qui ont reçu ces munitions. Comment dire, on voit ici qu'il y a à

21 activité continue et régulière de l'industrie militaire de la Republika

22 Srpska, en l'occurrence du groupe Pretis, ce qui est tout à fait logique

23 parce qu'il y a un état de guerre, n'est-ce pas, Monsieur Zecevic ?

24 R. Ce n'est pas contesté. Cette production n'aurait pas pu se faire sans

25 l'appui de la Yougoslavie. C'est là que le bas blesse.

Page 30995

1 Q. Mais vous voyez, M. Groome vous a posé une question. Ce qui est certain

2 c'est qu'il y a eu des fournitures de la Yougoslavie. Ce n'est pas

3 contesté. Mais M. Groome vous a demandé où des parties de ces armes, d'où

4 elles étaient venues, d'où elles avaient été importées. Vous avez mentionné

5 la Roumanie, la Bulgarie et la Russie. Vous avez mentionné tous ces pays du

6 pacte de Varsovie qui avaient le même type d'arme où il était possible de

7 faire ces achats. Vous avez mentionné vous-même ces pays.

8 R. Mais je dois vous corriger sur une chose ici. Nous avons des roquettes

9 de 122 millimètres. Nous avons ce projectile GLAD M21. C'est là que se pose

10 la question parce que c'est à cause des dimensions écrites sur des parties

11 de projectile que j'ai trouvé. Plus tard ceci a été vérifié par le dépôt

12 technique de Kragujevac. C'est de cela que je parlais, parce qu'on peut

13 apposer ces mentions de différentes façons en utilisant des couleurs

14 différentes ou en inscrivant dans le métal, même ce genre de mentions, en

15 gravant ce genre de chose dans le métal. Je n'ai pas parlé d'autres

16 munitions. Il n'était pas possible de fabriquer du 122 millimètres à Pretis

17 ni en Yougoslavie, parce que ça n'existe pas. Ça devait être importé. Nous

18 avons des photographies pour le prouver. Nous avons vu ces mentions. Il y a

19 eu réparation à Kragujevac. Mais c'est Sarajevo qui a été pris pour cible

20 avec ces munitions. C'est ça la vérité.

21 Q. Mais vous savez qu'ici on a des éléments qui entrent dans la production

22 de projectile, et on achète ces éléments-là où on peut les trouver, n'est-

23 ce pas ?

24 R. Je ne sais pas. Je n'étais pas au courant de cela.

25 Q. Fort bien. Puisque M. Groome vous a posé la question, il vous a posé

Page 30996

1 une question à propos de certains croquis, de certains schémas qui seraient

2 restés à Pretis et que vous auriez eu l'occasion de voir. Vous avez répondu

3 que ceci avait été conçu à l'institut technique militaire. Il n'y en a

4 qu'un sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, n'est-ce pas ?

5 R. Il y en a deux. I y a celui des forces aériennes et l'autre c'est celui

6 des forces terrestres.

7 Q. Fort bien. Je me corrige. Il n'y a qu'un institut militaire technique

8 des forces terrestres sur le territoire de l'ex-RSFY.

9 R. Oui.

10 Q. Il était à Belgrade.

11 R. Oui.

12 Q. Et c'est là que se préparaient tous les projets pour les armes

13 spéciales, n'est-ce pas, en Yougoslavie ?

14 R. Jusqu'en 1976. A partir de ce moment-là, à Bled, le conseil militaire a

15 estimé qu'il devait également participer à la recherche et le

16 développement.

17 Q. Donc les usines ont eu leur propre service de recherche et de

18 développement et à part cela il y avait l'institut technique militaire ?

19 R. Exact.

20 Q. Par conséquent, ces croquis, ces projets de conception de projectiles,

21 ils ont été faits au moment où il y a eu construction de ces projectiles.

22 R. Non. Si l'on parle de ces roquettes 122 millimètres, jamais elles n'ont

23 été conçues jusqu'en 1992 à l'institut militaire technique.

24 Q. Mais ces croquis que vous avez vus, de quoi parlaient-ils ? Avec quoi

25 avaient-ils rapport ?

Page 30997

1 R. Il s'agissait d'une rampe de lancement pour des bombes du genre

2 roquette.

3 Q. Ça veut dire que les ingénieurs de l'institut militaire ont fait leur

4 travail de professionnel et ont fabriqué certaines pièces nécessaires pour

5 cette rampe de lancement.

6 R. Oui, pour un autre pays.

7 Q. Donc ils ne faisaient pas pour leur propre pays, mais pour un autre

8 pays.

9 R. D'après les informations dont je dispose, ce système n'a pas été

10 introduit dans l'armée de Serbie et du Monténégro, pas plus que ceci

11 n'aurait jamais été présenté publiquement dans une unité de l'armée

12 yougoslave.

13 Q. Mais vous savez-vous que bon nombre de systèmes ne sont pas fabriqués,

14 sont testés et puis sont soit introduit, mise en œuvre ou pas dans tout le

15 système d'armement, quoi qu'il en soit. L'institut militaire avait

16 suffisamment de chercheurs et de concepteurs que pour mettre au point, tels

17 ou tels nouveaux projets, et il incombait aux autorités compétentes de

18 décider si ce produit allait être fabriqué ou pas.

19 R. L'institut militaire technique c'est une institution professionnelle,

20 et ceci ne relève pas de ses compétences.

21 Q. Je n'ai plus d'autres questions à vous poser à propos du congloméra

22 militaire de la Republika Srpska. Cette question nous l'avons suffisamment

23 étudiée. Maintenant passons si vous le voulez bien à des éléments qui

24 relèvent de votre compétence. Nous allons parler plus exactement de

25 l'incident du marché de Markale.

Page 30998

1 Cependant, auparavant avant de vous poser des questions plus précises, je

2 reviens à votre déclaration de 1996, paragraphe 8, page 2, vous avez dit

3 que vous êtes porté volontaire pour travailler au sein de l'équipe

4 enquêtant sur l'incident de Markale ?

5 R. Oui.

6 Q. C'était le 5 février 1994 ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous êtes porté volontaire au moment où vous avez entendu dire que le

9 général Smith de la FORPRONU avait dit qu'il était impossible d'établir

10 l'origine du tir ?

11 R. Oui.

12 Q. Jusqu'à ce moment-là jusqu'au moment où vous avez entendu dire cela,

13 vous n'aviez pas participé à l'enquête.

14 R. Non.

15 Q. Lorsque vous avez entendu ce qu'avait dit le général Smith, vous ne

16 déteniez pas les éléments qui avaient été établis ou qui n'avaient pas été

17 établis par les équipes de la FORPRONU. C'est évident, n'est-ce pas ?

18 R. Non, je n'ai pas pu consulter les conclusions tirées par les équipes de

19 la FORPRONU.

20 Q. Dites-moi une première chose un peu parallèle. Savez-vous à quel moment

21 le général Smith s'est trouvé en Bosnie-Herzégovine ?

22 R. Je pense que, de toute façon, je me suis trompé sur son nom, mais peu

23 importe.

24 La télévision a donné des informations selon lesquelles il était impossible

25 d'établir l'origine du projectile. Moi, j'ai appelé un de mes collègues du

Page 30999

1 service technique. Il m'a dit de venir le lendemain. Je suis allé. Sur les

2 lieux s'y trouvait un juge. Moi, je me suis présenté. J'avais amené deux

3 collègues à moi qui sont des experts en balistique, et deux d'entre nous

4 ont été nommés experts, censés présenter un rapport.

5 Q. Je parcours les événements tels qu'ils se sont déroulés avant votre

6 rapport. L'explosion s'est produite le 5 février 1994, vers midi.

7 R. Oui.

8 Q. A-t-il été établi que trois équipes des Nations Unies se sont rendues

9 sur les lieux de l'explosion, aussitôt après celle-ci ?

10 R. Cela, je ne sais pas. Parce que moi, j'étais dans un autre quartier de

11 Sarajevo. C'est seulement le soir que j'ai appris cela par la radio et la

12 télévision, et j'ai vu aussi des images.

13 Q. Il y a eu plusieurs équipes. Il y avait le commandant Russell, il y a

14 eu Fairbud [phon] aussi. Avez-vous vu leurs rapports ?

15 R. Non. A ce moment-là, je n'avais pas encore vu leurs rapports. Au moment

16 où j'ai rejoint cette équipe, moi, je n'étais pas dans l'armée. Je n'avais

17 pas de fonction officielle. J'étais simplement un particulier qui

18 travaillait à l'institut Unis et j'avais des instructions en cette

19 capacité-là.

20 Q. Mais savez-vous que ces équipes avaient établi que cet obus avait sans

21 doute été tiré par la partie musulmane ?

22 R. Non.

23 Q. C'est seulement -- et j'accepte ce que vous dites, lorsque vous parlez

24 de cette erreur. Parce que le général Smith n'était pas en Bosnie à

25 l'époque, de toute façon. Lorsque vous avez appris cela à la télévision,

Page 31000

1 lorsque vous avez appris qu'il n'était pas possible d'établir d'où venait

2 ce tir, c'est seulement à ce moment-là que vous vous êtes porté volontaire.

3 R. Mais c'était mon obligation, en tant qu'homme de métier.

4 Q. Puis, vous vous êtes présenté au centre de Sécurité ?

5 R. Non. Mais au centre -- au service d'enquêtes judiciaires. Parce qu'en

6 1992 et 1993, j'avais travaillé pour ce service.

7 Q. Et vous avez demandé à ce service, l'autorisation de participer à

8 l'enquête ?

9 R. Non. De toute façon, ils ne pouvaient pas me donner la permission de le

10 faire. Je n'ai pas demandé l'autorisation de participer à ces travaux au

11 centre de Sécurité. Je me suis adressé au juge.

12 Q. C'était le juge qui vous a nommé dans cette équipe d'experts, vous et

13 deux de vos collègues.

14 R. Exact.

15 Q. Vous trois, vous avez reçu une fonction officielle à ce moment-là.

16 R. Oui. Nous étions habilités à aller sur les lieux, à procéder à

17 certaines analyses qui nous semblaient nécessaires.

18 Q. Vous avez commencé votre enquête. Vous avez inspecté les lieux. Vous

19 avez procédé à toutes les mesures nécessaires. Vous avez filmé les lieux.

20 Puis, vous avez vu des images télévisées.

21 R. Non, non. J'ai vu une partie du reportage, là où on voit un soldat de

22 la FORPRONU qui retrouve les lettres de stabilisation au sol.

23 Q. Puis, vous avez procédé à des simulations par ordinateur, et vous avez

24 tiré vos propres conclusions, avec un degré d'erreur 2,5 %. Vous avez

25 calculé l'azimut. Vous avez calculé la trajectoire. Ce que vous décrivez à

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1 la page 3 de votre déclaration, et vous avez tiré vos conclusions dans

2 votre rapport d'expert.

3 R. Oui.

4 Q. Vous avez donc vos conclusions d'experts qui portent la date du 7

5 février 1994.

6 R. Exact. Il m'a fallu 30 heures pour rédiger ce document. Pensez-vous

7 qu'on puisse le faire en moins de temps --

8 Q. Pas du tout, au contraire. Je suis plutôt d'avis que vous avez décidé

9 d'enquêter sur des événements en tant que volontaires le 5 février, et que

10 vous avez été expressément nommé par le juge d'instruction, et que vous

11 avez produit un rapport complet à la date du 7 février. Cela me semble

12 pratiquement impossible. Parce que les experts de la FORPRONU, je suppose

13 qu'ils sont tout aussi qualifiés que vous. Ils ont eu besoin d'un délai

14 bien plus long pour rédiger et publier leurs conclusions.

15 R. Je dois vous interrompre, parce que vous avez fait plusieurs

16 déclarations inappropriées.

17 D'abord, les équipes de la FORPRONU qui étaient venues, étaient constituées

18 d'officiers qui se trouvaient sur le territoire de Sarajevo. L'officier

19 technique n'est absolument pas censé connaître la phénoménologie de ces

20 effets. Il est habilité à l'usage des explosifs et des armes. Cela, c'est

21 une grosse différence. Moi et mes collègues, sommes des techniciens qui

22 avons œuvré toute notre vie durant, à l'établissement de plans pour la

23 fabrication de munitions. Nous avons procédé à des recherches

24 expérimentales, et nous avons assisté directement à des dizaines et

25 dizaines d'explosions de projectiles. Nous savons comment les munitions

Page 31002

1 sont fabriquées, et nous savons ce que les différentes munitions sont à

2 même de faire. En sus, j'ai enseigné à la faculté du génie mécanique. J'ai

3 enseigné la fabrication des têtes explosives.

4 Il faut que ce soit dit. Les résultats de l'équipe, sur le plan technique,

5 sont des résultats qui ne peuvent être comparés à ceux des Nations Unies.

6 Il y avait aussi une demande du juge d'instruction qui demandait des

7 résultats au bout de 24 heures. Donc, j'étais censé remettre mon rapport le

8 jour d'après. Je l'ai fait dans un délai de 30 heures. C'est la raison pour

9 laquelle. Mais, si mes souvenirs sont bons, Sarajevo était une ville

10 assiégée, encerclée, sans eau, sans électricité. Et je dirais qu'à ce

11 moment-là, on n'avait pas tiré. Il n'y avait pas de tirs. Mais il y avait

12 eu des tirs le jour d'avant. Donc, j'ai travaillé dans des conditions très

13 défavorables. Pour que je mette en marche mon ordinateur à Sarajevo, il

14 fallait utiliser un générateur, pour avoir l'énergie électrique pour que je

15 puisse procéder aux simulations nécessaires, pour ce qui est des

16 trajectoires balistiques. Les conditions de travail étaient incomparables à

17 celles que nous avons de nos jours.

18 Q. Monsieur, cela n'a rien à voir avec la structure des explosifs ni avec

19 les obus, ni tout ce que vous avez cité.

20 Pouvez-vous faire des commentaires ? Le capitaine Verdy, qui est arrivé

21 bien avant vous là-bas, sur les lieux, a établi que l'azimut était plus

22 grand que vous-même. Il a déterminé que l'angle de chute était bien plus

23 grand que vous ne l'avez fait vous-même. Parce que sinon, le bâtiment d'à

24 côté aurait été touché. Et la conclusion qui en a été tirée, avait été

25 celle de dire que les forces de Bosnie-Herzégovine avaient tiré ce

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1 projectile, n'est-ce pas ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, est-ce que je puis, si

3 vous le permettez, présenter une petite présentation graphique de

4 l'événement, pour que vous ayez des réponses tout à fait claires s'agissant

5 des questions qui viennent d'être posées ?

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons voir combien de temps il nous

7 restera. Si cela demeure possible, nous le ferons. Mais continuez à

8 présent.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer de répondre.

10 Je n'ai pas vu le rapport en question. Mais je vais, ma foi, essayer

11 d'expliquer de quelle façon j'ai essayé de savoir quelle était l'origine du

12 projectile, et ensuite évaluer l'angle sous lequel le projectile a explosé

13 au sol.

14 Une fois qu'un projectile heurte le sol, frappe le sol et que le détonateur

15 s'active, il y a fragmentation du corps de ce projectile. Les éclats

16 procèdent à des endommagements des alentours et du sol. Et autour, on a pu

17 voir clairement les traces occasionnées par les éclats une fois qu'ils ont

18 heurté à ces endroits-là. Les éclats volent symétriquement. L'axe de

19 symétrie montre par où, depuis quel endroit, le projectile est arrivé.

20 L'INTERPRÈTE : Les interprètes seraient reconnaissants à l'intervenant de

21 ralentir.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Partant de là, nous avons pu conclure que

23 l'origine du projectile se trouvait à 18 degrés nord, nord-est. C'est bien.

24 De deux, le projectile est tombé à un endroit entre deux rangées d'étalages

25 de vente au marché d'étal. La largeur de cet espace entre les étals par où

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1 passaient les gens pour acheter des produits, était de l'ordre d'un mètre

2 plus ou moins. Je ne peux pas le savoir exactement. Et la hauteur est de

3 deux mètres et quelques. Si l'on parle de mathématique géométrique pure, en

4 se servant de connaissances des études secondaires et non pas de la

5 faculté, on peut déterminer que l'angle de chute minimum était de

6 55 degrés. C'est la limite inférieure de l'impact du projectile sur le sol.

7 Cela ne saurait être réfuté en aucune façon. Parce que si c'était

8 inférieur, le projectile aurait heurté le kiosque ou l'étal lui-même.

9 Si l'on se rapproche de l'endroit où l'explosion a eu lieu, et si l'on se

10 penche sur l'enregistrement vidéo, on peut constater l'ouverture, la

11 présence de l'ouverture dans le sol où s'était planté l'élément

12 stabilisateur de ce projectile. J'ai demandé que l'on nous amène cet

13 élément de stabilisation. Et sans problème aucun, j'ai pu le remettre dans

14 le sol à une profondeur de 250 millimètres. Je me suis servi d'un cadran.

15 C'est un instrument de mesure d'élévation dans l'artillerie, J'ai déterminé

16 l'angle d'impact, ou plutôt l'angle sur lequel était incliné l'élément de

17 stabilisation. Cet angle était de l'ordre de 60 degrés. Etant donné qu'on

18 avait enlevé cet élément de stabilisation -- cette ailette de

19 stabilisation, en ma qualité de technicien, j'aurais considéré non

20 professionnel de considérer que c'était 60 degrés. Donc, j'ai pris plus ou

21 moins, 55 degrés. Et pour déterminer l'angle d'arrivée, j'ai pris 18 degrés

22 en me disant que j'aurais peut-être pu me tromper en plus ou et en moins de

23 5 %.

24 Ce sont des questions techniques où dont on ne saurait discuter pour savoir

25 si elles peuvent ou elles ne peuvent pas être telles. Elles sont tout

Page 31005

1 simplement telles. Partant de ces constatations, j'ai déterminé que l'angle

2 de chute était de l'ordre de 60 degrés. J'ai constaté que l'angle d'arrivée

3 était de 18 degrés nord nord-est. J'ai analysé la structure des traces

4 d'impact sur l'asphalte. Partant de ce qu'on a vu, on a pu constater que

5 les traces n'étaient pas symétriques comme au cas où le projectile

6 tomberait verticalement. Or, il est arrivé sous un angle de l'ordre de 60

7 degrés. Cette constatation, disant que le projectile frappant le sol

8 explose et une fois que l'explosion a eu lieu, l'ailette de stabilisation

9 s'est plantée dans le sol. Donc, on constate que le projectile avait une

10 vitesse, une rapidité de frappe très important.

11 Q. Monsieur --

12 R. Non. Je dois vous terminer et dire qu'il a été possible de déterminer,

13 d'un point de vue balistique, quels sont les six points à partir desquels

14 ce projectile pouvait provenir. Si l'on considère que l'ailette de

15 stabilisation s'était plantée dans le sol, cela n'est possible qu'à des

16 vitesses, lors des vitesses supérieures de 200 mètres à la seconde. Partant

17 des études balistiques, on peut dire que cela a pu se faire à partir de

18 quelques plusieurs milliers de mètres. Si l'on sait que l'angle d'arrivée

19 de 18 degrés nord nord-est, c'est la zone de conflit, l'éloignement le plus

20 proche de la zone de conflit entre l'armée de la Bosnie-Herzégovine et la

21 VRS était de 1900 mètres. Et moi, je parle de 4900, 5400 et 6400 mètres.

22 Q. Justement. C'est là la question qui se pose. On vient de me -- on m'a

23 remis mon micro. Bien. Dites-moi, est-il contesté le fait que le commandant

24 Russell avait déterminé que cet obus est tombé sous un degré de 67 à 73

25 degrés ?

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1 R. Je n'ai pas vu le rapport en question.

2 Je ne sais pas à partir de quoi il a pu conclure une telle chose.

3 S'agissant de mon rapport et des rapports ultérieurs que j'ai faits à

4 l'occasion du procès du général Galic. Il a été décrit de façon

5 mathématiquement claire, partant de quoi, la chose a été déterminée. Je

6 vous demanderais donc, à partir de quel modèle le commandant en question a

7 déterminé l'angle que vous avez dit.

8 Q. Vous vous êtes penché pendant la suite, Monsieur Zecevic, sur les

9 résultats et analyses des équipes de la FORPRONU qui ont procédé à ces

10 mesures et analyses, en sus du rapport que vous avez déterminé vous-même.

11 Parce qu'il y a, vous le comprendrez, un conflit d'intérêts. Vous vous êtes

12 présenté pour être l'enquêteur ou la personne qui ferait le constat, pour

13 ce qui est de cet obus, en étant convaincu d'avance que c'étaient forcément

14 les Serbes. La FORPRONU avait plusieurs équipes à elle, qui ont fait des

15 rapports différents du vôtre. Comment expliquez-vous que leurs rapports

16 aient pu être différents du vôtre ?

17 R. Monsieur Milosevic, je me suis présenté, parce que l'on a tué 68 de mes

18 concitoyens, et 200 et quelques avaient été blessés. Il pouvait parmi eux y

19 avoir mes frères, ma sœur, mes enfants et mes amis. Et c'est la raison pour

20 laquelle je me suis présenté pour que la chose soit déterminée. Je ne me

21 suis pas présenté pour exposer ma petite personne.

22 Et je voudrais terminer. Je dirais encore autre chose.

23 Pourquoi me pencherais-je sur des rapports émanant des officiers des

24 Nations Unies, si tant est que ces rapports ne m'ont pas été présentés

25 jusque là ? D'ailleurs, la position que j'occupais à Sarajevo n'était pas

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1 de nature à permettre que l'on me confiât des rapports pour que je puisse

2 les lire. Si le Procureur m'a demandé des rapports complémentaires, ils

3 n'ont jamais estimé me confier les autres rapports. Donc, je dirais que je

4 n'ai pas eu l'opportunité de me pencher dessus.

5 J'estime, en ma qualité d'intervenant indépendant, sans pour autant

6 regarder ce que les autres ont rédigé, qu'il fallait que je rédige le mien.

7 Indépendamment de la personne qui le lirait, le rapport devait forcément

8 être le même, indépendamment du moment de son établissement. Il n'y a

9 aucune erreur dans ce rapport du point de vue de la description physique de

10 la situation survenue. Il n'y a rien d'inventer, et il n'y a pas d'opinion

11 subjective. Ce sont des faits scientifiques exacts.

12 Q. Mais votre opinion, ne se reflète-t-elle pas dans le texte même,

13 l'énoncé du rapport, où l'armée de la Republika Srpska vous dites forces

14 tchetniks, forces d'agression et ainsi de suite. Or, que vous êtes un

15 expert qui est censé déterminer, comme vous le dites, de façon

16 professionnelle, l'itinéraire suivi par -- ou la trajectoire suivie par cet

17 obus.

18 R. Monsieur Milosevic, la télévision de Pale avait estimé qu'ils étaient

19 Chetniks. Ils s'en vantaient. Je ne faisais que répéter leurs propres

20 termes.

21 Q. Bien. Monsieur Zecevic, vous ne le pensiez pas. S'ils le pensaient eux-

22 mêmes, vous serez d'accord avec moi pour dire que vous ne le pensiez

23 certainement pas vous-même.

24 R. Monsieur Milosevic, j'ai toujours été un patriote qui a aimé la

25 Yougoslavie du temps de Tito. Je vous le dirai ainsi. Et je ne pouvais pas

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1 croire qu'une formation armée, entraînée, formée, pouvait tuer des femmes

2 et des enfants dans une ville assiégée.

3 Q. Il n'est pas contesté le fait que cela est tragique. Nous parlons ici,

4 d'une expertise de votre --

5 R. Cela n'a rien à voir avec l'appellation de Chetnik.

6 Q. Il y a des rapports faits par d'autres équipes. Je vous ai demandé,

7 pour ma part, pourquoi vous n'avez pas procédé à des comparaisons. Vous

8 avez répondu que cela n'avait pas été nécessaire.

9 R. Cela n'était pas accessible à moi-même. Il y a une grosse différence.

10 Q. Fort bien. Je vais vous poser des questions concrètes, et je vais vous

11 dire de me répondre concrètement. Vous consacrez beaucoup de temps aux

12 réponses que vous apportez, et je vous ai écouté patiemment.

13 Dites-moi, l'espace du marché de Markale, se trouvait-il, lorsque vous êtes

14 arrivé là-bas, dans la situation ou dans l'état qui était analogue à celui

15 d'après l'explosion ?

16 R. Non, il s'est passé 48 heures. Il y a eu beaucoup de sang, et l'espace

17 a été nettoyé entre-temps.

18 Q. L'espace a été nettoyé, et c'est là que vous êtes arrivé ?

19 R. Oui.

20 Q. En votre qualité d'expert, estimez-vous que la règle fondamentale a été

21 enfreinte pour ce qui est de l'élaboration d'un constat objectif et en

22 bonne et due forme ? Parce que l'espace a été nettoyé ?

23 R. Cela n'a influé en rien sur le caractère de mon expertise. Cela a pu

24 avoir de l'influence sur l'estimation des personnes tuées, les emplacements

25 des personnes, au moment de la mort. Mais pour ce qui est de l'explosion

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1 même, non. Si vous arrivez à Sarajevo, vous pouvez voir encore les traces

2 des explosions d'obus, à bon nombre d'endroits goudronnés.

3 Q. Certainement pas à Markale. Parce que cela a été reconstruit.

4 R. Malheureusement, je dois le dire. Parce que je ne sais pas qui a décidé

5 de le faire.

6 Q. Mis à part la FORPRONU et la police scientifique qui a procédé à des

7 études et analyses tout de suite après l'explosion, ils ont emporté les

8 fragments d'obus.

9 R. Oui.

10 Q. On a emporté des éclats d'obus, et vous avez procédé à votre analyse.

11 R. Moi, je n'avais pas besoin des éclats. J'avais juste besoin de cette

12 ailette de stabilisation, et de voir l'ouverture ou le trou où s'était

13 plantée cette ailette de stabilisation. Or, le trou est resté intact.

14 Q. Pour vous, le fondement à l'élaboration de l'analyse s'agissant de

15 l'événement, c'est cette ailette de stabilisation qui avait été emportée,

16 qui vous a été confiée par la suite.

17 R. Cela a été l'un des fondements, pas le seul.

18 Q. Mais quel a été le fondement pour votre analyse, si ce n'est pas

19 seulement l'ailette de stabilisation ? Quel a été le fondement de ce que

20 vous avez fait ?

21 R. Monsieur Milosevic, je vous ai expliqué au début, et si nécessaire, je

22 vais le réexpliquer. Mais cela nous prendra encore un peu de temps. Je vous

23 ai dit, le fondement, c'est l'angle de chute. C'est l'apparence --

24 Q. Oui, oui. Cela, vous l'avez déjà expliqué. Pas la peine de répéter la

25 continuité de la question. Mais dans quel état était l'endroit de

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1 l'explosion ?

2 R. Soyez plus précis.

3 Q. Ce qui a été creusé pour enlever les éclats et qu'on a lavé, dans

4 quelle situation se trouvait être le site de l'explosion ?

5 R. Ils n'ont pas creusé.

6 Q. Comment, on n'a pas creusé, alors qu'on a vu qu'au couteau ils

7 sortaient les éclats et l'ailette de stabilisation.

8 R. Creusé suppose l'usage d'un outil, d'une pelle, d'une pioche. Ici on se

9 sert d'un couteau, d'un instrument délicat qui a permis d'enlever doucement

10 l'ailette de stabilisation du lieu de l'explosion.

11 Q. Mais quelles avaient été les détériorations du sol sur le lieu

12 d'explosion.

13 R. Je puis montrer les photos si vous le désirez, je les ai ici. Je ne

14 peux pas vous l'expliquer visuellement.

15 Q. M. Zecevic, à l'occasion du procès du général Galic, vous avez déclaré

16 que sur le site d'explosion vous n'avez retrouvé que deux éclats de cet

17 obus, et que l'ailette de stabilisation vous a été confiée par la police et

18 que vous l'avez restituée à la police par la suite, une fois votre constat

19 effectué.

20 R. Exact.

21 Q. Donc sur le site de l'explosion mis à part les détériorations au sol

22 vous n'avez disposé d'aucune preuve matérielle pour ce qui est du moyen

23 explosif qui a détonné à cet endroit ?

24 R. Non à part les enregistrements vidéo lorsqu'on a enlevé l'ailette de

25 stabilisation et la description qui m'en a été faite, mais cela n'a rien eu

Page 31011

1 à voir avec mon analyse ultérieure.

2 Q. Vous avez rédigé dans votre texte, et je me réfère à la page 25505,

3 partant de l'enregistrement vidéo, vous dites que : "La surface de cette

4 ailette de stabilisation," d'après vous, "avait obturé 20 à 30 millimètres

5 par rapport à la surface du sol," et vous dites, entre parenthèses, image

6 3.

7 Dites-moi maintenant --

8 R. Excusez-moi, mais laissez-moi le temps de retrouver cela.

9 Q. Vous avez rédigé cela partant de l'enregistrement vidéo.

10 R. Non pas partant de l'enregistrement vidéo. Non après avoir étudié

11 l'enregistrement vidéo suite à l'explosion -- Après donc avoir vu

12 l'enregistrement vidéo après l'explosion il a pu être constaté que

13 l'ailette de stabilisation du projectile était entrée dans -- à une

14 profondeur dans le sol à une profondeur de 200 à 250 millimètres.

15 Q. Mais vous dites que cela avait obturé un angle de 20 à 30 degrés par

16 rapport à la surface du sol, et vous dites ici image 3, entre parenthèse.

17 R. Oui. On voyait la douille et on a, par la suite, mesuré l'angle de la

18 surface de l'avant de ce projectile, et il est question d'un angle de 30, à

19 savoir, de 60 degrés (image 4).

20 Q. Mais comment, sans connaître l'angle du filmage, il vous a été possible

21 de savoir sous quel angle se trouvait l'ailette de stabilisation dans le

22 sol ? Comment cela se peut-il ?

23 R. Si vous ne voyez pas la photo, il est difficile d'expliquer. Mais je

24 suis un technicien. Pour moi, les angles sont une chose tout à fait

25 naturelle. Je peux estimer facilement s'il s'agit de 20 ou 30 degrés. Je ne

Page 31012

1 pourrais pas vous dire 18 -- ou si c'est 18 ou 20 mais dire 20 ou 30, je

2 peux le faire. J'ai été formé pour le faire. Excusez-moi de devoir le dire.

3 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je suggérer que M.

4 Zecevic se serve d'une photographie très claire des lieux. Au cas où la

5 Chambre estimerait cela nécessaire, nous pourrons faire en sorte que cette

6 photo soit placée sur le rétroprojecteur.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, faisons-le.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et bien puisque vous venez de le dire,

9 je crois que la Chambre aurait besoin de l'original de ces photographies

10 comme cela est indiqué dans le rapport, parce qu'il est très difficile de

11 suivre autrement.

12 M. GROOME : [interprétation] Certainement nous allons le faire.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien maintenant dites-moi --

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Juste un moment. Laissez-nous le temps de

15 voir cette photographie.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand j'ai remis l'ailette de stabilisation --

17 cette photo est prise lorsque j'ai remis l'ailette de stabilisation dans

18 l'orifice d'impact. Voilà la différence que l'on peut constater dans la

19 qualité de la photo, il n'y a pas de divergence substantielle.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Bien, est-ce que c'est vous qui avez fait ces photos ou quelqu'un

22 d'autre ? Qui est-ce qui les a faites ?

23 R. Je n'ai logiquement fait aucune de ces photos. Cela a été fait par des

24 personnes --

25 Q. Ça a été fait par la police de Sarajevo ?

Page 31013

1 R. Oui, en effet, la police de Sarajevo.

2 Q. Très bien c'est un fait des plus importants. Vous indiquez qu'après

3 avoir vu l'enregistrement vidéo fait après l'explosion, il peut être

4 constaté que le projectile et l'ailette de stabilisation étaient entrés

5 dans l'orifice créé dans le sol à une profondeur de 250 à 300 millimètres -

6 - 200 à 250 millimètres ?

7 R. Oui.

8 Q. Donc partant de là vous n'avez pas pu mesurer exactement la profondeur

9 de cette cavité.

10 R. Ce n'est pas partant de l'enregistrement vidéo que j'ai déterminé la

11 profondeur, c'est quand j'ai procédé à reconstruction et quand j'ai remis

12 l'ailette de stabilisation dans la cavité, j'ai pu mesurer exactement la

13 profondeur de celle-ci. Nous savons quelle est la longueur de cet élément

14 de stabilisation de cette ailette.

15 Q. Vous dites 200 à 250 millimètres.

16 R. Tout à fait. Cela peut être vu sur la première photo d'ailleurs. On

17 voit que cela se trouve -- on voit que ce parti arrière se trouve avant de

18 la surface du goudron, et si l'on sait que cela fait quelques 200

19 millimètres de long, cette ailette de stabilisation.

20 Q. Mais ici sur la photo je dirais que l'angle a l'air d'être très

21 important parce que l'obus a -- semble être tombé à la verticale.

22 R. Quand j'ai dit 20 degrés c'est un angle qui couvre le fond de l'ailette

23 de stabilisation. Voilà ce fond-là. Et quand on traduit cela en axe, cela

24 fait 90-20=70, ou 90-30=60 degrés. Donc sur le plan technique vous n'avez

25 pas lu avec précision mon rapport.

Page 31014

1 Q. Moi, j'ai lu avec beaucoup de précision et d'étude du détail votre

2 rapport, mais vous devrez savoir que le capitaine Verdi, le 5 février à 15

3 heures, avant vous, à déterminer que l'angle minimum sous lequel l'obus

4 avait pu survoler le bâtiment au passage devait être à plus de 80 degrés

5 par rapport à la surface du sol de Markale.

6 Et le commandant Russell, à 16 heures 30, a mesuré qu'il s'agit de 1 200 à

7 1 300 --

8 L'INTERPRÈTE : Les interprètes ne peuvent pas fonctionner comme cela.

9 Q. Le commandant Russell a mesuré 1 200 à 1 300 -- un angle de 73 degrés,

10 donc vous avez fait une reconstruction et l'obus est tombé à la verticale,

11 ce qui indique qu'il a pu provenir seulement du côté musulman.

12 R. Messieurs les Juges, si je puis vous montrer d'autres photographies qui

13 permettent de répondre à la question.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Allez-y.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Sur les lieux du site il est dit que cela

16 aurait dû cogner le bâtiment qui se trouvait à côté, or le point d'impact

17 se trouvait à 4 mètres 16 cm du bâtiment le plus proche, qui ne dépasse pas

18 six mètres de haut, or l'autre bâtiment a fait 11 mètres de haut.

19 Si l'on considère que le projectile est arrivé sous 45 degrés, ce qui est

20 absurde, l'hauteur du bâtiment devait être de 11 mètres seulement. Le

21 bâtiment en question a trois ou quatre étages. Or l'angle de chute étant de

22 60 degrés, il n'est pas possible pour ce projectile de heurter le bâtiment.

23 Si vous oubliez une chose, je vous le rappelle. Le projectile est tombé

24 dans un espace entre deux kiosques, c'est un passage où deux étals qui sont

25 à un mètre l'un de l'autre. Et pour mesurer la chose, il faut avoir au

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1 moins 55 degrés. C'est pour ça que j'ai dit 60 degrés plus au moins 5

2 degrés. Il n'est pas question d'avoir un obus de mortier pouvoir heurter le

3 bâtiment en question. Les projectiles de mortier sont utilisés lorsqu'il

4 s'agit de bombarder des positions derrière des installations ou des

5 bâtiments.

6 Donc, il s'avère clairement, il s'avère que l'angle d'impact n'est de 60

7 degrés sans doute aucun. Et si un capitaine ou un commandant a pu dire

8 quelque chose, il n'est pas indiqué de quelle façon il a abouti à l'angle

9 qu'il a mentionné. Dans mon analyse, il est clairement indiqué quelle est

10 la façon, les questions des modalités qui m'ont permis d'aboutir à cet

11 angle.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zecevic, cette image ou le

13 dessin que vous citez figure-t-il dans votre rapport d'expert ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y figure dans une forme quelque peu

15 différente. C'est plus au moins la même photo. Ces photographies, je

16 dirais, sont très importantes.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous nous dire, je vous prie,

18 de quelle même image parlez-vous ? Les images un et trois, c'est le même ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] L'image qui montre l'espace qui se trouve aux

20 environs immédiats du point de l'explosion, ou de l'endroit de l'explosion.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons certaines difficultés parce

22 que ce schéma ne figure pas dans la version anglaise du texte. Ah, je viens

23 de le recevoir. C'est la Greffière qui me l'a donné.

24 Veuillez continuer, je vous prie.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] [hors micro]

Page 31016

1 L'INTERPRÈTE : Hors micro. Hors micro.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. -- 211522, on dit que l'angle de l'ailette de stabilisation par rapport

4 au sol sur le marché est de l'ordre du 20 ou 30 degrés, et à la figure

5 quatre, pour ce qui est de la reconstruction des éléments, vous concluez

6 que l'angle est de 60 degrés, et vous estimez que cela est plus fiable que

7 les mesures faites par la FORPRONU juste après l'explosion.

8 R. Monsieur Milosevic, juste un moment. Je suis en train de parler de

9 l'angle du fond de cette ailette de stabilisation, c'est-à-dire la partie

10 qui est planté dans le sol. Je n'ai pu, moi, mesurer que l'angle de cette

11 surface du fond. Et j'ai parlé d'un angle du 20 ou 30. Or l'angle de chute

12 est 90 moins l'angle de ce fond de 20 ou 30, donc c'est une opération

13 mathématique des plus simple relevant des études primaires.

14 Q. Mais, Monsieur Zecevic, vous n'allez pas quand même dire que les

15 experts des Nations Unies n'avaient aucune qualification qu'elle leur

16 permettrait de procéder à des mesures pour leur constat. Je suppose que les

17 Nations Unies ont également officié -- ont envoyé des officiers qui ont

18 fait des études qui ont été à même de déterminer de quoi il s'agissait. Et

19 cette étude de l'angle de chute de l'obus n'est pas une grande science.

20 R. Monsieur Milosevic, je n'ai pas la moindre idée de l'identité des gens

21 qui ont été envoyés sur place par les Nations Unies. D'ailleurs cela ne

22 m'intéresse. Ce que je fais ici, c'est autre chose que de commenter les

23 rapports des experts des Nations Unies. Cela ne m'intéresse pas. Ce que je

24 peux faire, c'est commenter le contenu de mon rapport. Et je vous en prie,

25 ne me demandez pas de faire ce que je ne suis pas censé faire. Cela ne

Page 31017

1 m'intéresse pas. Si vous me posez une question sur mon rapport, je peux le

2 commenter quant aux rapports des experts des Nations Unies, je ne les ai

3 pas vus. Je ne peux pas les commenter et d'ailleurs je ne veux pas les

4 commenter.

5 Q. Mais, vous n'avez pas à les commenter. Je vois que vous êtes ému et

6 troublé.

7 R. Non, absolument pas. Pas du tout.

8 Q. Donc, je vous en prie. Je ne vais pas vous demander d'ailleurs si vous

9 avez lu le rapport de la FORPRONU. Mais quoi qu'il en soit dans ce rapport

10 de la FORPRONU, il est dit, je cite : "Explosion sur le marché de Sarajevo

11 le 5 février 1994." Et au paragraphe 6, nous lisons, je cite : "Il est

12 permis de penser que les autorités de la région ont procédé -- ont creusé

13 le cratère en détail." Est-ce que vous êtes de cet avis ou pas ?

14 R. Non.

15 Q. Donc, personne n'a creusé dans ce cratère ?

16 R. Il n'y a pas eu creusement ou fourrage. D'ailleurs qu'est-ce que cela

17 veut dire creuser en détail. Cela ne veut rien dire. Est-ce qu'on peut

18 creuser en détail ou en superficie. Moi, je vous ai montré l'endroit où la

19 chose s'est passée. Je vous ai dit comment j'interprétais le mot creusé. Et

20 je vous ai dit ce que j'avais trouvé sur le site. J'ai placé le

21 stabilisateur à cet endroit. Et si vous regardez quelles ont été les

22 conséquences négatives de l'explosion, donc les dommages, on voit que le

23 projectile de mortier est tombé à un angle qui se situe entre 55 et 65

24 degrés. Et à la verticale, si on calcule cet angle par rapport à la

25 verticale, il est proche de 90 degrés. Donc, l'angle de chute est

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1 pratiquement à la perpendiculaire. Si la chute avait été verticale, les

2 dommages auraient été présents de tous les côtés du cratère. Cependant, les

3 dommages que l'on a constatés sur l'asphalte se trouvent surtout dans

4 l'orientation d'où provient l'obus. Et ceci corrobore ce qu'a dit mon

5 rapport d'expertise.

6 Q. En page 002531, vous dites que le stabilisateur n'est pas -- ne porte

7 aucune couleur. Donc, cela indique qu'il serait sans doute d'une production

8 récente pour les besoins de la guerre. J'omis certaines parties du texte.

9 Cela n'a pas d'importance. Et donc, il est indiqué ici que ceci montre que

10 cet obus, sans doute, a été fabriqué dans l'une des unes -- dans l'une des

11 deux usines qui fabriquent ce genre de produit, c'est-à-dire l'une d'entre

12 elle, Licki Osik ou Vogosca, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Essayez maintenant de répondre à mes questions sans faire de long

15 discours.

16 Etes-vous au courant du fait que les officiers de la FORPRONU lorsqu'ils

17 sont arrivés sur les -- lorsqu'ils ont rendu visite à la 105e Brigade du 1e

18 Corps d'armée - je parle de 1e Corps d'armée de la Bosnie-Herzégovine - le

19 9 février 1994, se sont rendus au dépôt de munitions où ils ont vu des

20 mines de calibre 120 millimètres qui ne portaient aucune couleur, et qu'ils

21 ont -- ceci figure en page 0303831, donc c'est un rapport de la FORPRONU

22 qui date du 15 février 1994. Etes-vous au courant de cela ?

23 R. Non. Il n'y a aucune raison pour que je sois au courant.

24 Q. De tels obus, ceux pour lesquels vous prétendez qu'ils ont été

25 fabriqués éventuellement à Vogosca ou à Licki Osik, et bien, des

Page 31019

1 contrôleurs de la FORPRONU les ont vus en certains lieux dans des positions

2 de la 105e Brigade du corps de Sarajevo ?

3 R. Je ne suis pas au courant. Je ne peux pas parler de cela.

4 Q. Fort bien. Si vous n'êtes pas au courant, je ne faisais que vous

5 indiquer cela à titre d'information. Mais dans cette partie de votre

6 rapport, il y a un point d'interrogation parce qu'ils ont vu exactement ce

7 que vous citez dans votre rapport et la conclusion est différente.

8 R. A ce moment-là, cela n'avait aucun effet sur les conclusions du

9 rapport.

10 Q. Fort bien. Pouvons-nous avancer un peu plus vite. Quelle est l'altitude

11 du marché de Markale ?

12 R. A peu près 550 mètres.

13 Q. A peu près 600 mètres ? Selon les informations dont je dispose, ça

14 serait 600 mètres.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Quels sont les estimations qui vous ont permis de conclure

17 que l'altitude entre le point de tir et le point d'impact est de 400

18 mètres, la différence d'altitude

19 R. Un instant, je vous prie. C'est une zone qui se trouve au-dessus de

20 Sarajevo.

21 Q. Oui.

22 R. Je parle du point d'impact.

23 Q. Nous ne parlons pas de l'altitude du marché de Sarajevo. Celle-ci est

24 de 600 mètres.

25 R. J'ai déjà dit que nous regardions vers une altitude de 200 ou 400

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1 mètres et que nous pensions à une altitude de 200 mètres ou de 400 mètres

2 et que nous avons travaillé dans l'hypothèse d'une différence d'altitude de

3 400 mètres en raison des six lieux possibles d'où l'obus aurait pu être

4 tiré, cinq se trouvant à une altitude proche de 400 mètres au-dessus du

5 marché de Markale.

6 Q. Fort bien. Savez-vous que cette trajectoire de 18 degrés nord-est, plus

7 ou moins cinq, comme vous l'avez établie, si nous prenons les altitudes les

8 plus élevées, nous parlons de hauteurs de 1 086 mètres, n'est-ce pas ? Ceci

9 figure en page 23496 ou bien, dans la version serbe, en page 02115548.

10 Donc, si ce que vous prétendez est exact, quelqu'un aurait pu tirer un obus

11 de mortier à partir de cette altitude pour obtenir la différence d'altitude

12 de 400 mètres qui est constatée ici.

13 R. Ça n'était pas nécessaire. Vous ne comprenez pas bien les choses. Cette

14 différence d'altitude de 400, de 200, de 300 ou de 500 mètres ne constitue

15 qu'un tout petit segment lorsqu'on cherche à déterminer où se trouve

16 exactement ce point. La différence d'altitude aurait pu être zéro. Cela n'a

17 rien à voir avec notre discussion. Je ne savais pas d'où avait été tiré le

18 projectile. Je ne connaissais que la direction et la trajectoire. Et afin

19 de procéder à une analyse balistique, il me fallait pouvoir établir le

20 point potentiel d'où l'obus avait été lancé afin de pouvoir prendre en

21 compte les facteurs de correction du point de vue de l'altitude entre le

22 point d'où l'obus est parti et le point où il est arrivé. Mais cela n'a pas

23 une si grande importance. Vous et moi pouvons dire qu'il y a une différence

24 entre le point d'impact et les cinq lieux possibles d'où le projectile

25 pouvaient être lancé du point de vue de l'altitude.

Page 31021

1 Je vous répète qu'il y a six points possibles d'où le tir de mortier

2 pouvait provenir. Cinq étaient directement sous le contrôle de l'armée de

3 la Republika Srpska.

4 Q. Monsieur Zecevic, est-ce que vous ne savez pas qu'un mortier de calibre

5 120 millimètres, vous savez sans doute comme moi, est une arme volumineuse.

6 On ne place pas cela à une certaine altitude dans un lieu perdu. Il faut

7 pouvoir accéder à ce lieu. Et dans la direction que vous décriez, il n'y

8 avait aucune possibilité pour l'armée de la Republika Srpska de placer un

9 mortier à une altitude aussi élevée que vous l'avez établie.

10 R. Je ne comprends pas ce que vous dites.

11 Q. Physiquement, c'était impossible.

12 R. Quelqu'un vous a donné des informations erronées, Monsieur Milosevic.

13 Il ne s'agit pas d'un pic montagneux. Ce n'est pas une altitude importante.

14 Elle n'est pas mentionnée du tout. Il se peut que l'endroit ait été une

15 clairière, une prairie. Il y a des petites collines à cet endroit.

16 Q. Donc, vous ne connaissez pas la distance. Vous ne pouvez pas déterminer

17 la distance à partir de l'endroit d'où le projectile a été tiré. La seule

18 chose importante pour vous, c'est de dire qu'elle provenait des positions

19 serbes et qu'il devait provenir de là. Six, cinq, quatre lieux de

20 provenance différents. En tout cas, vous ne faites que supputer.

21 R. Monsieur Milosevic, vous avez besoin de trois mètres carrés pour créer

22 une position de mortier si vous voulez placer le mortier au sommet d'un

23 bâtiment. Donc, les gens le feront lorsque cela s'avèrera nécessaire. Mais

24 si vous me dites qu'un mortier de calibre 120 millimètres ne peut pas être

25 placé à l'endroit décrit dans le document, alors les conseillers qui vous

Page 31022

1 conseillent vous ont donné des conseils erronés et ce ne sont pas de bons

2 conseillers.

3 Q. Fort bien. Dites-moi, est-ce que cela a une importance pour vous de

4 savoir que les observateurs militaires des Nations Unies ont rendu compte

5 que la brigade Kosevska n'avait établi aucun rapport s'agissant du lieu

6 d'où le tir avait été ouvert, ce 5 février 1994 ? L'explosion sur le marché

7 a été enregistrée par des observateurs militaires du côté bosniaque comme

8 un tir entrant, mais le point d'origine n'a pas pu être établi et

9 enregistré. Je cite un rapport des Nations Unies et je vous le cite à vous.

10 R. Monsieur Milosevic, les observateurs des Nations Unies ont enregistrés

11 le tir sur des systèmes audio. Donc, soit ils ont entendu le tir à travers

12 le système audio, soit ils l'ont entendu avec leurs oreilles à eux. Le son

13 évidemment se déplace dans l'espace donc le processus en question est

14 beaucoup plus complexe. Tout dépend de l'endroit où se trouve le bâtiment

15 visé. Il faut savoir s'il y a des forêts entre le point de départ du

16 projectile et le point d'arrivée, s'il y avait de la brume, quel était le

17 degré d'humidité. Donc, vous pouvez placer un mortier dans une vallée

18 entourée d'écrans et les gens qui se trouveraient à quatre kilomètres de

19 distance ne pourraient pas sentir la différence du point de vue de

20 l'origine du projectile. Si vous placez le mortier dans un espace

21 découvert, ouvert, sans obstacles, alors il y aura une très grande

22 différence du point de vue des niveaux sonores enregistrés.

23 Donc, il n'y a aucune contradiction dans mon rapport. Le projectile vient

24 d'une direction qui se situe à 18 degrés, nord ou nord-est. J'ai démontré

25 qu'il fallait une énergie suffisante. Donc, au moment de l'impact, une

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1 vitesse de 200 mètres seconde minimum pour que le stabilisateur puisse se

2 trouver à l'endroit où je l'ai découvert. Ça, c'est le point le plus

3 important, et donc cela a permis d'éliminer trois points d'origine

4 possibles par rapport aux points potentiels envisagés au départ.

5 Et tout cela est possible parce que le stabilisateur était légèrement

6 enfoncé dans le sol. C'est une preuve suffisante que le projectile avait

7 une vitesse d'impact importante et qu'il avait été lancé à partir du

8 quatrième, cinquième ou sixième point envisagé à une distance de 4 900,

9 5 000 ou 6 000 mètres. Personne ne peut établir de quel point de départ

10 exact venait ce projectile sur la base de l'expertise effectuée.

11 Q. Mais pourquoi est-ce que vous avez changé d'avis par rapport à la

12 différence d'altitude, par rapport au marché de Markale ?

13 R. Et bien, écoutez. Au-dessus du marché, il y a des collines. A 30 mètres

14 au-dessus du marché, il y a une colline et quiconque examinait cet endroit

15 pouvait voir cette colline. Je vais vous la montrer. La voici, elle est

16 ici. Par rapport à cette colline, j'ai fait mes contestations à une

17 distance de 200 ou 400 mètres. Et je peux également vous faire une analyse

18 en utilisant la valeur de 200 mètres qui vous démontrera que cette distance

19 n'était pas de 4 900 mètres mais de 4 800 mètres. Cela n'a aucune

20 importance du point de vue de l'appréciation qui est faite de la

21 détermination de mon expertise.

22 Q. Mais lorsqu'on pose des questions, on souhaite des réponses parce que,

23 bien entendu, je vais contester ce rapport d'expertise.

24 Dites-moi, si un stabilisateur de mine de calibre 120 millimètres à une

25 ailette et tombe sur le sol, sur un sol asphalté, vous citez le chiffre de

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1 200 à 250 millimètres de profondeur dans votre rapport, est-ce qu'il y

2 avait quelque chose sous l'asphalte ? Est-ce que c'était du sable ?

3 R. Ecoutez, ne simplifiez pas trop les choses.

4 Q. Est-ce que la vitesse d'impact de cette mine lui aurait permis de

5 demeurer dans l'état que vous avez décrit ?

6 R. Je vous ai dit qu'il fallait une vitesse minimale de 200 mètres

7 seconde.

8 Q. Quel est le rayon d'actions moyen d'une telle mine ?

9 R. Selon les données disponibles, 17 mètres environ. Tel était le rayon

10 moyen.

11 Q. Fort bien. Dites-moi, qu'est-ce qui est plus précis ? Quelle est la

12 détermination la plus précise qu'il est possible de faire sur la base des

13 angles de tirs lorsqu'ils sont petits ? Est-ce que la précision est plus

14 grande avec le tir d'une mine, comme vous le dites au paragraphe 3 dans

15 votre rapport précédant ? Il y est dit que si des responsables d'un mortier

16 avaient la possibilité de choisir un angle -- donc, ce que je vous demande,

17 c'est si la précision est plus petite ou plus grande en fonction de l'angle

18 -- de la croissance de l'angle ?

19 R. 45 -- 40 degrés et plus.

20 Q. 40 degrés et plus.

21 R. Ce qui veut dire que les deux sont sur le même plan, d'un point de vue

22 objectif, qu'il s'agit d'une mine ou d'un autre projectile.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] L'heure de la pause est arrivée.

24 Monsieur Milosevic, nous devrons terminer ceci -- cette audience à 13

25 heures 45, pour terminer l'audition de ce témoin. Si vous -- je demanderais

Page 31025

1 à M. Tapuskovic de nous dire quelle est sa position. Je suis sûr qu'il vous

2 sera reconnaissant si vous lui laissez quelques instants.

3 Suspension de 20 minutes.

4 --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.

5 --- L'audience est reprise à 12 heures 38.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Tapuskovic aura besoin d'une quinzaine de

8 minutes. Je lui laisserai donc ces quinze minutes, de façon à ce que nous

9 puissions achever l'audition de ce témoin aujourd'hui, conformément à ce

10 qui a été prévu.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Monsieur Zecevic, quelle est la vraisemblance qu'une mine de calibre

13 120 millimètres puisse atteindre une cible de 28 mètres sur 23 mètres

14 située à plus de 1 000 mètres de distance du point d'origine du tir ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] En l'absence d'un tableau --

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, mais

17 pourriez-vous répéter la question, Monsieur Milosevic.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais la répéter.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. J'ai demandé quelle était la vraisemblance de voir une mine de calibre

21 120 millimètres atteindre un objectif fixé à l'avance dont la taille est de

22 23 mètres sur 28, qui se trouve à une distance de plus de 1 000 mètres du

23 point d'origine du tir.

24 R. Je ne saurais le dire sans consulter les tableaux servant à fournir ce

25 genre de réponse, en cas d'un objectif fixé à l'avance. Si c'est la

Page 31026

1 première fois que l'on place le mortier en question sur ces positions, et

2 que c'est le premier tir que l'on effectue, il est relativement plus

3 difficile d'atteindre la cible. Mais si le tir est répété à plusieurs

4 reprises, et si toutes les corrections de tir nécessaires sont apportées au

5 tir, comme c'est le cas dans une guerre lorsqu'elle dure depuis longtemps,

6 au fil du temps, les responsables des tirs connaissent leur arme. Il existe

7 des erreurs de tir standard qui sont bien connues pour chaque arme et pour

8 chaque munition. Ces erreurs de tir sont dues à la vitesse du vent, au

9 changement de température et cetera, et cetera.

10 Si l'on ne prend pas tous ces facteurs en compte, il est très difficile de

11 viser avec précision. Mais si l'on connaît déjà la cible à l'avance, si

12 l'on tire sur une cible bien connue, dont on connaît l'emplacement, le

13 marché de Markale, qui pouvait se trouver à 500 mètres ou un autre

14 emplacement à une distance différente. Je ne peux pas vous répondre

15 précisément en cet instant, sans consulter les tableaux qui comportent

16 toutes ces données.

17 Q. Mais les officiers de l'artillerie de la FORPRONU ont affirmé que la

18 vraisemblance de l'exactitude du tir sur le marché de Markale à l'aide

19 d'une seule mine et sans correction de tir, était relativement faible,

20 compte tenu de la distance. Conviendrez-vous que la précision du tir est

21 bien inférieure, lorsque la distance qui sépare le point de départ du tir

22 et le point d'arrivée est inférieur ?

23 R. Oui.

24 Q. Ne pensez-vous pas que le marché de Markale a été visé à partir d'une

25 distance inférieure ?

Page 31027

1 R. Cela n'a rien à voir avec la question, Monsieur Milosevic. Vous oubliez

2 de prendre en compte des éléments physiques. Nous ne pouvons pas modifier

3 la nature. Nous pouvons seulement essayer de la comprendre. La nature

4 s'exprime de façon très clairement. L'obus a explosé, l'angle d'impact

5 était d'environ 60 degrés, l'ailette de stabilisation s'est enfoncée dans

6 le sol. Elle n'aurait pas pu s'enfoncer dans le sol à 200 où à 250

7 millimètres, si la vitesse d'impact était supérieure à 200 mètres/seconde.

8 Q. Mais je vous disais --

9 Monsieur Milosevic, je vous ai entendu. Ne m'interrompez pas. Ecoutez-moi,

10 comme je vous ai écouté. Vous m'avez posé une question. Donnez-moi le temps

11 de répondre. Je vous répète que nous ne pouvons parler de choses qui n'ont

12 rien à voir avec les faits.

13 Nous discutons ici de faits qui ne peuvent pas être débattus, et qui disent

14 très clairement quels sont les lieux possibles d'où le projectile pouvait

15 provenir. Ecoutez, si l'on utilise l'arme d'artillerie la plus précise, à

16 savoir, le mortier. Vous et moi, nous savons qu'au cours de la Seconde

17 guerre mondiale, les mortiers étaient les armes les plus dangereuses pour

18 les partisans. Dans la guerre à Sarajevo et en Bosnie, les mortiers ont

19 fait le plus grand nombre de victimes.

20 Q. Mais dites-moi, je vous prie. Quelle est l'erreur de tir possible

21 exprimée en mètres ?

22 R. Je vous répète qu'en l'absence de connaissance des paramètres en

23 présence, si l'on ne connaît pas la nature du terrain à l'arrière, quelle

24 est l'arme exacte, quels sont tous ces paramètres, je ne peux pas vous

25 répondre. Là, il y a une théorie du tir qui doit être prise en compte.

Page 31028

1 Q. Mais veuillez répondre à la question que je vous ai posée, s'agissant

2 des observations que peut faire un observateur extérieur. Sur la base du

3 son que l'on peut entendre depuis l'endroit où explose la mine, si vous ne

4 pouvez pas déterminer ce que je vous demande en tant qu'expert, est-ce

5 qu'un observateur qui n'a aucun rapport spécial avec les mortiers peut

6 faire cette détermination ?

7 R. Monsieur Milosevic, le son a une vitesse --

8 Q. Je ne vous interrogeais pas sur la vitesse du son. Je vous demandais

9 si, à une distance de 200 mètres, en se fondant sur le son qui est

10 éventuellement entendu à partir de l'explosion de l'obus, est-ce qu'on peut

11 déterminer le lieu d'origine du tir ?

12 R. Ecoutez, on se sert du son comme d'un facteur pour déterminer l'origine

13 d'un tir. Mais il faut avoir trois facteurs de localisation du son pour

14 pouvoir déterminer le lieu d'origine du tir avec précision. Ces systèmes

15 sont bien connus dans le monde entier.

16 Q. Ecoutez, moi, je vous posais la question, parce qu'ici un citoyen -- un

17 témoin, a été entendu qui a dit avoir entendu l'explosion d'un obus de

18 mortier et --

19 R. Lui, il faudrait --

20 Q. Merci beaucoup d'avoir répondu, en disant qu'il fallait utiliser trois

21 facteurs de localisation du son, et cetera.

22 Mais dites-moi maintenant, combien de mines doivent être tirées pour

23 pouvoir corriger un tir de façon efficace ?

24 R. Je pense que vous avez tort de vous fondez sur ces éléments, et de me

25 poser ce genre de question. Je ne suis pas quelqu'un qui dirige ou qui

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1 utilise de nombreux obus de mortier. Donc, je ne peux pas vous répondre.

2 Q. Et bien, c'est une réponse en soi. Mais sur la base des images filmées

3 par les responsables de la FORPRONU, au moment où a été découvert l'ailette

4 de stabilisation, conviendrez-vous que, sur la base de ces images, on voit

5 un soldat qui commence à utiliser un couteau et, qu'à ce moment-là, on ne

6 voit pas l'ailette de stabilisation. Mais que l'ailette de stabilisation ne

7 se voit sur les images, que lorsqu'à l'aide de son couteau, l'officier en

8 question, a retiré quelques éléments du sol apparemment, des cailloux, et

9 cetera.

10 R. Je ne peux pas vous le dire. Moi, je n'ai vu cette séquence vidéo qu'il

11 y a de nombreuses années. Vous l'avez sans doute vue beaucoup plus

12 récemment. Moi, je pense que cela fait huit ou neuf ans que je l'ai vue,

13 même dix ans.

14 Q. Mais le marché de Markale se composait de quoi ? Le terrain à cet

15 endroit ?

16 R. Il y avait une couche d'asphalte de 2 centimètres d'épaisseur, du sable

17 et de la terre.

18 Q. Si la mine a explosé au contact de l'asphalte, l'onde de choc se

19 déploie en largeur ou en hauteur ?

20 R. Monsieur May, est-ce qu'on peut -- est-ce que je pourrais montrer cette

21 radiographie, radiographie d'un projectile très semblable à celui de

22 Markale ?

23 Q. Mais si ce n'est pas la même.

24 R. Cela n'a pas d'importance. Les conséquences sont les mêmes, Monsieur

25 Milosevic. Nous avons ici un projectile de calibre 122 millimètres, très

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1 semblable à celui dont nous parlons. L'image n'est pas à l'envers, elle est

2 très bien placée sur l'écran. Ce que vous voyez en bas, c'est le sol. Vous

3 n'avez pas besoin de tenir compte des mots qui sont inscrits sur cette

4 image.

5 Au moment où le projectile heurte le sol, au moment où le détonateur est

6 activé, et ce que vous voyez ici, c'est l'image du déploiement de l'onde de

7 choc. Au milieu, on voit le début de la réaction complète, c'est-à-dire, le

8 moment où l'explosif entre en action. Vous voyez que la largeur du

9 projectile est plus importante. A gauche, nous voyons une largeur du

10 projectile qui est à peu près égale à deux fois la largeur initiale. Nous

11 voyons que l'onde de choc, vers le sol, se déplace à une vitesse de 2 à 3

12 000 mètres/seconde. C'est cela qui provoque la création d'un petit cratère.

13 Ce n'est pas le projectile au moment de l'impact avec le sol qui crée le

14 cratère.

15 Q. Ce que je vous demandais. C'est dans quelle direction se déployait

16 l'onde de choc ? En largeur ou en hauteur ?

17 R. L'onde de choc se développe de façon égale dans toutes les directions,

18 lorsque la détonation se produit, c'est-à-dire, lorsque le projectile se

19 disperse dans tous les sens. Je parle bien de l'onde de choc, du produit de

20 la détonation, si c'est bien l'objet de votre question.

21 Q. Mais à partir de l'endroit où la mine a heurté le sol, est-ce que

22 l'onde de choc se déploie à partir de l'entrée en action du détonateur ?

23 R. Non. Le produit de la détonation s'enfonce dans le sol, dans la partie

24 que je vous montre ici. Nous n'avons pas l'image de l'étape suivante. Parce

25 qu'il y a éclatement du projectile dans toutes les directions, dispersion

Page 31031

1 et déplacement dans l'espace de ces fragments.

2 Q. Aussi bien en largeur qu'en hauteur.

3 R. Dans toutes les directions, oui. Maintenant, on peut faire dépendre son

4 avis de l'importance de la détonation qui a un effet sur l'espace couvert

5 par la dispersion des fragments. Ceci nous permet de faire certaines

6 constations.

7 Je peux vous montrer, par exemple, ce graphique, que vous voyez ici sur

8 l'écran. Nous voyons ici que le nombre le plus important de fragments se

9 disperse dans la partie de l'espace où la vitesse de déploiement est la

10 plus importante. Et le nombre des fragments est inférieur dans la partie de

11 l'espace où la vitesse de déplacement est inférieure.

12 Q. L'onde de choc entraîne la projection de certains éléments.

13 R. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que les produits de la

14 détonation durant l'explosion entraînent une détérioration de la structure

15 du corps du projectile. Des pressions s'exercent à l'intérieur du

16 projectile, qui vont de 250 à 300 000 bars, à des températures très

17 importantes, de près de 3 000 degrés Celsius. La détonation entraîne le

18 déplacement de fragments de métal qui peuvent se déplacer à 1 500 ou 2 000

19 mètres/seconde en fonction du poids du matériel examiné.

20 Q. Mais, est-ce que les produits qui sont libérés durant l'explosion

21 peuvent se retrouver sur le lieu de l'explosion ?

22 R. Je ne comprends pas de quoi vous parlez exactement, de quels éléments ?

23 Q. Et bien, écoutez, le projectile heurte le sol, il projette des éléments

24 dans toutes les directions, comme vous l'avez dit. Je vous demande s'il est

25 possible de retrouver ces éléments sur le lieu de l'explosion.

Page 31032

1 R. On devrait pouvoir les trouver dans le voisinage. On peut trouver, par

2 exemple, des parties du détonateur. Quant aux traces que vous avez pu voir

3 sur l'asphalte, elles sont le résultat d'un choc sur l'asphalte de la part

4 d'un certain nombre de fragments qui n'ont pas pu ricocher, et qui peuvent

5 être retrouvés par quelqu'un qui se promènerait dans le voisinage, sans

6 doute.

7 Q. Mais est-il vraisemblable dans ces conditions, parce que nous avons vu

8 l'image de l'ailette de stabilisation où on voyait qu'elle était recouverte

9 de terre et de cailloux. On ne voyait pas l'ailette, ce qui semble montrer

10 que l'ailette de stabilisation ne s'est pas enfoncée elle-même dans le sol,

11 mais qu'elle y a été enfoncée par la main de l'homme.

12 R. Ecoutez, Monsieur Milosevic, nous parlons d'une vitesse de déplacement

13 des fragments où 30 millions d'éléments du projectile se déplacent à la

14 seconde. Il n'y a pas stabilisation. Quand on voit que cette partie du

15 projectile est déjà détruite, nous parlons d'ailette de stabilisation qui

16 se trouve tout en haut ici, qui poursuit son chemin, puisqu'il n'y a plus

17 d'obstacle, qui s'enfonce dans le sol à une profondeur de 200 à 250

18 millimètres.

19 Q. L'ailette de stabilisation n'est pas expulsée.

20 R. Non, c'est impossible. Parce que, Monsieur Milosevic, pour que

21 l'ailette de stabilisation soit expulsée, il faudrait --

22 Q. L'explosion n'a pas entraîné son expulsion, elle est restée enfoncée

23 dans le sol. Comment est-ce que c'est possible ?

24 R. Monsieur Milosevic, la vitesse d'expulsion de cette ailette de

25 stabilisation, il faudrait avoir 150, plus ou moins 20 mètres, c'est ce que

Page 31033

1 je vous ai dit lors de mon analyse précédente. Si la vitesse de la mine

2 est, au minimum, de 200 mètres à la seconde, et je parle bien d'un minimum.

3 Cela signifie que l'ailette de stabilisation, après l'impact, devrait avoir

4 une vitesse résiduelle qui permettrait son enfoncement dans le sol. Cette

5 vitesse doit être de 40 à 60 mètres/seconde minimum. Mais lorsque la mine

6 est lancée, et qu'il s'agit d'un premier, d'un deuxième ou d'un troisième

7 tir, disons plutôt d'un premier ou d'un deuxième tir, à ce moment-là, la

8 vitesse de l'impact est inférieur à la vitesse de projection et l'ailette

9 de stabilisation est renvoyée vers l'arrière. Mais si la vitesse d'impact

10 se situe entre 170 et 150 mètres/seconde, on trouvera l'ailette de

11 stabilisation gisant quelque part, tout près. Lorsque la vitesse d'impact

12 est de 200 mètres/seconde ou supérieure, l'ailette de stabilisation

13 s'enfonce dans le sol. Donc, il y a trois possibilités différentes.

14 C'est en fonction de ces trois possibilités de départ, qu'on peut tirer des

15 conclusions pour déterminer éventuellement, quelle est la distance par

16 rapport au point d'origine du tir.

17 Q. Mais les experts des Nations Unies ont dit qu'il aurait fallu que

18 l'ailette de stabilisation soit expulsée, qu'elle ne pouvait pas se trouver

19 enfoncée dans le sol à cette vitesse.

20 R. Ecoutez, Monsieur Milosevic, les experts que j'ai connus à l'institut

21 spécialisé qui sont de vrais professionnels, avec lesquels j'ai travaillé

22 pendant 12 années, ont eu la possibilité à mes côtés, dans des

23 circonstances similaires de déterminer si l'ailette de stabilisation devait

24 se trouver à l'endroit de l'impact ou pas. Je vous ai dit qu'il y avait des

25 paramètres à prendre en compte. Il ne peut pas y avoir de différences entre

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1 les points de vue des experts.

2 D'autre part, dans le laboratoire pour lequel je travaillais, vous

3 trouverez le rapport d'experts américains en balistiques, qui fournissent

4 la formule exacte permettant de déterminer la vitesse d'expulsion

5 nécessaire pour qu'il y ait expulsion de l'ailette de stabilisation.

6 Q. Mais elle n'a pas été expulsée, cette ailette. Elle était enfoncée

7 comme on le voit sur les images vidéo, sous des cailloux et du sable.

8 R. Je parlais de la vitesse d'expulsion, Monsieur Milosevic. On a aussi

9 cette vitesse minimale de 200 mètres/seconde pour l'impact. Lorsqu'on a une

10 vitesse minimale de 200 mètres/seconde à l'impact, et qu'on tient compte de

11 la vitesse résiduelle, cela vous donne la vitesse à laquelle l'ailette de

12 stabilisation s'enfonce dans le sol. Et je répète pour que les choses

13 soient plus claires pour vous.

14 Lorsque la vitesse d'expulsion est inférieure à la vitesse d'impact, nous

15 sommes dans une situation. Lorsque les deux vitesses sont égales, l'ailette

16 de stabilisation se trouve dans le voisinage. Lorsque la vitesse d'impact

17 est inférieure à la vitesse de tir, l'ailette de stabilisation se trouve

18 enfoncée dans le sol. Cela vous donne des valeurs différentes.

19 On a l'ailette de stabilisation à une profondeur de 60 millimètres ou de 82

20 millimètres, elle ne se trouve jamais exactement à l'endroit de l'impact,

21 parce que les deux vitesses dont je parle sont toujours différentes. Tous

22 les experts vous le diront.

23 Q. Fort bien, Monsieur Zecevic, vous nous avez très bien expliqué cela.

24 Pouvons-nous conclure que votre rapport d'expertise tel qu'il est, et je ne

25 suis pas d'accord avec ces conclusions, n'a pas permis de créer un doute

Page 31035

1 raisonnable même pas chez vous, quant au fait que ce serait les Serbes qui

2 auraient tiré l'obus qui a frappé le marché de Markale. Parce que vous avez

3 déterminé un lieu de départ du tir possible, y compris dans les rangs

4 musulmans. Vous l'avez dit vous-même.

5 R. Monsieur Milosevic, écoutez.

6 Q. Le doute n'a été levé par personne; pas plus par vous que par les

7 autres experts qui ont travaillé sur la question.

8 R. Vous n'avez pas raison. Je vous ai dit qu'il y avait six points

9 d'origine possibles du tir pour cet obus de mortier dans les mêmes

10 conditions d'impact sur le lieu en question.

11 Q. Fort bien. Mais je répète ce que j'ai dit tout à l'heure. Pour que

12 l'ailette de stabilisation s'enfonce dans le sol, il faut que sa vitesse

13 soit supérieure à 200 mètres/seconde. Ce qui nous dit de la façon la plus

14 claire qui soit que le projectile n'a pu être lancé qu'à partir du

15 quatrième, cinquième ou sixième lieu envisagé pour le point d'origine du

16 tir, c'est-à-dire, à une distance supérieure à 4 900 mètres.

17 Q. Plus la vitesse de tir est élevée, plus grande est la distance ?

18 R. Non. Monsieur Milosevic, je vous ai déjà dit que c'était l'angle

19 d'impact qui devait être pris en compte. L'angle d'impact est la profondeur

20 de l'impact dans le sol. En prenant ces deux éléments, on conclut à ce que

21 je viens de dire, à savoir que trois lieux d'origine sont envisageables et

22 possibles, qui se trouvent situés à 4 900 mètres, 5 000 ou 6 300 mètres de

23 distance du lieu d'impact.

24 Q. Votre conclusion est claire. Mais examinons ce schéma si vous le voulez

25 bien. Est-il possible que le projectile ait été tiré à partir du véhicule

Page 31036

1 dont je vous montre l'image ici ?

2 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Que voulez-vous me dire en me montrant ce

4 véhicule ? Quel est le rapport entre ce véhicule et le tir de cet obus ?

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Poursuivez. Oui, poursuivez.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas clair. Je ne comprends pas. Il

7 n'est pas important de savoir si cet obus venait d'un véhicule ou d'un

8 mortier. Il suffit de savoir où se trouvait ce mortier en question.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Et bien, c'est là la question. Le mortier aurait pu se trouver sur ce

11 véhicule. Les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine disposaient d'un tel

12 véhicule qu'ils ont utilisé pour tirer. Il est tout à fait possible que cet

13 obus soit venu de ce véhicule.

14 R. Je ne veux pas entrer dans cette discussion. Mon étude montre

15 clairement que la direction, c'était 18 degrés nord, nord-est. Il y a six

16 lieux possibles de tirs. Plus tard, j'ai indiqué qu'il y avait, en fait, à

17 retenir trois positions avec la quatrième, la cinquième et la sixième

18 charge. Ce véhicule aurait pu se trouver à 4 900 mètres dans un territoire

19 tenu par l'armée de la Republika Srpska. Si c'est le cas, c'est tout à fait

20 possible, s'ils voulaient que ce véhicule soit placé à cet endroit. Mais je

21 ne vais pas entrer dans cette discussion.

22 Q. Mais c'est ce que j'affirme. Ceci cadre bien avec les conclusions

23 tirées par les experts onusiens. A savoir qu'il est possible que cet obus

24 soit venu d'un territoire contrôlé par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

25 R. La position la plus éloignée que tenait l'armée de Bosnie-Herzégovine

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1 se trouvait à 1 900 mètres. Je vous le répète, ces trois endroits qui

2 auraient pu être les lieux d'origine avec les effets recueillis, c'était

3 4 900, 5 000 et 6 300 mètres.

4 Q. Mais ici, j'ai un autre croquis, qui vous montre les dégâts provoqués

5 au départ sur l'asphalte, et d'autres endommagements causés plus tard

6 manuellement. C'est indiqué par les lignes en pointillé, alors que les

7 dommages initiaux sont en traits continus. Voici ce qu'on peut tirer comme

8 conclusion, à lire les rapports des experts des Nations Unies. J'aimerais

9 un commentaire de votre part à cet égard.

10 A votre avis, est-il possible que ces deux directions aient provoqué une

11 certaine confusion, parce qu'on aurait occasionné des dégâts

12 ultérieurement, à cause des coups portés au sol, à la main ?

13 R. Ceci est un croquis fait à la main. Moi, je ne suis pas photographe.

14 Q. Mais bien sûr que c'est un croquis fait à la main. Comment, sur une

15 photo, peut-on indiquer une flèche ?

16 R. Mais ici, on parle d'intervention mécanique sur le lieu de l'explosion.

17 Si je prends cette photo, vous avez un enregistrement vidéo fait aux

18 présences d'officiers des Nations Unies. Dites-moi s'il y a différence.

19 Maintenant, vous me montrez un croquis de ce genre, un artiste aurait pu le

20 faire. Vous voyez les lignes en pointillé, elles montrent les dégâts

21 provoqués plus tard, à la main. Vous nous montrez un croquis. Mais il n'y a

22 pas eu d'intervention ultérieure qu'on voit sur cette photo. Je voudrais

23 que votre expert vienne à Sarajevo. Personne ne les empêche de le faire

24 aujourd'hui. Ils peuvent voir les points d'impact. On peut voir s'il y a eu

25 des manipulations ultérieures.

Page 31038

1 Q. Mais vous l'avez dit vous-même. Maintenant, on a tout à fait changé

2 l'aspect de cette place du marché de Markale.

3 R. Oui, mais il y a d'autres endroits.

4 Q. Mais de toute façon, les traces sont détruites une fois pour toute,

5 aujourd'hui. Cependant, de façon générale, vous dites que quelqu'un qui a

6 fait l'école élémentaire n'aurait aucune peine à le comprendre. Je suppose

7 que les officiers qui ont rédigé ce rapport, avaient au moins cette

8 formation de l'école élémentaire.

9 R. Jamais, je n'ai vu un seul rapport établi par un officier des Nations

10 Unies.

11 Q. J'appelle votre attention sur autre chose. Vous avez témoigné dans le

12 procès Galic, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Il y a un document qui est en rapport avec le général Galic. On parle

15 ici d'un document intitulé "Jugement et opinion," chapitre VII, opinion

16 séparée --

17 R. [aucune interprétation]

18 Q. Le Juge Nieto-Navia marque sa dissension.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne vais pas vous empêcher

20 nécessairement de formuler une opinion qui aurait été différente telle

21 qu'émise dans un autre jugement. Mais est-ce qu'il est vraiment nécessaire

22 que le témoin soit avisé de ceci. Vous pouvez poser une question, pour

23 autant qu'elle soit brève et qu'elle soit pertinente.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, cette opinion séparée, fait

25 plusieurs pages. Je vais me contenter de n'en lire que quelques lignes. Je

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1 serai donc très bref. Ne vous en faites pas. Je vous en prie.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Point 97, il est dit : "Pour les raisons susmentionnées, je ne suis pas

4 convaincu que l'Accusation a apporté la preuve au-delà de tout doute

5 raisonnable, que le RSK aurait tiré l'obus qui a explosé sur la place du

6 marché de Markale le 5 février 1994. Je ne tire pas cette conclusion

7 gratuitement, car l'armée de Bosnie-Herzégovine ainsi que le RSK, ont pu se

8 servir pendant le conflit de mortier de 122 millimètres. Se sont des armes

9 qu'il est facile de transporter, de déplacer sans trop de difficulté.

10 Enfin, je sais que mes conclusions portant sur l'origine du tir, sont

11 appuyées par les conclusions officielles tirées par les équipes des Nations

12 Unies, opinions qui ont été communiquées au conseil de Sécurité des Nations

13 Unies. "Puis, il y a une citation, qu'il n'y avait pas suffisamment de

14 preuves physiques permettant de prouver qu'une partie ou l'autre aurait été

15 à l'origine de ce tir."

16 C'est tout ce que je voulais citer de cette opinion.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne vous ai pas empêché de le faire.

18 Mais en règle générale, ce n'est qu'un avis. Nous ne devons pas

19 nécessairement en tenir compte, puisque c'est un commentaire.

20 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur May. Je poursuis mes

22 questions.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Monsieur Zecevic, est-il exact de dire que c'est seulement six jours

25 plus tard, le 11 février que l'enquête a commencé. Et que cette équipe dite

Page 31040

1 spéciale du commandant Hamill, de Jose Grande, et de Sajis Arkan [phon], un

2 commandant lui aussi, a commencé. Vous vous en souvenez ?

3 R. Je vous ai déjà dit plusieurs fois que je n'ai pas vu un seul rapport

4 des Nations Unies à propos de cet incident. Je n'ai pas participé à leurs

5 travaux. Moi, j'ai fait et terminé mon travail en deux jours pendant la

6 guerre, les 6 et 7. Et depuis, je n'ai plus été consulté. Ceci jusqu'en

7 1995, au moment où il y a eu une explosion au bâtiment de la radio et de la

8 télévision de Sarajevo. Depuis, je n'avais pas été contacté. Je ne suis

9 donc pas au courant.

10 Q. Et bien, je vais vous le dire. Quatre jours plus tard, ils ont mené une

11 enquête. Ils ont fourni un rapport. Et comment expliquez-vous qu'il ait

12 fallu quatre jours à cette équipe spéciale des Nations Unies pour terminer

13 son rapport ? Alors que vous, en si peu de temps, après simplement avoir

14 entendu dire à la télévision qu'il n'était pas possible d'établir le lieu

15 d'origine du tir, que vous avez déjà donc terminé ce travail, et que le

16 rapport était prêt dès le 7. Est-ce qu'ils sont moins compétents que vous,

17 ces hommes, ou y a-t-il d'autres raisons expliquant cette état de chose ?

18 R. Monsieur Milosevic, si vous lisez mon rapport que j'ai rédigé avec mes

19 collègues, rapport terminé en deux jours. Nous avons indiqué qu'il y avait

20 six lieux possibles d'origine. Et nous avons dit qu'un seul d'entre eux se

21 trouvait sur le territoire tenu par l'armée de Bosnie-Herzégovine. J'ai

22 fait plus tard des études supplémentaires, ces deux dernières années à la

23 demande de bureau du Procureur. J'ai fait une étude plus détaillée. Je vous

24 l'ai dit à plusieurs reprises aujourd'hui. J'ai pu ainsi montrer que sur

25 ces lieux, ces six lieux possibles, les lieux quatre, cinq et six,

Page 31041

1 réunissent des conditions requises. J'avais reçu un ordre du juge

2 d'instruction. Je devais terminer mon rapport en 48 heures. J'ai donc

3 exécuté ces instructions, puisque c'est lui qui m'avait nommé à cette

4 fonction. J'ai terminé mon travail de façon professionnelle dans le délai

5 qui m'avait été imparti, et avec les faits qui m'avaient été fournis. Plus

6 tard, j'ai procédé à d'autres analyses. J'en ai fourni le résultat au

7 bureau du Procureur. Ceci vous donne l'objet de ma déposition aujourd'hui.

8 Je ne conteste pas le moins du monde la compétence des experts des Nations

9 Unies. Vous avez votre propre avis. Moi, j'ai mon avis technique. Il

10 revient aux Juges de déterminer lequel de ces documents ils vont retenir.

11 Q. Si le 15 février, ces gens disent qu'il est impossible d'établir le

12 lieu d'origine des tirs --

13 R. Ils ont bien le droit de le faire.

14 Q. Mais ils ont un rapport initial qui indique que le tir venait du côté

15 musulman ?

16 R. Je ne le sais pas du tout. Moi, je n'ai pas lu, ces rapports. Je ne

17 peux parler que de ce que j'ai fait. Je ne suis quelqu'un d'officiel en

18 Bosnie-Herzégovine. Je suis un citoyen ordinaire. Je suis professeur à

19 l'université. C'est tout.

20 Q. Est-il vrai de dire que votre engagement n'a rien à voir avec ce que

21 disent les experts des Nations Unies, puisque eux, ont produit leur rapport

22 final le 15 ? Ils disent qu'il n'est pas possible d'établir le lieu

23 d'origine.

24 R. Inutile de répéter ce que j'ai déjà dit dans ma déclaration. J'ai

25 appris par la radio, la télévision, que ces experts disaient qu'il n'était

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1 pas possible d'établir ce lieu.

2 Q. Paragraphes 4 et 5, dans votre déclaration de 1996, vous dites : "Au

3 début de la guerre, en tant que membre d'une équipe d'experts, j'ai

4 organisé à Sarajevo, la production et la mise au point d'armes."

5 Je vais ralentir pour les interprètes. En tant -- je répète la citation :

6 "En tant que membre d'une équipe d'experts, au début de la guerre, j'ai

7 organisé la mise au point et la production d'armes. Nous avons travaillé de

8 concert avec l'état major de l'armée de Bosnie-Herzégovine. J'ai occupé

9 cette fonction jusqu'en décembre 1995, au moment où l'équipe a été

10 démantelée."

11 Est-ce exact ?

12 R. Oui. J'ai été remplacé.

13 Q. Vous avez cessé vous activités dans ce domaine, un mois et vingt jours

14 avant l'explosion de Markale ?

15 R. Non, non. J'ai été remplacé à mon poste en juillet 1993, lorsque le

16 chef de l'état major de l'armée de Bosnie-Herzégovine, Sefer Halilovic, a

17 été remplacé. A ce moment-là, toute l'unité à laquelle j'appartenais, a été

18 démantelée. Pendant, six mois, j'étais mis en disponible, mais ils ne

19 savaient pas que faire de moi. Et en décembre, j'ai eu pour mission d'aller

20 à l'institut UNIS. Et donc, j'ai été à l'institut UNIS. J'étais toujours

21 sous l'obligation de remplir mes devoirs militaires. J'ai travaillé comme

22 chef de ce service de recherche, attaché au Grand état major de l'armée, de

23 juin à juillet -- de juillet 1992 à juillet 1993. Lorsque mon unité a été

24 démantelée, j'ai été mis en disponibilité. Ils ne savaient pas ce qu'ils

25 devaient faire de moi.

Page 31043

1 Q. CV, page 030374, on dit que vous étiez employé à l'état major de l'armée

2 de Bosnie-Herzégovine, à la faculté de génie mécanique de Sarajevo ?

3 R. Au centre spécial chargé de la recherche et de développement, rattaché

4 à l'état major -- au grand état major.

5 Q. De l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

6 R. Oui.

7 Q. Mais ça c'est le Grand état major.

8 R. Non, non. C'était une unité, si vous voulez, qui dépendait du Grand

9 état major. Je n'en n'étais pas membre.

10 Q. Ce n'est pas ce je dis non plus, mais c'est lui qui vous employait.

11 R. Mais si vous voulez, tous les soldats sont sur les ordres ou employés

12 par le Grand état major. Ne me mettez pas vos termes à la bouche.

13 Q. Non, je vous cite simplement. Vous dites avoir été employé au Grand

14 état major de l'armée de Bosnie-Herzégovine en tant que chef du service,

15 chargé de la recherche et développement.

16 R. Non, au centre pour la production spéciale et au centre de recherche.

17 Ils étaient attachés, si vous voulez, au Grand état major, mais ils

18 n'étaient pas au sein de celui-ci.

19 Q. D'accord, et vous avez travaillé à la mise au point à la conception de

20 projectiles ?

21 R. Oui, puisqu'il n'y avait pas de pièces de rechanges, il n'y avait pas

22 de moyen fabrication, il fallait trouver un moyen de veiller à ce que

23 l'armée de Bosnie-Herzégovine assure elle-même la production de munitions,

24 et j'y ai travaillé un an.

25 Q. Paragraphe 37 dans votre déclaration de juillet 2002, vous faites la

Page 31044

1 description de la façon dont vous avez utilisé des obus qui n'avaient pas

2 explosé que vous aviez recueilli sur le territoire de Sarajevo pour

3 produire des projectiles mortels.

4 R. Oui, car 60 % de nos besoins en explosifs ont été produits de cette

5 façon. Pour tout kilo d'explosifs qu'on trouvait dans un obus qui n'avait

6 pas explosé, cela représentait une bombe. Des gens risquant leurs vies

7 sont allés à la recherche de ces explosifs qui n'avaient pas explosé. Nous

8 avons extrait l'explosif même pour l'utiliser à des fins de défense.

9 Q. L'enquête aurait pu conclure notamment qu'il y avait une explosion à

10 Markale d'un explosif que vous auriez pu contribuer à produire.

11 R. A Pretis, oui, mais avant la guerre.

12 Q. Et pas quelque chose que vous auriez fabriqué vous-même à partir d'obus

13 qui existait déjà mais qui n'avait pas explosé ?

14 R. Nous avons fabriqué des grenades à main et à fusil pour la Défense

15 personnelle, mais nous n'aurions pas pu produire des projectiles plus

16 importants qui auraient utilisés des obus de calibre 122.

17 Q. N'était-il pas vrai que vous n'aviez pas un intérêt à dire que c'était

18 l'armée de Bosnie-Herzégovine qui était responsable d'eux.

19 R. Je ne veux pas commenter.

20 Q. Mais vous travaillez pour le Grand état major de l'armée.

21 R. Je travaillais à la défense des citoyens de Sarajevo, à la défense de

22 mes amis, de mes parents. J'étais commandant de l'unité se composant à 30 %

23 de Serbes, à 21 % de Croates, le reste était des Musulmans.

24 Q. Ce n'est pas ce que je vous demande.

25 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent qu'il y ait des poses. M. LE JUGE

Page 31045

1 MAY : [interprétation] Vous rendez la vie des interprètes très impossible.

2 Vous devez penser aux interprètes et ménager des poses entre vos

3 interventions.

4 Poursuivez.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Je ne vous ai pas posé de questions à propos des autres membres de

7 votre unité. Ce que je disais c'est ceci : est-ce qu'il n'est pas évident

8 que vous vous aviez intérêt à ne pas montrer que s'était l'armée Bosnie-

9 Herzégovine qui avait tirée sur Markale ?

10 R. J'ai travaillé en tant que homme professionnel, dans mon rapport vous

11 ne trouviez rien du tout qui soit en parti pris. Vous avez ce rapport

12 établi par les collègues de l'institut. Vous pouvez leurs demander s'il y

13 a une faille dans ce que j'ai dit.

14 Q. Dans vos conclusions vous auriez apparemment établi que c'étaient les

15 Serbes qui avaient tiré cet obus, alors que les experts des Nations Unies

16 ont tirés des conclusions disent que s'étaient les Musulmans qui avaient

17 tirés. Le 15 février cette équipe spéciale a établie qu'il était

18 impossible que se soit venu des Serbes.

19 R. Lisez mes conclusions, je vous les lis. Dans mon rapport il est dit

20 très clairement 18 degrés, nord nord-est. La trajectoire est indiquée

21 également. La direction, l'angle est de 15 -- 50 à 60 degrés.

22 Q. S'il vous plaît.

23 R. Non, écoutez, écoutez, s'il vous plaît. Moi, je vous ai écouté, et je

24 veux répondre maintenant à ce que vous avancez. J'ai dit qu'il y a avait

25 six lieux possibles pour ce qui est de l'origine du tir. Ici, j'ai repris

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1 des relevés d'une carte topographique militaire. Et il y a un de ces lieux

2 qui se trouve en territoire tenu par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Les

3 cinq autres se trouvant en territoire tenu par les Serbes; rien d'autre.

4 C'est la conclusion que je tire. Alors, ne me fait pas un procès

5 d'intentions, surtout lorsque je n'ai pas consigné ceci dans mon rapport.

6 Q. Mais serait-il possible que tous les experts onusiens qui ont

7 participés aux enquêtes et aux cas n'avaient de raison de faire preuve de

8 partialité, ce qui n'est pas le cas pour vous. Comment toutes ces

9 personnes auraient-elles dit quelques choses de tout à fait différentes,

10 car vous êtes le seul à dire que le tir est venu du côté Serbe. Vous êtes

11 le seul qui avait un intérêt personnel direct à voir un certain résultat à

12 ces enquêtes et vous étiez le seul à titre professionnel à déterminer que

13 c'étaient les Serbes qui avaient tirés.

14 R. Que vous dire, Monsieur Milosevic. Jamais je n'ai eu un terme péjoratif

15 a prononcé pour ce qui est de ce rapport des Nations Unies. Je ne peux

16 rien vous dire à ce propos. Je ne les ai pas vus. Il faudrait d'abord que

17 je les voie. Je vous dis pour la nième fois qu'il faudrait d'abord que je

18 voie ces rapports. Je ne sais pas si c'étaient vraiment des gens

19 compétents ou pas.

20 Je vais vous dire une chose, Monsieur Milosevic. Vous aurez du mal à

21 trouver qui que se soit dans le monde qui aurait travaillé à la conception

22 de munitions pendant 17 ans, qui aura enseigné à la faculté, et qui pendant

23 3 ans et demi a été la cible de projectiles. Quiconque qui aurait eu

24 l'occasion de sentir dans sa chaire l'effet d'un projectile de combat. Je

25 peux vous dire que mon expérience est considérable dans un sens comme dans

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1 l'autre, positif comme négatif. Je connais beaucoup de modèles théoriques

2 qui portent sur le phénomène de la fragmentation s'agissant de projectile,

3 et je suis la recherche que fait -- que font les experts américains dans ce

4 domaine.

5 Je suis vraiment un expert en la matière. Pour ce qui est des experts des

6 Nations Unies, impossible de dire quoi que ce soit. Je vous l'ai dit

7 gentiment, moi. J'ai fourni mon rapport. Vous avez vu mon curriculum vitae

8 et maintenant vous me parlez d'expert dont jamais, je n'ai entendu parlé,

9 dont je n'ai jamais vu une ligne et je n'ai jamais rien dit à leur propos,

10 ni positif ni négatif.

11 Q. Moi, je ne parle pas d'eux. Je parle de vous Monsieur. Est-ce qu'il

12 n'est pas évident qu'il y a conflit d'intérêt ce qui vous disqualifie

13 inévitablement en tant qu'expert ici dans ce procès, puisque vous étiez un

14 employé de l'état major de l'armée de Bosnie-Herzégovine ? Vous aviez un

15 intérêt direct à ce que le blâme soit mis sur les Serbes. Même dans ce

16 rapport d'expert, vous parlez des Serbes en termes péjoratifs. Ce conflit

17 d'intérêt, il vous disqualifie en tant qu'expert.

18 R. Pas du tout, Monsieur Milosevic. Au moment de rédiger ce rapport, je

19 n'étais pas engagé par l'armée. Ça c'est une chose.

20 Et puis lorsqu'on parle de "Chetnik", ce n'est pas un terme péjoratif.

21 Q. Mais vous parlez "des agresseurs."

22 R. Mais évidemment, si quelqu'un vous lance des projectiles, qu'est-ce que

23 c'est.

24 Q. Mais est-ce que quelqu'un -- est-ce que vous, vous avez lancé des

25 projectiles sur eux ? Il y avait le Corps de Sarajevo-Romanija, et il y

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1 avait le Corps de la VRS, et il y avait des heurts entre ces deux corps.

2 Est-ce qu'il y a eu échange de projectiles entre eux ?

3 R. Lorsque vous avez des grenades à fusil avec une portée de 150 mètres.

4 Q. Vous avez dit que vous n'aviez pas de pièces d'artilleries ?

5 R. Moi, je vous dis ce que j'ai fait, Monsieur Milosevic.

6 Q. Fort bien. Mais vous dites que les positions serbes étaient surveillées

7 par d'autres postes d'observation onusiens et que là non plus, on n'a pas

8 tiré.

9 R. Comment voulez-vous que je le sache, moi. J'étais simplement un citoyen

10 de Sarajevo.

11 Q. Un instant, il y une déclaration de la FORPRONU disant qu'il était

12 impossible d'établir qui avait tiré, et vous attachez une grande importance

13 à ceci. Vous n'êtes pas au courant d'autres déclarations faites par la

14 FORPRONU. La seule chose que vous savez, c'est que vous ne savez pas qui a

15 tiré et qu'il est impossible de l'établir.

16 R. Monsieur Milosevic, si vous avez lu mon rapport, je dis que la radio,

17 ce jour-là, le 6, la radio, disais-je, avait annoncée cela. Ce n'est pas

18 moi qui ai reçu un rapport. C'était annoncé à la radio. Le porte-parole des

19 Nations Unies a dit que depuis les positions tenues par l'armée de Bosnie-

20 Herzégovine ce jour-là, pas un seul projectile n'a été tiré. C'est ce que

21 dit mon rapport, ni plus ni moins. Il n'y a pas de rapport spécial qui me

22 serait parvenu des Nations Unies.

23 Q. Bon. Ce que vous avez pris des Nations Unies c'est uniquement cette

24 donnée-là, à savoir qu'il était impossible que ce tir vienne de là. Vous

25 vous rendez compte, j'espère, que le seul rapport qui affirme que ce sont

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1 les Serbes qui ont tiré c'est le vôtre.

2 R. Moi, je n'ai examiné aucun autre rapport si ce n'est le mien.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. J'ai promis quinze minutes à Me

4 Tapuskovic. Je vous remercie, Monsieur May.

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Milosevic.

6 Messieurs les Juges, j'ai l'intention de montrer au témoin plusieurs

7 segments qui font parties de ces déclarations et des éléments dont il s'est

8 servi lui-même lorsqu'il a fait son rapport.

9 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

10 Q. [interprétation] Je me propose pour ma part de commencer Monsieur le

11 Témoin, par la déclaration que vous avez faite en date du 13 décembre, non

12 je m'excuse, le 13 décembre 2002, ou plutôt, je me corrige, le 11 juillet.

13 Je me réfère au 37e paragraphe de cette déclaration. C'est le seul qui

14 m'intéresse. Je voudrais donc vous montrer une partie de ce que vous avez

15 déclaré en cette occasion-là.

16 Je vous demande de vous pencher sur le paragraphe 37. Vous avez dit ici

17 pour que vous ne lisiez pas vous-même : "A partir du mois d'avril ou mai

18 1993, les obus ou les tirs de mortier ou autres qui avaient été tirés par

19 les Serbes en direction de Sarajevo avaient été produits en Serbie. Je le

20 sais parce qu'à compter du mois d'août 1992, j'avais mis en place une

21 pratique de ramassage des obus des explosifs non-explosés afin que les

22 explosifs qui s'y trouvaient soient utilisés pour les besoins du

23 gouvernement de la Bosnie-Herzégovine." Est-ce qu'exact ou pas ?

24 R. C'est exact.

25 Q. Plus loin vous dites : "J'ai demandé des volontaires --" et vous avez

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1 été volontaire vous-même, "pour se déplacer dans Sarajevo et ramasser tous

2 ces obus et grenades qui n'avaient pas explosé," n'est-ce pas ?

3 R. C'est exact.

4 Q. "Cela a constitué une pratique qui dans des situations normales

5 n'aurait jamais été appliquée, mais étant donné que les forces

6 gouvernementales manquaient critiquement d'armes, il n'y avait pas

7 d'alternative." "… à partir de chaque kilogramme d'explosif"… il vous a été

8 par la suite …" était possible de fabriquer des matières explosives."

9 R. Mais lisez avec précision. Je disais qu'il s'agissait de grenades à

10 fusil.

11 Q. Non. Ce qui m'intéresse c'est la partie qui consiste à dire que vous

12 avez ramassé des obus qui n'avaient pas explosé.

13 R. C'est cela.

14 Q. Donc les moyens de ce type qui m'avaient été rapportés par les

15 personnes qui les collectaient portaient le lieu et la date de production,

16 n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Donc en ramassant ces obus qui n'avaient pas explosé, vous avez

19 bénéficié des fuselages de ces obus qui ont vous se servi pour la

20 fabrication de vos propres armes.

21 R. Non. Nous nous sommes servis de l'explosif seul, parce que personne ne

22 serait suffisamment fou de mettre dans un mortier la gaine d'un mortier,

23 d'un projectile de mortier qui avait déjà volé, qui avait été déjà tiré.

24 Q. Bien vous avez dans votre déclaration du 7 septembre et je vais vous la

25 montrer --

Page 31051

1 R. Oui, montrez-la-moi, je vous prie.

2 Q. Très bien. La voici.

3 Vous avez dit aux enquêteurs ici au paragraphe 7, le dernier à partir de la

4 fin, vous avez dit que vous avez travaillé dans la fonderie de Alipasino

5 Polje ?

6 R. Pas moi.

7 Q. Mais ça se fait sur votre contrôle.

8 R. Non, même pas. Ce n'est que sur mon contrôle que l'on a fait les

9 grenades à main et les grenades à fusil. Et les obus de mortier auraient

10 été faits par l'usine de Pretis, et moi je -- c'était des militaires et moi

11 j'avais été juste affecté.

12 Q. Vous avez tout à l'heure répondu aux juges en répondant à une question

13 de M. Milosevic, et cela concernait le centre des Services de sécurité.

14 Vous avez précisé que vous ne leur avez rien demandé. Mais dans votre

15 déclaration du 26, 27 février 1996, première page vers le milieu, on dit :

16 "J'ai décidé d'entrer en contact avec le centre de Services de sécurité, et

17 leur demander si je pouvais, moi, entamer une enquête au sujet de ces

18 événements. Ils ont accepté."

19 Donc il ne s'agit pas d'une expertise. Vous avez demandé une approbation ?

20 R. Attendez. Je dois me pencher là-dessus. Je ne peux rien vous dire

21 encore. Donnez-moi le numéro de la page.

22 Q. C'est surligné ici. Je vais vous donner la feuille en question. Cela a

23 déjà été présenté aux juges de la Chambre. Page 1. Page 1, paragraphe 7. On

24 dit littéralement ce que je viens de vous donner comme lecture : "J'ai

25 contacté avec le centre des Services de sécurité et leur demandé si je

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1 pouvais conduire une enquête." Ils ont donc été d'accord pour que vous

2 conduisiez une enquête et non pas que vous fassiez une expertise.

3 R. Attendez. J'ai été engagé par un juge. Ils m'ont rendu possible un

4 déplacement vers les lieux.

5 Q. Est-ce que vous avez déclaré ce qui est dit dans cette déclaration ou

6 pas ?

7 R. Je ne peux pas conduire une enquête au sein du centre de sécurité --

8 des Services de sécurité alors que je n'en suis pas membre.

9 Q. Mais cela figure ici.

10 R. Elle était mal traduite, c'est tout.

11 Q. Bien merci. Vous avez dit ensuite : "Je n'ai pas été d'accord avec

12 l'opinion du général Smith, parce que les Chetnik et l'armée de la Bosnie-

13 Herzégovine se servaient d'obus différents. Les obus produits à Sarajevo

14 n'étaient pas fabriqués à partir de fer forgé, mais à partir de pièce de

15 fer laminé, d'acier laminé."

16 R. C'est une erreur de traduction. Il s'agissait de fonte, moi j'ai dit de

17 fonte.

18 Q. Vous avez dit dans ces déclarations du 6 au 7 septembre paragraphe 4,

19 page --

20 R. Ici on dit acier laminé.

21 Q. En 1996, vous avez dit qu'il ne s'agissait pas de fonte, mais à partir

22 de bout de fer, et de fer trempé, d'acier trempé.

23 R. Vous voulez que je vous explique.

24 Q. Allez-y. Expliquez-le aux juges.

25 R. Oui, je suis d'accord. Excusez-moi.

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1 Il y a des impératifs technologiques, étant donné que nous n'avons pas

2 disposé de presse, une partie des projectiles pas dans mon unité mais à

3 l'usine Pretis à Sarajevo. Je n'y ai pas participé, mais je le sais. Je

4 l'avais, pourtant, rien à voir avec. Et bien, à partir d'un bloc d'acier

5 ils procédaient à un traitement mécanique grossier, puis assez précis et

6 fin qu'ils pouvaient produire plusieurs grenades par mois. Après ils ont

7 acquis une technologie qui leur permettait de fondre du matériel.

8 Q. Mais pourquoi ne l'avez-vous pas dit. Vous n'avez pas parlé de quel

9 matériel cet obus a été -- avec quel matériel cet obus avait été fabriqué,

10 et puis vous êtes rectifié.

11 R. Ecoutez. Non, ce n'est pas exact. Pour un technicien cela est la même

12 chose.

13 Q. Ecoutez, vous avez déclaré en date du 6 ou 7 septembre --

14 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent de ne pas parler en même temps

15 pour commencer.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je comprends, mais je suis très pressé en

17 raison du peu de temps dont je dispose.

18 R. Allez-y.

19 Q. Dans vos déclarations, "Les obus fabriqués à Sarajevo n'étaient pas

20 faits à partir d'acier laminé mais à partir d'acier fondu."

21 R. Justement, j'essayais de vous expliquer.

22 Q. Attendez la fin de la question. C'est ce qui est dit entre guillemets.

23 C'est ce que vous avez déclaré au départ. Puis vous dites que votre phrase

24 n'a pas été bien interprétée. Les obus de l'armée BH avait été faits

25 d'acier fondu, et non pas de bouts d'acier. Vous avez donc compris que vous

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1 avez commis une erreur, ou que vous êtes entré en contradiction. Et vous

2 avez rectifié votre erreur, une fois que vous avez constaté ce qui est dit.

3 R. Mon cher collègue, si vous avez lu attentivement mon rapport, il n'y

4 est jamais précisé de quoi était fait l'obus en question. On n'a pas dit si

5 c'était du fer laminé ou du fer fondu. Il s'agissait notamment, d'un expert

6 de balistiques. Pour ce qui est de mon rapport, cela n'a aucune importance.

7 Par nulle part, on ne parle d'éclats. Les questions qui m'ont été posées

8 par les enquêteurs, avaient pour objectif, de faire en sorte qu'en ma

9 qualité d'expert, je leur explique le développement de la production des

10 munitions à Sarajevo. Et c'est la déclaration que j'ai fait dans mes

11 entretiens avec eux. Mais dans mon rapport d'expert, à aucun moment, il

12 n'est fait mention des types ou des technologies de fabrication de quelque

13 projectile que ce soit.

14 Je n'ai pas analysé des fragments d'obus. J'ai analysé les effets sur le

15 sol. J'ai analysé l'ailette de stabilisation et la balistique extérieure.

16 Donc, pour ce type d'analyse, ces informations-là ne revêtent aucune

17 importance. Ce qui importe, lorsqu'il s'agit d'acier fondu ou laminé. Cela

18 importe seulement pour ce qui est du nombre de fragments qui se

19 constitueront. Est-ce qu'ils auront la forme de petites lames, ou est-ce

20 que se sera des formes sphéroïdes ? Quand c'est de l'acier laminé, --

21 Q. Monsieur le Témoin, --

22 R. Je ne sais pas si vous avez assez de temps. Mais ce n'est pas parce que

23 vous n'avez pas assez de temps que vous voulez me faire accepter d'avoir

24 déclaré quelque chose qui ne figure pas dans mon rapport. Donc, je tiens à

25 vous dire.

Page 31055

1 Q. Monsieur, vous dites contrairement au rapport de Smith.

2 R. Cela n'a rien à voir. Smith a déclaré, ou plutôt il n'a pas déclaré, il

3 avait déclaré qu'il avait un détonateur de proximité.

4 Q. Revenons au deuxième paragraphe du chapitre, conclusions qui sont les

5 vôtres.

6 R. Laissez-moi trouver. Oui.

7 Q. Vous excluez la possibilité d'une explosion par un dispositif statique.

8 C'est ce que vous avez déclaré.

9 R. Oui.

10 Q. Dans la déclaration que vous avez sous les yeux, celle du 7 au 9

11 septembre, je vous demande d'étudier l'avant-dernier paragraphe. Et vous y

12 dites : "Le professeur Zecevic, à l'intention de l'équipe d'enquêteurs, a

13 remis une photocopie d'un rapport serbe pour les mortiers. Un expert, M.

14 Miroljub Vukasinovic, où il parle des effets des tirs au mortier à Markale

15 en août -- des tirs au mortier à Sarajevo."

16 "S'agissant d'incidents différents, les informations sont pertinentes pour

17 ce qui est de l'incident qui s'est produit en date du 5 février 1994."

18 C'est ce que vous avez confié comme analyse, que vous avez confié aux

19 enquêteurs. Vous avez estimé que cela était pertinent pour le porter à leur

20 connaissance.

21 Alors est-ce que ce qui figure au point 2 ou au paragraphe 2, signifie que

22 vous contestez ce qui figure dans le rapport que vous avez présenté aux

23 enquêteurs ?

24 R. Pouvez-vous me dire, vous parlez de méthodologie là ?

25 Q. Voilà ce qui est dit, cela coïncide avec ce que vous avez dit au sujet

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1 de l'angle. Vous dites qu'il a été procédé à l'analyse de la position du

2 cratère et de la géométrie de l'élément de stabilisation, de l'aileron de

3 stabilisation. Et partant de ces éléments-là, il peut être affirmé que

4 l'explosion de l'obus a eu lieu dans des conditions statiques sous un angle

5 qui variait entre 50 et 60 degrés. C'est précisément l'angle dont vous avez

6 tout le temps parlé. Et cela coïncide. Pouvez-vous nous dire quoi que ce

7 soit à ce sujet, parce que vous avez dit que ce constat-là était

8 pertinent ?

9 R. Permettez-moi tout d'abord que j'ai beaucoup d'estime pour M. Miroljub

10 Vukasinovic. J'ai travaillé avec lui avant la guerre. C'est un bon expert,

11 mais qui n'a pas d'expérience pratique. C'est un expert excellent. Mais

12 toute la thèse en question comporte des concepts qui sont assez valables.

13 Et dans le contexte que vous venez de citer, il n'est jamais dit que

14 j'avais accepté ses conclusions à lui. On ne peut pas parler de conclusions

15 lorsqu'il s'agit de deux explosions différentes. Et on ne peut pas dire que

16 les conclusions sont les mêmes. Mais j'ai dit que la méthodologie qui a été

17 celle de M. Vukasinovic était intéressante, et que nous pouvions en

18 discuter. J'avais des opinions qui divergeaient. Parce que d'autres

19 analyses m'ont fait aboutir à des renseignements divergents. Mais le

20 concept était intéressant pour ce qui est de la compilation de la

21 phénoménologie. Dans ma déclaration, je n'ai jamais mentionné qu'il est dit

22 que les conclusions de M. Vukasinovic étaient exactes. J'ai dit que le

23 concept sur lequel ses conclusions se fondaient, pouvait servir à la

24 compréhension de la phénoménologie. Parce que M. Vukasinovic a essayé

25 d'expliquer cette phénoménologie de façon appropriée. Il a fait quelques

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1 erreurs, mais cela n'a aucune importance. Mais ne m'interrompez pas.

2 Q. Donc, vous acceptez la chose de ce point de vue-là.

3 R. Mais vous ne pouvez pas me mettre dans la bouche ce que vous voulez me

4 mettre dans la bouche. Vous ne pouvez pas me mettre dans la bouche ce que

5 je n'aurais pas dit. Des collègues du bureau du Procureur, m'ont demandé ce

6 qu'il pouvait être fait. Je leur ai dit : "Voilà, l'analyse du Dr

7 Vukasinovic. C'est un homme jeune, mais un bon expert. Il a essayé

8 d'expliquer la chose, ses conclusions ne sont pas bonnes." Mais la théorie

9 sur laquelle cela se fonde, a des justificatifs très importants." C'est ce

10 que j'ai dit. Parce que dans mon rapport à l'intention du bureau du

11 Procureur, j'ai dit que je n'acceptais pas les conclusions. Mais j'ai dit

12 que l'étude sur le plan technique et scientifique était intéressante.

13 Q. Monsieur Zecevic, je ne dis rien par cœur. Je vous dis ce que j'ai lu.

14 R. Mais cela, ce n'est écrit nulle part.

15 Q. Ce qui intéresse les Juges, cela concerne l'angle. Parce que s'il

16 s'agit d'une arme statique, cet angle de 50 à 60 degrés, correspond à

17 l'angle que vous avez déterminé vous-même, et non pas à l'angle que les

18 experts des Nations Unies ont constaté.

19 R. Monsieur, l'angle n'a rien du tout à voir avec cette problématique-ci.

20 Si vous considérez un projectile en tant que tel, il dépend de l'endroit de

21 tir, de l'angle d'élévation, et vous allez arrivé à des constatations tout

22 à fait différentes.

23 Pour que les choses soient tout à fait claires, je vais vous montrer,

24 voilà, une position de mortier. C'est important pour comprendre. Cet angle

25 de 55 degrés n'a rien à voir avec Markale 1994, Markale 1995. Ce sont deux

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1 choses différentes. Le mortier, voilà, le type de mortier qui a permis de

2 tirer cet obus. On peut faire varier son angle entre 45 à 85 degrés. L'obus

3 utilisé a des combustibles complémentaires. Plus la charge est importante,

4 plus la vitesse est grande à la sortie du canon.

5 Si vous prenez deux équipes de main, et vous leur donnez l'ordre de lancer,

6 à partir de deux positions différentes, avec des élévations identiques --

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je dois vous interrompre, parce que nous

8 avons très peu de temps.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'ai encore une question si vous me le

10 permettez pour qu'on en finisse.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

12 Q. Monsieur Zecevic, ce qui est intéressant ici, c'est de dire ce qui

13 suit. Les radars des représentants de la communauté internationale, n'ont

14 confirmé, il n'y a pas eu un seul témoin à confirmer avoir vu le tir

15 d'obus. Et dans votre analyse, vous dites que le vol d'un obus de mortier

16 peut être vu. Or, personne n'a enregistré le survol de quelque projectile

17 que ce soit, au niveau des lignes de démarcations. Comment expliquez-vous

18 cela ? Que personne ne l'aie vu, et que les radars n'aient pas enregistré

19 le passage de ce projectile; chose dont vous traitez dans vos déclarations.

20 Et je peux retrouver, je pense, que vous avez déclaré vous-même, que cela

21 pouvait être vu à l'œil nu.

22 R. D'abord, ce n'est pas le missile, c'est un obus, un projectile. Peu

23 importe. Mais les radars qui avaient été placés se trouvaient à l'aéroport

24 de Sarajevo. Ils n'avaient pas toujours été mis en marche. Par conséquent,

25 le projectile qui est arrivé, se trouvait au côté opposé par rapport à

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1 l'endroit où étaient les radars. Par conséquent donc, cela ne signifie rien

2 du tout. Ces radars servaient davantage à --

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons manquer de temps. Je vous

4 remercie. Monsieur Groome --

5 Questions de la Cour :

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je m'excuse, mais je ne comprends rien.

7 Nous parlons maintenant de la matière première utilisée pour fabriquer ce

8 projectile. Dans votre déclaration de 1996, avez-vous dit qu'il y avait une

9 différence entre les obus utilisés par les Serbes et ceux utilisés par

10 l'armée de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

11 R. La différence consistait en la qualité du matériel utilisé pour

12 fabriquer le corps du projectile. Ils disposaient de presses et ils

13 pouvaient faire ce corps en se servant d'acier laminé à froid.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci suffira. Mais si c'est le cas, vu

15 l'analyse -- mise à part l'analyse balistique du projectile, pourquoi

16 n'avoir pas utilisé les fragments qu'on a retrouvés à l'époque, au moment

17 des faits, sur la place de Markale ?

18 R. Mais ils n'avaient aucune importance pour ce qui était de la

19 détermination de l'endroit à partir duquel on avait tiré cet obus. Les

20 fragments peuvent avoir de l'importance pour ce qui est du nombre de

21 personnes tuées. Un obus de mortier peut se démanteler ou se décomposer en

22 3 000 ou 5 000 morceaux. Ils volent à 1 000 à 1 500 mètres seconde. Ils ont

23 de l'importance pour les médecins légistes, mais pour les balisticiens, les

24 experts en balistique, cela n'a aucune espèce d'importance. Cela n'avait

25 aucune importance pour ce qui est de déterminer l'endroit du tir. Pour

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1 nous, l'important, c'était l'aileron de stabilisation et le site même

2 partant duquel il pouvait être procédé à la rédaction de conclusions

3 appropriées.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci.

6 M. GROOME : [interprétation] Je n'ai pas le temps de poser des questions

7 supplémentaires. Je veux simplement demander le versement au dossier des

8 photographies utilisées au cours du contre-interrogatoire.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, tout à fait.

10 M. GROOME : [interprétation] Merci.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et je pense qu'il faut que ceux-ci

12 deviennent une pièce de la Défense.

13 M. LE JUGE MAY : [aucune interprétation]

14 M. NICE : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir uniquement sur un

15 point. Nous avions un projet pour montrer la pertinence des conversations

16 interceptées. Ce projet est terminé. Nous avons maintenant des classeurs

17 pour vous. Nous avons réduit ces documents au minimum. C'est pour la

18 Bosnie. Il y a d'abord un ordre chronologique en fonction des thèmes, tels

19 qu'ils sont cernés. Les thèmes sont énumérés. Puis, nous avons regroupé les

20 conversations interceptées sous la rubrique des thèmes. Et puis, vous avez

21 la liste des protagonistes à la fin.

22 Il y a d'autres conversations interceptées qui représentent moins de

23 documents. Deux de ces jeux doivent faire l'objet d'une décision que la

24 Chambre va prendre. Et il y a au moins aussi un autre classeur avec des

25 documents classés de la même façon. Il y a un autre jeu dont les documents

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1 sont classés de façon tout à fait différente. Inutile de revenir sur cette

2 modalité, mais je vous dis que ce projet a été mis au point, il est

3 terminé. Ce sont des experts de notre bureau qui s'en sont chargés avec

4 d'autres experts dont les noms sont mentionnés au bas de la première page.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci met fin à votre déclaration,

6 Monsieur Zecevic. Merci d'être venu déposer. Nous vous avons gré de vos

7 efforts.

8 [Le témoin se retire]

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] L'audience est levée. Elle reprendra

10 mardi prochain.

11 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le mardi 20 janvier

12 2004, à 9 heures 00.

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