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1 Le mardi 20 janvier 2004
2 [Audience à huis clos]
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12 Pages 31062 – 31115 expurgées. Huis clos.
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9 (expurgé)
10 [Audience publique]
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons demander à la greffière de
12 distribuer certains documents.
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Juge, et bien, dans l'ordre
14 suivant, nous allons procéder au versement des photographies
15 complémentaires, image numéro 3, page 02115539 qui constituera la pièce
16 636, intercalaire 1. L'intercalaire 2 sera un tableau qui ressemble à celui
17 qui se trouve à la page 02115536 du rapport d'expert. Intercalaire 3,
18 Messieurs les Juges, il y aura un tableau nouveau qui indique les
19 directions de survols. A l'intercalaire 4, il y aura un tableau qui montre
20 la distribution ou l'éparpillement des fragments d'obus. A l'intercalaire
21 5, une photocopie de radio aux rayons X du projectile. Et au numéro 6, il y
22 aura la photographie de ce mortier.
23 La pièce à conviction ou diagramme indiqué sera la pièce à conviction 230
24 alors que le schéma montrant les dégâts sur l'asphalte constituera la pièce
25 à conviction 231. Messieurs les Juges, l'image du véhicule constituera la
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1 pièce à conviction 232 de la Défense et le schéma montrant les dégâts sur
2 l'asphalte constituera la pièce à conviction 233.
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Veuillez faire entrer le témoin
4 suivant. Pouvez-vous vous cherchez des questions préliminaires.
5 M. KHAN : [interprétation] Nous n'avons pas de mesures de protection à
6 l'intention du témoin qui va entrer dans le prétoire.
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Très bien.
8 M. KHAN : [interprétation] Le bureau du Procureur cite à la barre, M. Kerim
9 Mesanovic.
10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le témoin semble être là. Veuillez lui
12 faire lire la déclaration solennelle.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Veuillez vous asseoir.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
17 LE TÉMOIN: KERIM MESANOVIC [Assermenté]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Allez-y, Maître Khan.
20 M. KHAN : [interprétation] Messieurs les Juges, ce témoin a déjà témoigné
21 dans les affaires Brdjanin et Kvocka. Les comptes rendus d'audience sont
22 versés au dossier en vertu du 92 bis (D). Je me propose de demander ce qui
23 suit au témoin.
24 Interrogatoire principal par M. Khan :
25 Q. [interprétation] Monsieur, avez-vous bien témoigné dans les affaires
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1 Brdjanin et Kvocka devant ce même Tribunal ?
2 R. Oui.
3 M. KHAN : [interprétation] Je demanderais aux Juges de la Chambre de faire
4 attribuer une cote à ces transcriptions.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 638, Messieurs
6 les Juges.
7 M. KHAN : [interprétation] Le témoignage de ce témoin concerne la
8 municipalité de Prijedor et je me propose de donner lecture brièvement de
9 son témoignage.
10 Le témoin est né et a grandi à Prijedor avec sa famille jusqu'en 1992. Quoi
11 qu'il soit Musulman, sa femme est Serbe. Avant le conflit à Prijedor, il a
12 travaillé dans un bureau chargé de la mobilisation auprès du département du
13 secrétariat à la Défense nationale qui se trouvait dans le même bâtiment
14 que la police.
15 Avant la mobilisation de l991, les ordres de mobilisation venaient de
16 Sarajevo en transitant par Banja Luka. Après 1991, ces ordres venaient
17 directement de Knin, en Croatie. A l'époque, l'organisation de l'ancienne
18 Défense territoriale a été modifiée. Il a été créé un nouvel organe
19 territorial fédéral qui était appelé VTO, et qui avait exercé son contrôle
20 au sujet de toutes les questions militaires à Prijedor. Cette nouvelle
21 structure du TO avait été commandée par des Serbes.
22 Le secrétariat à la mobilisation faisait partie du VTO, mais le témoin
23 estime qu'il avait été écarté, parce qu'il était Musulman.
24 Dans le courant de septembre, octobre 1991, le témoin a reçu des
25 instructions de la part du chef du VTO pour ce qui est de fournir des
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1 listes de mobilisation avec les noms de Serbes seulement. Les unités qui
2 ont procédé à la mobilisation, étaient une unité de missiles de Banja Luka,
3 la 5e Brigade de Kozarac, la 43e Brigade de motorisés et une brigade qui
4 avait disposé de missiles à longue portée, qui se trouvait sous le
5 commandement de la présidence de la RSY.
6 En début 1992, le commandant Radmilo Zeljaja est devenu le commandant de
7 cette brigade de guerre de Prijedor. Et il a déclaré qu'il allait raser
8 Kozarac. Les Serbes ont établi une mise en place, une assemblée distincte
9 au mois de mars. A partir de ce moment-là, les Musulmans ont été licenciés
10 de leurs postes. Ils ont été remplacés par des Serbes. Le 23 mai, Hambarine
11 a été pilonné et attaqué par des forces serbes et peu après, les forces
12 serbes se sont attaquées à Kozarac.
13 Un collègue a dit au témoin que Stari Grad, une partie de la ville de
14 Prijedor, qui était en majorité habitée de Musulmans, a été attaquée et
15 détruite par les Serbes avec usage de chars. L'attaque a commencé avec la
16 destruction de la mosquée. Simo Drljaca se trouvait être le chef de la
17 police de Prijedor à l'époque. C'est lui qui a donné au témoin un laissez-
18 passer pour lui permettre de se déplacer librement. En date du 24 juin, le
19 témoin a été arrêté par la police, et installé dans une cellule au bâtiment
20 du SUP. Pendant son déplacement ou son transfert vers Omarska, on l'a
21 battu, et il a perdu quatre dents. Le docteur Milo Stakic était le
22 président de la cellule de Crise des Serbes, et Simo Drljaca lui, en avait
23 été membre, conformément aux ordres du ministère de l'Intérieur de la
24 République serbe de Bosnie.
25 Le témoin a été détenu à Omarska de juin à août 1992. Il n'a jamais été
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1 accusé de quelque acte ou quelque délit pénal que ce soit. A peu près 3 000
2 personnes avaient été, à l'époque, détenues dans ce camp d'Omarska. Au
3 début, le témoin a été installé dans ce qui a été appelé, la maison
4 blanche. Pendant sa détention, il y avait 45 autres prisonniers dans la
5 même pièce. Ces prisonniers ont été gravement battus au point de ne pas
6 pouvoir être reconnus. Les murs étaient couverts de sang.
7 Le témoin a aidé à sortir de la pièce une personne qui avait été battue à
8 mort.
9 Zeljko Meakic avait été le chef du camp, alors que Ranko Mijic avait été
10 chargé des personnes qui étaient chargées des interrogatoires. Mijic était
11 responsable des exécutions et des passages à tabac à Omarska. Parce que
12 c'est lui qui avait procédé aux catégorisations de gens, et qui avait donné
13 à Meakic des listes pour ce qui est des passages à tabac ou des exécutions.
14 Le témoin n'a passé que trois jours à la maison blanche, suite à quoi,
15 Meakic a donné l'ordre qu'il soit transféré vers la verrière où Meakic lui
16 avait dit qu'il serait en sécurité.
17 Pendant qu'ils étaient à Omarska, la situation sanitaire était
18 inappropriée. Les détenus ne recevaient pas à manger. Ils étaient battus
19 alors qu'ils allaient recevoir des repas. Certains détenus avaient peur au
20 point de ne pas vouloir sortir pour manger.
21 Pendant qu'il était à Omarska, il a, en permanence, eu peur d'être battu ou
22 tué.
23 Les détenus avaient été rangés dans trois catégories. Dans la première
24 catégorie, il y avait ceux qui devaient être malmenés. La deuxième
25 catégorie était ceux qui devaient être relâchés.
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1 La catégorie 1 était constituée d'intellectuels ou de gens qui étaient
2 plutôt à l'aise au niveau de la population musulmane de Prijedor. Dans la
3 catégorie 2, il y avait les gens qui avaient appuyé le SDA. Dans la
4 catégorie 3, il y avait les musulmans qui n'avaient participé à rien du
5 tout.
6 Un certain nombre de personnes faisant partie de la catégorie 1 a disparu
7 sans laisser de traces. Ils ont été emmenés vers la maison rouge où le
8 témoin estime qu'ils ont été tués.
9 Une fois, il y a eu nettoyage d'un secteur appelé Brdo à Prijedor. Les gens
10 qui ont été ramenés de là-bas, ont été installés dans la maison blanche
11 pour être tués au cours de la nuit. Au matin, le témoin a vu charger des
12 cadavres dans des camions. Le secteur de Brdo couvre les villages de
13 Hambarine, Biscani, et de Jugovci. Le même jour, quelque 150 personnes ont
14 été tuées au camp de Keraterm. C'est ce que le témoin a appris une fois
15 qu'il a été relâché.
16 Pendant qu'il a été Omarska, il se souvient d'une délégation qui était
17 venue, où il y avait M. Brdjanin, Zupljanin, Drljaca et Stakic. Ils sont
18 arrivés en compagnie de policiers et de gardes du corps. Une fois relâché,
19 le témoin a été emmené vers le camp de Trnopolje où il n'est resté qu'un
20 seul jour. Il est retourné au village de Meakic où il vivait. Il l'a quitté
21 une fois de plus, étant donné qu'il a été menacé.
22 Ceci ne constitue qu'un bref résumé du témoignage de ce témoin. Avec votre
23 autorisation, je me propose de lui poser encore une ou deux questions.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Allez-y.
25 M. KHAN : [interprétation]
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1 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que les autorités serbes avaient
2 pris le pouvoir à Prijedor en date du 30 avril. Avant ce 30 avril, combien
3 d'attaques armées y a-t-il eu de la part des Musulmans sur Prijedor ?
4 R. Aucune attaque armée n'a eu lieu avant le 30 avril.
5 Q. Vous avez également mentionné le fait que les gens de cette catégorie
6 numéro 1, devaient être "congelés". Qu'est-ce que vous entendez par là ?
7 R. J'ai longtemps été sur cette liste de gens à "réfrigérer" comme l'a dit
8 le chauffeur. Il m'a dit : "Tu as de la chance, parce que tu aurais dû être
9 réfrigéré hier." C'est ce qu'il m'a dit. Je suppose que j'étais censé être
10 tué. Parce que seul un homme mort est réfrigéré, à ce point-là.
11 Q. Avant la prise du pouvoir en date du 30 avril, vous nous avez dit que
12 vous viviez à Prijedor. Avez-vous connu une personne répondant au nom de
13 Darko Mrdja ?
14 R. Oui. Je ne le connaissais pas si bien. C'était une personne que je
15 connaissais de vue.
16 Q. L'avez-vous vu pendant votre séjour au camp d'Omarska ?
17 R. Je l'ai vu le dernier jour. C'était le 6 août. Ils étaient en train
18 d'accompagner des autocars en direction de Manjaca. Un surnommé Baki qui
19 faisait de l'athlétisme, je crois qu'il courait le marathon. Je le
20 connaissais comme étant un sportif.
21 Q. M. Mrdja et M. Baki, avaient-ils travaillé au profit d'une organisation
22 ou d'une instance particulière ?
23 R. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par là. Est-ce que vous
24 parlez de la période d'avant la guerre ?
25 Q. Au moment où vous les avez vus à Omarska, étaient-ce des civils ou
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1 étaient-ce des militaires ?
2 R. Des militaires. C'était une unité spéciale, une unité d'intervention.
3 Je pense que c'est ainsi qu'ils s'appelaient. Mais Baki, lui, avait été
4 proclamé inapte au service. Il n'a pas fait son
5 service, mais c'est lui qui avait été l'un des commandants à bord du blindé
6 de transport de troupes qui est arrivé le 6 août à Omarska.
7 M. KHAN : [interprétation] : Je n'ai plus de question pour ce témoin. Cela
8 met un terme à l'interrogatoire principal.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Agha, [comme interprété] avant
10 que de continuer, je voudrais que nous tirions au clair une chose. La
11 teneur de cette pièce à conviction 638. Est-ce que vous voulez qu'on verse
12 au dossier rien que la transcription, ou voulez-vous proposer au versement
13 le paquet tout entier.
14 M. KHAN : [interprétation] Nous voulons que le paquet entier soit versé au
15 dossier.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous ne nous avez pas produit un index,
17 pour que nous sachions ce qui y figure.
18 M. KHAN : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Nous n'en
19 avons pas, mais nous allons en faire un.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faut certainement le faire.
21 M. KHAN : [interprétation] Pour le paquet entier.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] En effet.
23 Monsieur Milosevic, il est prévu à votre intention une heure pour le
24 contre-interrogatoire de ce témoin.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Monsieur May, j'essaierai de poser des
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1 questions pertinentes pour occuper cette heure.
2 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :
3 Q. [interprétation] Monsieur Mesanovic, vous avez dit qu'en date du 30
4 avril, ce sont les Serbes qui ont pris le pouvoir à Prijedor, n'est-ce pas
5 ?
6 R. Oui.
7 Q. Serait-il exact de dire qu'ils ont pris le pouvoir sans tirer un seul
8 coup de feu ?
9 R. Oui.
10 Q. Il n'y a pas eu de violence, il n'y a pas eu de blessé, ni rien
11 d'autre, n'est-ce pas ?
12 R. Pas cette nuit-là, non.
13 Q. Serait-il exact de dire que les régions avec majorité de population
14 musulmane, étaient passées sous le contrôle de la police qui avait des ses
15 rangs des Musulmans et quelques Croates, et qui avaient été placées sous le
16 contrôle de la ligue patriotique de la Bosnie-Herzégovine, est-ce vrai ?
17 R. Non.
18 Q. Par exemple Kozarac, où il y avait une formation importante de
19 Musulmans en armes, Hambarine, Biscani, Orahovo [phon] ?
20 R. Oui.
21 Q. Cela était resté sous le contrôle des Musulmans ?
22 R. Oui, jusqu'au 23.
23 Q. Bien. Est-ce que le motif direct de la prise du pouvoir a été une
24 dépêche qui est arrivée au chef du poste de sécurité publique, M. Hashim
25 Talundzic --
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1 R. Talundzic.
2 Q. L'homme qui était chef de la police, qui a reçu cette dépêche du
3 ministre de la police, M. Alija Delimustafic qui avait demandé
4 d'entreprendre des activités pour ce qui est d'établir des sièges des
5 casernes de la JNA, de saisir les armes de celle-ci. Il était question
6 d'armes que les Serbes de Prijedor avaient. Êtes-vous au courant ?
7 R. J'étais au secrétariat de la Défense nationale, pas au SUP.
8 Q. N'est-il pas vrai de dire que cette dépêche est datée du 30, -- ou
9 plutôt du 29 avril, et c'est le 30 qu'ils ont pris le pouvoir dans les
10 établissements les plus importants ?
11 R. Oui. Les Serbes ont pris le pouvoir le 30 au matin.
12 Q. C'est cela.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, pouvons-nous verser au dossier
14 cette dépêche en tant que pièce à conviction ? Elle porte la date du 29
15 avril, et c'est signé par le ministre de l'Intérieur, M. Alija
16 Delimustafic. Il y est dit ce qui suit. Il est question d'assiéger les
17 installations militaires, et ainsi de suite. Il est dit que s'agissant des
18 colonnes des unités de l'ex-JNA, devaient être empêchées de sortir des
19 casernes, de communiquer sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, et de
20 planifier, d'entamer des activités de combat sur le territoire tout entier
21 de la Bosnie-Herzégovine. Il est dit que ces activités devaient être
22 coordonnées avec le QG de la Défense territoriale de la région de la
23 Bosnie-Herzégovine, pour ce qui est de prévoir également des mesures de
24 protection de la population, des biens matériels, et ainsi de suite. De
25 procéder à la mise de barricades et d'obstacles sur les routes en
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1 Bosnie-Herzégovine, là où les unités de la JNA procédaient à l'évacuation
2 de leur matériel et équipement technique.
3 A Prijedor, à ce moment-là, tout était paisible. Cette dépêche avait été
4 envoyée le 29. On ordonne des activités de combat, d'assiéger les casernes
5 de la JNA. La Défense territoriale serbe alors, prend le pouvoir et le
6 contrôle de Prijedor. Les dates, sont-elles exactes ?
7 R. Oui, les dates sont exactes.
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Laissez le témoin examiner le document.
9 Monsieur le Témoin, je vous prie d'examiner ce document, et de nous dire si
10 vous avez un commentaire à formuler.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vois ici aussi la date du 11 mai 1992,
12 une date écrite à la main.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. C'est la date du télégramme lui-même qui m'intéresse, à savoir, la date
15 du 29 avril ?
16 R. Oui.
17 Q. Vous le voyez en haut à gauche ?
18 R. Oui, le 29 avril.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on poursuivre, Monsieur May ?
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. Je souhaite donner au témoin la
21 possibilité de formuler un commentaire s'il le souhaite. Sinon, on remettra
22 ou prendra le document.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble que je n'ai pas entendu cette
24 partie-là, où il est dit : "Sur la base de la décision prise par le
25 présidence de la République de Bosnie-Herzégovine, numéro tel, tel, du 27
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1 avril 1992 sur le repli, retrait des unités de la JNA du territoire de la
2 République de Bosnie-Herzégovine, parce qu'il y a eu violation de
3 l'exécution de ces décisions, et parce qu'on a commencé à piller et aliéner
4 les biens qui sont la propriété des citoyens de la République de Bosnie-
5 Herzégovine. Ce, de la part de l'ex-JNA, je donne l'ordre suivant." C'est
6 ce paragraphe qui a une importance substantielle.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. C'est la JNA qui pille les biens de la République de Bosnie-
9 Herzégovine. Comment est-ce possible ?
10 R. C'est nous étions la Bosnie-Herzégovine. C'était mes biens, à moi.
11 Q. Alors, il n'y a pas lieu de poser d'autres questions à ce sujet, si
12 telle est votre explication.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Très bien. Alors remettez-nous le
14 document.
15 Une cote aux fins d'identification, s'il vous plaît.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous aurons besoin d'exemplaires
17 supplémentaires.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attribuez une cote, s'il vous plaît.
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce de la Défense. Il
20 s'agit d'une esquisse du véhicule. Ce sera la pièce
21 D231. L'esquisse de la Défense qui montre les dégâts sur l'asphalte, ce
22 sera la pièce 232. Ce document, Monsieur le Président, le télégramme en
23 date du 29 avril 1992, portera la cote 233.
24 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous pouvons
25 avoir un exemplaire de ce document qui doit se voir attribuer une cote pour
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1 l'identification.
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est uniquement de la manière habituelle
3 aux fins d'identification que nous lui avons attribué une cote. Tout à
4 fait, vous aurez un exemplaire, et vous pourrez formuler des commentaires
5 au moment voulu.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demande au Greffe de revérifier la
7 cote pour la déclaration de M. Stakic. La lettre de dispatche qui a été
8 montrée au même témoin.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Nous venons de constater que dans les régions où la population
12 musulmane était majoritaire, bien ces zones étaient toujours sous le
13 contrôle de la police, qui était composée de Musulmans également. Nous
14 avons mentionné qu'au Kozarac, Hambarine, Biscani, Carakovo. Est-il exact
15 qu'au niveau de la localité de Hambarine, on a tué plusieurs membres de ce
16 qui existait déjà à l'époque, à savoir, l'armée de la Republika Srpska, et
17 ce en date de
18 19 mai ? Plutôt, le 22 mai, au poste de contrôle qui était tenu par les
19 Musulmans ? C'étaient des soldats qui se déplaçaient sans armes et sont
20 partis, rentrés chez eux à Ljubija. Vous vous rappelez de cela ?
21 R. Oui. Pour autant que je m'en souvienne de ce qu'on a dit à la radio
22 Prijedor, ces soldats ont provoqué les tirs au poste de contrôle contrôlé
23 par Aziz Aliskovic, le policier. Ils étaient armés.
24 Q. C'est là que les quatre ont été tués ?
25 R. Non, pas quatre. Un seul.
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1 Q. Bon, c'est vous qui l'affirmez.
2 R. C'est ce que je sais. C'est ce que j'ai appris à Prijedor. C'étaient
3 les premiers tirs, le 22 dans la soirée, le 22 mai.
4 Q. Et on connaît le nom de la personne qui a tué ?
5 R. Non. Aziz était au poste de contrôle, le responsable du poste de
6 contrôle.
7 Q. C'est lui qui commandait ceux qui ont tués ce soldat ?
8 R. Oui.
9 Q. Comme vous l'affirmez, mais d'après mes informations, quatre hommes ont
10 été tués. Mais revenons à ce qui vous intéresse plus précisément et
11 revenant à votre déclaration écrite. Vous travaillez dans un département
12 chargé des mobilisations auprès du commissariat à la Défense nationale,
13 commissariat municipal ?
14 R. Oui.
15 Q. Et vous avez occupé ce poste jusqu'au 22 juin 1992, c'est bien cela ?
16 R. Oui.
17 Q. Donc, vous êtes resté même après que les Serbes aient pris pouvoir à
18 Prijedor le 30 avril ?
19 R. Avec une interruption, entre à peu près la mi-mai, le moment où on a
20 tous été limogés, et j'ai été ramené à mon poste peu avant que l'on ne
21 m'ait emmené à Omarska. Ils n'avaient personne qui pouvait me remplacer de
22 manière adéquate.
23 Q. Est-il exact que six sur sept Musulmans de votre service sont restés à
24 leurs postes même après la prise de pouvoir par les Serbes ?
25 R. Jusqu'à la mi-mai. Seulement Becir Medunjanin ne venait plus au
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1 travail.
2 Q. Seulement lui a été le seul à être remplacé ?
3 R. Oui.
4 Q. Savez-vous la raison pour laquelle ?
5 R. Parce qu'il était membre du SDA. Il était Musulman.
6 Q. Mais on vient de constater, il y a un instant, que sur les Musulmans,
7 six sont restés à leurs postes et un seul; Medunjanin. Savez-vous que le
8 tribunal militaire avait intenté un procès contre lui à Banja Luka et parce
9 que depuis octobre, d'après les allégations, il avait organisé avec
10 d'autres personnes comme Cehajic Muhamed, Mujadzic Mirsad, Serkic Osain
11 [phon], Talundzic Hasan, il avait organisé l'approvisionnement en armes, la
12 création des formations paramilitaires. Il a empêché que les armes soient
13 restituées à des organes compétents et légitimes.
14 R. Je ne suis pas informé de cela.
15 Q. Mais vous voyez ici l'acte d'accusation du tribunal militaire. Donc, il
16 n'a pas été remplacé parce qu'il était Musulman parce que six sur sept sont
17 restés. Il a été le seul à ne pas rester à son poste. Donc ici, nous voyons
18 l'acte d'accusation à son encontre et à l'encontre des autres personnes, et
19 cet acte d'accusation concerne ces actes que je viens d'évoquer.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous prie, Monsieur May, de prendre ce
21 document. Donc, ce n'est pas parce qu'il était Musulman mais parce qu'il
22 était responsable d'avoir commis un acte criminel.
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Permettez au témoin de le voir.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le 5 septembre 1992, l'accusation après
25 son assassinat.
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1 Mais je ne suis pas au courant de cela.
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Laissez le témoin répondre.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Crnkic, cela a été mon ex-professeur. Aziz
4 Aliskovic, il a été tué. Cehajic Muhamed a été tué. Mohammed Biturovic
5 [phon] tué, pour autant que je le sache. Quant à l'acte d'accusation, il a
6 été dressé le 5 septembre. Ils ont été tués en juin. L'acte d'accusation
7 dressée à l'encontre de personnes décédées, mortes.
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie. Pourriez-vous, s'il
9 vous plaît, nous remettre le document pour qu'on puisse le voir ?
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Savez-vous que l'on dresse un acte d'accusation après procédé à un
12 certain nombre d'actions qui concernent les actes pour lesquelles on dresse
13 l'acte d'accusation ?
14 R. Non, je ne suis pas au courant du fait que l'on entreprend ce genre
15 d'activités avant de dresser l'acte d'accusation. Becir Medunjanin s'est vu
16 coupé le haut de sa tête et il a été blessé à la poitrine. Je pense qu'il a
17 été tué avant cela car l'acte d'accusation a été dressé en septembre et il
18 avait été tué en juin.
19 Q. Il vaut mieux lire la totalité du document. Je pense que c'est un
20 document qui est plutôt long. Si on l'accepte en tant que pièce à
21 conviction, vous pourrez le lire.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendez un instant. Nous allons
23 attribuer une cote aux fins d'identification au document suivant.
24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 235 aux fins
25 d'identification, pièce de la Défense.
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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Monsieur Mesanovic, est-il exact que vous n'avez jamais été forcé
3 pendant toute cette période à signer une déclaration quelle qu'elle soit,
4 une déclaration de loyauté ?
5 R. On l'a proposé.
6 Q. Et vous dites en deuxième page de votre déclaration, il s'agit de la
7 déclaration du 4 février 2002, que personne ne vous a forcé un serment
8 d'allégeance.
9 R. Oui, c'est ce que j'ai dit. On l'a proposé mais je n'ai pas signé.
10 Q. Est-il exact que votre collègue de votre département était Stjepan
11 Maric, un Croate de Bosnie ? Et Maric a été envoyé à Manjaca en 1991 parce
12 qu'il ne s'est pas rendu à la mobilisation ? C'est ce qui figure dans votre
13 déclaration.
14 R. Il a travaillé pour la défense. Il était informaticien. C'est peut-être
15 une erreur de traduction. Il est allé à Manjaca lorsqu'il était à la tête
16 des transmissions, à la tête d'un peloton.
17 Q. Est-il exact si cela n'est pas une erreur de traduction, ce qui figure
18 en page 2 de votre déclaration disant qu'il a fabriqué de faux programmes ?
19 R. Oui.
20 Q. Donc, il n'a pas été envoyé en prison parce qu'il était Croate, mais
21 simplement parce qu'il s'est rendu coupable d'un délit ?
22 R. Oui. Tous les deux, nous avons été accusés d'avoir envoyé à Zagreb des
23 informations et d'avoir reçu 100 000 marks allemands directement de M.
24 Franjo Tudjman.
25 Q. Mais cela paraît totalement invraisemblable.
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1 R. Bien sûr.
2 Q. Vous dites également en page 2, paragraphe 3, qu'à Prijedor, il y avait
3 des gens qui étaient hostiles à cette décision de mobilisation qui a été
4 prise au niveau fédéral.
5 R. De quelle mobilisation parlez-vous ? Quelle année ? Quel mois ?
6 Q. Il s'agit de la page 2, paragraphe 3 de votre déclaration.
7 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on fournir un
8 exemplaire de sa déclaration au témoin ?
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pour quelle raison ?
10 M. KHAN : [interprétation] Pour que le témoin puisse voir ces paragraphes
11 au sujet desquels on lui demande de formuler des commentaires. Pour que la
12 tâche lui soit rendue plus facile.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, nous vous y autorisons.
14 M. KHAN : [interprétation] Je vous remercie.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Très bien. Dites-moi, à ce moment-là, ne peut-on pas dire que puisqu'il
17 s'agit encore de l'année 1991, ne peut-on pas dire que la Yougoslavie était
18 encore un pays dans son intégralité, que les décisions des organes fédéraux
19 avaient force de la loi ?
20 R. Oui, mais il y avait Belgrade, Sarajevo, Banja Luka. Il y avait une
21 certaine hiérarchie et on était hostile à cela parce que c'était des
22 dépêches en caractères cyrilliques qui nous parvenaient de Knin, et d'après
23 la structuration de l'ex-pays qui existait avant la guerre, Knin n'avait
24 pas compétence sur nous. Il y avait Banja Luka. Il y avait Sarajevo au-
25 dessus de Banja Luka, et c'est la raison pour laquelle on était hostile,
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1 opposé à cela.
2 Q. Fort bien. Vous dites qu'au printemps 1992, on a procédé à la dernière
3 mobilisation régulière des unités de la Défense territoriale ?
4 R. Oui.
5 Q. Vous avez dit que lorsqu'on a distribué des armes aux Serbes, on a
6 donné des fusils automatiques, alors que les M-48 ont été distribués aux
7 Musulmans.
8 R. Oui, c'est cela. C'était la situation de l'aéroport Urije où il avait
9 un détachement de la Défense territoriale. Les Serbes ont reçu des fusils
10 automatiques alors que les Musulmans se sont vus donner des fusils M-48.
11 Q. Très bien. Vous l'avez vu ?
12 R. Oui.
13 Q. Vous avez été mobilisé ?
14 R. Oui, je l'ai vu à l'aéroport. J'étais là. Je n'étais pas mobilisé mais
15 j'étais à l'aéroport.
16 Q. Donc vous n'avez pas été mobilisé ?
17 R. Non, non.
18 Q. Vous n'avez pas reçu de fusil ?
19 R. Non, je travaillais au secrétariat à la Défense. C'était moi qui étais
20 responsable de la mobilisation. Excusez-moi Monsieur le Président.
21 L'INTERPRÈTE : Les interprètes ont demandé que l'on ralentisse.
22 Q. Donc la situation d'après vous à commencer à se modifier de manière
23 dramatique après 1992.
24 R. Oui.
25 Q. Dites-nous pourquoi ?
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1 R. Parce que des soldats ivres revenaient des théâtres des opérations en
2 Croatie, et ils portaient des insignes qui étaient injurieux pour la
3 population non-serbe. C'était des cocardes et c'était des signes d'Aigle
4 blanc, ainsi que le signe de quatre "S". Je ne sais pas à qui cela
5 appartenait. Il faisait dans la ville ce qui bon leur semblait. Ils se
6 livraient à des beuveries, mangeaient sans payer. Ils cassaient des choses,
7 donc la situation empirait.
8 Q. Mais puisque vous travaillez à la Défense nationale, est-ce qu'il y
9 avait une unité de la JNA sur place.
10 R. Non. Prijedor, en tant que tel, n'avait pas d'unité d'active.
11 Q. Très bien. Mais est-il exact que la situation a empiré précisément
12 après cette proclamation de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, n'est-
13 ce pas ?
14 R. Non. Avant, en novembre 1991, on a eu des tirs et c'était un feu nourri
15 de soldats qui revenaient des théâtres des opérations en Croatie. A partir
16 du 4 novembre, à peu près 1991, la situation a commencé à dégénérer.
17 Q. Très bien. Mais depuis quand connaît-on les déclarations des leaders
18 tels qu'Alija Izetbegovic sur l'autonomie, l'indépendance de la Bosnie-
19 Herzégovine ? C'était avant ou après le 4 novembre 1991, puisque vous dites
20 que c'est à ce moment-là que ça a commencé à empirer.
21 R. Oui, il y a déclarations, mais il s'agit simplement de déclarations.
22 Mais Karadzic a dit qu'un peuple allait disparaître.
23 Q. Très bien. Mais vous savez que la création d'une Bosnie indépendante
24 était avant tout une inspiration des dirigeants musulmans ?
25 R. De la population non-serbe.
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1 Q. Vous connaissez la déclaration d'Izetbegovic disant qu'il fallait
2 sacrifier la paix à une Bosnie indépendante ?
3 R. C'est possible. Je ne m'en souviens pas.
4 Q. N'est-il pas vrai que les réactions à cela ont commencé en novembre ?
5 R. Avant, on a eu la mobilisation des unités de réserve, départ vers la
6 Croatie et c'est là qu'on a commencé à voir des choses étranges. Les
7 Musulmans ne s'y rendaient pas faire la guerre en Croatie.
8 Q. Très bien, Monsieur Mesanovic. Dites-moi ce que vous savez de
9 l'organisation des unités paramilitaires pendant cette période-là de la
10 Ligue patriotique et d'autres unités musulmanes paramilitaires en Bosnie-
11 Herzégovine.
12 R. Je ne saurais pas vous répondre à cette question car je ne suis pas au
13 courant de cela.
14 Q. Très bien. Mais vous savez, par exemple, qu'à l'époque où ces
15 événements se sont déroulés, les événements dont vous parlez à Kozarac, il
16 y avait plusieurs milliers de Musulmans armés.
17 R. Je ne dirais pas qu'il y en ait eu autant. Je ne parlerais pas de
18 millier. Il y avait l'unité de la Défense territoriale musulmane de
19 Kozarac, mais cela ne comptait pas plusieurs milliers de personnes.
20 Q. Très bien. Il y a des données à cet effet.
21 R. Oui, je ne suis pas au courant de cette partie-là, la Défense
22 territoriale, mais, vous savez, moi, j'étais chargé des affaires civiles.
23 J'étais au secrétariat à la Défense nationale.
24 Q. Mais savez-vous quoique ce soit au sujet de la création des unités
25 paramilitaires ?
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1 R. Non, puisque je n'y ai pris part à aucun moment, et je n'avais aucune
2 information à ce sujet car --
3 Q. Mais vous ne savez rien de l'approvisionnement en armes ?
4 R. Oui, je sais ce qu'on a été dit à la radio Prijedor. Cela je le sais et
5 les déclarations qui ont été faites, les appels, qu'il fallait rendre des
6 armes personnelles et toute autre armes y compris les pistolets. Il fallait
7 tout remettre. Cela je le sais.
8 Q. Mais la question que je vous pose concerne l'armement et pas le
9 désarmement.
10 R. Oui, ce qui est de l'armement, oui, à Prijedor, des Serbes, cela je le
11 sais.
12 Q. Mais au sujet de l'armement des Musulmans, vous n'en savez rien ?
13 R. Mais moi, je vivais à Prijedor. Je ne vivais pas dans les villages à
14 l'entour. Cela, croyez-moi, je ne sais pas. Mais on a distribué, y compris
15 aux enfants de manière publique, des armes à Prijedor au printemps 1992.
16 Q. Très bien.
17 R. Excusez-moi, mais je crois qu'il y a une information au sujet des armes
18 qui ont été prises aux Musulmans. Je pense qu'il s'agit des centaines
19 d'armes pour ce qui est des données que j'ai vues, moi, devant ce Tribunal.
20 Q. Fort bien. Mais lorsque vous parlez de l'armement des Serbes, est-ce
21 qu'ils l'ont fait pour se défendre ou pour d'autres raisons ?
22 R. Il s'est avéré que les raisons étaient autres car il n'y avait aucune
23 raison qu'ils se défendent.
24 Q. Mais vous avez vu cette dépêche, la dépêche d'Alija Delimustafic.
25 Comment pouvez-vous dire qu'il n'y avait pas lieu qu'ils se défendent ?
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1 R. Pour ce qui est de la région où je vivais ce genre de besoin ne s'est
2 pas manifesté.
3 Q. Mais dites-moi, s'il vous plaît, la situation était calme jusqu'à ce
4 que cette dépêche arrive par laquelle on ordonne des attaques sur l'armée,
5 contre l'armée. Mais dites-moi, s'il vous plaît, comment est-ce que cela
6 pourrait fonctionner ce que vous venez de dire, qu'on a commencé à vous
7 donner des ordres par le truchement de Knin ?
8 R. Oui. Je ne peux pas vous l'expliquer. Peut-être que vous seriez mieux
9 placé pour me l'expliquer car à l'époque c'était vous en charge.
10 Q. Mais ce n'était pas possible.
11 R. Je ne sais comment vous répondre à cela.
12 Q. Très bien. Vous dites qu'il y a eu une décision du gouvernement fédéral
13 de déplacer toutes les armes des bureaux locaux ou de la Défense
14 territoriale pour les placer sous le contrôle de la JNA.
15 R. Mais vous savez que les états major de la TO ont été abolis et que tout
16 a été déplacé au niveau territorial.
17 Q. Oui, très bien. Mais ne savez-vous que le 29 mai 1990, il n'y avait pas
18 de conflit, aucun conflit le 29 mai 1990. On a pris une décision par la
19 présidence yougoslave de reprendre les armes et les équipements matériels
20 de la Défense territoriale et de les placer dans les entrepôts de la JNA,
21 précisément pour qu'il n'y ait pas utilisation sans contrôle, hors
22 contrôle, et cela concernait la totalité du territoire de l'ex-Yougoslavie.
23 R. C'est exact.
24 Q. Cela s'appliquait à toutes les républiques ex-yougoslaves ?
25 R. Oui, et par la suite, il y a eu la Slovénie, la Croatie et la Bosnie-
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1 Herzégovine. C'est cela qui s'est produit une fois qu'on a pris les armes à
2 la Défense territoriale.
3 Q. On ne leur a pas enlevé les armes. On les a placées sous le contrôle de
4 la JNA, dans les entrepôts de la JNA en Serbie aussi ?
5 R. Vous pouvez qualifier cela de ce que vous voulez. Moi, je n'avais même
6 pas mon pistolet officiel. Le 30 avril 1992, mon pistolet 7,65 m'a été
7 enlevé.
8 Q. Très bien. Mais est-il exact que jusqu'en février 1991 la commission
9 militaire municipale de la caserne Zarko Zgonjanin ne s'est vue livrer
10 aucune partie de ces armements qui normalement aurait dû lui être livré,
11 d'après cette décision ?
12 R. Il n'y avait pas d'armée d'active à Prijedor. Il n'y avait que la
13 réserve à Prijedor.
14 Q. Mais il y avait une caserne; Zarko Zgonjanin ?
15 R. Oui, il y avait une caserne mais il n'y avait pas un seul soldat. Il
16 n'y avait que des officiers.
17 Q. Mais ces officiers, que faisaient-ils ? Ils ne faisaient que, comment
18 dirais-je, ils ne se livraient à aucune opération militaire. Il y avait une
19 commission qui devait recevoir, réceptionner ces armes conformément à la
20 décision prise au plus haut niveau fédéral de la RSFY.
21 R. Pas la commission. Cette caserne de Prijedor a toujours eu compté un
22 certain nombre d'officiers d'active. Et c'était la partie régulière
23 administrative d'une unité qui devait se constituer au niveau d'un secteur
24 militaire. C'était, tout simplement, des gens qui avaient la même fonction
25 que moi au niveau civil, donc ils devaient organiser, structurer. Le
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1 commandant du régiment était le commandant de la caserne à ce moment-là, et
2 tous les autres employés au niveau des finances, et cetera, c'était les
3 officiels. C'était des officiers supérieurs et moyens intermédiaires. Il
4 n'y avait pas de soldats et lorsque je parle de "soldats," je pense aux
5 recrus de la JNA.
6 Q. Très bien. Est-ce qu'il est exact que le SDA ainsi qu'Izetbegovic
7 personnellement, au début de l'année 1991, ont pris la décision que les
8 Musulmans ne devraient pas être enrôlés dans la JNA ?
9 R. Non.
10 Q. A ce moment-là, ils ont invité tous les soldats et tous les officiers
11 nés en Bosnie-Herzégovine à quitter la JNA, et en même temps, ils
12 empêchaient le recrutement au sein de la JNA ?
13 R. Cela, je suis au courant d'une décision disant qu'il ne fallait pas
14 répondre aux appels au niveau des unités de réserve. Les soldats de réserve
15 ne devaient pas répondre à la mobilisation pour ne pas être envoyés vers la
16 guerre en Croatie. Cela, je suis au courant de cette décision-là. Très
17 régulièrement, on envoyait dans les rangs de la JNA, je ne sais vous dire
18 jusqu'à quel mois, mais on s'est arrêté, parce qu'il n'y avait plus besoin,
19 plus personne ne le demandait. En fait plutôt, après les événements de
20 Croatie, il n'y avait plus d'enrôlement régulier au sein de la JNA, ni en
21 Croatie, ni en Slovénie et je pense même en Bosnie-Herzégovine.
22 Q. Très bien. Est-il exact que le SDA de Prijedor, et ce, par le
23 truchement de ses représentants, a lancé un appel aux Musulmans de Prijedor
24 de ne pas répondre à la mobilisation à Prijedor ?
25 R. Je dois vous répondre encore une fois, que je n'étais membre du SDA.
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1 Q. Très bien. Vous êtes au courant de l'existence de cet appel ?
2 R. Même cela, je ne pourrais pas vous répondre à cela. Je sais qu'il y a
3 eu des rumeurs quant à savoir si c'était la position officielle du parti.
4 Cela, je ne peux pas vous l'affirmer. Je n'étais pas membre de ce parti.
5 Q. Très bien. Mais savez-vous que le 12 avril 1992, Alija Izetbegovic a
6 décidé une attaque générale sur les casernes de la JNA ?
7 R. Non.
8 Q. Très bien. Pendant que vous étiez à votre poste à Prijedor, vous dites
9 en page 3 de votre déclaration, dernier paragraphe, jusqu'au 22 mai, à ce
10 moment-là, il ne se passait rien à Prijedor. C'est bien cela ?
11 R. Mis à part le fait que le 4 mai, me semble-t-il, il s'est produit un
12 assassinat sur la route Prijedor Dubica. On a fait sortir trois Musulmans
13 d'un car, d'un car régulier, une ligne régulière et on a tué les trois. Et
14 le lendemain, on a vu le couvre-feu installé.
15 Q. Cela correspond aux données que j'ai. C'était lié à un autre
16 assassinat, l'assassinat d'un soldat, la veille. Par vengeance, quelqu'un a
17 tué ces trois Musulmans. Et pour empêcher qu'il y ait des violences, une
18 escalade de violence, on a mis en place un couvre-feu qui s'appliquait à
19 tout le monde, n'est-ce pas ?
20 R. Il s'appliquait à moi, oui. Parce que je ne sortais pas. Je ne sais pas
21 si cela s'appliquait à tout le monde. Parce qu'on entendait des tirs même
22 après 10 heures du soir. On entendait des chants. Les cafés étaient
23 ouverts. Sous ma fenêtre là où j'habitais, le café est resté ouvert toute
24 la nuit.
25 Q. Très bien. Puisque vous parlez de séjour à Omarska, et vous dites que
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1 la maison blanche était réservée uniquement aux personnes de Kozarac et à
2 ceux qui avaient pris part à l'attaque sur Prijedor. C'est bien cela ?
3 R. Oui.
4 Q. Il y a eu une attaque sur Prijedor.
5 R. C'est ce qu'ils ont dit, eux. Ma question serait la suivante. Pourquoi
6 me suis-je trouvé moi, à Omarska ?
7 Q. On y viendra. Il y a un instant, vous avez confirmé que le 22 mai, il y
8 a eu un assassinat au poste de contrôle qui était tenu par les forces
9 armées musulmanes. C'est bien cela ?
10 R. Oui.
11 Q. Vous dites qu'une personne a été tuée. D'après mes données, c'est
12 quatre soldats qui ont été tués. Deux d'entre eux étaient Serbes, deux
13 étaient des Croates.
14 R. Le constat a été dressé par des Serbes, par personne d'autre. Et le
15 constat est dressé comme cela nous paraît convenable. Cela nous arrange.
16 Q. Très bien. Puisqu'il ne s'agit pas ici du constat, mais d'un document
17 que j'ai en ma possession, vous direz peut-être que l'on a accusé, encore
18 une fois, quelqu'un après sa mort, après l'avoir assassiné. La note
19 officielle, il s'agit d'une déclaration de Ceric Amer qui a été arrêté, du
20 10 juin 1992. Il est question du fait que l'on ait tué deux Serbes en
21 uniforme à Hambarine, qui passaient par là, et qui étaient en compagnie de
22 deux Croates, qui ont, eux, été blessés. On dit que ces gens-là ont été
23 tués par un Siki, qui devait s'appeler Sikiric. Parce qu'il a arrêté une
24 patrouille de soldats avec ses hommes dans le village d'Hambarine.
25 Ici, il y a une déclaration assez longue à ce sujet qui nous parle de
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1 l'événement tout entier. Je crois que cela pourrait être versé au dossier
2 comme élément de preuve.
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Montrez-le d'abord au témoin. Si le
4 témoin veut bien jeter un coup d'œil dessus pour nous dire s'il est en
5 mesure de nous aider ou pas.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceric Amer a été tué. Son père, Jusuf,
7 travaillait dans l'entreprise Nafta gaz. C'est la raison pour laquelle le
8 nom ne m'a rien dit au départ. Il a été tué après la déclaration. Mesic
9 Halil a été tué également après être parti se faire faire une radio à
10 Prijedor.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Qui a tué qui ?
13 R. Qui a tué ? Amir, Halil, Moharem [phon] et les autres. C'est ceux-là
14 même qui les ont tués, les autres aussi.
15 Q. A l'occasion de cette attaque musulmane sur Prijedor, il a été tué
16 d'après ce qu'un témoin a dit ici avant vous, une dizaine de policiers
17 serbes. Qui les a tués eux, ceux-là ?
18 R. Je ne peux pas vous répondre. Je ne sais pas qui est-ce qui les a tués.
19 Q. Vous devez savoir certainement qu'ils ont été tués, puisqu'ils ont été
20 enterrés ?
21 R. C'était pour la plupart des cas, des policiers de Bosanski Novo. Le
22 saviez-vous ?
23 Q. Je suis au courant.
24 R. La plupart d'entre eux étaient venus de Bosanski Novo. Que faisaient-
25 ils à Prijedor ? Ont-ils été tués là ou en Croatie ?
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1 Q. Bien. Monsieur Mesanovic, d'après les renseignements dont je dispose,
2 ils sont tombés à l'occasion de cette attaque musulmane sur Prijedor. Vous
3 dites que vous avez résidé à Prijedor, et que vous avez été au courant de
4 l'attaque.
5 R. J'ai entendu des tirs. Cela a duré du matin à l'après-midi. Il y avait
6 mon oncle et ses deux fils parmi eux. L'un se trouvait en Australie, les
7 fils en Suisse. Leur maison a été rasée et on prétexté une attaque à partir
8 de cette maison. Ils ont prétexté que c'était mon oncle avec ses deux fils,
9 un fils étant issu du premier mariage qu'il n'avait pas revu depuis 20 ans.
10 Mais cela est exact également. La maison qui est face, qui se trouve à
11 Radio Prijedor n'existe plus.
12 Q. Quand est-ce que cette maison a été détruite ?
13 R. A l'occasion de l'attaque sur Prijedor.
14 Q. L'attaque sur Prijedor a été réalisée par des forces musulmanes ?
15 R. Cela, je ne le sais pas. Je dis que mon oncle n'était pas à Prijedor à
16 ce moment-là. Le Tribunal peut vérifier quand est-ce que cet oncle et ses
17 fils sont partis sont partis en Suisse, et quand est-ce que l'autre fils
18 est parti en Australie, dont il n'a pas entendu parler pendant plus de 20
19 ans. Mais je sais u'officiellement, on a dit que l'attaque avait été lancée
20 à partir de là. Que la maison a été rasée jusqu'à ses fondations. Il y
21 avait deux locaux commerciaux également en son sein.
22 Q. Cela, je ne le sais pas. Je vous pose des questions. Dites-nous, au
23 moment où ces soldats ont péri à ce poste de contrôle, le dénommé Aziz
24 Aliskovic, Crljenkovic, Sikiric, Ferid, et Mujadzic, Mirsad, Crnkic, Husein
25 Crkic, Asmir Beharolic [phon], Husa Pasic,
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1 R. Je ne sais pas. Je sais qu'il y a eu Azic Aliskovic. Je crois que lui
2 était originaire de Biscani ou d'un autre village, et qu'il était natif de
3 ce village.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est l'heure de la pause. Avant de le
5 faire, avez-vous l'intention de présenter ce document au témoin, ou alors
6 quelque autre document que vous lui avez mentionné ? Vous voulez les lui
7 montrer ?
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, en effet.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Montrez-les lui. Bien. Nous allons leur
10 accorder la cote suivante relative au document versé pour identification.
11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] D236, Messieurs les Juges.
12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons faire une pause de 20
13 minutes.
14 Je vous rappelle, Monsieur le Témoin, que vous ne devez parler à personne
15 de votre témoignage avant que celui-ci n'ait pris fin. Nous allons faire à
16 présent, une pause de 20 minutes.
17 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.
18 --- L'audience est reprise à 12 heures 39.
19 Le president : Il vous reste 15 minutes, M. Milosevic
20 M : Bien je ferai de mon mieux pour les utiliser a bon
21 escient.
22 M : Q : Est-il vrai qu’apres le meurtre au point de
23 controle, les forces musulmanes ont refuse de livrer les
24 tueurs et qu’on leur a lance un appel afin qu’ils
25 remittent les auteurs de ce crime ? L’appel a ete fait a la radio .
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1 R : Je ne sais pas ce qui s’est passé. Je sais uniquement
2 qu’il leur a ete demande de livrer leurs armes.
3 Q : Est-il exact de dire que l’armee n’est intervenue que
4 plus tard, parce qu’ils avaient voulu bloquer ce point de
5 controle et qu’elle est intervenue pour eviter que
6 l’evenement se reproduise?
7 R : Eh bien, deux chars du peloton d’intervention venant
8 de la caserne Zarko Zrenjanin sont passes cette nuit-la.
9 Q : Vous voulez dire après le meurtre commis au point de
10 controle ?
11 R : Oui.
12 Q : Est-il exact de dire que, deux jours après cet
13 incident, a savoir le 24 mai, a Jakupovici, l’armee a ete
14 retiree d’un point de controle militaire et qu’on a tire
15 sur la colonne militaire ?
16 R : C’est la meme chose qu’a Hambarine, c’est la raison
17 expliquant cette action.
18 Q : Vous mentionnez un certain Zeljaja qui a menace
19 d’effacer Kozarac de la carte. Cet homme est-il de votre
20 region ?
21 R : Non.
22 Q : D’ou est-il ?
23 R : Il est originaire des alentours de Sarajevo. Il est
24 venu remplacer Bosko Divljak pour organizer la
25 mobilization et le peloton. Je pense qu’il est capitaine de 1ere classe et
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1 que, plus tard, il a ete promu commandant.
2 Q : Est-il vrai que la nationale de Banja Luka a
3 Prijedor avait ete bloquee sur un troncon de 15 km ?
4 R : Non.
5 Q : Est-ce que le point de controle avait ete mis en
6 place par des members de la Ligue Patriotique et par la
7 TO des le 3 mai 1992 ? C’est bein vrai n’est-ce pas ?
8 R : Le point de controle avait ete installe a Kozarac.
9 Jen e sais pas ou il aurait pu se trouver, si ce n’est
10 la. Au-dela de Kozarac, il y a des villages serbes comme
11 Lamovita, Omarska et autres.
12 Q : Oui. Et toute cette partie-la a ete bloquee, c’est
13 bien cela ?
14 R : Oui, c’est vrai, mais c’est ce que les autorites ont
15 dit…
16 Q : Vous n’etes pas au courant ?
17 R : Ecoutez, je n’etais pas sur les lieux.
18 Q : Voyons maintenant … Savez-vous que Sead Cerkin a
19 organize l’attaque de cette colonne militaire et qu’il
20 etait le commandant des berets verts a Kozarac ?
21 R : Non.
22 Q : Est-il vrai qu’a Jakupovici les Musulmans ont tue au
23 fusil a lunette un soldat repondant au nom de Zgonjanin
24 et qu’ils ont mis le feu a un char ?
25 R : J’ai entendu parler de cela.
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1 Q : Est-il vrai que les combats ont dure deux jours ?
2 R : Non.
3 Q : Mais qu’est-ce qui est vrai alors ?
4 R : Ce qui est vrai, c’est qu’ils se sont servi de lance-
5 roquettes multiples pour tirer deux jours Durant, mais
6 lorsqu’en riposte a un obus une balle est tiree, on ne
7 peut pas parler de veritable combat.
8 Q : Fort bien. Cependant, les Musulmans ont bien attaque
9 le 30 mai, non ?
10 R : Oui.
11 Q : Savez-vous qu’a Kurevo et Carakovo, le capitaine
12 Muhic, Suad Halilovic, Kemo Alagic et Slavko Acimovic ont
13 forme et entraine des homes et ont mis au point l’assaut
14 tactique de Prijedor ?
15 R : Tout ce que je sais, c’est que Acimovic a ete tue a
16 Omarska.
17 Q : Et vous souvenez-vous du fait que le groupe de Kemo
18 Alagic et de Suadic, surnomme Suhi, avait recu pour
19 mission d’attaquer a partir du pont et d’attaquer le
20 motel ?
21 R : Non.
22 Q : Et savez-vous que le groupe de Slavko Acimovic, place
23 sous le commandement du capitaine Muhic a attaque le
24 batiment et pris le controle de la ville ?
25 R : Non. Comme je ne faisais pas partie du groupe, il
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1 m’est impossible de savoir ce qu’il avait recu
2 comme mission; je n’ai pas non plus participle a l’execution du plan
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20 R. -- à savoir ce que faisaient les uns ou les autres pour participer à
21 l'élaboration d'un quelconque plan que ce soit.
22 Q. Savez-vous qu'à partir de Puharska, où s'était dirigée un 4e groupe
23 pour s'emparer du pont ferroviaire, il y a eu des tirs sur une ambulance et
24 qu'on a tué, à cette occasion, un jeune homme.
25 R. Je n'en sais rien.
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1 Q. Connaissez-vous le commandant de ce groupe, Kemo Alagic, surnommé
2 Divljak, le sauvage ?
3 R. Non.
4 Q. Avez-vous entendu que le 3e groupe avait été commandé par un certain
5 Rizvanovic, et le 4e groupe, un certain Izet Mesic, Hadzija ?
6 R. Je le connaissais cela de la vue mais je ne savais pas quel groupe il
7 commandait.
8 Q. Et à votre connaissance, combien de policiers serbes il y a été tués.
9 R. Je crois que c'est le chiffre que vous avez mentionné vous-même.
10 Q. Bien. Savez-vous qu'un groupe s'était enfui en direction de Sredici
11 [phon], Biscani, Kalajevo, et Donja Ljubija ?
12 R. Non, je ne sais pas.
13 Q. Saviez-vous que le groupe en question qui s'était subdivisé
14 clandestinement avait pour mission de se reposer, et trois jours après, le
15 2 juin, il s'agissait de se re-réunir à Studenac à proximité de Sisin Hrast
16 [phon] ou de Kurenovo pour organiser l'attaque sur Ljubija et le poste de
17 police de Ljubija.
18 R. Non.
19 Q. Vous avez été arrêté le 24 juin ?
20 R. Oui, mais je ne suis pas sorti de chez moi, pas jusqu'au 15 ou 16 juin.
21 Je n'osais pas sortir chez moi.
22 Q. Vous avez été arrêté par un policier appelé Kovacevic, que vous
23 connaissez de Prijedor.
24 R. C'est exact.
25 Q. Vous a-t-il dit qu'il vous arrêtait parce que l'une quelconque des
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1 personnes arrêtées vous avaient mentionnées dans sa déclaration en raison
2 de quoi il fallait vérifier les allégations de ces personnes ?
3 R. C'est exact.
4 Q. Vous avez d'abord été installé dans ce qu'on l'on a assigné par maison
5 blanche et ensuite vers la verrière ?
6 R. Exact.
7 Q. Est-il exact que vous avez été transféré là-bas par les bons soins de
8 Zeljko Meakic ?
9 R. Exact.
10 Q. Zeljko Meakic vous a dit que la déclaration que vous avez faite à
11 l'occasion de l'interrogatoire n'était pas bonne et qu'il fallait la
12 modifier ?
13 R. Exact.
14 Q. Est-il exact de dire que Zeljko Meakic voulait vous aider ?
15 R. C'est exact.
16 Q. Et vous avez précisé que Meakic avait été le commandant d'Omarska ?
17 R. Exact.
18 Q. Mais vous savez très bien que cela n'est pas exact.
19 R. Cela est exact, Monsieur. Et vous venez d'omettre quelque chose. Zeljko
20 Meakic a des liens de famille avec moi. Mon frère a épousé sa sœur.
21 Q. Bien.
22 R. Zeljko a été commandant pendant tout le temps.
23 Q. D'après les renseignements dont je dispose, il ne pouvait pas être
24 commandant parce qu'il y avait des personnes plus haut gradé que lui. Il a
25 peut-être été chargé d'un groupe, chargé de la sécurité mais il n'a pas été
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1 commandant du camp.
2 R. Il était le commandant des gardiens qui ont battu, qui ont tué et qui
3 ont emmené les gens pour des interrogatoires.
4 Q. Bien. Serait-il exact de dire que Meakic n'a tué personne, n'a battu
5 personne, et n'a emmené personne pour interrogatoire ?
6 R. C'est à peu près cela. Mais s'il était commandant en chef, je ne vois
7 pas pourquoi il le ferait.
8 Q. Moi, j'affirme que ce n'était pas le commandant en chef et que cela est
9 un renseignement erroné.
10 R. Je connais deux hommes qui étaient Ranko Mijic, le chef des
11 inspecteurs, et Zeljko Meakic, chef de ne je sais quoi. Appelez-le comme
12 vous voulez; force de sécurité, ou gardien, ou du camp. Je n'ai pas vu le
13 reste. Je ne sais pas s'il existait d'autres formations militaires ou
14 civiles ou de polices ou quoi que ce soit d'autres en sus.
15 Q. Bien. D'après les renseignements dont je dispose, la présidence de
16 guerre de la municipalité de Prijedor a décidé qu'un certain nombre des
17 membres de la police de réserve devait être diminué pour ce qui est des
18 centres Keraterm-Omarska et Keraterm aux fins de faire en sorte qu'ils
19 soient relevés par des membres de l'armée. Le saviez-vous ?
20 R. Non.
21 Q. Tous les gens que vous avez mentionnés, dans quelque qualité que ce
22 soit, au niveau de la police dans les camps, c'étaient des gens originaires
23 de votre région ?
24 R. Oui, de la municipalité de Prijedor. Je ne les connaissais pas tous
25 mais ceux que j'ai énumérés, je les connaissais. Mais la municipalité de
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1 Prijedor, lorsque je suis arrivé là-bas et se sont les détenus qui sont
2 arrivés avant moi qui me l'ont dit parce que moi, je suis arrivé en retard
3 de 24 heures ou plutôt de 24 jours. Ils étaient d'une localité, il y avait
4 des groupes qui étaient venus de l'armée de Banja quelque chose, Banja Luka
5 ou Banja.
6 Q. Et vous avez été relâché le 27 août ?
7 R. Exact.
8 Q. Et vous êtes rentré chez vous à Prijedor, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-il exact de dire que 24 heures après votre séjour à Prijedor, vous
11 êtes allé à Petro Gaj dans la maison de Zeljko Meakic ?
12 R. Exact.
13 Q. Et vous y êtes resté pendant deux mois et demi par la suite, n'est-ce
14 pas ?
15 R. Jusqu'au 16 ou 17 septembre.
16 Q. Vous êtes resté là-bas avec la famille de Zeljko Meakic, avec sa femme
17 et ses enfants ?
18 R. Non.
19 Q. Mais avec qui étiez-vous ?
20 R. J'y étais avec les parents de ma belle-sœur. C'est la cousine germaine
21 de Zeljko Meakic. Ils habitaient la maison, leur maison était en face de la
22 leur.
23 Q. Est-il exact de dire Meakic vous avait procuré une carte d'identité
24 fausse ?
25 R. Non. La fausse carte d'identité m'avait été procurée par une belle-sœur
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1 originaire de Novi Sad.
2 Q. Et Meakic, c'est un parent à vous ?
3 R. Oui.
4 Q. Cela découle de ce que vous avez dit au paragraphe 5 de la page 3 dans
5 votre déclaration. Mais vous dites que vous n'avez jamais vu Meakic frappé
6 qui que ce soit ou commettre quelque violence que ce soit ?
7 R. Exact.
8 Q. Cela est tout aussi valable pour Kvocka ?
9 R. C'est exact.
10 Q. Donc Meakic et Kvocka n'ont jamais frappé personne et n'ont commis
11 aucun acte de violence ?
12 R. Je l'ai dit également à l'occasion du procès contre Kvocka et son
13 groupe.
14 Q. Et votre épouse est Serbe ?
15 R. Exact.
16 Q. Donc après toutes ces souffrances et tous ces malheurs, vous avez
17 trouvé refuge et sécurité en Serbie ?
18 R. C'était la seule façon de faire avec une carte d'identité serbe.
19 Q. Bien. Mais dites-moi, n'avez-vous pas pu si vous l'aviez voulu partir
20 vers des territoires placés sous le contrôle de l'armée de la Bosnie-
21 Herzégovine ?
22 R. Et passé par où ?
23 Q. Mais passer par n'importe où sur cette route en direction de l'occident
24 de la Bosnie-Herzégovine.
25 R. Oui, tout était placé sous le contrôle des Serbes, cela, vous le savez
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1 fort bien. Vous le savez pertinemment bien. Le seul passage était au
2 travers des territoires contrôlés par les Serbes, mort ou vivant avec une
3 carte d'identité au nom de Zdravko Lukic.
4 Q. Bien. Mais peut-être n'êtes vous pas aller vers les territoires
5 contrôlés par les Musulmans pour ne pas avoir à être mobilisé par eux-mêmes
6 ?
7 R. Non. Je ne pensais pas du tout à cela. Je venais de sortir d'un enfer
8 et je ne pensais qu'à une chose; sortir ma famille de là-bas.
9 Q. Vous avez réussi à les sortir de là-bas ?
10 R. Oui.
11 Q. Vous êtes allé en Serbie et vous êtes resté combien de temps en
12 Serbie ?
13 R. Trois ou quatre jours.
14 Q. Et vous êtes allé par la suite en Allemagne.
15 R. En effet.
16 Q. Avez-vous eu des problèmes en Serbie ?
17 R. En ma qualité de Serbe, non.
18 Q. Mais connaissez-vous quelque Musulman que ce soit qui aurait eu des
19 problèmes en Serbie ?
20 R. Non.
21 Q. Vous venez de mentionner un certain Zoran Zigic.
22 R. Oui.
23 Q. Est-il exact de dire qu'il s'agissait d'un criminel local ?
24 R. Je ne le qualifierais pas de la sorte. Zoran Zigic a grandi avec moi
25 dans une partie de la ville. Nous avons été opéré à l'hôpital en même
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1 temps. Nous avons cessé d'aller à l'école primaire. Il a eu sa vie, moi,
2 j'ai eu la mienne. De là, à savoir, s'il avait été un criminel ou pas, je
3 ne saurais pas vous le dire.
4 Q. Moi, j'ai ici un document qui porte la date du 1er juillet 1992, et où
5 il est précisé qu'il s'agit d'un "ordre de mise en détention provisoire de
6 Zoran Zigic, et c'est adressé à la direction de la prison à Banja Luka,
7 service de sécurité publique à Prijedor, 1er juillet 1992, donc Zoran," et
8 cetera, et cetera, "originaire de Prijedor," avec son adresse, "doit être
9 arrêté parce qu'il est suspecté d'avoir reçu, encaissé un pot de vin pour
10 telle et telle chose et donc il est prévu sa mise en détention provisoire
11 pour délit comme indiqué ci-dessus."
12 Et le délit pénal est signalé par le secrétariat à l'Intérieur de Prijedor
13 émis à Tatic Tomir, le Procureur informe qui de droit que sous le numéro un
14 tel, il a lancé un avis de lancement d'une procédure en justice à
15 l'encontre de Zigic Zoran pour raison de délit commis à l'encontre de
16 Tomir.
17 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le nom.
18 Il s'agit donc d'une personne qui a perpétré un délit pénal.
19 R. C'est ce que vous venez de lire. Mais Zoran Zigic avait été chauffeur
20 de taxi. Pourquoi lui donnerait-on un pot de vin ? A quel titre ? Pour
21 quelle raison ?
22 Q. J'ai un document ici, vous pouvez le voir.
23 R. Il n'est pas nécessaire que je le voie. Je n'étais pas là-bas en date
24 du 1er juillet.
25 Q. Mais vous l'avez mentionné dans votre déclaration ?
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1 R. Oui.
2 Q. Et je viens de vous demander si c'était un criminel ?
3 R. On l'avait accusé d'un meurtre mais il a été libéré. Je ne peux pas
4 dire que c'est un criminel s'il a été libéré par le tribunal. Je ne peux
5 pas dire que c'est un criminel à ce moment-là.
6 Q. Fort bien. Est-il exact de dire que vous avez reçu un laissez-passer
7 spécial de la part de Simo Drljaca qui vous permettait de vous déplacer
8 même après l'heure du couvre-feu ?
9 R. En effet.
10 Q. Dites-moi, puisque vous en avez parlé tout à l'heure, vous aviez dit
11 que vous ne pouviez pas vous déplacer. Or, vous êtes-vous déplacé ou pas ?
12 Ça, c'est un, et de deux, j'aimerais savoir pourquoi on vous a donné ce
13 laissez-passer spécial ? Quelles avaient été vos activités ? Qu'avez-vous
14 donc fait --
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci doit être votre dernière question.
16 Allez-y.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me suis déplacé. Je suis allé de chez moi
18 au travail en présence du chauffeur du secrétariat à la Défense nationale,
19 un dénommé Branko Milosevic. Ce permis ou ce laissez-passer m'était
20 nécessaire. Je vous ai dit que je suis né, que j'ai grandi dans cette
21 ville, tout le monde me connaissait. Il fallait confirmer la chose avec un
22 papier émanant de Simo parce que c'est lui qui faisait la pluie et le beau
23 temps à Prijedor. Et je ne suis jamais allé seul sans la présence d'un
24 chauffeur du secrétariat à la Défense nationale, qui était lui, armé et
25 sans la présence du chef de l'organe militaire locale, Cedomir Zitovac qui
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1 était, lui aussi, armé. Et nous devions aller à Zitopromet parce que notre
2 ordinateur était en panne. Et nous devions traverser toute la ville. Si
3 nous étions arrêtés, il faudrait que si l'un des Serbes locaux m'arrêtait
4 que je puisse lui confirmer que c'est Simo Drljaca qui m'a laissé passé et
5 qu'il y avait la signature de Simo Drljaca à l'appui pour pouvoir circuler.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Très bien, à vous Maître Tapuskovic.
7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je n'aurai que quelques questions à poser
8 à ce témoin, Monsieur le Président.
9 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :
10 Q. [interprétation] Monsieur Mesanovic, il y a un instant vous avez dit
11 qu'en passant par la Serbie, vous êtes allé en Allemagne et vous y êtes
12 resté jusqu'à quand ?
13 R. Jusqu'au moment où je suis parti pour un pays tiers.
14 Q. Très bien, mais vous avez ajouté, au moment de l'interrogatoire
15 principal, que votre oncle était parti en Australie et ses enfants ?
16 R. Un fils est parti en Australie. Mon fils et mon oncle sont partis en
17 Suisse en 1991. Il se peut que le fils soit parti en 1990 mais mon oncle
18 est parti en 1991.
19 Q. Ils sont partis directement de la Bosnie ?
20 R. Ils sont partis travailler en tant que techniciens dans le domaine de
21 la santé.
22 Q. Mais j'aimerais savoir combien de Musulmans sont partis comme vous vous
23 êtes parti en passant par la Serbie pour aller à l'étranger ?
24 R. Impossible de vous le dire. Je sais qu'Emir Puskar s'est servi de même
25 type de carte d'identité en utilisant le même nom et qu'il est parti parce
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1 que cette carte d'identité a été renvoyée à Prijedor.
2 Q. Vous avez parlé des événements qui s'étaient produits dans le camp. Et
3 vous avez dit à ce propos qu'un soir vous avez entendu des tirs ?
4 R. Exact.
5 Q. Et vous dites que cette nuit-là, il y avait un épais brouillard qui a
6 persisté toute la nuit. Jusqu'à quelle heure ?
7 R. Jusqu'à 4 heures et demie, cinq heures.
8 Q. A quelle distance se trouvait la maison blanche de l'endroit où on a
9 entendu ces tirs ?
10 R. Une cinquantaine de mètres.
11 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges puisque vous dites que ce soir-là ou
12 cette nuit-là, 150 hommes ont été tués. Sur quoi vous vous appuyez pour
13 donner ce chiffre ?
14 R. C'est le nombre de personnes qui sont entrées dans la maison blanche au
15 moment où ils sont descendus des bus.
16 Q. Qui les a comptés ?
17 R. Je n'étais pas le seul à compter, tous ceux qui se trouvaient dans la
18 verrière.
19 Q. Et pourquoi avoir compté tous ces hommes ?
20 R. Simplement pour savoir combien nous étions, combien était arrivé.
21 Q. Je comprends mais dans votre déclaration préalable, vous dites que plus
22 tard, je cite : "Quand j'étais à Trnopolje, j'ai appris que cette nuit-là,
23 150 hommes ont été tués."
24 R. Mais moi, je parle d'Omarska pas de Keraterm.
25 Q. Et vous dites qu'à Keraterm aussi on a tué 150 ?
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1 R. C'est ce que j'ai entendu dire. Et la radio Prijedor a même annoncé que
2 c'était une tentative d'évasion dans tous ces camps.
3 Q. Et que cette nuit-là, dans chacun de ces deux camps, le même nombre de
4 personne a été tué. C'est une supposition ?
5 R. Oui, il y en a eu plus de cent.
6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que Monsieur le Procureur a des
8 questions supplémentaires ?
9 M. KHAN : [interprétation] Oui, j'en ai quelques-unes.
10 Nouvel interrogatoire par M. Khan :
11 Q. [interprétation] D'après ce que dit l'accusé, cette dépêche a été
12 reçue le 29 avril et à 5 heures du matin, le lendemain, les autorités
13 serbes avaient pris le pouvoir. Est-ce que vous avez constaté quoi que ce
14 soit susceptible d'indiquer que la communauté serbe s'apprêtait à prendre
15 le pouvoir avant le 29 avril ?
16 R. Non.
17 Q. Enfin, nous voulons tirer une chose au clair. Est-ce qu'il y a eu un ou
18 deux cas de meurtres ? Est-ce que ce furent des cas séparés parce que vous
19 avez parlé de Keraterm et d'Omarska ? Est-ce qu'il y a eu un cas ou deux ?
20 R. Je ne comprends pas votre question. A Omarska, je vous l'ai dit,
21 c'était la première fois qu'on a entendu des tirs. J'ai vu que Crnalic a
22 été tué. Je ne connais pas son prénom. Il a été tué devant la maison
23 blanche. Et moi, c'est le seul cas de tir que j'ai vu et que j'ai entendu.
24 Mais dans la nuit du 25 au 26, du jeudi au vendredi, Esad Sadikovic et deux
25 autres hommes ainsi que moi-même, nous avons pris le corps de cet homme et
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1 nous l'avons laissé près de la clôture de la maison blanche. C'est là
2 qu'ils ont été tués, battus à mort. On les laissait quelques fois à cet
3 endroit pendant des jours entiers. Et puis un camion jaune venait les
4 chercher le matin. On appelait ce camion Zuco. Si quelqu'un voyait un crime
5 en train d'être commis, et bien voilà, il le voyait, c'était tout.
6 M. KHAN : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse. Le Procureur me demande si
8 c'était quelque chose de connu. Ce n'était pas connu, si ce n'est qu'il y
9 avait une nouvelle filière d'autorité parallèle qui avait été établie.
10 C'était l'assemblée serbe qui avait été constituée en mars avant la prise
11 de pouvoir. Et tous les services d'administrations existaient en double, si
12 vous voulez. Tous les secrétariats, donc, les administrations, les services
13 existaient en parallèle. Et tous les directeurs musulmans ont été
14 remplacés. Et ceci a été annoncé même en avril à la radio Prijedor. Je
15 parle ici de l'assemblée serbe de Prijedor.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci d'être venu déposer au Tribunal
17 pénal international. Votre déposition est terminée. Je vous demande de vous
18 retirer. Je vous remercie, Monsieur.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie également.
20 [Le témoin se retire]
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
22 M. NICE : [interprétation] Notre prochain témoin sera Ton Zwaan. Il a
23 rédigé un rapport qui a été remis au bureau du Procureur le 20 novembre
24 2003 et que nous avons signifié aux parties. Il attend d'entrer dans le
25 prétoire. Vous avez déjà vu ce rapport ou reçu plus exactement.
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1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] L'Accusation va poser quelques questions
3 uniquement. Et l'accusé ne pourra poser de questions que demain.
4 M. NICE : [interprétation] Il y a une chose -- C'est Mme Tromp que vous
5 avez déjà vue et une autre collègue que vous n'avez pas encore rencontrée,
6 ont aidé à la préparation de cette déposition. Nous devrions aussi
7 disposer, Messieurs les Juges, du curriculum vitae de ce témoin qui a été
8 fourni aux parties quelques jours après la remise du rapport.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais demander au témoin de prononcer
10 la déclaration solennelle.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur. Veuillez vous
14 asseoir.
15 LE TÉMOIN: TON ZWAAN [Assermenté]
16 [Le témoin répond par l'interprète]
17 Interrogatoire principal par M. Nice :
18 Q. [interprétation] Veuillez décliner votre identité, Monsieur ?
19 R. Je m'appelle Anthony Zwaan.
20 Q. Vous êtes en possession d'un doctorat. Nous allons parler de votre
21 curriculum vitae dans un instant. Vous êtes un spécialiste des sciences
22 sociales. Voici, la situation telle qu'elle se présente, le bureau du
23 Procureur vous a demandé de préparer un rapport qui faisait une recherche
24 sur le génocide et autres crimes collectifs prenant pour cibles des groupes
25 précis.
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1 R. Exact.
2 Q. De tels crimes, parlons d'événements pour rester neutre, ne peuvent
3 être qualifiés de génocide que depuis qu'on a utilisé pour la première fois
4 ce terme, vers le milieu du 20e siècle ?
5 R. Oui.
6 Q. Cependant, ce sujet a fait l'objet de recherche universitaire avant que
7 cette appellation soit trouvée, n'est-ce pas ?
8 R. Tout à fait. On a utilisé, cependant, d'autres termes tels
9 qu'atrocité, massacres, actes barbares.
10 Q. Depuis la Deuxième guerre mondiale, est-ce qu'on s'intéresse de plus en
11 plus, est-ce qu'on fait de plus en plus de recherche à de tels événements
12 et est-ce que ceci est le fait de bon nombre de spécialistes des sciences
13 sociales et d'autres disciplines ?
14 R. Oui, surtout depuis les années 80. Depuis que ce domaine des études sur
15 le génocide s'est développé, activités des sciences sociales.
16 Q. Je vous demanderais de parler un peu plus fort, Monsieur, si vous le
17 voulez bien. Vous êtes aujourd'hui au centre qui vient d'être créé au
18 centre des études sur l'holocauste à Amsterdam ?
19 R. Oui.
20 Q. Ce n'est pas un centre unique en son genre, n'est-ce pas ? Il y en a
21 beaucoup d'autres ou plusieurs, en tout cas, de par le monde qui effectuent
22 des recherches dans ce cadre ?
23 R. Exact.
24 Q. Si nous gardons ceci à l'esprit, nous allons rapidement parcourir votre
25 curriculum vitae qui a été fourni aux Juges, à l'accusé et aux amis de la
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1 Chambre. Vous y présentez votre bagage professionnel, universitaire depuis
2 les années 70, vos qualifications. Le plus récemment, vous avez obtenu un
3 doctorat en 2001 à Amsterdam. Vous avez fait votre thèse sur la
4 civilisation et la décivilisation, la formation des états, les violences,
5 le nationalisme et les persécutions.
6 R. Exact.
7 Q. D'autres publications viennent de vous, n'est-ce pas ? Elles sont
8 énoncées ici. Est-ce que dans le cadre du présent rapport on vous a demandé
9 de façon précise d'éviter ou de mettre toute référence à l'ex-Yougoslavie ?
10 R. Exact.
11 Q. Est-ce qu'on vous a demandé de rédiger un rapport qui puise dans
12 d'autres domaines de recherche, et plus particulièrement sur certains
13 événements, quatre événements du 20e siècle qualifiés de génocide, le
14 génocide arménien, les Nazis, le Rwanda et le Cambodge.
15 R. Exact.
16 Q. Des problèmes et des intérêts qui sont à la base des recherches
17 universitaires de votre discipline, c'est de savoir comment il se fait que
18 des voisins puissent finir par tuer leurs voisins, des collègues finir par
19 tuer leurs collègues, apparemment en recherchant un autre objectif.
20 R. Oui.
21 Q. Et apparemment à une grande échelle.
22 R. Oui.
23 Q. Votre étude fait des références à d'autres événements s'étant produits
24 précédemment où se présentent des caractéristiques communes qu'il est
25 possible de cerner et de discerner pour savoir si on peut tirer certaines
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1 conclusions de cette communauté de caractéristiques lorsqu'elles se
2 présentent ?
3 R. Exactement.
4 Q. J'examine maintenant le sommaire de votre rapport. On y voit huit
5 chapitres. Le huitième chapitre est une synthèse avec des conclusions.
6 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, ceux qui suivent les débats
7 doivent comprendre le mieux possible les documents écrits avec votre
8 autorisation. Je vais demander que les pages 38 et 39, à savoir, le résumé,
9 cette synthèse soit posée sur le rétroprojecteur. Je n'aurai qu'une ou
10 l'autre question à poser par chapitre et j'essaierai de guider le témoin
11 pour arriver aux conclusions. Acceptez-vous cette démarche ? Si vous le
12 faites, je demanderai à l'huissier de poser ces documents sur le
13 rétroprojecteur.
14 Q. Première partie de votre rapport, c'est l'introduction qui va de la
15 page 3 à la page 7. Inutile de vous poser des questions à propos de
16 l'introduction.
17 Je commence maintenant à la page 7 au chapitre 1. Là, vous abordez la
18 question de la définition et de la discussion portant sur le terme de
19 génocide. Il y a un volet juridique, celui de droit, finalement le seul qui
20 nous intéresse ici mais il y aussi d'autres connotations d'usage général.
21 R. Moi, je m'intéresse à la discussion qui s'est développée parmi les
22 spécialistes d'histoire et de sciences sociales.
23 Q. Très bien. Vous tirez des conclusions dans ce premier chapitre. Nous le
24 voyons ici dans le document se trouvant sur le rétroprojecteur. Vous dites
25 que les génocides et autres crimes collectifs, prenant pour cible des
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1 groupes spécifiques, doivent être distingués d'une guerre et d'une guerre
2 civile même s'il faut comprendre qu'une guerre ou une guerre civile peut
3 contribuer au développement d'un processus génocidaire.
4 Page 11 de votre rapport, dans ce chapitre-ci, vous appelez notre attention
5 sur un problème pour autant que c'en soit un, le problème qui tend à
6 prendre l'holocauste comme modèle type. Pourriez-vous étoffer votre propos
7 en une phrase ou deux ?
8 R. L'assassinat, le meurtre des Juifs a été ce qui est à la base de la
9 convention des Nations Unies, c'est un cas et c'est le cas de génocide à
10 propos duquel la plupart des gens savent quelque chose. C'est devenu, si
11 vous voulez, le modèle, l'étalon qu'on utilise pour voir si ailleurs il y a
12 eu génocide. Ceci présente des avantages mais aussi des inconvénients.
13 Q. Et l'inconvénient c'est peut-être l'ampleur de l'événement ?
14 R. Oui, surtout. Mais je crois qu'on a tendance à mesurer, sciemment ou
15 pas, de nouveaux cas de génocide, au regard de cet étalon, de ce modèle. Et
16 on pouvait aisément conclure, à ce moment-là, que de nouveaux cas ne sont
17 pas vraiment des cas de génocide ou ne sont pas si graves.
18 Q. Même s'ils montrent à un spécialiste des sciences sociales qu'on y
19 retrouve la même configuration de données, d'événements qui constituent un
20 génocide à grande échelle ?
21 R. Je dirais plutôt similaire.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Parlons de l'échelle de l'ampleur.
23 Quels sont les autres facteurs qui font que le phénomène de 1945 n'est pas
24 nécessairement un bon exemple ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout est fonction de l'argument que vous
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1 voulez faire valoir. Effectivement, c'est un cas qu'il est important
2 d'étudier mais je dirais qu'il y aussi d'autres cas présentant des
3 caractères tout à fait particuliers même s'ils présentent aussi des
4 caractères semblables. Il faut donc voir quels sont ces degrés de
5 concordance et s'il y a les mécanismes similaires au niveau de la
6 causalité.
7 M. NICE : [interprétation] Je vous interromps, Monsieur le Juge.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pas du tout.
9 M. NICE : [interprétation]
10 Q. Pour aider le Juge, vous pourriez, si c'est utile, relever certaines
11 des caractéristiques que présentent les événements de 1945 qu'on ne trouve
12 pas généralement ailleurs et qui sont uniques en leur genre ?
13 R. Pour moi un fait très important, c'est que les Nazis ont effectué, ont
14 voulu un génocide complet de tous les Juifs dans la zone qu'ils avaient
15 sous leur contrôle. Ce n'est pas nécessairement le cas ailleurs et ça ne
16 s'est pas encore passé ailleurs de cette façon. L'on parle ici d'un
17 génocide complet. Bien sûr, il y a eu un effort visant à un génocide
18 complet, c'est une des caractéristiques.
19 Q. Toujours dans ce chapitre de votre rapport, 12e paragraphe, vous
20 énoncez une série de conditions retenues par un collègue universitaire, Mme
21 Helen Fein et je demanderais à M. l'Huissier de nous aider en posant cette
22 page où se trouve le douzième paragraphe sur le rétroprojecteur.
23 Cette universitaire parle de la continuité des attaques de la part de
24 l'auteur, l'organisation collective de ces auteurs, le fait que les
25 victimes sont sélectionnées parce qu'elles appartiennent à un groupe donné,
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1 et sont sans défense dans des circonstances où le crime est sanctionné de
2 façon favorable par les auteurs, comme étant une caractéristique permettant
3 l'identification.
4 R. On peut utiliser ces critères pour voir dans tel ou tel cas, si on les
5 retrouve.
6 Q. Vous avez mentionné les critères retenus par cette collègue. Vous
7 prenez dans une autre rubrique, ces conditions un peu modifiées. Pourriez-
8 vous nous dire ceci. S'agissant de votre démarche à vous, d'après ce que
9 vous pouvez en juger, est-ce qu'elle se situe dans le cadre général des
10 recherches menées actuellement, ou est-ce que c'est plutôt à l'extérieur ?
11 R. Non. J'ai fait de mon mieux pour vous donner ce qui est, en fait, le
12 consensus général dans cette spécialité pour ce qui est du processus. Je ne
13 dirais pas que c'était excentré ou marginal, du tout.
14 Q. Page 13, deuxième chapitre, et ce deuxième chapitre va jusqu'à la page
15 15. Le titre en étant "Crise et crimes de génocide." Dans votre résumé,
16 ceci se retrouve également. J'en ai déjà parlé finalement. Il y a un point
17 auquel vous attachez, apparemment, beaucoup d'importance. Paragraphe 23, ou
18 plus exactement note de bas de page 23, page 14. C'est le concept du
19 monopole de la violence et du rapport que ce monopole de la violence a avec
20 le monopole des taxes ou de la fiscalité. Vous dites que c'est important en
21 puissance pour les auteurs potentiels et pour les victimes. Vous donnez un
22 modèle à titre illustratif.
23 R. Le monopole de la violence, c'est la caractéristique centrale de tout
24 état. Le monopole de la violence fait plusieurs choses. Il y a le droit
25 qu'on réserve à l'état d'utiliser la violence, et de l'utiliser contre ses
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1 citoyens. C'est un aspect. Un autre aspect, c'est que c'est la base
2 formelle et officielle de l'ordre public. Vous avez la judiciaire, la
3 police, l'armée qui vont intervenir, lorsque tel ou tel groupe de citoyens
4 ou des citoyens individuels a recours à la violence. C'est là, le garant ou
5 la garantie du maintien de l'ordre public.
6 Q. Et quel est le rapport, rapport sans doute manifeste, avec le monopole
7 de la fiscalité ?
8 R. Il y a un lien très étroit. Si on n'a pas le monopole de la violence,
9 il n'est pas possible de percevoir les taxes, les impôts. Si vous n'avez
10 pas d'impôts, vous ne pouvez pas payer, financer la violence.
11 Q. Une fois que le monopole de la violence est ébranlé, qu'il est pénétré
12 par d'autres forces, quelles sont les conséquences que ceci a pour le
13 sentiment que les auteurs de méfaits peuvent avoir au niveau de l'impunité,
14 disais-je ? Qu'est-ce que ceci peut avoir comme conséquence au niveau de la
15 vulnérabilité des victimes potentielles ?
16 R. S'il n'y a plus ce monopole de la violence qui fonctionne, certains
17 groupes de la population sont exclus de la protection que donne le monopole
18 de la violence. En d'autres termes, telle ou telle organisation, tel ou tel
19 groupe va peut-être se servir de cette violence à des fins propres. Prenons
20 l'exemple de la mafia en Italie ou ailleurs. La mafia y fonctionne. Elle
21 veut avoir recours à l'utilisation privée de la violence. L'état n'est pas
22 en mesure de contenir cette utilisation ni de la réprimer. De même, dans
23 une situation de génocide, l'état n'essaie plus de contenir la violence à
24 des fins politiques précises.
25 Q. Les pays aiment penser qu'ils sont civilisés. L'idée qu'ils soient
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1 tributaires du monopole de la violence ne leur plaît peut-être pas.
2 Prenons un pays qui s'enorgueillit de sa civilisation, le Canada. Est-ce
3 que le Canada n'a pas démontré tout récemment, précisément ce que vous
4 dites ?
5 R. Tout à fait. La police a décidé de faire grève. En très peu de temps,
6 il y a eu une recrue d'essence très nette de la criminalité. Autre exemple,
7 vous savez qu'il y a eu une panne d'électricité générale il y a quelques
8 années à New York. Il y a eu des actes de pillage, des activités
9 criminelles qui ont aussitôt augmenté.
10 On pourrait dire que la civilisation d'une société qu'un comportement
11 civilisé entre êtres humains dépend très fortement de la garantie de la
12 sécurité. La sécurité, elle est garantie par le monopole de la violence.
13 Q. Revenons à ce cas du Canada, il a suffit de quelques heures pour que la
14 criminalité augmente ?
15 R. Oui.
16 Q. Troisième chapitre de votre rapport, pages 15 à 17. L'entête étant
17 "Crise et crimes de génocide," ce qu'on retrouve dans la deuxième
18 conclusion de votre synthèse. De tels crimes ne peuvent se produire et se
19 développer aux appâts, que s'il y a une crise grave qui perdure. Il y a
20 déstabilisation du centre, processus de polarisation, dépacification, et
21 usage accru de la violence, qui sont au cœur même de telles crises.
22 Est-ce que vous parlez au paragraphe 18 de la possibilité, on peut voir, de
23 l'irruption spontanée de crimes de génocide ou de groupes qui sont pris
24 massivement pour cibles de façon spontanée, disais-je à partir du bas ?
25 Est-ce que c'est quelque chose de normal, d'après votre conclusion et votre
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1 recherche ?
2 R. Cela ne se passe jamais. Un crime de génocide est quelque chose de tout
3 à fait exceptionnel dans une société. Cela ne vient jamais du bas ou par
4 hasard. C'est ce que j'essaie de montrer. Pour comprendre les crimes de
5 génocide ou le processus du génocide, il faut voir quelle est la crise que
6 connaît, dans laquelle plonge toute une société avant de comprendre
7 pourquoi il peut y avoir génocide.
8 Q. Chapitre 4 de votre rapport, pages 17 à 21. La troisième conclusion,
9 elle est longue et tout à fait capitale à votre rapport.
10 Pourriez-vous nous aider en étoffant davantage ce que vous dites au
11 paragraphe 29. J'ai demandé à l'huissier de placer ce paragraphe pour le
12 moment au-dessus des conclusions sur le rétroprojecteur, page 19. Pourriez-
13 vous établir un lien entre la conclusion que vous tirez à propos du
14 monopole de la violence, à propos d'une dictature de faits et l'impunité ?
15 R. Je vais essayer de le faire. En règle générale, le monopole de la
16 violence se trouve sous le commandement d'une autorité politique centrale
17 dans une société donnée. Par conséquent, lorsque nous avons affaire à une
18 situation dans laquelle se développent des crimes de génocide, une
19 conclusion s'impose. C'est que les autorités centrales ne maintiennent
20 plus, de façon impersonnelle et légale, le monopole de la violence, mais
21 que sous une forme ou une autre, ces autorités politiques centrales ont
22 donné un aval, direct ou indirect, une permission directe ou indirecte à
23 des groupes, auteurs de méfaits, de se livrer à certains crimes collectifs.
24 Il y a donc un rapport direct entre le niveau de pacification d'une société
25 et les décisions prises par les autorités centrales. Je ne sais pas si j'ai
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1 répondu à votre question.
2 Q. Dictature factuelle ?
3 R. Il est essentiel, s'agissant de certaines décisions extrêmes que les
4 autorités centrales soient en mesure de disposer de suffisamment de pouvoir
5 pour prendre de telles décisions. Cela veut dire deux choses. Ces autorités
6 vont essayer de retenir une certaine contrainte de leur propre société,
7 mais aussi d'autres sociétés. Disons le plus simplement, ces autorités vont
8 essayer de s'arroger énormément de pouvoir.
9 Q. Voyons le cas plus particulier que vous avez examiné. Y retrouve-t-on
10 une certaine systématicité, que vous avez des dictatures factuelles qui
11 sont dissimulées, qui sont déguisées comme étant un processus
12 démocratique ?
13 R. Je pense au référendum qu'Hitler avait coutume d'organiser après être
14 arrivé au pouvoir en 1933. Il a essayé d'obtenir des votes majoritaires de
15 l'électorat allemand pour certaines décisions, pour la politique qu'il
16 pratiquait. Lui et les dirigeants nazis essayaient d'enrober sous une
17 apparence de démocratie ce qui était déjà une dictature depuis le milieu de
18 l'année 33.
19 Q. Parlons, et ce sera la seule fois en détail d'un paragraphe. Nous
20 reprenons ici ce paragraphe 29 débutant 28. Parfois suivant les
21 circonstances; cela, c'est le paragraphe 28. Il y a de façon incidente des
22 atrocités qui peuvent se produire ou qui peuvent donner des pogromes.
23 Normalement, l'état et ses forces de l'ordre, et la police, le système
24 judiciaire pourront contenir, réprimer et sanctionner ces types de violence
25 politique massive.
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1 Lorsque les autorités de l'état ne sont pas en mesure de le faire ou ne
2 veulent pas le faire, elles encouragent ce faisant, et contribuent au
3 développement d'un processus génocidaire. Dans un tel processus, il y a
4 beaucoup de victimes, et il y a énormément d'auteurs. Ceci montre une fois
5 de plus l'importance cruciale qu'il y a à la direction politique centrale,
6 lorsqu'il y a commission de crimes de génocide. Les crimes de génocide
7 viennent du haut de la pyramide.
8 Vous avez effectué des recherches. D'autres l'ont fait également. Vous en
9 tirez des enseignements. Quelles sont ces conclusions qui vous permettent
10 de dire si clairement que le processus vient du haut ?
11 R. Nous n'avons connaissance d'aucun cas de génocide, aucun processus de
12 génocide qui serait partie de la base. Dans tous les cas dont j'ai
13 connaissance, dont ont connaissance les experts, il est possible de
14 conclure que les décisions prises par les autorités politiques et
15 militaires centrales, sont d'une importance capitale décisive pour
16 déterminer s'il va y avoir ou pas un processus de génocide.
17 Q. Ici, on utilise le terme de génocide. Ce rapport parle de crimes
18 massifs, de crimes collectifs prenant pour cible des groupes précis.
19 R. Oui.
20 Q. C'est la conclusion que vous tirez pour ce type d'événement aussi ?
21 R. Oui.
22 Q. Examinons la dernière partie de ce paragraphe 29. Vous dites la chose
23 suivante : "La recherche effectuée sur les cas de crimes de génocide au 20e
24 siècle, des séries systématiques et structurelles de déracinements forcés,
25 d'événements violents, de déportations, de massacres sur une longue période
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1 de temps et sur une surface, une superficie importante; la conclusion qu'on
2 peut tirer, c'est que de tels crimes se produisent avec la connaissance,
3 l'approbation et la participation des autorités de l'état."
4 C'est la conclusion que vous tirez ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que ceci traduit quelque part, le fait que notre partie du monde
7 dispose d'énormément d'informations en contraste avec une période du Moyen
8 âge, où les informations auraient été plus rares ?
9 R. Si vous remontez dans l'histoire, il faut reconnaître que la structure
10 de la société était tout à fait différente de ce qu'elle est aujourd'hui.
11 Il faut alors préciser les conditions particulières à un état au monopole
12 de la violence à ce moment-là, si l'on veut comprendre le type d'atrocités
13 et de massacres qui se sont produits disons fin du Moyen âge, et au début
14 des temps modernes. Ces conditions sont en partie différentes. Là aussi, à
15 mon avis, les décisions prises par les autorités suprêmes d'une société
16 donnée, sont d'une importance cruciale, si l'on veut comprendre pourquoi il
17 y a eu des crimes violents à une échelle massive.
18 M. NICE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, veuillez enlever cette page
19 pour que nous voyons la conclusion du 3e paragraphe.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous parlez du phénomène qui parle
21 de la base ou du haut. Est-ce que vous parlez en principe de la genèse, du
22 démarrage, du début de ce phénomène ? Parce que, est-ce qu'il n'y a pas une
23 étape, une phase au cours de laquelle il y a comment dire, conjonction ou
24 fusion de ces deux mouvements, ascendants et descendants ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez en partie raison, je pense. Une fois
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1 que la décision était prise de ne pas empêcher une violence à grande
2 échelle, il peut se produire que certains groupes de la base, disons du
3 bas, cherchent l'occasion ou bénéficient de l'impunité nécessaire leur
4 permettant de se livrer à leurs propres crimes collectifs. Par exemple, au
5 moment où les Allemands ont occupé l'est de la Pologne, en plusieurs
6 endroits, en 30 endroits en tout, des dirigeants polonais locaux ont décidé
7 d'organiser des pogromes contre les Juifs. A mon avis, ceci n'a été
8 possible, que parce que les autorités allemandes qui avaient déjà mis en
9 place et démarré une politique anti-juive, leur avaient donné la
10 possibilité de le faire. Là, c'est un cas effectivement, où il y a une
11 fusion, une rencontre si vous voulez entre cette violence massive venant du
12 bas, qui rencontre la violence venant du haut.
13 Est-ce que j'ai répondu à votre question ?
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
15 M. NICE : [interprétation]
16 Q. Je pense que vous en parlez un peu plus tard dans deux chapitres, quand
17 vous voyez comment se développent ces processus. Résumé du passage que vous
18 venez d'aborder, 3e conclusion disais-je. Elle dit que : "Au cours de la
19 crise, une élite politique radicale et impitoyable peut réussir à s'emparer
20 de l'organisation de l'appareil d'état. : Le comportement politique et les
21 décisions prises par ces dirigeants politiques peuvent être considérés
22 comme étant d'une importance décisive pour l'émergence du génocide. On dit
23 que ce processus de génocide ne vient pas en règle générale du bas, mais du
24 haut, même si le processus peut prendre diverses formes, pour ce qui est de
25 la participation de l'état. Un corollaire, c'est que les autorités de
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1 l'état le plus élevé, sont toujours responsables de ce qui se passe
2 lorsqu'il y a processus de génocide."
3 "Un autre corollaire, implique que les actes individuels de génocides,
4 doivent se voir dans le contexte du pouvoir qui prévaut et de la structure
5 de l'autorité au sein d'un état de société." Je ne sais pas si vous pouvez
6 étoffer votre propos.
7 R. Tout à fait. Je suis convaincu que si lorsqu'on examine les événements
8 singuliers, séparés, individuels dans ce processus de génocide, il faut
9 comprendre chacun de ces événements, et les mettre en rapport avec un cadre
10 plus large, celui du pouvoir, tel qu'il est structuré dans cette société.
11 Parce qu'au niveau local, régional, beaucoup n'agissent de façon violente,
12 que s'ils sont plus ou moins sûrs qu'ils pourront bénéficier d'une impunité
13 ce faisant. Qu'ils pourraient s'en sortir de cette façon.
14 Q. Merci. Cinquième chapitre de votre rapport, entre la page 21 et 26.
15 Nous avons ici "Le processus de génocide, planification et répartition des
16 tâches, division du travail." Ceci se passe de commentaire. Je ne vous
17 poserai qu'une question ou voire deux. Page 24, haut de la page. Il se peut
18 que ceci renvoie à la question posée par M. le Juge. Ligne 3, vous dites
19 qu'en fait, ce génocide, ce processus, prend de l'élan, un peu comme vous
20 avez les engrenages d'un moteur, d'un arbre à canne.
21 R. Je me suis servi de cette métaphore pour faire passer le message
22 suivant. Si vous examinez le processus de génocide, vous voyez la première
23 phase, la phase initiale. En règle générale, il y a toute sorte d'obstacles
24 qui empêchent le lancement de ce processus. Peut-être, une décision très
25 générale prise par les autorités politiques centrales, qui veulent se
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1 débarrasser de telle ou telle catégorie de personnes. Cependant, il faut
2 encore procéder à la planification générale. Il faut que des plans
3 concrets réalistes soient élaborés encore. Ce qui veut dire qu'au départ,
4 le processus de génocide va nécessiter du temps, de l'énergie, des
5 investissements pour se mettre en marche. Une fois qu'il est en route, il
6 va vraiment prendre vitesse. C'est-à-dire qu'après un certain temps, il va
7 marcher sans difficulté. Ça va devenir une routine. Des gens, les auteurs
8 en commettant des méfaits, vont trouver toutes sortes de façons de
9 poursuivre l'action génocidaire.
10 Q. J'enchaîne et vous enchaînez, vous prenez les deux premières lignes du
11 paragraphe 39, nous gardons à l'esprit ce que vous avez dit. Vous avez dit
12 qu'en général, il n'est pas suggéré que ces événements se produisent de
13 façon naturelle, spontanée dans une société dite civilisée. Une fois qu'il
14 est en marche, ce processus ne cessera ou presque jamais à enrayer par ceux
15 qui l'ont mis en marche. C'est ce que vous dites. C'est toujours cette
16 métaphore ?
17 R. Oui. Mais aussi ce qu'on a dit au paragraphe 38, à savoir que lorsque
18 les gens commencent à s'impliquer dans des crimes de génocide ou de crimes
19 collectifs prenant pour cible certains groupes précis, ils ont une espèce
20 de carrière criminelle à ce moment-là. Et en général, les gens qui exercent
21 une telle carrière n'ont plus recours au droit, à l'autorité. Une fois
22 qu'ils trempent dans cette situation, ils ne peuvent pas en sortir parce
23 qu'ils doivent sans cesse dissimuler leurs traces et il y a des liens qui
24 s'établissent entre tous ces auteurs de méfaits.
25 Q. Quatrième conclusion qui le place sous un éclairage quelque peu
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1 différent, vous dites qu'en général, c'est uniquement par une intervention
2 extérieure et de force qu'on met fin à de tels processus. Dans les
3 phénomènes que vous avez examinés, est-ce qu'il y a eu cessation naturelle
4 ou forcée ?
5 R. Dans ces quatre cas dont je me suis servi comme exemple pour ce
6 rapport, on y a mis fin de l'extérieur, par intervention militaire, de
7 diverses façons mais jamais ce processus ne s'est terminé, on a été terminé
8 par les auteurs eux-mêmes.
9 Q. Paragraphes 40 et jusqu'au 42, vous dites au paragraphe 40, que dans le
10 cadre de cette division du travail que vous reprenez dans une partie de
11 votre rapport, de façon générale, est-ce que les dirigeants prennent des
12 décisions de détails ou pas pour ce qui est des diverses étapes au moment
13 du processus de génocide ?
14 R. En général, les dirigeants les plus élevés ne prennent de décisions
15 générales, donnant, ce faisant, à d'autres les moyens, l'organisation, les
16 fonds parfois, et les forces armées permettant de préciser dans le détail,
17 de façon plus réaliste, l'exécution de ce problème. Je reviens à Hitler,
18 jamais il n'a été témoin d'un seul acte de génocide en personne, pas plus
19 qu'il n'est couché sur papier un ordre disant qu'il fallait "tuer tous les
20 Juifs," mais il a discuté notamment avec Himmler et d'autres et il est
21 certain qu'il a dû donner l'ordre général "de tuer tous les Juifs."
22 Q. Il s'agit d'un exemple très connu. Est-ce qu'il a reflet de cela dans
23 d'autres cas que vous avez étudiés ?
24 R. Oui.
25 R. Oui, tout à fait. Ce que nous savons, par exemple, c'est que les trois
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1 principaux dirigeants de l'Empire ottoman ont décidé que l'état turque
2 allait se débarrasser de la minorité arménienne et aussi de la part d'une
3 majeure partie de la minorité grecque et c'est la décision qui a été prise
4 au début de la Première guerre mondiale. Et très souvent, les éléments de
5 preuve sont indirects, devrais-je ajouter.
6 Q. Au paragraphe 42 de votre rapport, en bas de la page 25, puis page 26,
7 vous parlez du fait que les dirigeants à la différence des exécutants ne
8 seront pas attrapés en train de commettre le crime avec la main dans le
9 sac.
10 R. Oui. Les dirigeants les plus hauts placés pour autant que je le sache,
11 très souvent, sont au courant du caractère extrémiste de leur décision mais
12 donc, par conséquent, ils ne laissent pas de traces de manière générale.
13 Nous n'avons pas d'ordre écrit, par exemple, dans ces différents cas où les
14 personnes sont devenues victimes d'un processus génocidaire. Ça, c'est une
15 des raisons. Et puis, parmi d'autres raisons, c'est que dans différentes
16 situations, comme vous le savez tous, au Cambodge, par exemple, en
17 Indonésie en 1965, il n'y a jamais eu de processus par la suite d'une
18 campagne génocidaire.
19 Q. Et enfin, il en ressort du rapport et ça sera ma dernière question,
20 dans la partie 6 de votre rapport qui est intitulé "Les crimes génocidaires
21 et idéologie" que pourriez-vous nous dire. Je me réfère aux pages 26 à 31.
22 Que pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, au sujet de l'importance du
23 fait que les sociétés sont divisées d'une certaine façon avant que ces
24 crimes ne soient commis ? Que pouvez-vous nous dire au sujet de la
25 propagande et au sujet du fait que le groupe qui est à l'origine de l'acte,
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1 en fait, se déclare, se présente comme victime ?
2 R. Et bien, la condition nécessaire, préalable pour qu'il y ait processus
3 génocidaire dans une société est qu'il y ait un certain nombre de divisions
4 au sein de la population. Elles peuvent être sur la base d'appartenance
5 ethnique, religieuse, entre la majorité et la minorité mais il faut qu'il y
6 ait des divisions.
7 Alors à un certain moment, par exemple, l'élite radicale peut utiliser ces
8 divisions pour un point de départ idéologique. Elle peut, par exemple,
9 déclarer : nous sommes menacés. Nous sommes la majorité, par exemple, et
10 nous sommes menacés par un certain nombre de minorités ou de groupes qui
11 n'appartiennent pas à notre nation. Il faut les exclure. Et dans sa manière
12 de se manifester la plus radicale, la conclusion pourrait être que ces
13 personnes doivent être expulsées ou tuées. Et je pense que c'est là que
14 l'idéologie joue un rôle très important et qu'elle sera utilisée de manière
15 active en tant que propagande afin de convaincre une partie de la
16 population, une partie des auteurs d'agir en ayant recours à la violence à
17 l'encontre d'une minorité innocente, par exemple.
18 Q. Je voudrais revenir à la question qui vous a été posée par M. le Juge
19 Robinson, au paragraphe 54. Pourriez-vous nous peut-être revenir à ce que
20 vous y dites au sujet de cette approche que vous avez, que cela part du
21 "haut vers le bas", un certain nombre de personnes peuvent être motivées
22 par d'autres raisons, peuvent avoir de objectifs tout à fait égoïstes dans
23 les crimes qu'elles commettent, n'est-ce pas exact ?
24 R. Oui, c'est exact. Les travaux de recherche ont montré que ceux qui
25 participent à des crimes génocidaires sont motivés par toute une série de
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1 raisons. Par exemple, ils peuvent être des nationalistes convaincus ou des
2 nationaux socialistes ou ce qui était le cas dans l'exemple allemand. Dans
3 un autre cas, par exemple, les personnes peuvent s'adonner à des pillages
4 parce que c'est le motif financier qui les pousse à agir ou les gens
5 veulent faire carrière. Mais mise à part ces motivations individuelles,
6 j'insiste sur le fait que l'idéologie donne une ligne directrice générale
7 et que cela donne un objectif aux auteurs individuels des crimes, donc, en
8 plus de leur motivation personnelle.
9 Q. Est-ce que, par exemple, est-ce que ce qui est important, c'est qu'il y
10 ait ce rapport "eux" contre "nous ?"
11 R. Oui, tout à fait, c'est très important. C'est très important que les
12 personnes dont les auteurs souhaitent se débarrasser, sont perçues par eux
13 et non par nous. Et ceci a à voir avec la tendance à déshumaniser, donc,
14 exclure un certain nombre de personnes de ce qui est notre univers commun
15 d'obligation en tant qu'être humain.
16 Q. Et ce besoin de déshumaniser, cela se manifeste dans tous les cas de
17 figure que vous avez étudiés ?
18 R. Oui, cela montre à chaque fois le même mécanisme, donc, il y a "eux" et
19 "nous" mais cela montre aussi qu'il y a un certain degré de déshumanisation
20 qui est une condition préalable à des crimes d'une grande ampleur, des
21 crimes collectifs et il n'est pas facile de procéder à ce genre de meurtre
22 en masse. Donc, il faut que les personnes soient convaincues du fait que
23 les personnes qui vont tuer sont mauvaises et moins qu'humaines.
24 Q. Et pour ce qui est de la propagande, ce sera peut-être mon avant-
25 dernière question : La mémoire historique collective, est-ce qu'elle joue
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1 un rôle là-dedans ?
2 R. Oui. Alors cela dépend des cas que vous examinez, mais citons quelques
3 exemples, je pense que pour ce qui est du processus génocidaire à
4 l'encontre des Juifs, alors il s'agit de l'antisémitisme à grande échelle
5 qui a été une condition très importante. De nombreux allemands croyaient
6 déjà que les Juifs étaient mauvais et qu'ils complotaient contre la nation
7 allemande.
8 Pour ce qui est des Hutu et des Tutsi, par exemple, l'exemple du Rwanda,
9 les Hutu se voyaient comme étant des victimes des Tutsi, de leur
10 suprématie, et ce, depuis longtemps. Donc en 1994, ils ont pu se reposer
11 sur des mémoires collectives parmi les Hutu, donc, les mémoires collectives
12 en se voyant comme des victimes et ceci a pu être utilisé.
13 Q. Alors mes deux dernières questions, il s'agit de cette bipolarité, eux
14 et nous. Vos conclusions auraient été différentes s'il n'y avait pas un
15 rapport à deux mais à trois ou quatre, par exemple, quatre parties en
16 question ?
17 R. Ceci compliquerait les questions présidant à la recherche mais je pense
18 que les mécanismes qui seraient identifiés seraient semblables, seulement,
19 ils seraient plus compliqués.
20 Q. Et quelque chose qui sort de votre rapport mais je voudrais que vous
21 informiez la Chambre à ce sujet, que vous nous aidiez là-dessus. Il s'agit
22 des incidents concernant les personnes qui ont été caractérisées comme des
23 auteurs de crimes et qui ont fait quelque chose de bien à l'égard de ces
24 victimes, est-ce une caractéristique commune, fréquente ou est-ce une
25 exception dans les recherches que vous avez faites ?
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1 R. Si je vous ai bien compris, il s'agit de cas que vous trouvez
2 pratiquement dans le cas de chacune des recherches. Donc, les auteurs
3 peuvent se rendre compte du fait qu'ils font quelque chose qui pourrait
4 être d'importance décisive par la suite, donc, protéger quelques familles
5 qui font partie de la catégorie des victimes ou qui font partie d'un
6 certain groupe. Et dans tous les cas, il y a eu des exemples de ce genre de
7 comportement.
8 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pour ce qui est de l'audience de demain,
12 nous avons prévu une heure trente pendant la première partie de l'audience
13 que nous sommes prêts à consacrer à cela. Donc, si vous demandez plus de
14 temps, nous l'examinerons mais pour le moment, nous avons décidé de vous
15 accorder une heure trente. Et nous n'avons pas, pour le moment, l'intention
16 de prolonger cela. Mais nous verrons ça demain.
17 Monsieur, je vous remercie d'être venu. Je vous prie de ne discuter de cela
18 avec personne avant de venir ici demain matin à 9 heures.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous remercie.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] La séance est levée jusqu'à demain matin.
21 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le mercredi 21 janvier
22 2004, à 9 heures 00.
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