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1 Le mercredi 21 janvier 2004
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, s'agissant du contre-
7 interrogatoire de ce témoin, vous allez disposer du premier volet
8 d'audience, pour autant bien sûr que ce contre-interrogatoire porte sur des
9 questions réalistes. Vous avez la parole.
10 LE TÉMOIN: TON ZWAAN [Reprise]
11 [Le témoin répond par l'interprète]
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur May.
13 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :
14 Q. [interprétation] Monsieur Zwaan, on dit que vous êtes sociologue et
15 anthropologue dans votre rapport. Est-ce bien exact ?
16 R. Oui.
17 Q. Vous n'avez pas une formation juriste, n'est-ce pas ?
18 R. Non, c'est certain.
19 Q. On a mentionné le personnel académique du centre chargé de l'étude de
20 l'holocauste à Amsterdam, où vous êtes employé, et on dit qu'il y a quatre
21 personnes d'employées au total là-bas,
22 n'est-ce pas ?
23 R. C'est exact.
24 Q. Et pas une seule de ces personnes ne se trouvait être juriste. Il y a
25 trois historiens, et vous êtes sociologue et anthropologue, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Dites-moi, n'est-il pas quelque peu inhabituel de voir ce centre qui
3 est chargé de l'étude de l'holocauste et du génocide, ne pas disposer de
4 juriste. Le génocide est une catégorie juridique. C'est un délit pénal,
5 n'est-ce pas ?
6 R. Vous pourriez dire que c'est effectivement un délit pénal relevant du
7 droit, mais on peut le considérer également comme phénomène historique ou
8 sociologique. Il se fait que la plupart des instituts du genre du nôtre,
9 n'ont pas de personnel venant du droit, parce que finalement les études de
10 l'holocauste et du génocide n'ont pas nécessairement un rôle de premier
11 plan dans l'étude du sujet.
12 Q. Ce que je ne perds pas de vue, c'est un fait qui a été mentionné à vrai
13 dire par M. Nice. A savoir que s'agissant de cette composition-là, la
14 signification, la composition des personnes présentes ici, la signification
15 juridique est la seule qui importe. Au dernier paragraphe page 6, on dit
16 que le centre a été créé le 8 septembre 2003, au moyen d'une manifestation
17 publique qui s'est tenue dans la grande salle de l'Université d'Amsterdam.
18 Votre centre n'a été créé qu'il n'y a que quatre mois, n'est-ce pas ?
19 R. Oui. Si c'était l'inauguration officielle, si vous le voulez.
20 Q. Votre rapport qui a été commandé par la partie adverse a été rédigé en
21 novembre 2003. Deux mois à peine après la création de ce centre, n'est-ce
22 pas, Monsieur Zwaan ?
23 R. Moi, j'y travaille en fait depuis plusieurs mois. Cependant, il a été
24 terminé après l'ouverture officielle du centre. Là, vous avez raison.
25 Q. Dites-moi, je vous prie, dans le cadre de ce centre, est-ce que vous
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1 avez réalisé un autre projet que vous avez parachevé à ce jour, si l'on met
2 de côté le rapport en question ?
3 R. Oui.
4 Q. Quels sont les autres projets qui ont été réalisés par ce centre depuis
5 son existence, outre celui-ci ?
6 R. Je donne des cours de maîtrise pour des étudiants avancés, pour ce qui
7 est d'une étude comparée du génocide. Là, c'est un exemple que je vous
8 donne.
9 Q. Je vous ai demandé quels autres projets le centre a réalisés. Vos
10 activités régulières qui consistent à donner des cours, c'est une chose
11 tout à fait autre.
12 R. Vous pouvez considérer cela quelque chose d'autre. Nous avons des
13 projets au centre, mais aussi l'enseignement qui est une activité de
14 recherche. Je peux vous citer un autre projet. Nous organisons une
15 conférence sur le génocide du Rwanda. Cette conférence doit se tenir au
16 mois d'avril. Nous faisons des études en vue de sa préparation, et pour ce
17 qui est des préparatifs à prévoir.
18 Q. Dites-moi, je vous prie, étant donné que dans le rapport vous avez
19 souligné en particulier, la manifestation publique qui s'est tenue à
20 l'Université d'Amsterdam. Lors de la création de votre centre, je suppose
21 que vous avez souligné cela comme étant un renseignement important.
22 Autrement cela n'aurait pas figuré dans le rapport. Dites-moi, en quoi
23 consiste la signification de l'événement en tant que tel, que vous avez
24 signé à ce titre-là, si ce n'est peut-être la nécessité d'impressionner la
25 galerie ?
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1 R. Je ne l'ai fait pour impressionner personne. C'était simplement en
2 guise d'introduction du centre, et pour aider le lecteur, pour savoir à
3 quel moment ce centre a été ouvert et a commencé de fonctionner.
4 Q. Dites-moi, combien d'œuvres écrites avez-vous rédigées sur le sujet du
5 génocide ?
6 R. De 10 à 12 articles, et un volume assez important de 450 pages.
7 Q. Le rapport en question, vous l'avez rédigé à la demande de M. Nice,
8 n'est-ce pas ? C'est du moins ce que l'on dit dans la partie introductive
9 au premier paragraphe.
10 R. Oui. Effectivement, cela a été rédigé à la demande du bureau du
11 Procureur.
12 Q. Au tout début dans la première phrase, il est dit et je cite :
13 "L'objectif fondamental de ce rapport consiste à assurer des instruments
14 d'analyse qui permettront aux lecteurs de comprendre de quelle façon la
15 société humaine peut conduire au génocide et autres crimes de masse dirigés
16 à l'encontre d'autres groupes."
17 Quels sont ces lecteurs qui devront se servir de cet instrument pour
18 comprendre de quelle façon les génocides sont perpétrés au sein d'une
19 société humaine ?
20 R. La réponse est très simple. Le lecteur, c'est quiconque lit cette
21 communication.
22 Q. Très bien. Quand vous avez parlé de la finalité de la rédaction de ce
23 rapport, vous dites et je vous cite :
24 "Le bureau du Procureur m'a fait savoir que cela permettra à la Chambre, je
25 suppose que vous avez parlé de la Chambre qui se trouve en face de vous,
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1 pour lui permettre de tenir compte des éléments disponibles concernant le
2 génocide et de prendre une décision de façon à ce que ses connaissances
3 soient utilisées pour se servir des faits liés à l'affaire en question ?
4 R. Oui, je pense que c'était là la finalité recherchée.
5 Q. Ne savez-vous pas que le principe est notoirement connu dans le droit
6 romain, qu'il y a iuria novit curia.
7 R. Non, je ne le savais pas. Peut-être pourriez-vous me l'expliciter ?
8 Q. Cela signifie, en traduction, que l'on part d'une hypothèse qui est
9 celle de voir une chambre connaître le droit. C'est l'un des principes
10 central et l'hypothèse fondamentale pour le fonctionnement de tout système
11 juridique normal, à savoir que ce tribunal ou la chambre en question ait
12 connaissance du droit.
13 R. Je comprends.
14 Q. Alors, ne pensez-vous pas que M. Nice, vous emmenant ici, vous citant
15 ici en tant qu'expert, doit avoir à l'esprit la nécessité d'apprendre aux
16 Juges ce que c'est qu'un génocide. Ne pensez-vous donc pas que c'est là, en
17 quelque sorte, je dirais une chose contradictoire avec le principe que l'on
18 vient de citer ?
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, Monsieur le Témoin, s'il vous
20 plaît. Il ne revient pas au témoin de se prononcer sur cette question.
21 C'est nous qui devrons statuer ce que nous ferons en temps utile. Nous
22 permettons la déposition du présent témoin et il peut, bien entendu, parler
23 de ce qu'il sait mais en matière de droit, ce sont des questions qu'il
24 incombe aux Juges de trancher et vous pourrez nous présenter vos arguments
25 en temps utile. Mais le témoin a tout à fait le droit de dire ce qu'il
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1 pense de son rôle personnel.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'il faut tout d'abord poser la
3 question à M. Nice, cela une première chose. Mais j'aimerais ajouter ceci :
4 Le rapport que j'ai rédigé, c'est un rapport historique et sociologique qui
5 essaie de synthétiser les conclusions qu'on a pu tirer dans ces disciplines
6 s'agissant du processus du génocide. Je ne prétends pas, ici, aborder des
7 questions de droit. Je ne le souhaite pas d'ailleurs.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Par conséquent, vous ne voulez pas vous aventurer dans l'étude de
10 questions de droit, n'est-ce pas ?
11 R. Exactement.
12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] [hors micro] Ce témoin n'est pas juriste.
13 Bien sûr, vous, vous pourrez nous présenter vos arguments au moment voulu.
14 Ce témoin se contente de déposer, c'est tout.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur May.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Monsieur Zwaan, ce prétendu bureau du Procureur, comme il est dit dans
18 cette partie-là du rapport, vous a demandé d'exclure toute mention de la
19 Bosnie. A l'occasion de la rédaction de ce rapport, vous avez quand même eu
20 à l'esprit les positions et la conception qui est celle qui appuie ou qui
21 sous-joute le prétendu génocide perpétré en Bosnie ?
22 R. Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question. Je vais quand même
23 essayer d'y répondre. Le rapport que j'ai rédigé se fonde sur les quatre
24 exemples que j'y mentionne. J'essaie de mentionner ce qu'on m'a appris
25 grâce à l'étude de ces processus ce qu'on peut savoir à propos des
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1 processus de génocide. Je ne pense pas que la Bosnie, comme vous le dites,
2 ait été à l'avant-plan de mes préoccupations au moment où j'ai rédigé ce
3 rapport. Non, je réponds par la négative.
4 Q. Bien, Monsieur Zwaan. Dans l'analyse que vous avez faite, vous avez
5 étudié la question de façon générale pour ce qui est de l'extermination des
6 Juifs, des Arméniens, un autre cas encore; puis, le Cambodge et le Rwanda.
7 Ce sont les quatre cas que vous avez mis en exergue, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Et vous avez souligné dans la partie introductive qu'on vous avait
10 demandé d'exclure toute mention de la Bosnie. Alors dites-moi, étant donné
11 que vous traitez du phénomène en tant que tel que vous avez pris comme base
12 certains cas survenus de par le passé et que vous êtes néerlandais d'autre
13 part, avez-vous songé à prendre en considération le cas de la Hollande. On
14 vous a dit : "Excluez, la Bosnie." Mais on ne vous a pas dit : "Excluez les
15 Pays-Bas."
16 R. Non, ce n'a pas été dit. Mais je tiens à vous informer, j'ai écrit un
17 article très circoncié [phon] quant à l'utilisation de la violence
18 politique dans l'histoire des Pays-Bas.
19 Q. Fort bien. Si vous avez rédigé un article de cette nature, vous devez
20 savoir que dès le début du 17e siècle lorsque la Hollande a créé la Dutch
21 West India et Dutch East India sous les gîtes du gouvernement néerlandais,
22 ces deux compagnies-là avaient le droit de recourir aux forces armées des
23 Pays-Bas, n'est-ce pas ?
24 R. C'est exact. Cependant, je ne sais pas si nous voulons nous aventurer
25 dans l'histoire coloniale des Pays-Bas.
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1 Q. On parle du phénomène du génocide que vous étudiez vous-même. Vous
2 n'ignorez pas que la Hollande a systématiquement exterminé les populations
3 locales, par exemple, en Afrique du Sud. Par exemple aussi [hors micro] --
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non. Là, nous nous écartons trop de
5 sujets pertinents. Le témoin a déposé sur un sujet, ma foi, très limité. Ne
6 repartons pas dans de vieilles histoires. Il est inutile de revenir là-
7 dessus.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, si vous réduisez la chose au 20e
9 siècle seulement, je puis me limiter à ce 20e siècle mais, par exemple
10 alors, en guise de conséquences de ce que je viens de mentionner, voici
11 qu'au 20e siècle, vous ne l'ignoriez pas, les Pays-Bas ont été les
12 fondateurs de l'apartheid en 1948 lorsque leur parti a gagné en Afrique du
13 Sud. Ils ont mis en place un apartheid qui a duré jusqu'à 10 ans. Vous le
14 savez pertinemment bien cela. Ne perdons pas de plusieurs siècles --
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais vous interrompre. Vous savez de
16 quelle période le témoin parle et c'est là-dessus que doivent porter vos
17 questions plutôt que de reprendre une histoire nous ramenant au 17e siècle.
18 Je pense qu'il n'est pas approprié de le faire. Posez, à ce témoin, les
19 questions qu'il a abordées dans son rapport.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne redescends pas au 16e siècle, Monsieur
21 May, si je dis qu'au 20e siècle, il a été mise en place un apartheid et que
22 se sont eux qui ont créé l'apartheid en tant que tel, sans parler pour
23 autant du nombre énorme d'esclaves qu'ils ont envoyé dans les pays des
24 Caraïbes qui ont constitué une espèce de génocide. Et dans le cas des Pays-
25 Bas, je crois qu'ils ont certainement dû traiter de ces questions. Il y a
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1 un adage en Serbie qui dit : "Nettoie d'abord devant ta propre maison."
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Nous allons poser cette
3 question au témoin.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je serai très bref. A mon avis, les historiens
5 néerlandais ont fait énormément de recherche ne serait-ce que pour
6 l'implication des néerlandais dans l'esclavage au 16e et au 17e siècle qu'en
7 matière d'apartheid. Ce n'est pas financé par le gouvernement néerlandais
8 mais par des personnes d'origine néerlandaise depuis très longtemps dans
9 l'histoire. Le gouvernement néerlandais n'a aucune responsabilité pour ce
10 qui est de l'apartheid en Afrique du Sud.
11 Il y a des volets sombres de l'histoire des Pays-Bas mais ceci a été
12 éclairé par la recherche d'historiens néerlandais et d'autres historiens.
13 Je vous remercie.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Très bien. Mais si vous avez, d'ores et déjà, étudié ces phénomènes au
16 20e siècle, dites-moi, alors, pourquoi vous avez omis le génocide perpétré
17 à l'encontre des Serbes ?
18 R. Je ne sais pas si je comprends bien votre question. Ce qu'on m'a
19 demandé de faire c'était de rédiger un rapport général et d'éviter toute
20 référence à ce qui serait survenu dans les Balkans, c'est ce que j'ai fait.
21 Je n'ai donc pas fait de recherche dans l'histoire tragique vécue par des
22 groupes de Serbes au cours de la Deuxième guerre mondiale.
23 Q. Monsieur Zwaan, savez-vous, étant donné que vous avez traité dans votre
24 rapport du nazisme, savez-vous donc que cet état fantoche créé pendant la
25 Deuxième guerre mondiale, sous l'égide de l'Hitler et de Mussolini qui
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1 s'appelait l'état indépendant de Croatie, a pratiquement compte tenu et
2 proportionnellement à son importance, c'est elle qui a perpétré le plus
3 important des génocides sur le territoire de cet ex-Yougoslavie. L'ex-
4 président de la Yougoslavie qui était Croate, M. Tito, a reconnu qu'il y a
5 eu 700 000 Serbes de tuer avec un plus des Juifs, des Roumains qui ont été
6 exterminés dans le camp de Jasenovac et autres camps, parce qu'ils étaient
7 d'une autre religion ou ressortissant d'un autre groupe ethnique. C'est une
8 partie des questions dont vous traitez et que vous étudiez, n'est-ce pas ?
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Posez une question à ce témoin. Quelle
10 est cette question que vous voulez poser ? Dites-le lui.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur May.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Savez-vous et je crois à présent voir sur le site du centre Weisenthal
14 trouver des déterminantes qui parlent de Jasenovac qui dit que c'était le
15 "plus grand des camps en Croatie entre 1941 et 1945, et au département 3,
16 la police de sécurité croate a tué 600 000 personnes à cet endroit là, des
17 Serbes, des Juifs 30 000, des Gitans, et des opposants au régime oustachi."
18 Etiez-vous au courant de ces renseignements-là ?
19 R. Je suis, bien entendu, au courant de cela, mais je ne suis pas d'accord
20 avec les chiffres cités. Au niveau des sciences sociales je pense que
21 l'estimation la plus raisonnable récemment pour ce qui est des victimes et
22 y compris les Juifs les Serbes et d'autres groupes se situe entre 100 000
23 et 120 000. Je ne suis pas d'accord avec ce chiffre de 600 000 personnes.
24 Par ailleurs, permettez-moi d'ajouter que nous en avons déjà discuté hier,
25 la mémoire collective de ce type de tragédie a joué un rôle important aussi
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1 au cours des temps modernes. Je vous remercie.
2 Q. Bien. Vous n'êtes pas d'accord donc avec les chiffres qui sont
3 présentés dans les renseignements officiels du centre Weisenthal, n'est-ce
4 pas ?
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il vient de répondre à cette question. Il
6 vient de fournir sa réponse.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur May.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Avez-vous connaissance d'une définition qui est la suivante et qui est
10 celle du centre Weisenthal également ? Il est question d'une chose que vous
11 pouvez trouver également sur leur site et qui définit la notion d'Oustachi
12 et je cite : "Créer en 1930, cette organisation était une organisation
13 terroriste nationaliste. Sa aide des Juifs n'avait pour équivalent que
14 celle qu'elle portait à l'encontre des Serbes. Arriver au pouvoir après la
15 création de l'état fantoche par Hitler en 1941, les terroristes oustachi
16 ont tué 500 000 Serbes, ont chassé 250 000 Serbes, et ont forcé 250 000
17 d'entre eux à se convertir au catholicisme."
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faut donner le loisir au témoin de
19 répondre.
20 Voulez-vous ajouter quelque chose, Monsieur le Témoin ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
22 suis au courant de ce qui s'est produit pendant la Deuxième guerre mondiale
23 en Yougoslavie, et mis à part les chiffres que vous avez cités et que je
24 n'accepterais pas tels quels, il me semble que nous pourrions tous convenir
25 du fait qu'une guerre civile très farouche s'est déroulée à ce moment-là en
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1 ex-Yougoslavie, en plus de la politique mise en place par les forces
2 d'occupation allemande.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ce qui est arrivé aux
4 Serbes, à votre avis, pourrait être qualifié de génocide ?
5 R. Oui, tout à fait. Je pense qu'il y a eu des attaques génocidaires à
6 l'encontre des Serbes pendant la Seconde guerre mondiale.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Mais nous avons vu déposer ici, David Owen, et dans son livre l'Odyssée
9 balkanique, il cite également, et je cite ces propos : "Les Nazis ont
10 soutenu la création de l'état indépendant de Croatie qui englobait la
11 Bosnie-Herzégovine," cela vous devez le savoir, je suppose, "l'était divisé
12 entre les sphères d'influence allemande et italienne avec le fasciste Ante
13 Pavelic à la tête de la Croatie. Des atrocités et des massacres
14 indescriptibles ont été commis par Papolic et ses acolytes, et ceci a été
15 décrit comme génocide par Nuremberg."
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous interromps. Il faut donner la
17 possibilité au témoin de répondre à ces questions. Un instant, s'il vous
18 plaît.
19 Monsieur le Docteur Zwaan, souhaitez-vous réagir à ce qu'il vienne d'être
20 dit ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit, il est tout à fait
22 clair qu'il y a eu des attaques génocidaires à l'encontre de différents
23 groupes sur le territoire de l'ex-Yougoslavie pendant la Seconde guerre
24 mondiale, et en particulier, à l'encontre des Serbes. Il est de notoriété
25 commune que le régime oustachi a été mis sur pied, qu'il a été mis sur pied
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1 par les Allemands, et qu'il est resté en place aussi longtemps que les
2 Allemands sont restés au pouvoir, et que des Serbes ou des groupes de
3 Serbes ont été victimes de ce régime. Ceci est un fait bien connu et je
4 n'ai rien à y ajouter.
5 Mais si vous m'y autoriser, je n'ai pas adresser cette question par écrit
6 dans mon rapport. Je suis prêt cependant, à répondre à des questions si
7 cela est nécessaire.
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. C'est précisément la raison pour laquelle je vous le demande, Monsieur
11 Zwaan, puisque Owen est très explicite dans son livre, et Simon Weisenthal
12 est aussi, en page 106, paragraphe 3. Il dit, je cite : "Les Oustachi
13 croates, pendant la Seconde guerre mondiale, ont commis un génocide, les
14 Croates Oustachi ont commis pendant la Seconde guerre mondiale un génocide
15 à l'encontre des Serbes." Je suppose que vous avez lu ce livre, et en tant
16 qu'expert en la matière du génocide, je suppose que ceci a dû attirer votre
17 attention.
18 R. Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous êtes en train de dire.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Docteur, vous estimez que les
20 chiffres des victimes serbes pendant la Seconde guerre mondiale vous
21 permettent de qualifier cela de génocide ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, Monsieur le Juge, il s'agit d'une
23 question très complexe. Sur l'ensemble des Serbes qui ont été tués pendant
24 la Seconde guerre mondiale, il y a eu des victimes du fait des différentes
25 parties belligérantes ou différentes
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1 forces armées. Je pense que la situation dans laquelle des forces croates
2 et des forces allemandes ont tué des groupes importants de civils sans
3 armes serbes, ceci pourrait être qualifié de crime de génocide.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez dit que vous n'étiez pas
5 d'accord avec les chiffres concernant les victimes, les personnes tuées.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne suis pas d'accord avec le chiffre
7 de 600 000 Serbes tués pendant la Seconde guerre mondiale. Dans les
8 sources, dans les travaux de recherche historique sur la Seconde guerre
9 mondiale, le nombre total de victimes, sur l'ensemble de l'ex-Yougoslavie,
10 est généralement évalué environ 1 million dont 300 000 en Bosnie. Il est
11 très difficile de dire combien de personnes ont été tuées en particulier
12 dans le camp de Jasenovac, puisqu'il n'y avait pas de registre précis, de
13 liste précise du nombre de personnes tuées. Pour autant que je le sache,
14 les meilleures estimations des experts pour ce qui est du nombre de Serbes
15 tués, vont de 100 000 à 120 000 dû à des attaques génocidaires.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle a été l'importance de ces
17 chiffres dans les conclusions que vous avez tirées ? Vous dites qu'il
18 s'agit de 10 000, ou plutôt s'il s'agissait de 10 000, est-ce que cela
19 ferait une différence ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une question difficile. Généralement, on
21 s'exprime en termes de statistiques. Je pense qu'il est très important
22 aussi de se pencher sur des populations et des individus en particulier,
23 des personnes qui ont été tuées. Dans ce sens-là, je n'accorderais pas une
24 grande importance à des chiffres précis. Je soulignerais le fait que même
25 si quelques milliers de personnes seulement aient été tuées, de personnes
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1 sans armes, si elles étaient tuées par des forces armées, ce, de manière
2 intentionnelle, je considèrerais qu'il s'agit d'un acte très grave.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense tout à fait que je peux
4 être d'accord avec vous, qu'il s'agit d'une affaire très sérieuse. En tant
5 que sociologue, vous diriez qu'il s'agit d'un génocide. Cela, c'est une
6 autre chose.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce serait une attaque génocidaire, sans aucun
8 doute.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Docteur Zwaan, de toute évidence, vous minimisez l'importance du
12 génocide commis à l'encontre des Serbes. Et vous faites partie des gens qui
13 le font --
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Si vous vous apprêtez à faire ce genre
15 d'allégation à un expert de ce genre, il vous faudra donner la possibilité
16 au témoin de répondre.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis en train ni de minimiser, ni de
18 maximiser quoi que ce soit. Je tiens à souligner qu'au sens général du
19 terme, les chiffres portant sur le nombre de personnes tuées dans les
20 attaques génocidaires, sont généralement très contestés par la suite, par
21 les différents groupes. Des groupes qui peuvent être soit des auteurs des
22 crimes, soit des victimes, mais aussi des personnes tierces. Il est, par
23 conséquent, dans la plupart des cas, très difficile d'apprécier de manière
24 fiable le nombre total de personnes qui ont été tuées dans un certain
25 nombre de situations. Et c'est un problème très général qui se produit sans
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1 cesse. Il y a des personnes qui tirent profit de cette approche qui
2 consiste à minimiser les nombres. Il y a des personnes qui profitent aussi
3 de la démarche contraire. Les chercheurs, je pense, devraient être très
4 septiques. Ils ne devraient pas brandir des chiffres. Et nous devrions
5 faire au mieux afin d'apprécier les chiffres de la manière la plus fiable.
6 C'est que j'essaie de dire, ni plus, ni moins.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Vous venez de dire que certains cherchent à tirer bénéfice soit d'une
9 approche, soit de l'autre, de minimiser ou de maximiser. Je vous ai cité
10 les résultats de recherches, de recueils de données du centre Simon
11 Weisenthal. Sans centre, comment à votre avis, quel genre de profit
12 pourraient-ils tirer du fait, en disant qu'il y a eu tel ou tel nombre de
13 personnes tuées en Croatie, lorsqu'on parle de 250 000, par exemple, qui
14 ont été converties au catholicisme, 500 000 de tuées, 250 000 d'expulsées.
15 Je ne vois pas de quelle façon le centre de Simon Weisenthal pourrait en
16 profiter ?
17 R. Il faudrait peut-être vous vous adressiez au centre Simon Weisenthal
18 pour poser cette question, pour voir qui est responsable, pour quelles
19 raisons d'avoir cité ces chiffres. Cela, je ne le sais pas. Je ne suis pas
20 d'accord avec ces chiffres-là. C'est ce que je suis en train de dire.
21 Q. Ce centre s'occupe à recueillir ces données depuis la Seconde guerre
22 mondiale. Si j'ai bien compris, vous, vous n'avez commencé à faire ces
23 études qu'il y a quelques années. Est-ce vous considérez que vous êtes plus
24 compétent en la matière, ou bien ce sont plutôt eux qui sont plus
25 compétents ?
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1 R. Je ne vois pas à quoi il serait utile de répondre à ce genre de
2 question. Il s'agit ici plutôt d'une polémique à laquelle vous m'invitez.
3 Les meilleurs experts pour ce qui est du nombre total de victimes de la
4 Seconde guerre mondiale dans les Balkans, généralement, citent des
5 estimations plus modestes, réduites. Je n'ai pas à juger quelle est la
6 compétence du centre Weisenthal par rapport à la mienne.
7 Q. Mais savez-vous qu'il y a eu des tentatives même de la part de l'ex-
8 président Croate, Franjo Tudjman, qui était historien par ailleurs. Lui, il
9 cherchait à minimiser les crimes commis par cet état indépendant notamment,
10 dans son livre sur l'histoire et la réalité historique. Je suppose que vous
11 avez eu l'occasion de le lire.
12 R. Je sais que M. Tudjman a rédigé ce livre. Pour autant que je le sache,
13 dans les rapports d'experts qui ont été faits sur ce livre, sa valeur a été
14 contestée. M. Tudjman était un historien militaire, ou du moins il
15 cherchait à se présenter comme tel. En fait, il était tout d'abord un homme
16 politique nationaliste croate.
17 Q. Monsieur Zwaan, puisque vous êtes un spécialiste en la matière du
18 génocide, et en particulier pour ce qui est des Juifs, vous êtes au courant
19 de l'alliance entre les leaders oustachi et Hitler, je suis sûr.
20 R. Oui.
21 Q. La Bosnie d'aujourd'hui a fait partie de l'état indépendant de Pavelic.
22 Cela, vous êtes au courant de cela.
23 R. Oui, mais je tiens à souligner qu'on n'a pas demandé à la population si
24 elle souhaitait faire partie de cet état, et d'être placé sous le contrôle
25 de ce gouvernement. Ils étaient occupés.
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1 Q. Savez-vous qu'Alija Izetbegovic dans son passé a, lui aussi, eu des
2 liens avec le génocide ?
3 R. J'attends d'entendre des arguments à l'appui de cette affirmation.
4 Q. Je vais vous présenter une citation plutôt brève d'un livre de Michel
5 Collon, un belge, livre --
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Essayons d'entendre tout d'abord ce que
7 le témoin a à dire.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai entendu ce nom. Je ne vois pas de quel
9 livre il s'agit.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Une très brève citation. C'est une édition de 1998, page 268 jusqu'à
12 270. "Né en 1925, le jeune Izetbegovic avant la guerre," et là, on fait
13 référence à la Seconde guerre mondiale, "s'est engagé dans l'organisation
14 jeunes Musulmans, un groupe traditionaliste qui combattait contre le
15 modernisme dans l'Islam. C'est une organisation fondamentaliste, dès ses
16 débuts. Au printemps 1943, Izetbegovic était à la tête de la jeunesse
17 islamiste de Sarajevo. Il a reçu Amin
18 El-Husseini, le grand mufti de Jérusalem qui s'est exilé en Allemagne.
19 C'était un ami d'Hitler. Saini [phon] est favorable jihad, guerre sainte
20 contre les Juifs. Sur son invitation, 20 000 Musulmans de Bosnie se sont
21 engagés dans le cadre des Waffen SS. Et Izetbegovic a été l'un des
22 organisateurs de la création de --"
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faudrait que l'on aborde la question
24 de telle manière que le docteur puisse répondre, la période qui est
25 pertinente. Souhaitez-vous réagir à cela ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pourrais peut-être dire que pour ce qui est
2 du mufti de Jérusalem, que c'était une personnalité plutôt excentrique. Il
3 a été l'une des personnalités très exceptionnelles dans le monde islamique
4 à l'époque, très antisémite. A l'époque, l'antisémitisme n'était pas aussi
5 répandu dans le monde musulman, ni parmi les croyants ordinaires.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Vingt mille Musulmans de Bosnie se sont engagés dans les Waffen SS.
8 Izetbegovic a été l'un des organisateurs, l'un des créateurs de la division
9 SS Handzar. Et ces SS musulmans ont commis de telles atrocités contre les
10 Serbes, que même des officiers allemands se sont trouvés choqués par cela.
11 Cette division sera retirée du théâtre des opérations bosniaques et
12 envoyées en URSS. Est-ce que vous êtes au courant de ce que je viens de
13 citer, de cette donnée ? Ce n'est pas seulement un mufti excentrique, il
14 s'agit aussi de la création de cette unité SS Handzar dont font partie des
15 extrémistes musulmans, et leurs atrocités choquent même des officiers
16 allemands qui les trouvent scandaleuses. Etes-vous au courant de cela ?
17 R. Je suis certainement au courant d'un certain nombre de ces faits. Je
18 les présenterais peut-être d'une manière différente. Si vous me le
19 permettez, je souhaiterais ajouter quelque chose à cela. Vous êtes en train
20 de parler des pratiques génocidaires et de intentions génocidaires des
21 Croates dans l'histoire, et aussi de celles des Musulmans de Bosnie dans
22 l'histoire. Si je puis vous citer vous-même, il n'y a que quelques minutes,
23 vous parliez aussi du fait qu'il était nécessaire tout d'abord de nettoyer
24 devant sa propre porte, sa propre maison.
25 Q. Pour ce qui est de sa propre porte, je peux affirmer avec fierté qu'en
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1 Serbie, dont j'ai été le président, où les Serbes constituent la majorité,
2 il y vit, en plus 27 groupes nationaux autres, différents. Jamais il n'y a
3 eu aucune modification ne serait-ce infime de la composition ethnique de la
4 population en Serbie pendant toute la durée de la crise yougoslave. Il n'y
5 a eu aucune discrimination à l'égard de qui que ce soit. Pour ce qui est de
6 la Serbie, je n'ai rien à nettoyer devant ma porte.
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous en prie. Il faut laisser le
8 témoin répondre.
9 Souhaitez-vous apporter des compléments à ce qui vient d'être dit ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas que j'aie à apporter quelque
11 élément supplémentaire à ce qui vient d'être dit par l'accusé.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Vous êtes au courant d'un fait d'ailleurs, ce n'est peut-être qu'un
14 détail, qu'en 1946, Izetbegovic a été condamné pour nationalisme et
15 islamisme, et qu'en 1970, à Sarajevo, il a publié sa fameuse déclaration
16 islamique où il expose la substance de ses prises de vues. Je suppose que
17 vous avez eu l'occasion de prendre connaissance, ne serait-ce que de cela,
18 et je continue à citer Michel Collon lorsqu'il en parle et cela figure
19 aussi dans la déclaration islamique où il est dit : "Le mouvement islamique
20 doit et peut prendre le pouvoir dès que, par son nombre et par sa force
21 spirituelle, il est suffisamment fort pour renverser non seulement le
22 gouvernement non islamique, mais d'en constituer un nouveau, un
23 gouvernement islamique. Le régime de Tito a toléré cela en essayant de se
24 faire bien voir du côté des pays arabes. Izetbegovic a été condamné pour
25 nationalisme islamique à 14 ans de prison par la suite, parce qu'il
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1 souhaitait transformer la Bosnie en pays purement islamique."
2 Et comme Le Monde en a rapporté en août 1983, Animam [phon] a été condamné,
3 parce qu'il voulait abolir les mariages mixtes. Bref, c'était une longue
4 carrière qui a été jalonnée de moments d'islamisme fondamentaliste, ou
5 plutôt qui a été traversée de bout en bout de cette approche.
6 Etes-vous au courant de ce que je viens de vous citer, du livre de Michel
7 Collon.
8 R. Si je peux relever deux points dans la déclaration plutôt longue que
9 vous venez de faire. En 1946, comme vous devez le savoir, des dizaines de
10 milliers de yougoslaves ont été envoyés en prison, de nombreux ont été
11 exécutés, et ce, pour des raisons variées par le régime de Tito. Des
12 collaborateurs fascistes, nationalistes, fondamentalistes, islamistes, et
13 cetera, et cetera, sous des prétextes variés. Je ne pense pas que cette
14 peine qui a été prononcée à l'encontre de M. Izetbegovic a été quelque
15 chose d'exceptionnel.
16 Un deuxième point, pour autant que je le sache, M. Izetbegovic n'a jamais
17 tenté dans les faits, de mettre en œuvre cet état homogène islamique. Quoi
18 qu'il en soit, je n'ai jamais rencontré d'éléments me permettant de voir
19 qu'il ait essayé de traduire cela dans les faits.
20 Q. Nous n'avons pas suffisamment de temps pour entrer dans les détails sur
21 ce point. Précisément, les événements de Bosnie-Herzégovine, et en
22 particulier si l'on tient compte de sa propre constatation disant que le
23 mouvement islamique doit et peut chercher à prendre le pouvoir, dès que sa
24 force spirituelle et le nombre de ses adhérents lui permet, non seulement
25 de renverser le gouvernement islamique, mais d'en constituer un islamique.
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1 Cela montre que c'est ce qu'il a cherché à faire au moment de la crise et
2 de l'effondrement de l'ex-Yougoslavie. Les conséquences en ont été
3 tragiques. Je suppose que même à vos yeux, ceci devrait être un argument
4 suffisant à l'appui de cette constatation. N'en est-il pas ainsi, M.
5 Zwaan ?
6 R. Non, je suis désolé, il n'en est pas ainsi. Deux points si vous me le
7 permettez. Tout d'abord, la minorité islamique en Yougoslavie, est en effet
8 une minorité. Il est inadmissible de considérer qu'une minorité de tel
9 genre essayerait jamais de prendre le pouvoir dans l'ensemble d'un pays,
10 prendre le pouvoir politiquement ou militairement, dans un pays où elle ne
11 constitue que ce type de minorité. Cela, c'est un premier point.
12 Un deuxième point, le gouvernement de M. Izetbegovic et des autres
13 dirigeants ont essayé pendant assez longtemps de maintenir les principes de
14 multiethnicité, de multi culturalité de la Yougoslavie, à l'opposé des
15 autorités centrales des différentes autres républiques.
16 M. NICE : [interprétation] Avant qu'une question suivante ne soit posée par
17 l'accusé, permettez-moi de dire que les questions qu'il vient de poser
18 jusqu'à présent, ne se sont pas penchées sur la substance des éléments de
19 preuve et sur la méthode en particulier de commission des crimes
20 génocidaires. Bien entendu, cela peut signifier que l'accusé ne conteste
21 pas les éléments de preuve sur ce point, et s'il en est ainsi, ces faits
22 n'auront pas été contestés.
23 Un deuxième point, à un certain moment l'accusé pose tout simplement des
24 questions historiques au sujet d'un tel ou tels actes génocides, il serait
25 bon qu'il pose ce genre de question.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci n'est pas la première fois que cela
2 se produit dans ce procès. Nous sommes conscients de la situation. La
3 méthode que nous appliquons est de limiter le temps pour mettre fin à ceci.
4 M. NICE : [interprétation] Je reviendrai à cela pendant les questions
5 supplémentaires si l'accusé continue avec cette pratique qui est de
6 caractériser toute une série d'événements comme étant des événements
7 génocidaires.
8 M. LE JUGE MAY : [aucune interprétation]
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Docteur Zwaan, puis-je vous poser la
11 question suivante : Il y a un moment, l'accusé vous a demandé si vous aviez
12 à l'esprit la situation en Bosnie-Herzégovine pendant que vous avez rédigé
13 votre rapport, et vous avez répondu par la négative. L'Accusation l'a
14 précisé de manière tout à fait claire que vous ne deviez pas prendre cela
15 en considération.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'empêche que je dois vous
18 demander la chose suivante : Cette situation n'a-t-elle influé d'une
19 manière ou d'une autre sur la substance de votre rapport, peut-être de
20 manière inconsciente.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, il m'est très difficile de
22 parler de mon propre inconscient. Je ne peux pas nier, cependant, que
23 lorsqu'on étudie en tant que chercheur un sujet, et bien, on fait de son
24 mieux afin de se référer à toutes les sources d'information ou de
25 connaissance antérieures qu'on avait au sujet de cela. Effectivement, j'ai
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1 réfléchi à plusieurs reprises au sujet de l'ex-Yougoslavie, au sujet de ce
2 qui s'est produit là-bas. J'ai également écrit au sujet de la Yougoslavie
3 auparavant, au début des années 90 et au milieu des années 90.
4 Je ne peux pas tout à fait exclure le fait que ceci était à mon esprit
5 ainsi que d'autres cas de génocide, et d'autres crises politiques graves.
6 Tous ces cas, je les avais aussi à l'esprit.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ainsi donc, la chose essentielle au
8 sujet de laquelle le Procureur vous a demandé de ne pas en tenir compte,
9 peut-être que vous n'avez pas respecté finalement cette injonction.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne pense pas si vous me le permettez.
11 Essayons de le formuler de la manière suivante : Je ne pense pas que ceci
12 s'est néanmoins glissé dans mon rapport par inadvertance. On peut parfois
13 être tout à fait capable d'exclure certaines portions de nos connaissances
14 de ce qu'on est en train de rédiger.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc je vais vous poser la question
16 d'une manière plus directe.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous étiez au courant de ce qui
19 s'est passé en Bosnie ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et vous connaissez les
22 caractéristiques principales de cette situation. De toute évidence, ceci
23 réduirait de manière inconsidérable la qualité de votre rapport si votre
24 rapport était fait sur mesure pour répondre à ces caractéristiques.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci serait une extrapolation, me semble t-il.
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1 Je ne suis pas du tout conscient d'un effort déployé pour ma part afin
2 d'essayer de faire cela ce que vous venez de dire. Mais je sais que mes
3 connaissances sur la crise yougoslave existent bel et bien, et aussi je
4 connais d'autres cas. Il s'agit de cas que j'aie à l'esprit. Donc lorsque
5 j'ai rédigé sur le sujet, il était plus ou moins inévitable que je pense à
6 cela de temps à autre.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous rappelle que vous avez des
9 limites qui ont été posées à votre contre-interrogatoire. Nous n'allons pas
10 vous arrêter sur votre lancée, mais n'oubliez pas qu'il y a un rapport qui
11 était préparé par ce témoin et dont a connaissance déjà la Chambre de
12 première instance. Il vous reste une demie heure à peu près. Si vous voulez
13 poser des questions à ce propos, faites-le. Si vous n'avez pas envie de le
14 faire, à ce moment-là on tiendra compte de ces circonstances. A vous de
15 juger. Poursuivez.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, c'est précisément à ce sujet au sujet
17 de la remarque qui vient d'être présentée par M. Nice, à savoir que mon
18 devoir était celui de contester un rapport, mais ici il s'agit d'effort
19 déployé par M. Zwaan de fournir des explications sociologiques du phénomène
20 de génocide, qui s'est fondé sur le cas des Juifs, des Arméniens le cas du
21 Cambodge et du Rwanda. C'est un débat académique sur le phénomène du
22 génocide.
23 Mais présenter ou faire citer à la barre un expert de cette nature, parce
24 qu'en cette qualité-là qu'il est cité par M. Nice, ne fait qu'illustrer mon
25 affirmation à savoir qu'il se trouve sur un terrain médiatique et
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1 politique, et non pas juridique. C'est de cela que je parle, Monsieur May.
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] A vous de décider des questions que vous
3 voulez poser. Il faut, cependant, respecter les limites imparties.
4 Poursuivons.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais ce que je souhaite souligner, c'est
6 précisément ce qu'a dit M. Robinson, à savoir que, comment dire cela a été
7 façonné, intentionnellement pour parler d'un génocide quelconque, et à
8 défaut d'argument juridique, on va faire de la maison d'édition plutôt que
9 de traiter de façon scientifique et juridique la question dont on traite.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Je traite du rapport, Monsieur May, comme vous le demandez. Au
12 paragraphe 2, on dit : "La finalité de ce rapport ne visait pas à contester
13 la définition juridique existante du génocide, mais d'essayer de -- et non
14 pas non plus d'essayer de sortir de ces cadres."
15 Je suppose, Monsieur Zwaan, que sous définition juridique, vous entendez
16 celle qui figure dans la convention visant à empêcher et à punir les
17 crimes de génocide datant du 9 décembre 1948 qui figure également dans le
18 statut de ce prétendu Tribunal et qui figure dans le statut du Tribunal
19 pénal international de Rome. En est-il ainsi ou pas ?
20 R. Oui, je pense que c'est exact.
21 Q. Donc votre rapport, en aucune partie, n'analyse la définition juridique
22 du génocide, qu'on essaye d'appliquer, du moins pour ce qui est des
23 tentatives de M. Nice, pour ce qui est de la période concernée, mais le
24 rapport n'a pas pour objectif l'analyse du génocide du point de vue légal.
25 Vous citez la convention de 1948 et vous faites que cela, n'est-ce pas ?
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1 R. Je ne pense pas que ce soit vrai. Voici ce que j'ai essayé de faire :
2 J'ai essayé de faire deux choses dans mon rapport. Je dis que la discussion
3 parmi les historiens et les sociologues se poursuit quant à la
4 signification donnée au terme de "génocide." C'est un débat difficile,
5 complexe. Dans ce contexte, j'ai cité effectivement les significations les
6 plus connues au plan juridique de ce terme et de ce concept de génocide de
7 la citation que je fais de la convention. Je le dis très clairement dans
8 mon rapport, je n'ai pas voulu rentrer dans une discussion juridique de
9 droit. J'ai voulu simplement montrer ce qui était connu dans le domaine
10 d'études du génocide à propos du génocide. C'est tout. Merci.
11 Q. Ce qui est généralement admis, c'est ce qui figure dans le texte de la
12 convention que j'ai cité, parce que si vous ne traitez pas de ces
13 questions-là, comment pensez-vous que votre rapport puisse aider qui que ce
14 soit, quelque tribunal que ce soit pour ce qui est de connaître du génocide
15 et des éléments d'un génocide ? Parce que tout tribunal, y compris un
16 tribunal aussi peu légal que celui-ci, doit viser au droit et ne pas
17 traiter des vues théoriques ou de conceptions qui n'ont rien à voir du tout
18 avec le droit. Je pense que vous devriez voir la chose de façon claire,
19 Monsieur Zwaan, n'est-ce pas ?
20 R. Ce n'est pas du tout clair à mes yeux. Jamais je n'ai eu la prétention
21 de m'aventurer dans une discussion juridique quelque soit. On m'a demandé
22 de préparer un rapport général qui dresserait le contexte général
23 historique du génocide. C'est ce que j'ai essayé de faire du mieux que j'ai
24 pu. J'ai espéré ainsi contribuer à apporter davantage de lumière sur un
25 sujet des plus complexes. Je le répète, je ne prétendais pas entrer dans
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1 une discussion juridique, dans une définition juridique.
2 Q. Bien. Je suppose qu'il n'est pas contesté le fait que le génocide est
3 un crime, un délit pénal. Par conséquent, c'est en premier lieu, une
4 catégorie de droit. Je pense que ce n'est pas contesté, n'est-ce pas ?
5 R. Non. Ce n'est pas contesté. Ce n'est pas ce qui m'intéresse. Je ne me
6 suis pas concentré là-dessus. Je vais le dire autrement. J'ai essayé
7 d'éviter une discussion portant sur la culpabilité au plan juridique. Ce
8 qui m'intéresse à moi, historien et sociologue, c'est la façon dont
9 naissent de tels phénomènes en présence de conditions données, dans une
10 société donnée. C'est ce qui m'intéresse. Ici, cela ne m'intéresse pas
11 d'accuser, de montrer du doigt à telle ou telle personne, telle ou telle
12 catégorie de personnes.
13 Q. Cela, je le comprends bien. Vous traitez des aspects sociologiques du
14 phénomène, ou du moins, est-ce l'intention qui est la vôtre qui consiste à
15 traiter des aspects sociologiques du phénomène ? Est-ce là la raison pour
16 laquelle vous ne traitez pas de la littérature qui traite de la
17 problématique juridique de ce phénomène, et qui est assez nombreuse ? Cela
18 n'illustre-t-il pas le fait que vous vouliez sortir du cadre de cette
19 convention visant empêcher, à punir le délit de génocide de la convention
20 de Genève, ou alors avez-vous peu de connaissance à ce sujet-là ?
21 R. Je sais qu'il y a toute une gamme considérable d'écrits juridiques sur
22 ce sujet. Je n'ai pas voulu en parler dans mon rapport, et je n'ai pas
23 voulu non plus les commenter.
24 Q. Ma question a été celle de savoir si vous vouliez sortir des cadres
25 juridiques ou pas --
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ne perdons pas davantage de temps sur ce
2 point. Vous avez fait valoir votre argument. Le témoin a fourni sa réponse.
3 Inutile de revenir là-dessus. C'est une pure perte de temps. Avez-vous des
4 questions pertinentes, je le souligne, à poser à ce témoin. Si ce n'est pas
5 le cas, nous perdons notre temps.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur May.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Monsieur Zwaan, après avoir citer l'Article 2 de la convention, dans
9 les paragraphes allant de 4 à 13 -- il y a quelque chose qui cloche avec ce
10 micro. On vient de perdre le bruit.
11 Donc, après avoir citer cet Article 2 dans les paragraphes allant du numéro
12 4 au numéro 13 de votre rapport, vous parlez du mécontentement des
13 différents auteurs qui ne sont pas des juristes pour ce qui est de la
14 définition de génocide dans la convention. Vous citez des définitions
15 proposées très nombreuses du génocide.
16 D'après les auteurs que vous citez vous-même, la notion de génocide devrait
17 être plus large que celle qui est donnée dans la convention et dans les
18 autres actes juridiques qui ont repris la définition figurant à la
19 convention. Vous parlez de Leo Kupar, que vous citez aux paragraphes 4 et
20 5, et d'autres également, aussi bien, n'est-ce pas ?
21 R. J'aimerais dire ceci : J'ai cité ces différentes définitions pour mieux
22 faire au lecteur la nature des débats se déroulant aujourd'hui, dans le
23 domaine des études sur le génocide. Vous le dites aussi, exactement,
24 certains historiens, certains sociologues ont réfléchi aux avantages et aux
25 inconvénients que présente la définition figurant à la convention. Dans mon
Page 31213
1 rapport, j'essaie de faire état d'une partie infime, une partie seulement
2 de cette discussion.
3 Q. Bien. Il est évident qu'à vos yeux, ainsi que du point de vue de Leo
4 Kupar que vous citez au paragraphe 5, la définition juridique comme vous le
5 dites dans ce paragraphe 5, et je vous cite :
6 "Parfois se trouve être trop limité pour les historiens et les gens des
7 sciences sociales qui cherchent à comprendre et à expliquer le phénomène du
8 génocide." C'est bien ce que vous dites, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Savez-vous que depuis l'antiquité, en matière de droit, il a été posé
11 un principe fondamental qui dit, dura lexit lex ?
12 R. Non. Vous pourriez me l'expliquer.
13 Q. On applique la loi même si elle est mauvaise, même si vous avez des
14 observations à formuler à son sujet --
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] A quoi voulez-vous en venir ? Est-ce que
16 vous voulez faire de nouveau un discours juridique ? Enfin, on vous l'a
17 déjà dit à maintes reprises, ce témoin n'aborde pas les questions de droit.
18 Ceci accapare beaucoup de temps, alors que c'est un point qui va sans doute
19 rester sans réponse.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Là où je veux en venir, Monsieur Zwaan, c'est dire que la loi doit être
22 respectée tant que suivant la procédure prévue par la loi, cette loi ne
23 vienne à être modifiée. Le principe que je viens de vous citer constitue le
24 fondement pour le respect de la légalité de la sûreté juridique, et le
25 respect de toute une série d'autres principes.
Page 31214
1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Si le témoin veut répondre à cette
2 question, il peut le faire. Sinon, ceci n'a aucun rapport avec lui.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pourrais peut-être dire deux choses. Je ne
4 suis pas juriste, et je ne parle pas des questions de droit dans mon
5 rapport. Deuxième chose, je pense qu'il vous faut comprendre, Monsieur
6 Milosevic, que vous, vous êtes juriste. Il y a cependant beaucoup d'autres
7 disciplines, comme les sciences sociales, comme l'histoire qui fonctionnent
8 à partir d'autres principes que le droit. Je vous remercie.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Bien. Monsieur Zwaan, avez-vous connaissance du fait que les
11 dispositions de la convention que vous avez citées vous-même, ou pour être
12 plus précis et plus important des dispositions, notamment l'Article 2, ont
13 outrepassé leur importance d'obligation ou leur caractère d'obligation ? Ne
14 pensez-vous pas que ces positions-là ne font que raffermir les dispositions
15 de la convention au sujet desquels les auteurs que vous citez ne se
16 trouvent pas être satisfaits ?
17 R. Je suis désolé, mais je ne comprends votre question.
18 Q. Bien. Je vais essayer de reformuler la chose, pour être plus précis. Ne
19 savez-vous pas que les dispositions matérielles les plus importantes de la
20 convention, sont devenues droit coutumier international. Cela est constaté
21 au niveau de l'opinion consultative du Tribunal pénal international, du
22 Tribunal de la Cour de justice internationale, avec les réserves qui
23 figurent dans la disposition de la convention prévoyant la prévention et le
24 sanctionnement, qui date de 1991.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, je vous interromps, car nous
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1 devons discuter.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il est certain, Monsieur le Témoin, que
4 vous pouvez répondre à cette question si vous le souhaitez, mais il se peut
5 que ceci n'ait aucun rapport avec vous.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je suis vraiment navré, mais je suis
7 incapable de répondre. Je sais que le droit international se développe, et
8 j'en connais les étapes, mais de façon approximative, je ne suis pas un
9 homme de droit.
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez entendu cette réponse. Posez
11 enfin des questions auxquelles ce témoin est en mesure de répondre. Les
12 autres choses ne nous intéressent pas. C'est une perte de temps pour ce
13 témoin, et vous utilisez trop le temps qui vous est donné.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Concentrez-vous davantage sur le
15 phénomène du génocide, Monsieur Milosevic.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je souhaite précisément tirer au clair une
17 chose ici. Etant donné que dans l'opinion de la Cour internationale de
18 justice, il a été dit --
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il ne revient pas à ce témoin de répondre
20 à ce genre de question. Lorsque vous aurez devant vous un juriste, vous
21 pourrez le faire, ou vous pourrez nous présenter vos arguments.Inutile de
22 perdre notre temps là-dessus.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce que l'accusé essaie de faire valoir,
24 c'est ceci. Autoriseriez-vous qu'il soit possible que vous, en tant que pas
25 socialiste, mais sociologue -- excusez-moi, c'était un lapsus. En tant que
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1 sociologue, disais-je, vous pourriez examiner un phénomène qu'il ne serait
2 pas possible de qualifier de génocide au titre de la convention, alors que
3 vous, vous l'appelez génocide ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je comprends votre question, je voudrais
5 illustrer mon propos par un exemple. Au titre de la convention, le fait de
6 tuer de façon massive des gens qui appartiennent au même groupe ethnique
7 que les auteurs de ces actes, ce n'est pas qualifié de génocide. Il y a eu
8 ce genre de cas en 1965 en Indonésie. Cela été le fait de policiers et de
9 soldats indonésiens qui ont tué des Indonésiens, qu'ils ont tué parce
10 qu'ils les soupçonnaient d'être des Communistes. On ne qualifierait pas ces
11 actes de génocide au titre de la présente convention. Et certains
12 historiens, certains sociologues ont argué qu'en fait de tels cas,
13 devraient être qualifiés de génocide.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Vous avez la parole,
15 Monsieur Milosevic.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Juste pour tirer quelque chose au clair, Monsieur May. J'ai entamé ce
18 sujet en ayant à l'esprit le fait que le témoin ici présent est un expert,
19 cité par M. Nice. Dans ses paragraphes 4 à 13, il est en train de parler du
20 mécontentement des différents auteurs de la définition de cette convention.
21 J'explique que leur mécontentement à eux et leur réflexion à eux, n'étaient
22 pas pertinentes, étant donné que les principes sur lesquels se fondait la
23 convention, se trouvait être contraignant pour tous les états, même s'il
24 n'y a pas prise d'obligation signée par l'état. Cela est devenu droit
25 international. Cela va au-delà de la signification de la convention elle-
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1 même. Par conséquent, cela est devenu intouchable et leur mécontentement du
2 fait de l'existence de cette définition, se trouve être tout à fait dénuée
3 de pertinence. C'est ce que je voulais dire.
4 R. Je ne sais pas si je vous ai bien compris. Quoiqu'il en soit,
5 permettez-moi de relever ceci. Les historiens, les sociologues puisent dans
6 d'autres traditions que les hommes de droit pour ce qui est de leurs
7 activités. C'est par d'autres façons qu'ils essaient de comprendre et
8 d'expliquer l'évolution sociale très complexe qui peut survenir, par
9 exemple, pour ce qui est du génocide ou du processus de génocide. Les
10 historiens, les sociologues ne s'intéressent pas en premier lieu au droit,
11 essaient de comprendre plutôt les relations sociales, humaines, les
12 questions politiques. Merci.
13 Q. Bien. Je comprends votre intérêt tout à fait académique et enfin de
14 compte, on peut débattre de toute sorte de choses. Ici, nous avons des
15 questions tout à fait concrètes à traiter. Je suppose que vous savez que
16 les règles émanant de la convention au sujet de laquelle vous dites dans
17 votre rapport, qu'elles suscitent le mécontentement de bon nombre
18 d'auteurs, quoi que cela soit devenu droit usuel ou coutumier
19 international. Cela est devenu des normes et cela ne saurait être dérogé ni
20 par des contrats internationaux, ni par des dispositions nationales.
21 Hiérarchiquement, cela est devenu intouchable, au-dessus de tout. Je pense
22 qu'en votre qualité d'expert chargé ou étudiant le génocide, vous devez
23 forcément le savoir, cela.
24 R. Je ne suis pas trop sûr de la question que vous me posez. Je pourrais
25 toutefois tirer au clair une chose. Il y a, beaucoup d'historiens, de
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1 sociologues qui essaient d'utiliser comme outil des définitions juridiques
2 lorsqu'ils étudient le génocide. Il leur arrive quelquefois de se heurter à
3 des obstacles, lorsqu'ils essaient de se servir de ces définitions pour
4 expliquer les choses. Vous avez notamment Leo Kupar et Norman Naimark pour
5 nommer que quelques-uns de mes collègues les plus éminents, ont essayé de
6 rester fidèle à la définition du génocide, que donne la convention sur le
7 génocide.
8 Q. Bien. Au sujet de tout ce que je viens de mentionner concernant
9 l'affermissement de cette position ou l'élévation de certaines dispositions
10 de cette convention, y compris, ce qui figure à l'Article 2 et que vous ne
11 mentionnez pas, nous montre que du point de vue juridique, il devient tout
12 à fait insensé que de tenter de remettre en question les modalités de
13 définition du génocide dans la convention. Plus la place et la force de ces
14 règles sont stables, plus sont dénuées de sens les tentatives de les
15 contester.
16 R. J'insiste, une fois de plus, sur le fait que mon rapport ne conteste
17 aucunement les définitions juridiques existantes. Je voulais simplement
18 montrer que dans le domaine de l'histoire et des sciences sociales, le
19 débat se poursuit sur ce sujet très difficile qu'est le génocide. C'est
20 tout ce que je voulais dire, ni plus, ni moins.
21 Q. Je pense que cela n'est pas exact, Monsieur Zwaan. Parce que non
22 seulement les auteurs que vous cités contestent la définition figurant à la
23 convention en essayant de concevoir des définitions qui élargiraient la
24 notion. Vous-même, dans votre analyse et dans votre rapport, sortez des
25 cadres de ce qui figure dans la convention, parce que dans vos analyses
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1 sociologiques, vous ne vous en tenez pas aux notions juridiquement établies
2 du génocide et des règles afférentes. En est-il ainsi ou pas ?
3 R. Je ne pense pas que ce soit vrai. Je le répète une fois de plus, je
4 l'ai dit au début du rapport, ce rapport, c'est un rapport historique,
5 sociologique. Ce n'est pas un rapport de droit, un rapport juridique. Il
6 faut que vous voyiez la différence qui existe entre diverses disciplines.
7 Il n'y a pas de hiérarchie automatique entre ces disciplines, pas le moins
8 du monde. Il faut que vous reconnaissiez qu'un même problème peut-être
9 étudié de diverses façons, pas seulement sur l'angle du droit.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cependant, je serais intéressé,
11 Monsieur Milosevic, à ce que vous indiquiez les parties du rapport qui, à
12 votre avis s'écartent de la définition qu'on trouve à l'Article 2. En
13 effet, le témoin a dit qu'il ne l'a pas fait. Il indique quels sont les
14 auteurs qui ont eu des difficultés avec cette définition.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est précisément de contestation qu'il s'agit
16 et d'efforts visant à élargir celle-ci. Ceci devant un organe qui prétend
17 être un tribunal. Cela pourrait prêter à étude et traitement. Cela ne
18 devrait être considéré qu'au travers de règles fermement établies, qui ont
19 traversé l'épreuve du temps, quoiqu'on puisse en penser. On peut tenir des
20 débats académiques pour savoir dans quel sens on pourrait élargir ou
21 restreindre la définition en tant que telle. Cela émane du rapport tout
22 entier. Je ne veux pas perdre mon temps.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Monsieur Zwaan, la partie de votre rapport qui va du paragraphe 14 à
25 18, qui est intitulé "guerre et crime de génocide," vous faites des
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1 comparaisons entre le génocide et la guerre internationale, la guerre
2 civile d'autre part, n'est-ce pas ?
3 R. Exact. J'essaie de faire une différence entre ces différents
4 phénomènes. Parallèlement, je souligne qu'il y a souvent un lien entre eux.
5 Q. Bien. Est-il sensé dans la sociologie ou pas, de dire dans sa qualité
6 de science sociologique, de parler de comparaison de catégories tout à fait
7 différentes. Parce que les guerres quelles qu'elles soient et le génocide
8 font partie de catégories tout à fait différentes qui ne se comparent pas.
9 Ne le pensez-vous pas ?
10 R. Je ne pense pas avoir établi de comparaison. Ce que j'ai essayé de
11 faire, c'est de montrer clairement de quelle façon un concept commun de
12 guerre, de guerre civile et de génocide renvoie à des réalités sociales
13 différentes en fonction des situations, des circonstances et de l'époque.
14 Q. Bien. Vous dites aussi, je vous cite :
15 "Les victimes militaires et civiles, ne doivent pas être considérées comme
16 étant des victimes de génocide. La même chose est valide, lorsqu'il s'agit
17 d'une guerre civile." Je me référence notamment au paragraphe 14. Je
18 suppose que je vous ai bien cité.
19 R. Oui.
20 Q. Cela signifie, que lorsqu'il y a deux parties au conflit, et lorsqu'il
21 y a un état de guerre, il est difficile, voire impossible de parler de
22 génocide. Partant de ce que vous venez de dire, c'est la chose qui en
23 découle.
24 R. C'est difficile, mais ce n'est pas impossible. En effet, le critère
25 faisant la différence, c'est celui de savoir si les gens luttent les uns
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1 contre les autres, si les deux parties à un conflit sont armées, se servent
2 de la violence, ou comme c'est le cas du génocide, des gens sont tués ou
3 attaqués, alors qu'une des parties seulement au conflit est organisée, est
4 armée et que l'autre n'est ni organisée ni armée, n'a pas de recours à la
5 force. J'essaie de faire valoir que c'est là le critère distinctif.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons faire une pause, à moins que
7 vous ne vouliez rapidement poser une question. Nous allons voir combien de
8 temps devrait durer encore ce contre-interrogatoire.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] L'audience est suspendue.
11 Pour ce qui est du temps déjà utilisé, il vous restera 20 minutes, Monsieur
12 Milosevic, pour autant que vous en ayez besoin pour terminer votre contre-
13 interrogatoire.
14 Pause de 20 minutes.
15 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.
16 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Vous avez 20 minutes à votre
18 disposition.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Monsieur Zwaan, je vais vous citer à présent, le dernier paragraphe
21 uniquement de votre paragraphe 14, et là, vous dites : "La guerre civile
22 sous-entend qu'il y a un conflit accompagné de violence entre deux ou
23 plusieurs parties armées, organisées dans une société qui, précédemment,
24 avait fait partie d'un même état souverain. L'historien et le sociologue
25 américain, Charles Tilly, a caractérisé cette situation de situation de
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1 révolution ou de souverainetés au lieu d'un seul état souverain qui avait
2 existé auparavant et qui exerçait le monopole principal sur la violence
3 potentielle sur l'ensemble de son territoire, désormais sur ce même
4 territoire existe plusieurs parties armées qui combattent pour s'emparer de
5 cet état, et chacune de ces parties affirment à posséder le monopole de la
6 violence, tandis que le monopole précédent existant au niveau central a été
7 effrité et renversé."
8 Et puis, vous continuez à discuter. Puis la dernière phrase, si j'ai bien
9 compris votre phrase : "La guerre civile peut, elle aussi, entraîner un
10 nombre considérable de victimes dans les rangs des parties opposées ce qui
11 peut, à son tour, entraîner des victimes civiles que ce soit indirectement
12 à cause des opérations de guerre ou à travers des hostilités liés à des
13 opérations de guerre. Mais ces victimes, généralement, ne sont pas
14 considérées comme des victimes de génocide."
15 Monsieur Zwaan, est-ce que cela signifie que dans le cadre d'une guerre
16 civile, comme vous l'entendez et telle que vous la définissez dans ce
17 rapport, en règle générale, il n'y a pas de génocide ?
18 R. Non. Je pense que cette conclusion serait plutôt erronée. Dans une
19 situation de guerre civile, il est tout à fait possible que des actes
20 génocidaires se produisent et encore une fois, je me réfère à ce que j'ai
21 déjà dit lorsque j'ai parlé de personnes non armées ni organisées qui sont
22 tuées. Donc, je ferais une distinction entre cette situation et le fait
23 qu'il y ait une partie dans une guerre civile qui est armée et organisée et
24 qui a recours à la force. Donc telle serait la différence entre ces deux
25 cas de figure et les victimes dont qu'entraînent les combats entre deux
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1 forces armées et organisées, ne seraient pas généralement considérées comme
2 étant des victimes de génocide.
3 Q. C'est précisément cela que j'ai avancé comme argument. Vous dites
4 qu'une partie, et je vous cite : "Une partie est la partie qui persécute.
5 C'est elle qui est armée et organisée et qui a recours à la force tandis
6 que l'autre partie n'est pas armée, n'est pas organisée et n'est pas prête
7 à recourir à la force." J'ai cité une partie de votre paragraphe 15. Est-ce
8 qu'on peut en conclure que dans une situation de guerre civile, lorsque
9 toutes les parties sont armées, lorsqu'il y a un conflit qui les oppose,
10 est-ce qu'on peut considérer que toutes les circonstances, les conditions
11 sont réunies pour qu'il y ait commission d'un génocide ?
12 R. Non. Je pense qu'il faut opérer une distinction très importante entre
13 les combattants et les non combattants. Dans chaque situation de guerre
14 civile, il y a des groupes qui combattent, mais auprès d'eux vous aurez, de
15 manière générale, aussi une population civile qui ne prend part activement
16 aux actes violents ou aux combats militaires et qui se trouve généralement
17 être la victime des forces armées. Donc, telle serait une différence très
18 importante à faire à mon esprit, à mon sens.
19 Q. Très bien. Peut-on en conclure de vos propos que dans une situation de
20 guerre civile, comme celle qui s'est déroulée sur le territoire de la
21 Bosnie-Herzégovine, les conditions n'ont pas été réunies pour qu'il y ait
22 commission génocide puisque toutes les parties présentes disposaient d'une
23 force armée ou de forces armées ?
24 R. Encore une fois, cela dépend de la manière dont vous définissez, dont
25 vous décrivez les parties en présence. Vous devez aussi tenir compte de ce
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1 qui arrive à la population qui n'est pas armée, aux femmes, aux enfants,
2 aux personnes âgées, donc, ne sont pas armés, qui ne prennent pas
3 activement part au conflit militaire. Si vous vous polarisez sur eux, vous
4 découvrirez peut-être des actes de génocide.
5 Q. Fort bien. Fort bien. Vous dites que les victimes de génocide ne posent
6 résistance qu'à titre sporadique. Vous le dites au paragraphe 15, et vous
7 dites que : "régulièrement, cette résistance se trouve étouffée par une
8 force plus importante." Est-ce qu'on peut en tirer la conclusion que le
9 génocide ne se produit généralement pas si les victimes peuvent recourir à
10 la force leur permettant de s'opposer ?
11 R. Encore une fois, il me semble que vous n'êtes pas suffisamment précis.
12 Il vous faut considérer une situation concrète, une situation en
13 particulier, voir si les victimes, les victimes des actes de violence
14 commis par d'autres étaient armées et organisées. Et souvent dans les cas
15 de génocide, vous constaterez que ces victimes n'avaient pas cette
16 possibilité-là et qu'elles n'étaient pas armées. Donc que les groupes
17 armés, par exemple, des groupes paramilitaires, la police, les effectifs
18 militaires ont la possibilité de dominer facilement ce groupe de victimes
19 ou de victimes potentielles d'actes génocidaires puisque eux, à leur tour,
20 sont armés et organisés alors que le commun des mortels ne l'est pas.
21 Q. Fort bien. Mais ce que vous venez de dire, est-ce que cela signifie que
22 dans certaines situations lorsque les parties qui s'opposent lors des
23 attaques et mènent des opérations militaires, est-ce que dans cette
24 situation-là, donc, on peut difficilement parler de génocide ?
25 R. Ceci pourrait être difficile mais reste néanmoins possible si vous vous
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1 penchez de manière suffisamment précise à la situation que vous examinez,
2 là, vous trouverez peut-être que pendant qu'il y a des combats entre
3 certains groupes de personnes, d'autres personnes sont peut-être tuées par
4 l'une ou l'autre partie, des personnes innocentes.
5 Q. Fort bien. Vous avancez la thèse que le génocide est une forme
6 d'assassinat unilatéral alors que les victimes sont impuissantes. Vous
7 dites cela au paragraphe 16. Est-ce que vous pensez que cet élément est un
8 élément constitutif du crime de génocide ? Et en même temps, vous avez dit
9 que le génocide n'est pas la guerre et n'est pas une guerre civile.
10 R. Oui. Je le pense.
11 Q. Je vous remercie. Monsieur Zwaan, vous n'abordez pas dans votre rapport
12 de manière adéquate, et je pourrais même dire vous n'abordez pas du tout,
13 l'aspect subjectif ou objectif de la notion de génocide, ce qu'on appelle
14 le mens rea et l'actus reus, cela est
15 l'intention délicieuse et l'élément objectif. Quelle en est la raison
16 puisque d'une part il y a donc des considérations juridiques, mais d'autre
17 part des considérations sociologiques qui vous sont plus proches ?
18 En partie, Monsieur Robinson, ceci enchaîne sur la question que vous avez
19 posée. C'est là que l'expert s'écarte de la notion qui a été définie.
20 Puisque vous n'en parlez pas, vous ne parlez pas de génocide tel qu'il est
21 défini dans la convention.
22 R. Non, il me semble que vous me citez de manière plutôt erronée. Je n'ai
23 pas utilisé les termes "subjectifs" ou "objectifs," mais j'ai certainement
24 prêté attention à cela, à ce phénomène auquel vous vous référez. J'ai
25 montré qu'il y a une différence entre les motivations individuelles des
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1 auteurs de crimes génocidaires, et dans le sens général des lignes
2 directrices qui peuvent être dégagées par une certaine idéologie, par
3 exemple un nationalisme extrémiste, raciste.
4 Donc j'estime que j'ai abordé cet aspect même si je n'ai pas utilisé les
5 termes "subjectifs" et "objectifs," donc j'ai fait cette différence et je
6 n'ai pas employé ces termes qui sont plutôt délicats dans ce contexte.
7 Q. Mais précisément cet élément subjectif, à savoir l'intention de
8 détruire un groupe, n'est-ce pas, précisément cette différence clé qui
9 permet d'opérer la distinction entre un génocide et des autres formes
10 semblables. Bien entendu, il ne s'agit pas d'opérer des distinctions entre
11 le génocide et la guerre, puisqu'il s'agit de deux phénomènes de nature
12 tout à fait différente qui ne sont comparables, n'est-ce pas, Monsieur
13 Zwaan ?
14 R. Je ne suis pas tout à fait sûr d'avoir bien compris votre question.
15 Mais l'intention de détruire un groupe peut signifier bien d'autres choses,
16 mis à part le meurtre direct ou l'assassinat direct, l'intention donc de
17 détruire un groupe est certainement un élément permettant d'identifier un
18 crime commettant un crime de génocide. Je serais d'accord avec cela.
19 Q. Lorsque vous parlez de dirigeant politique au paragraphe 27, vous dites
20 que c'est de manière différente que se formule l'importance décisive des
21 décisions politiques prises par des autorités politiques. Cette importance
22 s'article de manière différente. Certains auteurs comme Chalk, Jonassohn,
23 Horowitz parlent de génocide de la part d'état, d'autres organes de pouvoir
24 de l'appareil bureaucratique de l'état, et pratiquement "tous acceptent le
25 fait que le génocide est, avant tout, un crime d'état. D'autres, cependant,
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1 poursuivez-vous dans ce contexte préfèrent parler de l'élite au pouvoir, de
2 l'élite politique ou des dirigeants politiques."
3 Alors vous ai-je bien compris, vous avez cité ces éléments afin de
4 confirmer vos thèses sur le rôle de l'état et de l'élite politique dans un
5 crime de génocide ?
6 R. Ce n'est pas une thèse qui m'appartient. C'est la position qui prévaut
7 dans mon domaine de recherche, à savoir que le génocide est presque
8 toujours un crime d'état vous pouvez l'articuler, formuler de différentes
9 manières. Certains auteurs, comme je l'ai dit, mettront l'accent sur l'état
10 en tant qu'institution, tandis d'autres auteurs se polariseront sur le fait
11 qu'il s'agit d'élites politiques, de personnalités qui se servent de l'état
12 pour réaliser leurs propres objectifs politiques. C'est une différence.
13 Q. Fort bien. Alors en se basant sur les citations dans votre rapport, je
14 souhaite vous poser plusieurs questions. Alors d'après vous, c'est un
15 groupe ou des individus qui commettent un génocide ? Des membres d'un
16 groupe, ou s'agit-il d'un crime d'état, comme le dit, Helen Fein, que vous
17 citez ?
18 R. Je ne pense pas qu'il soit utile de différencier de cette manière-là.
19 Comme vous le savez, les individus font toujours partie de groupe, donc il
20 n'y a pas lieu d'opérer une distinction importante entre ces deux choses,
21 me semble t-il.
22 Q. Une deuxième question qui semble s'imposer ici, et pour utiliser vos
23 termes, "les membres d'un groupe qui disposent d'un niveau de pouvoir
24 politique inférieur," peuvent-ils commettre un crime génocidaire, ou bien
25 ce crime est-il réservé à la politique ?
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1 R. Encore une fois, permettez-moi de souligner que les auteurs de génocide
2 doivent être différenciés. Vous avez au niveau le plus élevé des personnes
3 qui prennent des décisions politiques, puis vous avez des niveaux
4 intermédiaires, des commandants et puis vous avez le personnel subalterne,
5 et tous ces échelons au sein d'un hiérarchie sont impliqués d'une manière
6 ou d'une autre, lorsque des actes de génocide sont commis. C'est cela que
7 je souhaite expliquer. C'est cela ma position.
8 Q. Mais comme vous le dites ici, si je vous ai bien compris, ils font tous
9 partie d'une hiérarchie ?
10 R. Oui, mais cette hiérarchie peut-être plus ou moins formelle ou
11 informelle. Cela est exact.
12 Q. Très bien. Ma question suivante concerne les affirmations préalables au
13 sujet du crime d'état. Connaissez-vous le principe de la responsabilité
14 pénale individuelle qui est un principe fondamental du droit pénal ?
15 R. Bien entendu, je suis au courant de cela.
16 Q. Savez-vous que la convention sur la prévention et la punition du crime
17 de génocide a elle aussi adopté ce principe ? Elle n'aurait pas pu faire
18 autrement d'ailleurs, n'est-ce pas ?
19 R. C'est exact. Même s'il n'est pas interdit de penser qu'il y a d'autres
20 manières possibles d'envisager ce phénomène mis à part le concept de
21 responsabilité individuelle.
22 Q. Mais la convention cite précisément tous les auteurs possibles, allant
23 des plus haut placés jusqu'au plus bas placés, en disant que la commission
24 d'un crime de génocide n'est pas réservée à l'élite, comme vous le dites,
25 ou aux personnes haut placées, mais de simples individus peuvent l'être
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1 aussi.
2 R. Excusez-moi, je n'ai jamais affirmé cela. Je n'ai jamais dit que la
3 commission d'un crime de génocide était réservée à l'élite, et il faut que
4 je démente cela de manière tout à fait claire. Ce que je souhaite souligner
5 c'est que pendant ce processus génocidaire, il faut savoir qu'interviennent
6 les élites politiques qui lancent ce genre de processus. Mis à part cela,
7 vous avez aussi toute une série de personnes qui sont impliquées dans la
8 mise en œuvre de ces actes.
9 Q. Très bien. Monsieur Zwaan, vous avez cité ces quatre exemples, les
10 Turcs et les Arméniens, les Juifs, le Cambodge, et le Rwanda, j'aimerais
11 savoir si, dans chacun des cas de figure ou de manière générale, lorsque
12 vous invoquez le phénomène de génocide, est-ce que chacun de ces cas de
13 figure a été tout à fait particulier, ou bien est-ce qu'on peut considérer
14 qu'ils se ressemblent les circonstances de persécution des Arméniens, et
15 des Juifs, ainsi que d'autres cas de persécution qui semblent indiquer
16 qu'il y a eu génocide ? Est-ce qu'ils se différencient d'autres cas où il
17 n'y aurait pas eu de génocide ?
18 R. Je serais partiellement d'accord avec vous. Je précise ma pensée : Tout
19 cas de génocide, à mon sens, doit être étudié dans ces particularités. Cela
20 est une partie de l'argument.
21 D'autre part, nous n'employons pas le terme "génocide" au hasard. Nous
22 estimons qu'il y a des phénomènes qui se regroupent sous un terme plus
23 général, à savoir, le "génocide," vous pouvez les comparer, mener des
24 études comparées afin d'apprendre davantage sur les conditions générales
25 qui président à la naissance de ce genre de phénomène.
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1 Un exemple : Si vous utilisez la notion d'état, vous voyez qu'il y a un
2 certain nombre de caractéristiques générales. D'autre part, vous savez très
3 bien qu'aujourd'hui, nous avons à peu près 200 états qui sont tous
4 différents. Ceci ne nous empêche pas de nous servir de ce terme général, et
5 la même chose s'applique lorsque vous parlez de génocide.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il vous reste deux minutes, Monsieur
7 Milosevic.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je vais essayer de les utiliser de
9 manière plus rationnelle.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Au point 19, vous dites quelque chose que je ne comprends pas, je dois
12 dire. Je vous demanderais de me le préciser. Vous dites que :
13 "Formellement, les conditions de guerre et de guerre civile peuvent
14 contribuées dans une large mesure à la création de ce genre de crises," en
15 d'autres termes, c'est la guerre qui donne naissance à une crise. Jusqu'à
16 présent, j'étais convaincu, et je le suis toujours d'ailleurs, que c'est la
17 crise qui donne lieu à une guerre. Alors, quel est votre avis, s'il vous
18 plaît ?
19 R. Je ne crois pas qu'il faudrait qu'on se livre à des jeux de mots. Une
20 crise peut se définir, au sens le plus général, comme une déstabilisation
21 fondamentale d'une société donnée. La guerre peut y contribuer. Ceci peut
22 être un syndrome de crises, mais la guerre peut aussi découler d'une crise.
23 Il me semble tout à fait clair qu'une situation de guerre est en soit, ipso
24 facto, une situation de crises. Je ne devrais peut-être rien ajouter pour
25 le moment.
Page 31231
1 Q. Puisqu'il ne me reste plus qu'une minute, deux questions brèves.
2 Considérez-vous que votre rapport est une analyse fondamentale et
3 d'identification des circonstances, d'un point de vue sociologique puisque
4 c'est cela votre domaine d'expertise, qui peuvent entraîner des crimes, la
5 commission des crimes de génocide ?
6 Est-ce que vous considérez que votre analyse est une analyse fondamentale
7 et d'importance fondamentale une analyse identifiant les circonstances qui
8 peuvent entraîner un génocide ?
9 R. Ce que j'ai essayé, sans aucun doute, c'est de rédiger ce rapport en
10 mieux de mes capacités afin d'expliquer ce qu'est un génocide et quelles
11 sont les conditions qui président à ce qu'il y ait un génocide.
12 Q. Je vous cite encore une fois. Au paragraphe 24, vous dites : "Il n'est
13 toujours pas précisé quels sont les facteurs, quelles sont les forces
14 armées décisives pour qu'il y ait commission d'un génocide à l'encontre de
15 certains groupes."
16 Et s'agissant de cette citation, ma question est la suivante : Dans quelle
17 mesure votre rapport, à votre avis, est-il incomplet, puisque vous le
18 souligner.
19 R. Non. Je pense que vous m'avez cité hors contexte. Si vous vous penchez
20 sur le rapport, vous verrez que ce que je dis dans ce rapport se réfère à
21 ce qui précède et puis dans les paragraphes suivants et dans la suite du
22 rapport, ce que j'essaie, c'est de souligner quelles sont les conditions.
23 Vous m'avez mal cité, de manière erronée.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Les amicus.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Une seule explication. Je ne vous ai pas cité de manière erronée. Je
2 vous ai cité chacun des mots --
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non.
4 Fort bien. Les amicus.
5 Questions de l'Amicus Curiae, M. Kay :
6 Q. [interprétation] Monsieur le professeur Zwaan, je vous demanderais,
7 tout d'abord, de vous pencher sur l'effondrement, l'effritement d'un état,
8 la fragmentation d'un état. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que
9 lorsqu'il y a désintégration, lorsqu'il y a fragmentation d'un état, ce qui
10 se produit, produit et entraîne la désintégration, la fragmentation du
11 monopole de la violence dont dispose cet état si cela s'accompagne de la
12 création d'états indépendants qui, eux, se dotent de nouveaux monopoles de
13 la violence ?
14 R. Oui, je serais d'accord avec cela.
15 Q. Et dans ce scénario en particulier de la désintégration et de la
16 fragmentation, c'est un processus complexe où plusieurs parties intéressées
17 jouent le rôle dans leurs relations mutuelles ?
18 R. Tout à fait.
19 Q. La désintégration et la fragmentation peuvent être lancées de manière
20 intentionnelle lors de l'éclatement de cet état.
21 R. Oui. Dans la plupart des cas, vous devez supposer qu'il y a des parties
22 qui agissent délibérément pour arriver à la désintégration de l'état.
23 Q. Oui, c'est comme cela que cela s'est produit. C'est comme cela qu'il y
24 a fragmentation et désintégration de l'état parce que les parties en
25 présence cherchent à réaliser leurs propres projets qui diffèrent de ce qui
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1 les liaient auparavant à l'état commun.
2 R. Oui. Cela peut se produire même s'il faut se rappeler qu'il peut y
3 avoir des causes de désintégration qui proviennent des forces extérieures,
4 d'autres états qui cherchent à occuper le territoire, par exemple.
5 Q. C'est une autre dynamique par exemple --
6 R. Oui.
7 Q. -- qui peut provoquer la désintégration et la fragmentation ?
8 R. Tout à fait.
9 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'une fois que ce processus
10 est amorcé, il peut rapidement prendre son propre élan ? Il a sa propre
11 dynamique interne et on ne peut plus la contrôler. Donc, les parties
12 impliquées ne peuvent plus la contrôler.
13 R. Oui. Il me semble que vous me citez là.
14 Q. Oui. Et ce qui peut, par conséquence, lancer toutes les parties en
15 présence vers un futur tout à fait incertain, une issue incertaine ?
16 R. C'est généralement la situation en cas de guerre et de guerre civile.
17 Q. Ce qui signifie en d'autres termes que la fragmentation et la
18 désintégration qui se sont produites initialement, qui ont été amorcées,
19 lancées finissent par connaître une dynamique qui, elle, n'a pas été
20 intentionnelle depuis le début. Donc, la situation n'est plus contrôlée par
21 les parties initialement en présence.
22 R. Oui. Je serais d'accord avec cela mais j'insiste sur le terme
23 "complètement" placé sous le contrôle. Oui, peut-être pas complètement mais
24 partiellement, si.
25 Q. C'est une question d'échelle, de proportion.
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1 R. Oui, tout à fait.
2 Q. Et une fois qu'il y a eu ce genre de lancée, par conséquence, toutes
3 les parties en présence peuvent être entraînées vers une issue tout à fait
4 incertaine ?
5 R. Oui. Et c'est ce qu'on appelle la tragédie de l'histoire.
6 Q. Et une fois que le processus a été lancé de cette façon-là, on ne peut
7 pas prévoir ce qui sera l'issue du processus.
8 R. Non. On ne peut pas prédire l'avenir. On peut formuler des
9 suppositions. On ne peut le savoir avec certitude.
10 Q. Pour ce qui est du monopole de la violence, la fragmentation de ces
11 monopoles n'est pas contrôlée selon les anciens modes de contrôle sociaux.
12 R. Je ne comprends pas ce que vous dites.
13 Q. Les contrôles sociaux ou politiques, l'état n'exerce plus le contrôle
14 de la manière dont il l'a exercé.
15 R. Oui, tout à fait. Mais je tiens à souligner qu'il faut prendre en
16 considération les différentes étapes. Il peut y avoir l'étape de la
17 désintégration, par la suite, les nouveaux monopoles deviennent visibles,
18 ils opèrent.
19 Q. Oui. Et c'est cela qui peut entraîner sa propre dynamique qui n'avait
20 pas été intentionnelle dès le départ.
21 R. Oui, c'est cela.
22 Q. Et cela sort du contrôle ou échappe tout à fait au contrôle des parties
23 qui étaient initialement impliquées.
24 R. Les parties font tout ce qu'elles peuvent afin d'exercer leur contrôle
25 et afin de diriger elles-mêmes les choses mais peut-être qu'elles n'y
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1 arriveront plus ou n'y arriveront que partiellement.
2 Q. Ce processus que nous sommes en train d'envisager, d'évoquer, comme
3 vous le dites, nous sommes en train de citer vos propres propos, des choses
4 que vous avez dites vous-même. Est-ce une description que vous seriez prêt
5 à signer, donc, au sujet de ce qui se passerait en cas de désintégration et
6 fragmentation d'un état ?
7 R. Je n'ai pas bien compris.
8 Q. Vous seriez prêt à admettre tout à fait cette description des
9 événements en cas de désintégration et fragmentation d'un état ?
10 R. Oui, tout à fait.
11 Q. Un autre point que je souhaite aborder au point 16 de votre rapport, M.
12 Milosevic l'a invoqué un instant pendant les questions qu'il vous a posées.
13 Il y a peut-être une partie de cela qui devrait être replacée dans son
14 contexte, et je parle tout particulièrement de la deuxième phrase de ce
15 paragraphe 16. "Le génocide n'est ni guerre ni guerre civile, il s'agit
16 d'une situation où il y a meurtre unilatéral et non de la part de deux ou
17 plusieurs parties, tandis que les victimes sont généralement impuissantes
18 devant la puissance ou le pouvoir des auteurs du génocide…" On dit qu'il ne
19 s'agit pas de plusieurs parties qui commettent des meurtres. Pourriez-vous
20 commenter cela ?
21 R. Je tiens à souligner que dans une situation génocidaire, lorsqu'on tue
22 effectivement ou lorsqu'on cherche à détruire les gens par d'autres moyens,
23 et bien, vous avez une partie qui domine. Il s'agit de persécuteurs. Ce
24 sont eux qui sont organisés. Vous avez l'autre partie qui elle n'est pas
25 organisée, et c'est cela la distinction que j'opère.
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1 Q. Lorsque vous parlez de "deux ou plusieurs parties qui commentent des
2 meurtres ?"
3 R. Et bien, vous pouvez avoir deux parties qui s'opposent dans un conflit
4 ou six parties dans une situation de guerre civile. La situation peut être
5 très complexe lorsque vous vous penchez sur les combats qui sont menés
6 effectivement.
7 M. KAY : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, l'Accusation a la parole.
9 Nouvel interrogatoire par M. Nice :
10 Q. [interprétation] Plusieurs questions, commençons par la première.
11 L'accusé pendant l'essentiel de son contre-interrogatoire vous a posé des
12 questions et vous a dit que dans votre rapport vous ne parliez que du
13 génocide, ce rapport s'intitule "Génocide et autres crimes collectifs
14 prenant pour cibles des groupes précis."
15 R. Exact.
16 Q. Dans votre rapport, dans vos conclusions, parlez-vous des
17 caractéristiques de conflit et de conclusions qu'on peut tirer lorsqu'il y
18 a présence de ces caractéristiques d'une situation qu'on peut qualifier de
19 génocide mais aussi de situation où sont pris cible des groupes précis ?
20 R. Oui. Je pense que oui.
21 Q. Parlons un peu plus tard de ces caractéristiques. Le Juge Robinson vous
22 a demandé si vous aviez, en fait, fait un rapport sur mesure en omettant de
23 façon expresse des considérations relatives à la Bosnie et à ce qui s'y est
24 passé. Nous allons dans un instant parler des raisons pour lesquelles vous
25 avez exclus la Bosnie de votre rapport, mais peut-on dire que vous avez
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1 fait un rapport sur mesure pour donner des conclusions sur la Bosnie ?
2 R. Pour autant que j'en suis conscient, je n'ai façonné rien du tout à
3 l'avance dans quelque sens que ce soit. Je me suis simplement efforcé
4 d'écrire du mieux que je pouvais, et du mieux que je savais ce qui peut
5 entraîner le phénomène de génocide.
6 Q. S'il y a façonnage conscient ou inconscient au moment de rédiger un
7 rapport, se serait rédigé ce rapport à partir de caractéristiques qu'on
8 trouve dans un contexte, et que l'on ne retrouve pas dans un autre.
9 N'entrons pas dans le détail, mais dites-moi simplement ceci si vous le
10 pouvez : Y a-t-il effectivement quoique ce soit s'agissant de la situation
11 en Bosnie dont on pourrait dire que c'est une situation qui est différente
12 et qui pourrait attirer d'autres conclusions que celle que vous avez tirée
13 s'agissant des événements que vous avez examinés ?
14 R. Tout dépend d'une étude plus poussée d'un cas précis. J'ai essayé de
15 vous montrer plusieurs outils d'analyse qui permettrait éventuellement de
16 comprendre une situation précise, par exemple, en Bosnie. Mais il faudrait
17 le faire à partir de ces outils, ce que je n'ai pas fait dans ce rapport.
18 Q. Fort bien. Et si vous n'avez pas fait, c'est pour la raison que vous
19 mentionnez au début du rapport. C'est parce que vous aviez reçu des
20 instructions précises du bureau du Procureur, à savoir, cette question en
21 dernière instance doit être réglée par les Juges.
22 R. Tout à fait.
23 Q. Mais effectivement pourrait-on penser que les Juges disposent de moyens
24 de preuve que vous n'avez pas, ne serait-ce qu'au niveau quantitatif mais
25 aussi au niveau qualitatif parce que certains de ces moyens sont présentés
Page 31238
1 à huis clos partiel.
2 R. Exact.
3 Q. Et ceci explique la façon dont vous avez rédigé ce rapport, les
4 paramètres qui vous sont guidés ?
5 R. Oui.
6 Q. L'accusé a passé un certain temps à faire valoir certaines choses ou a
7 vous posé des questions à propos d'autres génocides qui auraient été commis
8 dans les Balkans par des groupes ou par des individus, mais jamais par les
9 Serbes.
10 R. Exact.
11 Q. Dans votre rapport, quand vous voyez ce qui a éventuellement motivé ces
12 crimes, vous parlez de la mémoire collective des bons et des mauvais usages
13 qu'on en a faits.
14 R. Oui.
15 Q. Faudrait-il appeler l'attention des Juges sur d'autres facteurs vue la
16 comparaison que fait maintenant l'accusé entre les génocides et crimes
17 analogues qu'il attribue à d'autres, alors qu'il dit que les Serbes sont
18 blancs comme neige ?
19 R. Je crois que ce serait une conclusion tout à fait erronée. Il suffit de
20 montrer un exemple : l'armée des partisans du maréchal Tito en 1945 et 1946
21 apparemment, il y a eu implication de beaucoup de Serbes apparemment
22 auraient tué un grand nombre de combattants Oustachi croates et de
23 combattants chetniks.
24 Je voulais souligner ce fait : Tous les groupes dans les Balkans ont une
25 histoire très tragique. Je m'explique. Tous ces groupes ont été victimes
Page 31239
1 mais souvent aussi auteurs de crimes violents, brutaux à grande échelle
2 dans leur histoire. Ces groupes s'en souviennent. Ceci fait partie de leur
3 mémoire collective. D'autres universitaires le disent lorsqu'il y a des
4 actes de génocide on se rend compte qu'on a souvent affaire à des
5 récidivistes, ou que l'événement se répète. Regardez la guerre des Balkans,
6 la Première guerre mondiale, la Seconde et le conflit récent survenu en
7 Yougoslavie. La mémoire du passé est toujours réactivée dans ces conflits
8 qui suivent. Merci.
9 Q. Est-ce que feu le président Tudjman a jamais allégué qu'il y avait
10 réciprocité du génocide ?
11 R. Pourriez-vous répéter votre question ?
12 Q. Est-ce qu'il est arrivé feu le président Tudjman d'alléguer qu'il y
13 avait réciprocité de génocide entre Serbes et Croates ?
14 R. A ma connaissance -- mais je ne vois pas trop ce que vous voulez dire
15 par réciprocité de génocide.
16 Q. Est-ce que les Serbes ont jamais affirmé que c'est eux les victimes ou
17 est-ce que la partie adverse l'a fait aussi ?
18 R. Ce qui est tragique dans tout ceci c'est que la plupart de dirigeants
19 nationalistes des Balkans ont tendance à se percevoir comme victimes, les
20 autres étant les auteurs de ces crimes. On est très peu disposé à
21 reconnaître la moindre culpabilité dans ce processus historique, et ceci
22 tient en grande mesure à l'absence de liberté dans le régime communiste. On
23 n'a jamais vraiment discuté de façon intellectuelle et scientifique ce qui
24 s'est passé au cours de la Deuxième guerre mondiale. Ce sont des souvenirs
25 assez lointains mais qui n'ont jamais été démantelé, ébranlé par une
Page 31240
1 discussion scientifique sérieuse et ouverte.
2 Q. L'accusé avait fait une remarque à propos de la "nécessité de balayer
3 devant sa porte." Est-ce que dans les questions qu'il a posées par la suite
4 il a abordé ce sujet ?
5 R. Pas que je crois.
6 Q. Le juge Robinson a discuté avec vous de l'importance à accorder au
7 nombre de tuer, lorsque l'accusé cite des chiffres pour ce qui est des
8 personnes tuées au cours de la Deuxième guerre mondiale, des chiffres
9 supérieurs à ceux que vous acceptez. Le fait d'augmenter de gonfler des
10 chiffres, est-ce que c'est une caractéristique de l'appel qu'on fait à la
11 mémoire collective pour motiver des crimes de ce type ?
12 R. C'est souvent le cas, mais j'aimerais souligner ce fait-ci également.
13 Il y a eu dans l'histoire du peuple serbe de véritables tragédies. C'est
14 vrai que les Serbes ont été victimes d'attaques génocidaires. Il y a, si
15 vous voulez un terreau fertile dans l'histoire qui permet aux Serbes de se
16 voir comme étant les victimes de la répression d'autres. Mais c'est vrai
17 aussi pour les Croates, les Albanais et bon nombre d'autres groupes.
18 Q. Me Kay vous a posé plusieurs questions portant sur la désintégration
19 d'un état. Il a conclu que d'autres événements ne sont pas nécessairement
20 prévisibles. A ce propos, deux ou trois choses. Si vous avez un état, une
21 république, une république fédérale, lorsqu'une telle entité se désintègre,
22 à savoir que ses parties constituantes se séparent et sont reconnues en
23 tant que telles, est-ce que ces parties constituantes et leurs
24 gouvernements ont le devoir de régir le monopole de la violence ?
25 R. A mon avis, oui.
Page 31241
1 Q. Une fois que ce devoir existe, que l'état est reconnu, s'il y a
2 immixtion dans ce monopole de la violence de l'extérieur ou de l'intérieur,
3 est-ce que c'est là une des caractéristiques qu'il faut rechercher ?
4 R. Il est certain qu'il faut se mettre à la recherche pour voir si ces
5 événements ou ces facteurs existent, pour voir si ce sont des conditions
6 préalables à l'émergence du génocide. C'est certain.
7 Q. Je reviens à une des questions posées par Me Kay. S'il y a un événement
8 imprévisible tel que la désintégration d'un état, le fait de tuer en masse,
9 ou de chasser en masse des innocents sans armes éventuellement, est-ce que
10 là c'est un phénomène naturel ? Vous avez dit dans votre rapport que ce
11 type d'événement et de crime n'est pas un phénomène naturel. Acceptez-vous
12 que s'il y a de façon imprévisible la désintégration d'un état, le fait de
13 tuer en masse des gens qui sont innocents, est-ce que vous dites que cela
14 devient un phénomène naturel ?
15 R. Pas du tout. Je dois renvoyer à l'exemple de la désintégration de la
16 Tchécoslovaquie qui s'est faite dans la paix, en choisissant l'élite
17 politique de chaque côté. Voyez aussi la sécession de la Slovénie en
18 Yougoslavie qui n'a pas entraîné de tuerie. Il y a eu 50 ou 60 personnes
19 qui ont été tuées.
20 Q. D'après votre analyse, à la suite de la désintégration d'un état, est-
21 ce qu'on voit des assassinats en masse ou des expulsions en masse ? Est-ce
22 qu'on recherche ces mêmes caractéristiques pour voir si cette fois-ci, on a
23 affaire à un génocide ou à un acte similaire ?
24 R. Je crois qu'il faut étudier chaque cas dans son contexte pour voir s'il
25 se produit tel ou tel phénomène, pour expliquer pourquoi il se produit.
Page 31242
1 C'est du moins ce que je ferais en tant qu'historien et sociologue.
2 Q. Me Kay vous a posé une question à propos d'assassinats unilatéraux. Je
3 pense que c'est hier que vous m'avez dit en réponse à la question de savoir
4 s'il peut y avoir ce genre d'assassinat dans un contexte multilatéral. Est-
5 ce qu'à ce moment-là, il n'est pas plus difficile d'isoler les facteurs ?
6 R. C'est peut-être plus compliqué si on étudie des conflits où il y a
7 plusieurs parties à ce conflit. Il vous faut disposer de nombreux facteurs
8 plus ou moins fiables. Ce n'est pas en principe plus difficile que
9 lorsqu'il y a deux parties uniquement en conflit.
10 Q. Quelques questions complémentaires d'un sujet général et j'en aurai
11 terminé. On a discuté de la nécessité apparente ou pas de voir les victimes
12 d'un génocide armées. Est-ce qu'il est possible que ces crimes de type
13 génocide soient commis contre des personnes armées, voire des combattants ?
14 R. Non, je ne pense pas. Lorsque des gens se font tuer dans un acte de
15 génocide, pratiquement dans tous les cas, ces gens sont sans arme. Mais
16 s'ils portent les armes, ils seront désarmés avant d'être tués. Je pourrais
17 vous donner l'exemple d'officiers et de soldats arméniens de l'armée
18 Ottoman au début de 1915. Ils avaient été appelés dans les rangs dans le
19 cadre de la Première guerre mondiale, mais les dirigeants turcs ont décidé
20 de lancer une campagne génocidaire contre les Arméniens. Tous ces
21 officiers, tous ces soldats ont été démis de leurs fonctions, ont été
22 désarmés et sont devenus des membres de bataillon de travaux forcés. Ils
23 ont été pratiquement décimés.
24 Q. Il y a aussi la question du soulèvement des Juifs dans un ghetto. On
25 pourrait dire à ce moment-là, les Juifs seraient armés. Est-ce qu'un
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1 historien ou un sociologue quelle que soit la situation en matière de
2 droit, pourrait dire qu'à ce moment-là, il y a génocide ou pas ?
3 R. Rappelez-vous l'insurrection ou la rébellion dans le ghetto de
4 Varsovie. Vous aviez, en fait, des personnes qui s'étaient retenues de
5 protester jusqu'au moment où pratiquement tous les Juifs avaient déjà été
6 déportés. C'était un dernier effort, un effort désespéré voué à l'échec qui
7 était d'opposer une certaine résistance face à un ennemi surpuissant et
8 destructeur, à savoir, l'armée allemande.
9 Q. L'accusé vous a posé des questions à propos de la guerre et de la
10 guerre civile. Une première chose à ce propos, pour ce qu'il y a une
11 différence à établir entre une guerre civile et le génocide. D'après votre
12 expérience, des dirigeants, essaient-ils de dissimuler le caractère
13 génocidaire de leur acte en disant que c'est simplement une guerre ?
14 R. C'est souvent le cas. C'est vrai encore pour ce qui est du gouvernement
15 turc actuel, qui dit que les arméniens n'ont pas été victimes d'un
16 génocide, mais de la guerre. Je pourrais vous donner d'autres exemples.
17 Q. L'accusé a affirmé que les conditions préalables à ce type de crime
18 n'existaient pas dans le territoire qui nous concerne. Qu'avez-vous à dire
19 à ce propos ?
20 R. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Ces conditions étaient présentes.
21 C'est certain.
22 Q. L'accusé n'a pas abordé dans le détail les caractéristiques que vous
23 avez cernées. Est-ce qu'on trouve dans celles-ci, par exemple, la question
24 de l'impunité qu'on peut accorder à des paramilitaires ?
25 R. Oui. Ce serait un facteur très important à mes yeux.
Page 31244
1 Q. Un événement progressif ?
2 R. Tout à fait.
3 Q. Quelque chose qui ne peut s'enrayer que s'il y a intervention de
4 l'extérieur ?
5 R. En règle générale, c'est vrai.
6 Q. C'est maintenu dans la durée par la propagande ?
7 R. Oui, c'est souvent le cas.
8 M. NICE : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions à poser à ce
9 témoin. Je vous remercie, Messieurs les Juges.
10 Questions de la Cour :
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Zwaan, M. Nice s'agissant
12 d'une question posée par l'accusé, a dit que d'après l'accusé des
13 conditions préalables à ce type de crime n'existaient pas dans le
14 territoire ou sur le territoire qui nous concerne directement, la Bosnie.
15 Vous avez dit que ces conditions existaient. Si je me souviens bien, vous
16 avez dit que vous ne vous étiez pas concentré sur les circonstances qui
17 prévalaient en Bosnie-Herzégovine. Votre rapport n'en parle pas. Il ne
18 parle pas de la Bosnie-Herzégovine. Pourtant ici, vous donnez une réponse
19 qui en rapport direct avec la Bosnie-Herzégovine.
20 R. Si je vous comprends bien, je ne vois pas de contradiction. M.
21 Milosevic et M. Nice aussi m'ont posé davantage qu'une seule question à
22 propos de la situation en Bosnie. J'ai essayé d'y répondre de mon mieux.
23 Cela ne signifie pas pour autant que j'aurai rédigé un rapport en ayant à
24 l'esprit la Bosnie que du contraire.
25 Est-ce que j'ai suffisamment répondu à votre question ?
Page 31245
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
2 M. NICE : [interprétation] Vous vous en souviendrez, Messieurs les Juges,
3 car je l'ai expliqué il y a quelques jours de cela, ce que le témoin a
4 écrit à propos de l'ex-Yougoslavie dans la mesure où ceci a été traduit de
5 façon synthétique en anglais, a été fourni au préalable, par mesure de
6 courtoisie, à l'accusé et aux amis de la Chambre, ce qui leur permettait
7 s'ils le voulaient d'émettre un avis contradictoire. Je n'ai pas demandé le
8 versement officiel du rapport au dossier.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faut le faire.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce 639.
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Zwaan. Ceci
12 met fin à votre déposition. Merci d'être venu en tant que témoin au
13 Tribunal pénal international.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur.
15 [Le témoin se retire]
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le curriculum vitae de
17 M. Zwaan portera la cote 640.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
19 M. NICE : [interprétation] Forcément, nous allons être en butte à des
20 difficultés administratives, plus on s'approche de la fin de la
21 présentation de nos moyens. Avant que ne vienne le prochain témoin, je dois
22 informer la Chambre et les parties de quelque chose qui aura un incident
23 sur l'ordre de comparution des témoins. Je demanderai peut-être une voix de
24 recours dans certains cas.
25 Je peux en parler pour l'essentiel en audience publique en me servant là où
Page 31246
1 il le faut de pseudonymes. Nous avons un témoin qui est prêt pour
2 aujourd'hui. Demain, il nous faudra sans doute entendre le témoin Manning,
3 dont les documents sont prêts. Ces documents ont été signifiés.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je veux consigner ceci en bonne et due
5 forme. Quelle sera la durée de l'interrogatoire principal du prochain
6 témoin ?
7 M. NICE : [interprétation] Un volet d'audience pour ainsi dire. Pas plus,
8 j'espère.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Manifestement, il lui faudra un certain
10 temps pour le contre-interrogatoire.
11 M. NICE : [interprétation] Oui. J'essaierai d'être le plus bref possible,
12 mais il tombe sous le coup du 89(F), ce sera assez court. Mais il faudra un
13 certain temps pour l'interrogatoire principal, et sans doute aussi pour le
14 contre-interrogatoire.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
16 M. NICE : [interprétation] Manning, nous aurons demain ce témoin. Il est de
17 la maison. On peut l'appeler à discrétion, le solliciter si vous le voulez,
18 selon vos besoins.
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Ce témoin va prendre un
20 certain temps. Je constate que vous parlez de quatre heures. Je ne sais pas
21 comment vous avez établi ce chiffre.
22 M. NICE : [interprétation] Cela, c'était il y a longtemps. C'était en
23 fonction des dispositions qui régissaient notre procédure avant. J'espère
24 que ce sera beaucoup moins que quatre heures. Je ne relèverai que les
25 questions clés.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le document est assez long, n'est-ce pas
2 ?
3 M. NICE : [interprétation] Je ferai de mon mieux.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
5 M. NICE : [interprétation] La semaine prochaine, nous aurons le témoin B-
6 235. C'est celui qui est prévu. Je ne cite pas de noms, ni d'autres
7 renseignements d'ordre précis. Nous avons une déclaration assez longue de
8 ce témoin, qui a été fournie en anglais, avant-hier seulement. La version
9 en B/C/S, elle ne pourra être déposée qu'aujourd'hui. C'est seulement une
10 petite partie de cette longue déclaration qui s'avérera nécessaire. Le
11 résumé fait 11 pages pour le moment. Il sera peut-être plus court en fin de
12 parcours. Je le dis d'emblée, si nous voulons entendre ce témoin lundi.
13 Même ces quelques pages de résumé nécessiteront de ma part une demande à
14 votre égard, celle de limiter le temps. Nous allons essayer de vous
15 présenter ce résumé abrégé, le plus vite possible, pour que vous puissiez
16 en décider. Si ce témoin n'est pas entendu lundi, nous pourrions peut-être
17 entendre le témoin B-1804, qui normalement devrait suivre le premier. Les
18 documents le concernant ont été signifiés. Il y a une déclaration en
19 application du 89(F) qui devrait être signifiée aujourd'hui. Mais il faut
20 peut-être que je demande le huis clos partiel.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
22 [Audience à huis clos partiel]
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21 [Audience publique]
22 M. NICE : [interprétation] Je pense qu'il n'y a pas d'autres témoins prévus
23 dans la liste actuelle de la semaine prochaine.
24 Nous nous demandons qui nous pouvons appeler pour combler ce vide qui est
25 intervenu. Vous avez votre liste du 5 février. Vous y voyez le nom du
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1 général Vegh. Je vous ai déjà expliqué que ce général hongrois, le général
2 Vegh dont vous avez reçu le rapport -- avant d'évoquer les circonstances
3 concernant ce témoin, je dois vous dire une chose -- M. Nice s'étant
4 interrompu en milieu de phrase -- la traduction en serbe du rapport n'est
5 toujours pas prête. Vous savez que le service de traduction est vraiment
6 surchargé de travail. Il y a aussi des conditions à remplir au niveau
7 professionnel, à savoir, qu'il y a toutes les notes de bas de page qui
8 existent dans le document original, et qui nécessitent beaucoup de travail,
9 parce qu'il faut vérifier l'exactitude de toutes ces citations. Et nous ne
10 contestons pas les normes de qualité imposées au service de traduction,
11 mais ceci explique nos retards apportés dans la traduction en serbe. Nous
12 essayons de contourner ces difficultés. Impossible de savoir avec certitude
13 à quel moment la dernière partie de son rapport sera disponible en B/C/S.
14 Même si je crois qu'en ce moment -- oui, notre assistante nous dit que
15 vendredi, il sera prêt.
16 Le général Vegh a été victime d'un accident de la route épouvantable. Il a
17 perdu l'ouie après que nous l'eussions engagé. Il s'est très bien remis.
18 Maintenant, il a un appareil auditif qui est vraiment extraordinaire. Il ne
19 peut prendre l'avion à cause des problèmes d'ouie. Peu importe. Nous avons
20 essayé de prendre d'autres dispositions. Par exemple, par liaison vidéo.
21 Nous pourrions l'entendre de cette façon-là. Nous ne savions pas si nous
22 aurions le temps de l'appeler à la barre. Nous n'étions pas non plus sûr de
23 la date à laquelle il pourrait être appelé. Il y a aussi une autre question
24 administrative du côté hongrois. Ces obstacles pourraient être contournés
25 si vous acceptiez l'idée d'une liaison vidéo. On pourrait l'entendre dès la
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1 semaine prochaine, éventuellement le 28.
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Permettez-moi de dire ceci. Il y a de
3 très nombreux éléments de preuve qui ont été déjà versés. Je crois pouvoir
4 dire que vous ne savez pas exactement combien de pièces vous avez déjà
5 versées, vous savez. Il faut essayer de limiter ceci le plus possible parce
6 que, sinon, cela devient tout à fait insurmontable.
7 M. NICE : [interprétation] J'en suis parfaitement conscient, Monsieur le
8 Président.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Si vous pouvez essayer de diminuer le
10 nombre de pièces, le nombre de témoins, essayez de le faire.
11 M. NICE : [interprétation] Tout à fait d'accord.
12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] On a besoin d'avoir un chiffre total.
13 M. NICE : [interprétation] Enfin, c'est un chiffre total en progression
14 constante mais on essaie de faire ces calculs.
15 Donc pour ce qui est de la semaine prochaine, j'y reviendrai de façon plus
16 brève.Mais ici la difficulté pourrait être contournée en appelant le
17 général Vegh. Et si ce n'est pas lui, il se peut que nous n'ayons pas
18 suffisamment de témoins pour occuper ces trois journées d'audience. Nous
19 faisons de notre mieux mais c'est là que le problème se pose pour le
20 moment. Je fais la synthèse nous demandons votre indulgence pour ce qui est
21 d'un temps plus limité s'agissant du témoin B-235. Nous vous demandons des
22 instructions pour ce qui est du témoin suivant et nous allons essayer de
23 faire plus tôt le général Vegh.
24 Puis-je repasser à huis clos partiel pour le passage suivant.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
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1 [Audience publique]
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, laissez-le terminer. Laissez le
3 Procureur terminer, Monsieur Milosevic. Vous aurez ensuite la parole.
4 M. NICE : [interprétation] J'ai terminé mais je me rappelle que M.
5 Theunens, l'analyste militaire, cet expert, pourrait éventuellement
6 intervenir la semaine prochaine pour combler ce vide, bien sûr, pour autant
7 que ces documents ait été traduits en B/C/S.
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il serait utile d'avoir tout ceci par
9 écrit, vous savez, parce qu'il y a beaucoup de modifications que vous
10 voulez apporter.
11 M. NICE : [interprétation] Je suppose que le reste du rapport de M.
12 Theunens sera disponible aujourd'hui.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il est important que tout le monde soit
14 au courant et surtout l'accusé qu'il sache à quoi s'attendre.
15 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. Donc en synthèse, c'est le témoin
16 qui est prévu, suivi de Manning si le temps le permet, puis nous espérons
17 avoir le témoin B-235 et le témoin B-1084, ensuite (expurgé) et
18 éventuellement (expurgé)pour la semaine prochaine.
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
20 Monsieur Milosevic que voulez-vous dire ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai pris quelques notes au sujet de ce que M.
22 Nice a dit concernant les changements censés intervenir. (expurgé)
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17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais le fait que M. Nice a mentionné à huis
18 clos, je me propose de demander un huis clos pour -- ou un huis clos
19 partiel pour poser des questions.
20 M. Nice a dit qu'après le témoin qui viendra, à présent, nous entendrons M.
21 Manning. Et c'est des documents qui m'ont été communiqués "soit dit à
22 temps," en temps utile. Mais pour le témoin 235 qui viendra après celui-ci,
23 je n'ai rien reçu. Il s'agit peut-être d'une erreur mais je tiens à attirer
24 votre attention sur ce fait.
25 En outre, M. Nice vient de dire tout à l'heure qu'après lui, nous allons
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1 entendre B-1804, et d'après ce que j'ai cru pouvoir noter ici, il a précisé
2 que pour ce 1804, nous allons recevoir des documents aujourd'hui même. Je
3 dois protester donc, une fois de plus, pour dire que je devrais forcément
4 disposer d'information élémentaire sur une personne prévue pour ce qui est
5 de venir de témoigner dès lundi. Vous avez dit qu'à maintes reprises qu'il
6 faudrait que je reçoive au moins dix jours à l'avance des documents
7 concernant un témoin. Mais là, il n'est pas question de respecter ce délai
8 minimum, pas même ce délai minimum.
9 Vous avez expliqué Monsieur May, tout à l'heure, et je crois bien que c'est
10 exact au sujet du général Vegh, à savoir que l'on a envoyé bon nombre de
11 documents également. Or, ces documents moi, je ne les ai pas. Je n'ai pas
12 de calendrier pour ce qui est des témoins mais je ne sais pas, non plus,
13 que l'on a prévu le témoignage d'un dénommé général Vegh.
14 A présent, au sujet des documents qu'a mentionnés M. Nice il y a 10 ou 15
15 jours de cela, je crois qu'il a dit ici qu'il avait finalement obtenu de la
16 part des autorités yougoslaves des procès verbaux des sessions du conseil
17 suprême de la Défense, et il a symboliquement montré, en montrant de la
18 main, qu'il y en avait tout un tas, tout un monticule.
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous n'avons pas encore obtenu de réponse
20 à ce sujet, mais nous allons soulever la question puisque vous vous en
21 parlez. Pour ce qui est des autres sujets, je tiens à dire ce qui suit :
22 Nous ne perdons pas de vue le fait que vous devez forcément traiter de ces
23 sujets de façon appropriée. Nous ne perdons pas cela de l'esprit et le
24 bureau du Procureur va produire le dernier des plannings. Mais je voudrais
25 que l'on nous dise au sujet de ce dernier élément ce qu'il en ait.
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1 M. NICE : [interprétation] [hors micro] Et bien s'agissant des documents du
2 conseil suprême de la Défense, je dirais que oui, il devient tout à fait
3 clair tout d'abord que l'accusé dispose de la version anglaise. Cela est
4 venu avec les documents que nous avons communiqués, et pour ce qui est des
5 notes sténographiques, elles ne sont disponibles qu'en B/C/S alors que nous
6 avons des versions en anglais également pour ce qui est des procès verbaux.
7 Nous nous efforçons d'organiser la documentation en question de façon à ce
8 que chaque réunion puisse être traitée séparément, et la Chambre pourra
9 examiner les documents par intercalaire qui comporteront tout ce qu'il
10 correspond aux différentes réunions, mais nous n'avons pas encore la
11 version anglaise des notes sténographiques. D'après mes calculs d'hier,
12 s'agissant de ces documents, disent qu'en version anglaise et B/C/S, une
13 fois finalisée, la documentation prendra cinq classeurs et une langue de
14 travail prendra deux classeurs et demi.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Quand est-ce que tout sera prêt ?
16 M. NICE : [interprétation] Je ne peux pas vous donner de dates
17 d'achèvement. On travaille dessus. Je m'efforcerai de vous informer d'ici
18 la fin de la journée d'aujourd'hui.
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien. Monsieur Milosevic, voulez-vous
20 ajouter quelque chose ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, au sujet de ce que vient de nous dire
22 M. Nice, il a expliqué il y a une dizaine ou quinzaine de jours, qu'il
23 avait les procès verbaux du conseil suprême de la Défense et il ajoute
24 maintenant que c'est dans une langue serbe. Bien sûr que c'est en langue
25 serbe, cela a été fait en langue serbe. Il a dit il y a 15 jours que cela
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1 était mis à ma disposition à moi, à la disposition des amis de la Chambre,
2 à la Chambre, et ainsi de suite. Mon collaborateur a essayé de se procurer
3 ces procès verbaux ou, plutôt, une copie de ceci, et on lui a rétorqué
4 qu'il ne pouvait les obtenir encore. On vient de dire que cela fera cinq
5 classeurs, hauts classeurs.
6 Je ne comprends pas pourquoi je n'ai pas pu obtenir une copie de cela en
7 langue serbe moi-même il y a 10 ou 15 jours, ou au moins aujourd'hui,
8 puisque l'on me dit que cela fera cinq classeurs. Mais moi, je n'ai pas
9 besoin de la version anglaise pour consulter les procès verbaux du conseil
10 suprême de la Défense qui seront versés suivant la pratique déjà en vigueur
11 à la vitesse, à la va-vite et en quantité énorme. Il faut que je puisse le
12 lire. Je voudrais que vous répondiez : Comment vous envisagez de faire
13 s'agissant d'un témoin qui doit venir témoigner dans 10 jours, et entre-
14 temps avec les témoignages des autres témoins en cours, il faut qu'en même
15 temps je lise cinq gros classeurs pour noter à l'intérieur, pour me servir
16 de vos termes, de ce qui est pertinent à l'intérieur pour le contre-
17 interrogatoire de certains témoins.
18 Et j'estime d'autant plus qu'il est injustifié au bout de 15 jours, comme
19 nous l'a dit M. Nice, donc, 15 jours de mise à disposition, je ne puisse
20 pas les obtenir alors que cela est destiné à être utilisé ici. Cela existe
21 en langue serbe. On aurait pu faire des copies et remettre cela à mon
22 collaborateur qui se trouvait être ici, ou alors faire une ordonnance pour
23 que ces documents soient communiqués à mon collaborateur qui se trouve, à
24 présent, dans la galerie du public, dès aujourd'hui.
25 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, l'accusé vient de nous
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1 rappeler que j'avais dit que ces documents étaient disponibles, mais cela
2 n'avait pas été disponible dans la forme appropriée. Mme Dicklich a une
3 bonne relation de travail avec l'accusé au quotidien et elle dit qu'elle ne
4 se souvient pas que lui ou ses associés aient demandé ces documents. Il
5 avait été question de mettre ces documents sur CD-ROM pour que cela soit
6 communiqué dès aujourd'hui à l'accusé.
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. On ne peut pas continuer de la
8 sorte. Vous avez entendu ce qu'ils ont dit, ce qu'ils peuvent faire et ils
9 sont en train de faire de leur mieux. Vous aurez l'opportunité de voir
10 cela.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne vois pas une seule raison pour laquelle
12 il n'aurait pas été possible de me remettre les copies des procès verbaux
13 telle que mise à disposition à M. Nice. Qu'est-ce que cela signifie
14 transférer cela sur CD-ROM alors qu'ils ont les procès verbaux du conseil
15 suprême de la Défense. Et bien, je vous demande de faire une ordonnance
16 pour qu'ils me fassent des copies et qu'ils me les remettent. Cela n'a rien
17 d'une requête extravagante. C'est une requête tout à fait normale.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien. Je crois que nous venons d'épuiser
19 le sujet.
20 Nous allons procéder à une pause. Peut-être allons la prendre un peu plus
21 tôt que d'habitude.
22 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Juste un moment. Un par un. Nous avons
24 encore deux minutes. Que vouliez-vous dire au final ?
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais faire une objection pour ce qui est
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1 du fait d'avoir mentionné un témoin qui a été mentionné à huis clos partiel
2 par M. Nice concernant l'affirmation au terme de laquelle il s'avère être
3 vrai que je n'ai aucune déclaration. Or M. Nice est en train de l'annoncer
4 pour dans 10 jours. Je n'ai aucune déclaration. Je n'ai aucun document
5 concernant son témoignage.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous en avons déjà parlé. Vous avez
7 entendu quelle était la situation qui prévaut et vous avez entendu ce qu'il
8 a dit au sujet de ce qu'ils allaient faire pour que vous l'obteniez.
9 M. KAY : [interprétation] Juste un sujet. Le bureau du Procureur a présenté
10 des écritures en date du 20 janvier qui prévoit la citation d'un autre
11 témoin, le C-63. Or ce témoin ne vient pas d'être mentionné dans le courant
12 de la matinée d'aujourd'hui. Je crois que la Chambre de première instance
13 devrait garder à l'esprit cette demande-là, donc, la présentation de
14 nouveaux témoins et de nouveaux documents. Or, nous savons quel est le
15 fardeau de la documentation sur les épaules de l'accusé.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons nous pencher sur la chose.
17 Faisons à présent une pause de 20 minutes.
18 --- L'audience est suspendue à 12 heures 13.
19 --- L'audience est reprise à 12 heures 39.
20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je demanderais au témoin de nous donner
22 lecture de la déclaration solennelle.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
24 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous rasseoir.
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1 LE TÉMOIN: HRVOJE SARINIC [Assermenté]
2 [Le témoin répond par l'interprète]
3 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, nous avons ici un classeur
4 de pièces à conviction qui accompagne le témoignage de ce témoin. La
5 plupart se présenteront en vertu du 89(F) du Règlement. Je voudrais qu'un
6 exemplaire soit donné au général et peut-être allons nous procéder à des
7 attributions de cotes pour identification ou pour versement au dossier en
8 tant que qualité de preuve.
9 Mme LA GREFFIÈRE: [interprétation] 641, Messieurs les Juges.
10 Interrogatoire principal par M. Nice :
11 Q. [interprétation] Je voudrais que vous nous donniez votre nom et prénom.
12 R. Je m'appelle Hrvoje Sarinic.
13 Q. Monsieur Sarinic, avez-vous fait auprès des enquêteurs du bureau du
14 Procureur, est-ce que vous avez donné deux déclarations qui figurent aux
15 intercalaires 2 et 4 respectivement de ce classeur ? Et pouvez-vous nous
16 confirmer si ces déclarations sont exactes sous réserve de peut-être une ou
17 deux rectifications apportées ultérieurement dont nous allons parler
18 aujourd'hui ?
19 R. Oui. Je confirme avoir fait ces deux déclarations et j'affirme les
20 maintenir.
21 Q. Merci. Intercalaire 1 de ce classeur, pièce à conviction 641. Cela nous
22 fournit votre curriculum vitae. Je crois que vous avez examiné ce document,
23 que vous l'avez approuvé et signé. Et quoique la chose soit connue du
24 public, nous pouvons répéter qu'en 1990, vous avez été nommé premier chef
25 du cabinet du président Franjo Tudjman et vous avez été son conseiller
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1 entre 1990 et 1998 en occupant des positions variées qui sont toutes citées
2 dans le curriculum. Vous avez été chef de cabinet, premier ministre. Vous
3 avez été chef de l'agence du renseignement national, et en 1994, vous êtes
4 devenu le principal conseiller politique du président; puis vous êtes
5 devenu membre du conseil croate chargé de la sécurité, entre 1993 et 1994,
6 vous avez également été l'homme qui a assuré la liaison avec la FORPRONU et
7 vous avez servi d'agent de liaison entre le président Tudjman et l'accusé.
8 Est-ce exact ?
9 R. C'est exact.
10 Q. Messieurs les Juges, dans les circonstances qui sont celles que nous
11 connaissons, je crois que la Chambre dispose du résumé du témoignage de ce
12 témoin et nous allons à l'occasion de l'interrogatoire principal suivre ce
13 qui est dit. Mais en vertu de l'ordonnance faite par cette Chambre, je vais
14 d'abord me pencher sur la première des déclarations faites par le témoin,
15 donc l'intercalaire 2 et traiter des parties qu'il nous faut parcourir de
16 vive voix.
17 Monsieur Saranic, votre première déclaration parle de la première réunion
18 qui s'est tenue le 26 janvier 1991. Nous n'allons pas en parler à présent.
19 Puis, il va être question de la réunion à Karadjordjevo qui s'est tenue le
20 19 mars 1991. Cette réunion organisée par le chef du cabinet de l'accusé,
21 M. Milinovic, et dans le secret, cette réunion s'est tenue le 26 mars.
22 R. Oui, c'est exact. C'est ainsi que cela s'est passé.
23 Q. S'agissant de la réunion de Karadjordjevo, avez-vous vous-même passé 10
24 à 15 minutes en présence du feu président Tudjman et l'accusé à l'occasion
25 de cette réunion de Karadjordjevo ? Et à l'occasion de cette entrevue,
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1 Tudjman a-t-il parlé à l'accusé de la révolution des troncs d'arbres et si
2 oui, qu'a-t-il dit ?
3 R. J'ai été présent pendant une dizaine de minutes, comme vous venez de le
4 dire, en présence de tous les deux présidents mentionnés. Et à ce moment-
5 là, le président Tudjman avait mentionné à l'accusé et reproché à celui-ci
6 qu'il se trouvait derrière cette révolution des troncs d'arbres. Et il a
7 affirmé que cela n'allait pas abondé dans le sens ou en faveur des
8 relations croato-serbes qui constituaient la question centrale, cruciale,
9 des relations en ex-Yougoslavie. Une fois qu'il a entendu l'exposé présenté
10 par le président Tudjman, l'accusé n'a pas été d'accord avec sa teneur mais
11 il a, de façon significative, dit qu'il croyait bien que tous les problèmes
12 pouvaient être surmontés.
13 Personnellement, j'ai eu l'impression et je me suis fait cette réflexion-
14 là. Et compte tenu de ce qui s'est passé ultérieurement, je dirais que tout
15 s'est passé dans le cadre de la phrase prononcée par l'accusé et, à mon
16 avis, elle se rapportait à la Bosnie-Herzégovine.
17 Q. En cette occasion-là, Tudjman a-t-il dit quelque chose au sujet de
18 l'armement des Serbes en Croatie et, dans l'affirmative, je vous prie de
19 nous dire, en une phrase, quelle a été la réaction de l'accusé à cela.
20 R. Et bien, il est clair que le président Tudjman a indiqué que la Krajina
21 était le cheval de Troie de la politique serbe en Croatie, et qu'il ne
22 saurait survivre sans que les autorités à la tête desquelles se trouvait
23 l'accusé ne les approvisionne et sans se tenir en retrait, derrière eux.
24 L'accusé a nié la chose. Il a dit qu'il n'avait rien à voir du tout avec ce
25 qui se passait et que peut-être la JNA avait-elle été impliquée, mais que,
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1 lui, il n'avait rien à voir avec la JNA. Il a absolument renié la teneur
2 des propos du président Tudjman.
3 Q. Je pense que ces deux hommes ont ensuite passé quelques quatre heures
4 en tête-à-tête entre trois heures 30 et quatre heures 30, et ils ont
5 convenu de se revoir lorsqu'ils se quittaient.
6 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, aux paragraphes 6 et 7, il
7 s'agit de procéder à une petite correction. Cela se rapporte à l'entrevue
8 suivante, mais nous y reviendrons.
9 Q. Paragraphe 8 maintenant, une fois revenu de ces entretiens, Tudjman
10 avait-il semblé être optimiste ?
11 R. Oui. Tudjman avait été très optimiste. Il a dit, qu'à son avis, le
12 problème allait être surmonté de façon pacifique et, qu'avec l'accusé, il
13 pensait pouvoir trouver des modalités concertées pour surmonter le
14 problème. Il a été donc très optimiste, et je dois dire que j'ai indiqué au
15 président, qu'à mon avis, je ne partageais pas autant que cela son
16 optimisme parce que l'accusé, à mon avis, avait toujours les doigts croisés
17 en poche.
18 Q. Le 30 mars, Goran Milinovic a proposé une autre réunion entre Tudjman
19 et Milosevic à Karadjordjevo une fois de plus. Pour finir, cela s'est fait
20 à Tikves. Dans votre déclaration, il est question d'une réunion qui s'est
21 tenue entre les deux, le 28 mars 1991 où ils s'étaient réunis tous les six
22 présidents des républiques à une réunion convenue à l'avance à Split.
23 Le 5 avril, à l'occasion d'une autre réunion des présidents des
24 républiques, paragraphe 11, Tudjman aurait dit que la question du partage
25 de la Bosnie-Herzégovine s'était posée et que, là-bas, ce qui allait
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1 l'emporter, c'était le rapport des forces. Et il aurait été question des
2 Slovènes qui s'en allaient et des Serbes qui voulaient une Grande Serbie.
3 Dites-nous si cela est bien exact.
4 R. Oui, cela est exact.
5 M. NICE : [interprétation] Juste un moment, je vous prie.
6 Q. Donc, peut-être ajoutez encore ceci -- à l'occasion de ces entretiens
7 du 5 avril, a-t-il été question de ce qui s'était dit à la réunion
8 précédente ?
9 R. Vous entendez la réunion précédente de Karadjordjevo ?
10 Q. Oui.
11 R. En effet. Cela a été mentionné, mais de façon très brève parce que
12 cette réunion était censée être secrète. Un certain nombre de personnes
13 dans la direction croate étaient toutefois au courant. Et par conséquent,
14 le président Tudjman avait estimé nécessaire de le mentionner.
15 Q. En date du 15 avril 1991, il s'est tenu une réunion à Tikves ?
16 R. [aucune interprétation]
17 Q. Ces deux présidents s'étaient-ils rencontrés à titre privé à ce moment-
18 là ?
19 R. Vous venez de dire vous-même que la partie serbe avait insisté pour que
20 cette deuxième réunion se fasse à Karadjordjevo. Cependant, le président
21 Tudjman a rejeté cette possibilité parce que Karadjordjevo, dans l'opinion
22 publique croate, avait une connotation très défavorable parce que c'est à
23 partir de là qu'en 1971 l'on avait mis un terme à ce qui avait été convenu
24 d'appeler "le printemps croate." Et nous avions souhaité cette deuxième
25 rencontre en Croatie et à savoir à Tikves. Nous avons convenu de la réunion
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1 entre l'accusé et le chef de cabinet, à savoir, moi-même.
2 Q. Je m'excuse de parcourir aussi rapidement. Nous allons revenir
3 maintenant aux paragraphes 6 et 7 parce qu'il y a eu une erreur de
4 formulation. Donc une fois rentré de cette réunion, le président Tudjman
5 vous a montré un bout de papier. Dites-nous quelque chose au sujet de ce
6 bout de papier et ce qu'il a dit à son propos.
7 R. Après Tikves, le président Tudjman était bien moins optimiste que cela
8 n'avait été le cas après la réunion de Karadjordjevo. Cela, c'est
9 premièrement.
10 Et comme nous avions quitté les lieux rapidement après la fin de la
11 réunion, dans l'avion, il m'a dit : "Voici ce que Slobo," c'est ainsi qu'il
12 l'appelait, "m'a donné." J'ai examiné le bout de papier en question. Cela
13 avait été tracé au moyen d'un stylo à l'encre noir et il y figurait ce qui
14 suit : les Musulmans étaient un grand mal en soit et il fallait veiller à
15 ce que cette transversale verte allant de la Turquie en traversant la
16 Bulgarie, la Macédoine occidentale, le Kosovo, le Sandzak, et cetera, et
17 donc, il était question d'affirmer que cela constituait un grand péril pour
18 la Bosnie et, par voie de conséquence, pour la paix dans cette région. Les
19 Musulmans, donc, avaient déjà planté un drapeau vert sur la Romanija, la
20 Romanija étant une montagne à proximité de Sarajevo. Cela signifiait qu'ils
21 voulaient une Bosnie-Herzégovine unitaire dans laquelle ils régneraient
22 alors que les Croates et les Serbes constitueraient des minorités
23 nationales.
24 J'ai restitué ce papier aussitôt au président, et lorsque nous nous sommes
25 entretenus par la suite, il m'a dit : "Il y a quelque chose de vrai là-
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1 dedans".
2 Q. Vous a-t-il dit d'où lui provenait cette feuille de papier ?
3 R. Oui, absolument, tout à fait. Il me l'a dit. Il m'a dit l'avoir reçu de
4 la part de l'accusé.
5 Q. Je vous remercie. Au paragraphe 13 de votre déclaration, avant de
6 passer à des questions que nous n'avons pas abordées pendant la déposition
7 ici.
8 Alors vous dites vos opinions au sujet du fait que ces deux dirigeants sont
9 arrivés ou non à une forme d'accord. Pouvez-vous nous préciser comment vous
10 êtes arrivé à vos conclusions ?
11 R. Il faut savoir qu'il n'y a pas eu d'accord formel. Si un tel accord
12 formel avait été passé, alors, il n'y aurait pas eu tout ce qui s'est
13 ensuivi, toutes les atrocités qui se sont produites. Donc, ce à quoi j'ai
14 pensé à l'époque, c'était que l'un comme l'autre de ces deux présidents
15 avait leurs propres réflexions au sujet de la Bosnie, au sujet du partage
16 de celle-ci. Cela est vrai. Je ne pense pas qu'il y ait eu un accord formel
17 de passer.
18 Quant à la Bosnie, je dois vous dire plusieurs choses, plusieurs positions
19 qui ont été exprimées par les deux présidents, donc au sujet de la Bosnie.
20 Le président Tudjman, en tant qu'historien, disait que la Bosnie était
21 historiquement absurde, qu'elle était le résultat des conquêtes turques du
22 15e siècle. Et il disait aussi qu'il serait bon, pour ce qui est de ce
23 croissant, de l'élargir un petit peu au sud, de le renforcer, et il faisait
24 part aussi d'autres réflexions qui étaient les siennes au sujet de la
25 Bosnie.
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1 Quant à l'accusé, lui, il m'a dit, à l'occasion de l'une de nos réunions,
2 qu'il pouvait s'exprimer de manière tout à fait franche, à savoir que la
3 Republika Srpska lui permettait de résoudre 90 % de la question nationale
4 serbe, tout comme le président Tudjman résolvait la question nationale
5 croate au moyen de l'Herceg-Bosnie. Et il me semble que je me suis exprimé
6 de manière assez précise là, en relatant ce qu'a dit l'accusé.
7 Et puis à une autre occasion, en 1995, me semble t-il, je lui ai demandé :
8 "Monsieur le Président, pourquoi ne reconnaissez-vous pas la Bosnie ?" A
9 cela il m'a répondu : "De quelle Bosnie parlez-vous, à qui est cette
10 Bosnie, qu'est-ce cette Bosnie ?" Donc par là, il niait totalement
11 l'existence et la possibilité de l'existence de la Bosnie.
12 Et permettez-moi d'ajouter un point. A la différence de ce qu'a
13 déclaré donc l'accusé, les autorités croates ont été les premières à
14 reconnaître la Bosnie-Herzégovine, ont été les premières à envoyer leur
15 représentant officiel là-bas, ont soutenu le référendum sur l'indépendance.
16 La Croatie a signé la déclaration de Split, et cetera, et cetera.
17 Q. Merci.
18 R. Cependant, je dois néanmoins dire, si vous m'y autoriser, si les Juges
19 m'y autorisent, je souhaite dire enfin que, dans ses réflexions et même
20 dans ses déclarations, le président Tudjman, comme je viens de l'évoquer,
21 donc envisageait le partage de la Bosnie.
22 Q. Dans votre déclaration, vous parlez de la réunion qui s'est tenue le 27
23 août 1991 à Brioni. Ceci ne concerne pas l'accusé donc nous ne l'aborderons
24 pas de manière verbale.
25 Au paragraphe 19, vous parlez de la réunion du 8 janvier 1992, à la
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1 présidence de la République de Croatie et, encore une fois, ceci ne
2 concerne pas l'accusé donc nous ne l'aborderons pas de manière verbale.
3 Et nous passons, par la suite, à la réunion qui s'est tenue les 9 et 10
4 novembre 1993.
5 M. NICE : [interprétation] Encore une fois, j'aurais dû ajouter, pour ce
6 qui est de l'intercalaire 3, vous pouvez retrouver les références de page -
7 - la pagination pour ce qui s'est produit le 8 janvier, lors de cette
8 réunion là. Donc ceci vous permettra d'avancer dans cette pièce à
9 conviction si vous souhaitez retrouver cela.
10 Q. Donc passons à la réunion qui s'est tenue les 9 et 10 novembre 1993 et
11 qui s'est tenue sur instruction donnée par le président Tudjman afin de
12 voir si l'accusé a modifié sa position sur quelque point que ce soit, et
13 pour entendre ce qu'il avait à dire, pour savoir quelle était son attitude
14 au sujet de la réintégration des parties de la Croatie occupées par la RSK.
15 Et entre ce moment-là et la fin de l'année 1995, vous avez rencontré
16 l'accusé 13 fois, me semble t-il. Vous étiez un envoyé spécial ?
17 R. C'est exact.
18 Q. La première réunion s'est tenue le 12 novembre 1993. Alors, très
19 brièvement, pourrions-nous l'aborder. L'accusé, que vous a-t-il dit au
20 sujet des forces d'Izetbegovic ?
21 R. Il a dit que les Musulmans étaient en train d'accumuler des forces, de
22 les regrouper en Bosnie centrale, et qu'ils le faisaient aussi afin
23 d'avancer vers la mer, vers Neum. Et même s'il parlait de leur possibilité
24 militaire toujours avec une certaine condescendance. Je ne sais pas si je
25 vous ai répondu.
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1 Q. Il me semble que c'est tout à fait suffisant pour le moment, pour
2 identifier cette réunion qui n'est pas d'importance décisive dans la
3 déposition que vous faite. Mais un autre point : Pendant cette réunion, lui
4 avez-vous posé la question au sujet de Knin et au sujet de la Baranja ? Et
5 vous a-t-il répondu en disant que, pour ce qui le concernait, au sujet de
6 la mise sur pied la Republika Srpska en Bosnie ?
7 R. Il y a deux questions là dedans. De ce qu'on a appelé la RSK, là,
8 l'accusé a dit que Knin était de toutes les manières une ville croate et
9 qu'il n'avait aucune prétention territoriale, pour ce qui est de cette
10 ville-là. A cela, je lui ai dit : "Monsieur Milosevic, fort bien. C'est
11 cela pour ce qui concerne Knin, mais qu'en t-il de la Baranja ?" Et de
12 manière générale, je me référais là à toute la Slavonie orientale, et pas
13 seulement à la Baranja. Et là, un peu en plaisantant, je lui ai dit :
14 "J'aimerais savoir ce que vous avez en tête pour ce qui est de la Slavonie
15 orientale." Et à cela, il m'a répondu : "Si vous pouviez le voir, ce serait
16 une surprise agréable pour vous." Et on en est resté là. Donc c'était
17 légèrement énigmatique. Mais à l'époque, c'était à peu près cela la
18 position de l'accusé.
19 Q. A-t-il dit quoi que ce soit au sujet de la solution de ses problèmes
20 par l'une ou l'autre des entités dont nous avons parlé ? Donc des problèmes
21 serbes, solution des problèmes serbes ?
22 R. Comme je l'ai déjà dit, il m'a dit, et cela, c'était vers la fin de
23 cette réunion, que, pour ce qui est de la Republika Srpska, elle lui
24 permettait de résoudre ou elle lui a permis de résoudre au 90 % de la
25 question nationale serbe, tout comme Tudjman a résolu la question nationale
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1 croate à l'aide de l'Herceg-Bosnie. Et c'est ce qu'il m'a dit.
2 Q. Merci.
3 R. Puis ensuite, vers la fin de cette même réunion, on s'est entretenu, et
4 c'était de manière un peu plus informelle. Je lui ai posé une question au
5 sujet d'Arkan, au sujet d'Arkan et de ses unités. Et là, en riant, l'accusé
6 a répondu : "Et bien, il me faut bien quelqu'un qui s'acquittera pour moi
7 d'une partie du travail." Donc il est certain que, sans soutien de ce genre
8 d'armée, on disait qu'elle comptait 5 000 hommes, ils ne pouvaient ni
9 s'approvisionner, ni recevoir des armes ni sa solde sans que l'accusé lui
10 fournisse son soutien, puisque l'accusé, à l'époque, était omni puissant en
11 Serbie.
12 Q. Vous dites qu'il a répondu en riant, mais vous l'avez pris au sérieux.
13 Pourriez-vous nous le préciser ?
14 R. Et bien, moi-même, et nous tous, qui étions au courant de cela, et
15 bien, nous l'avons perçu tout d'abord comme une manière de l'accusé d'agir
16 en homme politique habile. Et que, donc, un tel homme politique avait
17 besoin de ce genre d'homme. Et puis, d'autre part, nous savions que Arkan
18 et son armée avaient fait beaucoup de mal. Et avant que je ne pose cette
19 question, ou plutôt est-ce précisément à cause de cela que j'ai posé la
20 question. Nous savions que l'accusé fournissait son soutien à Arkan. Et
21 comme on dit à chaque fois qu'on plaisante, il y a une partie du vrai là-
22 dedans, donc je l'ai perçu aussi comme une réalité.
23 Q. Passons au paragraphe 28 à présent. Pendant les premières réunions que
24 vous avez eues avec l'accusé, la question du fondamentalisme a-t-elle été
25 soulevée ? Vous avez déjà évoqué cela en parlant de ce bout de papier que
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1 le feu président Tudjman avait, mais dites-nous si cette question a été
2 soulevée pendant ces premières réunions ?
3 R. Et bien, je dirais que c'était effectivement un élément sous-jacent et
4 constamment présent chez l'accusé. Il m'a dit à une occasion qu'il y avait
5 2 500 Moudjahiddines qui étaient venus de divers pays musulmans afin
6 d'aider leurs frères en Bosnie-Herzégovine. Et ce qu'il m'a dit aussi c'est
7 que ces musulmans étaient donc un grand mal à part que c'était dû à leur
8 explosion démographique et que tout ceci allait nous coûter cher si nous ne
9 faisions pas preuve de prudence. Ainsi donc comme je le disais, ce
10 fondamentalisme, et puis je reviens encore une fois à cette notion de
11 transversale verte, donc bien cela nous illustre de manière tout à fait
12 éloquente ces propos.
13 Q. Le 18 janvier 1994, étiez-vous à Genève avec le président Tudjman
14 lorsqu'il y a eu une réunion avec l'accusé. L'accusé a abordé cette
15 question de démographie en des termes tout à fait précis. Et aussi il a
16 parlé des médias et du rôle joué par les médias ?
17 R. Oui, j'étais présent lors de cette réunion et de manière approximative
18 je peux essayer de me rappeler ces propos. L'accusé a dit "les Musulmans
19 sont un grand mal à cause de leur taux de natalité très élevé." Et aussi en
20 outre, ils ont gagné la guerre médiatique.
21 Q. Et enfin les deux dernières ou trois lignes du paragraphe 30, le témoin
22 en a déjà parlé. Le paragraphe 31 ne sera pas abordé in vivo [phon].
23 Le paragraphe 32. Avez-vous parlé à l'accusé après le premier tour des
24 élections où Babic a remporté une victoire mais qu'il n'était pas très
25 confortable ?
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1 R. Oui, j'en ai parlé et je l'ai même taquiné un petit peu. J'ai taquiné
2 l'accusé car il a accordé son soutien à Martic. Et à l'époque il disait que
3 Martic était l'homme le plus capable, puis pendant ce premier tour c'est
4 Babic qui l'a emporté -- et revenons un petit peu en amont avant les
5 élections. J'ai dit à l'accusé : "Je ne suis pas sûr que Martic l'emportera
6 puisque Babic est soutenu par l'église orthodoxe." A cela il m'a répondu :
7 "Mais moi, je ne suis pas soutenu par l'église orthodoxe, cela ne m'empêche
8 pas d'être ce que je suis." Cela est un premier point.
9 Et puis après le premier tour des élections lorsque Babic l'a emporté,
10 comme je le disais, j'ai dit un petit peu en plaisantant : "Voyez-vous vos
11 pronostics ne se sont pas tout à fait réalisés." Et à cela il m'a dit :
12 "Oui, à il y a eu des irrégularités. J'entends dire qu'il y a eu des
13 irrégularités," et ensuite les élections ont été annulées et Martic a été
14 élu président de ce qu'on a appelé la RSK.
15 Q. Est-ce que ceci vous a permis de savoir quelque chose au sujet du
16 pouvoir qu'avait l'accusé dans cette région ?
17 R. Et bien cela m'a montré ce que je savais déjà. Comme vous le savez,
18 comme vous l'avez déjà dit, j'ai été impliqué dans toutes ces négociations.
19 Je connaissais ces gens-là et je savais que sans l'accusé rien ne pouvait
20 se faire en son absence. Et ceci n'était qu'une preuve supplémentaire, si
21 preuve il fallait à l'appui de ce que nous savions tous d'ores et déjà.
22 Q. Et vous avez dit que l'attitude de l'accusé à l'égard de Martic était
23 légèrement différente. Il l'a décrit de manière plutôt négative, me semble-
24 t-il ?
25 R. Oui, c'est tout à fait exact. L'accusé modifiait sa position pour ce
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1 qui est de son approche à différentes personnes. Comme Martic n'était pas
2 sur la droite ligne de la politique menée par l'accusé, alors l'accusé a
3 dit : "Ce n'est qu'un idiot. Il faut l'arrêter. Il fait des bêtises," et
4 cetera. C'était à l'époque où il a donné l'instruction de bombarder Zagreb,
5 ce qui a, sans aucun doute, compromis toute la politique serbe car la
6 communauté internationale a analysé cet événement replacé dans son
7 contexte.
8 Q. Par écrit, vous abordez la question de la réunion que vous avez eue
9 avec le premier ministre, Mile Akmadzic, avec Karadzic et Krajisnik, le 3
10 décembre 1993. Puis le 9, la réunion avec l'accusé, David Owen et Thorvald
11 Stoltenberg. A cette occasion, vous avez négocié l'autorisation d'avoir un
12 accès à la mer pour les Musulmans de Bosnie et les Serbes de Bosnie.
13 Pouvez-vous nous en parler ?
14 R. Oui. C'était un souhait d'arriver à une solution pacifique et
15 d'autoriser un accès à la mer, à la fois à la Republika Srpska et aux
16 Musulmans. Je ne souhaite peut-être pas rentrer dans tous les détails des
17 questions de géographie, et cetera, mais c'est à l'extrémité sud de la côte
18 croate depuis Molunat jusqu'à la pointe Ostro. Les uns comme les autres ou,
19 plutôt, la Republika Srpska souhaitait voir s'accorder une issue à la mer
20 à cet endroit, une sortie à la mer et les Musulmans voulaient avoir l'accès
21 à la mer à côté de Neum. Mais, lors des entretiens qui ont eu lieus avec
22 les dirigeants serbes, il a été dit qu'on pouvait proposer aux uns comme
23 aux autres une portion, une partie. Mais ceci n'était que purement
24 théorique car sans l'approbation des parlements, pas un kilomètre de la
25 côte ne pouvait être cédé. Mais le président Tudjman a insisté là-dessus et
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1 il a dit : "Nous serons favorables à cela. Je tenterai aussi de faire
2 accepter cela par le Parlement si cela faisait partie d'un accord global,
3 d'une solution globale de tous les différends entre la Serbie, et puisqu'on
4 parle de la Serbie, cela concerne aussi la République serbe et la
5 République serbe de la Krajina, la RSK, donc que l'on aboutisse à une
6 solution globale."
7 Q. Mais le point où l'un des points intéressants et de savoir si Milosevic
8 a négocié avec vous au nom de la Republika Srpska ?
9 R. Oui, tout à fait. Il a joué un rôle très actif là-dedans. C'est lui qui
10 a négocié, voire même, je pense qu'il était habilité si on peut le dire, il
11 était habilité à négocier au nom de la Republika Srpska, car il m'a dit un
12 exemple, il m'a dit : "Pourquoi coupe-t-on les cheveux en quatre ? Vous
13 avez des milliers de kilomètres de la côte. Là, 20 kilomètres vous pose
14 problème." Il me semble qu'il a dit au nom et pour le compte de la
15 Republika Srpska.
16 Q. Au paragraphe 36 de votre déclaration, vous dites que tous les autres
17 dirigeants serbes s'adressaient à Milosevic de manière formelle, mis à part
18 Miomir Minic qui était votre ami. Et pour ce qui est de question de
19 rapports personnels, vous passez à l'année 1995, le moment où le premier
20 ministre de la RSK, Borislav Mikelic, s'est rendu en visite à l'accusé à
21 Belgrade. Vous avez été surpris, étonné par quelque chose que vous avez vu.
22 R. Oui. Je ne sais pas si M. Minic s'appelle Miomir, mais enfin, peu
23 importe. Ce n'est pas de première importance.
24 Un jour, je me suis trouvé dans le bureau de l'accusé. Le téléphone a
25 sonné. J'ai compris de la conversation dont le sujet était de savoir ce que
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1 la télévision devait faire ou devait diffuser, et j'ai vu qu'il le
2 tutoyait, mais avec tous les autres. On peut le voir aussi dans les
3 conversations par téléphone, qui ont été enregistrées. Cela ressort aussi
4 de ce que j'ai vu. Il y avait --
5 Q. Je vous prie de parler de Mikelic, puisque nous avons reçu beaucoup
6 d'éléments de preuve au sujet de l'accusé, et de la manière dont on
7 s'adressait à lui. Borislav Mikelic, s'il vous plaît, en 1995.
8 R. Oui. Borislav Mikelic, on a évoqué le problème de l'ouverture de
9 l'autoroute, des problèmes que l'on connaissait. On a dit : "Ceci ne peut
10 pas se résoudre de cette manière-là." Après, l'accusé a dit à sa secrétaire
11 : "Appelez-moi Boro Mikelic." J'ai été plutôt étonné car en dix ou 15
12 minutes, en l'espace de dix ou 15 minutes, il est arrivé de quelque part
13 d'un endroit à Belgrade. Quand il m'a vu là, il m'a dit : "Que faites-vous
14 ici ?" A cela, l'accusé lui a répondu : "Installe-toi ici, écoute, et ne
15 pose pas de questions." Cela a été dit sur un tel ton, de telle manière,
16 que j'ai pu voir ce rapport qui était un rapport du chef envers pour ne pas
17 dire ses "servants," mais des personnes qui lui obéissaient, qui étaient à
18 son service.
19 Q. Le 12 février 1994, à un autre moment, Zeljko Simic qui était le
20 ministre adjoint des Affaires étrangères yougoslaves, a négocié avec les
21 Croates et avec vous ?
22 R. Il me semble qu'il était ministre des Affaires étrangères, et non
23 l'adjoint au ministre. Je vous prie de vérifier cela. Il est venu. Il était
24 invité officiellement de la part du ministre des Affaires étrangères
25 croate, Mate Granic. Moi aussi, j'ai participé à ces négociations.
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1 Par la suite, on a quitté les locaux du ministère des Affaires étrangères
2 dans le bâtiment du siège de la présidence. Il m'a pris par la main, et il
3 m'a dit : "Je pense que c'est dans votre intérêt que je sois un ministre
4 des Affaires étrangères, parce que si vous négociez avec d'autres, vous
5 verrez qu'autour de Milosevic, il n'y a que des Chetniks. Vous ne pourrez
6 arriver à rien avec eux." Il m'a demandé personnellement de m'adresser à
7 l'accusé. Il m'a dit : "Il vous respecte. Il a de l'estime pour vous. Ce
8 serait bien que lui disiez qu'il fasse en sorte que je reste à cette
9 fonction."
10 Q. Passons maintenant à la réunion suivante, le 13 janvier 1995, à
11 Belgrade. Pour résumer le paragraphe 39, il me semble qu'il vous a dit
12 quelque chose très brièvement au sujet de ce que Martic et Babic faisaient
13 au début du conflit ?
14 R. Oui. Je pense que c'est à deux ou trois reprises qu'il m'a dit :
15 "Faites attention, Babic et Martic ont commis des atrocités et ils n'ont
16 rien à perdre. Ils n'ont plus rien à perdre." Il n'était pas plus précis
17 que cela. Il n'a pas dit de quelles "atrocités" il s'agissait. L'accusé ne
18 l'a pas dit. Il y avait là aussi quelque chose qui était tout à fait
19 caractéristique de l'accusé. Il changeait les hommes de leur position. Il
20 disait qu'ils avaient fait des atrocités. Il n'a pas précisé lesquelles.
21 Q. Pour ce qui est de relever les gens et les faire remplacer, est-ce
22 qu'il a dit quelque chose lors de cette réunion au sujet de Vladislav
23 Jovanovic, le ministre des Affaires étrangères ?
24 R. Oui. J'ai vu lors de cette réunion que nous ne pouvions pas arriver à
25 quoi que ce soit avec Jovanovic, que sa position était très négative dans
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1 chaque négociation. Et l'accusé m'a dit : "Je vous dirai quelque chose,
2 mais je ne voudrais pas que cela soit connu de l'opinion, que ce soit connu
3 publiquement." Il m'a dit : "Je vais remplacer Jovanovic."
4 Q. A-t-il ajouté quoi que ce soit au sujet de la manière dont il allait le
5 faire ?
6 R. Oui. Plutôt, je pense que la raison que j'avais évoquée, à savoir que
7 nous ne pouvions pas négocier avec lui, n'était que l'une des raisons.
8 J'ignore ces autres raisons.
9 Q. Vous avez également évoqué un long monologue qu'il aurait prononcé au
10 sujet de la Bosnie. Dans ce monologue, aurait-il parlé de la solution pour
11 Sarajevo ?
12 R. Oui. Il m'a parlé de la Bosnie. Comme je l'ai déjà dit, cela revenait
13 toujours dans ses positions au sujet de la Bosnie.
14 Il m'a dit : "Sarajevo n'est pas une ville serbe." C'est dans ce sens -- en
15 fait, c'était dans le contexte de la question qui était de savoir, est-ce
16 que ce qu'on propose aux Musulmans, aux Serbes, est-ce bien acceptable d'un
17 point de vue qualitatif ou quantitatif. Il a dit : "On leur cède, laisse
18 Sarajevo. Et qui plus est, les Serbes n'ont pas droit à plus de 50 % de la
19 Bosnie-Herzégovine."
20 Q. A-t-il établi un lien entre le fait de céder Sarajevo et un échange
21 d'autres portions du territoire ?
22 R. Absolument. Il a été question également des enclaves à l'est. A ce
23 propos, je dirais que l'accusé n'avait pas été sur la même ligne de
24 réflexion qui avait été celle de Karadzic, donc mis Karadzic en premier
25 lieu. Parce qu'il a dit : "Tu sais, ces enclaves à l'est, nous pouvons les
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1 leur abandonner. De toute façon, avec le temps, cela fera partie de la
2 Republika Srpska, et par votre conséquence, à la Serbie." Ce qui fait qu'il
3 n'avait pas voulu avoir à prendre cela comme une forme d'obligation pour
4 compenser la chose. Il a dit : "Laissez-leur cela. De toute façon, à
5 l'avenir, il en adviendra un sort tout à fait autre."
6 Q. Pour finir avec Abdic et la Bosnie occidentale, vous a-t-il dit quoi
7 que ce soit à son sujet et au sujet des relations qu'il avait avec lui ?
8 R. Pour ce qui est d'Abdic, il disait que le mieux serait pour ce qui est
9 ce cette SAO ou cette région autonome, province autonome appelez-la comme
10 vous voulez, que vous la preniez en Croatie, que cela fasse partie d'une
11 confédération, qu'il y ait un rapport confédéral à l'égard de la Croatie."
12 Sur ce, je lui ai dit : "Vous devez savoir que cela est tout à fait exclu,
13 parce que dans ce cas-là, il pourrait demander que la RSK soit également en
14 relation de confédération avec la Croatie, ou en rapport confédéral." Il a
15 rétorqué qu'il avait de bonne relation avec Abdic, qu'Abdic venait le voir
16 de temps en temps, et qu'Abdic se trouvait dans une situation très
17 difficile. Je crois me souvenir qu'il venait de donner l'ordre de lui faire
18 fournir 12 000 couvertures. Il m'a dit : "Aidez-le aussi un peu."
19 Q. Plus tard ce même jour, avez-vous été rejoint par Borislav Mikelic ?
20 Avez-vous commencé à vous entretenir au sujet de Karadzic ?
21 R. Oui, nous nous sommes entretenus en effet. Je ne saurais véritablement
22 caser cela dans le temps. Je me souviens toutefois, du fait que l'accusé
23 avait constamment joué entre Karadzic et Mladic. Borislav Mikelic lui, m'a
24 dit : "Mladic est à 200 % un homme à Milosevic. Je l'ai amené en voiture
25 avec moi pour aller chez lui, et ainsi de suite." Je crois que cela s'est
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1 passé vers le mois de janvier 1995.
2 Pour ce qui est de Karadzic, il a dit : "Karadzic est un homme perdu, un
3 paumé. Il ne le sait pas encore lui-même. Je vais essayer de le renverser.
4 Je vais le faire en passant par le biais de gens à Banja Luka, qui sont des
5 gens raisonnables." Il m'a même dit que la journée d'après demain, il
6 recevrait des gens de Banja Luka. Cela permettrait à une vingtaine
7 personnes -- cela permettrait d'avoir la majorité à Banja Luka pour
8 renverser la majorité au parlement et Karadzic. "
9 Q. Peut-être allons-nous passer tout à l'heure au paragraphe 43. Penchons-
10 nous d'abord sur le paragraphe 44. Est-ce que l'accusé aurait dit quelque
11 chose au sujet du statut ou de l'avenir politique de Karadzic ? Vous a-t-il
12 donné quelques conseils au sujet de la qualité des contacts que vous
13 devriez avoir avec lui ?
14 R. Oui. Pour ce qui est de l'évaluation afférente à son avenir, à son
15 sort, cette évaluation a été des plus négative. Il a dit que c'était un
16 homme politique perdu, je le répète, qu'il ne le savait pas lui-même, à ce
17 moment-là. En ce qui le concernait à l'époque, il avait adopté une
18 politique anti-Karadzic, tout à fait anti-Karadzic. Je ne sais pas ce que
19 je pourrais dire de plus à ce sujet, si ce n'est que l'accusé avait compris
20 que dans la situation qui prévalait dans la Republika Srpska, il fallait
21 jouer sur la carte de l'armée, armée où l'autorité la plus absolue avait
22 été Mladic.
23 Q. Très bien. Passons au paragraphe 43. Je crois que vous aviez demandé
24 quelque chose à l'accusé au sujet des Croates disparus et de l'aide qu'il
25 était censé vous apporter pour les retrouver. En a-t-il découlé quoi que ce
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1 soit ?
2 R. Oui, il y a eu deux choses. J'ai parlé à plusieurs reprises de la
3 situation du statut des Croates en Serbie. Je lui ai demandé de faire
4 quelque chose. Il a été surpris. L'accusé a été surpris. Il a dit : "la
5 ministre dans ce domaine d'activité est une Hongroise. Elle doit avoir le
6 doigté qu'il faut." Il a dit : "En Croatie, il y a Tonkovic." Il a dit :
7 "Faites en sorte que demain il vienne me voir, et nous allons arranger cela
8 aussitôt." J'ai dit : "Madame, il y pas mal de personnes disparues. Les
9 familles ont droit de savoir quelque chose à leur sujet. Faites quelque
10 chose pour que l'on apprenne quel a été le sort." Cela a été promis. Jamais
11 nous n'avons vu les résultats qui auraient découlé des promesses ainsi
12 faites.
13 Q. Au paragraphe 45, vous donnez un exemple d'intervention faite par
14 l'accusé, lorsque des camions se dirigeant vers la République de la Krajina
15 serbe ont été arrêtés. L'accusé vous avait passé un coup de fil pour
16 demander quoi ?
17 R. En effet. Quelques heures avant cela j'étais à Belgrade. Je rentrais à
18 l'aéroport Pleso de Zagreb. Des gens de la FORPRONU m'ont dit de rappeler
19 tout de suite un numéro de téléphone pour contacter Monsieur Milosevic, un
20 numéro à Belgrade. Je me souviens du numéro 184-162 à Belgrade. J'ai
21 téléphoné. J'ai eu la secrétaire, ensuite l'accusé. L'accusé m'a alors dit
22 : "Hrvoje, il y a trois camions qui sont arrêtés à la frontière. Laissez-
23 les passer. Ce sont des camions avec des graines." Je lui ai dit que
24 j'allais vérifier. S'il en était ainsi, qu'on allait les laisser passer.
25 Nous l'avons fait.Je dois vous dire que j'ai été très surpris de voir le
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1 président de la République intervenir pour trois camions. On voit partant
2 de là quelle avait été l'implication de l'accusé, tant au niveau de la RSK
3 que de la RS bien entendu.
4 Q. Nous allons passer au mois de mai 1995. Dans votre déclaration
5 préalable, vous expliquez de quelle façon M. Tudjman vous avait fait
6 entendre les enregistrements de conversations interceptées entre l'accusé
7 et Perisic. Deux jours après, le 3 mai au matin, avez-vous été contacté par
8 le bureau de l'accusé ? Vous avait-il donné l'impression d'être
9 bouleversé ? Que vous a-t-il dit ?
10 R. Oui. Cela s'est passé juste après l'opération éclaire. Nous étions à
11 table. Les services du protocole m'ont dit que le président Milosevic était
12 sur la ligne, à l'autre bout du fil. Je suis passé au téléphone. Il était
13 bouleversé. Il était en colère. Il m'a dit : "Qu'est-ce que vous faites ?
14 Pourquoi avons-nous passé autant d'heures à nous entretenir ?" Je lui ai
15 répondu : "Président, vous voyez bien quelle est la situation avec les
16 Serbes de la Krajina sur lesquels vous exercez de l'influence. Comment vous
17 voyez que n'arrivons à rien faire avec eux." Il y avait cette situation et
18 la volonté de la Croatie de résoudre militairement le problème. Je lui ai
19 dit: "Révoquez Martic et Celeketic." Celeketic était l'homme numéro 1 dans
20 l'armée de la RSK. Je lui ai dit : "Révoquez-les et vous verrez que la
21 situation s'améliorera immédiatement." Il m'a dit : "Sur ce, comment
22 pouvez-vous me dire, je ne peux pas les révoquer. Ce n'est pas moi qui les
23 ai postés là ils se trouvent." Il m'a raccroché au nez.
24 Q. Passons au mois d'août et de septembre 1995, je me réfère notamment au
25 paragraphe 49, ou plutôt le paragraphe 50.
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1 Avez-vous rencontré l'accusé à Belgrade le 20 septembre 1995 ? Vous êtes-
2 vous entretenu là-bas sur l'organisation, la mise en place d'un état
3 bosniaque ?
4 R. Oui.
5 Q. Et quelles avaient été les positions adoptées par l'accusé, à ce
6 moment-là ?
7 R. A cette réunion, il a été question de l'application des décisions du
8 groupe de contact, et de la libération d'un parti, ou plutôt, de 70 % ou 72
9 % du territoire de la Bosnie dont il avait été question auparavant au sein
10 du groupe de contact. Excusez-moi, pouvez-vous me répéter la date ?
11 Q. Excusez-moi de vous interrompre parce qu'il se peut que je pense à une
12 autre réunion ou que vous pensiez à une autre réunion. C'est une réunion
13 qui s'est tenue en fait avant Dayton, où on a discuté de ce qu'on pouvait
14 faire ou du problème que se posait sans la communauté internationale. Est-
15 ce que ceci rafraîchit votre mémoire ?
16 R. Absolument. Je me suis trompé de date et je m'en excuse. En effet à
17 l'occasion de cette réunion-là, l'accusé m'a dit : "Ecoutez, cela a suffi,
18 Hrvoje. Il faut que nous prenions chacun sa partie de la Bosnie et ceci
19 sans la communauté internationale, sans les Etats-Unis, et la communauté
20 internationale, ils sont en train de bercer ce bâtard mais ils ne savent
21 pas ce qu'ils font et ne connaissent rien à nos problèmes." Alors soyez
22 présent à la conférence mais il n'a pas dit Dayton, mais c'était Dayton.
23 Donc : "Gardez la même ligne que nous. Nous sommes absolument contre
24 l'existence d'une Bosnie unitaire mais que l'on en fasse une Bosnie de deux
25 entités et de trois nations où toutes les décisions seraient prises par
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1 consensus." Voilà je crois vous avoir interprété la teneur de ce qui a
2 constitué nos échanges.
3 Q. Est-ce qu'on a fit référence à ce qu'il décrit comme étant le toit de
4 la Bosnie-Herzégovine et, si ces le cas, qu'entendait-il par là ?
5 R. Et bien, il entendait par là, le toit devait être des plus minces, des
6 plus légers, ce qui signifie que les institutions qui étaient censées
7 constituer une superstructure de cette autorité soient les plus faibles,
8 les plus ténues possibles, cela signifierait que les entités disposeraient
9 des attributions les plus grandes possibles et qu'ils ne dépendraient pas
10 des autorités au niveau central.
11 Q. Une dernière chose, pour ce qui est des réunions reprises dans cette
12 déclaration, 10 mars 1998, Kosovo. Est-ce que c'est ce jour-là que vous
13 avez rencontré l'accusé pour la dernière fois. Vous a-t-il dit si oui ou
14 pas il allait établir un parlement provincial et quelle était son
15 attitude ?
16 R. Tout d'abord, je dirais que cela a été ma dernière entrevue avec
17 l'accusé. Cela se passait au moment où il était président de la Yougoslavie
18 et moi j'y suis allé en qualité de président de notre compagnie ou, plutôt,
19 du bureau d'administration de notre entreprise de production de pétrole
20 INA. Et par le biais de notre ambassadeur de cette entreprise, Zeljko
21 Knezevic, on avait exprimé le souhait d'une rencontre. Et il a été question
22 entre autres du Kosovo. Cela a été constitué et a été un sujet inévitable.
23 Il a dit qu'il allait résoudre le problème du Kosovo. Ou, plutôt, je lui ai
24 demandé : "Dites-moi comment voyez-vous la question du Kosovo, parce que
25 les gens de la communauté internationale viennent en Croatie et nous
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1 demandent ce que nous pensons." Alors il m'a rétorqué : "Nous allons
2 organisé un parlement à deux chambres où il n'y aura pas de mise en
3 minorité systématique, lorsque l'on --." Et je lui ai dit : "Président, je
4 veux bien, mais c'est beaucoup moins que le Kosovo où les Albanais
5 n'avaient eu dans la constitution de 1974." Il a
6 répondu : "Oui, mais cela avait été une erreur que nous n'allons plus
7 réitérer quel qu'en soit le prix."
8 Q. Vu les réunions que vous avez eues avec l'accusé, vous parlez
9 s'agissant de cela de "garder deux fers dans le feu." Qu'entendez-vous par
10 là ?
11 R. Cela était en relation d'une part avec la Bosnie et avec la RSK d'autre
12 part. En somme, à un bon nombre de reprises, je crois avoir indiqué que la
13 différence entre l'approche aux problèmes entre Tudjman et Milosevic était
14 la suivante : Le premier voulait d'abord résoudre le problème de la Croatie
15 et l'accusé, lui, voulait d'abord résoudre le problème de la Bosnie et
16 parler ensuite du deuxième problème. Mais étant donné que l'accusé
17 disposait de 30 % de territoire occupé en Croatie et 70 % ou 72 % des
18 territoires de la Bosnie, il se trouvait en position de patron à l'égard de
19 tous ces territoires. Et au sens figuré, au sens métaphorique du terme, je
20 disais qu'il avait de fer dans la braise, à savoir, la RSK et la Croatie,
21 enfin la Bosnie-Herzégovine et la Croatie d'autre part, et cela lui
22 assurait l'accès libre à toutes les négociations.
23 Q. Enfin, paragraphe 54. Du moins pour cette déclaration-ci, vu les
24 réunions avec l'accusé, que pouvez-vous dire de son avis quant à
25 l'influence réelle de protagonistes extérieures du monde qui s'immisçaient
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1 dans ce qui se passait ?
2 R. Je pense, je dirais presque humiliant. Il considérait que la communauté
3 internationale ne comprenait rien à notre histoire et à nos problèmes, et
4 ainsi de suite. Il disait qu'ils se mêlaient de cela mais qu'ils ne
5 savaient pas de quoi ils parlaient. Par exemple, il y avait en guise
6 d'illustration le plan Z-4 qui avait été préparé par Peter Galbraith et
7 Ahrens, il a dit : "Ce sont ces imbéciles Galbraith et Ahrens qui ont
8 élaboré la chose mais ils ne savaient pas du tout ce qu'ils rédigeaient au
9 moment où ils le rédigeaient." Et cette attitude avait été donc des plus
10 critiques à l'égard de ces hommes-là.
11 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, le sujet suivant sera celui
12 des trois réunions supplémentaires. Je peux enfin en parler de façon très
13 brève. Ceci est mentionné dans le résumé. Je ne parle pas pour le moment
14 des documents qui sont à la base de ce résumé.
15 Q. Dites-nous, Monsieur, si vous avez eu des informations à propos de
16 trois autres réunions. Le 13 mars 1995, tout d'abord, réunion au palais
17 présidentiel de feu M. Tudjman, paragraphe 4 du résumé, est-ce que vous
18 avez rappelé à l'accusé qu'il avait dit que les Serbes avaient le droit à
19 plus de 50 % de la Bosnie ? Est-ce que cela voulait dire que la Serbie
20 allait s'agrandir ? Excusez-moi. Ce n'était pas une conversation mais vous
21 faisiez un rapport à
22 M. Tudjman de cette conversation. Je remercie Mme Pack de m'avoir corrigé.
23 Est-ce que vous vous souvenez de cela ?
24 R. Je me souviens dans la mesure où après les réunions que j'ai eues avec
25 l'accusé, j'allais tout de suite au palais présidentiel alors que c'était
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1 encore frais dans ma mémoire la teneur des entretiens et ce que j'avais
2 pris comme notes dans l'avion au retour, mais je n'ai pas très bien compris
3 le point spécifique qui était soulevé par votre question.
4 Q. Vous avez pris des notes dans l'avion. Quelle fut la réaction de
5 l'accusé à la thèse que vous avanciez même avec 50 % de la Bosnie, la
6 Serbie allait s'agrandir. Est-ce qu'il vous a relaté, rapporté ce que Juppe
7 lui avait dit ?
8 R. Juppe, vous voulez dire. Oui, excusez-moi. Je me dois de vous dire que
9 j'avais noté la chose. Dans mes conversations avec l'accusé, je ne pouvais
10 pas écrire, mais je couchais un mot sur le papier, et dans l'avion, je
11 rédigeais, à la va-vite, alors que c'était encore frais dans mon mémoire.
12 Juppe, lui, si mes souvenirs sont bons, avait été très révolté par
13 l'attitude des Serbes au sein de la RS pour ce qui est de l'ouverture de
14 l'aéroport de Sarajevo. C'est la chose dont j'ai bonne souvenance. Il a été
15 très critique. Il a été même acerbe à l'égard de Karadzic, qui refusait
16 obstinément d'ouvrir l'aéroport de Sarajevo.
17 Pour ce qui est du reste, je ne suis pas très certain de mes souvenirs.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous aurez besoin de combien de temps.
19 M. NICE : [interprétation] Plus très longtemps. Puis-je vous expliquer ce
20 qu'il en est. Il y a une partie que nous allons avoir à huis clos partiel.
21 La production de toutes les pièces se fera par l'intermédiaire du 89(F),
22 même si nous avons une question à vous poser pour ce qui est de la
23 situation, pas seulement pour ce qui est d'attribution de cotes
24 provisoires, mais aussi de la production à part entière, de plusieurs
25 conversations interceptées. Vous en trouverez la raison dans l'annexe
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1 relative à ce témoin où il identifie non seulement deux témoins, mais il a
2 aussi vu des conversations interceptées à l'époque.
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons voir combien l'accusé aura de
4 temps à ce propos. Un instant.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Demain, une fois l'interrogatoire
7 principal terminé, vous aurez deux heures et quart, Monsieur Milosevic,
8 pour votre contre-interrogatoire. Nous reviendrons éventuellement sur la
9 durée de celui-ci.
10 Merci, Monsieur le Témoin, d'être venu au Tribunal. Permettez-moi d'ajouter
11 ceci. Vous n'êtes censé, bien sûr, ne parler à qui que ce soit de votre
12 déposition tant qu'elle n'est pas terminée. Personne ne devrait tenter de
13 vous en parler. Si quoi que ce soit se passe, vous nous le direz. Mais
14 veuillez à être de retour à l'audience demain matin, 9 heures 00, pour
15 terminer votre déposition. Je vous remercie grandement.
16 L'audience reprendra demain matin, 9 heures.
17 --- L'audience est levée à 13 heures 51 et reprendra le jeudi 22 janvier
18 2004, à 9 heures 00.
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