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1 Le mardi 14 septembre 2004
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 08.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, vous avez la parole.
6 M. KAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant de citer le
7 premier témoin, M. Roland Keith, je voudrais évoquer une autre question, à
8 la fin de sa déposition. Il faut d'abord entendre le témoin puisqu'il est à
9 notre disposition. Cette question, c'est celle de l'appel interjeté par
10 l'accusé quant au droit qu'il a d'assurer sa propre défense.
11 Vous le savez, Messieurs les Juges, nous avons déposé une requête afin
12 d'obtenir un certificat nous autorisant à interjeter appel. Cela a été fait
13 vendredi dernieR. Je parle de l'autorisation. Après la fin de la
14 déposition du présent témoin, nous allons vous soumettre une question.
15 C'est celle de la suspension de la procédure jusqu'au moment où la Chambre
16 d'appel aura statué.
17 J'ai informé l'Accusation de cette question ce matin avant l'audience.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Kay. Nous allons
19 d'abord entendre ce témoin et nous aborderons cette question plus tard.
20 M. KAY : [interprétation] Je voulais simplement vous aviser de la question,
21 Messieurs les Juges.
22 Je vais demander qu'on fasse entrer dans le prétoire M. Keith.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'espère que le témoin ne vient pas
24 directement du Canada.
25 M. KAY : [interprétation] Il était arrivé. Le voici.
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1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais demander au témoin de
3 prononcer la déclaration solennelle.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
6 LE TÉMOIN : ROLAND KEITH [Assermenté]
7 [Le témoin répond par l'interprète]
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur. Veuillez vous
9 asseoir.
10 Interrogatoire principal par M. Kay :
11 Q. [interprétation] Vous vous appelez bien Roland Keith ?
12 R. Exact.
13 Q. Vous êtes citoyen canadien ?
14 R. Exact.
15 Q. Nous allons parcourir rapidement votre parcours. Vous avez été officier
16 de l'armée canadienne ?
17 R. Oui.
18 Q. Pendant combien de temps ?
19 R. 32 ans.
20 Q. Vous avez terminé votre carrière militaire quand ?
21 R. Ma carrière a été en plusieurs étapes. La première fois, je me suis
22 arrêté en 1982. Je me suis reposé, disons, j'ai repris des études
23 universitaires en histoire. J'ai repris mon service dans l'armée pendant
24 quatre ans, de 1987 à 1991.
25 Q. Quel était votre grade au moment de votre retraite ?
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1 R. Capitaine.
2 Q. Vous êtes devenu membre des forces de vérification ou d'observation au
3 Kosovo en 1989 [comme interprété], n'est-ce
4 pas ?
5 R. Oui.
6 Q. C'est ce qu'on appelle désormais la KVM ?
7 R. Oui.
8 Q. Quand avez-vous été recruté ?
9 R. Le contexte de mon recrutement pour la KVM commence au cours de l'été
10 1998. C'est à ce moment-là qu'on s'est rendu compte que cette force allait
11 être établie. Par la suite, j'ai demandé à en faire partie. Fin de
12 l'automne 1998, mon gouvernement m'a contacté. Apparemment ma demande avait
13 été transmise et peu de temps après le nouvel an 1999, j'ai appris qu'on
14 aimerait que je travaille au sein de la KVM.
15 Q. Est-ce que vous êtes arrivé au cours de la première semaine de février
16 1999 au Kosovo ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous avez subi une formation de quatre jours à peu près, vers le 9
19 février ?
20 R. Exact.
21 Q. Est-ce que vous vous êtes rendu à Pristina le 12 février pour deux
22 jours ?
23 R. Je pense que oui.
24 Q. Pour quoi faire ?
25 R. On devait me confier un poste au centre régional de Pristina, au centre
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1 de coordination régional de la KVM. Cela s'est réalisé au cours de ces
2 quelques jours.
3 Q. Est-ce qu'auparavant vous aviez passé une partie de votre carrière dans
4 les Balkans ?
5 R. Pas du tout. C'était la première fois que je me trouvais dans les
6 Balkans.
7 Q. Au cours de votre carrière, est-ce que vous aviez eu des activités
8 d'observateur dans d'autres pays ?
9 R. Oui. Au milieu des années 1970, j'avais fait deux missions en tant
10 qu'observateur militaire des Nations Unies dans le mont Sinaï, au canal de
11 Suez, dans la région du Sinaï, parce qu'il y avait l'organisation par les
12 Nations Unies d'une zone d'observation, qui comprenait, notamment, le
13 Liban.
14 Q. Au cours de votre carrière, est-ce que vous avez passé tout au début de
15 cette carrière une partie, une certaine période au canal de Suez ?
16 R. En tant que jeune homme, j'étais tout à fait fier d'avoir fait partie
17 de l'armée canadienne, en tant que Star Squadron de reconnaissance sous
18 l'autorité du général Burns. C'était la force d'urgence des Nations Unies
19 numéro 1. Cela a été une expérience des plus intéressantes, qui était
20 vraiment une gageure.
21 Q. Passons au Kosovo. A votre arrivée à La Haye, vous aviez sur vous
22 certains documents. Le premier que j'aimerais soumettre aux Juges nous
23 aidera à mieux nous situer. C'est une carte générale de la région du
24 Kosovo avec pour centre Pristina.
25 M. KAY : [interprétation] Je vais demander qu'on distribue ces cartes et
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1 qu'on place une carte devant le témoin.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, vous avez vu ce qu'on
3 disait -- ce que les interprètes disaient ? Il faudrait que vous ménagiez
4 une pause entre les questions et les réponses. Je le dis à vous ainsi qu'au
5 témoin dans l'intérêt des interprètes.
6 M. KAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'en tiendrai
7 compte.
8 Q. Je vous en ai parlé hier, Monsieur le Témoin, nous devrons veiller à ne
9 pas nous chevaucher. Je suis tout à fait responsable. Je vous ai dit de ne
10 pas faire quelque chose que je fais moi-même.
11 Examinons cette carte. On voit au milieu Pristina. A gauche, on voit Kosovo
12 Polje. Un peu au-dessus de Kosovo Polje, on voit Obilic; à gauche de cela,
13 Glogovac. Etes-vous en mesure de confirmer que votre déposition portera
14 surtout sur cette zone à l'ouest, zone assez vaste qui se trouve à l'ouest
15 de Pristina ?
16 R. Exact.
17 Q. Parlez-nous de votre mission. Parlez-nous de ce que vous avez fait
18 après avoir reçu cette introduction à Pristina. Vous êtes bien allé à
19 Glogovac ?
20 R. Oui.
21 Q. Pouvez-vous dire aux Juges quelles étaient les circonstances se
22 présentant à ce moment-là à Glogovac vers le milieu du mois de février ?
23 Qu'est-ce que vous avez vu à Glogovac ?
24 R. Les premiers souvenirs de mon arrivée à Glogovac vers le milieu du mois
25 de février 1999, sont ceux-ci. Glogovac, c'est une petite ville serbe.
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1 J'allais dire c'est yougoslave, qui compte 6 ou
2 7 000 habitants avec une population surtout albanaise. Si je me souviens
3 bien, à ce moment-là, il n'y avait que des habitants albanais. Tout autour,
4 il y avait plusieurs petits villages. Si je me souviens bien, c'étaient
5 tous des villages albanais.
6 Il y avait un poste de police, un MUP dans la ville, un poste paramilitaire
7 qui se trouvait dans des locaux industriels désaffectés. Il y avait de
8 façon routinière des patrouilles. On relevait le personnel du MUP de façon
9 régulière. Une fois la nuit tombée, il y avait souvent des patrouilles qui
10 allaient à Glogovac ou qui en revenaient pour se rendre sur les lieux où
11 était installé le MUP.
12 Cette région, qui se trouve tout autour, plutôt au nord-est dans les
13 villages environnants, mais aussi au sud, est-ce que vous voyez Komorane,
14 c'est une petite collectivité qui se trouve au croisement, au carrefour de
15 la route de Pristina à Pec. Il y a Lopusnik. Quand on descend la vallée
16 vers le sud, il y a aussi d'autres petits villages habités par des
17 Albanais. Dans tous ces villages, il y avait ce que l'on appelle la garde
18 patriotique. Il y avait l'UCK local, c'est-à-dire, des membres de l'UCK que
19 les autorités qualifiaient de terroristes. Ces éléments étaient présents
20 dans tous ces villages. Ils y maintenaient -- ou ils y tenaient des postes
21 de contrôle établis avec des soldats armés qui contrôlaient l'accès à ces
22 villages et la sortie de ces villages. Il n'y a pas d'harcèlement, il n'y a
23 pas eu d'incursion des forces ou des pouvoirs serbes au yougoslaves dans
24 ces villages, à ce moment-là, si je me souviens bien. Je vous l'ai déjà
25 dit, ces éléments serbes ou yougoslaves sont restés sur la route allant de
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1 Pristina à Glogovac. Ils patrouillaient, ils surveillaient la grande route.
2 Pristina, c'est aussi sur la route de Glogovac. Ils allaient aussi -- ils
3 étaient aussi présents sur la route d'Orahovac, tant qu'on quitte Prizren
4 pour aller vers le nord.
5 Voilà l'impression générale que j'ai eue de la région de Glogovac. Certains
6 incidents s'étaient produits. Le dernier en date était la veille de mon
7 arrivée. Quelqu'un a été tué au sud de Glogovac. Je n'ai pas participé à
8 l'enquête qui a été menée, ni au suivi de l'incident. Mais si je me
9 souviens, cela avait été une attaque de représailles ou de vengeances
10 menées par les éléments locaux.
11 Q. Vous avez passé combien de temps à Glogovac ?
12 R. Je n'ai pas sous les yeux de date précise, Me Kay. Une semaine, je
13 dirais à peu près.
14 Q. Je vois ici sur l'écran affichant le compte rendu d'audience. Vous avez
15 dit que le MUP se trouvait dans un bâtiment paramilitaire. Est-ce que c'est
16 ce que voulez dire ?
17 R. A Glogovac même ?
18 Q. Oui.
19 R. Je crois avoir dit que l'équipe du MUP à Glogovac avait une présence
20 militaire dans d'anciens locaux industriels et leur sécurité avait été
21 renforcée, bien sûr.
22 Q. Merci. Si nous parlons de ce que vous avez vu au cours de cette semaine
23 à Glogovac, est-ce que vous avez constaté qu'il y avait un but d'autorité
24 ou des exactions commises par le MUP ou la VJ, l'armée de Yougoslavie, ou
25 d'autres organes, ou instances ont des liens avec les autorités serbes ?
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1 R. Non. Pendant la semaine que j'ai passée à Glogovac, je vous l'ai déjà
2 dit. Il y avait très peu d'éléments de la VJ. Il y avait des véhicules
3 blindés d'infanterie qui sortaient de Glogovac, qui en revenaient. Peu de
4 véhicules, disons de la taille d'un peloton d'une section. La VJ restait
5 dans sa caserne. Il y avait ces mouvements sur les routes principales. Je
6 vous l'ai déjà dit le MUP effectuait des patrouilles régulières sur les
7 routes. Il y avait des endroits réservés pour ces patrouilles sur la route,
8 et ils tenaient les postes de contrôles, notamment, sur la route principale
9 allant de Pristina à Pec, et dans la zone de responsabilité de Glogovac.
10 Cela faisait une ou deux patrouilles où ils établissaient des postes de
11 contrôle temporaires sur ces routes pour vérifier l'identité de tous les
12 personnels militaires qui passaient par ces routes.
13 J'ai vérifié. J'ai moi-même vu comment ceci s'effectuait. Je n'ai constaté
14 aucun excès ou aucune atteinte à l'intégrité physique de ceux qui passaient
15 par ces postes de contrôle. Cependant, nous avons conversé avec les
16 habitants surtout albanais de la région et nous leur avons demandés s'ils
17 avaient rencontré des difficultés. S'ils avaient du mal à passer par la
18 région, s'ils avaient fait l'objet de harcèlement. Ils ont dit, s'agissant
19 de certains d'entre eux, qu'à leur avis, cela avait été le cas. Ils ont
20 affirmé que certains de leurs documents d'identité leur avaient été
21 confisqués. D'autres ont dit qu'ils avaient fait -- ils n'avaient pas été
22 détenus longtemps, peut-être une nuit. Personnellement, je n'ai vu aucun
23 cas de mauvais traitements, de harcèlements infligés à des habitants qui
24 vaquaient à leurs occupations régulières.
25 Je le répète, je vous ai parlé de cette garde patriotique de l'UCK. Ces
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1 terroristes sont restés dans leurs villages, en ma connaissance, pendant
2 cette période.
3 Q. Vous nous avez dit que l'UCK, l'armée de libération du Kosovo, avait un
4 réseau de la garde patriotique implanté dans les villages environnants.
5 Quelle était la taille de ces effectifs ? Donnez-nous un ordre de
6 grandeur ? D'après vous, quelle est la taille des effectifs de l'UCK, à ce
7 moment-là, dans cette région-là ?
8 R. C'étaient à mon avis des éléments locaux de la région. Il y avait peut-
9 être une demie douzaine de jeunes hommes, parfois plus, mais j'ai eu
10 l'impression que c'étaient des gens du coin. Ce n'étaient pas des gens qui
11 faisaient partie d'un groupe offensive organisé des forces de l'UCK.
12 Q. Est-ce que, par la suite, vous avez installé une antenne à Kosovo
13 Polje ?
14 R. Oui. On m'avait envoyé à Glogovac et j'étais censé prendre la direction
15 de cette antenne de ce bureau local, et cela ne s'est pas passé. Une
16 semaine s'est écoulée après quoi on m'a donné la responsabilité de
17 constituer une antenne sur place. Bien sûr, sous la direction du centre de
18 coordination du centre de Pristina et du centre régional à Kosovo Polje.
19 C'était une nouvelle équipe qui n'existait pas au moment où je suis arrivé
20 au Kosovo.
21 Q. Vous avez apporté quelques notes qui viennent -- des notes que vous
22 avez consignées à l'époque. C'est bien cela ?
23 R. Oui.
24 Q. D'où viennent ces notes ? Quelle est la source ?
25 R. C'est moi qui les ai rédigées. Ce sont des résumés hebdomadaires, si
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1 nous parlions bien de la même chose qui se base sur les rapports
2 quotidiens, que mon équipe et moi, nous avons rédigés. C'est ce que les
3 vérificateurs envoyaient tous les jours au centre de Coordination de
4 Pristina. Ces rapports hebdomadaires, je les ai établis pour faire la
5 synthèse des rapports quotidiens. Je voulais, ce faisant, aussi consigner
6 le travail que personnellement j'avais fait dans ce -- au cours de cette
7 mission de vérification au Kosovo.
8 Q. Je crois qu'il serait, sans doute, utile de poursuivre votre déposition
9 à l'aide de ces notes.
10 M. KAY : [interprétation] Nous allons peut-être demander que la carte que
11 nous avons produite porte la cote suivante de la Défense : la cote D246.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'accord.
13 M. KAY : [interprétation] Je vais demander maintenant qu'on vous fournisse
14 les notes du témoin qui seront soumises aux parties.
15 Q. Dans l'intervalle, Monsieur Keith, à gauche, vous avez une carte très
16 détaillée. Je pense qu'elle vous appartient.
17 R. Oui.
18 Q. C'est une carte de la région dans son ensemble et c'était votre carte
19 opérationnelle à l'époque ?
20 R. Oui.
21 Q. Vous la connaissez bien cette carte. Si vous voulez nous y indiquer
22 quoi que ce soit, n'hésitez pas à le faire. Elle se trouve sur le
23 rétroprojecteur, et cette carte s'affichera sur nos écrans si c'est
24 nécessaire. Nous avons la carte générale d'un côté, et cette carte plus
25 détaillée qui pourra peut-être vous aider dans votre déposition.
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1 Voyons, d'abord, les premières notes. Ce sont celles du 28 février 1999,
2 Résumé hebdomadaire numéro 1. D'après celui-ci, vous avez établi cette
3 antenne à Kosovo Polje, le 22 février 1999; c'est bien cela ?
4 R. C'est bien cela.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de poursuivre, je voudrais
6 m'assurer que le rétroprojecteur fonctionne bien.
7 M. KAY : [interprétation] Nous avons vérifié avant de commencer. Cela
8 marchait. Nous allons voir.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On ne voit rien à l'écran. Je pense
10 que nous pouvons poursuivre en l'absence de la carte.
11 M. KAY : [interprétation] Est-ce que vous voyez quelque chose sur vos
12 écrans, Messieurs les Juges ?
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, mais poursuivez. On a vu une
14 image simplement, qui est partie, mais elle est revenue.
15 M. KAY : [interprétation] Maintenant, l'image est affichée. Merci.
16 Q. Vous parlez de Kosovo Polje. Quelle est la situation qui prévalait le
17 22 février lorsque vous êtes arrivé à Kosovo Polje ? Pourriez-vous nous
18 dire quel genre d'endroit que c'était ?
19 R. Kosovo Polje, c'est un centre très connu dans l'histoire. Je ne sais
20 plus combien il y avait d'habitants dans la ville. Je dirais 15 000 peut-
21 être. C'est une bourgade importante.
22 Nous avons posé des questions aux différents représentants du pouvoir
23 public, et vu les contacts que nous avons eus, j'ai pu comprendre que la
24 composition ethnique de la ville de Kosovo Polje était comme suit : 70 % de
25 Serbes; 20 % Albanais et 10 % d'autres nationalités dont des Turcs, des
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1 Roma, et d'autres minorités ethniques. Voulez-vous que je poursuive pour
2 parler de la zone de responsabilité ?
3 Q. Oui.
4 R. Cette zone de responsabilité, elle m'a été confiée partant de Pristina
5 -- les abords occidentaux à l'ouest de Pristina pour aller vers le sud, y
6 compris l'aéroport de Pristina, site militaire dont l'accès nous était
7 interdit sans escorte de la VJ, armée yougoslave.
8 Nous continuons vers le sud, route principale allant vers le sud, voire
9 vers l'ouest et on remonte pour englober la ville principale d'Obilic, et
10 une mine de charbon importante, celle de Belacevac -- excusez-moi si je ne
11 prononce pas bien les noms. Nous remontons vers le nord jusqu'à la grande
12 route de Mitrovica. Il y a plusieurs petits villages.
13 Q. Nous allons placer correctement la carte détaillée sur le
14 rétroprojecteur.
15 R. Merci. Vous le voyez ici, grâce aux coordonnés que j'ai indiqués, il y
16 a une zone boisée, et des hauteurs, direction axe sud vers nord. Vous voyez
17 le centre minieR. Vous avez la centrale électrique d'Obilic, pour aller
18 vers la grande route de Mitrovica. Nous passons vers Hamidija et, au nord,
19 il y a -- cela se termine par la partie au nord de la route Grabovac-
20 Obilic.
21 Voilà l'étendue de ma zone de responsabilité entre la grande route de
22 Pristina et le nord.
23 Je vais vous décrire cette zone au sud de la route principale Pristina-Pec.
24 Il y a plusieurs villages agricoles. Ils sont nombreux, et je pense qu'ils
25 sont installés depuis très longtemps. Là, vous avez surtout une population
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1 serbe. Je pense qu'il y avait d'autres habitants représentant aussi des
2 minorités ethniques dans ces villages. Cependant, je reviendrai à Grabovac
3 un peu plus tard, mais à Grabovac ou dans la région, je pense que là, il y
4 avait eu une population mixte avant les troubles de l'été 1998. A mon
5 arrivée en février 1999, à mon avis, la population était exclusivement
6 serbe. Il y a un village qui s'appelle Donje Grabovac et il était tout à
7 fait déserté -- vide.
8 Je vous ai parlé d'autres petits villages au nord et aux abords des routes
9 principales. Ces villages avaient subi pas mal de dégâts au cours des
10 incidents de l'été 1998. Au moment où je suis arrivé, je pense qu'il n'y
11 avait pratiquement plus que des Albanais qui vivaient dans ces villages. Il
12 y avait des représentants de la garde patriotique de l'UCK dans ces
13 villages.
14 On nous a autorisés l'accès à tous ces villages, mais uniquement après que
15 nous ayons présenté nos documents nous accréditant. Chaque fois, l'UCK a
16 tenu à écrire tous ces renseignements et à établir une communication avec
17 les supérieurs, que je n'ai pas pu voir, avant de nous donner
18 l'autorisation d'entrer ou de sortiR. Enfin, là, ils n'ont pas fait
19 obstruction.
20 Le MUP, pareil à ce qui se passait dans la zone de Glogovac, le MUP
21 contrôlait toutes les voies d'abord de Kosovo Polje, toutes les routes
22 principales. Il y avait, bien sûr, une poste de police à Kosovo Polje. Il y
23 en avait un autre à Obilic. Je suis allé à ces postes de police, je me suis
24 présenté aux chefs de police et j'ai coopéré avec eux pendant toute la
25 durée de ma mission dans la zone de Kosovo Polje, jusqu'au moment de
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1 l'évacuation de la Mission de vérification Kosovo, de la KVM. Ils ont fait
2 preuve d'hospitalité. Ils ont agi avec beaucoup de compétence et, à tout
3 moment, chaque fois que j'ai formulé une demande, ils ont collaboré. Ils
4 n'ont posé aucun obstacle à l'exécution de mes fonctions.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Kay, je me souviens que le témoin
6 a mentionné un endroit qui s'appelle Grabovac. Ce n'est pas Glogovac,
7 n'est-ce pas ?
8 M. KAY : [interprétation] Exact.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Où se trouve Grabovac ?
10 M. KAY : [interprétation] Entre Pristina et Glogovac, vous avez Donji
11 Grabovac, Grabovac Leba [phon]. Essayez de le retrouver sur la carté
12 détaillée. Je me tourne vers la régie pour demander à ce que l'on nous
13 montre mieux la carte.
14 Maintenant, on ne voit plus rien.
15 M. NICE : [interprétation] Veuillez examiner la pièce 83, si vous l'avez
16 sous la main.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Apparemment Grabovac se trouve près
18 de Pec, là dans la pièce 87.
19 M. KAY : [interprétation] Le témoin est en train d'indiquer à l'aide du
20 pointeur l'endroit où se trouve Grabovac.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà.
22 M. KAY : [interprétation]
23 Q. Donji Grabovac, qui joue un rôle important dans votre témoignage, se
24 trouve au nord-ouest, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, c'est bien exact.
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1 Q. Veuillez maintenir le pointeur sur Grabovac. Nous allons maintenant
2 dézoomer, ce qui va nous permettre de voir où cela se trouve par rapport à
3 Pristina. Je demande l'aide de la cabine technique.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. J'ai, effectivement, trouvé
5 l'endroit sur la pièce 83.
6 M. KAY : [interprétation] Oui.
7 Q. Vous pouvez trouver Obilic à droite --
8 M. NICE : [interprétation] Oui, c'est comme Donji Grabovac qui -- parce
9 que Grabovac ne figure pas sur la carte.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page 6.
11 M. NICE : [interprétation] A part cela, je trouve cette carte très utile.
12 M. KAY : [interprétation]
13 Q. Si on traçait une ligne, une droite entre Glogovac et Grabovac, cela se
14 trouverait au-dessus de Grabovac et Donji Grabovac, n'est-ce pas ? Cela
15 passerait au-dessus de ces deux localités ?
16 R. Oui. Parce que c'est juste au-dessus de la région de Grabovac, dans la
17 direction est-ouest.
18 M. KAY : [interprétation] Merci, cela suffit.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A quelle distance cela se trouve de
20 Pristina ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] L'échelle est de 1 à 50 millième. Chacun de
22 ces carreaux représente un kilomètre. Donji Grabovac se trouve à neuf ou à
23 dix kilomètres de Pristina, et l'autre localité se trouve à 17 kilomètres
24 environ.
25 M. KAY : [interprétation]
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1 Q. Vous avez parlé de l'UCK, enfin vous avez parlé plutôt des gardes
2 patriotiques. Ici, vous êtes là pour nous parler de la région dans son
3 ensemble et de l'UCK. A ce sujet; est-ce que vous pouvez élaborer ?
4 R. Oui. Oui, je peux, effectivement. Est-ce qu'on m'entend ?
5 Q. Oui.
6 R. Merci.
7 M. KAY : [interprétation] Peut-on allumer le deuxième micro, s'il vous
8 plaît, afin que le témoin puisse s'adresser directement à moi, se tourner
9 vers moi quand il parle. Bien.
10 Q. Pouvez-vous nous parler des effectifs totaux. Vous avez parlé des
11 villages, de ces gardes patriotiques, de ces gardes villageois. Est-ce
12 qu'il y avait d'autres effectifs en plus de cela ?
13 R. Oui. Derrière Donji Grabovac, -- je ne sais pas si on voit toujours la
14 carte à l'écran.
15 Q. Pas pour l'instant, mais on va pouvoir la retrouver. Oui, c'est bien.
16 R. Dans la zone qui se situe à l'ouest de Donji Grabovac et Grabovac, on
17 voit une série de collines boisées. C'est le sud-ouest, l'extrémité, sud-
18 ouest de la vallée de la Drenica. En passant dans ces collines boisées à
19 l'ouest de Donji Grabovac, en circulant dans cette zone, nous avons
20 rencontré des hommes de l'UCK, les forces locales de l'UCK. Je les ai
21 rencontrées à plusieurs reprises ainsi que mon adjoint. On les rencontrait
22 pratiquement au quotidien, ces gens. D'après ce que j'ai vu, quand je me
23 suis rendu sur place, quand je me suis entretenu avec eux pour parler de
24 questions relatives à la sécurité, on parlait de cela avec les commandants
25 locaux de l'UCK, je dirais que cela représentait à peu près les effectifs
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1 d'une section, c'est-à-dire, environ 35 hommes armés qui disposaient de
2 fusils, d'assauts, de lance-grenades ainsi que de mitraillettes. Dans
3 toutes les discussions que nous avons eues avec le commandant de l'endroit
4 et ses adjoints, ni lui ni ses adjoints n'ont pu jamais nous informer de ce
5 qu'ils pouvaient ou ne pouvaient pas faire sans auparavant en référer à
6 leur supérieur. Il était rare qu'ils puissent nous donner des réponses.
7 D'autre part, ils étaient dans l'incapacité, ou ils ne désiraient pas nous
8 répondre quand nous les interrogions au sujet de la disparition de certains
9 responsables locaux, représentants du gouvernement qui avaient disparu,
10 étaient kidnappés, tués ou blessés. On peut dire que globalement, ils
11 faisaient preuve d'une attitude amicale. Ils nous accueillaient bien, mais
12 ils ne coopéraient pas de façon suffisante. Ils ne nous aidaient pas dans
13 notre travail de vérification, du respect de l'accord.
14 Q. Nous allons résumer la nature de votre mission. Il s'agissait de
15 procéder à une surveillance du cessez-le-feu qui avait été conclu entre les
16 parties en présence et de rendre compte de tout incident se déroulant sur
17 place. Est-ce que dans le cadre de vos fonctions, vous deviez également
18 assurer la pacification de la zone ?
19 R. Oui. Comme vous l'avez déjà dit, Maître Kay, quand je suis arrivé dans
20 les premières consultations, les rencontres que j'ai eues avec le chef du
21 MUP, les divers chefs de la police locale, ces gens ont affirmé que les
22 zones d'Obilic et les zones de Kosovo Polje connaissaient une zone de
23 conflit qui était celle de Donji Grabovac. Pour que la Chambre comprenne
24 bien ce dont je parle, la zone minière de Bjelovac recouvre la zone
25 d'Obilic, plutôt recouvre une zone qui se trouve entre Kosovo Polje et
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1 Obilic et la centrale électrique. Il s'agit d'un très vaste complexe minier
2 qui produit du charbon utilisé pour alimenter la centrale d'Obilic, qui
3 fournissait en électricité non seulement la plus grande partie du Kosovo,
4 mais également d'autres régions de la Yougoslavie. Il s'agissait de
5 vérifier que l'accord était respecté pour permettre aux mineurs de vaquer à
6 leurs occupations normales et de travailler normalement. Ils se
7 remplaçaient toutes les 24 heures. A cause de l'importance de Donje
8 Grabovac pour les autorités, nous devions nous assurer que les ouvriers
9 pouvaient se déplacer normalement. Le MUP, quant à lui, maintenait, la
10 sécurité pour la sécurité des ouvriers de la mine. Il y avait également une
11 police de la mine. C'était une force paramilitaire qui avait été engagée
12 par les dirigeants de la mine, avec des sous-officiers et des chefs de la
13 police. Il y avait une hiérarchie dans cette police parallèle. J'avais des
14 contacts avec ces gens. C'est cette force qui faisait l'objet d'attaque,
15 celle qui était chargée de la sécurité de la mine, qui se trouvait à côté
16 du village de Grabovac. D'après ce que j'ai vu, il y avait tous les jours
17 des attaques par des tireurs embusqués. Avant mon arrivée, un ingénieur
18 avait été enlevé. A ma connaissance, on ne l'a jamais revu. Il a sans doute
19 été assassiné. En tout cas, il a disparu.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Des attaques qui venaient d'où ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Apparemment de l'UCK.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que c'était le seul signe de
23 présence de l'UCK dans cette région ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, comme je l'ai dit précédemment, l'UCK
25 occupait la totalité des petits villages avec ce que j'ai appelé les gardes
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1 villageoises. Dans la zone boisée qui se trouvait à l'ouest de Donji
2 Grabovac, d'après les estimations que j'ai pu faire en tant que soldat, il
3 me semblait qu'il y avait les effectifs d'environ une compagnie ou une
4 section, donc des hommes de l'UCK dont les effectifs étaient issus de la
5 population locale sans doute. Ils étaient plus nombreux que les gardes
6 villageoises dont j'ai parlé précédemment.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'essaie de me faire une idée de la
8 taille des effectifs de l'UCK dans la zone.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que, d'après ce que j'ai vu quand je
10 me suis rendu sur place, je pense que c'étaient à peu près les effectifs
11 d'une section, c'est-à-dire, à peu près 35 hommes armés plus ou moins, de
12 manière -- avec des armes plus ou moins lourdes. C'est sur la base des
13 visites que j'ai effectuées sur place que je peux vous dire cela.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez également rencontré des
15 hommes qui représentaient à peu près les effectifs d'une section, mais
16 c'était ailleurs ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'essaie de vous dire ce que j'ai vu.
18 Quand on voit une section, il y a forcément une compagnie, et quand on voit
19 une compagnie, il y a forcément un bataillon. Je dis cela parce que les
20 forces armées ne travaillent pas dans le vide; elles bénéficient également
21 d'un appui. Je pense que c'étaient les éléments d'une force plus importante
22 qui se trouvait à l'ouest.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes parti du principe qu'il
24 existait une hiérarchie de ce type au sein de l'UCK, une véritable
25 hiérarchie ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il y avait une filière hiérarchique
2 indéniablement, une filière de commandement avec des gens qui se trouvaient
3 à des échelons supérieur à ceux occupés par les personnes que j'avais
4 rencontrées sur place.
5 M. KAY : [interprétation]
6 Q. Je crois que vous avez également fait référence au fait que les
7 commandants locaux n'étaient pas en mesure de prendre des décisions, si
8 bien qu'ils étaient obligés de consulter d'autres personnes qui étaient
9 ailleurs.
10 R. Oui, c'est vrai. C'est également là un élément qui conforte l'idée qui
11 est la mienne, à savoir que c'était une force qui représentait une force
12 beaucoup plus importante, puisque le commandant local ne pouvait jamais
13 répondre aux questions que je lui faisais, sans auparavant avoir consulté
14 des supérieurs.
15 Q. Là où vous nous avez dit qu'il y avait l'UCK, que l'UCK était présent,
16 est-ce qu'on trouvait également le MUP ou la VJ ? Je parle de l'endroit où
17 se trouvaient les centres régionaux de l'UCK.
18 R. Non. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, la VJ restait dans ses
19 garnisons, dans ses casernes, à l'exception de patrouilles sur les artères
20 principales ou de manœuvres de caractère limité. Le MUP, quant à lui,
21 occupait des postes d'observation qui dominaient certaines des routes
22 principales. Comme je l'ai dit précédemment, au quotidien, ils mettaient en
23 place des points de contrôle sur certaines des routes principales, mais
24 également sur certaines routes secondaires dans la campagne; ceci afin
25 d'assurer la sécurité de leurs personnels et des habitants qui empruntaient
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1 ces routes.
2 Q. Vous avez parlé d'attaques menées par des tireurs embusqués ou des
3 tireurs d'élite, qui avaient un impact sur le fonctionnement de la mine
4 parce que cela touchait les ouvriers de la mine. Pouvez-vous nous dire
5 quelle a été la réaction des autorités locales à ces incidents ?
6 R. Les autorités locales, ici je pense essentiellement à la police de la
7 mine, s'est plainte à tous les jours auprès de moi, du fait qu'il subissait
8 des manœuvres de harcèlement, qu'on leur tirait dessus. On m'a montré des
9 preuves. On m'a montré des impacts de balles sur certains des bâtiments de
10 la mine occupées par les forces de sécurité. C'étaient des impacts
11 nouveaux. Je pouvais attester du fait que ces impacts n'étaient pas là la
12 veille quand j'étais déjà venu sur place. On voyait que c'étaient des tirs
13 qui venaient de l'ouest ou du nord de la zone.
14 Si vous consultez mes rapports quotidiens ou hebdomadaires, vous pourrez
15 constater que je ne pensais pas, et je ne pense pas que ces tirs venaient
16 uniquement d'un côté. Quand je me suis entretenu, bien entendu, avec le
17 chef local de l'UCK, il m'a dit que lui-même subissait des tirs et qu'il se
18 contentait de riposte. Mais quand je m'entretenais de la question avec la
19 police de la mine, on me racontait exactement l'inverse, c'est-à-dire qu'on
20 me disait que les ouvriers de la mine et le personnel de sécurité de la
21 mine, faisaient l'objet de manœuvre de harcèlement, essuyaient des tirs et
22 qu'ils étaient obligés de riposter pour garantir leur propre sécurité.
23 Je crois qu'à plusieurs reprises dans les documents que j'ai rédigés à
24 l'époque, j'attache plus ou moins de foi à ce qu'on me dit l'un côté ou
25 l'autre suivant l'opinion que je m'en fais à ce moment-là. Vu la situation
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1 de la mine de Belacevac [comme interprété], la présence de la police de la
2 mine, vu tout ce que je sais de cette situation, il me semble que cette
3 police était généralement assez nerveuse le soir. C'est sans doute à
4 l'origine des tirs qui, ensuite provoquaient une riposte de la part de
5 l'UCK.
6 Je pense que c'était quelque chose de bilatéral si l'on peut dire, vu le
7 climat général d'insécurité et vu l'importance de cette mine, vu qu'il
8 était absolument essentiel de permettre à la mine de continuer à
9 fonctionner pour permettre à la centrale électrique de continuer à
10 fonctionner elle aussi.
11 Q. Dans cette région, on peut le voir dans votre premier rapport
12 hebdomadaire du 28 février, on voit qu'il est question d'un élevage de
13 poulets, qui était également une installation économique importante dans la
14 région.
15 R. Non. Cet élevage de poulets, c'était un site, une installation agricole
16 qui avait été abandonnée. Je peux vous l'indiquer, je peux vous montrer où
17 cela se trouve sur la grande carte. C'est la zone que l'on voit ici à
18 l'écran, sur la carte près du carrefour de Krivovo --
19 M. KAY : [interprétation] non, nous n'arrivons pas à distinguer l'endroit
20 sur la carte. La carte se trouve à l'écran, mais veuillez, s'il vous plaît,
21 faire un zoom sur la partie de la carte indiquée par le témoin.
22 R. Ici, vous avez la route Pristina-Pec.
23 Q. Oui.
24 R. A l'ouest de Pristina par Kosovo Polje, vous avez également une route
25 qui passe par une localité qui s'appelle Krivovo. Vous avez une route qui
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1 passe par le carrefour de Glogovac avec un certain nombre de bâtiments ou
2 d'installations agricoles. J'entoure la zone qui nous intéresse sur la
3 carte en ce moment. Vous avez plusieurs bâtiments, tout un complexe. A ce
4 moment-là, il n'y avait pas d'exploitation agricole puisque les bâtiments
5 étaient occupés par des personnels de la VJ. Il y avait toujours un Peloton
6 de chars ou une Compagnie de chars; une Compagnie de chars, cela représente
7 à peu près dix chars, un peloton environ trois chars. En tout cas, il y
8 avait toujours un peloton de chars ou de véhicules utilisés par
9 l'infanterie dans le cadre des combats. Ils restaient dans cette zone, ou
10 ils se déplaçaient uniquement pour procéder à des manœuvres de petites
11 envergures, essentiellement, vers l'aéroport de Pristina
12 -- vers l'aérodrome de Pristina qui se trouvait à trois ou quatre
13 kilomètres de l'endroit.
14 Q. Bien.
15 R. C'était une zone qui était très militarisée.
16 Q. Est-ce que ces gens assuraient la sécurité de l'aérodrome ?
17 R. Oui, ils y contribuaient -- cela venait en plus de ceux qui assuraient
18 la sécurité de l'aérodrome, mais c'était une zone névralgique du point de
19 vue militaire puisque c'est situé sur la route principale. On pouvait
20 procéder à une riposte rapide à partir de cet endroit en cas de situation
21 d'urgence.
22 Q. Cet élevage de poulets, puisque c'est ainsi qu'on désignait l'endroit,
23 a-t-il fait l'objet d'attaques ?
24 R. Je n'ai pas connaissance d'attaques menées sur l'élevage de poulets,
25 mais, j'ai été témoin d'une attaque menée contre une patrouille de la
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1 police, à 1 000 ou 1 500 mètres environ -- non, plus près, c'était plus
2 près, environ 200 mètres à l'ouest de ce qu'on appelait l'élevage de
3 poulets. La grande route Pec-Pristina passe dans une zone agricole à
4 découvert, ensuite, remonte dans une zone plus en altitude et, au fur et à
5 mesure, qu'on se rapproche de cet élevage de poulets, vous avez une zone
6 qui est plus dangereuse.
7 Q. De quel événement avez-vous été témoin exactement ?
8 R. Je crois que c'était le 27 février, si je me souviens bien. Il faudrait
9 regarder les notes que j'ai prises à l'époque. Une de mes patrouilles avait
10 pris la direction de l'ouest et revenait dans les dernières heures du jour.
11 On était en février, donc la nuit tombait vite. Cette personne, celui qui
12 procédait à cette patrouille, est tombée sur une opération militaire en
13 cours avec des tirs nourris, y compris des chars. Il y avait des chars sur
14 place. Je ne sais pas si les chars procédaient à des tirs, mais, en tout
15 cas, il y avait des tirs de mitraillettes. C'étaient des véhicules de
16 l'infanterie qui ripostaient à une attaque dont avait été victime la
17 patrouille de police et qui avait eu lieu quelques minutes auparavant. Ma
18 patrouille à moi était témoin de ces manœuvres de riposte. J'étais occupé
19 ailleurs. Je m'apprêtais à quitter Kosovo Polje. J'ai reçu l'appel de mon
20 collaborateur. J'entendais bien, pendant cette communication radio, j'ai
21 très bien entendu les tirs. Je me suis rendu immédiatement sur place et je
22 suis arrivé dans les trois à quatre minutes qui ont suivi.
23 Quand je suis arrivé sur place, les tirs étaient moins nourris. Ils
24 duraient depuis un certain temps déjà. Un groupe d'hommes du MUP - je les
25 estimerais à peu près 35, à peu près les effectifs d'une section - était là
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1 avec trois chars T55. J'ai demandé au commandant de la police locale de me
2 raconter ce qui c'était produit. Il a répondu par l'affirmative. Il a fait
3 preuve d'un esprit de coopération et, bien entendu, la situation était
4 extrêmement tendue. Un de ses officiers, un officier de la police, avait
5 été blessé mortellement. Un autre avait été blessé très grièvement. J'ai pu
6 voir les victimes, j'ai pu voir la personne qui avait été décédée. J'ai
7 assisté à l'évacuation de ce sous-officier qui avait été très grièvement
8 blessé. J'ai pu voir très clairement qu'une attaque était provenue du nord
9 de cette zone, de la zone D, une zone qui avait été -- une attaque qui
10 avait été réalisée à la mitraillette ou avec une arme semblable. Cette
11 attaque avait fait l'objet d'une riposte de la part des forces
12 gouvernementales, et j'imagine que l'attaque venait de l'UCK -- enfin,
13 c'est ce que j'ai pensé à l'époque.
14 Q. Dans votre rapport, vous nous dites : "Cela semble être un cas
15 manifeste de provocation de la part de l'UCK."
16 R. Oui, tout à fait, Maître Kay. Il ne s'agissait pas là d'un incident au
17 cours duquel le MUP ou la VJ aurait mené une attaque contre -- dans les
18 zones environnantes. Il s'agissait, manifestement, d'une attaque des
19 terroristes, des insurgés qui étaient venus de l'extérieur pour procéder à
20 des opérations d'harcèlement envers les représentants des autorités.
21 D'après ce que j'ai vu, j'ai pensé que l'objectif c'était de susciter une
22 riposte.
23 Q. Précédemment, vous avez parlé de la coopération que vous ont apportée
24 les chefs du MUP. Vous avez parlé de leur participation --
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, j'ai une question pour
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1 le témoin. Vous dites que c'était une provocation de l'UCK. Quand vous
2 dites cela, vous dites que c'était l'UCK qui était à l'origine de cette
3 attaque ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Ma mission, en tant que vérificateur, était de
5 surveiller la situation, de voir si elle était conforme à l'accord
6 d'octobre 1998, aux termes duquel les autorités, à savoir, le MUP et la VJ,
7 devaient se retirer de certaines zones de confrontation, mais continuer à
8 maintenir la sécurité sur un certain nombre d'axes routiers et sur certains
9 sites principaux. L'accord stipulait également qu'ils ne devaient pas
10 entrer dans l'arrière-pays, si je peux utiliser ce terme, des zones qui
11 étaient occupées, essentiellement, par les Yougoslaves albanais. Comme j'ai
12 essayé de vous le dire et, d'après ce que j'ai vu dans les quelques mois
13 que j'ai passé au Kosovo, c'est ce qui a été fait. L'accord a été respecté
14 dans ce sens.
15 D'après ma compréhension de l'accord, pour ce qui est de l'UCK, elle devait
16 se maintenir dans les zones de l'arrière-pays, s'abstenir de toute manœuvre
17 d'harcèlement envers les autorités. Mais, dans ce cas dont je vous parle,
18 ainsi que dans d'autres cas dont j'ai été témoin, il est apparu que l'UCK
19 ne respectait l'accord conclu et menait des attaques, des opérations
20 militaires. D'après mon évaluation, en tant que soldat professionnel, vu la
21 nature de leurs effectifs et vu les effectifs des forces en présence
22 auxquelles ils étaient opposés, l'idée c'était de provoquer une riposte
23 parce que, quand on est militaire, on a pour responsabilité de défendre ces
24 hommes. Bien entendu, quand on fait l'objet d'une attaque, on riposte.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quand vous êtes arrivé sur place,
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1 cette offensive avait déjà eu lieu ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand je suis arrivé sur place, je pense que
3 cette attaque avait eu lieu à peine dix minutes auparavant, et les auteurs
4 de cette offensive s'étaient retirés, parce qu'il n'y avait aucun tir qui
5 venait de la position où, dix minutes auparavant, l'attaque avait été
6 lancée. Les seuls tirs que l'on pouvait constatés, c'étaient les tirs du
7 MUP et les tirs de la VJ, dirigés vers les hauteurs d'où venait la première
8 attaque.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay.
10 M. KAY : [interprétation]
11 Q. Ce qui est important au sujet de cette attaque, c'est qu'elle a eu lieu
12 à 200 mètres de l'installation militaire qui se trouvait à l'élevage de
13 poulets ?
14 R. Oui, je crois que c'est important, mais ce qui est important aussi,
15 c'est que c'était une attaque contre une patrouille de routine de la police
16 sur la route principale entre Pristina et Pec. C'était un axe routier qui
17 était emprunté, non seulement par les habitants de l'endroit, mais
18 également par les organisations non gouvernementales. Le comité
19 international de la Croix rouge ainsi que d'autres organisations non
20 gouvernementales empruntaient souvent cette route, ainsi d'ailleurs que la
21 Mission de vérification au Kosovo.
22 Q. Est-ce qu'il s'agit de la route principale entre Pec et Pristina ?
23 R. Oui.
24 Q. Il y a beaucoup de trafic sur cette route ?
25 R. Oui, c'est un des principaux axes routiers du Kosovo.
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1 Q. Cet élevage de poulets, à quelle distance se trouve-t-il de la route ?
2 R. Comme on le voit sur la carte, cela se trouve à quelques mètres
3 seulement, 50 à 100 mètres de la route.
4 Q. Vous avez quitté la route pour vous rendre sur ce site militaire,
5 l'élevage de poulets ?
6 R. Qui ? Excusez-moi.
7 Q. Si on prenait la route, on devait quitter la route pour se rendre à ce
8 site-là ?
9 R. Oui. C'est exact. On pouvait voir l'endroit de la route --cet endroit
10 qu'on a appelé l'élevage de poulets.
11 Q. Vous avez dit qu'il y avait des hauteurs; est-ce que c'était au nord de
12 la route ?
13 R. Oui, c'était essentiellement au nord, mais il y avait aussi des
14 hauteurs vers le sud, et apparemment l'attaque a été menée depuis le nord.
15 Si l'on voit la personne qui a été blessée et aussi l'individu qui a perdu
16 la vie, et aussi les dommages sur une jeep blindée pendant l'attaque, il y
17 avait aussi un autre véhicule qui a été endommagé, il m'a semblé très clair
18 que l'attaque a été menée du nord.
19 Q. Pour revenir à un autre point qui m'intéresse, à savoir, la coopération
20 qui vous a été accordée de la part des commandants locaux de la police.
21 R. Pourriez --
22 Q. Vous avez pu en rencontrer plusieurs, n'est-ce pas ? Pourriez-vous,
23 s'il vous plaît, nous donner les noms des personnes, et où étaient basés
24 ces hommes ? Est-ce que vous vous rappelez leurs noms depuis le temps qui
25 s'est écoulé ?
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1 R. Nous -- je voudrais simplement revenir un instant à la route Pristina à
2 Pec, là où j'ai vu cette attaque précisément menée par l'UCK, lorsque je
3 suis arrivé à Glogovac au poste d'observation de Lopusnik. C'est exactement
4 sur la même route, mais un petit peu à l'ouest.
5 Q. Vers Komorane ?
6 R. Au-delà de cela.
7 Q. Vers Lopusnik ?
8 R. Oui, je pense que c'est à cinq kilomètres à l'ouest de Komorane.
9 Q. C'est toujours dans la région de Drenica ?
10 R. Oui.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tous ces noms figurent sur la carte. Ce
12 serait peut-être bien que vous vérifiiez cela pendant la pause. Ceci nous
13 aidera davantage.
14 M. KAY : [interprétation] Oui.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis en train de vous montrer Lopusnik.
16 Donc, vous avez l'autoroute qui part vers l'ouest. Il y a des hauteurs à
17 peu près vers le sud de l'autoroute, à une distance d'environ 800 mètres au
18 sud de l'autoroute. Le MUP a dressé un poste d'observation avec une section
19 du MUP - comptant environ dix personnes - et début février, pendant que je
20 m'étais engagé dans une patrouille de prise de connaissance du terrain de
21 Glogovac, j'entendais des tirs nourris de la zone de Lopusnik. Nous avons
22 riposté immédiatement, tout comme les éléments de renfort du MUP, qui
23 avaient la taille d'une section. Il y avait aussi deux Land Rovers blindés,
24 à peu près 25 à 30 hommes armés, et nous avons évacué le policier blessé de
25 ce poste d'observation. Lorsque nous l'avons fait, nous lui avons demandé
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1 ce qui s'était passé. Il a expliqué que l'un de leurs hommes avait quitté
2 le poste d'observation renforcé pour aller chercher de l'eau au puits.
3 C'était à peu près une distance de 20 à 30 mètres de l'endroit où il se
4 trouvait. On lui a tiré dessus de l'est. C'est un tireur embusqué qui lui a
5 tiré dessus, qui l'a blessé. Ce n'était pas une blessure grave, pour autant
6 que je le sache. Tout de même, ils ont riposté en ouvrant le feu avec leurs
7 armes automatiques pour se défendre et ils -- leur force de réaction a
8 aussi fouillé la zone pour rechercher, retrouver, repérer ce tireur
9 embusqué, mais ils n'en ont pas trouvé. Encore une fois, c'était une
10 position, un poste qui était occupé par la police, et c'est évident que
11 c'était une force de police et on leur a tiré dessus, donc de l'est, je
12 précise, et c'est assez parlant de ce type d'incident qui se produisait
13 occasionnellement sur cette route.
14 Je reviens maintenant à la question que vous m'avez posée, Maître Kay, pour
15 ce qui est des chefs de la police. J'ai dit qu'ils étaient prêts à coopérer
16 avec moi, avec les membres de ma mission de vérification. Le chef de police
17 de Kosovo Polje s'appelait Dragan Miric. Lui et ses commandants de police
18 et commandants adjoints ont travaillé avec nous. On avait des relations de
19 travail. Ils se sont conformés à toutes les requêtes qui venaient de ma
20 part pour autant que je le sache.
21 Il y avait un autre homme que j'ai trouvé coopératif et qui nous a aidé. Il
22 m'a aidé à m'acquitter de ma tâche. C'était Bozidar Spasic. Il était chef
23 de police à Obilic. C'était sa zone de responsabilité, et lui et ses hommes
24 ont fait preuve de plus de coopération. Alors pour ce qui est de la police
25 des mines, eux aussi, ils ont coopéré. Je l'ai déjà dit. Lorsque nous leur
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1 demandions de nous dire quels étaient les problèmes qu'ils rencontraient,
2 quelles étaient les difficultés qu'ils avaient, ils me disaient la vérité -
3 - enfin, je ne suis pas sûr s'ils me disaient la vérité, toute la vérité,
4 rien que cela, mais ils faisaient, ils coopéraient, ils répondaient à mes
5 questions et il me semblait que cela se passait plutôt bien.
6 Je vous remercie. La page suivante, s'il vous plaît, dans vos résumés
7 hebdomadaires. Vous avez fourni beaucoup d'information de nature générale
8 qui concerne cette période. Nous avons maintenant la date du 7 mars 1999.
9 Vous décrivez cette zone, vous dites qu'elle est généralement calme, qu'il
10 y a eu Glavotina, qu'il y a eu des tirs de tireurs embusqués réguliers,
11 qu'il y avait des tirs de tireurs embusqués dans la zone de Grabovac, et
12 vous vous référez à l'élevage de poulets, déplacements de chars et de
13 véhicules. Vous dites qu'il y a de bons contacts avec les chefs de la
14 police. "Qu'il y a de plus en plus de problèmes humanitaires qui se sont
15 posés durant la semaine, davantage d'incidents, des attaques menées sur le
16 MUP, des ripostes à l'encontre des positions de l'UCK vers le nord, et que
17 le résultat en a été un déplacement d'un groupe qu'on a estimé à 100 ou
18 plus IDP" -- ce sont des personnes déplacées -- "vers le nord de notre zone
19 de responsabilité et une de nos patrouilles" -- dit le texte -- "escortait
20 de 70 ex-villageois de Donji Grabovac du poste de Pristina."
21 Ce que je vous ai lu, c'est la situation qui a prévalu dans la semaine qui
22 se termine le 7 mars. Lorsque vous dites qu'il y a de plus en plus de
23 "questions humanitaires qui se sont posées pendant la semaine passée" et
24 "qu'il y a eu plus d'attaques sur le MUP," qu'entendez-vous par là ?
25 R. Dans ce rapport, ce que je cherche à dire c'est que les ripostes du MUP
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1 aux incidents de plus en plus nombreux de tireurs embusqués et d'autres
2 attaques et, bien que le résultat en a été qu'il n'y avait plus de
3 mouvements normaux possibles pour -- la population civile ne pouvait plus
4 se déplacer normalement. Il y a eu une escalade de tensions. Les contacts
5 et les déplacements sont devenus plus difficiles. Lorsqu'on s'est rendu
6 dans tous ces villages -- de nombreux de ces villages figurent sur la
7 liste, enfin figurent dans le rapport -- au nord -- au nord d'Obilic, mais
8 aussi vers la grand route de Mitrovica, il y avait des individus qui
9 avaient besoin de soins médicaux ou d'autres, et quand, à savoir s'ils
10 pouvaient se procurer des vivres, s'ils pouvaient avoir tout ce qui est
11 nécessaire pour une conduite de vie normale, non, cela a été interrompu.
12 Donc ils étaient en contact avec eux. Il y avait toujours quelqu'un qui ne
13 pouvait pas avoir ce qu'ils estimaient être nécessaire. Les organisations
14 non gouvernementales, c'est sur elles qu'ils se reposaient pour avoir de
15 l'aide. Ces organisations n'étaient pas en mesure de secourir ces gens
16 compte tenu de l'instabilité qui était de plus en plus grande. A chaque
17 fois, que nous les voyions, ils étaient toujours très préoccupés.
18 Q. Vous avez parlé "des ripostes à l'encontre des positions de l'UCK, donc
19 des ripostes, par la suite vers le nord." Pouvez-vous décrire ce qui se
20 passait entre ces deux parties ?
21 R. Je pense que nous avons déjà évoqué plusieurs incidents. C'était un
22 nord, mais avec le mois de mars, plus tard, il y a eu des rapports de plus
23 en plus nombreux d'attaques menées par l'UCK. On enlevait des policiers, on
24 en tuait. D'autres personnes ont été enlevées ou assassinées de Pristina et
25 de différents camps militaires de la VJ. Il y a eu des déplacements à
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1 l'appui du MUP dans ces opérations antiterroristes. Ils se déplaçaient vers
2 le nord. C'était plus au-delà de ma zone de responsabilité. J'ai vu des
3 forces qui étaient en train de se déployer et de déplacer, et j'ai entendu
4 des rapports par radio, par la suite, sur l'activité des militaires et des
5 MUP.
6 Ces forces s'écartaient des routes principales afin d'essayer de nettoyer
7 la zone, afin d'assurer de nouveau la sécurité de la zone là où l'UCK était
8 en train de mener des activités; ce que j'ai qualifié de rébellion de
9 niveau moyen, de soulèvement de moyenne intensité. Je dirais que la
10 situation que j'ai essayée de vous représenter ici ce matin, était, en
11 fait, un soulèvement de basse intensité. Au début mars, à la mi-mars, ceci
12 s'est accru, s'est intensifié pour atteindre un niveau moyen, de grade
13 moyen de soulèvement. Il y avait des forces importantes qui lançaient des
14 attaques à l'encontre des pouvoirs qui répondaient. La VJ s'est lancée en
15 action avec le MUP. Il y a eu des opérations militaires importantes
16 jusqu'au niveau du groupe de combat. Lorsque je parle de "groupe de
17 combat," ce sont 600 hommes avec des chars à l'appui, l'infanterie
18 mécanisée, des véhicules blindés du MUP; tout cela bénéficiant de l'appui
19 de l'artillerie. D'un point de vue militaire, ce qui était mis en place,
20 c'étaient des opérations pour garantir la sécurité et le contrôle dans la
21 zone, donc pour contrer cela.
22 Q. Cette patrouille [comme interprété] ici, pour cette semaine, se réfère
23 à Donji Grabovac. Pouvez-vous nous dire quelle est l'importance de Donji
24 Grabovac ?
25 R. Comme je l'ai dit, plus tard, lorsque j'ai parlé de mon expérience en
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1 Yougoslavie et au Kosovo, c'est un village qui avait été évacué à l'été
2 1998. Il y a eu des troubles à ce moment-là. J'ai essayé de souligner dans
3 ma déposition l'importance de ce site parce qu'il y avait les mines. Il
4 fallait que la mine continue de fonctionner pour alimenter la centrale
5 d'Obilic, la centrale électrique d'Obilic. Les villageois de Donji Grabovac
6 étaient majoritairement Albanais. D'après ce que j'ai compris, pour la
7 plupart, ils s'étaient déplacés à Pristina. Il y avait toujours une
8 cohésion entre eux, et ils souhaitaient revenir dans leur village,
9 reprendre le cours normal de la vie.
10 J'ai eu l'occasion de rencontrer certains de ces chefs de ces villageois. A
11 plusieurs occasions à Pristina, il y a eu des rencontres qui ont été
12 organisées. Je leur ai dit que j'allais faire de mon mieux pour leur
13 faciliter le retour au village. Ces rencontres se sont produites sur
14 plusieurs semaines. Cela a commencé peu après mon arrivée à Kosovo Polje,
15 et cela s'est prolongé, si je ne m'abuse, jusqu'au jour ou la veille du
16 moment où nous avons été évacués. C'était le 20 mars 1999.
17 Pour ce qui est de la coopération avec les pouvoirs locaux les
18 responsables, cette coopération était bonne. D'après mon estimation, les
19 chefs de la police aidaient à garantir la sécurité. Souvent ils ont
20 également proposé de distribuer des armes légères aux villageois pour
21 donner la possibilité de défendre leurs maisons s'ils revenaient à leurs
22 foyers.
23 J'ai aidé à ce qu'ils puissent se rendre à leurs maisons par cars,
24 plusieurs autocars. Il y avait un certain nombre d'eux, donc pour qu'ils
25 puissent revoir leurs maisons ainsi quels ont été les dégâts, compte tenu
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1 du fait que les maisons avaient été vides pendant plusieurs mois. Cette
2 visite a eu lieu. Généralement, c'est une délégation de villageois qui s'y
3 rendait; cela se passait bien. Il y a eu quelques harcèlements verbaux de
4 la part des gardes des mines de la part du personnel lorsqu'ils sont
5 revenus sous escorte, escortés par mes vérificateurs. Ils ont eu la
6 possibilité de passer quelques temps -- quelques heures au village. C'est
7 sous escorte de mes vérificateurs qu'ils sont retournés en empruntant la
8 grande route, ils sont retournés à Pristina.
9 J'ai essayé de leur permettre de faire en sorte qu'ils puissent à Donji
10 Grabovac parce que je pensais que ce serait déjà un petit pas vers la
11 normalité, le retour à la normalité, si on pouvait réinstaller les gens
12 dans leurs maisons dans cette zone qui était tellement difficile. Il y
13 avait tant de ruptures de la vie normale pendant plusieurs mois auparavant,
14 donc je me disais que ceci nous donnerait de l'espoir quant à la
15 possibilité de rétablir la stabilité dans toute la province. Bien entendu,
16 pendant mes négociations et au cours de cette opération en particulier, il
17 me semblait que les instances plus importantes que la mienne, ne
18 s'intéressaient pas vraiment dans -- ne s'intéressaient pas à reconstruire
19 la stabilité au Kosovo. Ils avaient d'autres objectifs politiques
20 vraisemblablement.
21 Q. Est-ce que, finalement, Donji Grabovac a connu le retour de sa
22 population ?
23 R. Comme je l'ai déjà dit, il y a eu quelques rencontres jusqu'au 18 mars,
24 me semble-t-il. Par la suite, nous avons facilité le retour des allégations
25 à Donji Grabovac. Il y a eu l'ordre d'évacuer le Kosovo afin de préparer la
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1 guerre de l'OTAN. Cela a été la fin de ce projet en particulier.
2 Q. L'évacuation des vérificateurs du 20 mars ?
3 R. C'est exact.
4 Q. Si on prend le matin --
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, avant cela.
6 Les villageois qui souhaitaient revenir à Kosovo Polje, ils étaient
7 d'appartenance serbe ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] La majorité était des Albanais pour autant que
9 je le sache. Je ne pense pas qu'il y ait eu des Serbes parmi eux.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez dit qu'ils avaient été évacués
11 à l'été 1998.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ce que j'ai compris.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Savez-vous pour quelle raison ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu des combats à ce moment-là, ceux qui
15 ont précédé ceux que j'ai essayé de vous décrire aujourd'hui. C'était un
16 endroit très important à cause de la mine, et c'était très près des UCK, à
17 quelques milliers de mètres à l'ouest.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 20
20 minutes.
21 --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.
22 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous en prie, veuillez
24 poursuivre, Maître Kay.
25 M. KAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
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1 Q. C'est la dernière série des questions que je vais vous poser, Monsieur
2 Keith. Je vous prie de retrouver la date du 14 mars. C'est le résumé
3 hebdomadaire numéro 3 dans votre série de rapports. Encore une fois, ici,
4 vous précisez quelles ont été les activités menées à ce moment-là; est-ce
5 exact ?
6 R. Quelles sont les activités auxquelles vous vous référez, Maître Kay ?
7 Q. De manière générale, c'est un rapport sur la situation pour la semaine
8 en question.
9 R. Oui, c'est exact. Cela concerne la situation telle que je l'ai relevée
10 à ce moment-là.
11 Q. Vers la fin, vous dites que l'un de vos vérificateurs est parti en
12 congé de maladie en Allemagne. Pour que nous sachions quelles sont les
13 ressources dont vous disposiez, pourriez-vous dire à la Chambre combien de
14 membres vous aviez au sein de votre équipe dans la région de Kosovo Polje ?
15 R. Oui, je peux vous le dire. Dans mon équipe, il y avait moi-même et il y
16 avait huit autres vérificateurs qui venaient de différents pays, des pays
17 qui représentaient l'OSCE. J'étais le seul Canadien au sein de mon équipe.
18 Pour ce qui est du reste de l'équipe, il y avait des membres français,
19 norvégiens, allemands. Les Etats-Unis étaient représentés également ainsi
20 que certains autres pays. Je n'arrive pas à retrouver cela sur-le-champ.
21 Nous avions treize interprètes qui nous aidaient. Ces interprètes, pour
22 autant que je me souvienne, pour sept d'entre eux, c'étaient des
23 interprètes albanais yougoslaves. Il y en avait une qui se considérait
24 comme Turque, et quatre étaient des Serbes. Ce sont eux qui traduisaient
25 pour nous. Ils étaient toujours présents lorsque moi-même ou mes
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1 patrouilles essayions de procéder à des missions de vérification, de nous
2 acquitter de notre tâche.
3 De plus, mon bureau, l'endroit où j'étais basé à Kosovo Polje, c'était le
4 motel Herzégovine. C'était un bâtiment qui était loué par le Département
5 d'Etat des Etats-Unis afin de fournir une aide formelle -- afin
6 d'accueillir la Mission diplomatique des Etats-Unis. Ils avaient été
7 évacués du Kosovo au début du mois de février pendant les négociations de
8 Rambouillet. Ils se sont installés à Skopje en Macédoine. Par conséquent,
9 ce bâtiment était libre, et j'ai pu l'utiliser moi-même pour m'y baser et
10 pour mener mes activités dans la zone de responsabilité de Kosovo Polje.
11 Q. Je vous remercie.
12 R. Si vous me le permettez, Maître Kay, je tiens à ajouter qu'à cause de
13 cela, je n'ai pas été obligé d'engager des hommes qui seraient chargés de
14 la sécurité. Pour la plupart des autres antennes sur place, elles ont dû
15 engager du personnel local afin d'assurer une sécurité 24 heures sur 24
16 pour empêcher qu'il y ait des vols ou des actes de ce genre. Au motel
17 Herzégovine, ceux qui étaient chargés de la sécurité, c'étaient des
18 employés du Département d'Etat des Etats-Unis.
19 Q. Passons à la page suivante, le 9 mars. C'est un rapport qui fait état
20 d'un incident; est-ce exact ?
21 R. C'est exact.
22 Q. Il y a eu un meurtre qui a été commis pendant la nuit. Suite à cela, un
23 juge d'instruction est arrivé sur les lieux; est-ce exact ?
24 R. C'est exact, Maître Kay.
25 Q. Très brièvement, pouvez-vous nous dire ce que vous avez pu constater
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1 sur place ? Quelle était la situation telle que vous l'avez perçue ?
2 R. C'était l'un de toute une série d'incidents où il y a eu des victimes.
3 Comme je l'ai dit dans mes commentaires, dans mes articles, d'après moi, de
4 nombreux de ces meurtres, sinon tous, étaient des actes criminels; ce
5 n'était pas nécessaire des actes politiques. En l'occurrence, comme je le
6 dis dans ce document, c'était au début de la matinée, le commandant de la
7 police, pas le chef de la police, mais l'un de ses subordonnés, un des
8 commandants, s'est rendu dans mon bureau à Kosovo Polje. Il a dit, puisque
9 je lui avais demandé de m'informer de tout problème ou toute difficulté qui
10 pourrait intéresser la Mission de vérification et mon bureau, mon antenne.
11 Il m'a dit qu'il y a eu un meurtre d'un homme, et que le juge d'instruction
12 se rendrait sur place, que si je souhaitais me rendre sur place moi-même,
13 je serais le bienvenu. C'est ce que j'ai fait. Je suis arrivé sur les lieux
14 en même temps que le juge d'instruction. Il y avait un certain nombre de
15 policiers du MUP qui se trouvaient dans la zone, qui s'acquittaient de
16 leurs tâches de policier. Comme je le dis ici, j'ai vu un véhicule avec un
17 homme sur le siège arrière, qui était touché par plusieurs balles de
18 pistolet automatique. C'est ce qui a causé sa mort. Il y avait des
19 douilles. Il y avait apparemment des balles de 33 millimètres de pistolet
20 automatique aussi dans la zone. Cet individu a été touché à la tête et à la
21 gorge, était mort de toute évidence.
22 Q. Qu'avez-vous pu relever pour ce qui est des activités du Juge
23 d'instruction ?
24 R. La police et le Juge d'instruction, qui ont travaillé sur cet incident,
25 semblaient mener leur travail de routine. On m'a donné le nom de la victime
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1 -- le nom figure dans le document, je n'ai pas reçu d'autres éléments
2 d'information sur cet incident, et j'en ai fait état dans mon rapport et
3 j'ai poursuivi mes autres activités.
4 Q. On vous a emmené ici pour pouvoir constater quelle est la situation.
5 Vous n'êtes pas venu pour mener des enquêtes vous-même.
6 R. C'est exact.
7 Q. Cela correspondait à votre mandat.
8 R. Cela correspondait à mon mandat et aussi aux dispositions qui avaient
9 été prises et de contacts de travail avec la police locale. Il fallait que
10 je sache ce qui se passait sur le plan de la stabilité et de la violence à
11 Kosovo Polje ou dans la zone de responsabilité à Kosovo Polje.
12 Q. Dans le reste de votre -- de ces documents, cela concerne les rapports
13 du 10 mars, 18 mars 1999; cela concerne l'activité quotidienne. Ce sont des
14 rapports généraux.
15 R. C'est exact. Bien entendu, ce rapport quotidien devait être soumis tous
16 les jours.
17 Q. Oui.
18 R. Ce sont les deux seuls que j'ai pu garder sur moi lorsque nous avons
19 évacué -- lorsque nous sommes partis de Kosovo Polje. On a évacué, nous
20 sommes partis dans la soirée du 19 mars. Malheureusement, nous avons laissé
21 la plupart de mes documents, de nos affaires sur place. Je n'ai pu prendre
22 que ce que je pouvais emporter. Nous sommes partis pour Pristina -- le
23 centre de Coordination à Pristina et, par la suite, je n'ai plus jamais eu
24 l'occasion de retourner à Kosovo Polje.
25 Q. Vous êtes au Macédoine, et c'est là que vous êtes resté pendant
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1 quelques semaines; est-ce exact ?
2 R. Oui. Nous avons quitté le Kosovo dans la matinée du 20 mars et nous
3 avons fait le voyage jusqu'à Skopje au Macédoine jusqu'au lac Ohrid, et
4 c'est là qu'a été basée, à partir de ce moment-là, la Mission de
5 vérification du Kosovo, dans les hôtels autour de ce lac.
6 Q. Je vous remercie. J'aimerais, à présent, que l'on examine la --
7 M. KAY : [interprétation] J'aimerais que l'on attribue une cote et qu'on
8 verse au dossier cette série de documents. La cote sera D247. Il s'agit de
9 cette série de rapports.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Les documents seront acceptés.
11 M. KAY : [interprétation] Je vous remercie.
12 Q. Merci beaucoup pour votre témoignage. Attendez, s'il vous plaît.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce que vous
15 souhaitez poser des questions à ce témoin ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, cet interrogatoire principal
17 n'a aucun sens. Un exemple, M. Keith est en train d'expliquer comment les
18 supérieurs au sein de la Mission de vérification n'avaient pas --
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous avons une
20 procédure ici qui a été précisée par la Chambre -- établie par la Chambre,
21 soit vous allez respecter cette procédure ou on ne vous écoutera pas. La
22 procédure veut la chose suivante : à la fin de l'interrogatoire principal,
23 si vous le souhaitez, vous pouvez demander à la Chambre de vous donner
24 l'autorisation de poser des questions au témoin. C'est ce que je viens de
25 faire.
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1 Vous n'avez pas le droit de faire des discours, qu'il s'agisse de critiquer
2 ou de faire part de votre satisfaction pour ce qui est de l'interrogatoire
3 principal. S'il y a un volet ou un aspect de l'interrogatoire principal
4 qui, à votre sens, demande des questions supplémentaires, la Chambre vous
5 accordera le droit de les poser. Telle est la procédure.
6 Je ne souhaite pas entendre de discours prononcés par vous, et je ne vous
7 donnerai pas la possibilité de le faire -- je ne vous laisserai pas le
8 faire. Si vous avez des questions, vous pouvez les poser au témoin. C'est
9 tout ce que je vous autoriserai à faire, et ceci correspond à l'ordonnance
10 que nous avons rendue. Vous avez le choix.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je vous demande de me
12 restituer le droit à la défense. Cet interrogatoire principal n'a aucun
13 sens --
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous interrompre. Nous avons
15 rendu une ordonnance, nous vous avons commis un conseil, vous avez laissé
16 entendre que vous alliez interjeter un appel. La Chambre a certifié
17 l'appel, et cette affaire -- on en a terminé avec cette affaire à ce stade
18 de la procédure. Si vous n'avez pas de questions à poser au témoin, nous
19 allons poursuivre avec le contre-interrogatoire.
20 Monsieur Nice.
21 Contre-interrogatoire par M. Nice :
22 Q. [interprétation] Est-ce que nous pouvons revenir à la dernière partie
23 de votre témoignage. Vous nous avez dit que vous aviez 13 personnes -- 13
24 employés au sein de votre bureau. Pouvez-vous nous dire, pour ces treize
25 personnes qui étaient du coin, de quelle appartenance ethnique étaient-
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1 ils ?
2 R. Pour autant que je m'en souvienne, sept étaient d'origine albanaise,
3 une personne se déclarait en tant que turque, quatre s'estimaient serbes --
4 se déclaraient serbes. Pour ce qui est de leur sexe, la plupart étaient des
5 femmes, mais il y avait quelques hommes.
6 Q. Une première chose, vous n'aviez pas d'expérience préalable des
7 Balkans, pas la moindre.
8 R. C'était la première fois que je visitais les Balkans et que j'y ai
9 travaillé.
10 Q. Vous avez une longue carrière dans l'armée canadienne. Est-ce que, dans
11 ce cadre, c'était la première fois que vous vous trouviez dans cette région
12 de l'Europe ?
13 R. J'avais fait plusieurs missions en Allemagne de l'Ouest. J'avais
14 beaucoup voyagé en Europe occidental. Je vous l'ai dit, j'avais effectué
15 trois missions au Moyen-Orient. J'y avais fait de nombreux déplacements au
16 Moyen-Orient. J'avais été au Moyen-Orient et en Europe.
17 Q. Où en Europe ?
18 R. En Europe occidentale.
19 Q. Mais vous n'aviez jamais été dans les Balkans ?
20 R. Pendant tout le temps que j'ai passé en Allemagne de l'Ouest, à ce
21 moment-là, c'était un monde bipolaire, il y avait la guerre froide. C'est
22 pour cela que j'étais en Allemagne, et je n'avais pas l'autorisation de me
23 rendre dans beaucoup des pays qui se trouvaient au-delà de la ligne qui
24 divisait alors l'Europe.
25 Q. Je vois. Il y a eu un accord en octobre qui a donné naissance à la KVM.
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1 Quel était son sens ?
2 R. J'ai lu cela, pas récemment, mais à l'époque. L'idée de cette KVM, de
3 cette Mission de vérification au Kosovo, c'était de rétablir une situation
4 normale, de permettre que revienne la stabilité dans cette province du
5 Kosovo. C'était pour permettre au gouvernement de rétablir son autorité, et
6 on voulait aussi que les Albanais de souche, la population, se voient
7 restituer leurs droits. Il fallait donner la possibilité de rétablir une
8 société civile.
9 Q. Est-ce que les Albanais du Kosovo ont été, d'une façon quelconque,
10 partie à cet accord ?
11 R. Pas dans l'accord d'octobre. Il avait été négocié entre les
12 gouvernements.
13 Q. Vous avez parlé de cet élevage de poulets. Il faisait partie de votre
14 zone de responsabilité. Quelle était l'importance de cet endroit ?
15 R. C'était un lieu important sur le plan de la sécurité. En effet, il
16 était proche de la grande route Pristina-Pec. Je vous ai dit que c'était
17 une artère importante dans la province du Kosovo. On disait que c'était là
18 qu'était installée une Compagnie de la VJ qui devait assurer la sécurité
19 dans cette partie-là du Kosovo. C'est là l'importance que cet élevage de
20 poulets revêt.
21 Q. Vous dites que cela avait identifié comme étant --
22 R. Où ?
23 Q. Que cela avait été identifié comme un lieu où résidait -- où
24 décantonnait une Compagnie de la VJ.
25 R. Dans le cadre de l'accord d'octobre, ceci devait être le dispositif de
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1 la VJ. La VJ devait résider dans plusieurs casernes, et c'était là qu'elle
2 peut autoriser.
3 Q. Mais savez-vous combien d'autres lieux de compagnies de la VJ il y
4 avait ?
5 R. Je ne suis pas trop sûr. Je pense que quelqu'un a parlé de quatre de
6 ces lieux.
7 Q. Mais il y a eu très peu d'exceptions à la règle générale pour ce qui
8 est du déploiement des forces de la VJ ?
9 R. C'est ce que je crois comprendre.
10 Q. Si on examine la zone que vous étiez censé surveiller, vous y êtes
11 resté cinq semaines ?
12 R. Oui.
13 Q. Ce qu'on constate c'est que, sur le côté à l'ouest, vous aviez une
14 unité blindée de la VJ et qu'est-ce que vous aviez comme brigade à
15 Pristina ?
16 R. Je ne me souviens pas.
17 Q. C'était la 15e Blindée.
18 R. C'était une brigade blindée, oui.
19 Q. Au cours de ces cinq semaines dans cette petite zone qui était la
20 vôtre, c'était assez inhabituel de voir que de part et d'autres sur les
21 deux sens, il y avait présence de la VJ ?
22 R. C'est compréhensible de voir comment était déployée la VJ, puisque
23 Pristina était la capitale administrative de la province.
24 Vous dites -- la 15e Brigade blindée, d'après moi, de la façon dont je
25 comprends l'organisation militaire, c'était là une petite -- très petite
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1 brigade par rapport aux brigades qu'on connaît en Europe occidentale.
2 M. NICE : [interprétation] Examinons, si vous le voulez bien, la carte
3 qu'on utilise d'habitude. C'est la pièce P83, page 6. Nous parlons ici du
4 coin inférieur 3 de cette carte, la voici à l'écran, coin inférieur droit,
5 on voit que le mot "Kosovo" est inscrit. En fait, c'est Kosovo Polje, on le
6 voit ici au point 20. Voilà Kosovo Polje. A gauche là, où on voit une
7 frontière nettement délimitée, est-ce que vous reconnaissez cette zone ?
8 R. Vous parlez ici des points pointillés --
9 Q. Non, cela c'est la voie ferrée. Mais vous voyez ici, on voit une ligne
10 très nette de délimitation. Vous voyez qu'il y a Obilic. Au sud, il y a une
11 ligne, une frontière.
12 R. Oui.
13 Q. Qu'est-ce qu'elle montre ? Ce n'est pas une forme rectangulaire, mais
14 au moins rectangulaire ?
15 R. J'ai pu comprendre que c'était là le tracé de la voie ferrée.
16 Q. Je ne suis pas très clair dans mes explications. Regardez Kosovo Polje.
17 Cela se trouve à droite d'une zone qui est délimitée par un tracé assez net
18 sur la carte. Cela semble être la délimitation d'une frontière. Je vous la
19 montre ?
20 R. Oui, vous la montrez du pointeur.
21 Q. On voit qu'elle s'arrête cette ligne. Cela vers le nord, cela franchit
22 la voie ferrée, cela va vers la gauche avec quelques méandres, et vers --
23 où à l'ouest de Donji Grabovac, cela vers le sud. J'ai du mal à vous
24 suivre, Monsieur le Témoin, excusez-moi. Mais descendez, descendez, voilà,
25 voilà, voilà, c'était bien celle-là. Suivez cette ligne vers l'ouest et
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1 vous voyez c'est une ligne assez nette, un tracé clair. Cela vers le sud.
2 Oui, c'est bien celle-là. Elle délimite quelle zone cette ligne ?
3 R. Vous parlez de cette entité-ci ?
4 Q. Oui, la moitié inférieure.
5 R. Cette partie-ci ?
6 Q. Oui ?
7 R. Je ne suis pas sûr. Je ne connais pas bien cette délimitation.
8 Q. Est-ce que ceci cadre bien avec la notion que vous avez de l'étendue de
9 la municipalité de Kosovo Polje ?
10 R. Oui, à peu près.
11 Q. Est-ce que c'est grosso modo une partie qui relevait de votre zone de
12 responsabilité ?
13 R. Non. Ce n'est qu'une partie de celle-ci.
14 Q. Votre région elle s'étendait jusqu'à Obilic ?
15 R. Oui.
16 Q. Cela va plus loin puisque la carte qu'on a montré, elle avait un reflet
17 -- c'était difficile de suivre. Donc vous avez englobé la municipalité
18 d'Obilic ?
19 R. Oui, et au-delà de cela.
20 Q. Jusqu'à Vucitrn ?
21 R. Oui. Moi-même, j'ai quelques difficultés à m'y retrouver sur votre
22 carte.
23 Q. Mais votre zone n'allait pas jusqu'à Glogovac vers l'ouest ?
24 R. Oui. [comme interprété] Avant d'aller à Kosovo Polje, c'était la zone
25 de responsabilité de la zone que j'avais à l'antenne de Glogovac.
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1 Q. Cette semaine-là ?
2 R. Oui.
3 Q. Au maximum, vous aviez à peu près dans votre zone deux municipalités et
4 demie ?
5 R. Non. Non, je m'explique. Ma zone de responsabilité allait jusqu'au --
6 ou plutôt sud de la municipalité de Kosovo, dix à 12 kilomètres et allait
7 plus loin que la municipalité d'Obilic, à peu près dix ou 12 kilomètres
8 plus loin qu'Obilic.
9 Q. Vous nous avez brièvement expliqué comment vous faisiez rapport.
10 Combien y avait-il de membres de la KVM ?
11 R. Je crois que le chiffre dont je me souviens, c'est 1 638 avant
12 l'évacuation de la mission.
13 Q. Toutes ces personnes établissaient des rapports quotidiens ou
14 hebdomadaires ?
15 R. En règle générale, on faisait rapport sur les incidents quotidiens --
16 j'avais des rapports hebdomadaires, mais c'était simplement pour donner une
17 idée de synthèse de ce qui se passait avec un certain recul.
18 Q. Parlons des rapports quotidiens. Pour ce qui est des détails, c'est ce
19 qui est transmis par la voie hiérarchique.
20 R. Oui.
21 Q. Vous étiez sûr qu'en fait, vos rapports étaient bien lus, bien compris,
22 au niveau intermédiaire avant l'arrivée, si vous voulez, au niveau
23 supérieur, au moment -- au niveau central pour la diffusion des rapports ?
24 R. J'ai vu plusieurs rapports généraux qui venaient du centre régional ou
25 peut-être même de la mission elle-même. C'était des rapports de nature
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1 générale qui englobaient aussi des rapports plus circonstanciels sur des
2 incidents précis, de taille plus petite, et je ne pense pas finalement
3 qu'on a bien rendu compte de façon suffisamment complet de ce qui se
4 passait.
5 Q. Arrêtons-nous un instant puisque vous avez écrit sur ces événements
6 depuis, vous estimez qu'il y avait un parti pris adopté par ces 1 600
7 personnes qui transmettaient des rapports ou est-ce que vous reconnaissez
8 que ce qui faisait l'objet de vos rapports à vous, cela a bien été
9 répercuté au niveau central ?
10 R. Je ne peux pas vous dire s'il y avait des préjugés de la part de qui
11 que ce soit. J'ai essayé d'être impartial et objectif en toute
12 circonstance; cependant, au fur et à mesure que je commençais à connaître
13 les procédures en place et les événements qui se produisaient, j'ai compris
14 que tout le monde n'était peut-être pas aussi objectif et impartial que
15 moi.
16 Q. Qu'est-ce qui vous a permis de découvrir ceci ?
17 R. C'est la façon dont je communiquais avec les autres vérificateurs et ce
18 sont les observations que j'ai faites de ce qui se passait.
19 Q. Nous allons revenir à cela dans un instant. Mais est-ce que vous
20 connaissez le livre bleu ?
21 R. Je ne sais pas quoi vous pensez.
22 M. KAY : [interprétation] C'est une pièce déposée au dossier de l'espèce.
23 Nous allons l'examiner. Il s'agit d'un document tout à fait volumineux.
24 Les Juges le savent. Un simple rappel quant à la façon dont ce livre a été
25 préparé. Nous allons voir quelques rubriques qui sont en rapport avec la
Page 32776
1 déposition du témoin.
2 Monsieur l'Huissier, est-ce que vous pourriez placer ceci sur le
3 rétroprojecteur ? Pièce P321. Ce livre bleu, il se trouve dans un gros
4 classeur. Je ne sais pas si vous l'avez à portée de main, Messieurs les
5 Juges, de toute façon il est utile de nous rappeler la genèse de ce
6 document. Malheureusement, les pages ne sont pas bien numérotées. Je vais
7 procéder d'une autre façon.
8 Q. Quand êtes-vous arrivé au Kosovo ?
9 R. Je n'ai pas mon journal sous les yeux.
10 Q. Mais à peu près ?
11 R. A Kosovo Polje, vous voulez dire ?
12 Q. Non, à Kosovo.
13 R. A Kosovo, je crois que je suis arrivé au cours de la première semaine
14 de février. Cela doit être le 6 ou 7 février.
15 M. NICE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, je vous ai expliqué comment
16 fonctionne ce document. Prenez un des intercalaires rouges qui indiquent la
17 première semaine ou les premières semaines de février. Est-ce que l'on y
18 trouve quelque chose ?
19 Où est-ce que nous en sommes ? Cela, c'est 1er janvier. Prenons février,
20 première semaine de février. Oui, c'est parfait. Merci.
21 Q. Monsieur Keith, je ne sais pas si vous connaissez ce document. Je vous
22 rappelle que cela a été préparé de façon quotidienne. Le feuillet principal
23 se présente comme suit : "Événements significatifs, tels qu'ils ont fait
24 l'objet de rapports." Vous avez un code. Ce sont les 24 heures du 1er
25 février 1999. On voit plusieurs indicateurs, cinq, ce sont des événements
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1 qui ont été signalés au cours de ces 24 heures. Vous voyez ?
2 R. Oui.
3 Q. Voyez la page suivante.
4 M. NICE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, veuillez la présenter au
5 témoin.
6 Q. Premier élément signalé de la carte, ici, on donne quelques détails de
7 ce qui est mentionné à la carte numéro 1, et vous voyez les numéros 4, 2, 3
8 et 5. Ce qui est étonnant -- ou ce qui n'est pas surprenant, c'est que la
9 page suivante indique les événements ou la carte 2 février. C'est un
10 document qui fait la synthèse de tout ce qui s'est passé au Kosovo.
11 R. Oui.
12 Q. Lorsque vous avez commencé à vous faire un avis, à vous forger une
13 opinion sur ce qui se passait au Kosovo, vous n'aviez que peu de documents
14 comme base. Est-ce que vous avez essayé d'effectuer une recherche des
15 documents existants qui montraient ce qui se passait ?
16 R. Il ne m'était pas possible de consulter ces documents à l'époque, c'est
17 exact.
18 Q. Est-ce que vous avez essayé de consulter le moindre document avant de
19 vous faire une idée de ce qui se passait au Kosovo ?
20 R. Monsieur Nice, j'ai quitté le Kosovo dans des circonstances que
21 connaissent les Juges de la Chambre. Les médias de la communauté
22 internationale avaient décidé certaines choses, avaient relaté des choses
23 d'une façon qui, à mon avis et selon mon expérience limitée, comme vous
24 l'avez dit, n'était pas objectif. J'ai pensé qu'il était adéquat, juste,
25 correct que quelqu'un, qui avait une expérience personnelle de la
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1 situation, même si elle ne portait sur quelques semaines seulement, qu'une
2 telle personne essaie de corriger ce que disait d'autres de façon
3 incorrecte, de corriger ce qui était perçu dans les médias internationaux.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai du mal à trouver cette page qui
5 apparaît à l'écran.
6 Monsieur Nice, pourriez-vous nous donner le numéro ERN ?
7 M. NICE : [interprétation] Oui, tout à fait. Pour ce qui est du 2 février,
8 c'est le numéro ERN 03524965.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non. J'ai un numéro du Greffe qui
10 est différent parce que, pour février, cela commence à la page 13 118, mais
11 c'est différent.
12 M. NICE : [interprétation] Désolé que nous ayons des numérotations
13 différentes. Monsieur le Juge, je ne sais pas si la liasse que vous avez
14 n'a pas bien été constituée, mais vous avez un numéro en haut de page qui
15 vous donne la date, le jour. Cela commence par le 1er février. Cela fera
16 01 à 28, et le mois de février montré à la fin.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai dans mon classeur un numéro 03,
18 puis c'est 00.
19 M. NICE : [interprétation] A ce moment-là, c'est le jeu de documents qui
20 précède directement. Est-ce que vous pourriez faire marche arrière de
21 quelques documents ?
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela me donne le mois de janvier.
23 M. NICE : [interprétation] Je veux, effectivement, que vous soyez à même de
24 suivre ces documents.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, oui, poursuivez.
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1 M. NICE : [interprétation]
2 Q. Monsieur Keith, votre dernière réponse consiste à dire que vous vouliez
3 corriger les déclarations incorrectes qui avaient été faites. Redressez la
4 barre. Voyons ce que ce document-ci dit à propos de la période au cours de
5 laquelle vous avez été sur place. Prenons le 21 février.
6 M. NICE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, consultez l'intercalaire
7 rouge.
8 Dans l'intervalle, j'essaie de répondre à la question du Juge Kwon. Voici
9 ce que j'aurais à dire. Nous ne sommes toujours pas tombés d'accord sur la
10 version faisant foi de ce document, pas d'accord encore avec le Greffe. Je
11 pense que c'était gardé en suspens. C'est le Juge May qui avait suspendu
12 l'examen de la question. Je pense que dans les coffres, il y avait des
13 copies qui vous étaient réservées. C'est tout ce que je peux vous dire pour
14 le moment.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pourrons régler la question plus
16 tard.
17 M. NICE : [interprétation] Tout à fait.
18 Q. J'espère que nous avons les bonnes pages. Oui. Ceci consiste le 21
19 février. On voit aussitôt, en regardant Pristina, qu'il n'y a rien de
20 particulier qui a été signalé s'agissant de Pristina ou de la région, la
21 vôtre. Il y a plusieurs choses qui sont mentionnées en ce qui concerne les
22 environs. Prenez le numéro 2 de la carte. Ici, il est fait référence au
23 pilonnage de Studencani, qui a eu pour résultat le déplacement de 5 300
24 personnes.
25 M. NICE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, la page maintenant où on
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1 voit le numéro 2, où sont précisés les détails de cette rubrique.
2 Q. La source, c'est le Haut-commissariat aux Réfugiés : "Le pilonnage du
3 village de Studencani, le 20 février 1999, a eu comme conséquence le
4 déplacement de 5 300 personnes, personnes déplacées à l'intérieur du
5 territoire, originaires de Studencani, qui ont fui leurs villages pendant
6 le pilonnage. On précise le nom de ces villages." Voici un exemple parmi
7 d'autres du genre de chose qui se passait au Kosovo. Vous le reconnaissez ?
8 R. Vous me donnez un document ici préparé par ONG. Ici, en l'occurrence,
9 c'est le Haut-commissariat aux Réfugiés des Nations Unies.
10 Je n'étais pas présent. Je ne peux pas garantir la validité ou l'exactitude
11 de ce rapport. Ce que je sais, c'est qu'on a fait beaucoup de rapports.
12 Même dans la zone de responsabilité limitée qui était la mienne, comme vous
13 avez dit à juste titre, lorsque des gens, les habitants du coin me disaient
14 qu'il y avait des centaines de personnes déplacées, lorsque je menais une
15 enquête, il s'agissait d'une douzaine de personnes. J'ai fait le suivi des
16 choses. Ici, je ne sais pas qui a préparé ce rapport, et s'il est exact. Je
17 ne suis pas ici pour nier l'exactitude d'un tel rapport, mais je n'ai aucun
18 moyen de vous garantir la validité ou l'exactitude d'un tel rapport non
19 plus.
20 Q. Je vous ai déjà posé la question de savoir si vous vouliez dire que sur
21 les 16 ou 1 700 membres de la KVM, il y avait des gens coupables de partis
22 pris. Je ne pense pas que vous ayez pu en cerner un, mais je reviendrai sur
23 cette question. Est-ce que dès le mois de mai 1999, il y a plusieurs choses
24 que vous êtes à même de dire ?
25 M. NICE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, indiquez-nous l'endroit où
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1 est mentionné le 27 février.
2 Q. Je crois que cela vous rapproche de votre zone ici; n'est-ce pas ?
3 C'est bien l'accord du 27 ? Que voyons-nous ici ?
4 Beaucoup d'activités aux alentours, enfin, au Kosovo, de façon générale;
5 cependant, regardez le numéro 2, embuscade du MUP, un mort et un blessé.
6 Examinons le rapport des événements significatifs signalés s'agissant du
7 point 2. Vous voyez ici que vers 17 heures 30, il y a eu embuscade tendue à
8 une patrouille du MUP à l'ouest de l'aérodrome de Pristina. Vous en avez
9 parlé; n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Apparemment, ils sont tombés sous le coup de tirs d'un tireur embusqué,
12 et il y a eu des balles qui ont traversé le plafond blindé du véhicule. Il
13 est dit : "Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a un juge local et une
14 équipe de télévision qui se trouvaient tout près de l'embuscade au moment
15 de l'incident." Vous vous en souvenez ?
16 R. Oui. Ils se déplaçaient sur cette route. Ils n'étaient pas là au moment
17 où l'incident s'est produit, mais au moment où les tirs ont cessé, ils sont
18 allés à l'est [comme interprété] de la route vers Pristina et, lorsque
19 l'engagement s'est terminé, ces gens sont allés dans la zone.
20 Q. Est-ce que c'est vous qui en avez fait rapport en passant par les
21 différentes étapes de la voie hiérarchique ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous avez aussi parlé du juge ?
24 R. Cela, je ne m'en souviens pas si j'en ai parlé.
25 Q. [aucune interprétation]
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1 R. Oui, c'est bien possible que je l'aie fait.
2 Q. Parlons du 3 mars. Ici, vous présentez une description des faits qui
3 vous est coutumière. Vous savez ce que disait l'accord d'octobre quant à la
4 possibilité, ou à la nécessité d'amener des armes de Serbie au Kosovo ou de
5 sortir les armes du Kosovo ?
6 R. Je n'ai pas les détails devant les yeux, mais je sais qu'il ne devait
7 pas y avoir augmentation du nombre d'armes présentes sur les lieux. C'est
8 comme cela que je comprenais l'accord.
9 Q. Voyons d'abord la carte concernant le 3 mars, nous verrons le point 9.
10 Il y a pas mal de choses qui se passent le
11 9 mars; on le voit sur la carte. Notamment, à l'aérodrome de Pristina, il y
12 a quelques MiG 21. Est-ce qu'il faut attacher une certaine importance à
13 cela ?
14 R. A la présence des MiG 21 ?
15 Q. Oui.
16 R. Je me souviens qu'il y a eu une recrudescence de la circulation
17 d'activité aérienne au cours de cette phase. J'ai observé, et d'autres
18 membres de mon équipe ont observé un nombre inhabituel de MiG 21.
19 Q. L'UCK n'avait pas de MiG 21 ?
20 R. Non, pas à ma connaissance. Ce n'était pas des actions hostiles menées
21 sur tel ou tel point ou tel ou tel lieu, à ma connaissance.
22 Q. Examinons le numéro 9. Vous le voyez ? "Arrivée de chars en train."
23 M. NICE : [interprétation] Essayez de trouver, Monsieur l'Huissier,
24 l'endroit où l'on parle du numéro 9 : "Arrivée de chars par train."
25 Q. On parle ici de "Sept M-36/85 qui sont arrivés par train à Mitrovica.
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1 L'origine est inconnue pour le moment. Un a été déchargé à Mitrovica, alors
2 que les six ont poursuivi leur voyage en train vers Pristina, vers le sud.
3 Le train, normalement, ne fait que transporter du sable ou du gravier. On
4 ne sait pas où ont été déchargés les six autres chars.
5 "Commentaire : rien n'indique que ce train et ce qu'il transportait était
6 parvenu à Pristina. Il y a plusieurs endroits sur la voie ferrée entre
7 Mitrovica et Pristina où ils auraient pu être déchargés. Cet événement
8 indique clairement la capacité ferroviaire actuelle de la région. Les
9 enquêtes menées par le Groupe régional de coordination 2 et le Groupe
10 régional 5, se poursuivent pour déterminer quel était le point d'origine de
11 ces chars et quel est l'endroit où ils se trouvent actuellement. Si le
12 train venait de l'extérieur du Kosovo, cela peut indiquer qu'il y a eu un
13 renforcement des forces."
14 R. Je savais qu'il y avait eu des mouvements de véhicules blindés
15 transportés par rail et par route, et on m'avait demandé de faire rapport
16 sur la présence de tout véhicule blindé. Quant à savoir s'ils sont arrivés
17 dans la province ou s'ils ont été simplement déplacés à l'intérieur de la
18 province, je ne sais pas. J'ai essayé, puisque j'ai une expérience dans les
19 blindés, de savoir ce qu'il en était.
20 Q. Vous avez été pilote de char à une époque, n'est-ce pas ?
21 R. Pas seulement cela, j'ai occupé toutes les fonctions dans un escadron
22 de chars.
23 Q. Quand avez-vous conduit un char ?
24 R. J'étais jeune à ce moment-là.
25 Q. Vous avez parlé - je cherche un document - des rapports que vous avez
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1 établis sur trois jours d'activité.
2 Le premier concerne le 7 mars. Autant vérifier la façon dont vous avez fait
3 rapport, si tout s'est bien passé dans la voie hiérarchique.
4 M. KAY : [interprétation] Pour ce qui est de l'ordre chronologique, le
5 premier était le 28 février.
6 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi, je me suis trompé.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas --
8 M. NICE : [interprétation]
9 Q. Je l'ai déjà passé.
10 R. Je n'ai pas le document sous les yeux.
11 Q. Vous devez l'avoir, bien entendu.
12 M. NICE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, est-ce que nous pouvons
13 revenir au rapport du 28 février, début du rapport ?
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Remettez aussi au témoin pour qu'il ait
15 sous les yeux la pièce de la Défense, D247.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
17 M. NICE : [interprétation]
18 Q. Nous voyons ici, sur la carte relative au 28 février, qu'il y a eu
19 beaucoup d'activités, des tirs à Pristina, mais cela ne correspondait pas à
20 votre zone de responsabilité.
21 R. J'ai été concerné par certains de ces incidents parce que j'étais en
22 transit vers Pristina. J'allais là-bas pour procéder à la coordination de
23 mes activités au centre de Coordination. A deux reprises, je suis intervenu
24 dans le cadre de la réponse à ce type d'incident, suite à des meurtres,
25 suite à des victimes. Je suis intervenu, ensuite, ce sont d'autres
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1 vérificateurs qui ont pris la relève.
2 Q. Nous allons examiner votre propre pièce à conviction que vous avez sous
3 les yeux, le document qui concerne le 28 février. On voit que les
4 patrouilles se sont poursuivies pendant tout le reste de la semaine, des
5 contacts amicaux et positifs ont été noués, et cetera, et cetera.
6 nsuite, il y a une phrase dans laquelle on peut lire que : "Les patrouilles
7 régulières dans cette zone vont être maintenues, et notre évaluation, c'est
8 que l'UCK est probablement plus fiable dans cette zone -- l'UCK est plus
9 fiable dans son interprétation des événements dans la zone."
10 R. Oui.
11 Q. Vous parlez d'un incident où un peloton de chars qui était transportés
12 sur des APC -- ou plutôt avec des APC. Vous parlez d'un mort au sein du
13 MUP, d'un blessé.
14 R. C'est le même incident.
15 Q. Oui.
16 R. Vous en avez parlé quand vous avez évoqué le livre bleu, en commentant
17 le livre bleu.
18 Q. Tout ce qui figure dans votre rapport semble y être, et tout ce qui
19 aurait dû y être semble y être.
20 R. Je n'ai jamais dit le contraire.
21 Q. Merci. Maintenant, nous allons passer à la journée suivante dans vos
22 propres rapports. Je crois que c'est le 7 mars.
23 M. NICE : [interprétation] Je vais demander à l'Huissier de montrer le 7
24 mars.
25 Q. Dans votre document, vous parlez de rapports qui n'ont pas été
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1 confirmés au sujet de tirs isolés. Vous parlez du déplacement de trois
2 chars au niveau de l'élevage de poulets et de l'aéroport. Vous dites qu'on
3 a observé le mouvement de six autres chars, qu'on a pris des contacts qui
4 se sont révélés très positifs avec les différents chefs de la police. Les
5 problèmes de nature humanitaire, on a connu qu'il y a eu une recrudescence
6 au cours de la semaine avec une augmentation des incidents et des attaques
7 menées contre le MUP et des ripostes contres les positions de l'UCK au
8 nord.
9 Q. Donc, rien de bien précis ici ?
10 R. Monsieur Nice, il faut savoir une chose : c'est que, dans ces rapports
11 quotidiens, j'essaie de dire aussi objectivement, aussi précisément que
12 possible, ce dont je me souviens de la situation et ce document est un
13 document qui a été établi, à ce moment-là, au moment des faits. Mais vous
14 avez raison --
15 Q. Parce que ce sont d'autres responsables de la KVM qui seraient en
16 charge de la zone située plus au nord, n'est-ce pas, et des rapports
17 relatifs à ce qui se passe dans cette zone ?
18 R. Oui. Ce sont des hommes de responsabilité adjacente à la mienne,
19 effectivement.
20 Q. Mais vous direz que les patrouilles de routine avaient pour objectif de
21 suivre les mouvements de la population, voici qu'il y a un mouvement de 70
22 villageois, n'est-ce pas, qui ont été déplacés ?
23 R. Cela c'est l'incident auquel fait référence, Maître Kay. J'y ai
24 participé d'ailleurs. J'ai contribué à rétablir une certaine normalité et à
25 permettre aux habitants de Donji Grabovac de rejoindre leurs foyers.
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1 Q. Vous vous souviendrez de la question de M. le Juge Kwon. Il vous avait
2 demandé si ces villageois avaient été déplacés en raison des combats ?
3 R. C'était très difficile pour la vie civile de se maintenir avec des
4 combats à quelques centaines de mètres seulement, quelle que soit la partie
5 qui soit responsable de ces combats et de ces affrontements, quelle que
6 soit celle qui en étaient à l'origine.
7 Q. Vous n'avez rien d'autres à dire au sujet de ces personnes déplacées
8 pour aider les Juges de la Chambre à saisir mieux la situation ?
9 R. Non, je n'ai pas de connaissance. Je n'ai pas d'informations détaillées
10 à ce sujet.
11 Q. Maintenant, examinons la carte relative au 7 mars. On voit ici que :
12 "Des membres de la KVM affirment que des tirs de mise en garde ont été
13 tirés en l'air. Deux hommes du MUP ont été tués. Un a été blessé après
14 s'être rendu dans une maison pour arrêter trois hommes pour vol." Mais on
15 ne parle pas sinon de Kosovo Polje, ici ?
16 R. Non, mais il faut savoir, Monsieur Nice, que vous avez ici des rapports
17 qui ont trait à des événements très ponctuels, et qui sont réalisés à
18 partir de plusieurs types d'informations qui nous sont communiqués, y
19 compris moi et d'autres vérificateurs, donc c'est un résumé vraiment
20 succinct. Je ne pense pas que cela puisse bien traduire la tension qui
21 régnait, l'anxiété, l'angoisse dans laquelle on vivait à l'époque.
22 Passons au 7 mars. Ici nous avons quelque chose pour le 8, mais non,
23 passons au 7. Merci.
24 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur l'Huissier, j'aimerais que
25 l'on passe à la journée du 8.
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1 Q. J'aimerais que vous examiniez, Monsieur le Témoin, votre rapport pour
2 la journée du 8.
3 Voyons un peu les informations qui ont été envoyées au sujet de cette
4 journée au quartier général, si l'on peut dire. On voit sur la carte ici,
5 au point 7, convoi important du MUP en direction de l'ouest, observé en
6 direction de l'ouest. Au nord de la zone, on voit que la VJ a pilonné cinq
7 villages entraînant le déplacement de 150 à 200 personnes dans la zone. On
8 voit qu'à l'est de la zone au point 6, il est indiqué qu'on a observé des
9 mouvements de troupes de la VJ, qui sont entrées et sorties de Gnjilane. Il
10 y a d'autres activités qui sont signalées, mais rien qui ait trait à la
11 zone où vous vous trouviez, à la zone de votre compétence.
12 Si on regarde votre rapport pour le 8 mars, un petit peu difficile à
13 suivre; enfin, ce n'est nullement une critique, mais c'est assez complexe.
14 On voit qu'il n'y a rien ici digne d'être signalé.
15 R. Monsieur Nice, il s'agit d'un rapport parmi d'autres. Il ne s'agit pas
16 d'un rapport quotidien. Il s'agit d'un rapport qui a trait à un incident
17 précis et il s'agit d'un incident dans lequel j'ai été impliqué avec
18 certains autres vérificateurs. Un véhicule a été endommagé. Il a dû être
19 ensuite retiré de la circulation pour être réparé. Il y a, sans doute, eu
20 également pour cette journée un rapport quotidien, mais que je n'ai pas là
21 sous les yeux. Mais là nous avons un rapport qui a trait à un incident très
22 précis, très ponctuel, qui aurait pu avoir des conséquences assez
23 déplorables, assez regrettables. Fort heureusement, cela n'a pas été le
24 cas. Personne n'a été grièvement blessé.
25 Q. On n'imagine pas que globalement cet incident soit signalé à vos
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1 supérieurs au QG ?
2 R. Non, je ne vois pas pourquoi ceci figurerait dans le livre bleu.
3 Q. Vous n'avez rien à dire à la façon dont les incidents de la journée ou
4 globalement les incidents ont été signalés ?
5 R. Non, effectivement.
6 Q. Nous allons maintenant passer à la journée du 9 mars, que l'Huissier
7 nous permet de suivre.
8 Ici on voit qu'il y a au numéro 1, l'indication de tirs sporadiques de la
9 part d'armements lourds, du côté de la VJ. Au point 3, on voit qu'un homme
10 albanais a été enlevé. Au point 4, activité aérienne à l'ouest de Prizren.
11 Au point 8, on voit qu'un homme albanais a été assassiné à Pristina dans la
12 soirée du 8 mars.
13 Maintenant, si on examine le document que vous avez, vous-même, préparé
14 pour cette journée. On voit qu'à 8 heures 30, "le commandant de la police
15 de Kosovo Polje a signalé qu'il y avait eu un assassinat à Donje Dobrovo et
16 la police a escorté JB." C'est un code, un signe indicatif jusqu'au site.
17 Cela correspond à l'incident qu'on a vu précédemment sur la carte ?
18 R. Oui, il s'agit du même incident. "JB" c'est "Juliet Bravo". En fait,
19 c'est l'indicatif d'un de mes véhicules.
20 Q. Oui, effectivement, on peut le constater.
21 M. NICE : [interprétation] Je vais demander à l'Huissier de tourner
22 quelques pages pour voir la page qui détaille l'incident concerné et on
23 peut se convaincre de la véracité de ce que vous venez de dire.
24 Puisque nous sommes en train de parler de cette journée, je vais demander à
25 l'Huissier de passer à la page qui concerne le détail de l'incident
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1 numérotée 5, pour voir ce qu'il passait au Kosovo ce jour-là.
2 Q. On voit, je cite : "L'opération de la VJ et du MUP ayant pour objectif
3 de faire partir l'UCK de la zone, le général Jankovic se poursuit. Les
4 patrouilles de la KVM ont été interceptées, ont été empêchées de vaquer à
5 leurs tâches dans les villages concernés. Les forces de la VJ et du MUP se
6 sont ensuite livrées à leurs activités habituelles dans les villages
7 environnants et ont contraints les habitants à fuir, en procédant à des
8 tirs directs et indirects. En milieu de l'après-midi, certaines maisons
9 étaient en flammes. Des unités du MUP sans avoir pour l'intention de
10 détruire ces villages."
11 Monsieur Keith, est-ce que vous diriez, même si nous n'avons examiné que
12 certains points qui figurent dans ce livre bleu, qu'il permet quand même de
13 se faire une idée assez précise de ce qui se passait au Kosovo pendant la
14 période ?
15 R. Je ne vois pas très bien où vous voulez en venir, Monsieur Nice, mais
16 on peut dire qu'il n'y a rien à redire à ce que vous venez de dire.
17 Q. Vous avez eu des conversations avec d'autres personnes qui étaient sur
18 place, qui étaient dans la zone, et le fait c'est que, quand on regarde ce
19 qui se passe à Kosovo Polje sur la base de chacune de ces cartes, on voit
20 que la zone était finalement assez calme. Il n'y avait pas grand-chose qui
21 s'y passait.
22 R. En fait, si on parle de cet incident numéro 5 qui a eu lieu le 9 mars,
23 on peut dire, je vous rappelle, que certains des villages dans ma zone de
24 responsabilité ont été attaqués et ont été incendiés.
25 Q. Ceci a fait l'objet d'un rapport adéquat ?
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1 R. Oui, j'ai essayé de signaler les rapports comme cela devait être fait.
2 Q. Je ne suis pas là pour critiquer votre manière de procéder à des
3 comptes rendus, mais avant votre déposition, nous n'avions pas une idée
4 précise de la zone qui était votre zone de responsabilité. Les pièces qui
5 nous ont été communiquées ne permettaient pas de le déterminer.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de vous laisser poursuivre,
7 Monsieur Nice, je n'ai pas très bien compris la réponse que vient nous
8 donner M. Keith. Vous nous dites que certains des villages dont il est
9 question au point 5 se trouvaient dans votre zone.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils sont signalés dans l'incident décrit au
11 numéro 5.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous nous dites que vous ignoriez tout
13 de cette attaque.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Au contraire. Je les ai signalés, et j'imagine
15 que ce qui figure sur cette carte, en fait, découle du rapport que j'avais
16 moi-même produit.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est vous qui avez signalé ces
18 événements, qui avez fait un compte rendu à ce sujet.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ce sont les informations que j'ai, moi-
20 même, données.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi, Monsieur Nice, d'intervenir.
23 M. NICE : [interprétation]
24 Q. Oui. Allez-y.
25 R. Vu les questions que vous me posez sur la manière de procéder au compte
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1 rendu au sein de la Mission de vérification au Kosovo, je peux vous dire la
2 chose suivante : ces 1 638 vérificateurs de la KVM venaient de 54 pays, les
3 pays qui sont membres de l'organisation de la Sécurité et la Coopération en
4 Europe, et j'ai tout le respect qu'il faut pour toutes ces personnes et
5 pour leur participation. Cependant, à mon humble avis, parmi les personnes
6 avec qui j'ai eu l'honneur de travailler, je peux dire que très peu avaient
7 une expérience militaire digne de ce nom, il y en avait beaucoup qui ne
8 comprenaient ce qu'ils étaient en train de voir. Je ne dis pas que ces
9 gens étaient incompétents. Je ne dis nullement que ces gens essayaient de
10 communiquer des informations fausses ou incorrectes. Je dis qu'il est
11 possible qu'à de nombreuses reprises les rapports, les comptes rendus
12 n'aient pas été aussi fidèles à la réalité qu'ils auraient dû l'être. Je ne
13 suis pas en train de critiquer qui que ce soit, mais je sais que sur la
14 base de mon activité sur place, de ma coopération avec les gens qui étaient
15 également sur le terrain, beaucoup de ces gens n'avaient pas eu une bonne
16 compréhension de la situation militaire sur le terrain, et avait du mal à
17 produire des comptes rendus adéquats et exacts.
18 Cela n'enlève rien à leurs rapports, mais cela peut-être soulevait
19 certaines questions.
20 Q. J'y reviendrai après être avoir rebondi sur la question qui a été posée
21 par M. le Juge Bonomy. J'aimerais que l'on passe à l'intercalaire rouge qui
22 indique la journée du 9. Point 5. On voit, "Opération de la VJ et du MUP,
23 nouveau flux de réfugiés, réaction minime de l'UCK," en fait, c'est au
24 point 5. Maintenant, si on regarde le détail de cet incident numéroté 5,
25 "on voit qu'un certain nombre de villages ont été incendiés". C'est ce dont
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1 vous nous avez parlé, n'est-ce pas ?
2 R. Je n'ai pas eu l'occasion de vérifier à quoi s'appliquait ces
3 coordonnées qui nous sont données ici, mais si je regarde les noms de ces
4 villages, je ne pense pas qu'ils étaient dans la zone concernée. Je crois
5 qu'ils se trouvaient au nord de Kosovo Polje sur la route de Mitrovica.
6 Q. Ce qui signifie de ce que vous avez vu et ce dont vous vous souvenez,
7 c'est que le MUP et la VJ avaient incendié des maisons et avaient forcé des
8 gens à partir, n'est-ce pas ?
9 R. Ce n'est pas exact, et ce n'est pas ce que j'ai dit dans mon rapport.
10 Q. Oui, mais cette carte est tout à fait claire. Le point 5 est très
11 éloigné du sud. On ne peut pas faire plus éloigné. C'est vraiment éloigné
12 du sud de la zone. Est-ce que vous êtes sûr que ces villages dont vous avez
13 parlé ne sont pas ceux-là ?
14 R. Si vous parlez de mon rapport que j'aie établi le 14 mars, un rapport
15 hebdomadaire, vous verrez qu'à la moitié du document, si l'on examine les
16 noms des villages, à la fin du deuxième paragraphe, on indique le
17 déplacement de réfugiés qui a diminué, la situation humanitaire est devenue
18 moins critique pendant la semaine malgré l'intensification de conflits dans
19 certains villages qui se trouvaient au nord de ma zone de responsabilité.
20 Il s'agissait de zones qui, pendant cette période et dans les jours qui ont
21 suivi, ont été le théâtre d'opérations antiterroriste. Les habitants ont
22 quitté leurs villages et les bâtiments ont été endommagés.
23 Q. Peut-être, Monsieur Keith, mais si on regarde le point 5. Vous l'avez
24 confirmé en répondant à M. le Juge Bonomy, vous nous dites que ce sont des
25 villages qui relevaient de votre compétence. Or, si on regarde le rapport
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1 du 14 mars, il y a rien qui se rapporte aux villages qui sont indiqués ici.
2 R. Oui. C'est exact. Moi, je pensais qu'il y avait certains noms qui se
3 recoupaient et que c'étaient les mêmes villages.
4 Q. Est-ce qu'on peut conclure le point suivant : à savoir que vous vous
5 êtes complètement trompé et que ce qui est indiqué au numéro 5 dans le
6 rapport n'a rien avoir avec vos activités ?
7 R. Oui. Il est possible que cela n'ait rien avoir avec les rapports que
8 j'aie moi-même établis.
9 Q. Bien. Merci. Passons à la question suivante. Vous venez de critiquer
10 les compétences de certains de vos collaborateurs au sein de KVM.
11 Quel âge aviez-vous quand vous êtes entré dans l'armée ?
12 R. J'étais soldat de réserve à l'âge de 17 ans.
13 Q. Quand vous êtes devenu soldat de part entière ?
14 R. A 19 ans.
15 Q. En quelle année ?
16 R. En 1955.
17 Q. Vous avez continué à servir au sein de l'armée jusqu'au moment où vous
18 avez pris une pause sabbatique en 1982 [comme interprété] ?
19 R. En 1982.
20 Q. Entre 1955 et 1982, vous êtes demeuré pendant 27 ans sous les drapeaux,
21 et quel a été votre grade ?
22 R. J'ai d'abord été soldat de première classe. Ensuite, je suis devenu
23 officier en 1962, et j'ai ensuite monté les échelons.
24 Q. Quand vous avez pris cette pause sabbatique, est-ce que vous étiez
25 capitaine ?
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1 R. Oui, quand j'ai pris ma retraite, j'étais capitaine. C'est exact, et je
2 le suis toujours.
3 Q. Bon. Sans vouloir vous critiquer, cela signifie que vos contacts avec
4 les échelons supérieurs du commandement sont quand même limités.
5 R. Non. Enfin, c'est vrai. Je n'avais pas un grade très élevé, mais vu les
6 effectifs réduits de l'armée canadienne pendant que j'y ai servi et, vu mes
7 activités au sein de l'armée, j'ai eu l'occasion de travailler avec des
8 officiers de haut rang d'une coopération assez proche avec eux ainsi
9 qu'avec de nombreux états-majors, bien que, moi-même, dans le cadre de mon
10 service, je n'ai eu que des grades assez inférieurs, et que j'ai surtout
11 dans le domaine de l'instruction.
12 Q. Est-ce que vous avez suivi des cours d'une école d'état-major ?
13 R. Oui.
14 Q. Vous êtes allé à l'école d'état-major ?
15 R. Oui.
16 Q. Dans le cadre de vos activités avec la KVM, vous n'aviez pas de contact
17 avec les militaires de haut-rang, n'est-ce pas ?
18 R. Vous parlez de la KVM ?
19 Q. Oui.
20 R. Non. Non, ma mission c'était de diriger une petite équipe qui se
21 trouvait à Kosovo Polje.
22 Q. Par exemple, vous n'avez pas discuté de la situation avec votre
23 compatriote, le général Maisonneuve ?
24 R. Non.
25 Q. Mais j'imagine que vous conviendrez avec lui, que vous conviendrez que
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1 vous accepteriez son évaluation de la situation selon laquelle
2 l'utilisation de tir de chars contre des maisons est tout à fait un emploi
3 disproportion de la force, n'est-ce pas ?
4 R. Je ne sais pas exactement de quoi il parlait, mais, effectivement,
5 tirer avec un char c'est uniquement pour se couvrir. Lorsqu'il y a tir
6 direct, comme vous le savez, probablement contre un bâtiment, cependant, ou
7 contre un bâtiment qui a une vocation militaire, cela s'est approprié.
8 Cependant, je ne suis nullement en train de dire que tirer sur une ferme ou
9 sur une exploitation agricole avec un char, ce soit acceptable. Tout dépend
10 de la nature de l'opération militaire en cours.
11 Q. Est-ce que vous avez eu des contacts avec un militaire britannique du
12 nom de Ciaglinski ? Ou je ne sais pas exactement comment cela se prononce.
13 R. Non, pas à ma connaissance.
14 Q. Est-ce que vous avez suivi les débats en l'espèce ?
15 R. J'ai essayé de suivre ce qu'on en disait dans la presse, dans les
16 médias, mais je ne n'ai pas suivi en détail ce qui se passait ici.
17 Q. On va se rendre compte que la façon dont vous présentez les choses est
18 influencée par une certaine opinion politique ?
19 R. La façon dont je présente mon expérience dans la région ?
20 Q. Oui.
21 R. Oui.
22 Q. Vous avez des opinions militaire et politique bien affirmées. Vous le
23 saviez, bien entendu, mais il reste encore à ce que soit accepté par la
24 Chambre que Ciaglinski avait été informé d'un plan qui avait pour objectif
25 de faire partir l'UCK de la zone et de contraindre les Albanais du Kosovo à
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1 partir ?
2 R. Je n'avais pas connaissance d'un tel plan, et je n'en ai pas
3 connaissance.
4 Q. Bien entendu, vous n'avez pas discuté de cela avec des militaires de
5 haut rang d'un côté ou de l'autre ?
6 R. Non, je parlais simplement de mon opinion sur la base également des
7 conversations que j'ai eues avec d'autres vérificateurs, en particulier,
8 s'agissant de l'évacuation qui a eu lieu dans la zone. J'ai parlé avec
9 certains vérificateurs même si je n'ai pas parlé avec tous.
10 Q. Revenons à l'exactitude des comptes rendus tels qu'ils sont faits. Nous
11 avons ici un rapport d'activité quotidien qui a trait au 10 mars, une
12 journée où la situation à Kosovo Polje était calme. J'aimerais que l'on
13 voie à l'écran le rapport relatif au 10 mars pour voir si cela correspond
14 avec votre rapport. On voit sur la carte qu'effectivement il ne s'est pas
15 passé grand-chose ce jour-là. Cela correspond à votre rapport ?
16 R. Oui.
17 Q. Ensuite, si je ne me trompe, Me Kay me corrigera, je crois que la
18 dernière journée dont vous avez parlé, c'était celle du
19 14 mars.
20 Examinons la carte. Examinons cette journée du 14 mars pour voir si cela
21 correspond.
22 Au point 8, on voit menace contre la KVM. Avant que nous examinions la page
23 où est détaillé ce point, on voit qu'au point 6, la VJ a signalé une
24 embuscade.
25 R. Je ne vois pas très bien à quoi vous faites référence.
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1 Q. La carte relative au 14 mars. On voit que des tirs ont été tirés sur la
2 KVM. Il y a eu des combats violents entre la VJ, le MUP d'une part et
3 l'UCK, d'autre part.
4 R. Oui.
5 Q. Ensuite, si on regarde votre document, on peut y lire que la situation
6 à Kosovo Polje est calme bien qu'il y ait une recrudescence des tensions.
7 Une patrouille de deux voitures a été interceptée, et a fait l'objet de
8 manœuvre de harcèlement dans la nuit du 8 mars.
9 R. De quoi parle-t-on exactement ?
10 Q. Je parle du document que vous avez vous-même établi pour le 14 mars de
11 votre rapport hebdomadaire.
12 R. Oui.
13 Q. Les rapports non confirmés nous parlent de tirs isolés dans la région
14 de Grabovac. Phrase suivante : "La crédibilité de l'UCK est plus grande
15 dans cette zone. Réunions avec des chefs de la police doivent permettre le
16 retour à Donji Grabovac des personnes qui avaient dû quitter leur village."
17 Paragraphe suivant, enfin non, le paragraphe d'après : "Activité de la VJ
18 très limitée pendant toute la semaine dans la zone de responsabilité.
19 Activité du MUP, contacts avec l'UCK, et cetera."
20 Rien de particulier ici ?
21 R. Vous voulez dire rien qui soit digne de figurer dans le livre bleu ?
22 Q. Oui.
23 R. Non. Oui, je parle, effectivement, de la situation globale.
24 Q. Très bien.
25 Puisque nous parlons du 14, j'aimerais qu'on examine ce qui est explicité
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1 pour le point 5. On voit qu'il y a eu des tirs. Je ne vais me contenter de
2 lire deux des pages qui concernent les événements ainsi détaillés, mais
3 cela est représentatif de ce qui se passait ailleurs. Il y est dit :
4 "Combats violents autour de Svrhe et de Prcevo pendant la matinée. Les
5 combats avaient cessé à 15 heures. Echange de tirs avec intervention de
6 chars, de mortiers, de mitrailleuses lourdes de la part de la VJ, d'armes
7 légères et peut-être de mortiers légers du côté de l'UCK. Ni la VJ, ni le
8 MUP n'ont signalé de pertes, mais une patrouille de la KVM a signalé la
9 présence de quatre cadavres de combattants de l'UCK à Dus. Fuite des
10 villageois -- "
11 "Commentaire : La VJ a expliqué que ses activités avaient été prévues à
12 l'avance, qu'il s'agissait de manœuvres. Le MUP dit ne pas avoir participé
13 aux événements concernés; cependant, le MUP, notamment, la Milicija de la
14 PJP, a été signalée par le RC3 dans la zone. Le HCR des Nations Unies a
15 signalé que 5 300 civils avaient quitté leurs villages. Le RC3 peut
16 confirmer qu'il y a au moins 500 personnes qui sont parties de deux
17 villages, de deux des villages concernés."
18 Monsieur Keith, vous avez été tout à fait prêt à critiquer les autres
19 vérificateurs et leurs manières de présenter des comptes rendus. Est-ce
20 qu'ici il y a autre chose que des faits, des faits qui pourraient être
21 apportés par n'importe quelle personne suffisamment bien formée pour faire
22 un rapport ?
23 R. Je n'ai jamais critiqué les compétences de mes collègues. J'ai essayé
24 justement de les complimenter vu le travail qui a été accompli. Ce que j'ai
25 dit simplement, ce que j'ai suggéré, c'est qu'il y en avait certains qui ne
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1 comprenaient peut-être pas l'importance militaire de certaines opérations
2 tactiques pointues. Peut-être comprenaient-ils cela moins que quelqu'un
3 comme moi, vu l'expérience dont je bénéficie. Je ne vois rien dans ce
4 rapport autre que ce que j'ai dit moi-même, à savoir que le HCR des Nations
5 Unies a signalé que 5 300 civils avaient abandonné les villages, ce qui est
6 considérable. Je suis sûr que la Chambre le reconnaîtra. Mais le RC3
7 confirme simplement qu'il s'agit de 500 personnes venant de ces villages.
8 Je pense que cela va, cela abonde dans mon sens lorsque j'ai fait un
9 commentaire de nature générale au sujet des chiffres présentés, de
10 l'inflation qui prévalait, s'agissant de ces statistiques et de ces
11 chiffres.
12 Je n'étais pas là, je ne peux pas dire si ce rapport est exact ou pas, mais
13 c'est ce que j'essaie de vous dire à vous et à la Chambre, c'est que dans
14 de nombreux cas, ces rapports étaient soumis au quotidien et réalisés par
15 des personnes extrêmement compétentes, mais peut-être pas dans tous les
16 domaines.
17 Q. Monsieur Keith, qui est RC3 ?
18 R. Le Centre de coordination régional numéro 3.
19 Q. Le centre de Coordination régional est chargé de prendre en compte tous
20 les rapports et d'en produire un rapport général. Qu'est-ce que cela nous
21 dit au sujet de la responsabilité plus ou moins grande de la KVM ?
22 R. Je ne vois pas où vous voulez en venir. Tout ce que je vous dis, c'est
23 que ce rapport, il a été préparé à partir d'autres rapports et à partir
24 d'un grand nombre de sources. Je ne suis nullement en train de dire que
25 nous avons ici un rapport qui est inexact ou qui n'est pas adéquat. Je suis
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1 simplement en train de vous dire qu'on reprend ici des informations qui
2 viennent des antennes sur le terrain et d'autres sources. Je n'étais pas
3 là. Vous non plus, à ma connaissance, vous n'étiez pas là. Ni vous, ni moi
4 ne pouvons dire que ce qui est dit ici est exact à 100 %. Essayez de
5 comprendre ce que je suis en train de vous dire. Je ne suis pas en train de
6 critiquer mes collaborateurs au sein de la KVM, je dis simplement que leur
7 compétence dans le domaine militaire --
8 Q. Est inférieure à la mienne ?
9 R. Inférieure à celle de beaucoup de monde et --
10 Q. Est inférieure à la vôtre ?
11 R. Inférieure à celle de beaucoup de monde et –
12 Q. Je vois. Bien, passons à la journée suivante, s'il vous plaît.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Nice, j'aimerais savoir si, avant
14 d'être envoyés sur place, les vérificateurs suivaient une formation.
15 M. NICE : [interprétation] Vous avez entendu la question du Président. Vous
16 avez mentionné les journées de formation dont vous avez bénéficié à votre
17 arrivée. Pouvez-vous, je vous prie, donner au Président plus de détails sur
18 la nature des quatre jours de formation que vous avez suivis.
19 R. Volontiers, Monsieur le Président. A notre arrivée, nous avons reçu une
20 formation essentiellement administrative et technique. On a testé notre
21 aptitude à manœuvrer un 4x4 Peugeot sur les routes du Kosovo. Je dois dire
22 que cet examen était assez élémentaire, mais tout le monde a dû le passer.
23 On nous a montré comment nous servir d'une radio. Comment utiliser un GPS,
24 un récepteur de positionnement à capacité globale, et puis il y a eu des
25 briefings sur ce qui se passait dans la province, assurés par divers
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1 responsables de haut niveau au sein de la Mission, afin d'essayer de nous
2 donner une idée de la situation ; et aussi bien sûr, à un niveau très
3 limité, des indications sur ce que nous devions faire.
4 Mais, à mon humble avis – puisque M. Nice met en doute ma crédibilité en
5 raison de ma progression limitée dans la hiérarchie militaire – à mon
6 humble avis, tout cela était très rudimentaire et à aucun moment on ne nous
7 a donné, en tout cas pas à moi, d'informations sur ce que nous observions,
8 sur ce que nous allions peut-être observer. Certes, on nous a distribué,
9 ou on a mis a notre disposition des brochures présentant l'organisation de
10 la VJ, l'organisation du MUP, mais mon – M. Nice a fait référence à l'école
11 d'état-major, aux cours dispensés dans une école d'état-major. Eh bien là,
12 il ne s'agissait indéniablement pas d'un document digne d'une école d'état-
13 major et --
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous reçu une formation sur
15 l'identification des éléments qui devaient faire l'objet de vos rapports ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation]Très honnêtement non, Monsieur le Président. A
17 part nous dire : « Signalez ce que vous voyez ». Et si je peux me
18 permettre, pour certains de ces incidents et de ces situations, il était
19 difficile de se rendre sur place. Et je voudrais faire une observation
20 relative à l'objet des questions que me pose actuellement M. Nice.
21 La KVM avait un champ d'action limité aux axes routiers, parce que nous
22 nous déplacions en véhicules. Et nous étions stationnés dans des petites
23 villes et bourgades du Kosovo, avec un QG et un centre administratif à
24 Pristina et dans les différents centres régionaux également. En
25 conséquence, je ne connais pas bien sûr les chiffres par cœur, mais sur les
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1 1 638 vérificateurs, je dirais que seulement la moitié était envoyée sur le
2 terrain. Les autres travaillaient au QG, dans l'administration ou la
3 direction. Mais notre incapacité – et je souhaite insister fortement sur ce
4 point – notre incapacité à surveiller l'UCK sur le terrain m'a sauté aux
5 yeux dès le premier jour. On observait les autorités yougoslaves. On
6 pouvait observer la VJ, comme M. Nice l'a indiqué en commentant les
7 rapports du Livre bleu, parce qu'un train transportant des chars M36/85, ça
8 se voit. D'ailleurs, pour votre information, Monsieur le Président, à mon
9 avis un char M36/85 est un engin anti-chars datant de la Deuxième guerre
10 mondiale et modernisé avec un canon de type yougoslave ou soviétique de
11 calibre 85 mm, et ce n'est pas une arme particulièrement puissante, même
12 s'il s'agit d'un véhicule blindé et qu'il transporte une arme à tir direct.
13 Mais on pouvait observer les trains transportant des chars. On pouvait
14 observer les chars qui quittaient Pristina en direction du Nord. On pouvait
15 contrôler les allées et venues du MUP à Glogovac, mais je ne connais aucun
16 vérificateur qui ait pu observer quoi que ce soit des activités de la KVM
17 ou de l'UCK -- pardon de l'Armée de libération du Kosovo, ou UCK, sauf
18 quand ils menaient des attaques avec leurs tireurs embusqués ou des
19 attaques terroristes, quel que soit le nom qu'on choisisse de leur donner,
20 contre les autorités ou les habitants de la province.
21 Donc, en tant qu'ancien militaire, je peux affirmer catégoriquement que
22 nous observions un des deux camps, mais pas l'autre.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Nice, je crois que le moment est
24 venu de faire la pause.
25 Auparavant, M. Milosevic, je souhaiterais vous rappeler qu'à l'issue du
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1 contre-interrogatoire, Maître Kay va poser des questions supplémentaires au
2 témoin et que vous pourrez vous aussi lui poser des questions. Vous avez
3 suivi le contre-interrogatoire. Vous connaissez les sujets abordés. Pendant
4 la pause, essayez de déterminer s'il y a des questions que vous
5 souhaiteriez poser dans le cadre des questions supplémentaires.
6 L'audience est suspendue.
7 Oui, M. Milosevic.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre avocat ne fait même pas d'observations au
9 sujet du fait que le contre-interrogatoire – et c'est le troisième témoin
10 de la soi-disant présentation des moyens à décharge, qui n'en est
11 absolument pas une d'ailleurs, mais passons - que le contre-interrogatoire
12 a dépassé le champ prévu et les limites de temps que vous avez fixées vous-
13 même, dans la proportion de 6 contre 1. Pour les trois témoins que nous
14 avons entendus jusqu'ici, le contre-interrogatoire a dépassé ces limites,
15 mais votre avocat ne fait pas d'objections à ce sujet. Alors que se passe-
16 t-il ici ? Et vous-même – -
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Milosevic. M. Milosevic, la
18 Chambre s'est montrée très arrangeante quand vous meniez vos propres
19 contre-interrogatoires et elle agira de même avec le Procureur, dans les
20 limites du raisonnable.
21 Réfléchissez à ce que je vous ai dit.
22 L'audience est suspendue.
23 --- L'audience est suspendue à 12 heures 22.
24 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, s'agissant du point
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1 qui a été soulevé par l'accusé au sujet du temps qu'a pris le contre-
2 interrogatoire, le temps qui était imparti à l'accusé était calculé sur la
3 base du fait que le contre-interrogatoire allait constituer les deux tiers
4 de l'interrogatoire principal. Nous serons souples là-dessus, mais il vous
5 faut tenir cela à l'esprit.
6 Monsieur Milosevic, je vous remercie d'avoir prêter attention à ces points
7 procéduraux, mais j'aimerais que vous participiez davantage aux questions
8 qui concernent le fond. Je vous invite ardemment à examiner la question qui
9 est de savoir si vous souhaitez interroger vous-mêmes. Il faut tourner la
10 page. Il ne s'agit pas ici d'un jeu. Je dois dire que nous ne pourrons pas
11 nous comporter de manière infantile, et je m'attends de votre part à une
12 approche plus mûre pour ce qui est de la poursuite de la procédure.
13 Monsieur Nice.
14 M. NICE : [interprétation] Je tiens compte du temps. Est-ce que nous
15 pouvons avoir un débat portant sur la procédure à la fin ?
16 Q. Monsieur Keith, vous avez, juste avant la pause, dit que vous
17 surveilliez ce que faisait une partie, mais vous ne surveilliez pas du tout
18 ce que faisait l'autre partie. Quelle est la partie que vous n'avez pas
19 vérifiée pas ?
20 R. Nous n'avions pas physiquement la possibilité de surveiller ce que
21 faisait l'UCK.
22 Q. Vous n'aviez pas le mandat de le faire.
23 R. Excusez-moi ?
24 Q. Votre mandat ne vous le permettrait pas.
25 R. Monsieur Nice, d'après la manière dont j'ai compris l'accord, les deux
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1 parties devaient arrêter toutes opérations hostiles et devraient faire en
2 sorte que l'ordre soit rétabli dans la province. D'après mon expérience,
3 l'accord était respecté généralement par une partie, mais n'était pas du
4 tout respecté par l'autre partie. Non seulement s'agissant des incidents
5 qui concernent les tireurs embusqués ou des assassinats, mais puisque vous
6 vous êtes référé au livre bleu, le rapport au sujet des incidents,
7 c'étaient des incidents qui étaient toujours provoqués par une partie et
8 c'est l'autre partie qui ripostait.
9 Si on nous a envoyé en mission afin de s'assurer que l'accord était
10 respecté, nous aurions dû avoir des membres à l'intérieur du pays, de la
11 province, bien d'autres personnes --
12 Q. Je vais devoir vous interrompre parce que je n'ai pas beaucoup de
13 temps. Vous deviez surveiller ce que faisait la partie serbe ou la partie
14 serbe monténégrine. Vous avez passé beaucoup de temps avec des chefs de
15 police et des responsables serbes, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, mais j'ai aussi passé du temps --
17 Q. Vous avez passé un petit peu de temps avec l'Uceka, mais il vous était
18 plus difficile d'entrer en contact avec eux et ce n'était pas l'objectif
19 prioritaire de votre mandat.
20 R. Mais j'ai eu la chance d'avoir des contacts avec eux, et j'ai essayé de
21 m'acquitter de ma tâche au mieux.
22 Q. Le 16 mars --
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant cela, le 14 mars dans le livre
24 bleu, est-ce qu'on peut entendre un commentaire au sujet de cela ?
25 M. NICE : [interprétation] Certainement.
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1 Le 14 mars, j'aurais besoin de l'aide de l'Huissier. Nous voyons le
2 résumé.
3 Q. Quel est le véhicule de l'Uceka -- de la KVM auquel vous pensiez ?
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On ne parle pas de cela à la date du 14
5 mars. Vous en avez parlé, pendant le
6 contre-interrogatoire, d'une menace à l'encontre de la KVM.
7 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi, je ne vous comprends pas. S'il n'en
8 est pas question dans le rapport --
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela figure dans le rapport du témoin.
10 M. NICE : [interprétation] Oui.
11 Q. Je pense, Monsieur Keith, que je comprends ce que je souhaite savoir le
12 juge. Au point 8, pour le 14, vous voyez, il s'agit d'une menace à
13 l'encontre de la KVM.
14 R. Oui, je le vois. Vous voulez savoir pourquoi cela n'était pas dans le
15 rapport.
16 Q. C'est ce que voulait savoir M. le Juge.
17 R. C'est la banlieue nord de Pristina qui n'était pas englobée dans ma
18 zone de responsabilité, donc je ne suis pas au courant.
19 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas au courant de l'incident.
22 M. NICE : [interprétation]
23 Q. Passons au 16 mars pour voir ce qui se passait pendant le moment qui
24 précède votre retrait après votre séjour de cinq semaines sur place. Au
25 point 1, on a observé : "Un grand convoi de la VJ."
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1 Si nous tournons la page, nous voyons qu'il y a : "Un convoi important de
2 la VJ qui a été remarqué à midi. Un groupe de blindés de la VJ importants,
3 probablement arrivés de Kursumlija à Mitrovica et ce, par train. Une fois
4 qu'on a déchargé à Mitrovica, le convoi a poursuivi vers Srbica." On
5 précise la composition du convoi, qui est le convoi qui est très important.
6 Il est parti à 12 heures 30 et il est arrivé à proximité de Srbica à
7 proximité d'une usine de munition.
8 "Commentaire : RC2 à l'intention d'observer de manière continue l'usine à
9 l'avenir. On estime que le train est arrivé de Kursumlija et il est montré
10 qu'un M-84 est stationné à cet endroit et qu'il est subordonné au Corps de
11 Pristina. Ces déplacements de M-84 s'inscrivent en violation évidente de
12 l'accord."
13 Dans vos opinions, par la suite, vous avez dit qu'il n'y avait pas de plan
14 prémédité, et que tout ce qui se passait, en fait, était en réponse au
15 bombardement de l'OTAN.
16 Ici, il y a, en fait, beaucoup d'éléments qui prouvent qu'il
17 y avait une activité de la VJ qui n'était pas simplement en réaction, et
18 c'était contraire à l'accord.
19 R. Monsieur Nice, ce rapport se réfère à sept chars qui ont été utilisés
20 et un certain nombre d'autres véhicules blindés qui étaient de moindre
21 importance. Bien entendu, le M-84, comme vous le savez, est une version
22 yougoslave du char soviétique T-72. Pendant que cela se passait, et c'est
23 possible que c'était en violation de l'accord, que c'était quand même un
24 détail et, comme je l'ai dit dans mes commentaires, et je l'ai rédigé
25 aussi, je l'ai écrit, c'est qu'il y a beaucoup de provocations. En tant que
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1 militaire, vous savez, j'estime qu'on est obligé de répondre, de riposter.
2 Il faut bien défendre ces soldats, leur vie et aussi ces ressources. Je ne
3 sais pas ce que vous êtes en train d'avancer ici, et c'est en violation de
4 l'accord, oui, mais moi et d'autres, on essayait de surveiller un grand
5 nombre de véhicules blindés, des forces de la VJ qui se déplaçaient dans la
6 province ces jours-là.
7 Q. Monsieur Keith, vous vous êtes permis de critiquer vos collègues, de
8 les critiquer assez ouvertement. Nous avons entendu ici les généraux
9 Naumann, Maisonneuve. Ils étaient sur le terrain. C'étaient des officiers
10 hauts placés qui s'acquittaient de tâches très importantes, n'est-ce pas ?
11 R. Je ne le nie pas.
12 Q. Vous n'avez pas de raison de ne pas leur faire confiance ?
13 R. Je ne mets pas en doute leurs témoignages ou leurs rapports, mais
14 j'essaie de replacer dans le contexte, j'essaie de dire quelles sont mes
15 expériences dans mon domaine particulier.
16 M. NICE : [interprétation] Enfin, la date du 17 mars, s'il vous plaît,
17 Monsieur le Greffier.
18 Je ne pense pas que vous vous rappellerez ces détails, à savoir, le fait
19 que la 37e Brigade se déplace pour entrer au Kosovo début mars, d'après ce
20 que nous ont dit le rapport d'expert. Nous pouvons retrouver cela, si
21 nécessaire, mais cela prendrait un petit peu de temps.
22 Q. La date du 17 mars, nous allons nous polariser sur le 17 mars, en
23 particulier, la carte, s'il vous plaît, pour que nous voyons cette petite
24 zone de Dubica et Pristina. Nous voyons que votre zone de responsabilité
25 était une très petite portion du Kosovo en tant qu'un ensemble, très petite
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1 zone.
2 R. Oui, c'est exact.
3 Q. Au point 6, ce qui est décrit ici, c'est un offensif de la VJ. "Les
4 forces de sécurité de la République fédérale de la Yougoslavie ont lancé
5 une nouvelle offensive afin de dégager les forces de l'UCK de la zone de
6 cinq kilomètres au nord-ouest de Prizren. Les villes de Korisa et de Kabas
7 ont été particulièrement touchées. On estime à 200 les effectifs de la VJ
8 du MUP à bord de chars et Praga, qui ont fourni leur appui à l'opération. A
9 peu près 1 500 personnes déplacées ont été chassées de la zone par
10 anticipation de l'opération. L'opération s'est terminée, à peu près vers 19
11 heures.
12 "Commentaire --"
13 R. Et bien --
14 Q. Non, je suis simplement en train de donner lecture du Commentaire dans
15 le texte.
16 R. Je m'excuse.
17 Q. "Cette opération est tout à fait analogue à l'opération de Jeskovo, qui
18 a été menée par les forces de la RSFY le 11 mars."
19 Ce type de rapport, le fait de lancer une offensive afin de dégager les
20 forces de l'UCK, on estime à 200 hommes les forces de la VJ du MUP, avec
21 des Praga et des chars, il s'agit ici d'un rapport que ferait normalement
22 une personne appliquée et intelligente. Elle n'a pas besoin d'être un
23 officier pour cela, ou sous-officier, n'est-ce pas ?
24 R. Non. Pour commenter cela, une personne peut évaluer la force -- la
25 taille d'une unité tactique et ce type d'équipement, ce sont des
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1 informations factuelles. Mais je me permets de dire qu'il s'agit ici de 200
2 hommes. C'est une force militaire qui n'est pas très importante. C'est une
3 compagnie. C'est un groupe de combat. Je ne sais pas exactement quel a été
4 le contexte dans lequel cela se situe, de quelle opération particulière il
5 s'agit. Mais je savais que ce genre d'opération était en place. On recevait
6 ce genre d'information tous les jours. Non seulement on envoyait cela dans
7 -- on disait cela dans nos rapports, mais on recevait des rapports le
8 lendemain sur tout ce qui se passait dans la zone. Certains de ces
9 événements se passaient dans les zones qui jouxtaient notre zone de
10 responsabilité. Vers les derniers jours, c'était aussi dans ma zone de
11 responsabilité propre.
12 Q. Quelques points seulement nous restent dont certains sont ce que je
13 souhaite aborder plus en détail.
14 La police -- l'Unité de Police spéciale que vous avez vue à l'usine de
15 nickel, d'où venait cette unité ?
16 R. Vous vous référez à quelle période ?
17 Q. A quel moment les avez-vous vues ?
18 R. Je n'ai pas dit que j'ai vu la police spéciale. Vous parlez de
19 Glogovac ?
20 Q. Oui.
21 R. J'ai dit que je me suis rendu à la police, la station du MUP à
22 Glogovac. Cela avait été un site industriel précédemment. J'ai dit que cela
23 avait à voir avec le chef d'équipe au moment où j'allais remplacer le chef.
24 Vous me posez des questions au sujet de quoi ?
25 Q. Vous avez vu la police à l'usine nickel ?
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1 R. La station de police, pour autant que je m'en souvienne, n'était pas à
2 cette usine-là.
3 Q. Je laisserai cela.
4 R. Je tiens à ajouter que cette équipe de Glogovac essayait de voir ce qui
5 se passait à cette usine de Feros ligure.
6 Q. Vous vous êtes référé aux paramilitaires lorsque vous avez parlé de
7 cela. Pourquoi avez-vous dit "paramilitaires" ?
8 R. Pour moi, un policier, c'est un paramilitaire.
9 Q. Un policier, c'est un paramilitaire ?
10 R. Oui.
11 Q. Pour quelle raison ?
12 R. Ce n'est pas un militaire.
13 Q. Mais vous avez été soldat de carrière. Vous ne connaissez pas une autre
14 signification de ce terme "paramilitaire" ?
15 R. Oui. Ce terme peut désigner tout élément non-militaire qui porte des
16 armes et qui mène des opérations du type militaire.
17 Q. Est-ce que, d'après ce que vous avez vu, pour ce qui est de cette
18 police, est-ce qu'elle se comportait d'une manière militaire ou
19 paramilitaire ?
20 R. Monsieur Nice, je vous ai dit que tout individu ou tout groupe qui
21 n'est pas un soldat professionnel, mais qui s'engage dans des opérations
22 militaires ou semblable aux militaires, pour moi, est un paramilitaire. Je
23 pense que la définition s'applique à la police, aux groupes de toutes
24 tailles, qui tentent de mener des opérations militaires, mais qui ne sont
25 pas du personnel non-militaire.
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1 Q. Nous savons que vous n'aviez pas accès aux renseignements de la part
2 des officiers supérieurs ou autre au moment où vous êtes parti pour la
3 Macédoine ?
4 R. Oui.
5 Q. Vous êtes resté pendant combien de jours ou de semaines là-bas ?
6 R. Je pense dix jours.
7 Q. Vous vous êtes entretenus avec d'autres vérificateurs. Est-ce que vous
8 avez effectué d'autres tâches ?
9 R. Non. Je me suis occupé de mon équipe de manière routinière. Je les ai
10 préparés pour leur mission future, et je les ai aidés au départ de la zone.
11 Q. Pendant toute la durée de votre mission au Kosovo, vous n'aviez aucun
12 accès, que ce soit directement ou indirectement, aux dirigeants
13 politiques ?
14 R. Du Kosovo ?
15 Q. Kosovo, la Serbie, le Monténégro.
16 R. Les dirigeants politiques, non. Mais j'ai eu des contacts
17 -- j'ai commencé à avoir des contacts avec quelques dirigeants politiques à
18 Kosovo Polje pendant la démilitarisation que la mission essayait de mettre
19 en œuvre. J'ai étudié la politique, l'histoire, et j'essayais de comprendre
20 la complexité de la politique dans la province.
21 Q. Est-ce que, par la suite, vous avez suivi ce procès ? Est-ce que vous
22 avez eu l'occasion d'entendre le témoignage du général Naumann lorsqu'il
23 explique ce que l'accusé lui avait dit ?
24 R. Non, je n'ai pas vu cela.
25 Q. De toute évidence, tout ce qui aurait pu être dit par l'accusé à un
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1 général haut placé, cela aurait été quelque chose à quoi vous auriez prêté
2 attention.
3 R. J'aurais été intéressé par cela, oui.
4 Q. Très bien. Vous avez commencé à exprimer vos points de vue au sujet des
5 événements du Kosovo dès mai 1999, et vous avez continué de le faire tout
6 au long de l'année 2000; c'est exact ?
7 R. Oui, dans ce cadre temporel. C'est là que se situe mon activité
8 publique.
9 Q. Pour ce qui est de vos articles, d'après ce que j'ai vu, il n'y a pas
10 de notes de bas de page dans ces articles. Ils ne se fondent pas sur des
11 recherches plus approfondies.
12 R. Vous m'avez déjà posé cette question, Monsieur Nice. Il me semble que
13 je vous ai répondu de la manière la plus précise que j'ai pu. Le premier
14 article a été rédigé quelques semaines après mon départ de la zone. J'ai
15 essayé d'expliquer cela à la Chambre. J'ai pensé que les rapports, qui ont
16 été faits dans la presse, dans les médias occidentaux, n'étaient pas
17 exacts, pour ce qui est des événements qui s'étaient produits sur place. Je
18 pensais qu'ils ne représentaient pas, de manière fidèle, ce qui s'était
19 passé et, dans le cadre de mes capacités, qui sont limitées, je pensais que
20 ceci pouvait éclaircir un petit peu ceux qui souhaitaient en savoir plus et
21 voir un angle de vue un peu différent de la part de quelqu'un qui était
22 présent, qui a été témoin de quelques événements dans le cadre de mes
23 capacités et de mes compétences qui sont limitées.
24 Q. Mais vous étiez -- vous ne mettez pas en doute l'intégrité, l'honnêteté
25 de vos collègues ou leurs compétences ?
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1 R. Non, je ne remets pas en question leur honnêteté. Je n'essaie pas non
2 plus de contester leur compétence. J'ai dit qu'ils venaient de différents
3 pays. Je suis un anglophone canadien, de nombreux membres de la mission ne
4 parlaient pas anglais aussi bien. Parfois, même lorsqu'on se parlait, ce
5 n'était pas toujours facile.
6 Q. Excusez-moi, je vais vous interrompre parce que j'aimerais en terminer
7 à temps pour que la Chambre puisse se pencher sur d'autres questions.
8 Il me semble que vous avez déjà parlé de ce point. Vous ne pouvez pas
9 savoir quel est l'état d'esprit de quelqu'un à un moment donné sans savoir
10 ce qui s'est passé par la suite. Vous ne savez pas ce que j'ai l'intention
11 de vous demander jusqu'à ce que ma question n'ait pas été formulée. Vous ne
12 savez pas quelle est l'intention d'une force armée qui se trouve dans sa
13 caserne jusqu'à ce que vous ne voyiez ce qu'elle fait réellement ?
14 R. Oui, je ne vais pas contester cela.
15 Q. Vous avez parlé des intentions des forces serbes et des forces du MUP
16 devant cette Chambre, de la VJ, du MUP, pendant les cinq semaines que vous
17 avez passées dans cette petite portion du Kosovo ?
18 R. Je ne pense pas que j'aie jamais dit, Monsieur Nice, que je n'ai jamais
19 affirmé publiquement que je connaissais les intentions des responsables
20 serbes, des pouvoirs yougoslaves au Kosovo. Ce que j'ai essayé de faire,
21 d'ailleurs, c'est le titre de mon premier article que j'ai rédigé et que
22 j'ai publié, c'est qu'il y a eu un échec diplomatique, qu'il semblait assez
23 évident pour moi qu'on ne souhaitait pas aboutir à une solution
24 diplomatique. Par conséquent, j'ai eu l'impression lorsque j'ai quitté le
25 Kosovo, que j'avais des raisons d'être frustré. J'avais l'impression qu'on
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1 n'avait pas donné suffisamment de temps à quelque chose pour que cela
2 évolue.
3 Q. Monsieur Keith, l'OSCE a publié deux livres en 1999; les avez-vous
4 lus ?
5 R. Je ne vois pas de quels livres vous parlez.
6 M. NICE : [interprétation] Je vais les montrer sur le rétroprojecteur,
7 pièce 106, chiffre romain VII, ou peut-être plutôt le sommaire, page 7. Je
8 vous prie de tourner la page.
9 Q. C'est un résumé du rapport. Il y est dit, qu'après plus de six mois
10 d'escalades et de conflits armés entre les forces yougoslaves et serbes, et
11 cetera, les Nations Unies ont demandé un cessez-le-feu immédiat. Par la
12 suite, nous voyons ici les initiales. Il est question de la création de
13 votre mission de vérification.
14 A droite sur cette page, dans ce rapport, le premier des deux grands
15 rapports, il est dit : "L'analyse, l'examen des constatations de la mission
16 des droits de l'homme de l'OSCE, la mission de vérification." Il est
17 question ici de l'approche qui a été adoptée. En bas : "Violations, leur
18 impact sur la société kosovar, la carte des droits de l'homme du Kosovo."
19 Si vous tournez la page, la colonne de droite. "La troisième perspective
20 est représentée sur la carte géographique des droits de l'homme, la "carte"
21 qui représente le Kosovo, municipalité par municipalité, le rapport décrit
22 les événements dans les dizaines de communautés de par le Kosovo. Dans
23 certains cas, il y a des descriptions des événements qui prennent un jour
24 ou juste très peu de temps, et montrent les violations des droits de
25 l'homme --"
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1 M. KAY : [interprétation] Si je puis interrompre. Je ne vois pas comment le
2 témoin peut répondre au sujet de ces éléments. Il dit qu'il ne peut déposer
3 devant cette Chambre que dans le cadre de ses compétences qui sont
4 limitées. Pendant le contre-interrogatoire, on ne peut pas présenter des
5 documents qui ont déjà été versés au dossier. Il me semble qu'il ne s'agit
6 pas d'une manière appropriée de poser des questions à ce témoin.
7 M. NICE : [interprétation] Puis-je répondre ?
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
9 M. NICE : [interprétation] Tout d'abord, pour ce qui y est de la fiabilité
10 d'un témoin qui ne s'était pas penché, qui n'a pas examiné des éléments,
11 des documents substantiels; et un deuxième point, je vais lui présenter un
12 paragraphe qui concerne sa zone de responsabilité pour voir s'il n'a jamais
13 tenu compte de ces conclusions, des conclusions de ce rapport, s'il y a
14 jamais prêté attention. J'estime que c'est tout à fait approprié eu égard à
15 ce témoin. Il a exposé ses positions; il a fait part de ses positions.
16 M. KAY : [interprétation] Il me semble que le témoin est tout à fait en
17 droit de faire part de son opinion qui se fonde sur son expérience. Il n'a
18 pas à formuler de commentaire au sujet d'autres points qui ne le concernent
19 pas directement. Il ne peut que se fonder sur sa propre expérience. Il
20 n'est pas approprié de l'inviter à formuler des commentaires sur les
21 opinions d'autres personnes, et il me semble que ceci ne produit pas des
22 éléments probants qui pourraient aider cette Chambre.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons autoriser ces questions
25 dans les limites suivantes : vous pouvez poser des questions relatives à
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1 des domaines précis, à des sujets précis, pour mettre à l'épreuve sa
2 crédibilité. Et après avoir écouté ces questions, Maître Kay, vous pourrez
3 décider de la manière d'y réagir.
4 M. NICE : [interprétation] Permettez-moi, dans ces conditions, d'aborder
5 une question de méthodologie. Mais tout d'abord, vous n'avez absolument pas
6 connaissance de ce rapport ?
7 R. Je ne peux pas dire que je n'en ai pas du tout connaissance. J'ai
8 regardé la date de publication. Je vois que c'est 1999. Ces documents
9 n'étaient bien sûr pas disponibles, ils n'étaient disponibles pour personne
10 d'ailleurs, à ma connaissance, au moment où j'ai écrit mon premier article.
11 Q. Pas pour le premier article, non, mais pour les suivants.
12 R. Je me considère comme un modeste érudit, M. Nice, si vous voulez. J'ai
13 suivi une formation d'historien. Je sais comment on fait de la recherche.
14 Je sais comment trouver des documents dans des archives. L'objet de ma
15 comparution devant cette Chambre en tant que témoin ne représente qu'une
16 infime partie de mon existence, bien qu'elle soit aussi très importante, et
17 c'est la raison pour laquelle j'ai accepté de venir ici aujourd'hui, pour
18 tenter de faire entrer la vérité et la justice dans ce procès. Et ce que
19 j'ai écrit à l'époque, c'était un résumé de mon expérience, c'était mon
20 opinion fondée sur ma compétence, sur mes connaissances. Et je voudrais
21 insister auprès des juges sur le fait que je ne suis pas de parti pris. Je
22 ne viens ici que dans un esprit d'objectivité, pour faire apparaître la
23 vérité. Je sais que vous me demandez de commenter la série de documents que
24 nous avons ici, la synthèse d'une période au cours de laquelle se sont
25 passés des événements très importants. J'ai –
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1 Q. Permettez-moi de vous interrompre.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Nice, veuillez passer aux
3 domaines précis en rapport avec la déposition du témoin.
4 M. NICE : [interprétation] Tout d'abord, M. Keith, je souhaite vous
5 informer du fait que ce rapport a été réalisé en grande partie sur la base
6 d'entretiens avec des personnes sortant du territoire qui se sont
7 entretenues avec des membres du personnel de l'OSCE notamment. Et nous
8 savons que vous n'avez aucune raison de douter de l'intégrité de l'OSCE.
9 R. Je ne remets pas en cause ce qui figure dans ces documents, mais –
10 M. NICE : [interprétation] Pouvons-nous maintenant passer à la page 235,
11 monsieur l'huissier.
12 Q. Voyez, ici nous avons un passage entier traitant du contexte, ainsi que
13 des événements qui ont suivi le retrait de la Mission. On décrit la
14 municipalité, la municipalité qui vous intéressait au premier chef, et on
15 explique que s'y trouvait l'aéroport de Pristina. Je cite : « Elle a été
16 affectée par l'escalade du conflit armé au cours de l'été 1998 avec des
17 flambées de violence aux alentours d'une mine de charbon et dans le village
18 voisin de Grabovac. Des informations obtenues ultérieurement ont montré que
19 l'UCK occupait des positions dans les montagnes, à l'ouest de Grabovac. Au
20 cours du deuxième semestre de 1998, l'UCK a occupé la mine de charbon,
21 ainsi que le village d'Obilic. »
22 Arrêtons-nous un instant. Avez-vous fait des recherches qui vous ont permis
23 de découvrir ces informations, ou en reconnaissez-vous l'exactitude ?
24 R. J'ai bien sûr pris des renseignements sur les événements qui avaient eu
25 lieu avant mon déploiement dans la région. Je n'étais pas présent quand ils
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1 ont eu lieu, mais effectivement j'ai essayé d'apprendre ce qui s'était
2 passé.
3 Q. Le 22 juin, neuf employés serbes de la mine de charbon ont été enlevés,
4 alors qu'ils se rendaient au travail. L'avez-vous appris ?
5 R. On m'en a informé, oui.
6 Q. La VJ et la police ont attaqué l'UCK peu après et c'est à ce moment-là
7 que pratiquement tous les habitants des villages environnants ont fui, soit
8 vers Drenica, soit vers Pristina, à l'est. Vous voyez, c'est la raison pour
9 laquelle je vous demandais – enfin je crois que c'est le Juge Kwon qui vous
10 demandait pourquoi certains villageois s'étaient déplacés. Est-ce
11 apparemment la raison de leur déplacement ?
12 R. Je pense que ça correspond à ma déposition et à mes commentaires. J'ai
13 dit que généralement les habitants des villages étaient déplacés, d'après
14 ce que j'ai vu et d'après ce qu'on m'a dit, quand le conflit arrivait dans
15 leur région.
16 Q. Plus loin, on lit ceci : « Les villageois ont également déclaré qu'en
17 1998, près de 700 Albanais du Kosovo avaient perdu leur emploi à la mine de
18 charbon avant d'être remplacés par des ouvriers serbes. » Dans le cadre de
19 votre prise de renseignements, avez-vous identifié ce fait comme étant un
20 des incidents antérieurs ?
21 R. J'ai été informé de ces faits, ou de ces opinions, et beaucoup de gens
22 m'ont raconté des choses très différentes. Mais oui, on m'a rapporté ce
23 fait.
24 Q. Poursuivons notre lecture. Voyez-vous, dans ce procès nous nous
25 intéressons, sous divers aspects, aux causes et aux effets. « La police et
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1 la VJ ont continué à procéder à des contrôles intensifs sur les points de
2 contrôle. A Grabovac, les biens des Albanais du Kosovo ont été pillés de
3 façon répétée jusqu'à la fin de l'année 1998 et la police n'aurait pas
4 donné suite aux plaintes déposées en conséquence. » Aviez-vous connaissance
5 de ces faits quand vous avez formulé votre opinion ?
6 R. Je pense avoir déjà essayé de vous dire, M. Nice, que j'ai appris par
7 des habitants de la région ce qui s'était passé dans les mois qui avaient
8 précédé. J'ai également entendu l'interprétation donnée par les autorités
9 de police serbes à ces événements. Je ne suis pas là pour dire que les uns
10 ont raison à 100 % et les autres tort à 100 %. Je me suis rendu compte
11 qu'il y avait beaucoup d'arrière-pensées politiques, mais oui, bien sûr,
12 j'ai entendu parler de ces événements.
13 Maître Kay [interprétation] : Oui. Je me dois de faire la remarque
14 suivante : nous n'avançons pas sur ce point parce qu'on demande au témoin
15 ce qui s'était passé auparavant, ce que d'autres personnes avaient dit et
16 si il en avait entendu parler à l'époque. Ces questions ne sont pas
17 meilleures que les premières, pas plus qu'elles ne font de ces éléments des
18 éléments ayant valeur probante. À notre avis, l'objection soulevée par M.
19 Milosevic, selon laquelle le contre-interrogatoire était trop long, a, dans
20 ce cas précis, toute sa pertinence. En effet, il semble que nous sommes
21 simplement en train de perdre du temps à examiner des questions qui ne font
22 pas progresser le procès, et je dirais –
23 M. LE JUGE ROBINSON [interprétation] : Maître Kay, la Chambre est d'accord
24 avec vous sur le premier point. Passez à autre chose, M. Nice.
25 M. Nice [interprétation] : Monsieur le Président, je –
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1 M. LE JUGE ROBINSON [interprétation] : Laissez-moi terminer. S'agissant de
2 votre deuxième remarque, qui concerne une question de procédure, voici ce
3 que j'ai à dire : si la Chambre autorise l'Accusation à prendre plus de
4 temps que prévu, c'est qu'elle l'estime nécessaire dans ce cas précis.
5 Cependant, je tiens à vous assurer, Me Kay et M.Milosevic, que faisons un
6 décompte minutieux du temps et que la Défense n'aura en aucune circonstance
7 moins de temps que l'Accusation.
8 Maître Kay [interprétation] : Je vous en remercie, M. le Président. Nous le
9 précisons, afin qu'il en soit pris acte au procès-verbal de l'audience,
10 nous étions tout à fait satisfaits des réponses fournies auparavant par le
11 témoin, au moment où M. Milosevic a soulevé son objection, car celles-ci
12 constituaient des éléments de preuve clairement favorables à l'accusé, des
13 éléments qui confortent la thèse de la défense.
14 M. LE JUGE ROBINSON [interprétation] : ..et ceci ne signifie pas que M.
15 Nice a les coudées franches au moment du contre-interrogatoire.
16 M. Nice, vous devez terminer votre contre-interrogatoire.
17 M. Nice [interprétation] : C'était bien là mon intention, et en ce qui
18 concerne cette partie-ci du livre, étant donné que nous avons établi par le
19 truchement du témoin que les questions mentionnées dans les rapports
20 semblent y avoir été consignées avec exactitude, même si nous n'en avons
21 pas entendu parler, la Chambre verra qu'à cette page, dans la colonne de
22 droite, sont mentionnés plusieurs autres détails concernant la période qui
23 a précédé le retrait de l'OSCE. Il n'est pas nécessaire que je vous les
24 soumette. Veuillez, Messieurs les Juges, vous rapporter à la page 237. En
25 effet, je voudrais attirer votre attention sur des points susceptibles de
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1 présenter un certain intérêt s'agissant de la période antérieure au
2 retrait. Vous le voyez, en bas de page, sous la rubrique « Grabovac », il
3 est fait référence à un incident survenu le 7 janvier à cet endroit,
4 incident au cours duquel un gardien serbe a été tué. À la lumière de ce que
5 le témoin a dit de sa zone de responsabilité, il intéressera peut-être la
6 Chambre de savoir qu'à la page 268, se trouve un passage détaillé analogue
7 concernant la municipalité de Obilic.
8 Ceci étant, si vous me permettez, Messieurs les Juges, je souhaiteras poser
9 quelques questions mais elles seront peu nombreuses.
10 Q. Saviez-vous, M. Keith, qu'il y avait, à l'époque où vous étiez sur le
11 terrain, une politique en vigueur, qui venait de la Serbie, de Belgrade, et
12 qui consistait à armer les Serbes et à désarmer les Albanais du Kosovo,
13 politique mise en oeuvre par les autorités ?
14 R. Quand j'étais au Kosovo, il y a avait beaucoup, énormément de gens qui
15 possédaient des armes, des personnes autres que le personnel du MUP et de
16 la VJ. C'était sûrement vrai de beaucoup de Serbes. Lorsque j'ai rencontré
17 des membres de l'UCK, ils étaient armés. Ils étaient équipés, je vous l'ai
18 déjà dit, de toute une panoplie d'armes. Si vous me demandez si j'étais au
19 courant du fait qu'on était en train d'armer une partie et de désarmer
20 l'autre, je réponds que non, si ce n'est que les autorités essayaient, je
21 suppose, de remplir le rôle qui leur avait été confié ou ordonné. J'aurais
22 tendance à penser que c'était un programme naturel dans le cadre d'une
23 insurrection. Mais de là à armer – à armer les membres de – de la minorité
24 ethnique dominante, qui se trouve représenter, je suppose, les intérêts de
25 la Serbie ou de la Yougoslavie, je – je ne --, je veux dire que j'ai vu des
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1 gens armés. Quant à savoir qui leur a donné ces armes –
2 Q. Vous nous dites donc que vous n'étiez pas au courant de l'existence
3 d'une telle politique. Monsieur le Président, cette problématique est
4 abordée à –
5 R. M. Nice, permettez-moi simplement de dire que je ne connais aucune des
6 politiques arrêtées par le gouvernement yougoslave ou par le gouvernement
7 serbe. Je n'étais pas dans les circuits de leur système de commandement.
8 Q. Et pendant votre séjour en Macédoine, avez-vous vu des Albanais du
9 Kosovo qui s'enfuyaient ?
10 R. Non, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y en avait pas. Je comprends tout
11 à fait que bon nombre d'habitants de la province du Kosovo se sont mis à
12 fuir au cours des jours et des semaines qui ont suivi le – le retrait.
13 Q. Merci. J'en ai terminé ?
14 Interrogatoire supplémentaire mené par M. Kay :
15 Q. Je souhaite aborder deux sujets dans le cadre des questions
16 supplémentaires. Tout d'abord, on vous a demandé combien d'observateurs la
17 KVM comptait. Je pense que vous avez donné le chiffre de 1.638
18 observateurs.
19 R. C'est ce que j'ai cru comprendre et c'est bien le chiffre qui m'est
20 resté à l'esprit.
21 Q. Et vous avez dit que ces personnes ne pouvaient pas s'écarter des
22 routes, ce qui fait que vous n'avez pas pu couvrir la totalité du
23 territoire ?
24 R. C'est exact. J'ai essayé de -- faire comprendre à la Chambre que notre
25 action se limitait aux territoires auxquels il nous était possible de
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1 parvenir par la route.
2 Q. Combien d'observateurs étiez-vous censés avoir ? Combien devait-il y en
3 avoir en tout ?
4 R. Cela fait maintenant plusieurs années que je n'ai pas vu ces chiffres.
5 Cependant, si je me souviens bien, on devait augmenter les effectifs pour
6 compter 3.000 observateurs.
7 Q. Vous avez parlé du personnel administratif et d'autres employés qui
8 travaillaient au siège principal.
9 Seriez-vous en mesure de nous donner le nombre d'observateurs de terrain,
10 par rapport aux membres du personnel administratif, à ceux qui
11 travaillaient dans les bureaux ?
12 R. Impossible de vous donner une réponse catégorique, puisque je n'avais
13 pas accès à ces données, mais j'ai l'impression, je l'ai déjà dit à la
14 Chambre, ce n'était pas loin de 50%, voire 50 % des 1600 ou quelque
15 employés qui vaquaient à des tâches autres que celles de vérificateurs de
16 terrain.
17 Q. Des questions vous ont été posées concernant vos collaborateurs ?
18 Vous nous avez parlé de votre carrière militaire. Y avait-il dans votre
19 groupe, parmi vos vérificateurs, des personnes ayant, elles aussi, une
20 formation et une expérience militaire ou un parcours différent ?
21 R. Il y avait des gens de milieux divers. Un seul avait fait une carrière
22 militaire, non, excusez-moi, il y en avait deux si l'on compte mon adjoint,
23 un ancien pilote de combat de la Luftwaffe. L'autre, c'était un Américain,
24 il était dans mon équipe. Pour ce qui est des autres membres de l'équipe,
25 il y avait un juriste, un journaliste – je m'excuse, il y avait un
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1 troisième militaire, un Italien, mais chacun des ces trois hommes avait une
2 expérience militaire différente. Les autres avaient d'autres professions.
3 Q. Je vous remercie. Je n'ai pas d'autre question à vous poser.
4 M. LE JUGE ROBINSON [interprétation] : Maître Kay, Monsieur Nice, une
5 certaine confusion s'est installée dans mon esprit. Depuis le début de ce
6 procès, je pensais que les observateurs avaient tous une arrière militaire.
7 Ce n'était pas le cas ? Vous aviez avec vous des avocats et des personnes
8 exerçant une autre profession ?
9 Le témoin [interprétation] : C'est exact, Monsieur le Président.
10 M. Nice [interprétation] : Je pense qu'il y avait beaucoup d'anciens
11 militaires. Le témoin pourra le confirmer, mais en aucune façon –
12 Le témoin [interprétation] : Avec votre permission, Monsieur le Président,
13 je dirai que, s'il y avait un certain nombre d'anciens militaires et du
14 personnel d'active détaché auprès de le Mission, d'après mes souvenirs, sur
15 les 1.638 employés, seulement 30 % d'entre eux, peut-être moins,étaient des
16 militaires de carrière.
17 Maître Kay [interprétation] :
18 Q. Mais ce n'était pas une opération militaire. Au contraire. N'est-ce pas
19 ?
20 R. Non, c'est certain, ce n'était pas une mission militaire. Cependant, si
21 ceux qui étaient là pour observer et faire rapport de leurs observations
22 avaient eu quelques connaissances militaires, je pense que cela les aurait
23 aidés.
24 Q. Restons sur ce sujet : seriez-vous en mesure de nous dire dans quelles
25 tranches d'âge se situaient les membres de votre groupe ?
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1 R. Oui. Je n'ai bien entendu pas gardé à l'esprit l'âge de chacun d'entre
2 eux, mais il y en avait de tous les âges. J'étais le plus âgé du groupe. Il
3 y avait aussi des hommes assez jeunes, approchant la trentaine. Ils étaient
4 nombreux à avoir rejoint la mission et, à mon avis, ils étaient excellents,
5 mais, comme j'ai tenté de le dire clairement, plusieurs fois déjà, en
6 réponse aux questions de M. Nice, ils avaient une expérience quelque peu
7 limitée, une compétence professionnelle quelque peu limitée. Ceci n'enlève
8 rien à leur personnalité, à leur qualité, mais, à mon avis, vu le travail
9 qui nous avait été confié, leur aptitude à faire ce travail était, de ce
10 fait, quelque peu limitée.
11 Q. La façon dont ces hommes ont relaté les événements vous pose-t-elle
12 problème ? Vous, qui êtes un militaire, vous devez vous y connaître en
13 explosions, vous reconnaissez le bruit que font des armes à feu ? Est-ce
14 que les non militaires avaient la chance de bénéficier de ce genre
15 d'expérience ? Avaient-ils reçu une formation quelconque ou quoi que ce
16 soit qui leur permette de bien connaître ce genre de chose ?
17 R. Non. D'ailleurs, la Chambre m'a elle-même posé la question, je crois,
18 et c'est en rapport avec votre question, Me Kay. En fait, j'ai souvent posé
19 la question aux vérificateurs de mon équipe et à d'autres que j'entendais
20 commenter telle ou telle chose, et il était manifeste qu'ils ne savaient
21 pas ce qu'ils disaient, car -- et je le répète, ils ne comprenaient tout
22 simplement pas ce qu'ils étaient en train de regarder ni ce qui se passait.
23 Maître Kay [interprétation] : Merci.
24 M. LE JUGE ROBINSON [interprétation] : Merci. M. Milosevic, souhaitez-vous
25 poser des questions au témoin ?
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1 L'accusé [interprétation] : Monsieur Robinson, je souhaite revenir sur la
2 remarque que vous avez faite concernant mon attitude et ma position et vous
3 dire quelque chose à ce propos. Je pense que le droit d'assurer sa propre
4 défense est un droit de principe –
5 M. LE JUGE ROBINSON [interprétation] : M. Milosevic, cette question est
6 désormais portée devant une autre instance, débattue dans une autre
7 enceinte. Nous n'allons pas ici rouvrir ce débat. Il se déroule désormais
8 dans un autre forum. C'est vous qui l'avez porté devant une instance
9 supérieure. La décision que cette instance rendra, quelle qu'elle soit,
10 sera respectée par la présente Chambre de première instance. Je m'en
11 tiendrai là.
12 L'accusé [interprétation] : Monsieur Robinson –
13 M. LE JUGE ROBINSON [interprétation] : Monsieur Keith –
14 L'accusé [interprétation] : Mais vous avez dit –
15 M. LE JUGE ROBINSON [interprétation] : Monsieur Keith, ceci met fin à votre
16 déposition. La Chambre vous remercie de votre témoignage. Vous pouvez vous
17 retirer.
18 Maître Kay [interprétation] : Le témoin est-il autorisé à emmener les
19 documents qu'il a eu l'obligeance de nous fournir ? Il souhaite conserver
20 les originaux dans ses archives personnelles.
21 [Le témoin quitte le prétoire]
22 M. LE JUGE ROBINSON [interprétation] : Maître Kay, vous vouliez nous parler
23 d'une certaine question ?
24 Maître Kay [interprétation] : Je souhaite en fait aborder plusieurs
25 questions pour représenter au mieux les intérêts de l'accusé, et elles vont
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1 peut-être nécessiter un certain temps. Nous n'avons pas d'autre témoin
2 cette semaine. Le témoin qui vient de terminer était le seul que nous ayons
3 réussi à faire venir, et je crois que nous avons une journée d'audience
4 prévue demain. Si la Chambre en était d'accord, nous pourrions débattre de
5 toutes ces questions lors de l'audience de demain. Je souhaitais également
6 aborder la question de l'état de santé de l'accusé ; il me paraît donc
7 utile que les Juges de la Chambre aient sous la main les rapports médicaux
8 et les rapports fournis récemment par le docteur Tavernier et le docteur
9 Dijkman, dont nous disposons depuis le 24 juillet, car je souhaitais poser
10 la question de l'opportunité d'un nouvel examen médical afin de déterminer
11 si l'accusé est aujourd'hui à même d'assurer sa propre sa défense, étant
12 donné que les rapports en question portaient sur une période antérieure. Si
13 je comprends bien la situation, il n'y a pas eu récemment d'inquiétude
14 quant à l'état de santé de l'accusé. Depuis ces rapports, la situation a
15 évolué. Et, ce que l'accusé a lui-même dit aux Juges de la Chambre le
16 montre clairement, il souhaite que cette question soit abordée en son nom.
17 Par conséquent, afin de permettre l'examen de bon droit de ces questions,
18 et afin que toutes les parties prenantes disposent, pour ainsi dire, des
19 informations nécessaires, il me semblerait plus utile d'entamer la
20 discussion demain matin à 9 heures que de l'insérer dans ---
21 M. LE JUGE ROBINSON [interprétation] : Nous pouvons nous en occuper demain.
22 Cependant, je veux m'assurer que je vous ai bien compris. Vous souhaitez
23 demander un nouvel examen médical de l'accusé, après celui du mois d'août.
24 Maître Kay [interprétation] : Oui, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ROBINSON [interprétation] : Vous pensez qu'il se pourrait que le
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1 sujet ait – que les circonstances aient changé en l'espace de deux ou trois
2 semaines ?
3 Maître Kay [interprétation] : Non. La dernière visite médicale de M.
4 Milosevic remonte au 26 juillet. Il y a chaque jour un rapport médical
5 fourni par l'infirmière, et il y a, bien sûr, le médecin du Quartier
6 pénitentiaire, le docteur Falke, si je ne m'abuse. Les derniers rapports
7 d'experts concernent un examen effectué le 26 juillet par le docteur
8 Tavernier et l'examen effectué le 28 juillet par l'autre médecin, le
9 docteur Dijkman, me semble-t-il.
10 Cependant, il nous faut avoir ces rapports sous les yeux.
11 Mais une chose est certaine : le dernier rapport portant sur son état et
12 son aptitude date du 26 juillet, et, tout comme l'a fait l'Accusation à
13 divers moments de la présentation de ses moyens, lorsqu'elle a demandé et
14 obtenu de la Chambre de première instance le réexamen de certains points
15 parce que les circonstances avaient changé, nous ferons valoir qu'il est
16 dans l'intérêt du procès et dans l'intérêt de l'accusé, qu'il est juste de
17 permettre un examen complet de ces questions – demain.
18 M. LE JUGE ROBINSON [interprétation] : Oui. Fort bien, Maître Kay, demain
19 matin, 9 heures. L'audience est levée.
20 --- L'audience est levée à 13 heures 30 et reprendra le mercredi 15
21 septembre 2004, à 9 heures 00.
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