Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 13 octobre 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous pouvez

7 poursuivre.

8 M. NICE : [interprétation] Ce matin, on nous a remis un exemplaire de

9 l'interview avec Mladic. C'est en langue allemande, et je vais traiter de

10 ce document à la fin des questions, qui sont d'ailleurs assez limitées en

11 nombre, que j'entends poser au témoin. Mais je peux dire à la Chambre, et

12 informer par la même le témoin, que nous avons fait tout notre possible

13 d'obtenir, par le truchement du journal dont il nous a donné le nom hier,

14 d'obtenir une version publiée de cet article -- de cette interview. Nos

15 efforts n'ont pas été couronnés de succès. Nous avons même demandé aux

16 collaborateurs de ce journal de procéder à une recherche dans ses archives,

17 mais sans succès. Je reviendrai sur cette question quand j'interrogerai le

18 témoin sur cette interview. Nous remercions au témoin de bien avoir voulu

19 nous remettre un exemplaire de cet article. Je crois que cela a été assez

20 compliqué pour lui d'obtenir une copie.

21 LE TEMOIN : FRANZ-JOSEF HUTSCH [Reprise]

22 Contre-interrogatoire par M. Nice : [Suite]

23 Q. [interprétation] Pour finir, Monsieur Hutsch, quelques questions en

24 nombre limité. Il y a certaines questions que je souhaite vous poser, je

25 l'ai déjà dit hier, afin de faire la lumière sur un certain nombre de

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1 points qui peut-être sont encore un peu dans l'ombre.

2 Hier, vous avez parlé de "mise-en-scène" à deux reprises, me semble-t-il,

3 dans votre déposition, et j'aimerais savoir dans quel sens vous utilisez ce

4 terme, et nous expliquer dans quelle mesure, sur ce point, nous ne sommes

5 pas tout à fait d'accord. Je crois que vous avez utilisé ce terme en

6 parlant d'abord du plan du fer à cheval. Cela nous en avons parlé, c'est

7 clair ?

8 R. Oui.

9 Q. La deuxième utilisation de ce terme, qu'on peut envisager, d'ailleurs,

10 ce terme de "mise-en-scène" n'apparaît dans aucun article que nous avons

11 trouvé, a trait au fait que l'Uceka aurait incité les habitants des

12 villages à aller dans les bois et à y rester.

13 R. Oui, cela fait partie de cette mise-en-scène. J'invoque le fait, par

14 exemple, que, dans les Stuttgarter Nachrichten, je crois que c'était le 22

15 juillet 1998, on a déjà parlé d'opérations sur le terrain par l'OTAN au

16 Kosovo. Quand je parle de mise-en-scène, je pense à ce qui s'est passé avec

17 cet ordre d'activation d'octobre, un ordre que, lorsque Holbrooke est

18 revenu de Belgrade, il a dit qu'il avait besoin de cet ordre d'activation,

19 afin de faire pression sur Milosevic pour qu'il signe l'accord. Mais, après

20 des recherches, j'ai pu déterminer que l'accord avait déjà été signé au

21 moment où Holbrooke a informé le conseil de l'OTAN. Je l'ai vu dans des

22 notes de conversation de Klaus Kinkel, le ministre allemand des Affaires

23 étrangères. Si bien que j'aie l'impression que les jalons avaient été posés

24 très tôt vers la guerre, d'ailleurs, j'ai évoqué la MPRI qui, déjà en 1996,

25 était actif en Bosnie pour recruter des gens, qui, ensuite, étaient envoyés

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1 en Turquie pour y être formés et participer ultérieurement à une mission,

2 et des gens qui avaient des capacités, qui étaient bien supérieures à

3 celles de l'Uceka. L'Uceka n'a jamais eu, en effet, la possibilité de mener

4 une guerre aérienne.

5 Q. Cela, c'est un autre sujet que je ne vais pas moi-même aborder. Je

6 voudrais simplement venir à la deuxième acception que vous avez donnée à ce

7 terme de "mise-en-scène." C'est quand vous nous avez dit que les gens de

8 l'Uceka disaient aux habitants des villages, soit de rester dans les

9 villages, soit de sortir de ces villages. Vous ne conviendrez avec moi

10 qu'avec l'approche des forces serbes, cela ne fait pas de bon sens que de

11 quitter son village, n'est-ce pas, quand on voit les forces serbes

12 arriver ?

13 R. Oui, bien sûr.

14 Q. Dans aucun de vos articles, dans aucun moment dans votre déposition,

15 vous n'avez donné le nom d'un Albanais qui n'appartenait pas à l'Uceka, ou

16 qui appartenait à l'Uceka, et qui vous aurait expliqué la raison d'une

17 telle mise-en-scène ?

18 R. L'objectif de l'Uceka, ce n'était pas de me dire à moi -- de me révéler

19 à moi comment ils mettaient en scène la guerre, quels moyens ils

20 utiliseraient pour ce faire.

21 Q. Vous comprenez bien que la thèse de l'Accusation, que je souhaite vous

22 présenter, c'est que les habitants des villages ont quitté ces villages,

23 ils sont revenus, ils sont partis parce qu'ils avaient peur, ils avaient

24 peur. C'est ce que vous avez vu, n'est-ce pas ? C'est ce que vous avez

25 observé ?

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1 R. Oui. Il est indéniable que justement, dans la zone de Malisevo où je

2 suis allé, je peux vous donner des gens dont je n'avais pas donné le nom

3 dans l'article. Par exemple, Ilijas Kaduli [phon], par exemple, l'oeil de

4 l'Aigle, une unité spéciale qui est encore active. Ces gens sont intervenus

5 activement auprès de la population civile pour les inciter à quitter, pour

6 leur dire de quitter les villages. D'autre part, ces gens sont intervenus

7 directement pour obliger les habitants à rester dans les villages, alors

8 que ces villages étaient attaqués. Il y a des noms, par exemple, Aljus

9 Rama, Tahir Zenani. Cela, ce sont des gens dont je peux vous donner des

10 noms.

11 Q. Merci beaucoup. Parce que vous le savez, nous avons entamé des

12 poursuites à l'encontre de membres de l'Uceka, et cette information, nous

13 pouvons l'utiliser. En dehors de cela, notre thèse, nous, c'est que ce que

14 vous avez vu, ces gens que vous avez vu se déplacer, c'étaient des gens qui

15 réagissaient par crainte parce qu'ils voyaient approcher les forces serbes.

16 Je veux qu'il n'y ait aucun doute à ce sujet.

17 R. A tout moment de ma déposition, j'ai fait comprendre et j'ai dit très

18 clairement que pour moi s'appliquait la métaphore du galet que l'on lance

19 dans une mare, et qui produit une vague disproportionnée. J'ai souvent

20 mentionné cette image pour dire qu'une petite provocation suffisait à

21 entraîner des représailles injustifiées, disproportionnée. Cela, je l'ai

22 dit à de nombreuses reprises, très clairement. C'est un jeu qui a

23 d'ailleurs été joué des deux côtés, par les deux camps, aux dépens de la

24 population civile, cela aussi, je l'ai dit très clairement. Je l'ai

25 souligné d'ailleurs à plusieurs reprises et constamment dans mes articles

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1 écrits.

2 Q. Pour en terminer de ce bref dialogue entre nous, une autre façon

3 d'interpréter cette situation, ce qui s'est passé, c'est que les Serbes

4 prenaient le prétexte d'actes de provocation mineurs pour infliger des

5 souffrances considérables aux habitants innocents des villages où c'était

6 déroulé le premier acte, l'acte de provocation ?

7 R. Cela me gêne, ces provocations mineures, parce qu'il y a quand même des

8 policiers serbes qui sont tombés dans des embuscades et qui ont été

9 assassinés. Cela, c'est quand même quelque chose de grave. Cela me gêne un

10 petit peu de parler de "provocation mineure"; sinon, je suis d'accord avec

11 le reste de votre interprétation.

12 Q. Oui, je comprends. Oui, je comprends ce que vous voulez dire. Passons

13 au point suivant où il est nécessaire peut-être de préciser un petit peu et

14 de faire la lumière sur un éventuel désaccord entre nous. Il s'agit en

15 l'occurrence des effectifs de l'Uceka d'un côté et de ceux de la VJ,

16 d'autre part. La Chambre a entendu des témoins, bénéficie de preuves qui

17 nous montrent qu'en 1995 l'Uceka ne comptait qu'une poignée d'hommes, et

18 qu'ils étaient 10 à 20 000 en mai 1999. Est-ce que vous êtes d'accord ?

19 R. Oui, oui. Cela, j'en conviens.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, j'aimerais que le

21 témoin nous dise quels étaient les effectifs, combien il y avait de membres

22 de l'Uceka dans la zone qu'il a couverte au centre et au sud.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après les informations que j'ai eues de

24 l'état-major général de l'Uceka, il s'agissait de 18 000 à 20 000 hommes,

25 des gens qui étaient là en permanence parce que, quand l'Uceka enregistrait

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1 des pertes, ils remplaçaient les hommes en question immédiatement, afin de

2 conserver les positions occupées et de maintenir également les effectifs.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice. Monsieur Nice,

4 excusez-moi. Je vois qu'en réponse à votre question, vous avez dit au

5 témoin que l'Uceka avait atteint un effectif de 10 000 à 20 000 hommes.

6 M. NICE : [interprétation] Oui, entre 10 000 et 20 000 hommes.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais le témoin vient de nous

8 dire qu'au Kosovo méridional et central, il y avait 18 000 à 20 000 hommes.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Les chiffres que j'ai donnés c'était

10 pour la totalité du Kosovo. Ce sont des gens qui travaillaient au sein de

11 l'état-major général de l'Uceka qui m'ont donné ces chiffres.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. Je crois que le Témoin Buja nous a dit que, dans la zone 6, il y avait

14 1 400 membres de l'Uceka à peu près, en moyenne. Est-ce que ce chiffre,

15 vous pensez qu'il correspond à la réalité ?

16 R. Non, pas du tout. Pas du tout. Dans la zone de défense 6, après

17 l'offensive du début de l'année, il y avait nettement moins d'hommes. C'est

18 la zone de Nerodimlje avec la 162e Brigade. Il y avait au moins 800 hommes.

19 J'ai déjà dit hier que, dans la zone 6 et dans la zone 7, les effectifs

20 avaient énormément diminués puisqu'on était passé de quatre brigades, les

21 Brigades 162, 171, 173 et 174, dans la zone 7 pour ces trois dernières

22 brigades. Je dirais qu'au maximum, on est en train de parler de 2 000

23 hommes. J'ai expliqué que les voies de ravitaillement, qui venaient de la

24 Macédoine, passaient par ces deux zones. Il n'y avait absolument pas de

25 combat dans ces zones; bien au contraire, en fait, on s'est limité à des

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1 activités de déminage. J'ai des photographies qui le montrent. Là, il n'y

2 avait pas de beaucoup d'hommes.

3 Q. Passons aux forces serbes. A la fin avril 1999, d'après les éléments de

4 preuve qui nous ont été présentés, nous savons qu'il y avait quelque 20 000

5 soldats de la VJ et quelque 30 000 membres d'Unités paramilitaires ou de la

6 police militarisée. En tout, on est en train de parler de 50 000 hommes.

7 Est-ce que cela vous paraît véridique ?

8 R. Oui, pour la VJ, d'accord. Mais, pour les Unités paramilitaires, cela,

9 je trouve cela un peu plus difficile parce que j'ai rencontré de nombreux

10 policiers, et je l'ai déjà hier, qui, pendant la journée, portaient

11 l'uniforme du MUP et, le soir, portaient un uniforme paramilitaire ou vice

12 versa. Ceci était accepté, d'ailleurs, par leurs supérieurs, cette double

13 activité dans la police et dans les Unités paramilitaires.

14 Q. Parlons des armes dont disposaient les deux camps. Les Serbes avaient

15 des transports de troupes blindés, des hélicoptères, des chars. Cela,

16 l'Uceka n'en disposait pas, n'est-ce pas ?

17 R. Oui, c'est tout à fait vrai.

18 Q. Bien que l'armement de l'Uceka se soit amélioré au fil du temps, ils

19 disposaient d'armes légères. Ils étaient faiblement armés même, on peut le

20 dire, pas suffisant armés.

21 R. Ce n'est pas la manière que je vois les choses. Le terrain, tel qu'il

22 se présente au Kosovo, permet avec ce type d'armements à l'Uceka d'être

23 très efficace dans ses combats, très mobile, et de mettre la partie adverse

24 sur la défensive parce que les armes que vous venez d'évoquer, de l'autre

25 côté, ne peuvent pas être utilisées aussi efficacement dans cette zone. Par

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1 exemple, en Allemagne du sud, il y a une brigade de l'armée qui est formée

2 à des combats dans ce type de terrain montagneux et qui a exactement le

3 même type d'armement. Les Autrichiens utilisent les mêmes principes qui

4 étaient utilisés dans ces groupes.

5 Le problème, c'est qu'à côté de la nature du terrain, il n'était pas

6 possible de se déplacer très facilement sur le territoire du Kosovo. C'est

7 justement ce qui s'est passé au Kosovo. Vous avez d'une part une armée avec

8 une hiérarchie très rigide, et de l'autre côté, une guérilla très mobile.

9 C'est la raison pour laquelle le QG de l'armée a décidé ensuite de limiter

10 la mise en œuvre de la VJ à la garde des frontières et de rassembler les

11 systèmes d'artillerie dans des zones importantes. La VJ, au bout d'un

12 moment, s'est assurée simplement un support logistique. Voici la manière

13 dont j'ai vu la situation.

14 Q. Du fait de la nature des armements dont disposait l'une et l'un et

15 l'autre camp, il était inévitable qu'ils aient recours aux stratégies de

16 coup de main dont on a parlé hier et d'embuscades ?

17 R. Je pense que cette tactique n'a pas été choisie en fonction des

18 armements dont on disposait parce qu'il y avait suffisamment d'argent. Il y

19 avait suffisamment d'armes au sein de l'Uceka. D'ailleurs, c'est encore le

20 cas aujourd'hui. Non, cette tactique, elle a été utilisée à cause de la

21 nature du terrain comme en Afghanistan. Pourquoi est-ce que l'alliance

22 s'est décidée à cet endroit à faire intervenir uniquement des forces

23 spéciales contre les Talibans ? C'est justement pour les raisons que je

24 vous ai expliquées. C'est parce que le terrain fait qu'il n'est pas facile

25 de faire intervenir des forces qui sont difficilement mobiles avec des

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1 chars, notamment. Ceci a été couronné de succès. Il y a de nombreux

2 exemples dans un passé récent, si on regarde l'histoire des guerres, qui

3 nous montrent que l'on a souvent adopté la même stratégie que l'Uceka,

4 c'est-à-dire, s'adapter au terrain pour déterminer sa tactique et les armes

5 employées. Je pense que c'était un choix excellent.

6 Q. Dernière question sur ce thème d'ordre général. D'abord, s'agissant du

7 commandement du Corps de Pristina, est-ce que vous conviendrez qu'entre

8 décembre 1998 et avril 1999, le nombre de brigades de combat a doublé

9 passant de six à 12 ?

10 R. Oui, je suis d'accord. Mais, sur les cartes d'état-major de l'Uceka,

11 sur les cartes de situation de l'Uceka juste après le retrait des

12 vérificateurs de l'OSCE, j'ai constaté qu'il y avait eu un renforcement,

13 qu'il y avait une arrivée de renfort. Est-ce que vous pouvez me laisser

14 finir ma réponse ?

15 M. NICE : [interprétation] Finissez.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Il était manifeste que les renforts sont venus

17 uniquement après le départ des vérificateurs de l'OSCE. Ceci transparaît

18 également dans les documents du ministère des Affaires étrangères et du

19 ministère de la Défense ainsi que dans les documents de l'OTAN.

20 Q. Cette pièce qui atteste du doublement des effectifs, c'est la pièce

21 319, intercalaire 31 et 71 [comme interprété]. On voit la liste des

22 destinataires sur ces documents qui nous montre qu'on a assisté à une

23 multiplication par deux des brigades dans la zone.

24 Encore un point que j'aimerais préciser pour que tout soit bien clair.

25 Hier, à la fin de votre déposition, vous nous avez parlé de deux zones d'où

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1 la population est partie. C'est l'Uceka qui a fait partir la population,

2 parce qu'ils avaient besoin de cette zone pour y installer leur centre de

3 commandement ?

4 R. Oui.

5 Q. Il est possible qu'il y ait eu d'autres secteurs dont on fasse partir

6 la population pour y installer des postes de commandement, ou des secteurs

7 de commandement que ceux que vous avez vus dans votre zone, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Il est vrai que la 72e Brigade spéciale était une Brigade de la VJ,

10 n'est-ce pas, et que la 63e Brigade parachutiste, ainsi que certaines

11 Unités de police, étaient chargées de la lutte contre les insurgés, de la

12 lutte contre cette tactique d'embuscade de coups de mains, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, tout à fait.

14 Q. Encore quelques questions sur certains points que vous avez évoqués.

15 Nous avons parlé des réfugiés, mais parlons de Velika Krusa. Vous avez dit

16 que c'est un lieu que les Serbes ont pris pour cible et ont attaqué d'une

17 manière qui s'est gravée à jamais dans votre esprit. Vous nous en avez

18 parlé. Avez-vous vu ou savez-vous qu'il y avait quelque 10 000 villageois

19 cachés dans les forêts environnantes ?

20 R. Moi, j'ai parlé de 10 000 pour la zone de Kacanik. Je vous ai expliqué

21 où cela se trouvait exactement. Pour Velika Krusa, je n'ai pas parlé de 10

22 000. Je pense que c'est plutôt un chiffre de

23 1 000 à 1 500 qu'il faudrait donner. Ces gens qui, ensuite, sont partis

24 très rapidement. Ce ne sont pas des gens qui venaient uniquement de Velika

25 Krusa, mais de zones ou de localités environnantes et qui étaient déjà

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1 partis d'autres lieux précédemment.

2 Q. A Velika Krusa, la VJ a procédé à des pilonnages, n'est-ce pas ?

3 R. J'ai dit qu'il y avait une batterie de mortiers qui s'était mis en

4 position, mais je n'ai pas pu déterminer si cela appartenait au MUP ou à la

5 VJ. En tout cas, les Unités paramilitaires ne disposaient pas de batterie

6 de mortiers. En tout cas, là il y avait coopération entre le MUP et la VJ.

7 Je ne peux pas vous dire exactement qui était à la tête de cette batterie,

8 mais, pour ce qui est des paramilitaires, c'étaient les hommes de Frenki.

9 Q. Vous nous avez parlé des atrocités que vous avez vues.

10 R. Oui.

11 Q. Vous avez également parlé de Vitina. C'est un endroit où vous avez

12 assisté à des expulsions forcées de la population. Vous savez qu'il s'y

13 déroulait des expulsions forcées ?

14 R. Là, j'ai assisté à des actes de pillage, en particulier lors du retrait

15 des forces armées. Je ne sais pas si vous avez encore l'atlas.

16 Q. Oui, bien sûr. Page ?

17 R. Page 12.

18 Q. Je vois.

19 R. A proximité de Vitina près de Smira, voici ce que j'ai vu. La VJ, le

20 MUP, mais aussi des transports blindés de combat, des chars et leurs

21 équipages se sont trouvés là, et se sont rendus dans des maisons où

22 s'étaient nichés des Albanais qui vivaient là encore. Ils ont occupé les

23 pièces se trouvant au sous-sol. C'était là que se trouvaient ces personnes

24 et, à l'étage, habitaient encore des Albanais. J'en ai parlé dans des

25 articles. J'ai parlé de boucliers humains. J'ai qualifié cela de boucliers

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1 humains. Entre Kabas et Benac, près de Begunovc [phon], j'ai vu des

2 positions d'artillerie. Là, les munitions à Kabas, à Benac et à Begunc --

3 oui, ce n'était pas à Begunovc, mais Begunc -- c'est là qui ont été

4 stockées les munitions dans des maisons. Aux étages supérieurs, c'était

5 manifeste, vivaient encore des Albanais.

6 Q. Des gens ont perdu la vie. Est-ce que vous souvenez que la VJ et le MUP

7 ont, en fait, exhumé ces gens et les ont enterrés ailleurs ?

8 R. Je n'ai pas vu ce genre de choses dans les endroits où je me suis

9 trouvé. Tout ce que j'ai vu et ce qui m'est resté de plus gravé dans la

10 mémoire, c'est cette scène de Velika Krusa, où là, manifestement, on a

11 essayé de brûler les cadavres qu'on avait exhumés là. J'ai vu des photos.

12 Les gens étaient à quelques pas à peine de l'endroit où ils avaient été

13 massacrés. C'est là qu'ils avaient été enterrés.

14 Q. Merci. Vous avez interviewé plusieurs personnes. Nous allons revenir

15 dans un instant à l'interview de Mladic. Est-ce que vous avez eu l'occasion

16 d'interviewer Seselj ?

17 R. Non.

18 Q. S'agissant de l'interview de Mladic, je vous l'ai expliqué, nous

19 n'avons pas été à même --

20 M. KAY : [interprétation] J'ai des exemplaires de cette interview. Il est

21 possible de les distribuer. J'ai un exemplaire pour le témoin au cas où il

22 en aurait besoin.

23 M. NICE : [interprétation] Oui, mais c'est quand même en allemand. Cela ne

24 fait qu'une page et demie. J'espère que ceci ne posera pas de problèmes et

25 que ce ne sera pas abusé des interprètes, notamment de l'interprète se

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1 trouvant dans le prétoire puisque je voudrais que ceci soit interprété.

2 M. KAY : [interprétation] Pouvez-vous distribuer cela ?

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

4 M. NICE : [interprétation] Pendant qu'on distribue ce

5 document :

6 Q. Veuillez nous donner cette explication. Qu'est-ce que ce

7 document ? Puisque, manifestement, ce n'est pas là un article de presse, et

8 nous n'avons pu trouver cet article.

9 R. Oui. Hier, j'ai demandé à mon fils d'aller chercher cet article sur un

10 CD d'articles que j'avais de l'époque. Il me l'a envoyé par e-mail, par

11 courrier électronique. Me Kay a obtenu que ceci soit envoyé. J'habite à

12 Buxtehude à proximité de Hambourg. Je n'aurais pas pu aller le chercher

13 moi-même. Je n'aurais pas pu aller chercher ces choses-là pendant la nuit.

14 Evidemment, je dois vérifier qui a procédé à la publication de cet article.

15 J'ai offert cet article pour publication dans plusieurs médias.

16 Q. A votre avis, qui a publié cet article ?

17 R. Par exemple, le Neue Osnabrucker Zeitung, je pense que ce journal l'a

18 imprimé. Je crois aussi que des extraits ont été utilisés pour une émission

19 de la NDR qui s'appelle Forces armées et stratégies.

20 Q. Vous dites que cela --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la date ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] 1996. C'est à ce moment-là que j'ai fait

23 l'interview, et c'est à ce moment-là aussi que je l'ai utilisée.

24 M. NICE : [interprétation]

25 Q. Vous dites que vous avez fait cette interview à Sarajevo.

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1 R. Oui.

2 Q. A Sarajevo même ?

3 R. Je parle, bien sûr, des faubourgs qui faisaient partie de la Republika

4 Srpska et qui sont décrits là, dans cet article.

5 Q. Vous dites que Mladic y vit encore, ou s'y trouve encore. Je suppose

6 que vous ne voulez pas dire que vous savez où se trouve aujourd'hui M.

7 Mladic ?

8 R. Disons qu'il y a davantage des rumeurs quant au lieu où il se trouve.

9 L'OTAN, la SFOR devraient avoir des informations plus détaillées encore,

10 mais je ne pense pas que ceci fasse l'objet de ma déposition ici même en

11 ces lieux.

12 Q. Passons à autre chose en disant ceci. Même si la partie de Sarajevo qui

13 faisait partie de la Republika Srpska en 1996 était celle où vous avez

14 parlé, vous saviez que M. Mladic avait été déjà mis en accusation ?

15 R. Oui, je le savais. Vous verrez dans ma première question, que j'en

16 parle de toute façon tout à fait concrète.

17 Q. Oui.

18 R. Je l'ai un peu provoqué en posant cette question précisément.

19 Q. Est-ce que vous saviez à l'époque qu'il bénéficiait, ou qu'il avait

20 déjà reçu un certain soutien de la part de l'accusé ?

21 R. Non. Il a rejeté ce soutien. J'ai reproduit ici ce qui a été dit au

22 cours de cette interview. Mladic n'a jamais concédé qu'il y aurait eu un

23 lieu quelconque entre eux. Je suis toujours à la recherche d'éléments

24 confirmant, confortant ce lien. Nous avons un collègue, Andreas Suma. Il a

25 eu des procès-verbaux d'écoutes qui, selon lui, montrent qu'il y a ce lien.

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1 Il y a des conversations téléphoniques entre Perisic et Mladic qui

2 montreraient ce lien. Il y aussi des conversations entre Milosevic et

3 Karadzic. Ce sont des écoutes, mais qui ont disparu de la surface de la

4 terre.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, est-ce que nous

6 pourrions tirer ceci au clair ? Vous lui avez demandé s'il était au courant

7 à l'époque du soutien que Mladic avait déjà reçu de l'accusé. Voici ce que

8 dit le compte rendu d'audience : il a dit, d'un côté, il a refusé ce

9 soutien. Je ne sais pas si c'est un problème de traduction. Est-ce bien ce

10 que vous vouliez dire, Monsieur le Témoin ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il n'était pas manifeste de voir ce

12 soutien. Il a dit qu'il n'y avait pas ce genre de soutien.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

14 M. NICE : [interprétation]

15 Q. Vous nous avez parlé des recherches effectuées, notamment, par M.

16 Andreas Suma. Je ne vais pas m'attarder sur la question. Quels que soient

17 les éléments que vous avez suivis de ce procès, est-ce que depuis, vous

18 avez entendu parler d'efforts entrepris au nom de Mladic pour le libérer

19 afin qu'il ne soit pas déféré à ce Tribunal ? Répondez simplement par

20 l'affirmative ou la négative.

21 R. Oui, c'est bien son intention. Il veut échapper à cette éventualité.

22 Q. Saviez-vous, entre les événements de Srebrenica et le moment de votre

23 interview, des efforts avaient été déployés pour éviter qu'il ne soit

24 jamais déféré à ce Tribunal ?

25 R. Comment dire, je voudrais pouvoir répondre à cette question dans un

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1 cadre un peu plus intime ou confidentiel.

2 Q. Je ne vais pas insister parce qu'ici, ce serait simplement le cadre de

3 l'interview. Je pourrais en parler ou présenter mes arguments plus tard.

4 Nous n'avons pas de traduction en anglais. Alors, je vous demanderais de

5 lire ce document. N'oubliez pas que lorsqu'on lit un document, on est tenté

6 d'aller vite. C'est une tentation presque irrésistible, ce qui rend la

7 tâche des interprètes encore plus difficile.

8 R. Je vais faire de mon mieux.

9 "Question : Général, vous êtes accusé de crimes de guerre. Comment

10 est-ce qu'on vit une situation où on aimerait vous voir déférer devant le

11 Tribunal ?

12 Réponse : Comment, criminel de guerre ? Est-ce que vous en savez plus

13 que moi ?

14 Question : Par exemple, il y a plus de 7 000 Musulmans tués à

15 Srebrenica.

16 Réponse : Il interrompt, ce faisant. Un chiffre que je ne connais pas

17 du tout. La vérité, c'est qu'à Srebrenica, il y a eu des combats très

18 intenses. Des deux côtés, des gens ont perdu à cause de cela, la vie. Pour

19 moi, ce n'est pas un crime de guerre, c'est le risque que vit tout soldat.

20 Question : Mais c'est une partie des événements que beaucoup de gens

21 racontent. Une autre facette, c'est que les hommes ont été séparés des

22 femmes et que, sous les yeux des troupes de l'ONU, des hommes ont été

23 abattus.

24 Réponse : Ce sont des racontars. La vérité - et ceci est confirmé par

25 des reportages de télévision - c'est qu'après la conquête, je suis parti,

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1 j'ai déambulé dans la ville et j'ai rassuré les habitants. Je leur avais

2 dit qu'on respecterait les conditions de la convention de Genève. J'ai

3 aussi négocié avec leurs dirigeants. Nous avons obtenu des véhicules que

4 nous avons mis à leur disposition pour que les habitants soient emmenés

5 dans les domaines ou dans des territoires des Musulmans. L'ONU a,

6 effectivement -- n'a pas essayé de suivre cela. Vous appelez cela un crime

7 de guerre.

8 Question : Pourquoi est-ce que vous avez attaqué ces zones

9 protégées ?

10 Réponse : Croyez-moi, c'est sérieux. Dans mon pays, il y aurait eu la

11 paix si ces Turcs ou si ce tapis de Turcs aurait continué à exister. Ces

12 enclaves devaient tomber pour donner une chance de vie à la paix. C'est

13 aussi simple que cela.

14 Question : C'est une façon de se comporter qui ne peut se faire

15 qu'avec l'accord de Belgrade ?

16 Réponse : Croyez-moi, est-ce que vous ne faites pas confiance aux

17 Serbes de Bosnie ? Vous croyez qu'ils ne sont pas capables de résoudre eux-

18 mêmes leurs problèmes ?

19 Question : Mais ces problèmes sont tellement complexes. Il y a ces

20 attaques des zones protégées. Est-ce qu'il ne serait pas utile d'avoir le

21 soutien du président Milosevic ?

22 Réponse : Je vais le dire autrement. Je n'accepte pas ou je ne prends

23 mes ordres de M. Milosevic. Nous sommes suffisamment adultes pour régler

24 nous-mêmes nos problèmes.

25 Question : Pourtant, en dépit de l'embargo sur les armes, les

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1 munitions et le carburant, vous avez pu vous en procurer ? C'est quand même

2 une prestation logistique que les forces armées auraient pu mieux --

3 Monsieur Mladic, cela m'amuse de voir que vous croyez que nous ne sommes

4 pas à même de nous occuper de nous-mêmes et de nous approvisionner nous-

5 mêmes. Vous pensez que nous aurions pu tuer 7 000 Musulmans, massacrer

6 7 000 Musulmans. Comment est-ce que ceci est réconciliable ? C'est une

7 contradiction."

8 Q. Je ne vais pas ici vous demander un commentaire à propos de l'armement

9 et de la mort de 7 000 hommes, d'hommes qui ont été tués apparemment au

10 cours de combats, et lorsqu'il parle de contes de fée ou par -- sa réponse

11 montre bien et concorde avec l'idée sur laquelle il fallait que les

12 enclaves tombent.

13 R. Tout à fait.

14 Q. Apparemment quelqu'un lui aurait dit qu'il fallait qu'elle tombe. Il y

15 a un accord là-dessus.

16 R. Oui.

17 Q. S'agissant de la réponse qu'il donne concernant l'accusé,

18 il ne dit pas si l'accusé lui a parlé à l'époque et lui a donné des

19 instructions. Il se contente de dire qu'il était indépendant.

20 R. Je pense, oui. Effectivement, je pense que c'est bien ce que j'ai dit

21 hier.

22 Q. Je ne vais pas vous poser d'autres questions à ce propos. Merci.

23 Vous avez également interviewé M. Lazarevic du Corps de Pristina.

24 C'est un général. Cela c'est passé je pense la veille du début des

25 bombardements de l'OTAN; c'est exact ?

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1 R. Oui. J'ai un collaborateur qui a parlé avec le général Lazarevic.

2 Q. Vous ne lui avez pas parlé personnellement.

3 R. Non. Ce n'est pas moi qui ai fait cette interview. J'avais un

4 collaborateur serbe du Kosovo et c'est lui qui s'est occupé de l'interview.

5 Q. Est-ce qu'à la veille du début des bombardements de l'OTAN, le 23 mars,

6 est-ce qu'il a reconnu que la VJ opérait déjà dans la zone de Drenica ?

7 R. Oui.

8 Q. Merci.

9 R. Il l'a confirmé.

10 Q. Il me reste encore deux ou trois points concernant vos publications.

11 Dans le Hamburger Abendblatt du 21 octobre 2000, parait un article dans

12 lequel vous présentez l'accusé et les rapports qu'il entretenait avec

13 Karadzic et Mladic. Vous souvenez de cet article ?

14 R. Oui. Je m'en souviens mais pas de façon détaillée.

15 Q. Un des extraits de cet article est celui-ci : "Slobodan Milosevic a

16 lâché ses chiens de guerre assoiffés de sang, Karadzic et Mladic."

17 R. Oui.

18 Q. Quelles sont vos sources ?

19 R. Je me suis fondé sur des sources qui venaient des services de

20 renseignements de l'Europe occidentale, et qui m'ont montré clairement deux

21 choses : de 1992 à 1993, on a une période de coopération très nette entre

22 Belgrade d'un côté, et Pale de l'autre, entre Karadzic, Mladic d'un côté,

23 et de l'autre, Milosevic; à partir de 1994, intervient une phase où des

24 directives sont données et une pression est exercée sur Karadzic pour qu'il

25 marque son aval à la paix en Bosnie. Je l'ai constaté au cours de plusieurs

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1 rencontres avec des officiers de l'OTAN. En mai 1994, l'OTAN avait fait des

2 propositions de paix et avait, effectivement, proposé de faire intervenir

3 des forces terrestres importantes pour que ceci soit possible, à

4 l'exception des vallées de la Drina et des centrales électriques.

5 Q. Vous donnez des réponses très circonstanciées qui puissent être utiles

6 pour les Juges, je ne voulais pas vous interrompre, mais je vous demandais

7 quelles étaient vos sources permettant de dire que Karadzic et Mladic

8 étaient des chiens de guerre de l'accusé, donc sur son contrôle. Est-ce que

9 vous pourriez me dire autre chose s'agissant des sources parce que c'est

10 cela qui m'intéresse ?

11 R. Je maintiens ce que j'ai dit, je parle de membres de service de

12 renseignements de l'Europe occidentale. Comment les qualifier ? C'étaient

13 des sources tout à fait dignes de foi et ce que ces personnes m'ont dit, a

14 été étayé par des documents.

15 Q. Enfin, un article du 17 janvier 2000 que j'ai en allemand, nous

16 pourrons peut-être donner une cote provisoire pour le moment. Je vais voir

17 si nous pouvons demander au témoin de lire l'article pour éventuellement

18 fournir une traduction définitive plus tard.

19 Cet article fait état de l'interview que vous avez eue avec Arkan. Est-ce

20 que vous vous souvenez de cette interview ?

21 R. Oui.

22 Q. Vous dites clairement dans cette interview, qu'Arkan vous avait

23 expliqué que tout ce qu'il avait fait, avait été fait sous le commandement

24 de l'armée serbe et sous le commandement du présent accusé.

25 R. Oui. C'est bien ce qu'Arkan a dit.

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1 Q. Il a poursuivi en vous donnant une explication, lui Arkan, il avait été

2 largué par l'accusé parce qu'il en savait trop.

3 R. C'est ce qu'il m'a dit.

4 Q. Dans l'article vous expliquez aussi qu'après que l'accusé eut largué

5 Arkan, il a nommé Frenki au poste de commandant des forces paramilitaires

6 au Kosovo.

7 R. C'est précisément ce que j'ai dit, effectivement.

8 Q. Vous donnez, bien sûr, votre propre version des faits de ce que vous

9 avez vu à Velika Krusa de ces actes inoubliables, actes commis par Frenki.

10 Vous le dites clairement dans l'article, d'après ce que vous avez compris

11 vous, les garçons de Frenki c'étaient les principaux auteurs de ce qui

12 s'est passé au Kosovo du côté paramilitaire.

13 R. Oui. C'est ce que j'ai dit dans plusieurs articles, et aussi en préface

14 à ce plan du fer à cheval.

15 Q. Vous parlez aussi des Aigles blancs et des Tigres d'Arkan.

16 R. Oui.

17 Q. Ils étaient sous le contrôle de qui ?

18 R. Les Tigres d'Arkan, c'est certain étaient sous le contrôle d'Arkan et

19 les Aigles blancs, eux, étaient commandés par Seselj.

20 Q. Mais les principaux auteurs ou les principaux protagonistes du côté

21 paramilitaire se trouvaient sous le contrôle de l'accusé.

22 R. En tout cas, ils étaient en contact et ils avaient des liens avec lui.

23 Ce que je n'ai pas fait dans mon article, car je n'avais pas de preuves

24 pour étayer ce que j'aurais dit, c'est que Milosevic aurait donné l'ordre

25 de faire intervenir ces paramilitaires. Cela serait une démarche

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1 journalistique de dire qu'il me faut des preuves pour avancer une telle

2 chose. Il me faut, par exemple, un document signé où un témoin qui me dit :

3 "Voilà Milosevic a dit : 'Fais intervenir les paramilitaires'." A ce

4 moment-là, c'est fini pour moi, point à la ligne. Il n'est pas tout à fait

5 clair de savoir si c'est Milosevic qui a donné l'ordre d'engager ces

6 paramilitaires ou si ce sont des chefs indépendants de ces paramilitaires

7 qui auraient pris cette décision.

8 Q. Oui, vous vous basez, dans ce que vous dites, sur ce qu'Arkan vous a

9 dit et c'est ce que j'expliquais.

10 R. Est-ce que vous croiriez ce que dit Arkan ?

11 Q. On n'a pas la possibilité de voir si ce qu'il a dit est vrai. En tout

12 cas, ce sont les informations qu'il vous a fournies.

13 R. Oui. Tout à fait.

14 Q. Merci.

15 M. NICE : [interprétation] Je n'aurai pas d'autre question à vous poser.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant les questions supplémentaires, je

18 voudrais poser une question.

19 M. KAY : [interprétation] Bien sûr.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un petit point.

21 Monsieur Hutsch, vous avez hier parlé à trois reprises de la MPRI.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez répété cette mention

24 aujourd'hui. Cela a été traduit par MPI. Je crois avoir entendu cette

25 expression à plusieurs reprises. Est-ce que vous pourriez aujourd'hui me

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1 redonner une explication pour me dire ce que cela représente ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est MPRI dans tous les cas.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je le précise pour la traduction, c'est

4 à la page 2, ligne 21, qu'on trouve cette mention aujourd'hui dans le

5 compte rendu d'audience. Qu'est-ce que cela représente ? C'est le sigle de

6 quoi ? Est-ce que ce n'est pas les ressources militaires professionnelles ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait. C'est le sigle, je vous

8 précise que c'est une entreprise privée, constituée par des anciens

9 officiers des forces américaines. C'est une compagnie, si vous voyez la

10 page d'accueil de son site, elle propose toutes sortes de formations

11 militaires. Par exemple, l'armée de Macédoine en 2001 a été formée comme

12 l'Uceka avait été formée en 2001. Cette entreprise a formé les deux parties

13 au conflit. Elle a fortement entraîné les effectifs de l'Uceka. L'armée

14 albanaise est aujourd'hui formée par cette entreprise. Si vous essayez

15 d'aller un peu plus loin, c'est comme pour l'entreprise "black water," là

16 on tombe sur un mur de silence. Ce sont des officiers américains qui ont

17 quitté l'armée, travaillent pour cette entreprise, y travaillent quelques

18 années, et puis ils sont en général réintégrés, réincorporés dans l'armée à

19 un grade en général supérieur que celui qu'ils avaient au moment où ils ont

20 d'abord quitté l'armée.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

22 M. KAY : [interprétation] J'enchaîne sur cette partie de votre déposition,

23 Monsieur Hutsch.

24 Nouvel interrogatoire par M. Kay :

25 Q. [interprétation] Quelle est la structure financière de cette

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1 entreprise, MPRI ? Comment est-elle financée ?

2 R. Par exemple, de façon typique, pour la formation des forces de

3 Macédoine, le financement est assuré par le Pentagone. Dans d'autres cas,

4 il est dit que c'est la CIA qui se serait chargé de ce financement. La MPRI

5 a pour réputation de faire le sale boulot des services secrets américains,

6 et de faire ce sale boulot, de le terminer.

7 Q. Cette entreprise est-elle très efficace, très compétente ?

8 R. Oui, absolument. Dans les camps d'instruction que j'ai vus en 2001 en

9 Macédoine, au sud du Kosovo, il y avait des instructeurs américains, il

10 faut bien le dire, excellent travail que celui qu'ils ont fait. Il y a

11 vraiment rien à dire quant à leur degré de professionnalisme.

12 Q. Pour ce qui est des ressources que pouvait avoir le MPRI ?

13 R. Je vais prendre un autre exemple. Pendant l'offensive de 1995 en

14 Krajina, on utilisait l'anglais américain, et il y avait une résolution de

15 l'ONU qui interdisait la présence des consultants. Je dirais que, par

16 exemple, l'armée de Croatie n'existait plus. Elle n'était plus pertinente.

17 Pourtant, huit mois plus tard, elle est en mesure de mener une offensive

18 bien dotée en hommes et en matériel, et les Serbes de Krajina, en 72

19 heures, sont expulsés d'une position qu'ils ont tenue pendant trois ans.

20 Ils se préparaient pendant trois ans à cette éventualité. Cela montre la

21 qualité de la formation assurée par le MPRI, même s'il y avait un embargo

22 sur les armes cela a été possible de préparer les hommes à ce genre de

23 choses.

24 Q. Le compte rendu d'audience, à la ligne 17, nous parle de 1999. Est-ce

25 que c'est la date que vous avez donnée, ou est-ce qu'il y a une erreur ?

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1 R. L'offensive croate, c'était en 1995, en août 1995. Vous savez Oluja.

2 Oluja, oui, exactement.

3 Q. Oui, oui, je vérifiais simplement pour être sûr que le compte rendu est

4 exact.

5 R. Oui, ce n'était pas 1999.

6 Q. Comment se présentait cette entreprise MPRI en 1995 ? Savez-vous où

7 elle avait son siège ?

8 R. Elle était présente et disponible dans toute la Krajina, mais aussi

9 auprès de l'armée de Croatie. Elle était aussi présente en 1995 pour

10 l'Uceka, et aussi en Macédoine, ou plutôt dans la vallée de Presheva [phon]

11 de Pristina.

12 M. KAY : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais soulever un

13 point avant de poursuivre mes questions. Il y a une chose qui n'est pas

14 tout à fait clair. Cette interview du général Mladic, est-ce que la façon

15 dont le témoin en fait état est contestée par l'Accusation parce que je

16 crois que les remarques de l'Accusation étaient assez ambiguës. Je veux

17 connaître la nature exacte du problème, pour autant qu'il y ait un

18 problème, problème qui aurait surgi entre le témoin et l'Accusation à

19 propos de cette interview.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas comme cela que j'ai

21 compris la chose.

22 M. NICE : [interprétation] Non, j'étais simplement étonné que ce ne soit

23 pas disponible sur l'Internet. Je pense qu'aujourd'hui on a mentionné un

24 autre article que celui mentionné hier, et si je voulais contester le récit

25 qui a été fait par le témoin, je l'aurais dit clairement.

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1 M. KAY : [interprétation] Merci de cette précision.

2 Q. Monsieur Hutsch, vous êtes un journaliste free-lance, est-ce exact ?

3 R. Oui, c'est exact.

4 Q. A en juger d'après votre déposition, vous avez réuni une quantité

5 extrêmement volumineuse d'informations au cours de ces dernières huit à dix

6 années.

7 R. Oui. En neuf ans de mon travail de journaliste, évidemment j'ai réuni

8 beaucoup de documents, beaucoup d'éléments. Je dirais que cela peut être

9 contenu dans trois cartons, à peu près.

10 Q. Afin d'aider la Chambre, si vous deviez nous dire où était publié tel

11 ou tel article, est-ce que vous seriez en mesure de le faire ?

12 R. Dans leur ensemble, tous les articles que j'ai écrits, et qui ont été

13 publiés, ils relèvent d'un accord entre l'interviewé et l'auteur, pour

14 qu'il y ait autorisation du manuscrit, et pour qu'il y ait un exemplaire

15 retenu par le journal. Je les ai tous réunis. Tous les articles que j'ai

16 rédigés ont été correctement archivés.

17 Q. La semaine prochaine, par exemple, si vous aviez la possibilité, est-ce

18 que ce serait possible pour vous de dresser une liste pour nous montrer où

19 telle ou telle chose a été publiée ?

20 R. Oui, bien entendu.

21 Q. Vous pourriez me la transmettre.

22 M. KAY : [interprétation] Si la Chambre est d'accord, je pourrais par la

23 suite la communiquer et, s'il y a un point contesté, ou s'il y a une

24 question qui se pose, on pourrait peut-être régler cela, une fois pour

25 toute.

Page 33023

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

2 M. KAY : [interprétation] Merci.

3 Q. On vous a posé des questions au sujet de l'augmentation des effectifs

4 dans les forces de sécurité serbes. Les dates qu'on a citées, c'était le

5 mois d'avril, et on s'est concentré dans une large mesure sur l'année 1999.

6 A l'époque, d'après les éléments de preuve en l'espèce, nous savons que

7 l'OTAN était en train d'apporter des renforts dans le voisinage de la

8 Serbie, à différents endroits. On a entendu des dépositions des témoins,

9 tel le général Clark nous disant qu'on était en train de déployer des

10 forces à différents endroits le long des frontières serbes. Compte tenu du

11 fait que vous faites du journalisme d'enquêtes et compte tenu aussi de

12 votre connaissance dans le domaine militaire, vos connaissances militaires,

13 est-ce qu'on pourrait raisonnablement affirmer -- ou plutôt est-ce qu'il

14 serait raisonnable pour un état d'accepter qu'il y ait des renforts de

15 troupes, des déploiements de troupes autour de son territoire sans que cet

16 état prenne pour sa part des mesures afin de se défendre et se protéger ?

17 Qu'est-ce que vous feriez en tant que militaire ?

18 R. J'ai pu constater que mon appréciation des différents cas de figures

19 militaires est divergente des appréciations que fait le général Clark parce

20 qu'il estimait que les forces serbes avaient besoin de trois à quatre mois

21 pour se préparer, même si elles étaient déjà pleinement en opération,

22 opérationnelles. Mon opinion, par exemple, est que, lorsque vous avez deux

23 chars qui arrivent en mars en Macédoine, c'était clair que lancer un raid

24 aérien n'était pas du tout une solution qui pouvait résoudre le conflit

25 kosovar. D'un point de vue politique, je ne sais pas si la date est exacte,

Page 33024

1 mais je crois que c'était le 24 avril. Dans une réunion du comité de

2 Défense allemand, le ministre allemand de la Défense Sharping a précisé

3 quels étaient les objectifs de guerre. L'un de ces objectifs était d'isoler

4 Milosevic. C'est ce qu'il a fait. Le procès-verbal de cette réunion du

5 comité de Défense m'a été communiqué. Il ne s'agissait pas simplement

6 d'éviter une catastrophe humanitaire au Kosovo; l'objectif de la guerre

7 était de renverser Milosevic. Vous pouvez tirer des parallèles avec la

8 guerre en Irak. C'est cela qui posait problème. C'était à cela qu'ils

9 étaient en train de se préparer. C'est pourquoi ils étaient en train de

10 déployer des forces. Ils n'avaient pas la capacité d'un point de vue de

11 forces aériennes, et ils n'avaient pas la capacité de procéder à

12 l'extraction des forces. C'est pour cela que cela s'est transformé en une

13 invasion du Kosovo avec des blindés et des chars.

14 Q. Lors de vos conversations avec le général Naumann, on vous a dit que

15 cette campagne n'était pas simplement une campagne de bombardements, c'est

16 le terme que l'on utilise le plus souvent; mais elle était aussi préparée

17 comme une opération terrestre ?

18 R. Le général Jackson m'a dit, lors d'un entretien, que lancer une

19 offensive terrestre en dépit des réserves qui ont été exprimées sur le plan

20 politique par des pays membres, que ceci nécessiterait à peu près trois

21 semaines. Une offensive terrestre, d'un point de vue militaire, aurait été

22 possible le 1er ou le 5 juillet. Bien entendu, il fallait pour cela l'aval

23 de tous les pays membres de l'OTAN.

24 Q. Dans ces entretiens que vous avez eus avec ces protagonistes, qui ont

25 participé à la planification de la campagne de l'OTAN, le point de vue

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1 qu'ils ont exprimé ou la position qu'ils ont adoptée était qu'ils étaient

2 capables à la fois de lancer une campagne aérienne ou un bombardement

3 aérien et une opération terrestre, une attaque terrestre ?

4 R. Oui. Jackson était prêt à le faire. Il l'a dit dans un appel

5 téléphonique qu'il a passé depuis l'aéroport de Pristina. Je pense que

6 c'était dans la soirée du 10, lorsque les forces russes de la SFOR venaient

7 d'occuper l'aéroport de Pristina. A ce moment-là, il a dit tout à fait

8 clairement : je ne vais pas lancer la Troisième guerre mondiale pour vous,

9 lorsqu'on a demandé à Clark d'écarter les Russes de l'aéroport, de les

10 éjecter de l'aéroport.

11 Cela montre la force de KFOR d'une part. Mais aussi, cela démontre

12 qu'il y avait des plans prévoyant une entrée au Kosovo, un déploiement

13 terrestre. Le fait que le contingent allemand a traversé l'Albanie, cela

14 montrait qu'il y avait eu des préparatifs de longue date en termes

15 logistiques pour mettre sur pied ces opérations. Il y avait des

16 négociations bilatérales sur le statut des forces, un accord là-dessus mis

17 à part ce qui devait se passer sur le plan diplomatique.

18 Q. Pendant que vous étiez dans la région à ce moment-là, est-ce que vous

19 étiez conscient de ces renforts de forces qui arrivaient autour de la

20 Serbie ?

21 R. Oui. On ne pouvait plus cacher cela, en particulier, parce qu'il y

22 avait des chars Leopard qui sont arrivés de Thessaloniki, en passant par

23 Tetovo, [phon] et il était clair que cela allait bien au-delà de ce que

24 permettait une force d'extraction.

25 Q. Vous vous êtes penché sur la question de la force de l'Uceka, et

Page 33026

1 plusieurs questions vous ont été posées au sujet des différentes régions :

2 zone 6 et zone 7. Je voudrais être sûr qu'on a bien précisé ces endroits

3 lorsqu'on reviendra à ces questions à un stade ultérieur. Pouvez-vous, s'il

4 vous plaît, nous repréciser sur la carte où se trouvent les zones 6 et 7 ?

5 Vous avez dit que c'étaient des zones où il y avait relativement peu

6 d'activités de la part de l'Uceka. Il ne se passait pas grand-chose; c'est

7 exact ?

8 R. C'est exact.

9 Q. Pouvez-vous nous dire de quelle page s'agit-il de cet atlas ?

10 R. Ce serait chiffre romain VI. Les zones de défense 6 et 7 englobaient

11 Strpce, Kacanik, Vitina, Gnjilane, Kamenica. La zone de défense 2

12 comprenait avant tout Dragas, Prizren, Suva Reka, Malisevo, Orahovac; et la

13 zone 1, c'était la zone de Drenica; la zone 3, c'était la zone autour de

14 Pec et Djakovica, Decan; la zone 4, Pristina; la zone 5 était Podujevo,

15 Kolap [phon], et la zone qui sort à l'est de Pristina, Lipljan.

16 Q. Je voudrais simplement revérifier que toutes les localités ont été

17 reprises dans le transcript, que nous avons tous les chiffres. Oui. Je vous

18 remercie.

19 On vous a posé des questions au sujet des nombres autour de Velika Krusa,

20 par rapport à l'incident qui s'était produit en mars 1999. Vous avez

21 contesté le chiffre de 10 000. Vous avez dit que c'était 1 000 à 1 500

22 personnes qui se trouvaient dans les bois. Comment avez-vous pu évaluer ces

23 chiffres des personnes ?

24 R. Avec tous ces chiffres, il s'agit d'évaluation. Il faut toujours les

25 prendre avec une certaine réserve. Le HCR a la même approche, parce qu'on

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1 ne peut jamais être sûr des chiffres, quels sont les chiffres exacts. Donc,

2 tous ces chiffres, ce ne sont que des appréciations. Il faut simplement se

3 fier à son sens d'observation et son impression que le chiffre n'est pas

4 exagéré. De toute évidence, je ne peux pas dire que cela a été prouvé de

5 manière scientifique. Pour chacun des chiffres, je ne peux pas dire qu'il

6 s'agit exactement du chiffre le plus exact. Ce sont des évaluations qui se

7 fondent sur l'expérience.

8 Q. Votre expérience, elle se fonde sur quoi ?

9 R. Je suis un footballeur. J'essayais toujours de voir à un stade de foot

10 combien il y avait de supporteurs qui regardaient. Ceci vous donne une

11 assez bonne idée de l'importance des différents groupes de personnes. Vous

12 pouvez vous fonder sur ces impressions dans vos évaluations. J'ai toujours

13 fait cela. Je pense que beaucoup de policiers font la même chose.

14 Q. Certains de nous sont des supporteurs des équipes qui n'ont pas

15 beaucoup de fans. C'est plus facile. Pour ce qui est des policiers

16 assassinés, tués, est-ce que vous avez vu vous-même ces incidents ? Combien

17 en avez-vous vus ?

18 R. J'ai vu moi-même environ 20 policiers serbes tués. Les envoyés de

19 l'OSCE, m'ont dit pour la période allant du 2 décembre jusqu'à leur

20 retrait, qu'il y a eu entre 120 et 150 policiers tués sur tout le

21 territoire du Kosovo. Ces chiffres correspondent à ce que nous pouvons voir

22 dans les deux livres sur la guerre kosovar, rédigés par le général

23 Laukweier [phon]. Je ne doute pas que ces chiffres sont plutôt proches de

24 la réalité.

25 Q. D'autres responsables ? Il y a eu des personnes qui ont été tuées, des

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1 représentants du gouvernement, des leaders civiques ?

2 R. Il y a eu des publications faites par le gouvernement serbe à l'époque.

3 Il y a eu aussi des communiqués de presse qui ont été diffusés par le

4 gouvernement serbe; cependant, ils ne sont pas toujours tout à fait fiables

5 parce qu'ils se présentent de manière assez confuse. Par exemple, il y a eu

6 des meurtres pour des raisons interethniques, mais on les présentait comme

7 des meurtres ethniques. Je veux dire à l'époque, il y avait une certaine

8 anarchie qui régnait au sein du groupe de la population albanaise. En fait,

9 ils souhaitaient se venger pour ce qui c'était passé dans les années 1980

10 ou il y a un siècle. Ces meurtres aussi, ont été présentés comme des

11 meurtres qui étaient commis pour des raisons ethniques. Ils étaient

12 rajoutés dans les chiffres publiés par les Serbes afin d'augmenter ces

13 chiffres. Personnellement, je me réfère plutôt à l'OSCE où je pensais que

14 ces chiffres étaient plus réalistes parce que cela correspondait à ce que

15 j'avais vu moi-même.

16 Q. Enfin, s'agissant de votre activité de journaliste, vous avez utilisé

17 le terme "mise-en-scène" pour qualifier ce dont vous parliez à la Chambre.

18 On vous a posé des questions là-dessus. Est-ce que c'est bien ce terme-là

19 que vous avez utilisé dans vos articles ?

20 R. En particulier, en 2001, j'aurais utilisé ce terme effectivement à

21 plusieurs reprises. D'une part, afin de décrire l'évolution de la situation

22 au Kosovo, leur transformation en une armée, à l'armée du Kosovo. Ce qui en

23 a résulté, c'était au fond une mise en scène. J'ai également utilisé cela

24 pour parler du MPRI, l'implication de l'entreprise américaine. J'ai

25 toujours utilisé ce terme pour dire la mise en scène, la guerre kosovar.

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1 Q. Je vous remercie. Je n'avais plus de questions.

2 M. KAY : [interprétation] Est-ce que la Chambre a d'autres questions pour

3 l'accusé ?

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez peut-être des pièces à

5 conviction à verser.

6 M. KAY : [interprétation] Oui, je vous remercie de me l'avoir rappelé. Je

7 pense que le numéro suivant, ce serait D248.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est l'entretien avec Mladic.

9 M. KAY : [interprétation] Oui. On pourrait peut-être préciser le mois.

10 Q. C'était à quel mois de l'année 1996 ?

11 R. L'entretien s'est déroulé en mars 1996.

12 Q. Je voudrais aussi que le témoin me fournisse la liste de ses

13 publications avec les précisions de dates.

14 R. Oui.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez

16 formulé quelques commentaires pendant le contre-interrogatoire. Je vous ai

17 fait savoir que vous alliez avoir la possibilité de poser des questions

18 supplémentaires au témoin si vous le souhaitiez. Le souhaitez-vous ?

19 M. MILOSEVIC : [interprétation] Monsieur Robinson, ceci n'a rien à voir

20 avec ma défense. Je citerai ce témoin lorsque vous m'aurez restitué mon

21 droit à me représenter. Quant à votre avocat, de toute évidence, ce qu'il

22 représente, c'est la partie adverse; ce n'est pas moi.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai entendu, Monsieur

24 Milosevic.

25 Monsieur Hutsch, votre déposition est terminée. La Chambre vous remercie

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1 d'être venu déposer. En particulier, nous vous remercions d'être revenu

2 aujourd'hui, ce qui s'inscrit dans la meilleure tradition, la coopération

3 avec le Tribunal. Vous êtes libre de partir. Merci.

4 [Le témoin se retire]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay.

6 M. KAY : [interprétation] C'est la suspension d'audience de 10 heures 30

7 qui approche, Monsieur le Président. Il nous reste moins de dix minutes.

8 C'est peut-être l'occasion de parler du témoin suivant, de son cas.

9 Le témoin suivant, d'après l'information que nous avons fournie à la

10 Chambre, est un témoin qui est arrivé à La Haye. C'est moi qui ai eu un

11 entretien avec lui. Il n'avait pas précédemment eu des entretiens avec

12 l'équipe de M. Milosevic. Faisant partie des documents qui ont été

13 rassemblés ou réunis en tant que pièces à conviction de la Défense, il y

14 avait aussi une liste de noms de personnes kidnappées ou portées disparues

15 au Kosovo.

16 Le témoin suivant a un proche qui fait partie de ce groupe de personnes, de

17 cette catégorie. Il est en même temps quelqu'un d'important au sein de

18 l'association qui s'occupe des personnes disparues et des personnes

19 kidnappées au Kosovo. Il porte deux casquettes ici. Sa première capacité

20 est celle de témoin direct. Il est directement concerné. Aussi, ce qui est

21 plus important pour lui, il ne souhaite pas mettre en avant sa situation

22 personnelle. Considérant qu'il est plus important que les autres personnes

23 au sein de l'association, il a rassemblé des chiffres et des informations

24 au sujet des victimes, des victimes qui relèvent de la catégorie des

25 personnes portées disparues ou enlevées pendant le conflit au Kosovo.

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1 Comme Fred Abrahams, un témoin de l'Accusation. Sandra Mitchell, me semble-

2 t-il, ils relèvent de la même catégorie de témoins. Il y a en eu d'autres

3 qui ont présenté des éléments de preuve, des éléments d'information, qui

4 ont été rassemblés. Il a rencontré à plusieurs reprises le Procureur.

5 D'après les médias, c'était le 5 septembre 2001 une fois, et il m'a dit

6 qu'en fait, le témoin a soumis son rapport à l'Accusation, il s'attendait

7 qu'il y ait un suivi.

8 Pendant mon entretien avec lui, il s'est avéré que le document qui a été

9 communiqué n'était pas son document, et ce n'était pas le type de document

10 que généralement l'Accusation communique. Je ne sais pas quelle était la

11 source de ce document, d'où il est venu, mais il a dit qu'il n'était pas

12 exact dans les détails, et il ne fournissait pas les informations sur

13 lesquelles le témoin était prêt à déposer. J'ai accepté son point de vue

14 parce que son rôle et sa position sont tels qu'il est quelqu'un de très

15 important. Il est très important que ces éléments de preuve qui concernent

16 les victimes soient exacts et soient présentés de manière appropriée.

17 Au cours de ces deux derniers jours, je me suis mis en contact avec

18 l'Accusation. Elle a fait des recherches dans ses documents pour retrouver

19 le rapport qui avait été remis. Ils n'ont pas réussi à le faire.

20 Compte tenu de la situation, le témoin ne souhaite pas que je le cite

21 à la barre en tant que témoin à présent, parce qu'il a l'impression que sa

22 déposition n'a pas été préparée de manière adéquate. Il n'a pas apporté sur

23 lui le rapport en arrivant de Serbie, et de toute évidence, c'est un

24 document important. Il voudrait aussi souhaiter parler de la question qui

25 concerne sa déposition au sujet de sa situation personnelle parce qu'il

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1 représente une association. Il y a d'autres membres de cette association,

2 il ne voudrait pas qu'ils aient l'impression qu'il profite de l'occasion,

3 pour déposer ici en privilégiant sa situation personnelle comme étant plus

4 importante que les leurs. A cet égard, je le comprends, tout à fait. J'en

5 ai parlé avec lui, j'ai parlé de sa déposition avec lui, et il ne voudrait

6 pas faire la publicité pour soi-même.

7 Compte tenu de la situation, je demanderais à la Chambre de prendre

8 en considération le fait qu'il est réticent à déposer à ce stade, qu'elle

9 fasse droit à son souhait. Il a coopéré avec le conseil commis. Il a fait

10 preuve de la plus grande coopération lors de notre entretien. Il était prêt

11 à déposer, je n'ai pas l'impression que ceci augure du mal pour l'avenir de

12 sa déposition. Cependant, la chose la plus importante dans sa déposition

13 concerne des informations factuelles qu'il devrait donner. Ceci devrait

14 être communiqué de la manière correcte à l'Accusation pour qu'elle puisse

15 l'examiner, et puisse établir des liens avec d'autres recherches ou

16 d'autres documents que l'Accusation possède, et qu'elle n'a pas pu trouver

17 jusqu'à aujourd'hui.

18 L'aspect personnel ne prendrait pas beaucoup de temps, de la

19 déposition du témoin, mais le témoin déposerait essentiellement sur

20 l'association qui s'intéresse aux personnes enlevées et disparues du

21 Kosovo. C'est cela qui serait la partie la plus importante de sa

22 déposition.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors, quelle est votre requête ?

24 M. KAY : [interprétation] Nous demandons que le témoin ne soit pas cité à

25 ce stade, que l'on reporte la présentation des moyens de la Défense, compte

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1 tenu des circonstances et qu'une conférence de Mise en état se tienne

2 portant sur les témoins, peut-être ce matin, si la Chambre est en mesure de

3 l'organiser.

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, est-ce que le témoin

6 serait disponible la semaine prochaine ?

7 M. KAY : [interprétation] La semaine prochaine, je crois qu'il y a une

8 audience d'appel qui est prévue pour le 21 octobre, une audience qui a

9 trait à la question de la présentation des intérêts de l'accusé, si bien

10 qu'il y aura deux journées d'audience seulement en l'espèce, la semaine

11 prochaine. Nous avons pris les dispositions nécessaires pour faire venir un

12 témoin de l'étranger. Pour deux autres témoins, nous avons commencé à

13 prendre des dispositions pour qu'ils comparaissent devant vous. Pour ceci,

14 nous avons besoin de l'aide d'un ministère étranger. Il faut faire

15 intervenir la voie diplomatique. Bien que nous ayons procédé à une première

16 recherche d'information, on nous a fait savoir que l'information ne pouvait

17 pas être communiquée. Si cette information peut nous parvenir à ce moment-

18 là, nous pourrons entendre ces deux témoins. Je suis dans une situation un

19 petit peu difficile, puisque je fais appel à des institutions sur

20 lesquelles je n'ai aucun contrôle. Je dépends également de la coopération

21 avec un ministère étranger. Le Greffe du Tribunal m'a beaucoup aidé, il

22 m'aide beaucoup, mais au bout d'un certain temps, l'issue de ces questions

23 ne dépend plus du Greffe.

24 J'ai besoin de parler avec le témoin d'aujourd'hui pour voir s'il sera

25 disponible la semaine prochaine. Nous avons quelques difficultés s'agissant

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1 de la liste des témoins. On pourrait peut-être le déplacer pour l'entendre

2 à une autre semaine, enfin. Cela avait déjà été le cas pour cette semaine.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, j'ai remarqué cela.

4 M. KAY : [interprétation] A cause d'une difficulté.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La semaine prochaine, je vois que

8 nous devrions normalement siéger de lundi à mercredi. C'est une

9 modification dans notre horaire qui a été introduite parce qu'il y aura

10 audience de la Chambre d'appel jeudi.

11 M. KAY : [interprétation] Je n'ai pas cette information-là. Quand on

12 procède ainsi à des changements du calendrier, c'est très difficile parce

13 que je suis en contact avec diverses institutions qui demandent de faire

14 venir telle ou telle personne à telle ou telle date. Cela devient

15 extrêmement complexe. J'ai 30 courriels qui m'attendent dans ma boîte aux

16 lettres.

17 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cette information vous a été

19 communiquée, mais, apparemment, il y a eu un petit problème de

20 communication.

21 Vous étiez au courant, Monsieur Nice ?

22 M. NICE : [interprétation] Oui, officieusement.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez été informé

24 officieusement.

25 M. KAY : [interprétation] Vous comprendrez, Messieurs les Juges, la

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1 difficulté de faire venir des témoins. Ici, la difficulté pratique, cela

2 fait intervenir un grand nombre de gens, une logistique très importante. Il

3 y a divers intervenants dans cette chaîne logistique. Des gens qui ont

4 besoin que j'intervienne moi-même parce qu'ils ne souhaitent pas prendre un

5 certain nombre de décisions. C'est un processus très lourd que celui de

6 faire venir des témoins ici.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, lundi, ce jour dont vous ne

8 saviez pas qu'on allait siéger, on pourra entendre le témoin en question,

9 lundi. Puis la seule chose qu'il a à faire c'est de rentrer chez lui,

10 trouver le bon exemplaire du rapport, et parler avec vous de cette question

11 difficile ainsi que de la question que vous avez évoquée avec les autres

12 membres de son association ?

13 M. KAY : [interprétation] Oui. Mais, vu l'endroit où habitent ces gens, vu

14 leurs situations, je ne sais pas s'il est si facile et si on peut régler

15 cette question aussi rapidement.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas quelque chose

17 qui est apparu du jour au lendemain. C'est un problème qui existe depuis

18 longtemps. C'est la question du rapport manquant qui est une question

19 récente. Le reste, c'est quelque chose qu'il a eu sans doute à l'esprit

20 depuis longtemps.

21 M. KAY : [interprétation] Oui. Je vais faire de mon mieux. Si vous

22 m'accordez un peu de temps, ce que je pourrais faire même si je ne sais pas

23 si le témoin est déjà dans le bâtiment, parce que pour cela, il faut suivre

24 une procédure bien précise, je ne peux pas entrer comme cela sans autre

25 forme de procès avec le témoin. Je vous serais reconnaissant de bien

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1 vouloir mettre ce processus en branle.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Une demi-heure, est-ce que ce serait

5 bien ?

6 M. KAY : [interprétation] Oui, ce serait une pause fort utile.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dans ces conditions, nous allons

8 faire une pause d'une demi-heure avant de nous retrouver pour une

9 Conférence de mise en état. L'audience est suspendue.

10 --- L'audience est levée à 10 heures 37, suivie d'une Conférence de mise en

11 état.

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