Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 9 novembre 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay.

6 M. KAY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'audience aujourd'hui est tenue

8 afin d'aborder l'examen de votre requête afin de mettre fin à votre mandat.

9 M. KAY : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant de commencer, la Chambre pense

11 qu'il y a une question liminaire à régler. Ce que je veux dire, c'est

12 qu'avant de parler au fond, il y a une question de compétence qu'il faut

13 évoquer, qui se pose selon les modalités suivantes : l'Article 19 de la

14 directive pratique relative à la commission d'office, à première vue,

15 l'Article 19 disais-je, donne au greffier le pouvoir de révoquer la

16 commission d'office lorsqu'il y a refus de mettre fin. Il est dit à

17 l'Article 19 que la partie lésée peut demander au Président de revoir la

18 nature de cette décision, de l'examiner et peut-être de la changer.

19 De par le passé, la Chambre de première instance a procédé à l'examen de

20 décisions prises par le greffier aux fins de révocation, et ceci a fait

21 l'objet de commentaires de la part de la Chambre d'appel, dans plusieurs

22 affaires, notamment dans l'affaire Blagojevic. Dans cette affaire, on a

23 fait référence à une décision prise précédemment dans l'affaire Delalic. Il

24 avait été dit qu'il n'est mal venu en général pour une Chambre de se saisir

25 de questions qui relèvent en premier lieu de la compétence du greffier. Ce

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1 qui compte ici, dans l'affaire Blagojevic, c'est que la Chambre d'appel est

2 revenue sur la position qu'elle avait prise précédemment dans la même

3 affaire et avait dit que, lorsqu'un pouvoir est conféré expressément au

4 greffier et que c'est le président qui le lui confère, il faut suivre cette

5 procédure. Ceci est vrai aussi pour la Chambre de première instance.

6 Normalement en règle générale, la Chambre n'a pas le droit d'usurper le

7 pouvoir qui revient au greffier et au président du Tribunal, en la matière.

8 Je porte ceci à votre connaissance parce qu'à notre avis, il faudra que

9 vous nous convainquiez qu'elle dispose du pouvoir d'appréciation nécessaire

10 lui permettant de trancher la demande que vous avez déposée aux fins de

11 votre mandat.

12 M. KAY : [interprétation] Oui, nous étions au courant de cela. Nous avons

13 d'abord écrit au greffier dans une lettre qui porte la date du 26 octobre

14 2004. C'est précisément sur ce point que nous avons demandé son attention,

15 car nous savions que ceci était ancré dans le règlement. Nous avons remis

16 une copie de cette lettre, par courtoisie, à la Chambre de première

17 instance. Nous avons, si vous voulez, envoyé une copie à ceux qui avaient

18 été partie prenante d'une façon ou d'une autre dans le processus de prise

19 de décisions.

20 Nous avons rencontré le greffier adjoint qui s'est occupé de la question au

21 nom de M. le Greffier. Nous lui avons dit que la lettre était adressée à M.

22 le Greffier, et le greffier adjoint estimait que puisque c'était une

23 décision prise par une Chambre de première instance, cette question devait

24 être renvoyée à l'examen de la même Chambre, parce que c'était la Chambre

25 de première instance qui avait été partie prenante dans le processus menant

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1 à la commission d'office de conseil.

2 A l'époque j'ai dit que moi je ne voulais pas être un yo-yo entre les

3 divers organes de cette institution. Voici ma grille de lecture, la Chambre

4 a été consultée en cette question. La Chambre des Juges et le greffier se

5 sont dits que le meilleur forum à même d'étudier la question, c'était la

6 Chambre de première instance puisque le greffier avait agi sur instruction

7 de la Chambre de première instance.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne suis au courant d'aucune part

9 de la Chambre de première instance en l'espèce, ou de ce qu'elle aurait

10 joué un rôle particulier.

11 Poursuivez, Maître Kay.

12 M. KAY : [interprétation] Oui, on s'est demandé qui allait endosser la

13 responsabilité s'agissant de cette question, car manifestement, elle allait

14 revêtir une importance énorme, et avoir une incidence considérable, non

15 seulement sur ce procès, mais sur d'autres procès portés devant ce

16 Tribunal, puisque dans d'autres affaires cette question s'est révélée très

17 importante également.

18 Vu ces circonstances, nous ne pouvons faire qu'une chose, c'est

19 suivre les instructions données par le greffier, puisque c'est nous qui

20 avons soumis la question au greffier, au greffe, au départ. Du greffe c'est

21 parti à la Chambre de première instance.

22 C'est à vous de juger, Messieurs les Juges, pensez-vous disposer la

23 compétence voulue ou pas ? Mais le processus de prise de décisions au

24 greffe était celui-ci : le greffe a estimé que l'affaire devait être portée

25 devant la Chambre puisque c'est elle qui avait donné des instructions.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De toute façon, voilà, nous sommes

2 maintenant face à cette question, et il faut d'abord régler cette question

3 liminaire. Quant au cheminement de cette question, peu importe, elle nous

4 est posée, et il faut d'abord régler cette question. La Chambre doit

5 d'abord être convaincue du fait qu'elle dispose de la compétence nécessaire

6 pour régler cette question avant tout.

7 M. KAY : [interprétation] La Chambre de première instance a rendu une

8 ordonnance comme étant d'office à un conseil, et à mon avis, ceci fait que

9 c'est la Chambre qui dispose de cette compétence, parce qu'elle est la

10 genèse de ces ordonnances en général ? C'est le fruit où l'étape ultime

11 d'une commission effectuée par le greffe. La Chambre de première instance

12 n'est pas partie prenante quand cela se déroule normalement, dans le

13 déroulement d'un procès. C'est le greffier qui a une liste de conseils qui

14 peuvent être commis et c'est lui qui les commet d'office. Tout ce que la

15 Chambre fait, c'est recevoir la notification du greffier après sélection de

16 ce conseil.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'affaire Blagojevic semble opérer

18 une distinction où l'ont postulait cette distinction entre une décision

19 purement administrative de M. le Greffier, là, où la Chambre n'a pas voix

20 au chapitre puisque c'est une question d'ordre administratif. Cette

21 distinction entre ce type de décision est une décision prise par le

22 greffier qui pourrait entacher ou porter atteinte à l'équité du procès.

23 Dans l'affaire Blagojevic, il est dit que dans ce dernier cas la Chambre de

24 première instance serait autorisée à agir si ce qui est en jeu c'est

25 l'équité du procès. L'équité n'est pas définie, difficile de saisir et de

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1 bien circonscrire la distinction qui est faite entre une décision

2 administrative, s'agissant de commission d'office d'un conseil, une

3 décision qui reste totalement d'ordre administratif, et de l'autre côté une

4 décision qui aura une incidence éventuelle sur l'équité du procès.

5 M. KAY : [interprétation] Ici, la Chambre de première instance a déterminé

6 comme délai le 3 septembre à 13 heures pour statuer sur la question de la

7 commission d'office et après cette date et cette heure, il fallait avoir

8 une décision s'agissant des règles à suivre. Le greffier estimait qu'il

9 s'est acquitté de ses fonctions suite à la volonté exprimée par la Chambre

10 qui faisait usage de son pouvoir dans le cadre du procès. Le greffier avait

11 estimé qu'il n'avait pas eu part au processus administratif de traitement

12 de la question selon les modalités coutumières.

13 Cette question surgit pendant le procès, et on pourrait dire que la Chambre

14 en est saisie, du fait de la procédure judiciaire davantage que du fait que

15 la bonne administration de la justice. Cette question surgit en

16 l'occurrence à la suite de conclusions juridiques présentées à la Chambre

17 les 1er et 2 septembre 2004. Ensuite un appel a été formé et la Chambre

18 d'appel s'est prononcée, ce faisant, elle a renvoyé la question à la

19 Chambre de première instance.

20 Ce qui nous a préoccupé ou ce que nous voulions faire c'était de rester sur

21 la bonne voie. Nous voulions que cette question soit abordée en bonne et

22 due forme. Le greffier a pris une décision que nous avons comprise comme

23 suit : nous avons compris que c'est vous, en tant que Chambre de première

24 instance, qui devriez vous saisir de la question puisque vous avez été

25 partie prenante de la procédure du litige et de la procédure des débats. Ce

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1 n'est pas tout simplement une désignation qui découle des obligations

2 habituelles revenant à M. le Greffier au niveau de la commission d'office.

3 C'est une décision qui a été suivie des faits de sa part, et ce qui est mis

4 en cause c'est sa décision, son jugement.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En fin de compte, effectivement

6 c'est le greffier qui doit trancher. L'Article 19 le dit clairement. Nous

7 pouvons nous en saisir. Nous pouvons évidemment former un avis précis, ce

8 sur quoi, le greffier l'appliquerait, mais en fin de compte, c'est une

9 question qui incombe au greffier.

10 M. KAY : [interprétation] Pensez-vous qu'il soit utile d'entendre M. le

11 Greffier sur cette question ? En effet, cette question risque d'avoir des

12 répercussions ailleurs.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Kay, pourquoi est-ce que vous

14 avez écrit au greffier d'abord et pas la Chambre, si cet avis est bien le

15 vôtre ?

16 M. KAY : [interprétation] Parce que le greffier nous avait commis d'office

17 et avait délivré un certificat en bonne et due forme auquel nous avons

18 réagi vu les questions qui s'étaient présentées. C'est la raison pour

19 laquelle nous avons adressé cette lettre au greffier. Nous avons été avisé

20 qu'en fait la question se déplaçait, allait du greffe à la Chambre puisque

21 c'est vous qui aviez donné des consignes au greffier en déterminant les

22 modalités de son action.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il se peut que vous n'ayez pas pensé à

24 la compétence du Tribunal de façon détaillée et que vous vous étiez dit que

25 nous allions en parler aujourd'hui. C'est cela ?

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1 M. KAY : [interprétation] Nous en avons discuté, et nous en avons discuté

2 avec le conseil de Blagojevic, --

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez parlé de la base qui devrait

4 être la nôtre pour l'examen en matière de compétence.

5 M. KAY : [interprétation] Mais uniquement dans le sens dont j'ai parlé, à

6 savoir qu'ici nous avons affaire à une ordonnance rendue par la présente

7 Chambre de première instance. A notre avis de ce fait, l'ordonnance devient

8 un élément que la Chambre doit examiner. Mais si ce n'est pas le cas le

9 souhait de la Chambre, moi, je l'ai dit en personne à M. le Greffier

10 adjoint : je ne veux pas être un yo-yo entre les organes de ce bâtiment. Il

11 doit comprendre que nous voulions présenter une requête selon les modalités

12 qui semblaient convenir.

13 M. le Greffier en personne vous a renvoyé la question davantage qu'à nous.

14 La Chambre est maintenant saisie d'une lettre que nous avons écrite au

15 greffier et que nous avons rendu publique. Le Greffier lui l'a renvoyé

16 cette lettre à la Chambre de première instance. Depuis l'envoi de cette

17 lettre, le 26 octobre, nous n'avons rien fait d'autre que de déposer hier

18 une requête qui expose davantage les fondements juridiques. Nous pensions

19 que c'était là quelque chose d'utile dans le processus de prise de

20 décisions, dans la mesure où ceci renvoie à un champ plus large

21 d'application du droit davantage que ce n'est le cas dans cette lettre.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le greffier a envoyé pour examen la

23 requête à la Chambre. Il le fait disant que, "vu les circonstances la

24 requête soulève des questions qui sont propres à l'espèce, et que l'examen

25 de cette question est sans doute plus idoine de la part de la Chambre de

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1 première instance vu l'ordonnance qu'elle a rendue."

2 Dans ce seul Tribunal, il y a beaucoup de jurisprudence qui montre la

3 distinction entre l'exercice purement administratif et le potentiel qu'a la

4 Chambre de première instance lorsqu'elle est saisie de la question de

5 révocation, lorsque surgit notamment la question de l'équité. Il est même

6 possible d'interpréter ceci comme voulant dire qu'il y a deux voies qui

7 [inaudible] pour l'examen, ou que la Chambre aura peut-être la possibilité

8 de revoir une décision prise sur un plan administratif d'abord par le

9 Greffier et puis par la Chambre.

10 Il y a peut-être une certaine contradiction dans cette jurisprudence. Mais

11 n'oubliez pas que le Greffier a renvoyé l'affaire à la Chambre, parce qu'il

12 pensait qu'il y avait des éléments propres à l'espèce. C'est à partir de

13 cette base que la Chambre s'est saisie de la question. Nous espérions de

14 votre part un exposé du droit pour voir s'il y avait effectivement des

15 incohérences dans la jurisprudence. Je suppose que vous n'êtes pas

16 maintenant à même de le faire ?

17 M. KAY : [interprétation] Je ne vois pas d'incohérence, ni de contradiction

18 franchement. Vous venez juste de lire ce que j'ai dit, à savoir que ceci a

19 surgi au cours de ce procès à la suite d'une ordonnance rendue par la

20 Chambre de première instance.

21 Manifestement, se présentent parfois des cas qui sont le résultat

22 d'un processus administratif empruntant la voie qu'ils empruntent, comme

23 c'est le cas ici. Parfois, il se peut qu'erronément, la Chambre soit saisie

24 d'une question qui devrait être tranchée par le Greffier ou en passant par

25 la filière prévue par le Règlement de procédure et de preuve lorsqu'on

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1 pense au Président. Cependant, s'agissant de la présente question, si le

2 Greffier dit que ceci fait partie intégrante du processus, et que c'est

3 pour cela qu'il a dû appliquer la décision d'ici, la décision de la Chambre

4 de première instance. Nous, nous avons emprunté cette filière. Enfin, je ne

5 dis pas que c'est que c'est nous, car je viens -- et je l'ai dit aussi à M.

6 le Greffier. C'est le Greffier qui lui, a emprunté cette voie précise en

7 motivant. Je vous ai présenté son raisonnement.

8 Je crois qu'on ne peut pas en dire davantage. Soit que la Chambre

9 acceptera cette question de compétence qui est la sienne puisque la

10 question s'est posée au cours du procès même. L'autre possibilité, c'est de

11 demander au Greffier de renvoyer la question au Président du Tribunal et

12 d'attendre la décision que prendra ce dernier.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Si la question était présentée

14 de nouveau au Greffier, c'est lui qui prendrait une décision. Et si vous en

15 seriez d'accord, ce serait envoyé au Président.

16 M. KAY : [interprétation] Oui, mais s'il ne prend pas de décision, à ce

17 moment-là, il faut que cela aille chez le Président.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

19 M. KAY : [interprétation] J'ai franchement le sentiment qu'on ne devait pas

20 prendre des décisions. J'ai essayé d'éviter ce sentiment; c'était dans

21 notre intérêt.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre n'a pas encore pris de

23 décision.

24 M. KAY : [interprétation] Oui, j'ai bien compris, je comprends, Monsieur le

25 Président.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, si vous --

2 M. KAY : [interprétation] Nous avons discuté précisément de ces conditions

3 avec le conseil de l'affaire Blagojevic, puisque dans l'affaire Blagojevic,

4 après avoir passé 360 heures d'entretien avec un accusé, vu l'étape du

5 procès où il se trouvait, cet accusé demandait à changer son fusil

6 d'épaule, et a créé des conditions de représentation tout à fait

7 différentes.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous constatez, Maître Kay, que

9 l'affaire Blagojevic pose la question de savoir si la Chambre de première

10 instance a bien procédé à l'examen d'une décision prise par le Greffier aux

11 fins de refus de révocation. Ici, on est censé aborder la question ab

12 initio, dès le début puisque le Greffier n'a pas encore pris une décision.

13 M. KAY : [interprétation] Je suppose qu'une solution consisterait à ce que

14 cette Chambre de première instance donne l'ordre au Greffier de prendre une

15 décision sur la question si la Chambre estime que c'est là la démarche qui

16 convient. Ceci ne touche pas à l'équité du procès comme le disait la

17 jurisprudence Blagojevic.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A supposer que le Greffier prend une

19 décision et il y a appel présenté au Président, et que vous n'êtes pas

20 satisfait de l'issue de cette procédure. Ici peut-être se pose la question

21 de l'équité s'agissant de la commission d'office. Est-ce que vous pensez

22 que vous allez vouloir avoir un nouvel essai et demander à la Chambre

23 d'examiner la question, parce qu'il y aurait, à ce moment-là, des fonctions

24 supplémentaires, celles-ci étant de veiller à l'équité du procès. Cela

25 dépasse les fonctions qui reviennent, fonctions administratives qui

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1 reviennent au Greffier. A ce moment-là, on aurait plusieurs filières,

2 plusieurs étapes, plusieurs niveaux, où on aborde la même question.

3 M. KAY : [interprétation] Difficile de répondre --

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est pour cela que je vous ai posé la

5 question de la compétence. Vous devez savoir si vous avez une filière ou

6 plusieurs filières pour aborder la question.

7 M. KAY : [interprétation] Moi, la voie que j'ai empruntée, c'est la voie

8 sur laquelle le Greffier m'a mis. C'est quelqu'un que je dois respecter. Il

9 a un rôle à jouer dans cette procédure, dans ce débat. Je peux vous dire

10 qu'on pourrait considérer que ces arguments sont convaincants, puisque ceci

11 touche à la question de savoir si la Chambre a rendu la bonne ordonnance et

12 aux conséquences de cette ordonnance. Tout ceci s'inscrit dans un litige

13 qui a commencé en 2001, qui se poursuit aujourd'hui encore et qui porte sur

14 les mêmes questions. Si tout d'un coup, le Greffier rendait une ordonnance

15 de révocation de conseil, il va peut-être penser que vous, les Juges de la

16 Chambre de première instance, ce qu'il fait, et pourquoi vous, vous n'avez

17 pas été consultés, pourquoi vous n'aviez pas de rôle à jouer, parce que

18 ceci touche quand même une telle décision, toucherait à l'équité de la

19 procédure et aux modalités du déroulement du procès. C'est ce que dit

20 l'arrêt Blagojevic au paragraphe 7 : "Le seul pouvoir intrinsèque dont

21 dispose une Chambre de première instance, c'est de veiller à ce qu'il y ait

22 équité dans le procès d'un accusé."

23 "La Chambre ne peut pas -- il serait malvenu que la Chambre s'approprie un

24 pouvoir -- la Chambre ne peut pas s'approprier un pouvoir conféré à une

25 autre instance."

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1 Cette question, elle a été portée devant le Greffier par la Chambre de

2 première instance. C'est la raison pour laquelle le Greffier dit que c'est

3 une question dont doit se saisir la Chambre. Parce que moi, je n'ai fait

4 qu'exécuter les instructions données par la Chambre de première instance.

5 J'ai respecté la décision de la Chambre de première instance. Le Greffier

6 n'était pas à même de contester l'ordonnance rendue par la Chambre de

7 première instance lorsqu'il a désigné le conseil. Il agissait suite aux

8 ordres que vous aviez donnés. Quelque part, il dit : "Moi, maintenant, je

9 ne vais pas m'approprier un pouvoir qui est conféré à la Chambre de

10 première instance."

11 Si vous voulez adopter cette grille de lecture au regard des fonctions du

12 Greffier, il dit précisément, il dit que la Chambre ne peut pas

13 s'approprier un pouvoir donné ailleurs, et que c'est vrai aussi pour le

14 Greffier. Parce que ce pouvoir, il découle de l'ordonnance rendue par la

15 Chambre de première instance.

16 Puis, dans l'arrêt Blagojevic, on poursuit en évoquant la question

17 administrative qui a surgi dans cette affaire-là. Elle est tout à fait

18 différente cette question de la nôtre.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour vous, est-ce que Blagojevic dit

20 que la Chambre de première instance a bien fait ou mal fait ? Je parle de

21 la procédure pas du fond. Est-ce que l'appel a dit que la Chambre s'était

22 fourvoyée ou pas ?

23 M. KAY : [interprétation] Non, elle dit qu'elle avait raison. Cette requête

24 de révocation, si elle n'est pas tranchée par la Chambre, et bien elle va

25 faire que le Greffier reste dans la même position.

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1 Nos raisons sont purement éthiques, sont puisées dans le code de

2 déontologie, dans d'autres codes de déontologie, des codes internationaux.

3 Si nous voulons mettre fin à notre mandat, si le Greffier désigne quelqu'un

4 d'autre dans les mêmes circonstances, ce nouveau conseil commis d'office,

5 va peut-être adopter la même démarche éthique que nous, mais peut-être

6 qu'il ne le fera pas. S'il décide de ne pas le faire, nous, nous avisons

7 présentement la Chambre qu'il y a une faille fondamentale dans cette

8 procédure, et que c'est là la raison pour laquelle nous présentons la

9 question telle qu'elle s'est présentée, telle qu'elle a surgi.

10 Le risque, le danger, c'est que si cette question n'est pas vraiment

11 abordée, si on l'escamote, lorsqu'on l'examinera ce procès, on dira au

12 conseil, "Mais vous étiez là, pourquoi est-ce que vous n'avez pas rien fait

13 à propos des codes de déontologie ?" Tout le monde dira, "Mais c'était la

14 responsabilité du conseil. C'est lui qui devrait soulever la question du

15 code de déontologie et personne d'autre." C'est pourquoi à maints égards,

16 on peut supposer que le Greffier a renvoyé la question à la Chambre, parce

17 qu'il estimait que c'était une question qui s'inscrivait dans le procès

18 même.

19 Si la Chambre décidait de donner l'ordre à M. le Greffier de régler

20 la question, ce dernier va peut-être prendre une décision, et viendra peut-

21 être vous présenter ses arguments suite à une décision qu'il aurait prise.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Kay.

23 M. KAY : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai l'impression que ce que vous êtes

25 en train de contester, c'est la commission d'office même davantage que la

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1 commission vous concernant vous en personne. C'est la raison pour laquelle

2 vous dites qu'il incombe à la Chambre de trancher cette question. Est-ce

3 que je vous ai bien compris ?

4 M. KAY : [interprétation] Oui. Le fondement de ma requête, c'est la

5 situation dans laquelle nous nous trouvons. J'indique que ce n'est pas une

6 question qui se borne à ma petite personne, à mon mandat, ou qui porterait

7 sur des instructions qui seraient gênantes ou embarrassantes pour cette

8 demande de révocation. Non, ceci aborde la question, toute la problématique

9 de la commission d'office d'un conseil qui n'est pas acceptée par un

10 accusé. Ceci, si nous nous retirons, ceci aura des répercussions sur le

11 prochain conseil qui sera commis d'office. Il faut savoir ce qu'on doit

12 attendre d'un conseil d'office.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi.

14 M. KAY : [interprétation] J'allais dire qu'il est possible d'avoir un

15 conseil commis d'office, c'est bon en principe. Mais qu'attend-on de cette

16 personne ? Ce qu'on attend, va peut-être poser des problèmes au regard du

17 code de déontologie et de l'éthique suivie par ce conseil commis d'office

18 en une procédure précise. Quelque part, cela revient à évoquer la situation

19 où nous avons été placés, où nous devons demander notre révocation. La

20 question générale qui se pose, c'est les attentes que l'on peut avoir d'un

21 conseil commis d'office.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si l'on suivait votre raisonnement, une

23 Chambre de première instance ne saurait commettre d'office un conseil à un

24 accusé qui n'est pas prêt à collaborer avec son conseil.

25 M. KAY : [interprétation] Il faut vous demander ce que vous attendez de ce

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1 conseil commis d'office. S'il devait simplement deviner les instructions de

2 l'accusé, s'il devait supputer ce que serait censé être de telles

3 instructions, cela, ce cas de figure pose un problème éthique parce que

4 cela entraîne une violation du code de déontologie.

5 Si vous voulez qu'un conseil de la Défense agisse un peu comme l'ont fait,

6 dans ce procès, les Amis de la Chambre, là pas de problème. Le problème ce

7 n'est pas le fait de commettre d'office un conseil, c'est plutôt ce qu'on a

8 attend de cette personne dans l'exercice de son mandat.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle sont les différences entre le

10 rôle que vous seriez censés jouer suite à la décision rendue par la Chambre

11 d'appel et le rôle que vous avez joué en tant qu'Amis de la Chambre ?

12 M. KAY : [interprétation] Nous avons fait une demande à

13 M. le Greffier, dès que s'est terminée l'audience d'appel pour montrer

14 notre indépendance en la matière; ceci dans le cadre du code de

15 déontologie. A ce moment-là, nous étions toujours sous l'application de

16 l'ordonnance relative aux règles à suivre rendue par la Chambre de première

17 instance, ordonnance que nous avons essayé d'appliquer pour voir si cela

18 allait marcher en accord avec l'accusé.

19 Nous concluons à l'échec, ce qui nous empêche de nous acquitter de notre

20 mandat, ce qui fait que nous avons dû dire au Greffier que nous en étions

21 arrivés à un stade de la procédure, où nous nous trouvions en conflit avec

22 le code de déontologie. Puis, nous nous sommes aussi adressés à notre

23 propre association d'avocats en Angleterre sur la question de la commission

24 et puis sur l'application de l'ordonnance relative aux règles. On nous a

25 dit voilà, regardez, voyez si cela marche, et si cela ne marche pas, à ce

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1 moment-là, il vous faut demander à être révoqués.

2 La Chambre d'appel a rendu une décision, vous la connaissez. Elle

3 renverse ou annule l'ordonnance relative aux règles --

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, je vous prie.

6 M. KAY : [interprétation] La Chambre d'appel a annulé l'ordonnance relative

7 aux règles à suivre. En fait, nous avons présenté une requête compte tenu

8 de notre mandat, et nous agissions en tant que conseil commis d'office pour

9 ce qui est de l'ordonnance relative aux règles à suivre. Ce qui a changé

10 maintenant, c'est que l'ordonnance relative aux règles à suivre fait, ou va

11 faire l'objet d'un examen à la suite de la décision prise par la Chambre

12 d'appel. Nous continuons, en fait, à être régis par l'ancienne ordonnance.

13 Ce qui fait que c'est la raison pour laquelle notre demande de révocation

14 se fonde sur cette ordonnance.

15 Ce n'est pas seulement que cela se base sur cette ordonnance, mais à

16 la suite de ce qui s'est passé au cours des deux mois allant jusqu'à la

17 décision de la Chambre d'appel, à savoir du 3 septembre au 1er novembre

18 parce qu'il faut savoir que pendant cette période nous avons pu entretenir

19 une relation cordiale, comme à l'époque où nous étions ami de la Chambre

20 avec l'accusé, et nous avons été en mesure d'assumer une fonction avec un

21 certain degré de coopération. Nous nous sommes rendus compte que cette

22 situation a tout à fait été détruite entre nous-mêmes et l'accusé. Je ne me

23 réjouis pas d'entendre que l'on dise que je joue le rôle de l'Accusation,

24 lorsque je représente une personne en tant que conseil commis d'office. Je

25 ne me réjouis pas non plus des critiques qui ont été faites en indiquant

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1 que je ne plaidais pas cette cause en bonne et due forme alors que je

2 n'avais pas d'instructions et que j'essayais en fait d'en obtenir.

3 Comme cela a été indiqué, notre relation avec l'accusé s'est quelque peu

4 détériorée et s'est détériorée à parvenir à une situation qui n'avait

5 jamais existée auparavant.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas la question que je vous

7 posais, ou ce n'était pas en tout cas la réponse à la question, Maître Kay.

8 La question portait sur la différence entre la position que vous avez

9 maintenant à la suite de l'ordonnance et les conditions du paragraphe 19, à

10 savoir la différence entre la détermination de la Chambre d'appel et votre

11 position en tant qu'ami de la Chambre.

12 M. KAY : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. J'essayais de

13 vous expliquer la position dans laquelle nous nous trouvons maintenant

14 parce qu'il n'y a pas de fondement pour cette relation. Il s'agit d'un ami

15 de la Chambre qui --

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Laissons cela de côté. J'ai lu tout

17 cela dans vos écritures. Pour ce qui est des modalités d'ordre pratique, en

18 d'autres termes, quel est le rôle que vous vous attendez à jouer au sein du

19 Tribunal, quelle est la différence ?

20 M. KAY : [interprétation] Pour nous personnellement ou pour ce qui est de

21 la question plus globale du conseil commis d'office ou de l'ami de la

22 Chambre. Pour nous personnellement ou de façon plus abstraite ?

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez expliqué qu'il ne serait pas

24 difficile pour un conseil d'assumer le rôle de l'ami de la Chambre que vous

25 aviez auparavant.

Page 33170

1 M. KAY : [interprétation] Oui.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui fait que lorsqu'il y a, par

3 exemple, contre-interrogatoire à la suite d'examen ou d'interrogatoire de

4 témoin suivi de contre-interrogatoire de la part de M. Milosevic, quelle

5 est la différence, de façon pratique, parce que la différence se trouve

6 stipulée au paragraphe 19 de la disposition.

7 M. KAY : [interprétation] Pour un conseil commis d'office en général ou

8 pour moi-même?

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En général.

10 M. KAY : [interprétation] Il n'y aura pas de problèmes. C'est une question

11 qu'il faudra examiner de façon très circonspecte. L'accusé peut demander à

12 avoir un interrogatoire principal, c'est quelque chose que nous n'avons

13 jamais réglé lorsque nous étions ami de la Chambre. Nous nous sommes

14 demandés ce qui se passerait lors de la présentation des moyens à décharge,

15 et lorsque des questions seront posées au témoin de l'accusé parce qu'il

16 faut considérer qu'il s'agira d'un contre-interrogatoire.

17 Je peux indiquer à la Chambre que cela fait six semaines que je réfléchis à

18 cette question en ne sachant pas d'ailleurs si nous serons considérés comme

19 conseils commis d'office ou comme amis de la Chambre. Nous ne savons pas Me

20 Higgins et moi-même comment régler cette question.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans un certain sens la situation

22 s'est améliorée. C'est une question qui a été réglée parce que vos

23 intérêts, de toute évidence, sont les intérêts qui sont poursuivis par M.

24 Milosevic. Il s'agit de la ligne de défense qui surgira de son propre

25 interrogatoire et il faudra évidemment développer cela dans la mesure

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1 appropriée.

2 M. KAY : [interprétation] Le problème consiste à savoir si ce qu'il

3 souhaite, qu'il soit fait en fait. Je n'ai pas d'objection à ce qu'un ami

4 de la Chambre puisse poser des questions au témoin. Parfois il sera

5 encouragé, on pourrait dire, "Me Kay, souvenez-vous du bombardement de

6 l'OTAN," et de façon officielle, nous pourrions poursuivre cela.

7 Le problème est que nous n'avons pas su établir cette

8 relation --

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai compris cela, Maître Kay.

10 M. KAY : [interprétation] Oui.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je veux absolument être clair pour ce

12 qui est des modalités que la Chambre d'appel a indiquées que vous devez

13 suivre. Est-ce qu'il s'agit plus ou moins du rôle d'un ami de la Chambre ?

14 Est-ce que vous êtes accepté cette position ?

15 M. KAY : [interprétation] Non, je n'accepte pas cette décision. Le

16 paragraphe 19 ou le paragraphe 20 stipule : "La Chambre d'appel tient à

17 souligner que concrètement si tout ce passe bien le procès continuera comme

18 lorsque l'accusé était en bonne santé, pour le profane qui verra Slobodan

19 Milosevic tenir le rôle principal à l'audience, la différence ne sera peut-

20 être pas perceptible. Si toutefois, l'état de Slobodan Milosevic vient à

21 s'aggraver la présence des conseils commis d'office permettra au procès de

22 se poursuivre même si l'accusé est provisoirement incapable d'y participer.

23 Il appartiendra à la Chambre de première instance de déterminer à quel

24 moment cette redistribution des rôles doit intervenir."

25 D'où le problème éthique.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je peux tout à fait comprendre cela,

2 mais c'est un problème qui se posera peut-être ou qui ne se posera peut-

3 être pas et qu'il faudra régler au moment où il se posera.

4 M. KAY : [interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends tout à fait les

6 préoccupations que vous avez exprimées.

7 Est-ce que vous voyez pour un conseil en règle générale le rôle de la

8 Chambre d'appel, le rôle qui est indiqué par la Chambre d'appel pour ce

9 conseil commis d'office est en grande ligne assez semblable à celui de

10 l'ami de la Chambre.

11 M. KAY : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela permet d'éliminer le dilemme dans

13 lequel vous vous trouviez.

14 M. KAY : [interprétation] Oui, il y a des questions de droit qui ne seront

15 peut-être pas d'ailleurs dans son intérêt et qui rendront possible cela.

16 Il se peut qu'il y ait certaines choses qui ne seront pas contestées,

17 et en tant qu'amis de la Chambre, notre rôle consiste à évaluer

18 progressivement comment nous pouvons au mieux représenter les intérêts de

19 l'accusé. Nous pourrions présenter les questions de droit qui n'abordent

20 pas telle que par exemple, lorsque nous avons présenté au titre de

21 l'Article 98 bis, ce qui signifie que M. Milosevic aura la possibilité

22 d'intervenir en la matière.

23 Il s'agit des instructions et du fait que nous agissons sans

24 instruction. C'est cela qui nous pose problème en l'espèce.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, si vous n'avez plus rien

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1 à exprimer à propos de la question de compétence, je me tourne vers le

2 Procureur afin de voir s'il peut nous aider en la matière.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

5 M. NICE : [interprétation] Pour ce qui est des questions liminaires, je

6 dois vous dire que je n'étais pas prêt à aborder cette question. Il

7 faudrait que nous soyons octroyés un peu plus de temps pour régler cette

8 question. Il s'agissait d'une question qui a été essentiellement étudiée ex

9 parte bien que nous n'ayons pas reçu tous les documents sur la question.

10 Ce que je pourrais dire après avoir étudié prudemment la question, qu'il

11 est tout à fait possible d'interpréter la réaction du greffe comme un

12 refus, mais bien entendu, il faudra que cela soit renvoyé au Président.

13 Deuxièmement, nous savons ce qui est à l'origine de la commission d'office

14 du conseil, et si M. Kay avait présenté sa requête ici en premier lieu, ce

15 qui aurait été logique, ainsi nous aurions eu le point de vue de la Chambre

16 de première instance qui aurait pu être donné au greffier aux fins de

17 délibération. Je n'ai pas étudié la question pour ce qui est de la

18 procédure, et je demanderais un peu plus de temps pour ce faire.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela me préoccupe un tant soit peu

20 puisque la Chambre de première instance n'a pas l'habitude de présenter des

21 opinions.

22 M. NICE : [interprétation] Si elle ne peut pas le faire nous devrons

23 étudier cette question de façon beaucoup plus formelle. Comme je l'ai dit,

24 je n'avais été averti. Ma responsabilité s'en tient à l'examen de cette

25 question préliminaire et je souhaiterais un avoir un peu plus de temps pour

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1 pouvoir l'étudier.

2 Nous allons maintenant aborder le domaine de l'argument de fond, et

3 je pense que Me Kay a dit ce matin qu'il y avait une faille fondamentale

4 relative à ces procédures. Je pense que c'est un argument important, et ce

5 que nous savons, c'est qu'à un moment donné, Me Kay a présenté des

6 arguments à propos de la commission d'office ou non. En fait, cet argument

7 émanait d'un fond --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps, Monsieur Nice.

9 Il ne s'agit pas de savoir s'il y a une faille de fond, mais s'il s'agit de

10 savoir si la raison d'indiquer qu'une question de faille de fond est posée,

11 et ensuite nous pourrons revenir à la question de l'équité.

12 M. NICE : [interprétation] Je ne réfute absolument pas cela.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

14 M. NICE : [interprétation] Pour revenir à ce que j'ai indiqué, comme la

15 Chambre en a fourni des instructions, il n'y aura pas de coopération avec

16 l'accusé, nous avons entendu les arguments présentés par Me Kay.

17 Nous avons entendu les conditions de la commission d'office, et en

18 fait, il faut savoir que dans le document qu'il vous a fourni au sein du

19 Tribunal le 2 septembre, il propose un modèle dans lequel il demande à la

20 Chambre de première instance une assistance. Il est indiqué au paragraphe 5

21 : "Au cas où il y a échec, ou au cas où le conseil commis d'office n'a pas

22 la possibilité de coopérer, pour ce qui est de la présentation et de la

23 comparution des témoins identifiés par l'accusé comme témoins potentiels

24 dans cet affaire, le conseil commis d'office peut demander à ces témoins,

25 ou à tout autre témoin de venir si ces témoins sont considérés par lui

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1 comme pertinents dans cette affaire.

2 Et puis le paragraphe 6 stipule : "Lorsque des témoins seront

3 convoqués, et que les témoins ne coopèrent pas avec le conseil commis

4 d'office, alors ce conseil peut demander à la Chambre de première instance

5 de rendre une ordonnance pour faire en sorte qu'ils soient obligés de

6 comparaître ou de coopérer, si cela est nécessaire."

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, il s'agit en fait --

8 M. NICE : [interprétation] Oui, je sais que j'aborde le fond de la

9 question.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons aborder cela tout à

11 l'heure. J'aimerais garder une certaine structure.

12 M. NICE : [interprétation] Je peux tout à fait le faire. Tout simplement,

13 dans une certaine mesure, ce sont des questions qui ont été posées au

14 collège des juges.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

16 M. NICE : [interprétation] Si en fait nous voulons nous en tenir aux

17 limites de la question de procédure, je demanderais un peu plus de temps

18 pour pouvoir avancer notre point de vue, pour pouvoir prêter assistance à

19 la Chambre de première instance. Il s'agit, je le répète, de quelque chose

20 qui a été abordé ex parte. Je n'ai pas toutes les informations à ma

21 disposition. Par exemple, je ne pense pas que nous avons obtenu les lettres

22 qui ont été transmises entre vous-même et le greffe. J'ai un exemplaire de

23 la lettre de renvoi du greffe. Il s'agit d'un document du 27 octobre 2004,

24 ou il s'agit plutôt en fait du greffier adjoint, de toute façon, je

25 souhaiterais pouvoir obtenir tous ces documents pour pouvoir vous être plus

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1 utile.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Nice.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez

5 entendu la question qui a fait l'objet d'examen. J'aimerais savoir si vous

6 avez une intervention à faire, en n'oubliant pas que pour le moment, nous

7 nous en tenons aux questions d'ordre liminaire à savoir, est-ce que la

8 Chambre de première instance a la compétence pour étudier la requête

9 présentée par Me Kay. Je ne fais pas d'examen quant au fond de cette

10 requête. Je me penche seulement sur la compétence, et j'aimerais savoir si

11 vous avez quelque chose à dire en la matière.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, dans la mesure où

13 j'ai compris la situation, c'est pas votre décision que Me Kay se trouve

14 dans cette situation. Donc, je pense que vous avez la compétence pour

15 régler la situation que vous avez créée.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voilà une approche extrêmement

17 pragmatique.

18 Monsieur Nice, vous nous aviez dit que vous souhaiteriez bénéficier d'un

19 peu de temps. De combien de temps souhaitez-vous bénéficier ?

20 M. NICE : [interprétation] Ecoutez, je voudrais véritablement vous être

21 utile et pouvoir vous aider --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quarante-cinq minutes ?

23 M. NICE : [interprétation] Oui, j'espère que cela pourra faire l'affaire.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons vous accorder une heure.

25 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.

Page 33177

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons lever la séance jusqu'à

2 11 heures.

3 --- L'audience est suspendue à 10 heures 02.

4 --- L'audience est reprise à 11 heures 07.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous avez la parole.

6 M. NICE : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges, de m'avoir accordé

7 non pas seulement 45 minutes, mais une heure. En effet, grâce à l'aide

8 remarquable de Mme Graham qui a beaucoup étudié la question, je dois vous

9 dire qu'en l'espace de 45 minutes, nous avons fait trois quarts du travail.

10 Il nous fallait attendre les derniers résultats.

11 J'aurais besoin de quelques minutes pour vous faire part de mes

12 conclusions. Ce qui aurait dû se passer, c'est que Me Kay aurait dû déposer

13 une requête en application de l'Article 73 afin que vous puissiez continuer

14 à exercer vos pouvoirs conférés par l'Article 54 afin d'annuler la décision

15 que vous aviez prise.

16 Tout le raisonnement sur lequel se bâtit le requête, est perturbé par

17 le fait que la lettre, elle a été envoyée entre le moment où il y a eu des

18 débats devant la Chambre d'appel et la décision prise par celle-ci. Vous

19 voudrez peut-être retenir cette approche-ci. On pourrait peut-être plus

20 aisément résoudre le problème si on se demandait ce qui se serait passé si

21 la requête, par voie de lettre, n'avait pas été envoyée avant la décision

22 de la Chambre d'appel. Je reviendrai. Vous ne comprendrez peut-être pas

23 toute suite pourquoi je vous présente cet argument, mais je vous demande de

24 le garder à l'esprit.

25 Il faut remonter au tout début pour voir quels sont les pouvoirs dont

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1 dispose la Chambre aux fins de commission d'office d'un conseil, et garder

2 à l'esprit sous quelque forme que ce soit, que le terme de commission

3 d'office, dans les règlements et statuts de ce Tribunal, est le terme

4 utilisé, et se comprend comme étant la volonté personnelle d'un conseil de

5 représenter un accusé. Cela a été interprété comme étant le fait de

6 commettre d'office un conseil à un accusé qui n'en veut pas. On qualifie

7 quelquefois ceci de "imposition d'un conseil," ce qui n'est pas repris de

8 façon spécifique dans les textes du Tribunal.

9 En vertu du statut, du règlement et des directives pratiques, la commission

10 d'office d'un conseil semble être un sujet pour lequel il y a une structure

11 très complexe. Si vous regardez de plus près cette structure, elle n'est

12 pas complète, car elle ne reprend pas de façon précise, et ne serait le

13 faire en pratique, la situation où il y a commission d'office d'un conseil

14 à un accusé qui n'en veut pas. Ce problème, le problème qui est le nôtre,

15 s'inscrit dans cette disposition de commission d'office d'un conseil qui

16 n'a pas été régi de façon expresse et explicite par les textes du Tribunal.

17 L'Article 20 et l'Article 21 en particulier du statut, permettent de

18 commettre d'office un conseil. Je ne sais pas si la conclusion est logique

19 ou pas, mais on pourrait penser qu'à ce stade, ces circonstances qui sont

20 les nôtres n'étaient pas envisagées par le texte du statut. Le Règlement de

21 procédure et de preuve évoque la question de la commission d'office d'un

22 conseil. On pourrait raisonnablement déduire, qu'au moment où le Tribunal

23 ou le Règlement plus exactement a été créé, ce genre de problème n'avait

24 pas été envisagé. C'est vrai aussi pour la directive pratique relative à la

25 commission d'office d'un conseil.

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1 Si vous avez une commission d'office un conseil pour un accusé qui

2 n'en veut pas, qu'on qualifie parfois d'imposition de conseil, c'est

3 quelque chose qui s'est fait dans ce Tribunal dans l'affaire Seselj et dans

4 l'affaire Milosevic uniquement. Vous avez eu la bonté de m'accorder une

5 heure pour examiner la question. J'ai passé en revue plusieurs conclusions

6 présentées au fil des ans où il était question de l'imposition d'un conseil

7 lorsque l'accusé ne voulait pas de ce conseil commis d'office. Nos

8 conclusions sont toujours fondées sur l'Article 21 du statut, sans préciser

9 quel était le mécanisme prévu par le règlement permettant l'application des

10 droits et pouvoirs conférés par le statut dans la façon dont ces droits et

11 pouvoirs pouvaient être appliqués, s'agissant de la commission d'office

12 d'un conseil.

13 Il se peut que je me trompe, et peut-être que cela se trouve dans

14 l'une ou l'autre de nos conclusions, mais je n'ai pas eu le temps de les

15 examiner toute. Cependant, si on nous avait demandé d'expliquer les

16 différents rouages précis du mécanisme d'application de cette commission

17 d'office, nous aurions dit ceci : Il faudrait, en application de l'Article

18 73 qui est l'article général en matière de requêtes, il aurait fallu

19 déposer une requête, et la Chambre aurait appliqué les pouvoirs que lui

20 confère l'Article 54. Intéressant de relever que dans l'affaire Seselj,

21 donc l'autre affaire où il y a eu imposition de conseil, il est précisé que

22 l'imposition s'est faite en application de

23 l'Article 54.

24 Quelle que soit l'affaire, et chaque fois qu'il y aura commission d'un

25 conseil à un accusé qui n'en veut pas, la question qui se pose est celle-

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1 ci, s'il y a problème que va-t-il se passer ? Nous recevons une réponse

2 partielle à cette question dans l'affaire Seselj puisque là, la question

3 s'est posée concernant l'accusé et le conseil commis d'office. C'est le

4 greffier qui a réglé la totalité de la question, mais la donne était tout à

5 fait différente de celle qui nous concerne ici. Car la question qui s'est

6 posée dans l'affaire Seselj, c'est que le conseil voulait être déchargé de

7 cette fonction pour diverses raisons. Il en a fait la demande au greffier.

8 Au bout du compte, on a remplacé ce conseil par un autre conseil

9 conformément à la directive pratique.

10 Permettez-moi de faire une parenthèse pour revenir à ce que j'ai dit en

11 premier lieu. La structure générale, l'économie générale de la commission

12 d'office n'est pas complète, parce que, que ce soit le statut, le

13 règlement, les directives pratiques, ceci n'évoque pas la commission

14 d'office à un accusé qui n'en veut pas. Mais lorsque cette économie

15 incluant la directive, permet de trancher la question, c'est là qu'elle

16 devrait être tranchée. C'est ce qu'on a dit dans l'affaire Blagojevic. La

17 Chambre d'appel a souligné que les pouvoirs réels dont disposait la Chambre

18 de première instance, pouvaient être réglés par le greffier; ce serait

19 simplement de suspendre la procédure.

20 Nous avons des éléments qui viennent de l'affaire Seselj. Comme vous

21 l'aurez, il est possible de le déduire dans notre requête aux fins de

22 commission d'office un conseil. Si on m'avait posé la question, comme je

23 l'aurais pu le dire, comme ceci est montré clairement dans l'affaire

24 Seselj, la commission d'office d'un conseil à un accusé qui n'en veut pas,

25 se fait par le truchement de

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1 l'Article 54 et des pouvoirs qui y sont précisés. Par la suite, tout reste

2 des prérogatives du greffier au terme de la directive pratique dans la

3 mesure du possible.

4 Où en sommes-nous, posons-nous la question : Le greffier peut-il se charger

5 de la question lorsqu'on regarde ceci de plus près au titre des directives

6 pratiques, ou est-ce que ceci s'inscrit dans un nombre de cas assez limités

7 de commission d'office de conseil qui ne sont pas repris dans les textes ?

8 Si Me Kay n'avait pas envoyé cette lettre à un moment tout à fait malvenu,

9 il aurait dû le faire après la décision de la Chambre d'appel.

10 Dans ces circonstances, qu'est-ce ceci aurait montré ? Cela aurait montré

11 que la Chambre d'appel disait que la commission d'office d'un conseil est

12 tout à fait justifiée, même si elle intervient contre la volonté de

13 l'accusé même. Que recherche Me Kay ? Est-ce qu'il essaie de faire quelque

14 chose qui ressemble de façon assez générale à ce qu'essayait de faire le

15 premier conseil de Seselj ? Est-ce qu'il voulait que cela reste du domaine

16 revenant au greffier ? Non, ce n'est pas le cas. Il le dit clairement dans

17 sa lettre. Je crois disposer de tout l'échange de courrier. J'avais dit que

18 ce n'était pas le cas; je n'étais pas sûr. Mais je dispose de tous les

19 échanges de courrier, de correspondance. Il ne demande pas --

20 Excusez-moi, Messieurs les Juges.

21 Il l'a dit clairement dans sa lettre. Il l'a dit de façon tout à fait

22 limpide aujourd'hui à l'audience. Il a dit qu'il y avait une faille, un

23 vice fondamental dans cette procédure. Il conteste qu'il y ait une

24 justification quelconque où qu'il convienne de commettre d'office un

25 conseil contre la volonté du présent accusé. Il le dit de façon

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1 catégorique. Au départ, cette question avait été posée, et elle avait

2 trouvé réponse. Nous avions été invités à présenter les conclusions. Nous

3 avions, au fond, présenté une requête en évoquant l'application de

4 l'Article 73 en vertu des pouvoirs qui vous sont conférés par l'Article 54.

5 Dans le fond, cela revient à un deuxième appel formé par Me Kay puisqu'il

6 dit, "Voilà, vous dites Chambre d'appel que l'on peut commettre d'office un

7 conseil, ce n'est pas notre avis, car il y a une faille fondamentale."

8 C'est une position. Ou encore, il demande à la Chambre de première instance

9 en évoquant l'Article 73 et en vertu des pouvoirs conférés par l'Article

10 54, d'annuler la décision qu'elle avait prise consistant à commettre

11 d'office un conseil à un accusé qui n'en veut pas.

12 Désolé d'avoir pris autant de temps. Mais si mon analyse est la bonne, si

13 elle est logique, elle signifie que la teneur de la lettre devait être

14 examinée par la présente Chambre. Si on poursuit ce raisonnement, cette

15 logique, et pour une fois, l'accusé est intervenu de façon tout à fait

16 succincte dans sa contribution, effectivement, à ce moment-là la Chambre

17 peut être saisie de la question.

18 Sur le plan technique, si nous voulons maintenant transformer cette requête

19 en requête vous demandant d'annuler votre décision s'agissant de la

20 commission d'office, je suppose que c'est quelque chose que vous pouvez

21 faire, car qu'avons-nous ? Cette lettre qui a été envoyée trop tôt, à notre

22 avis, et vous avez le greffier ou le greffier adjoint qui indique par le

23 biais de son ordonnance, que c'est plutôt vous qui devriez vous occuper de

24 la question. Si vous prenez collectivement ces documents, la Chambre de

25 première instance, on pourra peut-être demander à Me Kay de présenter

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1 d'autres arguments par écrit, mais vous pourriez considérer que c'est là

2 une requête qui vous demande d'annuler l'ordonnance que vous aviez prise.

3 Je n'aurai rien d'autre à dire si ce n'est ceci : Si vous vous opposiez à

4 cette interprétation et à cette amorce de solution, la seule solution de

5 rechange, serait de dire que la requête devrait s'inscrire dans les

6 compétences générales du greffier. Je vous ai présenté des arguments ou des

7 raisons qui feront que le greffier estime que ce n'est pas possible, parce

8 que dans l'affaire Seselj, il avait pu trouver un autre conseil, mais ici,

9 on lui demanderait de prendre une décision, qui se fonderait sur tous les

10 moyens de preuve déjà présentés, sur toute une partie du procès qu'il ne

11 connaît pas. Cela veut dire que, là on voit la lacune qu'il y a dans les

12 textes régissant la commission d'office d'un conseil, en demandant une

13 chose impossible au greffier. Je ne sais pas si je vous ai aidé.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, tout à fait.

15 Maître Kay.

16 M. KAY : [interprétation] Messieurs les Juges, je pense que l'on peut voir

17 à la lecture, ou entendre ces conclusions que notre lettre n'a pas été bien

18 lue. Manifestement, elle n'était pas à la disposition du Procureur.

19 Pourquoi ai-je écrit cette lettre au greffier le 26 octobre après

20 l'audience d'appel. C'était que la question de la commission d'office d'un

21 conseil est une question tout à fait séparée, distincte de celle que nous

22 avons été contraints d'aborder, nous personnellement en tant que conseil

23 commis d'office. Ce sont deux questions qui n'ont aucun rapport l'une avec

24 l'autre. Il y avait eu un appel interjeté au nom de l'accusé que nous avons

25 formé, mais il portait sur la question de la commission d'office et sur les

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1 modalités d'application. Je vous l'ai dit, l'Accusation s'opposait à ce que

2 nous interjetions appel des règles à suivre, en disant que c'était une

3 question tout à fait séparée. Manifestement, la Chambre d'appel n'a pas

4 trouvé un iota de raison dans la requête de l'Accusation.

5 Lorsqu'est arrivé le moment de l'audience d'appel, nous en étions arrivés à

6 l'audition du témoin numéro 5. Nous savions que notre position devenait de

7 plus en plus intenable. Au cours de l'audience en appel, j'étais à même de

8 faire part et d'expliquer la détérioration, la cessation des liens, des

9 rapports entre l'accusé et ses conseils. Dès que l'audience s'est terminée,

10 à la sortie du prétoire, nous nous sommes dits que logiquement, il fallait

11 que ceci soit répercuté de la façon qui convenait et présenté au greffier

12 qui, en vertu de l'Article 19 de la directive pratique concernant la

13 commission d'office, qui a le pouvoir, disais-je, de s'occuper de la

14 question.

15 Nous n'avons aucunement essayé d'interjeter appel de la question de

16 commission d'office. C'était une décision professionnelle que nous avons

17 prise après consultation avec notre ordre des avocats. Nous en avons parlé

18 aussi de cette question à l'association des conseils de la Défense.

19 Aujourd'hui, je dois le dire, celle-ci nous a dit que le conseil

20 disciplinaire avait étudié tout ce dossier, et à la suite de cet examen,

21 nous soutient tout à fait et comprend notre position. Je pense que

22 l'association des conseils de la défense est en train de préparer un

23 communiqué de presse. Je pense qu'aujourd'hui, c'est l'apogée de cette

24 procédure. Nous avons déjà présenté cette situation à l'audience en appel.

25 On en est arrivé à une situation intenable. Il fallait donc que la question

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1 soit renvoyée au greffier qui nous avait désignés. Il a décidé proprio motu

2 de renvoyer la question à la Chambre; c'était tout à fait correct. Hier,

3 nous avons présenté une requête plus étoffée sur la question, ce qui

4 constitue une évolution par rapport à la situation telle qu'elle se

5 présentait le 26 octobre. C'est une question qui porte sur l'équité du

6 procès. Je vous ai parlé, je vous ai demandé ce qu'il en était de la

7 jurisprudence. Toutes les décisions vont dans ce sens.

8 Le Juge Robinson, Le Juge Kwon, se trouvaient aussi siégés dans l'affaire

9 Knezevic, où là aussi, il a été décidé que les questions relatives à la

10 commission d'office d'un conseil pour un accusé, ont un effet sur la

11 conduite du procès, et que le statut, le règlement, exige un procès rapide

12 et équitable.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais c'était avant la décision

14 Blagojevic.

15 M. KAY : [interprétation] Mais c'est là que nous sommes --

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites que c'est tout à fait dans

17 le droit-fil de Blagojevic.

18 M. KAY : [interprétation] Mais cela a à voir avec l'équité du procès.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous venez de faire référence à

20 l'association des conseils de la Défense. Je n'ai pas la moindre idée de la

21 pertinence que ceci pourra avoir. Ce que vous dit une association, qu'est-

22 ce que cela peut avoir comme pertinence dans ces débats ? Pourriez-vous

23 m'aider sur ce point ?

24 M. KAY : [interprétation] Bien sûr. Cette association de conseils de la

25 Défense a été établie par le truchement du greffe du Tribunal pour aider au

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1 développement des conseils de la défense, des conditions d'emploi, de

2 rémunération, aux exigences qu'il faut poser en matière de formation

3 professionnelle et de la conduite à adopter dans la conduite des procès.

4 C'est l'organe officiel. Si vous avez quelqu'un qui vient d'un barreau

5 national, il rejoint cette association s'il devient avocat ici. Vous avez

6 un comité disciplinaire. Vous avez un comité exécutif. C'est celui-ci qui

7 désigne les membres du conseil ou du comité disciplinaire lorsque se

8 présente une question précise. Puisqu'ici, c'était une question qui

9 concernait le comportement professionnel, nous leur avons posé la question.

10 Cette question les préoccupe. Notre situation les préoccupe, parce qu'à

11 bien des égards, ici nous respectons, ou nous voulons faire respecter la

12 probité. Nous voulons dire clairement aux Juges de la Chambre ou à un

13 tribunal, ce qui peut se faire et ce qui ne peut pas être fait par un

14 conseil de la Défense. Donc, il y a question de la commission, c'est une

15 chose. A peu près deux mois de travail, s'est posée la question de notre

16 situation professionnelle. Il est normal que nous essayions de consulter

17 d'autres personnes pour obtenir leur avis.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela me semble très étrange d'entendre

19 des conclusions s'agissant de l'avis oral ou de la réflexion orale

20 qu'aurait une association de conseils de la Défense dans le contexte qui

21 est le nôtre. Vous voudriez que nous lui accordions une certaine valeur

22 probante alors que nous ne savons pas si cette association a examiné les

23 faits et sans aucun écrit de la part de l'association. Je peux vous le

24 dire, ici dès maintenant, que pour moi, cet élément n'interviendra

25 aucunement dans ma décision.

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1 M. KAY : [interprétation] Je voulais expliquer, Monsieur le Juge.

2 L'association a reçu tous les documents que vous, vous avez reçus. Nous

3 leur avons demandé d'examiner la question dans le cadre de l'exercice de

4 leur mandat, et aussi lorsqu'il s'agit de ce point de déontologie. Nous

5 voulons demander à l'association si elle était d'accord ou pas avec ce que

6 nous faisions. Pour nous, c'est là quelque chose d'important. Cela revient

7 à consulter votre propre ordre des avocats parce qu'il n'y a pas de lien

8 entre ces deux questions.

9 Je l'ai déjà dit clairement, la Chambre peut commettre d'office un conseil

10 en lui attribuant un mandat précis, en lui confiant des responsabilités

11 précises s'agissant de la tenue de ce procès. Maintenant, nous sommes forts

12 d'une certaine expérience, puisque de bonne foi nous avons essayé

13 d'appliquer ces instructions pour permettre la présentation des moyens à

14 décharge. Mais nous nous sommes heurtés à des obstacles qui nous ont forcés

15 à réfléchir à notre situation en tant qu'avocats. A notre avis, c'est à

16 juste titre que le greffier renvoie la question à la Chambre de première

17 instance, puisque c'est de là qu'est venue la question, et que cette

18 question porte sur la poursuite de ce procès et la question générale de

19 l'équité de celui-ci.

20 Si le greffier avait pris une décision qui disait, "Voilà, Maître Higgins,

21 Maître Kay, vous pouvez considéré que vous êtes déchargés de votre

22 fonction," la Chambre se serait demandée ce qui se passait si la décision

23 avait été prise en leur absence, en l'absence des Juges. Je suis sûr que le

24 greffier aurait été invité. C'est un euphémisme pour ne pas dire, obligé de

25 s'expliquer. Pour nous, c'est très clair. Nous voyons très clairement où se

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1 présente la question. C'est à juste titre que nous avons présenté la

2 question à la personne qui nous avait désignés.

3 A notre avis, c'est là la question qui se pose en matière de compétence. Je

4 vous remercie.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Kay.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 --- L'audience est suspendue à 11 heures 37.

8 --- L'audience est reprise à 12 heures 28.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Au début de l'audience ce matin, la

10 Chambre avait demandé d'entendre Me Kay présenter ses conclusions à propos

11 de sa requête de révocation. Toutes les parties ont exprimé leur point de

12 vue suivant lequel la Chambre a bien compétence pour entendre cette

13 demande. La Chambre vous est reconnaissante. La Chambre a étudié le statut,

14 le règlement ainsi que la jurisprudence du Tribunal, et a conclu qu'elle

15 avait bien compétence pour entendre cette requête.

16 Nous allons, dans un premier temps, donner la parole à Me Kay.

17 M. KAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 La Chambre sait que cette question a été soulevée à la suite d'une lettre

19 présentée au greffe. C'est une lettre que nous avons déposée le 26 octobre

20 2004. Comme cela est indiqué dans cette lettre, cela suit -- ou cette

21 lettre a été déposée à la suite de l'audience de la Chambre d'appel,

22 audience qui a eu lieu le 21 octobre 2004, audience qui a porté sur la

23 commission de conseil pour représenter l'accusé. Nous, nous proposons que

24 conformément à l'Article 19, nous soyons déchargés de nos fonctions. Il

25 s'agit de l'Article 19 de la directive. Cette lettre établit de façon

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1 fondamentale l'historique de la question avec les antécédents de la

2 question. Cette lettre a fourni au greffier les détails correspondant à

3 l'évolution de la procédure. Comme la Chambre le saura et le verra dans

4 cette lettre, nous avons cité le code de déontologie du Tribunal. Nous

5 faisons référence à l'Article 8 de ce code. Nous faisons également

6 référence à d'autres dispositions du code. Nous avons maintenant dans un

7 classeur les différents documents que nous avons compilés et qui sont

8 pertinents à cette lettre. Je sais que cela a été copié à l'intention de la

9 Chambre de première instance, parce que nous avons repris les règles qui

10 étaient appropriées ainsi que les références du compte rendu d'audience,

11 références qui sont afférentes aux questions qui ont été soulevées à propos

12 de notre Défense. Je pense également à des déclarations qui ont été

13 prononcées par M. Milosevic. Je voudrais bien m'assurer que cela a été

14 envoyé par le truchement du greffe à la Chambre de première instance.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Kay, nous avons obtenu

16 cela. Merci.

17 M. KAY : [interprétation] Merci. Parce qu'il s'agit du classeur de base qui

18 est important.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai un document intitulé, "Requête du

20 conseil aux fins de décharge." Nous avons également l'Annexe A.

21 M. KAY : [interprétation] Cela a été déposé hier.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne devrions-nous pas utiliser ce

23 document ?

24 M. KAY : [interprétation] Je vais vérifier pour voir quels sont les

25 documents qui s'y trouvent. Vous avez l'Annexe A avec toutes les règles.

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1 Vous avez également les comptes rendus d'audience et les documents.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

3 M. NICE : [interprétation] Je ne pense pas que nous avons cela. Tout ce que

4 nous avons reçu, c'est l'Annexe A avec une table des matières de 1 à 10.

5 M. KAY : [interprétation] Il y a la lettre du 26 octobre. Je ne sais pas si

6 vous auriez dû recevoir tous les documents qui étaient afférents, parce

7 qu'à ce moment-là, cela a été destiné au greffier aussi qu'aux parties

8 intéressées.

9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le seul inconvénient est que le

11 Procureur ne dispose pas de tous les documents.

12 M. KAY : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais je pense que le Procureur

14 connaît bien la jurisprudence.

15 M. KAY : [interprétation] J'allais dire qu'il s'agit essentiellement de

16 note en bas de page.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

18 M. KAY : [interprétation] Comme vous le savez, vous savez la requête qui a

19 été déposée hier, vous savez que tout cela a été répertorié. Vous avez les

20 notes en bas de page. Je pense que vous serez à même de prendre en

21 considération tous les détails.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, si vous avez quelques

23 problèmes, je pense que vous pourrez attirer notre attention là-dessus.

24 M. KAY : [interprétation] Comme vous l'avez entendu d'après les

25 observations de M. le Juge Bonomy, ce que nous avons déposé le 8 novembre

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1 est, en fait, un document qui étoffe la première lettre. Parce que comme

2 nous savons que cela avait été envoyé à la Chambre de première instance,

3 nous avons décidé qu'il était prudent de présenter une requête en bonne et

4 due forme auprès de la Chambre de première instance, et nous avons pensé

5 qu'il serait utile de développer un tant soit peu les questions éthiques

6 qui ont été soulevées.

7 Comme la Chambre de première instance le sait, l'ordonnance a été

8 rendue le 2 septembre 2004. Il s'agissait de l'ordonnance relative à la

9 commission d'office d'un conseil, et le 3 septembre 2004, le greffier

10 adjoint nous a nommé, et plus tard, pendant la même journée, la Chambre de

11 première instance a présenté l'ordonnance relative aux règles à suivre par

12 les conseils commis d'office par la Chambre.

13 Plus tard, les 7 et 8 septembre, nous avons appelé à la barre le

14 premier des cinq témoins, nous avions une liste de témoins qui avaient été

15 déposées conformément à l'Article 65 ter. Cet article étant l'article qui

16 permet à l'accusé de notifier la Chambre de première instance ainsi que

17 l'Accusation des détails des témoins qui ne bénéficient pas de mesures de

18 protection. Pendant la période qui a été composée de plusieurs

19 ajournements, pendant la période allant jusqu'au début de la présentation

20 des moyens à décharge, cette période allant de mai à août, l'accusé a

21 déposé cinq annexes de témoins. Il s'agissait de témoins qui devaient

22 comparaître au début de la reprise du procès. Il s'agissait de quelque 50

23 témoins identifiés.

24 Le premier témoin que nous avons fait comparaître était

25 Mme Avramov. Elle se trouvait sur la liste des témoins de l'accusé. Elle se

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1 trouvait à La Haye, et l'accusé l'avait vue avant que nous ne la voyions

2 nous-même, et avant que nous ne procédions à sa séance de récolement. Il

3 lui a été demandé si l'accusé lui avait dit si elle serait ou non un témoin

4 appelé par le conseil commis d'office, elle avait indiqué que l'accusé lui

5 avait donné toute latitude pour ce qui était de la présentation de ses

6 moyens de preuve. Nous avons considéré que cela correspondait à une

7 certaine forme de coopération pour ce qui est de la conduite de la

8 présentation des moyens à décharge, et nous pensions que cela serait, peut-

9 être, une manière de procéder.

10 Le témoin a présenté sa déposition, et avant le début de cette

11 déposition, j'avais demandé à la Chambre de première instance si l'accusé

12 pourrait, dans un premier temps, lui poser des questions. La Chambre de

13 première instance avait décidé que l'ordonnance relative aux règles à

14 suivre était très claire, et qu'il me revenait, dans un premier temps, à

15 moi de poser les questions, et ensuite, l'accusé pourrait suivre et poser

16 des questions. J'ai présenté cette demande parce que je pensais qu'il

17 fallait essayer de faire en sorte d'avoir une procédure non problématique,

18 et je pensais qu'il serait utile que l'accusé puisse être la personne qui

19 poserait les questions, et qui envisagerait la stratégie à suivre.

20 Cela n'a pas été accepté. Le témoin a comparu, et à la fin de mon

21 interrogatoire, l'accusé a refusé de poser des questions, et a critiqué la

22 méthode que j'avais suivie pour présenter ses moyens à décharge. Entre-

23 temps, un appel avait été interjeté à propos de la commission d'un conseil,

24 et la Chambre de première instance a délivré un certificat d'appel.

25 Puis, nous avons fait comparaître un deuxième témoin. Nous avons

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1 suivi la procédure que je viens d'évoquer. Il s'agissait de M. Jatras. Nous

2 l'avons vu après qu'il ait vu l'accusé. Nous lui avons demandé s'il lui

3 avait été dit de ne pas coopérer avec nous. Il nous a dit que cela n'avait

4 absolument pas été le cas, et que l'accusé avait laissé cela à sa

5 discrétion. Ce témoin a comparu, et à la fin de mes questions, l'accusé a

6 refusé d'exercer son droit qui lui permet de poser des questions, et a

7 critiqué le conseil commis d'office.

8 C'est une procédure qui a été répétée avec les trois témoins suivants

9 : M. Keith, M. Hutsch, et Mme Kanelli.

10 Nous avions indiqué, pendant cette période, que nous étions entièrement à

11 la disposition de l'accusé s'il voulait nous rencontrer et coopérer avec

12 nous. D'ailleurs, nous avons téléphoné au quartier pénitentiaire des

13 Nations Unies, et nous avons indiqué que nous étions entièrement à sa

14 disposition cet après-midi-là s'il voulait prendre contact avec nous. Il a

15 été manifeste qu'il ne le voulait pas.

16 Puis, nous avons commencé à essayer de structurer un tant soit peu la

17 présentation des moyens à décharge. Dans un premier temps, j'ai étudié

18 l'Article 65 ter pour ce qui est de ces 1 631 témoins afin d'essayer de

19 comprendre la stratégie, et afin d'essayer de comprendre les questions

20 soulevées. Je voulais également scinder les témoins en différents groupes

21 par rapport à l'acte d'accusation, Kosovo, Croatie et Bosnie, et ce

22 conformément à une orientation fournit par la Chambre de première instance

23 qui nous avait dit que la présentation des moyens à décharge devrait se

24 faire de façon structurée et devrait se concentrer sur chacune des parties

25 de l'acte d'accusation. Bien entendu, pour certains témoins, il était

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1 évident qu'il y aurait des chevauchements.

2 Il est manifeste et évident que cette tâche qui consistait à essayer

3 de présenter une défense qui devait correspondre au temps imparti qui était

4 le temps de 150 jours. Nous nous sommes rendus compte qu'il serait

5 impossible de prendre en considération toute la liste des témoins qui

6 dépassent le nombre de 1 600. Donc, nous avons décidé de scinder cela en

7 trois volets avec 50 jours qui seraient consacrés à chacune des parties de

8 l'Accusation.

9 Pour ce faire, nous avons demandé à l'assistant juridique de

10 l'accusé, M. Tomanovic, son aide, ce qu'il a fait en suivant les

11 instructions de l'accusé. Il nous a donné une liste de 140 témoins

12 prioritaires pour la phase Kosovo de l'acte d'accusation. Cela s'est

13 reproduit à plusieurs reprises depuis la fin du 28 septembre puisque,

14 chaque semaine, nous avons pris en considération une mise à jour pour ce

15 qui est de l'évolution de la présentation des moyens à décharge, et ce pour

16 nous en tenir à ce que la Chambre de première instance nous avait dit à

17 propos de notre rôle en tant conseil commis d'office.

18 Le 20 septembre, nous avons pensé que nous pourrions colmater les brèches,

19 et que la présentation des moyens à décharge pourrait se faire de façon

20 mutuelle entre l'accusé et nous. J'ai utilisé, à cet escient, mon

21 expérience en tant qu'ami de la Chambre, mais l'accusé nous a rejeté dès le

22 début de cette phase, mais nous avons été à même de forger une relation

23 cordiale mais informelle lors de la présentation des moyens à charge, et

24 nous avions nourri l'espoir que nous serions en mesure de pouvoir aider la

25 Chambre de première instance pour pouvoir présenter les moyens à décharge,

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1 et ce en respectant les intérêts de l'accusé.

2 Entre-temps, nous avons déposé différentes requêtes à la Chambre

3 d'appel, et nous avons répondu aux requêtes présentées par l'Accusation.

4 Nous nous sommes ensuite lancés dans un exercice qui consistait à essayer

5 de prendre contact avec le plus grand nombre de témoins possible, afin de

6 voir s'ils étaient disposés à coopérer avec nous, et nous nous sommes dits

7 que nous pourrions peut-être, avec un peu de chance, nous trouver dans la

8 situation en vertu de laquelle l'accusé aurait pu coopérer avec nous. Il

9 est assez évident qu'il y a eu un rejet assez global, assez total, de la

10 part des témoins. Nous nous sommes rendus compte que nous nous trouvions

11 dans la situation suivante. Nous sommes conseil commis d'office, et nous

12 nous trouvions dans une situation qui devenait impossible.

13 Lorsque nous avons préparé les moyens à décharge, nous avons fait

14 beaucoup de recherche à propos, par exemple, de l'identité des témoins, à

15 propos des méthodes de prise de contact avec ces témoins, et ce afin de

16 forger une stratégie pour la partie Kosovo de l'acte d'accusation compte

17 tenu de cette liste prioritaire de 140 témoins. Nous espérions entre-temps

18 que nous pourrions aider la Chambre de première instance en nous acquittant

19 de nos tâches.

20 Le quatrième et le cinquième témoin ont été appelés ici, et nous

21 savions, en fait, que nous n'avions plus de témoins immédiats à faire

22 comparaître. Qui plus est, il y avait un témoin qui était disponible, un

23 homme qui répond au nom de M. Hensch, la Chambre de première instance s'en

24 souviendra, puisqu'il était disponible, il se trouvait près d'ici, mais

25 nous avons reçu des instructions de la part de l'accusé suivant lesquelles

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1 nous ne devions pas le faire comparaître.

2 Le sixième témoin qui est venue ici, Mme Kanelli, a dû répondre à une

3 question qui lui a été posée par l'accusé. Personne n'a compris cette

4 question, il me semble, mais il me semble que le témoin a compris la

5 question qui avait été posée et qui consistait à savoir si j'avais bien su

6 gérer cette affaire. "Si tout avait été pris en considération", je pense

7 que c'est la phrase qui a été utilisée. Elle a répondu par la négative. Je

8 l'ai vue par la suite, et elle s'est excusée de ce qui s'était passé. Je

9 savais à ce moment-là que nous allions aborder une ère de conflits qui

10 allait me rendre la tâche impossible.

11 Entre-temps, la Chambre d'appel avait indiqué qu'elle souhaitait que

12 cette affaire soit réglée de façon rapide et accélérée, avec la possibilité

13 offerte à l'accusé de pouvoir présenter, de façon orale, à la Chambre de

14 première instance son point de vue, ce qui fut fait d'ailleurs. J'ai dû, en

15 fait, faire référence au conflit dans lequel je me trouvais avec l'accusé.

16 Ce sont des éléments qui se retrouvent dans les comptes rendus d'audience

17 qui vous ont été transmis.

18 Lors de la déposition de ces cinq témoins, à deux reprises, on nous a

19 accusé de faire partie de l'Accusation. Notre professionnalisme a fait

20 l'objet de critiques et, en fait, lorsque l'on pense aux devoirs qui sont

21 les devoirs d'un conseil commis d'office, je pense, par exemple, à la

22 communication avec l'accusé, je pense à la façon de discuter de l'affaire,

23 nous nous sommes rendu compte que nous nous trouvions dans une position qui

24 était telle que nous avions franchi le Rubicon, et qu'il n'y avait pas de

25 possibilité de rebrousser chemin. La relation qui a été établie entre nous

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1 et l'accusé avait véritablement été laminée, et nous ne pensons pas qu'à

2 l'avenir, cela sera restauré. Nous ne pensons pas que nous retrouverons la

3 relation que nous avions avant que nous soyons commis d'office.

4 Ce qui fait que nous avons présenté notre requête après l'audience de

5 la Chambre d'appel. Nous avons pensé qu'il s'agissait d'un thème tout à

6 fait différent que le thème de la commission d'office. Il s'agit, en fait,

7 de la position et de la situation personnelle dans laquelle nous nous

8 trouvions.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, je suppose que

10 vous aviez dû prévoir cette possibilité de non coopération, et vous aviez

11 dû entrevoir le fait que l'accusé risquait de ne pas vous fournir

12 d'instructions. Je ne pense pas que cela vous ait véritablement pris au

13 dépourvu. Est-ce que c'est la réalité de cette situation, la réalité et le

14 fait que vous ne pouvez pas compter sur cette coopération et sur le fait

15 que vous n'avez pas d'instructions, est-ce que c'est cela qui est à

16 l'origine du problème ? Parce qu'il me semble que vous n'avez pas dit que

17 cela n'avait pas été envisagé.

18 M. KAY : [interprétation] Nous l'avions prévu, comme la Chambre de première

19 instance l'a trouvé dans les différentes écritures. Nous avons, en quelque

20 sorte, attiré l'attention de la Chambre de première instance dans le cadre

21 d'arguments juridiques, et nous avons attiré l'attention de la Chambre sur

22 le code déontologique. Je me souviens avoir eu une discussion avec le Juge

23 Bonomy à cet égard à l'époque. Lorsqu'il s'agit d'une affaire criminelle,

24 vous ne savez pas ce qui va se passer. Vous ne pouvez pas dire, cela ne va

25 jamais fonctionner. Cela aurait pu donner des résultats. Nous avons essayé

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1 par esprit de coopération. Tous les services de ce Tribunal convergeaient

2 vers cette coopération. Tout le monde attendait de voir, de façon assez

3 anxieuse d'ailleurs, s'il y allait avoir cette coopération, et si l'on

4 pourrait véritablement concrétiser cela.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Etes-vous en train de nous dire que

6 vous avez accepté cette commission d'office sur la base de cette

7 coopération, bien que l'on ait pu envisager une manque de coopération et

8 une manque d'instructions ?

9 M. KAY : [interprétation] Oui, nous l'avons fait en toute bonne foi. Une

10 pression a été exercée sur nous pour que nous acceptions cette commission.

11 Vous vous souviendrez de cette heure butoir de 13 heures le 3 septembre, la

12 Chambre s'en souviendra.

13 Nous avons pensé que, du fait des antécédents, du fait que nous

14 connaissions l'affaire et du fait de notre responsabilité dans notre

15 conscience professionnelle, nous avons pensé que nous devions essayer

16 d'assumer ce rôle. Si nous n'avions pas essayé de le faire, la Chambre

17 aurait dû avoir un autre conseil commis d'office qui n'aurait peut-être pas

18 interjeté un appel contre la commission d'office. Nous avons pensé que nous

19 serions en mesure de représenter au mieux les intérêts de l'accusé, et de

20 faire en sorte de présenter les moyens à décharge. Nous savions que cet

21 effort ne serait pas forcément couronné de succès, mais nous avions un

22 certain espoir.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Lors de votre commission et lorsque

24 vous avez accepté cette commission d'office, rien ne nous a permis

25 d'entrevoir cette hypothèse, à savoir que vous acceptiez cette commission

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1 d'office sur la base du fait que vous pourriez avoir une bonne relation de

2 travail avec l'accusé. Alors, il était clairement envisagé que vous alliez,

3 peut-être, vous heurter à ce manque de coopération. Dans mon ordonnance,

4 l'ordonnance que j'ai rendue avec l'ordonnance relative aux règles à

5 suivre, il ne faut pas oublier que cette ordonnance a été délivrée et a été

6 reprise dans ces paragraphes 4, 5 et 6, la possibilité du manque de

7 coopération, ainsi que la possibilité du manque d'instructions.

8 M. KAY : [interprétation] Je vais vous dire quel fut le problème : Vous

9 m'avez donné la parole en premier et si vous aviez en fait autorisé

10 l'accusé à le faire, il se peut que les efforts aient été couronnés de

11 succès. Cela a été un choc absolu lorsque nous nous sommes rendus compte

12 que vous aviez annulé ce que nous pensions, ce que nous avions préconisé,

13 et que j'ai dû prendre la parole en premier.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voilà le cœur du problème.

15 M. KAY : [interprétation] C'est cela qui a provoqué le problème.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais nous oeuvrons dans le

17 cadre d'un système ici qui respecte la primauté du droit. Vous avez

18 interjeté un appel, et cela a été rectifié.

19 M. KAY : [interprétation] Oui, mais le 7 septembre, la Chambre de première

20 instance se souviendra que j'ai demandé la possibilité pour l'accusé de

21 prendre la parole en premier. Nous étions très appréhensifs à la suite de

22 cette ordonnance relative aux règles à suivre. Je suis revenu à la charge

23 le 7 septembre. Je me suis exprimé contre cette ordonnance. Il se peut que

24 nous ayons pu obtenir des résultats, alors que maintenant il y a une telle

25 distance, que des problèmes se sont posés, et cela a créé un problème entre

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1 nous-mêmes, et l'accusé. Il s'agit d'un problème d'ordre professionnel.

2 Lorsque --

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais vous venez de nous dire

4 que le problème essentiel avait été l'ordre de parole.

5 M. KAY : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela maintenant a été rectifié.

7 Quelle est maintenant la base de votre demande. Sur quoi se fonde votre

8 demande ?

9 M. KAY : [interprétation] Je ne sais pas si vous souhaitez ou plutôt, il

10 s'agit en fait de la situation dans laquelle nous nous trouvons, du fait de

11 la détérioration de relation avec l'accusé. L'accusé a déposé une plainte

12 contre moi auprès du barreau néerlandais --

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'accusé m'a également accusé de

14 suivre des instructions.

15 M. KAY : [interprétation] Oui, mais c'est très différent. Ma situation est

16 très différente de la vôtre, Monsieur le Président. Moi je me trouve dans

17 une situation qui se fonde sur la confiance. Ici, nous essayons en fait

18 d'assumer un rôle qui se fonde sur la confiance parce que parfois vous

19 pouvez avoir une mauvaise ordonnance, pour parler ainsi, mais vous pouvez

20 toujours faire en sorte qu'elle donne de bons résultats. Nous avons tous eu

21 cette expérience. Un Juge rend une ordonnance, vous devez travailler avec

22 cette ordonnance, et vous pouvez faire en sorte que vous obteniez de bons

23 résultats.

24 Nous aurions pu en fait essayer de faire en sorte que cela

25 fonctionne, mais lorsque la Chambre de première instance a refusé qu'il

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1 prenne la parole le premier, lorsque la Chambre de première instance a

2 réfuté ma demande le 15 septembre, me semble t-il, ma demande de suspension

3 jusqu'à ce que la Chambre d'appel ait eu la possibilité d'examiner la

4 question, c'était en fait la tentative, la toute dernière tentative,

5 l'ultime tentative qui était faite pour essayer d'éviter cette érosion des

6 relations et d'éviter de nous trouver dans la situation dans laquelle nous

7 nous trouvons maintenant. Les choses ont continué à évoluer.

8 Bien que nous continuons et nous avons formulé l'espoir que les

9 choses pourraient bien fonctionner, il se peut en fait que l'accusé qui a

10 dû entendre l'audience à propos de la commission d'office de conseil, le

11 problème des conseils d'appoint, le problème de savoir s'il pourrait se

12 défendre lui-même. Il se peut que nous aurions pu avoir une certaine

13 influence sur la structure de cette affaire, et que nous aurions pu

14 l'aider. Nous nous serions vues comme des personnes offrant un service

15 important et aidant dans la présentation des moyens à décharge. Il aurait

16 fallu que la force motrice soit l'accusé. Il aurait fallu que l'accusé

17 puisse interroger ses témoins comme il l'aurait souhaité, et nous l'aurions

18 bien entendu aidé en posant des questions, mais nous aurions utilisé notre

19 tact et notre discrétion dans le cadre de notre rôle pour pouvoir lui

20 permettre de présenter ses moyens à décharge.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Kay, qu'entendez-vous par le

22 paragraphe 5 du document que vous nous avez présenté qui indique : "Au cas

23 où l'accusé ou toute autre personne qui agit en son nom n'est pas en mesure

24 de coopérer avec le conseil commis d'office, lors de la présentation de la

25 comparution des témoins identifiés par l'accusé en tant que témoins

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1 potentiels dans cette affaire, le conseil commis d'office peut appeler ces

2 témoins ou tout autre témoin considéré par lui comme pertinent pour cette

3 affaire ?"

4 M. KAY : [interprétation] Nous nous trouvions véritablement dans la

5 situation où nous essayons de trouver une solution de tout dernier ressort.

6 Il s'agissait des droits de l'accusé à se défendre lui même. Si vous prenez

7 le paragraphe 3 --

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Ma question était qu'entendiez-

9 vous par ce paragraphe 5 ?

10 M. KAY : [interprétation] Il se peut qu'il y ait des circonstances dans le

11 cadre desquelles le Tribunal aurait pu appeler à la barre des témoins en

12 son nom. Nous en avons parlé pendant l'audience. Je me souviens d'avoir

13 posé la question, par exemple, s'il est malade, nous pourrions autoriser un

14 conseil d'appoint qui pourrait faire comparaître des témoins en son nom.

15 Ce genre d'ordonnance aurait pu donner des résultats.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce paragraphe, Maître Kay, envisage

17 l'échec le plus extrême de la coopération. Vous l'avez présenté.

18 M. KAY : [interprétation] Cela dépend de la façon dont la question se

19 serait posée. On m'a demandé en toute dernière minute de rédiger des

20 modalités contre lesquelles je m'étais élevé au départ. J'ai été

21 véritablement, énormément influencé par l'argument présenté par la Chambre

22 de première instance à ce sujet. Je n'aurai pas pu écrire mon propre

23 document qui aurait été comme suit : "Laissez-le gérer sa défense, et le

24 conseil commis d'office n'aurait rien fait." Cela n'aurait pas été accepté,

25 cela n'aurait pas été à l'ordre du jour, le 2 et le 3 septembre.

Page 33203

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crains ne pas comprendre ce que

2 vous avancez.

3 M. KAY : [interprétation] Je suis navré.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous nous avez indiqué cela comme

5 étant une méthode pour pouvoir mettre en application la commission

6 d'office. Vous avez envisagé, en produisant ce document, que le conseil ne

7 bénéficierait d'aucune coopération de la part de l'accusé, bien qu'il doive

8 travailler avec lui, et au vu de ces circonstances, je pense que vous

9 deviez savoir que la commission aurait pu demander de votre part, le fait

10 que vous allez devoir dans un premier temps poser des questions au témoin,

11 et que vous allez devoir interroger des témoins que vous auriez appelé

12 vous-même, des témoins qui ne faisaient pas partie de la liste de ces 1 631

13 témoins.

14 M. KAY : [interprétation] Nous avons soulevé cette question, et nous avions

15 indiqué qu'il devrait dans un premier temps appeler ces témoins lui-même.

16 La Chambre de première instance a beaucoup opéré suivant le principe du

17 bâton et de la carotte. Je me souviens que

18 M. le Juge Kwon avait posé une question à propos du conseil d'appoint.

19 Peut-être que c'était une façon d'encourager cette position des conseils

20 d'appoint, nous ne savions pas ce que vous alliez décider en l'espèce. Nous

21 aurions souhaité que l'accusé puisse présenter ses éléments de preuve en

22 premier lieu. C'est pour cela que nous avons présenté cette requête,

23 requête que vous avez rejetée, mais nous avons pensé que cela nous aurait

24 permis d'obtenir des résultats. Dieu seul sait ce qui se serait passé au

25 bout de trois mois, au bout de six mois et ce qu'aurait été la relation

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1 entre nous. Nous faisions preuve de bonne foi. Nous avons espéré pouvoir

2 l'aider, et ce, dans son intérêt pour qu'il puisse présenter ses moyens à

3 décharge. Ce que nous avons essayé de faire n'a pas donné les résultats.

4 Nous pensons que nous sommes maintenant -- et qu'il y a maintenant

5 violation du code. Il ne s'agit pas de pointer un doigt accusateur sur

6 quiconque ici. Il s'agit tout simplement de reconnaître que ce qui s'est

7 passé et ce qui a provoqué pour nous et pour la Chambre de première

8 instance des difficultés.

9 Il ne s'agit pas de savoir qui est responsable. Nous voulions que le

10 système fonctionne. La Chambre de première instance voulait que le système

11 fonctionne. Nous avons essayé de nous trouver dans une situation qui ferait

12 en sorte que cela fonctionne.

13 Nous avons déjà discuté de la question des instructions lors de la

14 présentation d'arguments au préalable. La Chambre de première instance

15 savait pertinemment quel était notre point de vue.

16 Nous avons soulevé ces différentes questions à propos des

17 instructions, à propos des témoins. Nous avons parlé de ces problèmes

18 relatifs au code de déontologie. Nous avons attiré l'attention de la

19 Chambre de première instance là-dessus. L'ordonnance relative aux règles à

20 suivre qui a été rédigée, nous a fait joué le premier rôle à la place de

21 l'accusé. C'est à nous d'appeler les témoins à sa place. S'il avait pu

22 prendre la parole en premier, s'il avait pu appeler les témoins et s'il

23 avait pu régler les questions de droit telles qu'elles se seraient

24 présentées comme nous l'indiquons au

25 paragraphe 2, cela lui aurait donné une responsabilité complète, mais cela

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1 n'a pas été possible. Ce qui fait que nous ne pouvons pas continuer à

2 essayer de forger une relation; ce qui se passe très, très souvent au

3 pénal. C'est ce que nous espérions faire.

4 Maintenant, nous nous trouvons dans l'obligation de reconnaître la

5 situation de non coopération avec les témoins. Il y a également le point de

6 vue de l'accusé en l'espèce qui a été avancé de façon tranchée. Il y a

7 également notre -- ce que nous avons dit en son nom à la Chambre d'appel,

8 nous avons dit que ce n'était pas notre affaire. Il s'agissait de parler en

9 son nom et d'assurer sa défense. Nous avions dit qu'à cet effet que ce

10 droit devrait lui être restauré.

11 Ce qui fait que maintenant, après cette période de deux mois, nous

12 nous trouvons dans cette situation. Nous nous trouvons dans une situation

13 professionnelle difficile qui prête le flanc aux critiques.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne suis pas sûr d'être d'accord

15 avec vous. Lorsque vous avez un accusé qui prend de façon unilatérale des

16 mesures, qui ont pour effet la destruction d'un rapport de confiance

17 mutuelle, notamment par sa non coopération, je ne pense pas que la

18 jurisprudence dira qu'il y aura violation du code de déontologie.

19 Il y a des paragraphes dans la décision Blagojevic où la Chambre

20 d'appel confirme certaines décisions de la Chambre de première instance,

21 qui montrent clairement qu'il n'y a pas dans ces circonstances de violation

22 du code de déontologie.

23 M. KAY : [interprétation] Voyons ce que dit le droit s'agissant du conflit

24 dans lequel nous nous trouvons. Nous nous trouvons, à notre avis, dans une

25 situation d'extrêmes difficultés.

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1 Je crois avoir raison de dire que la Chambre de première instance va

2 réexaminer la question des règles à suivre. La stratégie de la Défense

3 reviendra à l'accusé. Vous avez, notamment la décision du paragraphe 20

4 prise par la Chambre d'appel.

5 Que dit l'Article 10 ? Nous devons assurer le maintien de

6 notre probité et de celle de notre profession dans sa totalité.

7 Aujourd'hui, nous nous trouvons contraints à faire l'objet d'une plainte

8 déposée devant un barreau qui s'affirme compétent en la matière, source de

9 grande préoccupation. Nous sommes critiqués par l'accusé pour le rôle que

10 nous jouons dans cette affaire. On nous qualifie d'accusateur du bureau du

11 Procureur, ce qui n'était aucunement le cas lorsque nous étions Amis de la

12 Chambre.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous semblez croire que ce grief est

14 fondé. Est-ce que c'est un conseil, un avocat qui représente M. Milosevic

15 au Pays-Bas ?

16 M. KAY : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il dit représenter les intérêts de M.

18 Milosevic.

19 M. KAY : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que qu'il dit qu'il représente

21 les intérêts de M. Milosevic en l'espèce ?

22 M. KAY : [interprétation] Il a une attestation, un certain pouvoir.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour cette affaire ?

24 M. KAY : [interprétation] Il a déposé une plainte contre

25 Me Wladimiroff, Ami de la Chambre. Ce dernier a fait l'objet d'une

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1 procédure disciplinaire du barreau néerlandais. Cette fois-là, face à cette

2 situation, face à cette problématique, la Chambre a dit qu'il fallait qu'on

3 voie que la justice se fait. C'est là que je me trouve pour le moment.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Soyons clair sur une chose avant tout.

5 Est-ce que vous dites qu'un avocat néerlandais --

6 M. KAY : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- a l'autorisation de représenter M.

8 Milosevic en l'espèce ici même ?

9 M. KAY : [interprétation] Excusez-moi. Il y a eu méprise. Vous voulez dire

10 pour qu'il comparaisse ici dans ce prétoire ?

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

12 M. KAY : [interprétation] Non, je doute de cela.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où est le problème qui viendrait du

14 fait qu'il y a eu une plainte qui a été déposée ? C'est souvent le cas.

15 Souvent on fait l'objet de plaintes officielles ou pas. Des appels sont

16 interjetés de décisions prises par les Juges. C'est là, sous une certaine

17 forme, une plainte. C'est là la façon habituelle dont on gère les

18 frustrations d'un représentant, d'un accusé, mais cela ne lui donne pas

19 pour autant du fond. Cela ne vaut pas dire que cette plainte est justifiée.

20 En quoi trouvez-vous une certaine pertinence à ceci ?

21 M. KAY : [interprétation] Parce que vous, en tant que Juge, vous avez un

22 rapport différent avec l'accusé. Vous pouvez contrôler la situation. Nous,

23 nous avons un devoir de loyauté. Nous avons le devoir de communiquer avec

24 lui, de comprendre quels sont ses objectifs dans sa défense. Vous savez que

25 c'est un rapport fiduciaire de respect. Il faut le reconnaître.

Page 33208

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cette plainte, est-ce qu'elle concerne

2 la façon dont vous avez mené la défense dans cette procédure ?

3 M. KAY : [interprétation] Oui. J'ai reçu une notification hier, 3 novembre.

4 Elle était datée du 3 novembre. Elle venait du barreau néerlandais. Il

5 était fait référence à l'audience en appel et à l'arrêt, ou la décision

6 rendue par la Chambre d'appel le

7 1er novembre. L'auteur de la lettre estimait que la plainte était désormais

8 dénuée de fondement, mais elle donnait l'occasion à la personne en

9 question, à l'avocat en question, de continuer à présenter ses arguments en

10 l'espèce. De ce côté-là, plus de problème.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est la compétence qu'a le

12 barreau néerlandais sur vous ?

13 M. KAY : [interprétation] C'est une compétence européenne, en vertu de la

14 législation européenne, des avocats qui viennent exercer leur métier dans

15 un pays autre que leur pays d'origine, pays de l'Union européenne s'entend,

16 et qui este en justice dans les tribunaux néerlandais tombent sous le coup

17 du code disciplinaire néerlandais.

18 Examinez l'accord portant siège, Article 19, paragraphe 3.

19 Apparemment, il y a une exception portant sur des procédures disciplinaires

20 à l'encontre de conseils. Elles ne sont pas exemptes de l'application de

21 l'accord de siège. La raison pour laquelle le doyen du -- ou le bâtonnier

22 du barreau néerlandais a dit au départ, je ne sais plus, dans un échange

23 épistolaire, qu'il avait accepté la compétence en la matière, et il citait

24 l'exemple de Me Wladimiroff, de la façon dont le barreau néerlandais a

25 reconnu sa compétence dans l'affaire qui avait été engagé contre lui. Il se

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1 pourrait qu'il y ait une lacune ici.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est un membre du barreau

3 néerlandais ?

4 M. KAY : [interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est la différence ?

6 M. KAY : [interprétation] Nous, nous sommes régis par la législation

7 européenne. Nous sommes des avocats qui venons exercer ici. Pour moi, ce

8 n'est pas du tout fondé. Je ne dis pas cela, mais ce n'est pas là-dessus

9 que porte la question, la question qui se pose. Je peux vous dire que là je

10 ne lâcherai pas prise lorsque nous aurons le temps d'examiner la question,

11 lorsque l'affaire sera apportée.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui est-ce qui dirige ces débats ?

13 C'est bien la question qui se pose. Est-ce qu'ici, il y a une plainte

14 malintentionnée, qui est peut-être une raison avancée ou utilisée pour

15 perturber la procédure ici engagée.

16 M. KAY : [interprétation] Non. Je pense qu'ici, il y a tout une

17 historique, quelque chose qui s'est développé ces huit dernières semaines.

18 Et moi, je ne vous dissimule rien. Je ferai preuve de la plus grande

19 transparence, et je crois qu'on ne doit pas être critiqué parce qu'on est

20 transparent. La Chambre de première instance, l'Accusation devrait se

21 satisfaire et être contente que nous avons soulevé ces questions de

22 déontologie s'agissant de la commission d'office, et aussi de notre rôle

23 personnel, ce qui permettra à la Chambre de déterminer ce qui est juste et

24 équitable. Je vous ai présenté des arguments qui résultent des réflexions

25 que nous avons menées sur notre situation, parce qu'il faut, l'intérêt

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1 supérieur de la justice le commande, qu'on voit que justice se fait.

2 La Chambre doit comprendre la situation qui est la nôtre. Vous devez

3 comprendre, Messieurs les Juges. C'est certain, vous le faites. Je me suis

4 mal exprimé, parce que ce qui se passe ici est observé à la loupe aux

5 quatre points du monde. Des gens se posent des questions, vous demandent :

6 "Qu'est-ce que vous avez fait ? Pourquoi vous avez fait cela ?" C'est sans

7 arrêt que nous recevons des questions dans ce sens. Si la transparence

8 n'était pas notre impératif le plus haut, ceci donnerait une mauvaise image

9 de ce Tribunal. Ici, nous vous avons présenté la genèse de notre mandat, en

10 tant que conseil commis d'office. Plusieurs questions se sont posées. Nous

11 estimons, après mûres réflexions, que si l'accusé avait voulu utiliser un

12 conseil commis d'office pour une raison ou une autre, que ce soit dans six

13 mois ou dans un an, les questions que nous avons soulevées auraient milité

14 contre cette possibilité.

15 En tant qu'amis de la Chambre, nous avions un rôle plus neutre, d'où

16 absence de conflit, parce que nous avions pour mandat d'aider la Chambre,

17 d'aider l'accusé. Nous n'avions pas ce rapport de confidentialité, de

18 confiance mutuelle qui existe entre un accusé et son avocat.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais vous poser une question simple

20 et pratique, mais auparavant, je dois rappeler que moi, je n'ai pas parlé

21 d'un conseil d'appoint pour M. Milosevic. Si ma mémoire ne me trompe pas,

22 j'ai recommandé qu'on invite ses associés à être présents dans le prétoire.

23 Voici ma question. Des rapports que vous entretenez avec l'accusé ne

24 peuvent-ils pas être rétablis maintenant que nous avons une décision de la

25 Chambre d'appel. On peut mettre peut-être de côté, écarter ce qui est

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1 mentionné au paragraphe 20 ? Et puisque ces questions sont réglées, est-ce

2 que maintenant vous ne pouvez pas avoir de nouveau de bons rapports avec

3 lui ?

4 M. KAY : [interprétation] Je pense qu'il faut poser la question à M.

5 Milosevic, car nous, nous n'avons cessé de mettre à la disposition de notre

6 client nos connaissance. C'est ce que nous faisons depuis trois ans. Ce qui

7 nous préoccupe maintenant, s'agissant de notre position, c'est que le

8 statut, disons, que nous avions auparavant, ou la façon dont on considérait

9 notre travail, tout ceci a été laminé.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pensez-vous que M. Milosevic ne s'oppose

11 pas à vous, à votre existence, que si c'est le cas, vous êtes prêt à

12 retirer votre requête ?

13 M. KAY : [interprétation] Il faudrait l'entendre le dire, de façon

14 explicite. Il faudrait que ce soit un engagement de sa part. Je pense que

15 maintenant, là c'est vraiment le nœud de la question que vous avez abordée,

16 Monsieur le Juge.

17 Nous devons parler de façon semi abstraite, parce que nous n'avons pas

18 d'information, nous n'avons pas d'instructions. Nous savons simplement

19 qu'on nous critique et que ces critiques rendent l'exercice de notre

20 fonction très difficile.

21 Si jamais ce rapport était rétabli, il faudrait que ce soit à

22 l'initiative de M. Milosevic. Il ne serait pas juste, il me semble, de dire

23 ici, debout devant vous que je peux rétablir ce rapport, parce qu'au vu de

24 ce qui s'est passé, de ce que j'ai pu évaluer au vu de l'expérience que

25 j'ai acquise, j'ai le sentiment que la question doit être examinée comme je

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1 l'ai posée.

2 Mais effectivement, s'il était possible de rétablir ce rapport,

3 manifestement on aurait à effacer l'ardoise. Cela arrive quelques fois.

4 Quelques fois, il y a des rapports acrimonieux, des critiques dans ces

5 rapports entre client et avocat. Enfin, ici la critique a été formulée de

6 façon différente. La critique a été plutôt agressive. C'était une attaque,

7 on nous a accusé d'erreur professionnelle, parce qu'on n'aurait pas cité

8 les témoins qu'il fallait citer. Je dois dire que cela a été mal pris. Il

9 faut quand même penser à sa propre réputation professionnelle.

10 Je passais en revue les violations présumées. Nous les avons

11 mentionnées dans le dernier paragraphe, le paragraphe 56 de la requête que

12 nous avons déposée hier. Ce sont quand même des choses tout à fait

13 différentes de l'affaire Blagojevic que nous avons mentionné précédemment.

14 Certaines de ces critiques concernent le rôle que joue un conseil

15 commis d'office, et à bien des égards, laissent présager quelles seraient

16 les règles à suivre à l'avenir. Ce sont les critiques relatives à

17 l'exercice de la profession d'avocat, qui sont le socle même de toute cette

18 question.

19 Moi, je ne veux pas, ici, représenter dans un prétoire un accusé,

20 essayer de défendre ses intérêts, si cet accusé pense que je ne suis pas

21 bon dans l'exercice de mon métier. Si je fais mal mon travail, si je n'ai

22 pas de connaissances, ou si les personnes qui travaillent avec moi ne

23 valent rien, et s'il ne veut pas bénéficier des conseils que je peux lui

24 prodiguer, et penser que vous vous pouvez me demander un avis, me demander

25 à le défendre sur certains points, non pas en tant qu'Ami de la Chambre,

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1 mais en tant que conseil commis d'office, ce qui est différent. Alors qu'on

2 met en cause, que l'accusé met en cause mon propre état d'avocat.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela revient, tout se boucle au

4 point 4 ?

5 M. KAY : [interprétation] Oui. Si vous ôtez de la question les points

6 relatifs aux requêtes. Oui, vous avez raison; c'est la base. Si vous en

7 enlevez les questions relatives aux règles à suivre --

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je prends le point 3. J'ai peut-être

9 un certain avantage sur d'autres, puisque j'ai dû faire la lecture de tout

10 le dossier de l'espèce assez récemment. J'ai le sentiment, que si l'on voit

11 la façon dont M. Milosevic a présenté ses moyens, il y a beaucoup d'indices

12 que peuvent relever des avocats qui le défendent. D'accord, on peut avoir

13 des doutes sur la pertinence de beaucoup de choses qui ont été dites par

14 lui, mais il y a beaucoup d'indices qui sont d'une pertinence directe, et

15 qui montrent des sujets qu'il faudrait aborder. Quiconque a lu ces

16 documents le sait.

17 Moi, j'ai peine à accepter ceci, ce qui est dit au point 3, à savoir

18 que le conseil est dans l'impossibilité de cerner les éléments porteurs de

19 sa défense.

20 M. KAY : [interprétation] Pour assurer la protection des meilleurs intérêts

21 de l'accusé, nous avons fait des recherches, nous avons glané une certaine

22 expérience. Nous savons qu'il a. si vous voulez. un abord de sa défense

23 tout à fait différent de celui que nous pourrions avoir. Or, c'est lui qui

24 est le conservataire, le gardien de ses intérêts.

25 Cela nous ramène quelque part à la façon dont devrait opérer un

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1 conseil commis d'office. Cela repose le problème des instructions que

2 reçoit un avocat.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On peut faire une évaluation tout à

4 fait objective. Ce n'est pas une question qui se pose lorsqu'un conseil est

5 commis d'office, il ne doit pas se baser uniquement sur ce que l'accusé

6 croit être son intérêt supérieur.

7 M. KAY : [interprétation] Oui, mais vous savez que le conseil a le devoir

8 de loyauté envers son client; c'est l'Article 14. Il a un devoir de loyauté

9 envers son client. S'il va dans un sens, et si vous voulez aller dans le

10 sens inverse, vous n'avez pas le choix.

11 Si l'Article 8, lorsque vous avez cette question qui se pose, le

12 conseil doit respecter la décision du client s'agissant des objectifs de la

13 représentation; il doit se conformer à ses décisions.

14 Nous en avons discuté de façon exhaustive le 2 septembre. Il consulte

15 son client au sujet des moyens à mettre en œuvre pour réaliser lesdits

16 objectifs; il ne demande ou n'accepte que les instructions qui émanent de

17 son client.

18 Rien ici dans cet Article 8 du code de déontologie, ne vous autorise,

19 une fois que vous êtes arrivé à une certaine position, rien ne vous

20 autorise, disais-je, à faire cavalier seul et à déterminer vous-même votre

21 stratégie de défense. C'est là que le bât blesse. C'est la difficulté à

22 laquelle nous sommes en but.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] l'Article 8(B).

24 M. KAY : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il dit, lorsqu'il représente un

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1 client, le conseil consulte son client au sujet des moyens à mettre en

2 œuvre, sans toutefois être lié par les décisions de son client.

3 M. KAY : [interprétation] Oui.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous avais déjà dit une chose, ne

5 l'oubliez pas. Chacune des raisons du paragraphe 56 est le produit du refus

6 de l'accusé de communiquer avec vous ou de vous donner des consignes.

7 Quelle est la jurisprudence dans de telles circonstances ? Vous n'en avez

8 pas parlé. J'aimerais aussi que l'Accusation en parle suite à la décision

9 Blagojevic. La jurisprudence de ce Tribunal, dit-elle qu'il y a dans de

10 telles circonstances violation du code de déontologie ? Ce n'est pas du

11 tout clair dans mon esprit. Il ne suffit pas d'inciter les dispositions du

12 code sans faire référence à la jurisprudence, qui elle, interprète ses

13 dispositions.

14 M. KAY : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai un autre sujet de préoccupation

16 vu votre position. La Chambre d'appel vient de rendre une décision en deux

17 volets. Premier volet, elle confirme le droit de commettre d'office un

18 conseil à l'accusé. Deuxième volet, elle renverse les règles à suivre.

19 S'il est juste de commettre d'office un conseil, ce qui a été fait,

20 et si l'accusé refuse de coopérer avec le conseil commis d'office, vos

21 conclusions n'ont-elles pas dès lors pour effet, qu'aucun conseil ne pourra

22 être commis d'office à l'accusé s'il refuse de coopérer, de sorte que la

23 Chambre d'appel en la première partie de son dispositif n'est tout

24 simplement pas exécutable.

25 M. KAY : [interprétation] Oui, mais le problème, c'est qu'il faut se

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1 conformer à la décision du client. Et s'il décide de ne pas vous donner

2 d'instruction, et si vous ne faites rien --

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas ce que dit la

4 jurisprudence. J'essaie de vous faire comprendre, ce n'est pas là la

5 jurisprudence. Vous, vous lisez les dispositions du code de déontologie. De

6 façon abstraite, cela ne peut pas se faire comme cela; il faut les voir

7 dans le contexte de l'affaire.

8 M. KAY : [interprétation] Oui, mais l'affaire Blagojevic était tout à fait

9 différente. C'est une affaire tout à fait différente au niveau des faits de

10 la cause. Pas un seul commentateur, pas un seul analyste judiciaire ne

11 mettra en équation dans la balance ces deux affaires quant aux

12 circonstances.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On ne peut pas dire que dans l'affaire

14 Blagojevic il y a eu régulièrement des critiques émises à l'encontre du

15 conseil de la Défense.

16 M. KAY : [interprétation] L'accusé a déposé une requête aux fins de

17 révocation et de remplacement en évoquant des déficiences ou des carences

18 au niveau de sa qualité professionnelle. Il n'y a pas eu d'appui factuel.

19 Il y a eu 350 heures de consultation d'ailleurs, entre ce conseil et

20 l'accusé. La question, elle a été posée à un stade très tardif de la

21 procédure, après que ces entretiens eussent eu lieu.

22 Il a fondé sa requête sur une question de préférence personnelle sur

23 la personne qu'il préférait voir comme avocat de la Défense. Le greffier a

24 estimé que c'était là une requête qui n'avait pas de raison d'être puisque

25 l'accusé avait déjà établi un rapport avec son conseil. La question avait

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1 été posée aux dernières phases du procès. C'est seulement à ce moment-là

2 qu'il avait demandé un nouveau conseil qui devrait remplacer l'équipe qui

3 lui avait été commise, et qui avait travaillé à la présentation de ces

4 moyens. Il les avait d'ailleurs présentés.

5 Nous ne disons pas ici qu'il n'est pas possible de commettre d'office un

6 conseil; cela dépend de ce qu'on leur demande de faire à ces conseils.

7 C'est différent et distinct de la question dont nous sommes maintenant

8 saisis. Ici, c'est notre demande d'être déchargés de ce mandat.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est vraiment ce que vous

10 demandez au conseil de faire ? Est-ce que ce n'est pas plutôt ce que

11 l'accusé décide de faire, vu la façon dont vous présentez la chose ? Si

12 l'ordonnance avait été rendue sous une forme qui vous semblait plus idoine.

13 Que se passe-t-il si elle n'est pas mise en œuvre, si elle n'est pas

14 exécutée ?

15 M. KAY : [interprétation] Vous voulez dire si le conseil ne se conforme pas

16 aux règles édictées par la Chambre ?

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Non. Si l'accusé a décidé qu'il

18 ne va pas intervenir en premier, ou que quelqu'un intervient en second

19 lieu ?

20 M. KAY : [interprétation] Oui. Si l'accusé décide qu'il préfère se défendre

21 lui-même, les instructions qu'il donne à propos des témoins et des

22 objectifs de sa représentation ceux-ci doivent revêtir l'importance

23 primordiale. Ceci nous ramène au débat que nous avons eu sur la question

24 même de la commission d'office du conseil.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela veut dire simplement qu'il

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1 revient à l'accusé de décider s'il va avoir un conseil ou pas. La Chambre

2 est impuissante face à cette décision extrême qui est d'imposer un conseil.

3 M. KAY : [interprétation] Il est possible de commettre d'office un conseil,

4 mais tout dépend de ce que vous leur demandez de faire. Si un conflit se

5 présente pour l'avocat avec le code de déontologie, nous n'avons pas une

6 même donne ici que dans l'affaire Blagojevic. Nous savons parfaitement où

7 nous en sommes, nous sommes au début de la présentation des moyens à

8 décharge et nous savons qui dispose des objectifs de cette Défense.

9 Si nous avons un code de déontologie des conseils de la Défense qui a

10 été établi après consultation et collaboration des juges et de toutes les

11 parties, à quoi sert-il si, en fait, il est ignoré suivant les convenances

12 de la Chambre ? Parce qu'ici nous devons maintenir fermement ces questions.

13 C'est ce que le code demande et c'est, précisément, ce que nous faisons,

14 parce qu'en devenant conseil d'office de l'accusé, nous avons, envers lui,

15 un devoir de loyauté. S'il dit, "voilà, je ne veux pas que vous fassiez la

16 moindre chose", c'est là une instruction à laquelle vous devez vous

17 conformer, parce que c'est bien ce que prescrit et ce qu'exige le code de

18 déontologie. C'est ce que font tous les codes de déontologie du monde.

19 Nous avons cité non seulement le code de déontologie de ce Tribunal,

20 mais aussi celui du barreau anglais, vous avez plusieurs communications

21 venant d'instances internationales, comme le barreau international. Moi,

22 j'ai fait partie du groupe de travail qui a préparé le code de déontologie

23 pour la CPI, ce code ayant été finalement mis au point par le barreau

24 international.

25 Ici, ces devoirs ne concernent que le conseil, et ils exigent que le

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1 conseil exécute, ou se conforme aux objectifs de l'accusé et à ses

2 instructions. Il a la responsabilité de s'y conformer. C'est ce que disent

3 toutes les dispositions de par le monde de façon très claire, et ce

4 Tribunal doit tenir compte de ce qui existe en dehors de lui --

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous dire ce que doit

6 respecter le Tribunal, et je pense que c'est là la faille fondamentale de

7 votre argument. Tous ces codes de déontologie qui sont des codes nationaux,

8 ils sont sous le coup de notre Statut et du droit coutumier international.

9 La Chambre a pour devoir essentiel de veiller à un procès équitable et

10 finalement, les dispositions de ces codes sont tributaires de ce précepte.

11 C'est la faiblesse de votre argument. Vous savez que la Chambre a

12 l'obligation de veiller à l'équité du procès, et c'est là qui est prime.

13 M. KAY : [interprétation] Non, ce n'est pas ce qui prime. Ceci fait partie

14 de l'équité du procès, parce que ces codes régissent et gouvernent les

15 rapports existant entre l'accusé, pas entre l'accusé et les Juges, mais

16 entre l'accusé et les conseils.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ils doivent être interprétés et

18 appliqués sous réserve du droit coutumier international et des obligations

19 que celui-ci impose à une chambre de jugement de veiller à l'équité du

20 procès. C'est une interprétation contextuelle qui est nécessitée ici. Ne

21 citez pas ces codes comme s'ils existaient de façon autonome, dans le vide.

22 M. KAY : [interprétation] Ils existent, comme c'est vrai pour toute cour,

23 pour tout tribunal. C'est le devoir qui revient à un conseil. Où que ce

24 soit de par le monde un tribunal doit veiller à un procès équitable.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous dire pourquoi je pense

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1 que vous vous trompez, Maître Kay. Vous avez tort parce qu'une Chambre de

2 première instance a la compétence de désigner d'office un conseil. Vous

3 vous trompez si vous dites que vous reconnaissez cette compétence de la

4 Chambre tout en poursuivant et en disant que cette compétence ne peut

5 s'appliquer, parce qu'un accusé a décidé de ne pas donner d'instructions et

6 de ne pas communiquer avec son conseil. A ce moment-là, vous annulez cette

7 compétence, vous la déclarez nulle et non avenue. C'est là faire fi de la

8 décision de la Chambre d'appel qui dit que la Chambre de première instance

9 est compétente pour commettre d'office un conseil.

10 Nous sommes compétents pour suivre toutes les directives données par

11 la Chambre d'appel. Un accusé, l'accusé a toujours la possibilité de ne pas

12 communiquer avec son conseil. Quid, où en sommes-nous à ce moment-là ?

13 C'est la question que je vous pose. Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ?

14 M. KAY : [interprétation] Je réponds à cette question. Nous sommes ici

15 vraiment à la phase extrême du spectre de possibilités. Dans tous les

16 systèmes nationaux, il y a, à cause de l'aide juridictionnelle, des

17 conseils commis d'office. Chez nous aussi au pénal. En général, cela

18 marche, dans 99, 9 % des cas cela marche, cela fonctionne.

19 Ici, c'est vraiment l'extrémité, cela ne va pas annuler le principe

20 du conseil commis d'office. Ce principe demeure, subsiste et libre à la

21 Chambre de faire exécuter cette forme de commission, mais ce qui compte ici

22 c'est de savoir ce qu'on attend de ce conseil.

23 Vous voulez qu'un conseil vienne ici pour faire des choses dont ne

24 veut pas l'accusé, et dans n'importe quel code que ce soit le droit

25 coutumier international dit que c'est faux, que c'est erroné.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons maintenant une

2 décision de la Chambre d'appel, et nous sommes obligés, en tant que Chambre

3 de première instance, de l'appliquer. La Chambre d'appel a dit que l'accusé

4 doit être le premier à interroger ces témoins. Il est censé leur donner les

5 informations, les préauditionnés. Il doit présenter les points de droit. Il

6 doit présenter des conclusions en clôture, ses plaidoiries. Il est dans la

7 même position qu'avant. Mais on dit aussi dans cette décision de la Chambre

8 d'appel qu'il y a un droit de commettre d'office un avocat. Il faut que

9 cette chose se concilie afin d'aller de front.

10 M. KAY : [interprétation] Je ne suis pas d'accord avec vous. Je m'excuse.

11 La Chambre d'appel dit que : "Si M. Milosevic a de nouveau des problèmes de

12 santé suffisamment graves, avec la présence du conseil commis d'office le

13 procès pourra se poursuivre même si, de façon momentanée ou temporaire, M.

14 Milosevic n'est pas en mesure d'être présent."

15 La Chambre d'appel ne parle pas du code de déontologie. Il y avait

16 une décision de principe de commission d'office. Elle se voulait l'accusé.

17 C'est la raison pour laquelle nous avons ici affaire à deux questions

18 différentes. Nous nous opposions à ce principe de la commission d'office.

19 Vous avez votre ordonnance du 3 septembre. La Chambre d'appel n'a pas

20 examiné la question des modalités de fonctionnement à l'avenir. La Chambre

21 ne parle pas du tout du code de déontologie. Un observateur des faits des

22 décisions pourrait le voir, et nous, nous n'étions pas en train de discuter

23 de ce que dit la Chambre d'appel à partir du 3 septembre. L'Accusation ne

24 voulait pas que nous incluions la question des règles dans l'appel.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous les avez incluses.

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1 M. KAY : [interprétation] Oui, mais l'Accusation s'y opposait. Mais cela

2 montre que c'est un champ très limité.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais c'est pour cela que l'appel a

4 abouti.

5 M. KAY : [interprétation] Mais c'était un champ très limité.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais c'est pour cela que votre appel a

7 abouti.

8 M. KAY : [interprétation] Oui, au niveau du fonctionnement.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Répondez à ma question.

10 M. KAY : [interprétation] Oui.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

12 M. KAY : [interprétation] Oui, mais -- oui, mais -- vous voyez, c'est

13 toujours le problème qu'il y a lorsqu'on prend cette démarche. C'est un

14 oui, mais. Ce n'était pas soumis à l'attention de la Chambre d'appel le 3

15 septembre, parce que cela ne faisait pas partie de l'appel. Nous n'avons

16 pas fait référence à toutes ces questions.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, les conclusions que tire la

18 Chambre d'appel sur ce volet de l'appel sont obitaires ?

19 M. KAY : [interprétation] En fait, la question se repose de nouveau, dans

20 ce cas devant une Chambre de première instance, puisqu'en fait ici, cela

21 vous est renvoyé. C'est "annulé en partie, et il y a renvoi, et c'est tout

22 à fait dans le droit fil de cette décision." Ici on parle des règles à

23 suivre. Mais vous pourriez dire, "et bien, nous n'allons pas garder un

24 conseil commis d'office. Nous allons emprunter une autre voie." Vous n'êtes

25 pas tenu de suivre cette voie. Vous pourriez maintenant rendre une autre

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1 ordonnance qui déterminera la poursuite du procès. Libre à vous de le

2 faire. Ce qui a été mise en appel, et ce sur quoi porte la décision

3 interlocutoire, c'est cette décision précise du 3 septembre de la Chambre

4 de première instance.

5 La Chambre de première instance, "il appartiendra à la Chambre de première

6 instance de déterminer à quel moment cette redistribution des rôles doit

7 intervenir." Donc, tout peut faire l'objet d'examen.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Lorsque vous dites que tout peut

9 faire l'objet d'examen, c'est une exagération, parce qu'ils ont dit très

10 clairement ce que l'accusé a le droit de faire. Il peut prendre la parole

11 en premier. Il peut intervenir en premier. Il peut préparer ses témoins. Il

12 peut présenter des arguments juridiques. Il peut présenter la plaidoirie.

13 Voilà les éléments essentiels pour ce qui est des règles à suivre.

14 M. KAY : [interprétation] Ils ont conservé votre décision de commettre

15 d'office un conseil, mais vous pourriez dire, "et bien, nous préférons, vu

16 les circonstances, un conseil de point. Nous pensons que cela est plus

17 approprié."

18 Ils ont confirmé votre décision du 3 septembre, décision qui porte sur la

19 commission d'office d'un conseil, mais ils ont inversé les modalités.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Kay, ce n'est pas ce qu'ils ont

21 fait, parce que vous prenez le paragraphe 19, il commence par les mots

22 suivants : "Par ces motifs, la Chambre d'appel confirme la décision de la

23 Chambre de première instance d'imposer un conseil à l'accusé," non pas leur

24 droit d'imposer un conseil de défense, "et infirme l'ordonnance relative

25 aux règles à suivre."

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1 M. KAY : [interprétation] Oui, mais alors, dans l'ordonnance que vous avez

2 rendue, ordonnance qui a fait l'objet de contestation, alors cela a été

3 confirmé, mais si vous ne le souhaitez pas, vous n'êtes pas obligé de vous

4 en tenir à cette ordonnance. Si vous pensez qu'il est beaucoup plus

5 judicieux de revenir à la position d'un ami de la Chambre, vous pourriez le

6 faire.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais nous ne pouvons pas le faire. Il

8 y a deux camps. Il y a l'Accusation et il y a la Défense. Nous ne pouvons

9 pas de façon tout à fait unilatérale décider de faire quelque chose alors

10 qu'une décision que nous avons déjà rendue a été confirmée par la Chambre

11 d'appel.

12 M. KAY : [interprétation] Alors, nous pensons que vous êtes tout à fait

13 disposé à examiner cela, et à examiner toutes décisions que vous avez

14 prises. L'Accusation a constamment essayé de réviser et d'examiner des

15 décisions. M. le Juge Robinson l'a mentionné fréquemment au cours des trois

16 dernières années.

17 Nous avons hésité à emprunter cette voie, mais si vous pensez que cela aura

18 beaucoup plus de chance de faire en sorte que le procès sera équitable, je

19 suis sûr que personne ne vous critiquera pour mettre en application quelque

20 chose qui sera beaucoup plus juste et beaucoup plus équitable. Il est

21 évident que je n'aurais aucun problème à ce sujet.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay --

23 M. KAY : [interprétation] Vous ne disputeriez pas avec moi pour commencer.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que nous devons maintenant

25 lever l'audience. Nous reprendrons les débats demain à 9 heures. Merci.

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1 --- L'audience est levée à 13 heures 51 et reprendra le mercredi 10

2 novembre 2004, à 9 heures 00.

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