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1 Le mardi 30 novembre 2004
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 17.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez citer, Monsieur Milosevic,
6 votre témoin suivant.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je cite à la barre Yevgeny Primakov.
8 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je voudrais que le témoin nous fasse
10 la déclaration solennelle.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
13 LE TÉMOIN: YEVGENY PRIMAKOV [Assermenté]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez vous asseoir, je vous prie.
16 Monsieur Milosevic, veuillez commencer.
17 Interrogatoire principal par M. Milosevic :
18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Primakov.
19 R. Bonjour.
20 Q. Je m'efforcerai de m'en tenir au temps imparti afin que vous terminiez
21 aujourd'hui votre témoignage, mais auparavant, j'aimerais que vous nous
22 donniez brièvement quelques renseignements portant sur votre biographie.
23 R. Les renseignements principaux portant sur ma biographie sont les
24 suivants : j'ai été élu au soviet suprême de l'URSS, en 1998. J'ai
25 également été élu à la Chambre haute de notre parlement. Par la suite, une
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1 fois qu'il a eu désintégration de l'Union soviétique, fin de 1991, j'ai été
2 nommé à la tête des services de renseignements. J'ai été ministre des
3 Affaires étrangères où j'ai passé deux ans et huit mois, en 1998 et 1999,
4 j'ai été premier ministre de la Fédération russe.
5 Avant cela, avant que de faire partie du Soviet suprême, j'ai exercé une
6 profession de journaliste. J'ai également été élu membre de l'Académie
7 russe dans sciences, donc j'étais académicien. En outre, j'ai fait partie
8 de deux instituts scientifiques très importants : l'un était l'Institut des
9 sciences orientales, et l'autre était un Institut qui se consacrait à
10 l'étude de l'économie mondiale et des relations internationales.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je veux vérifier une chose. Avez-vous
12 été élu à la chambre haute de votre parlement en 1998 ou en 1988 ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Avant de l'être, j'ai fait partie du Soviet
14 suprême, et j'ai été élu pour la première fois à cette instance en 1988. En
15 1989, j'ai été élu une deuxième fois au Soviet suprême, et j'ai présidé aux
16 travaux de la chambre haute.
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. Monsieur Primakov, vous avez participé de façon active et influente à
19 la création de la politique étrangère de la Russie pendant toute cette
20 dizaine d'années, n'est-ce pas ce que l'on pourrait dire ?
21 R. Oui, c'est exact. J'ai pris part à la formulation de la politique
22 étrangère russe dans le courant des années 1990, compte tenu des postes que
23 j'ai occupés. C'est en cette qualité-là que j'y ai pris part.
24 Q. Justement. C'est à cela que je me référais. Vous avez été chef des
25 services de Renseignements. Puis, ministre des Affaires étrangères, puis
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1 premier ministre. Tout cela a couvert une dizaine d'années à ces fonctions,
2 n'est-ce pas ?
3 R. Oui, c'est exact.
4 Q. Lorsque vous avez vaqué aux problèmes des Balkans et aux problèmes de
5 la Yougoslavie, je vous demande de me dire si vous avez été impliqué de
6 façon directe ?
7 R. Oui. J'y ai pris part de façon directe de par l'exercice de mes
8 fonctions officielles.
9 Q. En 1991, vous étiez à la tête des services de Renseignement. Que
10 faisaient les services de Renseignement pour ce qui est de la Yougoslavie ?
11 R. Les services de Renseignement, vis-à-vis de l'étranger, pour ce qui
12 concerne la Russie, ont vaqué à l'étude de la crise en Yougoslavie et se
13 sont servis de leur sources, non seulement au sein des Balkans, mais
14 également au sein des autres pays pour pouvoir se faire une image pleine et
15 complète de ces événements, afin d'en informer la direction de la
16 Fédération russe, afin que cette dernière soit à même de formuler les
17 positions correctes vis-à-vis de cette situation. Il s'agissait d'activités
18 reliées aux renseignements politiques. A ce sujet, je voudrais vous dire
19 quelque chose au sujet de la mission qui m'a été confiée à moi-même,
20 mission qui m'a été confiée par la direction. Je dispose du texte de cette
21 mission en anglais et je peux remettre le document à la Chambre.
22 Compte tenu de l'expansion de l'OTAN, il a été adressé à un
23 télégramme, tel que suit : La Mission de l'Alliance appelée l'OTAN en
24 Bosnie. S'agissant de cette mission, notre devoir a été de déterminer dans
25 quelle mesure les Etats-Unis d'Amérique avaient l'intention d'impliquer la
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1 Russie au sein de ce modèle de mise en place d'un système de sécurité en
2 Europe, par recours aux dispositifs de l'OTAN. Nous étions essentiellement
3 intéressés par les mécanismes qui permettraient à la direction russe de se
4 concentrer sur les questions suivantes :
5 Tout d'abord, savoir si la pratique, en corrélation avec la Bosnie-
6 Herzégovine constituait quelque chose d'impliquant un modèle purement
7 local, ou impliquant un scénario universel qui permettrait à Washington de
8 maintenir et de renforcer ses positions à la fin de la guerre froide.
9 Deuxièmement, quel est l'aspect du modèle, voire du scénario,
10 se rapportant aux alliés des Etats-Unis d'Amérique qui est prévu, et
11 déterminer si les Etats-Unis sont disposés à prendre en considération les
12 points de vue qui ne correspondraient pas aux leurs.
13 Troisièmement, savoir quelles sont les mesures qu'entreprendraient
14 les alliés des Etats-Unis d'Amérique.
15 Quatrièmement, déterminer quelle est la situation à ce sujet au sein
16 des Etats-Unis eux-mêmes.
17 Cinquièmement, voir comment cela influait sur l'expansion de l'OTAN.
18 Par conséquent, nous avions ces cinq missions qui ont été confiées à
19 des départements différents. Ce documents nous permet de voir quel est
20 l'intérêt qui a été porté par notre agence, par notre agence de
21 renseignements, pour ce qui en est de nous faire une idée complète et d'en
22 informer notre direction. Nous voulions notamment savoir s'il s'agissait
23 d'un épisode unique ou s'il s'agissait de quelque chose à caractère
24 universel. Universel dans le sens où on en était venu à la fin de la guerre
25 froide et où on a supposé qu'il y aurait tentative de création d'un système
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1 européen de sécurité, par recours aux mécanismes en place de l'OTAN.
2 Q. Quelle est votre conclusion ? S'agissait-il d'un caractère local ou
3 universel ?
4 R. Nous en sommes venus à la conclusion, au terme de laquelle il s'agit en
5 réalité de la mise en place d'un modèle se servant des dispositifs de
6 l'OTAN à l'extérieur des territoires des pays membres de l'OTAN. Ce qui
7 veut dire qu'à l'avenir, les Etats-Unis se proposaient de renforcer les
8 efforts déployés par leur soin pour s'en servir à l'extérieur des pays de
9 l'OTAN. L'avenir a confirmé nos conclusions.
10 Q. Quelles étaient les appréciations formulées fin 1990 s'agissant de la
11 position de l'Occident, vis-à-vis de la Yougoslavie et notamment de
12 Belgrade ?
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'y a pas eu de traduction.
14 Monsieur Milosevic, je vous prie de reprendre cette question.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Je vous ai demandé : Quelles étaient vos appréciations au sujet de la
17 position de l'Occident à l'égard de Belgrade. Qu'est-ce qui a caractérisé
18 cette attitude ?
19 R. Cette question englobe en réalité une période de plusieurs années. Je
20 ne pense pas que nous ayons immédiatement eu le sentiment que l'Occident
21 et, plus particulièrement les Etats-Unis, allaient être si tenaces, et
22 qu'ils allaient insister à un tel point, sur cette tendance
23 d'affaiblissement de la Serbie. Au fil du temps, il s'est avéré que c'est
24 exactement ce que l'on avait l'intention de faire.
25 Par exemple, j'ai eu des réunions avec le chef de la CIA, M. Woolsey.
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1 Pendant ces réunions, nous avons discuté de la Yougoslavie et de la crise
2 en Yougoslavie. Dans une certaine mesure, nous avons constaté que nos
3 services de Renseignement voyaient, d'une façon tout à fait identique, une
4 série de questions.
5 S'agissant de M. Woolsey, j'ai eu plusieurs conversations avec lui.
6 Je puis remettre aux Juges de la Chambre mes notes, les notes que j'ai
7 prises pendant ces réunions.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Primakov, je vous
9 interromps. Monsieur Milosevic, je vous demanderais de demander au témoin
10 de centrer ses réponses sur des questions qui ont plus de pertinence pour
11 l'affaire qui nous regarde, parce que la question de la pertinence va se
12 poser sinon. Je crois que la partie introductive a suffi. Je vous prie de
13 vous centrer maintenant sur des questions plus concrètes, en corrélation
14 avec l'affaire qui nous intéresse.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, ce que je puis vous dire,
16 de notre point de vue, en réponse aux questions posées par Monsieur
17 Milosevic, ce qui suit : une fois qu'une des administrations démocratiques
18 est arrivée à occuper des fonction à la Maison-Blanche, l'administration du
19 Partie démocratique est arrivée à prendre des fonctions au sein de la
20 Maison-Blanche, il est devenu évident que le chemin suivi a été celui de
21 l'affaiblissement de la Serbie, empêcher cette Serbie de se renforcer, afin
22 de mener à terme le processus de démantèlement de la Yougoslavie.
23 Etes-vous satisfait de cette réponse ?
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est ce que vous avez dit tout
25 à l'heure. Je voudrais que Monsieur Milosevic vous fasse arriver de façon
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1 plus rapprochée vis-à-vis des questions que nous sommes en train d'examiner
2 ici.
3 Posez une autre question, Monsieur Milosevic.
4 M. MILOSEVIC : [interprétation]
5 Q. Quel était l'arrière-plan ou la toile de fond politique pour ce qui
6 concerne l'attitude de l'occident vis-à-vis de la situation spécifique
7 prévalant en Bosnie-Herzégovine puisque ceci se trouvait au centre de
8 l'attention ?
9 R. Il était évident que l'on pouvait parler de fondement humanitaire,
10 aussi bien, je ne le nie pas. Soit il était évident que le fondement
11 politique, les bases politiques, partaient d'une supposition disant que
12 l'occident a estimé Milosevic en sa qualité de leader de la Serbie -- de
13 garder la Yougoslavie ensemble, ce qu'elle avait été jusque-là. On a
14 supposé que son objectif avait été celui de créer une Grande Serbie.
15 C'était l'idée que nos collègues occidentaux se faisaient. Toutefois, je ne
16 partage pas ce point de vue-là du tout.
17 Q. Pouvez-vous nous confirmer le fait que cette idée de Grande Serbie n'a
18 jamais été présente dans les plans dressés par notre état ?
19 R. Je peux répondre à votre question de la façon suivante. Je vais d'abord
20 me référer à mes conversations directes, les conversations que j'ai eues
21 avec vous en direct, le 8 janvier 1993. C'est là la première fois que j'ai
22 rencontré M. Milosevic. J'étais venu à l'avion à Belgrade suite à des
23 instructions émanant du président Yeltsin, après la présentation à la
24 conférence de Genève d'un plan de Vance-Owen en date du 3 janvier. Ce plan
25 avait pour objectif des solutions aux tensions en Bosnie-Herzégovine.
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1 Dans le cadre des entretiens avec M. Milosevic, il a d'abord estimé
2 qu'il fallait stabiliser la situation en Serbie pour stabiliser la
3 situation en Bosnie. Il a également indiqué qu'en l'absence d'une solution
4 pacifique à la crise bosniaque, il pouvait y avoir non seulement une crise
5 extérieure vis-à-vis de la Serbie, mais aussi une crise interne à la
6 Serbie, vu la présence de bon nombre d'éléments hostiles.
7 Quand je lui ai demandé s'il avait des plans en corrélation avec une
8 Grande Serbie, il l'a nié de façon explicite. Il a indiqué que ceci ne
9 pouvait faire partie que d'une théorie au prix d'une effusion de sang
10 énorme. Il a indiqué qu'il n'avait pas l'intention de le faire.
11 Après cette visite à Belgrade, nous sommes tombés d'accord tous les
12 deux, et Milosevic a été d'accord notamment pour ce qui est d'aller à
13 Genève pour y participer à une conférence de paix. Au début, il n'était pas
14 très disposé à aller à Genève, parce qu'il estimait qu'il lui serait
15 difficile de le faire alors qu'une campagne très virulente et une campagne
16 anti-serbe, notamment se déroulait dans les médias.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je voudrais vous poser une question.
18 S'agissant de cette réunion à Belgrade de janvier 1993, réunion à laquelle
19 vous vous êtes entretenu avec M. Milosevic sur cette question de la Grande
20 Serbie, qu'avez-vous compris au sujet de ce concept ? En termes pratiques,
21 que cela voulait-il dire pour vous ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] La réunification de la totalité des Serbes
23 vivant en Yougoslavie dans un seul et même état.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, oui.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux continuer, Monsieur le
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1 Président ?
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Vous avez mentionné --
5 R. Attendez, je m'excuse. Je n'ai pas terminé ma réponse précédente.
6 M. Milosevic est ensuite parti à Genève. Son comportement à Genève, tel que
7 je le vois, confirme le chemin qu'il s'était tracé sur le plan politique
8 pour stabiliser le Kosovo. Il est arrivé à Genève au moment où la Republika
9 Srpska, à savoir, les autorités de cette Republika Srpska, avait déjà
10 rejeté une proposition, une proposition du premier article de la
11 constitution de Bosnie-Herzégovine. Ce dont on discutait lorsqu'il est
12 arrivé portait sur le partage territorial de la Bosnie.
13 Sa conduite, par la suite, ainsi que les développements de la
14 situation par la suite, confirme que son intention était celle d'accepter
15 le plan de Vance-Owen. Même lorsque la situation en Krajina serbe est
16 devenue plus tendue encore à l'égard des Croates, il a insisté là-dessus.
17 Lorsque le parlement de le Republika Srpska a adopté une résolution portant
18 sur leur rejet de ce plan et de l'accord, on sait, tout le monde sait, tout
19 un chacun sait comment Belgrade a réagit. Belgrade a pratiquement imposé un
20 blocus économique vis-à-vis de la Republika Srpska en permettant le passage
21 seulement de l'aide humanitaire. Il a qualifié cela comme étant la seule
22 position possible à prendre par quelque personne que ce soit ayant un sens
23 des responsabilités.
24 J'ai suivi la diffusion du discours de M. Milosevic à Genève. Il a parlé
25 là-bas de deux principes pour ce qui est d'un projet de structure
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1 constitutionnelle future de la Bosnie-Herzégovine. D'un, il a été question
2 de trois communautés ethniques et de questions à résoudre par consensus.
3 Cela témoigne clairement du fait qu'il n'avait pas de planning ou qu'il
4 n'avait pas envisagé d'action visant à la création d'une Grande Serbie.
5 Q. Monsieur Primakov, dans cette réponse vous avez mentionné le fait qu'il
6 y avait une campagne anti-serbe virulente dans les médias. Veuillez nous
7 indiquer quelles sont les appréciations et les impressions que vous vous
8 êtes faites à l'époque ?
9 R. Je me souviens d'un programme que j'ai suivi à la télévision, programme
10 qui a été diffusé dans tous les pays occidentaux au mois de décembre juste
11 avant mon arrivée. Ce programme a montré un grand groupe de gens assistant
12 aux funérailles de quelqu'un. On a dit que les gens enterrés étaient des
13 victimes du génocide serbe. Cependant, dans le cortège funèbre, on a pu
14 voir des prêtres orthodoxes.
15 Par la suite, il a été présenté des excuses et il a été dit qu'il y a
16 eu une confusion, que c'était plutôt l'inverse qui s'était produit. A mon
17 avis, ce sont les Serbes qui ont été décrits comme étant les agresseurs, et
18 cela a été fait de façon intentionnelle.
19 Q. Quelle a été l'attitude générale adoptée par les médias occidentaux
20 vis-à-vis les Serbes ?
21 R. J'ai déjà répondu, à mon avis, à cette question. L'attitude occidentale
22 a été extrêmement négative. Je parle de l'attitude générale adoptée par les
23 médias occidentaux. Je crois que ces choses sont notamment connues.
24 Q. Vous êtes en train de témoigner ici comme nous l'avons précisé
25 auparavant. Vous allez témoigner ici de choses dont vous avez des
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1 connaissances et informations personnelles. Peut-on estimer que c'est la
2 partie serbe qui assume la responsabilité des événements survenus au
3 Kosovo ?
4 R. Vous souhaitez que nous parlions du Kosovo, Monsieur Milosevic.
5 Q. Je vais revenir sur certains points. Je souhaitais simplement vous
6 poser cette question, celle-ci en particulier.
7 R. Voyez-vous, le Kosovo, d'après moi, était un endroit où les événements
8 ont témoigné de l'escalade du terrorisme et du séparatisme kosovar. Les
9 initiateurs et les provocateurs de nombreux événements au Kosovo étaient ce
10 qu'on appelait des membres soi-disant de l'Armée de libération du Kosovo
11 qui, cela étant dit, a été placé sur la liste des organisations terroristes
12 par les Etats-Unis. Après que cette armée ait déployé ses activités de
13 façon intense, qui s'appuyait sur les volontaires et les armes fournis par
14 l'Albanie, ceci est apparu de façon de plus en plus claire après l'année
15 1997, suivi par les renforts et des armes fournis par l'Europe, ils ont
16 commencé à repousser l'armée et la police serbe qui a riposté et qui les a
17 chassé de certains villages. Les pertes en hommes étaient du côté des
18 Albanais dans leurs villages. Les initiateurs de tout ceci étaient les
19 membres de l'Armée de libération du Kosovo.
20 Si vous me posez une question à propos de l'attitude des occidentaux,
21 j'ai déjà dit au début que cette armée que l'on pouvait qualifier
22 d'organisation terroriste, a, plus tard, été étiquetée comme un instrument
23 de liberté pour la population albanaise, la liberté et justice.
24 Je crois que les hommes politiques occidentaux ont mis un certain
25 temps à arriver à cette conclusion avec l'Allemagne en tête à l'époque, qui
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1 oeuvrait dans le sens d'un retour au Kosovo d'un nombre important
2 d'Albanais qui avaient quitté le Kosovo et qui travaillaient en Allemagne à
3 ce moment-là. C'était devenu un problème interne et difficile à résoudre
4 pour l'Allemagne. C'est la raison pour laquelle les pays occidentaux ont
5 adopté cette attitude-là vis-à-vis de l'UCK.
6 Q. Merci, Monsieur Primakov. Je voulais que cette question d'ordre général
7 soit posée. Je vais maintenant revenir à la crise en Bosnie-Herzégovine.
8 Dites-moi, quelles ont été les raisons pour lesquelles vous êtes
9 parvenu à cette conclusion, à savoir que la crise en Bosnie-Herzégovine ne
10 pouvait pas être gérée par le biais de moyens militaires ?
11 R. Monsieur Milosevic, ce n'est pas seulement la conclusion à laquelle je
12 suis arrivé moi-même. Monsieur le Juge, ne m'a pas autorisé à lire mes
13 notes manuscrites que j'avais prises en présence de M. Woolsey le chef de
14 CIA. C'était également la conclusion à laquelle était parvenue la CIA.
15 Autrement dit, il n'y a pas de solution militaire à la crise en Bosnie-
16 Herzégovine. En réalité, il y avait trois communautés ethniques qui se
17 battaient entre elles, chacune défendant ses propres intérêts. Pour
18 l'essentiel, il s'agissait d'un seul et même peuple, d'une seule et même
19 nation qui était divisée par son appartenance ethnique et sa religion. Il
20 était impossible de traiter cette question avec des moyens militaires, car
21 ceci conduirait inéluctablement à ne pas servir les intérêts de l'un ou
22 l'autre groupe. Ceci changerait beaucoup les intérêts de l'un ou l'autre,
23 soit des deux, soit de l'un. C'est la raison pour laquelle les deux groupes
24 souhaitaient s'unir, à savoir, les Croates et les Musulmans. Ils
25 s'opposaient aux Serbes.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Primakov, ce n'est pas
2 l'intention de la Chambre ou du Juge de ne pas vous permettre de lire les
3 notes manuscrites que vous avez prises en présence du chef de la CIA. M.
4 Milosevic ne peut pas simplement vous poser des questions précises là-
5 dessus. C'est tout.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] J'entends bien.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous pouvez
8 poursuivre.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. D'après l'échange que vous avez eu avec M. Woolsey, vous avez quelques
11 notes manuscrites, et vous souhaitiez nous les lire. Si vous pensez que
12 ceci vous permet de compléter votre réponse ou d'y ajouter quelque chose,
13 je vous en prie, lisez ces extraits. Si vous estimez que cela n'ajoute
14 rien, à ce moment-là, nous pouvons poursuivre.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, c'est un terrain
16 sur lequel nous sommes déjà allés. Si le témoin va lire ses notes, il va
17 falloir que vous produisiez des éléments de preuve. Il faut clairement à
18 quel moment ces notes ont été prises, et il faut nous fournir le contexte
19 dans lequel ces notes ont été rédigées.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que j'avais compris à l'origine était que M.
21 Primakov avait déjà expliqué tout ceci. Il parle des notes qu'il a prises
22 lorsqu'il a eu cette conversation avec son homologue américain, le chef de
23 la CIA, en 1993.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà souligné un certain nombre de points
25 qui découlent de cette conversation de ces notes. Je n'ai pas l'intention
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1 d'y revenir avec votre permission.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Très bien. Nous allons poursuivre. D'après vous et d'après des
4 différentes données dont vous disposiez alors, quelles étaient les raisons
5 qui avaient provoqué la guerre en Bosnie-Herzégovine ? Quel type de guerre
6 s'agissait-il ?
7 R. Si vous parlez de cette guerre, il s'agissait d'une guerre civile,
8 nourrie par une intervention extérieure.
9 Q. Merci, Monsieur Primakov. Les contacts que vous avez eus, contacts
10 positifs que vous avez eus lorsque vous avez eu ces conversations avec M.
11 Woolsey, ces contacts se sont-ils poursuivis ?
12 R. Malheureusement, pas au niveau que nous avions en 1993. Ces contacts
13 ont cessé en réalité au début de l'année 1994, et nous sommes passés à un
14 simple échange de renseignements. Pendant un certain temps, je crois que si
15 la situation était restée la même, et si nous avions continué à avoir
16 d'échange au niveau où nous l'avions en 1993, à savoir des visites de nos
17 représentants à Washington, aux fins de négocier à propos des solutions
18 éventuelles à la question de la Bosnie-Herzégovine, je pense que ces
19 pourparlers étaient assez constructifs. S'ils avaient pu poursuivre ces
20 négociations-là, je pense que ceci aurait eu une incidence forte sur les
21 différentes politiques adoptées par les différents pays.
22 Q. Monsieur Primakov, j'ai voulu simplement vous dire que j'attends que
23 votre réponse soit traduite. C'est la raison pour laquelle nous faisons une
24 pause entre les questions et les réponses.
25 R. J'entends bien, Monsieur Milosevic.
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1 Q. Monsieur Primakov, vous souvenez-vous à la veille des élections en
2 Serbie, et à la suite de tout ceci en décembre 1992, il y a eu une réunion
3 organisée par l'OTAN à Bruxelles. Vous souvenez-vous des discours qui ont
4 été tenus lors de ces réunions ?
5 R. D'après les éléments dont nous disposions à l'époque, les critiques de
6 la Serbie allaient bon train et certains représentants lançaient même des
7 appels aux fins d'utiliser la force contre la Serbie à tel point que de
8 telles déclarations étaient rendues publiquement. Nous avons estimé qu'à ce
9 moment-là, c'était une tentative qui visait à exercer une certaine pression
10 sur les élections qui allaient se tenir en Serbie et au Monténégro. Je
11 pense qu'à ce moment-là, il s'agissait d'une position de force. Il
12 s'agissait d'obtenir une solution politique suite aux élections, et que le
13 résultat des élections conviendrait aux pays occidentaux.
14 Q. Si je vous ai bien compris ou je vais peut-être poser ma question
15 différemment. Ces positions adoptées à Bruxelles, s'agissait-il simplement
16 d'une question de propagande ?
17 R. Il s'agissait à la fois de propagande, et c'état également le début
18 d'une nouvelle ligne politique adoptée par Bruxelles.
19 Q. Vous avez dit qu'il s'agissait également d'une certaine pression
20 exercée sur le plan politique. Est-ce que je vous ai bien compris ?
21 R. Oui, vous m'avez bien compris.
22 Q. Merci. Vous connaissiez la position de Belgrade et vous connaissiez ma
23 propre position également, n'est-ce pas ?
24 R. Oui. Je connaissais votre position, et je me suis exprimé à cet égard.
25 J'ai déjà parlé de la première réunion que nous avons eue en 1993. J'ai
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1 continué à être tenu informé de votre position politique au cours de
2 différentes réunions que nous avons eues par la suite. En substance, votre
3 position se résumait à ceci : vous ne vouliez pas que les intérêts des
4 Serbes en Bosnie-Herzégovine soient touchés au cours du conflit qui faisait
5 rage en Bosnie-Herzégovine. En même temps, je savais que vous vouliez une
6 solution pacifique, qui est en fait la position que vous avez adoptée lors
7 des négociations des accords de Dayton.
8 Moi-même, je n'ai pas été présent lors de ces négociations, mais je
9 me suis entretenu avec un de mes collègues alors que j'étais déjà premier
10 ministre. Je me suis entretenu avec Madeleine Albright, secrétaire d'état
11 américain. Je lui ai posé cette question, et je lui ai dit : "Pensez-vous
12 qu'à Dayton, vous auriez pu réussir à stabiliser la situation en Bosnie si
13 Milosevic ne jouait pas le rôle qu'il joue ?" Elle a répondu sans équivoque
14 : "Non. Sans Milosevic, nous ne pourrions pas aboutir à quelque chose de
15 positif."
16 Q. Comment la Russie a-t-elle évalué la situation et quelle position la
17 Russie a-t-elle adoptée, eu égard à notre position et nos efforts aux fins
18 de parvenir à une solution pacifique en Bosnie-Herzégovine ?
19 R. La Russie a sans équivoque adoptée la position en vertu de quoi il
20 était nécessaire d'arriver à une stabilisation, pour éviter un bain de sang
21 en Bosnie-Herzégovine. Tout ce qui pouvait être obtenu sur le plan
22 politique pour arriver à ceci, et tout ce que Milosevic a fait dans ce sens
23 pour essayer d'arriver à une stabilité était soutenu par la Russie, pour
24 autant que les principes adoptés par Milosevic avec lesquels la Russie
25 était d'accord.
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1 A cet égard, j'aimerais dire que lors de la première réunion que j'ai eue
2 avec M. Milosevic, suite à la directive votée par le président Yeltsin le
3 14 janvier, un représentant de la République fédérale de Yougoslavie devait
4 dire à M. Milosevic que le président de Russie voyait favorablement la
5 position de Milosevic et ses efforts pour parvenir à une solution pacifique
6 de la question de la Bosnie. Il a donné l'ordre, ou encouragé nos agences.
7 de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que la position vis-à-vis
8 de Belgrade change au sein de certains pays, y compris les pays islamiques,
9 et que ceci devrait favoriser une solution pacifique en Bosnie-Herzégovine.
10 Telle était la déclaration faite par notre gouvernement, qui a été
11 transmise à la République fédérale de Yougoslavie, à qui on a demandé de
12 transmettre ceci au président Milosevic.
13 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, j'observe que le témoin
14 lit régulièrement à partir de morceaux de papier qu'il a. A une occasion,
15 je crois qu'il semblait lire d'une note ou quelque chose. A d'autres
16 reprises, il s'agit simplement des notes préparatoires pour ce témoignage.
17 Il serait peut-être utile de savoir à partir de quoi le témoin lit de temps
18 en temps.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic et Monsieur
20 Primakov, vous avez entendu ce que viens de dire le Procureur. Vous ne
21 devez pas lire des notes, à moins que ceci ait été porté à l'attention de
22 la Chambre de première instance auparavant et doit recevoir l'autorisation
23 de la Chambre de première instance. Si vous lisez à partir d'une quelconque
24 note, il faut nous le dire et il faut nous dire également dans quelles
25 circonstances cette note a été rédigée, ce qui nous permettra de décider,
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1 si oui ou non, vous pouvez lire à partir de cette note.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Je voulais tout simplement dire que
3 ces consignes sont des consignes que j'ai transmises à M. Milosevic par
4 l'intermédiaire de notre représentant. Je l'ai fait suite aux instructions
5 que j'avais moi-même reçues de la part du président Yeltsin.
6 Je ne pense pas qu'il s'agisse là d'un document qui peut être présenté
7 devant la Chambre. Il s'agit là d'un document qui ne peut être compris que
8 par certaines personnes parce qu'il en langage codé.
9 Si on m'avait demandé de témoigner ici aujourd'hui, en tant que témoin, et
10 comme vous le savez, j'ai dirigé les services de Renseignement à
11 l'étranger, j'étais ministre des Affaires étrangères, et j'étais premier
12 ministre de Russie, par conséquent, je pense qu'un Tribunal doit me faire
13 confiance.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La confiance est une chose, Monsieur
15 Primakov, mais nous avons des règles de procédure et de preuve que nous
16 devons respecter. Toutes les fois que vous allez lire, à partir de vos
17 notes à l'avenir, il faut absolument que ceci soit porté à l'attention de
18 la Chambre avant cela.
19 Monsieur Milosevic, vous devez garder ceci à l'esprit. Vous devriez le
20 savoir maintenant, car c'est quelque chose que nous avons déjà abordé.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, vous avez vu de vous-même
22 que M. Primakov a lu les instructions données par son service et les
23 questions concernant l'OTAN et sa propre opinion. Il a lu à partir des
24 documents qui étaient des instructions qu'il avait reçues.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, en fait, ce
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1 n'est pas là la question importante. La question importante est de savoir à
2 partir de quoi il lit. La règle veut que les éléments de preuve doivent
3 venir de lui-même, c'est lui qui doit le dire. Il lit à partir de notes
4 qu'il a prises, et la Chambre de première instance doit savoir qu'il s'agit
5 de notes. Le Procureur souhaitera peut-être le contre-interroger sur ce
6 point.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation] Monsieur Primakov.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vais clarifier un
11 point, s'il vous plaît.
12 Monsieur Primakov, le document à partir duquel vous avez lu, s'agit-il d'un
13 document original, d'une interprétation, pardonnez-moi, s'agit-il de notes
14 que vous avez prises aux fins de préparer cette déposition ou s'agit-il de
15 notes qui sont une traduction d'un message codé que vous souhaitez
16 présenter au Tribunal ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'instructions littérales que j'ai
18 transmises à notre représentant de façon à ce que le point de vue de la
19 Russie à propos du voyage de M. Milosevic à Genève puisse être connu de
20 tous et que ceci puisse être transmis à M. Milosevic.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous n'êtes pas en mesure de
22 remettre ce document à la Chambre ou l'êtes-vous ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme vous le savez sans doute, Monsieur le
24 Juge, ces documents ne sont pas à proprement parler des documents. Il
25 s'agit de télégrammes codés, et aucun état ne divulguerait son système même
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1 après un certain nombre d'années. C'est un langage codé et c'est ce que
2 j'ai transmis à nos représentants à Belgrade.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur Primakov, vous avez cité mot pour mot les éléments que vous
5 avez transmis; est-ce exact ?
6 R. Oui, Monsieur Milosevic.
7 Q. Merci beaucoup. Pour reprendre. Vous souvenez-vous de cette réunion que
8 nous avons eue deux mois après la première réunion ?
9 R. Oui, je me souviens bien de cette réunion. Je m'en souviens bien.
10 Q. Cette réunion a-t-elle permis de contribuer à une solution pacifique ?
11 R. Au cours de cette réunion, vous avez confirmé, encore une fois, votre
12 intention de respecter la ligne politique adoptée par le plan Vance-Owen.
13 C'était là la question importante d'après moi, en tout cas, c'est la
14 question qui a été débattue lors de cette conversation.
15 Q. Nous allons maintenant parler du Kosovo. Je ne vous ai posé qu'une
16 question d'ordre général à propos du Kosovo et qui portait sur la question
17 de la responsabilité. Vous m'avez répondu, vous avez parlé des séparatistes
18 et des activités terroristes. La question que je vous pose maintenant est
19 comme suit : les Russes étaient-ils au courant des préparatifs des
20 terroristes et de leurs différentes activités menées dans cette province;
21 et jusqu'à quel point la Russie a-t-elle été tenue informée de tout ceci ?
22 R. Nous étions tenus au courant des événements qui se déroulaient. Nous
23 étions tenus au courant du fait que les soldats étaient envoyés en renfort
24 depuis l'Albanie. Néanmoins, je dois dire que l'Albanie elle-même n'a pas
25 soutenu le séparatisme au Kosovo depuis le début.
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1 En 1996, lors d'une réunion de l'assemblée générale, j'ai rencontré le
2 ministre des Affaires étrangères d'Albanie, qui m'a dit que la politique
3 albanaise voulait que le Kosovo soit intégré au reste de la Yougoslavie. En
4 tant que ministre des Affaires étrangères, j'étais tout à fait en faveur de
5 cela. Néanmoins, les positions ont changé par la suite à cause des
6 événements qui se déroulaient en Albanie, à l'époque. Il y avait de
7 nombreux troubles et la situation était chaotique à ce moment-là. Les
8 forces qui appuyaient l'UCK devenaient de plus en plus importantes à ce
9 moment-là. Ceci est un fait bien connu.
10 Q. La position de l'Albanie est quelque chose que vous avez déjà expliqué.
11 Avez-vous débattu de la question du Kosovo avec les dirigeants
12 occidentaux ?
13 R. Nous avons eu une discussion à ce propos avec des dirigeants
14 occidentaux et à toutes les réunions du Groupe de contact, et il y a une
15 réunion à laquelle j'ai participé en tant que ministre des Affaires
16 étrangères. Je pense que plusieurs réunions de ce type pourraient être
17 citées ici, les réunions qui témoignaient du fait qu'il y avait une
18 confrontation d'idées, quelquefois cela menait à un différent, car il était
19 clair que tout le monde comprenait quelle était la situation au Kosovo.
20 Le 24 septembre, c'est la première fois que j'ai pris part à une de ces
21 réunions du Groupe de contact. Je ne lis pas à partir d'un document, mais
22 je lis à partir de mes notes. Suis-je autorisé à le faire ?
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quand avez-vous pris ces notes ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai pris ces notes hier, Monsieur le
25 Président.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vous pouvez lire à partir de
2 ces notes.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne lis pas mes notes. Je regarde simplement
4 ceci, mais je ne lis pas mes notes.
5 Le 24 septembre 1997, la première réunion du Groupe de contact auquel
6 j'ai pris part, et sur proposition de Klaus Kinkel qui était ministre des
7 Affaires étrangères allemand, nous avons adopté la première déclaration du
8 Groupe de contact. Comme cela est un fait bien connu, cette déclaration ne
9 parlait pas du Kosovo ni de la Bosnie-Herzégovine. Cette déclaration avait
10 été adoptée au moment où la Yougoslavie était en train d'être démantelée,
11 où les différents conflits ont vu le jour. Cette première déclaration a été
12 adoptée sur le Kosovo. C'était une déclaration d'ordre général. Le texte
13 avait été clairement rédigé, et cette déclaration reconnaissait qu'il
14 s'agissait-là d'un conflit interne. Ce document faisait état d'inquiétudes
15 car la situation n'était pas suffisamment réglementée.
16 A la fin du mois de février 1998, la situation au Kosovo est devenue
17 de plus en plus tendue. A cause de cela, une autre réunion du Groupe de
18 contact a été tenue à Londres le 8 mars. J'ai également participé à cette
19 réunion-là. A ce moment-là, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont
20 proposé d'appliquer des sanctions économiques contre la Yougoslavie. Nous
21 avons tenté de nous assurer que ces sanctions ne s'appliquent qu'à la
22 fourniture d'armes à la Yougoslavie. Ceci a été confirmé par mes collègues
23 des pays occidents. Ceci ne s'appliquait pas seulement à la Yougoslavie, à
24 la Serbie, mais au Kosovo également.
25 Je crois bon d'évoquer une autre réunion ici, une autre réunion du
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1 Groupe de contact qui s'est tenue à Bonn le 25 mars, au niveau des
2 ministres des Affaires étrangères. Lors de cette réunion, des accords assez
3 importants se sont faits jour.
4 Evidemment, ce sont les Américains qui ont joué le rôle le plus
5 important ce jour-là. La position adoptée à Bonn ne nous a pas convenu car
6 elle était déséquilibrée. Elle ne rendait pas compte fidèlement de la
7 réalité. J'ai refusé d'accepter le libellé de ce texte. A ce moment-là,
8 Kinkel s'est avéré un homme politique très sage, à savoir qu'il a
9 finalement réussi à obtenir un consensus en aplanissant tous les
10 désaccords. Finalement, le texte adopté était relativement équilibré.
11 A la réunion suivante, toute une série de mesures de stabilisation
12 ont été adoptées. Une condamnation du terrorisme albanais a été exprimée.
13 Je puis également vous donner d'autres renseignements au sujet de ce qui a
14 été discuté lors de ces réunions du Groupe de contact. Tous renseignements
15 qui confirment que les pays occidentaux souhaitaient augmenter les
16 pressions exercées sur la Serbie, sur la Yougoslavie, par le biais d'un
17 système de sanctions économiques que nous n'approuvions pas. Nous avons
18 fait connaître notre opinion, à savoir que nous étions opposés au gel des
19 avoirs, et que nous étions opposés à une interdiction de nouveaux
20 investissements en Yougoslavie. C'était notre position; nous l'avons fait
21 connaître. Afin de ne pas saboter complètement les efforts déployés, nous
22 avons, néanmoins, adopté les résolutions qui, à notre avis, présentaient
23 l'ensemble de ces efforts de façon plus équilibrée.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Désormais, il conviendrait que
25 vos réponses soient un peu plus courtes.
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1 Monsieur Milosevic, veuillez poser davantage de questions au témoin,
2 car les Juges ne profitant en rien de réponses aussi longues que celles-ci.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est pour gagner du temps que je suis parti du
4 principe que lorsque le témoin parlait des différentes réunions du Groupe
5 de contact, il eut été insensé que je demande à Monsieur Primakov de nous
6 parler d'abord des réunions du Groupe de contact qui se sont tenues dans le
7 cadre de la tenue de l'assemblée, ensuite, des réunions du Groupe de
8 contact qui se sont tenues à Bonn, ensuite, à Londres, etc. Cela aurait
9 duré très longtemps. Personnellement, je pensais qu'il était intéressant
10 d'entendre ce qu'il a dit lorsqu'il a décrit en quelques mots ces diverses
11 réunions et les conclusions qui ont été prises à l'issue de chacune de ces
12 réunions.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Monsieur Primakov, pouvez-vous nous dire, je vous prie, si à l'issue de
15 ces différentes réunions du Groupe de contact, de nouvelles pressions ont
16 été exercées sur la Yougoslavie ?
17 R. Je ne saurais donner mon accord au fait que les efforts du Groupe de
18 contact ont en quoi que ce soit alimenté l'irrédentisme de l'extérieur.
19 Néanmoins, certains épisodes l'ont effectivement fait. Je vais vous donner
20 quelques exemples. D'abord, le fait de dépeindre les combattants de l'UCK
21 comme des hommes qui étaient en train de se battre pour la justice.
22 Deuxième exemple, les efforts déployés par nos partenaires occidentaux pour
23 éviter à tout prix d'évoquer le fait que la question du Kosovo devait être
24 résolue à l'intérieur de la Yougoslavie. Ce sujet était évité à tout prix.
25 Les représentants occidentaux parlaient de la Yougoslavie sans dire
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1 un mot de la Serbie. C'est dans ce genre de choses que nous-mêmes et
2 d'autres, d'ailleurs, avons pu constater que les solutions tentées étaient
3 des solutions partielles, des solutions inachevées qui ne pouvaient
4 conduire qu'à la séparation du Kosovo dans le but, finalement, de
5 transformer le Kosovo en une nouvelle République; la République fédérale
6 Yougoslave.
7 Q. Très bien. Est-ce que oui ou non a nourri le séparatisme,
8 l'irrédentisme depuis l'extérieur ?
9 R. Oui, en effet.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Primakov vient de citer deux exemples. Il a
11 parlé du fait que les combattants de l'UCK étaient présentés comme des
12 hommes se battant pour la justice, et il a parlé des tentatives déployées
13 pour éviter de parler de la nécessité de résoudre le problème à l'intérieur
14 de la Yougoslavie et de la Serbie. Moi, dans mes écouteurs, j'ai entendu
15 utiliser le mot "épisode" pour ces deux exemples. Or, il n'a pas dit
16 "épisode."
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous évoquez un problème
18 d'interprétation, Monsieur Milosevic.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui. J'ai entendu dans mes écouteurs,
20 qu'en rapport avec ces deux exemples, il a prononcé le mot "d'épisode." Or,
21 il n'a pas employé le mot "épisode." M. Primakov n'a pas employé ce mot. Il
22 a employé le mot deux facteurs.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Veuillez poursuivre.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'avez-vous dit effectivement,
25 Monsieur Primakov ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas parlé d'épisode; j'ai dit qu'il y
2 avait un certain nombre d'activités menées au sein du Groupe de contact
3 qui, objectivement, ont alimenté l'irrédentisme.
4 M. MILOSEVIC : [interprétation]
5 Q. Je ne voudrais pas rentrer dans les détails, mais je vous demande si
6 vous vous rappelez ce qui s'est passé au moment de la réunion du Groupe de
7 contact à Bonn. Pendant que cette réunion avait lieu, que se passait-il
8 dans les rues de Bonn ?
9 R. Si vous vous intéressez à ce qui se passait aux alentours de la
10 réunion, je puis vous dire, que lorsque Klaus Kinkel m'a invité dans son
11 bureau et que nous avons commencé à discuter d'un certain nombre de
12 libellés possibles, il y avait dans les rues de Bonn des gens qui
13 manifestaient pour exprimer leur opinion. Kinkel m'a dit : Voyez-vous dans
14 quelle pression je suis contraint de travailler ? Je lui ai dit répondu :
15 Pourquoi est-ce que vous n'annonceriez pas que vous allez mettre par écrit
16 le nom de tous les manifestants, après quoi, tous ces manifestants
17 quitteront les rue. Car les gens qui participaient à ces manifestations, il
18 était tout à fait clair qu'ils n'avaient aucune envie de retourner au
19 Kosovo. D'ailleurs, les événements l'ont confirmé par la suite. Toutes ces
20 personnes ont continué à vivre en Allemagne, étant donné que l'Allemagne à
21 un niveau de vie bien supérieur à celui du Kosovo.
22 Q. Bien sûr, vous avez discuté du Kosovo au niveau des relations que vous
23 aviez au sein du Groupe de contact avec d'autres ministres, mais vous en
24 avez également discuté avec votre homologue américain, n'est-ce pas, le
25 vice-président Al Gore ?
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1 R. Oui, c'est exact.
2 Q. Je vous demanderais de bien vouloir dire comment lui et vous abordiez
3 ce problème du Kosovo et Metohija au cours de vos conversations. Quelles
4 étaient ses positions à lui sur les gens qui quittaient le Kosovo et
5 Metohija, et quelle était votre position à vous sur ces mêmes réfugiés ?
6 R. Cette conversation que j'ai eue avec lui s'est déroulée peu après le
7 début des frappes aériennes, mais ce n'était pas la première conversation
8 que j'avais avec M. Gore.
9 Gore affirmait que des millions de réfugiés albanais quittaient le Kosovo
10 en passant les montagnes au prix de très grandes souffrances, et que
11 c'était là la raison qui avait motivé les frappes aériennes. Je lui ai
12 répondu en lui disant, que me fondant sur les renseignements mis à ma
13 disposition, le flux de réfugiés avait atteint son niveau le plus important
14 précisément après le début des frappes aériennes. A cela, il a
15 immédiatement rétorqué que c'était une exagération, car il ne pouvait pas y
16 avoir un million de réfugiés provenant du Kosovo, compte tenu de la
17 population totale du Kosovo.
18 Q. J'aimerais que nous tirions un point au clair, Monsieur Primakov. Si je
19 vous ai bien compris, vous dites que le motif qui a provoqué les
20 bombardements, ce sont les réfugiés; c'est bien cela ?
21 R. Bien sûr. Il y a d'autres raisons qui ont fait que certaines personnes
22 sont devenues des réfugiés. Mais le départ massif à très grande échelle, ce
23 processus dont on nous a parlé dans certains renseignements que nous avons
24 reçus, ce processus à grande échelle a commencé après le début des frappes
25 aériennes. D'ailleurs, les réfugiés eux-mêmes ont confirmé cela. Je parle
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1 des réfugiés qui ont fait des déclarations publiques. Ils ont expliqué que
2 leur départ avait été dû aux bombardements.
3 Q. Pouvez-vous me dire très rapidement quelle était la position de la
4 Russie par rapport à l'embargo sur les armes ?
5 R. J'ai déjà dit, Monsieur Milosevic, que nous considérions qu'il y avait
6 nécessité de s'abstenir de livrer des armes pas seulement à la Yougoslavie,
7 mais également au Kosovo où ces armes pouvaient être utilisées et mal
8 utilisées par les irrédentismes, par les séparatistes.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, l'heure de la
10 pause est arrivée.
11 M. le Juge Bonomy, souhaite poser une question avant la suspension.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Primakov, peu après le début
13 de votre déposition, vous avez parlé de deux documents. L'un d'entre eux
14 était un télégramme qui, si j'ai bien compris, a été envoyé à un certain
15 nombre de sources que vous aviez dans divers pays. L'autre était une
16 feuille sur laquelle vous aviez mis par écrit des notes liées à votre
17 rencontre avec M. Woolsey. Vous avez donné l'impression que vous étiez en
18 mesure de remettre ces documents au Tribunal.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Si c'est nécessaire, je peux le faire.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Je souhaitais simplement
21 m'assurer de cela. Bien sûr, il appartient à M. Milosevic de décider s'il
22 va en demander le versement au dossier ou pas.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Suspension de 20 minutes.
24 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.
25 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez
2 poursuivre.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur Primakov, quelle était la position de Mme Madeleine Albright,
5 lors de la réunion du Groupe de contact au niveau ministériel à Bonn le 25
6 mars ?
7 R. Monsieur Milosevic, Mme Albright représentait les Etats-Unis durant les
8 réunions du Groupe de contact, et elle a insisté pour que soit adoptée une
9 résolution qui prônait l'intensification des pressions sur Belgrade. Cette
10 résolution envisageait qu'éventuellement, le recours à la force soit
11 décidé.
12 Q. Quelle était votre position ce jour-là ?
13 R. J'ai déjà dit que notre position s'est résumée à rejeter toute réaction
14 unilatérale aux événements de Kosovo. D'autant plus, d'ailleurs, on était
15 loin d'avoir utilisé toutes les possibilités de règlement politique.
16 Q. Le risque de voir la Russie quitter le Groupe de contact a-t-il été
17 invoqué à ce moment-là ?
18 R. Oui, vous avez raison. Pendant la réunion du Groupe de contact, à un
19 moment où j'ai eu le sentiment que cette résolution risquait d'être
20 adoptée, j'ai dit qu'au cas où elle était adoptée, je ne souhaiterais plus
21 faire partie des participants pour éviter d'apporter mon soutien
22 indirectement à cette résolution. J'ai dit que j'étais prêt à quitter la
23 réunion. Ensuite, Kinkel m'a invité dans son bureau et a donné consigne à
24 son second, Kissinger, de trouver une formulation susceptible de satisfaire
25 tous les membres du Groupe de contact.
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1 Q. A ce moment-là, vous êtes-vous rendu compte que les autres membres du
2 Groupe de contact à vos côtés étaient finalement prêts à recourir à la
3 force contre Belgrade ?
4 R. Oui. Je me suis rendu compte de cela, car nous disposions déjà de
5 renseignements relatifs à des préparatifs de mise en œuvre de l'une des
6 options envisagées par l'OTAN.
7 Q. Vous et moi, nous nous étions déjà rencontrés le 11 mars 1998 au cours
8 d'un entretien assez long. Avez-vous été satisfait des résultats de cette
9 rencontre ?
10 R. Sur le principe, j'étais satisfait des résultants de cette rencontre
11 puisque le lendemain, Milutinovic, qui à l'époque était président de la
12 Serbie, s'est exprimé, et il a dit que la Serbie était prête et désireuse
13 de commencer à négocier avec Rugova. Or, ceci avait été le point principal
14 de notre entretien. En fait, c'était la réponse que nous attendions de
15 vous. Le fait que ce ne soit pas vous qui ayez prononcé cette déclaration,
16 mais que ce soit M. Milutinovic, je ne l'ai tout d'abord pas bien compris.
17 Mais plus tard, j'ai compris que cela s'expliquait par le fait que c'était
18 la Serbie qui avait à traiter la question du Kosovo. Or, c'est Milutinovic
19 qui présidait la Serbie, ce n'était pas vous. Vous à l'époque, vous étiez
20 président de la Yougoslavie.
21 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, l'accusé vient de parler
22 de cette rencontre comme s'étant tenue le 11 mars. Il est possible que lui-
23 même et le témoin souhaitent vérifier d'un peu plus près, car il est
24 possible que cette réunion se soit en fait tenue le 17. C'est peut-être un
25 problème d'interprétation, ou peut-être un erreur dans le document que j'ai
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1 sous les yeux.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 17 mars 1998 est la date effective de cette
3 rencontre.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. A ce moment-là, était-il exact que les tensions étaient en train de
7 diminuer au Kosovo, et que la situation était en train de se normaliser ?
8 R. Je ne dirais pas que la situation était revenue à la normale, mais tout
9 de même, après la déclaration de M. Milutinovic, les tensions ont un peu
10 baissé.
11 Q. Etes-vous au courant du fait qu'à la mi-mai, des pourparlers ont
12 commencé avec Rugova ?
13 R. Oui. C'est un fait bien connu. Il était de notoriété publique que des
14 pourparlers avaient commencé avec Rugova, et que des représentants des deux
15 parties commençaient à se rencontrer à Pristina. Toutefois, une semaine
16 plus tard, quelque chose s'est passé, et en raison de cela, les
17 négociations ont été interrompues. C'est l'UCK qui a provoqué cette rupture
18 des pourparlers, après avoir coupé la principale voix des communications
19 qui reliait la Serbie au Kosovo. L'UCK s'est infiltrée dans les zones
20 frontalières avec l'Albanie où elle s'est établie plus fermement avec
21 création de barrages routiers. Suite à cela, les forces serbes ont été
22 réactivées, et tout cela a coûté très cher à la population civile. En
23 raison de cela, les négociations ont été interrompues.
24 Q. Par la suite, les tensions ont-elles de nouveau baissé et la situation
25 est-elle de nouveau revenue à la normale ?
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1 R. Pendant toute cette période, deux choses se passaient en parallèle.
2 D'une part, il y avait une série d'événements qui rendaient fidèlement
3 compte de la réalité, et qui rendaient possible un règlement politique et
4 pacifique de la situation. Cette première voie se matérialisait de diverses
5 façons. Par ailleurs, il y avait une autre voie, à savoir la prise de
6 position nettement plus rigide des gouvernements occidentaux.
7 Q. Est-ce que je vous ai bien compris ? Est-ce que vous avez bien dit que
8 même si la situation s'améliorait et que la crise se calmait, les pressions
9 n'ont cessé de s'accroître sur Belgrade ? Est-ce que je vous ai bien
10 compris ?
11 R. Sur le principe, oui, vous m'avez bien compris, car le 6 juillet 1998,
12 par exemple, les observateurs diplomatiques internationaux réunis au sein
13 d'une mission ont commencé leur travail. Le Groupe de contact discutait à
14 ce moment-là de la situation du Kosovo. La présence de M. Hill, ambassadeur
15 américain, a été remarquée ce jour-là. Le 13 août, il a annoncé le début de
16 négociations avec les Albanais du Kosovo. C'est mon assistant qui a
17 travaillé sur cette question avec lui. Je parle de M. Afanas'ievskii. Tous
18 les deux ont examiné la possibilité de trouver une solution pacifique.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour le compte rendu de l'audience, Monsieur
20 Robinson, je signale que le nom de cet homme est Afanas'ievskii. En effet,
21 son nom n'a pas été consigné au compte rendu d'audience en anglais de façon
22 exacte. Il a été mal prononcé par les interprètes.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Monsieur Primakov, j'aimerais que nous parlions maintenant de la visite
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1 que j'ai faite à Moscou, au mois de juin 1998. Veuillez, je vous prie,
2 décrire en quelques mots ce qui s'est passé, de quoi nous avons discuté,
3 vous-même, le Président Yeltsin et moi, lors de notre réunion de juin 1998,
4 à Moscou. Quels ont été les résultats et les conséquences de cette
5 réunion ?
6 R. Vous avez reçu une invitation à vous rendre à Moscou pour
7 participer à des entretiens avec le Président Yeltsin d'abord, et ensuite
8 vous avez discuté avec moi, avec le ministre de la Défense et ses
9 collègues. Vous avez discuté d'une déclaration, d'un communiqué commun qui
10 devait traiter d'un certain nombre de points, à savoir, le fait que vous
11 étiez près à autoriser les réfugiés à rentrer à leurs domiciles, le fait
12 que vous étiez prêt à coopérer avec le Haut Commissariat des Nations Unies
13 aux Réfugiés et avec le CICR, la Croix Rouge. Vous avez discuté également
14 de la possibilité pour des représentants d'organisations internationales de
15 se rendre au Kosovo, de votre intention d'entamer des négociations, qui
16 pour la partie serbe, incluraient des représentants de la population serbe
17 du Kosovo et des représentants de la population albanaise, avec Rugova
18 également pour la partie albanaise, à ces négociations.
19 Finalement, nous sommes arrivés à une espèce de point mort au moment
20 où nous discutions des forces spéciales de Serbie et de leur retrait du
21 Kosovo. En effet, vous avez expliqué qu'un retrait unilatéral de ce genre-
22 là était impossible, en arguant du fait que si la chose se produisait, la
23 population serbe du Kosovo fuirait le Kosovo et qu'un génocide commencerait
24 contre les Serbes. Vous avez expliqué que c'est la raison pour laquelle
25 vous n'étiez pas prêt à accepter une telle mesure. Ceci a été consigné dans
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1 la déclaration conjointe.
2 Vous vous êtes engagé à ce que l'armée se retire en échange d'un
3 arrêt des hostilités de la part de l'Armée de Libération du Kosovo.
4 Q. Oui. Ce document existe. Il évoque la notion d'échange. C'est
5 exactement le mot utilisé. Donc, l'armée se retire en proportion de l'arrêt
6 des hostilités de la part de l'UCK. C'est bien cela, n'est-ce pas, Monsieur
7 Primakov ?
8 R. Il y avait cette idée de proportionnalité entre les deux processus,
9 d'une part, le retrait de l'armée yougoslave du Kosovo et d'autre part,
10 l'arrêt des hostilités de la part des albanais du Kosovo.
11 Q. Le texte de cette déclaration a-t-il été respecté de notre part, par
12 nous ?
13 R. Il a été respecté. Il a été mis en œuvre, et je suis convaincu que
14 certains événements qui ont eu lieu au Kosovo par la suite, au Kosovo et
15 dans ses alentours, ont permis de démontrer qu'il était possible de
16 parvenir à un règlement politique. J'ajouterais à ce que j'ai déjà dit,
17 suite à votre dernière question, et j'appelle l'attention de chacun sur ce
18 point, que le président de l'OSCE aujourd'hui, ministre des Affaires
19 étrangères de la Yougoslavie, M. Jovanovic, a signé un accord destiné à
20 mettre en place une mission de vérification de l'OSCE au Kosovo. Le 15
21 octobre, un accord a été signé entre la République fédérale de Yougoslavie
22 et l'OTAN, au sujet de la mise en place d'une surveillance aérienne de ce
23 qui se passait au Kosovo.
24 Le 24 octobre, une résolution du conseil de Sécurité des Nations Unies a
25 été adoptée, qui était un document d'un suivi par rapport à cet accord.
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1 C'est à ce moment, précisément, que nous avons constaté la position très
2 ferme et permanente des Nations Unies qui souhaitait une démarche plus
3 ferme, plus dure.
4 Q. Suite à cela, j'ai une question à vous poser. Y a-t-il des propositions
5 ou des influences qui se sont exercées pour qu'une résolution des Nations
6 Unies soit votée, qui reposerait sur le chapitre VII de la charte ?
7 R. Oui. C'est précisément à ce moment-là que nos partenaires occidentaux
8 ont adopté une position nouvelle, à savoir qu'ils ont défendu l'idée de
9 l'adoption d'une résolution très dure du conseil de Sécurité des Nations
10 Unies, où était invoqué le chapitre VII du statut qui envisage une
11 possibilité d'escalade dans certaines situations, et notamment en l'espèce
12 le recours à la force contre la Yougoslavie.
13 Q. Quelle était votre position ? Quelle était la position de la Russie à
14 cet égard ?
15 R. Sur ce point, je peux dire que la Russie a été contrainte d'une
16 certaine façon à donner son accord à cette position. Afin de corroborer mon
17 propos, j'aimerais vous parler d'une conversation téléphonique que j'ai eue
18 avec Klaus Kinkel, avec lequel j'entretenais une relation d'amitié. Il m'a
19 même envoyé une lettre à ce sujet par le biais de son représentant que j'ai
20 rencontré à Sochi, où je me trouvais à l'époque. Dans cette lettre, il
21 insistait pour que la Russie accepte cette démarche. En dépit de nos liens
22 d'amitié, j'ai vu dans cette lettre un arrière-goût de menace dans ce que
23 disait cette lettre au sujet de ce qui se passerait en cas de refus de la
24 Russie.
25 Q. Qu'avez-vous répondu ?
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1 R. J'ai répondu en disant qu'à mon avis les moyens politiques étaient loin
2 d'avoir tous été utilisés. J'ai souligné que nous devrions rechercher une
3 solution politique, et qu'à nos yeux, évoquer le chapitre VII de la charte
4 était inacceptable, car cela risquait d'ouvrir la voie à une action
5 militaire et au recours à la force contre la Yougoslavie.
6 Q. Vous avez adopté une position négative par rapport à quelque opération
7 éventuellement envisagée contre la Yougoslavie. Vous avez adopté une
8 attitude négative par rapport à la séparation du Kosovo de la Yougoslavie
9 et à l'escalade des sanctions contre la Yougoslavie. Est-ce une façon assez
10 exacte de décrire la position de la Russie à l'époque ?
11 R. Vous venez de décrire d'une façon très exacte la position de la Russie
12 à l'époque.
13 Q. Merci, Monsieur Primakov. Quelle était la situation au sein du conseil
14 de Sécurité à présent ?
15 R. La question était discutée. Une polémique que je considère très
16 infructueuse s'est développée, puisque la résolution n'a pas été adoptée,
17 résolution qui était censée approuver une action militaire contre la
18 Yougoslavie.
19 Q. Monsieur Primakov, dites-moi, je vous prie, si nous-mêmes à Belgrade,
20 avons fait quelque chose pour provoquer le bombardement de l'OTAN sur la
21 Yougoslavie ?
22 R. Voyez-vous, je distingue pour ma part deux aspects différents. Je pense
23 que la Yougoslavie n'a pas pratiqué une politique ferme susceptible de
24 provoquer cela. Toutefois, je pense que certains excès ont été commis, qui
25 pouvaient être évoqués à l'appui de la thèse selon laquelle le cercle
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1 vicieux de la violence n'avait pas été interrompu.
2 En même temps, sur la base des informations dont nous disposions et sur la
3 base des entretiens que j'avais pu avoir avec vous, j'ai constaté que vous-
4 même personnellement et Belgrade, de façon plus générale, vous vous
5 efforciez de maîtriser les forces susceptibles de participer à ce cercle
6 vicieux de la violence.
7 Q. J'aimerais maintenant que nous passions à un autre sujet. La position
8 de la délégation yougoslave à la conférence de Rambouillet en février et
9 mars 1999 est-elle connue de vous ?
10 R. Oui, je connaissais cette position. A l'époque, j'étais déjà premier
11 ministre de la Russie. Bien entendu, cette position n'aurait pas pu
12 m'échapper.
13 Q. A Rambouillet, un ultimatum a-t-il été lancé à la Yougoslavie au sujet
14 du Kosovo ?
15 R. Il est incontestable que l'exigence par rapport à l'adoption d'une
16 résolution à Rambouillet ait été présentée sous forme d'ultimatum. Je dois
17 dire, qu'à notre avis, la résolution dans son ensemble, était un document
18 acceptable pour la Yougoslavie. Mais dans le même temps, il y avait un
19 point qui faisait que les Yougoslaves refusaient d'adopter cette
20 résolution. Ce point, c'était l'exigence d'une présence militaire
21 internationale au Kosovo. C'est en raison de cet adjectif "militaire", que
22 la conférence a explosé, car en arrière-plan de l'utilisation de cet
23 adjectif, on voyait l'intention tout à fait manifeste de l'OTAN d'amener
24 ses forces au Kosovo.
25 Q. J'aimerais vérifier que je vous ai bien compris. A votre avis,
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1 l'objectif réel de la conférence de Rambouillet consistait à déployer les
2 forces de l'OTAN en Yougoslavie. Est-ce que je vous ai bien compris en
3 interprétant ainsi les choses ?
4 R. Oui, c'est cela.
5 Q. Merci, Monsieur Primakov. J'aimerais à présent que vous répondiez à la
6 question suivante : quels étaient les objectifs de votre mission à Belgrade
7 le 30 mars 1999, autrement dit, six jours après le début des bombardements
8 sur la Yougoslavie ?
9 R. J'ai fait le voyage de Belgrade comme me l'avait demandé le président
10 Chirac, de France, qui m'avait appelé par téléphone pour me demander de me
11 rendre à Belgrade. Il m'avait demandé d'y aller pour recevoir, ce sont les
12 mots qu'il a utilisés "suffisamment de signaux de M. Milosevic pour que
13 cessent les bombardements." Lorsque j'ai demandé à M. Chirac au téléphone
14 quelle était la nature des signaux dont il parlait, il m'a répondu, en
15 disant : Au moins des petits signaux." Je lui ai demandé s'il pensait à une
16 signal qui se situerait dans le cadre du Groupe de contact, et il a répondu
17 : Cela au moins.
18 Alors, je suis allé à Belgrade. A Belgrade je me suis entretenu avec
19 M. Milosevic. D'après nous, nous avons reçu le signal en question durant
20 cet entretien. Si l'on devait considérer que l'idée initiale lancée par le
21 président Chirac signifiait un retour garanti des réfugiés à leurs
22 domiciles, la fin des hostilités, et le début des négociations ainsi qu'une
23 surveillance internationale, c'est avec toute cette série de questions à
24 discuter que nous étions censés nous rendre à Bonn pour discuter avec le
25 chancelier Schroeder qui, à l'époque, présidait l'Union européenne. Notre
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1 avion avait à peine décollé que le bombardement de Belgrade a commencé.
2 L'occident, à l'époque, n'avait pas la moindre idée du fardeau que nous
3 avions entre les mains, puisque finalement, les bombardements ont signé la
4 fin des tentatives d'obtention du signal dont avait parlé M. Chirac.
5 J'aimerais ajouter, Monsieur le Président, avec votre autorisation,
6 quelques mots supplémentaires. Lors de cet entretien que j'ai eu avec M.
7 Milosevic à ce moment-là, ce dernier m'a dit : Je suis prêt à retirer
8 toutes mes forces du Kosovo si les forces de l'OTAN se retirent de la
9 frontière de la Macédoine. Ces quelques mots ont été la première fois qu'a
10 été mentionné le deuxième aspect de ces questions corrélées qui auraient pu
11 être très utiles.
12 Q. Si je vous ai bien compris, personne n'avait la moindre intention, ne
13 serait-ce que de vous entendre pour savoir quel avait été le résultat de
14 vos entretiens avec moi.
15 R. Lorsque nous sommes arrivés à Bonn, j'ai moi aussi eu le sentiment que
16 la réponse qui avait été faite à notre proposition d'arrêter les frappes
17 aériennes était déterminée à l'avance. Or, notre proposition reposait sur
18 le signal reçu de M. Milosevic. J'ai eu le sentiment que la réponse était
19 déterminée à l'avance, puisque nous n'avons jamais eu la moindre
20 possibilité, ne serait-ce que de faire savoir au chancelier fédéral ce que
21 nous avions obtenu. Lui n'a jamais eu, ne serait-ce que la possibilité de
22 nous dire que cela ne suffisait pas.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, la Chambre a
24 pris note du désir exprimé par ce témoin de rentrer chez lui aujourd'hui.
25 En fait, c'est vous qui aviez indiqué ce fait. Nous avons pris des
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1 dispositions pour siéger jusqu'à 14 heures 30. Afin d'assurer l'équité et
2 l'égalité entre les parties, je parle ici du contre-interrogatoire qui
3 suivra l'interrogatoire principal, il semble bien que vous deviez terminer
4 votre interrogatoire principal à 11 heures 50, si possible, au plus tard.
5 Après quoi nous suspendrons l'audience à 12 heures 20 pour reprendre nos
6 travaux 30 minutes plus tard, c'est-à-dire, 12 heures 50, et suspendre pour
7 la journée à
8 14 heures 30. Bien sûr, c'est à vous qu'il appartient de décider de la
9 façon dont vous utilisez votre temps. En tout cas, ce sont les dispositions
10 que nous pouvons prendre puisque le témoin doit rentrer chez lui
11 aujourd'hui.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'Accusation disposera donc de deux
13 heures. Après quoi, vous aurez 10 minutes supplémentaires pour vos
14 questions supplémentaires. Au total, vous aurez disposé de
15 2 heures et demie.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord, et je
17 respecterais les délais. D'ailleurs, je ne m'attendais même pas à une telle
18 générosité, je dois dire. Pour ma part, il est tout à fait clair que je
19 souhaitais terminer mon interrogatoire principal aujourd'hui, de façon à ce
20 que M. Primakov puisse remplir ses autres tâches. Je pensais d'ailleurs ne
21 pas disposer d'un temps aussi long.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Monsieur Primakov, vous ai-je bien compris, avez-vous dit qu'ils n'ont
24 même pas eu la moindre intention de vous entendre au sujet des résultats de
25 votre visite à Belgrade ?
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1 R. Voyez-vous, quand j'ai pris la parole là-bas, bien sûr, personne ne m'a
2 interrompu. Nous avions, le chancelier Schroeder et moi-même, de très
3 bonnes relations. Mais quand j'ai évoqué les différents points qui ont été
4 évoqués lors de ma rencontre avec vous à Belgrade, Schroeder a
5 immédiatement pris la parole pour dire : Cela ne suffit pas. Il l'a dit
6 sans écouter les explications supplémentaires que j'étais prêt à donner sur
7 cet entretien.
8 Q. A l'époque, en tant que premier ministre de la Russie, vous discutiez
9 avec un grand nombre de dirigeants. Je vous demande s'il y avait d'autres
10 dirigeants qui avaient une position négative par rapport au bombardement de
11 la Yougoslavie ?
12 R. J'aimerais citer les mots prononcés par le chancelier fédéral Kohl qui,
13 rétrospectivement, a qualifié ce bombardement d'erreur historique.
14 Q. Si j'ai bien compris, vous venez de dire que Kohl avait déclaré qu'une
15 erreur historique avait été commise; vous ai-je bien compris ?
16 R. Oui, c'est exact.
17 Q. Cette erreur historique, c'est bien le bombardement de la Yougoslavie
18 par l'OTAN, n'est-ce pas ?
19 R. Oui, c'est exact.
20 Q. Merci, Monsieur Primakov. Dites-moi, je vous prie, à l'époque, comment
21 est-ce que vous-même en tant que personne et la direction politique de la
22 Russie, comment est-ce que vous considériez tout le bombardement de la
23 Yougoslavie par l'OTAN, bombardement qui a été effectué sans le
24 consentement préalable du conseil de Sécurité des Nations Unies ? A votre
25 avis, quelles ont été les répercussions de ce bombardement sur l'ordre
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1 international et les intérêts des différents pays concernés, y compris la
2 Russie ?
3 R. La Russie a eu une position très négative sur le bombardement en
4 question. Cette position a été très largement rendue publique. Nous avons
5 utilisé tous nos contacts à l'époque. J'ai parlé en personne au prédisent
6 Chirac, j'ai parlé au ministre italien l'époque, M. D'Alema, j'ai parlé au
7 vice-président américain, Al Gore. Je leur ai instamment demandé à tous
8 d'interrompre au moins les bombardements, voire ce qui était encore
9 préférable, de cesser immédiatement ces bombardements. Je savais que des
10 entretiens de même nature avaient lieu entre le Président Yeltsin et ses
11 homologues, mais malheureusement, nous n'avons rien pu faire, ni les uns ni
12 les autres.
13 Q. Quelle est votre appréciation du fait que l'OTAN a agi sans le
14 consentement du conseil de Sécurité des Nations Unies ? Comment appréciez-
15 vous ce fait au regard de la sécurité internationale ?
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, ne posez pas au
17 témoin des questions qui relèvent de la responsabilité des Juges de la
18 Chambre.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Je vais reformuler ma question. Je ne
20 perds pas de vue le fait qu'aujourd'hui, sur la chaise des témoins, est
21 assis le premier ministre de la Russie à l'époque des événements dont nous
22 parlons. Il est parfaitement compétent pour donner son appréciation. Mais
23 je vais reformuler.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Quelles ont été les conséquences générales du bombardement par l'OTAN
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1 de la Yougoslavie pour la communauté internationale ?
2 R. Je crois que ceci a ouvert une porte et permettait de justifier que
3 l'on ignore la nécessité d'obtenir ou de faire valoir un concept avant
4 d'entamer une action contre certains états. Ceci sous-estime sans doute cet
5 ordre international.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Primakov, je vous ai
7 interrompu.
8 Monsieur Milosevic, si vous souhaitez terminer votre interrogatoire
9 principal avec un discours un petit peu fleuri, vous avez tendance à
10 dépasser les règles de la présentation des éléments de preuve. Si vous
11 n'avez plus de questions à poser au témoin, je crois qu'il serait bon
12 d'arrêter et de permettre au contre-interrogatoire de commencer.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai d'autres questions. Monsieur Robinson,
14 j'ai d'autres questions à poser, ne vous inquiétez pas. M. MILOSEVIC :
15 [interprétation] Monsieur Primakov, d'après vous, le bombardement de l'OTAN
16 sur la Yougoslavie a-t-il permis de trouver des solutions au conflit du
17 Kosovo ?
18 R. La situation au Kosovo, la situation aujourd'hui nous indique
19 clairement que la solution est loin d'être trouvée. La population serbe a
20 quasiment quitté le Kosovo. Cette question est loin d'être résolue. Je
21 pense que les bombardements n'ont pas permis de stabiliser la situation au
22 Kosovo.
23 Q. Savez-vous que les activités des terroristes albanais se poursuivent
24 aujourd'hui ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'autorise pas ceci. Ne répondez
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1 pas à cette question.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur Primakov, l'ensemble des médias internationaux ont écrit
5 beaucoup d'articles sur le virage à angle droit que vous avez fait au-
6 dessus de l'océan Atlantique. Pourriez-vous nous en parler s'il vous
7 plaît ?
8 R. Oui, cela est vrai. J'étais premier ministre et j'allais en direction
9 des Etats-Unis où j'étais censé avoir des réunions qui traitaient surtout
10 des relations économiques entre la Russie et les Etats-Unis et ceci dans le
11 cadre de la commission Gore-Primakov. Avant cela, il y avait une commission
12 Gore-Chernomyrdin. Lorsque nous avons atterri à Shannon, il s'agissait là
13 d'une escale, j'ai appris quelque chose qui m'a été rapporté par notre
14 ambassadeur à Washington, que la décision avait été prise de bombarder le
15 territoire et était à 98 % prête. J'ai appelé le vice-président Gore et je
16 lui ai demandé de me tenir informé de l'évolution des événements en
17 insistant sur le fait que notre relation avec les Etats-Unis était
18 importante pour nous et c'est en raison de cela que j'allais continuer mon
19 vol en direction des Etats-Unis. Alors que j'étais en vol, j'ai contacté
20 Gore encore une fois et il m'a dit que la décision avait été quasiment
21 adoptée. Dans ces circonstances, j'ai estimé qu'il était impossible pour
22 moi de poursuivre ma route et de visiter les Etats-Unis. Par conséquent,
23 nous avons fait demi-tour et nous sommes repartis.
24 Q. Une autre question, Monsieur Primakov. Le général Ivasov a fait une
25 déposition ici et il affirme que les bombardements de l'OTAN étaient à
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1 l'origine du départ des réfugiés du Kosovo. De surcroît, il a dit que
2 l'OTAN avait préparé une action au Kosovo depuis la mi-1998 déjà.
3 M. NICE : [interprétation] Je crois que la façon dont la question a été
4 formulée est tout à fait inappropriée et irrecevable. Si le témoin ne
5 répond pas, cela m'agrée tout à fait.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la question précisément,
7 Monsieur Milosevic ?
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que je parle assez lentement, à cause
9 des interprètes, ce que je dis est ceci : le général Ivasov a témoigné ici
10 et il a affirmé deux choses : la première, que les bombardements de l'OTAN
11 ont été la raison pour laquelle il y a eu un exode massif et que la guerre
12 contre la Yougoslavie avait été préparée longtemps à l'avance.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. La question que je lui pose est celle-ci : pouvez-vous confirmer ces
15 affirmations ou les niez-vous ?
16 R. Puis-je répondre, Monsieur le Président ?
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que vous avez déjà abordé
18 cette question.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Eu égard au premier point, il est vrai que
20 j'ai donné mon opinion là-dessus. Mais pour ce qui en est de la deuxième
21 partie de votre question, Monsieur Milosevic, je crois que le général
22 Ivasov, en raison du poste qu'il occupait au sein de l'état-major, avait le
23 droit de faire sa propre opinion là-dessus, étant donné qu'il avait
24 certaines sources confidentielles mises à sa disposition.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Primakov.
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1 Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur Robinson.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic.
3 Monsieur Nice, vous avez la parole.
4 Contre-interrogatoire par M. Nice :
5 Q. [interprétation] Monsieur Primakov, il a certains points que je
6 souhaite aborder avec vous et je vais essayer de les aborder un par un dans
7 l'ordre. En guise d'observations ou d'éléments préliminaires, je souhaite
8 me rapporter à quelque chose que vous avez dit. Vous avec évoqué
9 l'administration démocrate aux Etats-Unis qui était déterminée à affaiblir
10 la Serbie ou ne pas, en tout cas, l'autoriser à se renforcer. Pourquoi la
11 Serbie devait-elle être autorisée à se renforcer eu égard à d'autres
12 parties qui composaient la Yougoslavie, je vous prie ?
13 R. A ce moment-là et au sein du Parti démocratique était arrivé à la
14 Maison-Blanche, la position idéologique vis-à-vis de M. Milosevic a vu le
15 jour. Par conséquent, cette vision géopolitique était adoptée. Autrement
16 dit, M. Milosevic était là pour empêcher le démantèlement de la
17 Yougoslavie. C'était quelque chose qui n'était pas conforme au plan des
18 Américains. Ils se sont rendus compte que le centre du pays était la
19 Serbie, et c'était le seul endroit où le Parti socialiste était encore au
20 pouvoir, le Parti socialiste dirigé par M. Milosevic. Ce parti-là avait
21 succédé à la Ligue des Communistes en Yougoslavie. C'est ainsi que je
22 voyais les choses. C'est la raison pour laquelle leur attitude vis-à-vis M.
23 Milosevic avait des fondements idéologiques.
24 Q. Bien sûr. La question que j'ai posée est, pourquoi devaient-ils
25 favoriser une Serbie faible ? Pourquoi faudrait-il favoriser une Serbie
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1 forte vis-à-vis des autres régions qui composaient la Yougoslavie ? Je
2 crois que vous n'avez pas répondu précisément à cette question qui découle
3 de votre réponse.
4 R. Je crois que j'ai répondu à votre question précisément parce qu'ils
5 pensaient, eux, à l'occident et pensaient que la Serbie constituait un des
6 derniers bastions du communisme. C'est la raison pour laquelle ils
7 tentaient d'affaiblir la Yougoslavie. Milosevic, qui était à la tête de la
8 Serbie à ce moment-là, n'était pas une personnalité politique acceptable
9 pour eux. Telle était la position adoptée jusqu'aux accords de Dayton.
10 Pendant les négociations et après la signature du traité, l'occident a
11 changé sa position, mais ensuite est revenu à sa position ancienne.
12 Personne n'a dit qu'il fallait renforcer la Serbie, mais personne n'a dit
13 qu'il fallait l'affaiblir non plus. Ils n'auraient pas dû l'affaiblir non
14 plus.
15 Q. Je souhaite, s'il vous plaît, regarder deux extraits de votre ouvrage.
16 M. NICE : [interprétation] Il y aura à propos de ce témoin et à propos
17 d'autres témoins des moments où nous allons leur demander de citer des
18 extraits de leurs ouvrages qu'ils ont écrit eux-mêmes, ou d'ouvrages que
19 d'autres ont écrit sur certains sujets à propos desquels ils parlent. Je
20 crois qu'il est préférable d'éviter toute forme de suppositions ou
21 d'extraire ces éléments de leur contexte. Nous proposons de présenter les
22 chapitres de ces ouvrages dans leur intégralité même si nous n'allons qu'en
23 citer des extraits. Avec ce témoin, il y a deux chapitres de cet ouvrage,
24 "Différentes années portant sur la politique" que j'ai imprimés et
25 traduits. Nous n'allons nous y rapporter brièvement et je vais tout d'abord
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1 évoquer les deux premières parties ici.
2 Je crois que je vous ai remis ces documents, il y a quelques instants.
3 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
4 M. NICE : [interprétation] Il y a également l'auteur ici qui est cité et
5 nous avons le texte en russe.
6 Q. Je vous ai donc fourni des chapitres de votre ouvrage ou des extraits
7 des éléments que vous avez écrits vous-même. Il y a un point que je
8 souhaite aborder avec vous maintenant.
9 Vous avez évoqué la réunion que vous avez eue avec l'accusé le 8 janvier
10 1993. L'accusé vous a posé une question sur la grande Serbie, et vous avez
11 répondu en disant que l'accusé avait dit que ceci ne pourrait être réalisé
12 qu'au coût d'un très grand bain de sang.
13 En répondant à la Chambre de première instance aujourd'hui, vous
14 êtes-vous reporté à vos notes ou non ?
15 R. Non seulement au coût d'un grand de bain de sang, mais il a également
16 ajouté qu'à cause de cela, cette ligne politique était inacceptable. Je
17 vous prie de me citer précisément, s'il vous plaît.
18 Q. Monsieur Primakov, je fais de mon mieux puisque j'ai quelque chose qui
19 est écrit à la main, mais vous êtes tout à fait libre de me corriger.
20 Aux fins de faire ce récit aux Juges la Chambre, vous êtes-vous reporté à
21 vos notes que vous aviez rédigées à ce moment-là ?
22 R. Tout est présent dans ma mémoire. Je me souviens de tout sans pour
23 autant avoir besoin de consulter mes notes. Néanmoins, j'ai quelques notes
24 ici.
25 Pour ce qui est de mon ouvrage, je suis très satisfait du fait que
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1 vous l'ayez lu. Il n'était pas utile de le faire traduire car le livre a
2 déjà été traduit dans plusieurs langues et a été publié dans quasiment tous
3 les pays du monde.
4 Je souhaite que ceci soit consigné au compte rendu d'audience.
5 Tous les faits cités dans mon livre, dans le premier ainsi que dans le
6 second, n'ont jamais été critiqués par mes collègues occidentaux. Personne
7 ne s'est opposé à ceci. Personne n'a dit que j'ai décrit quelque chose de
8 façon inexacte.
9 Je dis ceci simplement pour dire que je me souviens très bien des
10 conversations que j'ai eues avec mes homologues.
11 Q. Deux choses, Monsieur Primakov. Si vous voulez repartir aujourd'hui, il
12 va falloir répondre de façon plus courte. Deuxièmement, je vous suis très
13 reconnaissant pour cet ouvrage et de l'exactitude des faits dans cet
14 ouvrage, car il avait été suggéré que la réunion avait eu lieu le 11 mars.
15 J'ai pu corriger ceci d'après votre livre. Il s'agissait du 17 mars 1988.
16 Je vous demande de bien vouloir vous tourner maintenant vers la page 76 du
17 texte en russe, 176 en russe et du texte anglais à la page 6. Excusez-moi,
18 176.
19 R. Si j'avais su cela, j'aurais apporté mon propre exemplaire. 173 en
20 russe, 176 en anglais ?
21 Q. Un instant, s'il vous plaît.
22 Si nous regardons ici le récit que vous avez fait à propos de l'entretien
23 que vous avez eu avec l'accusé lors de cette première réunion.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Nice a parlé de la page 76 en anglais.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est page 6 en anglais, et 176 en
3 russe.
4 M. NICE : [interprétation]
5 Q. Si nous regardons ce livre, Monsieur Primakov, la manière dont vous
6 avez résumé ceci, vous dites ce qui suit : "La conversation est ensuite
7 passée sur le sujet d'un plan pour une grande Serbie. J'insiste, qu'étant
8 donné les circonstances actuelles, c'était quelque chose d'irréalisable,
9 c'est totalement irréalisable, même au prix d'un grand bain de sang.
10 Milosevic était d'accord avec cela."
11 Sur l'autre page en anglais. "J'ai dit à Milosevic que quelqu'un ait voulu
12 cela ou non, telle était la réalité. C'était une personnalité clé et au fil
13 des événements qui se sont déroulés sur l'ex-Yougoslavie, en particulier
14 aujourd'hui en Bosnie-
15 Herzégovine --"
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons une version abrégée.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois pas où vous constatez une
18 contradiction entre ce que j'ai dit et ce qui est cité -- ce que vous citez
19 dans mon ouvrage. Je vous demande de bien vouloir faire la clarté là-
20 dessus.
21 M. NICE : [interprétation]
22 Q. Monsieur Primakov, si ce que vous dites dans votre livre est exact,
23 vous passez ensuite à la question d'un plan pour une plus Grande Serbie,
24 quelque chose que vous avez évoqué dans les grandes lignes, c'est vous qui
25 dites que c'était irréalisable, même au prix d'un grand bain de sang. C'est
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1 l'accusé qui était d'accord avec vous. Ce n'est pas lui qui a proposé ceci
2 comme étant sa propre idée.
3 Est-ce exact ? Est-ce que vous avez dû lui dire : La Grande Serbie est hors
4 de question. Cela va coûter trop cher, cela sera un bain de sang.
5 R. N'est-il pas suffisant que j'aie évoqué ceci dans mon ouvrage ? Nous
6 sommes tout deux arrivés à la même conclusion. Monsieur Milosevic m'a
7 confirmé la même chose. C'est ce que je dis ici. Je ne vois pas en quoi il
8 y a une discordance ou une contradiction ici, même si j'essaie de trouver
9 une discordance. Je n'en vois pas.
10 Q. Très bien. Vous avez parlé d'une deuxième réunion que vous avez eue au
11 mois de mars 1993. A la page 9 de la version anglaise, et à la page 177, me
12 dit-on, dans la version russe.
13 Dans votre livre, vous dites ceci : "Je pense que son soutien à cette ligne
14 politique, qui avait pour but d'obtenir une solution pacifique à la crise
15 en Bosnie-Herzégovine dans les intérêts des trois communautés, a été
16 facilité par une réunion à huis clos, une seconde réunion à Belgrade avec
17 le président Milosevic au mois de mars 1993." Vous poursuivez en disant que
18 vous avez débattu de cette question plus ouvertement plus tard.
19 A cette réunion à huis clos, il y avait vous-même,
20 M. Milosevic, et M. Stanisic ? Etait-il présent à cette réunion ?
21 R. Il est fort possible qu'il ait pris part à la partie de la réunion qui
22 était consacrée à des questions très générales. Mais la réunion que j'ai
23 eue avec M. Milosevic était en petit comité, en tête-à-tête. Mais je ne
24 pense pas qu'il ait pris part à toutes les réunions.
25 Q. Je vous remercie. Aidez-moi un petit peu, s'il vous plaît. C'est à
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1 cette réunion au mois de mars 1993 que les services de Renseignement de la
2 Russie et les services de Renseignement de l'ex-Yougoslavie ont commencé à
3 travailler étroitement avec
4 M. Stanisic, en ex-Yougoslavie, est-ce exact, la première fois que ces
5 liens se sont resserrés ?
6 R. Non. Non, ce n'est pas lui qui a établi un lien; c'est lui qui
7 dirigeait les services de Renseignement serbe. Je l'ai rencontré à
8 plusieurs reprises. C'était un de nos interlocuteurs, et je l'ai rencontré
9 lorsque j'étais à Belgrade.
10 Q. Vous parlez d'une réunion à huis clos où ce lien entre les services de
11 Renseignement a été établi, n'est-ce pas ?
12 R. Non. Ces différents liens entre les services de Renseignement avaient
13 été établis déjà lors de ma première réunion à Belgrade.
14 Q. Très bien.
15 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, il y a un autre extrait de
16 l'ouvrage que j'aimerais citer lorsque nous parlerons de la question du
17 Kosovo. Comme M. le Juge Kwon nous a clairement indiqué, nous avons une
18 version qui est un peu plus conséquente que l'autre, une version quelque
19 peu plus abrégée. Est-ce que nous pouvons avoir une cote, s'il vous plaît,
20 si vous le souhaitez ?
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, très bien. Nous allons donner
22 une cote maintenant.
23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 794 pour la version qui est un petit
24 peu abrégée.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour la version abrégée ?
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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pour la version abrégée.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sont des extraits du même ouvrage ?
3 M. NICE : [interprétation] Oui, du même ouvrage.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Différents chapitres.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Donc, intercalaire numéro 1 pour le
6 document qui est plus mince, et l'intercalaire numéro 2 pour celui qui est
7 plus épais.
8 M. NICE : [interprétation]
9 Q. Lors de cette visite le 8 janvier, Monsieur Primakov, et votre récit de
10 la réponse de l'accusé, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que vers la
11 fin du mois de décembre 1992, les Serbes détenaient quelque 70 % du
12 territoire en Bosnie-Herzégovine, bien que ne représentant que 30 % environ
13 de la population ?
14 R. Au moment où les opérations militaires ont été déjà déployées, les
15 Serbes contrôlaient effectivement 70 % du territoire. Je souhaite attirer
16 votre attention, Monsieur Nice, sur un autre point. Après la proposition
17 d'accord Vance-Owen, on a donné aux Serbes, à leur propre demande, plus
18 d'une moitié du territoire en Bosnie-Herzégovine.
19 Q. Cela ne surprend personne de constater que l'accusé était en faveur du
20 plan, comme vous l'avez dit vous-même, n'est-ce pas ?
21 R. Ce plan comporte non seulement des divisions territoriales, mais
22 d'autres éléments aussi. Monsieur Nice, si vous connaissez ce plan, cela
23 portait également sur un nouvel ordre constitutionnel de l'état qui devait
24 traiter de la question du statut de ces trois communautés ethniques. Ce
25 plan était la porte ouverte en direction de la stabilisation de la
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1 situation.
2 Q. Les territoires détenus par les Serbes en Croatie étaient détenus en
3 vertu de ce statu quo, n'est-ce pas ?
4 R. Je n'ai pas compris votre question. Pourriez-vous répéter, je vous
5 prie ?
6 Q. Les territoires en Croatie étaient toujours détenus par des Serbes ?
7 R. Au moment où les combats faisaient encore rage, oui, certainement.
8 Chaque parti occupait un certain territoire. Cela aurait pu inclure des
9 territoires sur lesquels la population appartenait à l'autre côté. C'est la
10 raison pour laquelle ce plan souhaitait voir cette division territoriale,
11 mettre en place une structure à l'avenir qui aurait pu protéger la paix et
12 assurer la stabilité de la région, la paix entre ces trois communautés.
13 Q. Très bien. Au moment de votre réunion le 8 janvier 1993, l'accusé, au
14 nom des Serbes, ne pouvait pas obtenir plus que ce qu'il n'avait déjà
15 obtenu pour les Serbes sur le terrain, n'est-ce pas ?
16 R. Pardonnez-moi, Monsieur Nice, mais je ne comprends pas la logique de
17 votre question. Si l'accusé, comme vous l'appelez, avait accepté plan qui,
18 bien évidemment, diminue les territoires détenus par les Serbes et passent
19 de 70% à 50%, où est-il responsable ?
20 Q. Nous allons y venir dans quelques instants. Pouvez-vous confirmer, s'il
21 vous plaît, que les liens établis avec les services secrets serbes ou
22 quelque soient ces liens avec les services de Renseignement en ex-
23 Yougoslavie, êtes-vous d'accord pour dire que vous aviez accès aux réunions
24 très confidentielles du gouvernement à l'époque ?
25 R. De quel type de réunions parlez-vous ? De quels procès-verbaux ?
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1 Q. Il y avait quelque chose, par exemple, qui s'appelait le conseil de
2 l'harmonisation, de la réconciliation sur les différentes positions
3 adoptées par les différents états sur les questions de politique. Il s'agit
4 du titre quelque peu différent, que l'accusé et d'autres hommes politiques
5 importants en ex-Yougoslavie ainsi que le Général Mladic. Il y avait
6 également des personnalités, -- des membres importants de l'armée lors de
7 cette réunion. Ces personnes se sont réunies ce jour-là après l'entrevue
8 que vous avez eue avec l'accusé le 8 janvier.
9 En aucun cas vous n'auriez eu accès au procès-verbal de cette
10 réunion.
11 R. Non seulement je n'ai pas eu accès à ces documents classés
12 confidentiels à l'extérieur de la Yougoslavie; personne n'avait accès à ce
13 genre de choses. Si vous voulez me donner des éléments à cet égard, se
14 serait très utile, mais j'apprécierais beaucoup que vous me citiez la
15 source de ces documents, de même que vous vous demandez quelles sont mes
16 sources, d'où viennent ces documents ?
17 Q. Monsieur Primakov, nous aimerons répondre à toutes ces -- nous
18 aimerions avoir des réponses à toutes ces questions.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si M. Nice souhaite lui poser la question comme
21 il vient de le faire, le Conseil de l'harmonisation, des différents points
22 de vue, je crois, qu'il serait à ce moment-là, d'expliquer un petit peu qui
23 dirigeait ce conseil, s'il s'agissait d'un conseil yougoslave car la Serbie
24 n'avait pas un tel conseil. Il n'avait que la Yougoslavie qui avait un tel
25 conseil. Il doit préciser qui étaient les présidents de ce conseil, qui
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1 convoquait les réunions de ce conseil. J'aurais pu être un des participants
2 qui avaient été invités. Il présente la chose comme s'il s'agissait de mon
3 propre conseil; ce qui n'est pas le cas du tout. Vous induisez le témoin en
4 erreur.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ne parlez pas encore. Si le témoin
6 n'est pas en mesure de répondre à la question, Monsieur Milosevic, j'estime
7 qu'il est en bonne position pour répondre à cette question.
8 Monsieur Primakov.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après ce que je vois, je peux être soumis à
10 un contre-interrogatoire qui doit découler des questions posées lors de
11 l'interrogatoire principal. On peut également poser des questions à la
12 suite de mes réponses. Néanmoins, si l'on fait intervenir des questions qui
13 ne sont pas pertinentes ici, je serais d'avis que l'on adopte la même
14 approche que celle qui a été adoptée lors de l'interrogatoire principal
15 lorsque vous nous avez empêchés d'aller au-delà des questions que l'on
16 pouvait poser.
17 M. NICE : [interprétation] Oui, certainement. Monsieur le Président, la
18 seule observation prudente que je fais, c'est que si l'accusé et le témoin
19 usent ainsi de notre temps pour parler de questions de procédure, il sera
20 difficile au témoin de rentrer chez lui aujourd'hui.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez. Poursuivez.
22 M. NICE : [interprétation]
23 Q. Monsieur Primakov, nous souhaitons mettre ce document en anglais; nous
24 n'avons pas de document en russe. Ce conseil avait un nombre de personnes
25 qui avaient pris part, Dobrica Cosic, l'accusé, Momir Bulatovic et d'autres
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1 que j'ai cités. Zoran Lilic a fourni, un témoin a fourni ce document. Sa
2 source n'a jamais été contestée. Il s'avère qu'il s'agit d'un procès-verbal
3 authentique de la réunion qui s'est tenue le lendemain de votre rencontre
4 avec l'accusé. Je vais être obligé de le lire car mon écran ne fonctionne
5 pas normalement.
6 L'accusé a dit ceci, et vous trouverez ceci à la pièce
7 numéro 469, page 73, au numéro 1 167, intercalaire A4. Je vais le lire
8 lentement.
9 L'accusé était intervenu en disant : "Il faut protéger l'intégrité du
10 peuple serbe. Nous avons cela de facto, car de manière objective, et
11 d'après toutes nos relations qu'elles soient politique, militaire,
12 économique, culturelle, et sur le plan de l'éducation, nous avons cette
13 intégrité. La question qui se pose, comment obtenir la reconnaissance de
14 notre unité, autrement dit, comment légitimer cette unité, comment
15 retourner la situation qui existe de facto, et ne pourrait pas être mise en
16 danger de facto et être à la fois de facto et de jure. Conformément à cela,
17 la voix qui nous mènerait au de jure nous fait traverser un petit
18 labyrinthe. Nous ne permettrons jamais le changement d'une situation de
19 facto. Mais par l'intermédiaire de ce petit labyrinthe, nous réaliserons un
20 certain nombre de choses. Si ce n'est pas en six mois, ce sera au cours
21 d'une année. Si ce n'est pas au cours d'une année, ce sera dans deux ans.
22 Qu'obtenons-nous ? Nous, à moment-là, aurons moins de pertes, par
23 conséquent, nous pourrons sauver notre peuple. Il nous faut tout sacrifier
24 pour notre peuple, mais non pas le peuple lui-même."
25 Monsieur Primakov, il en revient, bien sûr, aux Juges d'interpréter
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1 ceci et de faire leurs observations faites par les déclarations faites par
2 les parties, entre autre, l'accusé. Si cet extrait montre que l'accusé
3 avait l'intention de renverser la situation de facto pour la transformer en
4 une situation de jure un an après, est-ce quelque chose qu'il a évoqué avec
5 vous lorsque vous avez parlé de la question de la Grande Serbie ou non ?
6 M. MILOSEVIC : [interprétation] Monsieur Robinson.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, vous
8 avez la parole.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation] Je crois qu'il serait normal que je
10 puisse lire ce document que M. Nice vient de citer. Ce qu'il cite, bien
11 qu'il sorte cela du contexte, illustre bien ma position. J'étais en faveur
12 des négociations, et je n'étais pas en faveur de la guerre.
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce 469, intercalaire 40. C'est
14 quelque chose auquel il a été fait référence au moins déjà deux fois.
15 L'accusé a déjà eu l'occasion de parler du contexte et d'évoquer le
16 contexte s'il l'avait souhaité.
17 Je souhaite reposer ma question au témoin maintenant.
18 M. NICE : [interprétation] :
19 Q. Monsieur Primakov, pardonnez-moi si vous avez interrompu par l'accusé.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai 35 intercalaires ici. S'agissant de ce qui
21 m'a été communiqué, je dirais que je n'ai pas l'intercalaire 40.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, avez-vous une autre
23 copie de ce document ?
24 M. NICE : [interprétation] Ce que je peux faire, c'est placer la version
25 anglaise sur le rétroprojecteur afin que tout un chacun puise la voir. Je
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1 me propose de suivre moi-même sur le moniteur de Mme Dicklich .
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne vois pas ce que cette citation au
3 document peut bien avoir avec mon témoignage ici. Je n'ai pas participé à
4 ces sessions dont vous semblez être si bien informé, Monsieur Nice, et je
5 ne vois pourquoi j'aurais à écouter toute cette argumentation présentée par
6 l'Accusation.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question a été celle de savoir si
8 le passage dont il a été donné lecture en corrélation avec une grande
9 Serbie, est-ce là une chose dont M. Milosevic vous a parlé à l'occasion de
10 cette rencontre qu'il a eue avec vous ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ma réponse est explicitement négative.
12 M. NICE : [interprétation] Passons à autre chose.
13 Q. Partant de sources fondées sur le renseignement ou autres, saviez-vous
14 comment les effectifs militaires serbes en Croatie et en Bosnie étaient
15 payés ?
16 R. Que pensez-vous par "payés," Monsieur Nice ? Vous parlez des salaires,
17 des soldes perçues, ou parlez-vous de fonds supplémentaires obtenus. Dans
18 le cas où c'est à cela que vous pensez, reçus de la part de qui ? Enfin,
19 soyez plus concret, je vous prie.
20 Q. Je fais droit à cette demande d'éclaircissement. Je vous demande de
21 nous dire de quelle façon les officiers et les militaires serbes,
22 intervenant en Croatie à l'époque ainsi qu'en Bosnie, étaient payés ? Qui
23 est-ce qui leur versait leur rémunération ?
24 R. Je ne l'ai jamais su. Je n'ai jamais traité de cette question et je
25 n'en ai pas parlé non plus dans le courant de mon témoignage aujourd'hui.
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1 Q. Voyez-vous, dans ces contacts que vous avez eus avec l'accusé, vous a-
2 t-il dit quoi que ce soit au sujet de ce qui s'appelait le 30e ou le 40e
3 Centre chargé du personnel par le biais duquel l'on finançait les forces
4 qui intervenaient dans le cadre de la Bosnie ou de la Croatie ?
5 R. Je n'ai jamais eu d'entretiens à ce sujet avec l'accusé.
6 Q. Très bien. Vous nous avez parlé de l'embargo, et vous nous avez indiqué
7 ce dont vous souveniez mais je vais vous aider à un sujet. Le plan Vance-
8 Owen a échoué parce que les Serbes de Bosnie l'ont rejeté. Combien de temps
9 s'est-il passé entre ce fait et la mise en place d'un embargo par
10 l'accusé ? Vous nous avez dit que cela s'est passé en 1993. Je vous demande
11 de revenir en arrière.
12 R. Pouvez-vous être plus précis ? Est-ce que vous me posez la question au
13 sujet de l'année 1993? C'est bien de cela que vous parlez ?
14 Q. Je vous demande quand est-ce que l'embargo sur les armes est entré en
15 vigueur ? Est-ce que cela s'est passé en 1993 ou plus tard ?
16 R. L'embargo sur les armes a fait l'objet de débats au sein du Groupe de
17 contact en 1997. Mais là, je pense que vos questions portaient sur des
18 événements de 1993.
19 Q. L'embargo dont a parlé l'accusé. Je vais essayer de retrouver votre
20 réponse à ce sujet parce que je tiens à être tout à fait précis. Merci.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce sera votre dernière question
22 avant la pause.
23 M. NICE : [interprétation]
24 Q. L'embargo de la RFY, à savoir de la République fédérale de Yougoslavie,
25 imposé à l'égard de Republika Srpska, je n'arrive pas à retrouver cela dans
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1 mes notes, mais il me semble que cela s'est produit en 1993.
2 R. Je crois que vous parlez d'un embargo sur les armes. Peut-être
3 pourrais-je vous aider, Monsieur Nice. Il ne s'agissait pas d'un embargo
4 pour ce qui est des fournitures d'armes. Cela s'est produit lorsque le
5 parlement de la Republika Srpska, ce qu'il est convenu d'appeler Skupstina
6 [phon], là-bas, c'était son nom en réalité Cette Skupstina de la Republika
7 Srpska a rejeté la ratification de ce qui avait constitué une initiative de
8 Vance et Owen. La Serbie, elle, a régi à ce refus en annonçant la mise en
9 place d'un embargo pour permettre des passages d'aide humanitaire
10 seulement. La Serbie a qualifié la décision prise par le parlement de la
11 Republika Srpska en disant qu'il s'agissait d'une absence de responsabilité
12 de leur part.
13 Vous avez dû confondre, Monsieur Nice, parce qu'il y a eu un embargo
14 sur les armes qui a été mis en place plus tard, et qui a porté sur la
15 Yougoslavie toute entière, et qui a été décidé par le Groupe de contact.
16 Q. Oui. Peut-être avez-vous utilisé le terme de "blocus économique."
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela figure en bas de la page 8 sur la
18 version électronique.
19 M. NICE : [interprétation] C'est cela. Nous allons y revenir. Laissez-moi
20 juste le retrouver.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Peut-être pourriez-vous essayer de
22 retrouver cela pendant la pause ?
23 M. NICE : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons prendre une pause d'une
25 demi-heure.
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1 --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.
2 --- L'audience est reprise à 12 heures 58.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice. A vous.
4 M. NICE : [interprétation]
5 Q. Monsieur Primakov, j'aimerais en conclure avec ce qui avait constitué
6 ma question précédente. Vous nous avez parlé d'un embargo, en termes
7 utilisés par vous-même, blocus économique. Vous avez dit que cela s'est
8 produit en 1993, mais vous êtes trompé. Cela, s'est passé mi-1994.
9 L'acceptez-vous ?
10 R. Le point le plus important pour moi, c'est de réitérer ici que cela
11 s'est produit une fois que le parlement de la Republika Srpska a refusé
12 d'accepter le plan Vance-Owen. Je voulais à ce sujet souligner que la
13 réaction de Belgrade a été précisément celle-là quant au refus de ce plan.
14 C'est la raison pour laquelle j'ai parlé des réactions moi-même.
15 Q. Oui, mais ce que vous n'avez pas expliqué à l'intention des Juges,
16 peut-être parce que vous avez oublié la date, c'est qu'il n'y a pas eu de
17 réaction pendant plus d'un an. Partant de tout ce que l'accusé vous a dit,
18 comment pourrait-on justifier cette réaction avec un ajournement de plus
19 d'un an ?
20 R. Monsieur Nice, vous vous trompez. Ceci s'est produit toute suite après,
21 tout de suite après que le parlement de la Republika Srpska a rejeté ce
22 plan Vance-Owen. Vous semblez compter le temps à partir du moment où M.
23 Milosevic s'est déplacé vers Genève pour discuter de ce plan avec les
24 autres, et pour approuver ce plan. L'action, le blocus ne devrait pas être
25 placé en corrélation avec cette date, ou plutôt avec cet événement. Bien au
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1 contraire, il devrait l'être avec le moment où le parlement de la Republika
2 Srpska a décidé de rejeter le plan. C'est là qu'il y a eu réaction de
3 Belgrade pour ce qui est du rejet du plan.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Primakov, je crois que
5 votre réponse a été tout à fait suffisante.
6 M. NICE : [interprétation]
7 Q. Oui. Monsieur Primakov, si vous avez l'intention d'attraper votre
8 avion, de ne pas louper votre avion, je vous demanderais de répondre de
9 façon plus brève. Je vais vous rappeler que ce blocus dont vous parlez a
10 été mis en place le 4 août 1994. Cela s'est produit tout simplement parce
11 qu'il n'y a pas eu adoption du plan ultérieur, du plan du Groupe de
12 contact.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dirais que M. Nice a, un nombre innombrable
16 de fois, interrompu mon interrogatoire principal, et tout ceci m'a été
17 compté dans le temps que j'ai utilisé. Je ne vois pas pourquoi il répète
18 cinq fois au témoin de répondre plus rapidement. Il limite le témoin dans
19 ses réponses, il exerce une pression à l'égard du témoin et il lui demande
20 d'être plus bref.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne voudrais pas penser que M.
22 Nice avait cela pour intention. Je ne pense pas que telle était son
23 intention.
24 M. NICE : [interprétation] Absolument pas. La Chambre comprendra, le témoin
25 comprendra, et je pense que l'accusé comprendra également, que nous ne
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1 savions pas, partant d'un résumé sur trois ou quatre pages en vertu de
2 l'Article 65 ter, nous ne pouvions pas savoir quel serait tous les détails
3 dont parlerait ce témoin. Je vais m'efforcer d'en finir à temps pour qu'il
4 puisse s'en aller.
5 Q. Monsieur Primakov, en votre qualité d'homme politique d'expérience, et
6 vous avez été jugé en tant que tel par votre président, le président
7 Yeltsin, vous allez peut-être tomber d'accord sur le fait que des hommes
8 politiques peuvent dire une chose à une personne, une autre chose à une
9 autre, et gardent leurs plans pour eux-mêmes. Est-ce bien exact ?
10 R. Est-ce que vous vous voulez que je serve ici de témoin qui vous parlera
11 des conversations que M. Milosevic, selon vous, aurait eu avec d'autres
12 personnes ? Parce que si c'est cela, ce que vous visez de faire, cela sort
13 du cadre de ce que je suis censé témoigner ici devant ce Tribunal.
14 Q. Je vais poser une autre question au témoin.
15 La pièce à conviction 469, intercalaire 20, Monsieur Primakov, constitue
16 des notes sténographiques du conseil suprême de la Défense de la République
17 fédérale de Yougoslavie. Dans votre réponse précédente, vous avez parlé
18 dans un document fourni par les autorités fédérales à cette Chambre suite à
19 une ordonnance. Des parties de ce document sont marquées pour usage public,
20 et d'autres parties ne sont pas disponibles pour un usage public.
21 Le document, en particulier, sur lequel nous nous penchons, dit que
22 l'accusé a dit une chose en page 11. Je ne vais pas placer le texte sur le
23 rétroprojecteur en raison des limites de temps, mais l'accusé y dit, et
24 pour vous aider, je précise que c'est le
25 25 août 1995, un an après le blocus. Ce blocus avait simplement été une
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1 formalité, et qu'au quotidien, de l'aide pouvait passer. En se servant de
2 ses propres termes, il est question de "blocus". C'est là une chose qu'il
3 ne vous a jamais dit, le fait que ce blocus n'ait été qu'une formalité ?
4 R. Jamais. L'accusé, M. Milosevic, ne m'a jamais dit que cela n'avait
5 été qu'une formalité.
6 Q. Merci.
7 R. Pour ce qui est du document que vous êtes en train de citer, Monsieur
8 Nice, je vous demanderais aimablement de me permettre de me pencher dessus,
9 sur ce dernier, parce que je ne peux pas me fonder que sur une citation lue
10 par vos soins pour vous répondre.
11 Q. Il y a un autre document et il s'agit --
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice,
13 laissez-moi traiter de cette question.
14 Monsieur Primakov, est-ce que vous êtes en train de dire que pour répondre
15 à cette question, vous souhaiterez voir le document que M. Nice vous a cité
16 ? C'est un document qui fait partie des pièces à conviction dans cette
17 affaire.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble, Monsieur le Président, que mon
19 livre, celui qui a été cité ici, n'a pas été versé au dossier. Je pense que
20 ceci constitue un écart vis-à-vis de la pratique mise en place.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, il n'en est pas ainsi. M. Nice
22 a fait verser au dossier deux extraits de votre livre. Il s'agit des pièces
23 à conviction 794, avec les intercalaires 1 et 2.
24 Ce que je voudrais vous demander, c'est une chose qui se trouve
25 placée sous l'éclairage de ce que vous avez déjà déclaré auparavant, à
Page 33940
1 savoir, s'il s'agit de montrer une pièce à conviction citée par
2 M. Nice, oui, il est possible de vous la mettre à disposition.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne suis pas intéressé par cela;
4 j'ai déjà fourni ma réponse. Comme je vous l'ai déjà dit, je n'ai jamais
5 entendu M. Milosevic prononcer les propos que M. Nice vient de nous lire
6 ici.
7 M. NICE : [interprétation]
8 Q. Nous avons constaté auparavant qu'il y avait des liens très
9 étroits au niveau du renseignement avec l'ex-Yougoslavie, y compris la
10 République fédérale de la Yougoslavie, en passant par l'accusé.
11 Indépendamment de ces liens proches, il ne vous a jamais parlé de la
12 réalité des faits au sujet de ce blocus, n'est-ce pas ?
13 R. Je vais vous répéter une fois de plus, Monsieur Nice, que je ne me suis
14 jamais entretenu avec M. Milosevic du fait de savoir si ce blocus était une
15 fiction pure et simple aux yeux de la Yougoslavie. Je ne l'ai jamais
16 entendu prononcer ces propos.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Les questions posées par M. Nice constituent
20 une déformation des faits. Il est absolument impossible pour M. Primakov de
21 faire d'autres conclusions, parce que M. Primakov sait qu'il y avait une
22 mission de surveillance internationale sur la frontière de la Bosnie-
23 Herzégovine et la Yougoslavie. C'est Bob Pellnas, le général suédois qui
24 était à la tête de cette mission d'observation. Maintenant, pour ce qui est
25 des périodes de temps --
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je dois vous
2 interrompre. Vous êtes en train de faire un commentaire, et le moment n'est
3 pas approprié pour ce faire.
4 Monsieur Nice, à vous.
5 M. NICE : [interprétation] :
6 Q. Un autre élément de preuve dans cette affaire, M. Primakov, est
7 constitué par un enregistrement et une transcription de la
8 50e session de l'Assemblée nationale, assemblée présidée par son président
9 Momcilo Krajisnik en date du 15 et 16 avril 1995, à Sanski Most. S'agissant
10 de cette transcription, on peut y voir que le général Mladic parle des
11 contributions faites par la République fédérale de la Yougoslavie à
12 l'effort de guerre jusqu'à la date du
13 31 décembre 1994. Ceci nous ramène à six mois après la mise en place de ce
14 blocus. Il dit qu'on a reçu entre-temps 50% de ces fournitures. Il parle de
15 tonnes de matériel d'infanterie, et cetera.
16 En sus de vos renseignements, de vos informations du domaine du
17 renseignement, aviez-vous connaissance du degré d'aide reçue par Mladic de
18 la part de la République fédérale de la Yougoslavie ? Le saviez-vous ?
19 R. Nous étions au courant des contacts avec le général Mladic. Maintenant,
20 pour ce qui est d'une aide militaire, je n'en savais rien du tout.
21 Q. Mais vous saviez, -- vous étiez au courant des contacts. Pouvez-vous
22 nous dire quelles sont mes méthodes qui vous ont permis d'avoir
23 connaissance des contacts qui auraient été établis avec Mladic ?
24 R. Je ne suis pas un accusé ici; je n'ai pas à vous communiquer quelles
25 sont les méthodes utilisées par les services de Renseignement.
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1 Q. Oui, mais vous vous êtes engagé à nous dire la vérité, toute la vérité,
2 rien que la vérité. Vous ne pouvez pas être sélectif. Je vous demande, s'il
3 vous plaît, de bien vouloir nous indiquer de quelle façon vous avez pris
4 connaissance des contacts avec le général Mladic.
5 R. Je ne puis que vous répéter ce que j'ai déjà dit, Monsieur Nice. Je ne
6 pense pas que cela vienne en violation de ma déclaration solennelle qui est
7 celle de dire la vérité et rien que la vérité. Vous ne me demandez pas de
8 confirmer un fait; vous me demander d'indiquer quelles sont les sources qui
9 m'ont fait recevoir des confirmations. Cela va au-delà de l'obligation de
10 dire la vérité, rien que la vérité.
11 Q. Monsieur Primakov, les enquêtes digilentées au sujet de l'accusé ici
12 présent, sans partialité, sont faites de façon impartiale. Notre devoir est
13 de nous procurer des éléments de preuve de manière la meilleure possible et
14 de la façon la plus impartiale possible.
15 S'agissant des contacts entre Belgrade et l'accusé -- et le général
16 Mladic, j'aimerais que vous nous indiquiez l'existence d'une documentation
17 si celle-ci est disponible, pour que ce soit rendu disponible au Tribunal.
18 R. Tout ce que je peux faire, c'est vous confirmer le fait que cela
19 était une chose notoirement connue, à savoir que M. Mladic n'a pas été
20 placé dans un isolement. Je ne peux pas vous fournir de faits plus
21 détaillés pour le confirmer.
22 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai essayé à trois
23 reprises, et peut-être pourrions nous parler par la suite de la valeur
24 probante du témoignage de ce témoin.
25 Q. Monsieur Primakov, avez-vous suivi les déclarations de l'accusé
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1 pendant qu'il était en détention provisoire à Belgrade, au sujet des
2 ressources dépensées pour les armes, les munitions et autres besoins de
3 l'armée de la République Srpska et la République serbe de la Krajina, en
4 disant que ces dépenses constituaient un secret d'état. Parce qu'il
5 s'agissait de secrets d'états, ils n'étaient pas publiés par la loi portant
6 sur le budget. Donc, on ne saurait admettre que vous nous disiez ce genre
7 de choses. Aviez-vous connaissance de ces faits-là ?
8 R. Je n'ai pas suivi les propos de M. Milosevic à l'occasion de ce procès
9 là-bas. Donc, je ne peux pas vous dire ce qu'il a déclaré là-bas.
10 Q. Monsieur Primakov, il est tout à fait clair, et nous allons nous
11 référer maintenant au document du Groupe de contact, il est tout à fait
12 clair que la Russie, dans une certaine mesure, a été l'allié de l'accusé.
13 Il semblerait partant des réponses apportées par l'accusé, qu'il ne vous a
14 pas tenu informé de la vérité dans sa totalité, n'est-ce pas ?
15 R. Je voudrais dire que la Russie n'a jamais estimé qu'elle fût l'alliée
16 de M. Milosevic. Nous avons pris certaines positions qui découlaient non
17 pas de ce que nous dictait M. Milosevic, mais plutôt de la façon dont nous
18 interprétions et comprenions la situation telle qu'elle se présentait.
19 Q. Cela dépendait dans une mesure significative des propos tenus par
20 l'accusé à votre attention ?
21 R. Cela ne dépendait pas seulement de ce que l'accusé nous avait dit,
22 quoiqu'il y ait eu des conversations personnelles et des relations
23 personnelles avec M. Milosevic. Cela avait son importance. Nous avons
24 également tenu compte de la façon que nous avions de concevoir la situation
25 dans le monde et notre interprétation de ce qui se passait dans les
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1 Balkans.
2 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai pas mentionné le
3 numéro de la pièce à conviction relative à Sanski Most. Il s'agit de la
4 pièce 427, intercalaire 54.
5 Nous avons à présent une liasse de documents destinés aux Juges que je
6 voudrais commenter. C'est un passage que j'ai lu concernant les propos de
7 l'accusé devant le tribunal de Belgrade. Il s'agit de la pièce portant le
8 numéro 427, intercalaire numéro 54. [comme interprété]
9 Ce document a été inclus dans une liasse dans laquelle se trouve un certain
10 nombre de documents qui ont déjà été présentés comme éléments de preuve. Il
11 nous semble qu'il serait approprié avec ce témoin, de mettre ceci à
12 disposition, étant donné qu'il y a une séquence logique et chronologique de
13 ces différents documents. L'index que nous allons vous remettre comprend un
14 certain nombre d'éléments qui sont hachurés en gris. Certains éléments ont
15 déjà été présentés, pour lesquels il y a un numéro de référence. Je
16 souhaite que tous les documents restants fassent partie de cette seule et
17 même pièce. C'est à la Chambre de première instance d'en décider, de savoir
18 s'il faut renvoyer les pièces déjà présentées ou si elle décide de les
19 laisser dans cette liasse.
20 Q. Un bon nombre de ces documents sont en russe, mais ils ne sont pas tous
21 en russe, Monsieur Primakov, et portent tous sur ou quasiment tous, sur le
22 Groupe de contact.
23 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, en regardant ces documents,
24 ou à la vue de ces documents, la Chambre de première instance pourra peut-
25 être trouver utile que je remette la deuxième partie ici, qui est un
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1 extrait du livre rédigé par le témoin lui-même. A l'intercalaire numéro 2,
2 pièce 794, si la Chambre de première instance veut bien se munir de ce
3 document, et si le témoin veut bien regarder la version russe du 794 à
4 l'intercalaire 2.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sont les extraits de mon livre cités par M.
6 Nice, quelqu'un me l'a pris. Je n'ai plus ces documents sous la main.
7 M. NICE : [interprétation]
8 Q. Si vous auriez l'obligeance, Monsieur Primakov, de regarder le premier
9 paragraphe de la version russe de 794, intercalaire numéro 2. On constate
10 que le chapitre intitulé "Cible Kosovo" commence par ceci : "En 1996, j'ai
11 dit au président Slobodan Milosevic : 'Faites attention au Kosovo. Une
12 situation explosive est en train de se développer. Il sera difficile de
13 gérer la situation.' Je suis certain que je n'étais pas seul à penser cela.
14 Un certain nombre de personnes avaient prévenues le président serbe d'une
15 menace éventuelle posée par le Kosovo."
16 Quelle a été la réponse à votre avertissement ?
17 R. Il a répondu ceci : Nous ne devons pas dramatiser la situation. Je
18 pense que cette réponse était conditionnée par l'après Dayton. Milosevic
19 avait l'impression que l'occident avait changé sa position par rapport à
20 lui. Ses contacts avec l'occident étaient tels qu'il n'était pas disposé à
21 prêter attention à un problème ou à un autre.
22 Q. Je vous demande de bien vouloir vous tourner maintenant vers le numéro
23 341 en russe, et 5 en anglais. Vos avez dit lors de votre récit, vous avez
24 dit ceci : "Néanmoins, l'attitude de l'occident par rapport à ce qui se
25 passait au Kosovo, a commencé à changer petit à petit. A l'origine, le
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1 premier violon était joué par l'Allemagne vraiment inquiet par le nombre
2 d'Albanais qui arrivaient en Allemagne; ils venaient du Kosovo. A cause du
3 conflit armé qui devenait de plus en plus fréquent, et à cause de la
4 présence des soldats albanais dans leurs villages, la population civile
5 avait commencé à souffrir. La conduite de la police serbe n'était pas la
6 plus intelligente non plus, puisqu'il y avait eu un certain nombre
7 d'incidents de 'nettoyage du terrain'."
8 Bien évidemment, vous n'étiez pas là vous-même, Monsieur Primakov. Comment
9 avez-vous compris ceci, le "nettoyage du terrain" par la police serbe ?
10 R. J'ai dit au cours de mon témoignage, tout ce que j'ai dit épouse tout
11 ce que j'ai écrit dans mon livre. Je vous ai déjà dit ceci. Je ne me suis
12 jamais écarté de ma position.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Primakov, je dois vous
14 rappeler à l'ordre. La réponse est tout à fait légitime et tout à fait
15 appropriée. La question est tout à fait appropriée. Je vous demande de bien
16 vouloir y répondre.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Veuillez reposer votre question, s'il vous
18 plaît ? Je ne l'ai pas comprise.
19 M. NICE : [interprétation]
20 Q. Qu'entendiez vous dans votre livre par la phrase "nettoyage du
21 terrain" ?
22 R. Ce que j'avais à l'esprit était ceci : Nous fondant sur notre
23 évaluation de la situation, l'Armée de libération du Kosovo, qui était
24 basée dans les localités albanaises, ont attaqué des localités serbes, et
25 sont ensuite retournées à leurs bases en Albanie, dans les localités
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1 albanaises. C'est ce que je vous ai dit. Je vous ai parlé de cela. A
2 l'époque, ils avaient lancé une opération pour chasser l'UCK de ces
3 localités albanaises. Ceci prenait souvent la forme d'un nettoyage de
4 terrain. Au cours de ces opérations, les civils des deux groupes ethniques
5 ont souffert.
6 Q. Des civils d'appartenance ethnique albanaise ont été déplacés; est-ce
7 exact ?
8 R. Je n'ai pas parlé de cela.
9 Q. C'est une question que je vous pose.
10 R. Je n'ai aucun élément d'information là-dessus.
11 M. NICE : [interprétation] La Chambre de première instance constatera que
12 nous avons dressé la question du Groupe de contact et les événements tels
13 qu'ils se sont déroulés dans un ordre chronologique à la page 6. Je ne vais
14 pas citer un certain nombre de pages; je vais simplement vous demander de
15 parcourir les documents qui se trouvent dans la liasse.
16 Pour aider le témoin, je vais résumer une partie des documents que
17 nous avons déjà vus car nous ne pouvons pas tous les parcourir. Nous
18 n'avons tout simplement pas le temps de le faire. Je souhaite lui parler de
19 quelques documents qu'il a eu l'occasion de voir, et je souhaite recueillir
20 ces commentaires.
21 Q. Je souhaite vous rappeler ici les différents récits qui ont
22 été faits dans un ordre chronologique. Est-ce que vous me suivez ? Je vous
23 demande vos commentaires sur certains passages en particulier ?
24 Si nous regardons ici l'intercalaire numéro 1, c'est une déclaration qui a
25 été faite le 24 septembre 1997. Nous constatons qu'à l'intercalaire numéro
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1 2, il s'agit d'une autre déclaration qui est datée du 8 janvier 1998.
2 Veuillez m'accorder un instant, s'il vous plaît. Nous les avons tous déjà
3 vus, mais je vous demande de les regarder.
4 R. Monsieur le Président, ces deux déclarations me sont présentées ici en
5 anglais, et on me demande de faire des commentaires là-dessus.
6 Je vous demande de bien vouloir me dire s'il est raisonnable que je lise
7 ces pages en anglais et que je fasse ensuite mes commentaires.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la question que vous
9 posée, Monsieur Nice ?
10 M. NICE : [interprétation] Je vous rappelle à vous ainsi qu'à lui, tous les
11 documents qui ont été présentés.
12 Q. Si nous passons maintenant à l'intercalaire numéro 3, il s'agit là d'un
13 document qui est daté du 25 février, que nous avons regardé. Je voulais
14 simplement que vous nous confirmiez que l'approche adoptée par le Groupe de
15 contact était équilibrée, autrement dit, nous avons ces quatre paragraphes
16 ici, et je cite : "Le Groupe de contact a réitéré le fait qu'il n'était ni
17 en faveur de l'indépendance ni en faveur de maintien du statu quo. Les
18 principes d'une solution au Kosovo devraient se fonder sur l'intégrité
19 territoriale de la Fédération yougoslave, en tenant compte des droits des
20 Albanais kosovars ainsi que de tous ceux qui vivent au Kosovo conformément
21 aux critères fixés par l'OSCE, et inscrits dans les accords d'Helsinki et
22 la charte des Nations Unies."
23 Etes-vous satisfait de cette déclaration ?
24 R. Oui, oui, je suis tout à fait satisfait de cela, comme je vous l'ai
25 déjà dit.
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1 Q. Au numéro 4, l'intercalaire numéro 4, il s'agit d'un document qui est
2 daté du 12 mars. Convocation d'une réunion pour -- procès-verbal d'une
3 réunion du 9 mars. Simplement, pour vous rappeler, ceci est en russe, pour
4 vous rappeler que c'est à ce moment-là que la Fédération de Russie n'a pas
5 adopté ou refusé d'adopter des mesures en faveur des visas ou des crédits à
6 l'export financés par le gouvernement et toutes ces questions-là.
7 Vous souvenez-vous de cette réunion, de cette déclaration ? Je n'ai
8 pas l'intention de faire d'autres commentaires. Ceci est en russe et nous
9 pouvons aller jusqu'à la fin de l'intercalaire.
10 R. Je vous demande de bien vouloir me dire à quel paragraphe vous faites
11 référence, et je le dirai en russe. Très bien, l'intercalaire qui parle de
12 la Fédération de Russie et des réserves qu'elle émet, ceci se trouve à la
13 page 4. Je vais vérifier, si vous me le permettez.
14 Q. Oui. Après l'alinéa D où on précise que le Groupe de contact -- dans C
15 et D, et au-dessus ne sont pas adoptés par la Fédération de Russie.
16 R. Je peux lire ici qu'il y a eu un moment où le Groupe de contact a noté
17 que la Fédération de Russie n'a pas pu apporter son soutien aux
18 propositions faites concernant l'imposition immédiate des mesures C et D, à
19 savoir, le moratoire et le crédit à l'exportation financé par le
20 gouvernement pour le commerce et les investissements, y compris un refus
21 d'accorder des visas aux représentants du gouvernement de la République de
22 Serbie. Je souhaite poursuivre, Monsieur Nice. Néanmoins, aucun progrès n'a
23 été fait par rapport aux mesures que le Groupe de contact souhaitait
24 proposer. Ensuite, la Fédération de Russie sera disposée à discuter avec
25 vous des mesures susmentionnées.
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1 Q. Merci.
2 R. A la fin paragraphe, je peux le confirmer.
3 Q. Nous allons maintenant en venir à la réunion du 25 mars qui se trouve à
4 l'intercalaire numéro 5, 27 mars. Ici, on fait référence à une réunion qui
5 a eu lieu le 25 mars. A ce moment-là, vous étiez toujours un membre du
6 cabinet du président Yeltsin, bien qu'il ait licencié un certain nombre de
7 vos collègues -- limogé certains de vos collègues.
8 R. Le 25 mars 1988, si c'est de cette période-là que vous entendez,
9 j'étais, à ce moment-là, ministre des Affaires étrangères.
10 Q. Je crois que vous avez expliqué à Madeleine Albright, d'après son
11 ouvrage dont je n'ai pas d'exemplaire ici, je voulais simplement vérifier
12 que vous confirmiez ses dires. Vous lui aviez confirmé que vous étiez un
13 allié du président Yeltsin pendant un certain temps, et il ne vous
14 considérait pas comme un rival. C'est la raison pour laquelle vous avez
15 gardé votre poste.
16 R. Non. Voyez-vous, Monsieur le Juge, ceci va bien au-delà du champ.
17 Q. Ce qui est encore plus intéressant, je souhaite recueillir votre
18 commentaire là-dessus. C'est ceci : Mme Albright a indiqué qu'à ce moment-
19 là la Russie souhaitait que le problème du Kosovo soit cantonné ou soit un
20 problème qui soit lié au problème serbe. C'est son sujet de préoccupation,
21 surtout à cause de la possibilité de la intervention externe de la
22 Tchétchénie. Est-ce également votre point de vue ? Ceci n'est-il fondé en
23 aucune manière ?
24 R. Je ne vois aucun lien entre le Kosovo et la Tchétchénie à cet égard. Il
25 peut y avoir un autre lien; celui des groupes terroristes qui opéraient au
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1 Kosovo et qui avaient des liens avec les terroristes tchétchènes. Ceci a
2 été prouvé par la suite.
3 Q. A l'intercalaire numéro 5. Ici, procès-verbal du 25 mars, réunion que
4 nous avons abordée. Je souhaite que vous regardiez, s'il vous plaît, les
5 quatre dernières phrases de votre texte en russe et les quatre dernières
6 phrases, bien évidemment, du texte en anglais. Ce procès-verbal du Groupe
7 de contact se termine de cette façon : "Nous essayons de trouver les
8 principes d'une solution sur l'intégrité territoriale," et poursuit, en
9 disant : "Une telle solution doit également tenir compte des droits des
10 Albanais du Kosovo, et de toutes les personnes qui vivent au Kosovo. Nous
11 sommes en faveur d'une autonomie plus large pour le Kosovo, ce qui devrait
12 inclure une administration qui se gérait elle-même de façon conséquente."
13 Est-ce quelque chose à laquelle vous adhériez ?
14 R. Incontestablement. Je pense toujours que c'était exact et approprié
15 cette position-là. D'autre part, nous avons reconnu le Kosovo -- que le
16 Kosovo ne pouvait exister que dans le cadre de la Yougoslavie. Vous
17 insistez vous-même là-dessus en citant ce document. D'un autre côté,
18 également, il était important d'élargir l'autonomie du Kosovo. C'était
19 notre position.
20 Q. Document suivant daté du 31 mars, du conseil de Sécurité. Nous avons un
21 texte en russe que nous pouvons vous remettre. Nous remarquons qu'à la
22 première page dans les deux versions sous le titre "condamnation" le
23 conseil de Sécurité condamne l'utilisation excessive de la force par les
24 forces de police serbe contre les civils et des manifestants pacifiques au
25 Kosovo de même que tous les actes de terrorismes commis par l'Armée de
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1 libération du Kosovo. Le soutien externe donné ou apporté aux activités des
2 terroristes au Kosovo y compris la fourniture en armes, fourniture de
3 ressources financières et formation ou entraînement. Vous avez signé, ou
4 vous étiez d'accord avec cette condamnation, autrement dit, condamnation
5 d'un recours excessif à la force par les forces de polices serbes à
6 l'époque. Car vous aviez connaissance de l'utilisation de la force de façon
7 excessive.
8 R. Je dois dire en premier lieu, que ce document ne m'a pas été remis en
9 russe. Le russe est une langue officielle des Nations Unies, et tous les
10 documents des Nations Unies sont en russe, -- mais toutes les autres
11 langues. Pour ce qui est de l'extrait que vous nous avez cité, oui, nous y
12 croyons. Ceci est souligné ici. Les terroristes telle que l'Armée de
13 libération du Kosovo mène des activités terroristes, et d'autre part, les
14 forces serbes faisaient un usage excessif de la force, ce qui provoquait
15 des pertes en vies humaines du côté des civils.
16 Q. Monsieur Primakov, je souhaite aller à la fin de votre page, et si la
17 Chambre de première instance veut bien passer à la deuxième page de ce
18 document. Cela étant dit, Monsieur Primakov, la version en russe est une
19 version qui nous vient des archives des Nations Unies. J'espère que vous
20 trouverez que ce document vous est utile. Nous regardons maintenant la
21 résolution qui demande à la République fédérale de Yougoslavie de prendre
22 les mesures nécessaires immédiatement aux fins de trouver une solution
23 politique à la question du Kosovo par le biais d'un dialogue. Aux fins de
24 mettre en place différentes mesures, telles qu'elles ont été précisées par
25 le Groupe de contact et demande aux dirigeants albanais de condamner les
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1 activités terroristes, et insiste sur le fait que tous les éléments membres
2 de la communauté albanaise doivent rechercher et réaliser les objectifs par
3 des moyens pacifiques.
4 Ensuite, au numéro 5, par exemple, -- d'accord avec les prépositions faites
5 par le Groupe de contact sur les solutions proposées. Celles-ci sont
6 exposées ici.
7 Ensuite au numéro 9, décide que tous les Etats devront aux fins de
8 favoriser la paix et la stabilité au Kosovo empêchaient la vente ou la
9 fourniture à la République fédérale de Yougoslavie y compris le Kosovo soit
10 par leurs citoyens ou leurs territoires en utilisant leurs vaisseaux ou
11 leurs avions d'interdire ou d'empêcher la vente d'armes ou de tout
12 équipement.
13 Nous allons regarder ceci un peu plus dans le détail. A ce stade, ou à ce
14 moment, êtes-vous satisfait des travaux effectués par le Groupe de contact
15 tel qu'ils apparaissent ici dans la résolution des Nations Unies ?
16 R. A ce moment-là, si nous n'avions pas été satisfaits du contenu de ces
17 documents, nous ne les aurions pas signés. La Russie a signé ces documents,
18 car ils étaient conformes à la position de la Russie.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je dois dire, Monsieur Nice, que j'ai
20 dû mal à trouver la valeur -- enfin de comprendre pourquoi vous posez ces
21 questions en même temps que les réponses qui sont évidentes avant que la
22 question n'ait été posée.
23 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, la position est telle que
24 nous n'avons pu voir illustrer par les différents documents avec le témoin
25 précédent porte sur la présence de la Russie au sein du Groupe de contact,
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1 de même que sa représentation au sein des Nations Unies, et un certain
2 nombre de documents relatent cette violence sur le terrain de différentes
3 façons et pourraient avoir une incidence sur le témoin, et en tout cas, la
4 déposition du dernier témoin. Bien, je suis tout à fait satisfait -- si --
5 je reconnais que si vous me demandez de le faire, je le ferais. Je peux
6 raccourcir ceci. Car je crois que ces documents peuvent être parcourus plus
7 rapidement. Si vous souhaitez que je le fasse, je peux. Mais ces documents
8 sont intéressants eu égard à ce témoin, et ses collègues russes les ont
9 signés, parce qu'ils prouvent ainsi que -- ils pourraient être considérés
10 comme une ressource intéressante pour la Chambre comme étant certaines
11 ressources qui nous permettent véritablement à comprendre comment les
12 événements se sont déroulés.
13 Je lui parle ici de ce nouveau document, de ces différents passages qui
14 traitent en particulier de la violence de part et d'autre, et ceux qui sont
15 illustrés par la violence provoquée du côté serbe également. Mais --
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une question à propos M. Primakov, à
17 savoir s'il accepte ou non que ces documents sont le reflet de l'opinion de
18 la Russie à ce moment-là. Il faudrait le cadrer dans ce contexte-là.
19 M. NICE : [interprétation] Je suis tout à fait heureux de le faire si vous
20 l'acceptez en termes généraux
21 Q. Monsieur Primakov, vous avez vu jusqu'à présent les rapports du conseil
22 de Sécurité -- les résolutions du conseil de Sécurité des Nations Unies, et
23 des documents qui se trouvent devant les Juges en ce moment. Un certain
24 nombre d'entre eux couvrent l'ensemble où tout l'historique du Groupe de
25 contact et les différentes résolutions qui ont été adoptées suite à ces
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1 rapports. Vous avez parcouru un certain nombre de documents dans votre
2 cadre de votre déposition. Ils ont été couverts par vous-même dans votre
3 livre, et tout ceci a été mis à la disposition des Juges. Avec certains
4 d'entre eux en particulier, êtes-vous en désaccord avec certains des
5 points, ou êtes-vous satisfait de ce qui a été présenté aux Juges pour les
6 raisons que vous avez données, et la position adoptée par le Groupe de
7 contact des Nations Unies auquel a participé la Russie ?
8 R. Je crois que tous ces documents ont été évalués à la lumière de
9 l'époque à laquelle ils ont été adoptés. Je ne peux pas les évaluer
10 autrement. Il y avait des circonstances très particulières sur le terrain
11 qui prévalaient à ce moment-là, et ces documents ont été signés par la
12 Russie. Par conséquent, s'ils ont été signés par la Russie, ils ont été
13 avalisés par la Russie, à ce moment-là. Nous n'interprétons pas les
14 documents et les résolutions avec lesquels nous n'étions pas entièrement
15 d'accord. Mais il y avait un élément -- une trame essentiel à ces documents
16 avec lesquels nous étions satisfaits, car ceci favorisait la stabilisation.
17 Q. Je vais vous demander maintenant de répondre un peu plus rapidement.
18 Nous allons passer à l'intercalaire numéro 9. Nous n'avons malheureusement
19 pas de texte en russe. Vous vous en souviendrez peut-être, car c'est un
20 point que vous abordez dans un des chapitres de votre livre.
21 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : Nous n'avons pas boycotté vos
22 documents parce qu'il y avait -- torpillé ces documents. Mais il y avait un
23 ensemble à cœur de documents ou une trame centrale avec laquelle nous
24 étions d'accord.
25 M. NICE : [interprétation]
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1 Q. Le document que vous regardez maintenant est en anglais,
2 malheureusement, daté du 17 juin 1998, des différents représentants. Si
3 nous pouvons regarder l'annexe à la page suivante, nous voyons ici une
4 déclaration commune faite par le président de la Fédération de la Russie et
5 l'accusé, le président Slobodan Milosevic, où l'accusé, au moment des
6 faits, si nous regardons le résumé des différents points, "a été résolu par
7 des moyens politiques." La question est deux points plus loin, deux tirets
8 plus loin : "pour éviter de prendre des mesures répressives contre des
9 populations pacifiques." A la fin de la page, le dernier tiret,
10 l'avant-dernier : "pour permettre à tous les réfugiés de rentrer librement
11 ainsi que toutes les personnes déplacées conformément aux programmes sur
12 lesquels nous sommes tombés d'accord." Ensuite, le dernier point : "au
13 point que les activités terroristes ont été stoppées et réduire la présence
14 des forces de sécurité à l'extérieur des zones dans lesquelles elles sont
15 déployées en permanence."
16 Il s'agit là de quelque chose qui date de l'été 1998. Vous-même, acceptiez-
17 vous à la lumière des éléments présentés, qu'il était nécessaire au
18 président yougoslave, dans cette déclaration publique, de dire qu'il
19 n'allait pas prendre des mesures répressives contre des populations
20 pacifiques ?
21 R. Vous avez cité un extrait d'une déclaration commune que j'ai déjà
22 évoquée au cours de mon témoignage. C'est un document qui avait été rédigé
23 lors de la visite de M. Milosevic à Moscou. Il avait été signé par deux
24 présidents; le président Yeltsin et le président Milosevic. Le texte de ce
25 document que vous avez cité, la version anglaise si je comprends bien, vous
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1 avez cité ce document avec exactitude.
2 Q. Merci.
3 M. NICE : [interprétation] Le document suivant que nous n'avons pas encore
4 regardé est le numéro 11 -- pardon, je souhaite regarder le numéro 10. Il
5 n'y a rien au numéro 10.
6 Messieurs les Juges, le numéro 11 est un rapport. Il s'agit ici de la
7 chronologie des documents. Je vais citer et je dois y faire référence.
8 Numéro 12, nous y avons déjà fait référence. Je ne souhaite rien dire à ce
9 propos.
10 Numéro 13, simplement pour que les choses soient présentées dans l'ordre.
11 Le numéro 13 est un nouveau document, un autre rapport dans cette séquence,
12 un certain nombre de passages que je pourrais vous citer à propos
13 d'allégations et de violences de part et d'autre. Cela fait partie d'images
14 générales. A la lumière des réponses du témoin, je crois que ceci a été
15 produit, mais nous n'allons pas le citer.
16 De même le numéro 14, un rapport du secrétaire général dans le détail.
17 C'est simplement la suite de l'histoire.
18 Peut-être que nous pourrons regarder celui-ci puisque ceci nous donne un
19 aperçu de l'endroit où nous sommes.
20 Q. Monsieur Primakov, le 4 septembre 1998, rapport envoyé au secrétaire
21 général, -- rapport du secrétaire général. Je vous demande de bien vouloir
22 vous tourner au paragraphe 7 "Inquiétudes au plan humanitaire."
23 Le procès-verbal citait quelque 600 à 700 civils qui avaient été tués au
24 cours des combats au Kosovo depuis le mois de mars avec un déplacement
25 estimé et cumulé de quelque 25 000 [comme interprété] personnes. Ensuite,
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1 au paragraphe 8, il est dit : "D'après les estimations du HCR, il pourrait
2 y avoir jusqu'à 50 000 personnes déplacées au Kosovo qui ont été expulsées
3 de leurs foyers et ont dû s'enfuir dans les bois et les montagnes."
4 Ces chiffres, était-ce des chiffres que vous avez acceptés à ce moment-là
5 et que vous acceptez aujourd'hui ?
6 R. Je ne sais pas. S'il s'agit là du rapport du secrétaire général, je ne
7 sais pas s'il cite des chiffres, ces chiffres doivent reposer sur des
8 éléments qui lui avaient été fournis. A savoir si je ne suis d'accord ou
9 non avec ces chiffres, je crois que ceci est hors de propos, car cela ne
10 relève pas de ma compétence en tant que témoin. Je ne peux ni confirmer, ni
11 infirmer quelque chose qui est dit par le secrétaire général dans son
12 propre rapport.
13 Q. Je ne peux que poser la question, Monsieur le Président, je vais
14 maintenant poursuivre.
15 Regardez à l'index ou le document numéro 16, même 17, la Mission de
16 vérification est cet accord que nous avons déjà présenté. Le numéro 18,
17 c'est un accord dans le cadre de la Mission de vérification du Kosovo de
18 l'OSCE.
19 Le numéro 19 est une nouvelle résolution. Nous sommes désormais à la date
20 du 24 octobre. Dans ce document est créé la Mission de vérification du
21 Kosovo. Je ne crois pas que nous allons parcourir ces documents dans le
22 détail, mais vous y trouverez à la page 2 du numéro 19 un certain nombre de
23 paragraphes importants.
24 Documents 20 et 21, nous les avons déjà.
25 Le numéro 22, c'est encore un rapport qui date du 12 novembre. Rien de
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1 particulier que j'ai besoin de vous soumettre.
2 Le document numéro 23, nous sommes à la veille de Noël 1998, à savoir, au
3 24 décembre 1998. Ce jour-là, comme vous pouvez le constater, M. Primakov,
4 à la fin de la première page de la version russe, paragraphe 4, vous
5 constaterez que le secrétaire général est contraint de rendre compte du
6 fait qu'aucune amélioration significative n'a été constatée, et que des
7 signes alarmants de dégradation potentielle existent alors que le cessez-
8 le-feu tient, et que certains signes indiquent l'existence de tensions sur
9 le terrain. Un peu plus loin, il est dit que la violence a atteint son
10 point suprême depuis l'accord du 16 octobre, et que 50 personnes sont
11 mortes au cours d'attaques violentes. Un peu plus loin, un autre
12 commentaire.
13 Admettez-vous que ceci était le signe d'une intensification de la violence
14 à ce moment-là, c'est-à-dire, en décembre 1998 ?
15 R. Les informations cumulées n'étaient pas toutes identiques. Il y a une
16 chose que j'aimerais souligner d'ailleurs. Dans ce rapport du secrétaire
17 général, à savoir, l'endroit où il dit qu'il n'y a pas de nouvelles
18 informations d'enlèvements depuis la mi-septembre. Au même endroit dans le
19 rapport, vous verrez qu'un appui est exprimé au cessez-le-feu. Ce qui est
20 un indicateur parmi d'autres qui démontre qu'il existait également des
21 tendances dans un sens un peu différent.
22 Q. Le document 24, nous l'avons déjà vu. Le numéro 25, rien à ajouter. Le
23 numéro 26 est un rapport qui date du 30 janvier 1999 où il est question du
24 massacre de Racak. Si je ne m'abuse, le témoin n'a rien dit de particulier
25 au sujet de Racak. A moins qu'il y ait quelque chose qu'il souhaite ajouter
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1 à ce qui est contenu dans sa déposition au sujet de Racak, nous pouvons
2 passer à autre chose, à savoir, à l'intercalaire 27.
3 Le document 27, j'aimerais tout de même vous le soumettre, si cela ne vous
4 dérange pas M. Primakov. J'ai peur de devoir constater qu'il n'existe qu'en
5 version anglaise. C'est déjà une pièce à conviction. Il s'agit d'une lettre
6 qui provient du chef de la délégation de la Serbie, à savoir, Ratko
7 Markovic, et qui est adressée à l'ambassadeur russe, Boris Maiorsky, ainsi
8 qu'à l'ambassadeur Christopher Hill et à l'ambassadeur Petritsch. Dans
9 cette lettre, à l'époque des pourparlers de Rambouillet : "La délégation de
10 la République de Serbie souhaite mettre l'accent sur le fait que des
11 progrès importants ont été accomplis au cours de ces pourparlers de
12 Rambouillet, sur la voie d'une solution politique, c'est-à-dire, d'une dose
13 assez importante de gouvernement autonome de Kosovo et Metohija, dans le
14 respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la République
15 de Serbie et de la République fédérale yougoslave."
16 Nous lisons également : "Nous aimerions également insister sur les
17 mêmes éléments qui ont été mis en exergue par le Groupe de contact, à
18 savoir qu'il ne peut y avoir indépendance du Kosovo et Metohija ni de
19 création d'une troisième république.
20 "Par conséquent, tous les éléments de l'autonomie de l'époque où a
21 été conclu l'accord, doivent être connus et clairement déterminés. Dans les
22 travaux ultérieurs, il faudra se concentrer sur les problèmes qui restent à
23 régler. Dans ce sens, nous sommes prêts à participer à la prochaine réunion
24 sur ce sujet.
25 "La République fédérale yougoslave consent à discuter du caractère de
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1 la présence internationale au Kosmet et de son importance numérique,
2 consent à mettre en œuvre l'accord qui sera conclu à Rambouillet.
3 "La République fédérale de Yougoslavie et la République de Serbie
4 sont tout à fait prêtes à continuer leur travail dans l'esprit qui a
5 présidé à la présente rencontre. Par conséquent, nous considérons qu'il
6 serait très utile de fixer une série de dates butoir raisonnables en vue de
7 créer les conditions opportunes, et de se lancer dans une démarche un peu
8 nouvelle dans le cadre du travail à venir qui traitera de ces questions."
9 Il est question ici d'entretiens directs entre les deux délégations, et il
10 est dit que ce serait utile.
11 La déposition qui a été faite devant la Chambre inclut
12 M. Petritsch qui a témoigné. Il a dit qu'à cette date, le 23 février, les
13 choses ont brutalement changé. Nous voyons - et c'est la raison pour
14 laquelle j'ai lu ce document dans son intégralité, que Ratko Markovic est
15 tout à fait positif par rapport aux perspectives de solution. Des documents
16 ont été soumis à la Chambre, c'est aux Juges qu'il appartiendra d'en
17 décider. Nous voyons que le 23 février ou aux environs de cette date, c'est
18 l'accusé qui a permis de renverser la décision et de faire de Rambouillet
19 quelque chose d'impossible.
20 Pouvez-vous nous aider et aider les Juges, je vous prie, en nous
21 disant pourquoi l'accusé, à partir de ce moment-là, a refusé d'accepter cet
22 accord, si tel est bien le cas ?
23 R. Je devrais dire, Monsieur Nice, qu'un livre qui est composé d'une série
24 d'interviews est paru en Italie. On y trouve les interviews consenties par
25 le premier ministre, M. Dini. Dans ces interviews, il parle de Rambouillet.
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1 Il dit qu'il n'y a pas eu d'accord, parce que le mot "militaire" a été
2 accolé aux deux mots "présence internationale". M. Dini, dans cette
3 interview, déclare que si un autre mot pouvant susciter à un compromis
4 avait été découvert, il aurait dû être possible de sortir de l'impasse si
5 la partie d'en face avait accepté que soit retiré l'adjectif "militaire"
6 accolé aux mots "présence internationale". Il se trouve que mon avis
7 correspond tout à fait à celui de M. Dini.
8 Q. C'est un tout petit mot qui a eu pour résultat un rejet complet de la
9 part de l'accusé. C'est bien ce que nous devons comprendre de ce que vous
10 venez de dire ?
11 R. Le problème n'est pas un problème sémantique. Il ne s'agit pas de
12 parler d'un tout petit mot isolé. Ce qui importe, c'est ce qu'il y a
13 derrière ce mot, à savoir, l'acceptation ou le refus d'accepter la présence
14 militaire de l'OTAN au Kosovo de façon temporaire ou permanente.
15 Q. Très bien. Merci de votre explication. Nous pouvons passer à autre
16 chose.
17 Les documents 28 et 29, nous les avons déjà vus.
18 Le document numéro 30, c'est un nouveau rapport qui date du
19 17 mars 1999. Les Juges n'ont pas besoin de détails à ce sujet.
20 Le document numéro 31 est la lettre de Zoran Lilic, qui est placée dans
21 cette série de documents car elle y trouve sa place chronologique.
22 Je vous demande si vous connaissez cette lettre écrite par Zoran
23 Lilic à l'accusé ?
24 R. Je vois ici les mots vice premier ministre, Zoran Lilic; est-ce que
25 c'est exact ? Je ne connais même pas son nom.
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1 Q. Très bien. Passons au document suivant, le numéro 32, qui est encore
2 une lettre qui comporte une annexe. Il s'agit d'une déclaration du
3 président sur la conclusion de la rencontre des ministres des Affaires
4 étrangères du G8 au centre de Petersberg. Est-ce que vous connaissez cette
5 déclaration ? Elle vous est également soumise en langue russe ?
6 R. C'est un document du conseil de Sécurité, n'est-ce pas, Monsieur Nice ?
7 Q. Etes-vous --
8 R. Une déclaration du président au sujet de la conclusion de la rencontre
9 des ministres des Affaires étrangères du G8, qui s'est tenue au centre
10 Petersberg ? A ce moment-là, je n'étais plus ministre des Affaires
11 étrangères, et je n'ai donc pas participé à cette réunion. En conséquence
12 de quoi, je ne saurais connaître ce document.
13 Q. Merci beaucoup.
14 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, de façon à utiliser au
15 mieux le temps du témoin, je pense que nous n'allons pas lui imposer la
16 demande de versement au dossier de tous ces documents. Nous y procéderons
17 plus tard, peut-être après le départ du témoin.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
19 M. NICE : [interprétation]
20 Q. Quelques autres questions, M. Primakov, au vu des réponses que vous
21 venez de faire. Vous avez laissé entendre que les médias des pays
22 occidentaux étaient, d'une façon ou d'une autre, et ce, de façon
23 orchestrée, hostiles à la Serbie. Dans votre déposition, vous avez laissé
24 entendre que cela remontait à la moitié des années 90, sinon, au début des
25 années 90. Pourriez-vous expliquer par quel mécanisme l'ensemble de la
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1 presse occidentale, ou plutôt pas l'ensemble, mais enfin, une grande partie
2 de la presse occidentale, aurait pu être orchestrée de façon à défendre une
3 position anti-serbe ?
4 R. J'aimerais, quand vous me citez, Monsieur Nice, que vous le fassiez
5 fidèlement. Je n'ai pas dit que la presse occidentale aurait lancé, comme
6 vous venez de le prétendre, un quelconque affrontement armé; j'ai dit que
7 la presse occidentale avait eu une démarche assez déséquilibrée par rapport
8 à ces événements, en accordant sa faveur aux mesures anti-serbes. J'ai dit
9 cela, et je continue à le dire actuellement, parce que personnellement,
10 j'ai été témoin d'un certain nombre de diffusions à la télévision qui
11 allaient dans ce sens.
12 Q. J'ai consigné votre réponse dans mes notes manuscrites. C'est après
13 avoir entendu votre réponse au sujet des médias et de leur attitude, de
14 l'attitude générale des médias occidentaux, que j'aimerais vous poser la
15 question que je vais vous poser maintenant. Car comme vous le savez, les
16 médias aiment que l'on pense à eux comme étant libres. Donc, je vous
17 demande, si vous le pouvez, de nous dire pourquoi, d'après vous, les médias
18 occidentaux, de façon générale, auraient écrit d'une façon fausse ou d'une
19 façon inéquitable à l'égard de la Serbie ? Parce que, lorsqu'une presse
20 n'est pas contrôlée, elle est libre.
21 R. Donc, vous diriez qu'il est impossible de défendre des positions
22 subjectives -- partiales pour la presse occidentale lorsqu'elle rend compte
23 de certains événements ? Je ne suis pas d'accord avec une telle
24 déclaration.
25 Q. Votre observation au sujet du nombre des réfugiés en Allemagne est
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1 quelque chose qui, sans doute, repose sur des renseignements fournis à vous
2 par les services de Renseignement. Il est exact, n'est-ce pas, qu'à la mi-
3 1990 ou à la fin 1990, un très grand nombre d'Albanais du Kosovo avait fuit
4 le Kosovo pour aller vivre en Allemagne. Vous avez d'ailleurs pu le
5 constater lorsque votre collègue et vous-même avez parlé de recueillir les
6 noms des manifestants, de façon à ce qu'ils ne puissent pas retourner dans
7 leur foyer. Mais qu'est-ce qui poussait toutes ces personnes, Monsieur
8 Primakov ? Qu'est-ce qui poussait tous ces Albanais du Kosovo à quitter le
9 Kosovo, d'après les informations qui vous ont été fournies ?
10 R. Les sources d'information en question ne sont pas des sources des
11 services de Renseignement. J'ai entendu cela de la bouche même du ministre
12 des Affaires étrangères, M. Kinkel, qui m'a dit que de nombreux Albanais du
13 Kosovo étaient arrivés dans ce pays, et qu'ils avaient commencé à y
14 travailler et, d'après lui, une communauté albanaise était en train de se
15 créer en Allemagne. D'ailleurs, il a ajouté que 3 % de la masse salariale
16 passait directement entre les mains des partisans de l'UCK. Ce, sous la
17 contrainte qu'il serait très difficile de faire ce qui avait été proposé,
18 car toutes ces personnes faisaient partie d'une communauté assez fermée, et
19 donc qu'il serait difficile de les soumettre à la mesure proposée parce que
20 cela créerait un très grand problème pour l'Allemagne, selon lui. Il m'a
21 dit cela de sa bouche. Il m'a dit : Préconisez le retour de ces personnes
22 dans leur foyer. Il me l'a dit face à face.
23 A cette époque, malheureusement, même après que l'influence albanaise
24 ait commencé à s'exercer au Kosovo, nombreux d'entre eux n'étaient pas très
25 pressés de retourner au Kosovo.
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1 Q. Vous voyez, vous avez dépeint l'Armée de la libération du Kosovo comme
2 étant constituée de personnes qui auraient commis des infractions, et vous
3 avez simplement admis que, parfois, les représailles étaient un peu
4 excessives. N'est-il pas exact que, dans toute la décennie 90, et notamment
5 vers la fin des années 1990 - et je vous demande de nous le dire sur la
6 base des informations qui vous parvenaient - n'est-il pas exact que les
7 Albanais du Kosovo, à cette époque, étaient chassés de chez eux par la
8 violence et par des violations des droits humains de la part des Serbes ?
9 R. Je crois qu'il y a eu des exemples de ce genre. Mais de la même façon,
10 il y a eu également un exode massif de Serbes du Kosovo en raison de la
11 violation des droits qui étaient les leurs. A la même époque, et je le
12 redis une nouvelle fois, selon les informations qui nous ont été fournies,
13 il y a eu la plus grande vague d'immigration qui a commencé après le début
14 des bombardements.
15 Q. Je souhaitais vous interroger au sujet d'un autre point. Vous parlez du
16 plus grand flux d'immigration après le début des bombardements. Vous
17 admettrez que ceci ne signifie pas que l'immigration a démarrée en raison
18 des bombardements. Vous n'avez peut-être pas suivi toutes les dépositions
19 qui ont été faites devant cette Chambre, mais de très nombreux témoignages
20 parlent de l'expulsion des Albanais du Kosovo. Certains ont été tués, et
21 les autres expulsés. Il y avait les frontières où, de façon très régulière,
22 sinon toujours, ces personnes étaient privées de leurs papiers d'identité.
23 Toutes ces questions -- bien sûr, il appartiendra aux Juges de
24 trancher sur toutes ces questions. Mais cet autre point, le retrait
25 pratiquement systématique des papiers d'identité à ces personnes, pouvez-
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1 vous nous expliquer cela sur la base des informations qui vous étaient
2 fournies ?
3 R. Monsieur Nice, vous venez de citer des documents de l'organisation des
4 Nations Unies et du Groupe de contact, qui montre que, pendant les
5 opérations militaires, il y a eu certaines infractions et violations
6 commises des deux côtés. Je n'aimerais pas vous donner une idée unilatérale
7 de la situation. Bien sûr, il y a eu évacuation au cours des bombardements,
8 et cette évacuation a été massive, je le redis encore une fois.
9 Q. Si les Juges, en temps utile, déterminent que ceci est une réalité, que
10 ceci est quelque chose qui s'est bien passé, je vous demande si, pour votre
11 part, vous pouvez expliquer, de quelque façon que ce soit, la confiscation
12 systématique, et en fait, la destruction des papiers d'identité que
13 possédaient les Albanais du Kosovo, une fois qu'ils étaient chassés du
14 Kosovo ?
15 R. Je répète encore une fois --
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Maintenant, le micro est allumé. Vous savez
18 bien que je ne peux pas l'allumer moi-même puisque c'est vous qui l'allumez
19 et l'éteignez. Donc, je reprends.
20 Monsieur Robinson, M. Nice a dit qu'il appartenait aux Juges de la
21 Chambre de trancher en la matière. Après quoi, il pose une question à M.
22 Primakov au sujet d'une prétendue confiscation systématique des papiers
23 d'identité des Albanais du Kosovo, comme si ceci était une réalité. Je
24 pense que ceci n'est pas convenable. Il ne peut pas poser cette question au
25 témoin comme s'il s'agissait d'un fait, simplement parce que vous avez
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1 entendu ici un grand nombre -- une masse de faux témoins qui vous a dit des
2 contrevérités.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'abord, Monsieur Milosevic, il est
4 tout à fait convenable d'explorer des points de faits, à la différence des
5 points de droit.
6 Deuxièmement, Monsieur Nice, je suis d'accord avec M. Milosevic; vous ne
7 devriez pas formuler votre question de cette façon, c'est-à-dire en
8 semblant partir de l'hypothèse que le témoin admet qu'il y a eu
9 confiscation systématique des papiers d'identité.
10 M. NICE : [interprétation] Je n'avais simplement pas l'intention de laisser
11 planer cette hypothèse. C'était plutôt le contraire. J'invite, en fait,
12 chacun à partir de l'hypothèse contraire, c'est-à-dire que j'ai demandé au
13 témoin s'il avait une explication.Avec le respect que je dois à chacun ici,
14 je pense que ce sujet n'est pas un sujet inutile à aborder. Car en
15 l'espèce, si l'on découvre qu'il y a eu comportement systématique -- qu'il
16 y a eu confiscation systématique et non expliquée - à moins que des témoins
17 aient des renseignements à ce sujet et qu'ils soient capables de nous aider
18 en la matière - mais je suspecte que la réponse sera négative de la part de
19 ce témoin. Cela dit, j'insisterais pour disposer de la liberté que est la
20 mienne de l'interroger sur ce sujet.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous avez posée la question
22 comme reposant sur une hypothèse, n'est-ce pas ?
23 M. NICE : [interprétation] Oui.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est cela.
25 M. NICE : [interprétation] C'est cela.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors, allez-y.
2 M. NICE : [interprétation] Bien.
3 Q. Monsieur Primakov, comme j'espère que ceci a été clair dès le début -
4 en tout cas, j'espère que cela vous a été interprété de la façon la plus
5 claire qu'il soit - je posais cette question sous une forme hypothétique, à
6 savoir, si ceci devait être le cas, s'il devait y avoir eu confiscation et
7 destruction systématique des papiers d'identité des Albanais du Kosovo -
8 pour utiliser un terme neutre - qui quittaient le territoire, pouvez-vous
9 expliquer, sur la base des informations dont vous disposez, comment ceci a
10 pu se faire ?
11 R. Tout d'abord, Monsieur Nice, je dois vous dire que je n'ai jamais
12 travaillé pour la police serbe, pas plus que pour les instances qui ont eu
13 pour mission de confisquer ce type de document ou de donner ce type
14 d'ordre. Ce qui fait que des questions hypothétiques de votre part me
15 donnent la possibilité de dire que je n'ai catégoriquement aucune
16 connaissance de ces faits.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin vous a répondu.
18 M. NICE : [interprétation] Merci.
19 Q. Dans les quelques minutes qui me restent, j'aurais peut-être trois
20 sujets à aborder. Je ne sais pas du tout quel est l'ordre dans lequel je
21 vais vous poser mes questions à ce sujet.
22 Le président Yeltsin est l'auteur d'un livre qui s'appelle : Les journaux
23 de minuit. Il parle de ce qui s'est passé lorsque vous êtes devenu premier
24 ministre et lorsque vous avez cessé d'être premier ministre, avant
25 l'interruption des bombardements. Il explique comment il vous a congédié,
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1 également. Mais il parle, entre autres, d'une réunion qui s'est tenue en
2 date du 13 mai, entre le président Jacques Chirac et lui-même. Il dit que
3 le président Chirac a clairement laissé entendre au président Yeltsin qu'il
4 fallait qu'il se décide s'il allait apporter son soutien à Milosevic ou
5 pas.
6 Savez-vous qu'une réunion de cette nature s'est effectivement tenue,
7 et pouvez-vous nous confirmer brièvement ce que le président Yeltsin a dit
8 dans son livre ?
9 R. Monsieur Nice, vous vous en tenez très bien à la chronologie. Cela doit
10 être votre point fort.
11 Mais je n'ai pas été premier ministre au gouvernement à compter du 12
12 mai, et vous me demandez de vous parler d'une réunion qui s'est tenue entre
13 Milosevic et Chirac le 13 mai. Ce jour-là, je n'étais plus premier ministre
14 et j'étais en train de regarder un match de foot.
15 Q. Parlant de tous ces contacts qui se sont passés par votre biais, puis
16 par le biais de Chernomyrdin par la suite, suite à quoi il y a eu un bon
17 terme de tous ces événements, le président Yeltsin n'a pas eu à une vue
18 favorable -- un point de vue favorable à l'égard de l'accusé, n'est-ce
19 pas ? C'est bien ce que vous voulez dire ?
20 R. J'ai l'impression que vous voulez créer une image au sujet de l'accusé,
21 et vous vous servez de moyens qui ne sauraient être admis, et ce n'est pas
22 du tout la raison pour laquelle je suis venu ici. Vous pouvez certainement
23 vous référer au livre.
24 Q. Oui, mais jusqu'au jour où vous avez quitté vos fonctions, n'a-t-il pas
25 été de l'opinion de la direction russe le fait d'affirmer que l'accusé
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1 était en train de se jouer aux fins de recevoir -- de bénéficier de l'appui
2 des Russes, et c'est là un jeu qui n'a pas été si payant que cela pour
3 lui ?
4 R. Je pense que, dans les conditions difficiles qui prévalaient à l'époque
5 en Yougoslavie, personne, en matière de politique, n'avait envie de jouer.
6 Je ne pense pas que cela ait pu être dit au sujet de quelque homme
7 politique yougoslave d'importance que ce soit.
8 Q. Une autre question de détail : vous vous êtes référé à une rencontre
9 avec l'accusé le 30 mars, après le début des bombardements. Je ne pense pas
10 que cela soit dit dans ce livre, le livre dont nous parlons. Mais est-ce
11 qu'il y a une trace écrite à ce sujet qui existerait quelque part et qui
12 nous aurait échappé ? Je ne pense pas que cela soit toutefois le cas, et
13 j'aimerais que vous nous le disiez.
14 R. Puisque vous semblez le croire, mes modestes efforts sont présents et
15 ils sont là pour mieux vous faire comprendre la situation donc, à cet
16 effet, je vous recommanderais de lire un autre livre de moi-même qui n'est
17 pas connu de vous, de façon évidente. Cela s'appelle, Huit mois de plus.
18 Dans ce livre, vous pourrez retrouver une présentation objective de tous
19 les détails concernant mon limogeage de ces fonctions de premier ministre.
20 Ce que je peux vous dire, c'est que le président de la Fédération
21 russe, le président Yeltsin, m'a proposé d'écrire moi-même la déclaration
22 par laquelle je demanderais à me retirer de mes fonctions, dans quelques
23 termes que ce soit. C'est vous qui avez soulevé la question.
24 Je dis que cela était son droit constitutionnel. Je n'avais pas
25 l'intention de faciliter sa tâche. Donc, dans ce livre, vous trouverez la
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1 description de mes négociations et discussions avec Monsieur Gore. Vous
2 allez pouvoir retrouver des notes de ces réunions et vous pourrez les y
3 retrouver et retrouver également --
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps parce que
5 cela suffit comme publicité pour votre deuxième livre.
6 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.
7 J'avais d'autres sujets à aborder, mais je crois que mon temps a pris fin,
8 et je vais m'arrêter.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, avez-vous
10 des questions complémentaires ?
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, et je crois comprendre que je n'ai
12 que dix minutes à ma disposition. Ne perdez pas de vue la montre, je vous
13 prie.
14 Nouvel interrogatoire par M. Milosevic :
15 Q. [comme interprété] Monsieur Primakov, M. Nice, au début de son
16 intervention, vous a demandé si vous aviez connaissance de l'existence de
17 ce conseil de Coordination au niveau de la politique d'Etat, et il vous a
18 cité moi-même, le général Mladic, et je ne sais trop qui encore. Vous lui
19 avez répondu que vous n'en saviez rien, n'est-ce pas ?
20 R. C'est exact.
21 Q. J'aimerais attirer votre attention, et ceci pour les besoins du compte
22 rendu d'audience et des éléments de preuve, à savoir, qu'au début des notes
23 sténographiées, il est clairement indiqué qui sont les personnes présentes.
24 On dit que le président de la présidence de la Yougoslavie y est présent,
25 il y a le vice-premier ministre, les présidents des républiques, certains
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1 ministres, les premiers ministres des différentes républiques, et on dit
2 ensuite, les membres de ce conseil.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic -- je viens de
4 vous interrompre. Est-ce que vous avez l'intention de faire admettre ce
5 document par le biais de ce témoin-ci, ou est-ce déjà versé ?
6 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
8 M. MILOSEVIC : [interprétation] C'est un document présenté par M. Nice. On
9 dit : "Dobrica Cosic, le président, qui déclare ouvrir l'audience -- cette
10 session de ce conseil en présence des représentants de la Republika Srpska
11 et de la Krajina serbe."
12 Q. Monsieur Primakov, donc, est-il clair, si l'on dit qu'il n'y a pas des
13 membres de ce conseil, mais que des représentants de ces deux entités
14 assistent à l'audience -- à la réunion ?
15 R. Vous avez apporté l'explication que vous avez apportée, et j'ai
16 tendance à être d'accord. Mais je ne sais rien du tout au sujet de ce
17 conseil ou au sujet du document.
18 Q. M. Nice a présenté un document en disant qu'une réunion s'est tenue le
19 9 janvier. Il dit qu'il y a eu cette rencontre -- il l'a fait pour indiquer
20 que ma position divergeait par rapport à celle que je vous ai présentée à
21 vous-même, et que vous avez mentionnée dans votre témoignage. Je vais
22 citer. Il y a beaucoup de citations, je ne vais pas m'attarder à chacune
23 d'entre elles, mais au tout début de mon intervention aux discussions --
24 dans les discussions de cette réunion, je vais citer ce que j'ai dit.
25 "Notre objectif stratégique est de faire en sorte que le peuple serbe sur
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1 les Balkans soit libre et sur un pied d'égalité. L'égalité en droit du
2 peuple serbe sous-entend toutes les possibilités qui sont les siennes
3 d'affirmer et de consolider ses intérêts. Je dis ensuite, je suis tout à
4 fait convaincu que nous n'avons absolument pas exploité tout le champ de
5 manœuvre en matière -- de négociations pour recourir à nos responsabilités
6 et faire en sorte d'exploiter au maximum le champ de manœuvre que nous
7 ménage les négociations.
8 Si je m'emploie en faveur d'une chose en présence des représentants
9 de la Republika Srpska et de la Krajina serbe, en disant qu'il fallait
10 aller négocier, et les questions de négociations de Genève, est-ce que cela
11 est tout conforme à ce que je vous ai dit et ce que vous m'avez dit vous-
12 même ? J'entends ce que je viens de vous citer.
13 R. Vous avez parlé de la nécessité d'aboutir à une solution
14 politique. Je pense en avoir parlé moi-même auparavant. Pour ce qui est des
15 documents concrets ou de vos déclarations spécifiques, je ne peux pas
16 témoigner à leur sujet, parce que je n'en sais rien de concret, mais c'est
17 que vous avez indiqué coïncide ave les points de vue que vous avez exprimés
18 à mon intention lorsque nous nous sommes entretenus pour d'autres
19 questions.
20 Q. En page 58, s'agissant de la Bosnie-Herzégovine, je dis : "Qu'il
21 fallait qu'elle soit reconnu lorsqu'il sera adopté une constitution partant
22 d'un consensus tripartite." A vous aussi, je vous ai parlé d'un
23 "consensus"; est-ce que cela coïncide, oui ou non, avec ce que je vous ai
24 dit, ce principe de consensus tripartite auquel devrait aboutir les trois
25 peuples constitutifs ? Oui ou non ?
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1 R. Non, seulement, vous me l'avez dit à moi, mais je l'ai cité cette
2 déclaration auprès de la télévision de Belgrade une fois que vous avez été
3 interviewé à Genève.
4 Q. Monsieur Primakov, j'en finis avec ce document, et je vais vous
5 demander, si vous vous en souvenez, et je vous ferai une citation, mais
6 j'aimerais que M. Primakov reçoive le document entier pour qu'il le lise,
7 lorsqu'il aura le loisir de le faire, pour constater par lui-même, dans
8 quelle mesure, ce que lui et moi, nous nous sommes dits se trouvait
9 conséquent et fidèlement reproduit à ce que j'ai dit ici.
10 J'ai dit que nous n'étions pas partis au conflit en Bosnie, que nous
11 n'étions pas représentés à la conférence de Genève en tant que Serbie. Mais
12 que c'est la délégation yougoslave qui y était, et que c'étaient les
13 institutions fédérales qui devaient être représentées. Lord Owen a insisté,
14 il a dit : "Vous ne pouvez pas refusé d'apporter votre contribution."
15 En page 12. Il a indiqué en s'adressant aux caméras de la télévision et a
16 dit : "Qu'au nom de la communauté Européenne, il a convié le président
17 Milosevic à prendre part aux travaux de la conférence de Genève pour
18 apporter sa propre contribution, et ainsi de suite."
19 Par conséquent, Monsieur Primakov, est-il tout à fait clair qu'à Genève il
20 y a négociation entre trois parties en présence, la partie musulmane, la
21 partie croate et la partie serbe de Bosnie, et j'ai été convié à apporter
22 une contribution à cette solution pacifique, et vous-même aviez été la
23 personne qui avait insisté sur une contribution de ma part à cette solution
24 pacifique ? Cela se rapporte au caractère de ma participation aux
25 négociations de Genève.
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1 R. Cela est exact. Il y avait là-bas trois délégations d'impliquées, et
2 nous avons procédé à une intensification de nos entretiens avec vous et
3 c'est ce qui a fait que vous ayez fait ce voyage à Genève étant donné qu'il
4 était clair que votre présence là-bas pouvait aider à sortir de l'impasse
5 dans laquelle l'on était tombé. Dans un témoignage précédent, je crois
6 avoir indiqué que c'est précisément ce que vous avez fait parce qu'avant
7 votre voyage, la Republika Srpska avait refusé de tomber d'accord avec
8 l'ordre constitutionnel ou l'aménagement constitutionnel suggéré par le
9 plan Vance-Owen, et vous avez vous-même exercé une influence très positive.
10 Ce qui fait que la délégation des Serbes de Bosnie a abandonné la position
11 précédemment prise le jour d'avant.
12 Q. Etant donné que je n'ai plus beaucoup de temps pour procéder à des
13 questions complémentaires par rapport au contre-interrogatoire.
14 Je dirais que M. Nice vous a intéressé au sujet des positions prises par le
15 Groupe de contact. Je voudrais que vous me disiez, si les positions prises
16 par le Groupe de contact ont exprimé l'unité de celui-ci, ou ont exprimé un
17 compromis auquel on serait abouti à son sein entre les représentants russes
18 et autres, ou entre les différentes représentants entre eux ? Est-ce que
19 cela a exprimé l'unité, ou cela a-t-il exprimé un compromis entre les
20 positions variées qui y étaient représentées ?
21 R. Je pense que je devrais répondre à cette question comme suit : sur un
22 certain nombre de questions, il y a eu unité de point de vue. Sur certains
23 documents, il a été abouti à un compromis, aux fins de ne pas perdre les
24 éléments positifs auxquels on était abouti par le biais de ce compromis ou
25 de ces compromis.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous sommes en
2 train d'entrer dans le sujet --
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai encore une question.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais nous devons quitter le
5 prétoire, parce qu'un autre procès doit se dérouler ici.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Juste une question.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. J'ai pris bonne note de ce que vous avez dit lorsque vous avez parlé de
9 tous ces documents, vous avez indiqué que vous n'avez pas miné certains
10 documents parce qu'il y avait une substance -- un substratus [phon] sur
11 lequel nous nous étions mis d'accord. Vous parliez du Groupe de contact et
12 au reste.
13 Quel est cet élément principal sur lequel il y a eu accord ?
14 R. Je voudrais tirer au clair un élément, Monsieur Milosevic. Ceci ne
15 s'applique pas à tous les documents du Groupe de contact. Certains
16 documents ont été adoptés de façon inconditionnelle par tous les
17 participants, il a toutefois eu des documents qui ne nous convenaient pas
18 complètement, concernant la totalité des points qui étaient prévus, et nous
19 avons estimé qu'il constituait un mal moindre d'accepter des documents tel
20 quels en dépit de certains -- des parties qui ne nous arrangeaient pas.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Primakov --
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Juste une question.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Etant donné que M. Nice a soulevé la question de Rambouillet, et il a
25 dit qu'il a banalisé les choses à tel point pour réduire la chose en un
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1 terme, intervention militaire ou pas. N'a-t-il pas dit : ou n'est-il pas
2 vrai que le représentant russe de Rambouillet lorsqu'il a placé sa
3 signature sur le projet a dit, sauf les avenants 2 et 7 ?" Lui aussi a
4 refusé de signer ces avenants concernant la présence militaire de l'OTAN
5 sur le territoire de la République fédérale de Yougoslavie.
6 M. NICE : [interprétation] Bien entendu, ceci est une question directrice.
7 Elle présente dans sous un éclairance [phon] tout à fait faux les échanges
8 qui ont eu lieu entre le témoin et moi-même, étant donné que le témoin lui-
9 même a utilisé le terme "de militaire", pour indiquer que c'est la seule
10 raison, de voir l'accusé change d'avis. En raison des contraintes de temps,
11 si la Chambre veut bien se pencher sur la réponse apportée par le témoin,
12 je l'invite à le faire et je ne vais pas prendre davantage de temps.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Une brève réponse de la part du
14 témoin et ce serait la dernière des questions à son intention.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà perdu le fil de quoi nous étions en
16 train de parler. J'étais en train d'écouter les propos de l'Accusation, du
17 Procureur.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Monsieur Primakov, est-il exact de dire que le représentant russe
20 n'a pas voulu, lui non plus, signer les avenants 2 et 7 portant sur la
21 présence militaire?
22 R. Ma réponse est oui. Cela est exact.
23 Q. Merci.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Primakov, ceci met un terme
25 à votre témoignage. Je vous remercie d'être venu au Tribunal international
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1 pour témoigner. Vous pouvez vous retirer à présent.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.
3 [Le témoin se retire]
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.
5 M. NICE : [interprétation] Nous allons traiter de la question des pièces.
6 Tout ceci a été rassemblé dans une seule liasse, ce qui permet de retrouver
7 tous les documents au même endroit. C'est peut-être quelque chose que vous
8 trouverez utile ou non. Mais, en tout cas, c'est comme cela que nous avons
9 procédé. Vous y reconnaîtrez toutes -- dans l'index, tous les documents que
10 nous avons déjà présentés, qui ont déjà été présentés, de façon à ce que
11 l'on pourrait considérer qu'il s'agit-là d'une seule et même pièce à
12 conviction et qu'il s'agit d'un document se rapportant au Groupe de contact
13 et au conseil de Sécurité des Nations Unies et de quelques autres. Vous
14 retrouverez -- tout y est; sinon, on peut passer en revue ou présenter les
15 différents documents qui ont déjà été présentés.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela comportera le numéro 795 et
17 j'allais donc présenter indépendamment ceux qui ont déjà été versés au
18 dossier. Ce sera, à ce moment-là, 11 intercalaires, l'intercalaires 1 à 11.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ou nous pouvons utiliser --
20 M. NICE : [interprétation] Les numéros des intercalaires déjà utilisées
21 pourraient être utilisées à nouveau, ce qui nous faciliterait la tâche. Le
22 Greffe pourrait annexer l'index à la pièce, de façon à ce que chacun
23 comprenne comment cela fonctionne.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est préférable. Je souhaite
25 informer les différentes parties en présence qu'il y aura une séance
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1 plénière mercredi prochain et que nous allons, par conséquent, siéger
2 lundi, mardi et jeudi. La séance est levée. Prenez en bonne note, Monsieur
3 Milosevic.
4 --- L'audience est levée à 14 heures 39 et reprendra le mercredi 1
5 décembre 2004, à 9 heures.
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