Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 6 décembre 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant que M. Milosevic ne cite à la

6 barre le témoin suivant, je voudrais dire ce matin, avec la bienveillance

7 des interprètes, que nous allons siéger jusqu'à 10 heure 40, pour la

8 première session, ensuite nous allons faire une pause de 20 minutes et, par

9 la suite, nous allons siéger de 11 heures à 12 heures 40.

10 Monsieur Milosevic, votre témoin suivant est M. Slavenko Terzic, n'est-ce

11 pas ?

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est bien cela.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous nous sommes penchés sur une

14 requête visant à rejeter la comparution de ce témoin, mais nous l'avons

15 refusée. Nous savons que c'est un historien. Je crois savoir que vous

16 devriez tenir à l'esprit le fait que nous avons déjà entendu bon nombre de

17 témoignages au sujet de l'histoire de la toile de fond et de ces sujets. La

18 Chambre donc voudrait que vous vous en teniez à l'histoire récente, et à ce

19 qui s'est passé au niveau des conséquences relatives au Kosovo, les

20 origines du conflit, la signification de ce rassemblement du 1989 à Kosovo

21 Polje, et les circonstances qui ont entouré ces événements.

22 Veuillez citer le témoin.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je tiens à vous préciser

24 que c'est le premier témoin historien qui vient témoigner ici, au sujet du

25 Kosovo et de la Metohija dans le courant du XXe siècle.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons garder cela à l'esprit,

2 Monsieur Milosevic.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je voudrais que le témoin nous fasse

6 sa déclaration solennelle.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 LE TÉMOIN: SLAVENKO TERZIC [Assermenté]

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

12 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

14 M. NICE : [interprétation] Avant que l'accusé ne commence son

15 interrogatoire principal, je voudrais vous montrer deux classeurs de pièces

16 à conviction qui nous ont été fournies pour le témoignage de ce témoin. Je

17 crois que cela nous a été fourni jeudi de la semaine passée. La grande

18 majorité de ces documents n'a pas été traduite. En conséquence, il nous a

19 été très difficile d'étudier toute la documentation durant le week-end,

20 mais je vais y revenir plus tard.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, en effet, s'il y a

22 des difficultés qui découleraient de ce fait, nous nous pencherons sur le

23 sujet.

24 Allez-y, Monsieur Milosevic.

25 Interrogatoire principal par M. Milosevic :

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1 Q. [interprétation] Monsieur Terzic, je vous prie de décliner votre

2 identité complète.

3 R. Je m'appelle Slavenko Terzic.

4 Q. Veuillez nous dire quelques mots au sujet de votre biographie. Mais

5 soyez bref, je vous prie, parce que votre biographie a déjà été fournie en

6 annexe de votre rapport d'expert.

7 R. Je suis historien. Je travaille à l'Institut d'histoire de l'Académie

8 serbe des sciences et des arts. Je traite de l'histoire du peuple serbe

9 dans le courant des XIXe et XXe siècles. Je vaque à l'étude de l'histoire

10 des Balkans, aux XIXe et XXe siècles. J'ai participé à bon nombre de

11 conférences internationales.

12 Je voudrais souligner le fait que j'ai été organisateur d'un grand

13 dialogue scientifique, entre historiens de l'ouest et de l'est sur le

14 sujet, Rencontre de civilisation dans les Balkans. Cela fait le sujet d'une

15 grande conférence à Belgrade, et j'ai été le président de ce comité

16 organisationnel qui s'est chargé de la tenue de cette conférence.

17 Q. Merci.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quand est-ce que cette conférence

19 est tenue ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Les conférences à ce sujet se sont déroulées,

21 depuis 1995, 1996 jusqu'à l'an 2000. L'UNESCO est venu soutenir ce projet.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, allez-y, Monsieur Milosevic.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Partant de votre biographie, nous pouvons lire que vous avez travaillé

25 à l'Institut d'histoire de l'Académie serbe des sciences et des arts

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1 pendant 30 ans. Vous avez été directeur de cet institut au niveau de

2 l'Académie serbe pendant bon nombre d'années, n'est-ce pas ?

3 R. Oui. J'ai passé 30 ans à étudier l'histoire des Balkans. J'ai été

4 pendant 15 ans directeur de cet institut, donc depuis 1987 jusqu'à 2002.

5 Q. Vous nous avez fourni une biographie des ouvrages que vous avez

6 étudiés, et je crois que cela est donné ici, si je ne me trompe pas sur 18

7 pages. Je ne voudrais pas mentionner des éléments spécifiques à ce sujet,

8 mais est-ce pour l'essentiel ce que vous avez jugé être pertinent pour

9 votre biographie ?

10 R. Ce sont des études ou des travaux qui sont importants, d'un point de

11 vue scientifique. Quant à ce témoignage, j'ai notamment choisi les études

12 et les ouvrages qui concernent l'histoire des Balkans, et notamment

13 l'histoire de la vieille Serbie, à savoir du Kosovo et de la Metohija.

14 Q. Bien. Vous nous avez dit que vous avez vaqué à l'étude de l'histoire

15 des Balkans, et entre autres, l'histoire de la vieille Serbie, du Kosovo et

16 Metohija. Vous avez été co-auteur chargé de la publication d'un livre

17 monumental Les legs au Kosovo publié en 1987 ?

18 R. Oui. C'était un ouvrage capital des sciences serbes. Le livre compte un

19 millier de pages. Il y a un millier de scientifiques serbes qui ont

20 travaillé là-dessus y compris M. Radovan Samardzic.

21 Q. Vous êtes intervenu au niveau de la recherche sur le Kosovo à Metohija

22 depuis 1995 à 1997. Vous avez passé beaucoup de temps là-bas; et quelles

23 sont les expériences que vous avez retirées de vos séjours ?

24 R. Oui. J'ai séjourné à plusieurs reprises au Kosovo et à Metohija, non

25 seulement parce que c'est la plus belle des parties de la Serbie mais

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1 notamment pour des raisons scientifiques.

2 Il y a deux raisons scientifiques pour lesquelles je suis allé là-bas. La

3 première des raisons c'est que l'Institut de l'histoire et le département

4 de Prizren, avec Mme Furjanovic, à la tête de ce département, nous avons

5 entamé une manifestation scientifique qui s'est traduite par la tenue d'un

6 symposium historique à Prizren. Nous avons conduit des recherches au niveau

7 de l'Institut d'histoire avec la collaboration d'autres Instituts

8 d'histoire et il y avait une équipe de dix hommes à la tête de laquelle je

9 me trouvais moi-même. Nous avons visité le Kosovo et la Metohija. Nous

10 avons visité les ruines ou les vestiges des anciennes églises, monastères,

11 cimetières, pierres tombales, et enfin, tout se qui témoigne de la présence

12 des Serbes sur ce territoire. Je voudrais à présent --

13 Q. Dites-moi, d'abord, dans les recherches que vous avez effectuées, l'un

14 des résultats a été l'élaboration d'une carte assez détaillée portant sur

15 les traces de la présence des Serbes au Kosovo et Metohija au fil de

16 l'histoire.

17 R. Oui. J'ai ici une carte que je voudrais présenter en guise d'éléments

18 de preuve. C'est une carte qui témoigne du type de pays que ce Kosovo et de

19 Metohija a été.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je m'attendais à ce que nous

21 puissions avoir un panneau ou un présentoir pour que l'on puisse placer

22 cette carte dessus. On pourra peut-être le faire pendant la pause. Parmi,

23 les éléments de preuve à l'intercalaire 1, il y a la carte dont on parle.

24 Cela a été fait.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, avez-vous

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1 demandé un chevalet ? Je crois qu'il y en a un tout près.

2 M. NICE : [interprétation] Il y en a un juste à côté de la porte d'entrée.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Peut-être, pourrait-on demander

4 à M. l'Huissier s'il peut s'arranger pour nous le mettre à disposition.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Pour ne pas perdre de temps, je dirais

6 que cet élément de preuve, une carte portant sur les vestiges de la

7 présence des Serbes au Kosovo et Metohija, figure sur un disque compact.

8 Vous pouvez voir cela sur vos moniteurs. L'équipe technique dispose de tout

9 ceci, et ils peuvent nous le passer sur le moniteur.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai une copie qui pourrait être placée sur le

11 rétroprojecteur. Elle n'est peut-être pas parfaite, mais on peut la placer

12 sur le rétroprojecteur quand même.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. On va le placer sur le

14 rétroprojecteur.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Je vous demanderais d'être bref. J'attire votre attention sur le fait

17 qu'il y a une photocopie en noir et blanc, ce qui fait que cette photocopie

18 est pratiquement inutilisable, parce que sur le territoire entier du Kosovo

19 et de la Metohija, ces petits points que l'on voit ici et qui recouvrent le

20 territoire entier sont donnés en rouge afin que l'on ait une image

21 contrastée avec la toile de fond. Sur la photocopie, bien sûr, cela ne se

22 voit pas si bien.

23 Monsieur Terzic, soyez bref, je vous prie ?

24 R. Ceci est le territoire du Kosovo et de la Metohija. Ce territoire a été

25 le territoire ethniquement le plus homogène dans le courant du XIIe, XIIIe,

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1 XIVe, XVe et XVIe siècles. C'est à Petch [phon] que se trouvait le siège de

2 l'archevêché serbe depuis 1184, c'est à Prizren que se trouverait le siège

3 de l'Empire serbe en 1346, et au total sur le territoire du Kosovo et de la

4 Metohija, tel que recherché par nos soins, notre collègue Vojic a élaboré

5 cette carte, et sur le territoire entier du Kosovo et de la Metohija, nous

6 avons relevé 1 350 monuments liés à l'église serbe, et à la culture serbe.

7 Sur ces 1 350, 1 180 sont des églises ou des vestiges d'églises, il y a 113

8 monastères et vestiges de monastères, 48 églises creusées dans de la

9 pierre, des caves, qui servaient d'églises, 96 forteresses et grandes

10 places, 76 vestiges de vieilles villes des XIe au XVe siècles, 574

11 cimetières serbes d'antan, et 14 restes de châteaux.

12 C'est ce qui constitue le legs spirituel de cette présence serbe.

13 Q. Monsieur, je sais que l'histoire est complexe, mais je voudrais que

14 vous nous disiez quels sont les facteurs historiques qui ont influé de

15 façon considérable sur l'histoire de cette région au fil des temps écoulés

16 dernièrement.

17 R. Pour ce qui est de cette histoire récente, je crois qu'il y a trois

18 événements historiques qui ont influé de façon déterminante sur l'histoire

19 de ce territoire.

20 Le premier événement a été la conquête de l'Empire ottoman. Ces conquêtes

21 ottomanes ont conduit, au XVe siècle, à un choc de deux civilisations, de

22 deux systèmes de valeur, d'un conflit entre un monde islamique et un monde

23 chrétien sur ces territoires-là.

24 Les conséquences de ce conflit peuvent être vues et constatées de nos

25 jours encore. Je crois que Henry Kissinger, l'ex-ministre des Affaires

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1 étrangères américain avait raison de dire une fois à Prague le 12 octobre

2 1998, et c'est la pièce 3 dans la ma liste de pièce à conviction, il a dit

3 que les fondements de la crise au Kosovo et Metohija consistent en

4 interactions qui se sont produites au fil de plusieurs siècles entre les

5 chrétiens et l'islam. Ces conquêtes ottomanes ont dissocié cette partie de

6 l'Europe du reste du monde chrétien. Une autre raison déterminante --

7 Q. Je vais vous interrompre. Est-ce que vous avez cet article de M.

8 Kissinger ?

9 R. Oui. Je l'ai placé dans le document numéro 3 de ma liste des pièces

10 jointes. Il y a là le discours de M. Kissinger à Prague, le 12 octobre

11 1998.

12 Q. Il s'agit d'une liste que vous nous avez fournie. Henry Kissinger, qui

13 a parlé des origines historiques et culturelles des conflits de

14 civilisation au Kosovo et Metohija, datée du 12 octobre 1998, conférence de

15 Prague.

16 R. Oui.

17 Q. Cela est en anglais. La carte, elle est également donnée en serbe et en

18 anglais. La carte a d'ailleurs été, en original, imprimée en langue serbe

19 et langue anglaise comme vous pouvez le constatez, et le titre vous est

20 donné également en serbe et en anglais. Il en va de même de la légende.

21 R. Je veux dire que je suis l'auteur de ce texte, et l'original de

22 l'intitulé parle du Kosovo et Metohija dans l'histoire serbe.

23 Q. Continuez.

24 R. La deuxième raison déterminante qui a influé sur le sort de ce

25 territoire, a été la politique des grandes puissances dans le courant des

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1 deux siècles écoulés. Il s'agissait notamment des politiques de l'Autriche-

2 Hongrie et des autres grandes puissances, de l'Italie, l'Allemagne, et

3 cetera. Les grandes puissances sont visées à placer les Balkans sous leur

4 contrôle, créer des états satellites en réchauffant les sensibilités,

5 susceptibilités des différents peuples pour les conduire à des conflits.

6 Il y a eu la politique de l'international communiste ainsi que la

7 politique déployée par le Parti communiste yougoslave dirigé par Josip Broz

8 Tito qui, dans une mesure considérable, a influé sur la prolongation de ce

9 patrimoine historique de conflit. Au lieu de conduire une politique

10 d'intégration politique, économique et culturelle, la politique a été celle

11 qui a visé à susciter ces rivalités. Je crois que c'est là trois éléments

12 qui ont, de façon déterminante, influer sur le sort des Balkans.

13 Q. Monsieur Terzic, on a souvent parlé ici du Kosovo pour dire que le

14 Kosovo est devenu partie intégrante de la Serbie et des modalités suivant

15 lesquelles cela s'est passé. On a dit que c'était, à l'origine, des terres

16 albanaises. Dites-moi brièvement, comment les séances, y compris la

17 cartographie ont considéré le Kosovo et la Metohija au fil des périodes

18 écoulées ? J'attire votre attention sur la pièce qui figure au numéro 4, et

19 qui comporte notamment des cartes.

20 R. En écoutant les exposés de certains de mes collègues ici au Tribunal et

21 dans l'opinion publique en général, j'ai été stupéfait par le fait

22 d'entendre que le Kosovo a réintégré la Serbie, enfin, a été annexé à la

23 Serbie ou que la Serbie a occupé ces territoires. Je ne vais pas vous

24 proposer des sources serbes, je vais vous proposer des sources qui sont des

25 sources européennes, donc des chercheurs européens, impartiaux ont présenté

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1 les circonstances au Kosovo et Metohija. Je vais vous proposer à cette fin

2 six cartes. Il n'y en a pas une seule d'origine serbe. Je dirais même que

3 la plupart de ces cartes proviennent de rivaux historiques qui sont les

4 nôtres, et en premier lieu l'Autriche-Hongrie.

5 C'est une vieille carte, bien sûr, mais je voudrais que la Chambre

6 voie l'image que se faisait le monde européen vers la fin du XVIIIe siècle

7 concernant la Serbie. Je ne sais pas si ceci pourrait être vu clairement

8 ici.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Où cela figure t-il parmi vos pièces

10 à conviction ? Est-ce que c'est la pièce 4 ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est la pièce 4, 4.1, Giacomo Cantelli

12 da Vignola. Je regrette que les copies soient en noir et blanc seulement.

13 Giacomo Cantelli da Vignola, qui dit : "Il Regno della Servia della

14 rassium," publié à Rome 1689. Je vais vous dire brièvement. La carte

15 s'appelle : "Il Regno della Serbie," donc le royaume de Serbie appelé

16 "Rassium, Rome 1689." Cela nous montre la Serbie comme l'intitulé nous le

17 dit, on dit que les frontières sud de la Serbie se trouvent dans le secteur

18 de la rivière Drim en Albanie du Nord. On dit qu'au sud de Drim se trouvait

19 l'Albanie. Donc, fin du XVIIe siècle, au sud de cette rivière de Drim, se

20 trouvait l'Albanie.

21 La deuxième pièce à conviction, c'est le 4B. Il s'agit de l'intitulé d'une

22 carte d'un commandant du renseignement autrichien, qui s'appelait Petar

23 Kukulj, qui porte l'intitulé : "Alt Serbien," vieille Serbie, donc

24 principauté de Serbie et Serbie Turque, (vieille Serbie), en allemand c'est

25 Alt Serbien, ce qui veut dire la même chose. La date est celle de 1871.

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1 Une autre carte d'un chercheur allemand cette fois-ci, Heinrich Renner,

2 publiée dans un livre intitulé : "Traversant la Bosnie-Herzégovine de long

3 en large. Berlin, 1896."

4 Sur cette carte de la Bosnie-Herzégovine --

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous

6 pouvez placer cela verticalement ? Peut-être M. l'Huissier pourrait-il vous

7 aider ? Oui, comme cela.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bon.

9 Donc, je disais l'intitulé du livre est en allemand : "Traversée de la

10 Bosnie-Herzégovine en long et en large. Berlin 1896," l'auteur est Heinrich

11 Renner. Sur cette carte, nous donnant un aperçu du territoire de la

12 Bosnie-Herzégovine, je crois que c'est quand même assez bien visible. Tout

13 ce que je voudrais, c'est montrer cette partie-là.

14 Sur cette partie de la carte qui se rapporte à la vieille Serbie, on dit :

15 "Rascien," en allemand. De Prijepolje jusqu'à Prizren, et à proximité de

16 Skopje. Voilà, c'est Raska. Les Allemands appelaient cet espace "vieille

17 Serbie," et ils l'appelaient parfois Raska ou vieille Raska. C'est le nom

18 de l'Etat serbe médiéval, qui s'appelait, Raska, Racien.

19 L'un des principaux balkanologues autrichiens, l'un des pionniers de

20 l'albanologie autrichienne, répondant au nom de Theodor Ippen, qui a

21 d'ailleurs participé à la conférence de Londres en 1912, a publié un livre

22 appelé : Novibazar und Kossovo (Das Alte Rascien), donc, la vieille Raska,

23 Viennes 1892. L'intitulé de la carte est celui de Rastian, donc Raska. Cela

24 va de la frontière bosnienne jusqu'à Skopje. Tout ce territoire est désigné

25 comme étant ou faisant partie de la Raska.

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1 Nous avons une carte en provenance de source anglaise, préparée par Alfred

2 Stead, Serbia by the Serbians. Cela a été publié en 1909 à Londres. Il

3 s'agit d'une carte ethnographique de la Serbie, qui montre les

4 circonstances ethnographiques, mais sur le territoire de la vieille Serbie,

5 on dit explicitement "Old Serbia". On peut le voir, c'est écrit donc

6 "vieille Serbie" dessus.

7 Une dernière carte de ce groupe que je voulais vous montrer, il y en a bon

8 nombre d'autres encore, bien sûr, est une carte d'un auteur Austro-

9 hongrois. J'ai délibérément choisi des chercheurs austro-hongrois,

10 allemands, anglais, non pas serbes ou autres. Il s'agit du Dr Karl Peucker,

11 quatrième publication, Viennes 1912. Il s'agit de la carte de la Macédoine,

12 de la vieille Serbie et de l'Albanie, donc, Macédoine, vieille Serbie et

13 Albanie. Tout le territoire du Kosovo et de la Metohija est désigné comme

14 étant la vieille Serbie. On y voit Prizren, Urosevac, Pec, Djakovica,

15 Pristina, et ainsi de suite. Donc, tout ce territoire est désigné comme

16 étant la vieille Serbie. Toute la science européenne, du XIXe siècle et du

17 début du XXe siècle, traite ce territoire du Kosovo et de la Metohija comme

18 faisant partie de la Serbie ou de la vieille Serbie. En d'autres termes, le

19 Kosovo et la Metohija n'ont jamais été présentés comme étant

20 historiquement, ethniquement ou géographiquement une entité dissociée.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Monsieur Terzic, vous êtes en train de vous servir d'une expression,

23 Raska. On le voit sur la carte. Vous vous servez du terme de Serbie.

24 Veuillez expliquer s'il y a une différence à l'intention de ceux qui

25 pourraient ne pas le savoir.

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1 R. Raska est le nom du premier Etat serbe créé au XIIe, XIIIe siècles.

2 C'est l'embryon de l'Etat serbe à l'époque. Dans les sources occidentales,

3 très souvent ou plus tard, le nom de Raska est utilisé pour désigner la

4 Serbie toute entière.

5 Il va sans dire que Raska a une signification régionale, plus

6 restreinte. Au XIXe siècle et de nos jours, on désigne là le territoire

7 entre Plevlje et Novi Pazar. Mais les chercheurs austro-hongrois se servent

8 de ce nom, en premier lieu, pour parler de la vieille Serbie. Il s'agit de

9 la vieille Serbie, de la vieille Raska ou de Raska tout court.

10 Q. Donc, c'est la même chose. Monsieur Terzic, la question des

11 circonstances ethniques dans cette région a suscité bon nombre de débats.

12 Comment les chercheurs européens voient-ils les circonstances ethniques au

13 Kosovo et Metohija au fil des 150 dernières années ? Nous avons ici, au

14 numéro 5 de ces pièces à conviction, des cartes ethniques aussi. Je vous

15 prie d'être très bref.

16 R. C'est une question que j'ai bien suivie, un processus qui a créé des

17 divergences d'interprétation de façon permanente. J'aimerais présenter les

18 points de vue, encore une fois, uniquement des chercheurs occidentaux,

19 européens, et ce, très brièvement.

20 J'ai déjà parlé de 1871, à Vienne, le Major Petar Kukul, membre de

21 l'état-major d'Austro-Hongrie, qui parle de la Serbie Turque. Sur cette

22 carte, on voit la représentation de la situation ethnique.

23 En page 149, le commandant Kukul évoque la structure en fonction des

24 nationalités et de la religion. 318 000 Serbes, 171 000 Albanais, 200 000

25 Osmanias [phon], 9 000 Tziganes. C'est la structure ethnographique.

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1 La structure religieuse 250 000 orthodoxes, ils les appellent des

2 Grihen [phon], des Grecs, de rite oriental, et 239 000 Musulmans au nombre

3 desquels ils comptent les Tziganes, les Ottomans. Le reste, se sont des

4 Serbes et des Albanais, et 11 000 Catholiques. On voit là qu'en 1881, sur

5 le territoire du Kososvo et Metohija d'aujourd'hui, la population serbe

6 était majoritaire, population de confession orthodoxe et musulmane.

7 Nous avons une autre carte de source austro-hongroise, qui vient du

8 livre traduit du serbe, qui décrit la situation de la ville arrière du

9 Kosovo Sandzak. C'est une carte d'origine militaire. Elle est établie comme

10 on le voit sur le seau, à destination de l'état-major général de

11 l'Autriche-Hongrie.

12 Il s'agit de la carte que je vous montre maintenant, où l'on voit la

13 composition ethnique dans toute la ville arrière du Kosovo, bien entendu.

14 Mais je me limite au Kosovo et Metohija. Dans la légende de la carte, je ne

15 sais pas si elle est très visible en noir et blanc, en tout cas, dans la

16 légende, on voit "Serbian", les Serbes, où on trouve les orthodoxes serbes,

17 les catholiques bosniaques serbes, les catholiques cryptiques serbes,

18 ensuite, les Albanais et les autres.

19 Selon mes calculs, en 1899, donc il y 105 ans à peu près, si l'on

20 prend le total des Serbes orthodoxes et musulmans et des Albanais musulmans

21 et quelques Albanais catholiques, on atteint un total de 43 par rapport à

22 47 %, 43 % de Serbes et 47 % d'Albanais.

23 Nous avons, ensuite, deux cartes de source britannique, l'une qui

24 vient de Sir Arthur Evans : Les Slaves, le long de l'Adriatique et sur la

25 route de Constantinople, et la carte qui l'accompagne, parce que Sir Arthur

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1 Evans est un nom très connu dans la science européenne et britannique.

2 Cette carte s'appelle donc -- a pour titre, carte diagrammatique des

3 territoires slaves à l'est de la l'Adriatique. Je me concentrerai sur la

4 partie méridionale de cette carte qui, malheureusement, est assez peu

5 lisible, il me semble.

6 Au sud de la carte de Sir Arthur Evans, on voir une frontière

7 ethnique entre les Slaves, c'est-à-dire, les Serbes et les Albanais. Elle

8 part de ce qui est aujourd'hui à peu près la frontière entre la Serbie et

9 l'Albanie. Au sud de la rivière, on voit le mot "Albanie". Cette carte date

10 de 1906. En jaune, on voit cette ligne qui va de Djakovica, Prizren,

11 Decani. Djakovica reste dans la sphère, que j'appellerais la sphère serbe,

12 selon Sir Arthur Evans sur cette carte.

13 L'autre carte, la carte d'un expert britannique de l'Europe de l'Est,

14 c'est même le plus grand expert de l'époque, de la première moitié du XXe

15 siècle Seton-Watson, carte publiée à Londres en 1917. On y voit la

16 composition ethnique, la situation ethnique dans les Balkans. J'aimerais

17 appeler l'attention de chacun sur l'intitulé Kosovo et Metohija. On voit

18 l'Albanie avec en bleu les Serbes, en jaune les Albanais. On voit la

19 superficie du Kosovo et Metohija avec les Serbes représentés en bleu et les

20 enclaves albanaises, à l'époque, représentées en jaune. Il s'agit d'une

21 carte de 1917. Watson était le principal conseiller du gouvernement

22 britannique, au cours de la Première guerre mondiale, mais également entre

23 les deux guerres mondiales, s'agissant de toutes les questions relatives à

24 l'Europe de l'Est.

25 Q. Merci, Monsieur Terzic.

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1 R. Encore une carte, si vous me le permettez, qui vient de l'état-major

2 allemand.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, quel est

4 l'intercalaire de cette carte ? L'intercalaire.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ces cartes représentent l'intercalaire 5. Ce

6 sont les cartes émanant des experts et des scientifiques européens. On les

7 trouve toutes dans l'intercalaire 5.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] 5.4.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il y a plusieurs cartes dans

10 l'intercalaire 5. Il faudrait nous donner un numéro plus précis, s'il vous

11 plaît. Je pense qu'il s'agit de la carte 5D.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous répondre. Petar Kukulj, 5A.

13 Politician Einwohnerzahlen --

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour gagner du temps, M. Terzic vient de vous

15 présenter les cartes que l'on trouve au numéro 5, les cartes ethniques avec

16 A, B, C, D, et la carte de Seton-Watson figure au petit 5D.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je soutiens

18 totalement M. le Juge Kwon dans la question qu'il vous a posée, lorsque

19 vous présentez des pièces à conviction, il convient que vous indiquiez

20 qu'il s'agit de 5A, 5B, 5C et 5D, de façon à ce que nous puissions les

21 retrouver dans l'ordre. Voyez-vous.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. La carte de Seton-Watson est le 5D au 5A. On a une première carte, et

25 nous arrivons jusqu'à 5D.

Page 34204

1 R. Le 5E, c'est la carte d'Hitler, la carte allemande. Les populations du

2 Danube et des Balkans établie le 6 mars 1940, donc à la veille de

3 l'agression sur la Yougoslavie. On y voit, bien entendu, la situation en

4 Yougoslavie, également la situation au Kosovo et au Metohija.

5 Q. Bien.

6 M. NICE : [interprétation] La Chambre a peut-être remarqué s'agissant de la

7 carte 5C, je crois que c'est la carte 5C. C'est la carte d'Arthur Evans qui

8 ne présente pas toute la région évoquée par le témoin. Il faudrait peut-

9 être qu'il nous fournisse une nouvelle photocopie de façon à ce qu'elle

10 aille plus au sud car certaines régions évoquées par le témoin ne figurent

11 pas sur la carte.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Elle n'illustre pas le propos du

13 témoin.

14 M. NICE : [interprétation] En effet.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur Terzic, veuillez remettre sur le rétroprojecteur la carte 5C

17 de façon à ce que nous voyons cette partie méridionale que l'on ne voyait

18 pas sur la première photocopie.

19 R. Je vous remettrai sans problème mon exemplaire de la carte. Je répète

20 ce que j'ai dit.

21 La carte est intitulée, territoire slave à l'est de l'Adriatique. Déplacez

22 un peu la carte encore, je vous prie. Merci. La frontière méridionale qui

23 figure en jaune, la frontière entre Serbes et les Albanais. Elle va jusqu'à

24 Decani et elle suit la zone Djarkovica-Prizren, et cetera. En dessous de

25 Prizren, on lit : "Prizren, ville impériale serbe."

Page 34205

1 Je vous laisse sans problème mon exemplaire de la carte pour que vous ayez

2 une vision plus exacte des choses.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je demande une correction au compte

4 rendu d'audience en anglais. Il faut que la phrase soit négative et non

5 positive.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Monsieur Terzic, vous parlez au-dessous, en dessous, et cetera, et sur

8 la carte que vous venez de montrer, on voit très bien que la frontière à

9 l'époque était à peu près la même qu'aujourd'hui entre la Serbie et

10 l'Albanie, n'est-ce pas ?

11 R. Oui. Toutes les cartes que je viens de montrer, confirment plus ou

12 moins la frontière entre la Serbie d'aujourd'hui et l'Albanie

13 d'aujourd'hui. La carte de Djakomican Deli à la fin du XVIIe siècle déplace

14 cette frontière un peu plus au sud et la frontière se situe le long de la

15 rivière Drim, au nord de l'Albanie actuelle. Les autres cartes confirment à

16 peu près le tracé de la frontière actuelle.

17 Q. Très bien. Monsieur Terzic, les événements historiques importants

18 d'Europe et des Balkans ont toujours eu une influence importante sur la

19 répartition ethnique dans la région. Je vous pose ma question. Quand est-ce

20 qu'il y a eu revirement radical de la structure ethnique que l'on pouvait

21 constater dans ces régions ?

22 R. Toute la zone des Balkans est une zone particulièrement troublée, et au

23 prime, malheureusement, de terribles guerres, il y a eu des évolutions

24 importantes qui parfois étaient le fruit des circonstances, et parfois très

25 organisées, s'agissant de la répartition ethnique. Si l'on parle de la

Page 34206

1 répartition ethnique aux Kosovo et Metohija, je pense que l'on peut dégager

2 trois phases qui ont fait subir une évolution radicale. Première phase, fin

3 du XVIIe siècle jusqu'à la moitié du XIXe siècle. Ces changements ethniques

4 sont les conséquences de la guerre majeure qui a opposé la Ligue européenne

5 chrétienne et les troupes turques. Les troupes turques sont arrivées au sud

6 des Balkans, le général Miron est arrivé dans le sud des Balkans, il est

7 mort à Prizren, il a dirigé le contre-offensive des ottomans et des Tartars

8 et les troupes chrétiennes ont été contraintes de se retirer jusqu'au nord

9 des Balkans, nord de la Sava et du Danube. Avec les troupes chrétiennes en

10 1690, nous voyons le retrait des familles serbes, premier grand revirement

11 ethnique. Donc il y a eu une influence majeure sur la composition ethnique

12 de la région.

13 A partir de ce moment-là, à partir de la fin du XVIIe siècle, nous

14 constatons des départs massifs des Albanais qui se rendent dans la région

15 du Kosovo et du Metohija. Milosevic, un chercheur de l'époque a étudié ces

16 modifications ethniques entre les deux guerres mondiales, et a confirmé que

17 68 % de la population du Kosovo, je ne parle pas ici de la Metohija, donc

18 68 % de la population à peu près est issu de gens qui sont arrivés du nord

19 de l'Albanie. J'ai ici une pièce à conviction qui le confirme. Je vais

20 pouvoir la distribuer un peu plus tard où l'on trouve ces pourcentages.

21 Ces transformations se sont d'abord faites en fonction des circonstances de

22 l'époque. Ensuite, à partir du congrès de Berlin en 1878, on a une autre

23 évolution qui dure jusqu'en 1912, c'est-à-dire, jusqu'à la libération du

24 Kosovo et de Metohija.

25 A ce moment-là, la Ligue albanaise a été créée à Prizren, en 1878, et qui a

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1 mis au point le programme de la Grande Albanie, quatre Vilajet, Janina,

2 Skadar Bilota et une autre Vilajet. Je parlerais plus longuement par la

3 suite du caractère fondamental de cette ligue et des principes de nettoyage

4 ethnique de la région qui ont fait partie désormais du programme de la

5 Grande Albanie. Le grand historien viennois a confirmé que jusqu'en 1912,

6 et à partir du congrès de Berlin, en provenance de la vieille Serbie, 150

7 000 personnes ont déménagé dans le Royaume serbe.

8 Puis, troisième évolution, qui est sans doute la plus importante sur le

9 plan ethnique, elle a eu lieu après la Seconde guerre mondiale et pendant

10 la Seconde guerre mondiale, en effet, pendant cette période, j'en parlerais

11 plus longuement plus tard. Une grande partie de la Metohija -- en fait,

12 l'intégralité de la Metohija et une grande partie du Kosovo sont entrées

13 sous le contrôle de la Grande Albanie fasciste. A ce moment-là, à partir du

14 Kosovo et du Metohija, 100 000 Serbes au moins ont été expulsés et 100 000

15 Albanais au moins se sont installés dans cette région. Il me semble que

16 c'est à partir de 1945 et jusqu'en 1990 que les évolutions les plus

17 importantes ont eu lieu. En tout cas, selon les historiens les plus mesurés

18 de 150 000 personnes se sont installées dans le Kosovo en provenance

19 d'Albanie dans cette pendant, et ce, en raison principalement de la

20 pression exercée par le chauvinisme grand albanais qui ont poussé à ces

21 installations forcées.

22 Q. Merci, Monsieur Terzic. Je vous avais dit que vous parleriez plus tard

23 davantage du caractère de la Ligue albanaise, mais faites-le tout de suite,

24 de façon à ce que nous ne perdions pas de temps. Dites quelques mots du

25 caractère de la Ligue albanaise à partir du congrès de Berlin, s'il vous

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1 plaît. En effet, vous parlez de cela dans votre rapport d'expert. Vous

2 parlez des bases du programme créé à l'époque, programme dont l'application

3 dure selon ce que vous dites dans votre rapport jusqu'à aujourd'hui. Quel

4 est le caractère fondamental de la Ligue albanaise créée à l'époque ?

5 R. La Ligue albanaise de Prizren n'est pas seulement un évènement

6 historique qui s'est produit il y a longtemps. C'est un événement qui a

7 laissé des traces durables, et c'est le fruit des idéologues de la Grande

8 Albanie que l'on constate encore aujourd'hui. Puisqu'on en parle souvent,

9 j'ai dire quelques mots du caractère de cette Ligue albanaise de Prizren,

10 et ce, en appuyant sur des sources étrangères et non-serbes.

11 Q. Nous avons ici la pièce à conviction numéro 6.

12 R. Dans la pièce à conviction, j'ai trois documents que je vais soumettre.

13 Bernard Stulli, un historien croate, a publié en 1959 à Zagreb, dans

14 l'ouvrage numéro 318 du travail collectif d'un certain nombre de chercheurs

15 croates, une œuvre de très grand intérêt. Je ne l'ai pas lue dans son

16 intégralité et cette œuvre n'est pas traduite en anglais. Donc à la page

17 323 que je montre sur le rétroprojecteur, Bernard Stulli cite des sources

18 austro-hongroises, il dit : "Que nulle part, dans les statuts de la Ligue

19 albanaise, on ne mentionne précisément les Albanais." Il déclare, sur la

20 base de sources austro-hongroises, que les éléments de l'alliance sont

21 uniquement des Musulmans. Il parle également des souffrances des habitants

22 qui ont la même confession dans les Balkans. L'Article 16 de ce statut, il

23 évoque le retrait de l'alliance, comme étant un retrait par rapport à

24 l'Islam. Il parle également du caractère islamique de la ligue.

25 J'ai d'ailleurs deux autres documents à vous soumettre. Un document

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1 qui traite de l'histoire du Kosovo et des Serbes parmi les Albanais.

2 L'auteur en est Miranda Vickers. Dans son rapport, date de 1980, elle

3 montre, entre autre chose, que les événements se sont déroulés sous les

4 yeux de la Ligue albanaise de Prizren. Je cite un passage : "Ces personnes

5 sont aujourd'hui sous l'Empire d'une haine religieuse extrême que l'on peut

6 comparer à du fanatisme, haine des chrétiens. A l'exception peut-être de la

7 Mec, Prizren est aujourd'hui l'endroit le plus dangereux pour un chrétien

8 dans tous les pays islamiques."

9 Maintenant, autre document que je voudrais citer, il s'agit d'une phrase

10 prononcée par Bismarck, le président du congres de Berlin, que l'on trouve

11 dans un ouvrage intitulé : "Politique italienne," -- excusez-moi,

12 "Politique albanaise dans les Balkans," publié à Wiesbaden en 1991. Mon

13 collègue allemand cite dans cet ouvrage, une phrase que j'ai surlignée ici,

14 de Bismarck : "Il n'existe pas de nation albanaise."

15 Qu'on en parle, je n'affirme pas qu'il n'existe pas de nation

16 albanaise, mais je soumets des éléments de preuve indiquant que le

17 président du congrès de Berlin, à cette époque-là, comprend bien encore

18 combien ce mouvement est informe. La nation albanaise est comparée à

19 d'autres peuples, bien sûr, ce peuple avait droit à ces frontières, mais

20 sur le territoire peuplé par des albanais de souche.

21 Q. Fort bien, Monsieur Terzic, je pense que nous avons suffisamment de

22 documents qui démontrent le caractère politique fondamental de la Ligue

23 albanaise de Prizren. Dans votre rapport, la page 55, ainsi qu'aux pages 73

24 à 77, vous parlez du premier grand nettoyage ethnique contre les Serbes au

25 Kosovo Metohija, donc la vieille Serbie, dans la période allant de 1878 à

Page 34210

1 1912. Vous avez également soumis un certain nombre de documents, qui

2 indiquent les crimes, la terreur, à l'encontre des Serbes sous l'Empire

3 ottoman. Quels sont exactement ces documents ?

4 R. C'est un processus qui a donné lieu à la publication d'un nombre tout à

5 fait important de documents en Europe.

6 Q. Dans l'intercalaire 7 ici, nous n'avons présenté que quelques uns de

7 ces documents, qui traitent de l'installation d'Albanais sur le territoire

8 de la vieille Serbie, et ces documents viennent également de sources

9 diplomatiques britanniques, publiés à Skopje, Belgrade, et cetera.

10 R. J'aimerais d'abord parler des sources serbes. D'abord, les intitulés

11 d'ouvrages parus au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, ils

12 traitent de ce qui s'est passé au Kosovo Metohija. Je ne donne que les

13 titres, je ne vais pas entrer dans les détails. "Les pleurs de la vieille

14 Serbie," ouvrage publié à Zemun, en 1864, l'auteur en est Rahim Ristic,

15 dirigeant du monastère de Decani. "La situation actuelle dans la vieille

16 Serbie et en Macédoine," publié en 1882 à Belgrade. "Peut-on aider notre

17 peuple dans la vieille Serbie," publié en 1899. En provenance de la partie

18 la plus noire de l'Europe, "Assassinat, pillage, dans la vieille Serbie, et

19 en Macédoine en 1896." Ensuite, correspondance au sujet des installations

20 albanaises en vieille Serbie, 1898 à 1899, publié par le ministère des

21 Affaires étrangères du royaume de la vieille Serbie, 1898 à 1899.

22 Je voudrais vous montrer la page de garde qui traite de la violence

23 albanaise, et des installations forcées. Cet ouvrage a été préparé, c'est

24 intéressant pour la conférence de La Haye, la première conférence de la

25 paix à La Haye qui s'est tenue en 1899, conférence convoquée à

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1 l'instigation de la star russe, Nikolai II. Il y est question des violences

2 albanaises contre les Serbes, et cet ouvrage a été présenté en langue

3 française pour la conférence de La Haye. Mais en raison des pressions

4 intenses exercées par la diplomatie autrichienne sur le roi serbe, ce livre

5 a finalement été abandonné, mais il a tout de même été publié. On y montre

6 92 exemples de viols, de violence, d'assassinat, de pillage et cetera.

7 Mais ce que je tiens à soumettre à la Chambre, c'est un ouvrage

8 diplomatique britannique dont je pense qu'il est tout à fait significatif.

9 En effet, la Grande-Bretagne a toujours eu des diplomates de grande

10 qualité, qui se sont occupés des Balkans. C'est un ouvrage paru en 1893,

11 qui traite de la Turquie, et de l'Europe de l'est. Il a été présenté au

12 parlement en 1893.

13 J'aimerais appeler l'attention de chacun ici sur quelques pages de

14 cet ouvrage, par exemple la page 88. Vous avez une copie de ce passage en

15 langue anglaise. Le diplomate, M. Young, informe la marquise de Lansdowne,

16 le 9 septembre 1901, vous voyez le passage que je vais citer --

17 M. MILOSEVIC : [interprétation] Je pense qu'il faut que l'on mettre

18 sur le rétroprojecteur, la partie inférieure de la page.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] "La vieille Serbie est toujours une zone

20 troublée, en raison de l'absence de loi, de la vendetta, de la jalousie

21 raciale des Albanais."

22 Q. Veuillez montrer la page entière, enlever le cachet. Lisons donc cette

23 note en bas de page.

24 R. On voit très bien ici en anglais : "La vieille Serbie est toujours une

25 zone troublée en raison de l'absence de lois, de la vendetta et de la

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1 jalousie raciale des Albanais."

2 Q. C'est un document britannique qui date de 1903, n'est-ce pas ?

3 R. Non, de 1901.

4 Q. 1901, d'accord.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le numéro de la page, c'était la page 8

6 [comme interprété] ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Page 88.

8 A la page 89, voici ce que vous trouvez. On dit que la poursuite de

9 la répression de la population serbe se manifeste dans ce rapport selon

10 lequel vous avez 600 Albanais et 50 soldats qui étaient installés dans un

11 village où il y avait 60 foyers.

12 Bien entendu, vous avez tous ces documents. On parlait d'un village

13 de 60 foyers qui était réduit à la plus grande pauvreté. C'est à la fin de

14 la phrase que j'ai citée.

15 Puis, nous avons la page 129 que nous allons examiner. Excusez-moi,

16 ce n'est pas la page 129, c'est la page 102. Oui, c'est bien celle-là.

17 A partir du printemps jusqu'au mois de décembre 1901, en raison de la

18 terreur albanaise, 250 familles serbes ont été chassées, ont été forcées de

19 franchir la frontière depuis le printemps dernier." Ce sont uniquement

20 quelques pièces parmi tant d'autres. Il y a beaucoup de documents en russe.

21 Je me suis appuyé sur ces sources diplomatiques qui sont des plus sérieuses

22 et objectives s'agissant des conditions qui régnaient dans les Balkans.

23 Q. Je crois que nous devons utiliser notre temps à bon escient. Il faut

24 avancer, même si ce sont ici des questions très importantes. Cela ne fait

25 pas l'ombre d'un doute. Cependant, nous allons essayer de tirer le meilleur

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1 parti possible du temps qu'il nous est imparti.

2 Dans votre rapport, vous parlez du continuum de la pensée Grande Albanaise.

3 Ceci commence à la fin du XIXe siècle et se poursuit aujourd'hui. Les

4 grandes puissances contemporaines ont appuyé cette idée, surtout l'Empire

5 austro-hongrois, puis, l'Italie fasciste depuis l'Allemagne nazie, et

6 aujourd'hui, c'est l'alliance de l'OTAN, entre autres, grandes puissances

7 qui soutiennent cette idée.

8 Quels sont les documents qui nous montrent tout le fondement de l'idée

9 Grande Albanaise, pour remonter jusqu'à la Deuxième guerre mondiale et

10 revenir jusqu'à nos jours. C'est l'intercalaire 8 de notre série de

11 documents. Pourriez-vous nous donner une explication en réponse à ma

12 question ? Quels sont les documents qui montrent le fondement idéologique

13 de cette idée de la Grande Albanie, de ce grand projet qui commence à voir

14 le jour au moment de la Deuxième guerre mondiale et se poursuit à ce jour ?

15 R. Le problème, c'est que personne parmi les intellectuels et hommes

16 politiques serbes n'a contesté le droit qu'avaient les Albanais de disposer

17 de leur Etat nation sur les territoires qui constituaient la mère patrie de

18 ce territoire albanais. Cependant, les dirigeants politiques albanais,

19 influencés qu'ils étaient surtout par les grandes puissances, avaient pour

20 ambition de créer une Grande Albanie, un Etat qui allait compromettre, et

21 qui a d'ailleurs compromis ou mis en danger tous les pays voisins : la

22 Serbie, la Macédoine, le Monténégro, la Grèce, notamment.

23 Il y a plusieurs piliers idéologiques sur lesquels reposait ce

24 projet. Il y d'abord le panislamisme. Je vous y ai cité des sources qui

25 montrent le caractère panislamisme de la Ligue, et ceci, à partir de

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1 Prizren en région en 1878. On voit cette évolution.

2 Je vous mets en garde. Dans la région de Drenica, en 1998, nous avons

3 assisté au démantèlement, à la liquidation d'un groupe de Moudjahiddines

4 qu'on appelait le groupe Abu Bekir Sadik, qui comptait 70 Moudjahiddines

5 dont 40 venaient de pays islamiques, surtout de l'Arabie saoudite, mais

6 aussi de l'Egypte. Il y a comme premier pilier, le panislamisme.

7 Cette dimension panislamique du Grand projet albanais est dissimulée

8 par les dirigeants politiques albanais. Ce n'est pas par hasard que M.

9 Rugova, qui était lui-même Musulman, et que dans son bureau, il a une photo

10 où on le voit avec le Pape.

11 Le deuxième pilier idéologique, c'est le panillyrianisme. Nous avons

12 ici la diplomatie austro-hongroise qui entre en jeu et qui impose ceci.

13 J'ai toute une série de documents. On dit que les Albanais sont les

14 descendants directs des Illyriens. Comme ceci dominait le centre de la

15 péninsule balkanique, il semblait logique que ce soit ensuite les Albanais

16 qui dominent cette partie centrale de la péninsule balkanique. Mais on voit

17 qu'on mentionne pour la dernière fois les Illyriens. Pour la première fois,

18 les Albanais, au XIe siècle, alors que les autres, c'est huit siècles plus

19 tard. Cependant, ceci est devenu un des fondements permettant d'étayer

20 cette idée de la Grande Albanie et du nettoyage ethnique. En effet,

21 apparemment, les Slaves seraient venus sur le territoire illyrien, et il

22 semblait logique, à ce moment-là, qu'ils soient nettoyés de la région.

23 Q. Les Slaves sont venus occuper ces territoires au cours du VIIe siècle ?

24 R. On ne peut pas parler d'occupation.

25 Q. Non, non. Je veux simplement dire ceci entre guillemets parce que vous

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1 avez dit que les Slaves sont arrivés dans cette région. A quel moment ?

2 R. Au moment des grands flux migratoires. Si on veut prendre cette

3 dimension-là, la totalité de l'Europe pourrait être renversée. Les Slaves

4 sont arrivés au VIe et au VIIe siècles, ils se sont installés sur le

5 territoire de l'Empire byzantin, et notamment, dans la région du Kosovo-

6 Metohija. C'est là que vivent les Slaves depuis le VIe siècle même si

7 l'Etat serbe a compris ce territoire à partir du XIIe siècle. Le

8 panillyrianisme est devenu un des piliers de ce romantisme national qu'a

9 cultivé l'intelligentsia albanaise.

10 Ici, j'ai quelques pièces, notamment, la pièce 8. Vous voyez à lire ce

11 mémorandum que le forum des intellectuels albanais a envoyé ceci à des

12 membres de la communauté internationale, et ceci est le programme

13 permettant de trouver une solution à la question albanaise en Albanie. Ceci

14 constitue un des piliers, le panillyrianisme. Il y avait le panislamisme,

15 maintenant, il y a autre chose. Une idéologie qui se fonde sur une région

16 qui serait ethniquement pure. C'est là quelque chose qui est particulier au

17 sud-est de l'Europe. Personne, selon cette conviction, personne, sinon les

18 Albanais, ne devait vivre dans cette région. Nous avons à l'appui de cette

19 thèse, énormément de preuves. Je vais vous citer Ferit Bek Draga, 1943. Il

20 faisait partie du gouvernement fantoche d'Albanie. Il a dit : "Que le

21 moment était venu d'éliminer les Serbes et qu'il n'y aurait plus de Serbes

22 sous le soleil du Kosovo." Hakif Bajrami, autre citation que je vous fais,

23 c'est un collègue albanais, publication qui a été publiée dans les archives

24 pour les annales du Kosovo en 1978 et 1979, page 313.

25 Autre élément : il fallait essayer de contester les frontières avec tous

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1 les pays limitrophes. Nous avons ce mémorandum de Rexhep Qosja, de Pristina

2 qui est considéré comme étant le "père" de la nation albanaise. Il dit dans

3 ce mémorandum : "Que toutes les frontières entre l'Albanie et la Grèce et

4 la Serbie, le Monténégro, ce sont des délimitations coloniales," et que

5 pour trouver une solution à la question albanaise, il faut déplacer les

6 frontières qui existaient à ce moment-là. Cela se poursuit dans la même

7 veine."

8 Je peux vous citer d'autres éléments de cette plate-forme, de ce programme

9 émis par l'Académie des sciences qui dit notamment que les Albanais --

10 Q. Je vous en prie.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous poser une question,

12 Monsieur le Témoin. Cette idée d'une Grande Albanie, vous nous dites

13 qu'elle existait en 1945, et qu'elle existe encore aujourd'hui. En termes

14 de territoire, quel est le territoire supplémentaire qu'on cherchait à

15 incorporer en 1945, dans le cadre de cette idée, la Grande Albanie ?

16 Aujourd'hui, quel est le territoire supplémentaire qui devrait en faire

17 partie, selon cette idée ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci de me poser cette question, Monsieur

19 Robinson. Je dispose d'une carte que je vais vous montrer pour vous

20 expliquer. Je ne sais pas si on le voit bien. C'est la carte d'Ali Fehmi

21 Kosturi, 1938, à la veille de la Deuxième guerre mondiale.

22 Je vais utiliser un marqueur rouge pour l'indiquer et pour vous

23 indiquer les frontières de l'Albanie. Voici l'Albanie et ici vous avez des

24 territoires que l'idée de la Grande Albanie voulait annexer à partir d'une

25 très grande partie du royaume de Yougoslavie à l'époque, pas seulement

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1 Monténégro, et une grande partie du territoire de la Grèce du nord. Il y a

2 une autre carte qui était utilisée officiellement.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. C'est la pièce numéro 8 ?

5 R. Oui.

6 Q. Je parle de la carte d'Ali Fehmi Kosturija ?

7 R. Oui. Carte 8.

8 Q. Puis vous avez une carte de la Grande Albanie, qui remonte à la Seconde

9 guerre mondiale. Cette carte a été utilisée de façon tout à fait officielle

10 dans la Grande Albanie durant la Seconde guerre mondiale. C'est une carte

11 qui vous montre la Grande Albanie, à partie de cette période. Outre

12 l'Albanie, vous avez une grande partie de la Metohija, qui était annexée

13 ainsi qu'une partie du Kosovo, une partie de la Macédoine occidentale, et

14 une partie de la Grèce septentrionale. Enfin cela devait faire partie de ce

15 territoire de la Grande Albanie. C'est une idée qui avait vu le jour et

16 s'était développée au cours de la Seconde guerre mondiale.

17 Cette carte apparut dans Der Spiegel, journal allemand ou un magazine

18 allemand, dans les années 1980. C'est aussi dans le livre de Jens Reuter

19 qu'on le trouve, livre qui a été publié à Munich en 1982. C'est là qu'on

20 voit le mieux les confins que devrait avoir cette Grande Albanie. Vous le

21 voyez ici au nord. Vous avez le territoire du Monténégro septentrional qui

22 devrait en faire partie. Une grande portion aussi du territoire de la

23 Serbie. Vous voyez Skopje aussi, qui est vraiment au cœur même de ce

24 territoire albanais. Vous avez aussi Bitola, ainsi qu'une partie importante

25 de la Grèce septentrionale, avec comme centre Janina.

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1 Je crois que c'est ici l'image la plus claire qu'on peut avoir de

2 cette Grande Albanie, qui cherche à annexer une grande partie du territoire

3 de ses voisins, et qui a été une source de grande instabilité et de crise.

4 Un foyer de crise dans la zone.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous venez de nous montrer une

6 carte. Vous nous avez montré ces territoires supplémentaires. Quelles sont

7 les preuves historiques attestant du fait que ceci était le reflet de la

8 politique menée par les dirigeants politiques en Albanie. Prenons

9 simplement 1982, puisque là c'est assez moderne. Vous nous avez montré des

10 cartes. J'aimerais que vous nous donniez des preuves historiques montrant

11 que c'était là l'application même de cette politique qui était menée à

12 l'époque.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a d'innombrables preuves. Je vous ai

14 parlé de la plate-forme politique de la Ligue de Prizren qui incorporait

15 quatre Vilajets ou districts. J'ai une carte qui vous montre ces quatre

16 Vilajets. Il y avait Kosovo, Skadar, Bitola et Janina. C'est la totalité de

17 ce territoire au fond. Publication officielle du programme de la Ligue

18 albanaise en 1878.

19 Je vous ai montré, il y a quelques instants, une carte du comité du Kosovo,

20 c'est Vokshi, qui en était membre et qui montre la même chose. A cela

21 s'ajoute beaucoup de déclarations de dirigeants albanais, dont celle du

22 premier ministre du gouvernement fantoche, Mustafa Kruja. Mais j'ai

23 d'autres preuves. Ce Mustafa Kruja, qui était le premier ministre du

24 gouvernement fantoche. En 1940, il fait un discours dans lequel il parle

25 des racines naturelles et historiques du Grande Albanie, "Grand Albania",

Page 34219

1 et en sa qualité de premier ministre de ce gouvernement fantoche, il dit

2 que ce territoire devrait être incorporé dans une Grande Albanie. Bien sûr,

3 nous avons beaucoup d'autres déclarations, après la Seconde guerre

4 mondiale. Des dizaines de cartes ont été publiées en plus des déclarations

5 qui ont été faites, cartes d'une Grande Albanie, étayées par beaucoup de

6 dirigeants politiques albanais. Je vous ai cité certaines de ces

7 déclarations. Je ne sais pas si nous avons le temps de les parcourir. Il y

8 a le mémorandum du forum des Intellectuels albanais du Kosovo, envoyé aux

9 représentants internationaux en 1995, et ils disent que la solution

10 albanaise se doit de trouver une solution globale, et que ce territoire

11 devrait faire partie de la Grande Albanie.

12 Cependant, je pense que le programme politique de cette Académie albanaise

13 des sciences est encore plus parlante. Nous avons ici vraiment une

14 institution scientifique qui est la plus élevée en Albanie. Je l'ai en

15 serbe, mais je ne l'ai malheureusement pas, je pense, je sais que cela

16 existe en albanais, c'est à la page 14.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez des cartes qui

18 soient ultérieures, après 1982, qui montrent cette politique de la Grande

19 Albanie ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y en a beaucoup. Donnez-moi un instant,

21 s'il vous plaît. Je vais d'abord vous montrer la carte de la Grande

22 Albanie, et ce site qui vous montre l'Armée de libération nationale

23 albanaise, ANA. Elle remontre à 1999. C'est un site Internet, dont vous

24 voyez l'adresse ici. J'ai encore une autre carte.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 34220

1 Q. Veuillez donner l'explication de cette première carte.

2 R. Un instant, j'aimerais préparer aussi une autre carte. Excusez-moi.

3 Carte de l'Armée terroriste nationale de libération albanaise qui montre

4 plus au moins -- qui suit les frontières qu'il y avait entre les deux

5 guerres mondiales à partir de la Seconde aussi, et à partir des années

6 1980. Cette carte est assez récente. Elle remonte à quelques années.

7 Mais nous avons une autre carte aussi récente.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de déplacer la première carte,

9 veuillez nous donner la source -- l'origine ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si c'est visible ici. Oui.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais une explication.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voyez l'adresse du site,

13 http://www.realitymacedonia.org.mk/web/et cetera, puis vous avez 252. C'est

14 l'adresse où il est possible de consulter cette carte de la Grande Albanie.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous devriez nous dire, ici même, quel

16 genre de site Internet c'est ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un site Internet de la République de

18 Macédoine. C'est là qu'on voit apparaître cette carte de la Grande Albanie.

19 Je vous montre où il est possible de consulter ce site. Je ne sais pas si

20 vous avez reçu une copie.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il ne suffit pas d'avoir l'adresse du

22 site.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas la Chambre qui doit

24 aller consulter ce site. C'est vous qui déposez, Monsieur. Quels sont les

25 autres domaines, les autres territoires, les territoires supplémentaires ?

Page 34221

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Monsieur Terzic, veuillez revenir à la première carte. Je comprends

4 bien, mais vous ne l'avez pas expliqué. Parce que je connais la géographie

5 de la région, mais tous ceux qui examinent cette carte ne comprennent pas

6 nécessairement. Qu'est-ce que ce territoire inclus ? Est-ce qu'on y voit

7 l'Albanie d'aujourd'hui aussi ?

8 R. Excusez-moi. Vous avez une partie foncée. C'est la République

9 d'Albanie. Cette partie-ci rayée, c'est la partie qui devrait être incluse

10 dans la Grande Albanie, une partie de la République du Monténégro. Vous

11 avez aussi le Kosovo et des parties de la Serbie, parties hachurées. Ici,

12 c'est une partie de la République de Macédoine alors que cette autre

13 partie, c'est une partie de la République de Grèce.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, qu'est-ce que

15 ceci est censé prouver ? Est-ce que ceci est censé prouver la politique du

16 directorat politique ? Parce que c'est une chose de montrer quelques

17 cartes, mais cela en est une autre de nous dire quelle est la preuve

18 politique que ceci est censé apporter à l'appui de cette aspiration à une

19 expansion territoriale. Est-ce que vous avez, par exemple, des déclarations

20 de dirigeants ? Vous avez parlé de déclarations faites dans les années

21 1940, est-ce que vous avez des déclarations de ce genre à l'appui de la

22 carte que nous voyons ici ?

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Monsieur Terzic, replacez cette autre carte sur le rétroprojecteur.

25 Celle dont vous avez dit qu'elle avait été utilisée officiellement au cours

Page 34222

1 de la Seconde guerre mondiale, là où on voit la Grande Albanie qui a été

2 alors créée.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai posé une question au témoin,

4 qu'il y réponde. Il n'est pas poli d'interrompre un dialogue lorsque j'ai

5 posé une question. Laissez-lui le temps de répondre à cette question. Si

6 vous voulez un éclaircissement après qu'il m'aura donné cette réponse, vous

7 pourrez lui demander un complément d'information.

8 Poursuivez, Monsieur Terzic.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Volontiers. Je vais répondre à votre question.

10 Je peux vous montrer une autre carte. Ces deux cartes ici. Maintenant, j'ai

11 très bien compris votre question.

12 Outre les déclarations faites par des dirigeants politiques albanais, j'ai

13 parlé de Pedraga, j'ai parlé de Mustafa Kruja, le premier ministre entre

14 autre. Outre cela, je vous présente deux éléments de preuve qui proviennent

15 d'intellectuels de pointe d'Albanie -- du Kosovo et de Metohija. Vous avez

16 la plate-forme, le programme politique de ces intellectuels albanais au

17 Kosovo. Malheureusement, je ne l'ai qu'en serbe. Vous avez aussi le

18 programme politique de l'académie albanaise des sciences notamment, et des

19 lettres. Vous avez le mémorandum des intellectuels albanais. Vous avez la

20 date du 28 octobre. C'est la date de la publication,

21 28 octobre 1995. Vous avez la plate-forme de l'académie des sciences

22 d'Albanie, là de Tirana. La date est celle du 20 octobre 1998.

23 Ces deux documents présentent la même argumentation, et c'est celle-ci :

24 les territoires albanais sont divisés et répartis entre les voisins de

25 l'Albanie, à savoir, le Monténégro, la Serbie, la Macédoine et la Grèce. On

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1 dit qui y vivaient dans ces territoires des Illyriens. C'est tout à fait

2 erroné. La science allemande a prouvé que les Albanais n'en n'étaient pas

3 les héritiers si vous voulez, alors que c'est affirmé. On dit que

4 puisqu'ils en étaient les héritiers, les Illyriens, ils devraient aussi en

5 avoir les territoires. Vous avez le programme d'académie des sciences

6 albanais, qui dit que le chef de Dardania était à Skopje, et qu'il était

7 logique que la capitale de ce nouvel Etat soit au Kosovo. Où est le

8 problème ?

9 Les Albanais ont un Etat comme les Serbes ont un Etat. L'Etat des Albanais

10 s'appelle l'Albanie. Des parties de la population albanaise ont continué à

11 résider dans des pays étrangers en tant que minorité ethnique, comme

12 certains Serbes ont continué à vivre en Albanie en tant que minorité

13 ethnique. Cinquante mille Serbes sont restés en Albanie au moins. Des

14 Slaves de Macédoine et des Grecs résident également en Albanie. Les

15 intellectuels albanais estiment que tous les territoires des pays

16 limitrophes où vivent des minorités ethniques albanaises, doivent entrer

17 dans la composition de ce grand Etat qui s'appellerait la Grande Albanie.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, c'est cela qui est fondamental.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Mais en dehors des

21 intellectuels albanais, y a-t-il la moindre documentation qui prouve que

22 cette théorie a été reprise par des dirigeants politiques en Albanie ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] De quels dirigeants politiques parlez-vous ?

24 Oui, absolument. Toutes les actions entreprises dans le cadre de la

25 politique albanaise, pratiquement depuis la création de l'Albanie en 1912,

Page 34224

1 il existe un nombre énorme de preuves de documents historiques. Les actes

2 du comité exécutif, les actes du gouvernement albanais, les actions

3 subversives à l'encontre du gouvernement de la Serbie, infiltration de

4 groupes terroristes, infiltration de groupes illégaux au Kosovo et au

5 Metohija à partir de la fin de la Seconde guerre mondiale. Toutes ces

6 organisations terroristes ont un statut, ont un programme qui exprime

7 l'intention de créer la Grande Albanie, à savoir, de réunifier tous les

8 Albanais dans un seul et même Etat. Bien entendu, l'ancien président du

9 gouvernement albanais, Sali Berisha et des fonctionnaires albanais

10 expriment le même genre d'intentions. Finalement, comme vous le savez, la

11 République albanaise a reconnu une République du Kosovo nouvellement créée

12 et illégale. Un soi-disant ambassadeur, le représentant de Tirana a été

13 nommé pour représenter cette région. Est-ce que cela n'est pas une preuve

14 suffisante pour montrer que l'Albanie avait des prétentions tout à fait

15 ouvertement exprimées par rapport au territoire voisin de la Yougoslavie ?

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je poursuivre, Monsieur Robinson ?

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je crois comprendre que ce

19 qui vous intéresse, ce sont de nouveaux éléments démontrant cette

20 prétention, des éléments datant de la période postérieure à la Seconde

21 guerre mondiale. Je suppose que tout ce qui existe et a été publié avant,

22 est incontestable. Ce sont des travaux historiques de grande valeur.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Monsieur Terzic, que trouvait-on dans les déclarations et dans les

25 documents émanant d'Enver Hoxha, ce grand dirigeant Albanais qui a été au

Page 34225

1 pouvoir pendant de nombreuses années après la Seconde guerre mondiale ? Si

2 je me souviens bien, il y a la lettre qu'il y envoyé à Staline, à la fin de

3 l'affrontement entre la Yougoslavie et l'info bureau de l'URSS.

4 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui. Oui, Monsieur Milosevic,

6 c'est une question très directrice.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande au témoin s'il a quelque chose à

8 dire éventuellement à ce sujet, également, pour prouver l'existence de la

9 politique albanaise en la matière et du caractère de cette politique

10 albanaise.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est une question historique très vaste

12 qu'il est difficile, dans des débats judiciaires, de décrire entièrement.

13 De très nombreux travaux scientifiques publiés après la Seconde guerre

14 mondiale, j'en ai montré quelques exemples. J'ai montré également des

15 exemples de ce genre de travaux publiés avant la Seconde guerre mondiale.

16 Mais après la Seconde guerre mondiale, on trouve des déclarations d'Enver

17 Hoxha, on trouve des déclarations d'un grand nombre de représentants de la

18 minorité albanaise du Kosovo et Metohija, qui reprennent les mêmes thèmes,

19 1908, 1971, 1981, 1998, 1999, des mots d'ordres prononcés lors des divers

20 soulèvements de l'époque. Il y a également les mots d'ordre exprimés en

21 Macédoine, qui tous, démontrent, sans l'ombre d'un doute, que la politique

22 albanaise oeuvrait à la réalisation de l'idée de la Grande Albanie. Les

23 organes sécurité yougoslave disposent d'un très grand nombre de documents

24 qui permettent de démontrer que la République albanaise, à partir de 1948,

25 est pratiquement, pendant toutes les années 50 et 60, a infiltré en

Page 34226

1 Yougoslavie un grand nombre de groupes terroristes. Des policiers

2 yougoslaves ont été tués à la frontière albanaise. Un grand nombre de

3 douaniers sont morts à la frontière albanaise, et cetera. Donc, les preuves

4 pullulent pour démontrer l'existence de ce plan et l'intention des

5 Albanais, quel que soit les moyens de mettre en œuvre le projet de Grande

6 Albanie. Ces preuves existent dans les années 50, 60, 70 et, bien entendu,

7 jusqu'à la fin du XXe siècle. On les trouve également dans les événements

8 récents.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Monsieur Terzic, je me permets d'interrompre un instant. Vous disposez

11 de l'allocution prononcée par le premier ministre du gouvernement albanais

12 à l'époque de Mussolini à Rome.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

14 Q. C'est un discours prononcé avant 1945, c'est-à-dire, à la période qui

15 précède la Seconde guerre mondiale quand la Grande Albanie a été créée avec

16 l'appui de Mussolini. Après cette période, dans les années 50, vous avez

17 également les allocutions, les documents publiés par Enver Hoxha qui était

18 également le chef d'Etat de l'Albanie. Donc, vous avez le chef d'Etat de

19 l'Albanie en tant qu'Etat fantoche pendant la période de la Seconde guerre

20 mondiale. Par la suite, Enver Hoxha qui était le chef de la République

21 albanaise. Leur position était-elle identique ?

22 R. Pour répondre au Président de la Chambre, je voudrais citer des propos

23 tenus par le chef du gouvernement albanais, Mustafa Kruja, le 30 mai 1941,

24 à Rome. Il s'agissait d'une conférence au sujet des racines de la cour

25 d'Albanie prononcée dans les locaux de l'académie. Je cite : "Benito

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1 Mussolini et Adolf Hitler vont garantir à la population albanaise, après la

2 victoire et la création d'un nouveau contexte, vont leur garantir un Etat

3 national qui recouvrira les frontières les plus lointaines, et sera en

4 contact direct avec l'Italie fasciste." Ceci est une citation qui émane de

5 l'ouvrage d'Alija Hadri, intitulé "Système d'occupation au Kosovo et

6 Methoria, 1941-1945", publié dans le magasine historique yougoslave numéro

7 2, page 42.

8 J'ai un autre élément de preuve également, l'élément numéro 11 à vous

9 soumettre.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Après quoi, vous pourrez passer à

11 autre chose Monsieur Milosevic.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux conclure ?

13 M. MILOSEVIC : [interprétation] Concluez, concluez je vous prie.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Elément de preuve numéro 11. La terre

15 albanaise, numéro 1, le Kosovo, publié à Rome en 1942. En prologue à cet

16 ouvrage, on trouve un texte dont l'auteur est un idéologue fasciste bien

17 connu Francisco Ercole. En 1927, Francisco Ercole avait publié un livre

18 bien connu intitulé "La morale fasciste". Il était recteur de l'université

19 Messina, et pendant un certain temps, professeur d'albanais. En prologue de

20 l'ouvrage dont je parle, Francisco Ercole évoque la déclaration de Mustafa

21 Kruja au sujet de la Grande Albanie et évoque la libération des terres

22 albanaises. C'est la première fois que dans la littérature étrangère, on

23 trouve mention du Kosovo en tant que terre albanaise dans la littérature

24 fasciste. Dans le cas qui nous intéresse, il s'agit de cet ouvrage publié à

25 Rome en 1942. Ceci est particulièrement évoqué dans le prologue dont

Page 34228

1 l'auteur est Francisco Ercole qui parle de la libération des terres

2 albanaises et de l'Illyrie en Albanie. Au début de cet ouvrage, nous

3 lisons la phrase qui suit : "La libération de Kosovo et de Camurija, et

4 cetera," et d'autres éléments. Il mentionne le sénateur Kruja et son rôle

5 dans l'avenir de la Grande Albanie, Masheetga de la Grande Albania. La

6 naissance de la Grande Albanie.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Terzic.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'heure de la pause est arrivée.

10 Nous sommes en train d'affliger du travail supplémentaire aux interprètes.

11 20 minutes de pause.

12 --- L'audience est suspendue à 10 heures 43.

13 --- L'audience est reprise à 11 heures 06.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

15 poursuivre.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'entends un bruit assez curieux dans les

17 écouteurs. J'aimerais demander à la régie de faire ce qu'il faut pour

18 supprimer ce bruit.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Monsieur Terzic, lorsqu'on discute de la question du Kosovo Metohija,

21 comme on a pu le constater, on évoque souvent la situation difficile de la

22 minorité albanaise en Serbie et en Yougoslavie, entre les deux guerres

23 mondiales. Ce qu'il est convenu d'appeler le mouvement de Kacanik, qui a

24 utilisé des moyens terroristes pour agir, s'est baptisé lui-même, mouvement

25 de libération. Quel était le rôle de ce mouvement, et quel était le rôle de

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1 ce qu'il est convenu d'appeler le comité de Kosovo, entre les deux guerres

2 mondiales, je vous prie ?

3 R. Le destin de la minorité albanaise, entre les deux guerres mondiales,

4 est effectivement un sujet très fréquemment débattu. Il y a un point que

5 j'aimerais souligner, c'est le point suivant : à savoir qu'en 1912 les

6 Albanais ont reçu leur Etat national. La conférence des ambassadeurs de

7 Londres, en 1913, a confirmé les frontières de cet Etat national. En 1921,

8 l'Albanie s'est vue reconnue sur le plan international. En 1926, par le

9 protocole de Florence, les frontières séparant le royaume des Serbes, des

10 Croates, des Slovènes et l'Albanie ont été confirmées. Par ce biais, la

11 question des frontières entre ces deux états était réglée, sur le plan du

12 droit international.

13 Mais où se situe le problème, il n'y a pas en Europe, il n'y a pas

14 dans les Balkans, d'états ethniquement purs, donc une minorité albanaise

15 continuait à vivre sur le territoire yougoslave. De même qu'une partie

16 d'habitants serbes qui étaient minoritaires ont continué à vivre sur le

17 territoire albanais. Chez nous on a tendance à oublier que plus de 50 000

18 Serbes ont continué à résider en Albanie, après 1912.

19 La minorité albanaise vivant en Yougoslavie, pour sa part, a admis,

20 en partie l'Etat en question. Je dois dire qu'il y a eu des membres de la

21 minorité albanaise qui ont été des citoyens loyaux. Il y en a eus avant et

22 après la Seconde guerre mondiale, mais une partie de la minorité albanaise

23 a eu recours à la violence pour s'opposer au nouvel Etat.

24 Dans le royaume de Yougoslavie, les Albanais avaient un parti

25 politique qui s'appelait Dzemijet. Aux élections de 1921, ce parti a obtenu

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1 12 députés au parlement yougoslave. Aux élections de 1923, le Jamija a

2 obtenu 14 députés au parlement yougoslave. Une partie de la minorité

3 albanaise a participé à la vie politique de la nouvelle Yougoslavie.

4 Cependant, l'autre partie de la minorité albanaise, aidée par les forces

5 fascistes avant tout, a organisé ce qu'il est convenu d'appeler le

6 mouvement de kacak. Si je ne m'abuse, le mot kacak est d'origine turque.

7 C'est un mot qui signifie hajduk [phon].

8 Après 1912, à partir de 1920, 1921, 1922jusqu'en 1924, des actions

9 importantes ont été menées par les groupes terroristes de kacak contre les

10 instances gouvernementales du royaume des Serbes, des Croates et des

11 Slovènes. Il s'agissait de règlements de compte très violents. Le

12 gouvernement yougoslave a souhaité rétablir l'ordre et la loi dans ces

13 régions. Par conséquent, les terroristes en question ont attaqué la police,

14 l'armée, ont attaqué certains villages. Il y a donc eu des affrontements

15 très violents qui ont malheureusement fait aussi des victimes innocentes.

16 Pas mal de policiers et de soldats ont trouvé la mort, mais il y a eu des

17 victimes innocentes parmi la population minoritaire albanaise.

18 Cependant, ce mouvement de kacak a cessé de fonctionner en 1924, et le rôle

19 principal, dans l'organisation du rôle politique des Albanais entre les

20 deux guerres, a été le travail de ce qu'il est convenu d'appeler, le comité

21 de Kosovo, composé d'Albanais de l'immigration, financé par les

22 gouvernements fascistes de l'Allemagne et de l'Italie. Au sein de comité,

23 on trouvait Hasan Prishtina, Bedri Pejani, plus tard Druhad Injagova

24 [phon], et cetera. Pendant toute la période entre les deux guerres

25 mondiales, le comité de Kosovo a reçu des fonds de l'Italie et de

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1 l'Allemagne fasciste pour financer ces actions terroristes.

2 D'ailleurs, après quelque temps, le ministre des Affaires étrangères

3 de l'Italie, le comte Ciano a confirmé cela. Il a dit à plusieurs reprises

4 que, je cite : "Le mouvement irrédentiste albanais en Yougoslavie est un

5 couteau plongé dans la colonne vertébrale de la Yougoslavie."

6 M. MILOSEVIC : [interprétation] Vous citez le comte Ciano et je rappelle

7 que dans votre rapport en page 60, vous citez également le comte Ciano,

8 ministre des Affaires étrangères de l'Italie fasciste qui soutenait l'idée

9 d'une Grande Albanie, et qui déclare en 1939 que l'Albanie sera une

10 forteresse dominant l'Europe.

11 Q. Est-ce que vous trouvez des déclarations du même genre, au cours des 20

12 dernières années ?

13 R. Bien, l'Italie a occupé l'Albanie le 7 avril 1939. En 1939, au mois de

14 mai, à Viennes, a été signé le pacte germano-italien. Il a été signé par

15 les ministres des Affaires étrangères d'Hitler, Ribbentrop et d'Italie, le

16 comte Ciano. A cette occasion, le comte Ciano a dit, comme il en a pris

17 note dans ses notes personnelles, il a rappelé à Ribbentrop le rôle

18 important de l'Albanie pour les processus à venir et le nouvel ordre à

19 établir dans les Balkans. Toujours selon les notes du comte Ciano dans son

20 journal intime, nous lisons ce qui suit : "Ribbentrop est ravi de nos

21 intentions. Il serait ravi que nous transformions l'Albanie en une

22 forteresse qui dominera sans pitié les Balkans." Cette intention c'était la

23 Grande Albanie. J'insiste, une forteresse qui dominera sans pitié les

24 Balkans.

25 J'ai l'impression qu'au cours des 20 dernières années, les événements

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1 qui se sont produits sont une nouvelle tentative dans des conditions

2 nouvelles en vue de créer une nouvelle forteresse qui peut-être ne dirigera

3 pas les Balkans mais qui, en tout état cause, devrait être un centre

4 important pour le trafic de drogues, le trafic d'êtres humains, et qui

5 devrait également représenter un point fort de la diffusion d'un islam

6 radical dans cette partie de l'Europe.

7 Q. Merci. La Seconde guerre mondiale et le démantèlement de la Yougoslavie

8 ainsi que l'occupation par la Yougoslavie du Kosovo et du Metohija ont joué

9 un rôle important du point de vue de l'influence dans la région. Nous avons

10 des cartes qui montrent les idées de la Grande Albanie.

11 Pouvez-vous, je vous prie, nous montrer quel était le démantèlement

12 de la Yougoslavie ou la segmentation de la Yougoslavie prévue dans le cadre

13 du concept de Grande Albanie à l'époque ?

14 R. J'ai la pièce à conviction 10 ici, le document numéro 10. C'est une

15 carte du Kosovo. Une carte allemande qui montre de démembrement ou la

16 segmentation de la Yougoslavie. Finalement, la Yougoslavie a été attaquée

17 le 6 avril 1941, dans le cadre d'une attaque très violente menée par

18 l'Allemagne fasciste, l'Italie et la Bulgarie. Il y a eu des bombardements

19 intenses de la Yougoslavie et destruction de la grande bibliothèque de

20 Belgrade, et très rapidement le pays s'est trouvé fragmenté. Sur cette

21 carte, on voit la fragmentation de la Yougoslavie en 1941. La Croatie

22 oustachi, nazie a été créée. Ensuite, une partie du territoire a été

23 rattachée à la Hongrie. Le Monténégro a été placé sous protectorat italien,

24 et une partie importante de la Serbie, et de la Yougoslavie a été rattachée

25 à la Grande Bulgarie. Comme vous le voyez ici, une grande partie du Kosovo

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1 et du Metohija a été rattachée à la Grande Albanie fasciste. Je dois dire

2 ici aujourd'hui, que la Grande Albanie recouvrait toute la Metohija et une

3 partie du Kosovo.

4 En effet, les districts de Kosovo-Mitrovica, de Vucitrn et de Pdrevska

5 devaient demeurer dans la zone allemande avec le général Nedic serbe, et un

6 gouvernement fantoche sous autorité allemande. Les Allemands souhaitaient

7 prendre le contrôle de la mine de Trepca. Ils voulaient que celle-ci

8 demeure dans la zone allemande, et que la région de Gnjilane et de Zupa

9 entre autres, fassent partie de la Grande Albanie. La plus grande partie du

10 Kosovo faisait partie de la Grande Albanie, une autre partie du Kosovo

11 appartenait à la zone d'occupation allemande, et une troisième zone à la

12 zone d'occupation bulgare.

13 Ceci a été une énorme tragédie qui a fait des victimes en grand

14 nombre sans doute jusqu'à un million si l'on tient compte de toute la

15 Yougoslavie, un million de Serbes.

16 Q. La propagande fasciste et nazie de l'époque présentait l'occupation,

17 d'une partie du pays en particulier, les zones rattachées à la Bulgarie et

18 à la Grèce comme des zones libérées. Vous avez parlé tout à l'heure de

19 Francesco Ercole. Est-ce que vous appuyez cette affirmation sur ses

20 dires ou est-ce que vous avez d'autres citations à soumettre ?

21 R. Immédiatement après l'occupation par l'Italie, et la création de la

22 Grande Albanie, le Parti fasciste albanais a été créé. Ce Parti fasciste

23 albanais avait un journal qui s'appelait Tomori, Dans ce journal, bien

24 entendu, jour après jour, on célébrait ce qu'il était convenu d'appeler la

25 libération du Kosovo de l'ouest de la Macédoine et de la Camurija, c'est-à-

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1 dire la région d'epirus, qui aujourd'hui fait partie de la Grèce. Il existe

2 de très nombreux documents qui le prouvent. J'ai d'ailleurs évoqué

3 l'allocution de Mustafa Kruja. J'ai également évoqué l'ouvrage Les terres

4 albanaises du Kosovo. Il existe de très nombreuses preuves documentaires

5 qui montrent que l'Italie fasciste prévoyaient l'occupation d'une partie du

6 territoire de la Yougoslavie et de la Grèce qu'elle présentait comme une

7 forme de libération de ces territoires.

8 Je dois insister sur le fait que le Traité atlantique exprime et souligne

9 particulièrement le fait que les frontières modifiées par l'occupation

10 fasciste ne doivent pas être reconnues.

11 Q. Merci, Monsieur Terzic. Maintenant, un grand nombre de sources, y

12 compris des sources allemandes et d'autres. évoque les crimes massifs

13 commis par les fascistes albanais contre les Serbes du Kosovo et de

14 Metohija au cours de la Seconde guerre mondiale. Il y a des faits et des

15 chiffres qui traitent de cette question. Quels sont ces chiffres ?

16 R. J'ai ici le document numéro 12, qui est une série de cartes. Nous

17 avons, par exemple, la carte de Cerdo Krizman p46 tirée de l'œuvre

18 intitulée : "Les cartes de la Yougoslavie pendant la guerre," au total six

19 cartes publiées à Washington en 1943 et qui se fondent sur des sources

20 américaines.

21 Nous voyons là le nombre des Serbes tués par des Albanais, à partir

22 d'avril 1941 jusqu'en août 1942. C'est ce qu'on lit dans cette carte et ce

23 nombre monte à 10 000 Serbes à peu près au Kosovo et au Metohija. C'est

24 sans aucun doute un chiffre exact même si certains chercheurs, et en

25 particulier l'archevêque Atanasije Jevtic estime que ce chiffre est même

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1 peut-être supérieur et qu'il monte à plusieurs dizaines de milliers de

2 Serbes.

3 Maintenant puisque nous parlons de la politique du nettoyage ethnique

4 pratiquée contre Serbes au Kosovo et au Metohija durant la Seconde guerre

5 mondiale, pendant l'aire de la Grande Albanie, sur la base de la carte que

6 j'ai montrée, j'aimerais évoquer un certain nombre d'autres éléments.

7 Q. Je vous en prie, un instant.

8 Monsieur Robinson.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ici, au compte rendu d'audience en anglais,

11 nous voyons une erreur car les dates évoquées par le témoin ne sont pas

12 reprises au compte rendu. Le témoin a parlé d'avril 1941 jusqu'à août 1942.

13 Les mots jusqu'à août 1942 ne figuraient pas au compte rendu d'audience en

14 anglais. Il convient de les rétablir.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est ce que j'ai dit.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation] C'est ce que vous avez dit. Il faut que

17 cela se retrouve au compte rendu.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, je vous prie.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Selon cette source une dizaine de milliers de Serbes ont été tué,

21 simplement jusqu'au mois d'août 1942.

22 R. Oui. J'aimerais maintenant évoquer d'autres sources qui confirment la

23 réalité de ce fait. Mustafa Kruja, le premier ministre dont nous avons déjà

24 parlé. a séjourné au Kosovo au mois de juin 1942, et lors d'une rencontre

25 avec les dirigeants albanais du Kosovo et du Metohija, il a dit entre

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1 autres ce qui suit. Je cite : "Il importe de veiller à ce que les Serbes

2 résidant au Kosovo soient nettoyés le plus rapidement possible. Tous les

3 Serbes qui vivent ici depuis des siècles seront appelés colons, et à ce

4 titre, envoyés dans des camps de concentration en Albanie. Les colons

5 serbes doivent être tués." La source de ceci est un ouvrage relatif au

6 Kosovo publié à Belgrade en 1990, page 248, dont l'auteur est Dimitrije

7 Bogdanovic, ainsi que l'ouvrage d'un collègue allemand publié à Munich à

8 l'an 2000, page 158.

9 L'archevêque Atanasije, pièce à conviction 26, que pendant la Seconde

10 guerre mondiale, un certain nombre de camps destinés à enfermer les Serbes,

11 ont été créés en Albanie. Il cite un exemple à Drac, où en avril 1943, il y

12 avait à peu près 900 Serbes dont 600 originaires de Gnjilane. L'archevêque

13 Atanasije, toujours dans ce document 26, dit que dans la paroisse d'Istok,

14 c'est une région très limitée, a vu mourir 102 Serbes pendant la guerre. A

15 Lipljan et Donja Kostunica, 62 Serbes ont été tués. Hermann Neubacher qui

16 parle du sud-est de la région, à partir de la fin 1943, dans un ouvrage

17 publié à Gertingen en 1953, dit ce qui suit, je cite : " Les siptars se

18 sont efforcés de chasser le plus grand nombre possible de Serbes du pays.

19 Je suis intervenu auprès de Dzafer Deva. En dépit de cela, depuis 1941, de

20 grandes souffrances ont été vécues." C'est Neubacher qui dit cela.

21 Puis, nous avons un document de source britannique, numéro 15, sur la

22 liste des documents. Un commandant de l'armée britannique, John Henniker

23 qui était attaché à l'état-major de Serbie en 1944, donc document 15.

24 Malheureusement, ce document vient du "foreign office", mais il est en

25 langue bulgare. Il dit, je cite : "Cette région," il parle de la vieille

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1 Serbie, je cite dit Henneker donc : "Cette région, en dépit du fait qu'elle

2 est considérée enracinée dans la nation serbe, n'a rien de serbe

3 aujourd'hui." Pendant la guerre, dit Henniker elle a été contrôlée par des

4 Albanais qui chassaient la minorité serbe et déracinaient tous les symboles

5 religieux." C'est ce qu'on trouve dans le document numéro 15, page 169.

6 Voilà un nombre très limité d'éléments documentaires, qui démontrent

7 à quel point sont allés les crimes et le nettoyage ethnique à l'encontre

8 des Serbes au Kosovo et Metohija.

9 M. NICE : [interprétation] Bien sûr, ceci est une pièce à conviction

10 par excellence, mais elle sera pratiquement impossible à utiliser. L'accusé

11 doit bien reconnaître, j'en suis sûr, que le problème de la traduction des

12 pièces à conviction devient très important. Il y a deux aspects à ce

13 problème. D'abord, les documents doivent être traduits en anglais, sinon,

14 ils ne peuvent pas être utilisés dans leur travail par les Juges de la

15 Chambre et par les membres de l'Accusation. Puis, il y a des délais à

16 respecter, c'est le deuxième aspect. Car il faut tout de même un certain

17 temps pour lire des documents aussi volumineux. Je ne suis pas ici

18 uniquement pour défendre une thèse au sens classique du terme, je suis ici

19 également pour aider les Juges de la Chambre au cours du

20 contre-interrogatoire, les aider à faire éclater la vérité. Dans le cadre

21 de ce travail, un document en langue bulgare me rend la tâche absolument

22 impossible.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que la chose est bien

24 comprise. Désormais, Monsieur Milosevic, il faut que vous y pensiez.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'y pense, Monsieur Robinson, mais ce sont des

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1 éléments de preuve tout à fait fiables. Deuxième point, je me suis trouvé

2 dans une situation beaucoup plus difficile que celle dans laquelle se

3 trouve M. Nice, lorsqu'on m'a remis un grand nombre de classeurs que

4 j'avais très peu de temps pour examiner, qui étaient en langue anglaise

5 durant la présentation des témoins de

6 M. Nice. Donc, il est impossible de parler du principe de l'égalité des

7 armes dans ces conditions.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez essayé

9 d'obtenir une traduction de ce document en bulgare ?

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai remis tous ces documents. Pour certains,

11 je les ai remis il y a longtemps, pour d'autres, je les ai communiqués il y

12 a une semaine ou deux. Donc, je m'attendais à ce qu'ils soient traduits. Je

13 les ai communiqués, bien entendu.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y a une semaine, si j'ai bien

15 compris, ce n'est pas un délai suffisant. Si je comprends bien la

16 situation, il vous faut les communiquer au moins deux semaines avant

17 l'audition du témoin.

18 M. NICE : [interprétation] Pour des documents en B/C/S, pas pour des

19 documents dans d'autres langues que le B/C/S.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, bien sûr.

21 M. NICE : [interprétation] Une correction par rapport à l'observation de

22 l'accusé, qui a comparé les conditions des uns et des autres. J'admets que

23 pendant la présentation des moyens de preuve de l'Accusation, certains

24 éléments ont été communiqués un peu tardivement. Mais la majorité des ces

25 éléments ont été communiqués en application des ordonnances de la Chambre

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1 dès le début. Donc, l'accusé disposait de ces éléments pour les examiner

2 très tôt. Je suis sûr que ma collaboratrice va me donner la date dans

3 quelques instants.

4 31 mai 2002, c'est la date à laquelle la majorité des pièces à

5 conviction a été communiquée à l'accusé.

6 Par ailleurs, l'accusé a reçu de nouveaux éléments de preuve, témoin

7 par témoin de façon à ce qu'il puisse associer les éléments de preuve au

8 témoin concerné. Puis, il y a aussi le fait que la Chambre a ordonné à

9 l'accusé de produire ses pièces à conviction. Cette ordonnance n'a pas été

10 respectée dans les délais. Un grand nombre de documents ont été communiqués

11 tardivement, et d'autres éléments ne figuraient même pas sur la liste

12 initiale des pièces à conviction de l'accusé. Il est responsable d'une

13 violation des ordres reçus à deux titres.

14 LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, la Chambre

15 voudrait penser que vous faites un effort de bonne foi pour respecter le

16 règlement. Si la Chambre décide que vous n'êtes pas de bonne foi dans la

17 volonté de respecter le règlement, nous prendrons les mesures nécessaires.

18 Je vous en avertis à l'avance.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je tiens à vous assurer que

20 je m'efforce au maximum de communiquer à l'Accusation tous les éléments de

21 preuve nécessaires, de façon à ce que les traductions puissent se faire

22 dans les délais. Parfois, ceci est physiquement impossible pour moi. J'ai

23 l'intention de vous rappeler à vous-même et à M. le Juge Kwon, qu'à

24 l'époque où M. May présidait la Chambre, j'ai reçu de la part de M. Nice

25 des classeurs entiers. Très souvent, lorsque je me plaignais de la non

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1 traduction des pièces, on me disait le contre-interrogatoire n'a lieu que

2 demain, donc vous avez tout le temps nécessaire pour examiner ces documents

3 en détail. Vous vous en souvenez très bien, Monsieur Robinson. M. Nice n'a

4 pas la possibilité de se familiariser avec un document du jour en

5 lendemain. Il n'en a même pas la possibilité en plusieurs jours, dit-il.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais dans la plupart des cas,

7 ces documents étaient traduits dans votre langue.

8 Je me souviens, bien sûr, qu'il y a eu certains cas où les documents qui

9 vous étaient remis n'étaient pas traduits. Quoi qu'il en soit, poursuivons.

10 Monsieur Terzic, c'est à vous.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Une petite rectification par rapport à ce que

12 M. Nice a indiqué. Tous les éléments de preuve proposés par mes soins,

13 figurent sur la liste des éléments de preuve présentés.

14 Malheureusement, le document dont je me suis servi moi-même, a été

15 publié en langue bulgare. Toutefois, au bas de ce document-là, il figure

16 une identification exacte de la source de celle-ci. "Foreign office" dit-

17 on, et numéro d'enregistrement du document en langue anglaise. Bien

18 entendu, je regrette de ne pas avoir pu disposer de ce document en langue

19 anglaise. Il n'en demeure pas moins que c'est un document authentique que

20 nos collègues bulgares ont traduit de l'anglais vers le bulgare. Je n'en

21 suis servi en sa qualité de document authentique.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Je vous ai posé une question, Monsieur Terzic. Je me référais à la 2e

24 Ligue de Prizren. Après la capitulation de l'Italie à Prizren, il s'est

25 créé une 2e Ligue de Prizren, qui s'est adressée à Hitler, avec une requête

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1 pour ce qui est de la création d'une division SS de volontaires. Quel a été

2 le rôle de cette 20e Division SS, appelée Skengerbeg, s'agissant des crimes

3 perpétrés à l'encontre des Serbes durant la période 1941-1945 ?

4 R. C'est une question qui revêt beaucoup d'importance. Beaucoup

5 d'importance pour deux raisons. La première raison, c'est que la 2e Ligue

6 de Prizren, en réalité, a placé sur le plan politique et a placé dans

7 l'opinion publique, le concept de la Grande Albanie après la capitulation

8 de l'Italie avec l'aide de l'Allemagne nazie.

9 Deuxièmement, le comité central de cette 2e Ligue de Prizren, a créé ses

10 unités SS à elle ou à lui, qui étaient censés avoir un rôle double. Ces

11 unités SS d'une part devaient protéger le retrait des effectifs de l'armée

12 E allemande vers l'Europe centrale en provenance de la Grèce et de ce

13 territoire. Ces unités SS étaient censées constituer une puissance

14 militaire apte à défendre le Kosovo.

15 La 2e Ligue de Prizren s'est créée mi-septembre 1943 à Prizren, sous

16 l'égide du Reich allemand après la capitulation italienne. Le président du

17 comité central de cette ligue, en date du 29 mars 1944, et je me réfère à

18 la pièce numéro 13, s'est adressé par une lettre à Adolf Hitler, en

19 proposant une alliance aux forces nazies et en suggérant de faire en sorte

20 que la 2e Ligue au Kosovo et Metohija mobilise des effectifs allant de 120

21 à 150 000 hommes pour aider les troupes allemandes. Bedri Pejani, dans sa

22 lettre à Adolf Hitler, en plus de cette proposition en termes de

23 coopération militaire, propose une formation, la formation d'une première

24 division SS de volontaires, demande des armes modernes aux Allemands et

25 demande, -- cela figure dans la lettre qui est jointe. Il demande des

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1 instructeurs et des cadres de commandement, des supérieurs, donc des

2 officiers de commandement. Il demande, je cite : "La rectification sur des

3 bases stratégiques des frontières de l'Albanie vis-à-vis de la Serbie et du

4 Monténégro. S'agissant maintenant de frontières provisoires, il considère

5 que ce sont des frontières provisoires à l'égard de la Serbie et du

6 Monténégro, convenues en 1941 entre le Reich allemand et l'Italie, qui

7 plaçaient le Kosovo dans une position désavantageuse. Non seulement sur le

8 plan stratégique, mais sur le plan historique et ethnique. Avec les

9 frontières actuelles, dit-il, il est difficle de défendre le Kosovo et

10 l'Albanie face à une attaque serbe et monténégrine, tant pendant cette

11 guerre-ci qu'après cette guerre-ci.

12 Les Allemands ont autorisé la création d'une division SS. Dans le

13 courant du mois de mai 1944, il a été créé une 20e Division SS de

14 volontaires albanais qui comptaient quelque 10 000 hommes. On avait

15 envisagé la création d'un corps d'armée albanais dans le cadre des forces

16 allemandes nazies. En juin 1944, Hitler a reçu le chef de cette 2e Ligue de

17 Prizren, M. Dzafer Deva, pour examiner un plan de défense du Kosovo.

18 Ce que je veux dire par là, et ce qui est tout à fait important pour

19 ce qui est l'évolution des événements après la Deuxième guerre mondiale,

20 c'est les crimes perpétrés par la 21e Division SS au Kosovo et Metohija

21 vis-à-vis de la population à la frontière du Kosovo Metohija, la Serbie

22 d'une part et le Monténégro d'autre part. Je vous cite un exemple. Le 28

23 juillet 1944, dans le village de Velika, municipalité d'Andrijevica, à la

24 frontière du Monténégro et de la Serbie, voire de la Serbie Kosovo et

25 Metohija --

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1 Q. Mais Andriavica, c'est au Monténégro.

2 R. Oui, au Monténégro, mais à la frontière même. Le

3 28 juillet 1944, dans une seule journée, cette division SS a tué 380

4 personnes, dont 120 enfants. On a incendié 300 maisons au total.

5 En plus d'autres crimes, cette 21e Division s'est distinguée dans

6 l'extermination des Juifs au Kosovo et Metohija. Le 14 mai 1944, dans le

7 camp de Pristina, un camp de Pristina, cette division SS, à savoir, ses

8 unités ont rassemblé là quelque 400 Juifs originaires de Pristina et autres

9 régions du Kosovo et Metohija, pour les envoyer vers le camps de Bergen-

10 Belsen dont ils ne sont généralement pas ressortis. Ce sont seulement là

11 certains des crimes perpétrés par cette division.

12 Je vais encore dire que ce n'est pas la seule participation des

13 Albanais dans des divisons SS ou des unités SS. Dans la 13e Division SS des

14 Musulmans de Bosnie-Herzégovine qui s'appelait la Division Handzar, il y

15 avait une 28e Régiment, et Franz Mathaas, le commandant de cette 28e

16 Régiment, a dit dans une déclaration près d'instances yougoslaves, en

17 indiquant qu'il était étonné par la brutalité, il était lui-même étonné par

18 les cruautés perpétrées par cette unité vis-à-vis de la population de Srem

19 et Semberija au printemps 1944.

20 Q. Monsieur, vous êtes au courant des crimes perpétrés par ces formations

21 nazies et balistes en 1944, dans la région de Pec. Pouvez-vous nous en dire

22 plus ?

23 R. En sus de cette division SS, la 2e Ligue de Prizren a créé un régiment

24 e Kosoves sous l'égide de Dzafer Deva. Ce régiment a commis un crime de

25 masse, un crime massif à Pec et au Kosovo Metohija, entre le 4 et le 8

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1 décembre 1943. C'est la pièce 14.

2 Je ne vais pas vous citer tout le rapport. Mais en substance, entre

3 le 4 et 8 décembre 1943, il a été tué à Pec au moins 108 personnes, des

4 civils, 104 Musulmans et quatre Albanais. La pièce 14 a suffisamment de

5 renseignements détaillés à ce sujet.

6 Q. Que savez-vous nous dire au sujet de Shaban Poluza et l'insurrection

7 après le retrait des effectifs allemands au Kosovo entre décembre 1944 et

8 février 1945 ?

9 R. Je me souviens que devant cette Chambre, il a été longuement débattu de

10 la chose. M. Klaus Naumann a mentionné cette question en s'entretenant avec

11 vous dans un contexte tout à fait différent d'ailleurs.

12 Les forces nazies des divisions SS, dont les dirigeants s'étaient

13 retirés avec les Allemands en 1944 déjà, et les autres organisations Balli

14 Komitar et autres, la plupart des effectifs militaires sont restés au

15 Kosovo Metohija. La plupart de ce régiment Kosoves et la division SS sont

16 restés là-bas. Ces effectifs se sont organisés pour ce qu'ils ont appelé la

17 défense du Kosovo. Tout d'abord, ils ont créé quatre zones de défense.

18 L'une de ces zones englobait le Monténégro de Skopska, le nord de la

19 Macédoine face à la Serbie du sud. Puis, la montagne Sar Planina de Tetovo

20 et Struga. La troisième zone englobait un espace compris entre Drenica et

21 le territoire monténégrin, et la quatrième zone, allait de la Sala vers la

22 montagne Kopaonik. C'était le plan de défense du Kosovo des forces

23 antifascistes de l'Armée de libération nationale de Yougoslavie.

24 Une partie de ces effectifs avaient été affectée à ce que l'on

25 appelait le front de Srem. Vous n'ignorez pas qu'à ce moment-là, il y avait

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1 des combats acharnés entre les effectifs yougoslaves et les effectifs de

2 l'armée rouge contre les forces allemandes. L'un de ces balistes Saban

3 Poluza, qui se trouvait à la tête d'une unité de quelque 5 000 hommes, a

4 refusé d'aller au front de Srem. Il est revenu de Podujevo à Drecina. Il a

5 rassemblé ses effectifs au nombre de quelque 15 000 hommes pour entamer des

6 combats pour la défense du Kosovo en vertu ou en application du plan déjà

7 établi auparavant. Cela a donné lieu à un conflit de grande taille, qui a

8 semé le trouble dans la direction de la Yougoslavie. Parce que les forces

9 yougoslaves qui s'étaient battues contre les Allemands à ce moment-là, ont

10 dû mettre de côté 39 000 soldats pour étouffer l'insurrection dans les

11 arrières du front face aux Allemands. Ces combats ont duré de décembre 1943

12 jusqu'à mars 1944.

13 L'un des commandants de ces forces-là, de ces forces balistes fascistes.

14 Q. Vous dites de décembre 1943 à février 1944.

15 R. Oui. Vous avez raison. De décembre 1943 jusqu'à février- mars 1945.

16 Oui, c'est cela.

17 Dans ces combats, les forces yougoslaves ont eu des pertes considérables.

18 Il ne s'agissait pas, comment dirais-je, d'un combat contre une population

19 albanaise désarmée. Avant ce conflit, il y a eu une attaque de ballistes

20 albanais contre Urosevac et contre Gnjilane, contre Trepca et Kosovska

21 Mitrovica également. Le gros des effectifs commandé par Saban Poluza a

22 lancé des attaques dans ce sens.

23 Au total, le nombre de victimes du côté des soldats yougoslaves se chiffre

24 à 850. Il y a eu 600 et quelques ballistes de tués dans ces règlements de

25 compte, et plusieurs milliers de ballistes se sont rendus suite à une

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1 incitation à ce faire, de la part des forces yougoslaves. A la fin des

2 combats, en mai 1945, les conflits ont pris fin également.

3 Je tiens à dire qu'il y a eu des nombreux effectifs qui se sont battus

4 pendant la Deuxième guerre mondiale pour créer une Grande Albanie, et cela

5 a constitué leur dernière tentative pour ce qui était de garder le Kosovo

6 au sein de la Grande Albanie.

7 Q. Bien. Avez-vous étudié le travail de cette Commission d'Etat yougoslave

8 pour ce qui est des crimes de guerre commis par l'occupant et ses

9 collaborateurs pendant la Deuxième guerre mondiale. Etant donné que le

10 document a été rédigé en 1946 à peu près, de quels chiffres parlait ce

11 document, s'agissant de criminels de guerre ?

12 Je me réfère à la pièce 18.

13 R. Conformément à la pratique des pays de la coalition antihitlérienne, il

14 s'est créé des commissions, et il a ainsi été créé une commission

15 yougoslave pour ce qui est d'étudier les crimes commis par l'occupant et

16 ses collaborateurs.

17 J'ai, donc cette pièce 18, qui fournit une liste des Albanais, des

18 criminels de guerre sur le territoire de la Serbie et du Monténégro, ainsi

19 que de la Macédoine. Tout comme de l'Albanie d'ailleurs, parce qu'il

20 s'agissait de crimes perpétrés là-bas aussi, crimes perpétrés en

21 Yougoslavie.

22 Il s'agit d'une liste de quelques 297 Albanais avec des renseignements

23 exacts pour ce qui est de l'appartenance à différentes unités nazies et

24 fascistes pendant la Deuxième guerre mondiale.

25 Q. Il s'agit là seulement de personnes qui ont recensé les crimes de

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1 guerre, n'est-ce pas ?

2 R. Il s'agit de personnes pour lesquelles, la commission partant

3 d'éléments de preuve, a établi une liste.

4 Je tiens à préciser une chose importante pour comprendre ce qui s'est passé

5 après la guerre. Un grand nombre des membres de ces divisions SS et de ce

6 régiment kosovar n'ont pas trouvé leurs noms sur cette liste des auteurs de

7 crimes de guerre parce qu'après la Deuxième guerre mondiale, ils sont

8 devenus la force politique des activités Grande Albanaise au Kosovo et de

9 Metohija. Ils ont même pris part aux instances du pouvoir pendant la

10 période qui a suivi la Deuxième guerre mondiale.

11 Q. Monsieur Terzic, dans vos études, et je crois avoir lu cela aux pages

12 64 à 67 de votre rapport, vous avez parlé de l'attitude adoptée par le

13 Parti communiste yougoslave, s'agissant du Kosovo et de Metohija. Dites-

14 nous, je vous prie, pourquoi d'après vous, d'après l'historien que vous

15 êtes, le Parti communiste de Yougoslavie a-t-il opté en faveur de ce type

16 d'autonomie au Kosovo Metohija ?

17 R. Partant de mon point de vue d'historien, je crois pouvoir dire que le

18 Parti communiste de Yougoslavie assume une responsabilité historique

19 immense pour le sort de l'Etat yougoslave. Entre autres, pour ce qui

20 concerne les événements au Kosovo et Metohija. Je vais vous donner

21 plusieurs raisons pour étayer cette opinion.

22 D'abord, le Parti communiste de Yougoslavie, entre les deux guerres

23 mondiales, sous l'influence de l'international communiste et de Staline

24 notamment, a accepté une thèse qui est celle de dire que les questions

25 ethniques et les questions nationales peuvent être utilisées en guise

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1 d'outils appropriés pour la réalisation d'une révolution du type soviétique

2 en Yougoslavie.

3 Au 4e congrès du Parti communiste de Yougoslavie à Dresden en 1928, le

4 Parti communiste de Yougoslavie, conformément à cette directive-là, exprime

5 sa solidarité avec le Mouvement albanais de libération nationale qui est

6 représentée par ce comité du Kosovo. C'est le comité financé, si vous vous

7 en souvenez, par l'Italie fasciste. Entre 1928 et 1934, le Parti communiste

8 de Yougoslavie établit une alliance avec ce qu'il est convenu d'appeler des

9 groupes nationaux révolutionnaires; avec les Oustachi, Croates, les

10 terroristes macédoniens, et ce comité national albanais. Cette alliance a

11 par la suite a été résignée.

12 Autre chose. En se servant du patrimoine historique, le Parti communiste de

13 Yougoslavie, en 1937, a organisé un comité régional du Parti communiste

14 yougoslave pour le Kosovo et Metohija. Là, nous avons une absurdité. Le

15 Parti communiste créé un comité régional pour le Kosovo et Metohija, mais

16 ne créé pas de Parti communiste pour la Serbie qui n'est créé qu'en 1945.

17 Je le dis, parce que l'organisation du PC yougoslave a servi de base pour

18 l'édification de l'Etat après la guerre dans cette Yougoslavie de Tito.

19 Q. Merci.

20 R. Permettez-moi autre chose. Milovan Djilas, l'un des principaux

21 collaborateurs de Tito, qui est devenu dissident après, a accordé une

22 interview au monde en décembre 1971 par expliquer la politique. Voilà ce

23 qu'il dit : "La division des Serbes en cinq ou six républiques avait pour

24 objectif d'affaiblir l'hégémonisme des Serbes qui était considéré comme

25 étant le principal obstacle au communisme."

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1 Si vous me le permettez, je voudrais vous dire pourquoi j'estime que le

2 Parti communiste est responsable du sort des Serbes au Kosovo et Metohija.

3 Après 1945, le Parti communiste yougoslave n'a pas demandé à ce qu'assument

4 leurs responsabilités ceux qui ont pris part aux unités nazies et qui ont

5 commis les crimes de guerre. Il n'y a pas eu des dénazification de la

6 société albanaise au Kosovo et Metohija.

7 Deuxièmement, le PC yougoslave a entériné les circonstances créées par

8 l'occupation du Kosovo entre 1940, 1941 et 1945.

9 Troisièmement, le PC yougoslave a interdit le retour aux Serbes chassés, du

10 Kosovo et de Metohija, vers le Kosovo et Metohija par une série de lois que

11 je vais vous donner.

12 Quatrièmement, le PC yougoslave a rendu possible un nettoyage ethnique de

13 grande taille au Kosovo et Metohija après la guerre, de 1945 à 1990.

14 Q. On ne va pas mentionner tout cela. Vous avez les journaux officiels de

15 la République fédérale démocratique de Yougoslavie interdisant le retour

16 des colons vers leurs lieux de résidence précédent, et c'est daté des

17 journaux officiels qui sont datés de 1945 à 1947. J'essaierai de gagner du

18 temps.

19 R. Je vais dire deux mots à l'intention de la Chambre.

20 Q. Soyez bref.

21 R. Il y a trois lois et un décret adopté par les gouvernements de la

22 Yougoslavie et de Tito en 1945, en 1946, et 1947. Ils nous sont fournis ici

23 en langue serbe. Ces textes interdisent le retour aux colons chassés vers

24 leurs lieux de résidence précédents. C'est là la substance de ces décrets

25 et lois.

Page 34250

1 Q. Il s'agit de l'intercalaire 19 et non pas 11 comme vous semblez l'avoir

2 dit.

3 R. Oui, 19.

4 Q. Il s'agit de lois qui sont publiés au Journal officiel de la République

5 fédérative démocratique de Yougoslavie, tel que s'énonçait son nom après la

6 Deuxième guerre mondiale, et vous avez le Journal officiel de la République

7 populaire de Serbie.

8 Monsieur Terzic, il a été adopté une loi portant création d'une région

9 autonome au Kosovo, par l'assemblée de Serbie en date du 3 octobre 1945. Il

10 n'y a pas eu d'autres régions autonomes, si ce n'est celle-là en

11 Yougoslavie. Comment expliquez-vous la chose ?

12 R. Je me réfère à l'intercalaire 20 de la liste. Il est adopté en page

13 459, une loi portant établissement et organisation d'une région autonome au

14 Kosovo Metohija, datée du 3 septembre 1945. L'Article 2 --

15 Q. Trois octobre, dit-on chez moi.

16 R. Non, 3 septembre.

17 Q. Donc, vous savez mieux que moi.

18 R. Non, je l'ai ici, le texte de loi portant création et organisation

19 d'une région autonome au Kosovo Metohija, du 3 septembre 1945.

20 Q. Bien.

21 R. l'Article 2 de cette loi dit, je cite : "La région autonome du Kosovo

22 Metohija constitue une partie intégrante de la Serbie, et élit à

23 l'assemblée populaire de celle-ci, un nombre de députés populaires

24 proportionnels."

25 Qu'est-ce qui est intéressant de constater. Il est intéressant de

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1 constater la politique de cette Yougoslavie de Tito. Il y a un paradoxe. Au

2 moment où il y a création de l'autonomie au Kosovo et Metohija, les

3 Albanais constituaient 8 % de la population serbe. En même temps en

4 République de Macédoine, les Albanais faisaient 17 % de la population

5 totale. Mais là-bas, il n'y a pas eu d'autonomie de créée. En République de

6 Croatie, les Serbes faisaient 14 et demi voire 15 % de la population. Ils

7 se trouvaient principalement placés sur le territoire de Lika, Banija,

8 Kordun, mais là-bas il n'y a pas eu d'autonomie. Quel est donc ce type de

9 cohérence ?

10 Il s'agit de façon évidente, qu'il y avait une politique

11 d'affaiblissement de facteur serbe dans cette Yougoslavie de Tito. Seule la

12 Serbie s'est trouvée munie de deux autonomies, alors que les minorités des

13 autres populations, je vous ai donné les exemples de la Macédoine et la

14 Croatie, elles, ces minorités n'ont pas obtenu d'autonomie. On voit qu'il y

15 a eu là des intentions politiques très claires.

16 Q. Quelle est l'attitude de la Yougoslavie vis-à-vis de l'Albanie, l'Etat

17 albanais, pays voisin entre 1941 et 1945 ? Soyez bref, je vous prie.

18 R. C'est une question très intéressante. En dépit de l'expérience de la

19 Deuxième guerre mondiale, en dépit des expulsions de Serbes et du

20 peuplement de 100 000 Albanais, d'Albanie au Kosovo et Metohija, après

21 cette période, et notamment entre 1945 et 1948, la Yougoslavie et la Serbie

22 ont aidé, par tous les moyens, le développement de l'Albanie.

23 Peter Bartl, un collègue à moi, qui a rédigé un livre portant sur les

24 Albanais, indique que la valeur de l'aide économique apportée par la

25 Yougoslavie à l'Albanie, en 1945 à 1948, se chiffrait à 43 millions de

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1 dollars. Certains renseignements indiquent que le gouvernement yougoslave a

2 financé l'armée albanaise, entre 1945 et 1948. Cependant et en même temps,

3 la direction des Albanais du Kosovo, au Kosovo Metohija, entretient des

4 relations clandestines avec la direction albanaise avec Enver Hoxha.

5 J'ai ici un extrait du livre de Spasoje Djakovic, qui est intitulé

6 Conflit au Kosovo. Spasoje Djakovic était chef de la sécurité d'Etat chargé

7 du Kosovo et Metohija. Il a visité Tirana en 1948. Il y a eu une rencontre

8 avec le secrétaire organisationnel du PC albanais, Koci Xoxe, un communiste

9 orthodoxe qui était ministre de l'Intérieur de l'Albanie à l'époque. Il est

10 en fait intéressant, lorsque Koci Xoxe et Spasoje Djakovic se sont

11 entretenus, Koci Xoxe, à un moment s'est levé et a montré un classeur à

12 Djakovic, avec des documents dedans, des lettres clandestines et de

13 télégrammes clandestins, que l'albanais, qui était dirigeant du Kosovo,

14 Fadil Hoxha, a envoyés à Enver Hoxha. Lorsque Djakovic est revenu en

15 Yougoslavie et a informé les instances chargées de la sécurité en

16 Yougoslavie, celles-ci n'ont rien fait. Mais très peu de temps après, Koci

17 Xoxe a été arrêté, fusillé aussitôt après.

18 Q. Il faut que nous gagnions du temps. Dites-nous encore quelque chose au

19 sujet de ce procès, tenu à Prizren en 1956 ?

20 R. Il s'agit là d'un sujet dont il est question en long et en large, même

21 de nos jours. Ce procès à Prizren est un procès clandestin, à huis clos,

22 entre le 12 et 17 juillet 1956. Cela a eu lieu à Prizren. On a fait un

23 procès à un groupe clandestin, Grand Albanais, pour des activités ennemies

24 d'espionnage, au profit des services de Renseignement albanais. Je parle de

25 juillet 1956. Il a été condamné au total neuf personnes. Cependant ce

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1 procès revêt de l'importance pour autre chose. Il a permis de découvrir

2 qu'au Kosovo et Metohija, il existait une organisation Grande Albanaise,

3 profondément clandestine et bien organisée. La direction des Albanais du

4 Kosovo était en corrélation et avait établi des liens avec les services de

5 Renseignement albanais.

6 A cet effet, on a mentionné bon nombre de noms. Il a été donné des

7 noms de 50 personnes collaborant avec les services de Renseignement

8 albanais et Enver Hoxha. On a mentionné Fadil Hoxha, l'homme numéro un, au

9 Kosovo Metohija, Jerjat Hamza [phon], Mermet Hodza [phon], Ismet Tsechire

10 [phon], Imer Pulja, Myslim Nimani, ainsi de suite. Ce procès a découvert

11 l'existence d'un groupe profondément clandestin et subversif, qui s'est

12 incorporé dans les structures du pouvoir là-bas.

13 Q. Je crois que cela suffira, n'allons pas plus loin à ce sujet.

14 Nous avons peu de temps en réalité à disposition. Peu de gens savent qu'une

15 partie de la partie centrale de Serbie, par exemple Leposavic été annexée

16 au Kosovo Metohija en 1959. Avant que de vous poser une question à ce

17 sujet, je voudrais parler de renseignements historiques.

18 On dit que cela à l'époque était fait au niveau de la direction

19 politique, avec une explication disant que les camarades du Kosovo

20 n'avaient pas de bois pour se chauffer, donc il fallait leur donner une

21 partie de territoire boisé du côté de la montagne de Kopaonik, afin qu'ils

22 puissent exploiter ces bois pour se chauffer. Je parle de 1958, 1959. Que

23 nous disent les données historiques à ce sujet ? Soyez bref.

24 R. J'aimerais parler de 1956, et parler des armes.

25 Q. Mais ceci est en rapport avec le procès de Prizren, vous venez d'en

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1 parler.

2 R. Oui. Après ce procès de Prizren, étant donné que c'était une

3 organisation très vaste, la police a commencé à se mettre à la recherche

4 d'armes. J'ai un document à l'intercalaire 21, ici à la page 2 de ce

5 document, on voit qu'une campagne a été organisée afin de recueillir des

6 armes, en 1956 et 1957, vous avez des chiffres ici, pour ce qui est des

7 armes qui ont été recueillies au Kosovo. Vous aviez 4 mortiers et 56

8 mitrailleuses, des fusils Schmeisser, 84; des fusils, 8 640; pistolets ou

9 revolvers 3 925; et de fusils de chasse, 97. Ceci suffit pour armer toute

10 une division.

11 Q. Revenons à la question de Leposevac.

12 Q. Brièvement, cependant.

13 R. Je vais m'efforcer d'être le plus succinct possible. Ce sont là des

14 questions extrêmement importantes auxquelles j'ai consacré beaucoup de

15 temps dans la préparation de mon témoignage. J'essaierai d'être bref.

16 En 1958, une partie de la Serbie centrale a été rattachée, annexée au

17 Kosovo et Metohija. En 1959, une loi a été adoptée qui a rendu tout ceci

18 officiel. 42 kilomètres, c'est là la longueur de cette route. Disons plus

19 exactement 42 kilomètres du territoire de la Serbie a été rattaché sur le

20 plan administratif au Kosovo et Metohija.

21 Lorsque je me suis préparé à ce témoignage, Dobrica Cosic, il était à

22 l'époque député de la région. Il est membre de l'académie. Il m'a remis une

23 déclaration montrant que son électorat s'était opposé à ce rattachement de

24 la municipalité. Dobrica Cosic est allé voir le secrétaire de la Ligue des

25 Communistes, Linov, pour en discuter. Il a été critiqué, parce qu'en tant

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1 que communiste, il s'opposait à cette mesure par laquelle une partie d'un

2 service central a été rattaché au Kosovo et Metohija, parce il n'y avait

3 pas suffisamment de bois de chauffage au Kosovo et Metohija.

4 J'ai une carte ici qui permet aux Juges de voir plus clairement ce

5 qu'il en est.

6 Cette carte vous montre les délimitations territoriale et politique

7 de la Yougoslavie. Vous avez une partie en rouge. C'est la partie de la

8 municipalité de Leposavic qui ne faisait pas, elle, partie du Kosovo et

9 Metohija jusqu'en 1959, mais en a fait partie après.

10 J'ai une autre carte, c'est une carte militaire celle-ci. Vous avez

11 ici la partie topographique que l'on appelle Novibazar. J'ai ici indiqué la

12 frontière du Kosovo et Metohija avant le rattachement de Lepusovic avec le

13 village de Dobrava. Après 1959, il y a eu déplacement de la frontière qui

14 était plus en avant dans le territoire de la Serbie. Il y avait une

15 distance qui avait été gagnée de 42 kilomètres jusqu'au village de

16 Bistrica. C'est là que se trouve encore aujourd'hui la frontière

17 administrative de la Serbie.

18 Q. Dans votre rapport d'expert qui a été déposé en tant que pièce au

19 dossier, vous dites que l'autonomie de ce qui a d'abord été une région puis

20 une province dans le sud de la Serbie, avait été utilisée de façon abusive

21 par les dirigeants de la minorité albanaise, et a été utilisé pour procéder

22 à un nettoyage ethnique des Serbes davantage que pour encourager à la

23 création d'une société pluriethnique.

24 Quand a-t-on entamé les débats, la discussion en Serbie, ou disons dans la

25 société yougoslave sur toute cette question ? Vous avez parlé de 1962. Est-

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1 ce que c'est là, à ce moment-là, la première fois que l'on essaie d'entamer

2 cette discussion ?

3 R. Nous avons trois types de sources qui évoquent la question. Je me suis

4 servi de ces trois sources.

5 Il y avait d'une part les sources religieuses. Vous aviez

6 l'archevêché de Pavle. Nous avons comme autre source les renseignements.

7 Troisième type de source, ce sont les documents qui viennent des instances

8 gouvernementales. Vous savez, qu'en général, c'est l'opportunisme qui

9 prévaut là. On essaie de minimiser le problème.

10 Le problème qui se présentait fin des années 1950, en 1960, en 1961,

11 le problème de l'exode des Serbes et des Monténégrins a commencé à revêtir

12 de plus en plus d'importance sur le plan politique. Le comité central de la

13 Ligue des Communistes de Yougoslavie, c'était le parti au pouvoir, le parti

14 principal à l'époque, prend une décision au mois de juillet 1962, à

15 l'occasion d'une réunion le 9 juillet 1962. Ceci apparaît à l'intercalaire

16 23. Vous avez le procès-verbal de cette séance. Le parti, à cette occasion,

17 a discuté du problème posé par le fait que les Serbes et les Monténégrins

18 devaient quitter le Kosovo. Vous voyez ceci au

19 point 1 où on parle des problèmes idéologique et politique à Kosmet.

20 Les documents sont assez rares. Il faut pouvoir lire entre les lignes

21 pour comprendre ce qui s'est passé. Vous voyez cette réunion en 1962, qui

22 évoque plusieurs problèmes.

23 On voit qu'il y a une tendance à isoler le Kosovo et Metohija

24 d'autres républiques, comme le dit ce document. Problème au niveau des

25 manuels scolaires au Kosovo et Metohija, c'est-à-dire qu'il y avait

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1 beaucoup de ces manuels qui avaient été importés d'Albanie et qui étaient

2 utilisés au Kosovo. Beaucoup de personnes qui avaient été accusées

3 d'activités hostiles se voyaient privées de bourse. Certains enseignants,

4 certains professeurs dont on dit qu'ils ont des tendances irrédentistes, et

5 il y a des revendications visant à annexer le Kosovo et Metohija à

6 l'Albanie.

7 On évoque enfin qu'il y a un problème qui tient du fait que les

8 Serbes et les Monténégrins partent du Kosovo, que ceci pourrait s'avérer

9 dangereux et très délétère s'agissant des répercussions que ceci pourrait

10 avoir. Voilà un document du comité central.

11 Q. Fort bien. Il est dit ici qu'au cours de ces années-là, il y a un

12 mouvement albanais très fort, profondément enraciné, très présent. Nous

13 avons un autre document qui ferait état d'activités ennemies dès l'année

14 1961. Est-ce que c'est mentionné ici ?

15 R. Je suis désolé qu'il n'y ait pas eu traduction de ce document en

16 anglais. Cela aurait été très précieux pour M. Nice.

17 C'est une étude qui fait 87 pages et qui a pour titre Rapport sur les

18 activités ennemies et les phénomènes négatifs au Kosovo pour les années

19 1960 et 1961. Ce sont les services de Sécurité yougoslave qui ont préparé

20 ce rapport. Vojin Lukic qui, en personne, était l'auteur de ce rapport, qui

21 nous dit que tous ces faits ont fait l'objet de vérifications approfondies.

22 J'aimerais vous renvoyer à plusieurs éléments contenus dans ce

23 rapport. Je peux vous donner les numéros de page.

24 Tout d'abord, il est dit ici qu'en 1961 ainsi que l'année suivante,

25 il y a eu une augmentation significative du nombre d'activités albanaises.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est quel intercalaire ?

2 M. NICE : [interprétation] L'intercalaire 25.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, effectivement, c'est l'intercalaire 25.

4 Rapport concernant des activités ennemies et des événements négatifs qui se

5 sont produits au Kosovo, période concernée, 1960 et 1961.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Qu'est-ce qui se dit ici ? Il est dit qu'il y

8 a des infiltrations depuis l'Albanie de groupes armés, de sabotage et aussi

9 d'individus. On voit d'où viennent ces groupes. Ils se situent à Tirane

10 notamment. On parle de cinq groupes armés qui ont été découverts.

11 L'objectif principal poursuivi par ces organisations, c'est l'annexion du

12 Kosovo et Metohija à l'Albanie.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

14 M. NICE : [interprétation] Je relève simplement ce qui devrait se faire

15 s'agissant de la méthode à suivre suite à vos instructions. Pour ce qui est

16 de notes que le témoin ne lit pas lorsqu'il y a des notes manuscrites, on a

17 demandé à ce qu'il ait un résumé des éléments. Je ne sais pas si la Chambre

18 est satisfaite de cette technique, mais je pense qu'en ce moment, c'est ce

19 qui se passe.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous devez parler librement sans

21 vous servir de notes. Si vous vous servez de notes, vous devez le dire aux

22 Juges. Est-ce que juste qu'à présent vous vous êtes servi de notes.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, je me sers de notes. Parce que je me

24 suis préparé ces quelques derniers jours ici à La Haye dans l'attente de ma

25 déposition. Parce que pour moi, c'est un événement très important que de

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1 comparaître en tant que témoin. J'ai pris des notes pour m'aider, car

2 j'évoque beaucoup de faits que je saurais engranger tout simplement. J'ai

3 préparé des notes dont je me sers uniquement si je cite des chiffres ou si

4 j'ai des citations.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, lorsque vous

6 citez des témoins qui vont se servir de notes, vous devriez le dire aux

7 Juges.

8 Vous avez fourni un grand nombre de documents qui ne sont pas traduits. La

9 Chambre devra déterminer la façon dont elle va utiliser ces documents.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, n'oubliez pas que ce sont

11 ici des documents très importants. S'agissant de ceux qui n'ont pas été

12 traduits, je vais demander leur versement, mais donnez-leur une cote

13 provisoire. Une fois qu'ils seront été traduits, vous pourriez les verser

14 de façon définitive.

15 Pour ce qui est des notes personnelles du témoin, elles ne concernent que

16 les renseignements ou les informations dont il veut se souvenir, des

17 chiffres, par exemple, car il lui est impossible de citer les documents

18 dans leur intégralité. Il s'est contenté de reprendre --

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'autorise le témoin à utiliser les

20 notes qu'il a prises de par le passé. Nous avons donné une cote provisoire

21 à des documents qui n'étaient pas traduits. Mais nous reviendrons sur la

22 démarche à retenir pour ce qui est des documents plus tard.

23 Vous aurez besoin de combien de temps encore, Monsieur Milosevic ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous n'allons pas aussi vite que j'avais

25 espéré; c'est parce que nous avons beaucoup de documents dont nous voulons

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1 demander le versement. Ici, nous avons un témoin expert. Il fait, de ce

2 fait, référence à beaucoup de documents, ce qui prend un certain temps. Je

3 suis, disons, à mi-parcours.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, c'est parce que

5 vous n'essayez pas de contrôler le témoin non plus. Le témoin parle trop.

6 Vous devriez le diriger un peu. Ne le laissez pas fournir des éléments

7 superflus.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je n'ai contacté le témoin qu'ici

9 dans ce prétoire. Je vais lui demander d'être le plus succinct possible

10 pour tirer le meilleur parti possible du temps qu'il nous ait donné.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Rappelez-vous de ceci, Monsieur Terzic.

13 R. Est-ce que je peux dire quelque chose ?

14 Q. Oui.

15 R. Ce sont des documents parfaitement authentiques. Vous les trouverez

16 dans nos archives. Il est regrettable que ces documents n'aient pas été

17 traduits en anglais, mais ceci n'en diminue pas la valeur, la valeur

18 probante.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est la Chambre qui va déterminer

20 la valeur probante de ces documents.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord. D'accord, bien entendu. Mais je suis

22 ici en tant historien.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Nous allons sauter, ou ne pas évoquer les informations très détaillées

25 qui nous disent ce qu'ont fait les services de Renseignement vers la fin

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1 des années 1960. Ceci n'a pas été traduit.

2 Voici la question que je voulais vous poser : vous avez des signes tout à

3 fait alarmants que donnent les services de Sécurité et de Renseignement fin

4 des années 1960. Mais l'église orthodoxe serbe lance aussi des appels à la

5 vigilance. Vous avez les intercalaires 26, 32, et nous avons ici un livre,

6 un ouvrage d'Atanasije Jevtic. C'était l'évêque Jevtic. Un des documents

7 émanant de l'Eglise orthodoxe serbe. Elle parle de quoi Atanasije Jevtic ?

8 R. Ce document 25, je vais vous le montrer. Il est éminemment important.

9 Pourquoi ? Parce qu'il révèle qu'il y a une organisation terroriste

10 albanaise profondément enracinée.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est ce genre de commentaire que

12 nous ne voulons pas.

13 Suivez, écoutez les questions que vous pose M. Milosevic, parce que c'est

14 lui qui présente ses éléments de preuve. C'est lui qui détermine ce qu'il

15 faut présenter ici.

16 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Avant de poursuivre, je vous demande ceci : ce document, tout ce

19 document prouve-t-il à quel point ces activités hostiles ennemies étaient

20 enracinées au Kosovo et Metohija, comme le service de Sécurité a pu le

21 déterminer ?

22 R. Tout à fait.

23 Q. Tout à fait.

24 R. J'ai dit tout à fait. Les dirigeants yougoslaves n'ont pas pris

25 suffisamment au sérieux quelque chose, à l'époque, qui a eu des

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1 répercussions tragiques au cours des décennies suivantes. C'était un signal

2 d'alarme qui montrait qu'on essayait de monter une organisation qui allait

3 saper la base même de l'Etat yougoslave. C'est cela qui compte.

4 Q. Fort bien. Maintenant, nous avons des sources religieuses. Nous avons

5 l'évêque, aujourd'hui Patriarche Paul. Nous avons les intercalaires 26 à

6 32. Nous avons l'ouvrage d'Atanasije Jevtic, Les souffrances des Serbes au

7 Kosovo.

8 M. NICE : [interprétation] Si vous prenez la question qui a entraîné la

9 réponse mentionnant l'intercalaire 26, c'est assez intéressant. Mais si

10 vous regardez l'intitulé, -- le titre du document, je ne pense pas que ceci

11 a déjà été présenté, même si c'est en serbe. Il s'agit d'un document qui va

12 de la période de 1941 à 1990 pour autant que je puisse en juger. Il fait

13 quelque 500 pages. La thèse qui est présentée ici, c'est que ceci nous

14 donne un aperçu tout à fait exhaustif de ce qui s'est passé au cours de

15 cette période-là.

16 Je pense que le témoin est enseignant, est un professeur. Il comprendra que

17 si on veut faire un cours sur un sujet de ce genre sans l'aide, ou avec

18 l'aide d'un document va nécessiter plusieurs heures. Comment voulez-vous

19 que nous, nous réglions cette réponse maintenant ?

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous posiez une question à propos du

21 25, intercalaire 25 ?

22 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce sont les conclusions du Parti

24 communiste. C'était là la réponse fournie à la question générale. C'est du

25 moins comme cela que j'ai compris la chose.

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1 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi, je me suis peut-être trompé.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous parliez de l'intercalaire 26, un

3 ouvrage rédigé par un évêque, Atanasije Jevtic. Est-ce que c'était

4 l'intercalaire 26 ou l'intercalaire 25 qui était concerné ? Celui dont vous

5 venez de parler à l'instant même avec le témoin.

6 M. NICE : [interprétation] Je pense que c'est le 26. Excusez-moi de vous

7 interrompre parce qu'on avait déjà examiné le 25.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous avons déjà terminé le 25, et vous avez ce

9 rapport dans sa totalité. C'est un rapport officiel d'état. Ici, nous

10 parlons de l'intercalaire suivant. Nous abordons maintenant les sources

11 religieuses. L'intercalaire précédent concernait des sources d'Etat.

12 Maintenant, ce qui m'intéresse, c'est ce que disait l'église. Sont

13 concernés ici, les intercalaires 26 à 32.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, pourriez-vous résumer

15 votre propos ?

16 M. NICE : [interprétation] Je pense que la forme était tendancieuse,

17 directrice, parce que la réponse était très vaste. On dit que c'est un

18 récit exact et exhaustif, alors que, si on regarde le titre, on voit qu'on

19 parle d'une période allant de 1941 à 1990. Comment voulez-vous ? C'est

20 absolument impossible. Comment voulez-vous que j'aborde ce document, à

21 moins, bien sûr, que je n'accepte que tout ce que ce document dit, est

22 parfaitement exact. Il est impossible de faire un contre-interrogatoire à

23 partir de cet ouvrage. Il faudrait beaucoup de temps de toute façon pour

24 présenter le contenu. A un moment donné, tôt ou tard, il faudra bien que

25 des documents de ce genre, au moment où on essaie de les verser, fasse

Page 34264

1 l'objet d'une décision. Est-ce qu'ils sont valables ou pas ? Je vais peut-

2 être un peu trop vite. Excusez-moi. Parce qu'on va réaliser bientôt, pourra

3 se [imperceptible] de documents. Si jamais ils sont versés au dossier, on

4 aura des problèmes de traduction, et il faudra des journées entières pour

5 lire ces traductions. Or, il n'y a pas eu un contre-interrogatoire, en

6 principe et en bonne et due forme au départ, donc, où sera la valeur en

7 tant qu'élément de preuve ?

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre va délibérer sur le

9 siège.

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis toujours convaincu du fait que

12 la réponse était en rapport avec l'intercalaire 25. Ce qui s'est passé,

13 c'est que M. Milosevic a adhéré à ce que disait le témoin, à savoir qu'il

14 voulait déjà ajouter quelque chose -- qu'il veut ajouter quelque chose à ce

15 qu'il avait déjà dit à propos du 25. M. Milosevic lui a donné une réponse,

16 réponse directrice -- une question directrice, certes, mais qui était en

17 rapport avec la réponse précédente.

18 Pour moi, le compte rendu d'audience ne montre pas qu'une question

19 générale a été posée à propos de l'intercalaire 26. Ce que vous avez dit

20 est donc tout à fait pertinent avant même qu'une réponse soit donnée.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre examine maintenant

22 l'intercalaire 26, qui fait 500 pages.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic,

25 M. Nice vient de soulever une objection s'agissant de l'intercalaire 26.

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1 Qu'avez-vous à dire à ce propos, à propos de ce document de 500 pages non

2 traduites ?

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] [hors micro] Lorsque la traduction sera

4 terminée, elle s'avéra très utile parce que ce sont des sources religieuses

5 de 1941 à 1990, et vous serez à même d'évaluer la valeur de ce document,

6 car il y a beaucoup d'élément qui viennent des archives de l'Eglise

7 orthodoxe serbe.

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez terminé, Monsieur

10 Milosevic ?

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je viens de vous le dire. Ce sont des

12 documents qui proviennent des archives de l'Eglise orthodoxe serbe. Il y a

13 l'intercalaire 32 notamment, document qui vient de ces mêmes archives.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais comment pensez-vous que

15 M. Nice pourra procéder au contre-interrogatoire de ces documents ?

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous pouvons demander au témoin d'indiquer des

17 passages précis aux fins du contre-interrogatoire, des passages qui sont

18 essentiels et qui seront des extraits, pour les mettre en exergue. Il

19 pourra en faire la lecture à haute voix, ce qui sera traduit, et M. Nice

20 pourra se baser sur cette traduction.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez bien appris la technique,

22 la technique devenue classique. Vous allez demander au témoin de cerner

23 certains passages brefs. Quel sera le premier de ces passages ?

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Allez-y. Intercalaire 26 et 32. Donnez-nous les passages les plus

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1 importants.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que c'est là que nous

3 allons avoir des difficultés parce que c'est vous qui devriez dire au

4 témoin quel passage il doit nous lire.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'ai posé la question au

6 témoin en lui demandant quel était l'objet des témoignages fournis par les

7 sources ecclésiastiques.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je poser une question, je vous prie ?

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Exceptionnellement, oui. Que voulez-

10 vous dire ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui témoigne ici. Ce n'est pas M.

12 Milosevic. Je peux donc mettre l'accent sur un certain nombre de pages des

13 sources utilisées par moi. Je peux dire que l'ouvrage qui constitue la

14 pièce numéro 26 est un ouvrage qui regroupe un certain nombre de documents

15 très importants du Saint Sinod, de l'Eglise orthodoxe serbe, de leurs

16 archives. C'est un ouvrage collectif. C'est la raison pour laquelle cet

17 ouvrage a tant de valeur. Je regrette énormément que cet ouvrage ne soit

18 pas traduit en anglais, mais je suis tout à fait prêt à désigner un certain

19 nombre de pages dans le livre et à les citer.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il est exact que c'est vous qui

21 témoignez, mais vous le faites en réponse à des questions qui vous sont

22 posées par M. Milosevic. Le risque qu'il y a à vous voir proposer

23 volontairement des éléments de déposition, c'est que vous risquez de dire

24 des choses qui ne correspondent pas aux vœux de M. Milosevic. C'est le

25 premier risque.

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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous évoquez cet ouvrage dans

2 votre rapport d'expert, et si oui, pouvez-vous nous indiquer quelle est la

3 note en bas de page que l'on trouve dans votre rapport, faisant référence à

4 cet ouvrage ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y est fait référence en plusieurs endroits.

6 Je vais me servir du texte anglais.

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais les numéros des notes en bas de

8 page sont les mêmes dans toutes les versions je suppose.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a des petites différences. Je vais me

10 fonder sur le texte anglais. Je vous demande un instant. Excusez-moi.

11 Voilà, voilà, merci, Monsieur l'Huissier. La note en bas de page, numéro

12 184 de la version anglaise de mon rapport.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. En quelle page ?

15 R. Page 63.

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans le rapport en anglais.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, dans le rapport en anglais, note en bas

18 de page numéro 184, numéro 185, numéro 186, 187, 188, 189, 190, et en

19 d'autres endroits encore.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Terzic, je vous autorise à

21 mettre en exergue deux ou trois extraits courts. J'ai bien dit court, ce

22 qui permettra de les interpréter. C'est la première chose ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Page 30 de la version serbe du rapport. Mais

24 en fait, je n'ai pas le texte serbe du rapport sous les yeux en ce moment.

25 Ce n'est pas le rapport. C'est l'ouvrage dont je parlais tout à l'heure. Je

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1 l'ai donné à photocopier, et je ne l'ai pas sous les yeux actuellement.

2 Page 30 du texte en Serbe, je vais la signaler par écrit.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Mettez le texte sur le rétroprojecteur, il ne faut pas que nous

5 perdions du temps.

6 R. Oui. Oui.

7 Q. Que voulez-vous citer, je vous prie ?

8 R. C'est un rapport qui présente les protestations le 15 juillet 1951, de

9 Pristevo Dimitrijevic, au sujet de la situation au Kosovo. Je cite : "A

10 Prizren, dans le cimetière orthodoxe, des pierres tombales sont toujours

11 détruites aujourd'hui dans le vieux cimetière. C'est pierres tombales ont

12 déjà été anéanties, même dans les villages où les habitants sont de

13 diverses confessions. Il ne reste pas une croix dans les cimetières pour

14 marquer l'emplacement des tombes."

15 Ensuite, page 38 du texte serbe, il s'agit d'un rapport de l'évêque Pavle,

16 en date du 12 mais 1959, et je cite le passage qui suit : "Il existe encore

17 quelque chose de regrettable dont les conséquences risquent d'être

18 catastrophiques pour nous dans ces régions. Il s'agit des départs

19 permanents des habitants de notre groupe ethnique."

20 Cela c'était la page 39. Page 39 toujours. Du rapport de l'évêque Paul, qui

21 est aujourd'hui le patriarche Paul, je cite : "L'aspect regrettable et

22 permanent des départs de notre population se retrouve pratiquement sur

23 l'intégralité du territoire de l'évêché."

24 Un peu plus loin, nous lisons à la date du 11 mai 1962 : "Cette année

25 également 1961, les départs se sont multipliés, départs de nos éléments

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1 serbes, y compris de personnes qui habitaient ici depuis très longtemps."

2 Un peu plus loin, nous voyons : "Dans cette paroisse qui est de petite

3 taille, dans cette seule paroisse, 70 foyers ont déménagé. Dans le village

4 de Komoranov, après la guerre, il y avait 40 foyers serbes. Aujourd'hui, il

5 n'y en a plus que 12. A Novo Cikatovo, il y en avait 48, aujourd'hui 22. A

6 Donje Zabil, il y en avait 18, aujourd'hui quatre. A Valiki Belasovic, il y

7 en avait 23, aujourd'hui seulement trois."

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est la limite de ce que vous étiez

9 autorisé à dire aujourd'hui. D'ailleurs, nous sommes arrivés à l'heure de

10 fin d'audience d'aujourd'hui. J'avais indiqué au démarrage de l'audience

11 que nous suspendrions à midi 40. Je lève l'audience et nous reprendrons nos

12 travaux demain à 9 heures.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, les extraits qui

14 viennent d'être cités par le témoin, sont présents dans son rapport. Donc,

15 demain, durant -- la suite de votre interrogatoire principal, je vous

16 demande de nous indiquer quelles sont les pages pertinentes du rapport qui

17 contiennent cette citation. Donc, veuillez vous préparer à nous les

18 indiquer demain dès le début de l'audience.

19 --- L'audience est levée à 12 heures 40 et reprendra le mardi 7 décembre

20 2004, à 9 heures 00.

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