Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 15 décembre 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Kay.

6 M. KAY : [interprétation] Avant de commencer l'audience aujourd'hui, il y a

7 un point que je dois soulever qui pourrait être un sujet de préoccupation à

8 la Chambre de première instance pour les conseils commis d'office.

9 Nous savons qu'il y a eu des différents sur la nomination du conseil commis

10 d'office, et des décisions ont été prises à différents stades de cette

11 procédure et ceci correspond à l'examen de cette situation. Je dois dire à

12 la Chambre de première instance que les termes et conditions ont été fixés

13 avec le greffe pour notre engagement en tant que conseil commis d'office.

14 C'était en vertu de ces termes et conditions que nous avons accepté cette

15 nomination. Le 3 décembre, le greffe nous a envoyé une lettre révoquant ce

16 qui avait été convenu auparavant, et imposant des termes et des conditions

17 de façon unilatérale et complètement nouveaux et ce, en l'absence de toute

18 forme de consultation ou d'accord.

19 Il s'agit là d'un grand sujet de préoccupation, car cela révoque tout ce

20 qui avait été décidé avec le conseil commis d'office et nous met dans une

21 situation, au plan personnel, très difficile. En réalité, cela sous-estime

22 ou ne prend pas très au sérieux l'ordonnance portant sur le conseil commis

23 d'office. C'est sans doute une critique de la position de la Chambre de

24 première instance. En tout cas, c'est quelque chose à laquelle nous ne nous

25 attendions pas.

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1 J'ai répondu le 6 décembre en refusant d'accepter ces modifications et ces

2 conditions. Différentes réunions ont été tenues la semaine dernière, mais

3 on m'a fait savoir que ces conditions s'appliquent quoi qu'il en soit.

4 Nous sommes très préoccupés par ceci, et je leur ai dit qu'ils avaient

5 jusqu'à vendredi pour reformuler les conditions, ou essayer de tomber

6 d'accord sur les conditions, car j'ai demandé au greffe de s'expliquer et

7 je crois que ceci doit se produire. Si telle est la voie à suivre, je serai

8 obligé, au mois de janvier, d'aller trouver une autre affaire. En tant

9 qu'avocat, je dois travailler pour quelqu'un d'autre, car il me semble que

10 ceci met le conseil de la Défense en position très difficile dans cette

11 affaire. Il s'agit là d'une attaque sur la position de la Chambre de

12 première instance.

13 Je dois soulever ce point car c'est un point d'une très grande gravité.

14 Cela porte sur notre engagement personnel dans cette affaire, et nous

15 n'avons pas accepté que les termes soient modifiés. Nous le ferions si nous

16 estimions que ceci était approprié.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, il s'agit d'une

18 question, si vous le souhaitez qu'elle soit examinée, vous devez déposer

19 une requête. Je ne sais pas si la Chambre de première instance est en

20 mesure de faire quoi que ce soit, à moins qu'une requête ne soit déposée.

21 M. KAY : [interprétation] C'est une question que j'ai déjà soulevée. Je ne

22 sais pas si je dois procéder ainsi. Je ne sais pas si je dois vous

23 présenter différentes formes de correspondance. Je ne sais pas si la

24 Chambre souhaite examiner ceci en détail.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si nous avions une requête, nous

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1 pourrions l'examiner et je crois qu'il faudrait à ce moment-là envisager la

2 situation et voir si nous avons la compétence de gérer une situation comme

3 celle-ci --

4 M. KAY : [interprétation] Il s'agit d'une question contractuelle. --

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- ou si nous sommes en mesure de

6 traiter cette question oralement. Je ne souhaite pas traiter avec cette

7 question oralement.

8 M. KAY : [interprétation] -- C'est pour cette raison que je suis très

9 inquiet sur le changement de nos accords de façon unilatérale, qui vont

10 certainement me mettre en conflit avec ce greffe et cette Chambre.

11 Nous sommes hors de nous et très en colère, car il y a un engagement

12 personnel très important de notre part, eu égard à notre engagement. Il y a

13 une chose qui est garantie ici et qui va certainement miner notre position

14 et il ne semble pas qu'il soit nécessaire d'agir ainsi. Cela, ils le savent

15 pertinemment, ils savent que nous allons entrer en conflit avec la Chambre,

16 et nous sommes très surpris de voir ce qui s'est passé.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, comme je vous l'ai

19 précisé, la Chambre de première instance estime que si vous souhaitez, il

20 s'agit d'une question pour laquelle vous devriez, en premier lieu, déposer

21 une requête si vous souhaitez qu'elle soit examinée.

22 M. KAY : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais nous estimons que cela n'est

24 pas approprié de débattre de cette question devant cette Chambre et de

25 cette manière.

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1 M. KAY : [interprétation] Je comprends fort bien. Je dois aborder la

2 question pour une simple question de transparence, sinon la Chambre de

3 première instance va estimer que j'ai fait quelque chose qui n'était

4 absolument sans fondement, ce qui n'est vraiment pas le cas. Je suis

5 tellement hors de moi que j'estimais qu'il était important que vous en

6 soyez averti. La fin de mon mandat juridique est vendredi, et le 2 janvier

7 n'est pas très loin. Je crois qu'il n'est pas normal que nous soyons

8 traités de cette manière.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie d'avoir porté ceci

10 à l'attention de la Chambre.

11 M. KAY : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire entrer le témoin.

13 Monsieur Popov.

14 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur Popov, vous êtes

16 toujours tenu par la déclaration que vous avez faite l'autre jour.

17 LE TÉMOIN: CEDOMIR POPOV [Reprise]

18 [Le témoin répond par l'interprète]

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la

20 parole.

21 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]

22 Q. [interprétation] Bonjour.

23 R. Bonjour.

24 L'INTERPRÈTE : Micro de l'accusé.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Professeur Popov, je vous demande de vous pencher sur votre rapport,

2 page 37. Dans la version anglaise, il s'agit de la page 34 et cela entame

3 la page 35 de la version anglaise. Pour vous, c'est la page 37, de la

4 version serbe.

5 R. J'ai retrouvé.

6 Q. Merci. Troisième paragraphe qui commence par : "Le démantèlement de

7 cette "politique Grande Serbe," la politique Grande Serbe vous l'avez mis

8 entre guillemets, je précise, a été, pendant la Première guerre mondiale, a

9 été amenée à un niveau de crimes de guerre massifs, de persécution et de

10 menaces d'extermination du peuple serbe."

11 Que pouvez-vous nous en dire ? Que disent les faits historiques à ce sujet-

12 là ?

13 R. Ce que je peux faire, c'est vous citer plusieurs exemples. Je dirais

14 que la première des opérations génocidaires a été réalisée en Bosnie, en

15 août 1914, à côté de la localité de Celebici où l'on a fusillé 84 civils

16 serbes. Après cela, il a été procédé à des arrestations en masse de la

17 population serbe, en particulier, pour ce qui concerne les intellectuels,

18 les hommes d'affaire, les commerçants de la Bosnie. Il a été organisé deux

19 procès à Banja Luka en 1915, procès au cours desquels il a été prononcé des

20 jugements graves d'emprisonnement à long terme, et rien que parce qu'il

21 s'agissait de personnalités culturelles, politiques, et en matière

22 d'affaires, très en vue.

23 Laissez-moi finir. En Vojvodine, il a été également procédé à des

24 opérations d'arrestation en masse, on a emmené des gens vers des camps de

25 concentration, et parmi ces personnalités, il y avait, par exemple, Jasa

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1 Tomic, le chef du Parti radical, ainsi que Vasa Stajic un homme de science

2 de haut niveau.

3 Q. En page 38 et cela se poursuit sur la version anglaise, mais chez vous,

4 c'est la page 38, en version serbe, vous venez de mentionner ce qui s'est

5 passé sur le territoire de l'Autriche-Hongrie de l'époque, au tout début.

6 R. Oui, en effet.

7 Q. Vous terminez le passage en disant : "Les crimes de guerre les plus

8 terribles contre la population serbe ont été commis dans les parties

9 occupées de la Serbie durant l'année 1914 et cela s'est répété dans la

10 deuxième phase de l'occupation entre 1915 et 1918."

11 R. C'est exact. Sur les territoires occupés en Serbie en 1914, en automne,

12 1914, notamment après la première bataille de Cer lorsque l'Armée

13 autrichienne a été expulsée de Serbie et lorsqu'une deuxième offensive a

14 été lancée à la bataille de Kolubara, j'entends, il a été perpétré des

15 crimes graves à l'encontre de la population civile, et très souvent les

16 victimes étaient des femmes. Il y a eu une documentation très ample, ainsi

17 qu'une photo documentation et des traces écrites. Ils ont détruit plusieurs

18 villages, et notamment la ville de Sabac a beaucoup souffert. Il nous est

19 resté bon nombre de données à ce sujet, de la main d'un juriste suisse,

20 Wilhelm

21 Reiss [phon]. Il a obtenu des décernements de mérite en Serbie.

22 Cette première préoccupation de 1914 est restée dans la mémoire du peuple

23 comme étant une période où des crimes terribles ont été commis et plusieurs

24 milliers de personnes ont été tuées. Après la deuxième occupation, lorsque

25 les Allemands ont vaincu l'Armée serbe en 1915, en automne de la même

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1 année, il y a eu une terreur d'exercée à l'encontre de tous ces territoires

2 occupés notamment Toplice en 1917, et la population de Kursumlija, et

3 Prokupje et autres localités notamment villages, a beaucoup souffert.

4 Je veux dire qu'en somme les victimes se comptaient par milliers. Il n'y a

5 pas eu de décomptes d'effectués, mais je dirais aussi que la science n'a

6 pas encore décompté les victimes. Je pense qu'il sera difficile d'en faire

7 le compte à quelque moment que ce soit.

8 Q. Professeur, vous avez cité des exemples de Bosnie, de Serbie, datant de

9 la première et la deuxième occupation. Dans le passage suivant de votre

10 rapport, vous dites que tout ceci, s'agissant de cette politique

11 annexionniste de l'Autriche-Hongrie et les plans d'occupation de la part de

12 l'Allemagne, en passant par des crimes de guerre, tout cela a jeté un écran

13 de fumée pour parler de Grande Serbie et de plans criminels de sa part. Ce

14 que l'on ne doit pas perdre de vue, c'est qu'en même temps, le scénario de

15 satisfaisant [phon] de ce nationalisme Grand Serbe s'est poursuivi après la

16 Première guerre mondiale, de la part de ceux qui ont perdu la guerre, et de

17 la part des pays révisionnistes, à savoir du camp qui a subi une défaite.

18 Tout a été bon pour justifier, comme vous le dites ici, pour crier au

19 nationalisme Grand Serbe et ainsi de suite. En votre qualité d'historien,

20 j'aimerais que vous nous fassiez un parallèle pour ce qui est de la façon

21 dont on a procédé et dont on a procédé dans le passé récent, parce qu'il

22 est question ici du "nationalisme Grand Serbe" des crimes --

23 M. NICE : [interprétation] Je ne pense pas -- on demande au témoin de faire

24 un commentaire sur ce qui s'est passé devant cette Chambre. Je crois que

25 ces conditions peuvent répondre à certaines questions portant sur des

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1 éléments de preuve, mais il me semble que cette question portait sur le

2 Tribunal lui-même.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je crois qu'il s'agit surtout

4 d'éléments qui portent sur le témoignage.

5 M. NICE : [interprétation] Je l'espère.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, simplement je

7 souhaite que vous reformuliez votre question pour faire en sorte que la

8 question soit posée plus clairement au témoin pour qu'il puisse faire un

9 commentaire sur les éléments de preuve qui ont été présentés devant cette

10 Chambre.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. J'ai demandé au Pour Popov de commenter

12 son rapport. Et pour simplifier les choses à l'extrême, dans tout ce que je

13 viens de citer, il a été question de crimes de guerre massifs et d'un

14 génocide commis à l'encontre des Serbes et qui se sont trouvés justifiés

15 par une sorte de nationalisme Grand Serbe quelconque.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. J'aimerais vous demander --

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vous demande pas de faire des

19 déclarations comme celles-ci. Lorsqu'on pose une question, il s'agit

20 simplement de reformuler la question, s'il vous plaît.

21 Professeur Popov, je crois que la question qui vous est demandée est

22 de savoir si le témoignage qui a été fait devant cette Chambre sur le

23 concept d'une Grande Serbie ou de la Grande Serbie, a quelque lien qu'il

24 soit avec les événements qui se sont produits en 1914, 1915, Monsieur

25 Milosevic ? Au cours de la Première guerre mondiale.

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1 Voyez-vous un quelconque parallèle ? La question m'intéresse.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il me serait difficile de dire qu'il n'y a pas

3 de parallèle que l'on pourrait établir pour ce qui est notamment de la

4 rhétorique. Ensuite, il y a la méthode d'interprétation de l'histoire serbe

5 de part le passé, j'entends il y a 100 ans ou il y a 90 ans, pendant cette

6 Première guerre mondiale ainsi que dans la courant de la dernière décennie

7 du XXe siècle. On a toujours interprété les choses en disant que la Serbie

8 avait des plans d'agression vis-à-vis de ses voisins, qu'elle souhaitait

9 les territoires d'autrui, que son objectif était celui de créer un État

10 Grand Serbe, où serait intégré des ressortissants d'autres peuples,

11 d'autres nations. Les parallèles pouvant être établis sont évidents.

12 Je ne peux pas commenter tout ce qui s'est passé ici au Tribunal,

13 parce que je n'ai pas, à vrai dire, suivi le procès tout entier. Mais dans

14 l'opinion publique pour ce qui est des agissements des grandes puissances à

15 l'égard de la Serbie, les parallèles sont pratiquement évidents.

16 Q. Merci, Professeur. Veuillez m'indiquer, je vous prie, ce qui suit

17 : quand vous parlez plus loin dans le texte -- et dans ce texte vous dites,

18 les accusations germaniques et celles de l'Europe centrale émanant des

19 milieux cléricaux contre les dangers "Grands Serbes", a trouvé ses

20 défenseurs et suiveurs parmi les chauvins croates de toutes les couleurs.

21 Vous parlez de paravent et de moyen de camouflage pour ce qui est de

22 ce péril Grand Serbe.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous aviez

24 bien démarré, et vous avez adhéré à la pratique qui permet d'indiquer à la

25 Chambre de première instance quelle page du rapport vous citez. De quel

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1 page s'agit-il, s'il vous plaît, maintenant ?

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est la même page, la page 34 en version

3 anglaise. C'est le passage suivant, le paragraphe suivant, celui qui suit,

4 le paragraphe que j'ai cité tout à l'heure.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux répondre ?

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vous pouvez répondre.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] L'impérialisme germanique qui a commencé à se

9 mettre en place et à se diriger contre l'Europe de l'Est, s'est notamment

10 manifesté dans les dernières décennies du 19e et au tout début du XXe

11 siècle, à la veille de la Première guerre mondiale.

12 Cette percée impérialiste germanique vers l'est, le "Drang nach Osten," a

13 poussé l'Autriche à en faire de même. L'Autriche avait une motivation

14 double pour ce qui est d'opérer une percée vers les Balkans et pour ce qui

15 est de s'attaquer à la Serbie, à savoir, la montée des tendances de

16 libération des peuples slaves du sud, qui regardaient avec plein d'espoir

17 vers la Serbie libre. La deuxième raison, c'était cette position

18 stratégique de la Serbie pour passer vers l'est, pour ouvrir les routes

19 vers Celonica et vers Constantinople d'autre part.

20 Au travers de cette percée autrichienne, l'on a vu les Croates. Ils

21 s'appuyaient dessus pour ce qui est de leurs aspirations. Je ne parle pas

22 de la population croate toute entière; je parle d'une bonne partie de la

23 direction politique ou de l'opinion publique politique, qui a fait entendre

24 sa voix et qui a été incitée par les milieux cléricaux catholiques ainsi

25 que par un parti qui est le parti du droit, puis qui s'est ensuite

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1 rebaptisé pour s'appeler le véritable parti du droit. On les appelait

2 Stranka Prava, à savoir, c'était des Frankistes, parce qu'ils avaient à

3 leur tête Josip Frank. Ils s'apprêtaient à lancer une grande opération

4 contre les Serbes. D'autre part, ils s'apprêtaient à détruire la population

5 serbe dans la Croatie même. Ils ont même organisé des régiments de

6 volontaires, qui avaient pour mission de régler leurs comptes aux Serbes de

7 la Croatie, parce qu'ils avaient redouté leur intervention en arrière.

8 Pour ce qui est du Prince Cuvaj, qui n'était pas très enclin aux Serbes, je

9 crois qu'il est parti -- Krsnjavi --, le représentant de ce parti, est allé

10 le voir en 1910 en proposant de résoudre la question des Serbes en Croatie.

11 En premier lieu, --

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous arrête, car nous n'avons pas

13 besoin d'avoir une explication aussi détaillée, simplement le cadre général

14 des principaux faits historiques qui nous intéressent ici. Je crois que

15 nous n'avons pas besoin de cette réponse très détaillée.

16 Monsieur Milosevic, je crois qu'il nous faut nous concentrer sur

17 l'essentiel, sur les éléments principaux de ce récit historique --

18 M. MILOSEVIC : [interprétation] Bien.

19 Q. Professeur, vous venez de mentionner ces Frankistes dans leur qualité

20 de clérofascistes. Pourquoi ?

21 R. Parce qu'ils ont réclamé la suppression de la démocratie parlementaire.

22 D'autre part, ils --

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez-vous répéter ? Nous n'avons

24 pas de traduction de votre question, Monsieur Milosevic. Je vous demande de

25 bien vouloir la répéter, s'il vous plaît.

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1 Q. Professeur, vous avez décrit ces Frankistes en disant que c'étaient des

2 clérofascistes. C'est la définition que vous utilisez dans votre texte.

3 Pourquoi ?

4 R. Parce qu'ils étaient opposés à la démocratie parlementaire, et ils

5 avaient propagé une politique Grand Croate sur des bases nationalistes, en

6 disant que c'était là l'élément-clé de la politique croate. Ils ont

7 revendiqué l'extermination des Serbes. Ils disaient qu'il fallait leur

8 taper à la hache sur la tête. Ils étaient soutenus par l'Eglise catholique

9 de tout temps. Celle-ci leur a apporté son soutien idéologique ainsi qu'un

10 soutien religieux à une politique de cette nature.

11 Q. Entendons-nous bien. Vous n'êtes pas en train de parler de la

12 population croate. Au contraire, vous parlez de chauvins croates.

13 R. C'est exact.

14 Q. Tirons les choses au clair. Qui était Ivo Pilar ?

15 R. Ivo Pilar était une propriétaire d'une maison d'édition. Il était

16 adepte de ce Parti frankiste du droit véritable, tel qu'il s'appelait.

17 Q. Que savez-vous nous dire de sa théorie sur le caractère inévitable de

18 l'élimination de ses aspirations Grand Serbe ? Cela figure à la même page,

19 Messieurs les Juges. Il dit qu'il est inévitable d'éliminer ces aspirations

20 Grand Serbe, qui sont les titulaires d'une civilisation d'infériorité de

21 l'est et de Byzance.

22 R. Ivo Pilar a publié un livre en 1915 en parlant de la politique Grand

23 Serbe, qui empêchait la percée de la civilisation de l'Europe occidentale

24 en raison de son attachement à l'Eglise de Byzance et ce contexte

25 historique byzantin. Cela a constitué un grand obstacle pour ce qui est de

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1 l'extension du catholicisme de Rome vers les Balkans.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous entendons

3 maintenant parler de la politique Grande Croatie. Nous avons entendu parler

4 de la politique albanaise, de la politique Grande Albanie, et bien sûr, de

5 la politique Grande Serbie. La seule chose qui manque, c'est la politique

6 d'une Grande Bosnie.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il faudra que vous posiez la question au

8 Professeur si c'est là l'élément qui vous manque.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il me semble que tous les états dans

10 cette région avaient des visées expansionnistes à un moment donné ou un

11 autre de leur histoire.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Vous avez très bien posé la

13 question, Monsieur Robinson.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que la Serbie avait des aspirations

16 expansionnistes pour reprendre les termes utilisés par

17 M. Robinson ?

18 R. Non, la Serbie n'en a pas eues. Elle avait un programme national qui

19 prévoyait la création d'un état national. Cela avait constitué une

20 aspiration qui allait de pas avec les temps de l'époque, parce que tous les

21 peuples de l'époque voulaient en faire de même. C'était là un processus de

22 la modernisation de l'Europe à la fin du 19e et début du XXe siècle. Pour ce

23 qui est d'un programme Grand Bosniaque ou Grand Bosnien, cela ne pouvait

24 pas exister, parce qu'il n'existait pas de nation bosniaque.

25 Je peux vous donner un exemple. Les Musulmans de Bosnie, à partir de 1860

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1 jusqu'à 1960, ont neuf fois modifié leur appartenance ethnique. Ils ont

2 parlé d'appartenance ethnique turque, puis maintenant ils parlent

3 d'appartenance ethnique bosnienne. Il ne pouvait pas y avoir de programme

4 Grande Bosnien.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] N'y concentrez pas trop de temps.

6 C'était un commentaire que j'ai fait comme cela en passant.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Professeur, je vous prie, pour que les choses soient tout à fait

10 claires, j'aimerais que l'on mette sur le rétroprojecteur la pièce qui

11 figure à l'intercalaire numéro 5. Elle porte sur un recueil de documents.

12 Dès que vous ouvrirez la première page, vous y verrez la lettre de Frano

13 Supilo --

14 R. Oui.

15 Q. A l'attention de Sir Edward Grey.

16 R. C'est cela.

17 Q. C'est une lettre à Londres, 30 septembre 1915. Je vous prie de placer

18 cela sur le rétroprojecteur. Nous n'allons pas parcourir la lettre en

19 entier, mais il y a quelques phrases que je pense l'on pourra nous

20 traduire.

21 Point 1, c'est ce que dit Supilo : "Les Croates, les Serbes et les Slovènes

22 constituent un peuple génétique avec trois appellations différentes, avec

23 des traditions historiques, culturelles et politiques différentes. Mais

24 c'est une langue et une même race, les mêmes tribus."

25 Il parle d'un seul et même peuple avec trois noms. En 1915, Vuk Karadzic,

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1 lui, a parlé bien avant cela d'un peuple avec trois législations :

2 législation grecque, romaine, et turque. Il parlait de législation, mais il

3 voulait parler en réalité de trois religions.

4 Je vous prierais de me dire ce qui suit : cette approche vis-à-vis d'un

5 peuple, s'est-elle manifestée, et si oui dans quelle mesure dans ces années

6 de crise de la fin du 19e et le début du

7 XXe siècle ?

8 R. Cette idée de l'unité des peuples slaves du sud n'est pas serbe. C'est

9 une idée qui émane du peuple croate faisant son apparition dans les années

10 1930 et 1940 du XIXe siècle, qui s'intitulait le Mouvement illyrien.

11 L'appartenance à un même peuple des Serbes, Croates et Slovènes, était une

12 idée qui était très répandue en Croatie dans les milieux intellectuels et

13 dans les milieux politiques, notamment une partie de cette opinion publique

14 politique. C'est une idée qui a été assez froidement reçue par l'opinion

15 publique serbe. Les Serbes n'ont épousé cette idée que vers la fin, tout à

16 la fin du XIXe siècle ou au début du XXe. Comme vous le voyez, Supilo, lui,

17 était lui-même adepte de cette idée, de cette théorie de l'unité nationale

18 des Slaves du sud. Je parle notamment de l'unité ethnique. Les éléments de

19 séparation étaient ceux qui se rapportaient à l'historie et à la religion.

20 Vuk Karadzic, lui, en acceptant cette idée illyrienne, a estimé que l'unité

21 se fondait notamment sur l'unité linguistique, qui se trouvait dans cette

22 Europe centrale assez usitée. La théorie des nations parle de la langue

23 comme étant l'élément caractéristique le plus important des peuples.

24 Ce n'est donc pas une idée nouvelle, ce n'est pas une idée serbe, mais

25 c'est une idée pour ce qui est notamment des milieux culturels et

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1 philologiques, qui a trouvé un bon accueil vers la fin du XIXe siècle.

2 Q. M. Supilo --

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je souhaite savoir

4 de la bouche du Professeur quel est le sens du peuple serbi-slave ? Qu'est-

5 ce que vous entendez par ce terme peuple serbi-slave ? Je ne comprends pas

6 très bien ce terme.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il s'agissait du serbo-slave, d'une

8 langue serbo-slave.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] On vous a mal traduit la chose. Il s'agissait

10 d'une langue slavo-serbe. C'était l'appellation que l'on donnait à la

11 langue littéraire des Serbes avant les réformes qui ont été réalisées dans

12 la première moitié du XIXe siècle par Vuk Karadzic.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, maintenant c'est clair.

14 Veuillez poursuivre.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Au point 4, Supilo dit : "L'idée de l'unité populaire des Serbes,

17 Croates et Slovènes mène sur un plan politique à une conséquence logique,

18 consistant en des aspirations vers l'unification aux fins de créer un Etat

19 national unifié, où toute tribu, ou tout groupe ethnique avec ses

20 propriétés, traditions et potentiels, apporteraient le meilleur de ses

21 ressources et de ses aptitudes."

22 Pour ne pas perdre davantage de temps, je parlerai du point 6 qui dit : "Si

23 des puissances plus fortes que l'équité de cette

24 idée --"

25 M. NICE : [interprétation] Bien sûr, mais je n'arrive pas à mettre la main

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1 immédiatement sur le paragraphe numéro 4 auquel il est fait référence ici.

2 Si c'est le chiffre romain IV à droite de la lettre de M. Edward Grey, je

3 ne l'ai pas trouvé.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez nous

5 indiquer ce paragraphe, s'il vous plaît.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est au grand IV romain dans cette lettre

7 de Supilo de 1915. La première citation était au grand I en chiffre romain,

8 puis il y a I, II, III, IV, V et VI qui se trouvent en page de droite. Moi,

9 je me référais au chiffre IV romain. Pour ne pas perdre de temps, je

10 reprends qu'il parle de cette unité, de l'unité nationale de Serbes,

11 Croates et Slovènes.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Au point VI, il dit que : "Si des puissances qui l'emporteraient sur

14 l'équité vis-à-vis de cette idée juste de l'unité nationale pour empêcher

15 sa réalisation, c'est-à-dire, de sortir des pays yougoslaves la Croatie, il

16 faut que la Serbie, en un premier temps, procède à des réformes

17 essentielles pour ce qui est des changements populaire, politique,

18 constitutionnel et culturel rendrait impossible le développement d'un autre

19 État yougoslave concurrent. En d'autres termes, il faut que la Serbie soit

20 réformée sur le plan interne afin d'être seule apte à porter le fanion de

21 l'unité yougoslave." Ce ne sont des termes prononcés par un homme politique

22 serbe, mais par un homme politique croate.

23 Que pouvez-vous nous en dire, Monsieur le Professeur ?

24 R. M. Frano Supilo appartenait à cette coalition croate- serbe. Il avait

25 été défenseur de cette unité, de ce rattachement et de cette unité des

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1 Serbes et Croates afin que les Croates ne soient pas séparés, mis à l'écart

2 des autres Slaves du sud et notamment vis-à-vis des Serbes parce que dans

3 ce cas, il surviendrait entre eux des antagonistes ainsi qu'une lutte entre

4 concurrents qui se ferait au détriment des deux peuples, qui finiraient par

5 demander des appuis de la part des grandes puissances et notamment de la

6 part de la Grande-Bretagne, parce qu'ils estimaient que cette seule

7 solution, c'était la seule solution juste et équitable. Ils espéraient que

8 les grandes puissances n'allaient pas faire sourde oreille vis-à-vis de ce

9 droit et de ces aspirations.

10 Q. Monsieur le Professeur, je voudrais que vous vous référiez maintenant à

11 l'intercalaire 3. C'est l'une des rares pièces qui a d'ailleurs été

12 traduite. Je me réfère à cet intercalaire 3. Vous avez la déclaration de

13 Nis. La déclaration de Corfu n'a pas, malheureusement, été traduite. Cela

14 figure dans le texte des documents que nous avons cités tout à l'heure.

15 Dans la déclaration de Nis, datée du 24 novembre, Messieurs, je vous dis

16 qu'il s'agit seulement d'une page.

17 R. Il s'agit du 7 décembre, si l'on se réfère au nouveau calendrier.

18 Q. Oui. Il s'agit du 7 décembre.

19 Quatrième paragraphe, le premier paragraphe, c'est juste une ligne. On dit

20 que : "Dans ces instants décisifs et déterminants, la seule mission était

21 d'assurer la conduite à bonne fin de cette grande bataille qui est devenue

22 une bataille de libération et de réunification."

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, les interprètes

24 vous demandent de parler plus lentement. Pourquoi n'ont-ils pas le texte ?

25 Nous l'avons, nous.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous l'avez et je suppose qu'ils l'ont.

2 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que le Président a interrompu le

3 témoin en lui demandant de ralentir.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que les interprètes ont ce

5 texte. Je vais demander à Monsieur le Greffier de vérifier, s'il vous

6 plaît. Je vais demander à l'adjoint du greffier de peut-être vérifier.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suppose que je peux continuer. Vous avez le

8 texte sous les yeux maintenant ?

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais il faut que les

10 interprètes l'aient aussi. Est-ce que les interprètes ont le texte

11 maintenant ?

12 L'INTERPRÈTE : Oui, cela semble être le cas.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Je cite le quatrième paragraphe de cette déclaration de Nis où on dit :

16 "Le gouvernement du royaume estime que son objectif et sa mission

17 principale et la seule, dans ces moments décisifs, était d'assurer la

18 conduite à un bon terme de cette grande bataille, qui une fois entamée, est

19 devenue en même temps, la lutte pour la libération et l'unification de tous

20 nos frères, qui ne sont pas encore libérés, à savoir, nos frères serbes,

21 croates et slovène."

22 Quelle est la signification de cette approche ? Nous parlons ici de l'année

23 1914. Quelle est la substance de l'approche adoptée par la politique

24 serbe ?

25 R. En substance, cette déclaration, faite de façon solennelle et adoptée

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1 au parlement de ce royaume de Serbie dit : Que le royaume de Serbie conduit

2 une guerre aux fins de réaliser deux objectifs principaux. L'un est de

3 défendre sa propre patrie, le royaume de Serbie, mais ne le conduit pas aux

4 fins de créer une Grande Serbie, elle vise à libérer seulement les

5 territoires habités par une majorité serbe, mais elle dit qu'elle conduit

6 une bataille pour répondre aux souhaits des autres peuples slaves du sud, à

7 savoir les Croates et les Slovène, pour les libérer de cette autorité

8 austro-hongroise, aux fins de créer un état commun de trois peuples placés

9 sur pied d'égalité.

10 Q. Professeur, je vous demande de revenir maintenant à l'intercalaire 5.

11 Cela se trouve dans la suite des documents que j'ai cités et il s'y trouve

12 une déclaration de Corfu. Une déclaration datant de juillet 1917.

13 R. Oui.

14 Q. C'est assez long. On y fournit pratiquement les éléments de

15 l'organisation de l'état à l'avenir, mais quelle est l'importance

16 historique de cette déclaration de Corfu ? Que nous dit-elle ?

17 R. Elle nous montre que cette idée relative à la création d'un état commun

18 a eu prise sur des milieux assez importants de l'opinion publique sur le

19 corps serbe, mais aussi croate et slovène, notamment, les intellectuels de

20 ces trois peuples pour créer un état commun avec la Serbie, pour finir par

21 sacrifier certaines de ses idées. Ce sous-comité yougoslave, qui est

22 l'organisation de l'immigration serbe, croate et slovène à l'étranger, ce

23 comité avait des principes qui visaient à créer une fédération double. La

24 Serbie ne voulait pas de cela. Elle voulait d'un état unique, unifié avec

25 respect de tous les droits ethniques, religieux et civils, de tous les

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1 peuples.

2 En substance, les hommes politiques, Croates et Slovènes, ont accepté cela

3 très volontiers, parce qu'ils savaient que dans le cas contraire, s'ils ne

4 faisaient pas partie de la Yougoslavie avec la Serbie, ils connaîtraient le

5 sort tragique des peuples vaincus, puisqu'ils faisaient partie de

6 l'Autriche-Hongrie. Cela est d'une part et d'autre part, ils perdraient bon

7 nombre de territoires vis-à-vis de l'Italie et de l'Autriche, qui

8 défendaient leurs propres territoires dans cette guerre. Ils avaient foi en

9 la victoire de ces forces alliées et ils voulaient éviter, aux côtés de la

10 Serbie, le sort des peuples vaincus.

11 Q. Professeur, je vous demande de tourner la page et de passer à la

12 déclaration du Premier ministre Nikola Pasic, à l'intention du journal

13 Morning Post. A l'époque, ce n'était pas une interview, c'était une

14 déclaration faite en public en corrélation avec des problèmes politiques de

15 taille. Je ne peux pas en citer beaucoup, parce que cela n'a pas été

16 traduit. Cela a été fourni ici seulement en langue serbe dans le recueil de

17 document. J'attire votre attention sur le premier paragraphe qui nous

18 montre que Pasic dit que le gouvernement serbe s'en tiendra de façon ferme

19 à la déclaration de Corfu. Puis on dit : "Le peuple serbe ne peut pas

20 vouloir occuper une position prédominante dans ce futur royaume des Serbes,

21 Croates et Slovènes."

22 R. Pasic le pensait sincèrement. La plupart des hommes politiques serbes

23 étaient très disposés à faire bon nombre de sacrifices en sus des

24 sacrifices qui ont été consentis pendant la guerre, qui ont été, d'ailleurs

25 énormes pour cette petite Serbie, étaient disposés à consentir à des

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1 sacrifices --

2 Q. Professeur, pendant qu'on y est, quelles ont été les victimes de la

3 Serbie pendant cette guerre ?

4 R. La Serbie a perdu entre 1.2 million et 1,3 million habitants, et là-

5 dessus, 350 à 400 000 soldats. Le reste était des civils qui ont péri suite

6 à la terreur et à des maladies, à des épidémies. Ce qui fait que sa

7 population a été diminuée de quelque

8 30 % pendant la Première guerre mondiale. Je ne parle que de la Serbie,

9 même.

10 Vous voulez que je continue avec ma réponse à la question précédente ?

11 Q. Oui. J'ai fait une petite digression pour que les choses soient

12 clairement comprises; l'importance des victimes est celle du tiers de la

13 population.

14 R. Oui. Quels sont les sacrifices consentis par la Serbie, et quels

15 étaient les sacrifices auxquels elle voulait encore consentir ? Elle

16 voulait renoncer à son état, son état reconnu sur le plan international, ce

17 royaume de Serbie souverain et confondre son état avec un état nouveau,

18 yougoslave cette fois-ci. Ce qu'il avait en espèce, cet état, l'a échangé

19 contre un crédit peu sûr qui était celui de la Yougoslavie. Il a renoncé à

20 une Serbie qui pouvait bénéficier d'une grande considération après la

21 Première guerre mondiale et risquer, dans un nouvel état, de perdre la

22 considération qu'elle s'était acquise pendant la Première guerre mondiale.

23 Q. Au troisième paragraphe, Pasic dit : "Je déclare ici solennellement que

24 la Serbie estime que --"

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, il s'agit de

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1 l'intercalaire numéro 5,7. Je vous demande de bien vouloir indiquer les

2 numéros des intercalaires si vous souhaitez que ceci soit traduit

3 correctement, s'il vous plaît.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur Kwon, ce que vous venez de dire

5 est exact. A l'intercalaire 5,7 de la déclaration de Nikola Pasic à

6 l'intention de ce journal qui s'appelait "Morning Post."

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Je cite : "Je déclare solennellement que la Serbie estime qu'il est de

9 son devoir national de libérer les Serbes, les Croates, et les Slovènes.

10 Une fois libres, on leur reconnaîtra le droit à l'autodétermination, à

11 savoir, le droit de déclarer en toute liberté s'ils voulaient rejoindre la

12 Serbie sur les fondements de la déclaration de Corfu, voir s'ils veulent

13 créer des petits états comme par le passé. Conformément à ce qui vient

14 d'être dit précédemment, je tiens à préciser que, non seulement nous ne

15 tenons pas à une politique impérialiste, nous ne voulons pas non plus

16 limiter de quelque façon que ce soit, ni par la force ni autrement, les

17 droits des peuples constitutifs. Nous voulons en rester à l'énoncé de ce

18 qui figure à la déclaration de Corfu."

19 Il place en premier plan la volonté de ces peuples, et le droit de ces

20 peuples, une fois libérés, de se prononcer librement. Il s'agit d'une

21 déclaration du club parlementaire serbe qui dit que nous sommes tous

22 d'accord pour ce qui est de nos aspirations nationales pour l'avenir, et

23 ainsi de suite, et ainsi de suite.

24 Pouvait-il ici être question d'aspiration Grand Serbe de domination ou de

25 quoi que ce soit d'autre qui pourrait, de quelque façon que ce soit, jeter

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1 le doute sur les agissements ou la politique qui était mise en place ?

2 R. Ma conviction profonde, sur le plan scientifique, est celle de dire

3 non. C'est la raison pour laquelle j'ai fait ce rapport à l'intention du

4 Tribunal. En réalité, ce gouvernement serbe, pendant la Première guerre

5 mondiale, avait conduit des opérations de libération, en abandonnant la

6 décision de l'unification avec la Serbie aux représentants habilités à le

7 faire, dans les peuples croates et slovènes.

8 Q. Professeur Popov, je vous remercie. Je voudrais que vous m'indiquez

9 maintenant si --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais poser une question au

11 professeur.

12 Professeur, votre témoignage nous dit qu'à aucun moment, il n'y a eu de

13 politique visant à une Grande Serbie ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je ne m'abuse, à l'occasion de mon

15 premier exposé ici, j'ai mentionné le fait qu'il y a eu des idées de cette

16 nature. Ces idées ont toujours été formulées par des forces politiques

17 périphériques, marginales, exception faite d'un seul cas, quand une

18 organisation d'officiers avait réclamé la création d'une Grande Serbie. Il

19 est un moment. Maintenant, si vous voulez ce moment, j'ai besoin de trois

20 minutes d'explication. La Serbie a manifesté à un moment donné une certaine

21 aspiration à l'expansion et ceci en prenant des critères d'aujourd'hui, en

22 considération.

23 La Serbie a eu une Première guerre mondiale aux côtés de la Bulgarie

24 et du Monténégro, et de la Grèce, pour chasser les Turcs de ces régions

25 slaves du sud des Balkans. Ces Turcs étaient encore là après 1878. La

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1 Serbie, à cette époque-là, s'est fixée un objectif de guerre, qui était

2 celui de sortir sur l'Adriatique pour se débarrasser de cette pression

3 insupportable de l'Autriche-Hongrie, par laquelle passaient plus 80 % de

4 ses exportations, et autant d'importations. Chaque fois que l'Autriche

5 voulait exercer des pressions à l'encontre de la Serbie, elle fermait les

6 frontières. Ce qui fait que la Serbie avait besoin d'une sortie sur la mer,

7 et un port sur la mer était d'une importance vitale. C'est la raison pour

8 laquelle, en plus du Kosovo libéré, les Serbes voulaient disposer d'un port

9 en Albanie du nord.

10 Les grandes puissantes ne l'ont pas permis. C'est la raison pour

11 laquelle elle a pris une partie de la Macédoine, qui du point de vue des

12 critères d'aujourd'hui, ne serait pas un territoire serbe. Mais à l'époque,

13 au début du XXe siècle, la nation macédonienne ne s'était pas encore

14 constituée, et ils se prononçaient à tel moment comme Bulgares ou à tel

15 autre moment comme Serbes ou alors ils disaient qu'ils ne s'étaient pas

16 prononcés. Les Serbes et les Monténégrins et les Bulgares avaient envisagé

17 le partage de la Macédoine, et ils l'ont fait. La Turquie a pris la partie

18 orientale, la Grèce a pris la partie Le Pirée, et c'est ainsi que s'est

19 divisée la Macédoine.

20 C'était la seule tendance expansionniste de la Serbie, et je vais en

21 terminer ainsi --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Si vous voulez

23 bien, vous pourriez conclure.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans cette région au IVe siècle, je parle

25 uniquement de la partie de la Macédoine dont s'est emparée la Serbie, la

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1 partie de Vardar, jusqu'à la frontière qu'a atteinte l'Armée serbe sur ce

2 territoire, limité pendant 20 ans, 25 ans, le peuple macédonien et l'État

3 macédonien ont été créés. Il n'y a pas de Macédoniens en Grèce, et les

4 Macédoniens de la région égéenne n'ont pas été acceptés en tant que

5 minorités ethniques.

6 En Serbie, ils ont pu obtenir la confirmation de l'existence en tant que

7 nation. Ils ont pu s'affirmer, ils ont pu s'épanouir et de cette façon les

8 Serbes ont un peu diminué l'importance des conséquences du fait qu'ils

9 n'avaient pas compris à temps qu'ils étaient une nation distincte. S'ils

10 n'avaient pas agi ainsi, la Macédoine n'existerait pas aujourd'hui, ou en

11 tout cas, elle serait divisée entre la Grèce, la Bulgarie, et la Serbie.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Professeur, tirons un point au clair. La République de Macédoine, dans

14 son acceptation d'aujourd'hui, existe uniquement sur le territoire libéré

15 par les Turcs, face à l'Armée serbe,

16 n'est-ce pas ?

17 R. C'est exact.

18 Q. Elle n'existe pas à l'extérieur de ce territoire ?

19 R. Non seulement la Macédoine ne s'étend pas à l'extérieur de ces

20 territoires, mais elle n'existe pas ailleurs non plus.

21 Q. En 1991, la Macédoine a décidé d'opter pour l'indépendance, et elle a

22 obtenu son indépendance en dehors de tout conflit, n'est-ce pas ? Personne

23 n'a essayé de s'y opposer, comme d'ailleurs eux-mêmes ne se seraient pas

24 opposés au souhait d'indépendance d'autres peuples.

25 R. Je pense que vous avez raison.

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1 Q. Professeur Popov, pour que tout soit clair, si la Serbie avait été dans

2 des conditions lui permettant de créer à la fin de la Première guerre

3 mondiale un État qui se serait appelé la Grande Serbie, nous venons de voir

4 à l'instant qu'elle n'a jamais été dans ces conditions, mais si elle

5 l'avait été, l'aurait-elle fait ?

6 R. Elle a eu la possibilité de créer une Serbie plus importante que la

7 Serbie actuelle, c'est-à-dire, une Serbie qui se trouvait dans les

8 frontières couvrant le double du territoire d'aujourd'hui pratiquement. Les

9 Serbes, dans cette situation, représentaient 60 à 70 % de la population

10 habitant ce territoire. Les frontières la séparaient des grandes puissances

11 en 1915, et deux offres ont été faites à ce moment-là.

12 En août 1915, des pressions ont été exercées sur la Serbie par la Grande-

13 Bretagne, par la France et par la Russie, pour céder des parties de la

14 Macédoine aux Bulgares afin que ceux-ci ne rejoignent pas les grandes

15 puissances, c'est-à-dire, l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. Les grandes

16 puissances avaient déjà obtenu que l'Italie se joigne à ces deux grandes

17 puissances. C'est dans ces conditions que l'accord de Londres a été conclu,

18 ce qui a entraîné des protestations chez les Slovènes, les Croates et les

19 Serbes. En compensation, la Serbie s'est vue proposer la création d'un état

20 sur le territoire actuel de la Bosnie, d'une partie de la Vojvodine, sans

21 la région du Banat et de la Slavonie orientale. Il existe même une carte

22 géographique, dont je dois vous dire que je ne crois pas qu'elle ait été

23 établie d'un seul jet, mais sur la base de plusieurs propositions qui

24 émanaient de la France avec Georges Clemenceau et de la Grande-Bretagne

25 avec Edward Grey.

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1 La première proposition de la création d'une Grande Serbie, première offre

2 officielle, vient des forces alliées de la Première guerre mondiale. C'est

3 à ce moment-là que l'on voit la première expression réelle de la Grande

4 Serbie. Si vous souhaitez, je peux poursuivre.

5 Q. Une petite digression, simplement.

6 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

8 M. NICE : [interprétation] Nous comprenons bien à quel point la déposition

9 de ce témoin est difficile. Mais la Chambre a rendu une décision. Le témoin

10 a mentionné la Grande Serbie, le sujet général de la Grande Serbie.

11 L'Accusation, bien sûr, en a parlé également. Je dois dire que nous

12 rentrons dans des détails historiques qui sont beaucoup plus fins que ceux

13 dont la Chambre a besoin, me semble-t-il. J'hésite toujours à interrompre,

14 j'essaie de ne pas couper le flux de la déposition. Manifestement, cela

15 sort du cadre de l'interrogatoire, cela sort du cadre de ce qui intéresse

16 l'Accusation.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre était en train de penser

18 à la même chose.

19 Monsieur Milosevic, je pense que je vous ai déjà dit que nous ne sommes ici

20 à l'université. Il vous importe de tirer des éléments de ce témoin, qui

21 peuvent servir dans le cadre d'un élément de preuve, car l'Accusation fait

22 de cette question une partie importante de sa thèse. Dans la mesure où tel

23 est le cas, il est bon que vous ayez vous-même votre élément de preuve sur

24 ce sujet. Je pense que nous en sommes arrivés à un stade où nous plongeons

25 dans des détails historiques particulièrement fins, tenus. Il faut que nous

Page 34508

1 avancions pour arriver plus rapidement à l'époque moderne. Je pense que

2 nous en avons entendu assez sur l'histoire reculée de ce concept. Je ne

3 pense pas que la Chambre bénéficiera davantage de ces détails au sujet de

4 1914, 1915, et cetera. Veuillez arriver plus rapidement à l'époque moderne.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'accepte votre proposition.

6 Bien sûr, tout cela est très rationnel. Je vous prie de ne pas perdre de

7 vue que l'un des arguments les plus importants de ce faux acte

8 d'accusation, consiste à évoquer une entreprise criminelle destinée à créer

9 la Grande Serbie. Cette absurdité doit être tirée au clair, elle doit être

10 réfutée. Elle ne mérite d'ailleurs rien d'autre. Pour ce faire, il importe

11 au plus haut point que les Juges de la Chambre soient informés des éléments

12 fondateurs les plus anciens sur lesquels s'appuie cette allégation

13 mensongère. Voilà pourquoi je demandais de tels détails.

14 Tout à l'heure, j'ai annoncé une digression. Peut-être que vous-même

15 emploierez le mot de détail à ce sujet. Monsieur Nice, par exemple,

16 s'agissant de ce détail, a présenté une écoute téléphonique entre Karadzic

17 et moi-même, où Karadzic m'interroge au sujet de l'accord de Londres. Je ne

18 sais que lui dire à ce sujet. Je n'ai rien à lui en dire. C'est une pièce

19 qui a été présentée par M. Nice. Puisque M. Nice a utilisé l'accord de

20 Londres, puisqu'il l'a évoqué, je tiens à interroger le Pr Popov à ce

21 sujet.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Professeur Popov, à l'intercalaire 14, vous trouvez la carte illustrant

24 l'accord de Londres. Pour autant que je comprenne cette carte, la carte

25 originale qui illustre l'accord de Londres, je crois comprendre que cette

Page 34509

1 carte illustrant l'accord de Londres et le texte de l'accord de Londres,

2 n'ont rien avoir avec la Serbie. Il s'agit d'un accord conclu avec

3 l'Italie, destiné à ce que l'Italie entre du côté des alliés dans la

4 guerre. Les alliés lui donne une partie de la Dalmatie, et cetera, dans ce

5 but.

6 Il serait bon que vous confirmiez ou infirmiez cela. Intercalaire 14, vous

7 trouverez la carte illustrant l'accord de Londres. Tout cela n'a rien à

8 voir avec la Serbie, n'est-ce pas ?

9 R. Il y a deux cartes. L'une est établie en avril 1915, lors de la

10 conclusion de l'accord de Londres relative à l'entrée de l'Italie dans

11 l'entente alliée. A ce moment-là, il est discuté de savoir quelles seront

12 les compensations, les récompenses accordées à l'Italie. Au nombre de ces

13 récompenses, on trouve effectivement des territoires dalmates, qui vont à

14 peu près jusqu'à Sibenik, l'Istrie toute entière, Trieste, le Trentin, une

15 partie du Tirol , des îles de l'Adriatique et une partie du territoire

16 albanais. Voilà ce que recevra l'Italie.

17 On a une deuxième carte qui représente ce qui est proposé à la Serbie en

18 compensation de la perte des Croates. La Serbie perdra cette population, et

19 également, elle perdra une partie de sa population en Macédoine. Voilà la

20 deuxième carte qui est pertinente dans votre procès. La première ne l'est

21 pas du tout.

22 Q. Cette carte de l'accord de Londres avec l'Italie n'est pas pertinente ?

23 R. Non.

24 Q. Celle qui est pertinente, c'est la deuxième ?

25 R. Oui.

Page 34510

1 Q. Nous avons terminé de cette digression. Dites-moi maintenant, je vous

2 prie, --

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Où est la deuxième carte ? Nous

4 regardons l'intercalaire 15.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] 14. 14. Intercalaire 14.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maintenant, vous parlez d'une autre

7 carte. Cette deuxième carte dont vous avez parlé, où se trouve-t-elle ?

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas où se trouve la deuxième carte.

9 Celle que l'on trouve dans les documents est la carte illustrant l'accord

10 de Londres. Cet accord de Londres n'est pas celui qui s'occupe de la

11 question serbe, n'est-ce pas ? Il traite des rapports entre les grandes

12 puissances et l'Italie.

13 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de la tête du témoin.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Quant à la deuxième carte, je ne sais pas si elle figure dans la liste

16 des pièces à conviction.

17 R. Non, mais moi, je l'ai apportée. La légende est traduite en anglais

18 d'ailleurs. Il existe tout un livre de ces cartes que je ne savais pas s'il

19 serait utile. Cela étant, je l'ai apporté. Je pourrai montrer cette

20 deuxième carte.

21 Q. Oui. Veuillez la placer sur le rétroprojecteur.

22 R. Il faut que je la retrouve d'abord. Voilà. Ici, la première carte.

23 Voilà la carte qui montre ce qui a été donné à l'Italie. C'est la première

24 carte.

25 Quant à ce qui a été proposé à la Serbie et la carte qui le représente, je

Page 34511

1 retrouverai cette carte dans ce livre, cet ouvrage qui présente 28 cartes.

2 Voilà, ce qu'il était considéré comme possible à donner à la Serbie en 1915

3 à Londres. Y a-t-il un moyen de montrer cela à tout le monde ?

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous voyons cela sur le

6 rétroprojecteur, mais quel est l'objet ? Quelle est la question que vous

7 souhaitez poser au témoin en rapport avec cette carte, Monsieur Milosevic ?

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est vous qui avez demandé à voir cette

9 deuxième carte. Moi, j'ai, avec le témoin, tiré au clair --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je l'ai fait. Non, non, je ne crois

11 pas que la Chambre a demandé à voir la deuxième carte.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Enfin, quoi qu'il en soit.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Professeur Popov, vous avez parlé d'Edward Grey, Clemenceau et

15 d'autres.

16 R. Oui.

17 Q. Quelles ont été les offres faites à la Serbie ? Etait-ce des offres

18 supposé remplacer la création d'une Yougoslavie ?

19 R. Ce qui a été proposé à la Serbie, c'était la Bosnie, la Slavonie

20 orientale, la Backa, le Srem, une partie de la Dalmatie allant un peu plus

21 au nord que Split, en direction de la zone péninsulaire. Une grande partie

22 du territoire, plus que ce que la Serbie considérait, à ce moment-là, comme

23 son territoire de droit.

24 Q. Fort bien. Nous en avons terminé de cette carte.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez abordé

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1 ce point en évoquant le fait que l'Accusation avait présenté une écoute

2 téléphonique entre vous-même et Karadzic, où l'accord de Londres était

3 évoqué.

4 Passons maintenant à autre chose.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Professeur Popov, nous l'avons bien établi, n'est-ce pas, la Serbie n'a

7 pas accepté cette offre, mais elle a continué dans le sens de la libération

8 des Slovènes, des Croates et des Serbes qui subissaient le joug austro-

9 hongrois en vue de la création d'une Yougoslavie. Pasic déclare, il a été

10 cité ici, qu'elle ne devait même pas souhaiter exercer un rôle dominant.

11 C'est bien clair ?

12 R. Oui, je crois que c'est clair à mes yeux. J'espère que nous avons tiré

13 cela au clair pour les Juges de la Chambre de première instance. La Serbie

14 n'a pas accepté l'offre d'une Grande Serbie, mais a poursuivi son objectif

15 tel que défini dans la déclaration de Nis.

16 Q. Ce que vous concluez de cette offre faite par les grandes puissances à

17 la Serbie et du rejet de cette offre, qu'est-ce exactement ? Qu'avez-vous à

18 dire à ce sujet ? Quel est le sens de ce rejet de l'offre en question ?

19 R. C'était une preuve que la Serbie avait des principes, les principes

20 pour lesquels elle avait combattu depuis le premier soulèvement jusqu'au

21 jour actuel, si vous voyez ce que je veux dire.

22 Q. Merci, Monsieur le Professeur Popov. Dites-moi maintenant, quelle était

23 l'humeur générale de la population à l'époque en Baranja, en Slavonie, en

24 Dalmatie, c'est-à-dire, dans les régions qui ont été proposées à la Serbie

25 comme devant étendre son territoire ?

Page 34513

1 R. L'année dont nous parlons, 1915, la population n'avait aucun moyen

2 d'exprimer son humeur, parce qu'elle était sous la pression d'une guerre,

3 en état d'urgence. Elle subissait des persécutions, et cetera, et ne

4 pouvait pas s'exprimer librement. Une fois que l'Autriche est entrée en

5 crise en 1918, on a vu les premiers signes d'un très grand enthousiasme

6 vis-à-vis de l'idée d'une libération par rapport à l'Autriche et de la

7 création d'un état conjoint, d'un état commun. Ceci peut être établi en

8 premier lieu, si l'on voit la façon dont l'opinion publique a exprimé son

9 avis. On pouvait, à l'époque, aller d'un village à l'autre. En dehors de la

10 Vojvodine, malheureusement, des élections libres ont eu lieu, mais elles

11 n'ont pas été aussi libres que cela sur l'ensemble du territoire. Des

12 élections libres pour le parlement afin de décider de l'avenir du

13 territoire.

14 Ce qui s'est passé, c'est que le parlement croate, au nom de tous les

15 Slaves du sud, à ouest de la Drina, a décidé de créer un conseil national

16 de l'État des Slovènes, des Croates et des Serbes.

17 Q. Merci, Professeur Popov. Connaissez-vous une déclaration émanant d'un

18 représentant croate à l'assemblée nationale des Slovènes, Croate et Serbes,

19 le Dr Ante Pavlovic. Il se trouve qu'il a le même nom que le dirigeant

20 croate, Ante Pavelic, qui a exercé son pouvoir plus tard au sein de l'Etat

21 indépendant de Croatie. Avez-vous connaissance d'une déclaration de ce

22 premier Ante Pavelic et du problème face auquel il s'est trouvé ? Quel

23 était ce problème ? Je parle du problème politique des Croates si je puis

24 le qualifier ainsi.

25 R. Ce problème a surgi en 1917 pour la première fois, à savoir, est-ce

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1 qu'il pouvait accepter un état slave sous le règne de la monarchie des

2 Habsbourg. Ce qui est évoqué dans la déclaration de May, signée entre les

3 Croates, les Serbes et les Slovènes au parlement autrichien, avec comme

4 partenaire la délégation autrichienne, ou refuser cette solution et s'unir

5 avec la Serbie.

6 Cette situation a évolué peu à peu pour devenir de plus en plus clair dans

7 les milieux politiques en 1918. C'est la solution de la réunification avec

8 la Serbie qui a été choisie. C'était un problème jusqu'à la désintégration

9 de la Yougoslavie, à savoir, est-ce qu'il fallait opter pour un état

10 centralisé ou pour un état fédéral, pour un royaume fédéré ou pour un

11 système fédéral, si vous préférez. C'est précisément ce problème, ce

12 dilemme qui a fini par détruire l'entité yougoslave entre les deux guerres

13 mondiales parce qu'aucune solution n'a été trouvée.

14 Q. Professeur Popov, comment est-ce que cette option d'un royaume de la

15 Serbie et du peuple serbe allant vers la création de la Yougoslavie en tant

16 qu'état, en tant que pays, comment est-ce une preuve permettant de

17 démontrer que la propagande Autriche-Hongrie, au sujet des prétentions

18 serbes, n'étaient qu'une propagande mensongère ?

19 R. Bien sûr, qu'elle était mensongère. Parce que j'ai dit, il y a quelques

20 instants, que la seule réalité de l'idée Grand Serbe date de 1915. Pas

21 seulement dans les milieux serbes, parce que le gouvernement serbe de

22 l'époque était encore sur son propre territoire dans la ville de Nis, pas

23 seulement dans les milieux serbes, mais dans les milieux des grandes

24 puissances, parmi les puissances de l'entente qui ont combattu aux côtés de

25 la Serbie. Toute propagande allant dans le sens que vous avez indiqué, est

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1 une propagande mensongère, à moins que nous ne pensions à quelques cas tout

2 à fait marginaux évoqués il y a quelques instants ainsi à des situations

3 transitoires.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'essaie de

5 veiller à ce que le meilleur usage soit fait du temps disponible. Comme je

6 l'ai déjà dit, et je m'en suis ouvert à vous, je pense que vous êtes tout à

7 fait en droit de vous efforcer de réfuter cette idée de la Grande Serbie

8 puisque c'est une partie importante de la thèse de l'Accusation. Je crois

9 comprendre que vous avez l'intention de le faire en remontant le cours de

10 l'histoire de la Serbie pour démontrer que dans son histoire cette idée n'a

11 jamais été particulièrement importante.

12 Vous venez de parler de la Première guerre mondiale. Pouvons-nous

13 maintenant en arriver de la Première à la Deuxième guerre mondiale pour

14 n'évoquer que les points les plus importants, ensuite passer à la période

15 qui s'est écoulée depuis la Seconde guerre mondiale jusqu'à nos jours.

16 Parce que si vous n'agissez pas ainsi, nous risquons de nous noyer dans un

17 océan de détails tout à fait inutile.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Fort bien.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous ne souhaitons obtenir que les

20 grandes lignes de la situation comme je vous l'ai déjà dit. Ceci correspond

21 tout à fait à vos droits, si je ne m'abuse.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, vous avez -- je crois, vous vous êtes

23 fait, je crois, une idée générale de la situation. Nous allons maintenant

24 voir comment ce mythe de la Grande Serbie a évolué dans le temps, de façon

25 dynamique.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Dites-moi, Pr Popov, le peuple serbe a-t-il appuyé la continuation de

3 l'existence de la Yougoslavie au cours de la Seconde guerre mondiale.

4 R. C'est le programme yougoslave qui a permis de mobiliser les forces de

5 libération nationale dans toute la Yougoslavie, sur tout son territoire,

6 bien entendu, parmi les Serbes en particulier. 80 %, jusqu'à la fin de

7 1943, début de 1944, 80 % des combattants qui faisaient partie de cette

8 guerre de libération nationale étaient Serbes. Des gens qui avaient opté

9 pour la solution de la Yougoslavie, proposée à l'époque et défendue par le

10 Parti communiste, qui menait la guerre de libération nationale. Le peuple

11 serbe n'a absolument pas soutenu les objectifs de la Grande Serbie exprimés

12 dans la déclaration de Draza Mihailovic.

13 Q. Fort bien. Le peuple serbe appuyé la continuation de la Yougoslavie au

14 cours de la Seconde guerre mondiale. Est-ce qu'elle l'a fait également dans

15 les années 1990, à la fin du XXe siècle, est-ce qu'elle a appuyé l'idée

16 d'une Serbie yougoslave ?

17 R. Je ne pense pas qu'il y ait le moindre doute à ce sujet. Les Serbes de

18 Serbie et les Serbes hors de Serbie également, ce qui est assez important,

19 les Serbes de Bosnie, par exemple, ou les Serbes de Croatie étaient

20 convaincus et c'est une réalité, qu'ils ne pouvaient continuer à vivre dans

21 un seul pays que si ce pays continuait à se trouver dans les frontières de

22 la Yougoslavie. Si la Yougoslavie tombait en morceau, devait se

23 désintégrer, ces Serbes retourneraient à ce qu'ils étaient en 1918, à

24 savoir, qu'ils se retrouveraient dans des pays appartenant à d'autres, dans

25 des pays étrangers, dans des frontières étrangères, même en Bosnie où ils

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1 représentaient une majorité relative de la population. C'est la raison pour

2 laquelle la majorité des Serbes s'est prononcée en faveur du maintien de la

3 Yougoslavie. Les Serbes étaient prêts à défendre la Yougoslavie; certains

4 en prenant les armes, comme en Krajina et en Bosnie et d'autres par

5 d'autres tâches, comme la propagande, l'assistance matérielle ou

6 l'assistance sous toutes ses autres formes.

7 Dans les années 1990, au début des années 1990, c'est la Yougoslavie

8 qui était défendue, la survie de la Yougoslavie.

9 Q. Professeur Popov, vous avez parlé des victimes tombées au champ

10 d'honneur au cours de la Première guerre mondiale. Pouvez-vous nous dire,

11 si cela ne prend pas de temps, du point de vue des faits et des chiffres,

12 pourriez-vous nous parler du nombre de victimes serbes au cours des deux

13 guerres mondiales et au cours de cette Seconde guerre mondiale, très

14 importante du point de vue de la survie de la Yougoslavie, mais aussi le

15 total entre Première et Deuxième guerre mondiale.

16 R. J peux montrer à la Chambre une carte qui a été établie par les

17 services de renseignements américains à la fin de 1942. C'est une carte qui

18 se fonde sur des données très sûres, bien sûr, hautement confidentielles.

19 Carte des services secrets, les prédécesseurs de la toute jeune CIA, qui a

20 été établie pour montrer le nombre des victimes serbes, en Serbie, en

21 Croatie et en Vojvodine --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, quelle est la

23 pertinence d'une carte montrant le nombre des victimes serbes au cours des

24 deux guerres mondiales ? J'ai dit qu'il était tout à fait légitime que vous

25 réfutiez l'idée d'une Grande Serbie, mais quelle est la pertinence de cette

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1 carte dans cet exercice particulier ? En quoi est-ce que cette carte peut

2 aller à l'encontre de l'idée que l'objectif Grande Serbie existait ? Si

3 vous ne pouvez pas l'expliquer, je n'autoriserai pas le témoin à répondre à

4 cette question.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux vous l'expliquer, Monsieur Robinson, ne

6 pensez pas une seconde que je ne peux le faire. Le Pr Popov a dit, et je

7 l'ai entendu parler du nombre des victimes serbes, des victimes issues du

8 peuple serbe au cours des deux guerres mondiales pour la survie de la

9 Yougoslavie. L'investissement du peuple serbe, le nombre de vies investies

10 par le peuple serbe pour créer et conserver la Yougoslavie.

11 Entendez bien les mots que je prononce. Combien de vies humaines ont

12 été investies par le peuple serbe pour créer et conserver la Yougoslavie.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] La Yougoslavie --

14 M. LE JUGE ROBINSON : Non non non. Ne répondez pas à la question. Je

15 dois rendre une décision, j'en ai peur et je vous demande d'attendre ma

16 décision avant de répondre. M. Milosevic devra attendre également.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation] Monsieur Milosevic. Cette

19 question est un peu pertinente, puisqu'elle porte sur la création et le

20 maintien de la Yougoslavie.

21 Répondez brièvement, Professeur Popov, brièvement.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Le total des pertes humaines dans les mots

23 les plus courts selon les chiffres existants, s'agissant des Serbes, des

24 représentants du peuple serbe tombés au champ d'honneur au cours des deux

25 guerres mondiales, le total monte à peu près à 2,5 millions de personnes.

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1 C'est la plus courte réponse que je puisse vous fournir.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

3 Monsieur Milosevic, l'heure de la pause est arrivée. Nous suspendons

4 pendant 20 minutes.

5 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

6 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, de combien de

8 temps vous faut-il encore pour l'interrogatoire principal de ce témoin, je

9 vous prie ?

10 L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plait.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère --

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas eu la traduction.

13 L'INTERPRÈTE : Nous n'avons pas la traduction.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation] Maintenant je vois que le micro est

16 branché. J'ai dit que je m'efforcerais de finir à la moitié de cette

17 audience-ci. Peut-être même un peu avant.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, Monsieur Milosevic. Veuillez

19 poursuivre.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Professeur Popov, tout à l'heure vous nous avez expliqué ce qui a été

22 investi dans la création et sauvegarde de la Yougoslavie. Auparavant, vous

23 avez parlé de ce que la Serbie a apporté dans cet état commun nouveau. En

24 votre qualité d'historien, j'aimerais que vous me répondiez à une question.

25 Si un peuple investit, dans la création et la sauvegarde d'un État, des

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1 millions de vies humaines, s'il investit sa qualité d'État, sa qualité

2 d'État reconnu sur le plan international, que vous semble-t-il comme étant

3 plus probable, voir cet état essayer de préserver l'état en faveur duquel

4 il s'est tant sacrifié ? Ou va-t-il créer des projets, ou essayer de

5 réaliser des projets qu'il a rejeté de par le passé déjà ?

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, il ne s'agit pas

7 d'une véritable question. La réponse sera une réponse qui reposera

8 véritablement sur le point de vue de ce professeur, et ne repose aucunement

9 sur ses connaissances, ses qualifications. Je crois qu'il vous faut poser

10 une autre question. Vous pouvez, lors de votre allocution finale, vous

11 pouvez certainement parler de ces éléments-là, mais il ne s'agit pas d'une

12 véritable question.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Professeur, est-ce que dans les années 1990, la population serbe s'est

15 efforcée de préserver la Yougoslavie où elle a investi autant, ou est-ce

16 qu'elle a essayé d'investir dans un projet que l'histoire a déjà rejeté ?

17 R. Ils se tournaient vers l'état qu'ils avaient créé eux-mêmes. L'état

18 auquel ils avaient notamment beaucoup contribué, d'autant plus que dans les

19 deux guerres mondiales, en particulier la Deuxième guerre mondiale, leur a

20 fait porter le souvenir d'expériences négatives. Ceci notamment à l'égard

21 des forces qui ont proclamé, en 1990 la sécession, et ont réclamé le

22 démantèlement de la Yougoslavie. Il est clair, pour ce qui est de savoir de

23 quel côté les Serbes ont penché, pour ce qui est de préserver la

24 Yougoslavie ou pas.

25 Q. S'agissant de ces projets rejetés, vous en avez parlé vous-même. Il y

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1 en a eu des projets de cette nature, et là je veux me référer à des

2 intercalaires allant du numéro 6 et au-delà. Il y figure plusieurs cartes.

3 Par exemple, intercalaire 6. Si vous voulez vous pencher dessus, vous

4 verrez que l'on y donne une Serbie homogénement [phon] présentée,

5 intitulée "Stevan Moljevic, avocat de Banja Luka."

6 R. Oui, je vois.

7 Q. Que représentait cette carte ?

8 R. Dans des instants de terreur infernale à laquelle a été exposé le

9 peuple serbe dans les Krajinas, en Bosnie, et en Herzégovine de la part de

10 cet État oustachi indépendant de 1941, l'avocat Moljevic s'est trouvé à

11 Niksic, après avoir quitté Banja Luka. Il a parlé du démantèlement de la

12 Yougoslavie, et de la création d'une Grande Serbie. Il a envoyé cela à

13 Draza Mihailovic, où il y avait une espèce de comité national. Draza

14 Mihailovic a procédé à la comparaison de cette carte-là avec d'autres

15 cartes, et il a préféré la carte tracée par Moljevic.

16 Lorsque Moljevic est arrivé jusqu'à l'état-major de Draza Mihailovic au

17 mois de mars 1942, c'est la carte qui a été adoptée. Il y a eu des

18 quantités innombrables de cartes, parce que ce mouvement chetnik a été

19 incohérent.

20 Il y avait des idées variées, des cartes variées, et on a adopté

21 cette carte comme étant l'objectif du mouvement de Draza Mihailovic. C'est

22 l'idée de Stevan Moljevic qui a été reprise. Cela a été en vigueur jusqu'en

23 janvier 1944, date à laquelle cette carte a été modifiée.

24 Moljevic, lui, voyait une Grande Serbie plus grande encore que celle

25 proposée par l'offre faite à Londres. Moljevic, lui, envisageait de faire

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1 une Serbie homogénéisée sur le plan national, en procédant de la façon

2 suivante : permettre à la population non-serbe de s'en aller elle-même ou

3 de procéder à des échanges contre les Serbes qui seraient restés à

4 l'extérieur de cette Grande Serbie.

5 Ce programme a été rejeté par les Chetniks eux-mêmes. Il a été révisé

6 au congrès de Saint Sava au village Bar. Ce congrès s'est tenu en 1944.

7 Sous la pression des alliés, l'idée générale a prévalu qu'il fallait une

8 décision relative à la création d'une Yougoslavie fédérale avec la Serbie

9 en son centre. Cela n'a pas été accepté par la population serbe non plus.

10 Tous ces plans de Moljevic et autres sont tombés à l'eau en 1944 lorsque le

11 mouvement chetnik a échoué après avoir ouvertement collaboré avec

12 l'occupant allemand.

13 Q. Ce plan de Grande Serbie n'a jamais fait partie de la politique

14 officielle de ces forces qui ont dirigé la Yougoslavie, l'Etat yougoslave

15 ou les hommes politiques serbes qui se trouvaient être au pouvoir ?

16 R. Non, cela ne pouvait pas réussir en aucune façon, parce que cela

17 envisageait un combat qui se poursuivrait en vue de la prise de territoire

18 que le peuple serbe ne voulait pas. Toute projection de cette nature ou

19 tout projet de cette nature, a échoué et n'a pas résisté à l'épreuve de

20 l'histoire.

21 Q. Est-ce que la création de la Grande Serbie a fait l'objet de l'État

22 serbe officiel ?

23 R. Pour autant que je le sache, et je pense en savoir long, cela n'a pas

24 été le cas.

25 Q. Merci, Professeur. A présent, j'aimerais vous demander la chose

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1 suivante : la création d'un état plus grand quel qu'il soit, est-ce que

2 cela sous-entend une continuité, un caractère compact de cet état ?

3 R. Le plus souvent oui, c'est bien le cas. Il est intéressant de constater

4 que tous les peuples, dans notre environnement, avaient eu des plans ou des

5 aspirations, des rêves, si je puis m'exprimer ainsi, de cette nature.

6 Le dernier des peuples pour lequel on envisagerait une chose pareille, ce

7 sont les Slovènes. Eux aussi avaient envisagé la création d'une Grande

8 Slovénie. Il existe une carte, je l'ai ici, je peux vous la montrer. Cette

9 idée-là, non plus, ne s'est pas réalisée, parce que ni la Grande Serbie, ni

10 la Grande Croatie, ni la Grande Slovénie ou Monténégro ne pouvait se faire

11 dans cette espèce de marmite balkanique, où il y a eu mélange de ces

12 ethnies et religions. La politique serbe a compris cela depuis 1804, depuis

13 la première insurrection serbe jusqu'à nos jours.

14 Q. Merci, Professeur. Vous dites que cela sous-entend un territoire

15 compact; la volonté de créer un état de cette nature, j'entends. Je vais

16 vous montrer maintenant --

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que ceci est pertinent,

18 mais il faut être précis. Vous lui avez demandé si la construction d'un

19 quelconque état plus grand signifie une expansion territoriale ou une

20 certaine compacité. Il a répondu : "En grande partie, oui." Autrement dit,

21 la contiguïté territoriale n'est pas quelque chose qui s'inscrit forcément

22 dans l'idée d'une Grande Serbie ou d'une Grande Slovénie. Ce concept peut

23 exister en dehors de l'idée de la contiguïté territoriale. Elle ne doit pas

24 s'appliquer dans tous les cas.

25 Pourriez-vous faire la clarté sur ce point, s'il vous plaît, Monsieur le

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1 Professeur ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement. J'avais à l'esprit un plan

3 européen, où entre les deux guerres, il était question de territoires d'un

4 état séparé. C'est un grand malheur, voyez-vous. Je parle de la Pologne. Il

5 y avait un corridor qui partageait la Pologne en deux parties, et qui a

6 toujours fait l'objet de différent et d'une contestation entre l'Allemagne

7 et la Pologne. Des cas analogues sont possibles, et ont existé de par le

8 passé dans l'histoire. Mais d'une manière générale, tout le monde évite ce

9 type de problèmes. Ce n'est pas habituel.

10 Par exemple, regardez deux Chines de nos jours. C'est également l'absence

11 d'une continuité. Il s'agit d'un état mais avec deux régimes et deux

12 territoires.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Là où je n'ai parlé de "continuité

14 territoriale," j'ai parlé de contiguïté territoriale. A mon sens, c'est une

15 meilleure définition de cette idée.

16 Veuillez poursuivre, Monsieur Milosevic.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. En tout état de cause, je vous ai compris, Monsieur le Professeur. Vous

19 avez dit que la création d'un grand État sous-entend une continuité

20 territoriale.

21 R. C'est exact.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous prie maintenant de passer sur le

23 rétroprojecteur une carte. C'est le plan Cutileiro pour la Bosnie-

24 Herzégovine, que vous avez déjà. Je l'ai sortie du dossier pour qu'on

25 puisse la montrer ici. Je me propose, à cet effet, de poser quelques

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1 questions au Professeur.

2 Je demande à M. l'Huissier de passer ceci sur le rétroprojecteur. Il s'agit

3 de la carte qui était comprise par le plan Cutileiro.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Penchez-vous sur cette carte. Il s'agit d'une carte que les trois

6 parties ont signée en 1992, en date du 18 mars. Il s'agit d'une carte de la

7 Bosnie-Herzégovine par canton. Y a-t-il là une continuité territoriale

8 entre les territoires serbes ? On voit bien que les parties serbes sont

9 hachurées horizontales, et les parties croates sont hachurées diagonales.

10 R. Il est évident qu'il n'y a là aucune continuité territoriale. Si l'on

11 parle d'une Grande Serbie réalisée de la sorte, ce serait dénué de sens,

12 complètement.

13 Q. Justement, c'est là que je veux en venir. Est-ce qu'une carte de cette

14 nature et ce plan-là s'intègrent-ils dans le concept de Grande Serbie ?

15 R. Je ne pense pas que quiconque de sérieux pourrait penser que ceci

16 constituait une voie menant à la Grande Serbie. Je ne pense pas que l'on

17 ait pu réaliser la Grande Serbie ainsi.

18 Q. Savez-vous qu'avant que la guerre n'éclate, la partie serbe avait

19 accepté ce plan ?

20 R. Je n'ai pas fait de recherche à ce sens, mais en ma qualité de citoyen,

21 je sais que les Serbes avaient accepté.

22 Q. Ne savez-vous pas qu'Izetbegovic, avant les conflits, a retiré l'accord

23 qu'il avait déjà donné le 25 mars 1992 ?

24 R. Je crois qu'il avait d'abord accepté et refusé par la suite.

25 Q. Oui. Il a accepté davantage et retiré sa signature.

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1 R. [aucune interprétation]

2 Q. Je ne pense pas que cela puisse s'intégrer dans le concept de Grande

3 Serbie.

4 R. Tout à fait sûr.

5 Q. Ne savez-vous pas que nous autres, en Serbie et moi-même, avions

6 apporté notre soutien à ces positions-là de la direction des Serbes de

7 Bosnie, et nous avions recommandé l'acceptation du plan Cutileiro ?

8 R. Je le sais.

9 Q. Pensez-vous, en votre qualité d'historien, que l'on puisse envisager la

10 création d'une Grande Serbie, et qu'en même temps, l'on accepte un plan et

11 qu'on apporte son soutien à un plan qui établit tout à fait autre chose ?

12 Est-ce que cela vous ait connu dans l'histoire pour ce qui est de tels cas

13 en l'espèce pour ce qui est de l'absurdité de l'exemple ?

14 R. Je ne pense pas, enfin, je pense pouvoir confirmer ce que vous venez de

15 dire. Mais dans toute l'histoire, et notamment dans les Balkans et dans

16 l'histoire de la Serbie, il n'y a pas eu d'exemples de cette nature.

17 Q. J'aimerais que vous vous penchiez maintenant sur le plan Vance-Owen

18 datant de 1993, printemps 1993. Là aussi, il est prévu --

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais à l'Huissier de mettre cela sur

20 le rétroprojecteur.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Il est prévu là la création d'une Bosnie-Herzégovine indépendante

23 divisée en cantons.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous avons cette carte

25 également ? Avez-vous présenté cette carte à la Chambre de première

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1 instance ou non.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je ne l'ai pas communiquée à la Chambre,

3 parce que j'ai supposé que toutes ces cartes-là, le plan Cutileiro, le plan

4 Vance-Owen existaient déjà ici au Tribunal. Il n'est pas contesté le fait

5 qu'il s'agit là de documents qui ont été mis en circulation à l'occasion de

6 la tenue de cette conférence internationale. Donc, --

7 M. NICE : [interprétation] L'accusé doit se conformer aux pratiques de ce

8 Tribunal. S'il doit présenter une pièce qui constitue déjà une pièce à

9 conviction, il faut préciser à la Chambre de première instance et au Greffe

10 qu'il s'agit bien d'une pièce, et de préciser qu'il s'agit de la même pièce

11 que celle qui a déjà été présentée. Je ne peux pas vous venir en aide pour

12 l'instant, et je ne sais pas si l'un ou l'autre de ces documents

13 constituent une pièce. Nous allons peut-être pouvoir le faire d'ici

14 quelques instants, mais pas dans l'immédiat.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, cette pièce a-t-

16 elle été -- cette carte a-t-elle été présentée comme pièce à conviction par

17 l'Accusation ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que oui, parce que le plan Vance-Owen

19 a, à plusieurs reprises, été mentionné ici. Il serait impossible que la

20 carte n'ait pas été versée au dossier. Vous pouvez donc obtenir cette

21 carte.

22 Etant donné que le Professeur connaît bien cette carte liée au plan

23 Vance-Owen, je voudrais lui poser cette question, lui

24 demander --

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, pas de cette manière.

Page 34528

1 Pas de cette manière. Nous allons traiter cette question. Il vous faut vous

2 conformer aux pratiques de ce Tribunal et des procédures de ce Tribunal. M.

3 Nice a clairement indiqué ceci à la suite de la question parfaitement

4 appropriée de M. le Juge Kwon. Cette carte n'a pas été communiquée à la

5 Chambre de première instance. Ceci n'est pas la première fois. Nous sommes

6 en train de nous répéter, Monsieur Milosevic. Si je prends une décision à

7 cet égard et si ces choses se passent ainsi, car vous vous ne souciez pas

8 des questions de procédures, je ne vous permettrai pas, à ce moment-là, de

9 présenter vos éléments de preuve. Si je considère que vous n'essayez pas,

10 en toute bonne foi, de vous conformer à nos procédures, vous ne serez pas

11 autorisé à présenter vos éléments de preuve. Des procédures existent ici,

12 il faut les appliquer.

13 Je souhaite que le Professeur, maintenant, nous donne son commentaire

14 sur cette carte, s'il vous plaît.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous parlez de la carte Vance-Owen ?

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est la question que nous vous

17 avons posée, mais nous avons demandé à M. Milosevic de vous poser la

18 question directement.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. La question est la même que pour la carte à Cutileiro. Est-ce que cette

21 carte et ce plan peuvent être intégrés dans une idée ou dans un concept de

22 Grande Serbie ou pas ?

23 R. Cela n'a jamais été intégré. Cela ne s'est pas intégré puisque, je

24 crois me souvenir, depuis les débats publics qui ont couru en Serbie, on a

25 parlé de cela en disant que c'était l'une des opportunités de mettre un

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1 terme à la guerre en Bosnie et non pas de créer une Grande Serbie.

2 Q. On sait très bien que le premier ministre grec Mitsotakis, le président

3 de la Yougoslavie, M. Cosic et moi-même, sommes allés au parlement de Pale

4 pour participer au débat. Vous savez que nous avons apporté notre soutien à

5 l'adoption de ce plan.

6 En votre qualité d'historien, pensez-vous qu'il soit possible

7 d'établir des plans de création de Grande Serbie, et ce faisant, d'accepter

8 quelque chose de tout à fait contraire.

9 R. Je me souviens de cette session à Pale. Je l'ai suivie dans mon lit

10 d'hôpital. J'ai été opéré juste avant, et je sais que toute la nuit, les

11 débats ont duré. J'ai entendu vos déclarations, votre déclaration à vous et

12 celle de M. Cosic, où vous apportez votre soutien à l'adoption de ce plan.

13 Je ne pense pas que quelqu'un puisse avoir une arrière-pensée qui serait

14 celle de dire, acceptez ce plan pour que nous puissions nous jouer de lui

15 par la suite.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai vous ai permis de poser cette

17 question, mais bien comme une autre question que vous avez posée dans la

18 même veine. Je crois qu'il s'agit là d'un commentaire qui vous ait adressé

19 à bon escient.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Les choses sont si évidentes, mais la question

21 --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela est si évident. Vous pouvez en

23 parler dans votre déclaration à la fin de la présentation de vos moyens.

24 Mais le témoin ne peut pas répondre à cette question.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, fort bien, Monsieur Robinson.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Nous allons faire une digression maintenant. Je pense qu'il est

3 important de le dire ici. Je voudrais obtenir votre réponse. Est-ce que

4 dans la politique de la Serbie, et est-ce que parmi les idéologues

5 politiques serbes, il y a eu dans le courant du 19e et

6 XXe siècle, des idées Grand Serbe ou des activités visant à la création de

7 la Grande Serbie. Si tant est cela est le cas, quels ont été les

8 résultats ? On a parlé de Moljevic tout à l'heure. On a donné quelques

9 autres exemples. Est-ce que vous avez à l'esprit quelques autres titulaires

10 d'idées de cette nature, et avez-vous en tête les résultats d'idées de ce

11 genre ?

12 R. S'agissant d'hommes politiques sérieux, il n'y en a pas eu avec des

13 idées analogues. Dans l'opinion publique intellectuelle, il y a eu cela et

14 là des idées concernant la négation de l'existence de tel ou tel autre

15 peuple, par exemple, des Macédoniens. Il y a eu des revendications visant à

16 la création de pays serbes, et de négocier, par la suite, à partir de

17 positions de supériorité, sur des bases de supériorité. Il y a eu plusieurs

18 articles de la Voix serbe, c'est une publication du club culturel serbe, à

19 la veille de la Deuxième guerre mondiale, donc à la veille de l'attaque de

20 l'Allemagne contre la Serbie. Mais le gouvernement de l'époque a interdit

21 la publication de ce journal, de cette revue.

22 S'agissant de cas de personnes sérieuses ayant parlé de Grande

23 Serbie, non. On a reproché cela à Slobodan Jovanovic. J'ai relu tout ce

24 qu'il a écrit, il n'y a aucune trace de telles choses. Sa préoccupation

25 première avait été la préservation de la Yougoslavie.

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1 Q. Bien.

2 M. NICE : [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui Monsieur Nice.

4 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas pour l'instant le plan Cutileiro

5 qui vient d'être présenté maintenant. L'accusé aurait dû savoir que c'était

6 lui qui avait présenté le plan Cutileiro sous la cote D209. Je ne sais pas

7 s'il s'agit de la même version du plan. Je ne peux pas vous le dire avec

8 exactitude, car je ne l'ai pas sur mon écran pour l'instant. C'est Mme

9 Dicklich qui nous l'a retrouvé rapidement.

10 Le plan Vance-Owen portant le numéro 396, intercalaire

11 numéro 10. Encore une fois, nous ne pouvons pas afficher ces cartes à

12 l'écran pour pouvoir les comparer. Je ne sais pas s'il s'agit des mêmes

13 cartes ou non.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice pour votre

15 assistance. Ce que vous avez précisé, aurait dû être précisé par Monsieur

16 Milosevic.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. J'accepte que la

18 question pourrait se rapporter à quelque carte que ce soit du plan Vance-

19 Owen, y compris celle qui vient d'être mentionnée par

20 M. Nice. Parce que tout le monde sait, tout un chacun sait de quoi avait

21 l'air le plan Vance-Owen. On peut voir, s'agissant de régions dont les

22 Serbes de Bosnie se retireraient. Il est question de régions à partir

23 desquelles l'ABiH et des Croates de Bosnie devaient se retirer également.

24 Tous ces plans que vous avez versés au dossier, se rapportent à la même

25 question.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Professeur, est-ce que dans la République de Serbie, je parle

3 maintenant de ces années 1991 et 1995. Est-ce qu'en République de Serbie,

4 il y a eu des manifestations de l'hégémonie Grand Serbe ou de tendances de

5 cette sorte de comportement agressif ou, comment dirais-je, de comportement

6 destructif ?

7 R. Il a beaucoup été question --

8 M. NICE : [interprétation] Je crois qu'il est important de signaler que le

9 témoin ne peut pas trop enfreindre le territoire ou le domaine qui est

10 celui de la Chambre de première instance.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez poser une autre question

12 à M. Milosevic.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Que savez-vous nous dire au sujet de la Grande Serbie et de son

15 hégémonisme en Serbie même pendant les dernières décennies du

16 XXe siècle ?

17 R. Je sais qu'il y a eu des idées visant à faire libérer la population

18 serbe. Même ces tendances, le Mouvement radical serbe, le Mouvement du

19 renouveau serbe, en premier lieu, ne s'employaient pas en faveur d'une

20 guerre pour élargir la Serbie. Ce n'est que verbalement que l'on avait

21 apporté un soutien à la population serbe de Bosnie, pour ce qui était de

22 son intention de rester dans une communauté avec la Serbie.

23 Je ne peux pas affirmer, je ne peux pas dire qu'il s'agissait là de

24 plan consistant et cohérent, à proprement parler Grand Serbe. Même quand

25 cela faisait son apparition, lorsque l'on agitait ces idées avant des

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1 élections, tout ceci a efficacement été réprimé par l'autorité de l'époque,

2 par vous-même, par le gouvernement, et le parlement de la République de

3 Serbie.

4 Q. Professeur, Monsieur Nice a, dans le courant de son contre-

5 interrogatoire de vos collègues, de la Professeur Avramov, par exemple, et

6 de l'académicien M. Mihajlo Markovic -- et je n'ai retrouvé cela que ce

7 matin, la page 32501, pour ce qui est du Pr Abramov, et pour ce qui est du

8 Pr Markovic, 3350. Il s'agit là de textes tirés d'une revue qui s'appelle

9 Epoha. Vous l'avez, j'ai un exemplaire moi-même.

10 R. Oui, en effet.

11 Q. Cela a été soulevé comme question de la plus haute importance.

12 J'aimerais que vous nous aidiez pour ce qui est de tirer certains éléments

13 au clair.

14 Pour ce qui est de la Pr Avramov, ligne 6, il y a par exemple, ce qui a été

15 publié au magazine Epoha, il y a quelques années. En 1991, on dit que

16 c'était la revue du Parti SPS de l'accusé.

17 C'est la question qu'a posée M. Nice à l'intention de Mme Smilja

18 Avramov. Elle a dit qu'elle n'a pas suivi ces choses-là. Elle ne pouvait

19 pas répondre. L'affirmation était celle de dire que c'était la revue du

20 Parti socialiste de Serbie.

21 Pour ce qui est du contre-interrogatoire de Mihajlo Markovic, on lui

22 demande également s'il est conscient de l'existence de cette revue appelée

23 Epoha. Lui non plus n'a pas su dire de quoi il s'agissait, mais entre-temps

24 nous nous sommes procurés cette revue. M. Nice l'a d'ailleurs versée au

25 dossier, comme élément de preuve. Je dirais ce qui suit : Professeur, vous

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1 savez que cette revue a été publiée au début des années 1990. Je dirais

2 qu'il s'agit ici d'une pièce à conviction, le numéro un de cette revue

3 Epoha, datée de 1991, 22 octobre.

4 R. Monsieur Milosevic, je dois reconnaître que j'ignorais

5 l'existence d'une telle revue. J'ai appris qu'une telle revue avait été

6 publiée en suivant notamment la diffusion de cette audition de Mme Avramov

7 et de M. Markovic.

8 Q. Tant mieux.

9 R. Et grâce à un collaborateur, un assistant, mon ex-assistant qui est

10 docteur à présent, je lui ai demandé d'essayer de me retrouver ce numéro.

11 Et il me l'a retrouvé.

12 Je me suis penché dessus, et je n'ai pu constaté nulle part qu'il

13 s'agissait là d'une revue publiée par le Parti socialiste de Serbie. Je

14 suis membre du Parti socialiste depuis sa création. Je ne me souviens pas,

15 mais je dois reconnaître que je ne lis pas les revues hebdomadaires. Cela

16 me fait perdre beaucoup trop de temps. Mais cela, je ne savais pas que cela

17 existait.

18 J'ai vu ici que parmi les collaborateurs, il y a des personnalités

19 éminentes, des personnalités notoirement connues qui étaient des

20 responsables du Parti socialiste à l'époque, ou qui le sont de nos jours,

21 ou à présent encore. A une page, j'ai pu lire que cela a été publié par une

22 société par actions. Il y a toute une page de publicité, et je pense que ce

23 sont-là les actionnaires. Il s'agit de l'Institution chargé du management

24 international. Il y a ensuite Suhcesije, European Council of Management, et

25 toute une série d'autres organisations vaquant dans la gestion des

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1 affaires. Il semblerait que ce sont ces organisations-là qui ont initié la

2 publication de cette revue. Je dirais que parmi les collaborateurs, il y a

3 plusieurs noms bien connus dans la presse et dans les maisons d'édition.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Où se trouve cette organisation, ce

5 conseil européen que vous avez mentionné, et qui publie cette revue ? Où

6 cette organisation est-elle basée ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était basé à Belgrade. C'est ce qui dit la

8 revue. Pour autant que je le sache, il s'agissait d'un certain M. Zecevic.

9 Milja Zecevic est son nom, si je ne m'abuse, c'est lui qui a fondé ce

10 centre international de la gestion des affaires. Il avait une antenne à

11 Paris. Pour autant que je le sache, je ne garantis rien, il a déménagé son

12 siège à Los Angeles, aux Etats-Unis.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Mais ceux qui font de la publicité ne sont pas les éditeurs. Dans la

15 première page, on voit que c'est publié par Epoha, société par actions,

16 n'est-ce pas ?

17 R. C'est exact.

18 Q. Ce n'est pas le Parti socialiste qui publie cela. C'est une société par

19 actions.

20 R. Certes.

21 Q. Ceux qui publient les publicités ne sont pas les éditeurs, ne sont pas

22 les rédacteurs en chef non plus ?

23 R. Oui, mais ils ont financé.

24 Q. Il se peut que les actionnaires aient financé, mais peu importe à ce

25 moment-ci, étant donné qu'à l'époque, à savoir, octobre 1991, la revue

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1 elle-même, que nous avons fini par nous procurer, vous avez par exemple

2 Komgrap [phon] une société de construction de logements.

3 R. Oui.

4 Q. Eux, ils publient ici une publicité. Il y a d'autres annonces

5 publicitaires encore. Tout ceci nous ramène à la question principale : ce

6 n'est une revue du Parti socialiste, c'est la revue d'une société par

7 actions ?

8 R. Je le saurais si c'était le Parti socialiste.

9 Q. Oui, moi aussi je le saurais. Mais pour ce qui est du contenu, avez-

10 vous réussi à lire sa teneur ?

11 R. Oui, hier soit.

12 Q. N'est-il pas vrai que l'on mentionne ici toute une série d'opinions qui

13 sont souvent contradictoires, et que cela fait partie de la liberté de la

14 presse, de la liberté d'expression des journalistes en octobre 1991; est-ce

15 exact ou pas ?

16 M. NICE : [interprétation] Il y a des questions directrices ici. Encore des

17 discours. Je ne suis pas très certain.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous venez de

19 poser une question qui indique au témoin quelle doit être la réponse. C'est

20 quelque chose que nous avons déjà abordé. Vous ne pouvez pas poser des

21 questions directrices. Je vous demande de reformuler la question, s'il vous

22 plaît.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Monsieur Popov, je suppose que vous avez des informations disant qu'il

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1 y a eu bon nombre de polémiques au sujet de cartes de toutes sortes dont on

2 avait submergé les revues, les journaux à l'époque.

3 R. Dans les situations de ce genre, vous savez, chacun fait ses

4 combinaisons. C'est comme Ostap Bender, cette personnalité littéraire, qui

5 essaye de se promouvoir elle-même dans des situations difficiles, des

6 situations graves. Dans ce sens-là, oui, il y a eu un nombre illimité de

7 combinaisons. Je n'ai pas vu beaucoup de cartes, j'ai vu des cartes émanant

8 de personnalités plus sérieuses. Les gens qui ont présenté ces cartes ici,

9 et j'avoue, c'est peut-être ma faute que je ne sais du tout de qui il

10 s'agit. Je suppose de toute manière, que ce ne sont pas des personnalités

11 très connues dans la vie publique.

12 Q. Toujours est-il est bon nombre d'écrivains ont présenté des opinions

13 variées, n'est-ce pas ? Est-ce que c'est bien le cas ?

14 R. Oui. J'ai lu tout ceci hier soir, parce que j'ai eu cela juste avant de

15 venir ici.

16 Q. Regardez à la page 15. Je ne sais pas qui est ce Dr Jovan Ilic. Peut-

17 être le connaissez-vous ?

18 R. J'ai ouï dire que c'était un démographe.

19 Q. Bien, un démographe. Lui dit en page 15, je vais vous le citer. Point

20 1, il dit : "Nous sommes d'avis que cette frontière occidentale des terres

21 serbes sur l'axe Karlovac-Virovitice-Karlovab, carte numéro 1,' et il

22 fournit la carte,' n'est pas avantageuse pour la solution de la question

23 serbe." Il l'explique.

24 Vous dites vous-même que c'est un démographe.

25 R. J'ai entendu dire que c'était un démographe.

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1 Q. Cela n'est pas favorable, parce que cela englobe un grand nombre de

2 Croates, et dans une troisième Yougoslavie, il resterait environ 1,5

3 millions de Croates. Ce sont des statistiques des recensements de 1981.

4 R. C'était un recensement.

5 Q. Oui. C'est un recensement.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

7 M. NICE : [interprétation] Nous n'avons pas cette pièce à ma connaissance,

8 c'est un des intercalaires que nous n'avons pas.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il ne s'agit pas du numéro 786 --

10 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas. Nous ne l'avons pas retrouvé.

11 Nous n'avons qu'une version en noir et blanc, et là, il s'agit d'une

12 version en couleur.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Nice a présenté ce journal Epoha en guise

14 d'élément de preuve. Je me sers de son élément de preuve. Je ne sais pas

15 quel est son numéro, mais je sais qu'avec le témoignage de Mihajlo

16 Markovic, il a versé cela au dossier en guise de pièce importante. Je vais

17 vous dire de quoi il s'agit. Il s'agit d'une manipulation pure et simple de

18 la part de M. Nice.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La revue à laquelle vous faites

20 référence est la même revue, Monsieur Milosevic, que M. Nice a présenté

21 comme élément de preuve. Est-ce qu'il s'agit du même numéro ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, tout à fait. C'est le même numéro, le même

23 exemplaire. Je suppose que mon exemplaire, lui, disposait d'un peu plus de

24 pages, parce que M. Nice, lui, a sorti au hasard une carte pour joindre

25 cela à la revue Epoha. La revue, elle, parle de toute une série de

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1 questions. On voit que c'est l'une des revues qui avait existé à l'époque.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] 786.

3 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai retrouvé le numéro

4 786. Il est vrai qu'il s'agit d'autres éléments que ceux qui ont été cités,

5 et qui font partie de cette pièce. Encore une fois, l'accusé doit

6 communiquer les pièces s'il a l'intention de les présenter. Peut-être que

7 la Chambre de première instance pourrait traiter de cette question, et de

8 la terminologie très indécente qu'a utilisé l'accusé par rapport à ma

9 conduite dans cette affaire. Comme la Chambre le sait certainement, j'ai

10 été très tolérant à l'égard du langage utilisé. Le terme "manipulation" est

11 très peu approprié et voire même inacceptable.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] S'il a utilisé ce terme-là, c'est

13 tout à fait inapproprié.

14 M. NICE : [interprétation] Ligne 16.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas un langage que nous

16 pouvons accepter ici devant cette Chambre.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation] Très bien. Monsieur Robinson.

18 Q. Je vais alors donner lecture d'une autre citation --

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, avant de

20 poursuivre, vous devriez avoir des photocopies de cette revue pour pouvoir

21 les fournir à la Chambre de première instance et les fournir à

22 l'Accusation, de façon à ce que nous puissions suivre votre interrogatoire

23 principal. Il ne s'agit pas d'un simple dialogue entre vous et le témoin.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour autant que je puisse le voir, Monsieur

25 Robinson, vous avez une copie en main de cette revue.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai réussi à mettre la main sur ce

2 document grâce aux efforts du Juge Kwon et de l'adjoint au greffe.

3 C'est à vous de nous fournir ces pièces. Lorsque vous préparez votre

4 défense, il faut vous assurer que les documents que vous allez présenter

5 seront présentés; que lorsque vous préparez ceci pendant la nuit, il faut

6 vous assurer que le lendemain matin, vous avez les documents à nous

7 remettre et sur lesquels nous pouvons nous appuyer lors de l'interrogatoire

8 principal.

9 La prochaine fois que vous allez agir ainsi, je ne vais pas vous autoriser

10 à présenter vos éléments de preuve.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur Robinson.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En avez-vous terminé avec cette

13 revue ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je voulais encore poser plusieurs

15 questions au professeur. Je voulais faire une citation à la page 20. On

16 voit tout un éventail de positions avancées à l'époque.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Professeur, veuillez vous référer à la page 20, s'il vous plaît. Les

19 deux derniers paragraphes de cette page, dernier alinéa, et on y dit : "Les

20 jeunes, la population doivent être éduqué dans le respect des

21 particularités ethniques et nationales dans l'esprit de ce globalisme

22 géographique et de l'européanisme, dans l'esprit de ces tendances

23 humanistes générales. Il convient d'éviter d'éduquer les jeunes à l'idée de

24 l'égalité en droit de tout un chacun des citoyens et de leur pays dans le

25 monde. Il faut éviter cet unilatéralisme communiste. Malheureusement, les

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1 choses ont été remplacées par un chauvinisme national qui a suivi la

2 disparition du communisme et cela a été remplacé par une sorte

3 d'unilatéralisme national. Il est question de développer les processus de

4 démocratisation."

5 Il s'agit ici d'idées variées, de points de vue critiques au sujet des

6 événements des années 1990.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais quelle est votre question ?

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Est-ce que ce que vous avez en main sort du contexte de ce qui est

10 publié habituellement à l'époque ? Est-ce qu'ici, il y a une sorte, comment

11 dirais-je, une sorte d'idéologie, Grand Serbe, chauvine, d'implanter dans

12 cette revue qui est publiée par une société par actions et non pas par le

13 Parti socialiste ?

14 R. La citation que vous avez lue a été surlignée par moi-même pour faire

15 la preuve des réflexions saines qui étaient présentes dans cette espèce de

16 folie nationaliste et chauviniste, et on pouvait entendre l'un et l'autre.

17 Je ne sais pas qui est le Dr Ilic, mais avec ces variantes ou ces

18 alternatives de possibilité, je ne puis dire que je suis d'accord parce que

19 là, ici, on vient d'entendre une voix de la raison qui demande à éduquer la

20 jeunesse de façon internationaliste, dans un esprit de tolérance.

21 Q. Pendant que durait encore la Conférence de La Haye et pendant qu'on

22 débattait dans les milieux intellectuels, politiques et autres, de

23 frontières administratives, non administratives et ainsi de suite, n'était-

24 il pas clair que la sécession de la Slovénie et de la Croatie était

25 inévitable ?

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1 R. Ici, il s'agit du mois d'octobre 1991.

2 Q. Oui, octobre 1991.

3 R. La Slovénie a proclamé sa sécession au mois de juin. Enfin, je me

4 trompe peut-être, je n'avais pas pensé que je devrais en parler et la

5 Croatie, elle, a proclamé son indépendance un mois plus tard.

6 Q. Qui est-ce qui a imposé la question des frontières et l'a placée à

7 l'ordre du jour ?

8 R. Ceux qui font sécession le font.

9 Q. Il y a eu sécession armée et il y a eu un débat généralisé sur le

10 problème des frontières. A des réunions professionnelles, profanes, des

11 réunions d'experts, ou autres ?

12 R. D'abord, cela a commencé par des attaques lancées contre l'Armée

13 populaire yougoslave. Les attaques étaient violentes. On a tué des soldats

14 non armés. On a occupé des casernes. Tout de suite, après, il a été soulevé

15 la question des frontières.

16 Q. Ici, s'agissant de cet auteur, Rakic, on voit que l'auteur estime que

17 l'Europe devrait trancher cette question de frontières.

18 R. Malheureusement, c'est ainsi que les choses se sont faites. Il a dû

19 prendre en considération la situation de façon réaliste. Il a compris que

20 l'influence des facteurs internationaux était telle sur la situation chez

21 nous que cette influence ne saurait être contournée. C'est ainsi que je

22 comprends les idées qu'il a présentées.

23 Q. Bien. Je ne vais pas m'attarder davantage là-dessus. Ce qui peut être

24 cité, ce que vous avez lu, vous fait-il conclure avec clarté que ceci est

25 tout à fait contraire à une idée quelconque de mise en place d'une Grande

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1 Serbie ?

2 R. C'est tout à fait clair. Il n'est nulle part question de Grande Serbie.

3 Ni le dénommé Rakic ni le dénommé Ilic ne le font.

4 M. NICE : [interprétation] Il s'agit là d'une question fort tendancieuse,

5 et complètement directrice.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Etant donné les circonstances, nous

7 allons autoriser cette question.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation] Le professeur a déjà répondu.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous allez vraiment insister trop

10 lourdement sur ce point.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Insister lourdement, je vais me retenir.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Avez-vous connaissance d'exemples d'hommes politiques serbes, dans les

14 années 90, qui se seraient employés en faveur d'une présence agressive, en

15 faveur de la création d'unités paramilitaires ou de quoi que ce soit

16 d'autre de ce genre, en provenance de la Serbie, à l'encontre d'autres

17 parties de la Yougoslavie ?

18 R. Je me souviens de la première formation paramilitaire qui s'est créée.

19 Cela a eu lieu vers la moitié de l'année 1991. Je vis à Novi Sad. En face

20 de Novi Sad, de l'autre côté du Danube, il y a une forteresse qui s'appelle

21 Petrov Varadin. C'est là une grande forteresse avec des champs ou des

22 espaces pour des exercices. La garde serbe a commencé à faire des

23 exercices, et la télévision a filmé cela. Djordje Bozovic, Giska, est tombé

24 sur un champ de bataille quelconque. On a montré ces gens-là s'apprêter à

25 aller défendre la population serbe parce que, soi-disant, le gouvernement

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1 serbe ne le faisait pas, ou plutôt, le gouvernement yougoslave, parce que

2 c'était encore le gouvernement yougoslave à l'époque.

3 Il s'agissait d'une formation qui a été créée par le Parti du

4 renouveau serbe. Son leader était et est Vuk Draskovic. C'est ce que je

5 sais.

6 J'ai appris, par la suite, qu'il existait d'autres formations, qu'il

7 s'est créé d'autres formations, celle d'un dénommé Arkan, qui a été tué en

8 l'an 2000, et on parlait de volontaires de Seselj. Je ne pense pas qu'il

9 s'agissait là de formation paramilitaire. Il faisait beaucoup de vacarme,

10 il tenait des discours patriotiques. C'était de l'agitation ou des

11 manifestations verbales. Je crois que ses hommes se portaient volontaires

12 pour faire partie de l'armée populaire yougoslave. C'est ce que je crois en

13 savoir, rien d'autre.

14 Q. Cette garde serbe de Vuk Draskovic, quelle était sa relation, ou

15 en quelle relation -- liaison était-elle avec les établissements de l'Etat

16 et moi-même, ce mouvement de renouveau serbe de Vuk Draskovic ?

17 R. D'abord, ce mouvement du renouveau serbe a organisé des manifestations

18 destructrices à Belgrade en 1990. D'après ce que j'ai pu lire, ils ont

19 compté quelque 800 hommes, 800 combattants qui se sont battus dans la Lika.

20 Le dénommé Giska, peut-être vais-je me tromper là. Je demande par avance

21 qu'on me pardonne si je me trompe. Giska avait affirmé qu'il était à même

22 de mobiliser quelque

23 7 000 hommes.

24 Q. Non, ma question était celle de savoir quels étaient les liens unissant

25 cette garde serbe du mouvement du renouveau serbe et les autorités

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1 officielles de la Serbie et de la Yougoslavie ?

2 R. Ils étaient en extrême opposition.

3 Q. Merci, Monsieur le Professeur. Dans les années 90, le Parti de l'action

4 démocratique d'Alija Izetbegovic, a constitué une ramification en Serbie --

5 a fait une ramification. Vous en souvenez-vous ?

6 R. Je crois que ce parti s'est créé dans le Sandzak. Je crois que c'était

7 Sulejman Ugljanin qui était à sa tête.

8 Q. Vous souvenez-vous des grands meetings ?

9 R. Oui, je m'en souviens très bien. Je me souviens d'un meeting où

10 Draskovic a tenu un discours contre le rassemblement des Musulmans du

11 Sandzak dans un parti et leur rattachement à la Bosnie-Herzégovine.

12 Q. Je parle maintenant des rassemblements du Parti de l'action

13 démocratique d'Izetbegovic qui se sont déroulés dans le Sandzak en Serbie.

14 R. Je me souviens, oui. Je me souviens aussi qu'Ugljanin avait beaucoup

15 crié en disant que la Serbie ne leur demandait pas leur avis, et qu'il

16 s'agissait d'aller demander protection chez Alija Izetbegovic, chez -- de

17 la part du Parti de l'action démocratique.

18 Q. Que vous souvenez-vous au sujet des meetings de Draskovic ?

19 R. Il menaçait tout un chacun portant des drapeaux verts, ou ceux qui

20 porteraient des drapeaux verts du Parti de l'action démocratique.

21 Q. Bien. Le Parti socialiste de Serbie, a-t-il créé des ramifications à

22 lui en Bosnie-Herzégovine ou dans l'une quelconque des autres républiques

23 de la Yougoslavie ?

24 R. Je ne pense pas. Je ne le sais pas. En ma qualité de membre du parti,

25 je serais plutôt censé le savoir.

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1 Q. Serait-il exact de dire que les autorités, parce qu'il y a eu ces excès

2 d'une part, de la part d'Ugljanin, et d'autre part, de la part de

3 Draskovic, devaient conduire une campagne au niveau des médias pour calmer,

4 pour apaiser la population qui a été bouleversée dans le Sandzak ?

5 R. Je n'ai lu que deux journaux. Cela fait 15 ans que je ne lis que deux

6 journaux, deux quotidiens. Je regarde la télévision, j'écoute la radio. Je

7 sais que le Parti socialiste a toujours fait appel pour ce qui est

8 d'apaiser la situation, pour ce qui est de mettre en place des relations de

9 tolérance et pour ce qui est d'activités démocratiques. Je ne pouvais

10 absolument pas dire qu'il y ait eu des activités visant à encourager la

11 guerre ou les antagonismes au sein de ce Parti socialiste de Serbie.

12 Q. Professeur, vous avez été un contemporain de tous ces événements, et

13 vous êtes un historien. Avez-vous remarqué en Serbie une attitude

14 quelconque de discrimination dans le courant des guerres qui se sont

15 déroulées en Bosnie et en Croatie soit vis-à-vis des Croates, des

16 Musulmans, des Hongrois, qu'il s'agisse de quelque groupe ethnique que ce

17 soit ?

18 R. Moi, je vis en Vojvodine. Il y a au moins 20, si je ne me trompe pas, -

19 23 groupes ethniques, et on parle six langues. On communique dans six

20 langues. On publie des journaux dans ces langues. Il y a des émissions

21 radio et télévision dans ces langues, et ainsi de suite. Ce que je peux

22 dire, c'est qu'à l'époque, il n'y a eu absolument aucune chose de ce genre,

23 mis à part ce triste cas de Hrtkovci qu'on mentionne souvent. Je ne me

24 souviens pas d'un autre cas. Aucun de mes collègues, aucun de mes amis,

25 aucun de mes collaborateurs du groupe ethnique croate, hongrois ou autre,

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1 n'a vu ses relations détériorées avec moi ou moi avec eux. Je pense que la

2 politique du Parti socialiste et de la République de Serbie, en premier

3 lieu, était une politique de tolérance qui recevait et qui accueillait même

4 des réfugiés musulmans originaires de Bosnie. Nous avons tous vu cela. Nous

5 étions au courant de la chose. J'allais, moi, à Slativo, et je sais qu'on

6 en parlait là-bas.

7 Je ne pourrais pas accepter, absolument pas accepter quelque accusation que

8 ce soit disant que la Serbie avait eu une politique de discrimination.

9 Certains voudraient dire que -- enfin, notamment des nationalistes hongrois

10 disaient que bon nombre de jeunes avaient fui la Serbie. Ils ont fui pour

11 ne pas aller à l'armée. Des fuites de ce genre, oui, il y en a eues. Mais

12 des gens qui auraient fui pour des raisons de discrimination, pour des

13 raisons de menace à leur égard, cela, je n'en sais rien.

14 Q. En Vojvodine, cela, vous devriez le voir, des choses de ce genre, vous

15 devriez les voir.

16 R. Très certainement.

17 Q. Vous avez mentionné cette fameuse localité de Hrtkovci. Vous souvenez-

18 vous du fait que ceux qui avaient été à l'origine de l'incident ont été

19 arrêtés ?

20 R. Je sais que les médias ont parlé d'arrestation. Je sais que cette dame,

21 je crois la connaître, Margit Savovic, est allée en mission là-bas pour

22 voir ce qui s'était passé au juste. Elle m'a rapporté cela elle-même

23 lorsqu'elle est venue rendre visite à la Matica Srpska.

24 Q. Professeur, vous savez très bien quelle a été la situation au nord de

25 la Serbie, en Vojvodine. Vous nous avez dit tout à l'heure qu'il n'y a eu

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1 aucune espèce de discrimination. Veuillez m'indiquer, mais quelques phrases

2 seulement, pour nous apporter un commentaire au sujet de la position des

3 Serbes et des Croates en Hongrie. Si vous comparez, par exemple, des

4 périodes, par exemple, l'époque du traité du Trianon, ou les temps

5 présents. D'après les renseignements dont je dispose, il devait y avoir

6 150 000 Croates en Hongrie, maintenant ils sont 13 000. Il y avait plus de

7 30 000 Serbes, maintenant ils sont 3 500. A l'époque, il y avait, en

8 Serbie, 300 000 Hongrois, et il y a de nos jours 300 000 Hongrois en

9 Serbie. Est-ce bien exact ce que je viens de dire ?

10 R. Ces renseignements sont tout à fait exacts. J'ai fait partie d'un

11 groupe d'étude entre académies. Nous avons visité les minorités slaves du

12 sud en Hongrie, en 1988. Antun Vratusa se trouvait être à la tête de ce

13 groupe d'études, de cette délégation. Nous avons visité un grand nombre

14 d'institutions, entre autres, le ministère chargé de prendre soin de ce

15 type de choses. Ces renseignements-là, au pourcentage près, nous ont été

16 présentés par les représentants du ministère. Ils nous ont dit que les

17 Serbes étaient au moins au nombre de 10 000, mais qu'ils ne voulaient pas

18 se prononcer comme Serbes, et qu'il y avait encore au moins 30 000 Croates

19 qui ne voulaient pas se déclarer en tant que Croates parce qu'ils avaient

20 connu un passé lourd d'expérience à ce sujet.

21 Q. Combien de Croates y avaient-il du temps du traité de Trianon ?

22 R. Il y avait à peu près autant de Hongrois que de Hongrois chez nous. Il

23 y avait un très grand nombre de Slaves du sud qui sont restés en Hongrie.

24 En vertu de ces accords de Trianon, il y a eu une possibilité d'options.

25 Ceux qui voulaient déménager, pouvaient le faire. Il y a eu des départs,

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1 mais cela n'a pas été si impressionnant que cela.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vous demande

3 de passer à un autre domaine lorsque vous allez poser vos questions.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson. Je ne vais pas

5 garder ici le Professeur plus longtemps. Je vais lui demander cependant

6 quelques commentaires au sujet des cartes que nous avons dans le dossier.

7 Je parle de la carte figurant à

8 l'intercalaire 13. J'ai à l'esprit ce qui figure à l'intercalaire 15.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. En bref, je voudrais, Monsieur le Professeur, que vous nous disiez

11 quelque chose au sujet de la Grande Albanie, intercalaires 13, 15 et 16.

12 R. Ce sont des cartes qui en disent long. Je vais brièvement vous dire

13 quelque chose.

14 Q. Ayez l'amabilité de placer, ne serait-ce que l'une de ces cartes sur le

15 rétroprojecteur.

16 R. Voilà, ceci est la carte de la Ligue de Prizren. La Ligue de Prizren a

17 été créée en 1888. C'est le premier mouvement Grand Albanais. Ce que je

18 dois vous dire, c'est qu'aucun peuple balkanique, dans ses aspirations

19 nationales, n'a été aussi conséquent que le peuple albanais. Leur carte de

20 Grande Albanie de 1878 et des années ultérieures, ici, nous en avons trois

21 du temps de l'occupation italienne et de l'an 2001, et bien, ces cartes

22 sont pratiquement identiques, coïncident les unes avec les autres. Il y a

23 de très petites différences.

24 Cette Grande Albanie englobe le sud-ouest de la Serbie, la Camorija, à

25 savoir, certaines parties de la Grèce et de la Macédoine. C'est dans toutes

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1 les cartes la même chose.

2 Q. Merci, Monsieur le Professeur. Je n'ai plus de questions. Je vous

3 remercie.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic.

5 Monsieur Nice.

6 Contre-interrogatoire par M. Nice :

7 Q. [interprétation] J'aimerais revenir sur un petit point de détail. On va

8 vous remettre une série d'articles tirés du magazine Epoque.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Une série de quoi ?

10 M. NICE : [interprétation] C'est une série d'articles datant d'époques

11 diverses.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Au compte rendu d'audience en

13 anglais, je vois une série d'empreintes. De quoi s'agit-il exactement ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai le magazine sur moi.

15 M. NICE : [interprétation]

16 Q. Je vais faire distribuer cette pièce à conviction. J'expliquerai aux

17 Juges de la Chambre quel est l'objet des questions que je souhaite vous

18 poser à ce stade de nos travaux, Professeur Popov. Ne vous inquiétez pas.

19 R. Je ne m'inquiète pas.

20 Q. Vous verrez d'abord sur les deux premières pages de ce document, un

21 certain nombre de titres d'articles qui datent de diverses époques de la

22 publication Epoha. Première page, nous voyons un titre qui annonce ce que

23 l'on trouve dans un article plus détaillé du 22 octobre. En page 2, en

24 serbe et en anglais, à côté des titres destinés à l'édition du 29 octobre,

25 nous avons à la page suivante des titres concernant le 26 décembre, et puis

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1 le 16 décembre. Page suivante, nous en arrivons au 11 juin et au 13 août.

2 Ce que nous avions l'intention de faire, c'est de montrer à chaque fois la

3 version traduite en anglais, mais cela n'a malheureusement pas été

4 possible. Vous pourrez donc nous aider.

5 J'aimerais maintenant que vous preniez l'avant-dernière page de cette série

6 de documents que je demanderais d'ailleurs à

7 M. l'Huissier d'avoir l'amabilité de placer sous le rétroprojecteur. Avant-

8 dernière page.

9 Voilà à quoi ressemble cette page. Il s'agit de l'édition Epoha du 11 juin

10 2002. Vous voyez à quoi ressemble cet article ? Bien.

11 J'aimerais que l'on montre au rétroprojecteur le coin inférieur de la page,

12 le coin inférieur droit. Descendez davantage, M. l'Huissier, je vous prie,

13 encore un peu. Voilà, nous y sommes.

14 Qu'est-ce que nous voyons là, à droite ? C'est un passage --

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Nice vient de parler de l'année 2002 alors

18 que toutes les cartes géographiques qui ont été montrées portaient sur

19 l'année 1991. A présent, M. Nice s'appuie sur l'année 2002 pour essayer de

20 prouver qui étaient les éditeurs organisateurs de ce magazine. Cela n'a pas

21 de rapport.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous ne savons

23 pas encore quel est le but poursuivi par M. Nice. Laissons-le poursuivre.

24 M. NICE : [interprétation]

25 Q. Dans la version anglaise de ce petit carré, on ne trouve pas la

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1 traduction du mot Osnivac. Je vous demanderais de bien vouloir lire la

2 première ligne des détails fournis au sujet de ce magazine "Epoha" quant

3 aux responsables de sa publication.

4 R. "Fondateur, Parti socialiste de Serbie. Editeur, entreprise Medijas.

5 Directeur et rédacteur en chef, Milorad Vujovic."

6 Q. Passons maintenant à la page suivante. Essayons de voir un peu ce qu'on

7 lit à la date du 13 août 2002 pour être juste et pour voir qui participe

8 vraiment à ce magazine. Pouvez-vous lire la première ligne au niveau de

9 Osnivac toujours ?

10 R. "Fondateur, l'entreprise Medijas. Editeur, l'entreprise Medijas.

11 Directeur Milorad Vujovic." L'adresse de l'éditeur est donnée à Belgrade.

12 Q. Pouvez-vous nous aider, je vous prie. Pourquoi est-ce que dans cette

13 édition de juin 2002, on parle du fondateur comme étant le Parti socialiste

14 de Serbie ? Pouvez-vous nous aider sur ce point puisque vous nous avez

15 donné votre avis sur le reste ?

16 R. Je dois répéter encore une fois que c'est la première fois que j'ai ce

17 magazine sous les yeux. J'aurais du mal à vous aider quant à la raison pour

18 laquelle le Parti socialiste de Serbie est mentionné. Si le fondateur est

19 le Parti socialiste de Serbie, alors je n'ai pas été un bon membre du Parti

20 socialiste parce que je n'ai pas lu les journaux du parti.

21 Q. Venons-en maintenant à votre rapport. Peut-être aurez-vous l'amabilité

22 de m'aider sur quelques points généraux.

23 Vous êtes universitaire, n'est-ce pas ? Vous êtes habitué à rédiger

24 des documents universitaires, n'est-ce pas ?

25 R. Je suppose que c'est exact.

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1 Q. Les documents universitaires sont destines à être lus par des pairs,

2 par des gens qui ont la même éducation, la même instruction, et sont censés

3 justifier et démontrer des conclusions qu'ils essaient de démontrer. Est-ce

4 que ceci est une bonne description de la réalité ?

5 R. C'est exact.

6 Q. Prenons un petit exemple de ce que vous avez dit dans votre déposition,

7 et je crois que cela se retrouve dans votre rapport. La référence "aux gens

8 qui ont été tués à l'aide de haches qui leur ont cassé la tête."

9 R. Je me souviens. Je me souviens très bien. Je me souviens de ce qui est

10 écrit dans le document également. Ils n'ont pas été tués, mais c'est le but

11 qui été poursuivi.

12 Q. Si nous examinons votre rapport d'un peu plus près, pourriez-vous me

13 dire quelle est la source de ce petit détail ?

14 R. Je peux le faire. Ceci ce trouve dans deux volumes intitulés "Document

15 relatif aux Serbes de Croatie," publiés par Vasilije Krestic, historien, il

16 y a quatre ou cinq ans. Dans ces deux volumes, qui comportent environ 800

17 documents, on en trouve un qui est une note émanant d'un défenseur actif du

18 Parti des droits, qui a proposé une solution assez radicale au problème des

19 Serbes de Croatie, lors d'une visite à Ban Cuvaj.

20 Il a proposé dans le cadre de cette solution radicale "qu'on leur

21 abatte une hache sur la tête." Puis son interlocuteur dit : "Bon, mais vous

22 ne pouvez tuer 800 000 personnes." Voilà la source, c'est une source

23 originale qui fait partie d'une publication de Krestic.

24 Q. Professeur Popov, parce que j'ai peut-être raté cela en vous écoutant,

25 et ce serait dans ce cas entièrement de ma faute, mais pouvez-vous nous

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1 dire où cette source est définie et identifiée dans votre rapport à la

2 Chambre ?

3 R. Oui.

4 Q. Où cela ?

5 R. J'ai soumis mon rapport avec un certain nombre de notes, et dans ces

6 notes tout est identifié. Je ne sais pas si vous avez reçu ces notes.

7 Q. J'ai reçu un extrait de la bibliographie, mais je n'ai

8 pas --

9 R. Non, non.

10 Q. Je n'ai pas vu une seule note en bas de pas dans ce rapport, donc je

11 n'ai pu vérifier. Où sont ces notes en bas de page dont vous venez de

12 parler ? Peut-être ne nous ont-elles pas été remises ? Peut-être les avons-

13 nous égarées ? Peut-être que les Juges de la Chambre les ont en leur

14 possession et pas moi.

15 R. les voici. Peut-être ont-elles été perdues quelque part parce que je

16 les ai remises immédiatement.

17 M. NICE : [interprétation] Est-ce que ceci a été évoqué dans les écritures

18 relatives à ce témoin que des notes en bas de page avaient été remises ?

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je demande que ces notes soient

20 d'abord remises aux Juges de la Chambre, puis restituées au professeur

21 [comme interprété].

22 Monsieur le Témoin, remettez ces notes à M. l'Huissier.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson. Monsieur Robinson.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, oui.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais ajouter à ce que vient de dire le Pr

2 Popov, que j'ai toujours été convaincu que ces notes en bas de page, comme

3 les appelle le professeur, étaient à la disposition de chacun ici, car

4 elles sont évoquées dans le corps du texte. Il y a peut-être une erreur de

5 la part de quelqu'un ? Elles ne figurent pas dans le même document, mais

6 elles ont été remises à coté du document.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons des rappels dans le texte

8 qui indiquent l'existence de notes en bas de page.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors il y a une erreur technique quelque part,

10 parce qu'il y a des indications dans le corps du texte, dans ma version,

11 qui indiquent la présence de 69 notes en bas de page, dans lesquelles le

12 témoin évoque les sources de ces dires dans le rapport. C'est ce que le

13 professeur vient de dire d'ailleurs.

14 M. NICE : [interprétation] Je crains fort de devoir dire que c'est encore

15 un exemple des problèmes provoqués par l'accusé, qui choisit la procédure

16 qui lui convient le mieux. Car s'il avait lu et répondu aux écritures du

17 18 octobre de cette année, s'il ne les avait pas totalement ignorées,

18 j'imagine qu'il aurait vu que nous demandons à la Chambre d'ordonner que le

19 rapport soit réécrit, et que les notes en bas de page soient ajoutées au

20 corps du texte car nous devons pouvoir traiter, comme il se doit, d'un

21 rapport d'expert. Or, dans le cas d'espèce, les sources ne sont pas

22 indiquées.

23 Monsieur le Président, je ne vais pas vous demander un délai pour résoudre

24 cette question, à moins que je découvre quelque chose de particulièrement

25 inquiétant pendant la prochaine pause; parce que je ne suis pas sûr que

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1 ceci ait une très grande pertinence. C'est vraiment une situation tout à

2 fait déplaisante.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je choisis mes

4 mots avec le plus grand soin, mais je dirais que vous avez mal desservi

5 considérablement la cause du Prof Popov. Vous l'avez mal desservie parce

6 qu'il vous a remis un rapport comportant des notes en bas de page, et vous

7 n'avez pas veillé à ce que ce rapport complet soit soumis à la Chambre.

8 C'est-à-dire qu'à ce que les notes en bas de page soient comprises dans le

9 rapport.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais comprendre comment cela a

11 pu se passer ?

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me le demande moi aussi. Je me le demande

13 parce que ceci ne dessert mal, pas seulement l'expert ceci me dessert mal,

14 moi également. Quelle aurait pu être ma motivation pour séparer les notes

15 en bas de page du corps du texte du rapport. Toutes les notes en bas de

16 page sont rassemblées à la conclusion du rapport et l'absence de ces notes

17 ne peut que nuire à notre travail.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai ici le texte en serbe, pouvez-

19 vous me dire où je trouve la référence à la première note en bas de page,

20 dans quelle page de la version serbe ?

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 1, au début du deuxième paragraphe, après

22 le mot "confusia," on a un point et puis un petit 1

23 qui indique la présence d'une note en bas de page.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous n'en trouvons pas la moindre

25 trace sur l'exemplaire que j'ai sous les yeux. Des copies ont été faites.

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1 Peut-être pourriez-vous m'expliquer comment il se fait que la mention des

2 notes en bas de page ne figure pas.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'en ai pas la moindre idée. Il ne m'est pas

4 venu à l'esprit de comparer les deux versions pour voir si l'impression

5 avait été bien faite. Je supposais que l'endroit où nous nous trouvons

6 était suffisamment fiable pour ne pas avoir à vérifier cela. Pendant la

7 pause, l'un de mes associés pourra parcourir l'ensemble du texte et vous

8 remettre l'ensemble des notes en bas de page pour que les choses soient

9 faites comme il se doit. 69 notes en bas de page au total.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lorsque vous dites que vous supposez

11 que certains n'ont pas bien fait leur travail à qui faites-vous référence ?

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense à ceux qui ont remis le rapport du

13 Prof Popov. Comment est-ce que je pouvais vérifier tout ce qui vous a été

14 remis ? Le document du Prof Popov comportait une annexe dans laquelle se

15 trouvaient les notes en bas de page et cela ne m'est jamais venu à l'esprit

16 de vérifier si l'annexe, comportant les notes en bas de page, avait bel et

17 bien été remise à qui de droit. C'est comme si j'avais dû vérifier que

18 toutes les pages étaient dans le rapport.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Kay, vous avez déposé des

20 écritures en rapport à la requête de l'Accusation en réponse à celle-ci.

21 M. KAY : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous nous aider sur ce point ?

23 M. KAY : [interprétation] Oui. Nous n'avons eu que le texte en anglais et

24 il ne comporte pas de notes en bas de page. J'ai sous les yeux un texte qui

25 est le même que celui des Juges. Il a été remis le 16 Août 2004, et il ne

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1 comporte pas de notes en bas de page.

2 Bien entendu, ceci ne fait partie du travail que nous faisons en

3 général. Tout ce que nous faisons c'est de veiller à ce que l'accusé ait

4 bien la possibilité de présenter ses éléments de preuve grâce à des

5 écritures déposées en temps utile au sujet du rapport et au dépôt du

6 rapport en tant que tel, comme les Juges le savent.

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous venez de

9 parler de gens dont vous pouviez vous attendre à ce qu'ils fassent bien

10 leur travail et un peu plus tard, vous les avez mieux définis en parlant de

11 gens qui ont transmis le rapport. Qui sont ces personnes dont vous affirmez

12 qu'elles vous ont mal desservi en modifiant la forme du rapport ?

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas fait la comparaison de la version

14 anglaise et de la version serbe du texte. Je n'ai pas eu l'idée qu'il y

15 aurait eu la moindre modification au niveau des notes en bas de page. C'est

16 la première fois que j'entends parler de cela, de cette altération.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avec le respect que je vous dois, je

18 dirais que ceci n'est pas une réponse à ma question. Je vous demande qui

19 sont les gens que vous soupçonnez d'avoir fait quelque chose pour altérer

20 la forme du rapport

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne pense pas que quiconque ait fait cela

22 délibérément. Il ne s'agit pas d'une altération mais, manifestement, il y a

23 eu une erreur technique qui a fait que les notes en bas de page se sont

24 perdues.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non délibérément, cela me convient.

Page 34559

1 Qui, d'après vous, a modifié le rapport ?

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas la possibilité d'émettre des

3 suppositions à ce sujet, Monsieur Bonomy, car dès lors que le rapport n'est

4 plus entre mes mains. Il n'est plus entre mes mains. Je n'exerce plus aucun

5 contrôle sur son sort.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La personne qui a transmis le rapport

7 est M. Ognjanovic, je le lis dans les écritures. Dites-vous que c'est au

8 moment où il était en possession de ce document que ce dernier a été

9 modifié d'une façon ou d'une autre ?

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Qui ?

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ognjanovic.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne le crois pas. Je n'ai jamais parlé de M.

13 Ognjanovic. Tout ce que je peux vous dire, c'est qui sont mes

14 collaborateurs qui sont intervenus dans l'acheminement du rapport parce

15 qu'ils se relayent. Je suppose que mes collaborateurs ont transmis le

16 document comme il fallait le faire, en toute bonne foi. Ils font toujours

17 les plus grands efforts pour bien faire leur travail. Je ne pourrais

18 réellement imputer l'erreur à personne en ce moment même. Je vois qu'il n'y

19 a pas de notes en bas de page et je trouve cela difficile à expliquer.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez vous le reprocher à

21 vous. Vous pouvez très certainement vous le reprocher car la faute vous en

22 incombe.

23 M. KAY : [interprétation] La version serbe ne comporte pas non plus de

24 notes en bas de page. Je viens de recevoir de Mme Anoya un document,

25 d'accord, excusez-moi, c'est le document du professeur. Il vient de m'être

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1 transmis, je ne savais plus d'où il venait.

2 Je proposerais que le Pr Rakic, qui se trouve ici en ce moment et qui est

3 actuellement le collaborateur travaillant avec l'Accusé, soit chargé de

4 replacer les notes en bas de page dans les extraits pertinents du texte,

5 afin que le rapport puisse être remis dans sa version complète aux Juges et

6 qu'il corresponde à la version complète établie par le professeur. Je suis

7 sûr que le professeur sera d'accord pour cette correction soit apportée et

8 que les notes en bas de page, figurant dans le texte serbe original, se

9 retrouvent dans le texte anglais.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous pouvons agir ainsi. Bien

11 sûr, Monsieur Nice est désavantagé dans son contre-interrogatoire d'une

12 certaine façon.

13 M. NICE : [interprétation] Nous sommes pas mal désavantagés parce que

14 d'abord le texte original a été modifié avec suppression des notes en bas

15 de page. A moins que ces notes ne se soient trouvées à la fin du texte et

16 qu'elles aient été tout simplement effacées, il y aurait des actions à

17 entreprendre à ce sujet. En tout cas, il faut qu'une version, comportant

18 les notes en bas de page, soit remise. Je pense que si l'Accusé, ou l'un de

19 ses associés avaient lu les écritures déposées et avaient daigné y

20 répondre, nous n'aurions pas tous ces problèmes de notes en bas de page.

21 Les notes en bas de page seront rétablies dans le texte, en définitive,

22 dans un document qui n'est pas le document que nous avons actuellement sous

23 les yeux et cela ajoutera à la valeur du rapport, bien entendu. Je me

24 demande si je ne devrais pas demander à ce témoin de revenir un moment.

25 Nous pourrons poursuivre le contre-interrogatoire en présence des notes en

Page 34561

1 bas de page, même si je n'aime pas beaucoup imaginer une telle hypothèse.

2 Nous pensions pouvoir terminer son audition rapidement à l'aide d'un

3 document comportant les notes en bas de page.

4 M. KAY : [interprétation] On peut dire que le concept développé par ce

5 témoin demeure le même. Ce sont des idées que l'Accusation connaît bien.

6 Nous sommes ici dans une situation assez unique pour l'Accusation mais il y

7 a d'autres problèmes qui se posent également. Le fait que des références

8 précises ne se trouvent pas dans le rapport est tout à fait regrettable et

9 condamnable mais, à mon avis, cela ne crée pas un désavantage particulier

10 pour l'Accusation, par rapport aux questions que celle-ci souhaite traiter

11 puisqu'il s'agit de sujets qu'elle connaît très bien. Le mieux que nous

12 puissions faire est sans doute de rétablir la forme actuelle, la forme

13 effective du texte.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce sera à la Chambre de déterminer

15 le poids accordé à ce rapport mais, au vu des circonstances, nous avons le

16 texte sans notes en bas de page.

17 Nous avons passé l'heure de la pause, suspension de 20 minutes.---

18 L'audience est suspendue à 12 heures 21.

19 --- L'audience est reprise à 12 heures 49.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je voudrais

21 d'abord vous dire que tout l'épisode que nous venons de vivre, illustre la

22 grande importance qu'il y a à tenir compte des procédures. Si vous aviez

23 répondu aux écritures du Procureur, vous vous seriez rendu compte qu'il n'y

24 avait pas de notes en bas de page.

25 Il vous faut assumer la responsabilité de la gestion de votre

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1 affaire. Toute erreur en la matière, ne peut que vous être imputée. Si

2 j'étais le Professeur Popov, je n'accepterais pas les excuses que vous lui

3 présenterez sans aucun doute plus tard.

4 Monsieur Nice.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui oui, Monsieur Milosevic, allez-

7 y.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'ai entendu l'objection de

9 M. Nice, que j'ai considérée comme dépourvue de sens, puisque nous sommes

10 en présence d'un travail important, du travail d'un expert, d'un

11 universitaire de haut rang, d'un historien de haut rang.Je n'ai pas voulu

12 rentrer dans des choses aussi secondaires que des notes en bas de page.

13 Pendant la pause, nous avons retrouvé l'emplacement des 69 notes en

14 bas de page dans le texte anglais. M. Nice les aura sous les yeux. Il

15 pourra interroger le Professeur quant à ses sources et à toute autre

16 question qu'il souhaite lui soumettre. Car dans le texte anglais, se trouve

17 actuellement les 69 notes en bas de page. Donc, la chose a été réglée.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais c'est une question à

19 laquelle la Chambre devra décider du poids qu'elle lui accorde et qu'elle

20 accorde au rapport. Car le contre-interrogatoire, comme je l'ai déjà dit,

21 en a été légèrement affecté.

22 Monsieur Nice, à vous.

23 M. NICE : [interprétation] Nous devons encore lire ces notes en pas de

24 page. Je demanderais quelque temps pour ce faire; pas longtemps, j'espère.

25 Et nous verrons.

Page 34563

1 Q. Professeur Popov, au vu de ce qu'a dit l'accusé et de ce que vous avez

2 dit vous-même hier, est-ce votre point de vue qu'il serait dépourvu de sens

3 de s'opposer à l'absence de notes en bas de page dans un travail émanant

4 d'un expert et d'un historien de haut rang, ou admettez-vous qu'un

5 historien et universitaire de haut rang est censé être jugé également à

6 partir de la nature de ses sources.

7 R. Monsieur le Procureur, s'agissant de la méthode du travail scientifique

8 d'un historien, c'est quelque chose qu'on nous a enseigné au cours de la

9 première année d'étude universitaire, lorsque j'étais étudiant. Je suis

10 tout à fait au courant, et je vous prierais de ne pas remettre en doute ma

11 réputation professionnelle pour la simple raison que vous pourriez

12 m'imputer une erreur technique dont je ne sais pas, pour ma part, d'où elle

13 vient.

14 Q. Non. Monsieur le Professeur, nous vous avons entendu, peut-être pas

15 hier, mais la semaine dernière, nous dire de quelle façon votre travail

16 devait être accepté. Je vous demande, par rapport à cela, si vous admettez

17 que votre travail peut faire l'objet de vérification, comme le travail de

18 quiconque. Pourquoi seriez-vous différent des autres sous le simple

19 prétexte que vous êtes universitaire ?

20 R. Non non. Tout texte d'expert est soumis, bien sûr, à la critique, à

21 l'appréciation. Je sais très bien que mes écrits ne vont pas durer

22 éternellement. J'ai le manuscrit de mon texte ici, et je vais le publier

23 peut-être sous forme plus étendue.

24 Q. Très bien. Ma dernière question sur la forme du document est la

25 suivante : lorsque vous avez remis ce rapport à l'accusé ou à ses

Page 34564

1 collaborateurs, est-ce qu'il comportait des notes en bas de page ou un

2 recueil de notes à la fin du document ?

3 R. J'ai transmis ce texte, j'ai remis ce texte le 12 juillet, le rapport

4 complet avec les notes en bas de page.

5 Q. Des notes en bas de page. Le fait d'avoir enlevé les notes en bas de

6 page du rapport, que cela ait été fait par ordinateur ou autrement, est-ce

7 que cela aurait impliqué la nécessité, n'est-ce pas, d'enlever une par une

8 chacune des notes en bas de page ? Cela ne peut pas être un accident,

9 quelqu'un qui aurait appuyé une fois sur un bouton sur lequel il n'aurait

10 pas dû appuyer.

11 R. Ce n'est pas cela qui s'est passé. Il est fort probable que

12 l'exemplaire comportant les notes en bas de page s'est perdu quelque part.

13 Je n'ai pas d'autre explication.

14 Q. Fort bien. Pouvons-nous examiner ensemble -- Monsieur le Président, je

15 ne poursuis pas dans cette voie faute de temps.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais demander au Professeur s'il

17 existait une version du texte sans les notes en bas de page, qu'il aurait

18 remise à l'accusé à un moment où à un autre.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas remis au témoin une version sans

20 les notes en bas de page. Mais j'en ai envoyé une version sans les notes en

21 bas de page à Belgrade, à ses collaborateurs. Cette version s'est peut-être

22 perdue quelque part.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, est-ce que vous avez remis

24 une copie sans notes en bas de page également ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, j'ai remis -- j'ai transmis un

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1 exemplaire également sans les notes en bas de page.

2 M. NICE : [interprétation]

3 Q. Pouvons-nous voir ensemble le dernier paragraphe de votre rapport.

4 Avant, j'ai une question à vous poser : les experts ou les universitaires

5 qui se présentent en qualité d'experts devant un tribunal, ont-ils pour

6 devoir d'être modérés dans le langage qu'ils utilisent ?

7 R. J'utilise toujours un langage modéré. D'ailleurs, je n'ai jamais

8 comparu devant un tribunal, mais il me semble que j'utilise toujours un

9 langage modéré.

10 Q. J'aimerais que vous nous apportiez votre aide au sujet de ce dernier

11 paragraphe. S'il existe une version anglaise utilisable, j'aimerais qu'on

12 la place sur le rétroprojecteur. Je cite :

13 "Ce qui est le plus tragique pour le peuple serbe à notre époque, c'est le

14 fait que le mythe et le stéréotype séculaire de la Grande Serbie et de

15 l'inclination des Serbes à l'agression et à l'hégémonie, aient été nourris,

16 entretenus et répandus avec une force incomparable depuis près d'une

17 décennie et demie."

18 Vous êtes toujours de cet avis, n'est-ce pas, que ce mythe a été nourri,

19 entretenu et répandu avec une force incomparable ? C'est toujours votre

20 avis ?

21 R. Oui, compte tenu d'un certain nombre d'ouvrages qui ont paru dans les

22 années 90, ma conclusion, c'est que ce mythe est encore entretenu, comme

23 d'ailleurs dans les manuels publiés en France. Je cite un certain nombre

24 d'auteurs, Pierre Musin [phon] et Serge Bernstein.

25 Q. Nous n'avions pas les notes en bas de page, nous devrons vérifier cela

Page 34566

1 plus tard. Je voulais continuer la lecture.

2 R. Cela ne figure pas dans les notes en bas de page.

3 Q. Il va falloir que nous lisions cela nous-mêmes. Je poursuis la lecture.

4 Je cite :

5 Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien

6 que la vérité.

7 "Aujourd'hui, ce mythe a une nouvelle base idéologique, bien qu'elle

8 soit plus vaste et plus développée dans la théorie de l'inégalité du

9 conflit de civilisations, de l'inévitabilité qu'une civilisation plus

10 faible, la civilisation byzantine orientale à laquelle les Serbes

11 appartiennent, succombe à une civilisation romaine occidentale plus forte

12 représentée par l'Europe unie, les Etats-Unis, et leur puissance économique

13 et politique incomparable."

14 Je suppose que c'est toujours votre point de vue ?

15 R. Oui. Je pense que, si vous avez lu le livre de Samuel Huntington

16 au sujet du conflit de civilisations, je suppose que la chose vous

17 apparaîtra clairement.

18 Q. Oui. Dans la phrase suivante, vous citez une source. Le nom est

19 Haington et pas Huntington. Je poursuis la lecture : "De Jacob Philip

20 Fallmereyer qui a proposé cette solution à l'impérialisme allemand, jusqu'à

21 Samuel Haington qui l'a proposée à la mondialisation agressive américaine

22 et européenne, toutes les explications de ce genre ont toujours eu un seul

23 objectif; dissimuler les aspirations de conquête des forces les plus

24 puissantes du monde."

25 Etes-vous toujours d'avis que ces souffrances des Serbes, en raison du

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1 mythe de la Grande Serbie, incombent toutes ces aspirations des forces les

2 plus puissantes du monde et de leur désir de conquête ?

3 R. Dans un grande mesure telle peut être la conclusion. Car le peuple

4 serbe, pendant un millénaire entier, pendant 1 000 ans, a subi des

5 pressions de ce genre donc ce qui se passe n'a rien de nouveau.

6 Q. La Serbie, à votre avis, est réellement une nation victime, un état

7 victime depuis des siècles, n'est-ce pas ? C'est bien cela que vous

8 pensez ?

9 R. C'est exact.

10 Q. Je poursuis la lecture, je cite :

11 "Il y a de nombreuses explications tendancieuses, de fausses

12 accusations et des réécritures de l'histoire, qui sont actuellement

13 utilisées pour attaquer la prétendue Grande Serbité, son agressivité et le

14 génocide qu'elle porte en elle."

15 Vous pensez qu'il est exact que ceux qui ont écrit au sujet de la Grande

16 Serbie et de la Grande Serbité portent des accusations fausses, et ce, de

17 façon délibérée. C'est bien votre avis, n'est-ce pas, Professeur Popov ?

18 R. Oui, c'est mon avis.

19 Q. Bien sûr, ce que fait un universitaire dans tous les cas, c'est

20 d'imputer des motivations avec le plus grand soin à d'autres

21 universitaires, car ils admettent qu'un autre universitaire puisse avoir un

22 point de vue différent du leur, en toute bonne foi, n'est-ce pas, avec de

23 bonnes intentions ? Vous êtes d'accord avec cela ?

24 R. Vous voulez dire que ceci est présenté en mauvaise foi ?

25 Q. Non, non. Je vous demande si, de façon générale, vous pensez, qu'en

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1 toute bonne foi, des universitaires autres que vous, peuvent avoir des avis

2 différents du vôtre ?

3 R. Bien sûr.

4 Q. Il s'agirait d'une critique absolument extrême de la part d'un

5 universitaire à l'encontre d'un autre universitaire, s'il laissait entendre

6 que l'avis défendu par cet autre universitaire est de mauvaise foi ?

7 R. Je n'ai pas tout à fait bien compris votre question.

8 Q. Non ?

9 Q. Et bien, poursuivons la lecture, pour gagner du temps. Je cite : "Tous

10 ces reliquats pseudoscientifiques de Pierre Miles et Serge Bernstein, Paul

11 Garde, Allain Finkielkraut, David Risman, James Gow, Ellie Weisel, Noel

12 Malcolm, Audrey Budding …"

13 Voyons si nous comprenons bien ce que vous voulez dire ici. Vous avez vu

14 Mme Budding, n'est-ce pas ? L'avez-vous vue ? L'avez-vous rencontrée,

15 Monsieur Popov ?

16 R. Oui, j'ai suivi son travail.

17 Q. En tant qu'universitaire sérieux, vous pensez qu'il est opportun, dans

18 un rapport de cette nature, que vous allez publier sous forme de livre, de

19 la décrire en tant que reliquat; c'est bien cela ?

20 R. C'est ce que je pense car son travail est pseudo scientifique, en

21 effet.

22 Q. Je vous donnerai la possibilité de le prouver si vous le souhaitez.

23 Poursuivons la lecture. Je cite : "

24 "Et consorts ainsi que leurs laquais serbes, n'ont qu'une seule tâche, qui

25 consiste à dénoncer l'hégémonie Grand Serbe afin d'ouvrir la voie au nouvel

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1 ordre mondial et à la mondialisation dans cette partie de l'Europe."

2 Voyons les choses d'un peu plus près. Vous souhaitez que les Juges de cette

3 Chambre apprécie Mme Budding, venu d'un pays étranger, et pas à sa demande,

4 je peux vous l'assurer, pour aider le Tribunal, vous dites qu'elle est un

5 lit de la société et un laquais, c'est bien cela ?

6 R. Ce n'est pas d'elle que je parle, mais des satellites serbes qui

7 suivent sa trace.

8 Q. Alors, justifiez vos avis au sujet de Mme Budding, je vous prie, et

9 nous attendrons que vous l'ayez fait. Vous n'avez pas eu la décence dans

10 votre rapport d'en arriver aux détails et d'expliquer pourquoi vous

11 qualifiez de cette façon une collègue universitaire comme vous, M. le

12 Professeur Popov, donc, je vous donne la possibilité de le faire

13 maintenant.

14 R. Je suis arrivé à cette conclusion sur la base de la lecture de son

15 rapport qui m'a permis de conclure qu'elle ne connaissait pas bien

16 l'histoire serbe et que le Tribunal -- ou plutôt l'Accusation a choisi une

17 personne qui ne convenait pas en qualité d'expert. Elle a, effectivement,

18 lu des ouvrages sur l'histoire serbe du XXe siècle qui a fait l'objet de sa

19 thèse de doctorat, mais elle circule également de façon tout à fait

20 confortable dans le Moyen Age serbe, alors que, manifestement, elle n'en a

21 pas tout à fait les compétences suffisantes, ainsi que dans l'histoire du

22 XIXe siècle serbe. Monsieur Milosevic, dans le contre-interrogatoire de Mme

23 Audrey l'a démontré à l'envi.

24 Q. Cela ne suffit pas. Vous parlez d'une universitaire, une collègue à

25 vous en disant qu'elle est le lit de la société et un laquais. Je vous

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1 demande d'expliquer en détail comment vous osez affubler de ce genre de

2 qualificatifs l'auteur d'un rapport sérieux.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je ne pense pas que

4 le terme de "laquais", comme le professeur vient de l'expliquer.

5 M. NICE : [interprétation] Vous avez tout à fait raison. Mais en tout cas,

6 le mot "lit de société" suffira.

7 Q. Pouvez-vous, professeur Popov, entrer dans le détail et nous expliquer

8 comment vous pouvez décider de décrire un expert de cette façon au

9 Tribunal ?

10 R. D'abord, je ne sais pas si Mme Budding est universitaire, peut-être

11 l'est-elle, mais ce qu'elle écrit crée la confusion, car elle mélange des

12 critères historiques datant du Moyen Age, du XIXe siècle et du XXIe siècle.

13 Or, l'une des bases, l'un des éléments primordiaux de la méthode historique

14 définie par le philosophe historien Dukaj consiste à penser que chaque

15 élément de l'histoire doit être replacé dans le contexte de son temps, et

16 pas dans le contexte de notre époque. Nous pouvons parler à notre époque,

17 le Tribunal peut se prononcer, car nous avons certains éléments pour en

18 juger. Mais il faut replacer les choses dans leur contexte. En tout cas,

19 cela doit être une tentative de l'historien.

20 Mme Budding n'a pas cette qualité. C'est d'ailleurs la base du caractère

21 insuffisant de son travail qu'elle a soumis au Tribunal. Elle parle du

22 Sardusin. Elle juge du Garasanin Nacertanije et d'un certain nombre de

23 questions à partir de la perspective du XXe siècle et de la mondialisation

24 en cours.

25 Q. Nous reviendrons sur le Garasanin Nacertanije dans une minute. Mais

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1 vous remarquerez que le rapport de Mme Budding ne s'est pas centré sur

2 l'histoire ancienne, mais sur le XXe siècle. Je vais vous donner la

3 possibilité de vous exprimer sur ce point. Vous ne l'avez pas encore fait.

4 Prenons un autre document qui existe, je ne le crains, qu'en version

5 anglaise. Il sera placé sous le rétroprojecteur. Nous n'avons pas retrouvé

6 la version originale B/C/S qui existe sans aucun doute. Mais cela ne fait

7 rien.

8 [problème technique] (page 84, ligne 14 à la page 85, ligne 6)

9 R. [aucune interprétation]

10 Q. [interprétation] Est-ce que vous considérez que le droit international

11 fait partie de vos attributions, Monsieur Popov ?

12 R. Non, mais je sais en tout cas que des institutions de ce type ou les

13 Nations Unies sont désignées par l'assemblée générale, ce qui est vrai,

14 remet en cause en partie la légalité de ce Tribunal. C'est ce que

15 j'entendais lorsque j'ai signé ce document.

16 Le deuxième point, je crois que c'est quelque chose qui est vrai au jour

17 d'aujourd'hui. C'est ceci : Radovan Karadzic n'est pas un criminel --

18 Q. Nous allons voir ce que vous pensez.

19 "Les manœuvres récentes du Tribunal de La Haye ne peuvent pas cacher les

20 crimes commis par les Musulmans, les crimes abominables par les Musulmans

21 et les Croates contre les Serbes." Quelles sont ces allégations, si vous

22 pourriez nous en parler en détail ?

23 R. Ce sont des crimes perpétrés dans les camps, dans le Podrinje de la

24 Bosnie, dans l'incendie du village de Kravica puis un grand crime sur la

25 Drina. Je n'arrive plus à me souvenir du nom de la localité.

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1 Q. Soyez clair, comme vous le savez, ce Tribunal -- Mme le Procureur est

2 ici présente dans cette salle d'audience et nous poursuivons les personnes

3 coupables de chefs d'accusation de part et d'autres dans ce conflit. Nous

4 menons les enquêtes et nous les poursuivons en justice. Vous avez des

5 éléments qui permettent de suggérer qu'il y a certaines catégories qui se

6 sont livrés à la suppression. Si tel est le cas, parlez-nous en s'il vous

7 plaît. Vous n'êtes pas obligé de le faire. Vous avez décidé de le faire.

8 R. Personne ne m'a forcé de le faire, en effet.

9 Q. "Le principal objectif du Tribunal de La Haye est bien évidemment de

10 discréditer, de diaboliser et d'humilier les Serbe tout en déclarant que M.

11 Radovan Karadzic est le principal coupable pendant la guerre qui a été

12 menée par les trois parties."

13 Est-ce que c'est ce que vous pensez ?

14 R. Ce n'est pas ce que je pense, c'est ce que je sais. Je sais que la

15 guerre en Bosnie a commencé par le meurtre d'un Serbe à des funérailles.

16 Q. Si vous souhaitez que je lise l'ensemble du paragraphe : "Tout ceci

17 est déjà clair en bas de page que la pression exercée par la communauté

18 internationale sur Radovan Karadzic n'a pas de fondement juridique, et n'a

19 rien à voir avec le droit international."

20 De l'autre côté de la page : "La pression sur le Dr Radovan Karadzic,

21 c'est en réalité une pression exercée sur l'ensemble du peuple serbe, et ce

22 sont les éminences grises, des grands puissances, qui tentent de paralyser

23 les activités politiques sociales du peuple serbe, en tentant d'isoler

24 complètement le Dr Karadzic, et de procéder à son arrestation."

25 Vous êtes un universitaire notoire, vous êtes sérieux, vous avez lu

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1 ce document, et vous avez compris son contenu avant d'y apposer votre nom ?

2 Q. Simplement la date ici, 1997. La vérité de Srebrenica était connue du

3 monde en 1997. Les allégations mises en avant par les Nations Unies et ce

4 Tribunal ont été connues de tous en 1997. Saviez-vous qu'il n'y avait

5 aucune responsabilité -- aucune responsabilité n'a été portée pour les

6 événements de Srebrenica sur des personnes comme Radovan Karadzic et

7 Mladic ? Est-ce votre position ? Mladic n'est pas évoqué ici, mais Karadzic

8 simplement. Et vous saviez tout ceci ?

9 R. Je sais ce qui suit : depuis 1992 et 1993, il y a eu de terribles

10 pertes à Bratunac, c'est la localité dont je n'ai pas gardé le nom en

11 mémoire tout à l'heure et personne n'a bougé le petit doigt. Pour ce qui

12 est maintenant de Srebrenica, ce n'est qu'à ce moment-là, qu'on a entendu

13 des rumeurs. Encore, ce ne sont pas des choses prouvées. On manipule avec

14 les chiffres. On a parlé de 2 500 victimes. On en est arrivé à 9 000.

15 C'est ainsi que oui -- en effet, c'est ainsi que cela a commencé. On a

16 affirmé 2 500, puis 5 000, 7 500, puis on en est arrivé presqu'à 9 000. Ce

17 est égal. Un crime est un crime, entendons-nous bien.

18 Q. Les termes que vous utilisiez sont très importants, lorsque vous êtes

19 un expert et un universitaire. S'il vous plaît, soyez clair. Vous dites

20 dans votre témoignage que les chiffres ont été "manipulés". Il s'agit des

21 chiffres simplement qui ont été présentés puisque différentes fosses

22 communes ont été trouvés. Pourquoi avez-vous utilisé le terme "manipulé" ?

23 R. Aux fins d'appuyer, de sous-tendre ces exigences visant à condamner

24 l'accusé ici présent -- pour le condamner pour génocide, pour sous-tendre

25 les demandes de réparation faites par la Bosnie-Herzégovine à l'égard de

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1 Serbie, et afin de présenter le peuple serbe comme étant une nation

2 criminelle. A mon avis, c'est véritablement une manipulation. Soyez

3 réaliste. Imaginez que l'on a abattu effectivement 9 000 personnes. Qui

4 est-ce qui serait à même d'enterrer tous ces gens-là en l'espace de

5 quelques jours ?

6 Q. Je veux savoir si j'ai bien compris. Vous vous présentez comme étant

7 quelqu'un qui est en mesure de présenter son point de vue devant ce

8 Tribunal sur la précision factuelle portant sur le nombre de personnes et,

9 par conséquent, le nombre de personnes, le nombre de familles qui ont perdu

10 des membres de la famille à Srebrenica ?

11 R. [problème technique] (page 88, lignes 10 à 14)

12 Q. En bas de la page, pour gagner du temps, quelque chose où vous avez

13 sans doute d'autres éléments à nous fournir :

14 "La campagne contre Dr Radovan Karadzic, et les pressions qui ont

15 continué à être exercés n'ont aucun fondement par rapport aux faits précis.

16 Les falsifications ont été utilisées dans les documents pour impressionner

17 le public, pour ne pas présenter la vérité, de remplacer des mensonges qui

18 ont été montés de toute pièce. L'opinion publique dans la région, et au

19 plan international -- ont été informés de tout ceci, mais ni les Serbes, ni

20 le Dr Karadzic ne sont responsables de l'incident de la place du marché de

21 Markale. Ceux qui sont à l'origine de tous ces mensonges -- Izetbegovic et

22 ses compagnons -- ont été découverts."

23 Ceci est déclaration qui est très importante. Nous savons qu'il

24 s'agit là d'un sujet très controversé. Vous êtes un universitaire. Est-ce

25 que vous dites dans votre témoignage que vous vous reposez sur cette

Page 34575

1 opinion qui a été proposée sur un sujet que la Chambre doit examiner ?

2 M. KAY : [interprétation] Puis j'intervenir ici ? Il s'agit d'un

3 universitaire, d'un historien, qui donne son témoignage devant cette

4 Chambre aujourd'hui, et se fonde sur un rapport portant sur la Grande

5 Serbie. Si on lui pose des questions sur des sujets apparemment présentés

6 par l'Accusation qui le discrédite -- mais dans ce cas-là, nous nous

7 éloignons du domaine en question, qui est le sujet de son témoignage. Si

8 son rapport, qui est soumis à cette Chambre, porte sur ces éléments-là, si

9 nous allons lui demander quel est son avis sur le massacre de la place de

10 marché de Markale, si nous allons lui demander quels sont ses points de vue

11 sur Srebrenica et toutes ces autres questions --

12 J'avance que ceci ne pourra pas aider beaucoup le Tribunal, que de traiter

13 de ces autres aspects, et de son point de vue sur ces autres questions

14 contenues dans son rapport car il s'agit ici des questions historiques, des

15 données historiques, plutôt que de questions politiques actuelles, et à la

16 manière dont s'est présentée aujourd'hui.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Mais, en réalité, il a signé ce

18 document, et je crois que le Procureur est tout à fait autorisé à teste la

19 crédibilité de ce témoin en lui posant ce type de question.

20 M. NICE : [interprétation] Je n'espère que vous n'aurez pas pour très

21 longtemps, non plus pour très longtemps.

22 Q. Nous allons passer à la dernière page, et voir s'il y a quelque chose

23 qui pourrait nous aider.

24 R. J'ai une réponse à votre question précédente sur le massacre de la

25 place du marché de Markale.

Page 34576

1 Q. Je vous en prie.

2 R. C'est ainsi : en Amérique, je crois que c'est à Boston ou à Chicago, il

3 y a un journal qui s'appelle "Etudes serbes", qui a publié un rapport

4 secret. Il s'agit d'un rapport émanant d'une commission militaire de la

5 SFOR, qui s'était une commission militaire internationale d'officiers de

6 différents armes qui se sont penchés sur le soi-disant bombardement de

7 Markale. C'est un rapport d'une cinquantaine de pages.

8 Je vais juste vous citer les conclusions présentées par cette commission.

9 Cela était remis au conseil de Sécurité. Cela n'a jamais été publié dans

10 l'opinion. Cela me revient à l'esprit, ce n'est peut-être pas -- c'était

11 peut-être la raison pour laquelle je n'ai pas cité cela. Il a été publié

12 donc ce rapport, où les conclusions disent ce qui suit : ce jour-là, du

13 côté serbe, il n'y a pas eu un seul obus de tiré. Ce jour-là, il y a eu des

14 obus de tirés à partir des positions musulmanes. L'un des membres de cette

15 commission, un officier français, a même dissocié son opinion pour affirmer

16 qu'il n'y a pas eu de bombe, mais que l'explosion elle était venue du sol.

17 C'est la conclusion qu'il a tiré en observant le Markdale marché, les

18 toitures de ces étalages.

19 C'est ce que j'avais à l'esprit. Je ne peux pas vous le présenter, je n'ai

20 pas osé le faire à vrai dire, parce que je n'ai pas l'accord du comité de

21 rédaction, et de l'auteur de cet avenant de ce texte.

22 Q. Vous souvenez, professeur Popov, je vous ai renvoyé vers ce paragraphe,

23 et je vous ai posé cette question. Je vous ai dit que vous avez

24 certainement d'autres éléments à nous fournir ici, car nous avons entendu

25 un certain nombre de choses sur l'incident de Markale, y compris des points

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1 de vue différents. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir ceci. Il faut

2 supposer les éléments de preuve, et nous pouvons simplement nous concentrer

3 sur un seul rapport [comme interprété]. Ce discours enflammé, ce rapport

4 est celui sur lequel vous avez apposé votre signature. Dans quelques

5 instants, je vais regarder vos notes en bas de page.

6 Comment pouviez-vous apposer votre signature à un rapport comme celui-ci,

7 en agissant simplement en tout cas, il s'agit, d'un rapport qui ne présente

8 qu'un seul point de vue ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais patienter pour que M. Nice remette ses

10 écouteurs.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, veuillez remettre vos

12 écouteurs.

13 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.

14 R. Il n'y a pas que cet incident, mais l'incident que j'ai mentionné est

15 si grave et si sérieux qu'il remet en question toutes les autres situations

16 au sujet desquels les Serbes sont accusés. Bien entendu, dans une guerre

17 civile, les crimes sont multiples de toute part et ont diminué la qualité

18 ou la quantité d'un crime pour dire qu'il y en a 2 500 ou 5 000 ou 7 500.

19 Cela ne signifie rien. Même s'il n'y a eu que deux victimes, c'est quand

20 même un crime. Mais c'est là une chose a prouvé et non pas accuser d'avance

21 et interdire -- non pas seulement les activités politiques de quiconque

22 mais la totalité des activités avant même que quoi que ce soit ne soit

23 prouvé.

24 Q. Bien. Voyez-vous, j'ai maintenant examiné vos notes en bas de page dans

25 le peu de temps qu'il m'était imparti pour le faire. Avez-vous dans votre

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1 rapport présenté et examiné les arguments -- avez-vous examiné la

2 littérature en général et avez-vous examiné de part et d'autre les

3 différents éléments, et c'est la raison pour laquelle vous êtes parvenu à

4 cette conclusion dans le même cas qu'avec le Dr Karadzic, vous avez utilisé

5 les documents et les éléments qui vous permettaient de parvenir à cette

6 conclusion favorable.

7 R. J'ai suivi très attentivement à l'époque jusqu'à une dizaine d'années

8 l'historiographie croate. J'ai lu et suivi l'historiographie française,

9 allemande, en partie, l'historiographie anglaise, l'historiographie serbe,

10 bien entendu. Par conséquent, toutes mes conclusions se fondent sur des

11 milliers de livres et articles, et études lus, ce qui fait que je ne puis

12 me reprocher rien du tout. Si vous voulez un exemple pour ce qui est

13 d'avoir prêté davantage froid à une historiographie que j'ai mentionnée ici

14 plutôt qu'à des études que je n'ai pas mentionnée, mais que j'ai toutefois

15 lues. Si cela vous intéresse, je peux vous donner des exemples.

16 Q. Je vais simplement terminer avec cette déclaration. Ensuite, je me

17 pencherais sur les notes en bas de page.

18 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que la page

19 restante est une page redondante. Est-ce que nous pouvons donner un numéro

20 de cote, s'il vous plaît, à ce document ?

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur les Juges, il s'agit -- cette

22 déclaration demandant -- faisant état des chefs d'accusation contre le

23 Tribunal pénal international contre le Dr Radovan Karadzic étant abrogée

24 datée de 1997. C'est une pièce de l'Accusation P803.

25 M. NICE : [interprétation] Pardonnez-moi. J'aurais dû en premier lieu

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1 parler des extraits de Epoha qui devrait comporter un numéro avant celui

2 qui vient d'être cité. Très bien.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] La collection Epoha aura le numéro P803,

4 et la déclaration à laquelle il vient d'être fait référence P804.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

6 M. NICE : [interprétation] Bien.

7 Q. Monsieur le Professeur, je vais m'en tenir aux deux sujets. Nacertanije

8 et 1986, je ne sais pas exactement la date, le mémorandum de cette date-là.

9 Pourriez-vous m'apporter votre concours, s'il vous plaît, en regardant vos

10 notes en bas de page ? Pourriez-vous m'indiquer quelle littérature où vous

11 avez utilisée à laquelle vous avez fait référence dans vos notes, et qui

12 avance un point de vue différent sur Nacertanije que celui que vous avez

13 présenté dans vos rapports et que nous avons vu jusqu'à présent ?

14 R. Vous savez comment on fait, M. Nice, en historiographie, on prend appui

15 sur un document de source, et non pas, sur une interprétation. Il s'agit

16 d'abord de lire le document à la source, et ensuite, tirer des conclusions

17 au sujet des différentes interprétations qui en sont faites. Sinon, je

18 dirais -- mise à part cela, je dirais que le document a été publié six fois

19 jusqu'à présent. J'aurais pu prendre n'importe quelle version, et j'ai fait

20 la chose. J'ai comparé une édition de 1939 et une édition de 1993. J'ai

21 constaté que mis à part quelques petites interventions de nature

22 orthographique, il n'y a pas eu de changement. Mais Nacertanije a été

23 publié en 1936 déjà. Je n'avais rien d'autres à chercher si ce n'est que de

24 prendre le Nace Tania et le lire.

25 M. NICE : [interprétation] Lorsque nous en venons au mémorandum, je vais

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1 peut-être devoir revenir à ceci. Je crois, Messieurs les Juges, que je ne

2 vais pas pouvoir terminer aujourd'hui, et je me rends compte que je vais

3 pouvoir terminer demain. Je vais examiner un certain nombre de choses cette

4 nuit donc ce soir.

5 Q. Lorsque nous en revenons au mémorandum, vous parlez de Kosta Mihailovic

6 qui est le témoin suivant, Vasilije Krestic, comme étant l'auteur du

7 mémorandum. Mais nous n'avez fait aucune référence à la littérature qui est

8 critique l'objet et le but de ce mémorandum, n'est-ce pas, et de ces effets

9 ?

10 R. Je vous dis une fois de plus que j'ai lu le mémorandum lui-même. J'ai

11 lui aussi certaines critiques qui ont été publiées à l'époque. Je me

12 satisferais en vous apportant une petite explication. Je suis assez pressé

13 aussi moi-même à vrai dire. L'un des critiques les plus virulents, et je

14 l'ai dit dans mon rapport, l'un des critiques les plus virulents de ce

15 mémorandum était au responsable ex-communiste qui se trouvait être au

16 premier ministre serbe, et ministre des Affaires étrangères à l'époque

17 Milos Minic. Il a accusé l'Académie serbe des sciences et des arts en

18 disant qu'ils assumeraient la culpabilité du conflit entre les groupes

19 ethniques qui surviendraient. Quelle est la conclusion qu'il a réussi à

20 tirer de tout ceci ? Je vais vous citer : "Etant donné que les deux portent

21 sur le mémorandum au niveau des observations relatives, Minic n'a pu tiré

22 aucune autre conclusion si ce n'est celle de voir là un diagnostique exact

23 de la situation en Yougoslavie dans les années 80 du XXe siècle. Il trouve

24 que c'est là une analyse judicieuse des conséquences qui risquent de

25 survenir si la situation n'était pas modifiée. Cela me semblait assez

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1 acceptable ou plutôt acceptable, dirais-je, parce que lorsque j'ai lu le

2 mémorandum, j'ai constaté qu'il s'agissait d'un diagnostique relatif à la

3 situation -- une sonnette d'alarme pour essayer de sortir -- de trouver un

4 issu à cette situation. Maintenant pour ce qui est de l'analyse du

5 mémorandum en tant que tel vous allez probablement en entendre parler de la

6 bouche même de l'un de ces auteurs.

7 Q. Simplement, avant de poursuivre, alors que je l'ai à l'esprit, un des

8 points que j'ai à l'esprit, Mme Budding, sur lequel vous faites des

9 commentaires a présenté un résumé sur la signification de ce mémorandum.

10 Elle s'est exprimée de cette façon. Il s'agit là d'un indicateur important

11 des éléments à l'appui en 1986 des affirmations acceptées par des

12 représentants influents de l'élite intellectuel serbe. Elle poursuit en

13 disant, pour être le plus clair possible. Il s'agissait de l'existence d'un

14 système de croyance inscrit dans le mémorandum plutôt que le mémorandum

15 lui-même qui a influencé la dissolution -- qu'il y ait eu un effet sur la

16 dissolution de la Yougoslavie. Je pense que vous n'êtes pas en désaccord

17 avec cette conclusion-là de Mme Budding, n'est-ce pas ?

18 R. Vous venez de me fournir un exemple extraordinaire de conclusion tirée

19 de façon non conforme au travail d'un historien. Vous êtes en train de

20 parler de l'esprit plutôt que du texte lui-même. Ce n'est pas là une chose

21 que fait un historien.

22 Q. Vous n'êtes pas d'accord avec sa conclusion car on vous a posé des

23 questions ayant une portée plus importante.

24 R. Bien sûr que je -- bien sûr, c'est une approche assez normative, je

25 crois, de la vie. Vous regardez ce qui est en noir en blanc. C'est une

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1 approche Nacertanije et vous ne vous préoccupez pas trop des conséquences

2 de ce système Nacertanije, n'est-ce pas ?

3 R. Ce que je fais, c'est me référer aux méthodes de Leopold Ranke, qui a

4 établi les sciences historiques, qui est le fondateur des sciences

5 historiques. S'agissant maintenant du mémorandum, je ne vois pas qu'il

6 s'agisse là d'une lettre noire sur du papier blanc. Au contraire. C'est une

7 tentative de remplacer une feuille noire par une feuille blanche. Si l'on

8 va s'exprimer de façon métaphorique.

9 Je ne parle du XIXe siècle que pour aborder la question de non certaine car

10 vous en avez beaucoup parlé. J'estime que vous avez été assez partial dans

11 votre analyse. A l'intercalaire 2 de votre pièce, à moins que ceci n'ai été

12 changé suite à la traduction et malgré cela, nous avons été en mesure

13 d'obtenir une traduction sur Internet et c'est ce que nous n'avons pas pu

14 faire mieux.

15 R. Mais je vous l'ai apporté Nacertanije en tant qu'élément de preuve.

16 Encore une perte de temps.

17 Q. Non. Cela n'est pas de votre faute, Monsieur le professeur Popov si ce

18 texte n'a pas été traduit. Est-ce que vous pouvez être d'accord avec les

19 trois propositions que je vais vous faire.

20 M. Nacertanije a promu l'idée d'une restauration des frontières serbes le

21 long des frontières médiévales tout en créant un état à l'intérieur de ses

22 frontières de ses groupes ethnique. Est-ce que vous êtes d'accord avec

23 cela ?

24 R. Le premier élément que vous avez cité, à savoir la promotion de la

25 Serbie dans ses frontières médiévales, cela constitue précisément une

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1 preuve disant que le Nacertanije n'est pas étudié dans le contexte de son

2 temps. Lorsque le Nacertanije était rédigé par des immigrés polonais et

3 Iliya Garasanin, personne au monde ne pouvait savoir ce qu'étaient l'Etat

4 serbe et l'Empire serbe. Les frontières n'étaient pas connues. L'histoire,

5 l'historiographie n'a connu, n'a découvert cela qu'après les années 1970 et

6 1980. Cela était plutôt présent dans l'inconscient de la population en tant

7 que tradition, en tant que quelque chose qui aurait été relaté par la

8 poésie héroïque et épique, mais on pourrait dire que cela durait depuis 200

9 ans cet empire, or, il n'a duré que 25 ans. Iliya Garasanin et Chartoriski,

10 qui a donné des instructions à celui-ci, Adam Chartoriski, ne le savaient

11 pas. Il se référait --

12 Q. Je vais vous demander de regarder deux extraits de Nacertanije. Peut-

13 être que vous voulez réserver vos commentaires pour cette lecture-là. Je

14 vous ai parlé de la mise en place d'un état ethnique au sein des frontières

15 et je vais vous demandez si elle tenait compte également des ambitions

16 géostratégiques de l'ouverture sur la mer.

17 R. C'est exact. Il, le Nacertanije, traitait des frontières ethniques et

18 on peut prouver que, dans la majeure partie, dans 90 % des cas, Iliya

19 garasanin a bien identifié les frontières ethniques serbes partant des

20 appréciations et des recensements de la population en Turquie entre 1964,

21 c'est l'appréciation faite ou l'évaluation faite par Xhevdet Pasha. Cela a

22 été publié par une historienne française dans une revue pakistanaise. Le

23 recensement de la population de Bosnie-Herzégovine faite par les autorités

24 autrichiennes en 1889. Quand vous comparer les deux, vous pouvez constater

25 qu'Ilija Garasanin avait raison lorsqu'il a compté le territoire de la

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1 Bosnie-Herzégovine comme étant un territoire ethnique, un territoire

2 ethniquement serbe, d'autant plus qu'à l'époque, les Musulmans n'étaient

3 pas considérés comme constituant une identité ethnique.

4 Q. Je prends le temps d'évoquer ces questions-là. Vous avez essayé de

5 diminuer l'idée de la Grande Serbie. Ce que nous voyons, Ilija Garasanin et

6 Nacertanije se trouvent illustrer dans les plans élaborés au XXe siècle par

7 la Serbie. Autrement dit, les frontières ethniques correspondant à l'état

8 médiéval et l'ouverture sur la mer, n'est-ce pas ?

9 R. Je n'ai jamais dit, et vous avez écouté, les propos qui sont tenus à

10 l'occasion de l'interrogatoire principal, de la part de M. Milosevic. Je ne

11 me souviens pas avoir dit à quelque endroit que se soit que la Serbie en

12 1990 essayait de réaliser les idées d'Ilija Garasanin parce qu'entre-temps,

13 donc au fil de ces 150 ans écoulés, la situation avait grandement changée.

14 Q. Je vais devoir demander l'aide de M. l'Huissier ainsi que votre aide,

15 Monsieur Popov, pour traiter de ce point. Nous avons attendu une traduction

16 d'une pièce à la Défense qui ne nous est pas parvenu. Nous avons une

17 traduction intégrale fournie sur Internet qui n'a pas pu être photocopiée,

18 mais nous souhaitons le placer à l'écran du rétroprojecteur afin que nous

19 puissions tous suivre.

20 Si vous auriez l'amabilité s'il vous plaît de bien vouloir lire, pardonnez-

21 moi si vous n'avez pas une version traduite. Je vous demande de bien

22 vouloir regarder l'intercalaire numéro 3.

23 R. Mais j'ai le texte que cette demoiselle du grief m'a repris. Parce que

24 l'on a affirmé que la copie que vous aviez était peu lisible. On m'a repris

25 la mienne. Je ne peux pas la citer parce que l'on ne me l'a pas rendu.

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1 Q. L'exemplaire -- Bien. Je vais vous lire la première phrase maintenant

2 de ce document traduit. Je vais vous demander de nous le retrouver dans le

3 texte original s'il vous plaît. Donc je vous fournie maintenant un

4 exemplaire de la pièce originale et sans doute vers le début, la première

5 phrase se lit comme suit : "L'Etat Serbe qui a déjà bien démarré, amis doit

6 tenter de s'étendre --"

7 R. Je n'arrive pas à le retrouver, mais peu importe. Je crois que la

8 traduction ne correspond pas à l'originale. Mais, il faut dire ce qui suit

9 : Garasanin a parlé de l'annexion de territoire ethniquement serbes à cette

10 principauté de la Serbie. C'est en substance, son programme.

11 Q. Pensez-vous, d'après vous, dans cette version traduite, est-ce que vous

12 estimez ce qu'il s'agit ici d'un reflet exact des propos de Garasanin :

13 "L'Etat Serbe qui a déjà bien démarré, mais doit tenter de s'étendre et de

14 devenir plus fort. Et fortement ancré dans l'empire Serbe des XIIIe et X1Ve

15 siècle. Et dans l'histoire très riche de la Serbie empreint de gloire. Nous

16 savons que les dirigeants serbes ont commencé à occuper les positions

17 qu'occupaient les dirigeants de l'Empire grec (bizantins) aux fins de

18 succéder à l'empire déchu du Saint Empire romain et le remplacer par un

19 Empire serbo-slave." Il s'agit ici de la page 153 du texte original et

20 droite ici, la colonne de droite, le premier paragraphe ici u Juge Kwon,

21 intercalaire numéro 2.

22 R. Oui, je viens de le retrouver.

23 Q. Est-ce que vous êtes d'avis, comme je viens de vous le suggérer un peu

24 plus tôt, que ceci assure ou promeut l'État Serbe le long de ses anciennes

25 frontières ethniques.

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1 R. Je sais bien que cela est la frontière médiévale dans la mesure où les

2 connaissaient Adam Chartoriski et Alija Garasanin, mais ils ne savaient pas

3 qu'il n'y avait d'empire serbe au XIIIe et XIVe siècle. Il y avait une

4 principauté. Il y avait un royaume. Il y avait un despote à la tête de

5 l'État. Les frontières ont constamment changé, évolué. Le fait que le

6 peuple serbe est connu, un passé glorieux, là, le doute n'existe point.

7 M. NICE : [interprétation] Si M. l'Huissier, veut bien maintenant nous

8 montrer le passage en question. Nous commençons à la page 153 à

9 l'intercalaire numéro 2. Nous avons ceci.

10 Q. Ensuite, Monsieur le Professeur Popov, si nous considérons le renouveau

11 de l'empire serbe de ce point de vue, ou cet angle, ensuite, les autres

12 Slaves du sud comprendront aisément cette idée, et l'accepteront avec joie.

13 Car dans aucun pays d'Europe sans doute, dans la mémoire historique n'y a-

14 t-il eu un passé dont on se souvient autant que la période passée sous

15 l'emprise sous le joug turque. Chose dont on se souvient très bien.

16 R. Que vais-je vous répondre ? Où la question ?

17 Q. Il s'agit de l'histoire médiévale et des frontières médiévales qui ont

18 été proposées, et je crois qui sous-tendaient l'idée de la conception de la

19 nation d'une Grande Serbie qui a été développée par la suite, et qui a reçu

20 cette appellation par la suite.

21 R. La signification dont il est question de Grande Serbie ici, ce n'est

22 pas celle-là. Cela signifie la création d'un Etat serbe unifié qui

23 ressemblerait la population serbe toute entière ou la majeure partie de

24 celle-ci en son sein. Ce n'est pas une idée de création de grand Etat.

25 C'est l'idée qui prévalait dans toute l'Europe du XIXe siècle. Les Serbes

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1 avaient le droit d'avoir la même idée. Maintenant, se référer à l'histoire

2 médiévale, c'est parce qu'il ne voulait pas se référer à des méthodes

3 révolutionnaires. Il a dit qu'il n'allait pas avoir recours à des méthodes

4 révolutionnaires, mais qu'il recourrait à l'application de ce qu'il appelle

5 le droit historique.

6 M. NICE : [interprétation] Monsieur les Juges, je ne sais pas si vous

7 souhaitez faire une pause, mais je souhaite dire ceci. A maintes reprises,

8 nous sommes désavantagés par le fait que nous n'avons pas des documents qui

9 ont été traduits, et avec ce témoin, je vais prendre la décision d'écourter

10 d'autant les questions que je vais poser, car je manque de documents. Cela

11 n'est pas de la faute du témoin. Mais ceci prend plus de temps que si

12 évidemment les documents avaient été préparés correctement. Je souhaite

13 également apporter une autre correction ou plutôt faire un rappel ici, et

14 rappelez à la Chambre ainsi qu'à l'accusé, que dans mes déclarations

15 liminaires devant cette Chambre, je n'ai jamais au nom de l'Accusation, je

16 me suis reposé sur le terme -- ou utiliser le terme "Grande Serbie," j'ai

17 utilisé le terme une fois par rapport à M. Seselj, et à deux occasions,

18 j'ai évoqué le concept de tous les états dans un seul et même État. La

19 phrase ou l'expression "Grande Serbie," n'a été mis dans la bouche de

20 l'accusé et qui a été un concept qui a été mentionné par bon nombre de

21 témoins. Bien sûr, nous ne pouvons pas contrôler ce qu'ils disent, et leurs

22 analyses et compréhensions de ces [imperceptible]. Mais pour ce qui est de

23 l'Accusation, nous sommes -- nous faisons particulièrement attention

24 lorsque nous parlons de cette question, et je n'ai jamais évoqué ce terme-

25 là lors de ma déclaration liminaire.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela ne figure pas dans l'acte

2 d'accusation.

3 M. NICE : [interprétation] C'est vrai que le terme figure dans un des actes

4 d'accusation. Bien sûr, non pas dans mes déclarations liminaires dans le

5 sens où nous représentons -- une représentation générale. Nous avons

6 toujours parlé de tous les Serbes dans une seul et même État, et toujours

7 utilisé le terme tel qu'il a utilisé pour modeler les opinions des autres.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Nous allons suspendre

9 l'audience et reprendre demain matin à 9 heures.

10 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le jeudi 16 décembre

11 2004, à 9 heures 00.

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