Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 12 janvier 2005

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez continuer votre

7 interrogatoire principal Monsieur Milosevic.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

9 LE TÉMOIN : PATRICK BARRIOT [Reprise]

10 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]

11 Q. [Interprétation] D'après ce que vous en aviez eu vent, et c'est que

12 l'on s'était arrêté, l'Amérique a participé à cette opération Tempête,

13 opération où plus de 200 000 Serbes ont été chassés. Lord Owen a d'ailleurs

14 qualifié la chose de nettoyage ethnique le plus important en ex-Yougoslavie

15 pendant ces conflits de la Yougoslavie. Il y a eu beaucoup de victimes

16 parmi les civils. Un membre permanent du conseil de Sécurité prend part au

17 nettoyage ethnique qui a été entamé dans des secteurs protégés des Nations

18 Unis qui ont placé ces secteurs sous la protection du conseil de Sécurité.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

20 M. NICE : [interprétation] Ceci n'est plus une question, mais une

21 déclaration. Dans sa première partie, il dit : "Pour autant que je le

22 sache, les Etats-Unis ont pris part à cette opération Tempête où l'on a

23 expulsé plus de 200 000 Serbes". On parle ici d'une soi-disant implication

24 des Etats-Unis dans cette opération Tempête et on parle des résultats. En

25 guise de résultat, il y a une question tendancieuse et je crois que

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1 l'accusé devrait être amené à poser des questions de façon claire.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Ce n'est pas suffisamment

3 pertinent. Je ne vais pas vous permettre de poser cette question.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas pourquoi M. Nice est si nerveux

5 à ce sujet.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Posez une autre question, j'ai déjà

7 décidé concernant la question précédente.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Monsieur Barriot, nous nous sommes interrompus hier lorsque vous avez

10 apporté des explications au sujet du fait que sans autorisation quelle

11 qu'elle soit de la part des Nations Unies, les Américains ont pris part à

12 cette opération Tempête. Je vous demande de nous dire ce que vous savez au

13 sujet de cette opération.

14 R. Oui, Monsieur le Président, ma réponse va être très claire. Il ne

15 s'agit pas d'une soi-disant implication des Etats-Unis comme vient de le

16 souligner Monsieur le Procureur Nice. Il s'agit d'une implication avérée et

17 évidente et d'une implication à un double niveau. D'une part, d'une

18 implication militaire directe, puisqu'au premier jour de l'opération

19 Tempête, l'aviation américaine, deux chasseurs bombardiers venus du porte-

20 avion Theodore Roosevelt ont bombardé les positions de Knin. Donc

21 intervention directe de l'armée américaine au cours, qui a donné lieu au

22 tout début de l'opération Tempête et qui était destinée à sécuriser

23 l'espace aérien de la Krajina pour que l'aviation croate puisse intervenir.

24 Deuxièmement, intervention indirecte au travers de la société militaire

25 privée, Military Professional Resources Incorporated, qui est, on le sait

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1 bien, une société militaire privée qui dépend du Pentagone. Les

2 spécialistes de MPRI sont intervenus à la fois en tant qu'instructeurs et

3 conseillers de l'armée croate pour réaliser l'opération Tempête, mais on a

4 vu également des instructeurs de MPRI au cours de l'opération Tempête sur

5 le sol de la Krajina et en particulier dans Knin. Cela a été déclaré sans

6 ambiguïté par des soldats canadiens qui étaient présents dans Knin à ce

7 moment-là.

8 L'implication des Etats-Unis n'est pas une soi-disant implication,

9 mais une implication directe, à la fois directe et indirecte et avérée.

10 Q. Veuillez nous dire, je vous prie, si vous avez pu voir dans la Krajina

11 du temps des conflits entre les forces musulmanes d'un côté et les forces

12 musulmanes de l'autre dans la poche de Bihac et, d'après les renseignements

13 dont je dispose, serait-il exact de dire qu'il y a eu quelques 40 000

14 réfugiés musulmans accueillis par la Krajina ?

15 R. Oui, je confirme ces faits qui se sont déroulés à l'été, durant l'été

16 1994. Le 5e Corps de l'armée bosniaque dans la poche de Bihac qui était

17 commandé par le général Atif Dudakovic et passé à l'attaque en particulier

18 dans la région de Velika Kladusa et a expulsé de l'ordre de 40 000

19 Musulmans fidèles à Fikret Abdic. Ces

20 40 000 Musulmans ont été expulsés vers la Krajina. Ils ont été recueillis

21 dans deux camps que j'ai visité moi-même en particulier avec les

22 responsables de l'UNHCR. A l'époque, il s'agissait de Bertrand Dupasquier.

23 Ces 40 000 Musulmans ont été recueillis au niveau des camps de

24 Batnoga et de Turan, où ils ont été pris en charge, je le souligne, avec

25 une grande humanité par la population Serbe de Krajina qui subvenait, d'une

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1 part, à leurs besoins en nourriture, mais également à leur soutien médical,

2 puisque dès lors qu'il y avait des blessés, des malades ou des

3 accouchements, tous ces patients musulmans qui étaient regroupés à Batnoga

4 et à Turan étaient soignés dans l'hôpital de Glina avec une entier

5 dévouement. Il leur a été prodigué des soins, des médicaments, des

6 transfusions de sang, sans la moindre discrimination, et je dirais même que

7 souvent les quelques réserves ou les rares médicaments dont disposait

8 l'hôpital de Glina ont été offerts à cette population musulmane.

9 Q. Ces réfugiés, ces 40 000 Musulmans qui sont arrivés dans la Krajina

10 ont-ils eu la possibilité de partir vers la Croatie ou n'importe où

11 ailleurs ?

12 R. Non, ils n'avaient absolument pas la possibilité de sortir de là, la

13 possibilité de se réfugier en Krajina ou ailleurs. La seule solution qui

14 leur a été offerte par la suite, c'est de retourner dans la poche de Bihac

15 au début de l'année 1995. C'est précisément dans cette poche de Bihac où un

16 grand nombre a été massacré au cours de l'opération Tempête par le 5e Corps

17 de l'armée bosno-musulmane et également par des troupes croates qui

18 s'étaient infiltrées en Herzégovine et en Bosnie occidentale.

19 Q. Est-ce que cela signifie qu'il y a eu un traitement différent de la

20 population musulmane; pour ce qui est de ceux qui se trouvaient du côté

21 d'Alija Izetbegovic qui étaient soutenus et ceux qui étaient du côté de

22 Fikret Abdic se sont vus exposer à toutes sortes de malheurs, à des

23 destructions, à des expulsions, et ainsi de suite ?

24 R. Excusez-moi, je n'ai pas très bien compris la question.

25 Q. Est-ce que cela signifie que les Musulmans qui se trouvaient du côté de

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1 Fikret Abdic, je parle là des 40 000 expulsés et réfugiés ont été victimes

2 d'expulsions de la part des forces croates et des forces musulmanes ?

3 R. Oui, oui, absolument. En 1994, il était clair que le pouvoir central de

4 Sarajevo et l'armée d'Alija Izetbegovic tentaient par tous les moyens

5 d'éliminer à la fois Fikret Abdic et d'éradiquer tous les Musulmans modérés

6 de la poche de Bihac qui étaient fidèles à Fikret Abdic.

7 Ils ont été victimes, du pouvoir central de Sarajevo et également des

8 forces croates qui tenaient absolument à éliminer tout, j'allais dire tout

9 soutien éventuel aux Serbes de Krajina de la part des Musulmans modérés de

10 la poche de Bihac.

11 Q. Les autorités de la République serbe de la Krajina ont-elles compris

12 clairement étant donné que ces Musulmans ne savaient pas où aller, qu'un

13 bon nombre de ces gens-là pouvaient rester de façon durable dans la

14 Krajina ?

15 R. Oui. Je pense qu'il n'y avait aucun problème concernant l'accueil des

16 Musulmans dans la République serbe de Krajina puisque même avant cette

17 opération du 5e Corps bosniaque dans la poche de Bihac, il était fréquent

18 que des blessés ou que des patients viennent de Velika Kladusa et des

19 environs de Velika Kladusa vers la région de Glina où ils étaient

20 accueillis, soignés et ils pouvaient rester en sécurité dans cette région

21 ou aussi bien de Banija.

22 Q. Veuillez m'indiquer, Monsieur Barriot, plutôt j'aimerais entendre votre

23 commentaire au sujet d'une citation que je me propose de vous lire

24 concernant cet acte d'accusation sur la Croatie. Je me réfère au chef 6, je

25 n'ai que l'exemplaire en langue anglaise. Au chef numéro 6, il est dit :

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1 "La finalité de cette entreprise criminelle commune est la suivante,

2 Milosevic a pris part à cette entreprise criminelle commune. La finalité de

3 celle-ci a consisté à repousser par la force la majorité de cette

4 population croate et autre population non-serbe du tiers du territoire de

5 la République de Croatie. On dit ensuite, il a planifié d'en faire un

6 nouvel Etat sous la domination serbe et ceci au travers de la perpétration

7 de crimes," et cetera, et cetera.

8 J'aimerais que vous nous commentiez quel est le plan que cela avait pu

9 constituer si ces gens-là avaient accueilli un tel nombre de Musulmans,

10 donc détenu une population non-serbe pour en prendre soin et non pas pour

11 l'expulser ?

12 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que la question

13 elle-même nous dit que cela n'est guère approprié. Il n'appartient pas au

14 témoin de faire de commentaires.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais il peut commenter des

16 situations de fait.

17 M. NICE : [interprétation] Oui, il peut témoigner de faits mais il n'est

18 pas appeler à fournir des commentaires comme on lui demande de le faire et

19 il appartient aux Juges de décider de la chose.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que vous devriez reformuler

21 votre question, Monsieur Milosevic.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Monsieur Barriot, le fait dont vous nous avez parlé, à savoir l'accueil

24 de tant de milliers de Musulmans sur le territoire de la République de la

25 Krajina serbe exclut-il ou pas toutes possibilités de voir ces autorités

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1 disposer d'un plan qui consisterait à expulser cette population de la

2 région ?

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vois pas du tout comment il

4 pourrait répondre à cette question. Ne répondez pas à cette question, je

5 vous prie.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Peut-être, nous répondra-t-il à une autre

7 question alors, plus tard, question qui portera également sur les

8 manipulations que l'on voit ici.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Mais, je voudrais revenir auparavant à autre chose. Je vous demanderais

11 de nous faire un bref commentaire au sujet d'un document qui figure dans

12 l'intercalaire 27 des pièces à conviction fournies ici. Ceci est un

13 document officiel du ministère de l'Intérieur de Bosnie-Herzégovine daté du

14 20 septembre 2001. Je vais --

15 M. NICE : [interprétation] Nous n'avons pas de traduction de ce document,

16 mais je vais vérifier.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui, vous avez la traduction.

18 M. NICE : [interprétation] Peut-être cela se trouve-t-il dans le dossier

19 accompagnant le témoignage de Mlle Crépin. C'est l'intercalaire 26 dans la

20 documentation qui accompagne le témoignage de Mlle Crépin. Oui, nous avons

21 la traduction.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Intercalaire 26.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons aussi un intercalaire 27 en

24 anglais.

25 M. NICE : [interprétation] Le 27 est dans la documentation afférente au

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1 témoin Barriot. Le document qui figure à l'intercalaire 26 dans la

2 documentation Crépin, donc nous avons la traduction de ce document 26,

3 dossier Crépin.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Nous avons l'anglais.

5 Allez-y, Monsieur Milosevic. Mais je crois que vous devriez indiquer

6 de quel passage vous souhaitez donner lecture.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Juste le dernier paragraphe. Cela se situe dans

8 ce contexte. Il s'agit d'une enquête au sujet du 11 septembre, et on dit

9 que le document a été signé par le directeur et deux suppléants du

10 directeur, et cela est adressé au président du conseil des Ministres de

11 Bosnie-Herzégovine. Le passage se lit comme suit : "Le même jour, à 19

12 heures 32 minutes, Interpol de Wiesbaden nous a envoyé une demande visant

13 à faire vérifier un certain Atta, qui d'après leurs informations aurait

14 séjourné dans un petit village Bakotic, à huit kilomètres de Maglaj dans le

15 courant de 1999."

16 Je souligne qu'il s'agit de 1999. Avec la demande, il y a une copie de la

17 photographie du visage de Mohammed Atta qui devrait être identifié par un

18 certain Mehmet Hasanic, originaire du village Bakotic. "La demande

19 d'Interpol Wiesbaden a été transmise au ministère de l'Intérieur de la

20 Fédération de Bosnie-Herzégovine en date du 19 septembre 2001," et cetera.

21 Il s'agit de l'une des personnes qui était aux commandes de l'avion qui

22 s'est écrasé contre la tour du World Trade Center. J'ai présenté le passage

23 en revue de cette brigade de Moudjahiddines effectué par Izetbegovic comme

24 je le disais. Ici, il est question de 1999, ce qui indique qu'il y avait

25 séjourné auparavant et cela confirme l'existence de ce réseau terroriste en

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1 Bosnie-Herzégovine.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. J'aimerais que vous nous fassiez un commentaire au sujet de ce

4 document, Monsieur le Témoin.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Ne lui demandez pas de faire un

6 commentaire. Posez-lui une question concrète.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Est-ce que ceci constitue une confirmation entre autre de l'existence

10 de ce réseau terroriste sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine ? Dans

11 ce cas-ci, cela étant en corrélation avec les évènements du 11 septembre.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais il n'y a rien qui nous laissait

13 entendre une telle chose, Monsieur Milosevic.

14 M. NICE : [interprétation] Je crois que c'est une question complètement

15 directrice pour ce qui est de sa substance et de sa forme. Je ne vais pas

16 toujours me lever pour présenter des objections, mais je suis certain que

17 l'accusé sait très bien comment cette Chambre fonctionne, sait faire la

18 différence.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Kay, dans le courant de la

20 journée d'hier, en m'apportant une réponse, vous avez expliqué comment les

21 éléments de preuve concernant le terrorisme en Bosnie pourraient être

22 pertinents pour ce qui est des différents chefs d'accusation. J'aimerais

23 que vous étoffiez votre propos, parce que je suis un peu dans le vague.

24 M. KAY : [interprétation] Cette ligne de question n'est pas du tout dans la

25 lignée de ce que j'ai prévu ou ce que j'ai envisagé. Comme vous le savez,

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1 je ne reçois de la part de l'accusé aucune instruction. Je crois que nous

2 sommes, à présent, dans une situation dans laquelle où l'accusé a posé une

3 question au sujet de l'enracinement profond du terrorisme dans cette

4 région. Donc, la Défense essaie d'établir une corrélation entre les racines

5 prouvées du terrorisme en Bosnie avec des événements qui se situent au sein

6 des paramètres de l'acte d'accusation. C'est une approche assez cohérente

7 qui dure depuis le début du procès. Ceci est seulement un exemple -- un

8 exemple bien connu de l'homme qui s'appelle Mohammed Atta, qui se trouve

9 être responsable, entre autres, des événements du 11 septembre, à savoir,

10 l'enlèvement de l'avion et cette attaque terroriste perpétrée aux Etats-

11 Unis, ce qui démontre que partant des informations reçues, il a été

12 possible d'identifier que l'intéressé aurait séjourné en Bosnie-Herzégovine

13 à un moment donné.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Juste un instant, je vous prie.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur Kay. Avez-

17 vous terminé votre intervention de tout à l'heure ?

18 M. KAY : [interprétation] Oui, c'est bien le cas.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous allons vous

20 autoriser à poser des questions dans cette même lignée, mais je vous

21 demande d'être concret et de vous centrer sur ce qui nous intéresse, parce

22 qu'enfin de compte, il faut que nous apprenions de quelle façon cette

23 question à faire entre terrorisme peut influer sur les chefs d'accusation

24 ou de culpabilité ou d'innocence, partant de ce qui figure à l'acte

25 d'accusation. Etant donné qu'il y a une certaine pertinence en terme de

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1 Défense, nous allons vous autoriser à poser cette question, mais nous

2 allons suivre la ligne de questions posées de façon très rapprochée.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Colonel, avant que

4 M. Milosevic ne vous pose une autre question, j'aimerais vous demander

5 comment vous vous êtes procuré ce document ?

6 LE TÉMOIN : Ce document m'a été fourni par des services de Renseignement,

7 et j'ai été autorisé à les présenter dans la mesure où il n'était pas

8 couvert par le secret de Défense du gouvernement français.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, allez-y.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Monsieur Barriot, est-ce que ce document confirme ou pas le fait qu'il

13 y a enracinement du terrorisme dans le territoire de la Bosnie-

14 Herzégovine ?

15 R. Oui, absolument. Je voudrais avant de répondre à la question souligner

16 le paradoxe de l'argumentation de M. Nice. Hier, il mettait en doute la

17 crédibilité de mon témoignage, parce que je n'avais pas d'élément contré à

18 apporter, ou des liens évidents, ou des sources de renseignements, et

19 aujourd'hui, où je présente certains éléments et certaines preuves de

20 l'enracinement de ce terrorisme, il voudrait réfuter la présentation de ces

21 documents et mon commentaire à leur sujet.

22 Donc, ma réponse concernant ce sujet, elle est claire. Elle émane du

23 ministère de l'Intérieur de la --

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant que vous ne répondiez, je ne

25 pense pas que cela ait été la position exprimée par M. Nice. Il ne s'est

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1 pas opposé à la présentation de ce document, il s'est opposé à ces

2 questions qui sont inappropriées. Vous devez comprendre que le Procureur ne

3 vous traite pas ici de façon incorrecte.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, avant que le

5 témoin ne réponde, je veux revenir à cette question de corrélation entre le

6 terrorisme et les chefs figurant dans l'acte d'accusation. Si vous arrivez

7 à déterminer qu'il y a eu implantation du terrorisme là-bas, est-ce que

8 cela nous dévoile t-il en terme de défense dans ce procès ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans mon exposé d'introduction, j'ai expliqué

10 que les pays occidentaux ont appuyé en Croatie les forces du nazisme en

11 Bosnie, au Kosovo, les forces du fondamentalisme islamique et le

12 terrorisme, ce qui se trouve tout à fait contraire au bon sens. Tout ceci a

13 été utilisé pour perpétrer cette entreprise criminelle réalisée à

14 l'encontre des Serbes. Vous avez pu voir comment les choses ont évolué en

15 Croatie, comment elles ont évolué en Bosnie, comment il a été des

16 formations paramilitaires en Bosnie, qui est-ce qui a pris part à tout

17 ceci. Si vous estimez que c'est là des phénomènes positifs, il n'est guère

18 nécessaire pour moi de les expliquer. Mais s'agissant des instructions que

19 vous avez données tout à l'heure, Monsieur Robinson, je tiens à dire que

20 jusqu'à présent, j'ai cru comprendre que ceux qui accusent quelqu'un

21 doivent apporter des preuves de ce qu'ils affirment, et il n'appartient pas

22 à l'accusé de démontrer qu'il n'est pas coupable. Or ici, on explique

23 constamment le deuxième de ces aspects là. J'estime qu'il n'est pas du tout

24 --

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous interrompre.

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1 L'ACCUSÉ : [hors micro]

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai interrompu, Monsieur

3 Milosevic, parce que ce commentaire montre bien que vous ne comprenez pas

4 du tout la façon dont fonctionne cette Chambre de première instance.

5 Nous avons pour mission d'entendre des éléments de preuve et

6 d'admettre ceux qui ne sont qu'admissibles, et cela est valable tant pour

7 la Défense que pour l'Accusation. Je parle pour moi à présent pour dire que

8 j'ai du mal à comprendre la corrélation qu'il pourrait y avoir entre cette

9 implantation du terrorisme en Croatie, ou plutôt en Bosnie et cette

10 question de culpabilité ou d'innocence vous concernant. Je peux voir une

11 espèce de corrélation sur la tangente, mais je ne pense pas que cela puisse

12 me convaincre. Peut-être que c'est là un point faible de ma part. Je vois

13 une pertinence marginale, et je vous autorise à poser la question, mais vos

14 questions doivent être concrètes et très spécifiques.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poser votre question à

17 présent, Monsieur Milosevic.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Monsieur Barriot, est-ce que ceci confirme bien la réalité de

20 l'implantation du terrorisme en Bosnie-Herzégovine ?

21 M. NICE : [interprétation] Je me suis tenu à l'écart de ce débat autant que

22 j'ai pu le faire, mais avec le respect que je dois à la Chambre, je dirais

23 que la bonne façon d'aborder ce sujet de cet accusé ou de quel qu'autre

24 accusé devrait se limiter à ce qui suit : Si l'existence du terrorisme sur

25 le territoire est pertinente ou peut-être pertinente, il est permis au

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1 témoin de produire simplement un document tel que celui-ci qui montre la

2 présence de cet homme Atta sur le territoire à un moment déterminé. Je

3 note, entre parenthèses, que ce M. Atta était présent sur d'autres

4 territoires européens dans une période plus vaste, et j'espère que ceci

5 n'aura pas la même signification pour tous les pays en question. En tout

6 cas, sa déposition devrait se limiter à la présence de terrorisme sur le

7 territoire. Il ne peut être autorisé à recevoir des questions du genre de

8 celles qui viennent d'être posées, qui sont des questions directrices sur

9 le fond et sur la forme, qui n'ont aucune valeur, et qui en fait portent

10 sur toute une série de choses qui seront abordées en temps utile, mais qui

11 ne peuvent l'être à présent.

12 La seule autre façon de poser ce genre de question avec une quelconque

13 valeur pourrait être la suivante : Que l'accusé, par exemple, demande au

14 témoin, "est-ce que vous connaissez un terroriste, ou une implication

15 terroriste, ou l'auteur d'un crime quelconque dont je suis accusé," et

16 cetera. Cela est pertinent, mais pour autant que je puisse en juger, on ne

17 peut aller au-delà de cela.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, mais qu'en est-il des

19 questions précises au sujet d'acte terroriste commis en Bosnie contre des

20 Serbes ?

21 M. NICE : [interprétation] Je vois bien l'importance potentielle de telle

22 réalité qui pourrait changer l'image totale, bien sûr, à condition que la

23 question soit précise. Par rapport à une telle question précise, je

24 n'aurais pas d'objection.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, il y a une

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1 certaine valeur dans les propos que vient de tenir M. Nice.

2 Vous pouvez demander au témoin s'il a eu connaissance de la présence d'un

3 terroriste ou d'une personne particulière à tel ou tel endroit, mais je ne

4 vous autorise pas à demander au témoin si la teneur du paragraphe en

5 question confirme ou établit ou démontre que le terrorisme était enraciné

6 dans cette région. Le document est entre nos mains, et nous sommes tout à

7 fait capables de le lire.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puisque M. Nice a posé la question de savoir si

9 des actes particuliers ont été commis contre les Serbes par ces

10 terroristes, je poserais une autre question au témoin.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Monsieur Barriot, est-ce que des terroristes sont intervenus en Bosnie

13 contre les Musulmans, avec pour objectif de faire porter le chapeau de

14 leurs crimes aux Serbes ?

15 R. Ma réponse va comporter plusieurs éléments. D'une part, depuis hier, je

16 donne des éléments précis avec des noms précis sur des terroristes

17 islamiques. Hier je vous ai donné les noms du gang de Hubet [phon], qui

18 était présent en Bosnie, avec le nom de Christophe Caset, avec le nom de

19 Lionel Dumont, avec le nom d'Urad Puguran [phon], donc des gens précis qui

20 faisaient partie de réseau islamique lié à al-Qaeda et au GIA algérienne

21 qui ont opéré à la fois en Bosnie contre les forces serbes et les civils

22 serbes, et également en France contre les civils français.

23 Aujourd'hui, je vous apporte des éléments montrant la présence de

24 Mohammed Atta dans un village de Bosnie. Il était présent en 1994, 1995, et

25 également en 1999. Nous avons également des photos montrant la présence de

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1 M. Asahawi [phon], alias Alija Izetbegovic dans les années 1990. Donc, ce

2 sont des éléments concrets, précis montrant bien que ce n'était pas des

3 gens qui voyageaient par hasard, et qui venaient s'arrêter 48 heures dans

4 un hôtel de Sarajevo. C'était des terroristes implantés dans les camps

5 d'entraînement islamistes en Bosnie, au Kosovo, et dans le nord de

6 l'Albanie.

7 Là-dessus, c'est très clair c'était des actions terroristes. Pour

8 répondre à la question du président Milosevic, nous avons la connaissance

9 de nombreux cas d'action terroriste des Musulmans bosniaques à cette

10 époque; en particulier, les attaques contre les Casques bleus français. Je

11 vous signale qu'il y a eu 56, je précise bien, 56 Casques bleus français

12 morts sous les balles de 1991 à fin 1995, et que les plus des deux tiers de

13 ces Casques bleus français sont tombés sous les balles des snipers

14 musulmans aux ordres de

15 M. Alija Izetbegovic. Cela, aucun militaire français ne pourra le

16 contester.

17 Deuxièmement, concernant toujours ces attaques terroristes sur

18 Sarajevo, je tiens à signaler que tous les experts en balistiques français

19 précisent bien, qu'autant l'attentat devant la file d'attente de la

20 boulangerie du 27 mai 1992, que l'attentat contre Markale le 5 février

21 1994, que l'attentat contre Markale du 28 août 1995, ne sont pas le fait

22 des artilleurs serbes, mais sont le fait des terroristes musulmans.

23 Cela vous pourrez peut-être mettre en doute ma parole, mais à ce

24 moment-là si vous la mettez en doute, vous mettez également en doute la

25 parole du général canadien Lewis MacKenzie, vous mettez également en doute

Page 34916

1 la parole du général britannique, Sir Michael Rose, vous mettez également

2 en doute la parole de l'amiral Jacques Longsade, chef d'état-major des

3 armées françaises, vous mettez également en doute la parole du général

4 Pierre-Marie Gallois, le père de la dissuasion nucléaire française, et de

5 dizaine d'officiers supérieurs français dont je peux vous citer les noms et

6 les décrire avec beaucoup de précisions.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Colonel Barriot, la question qui vous

8 était posée consistait en fait à vous demander si les terroristes avaient

9 été utilisés pour attaquer des Musulmans, avec pour but d'imputer cette

10 action à des Serbes. Est-ce qu'une partie quelconque de votre réponse

11 répond directement à cette question ?

12 LE TÉMOIN : Oui. La deuxième partie concernant effectivement les explosions

13 à Sarajevo, qui était le fait d'activistes musulmans contre la population

14 musulmane de Sarajevo.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quels renseignements avez-vous,

16 quels éléments de preuve avez-vous pour répondre à la question qui vous a

17 été posée par M. Milosevic, à savoir que ces actes ont été accomplis avec

18 pour but d'imputer ces actions aux Serbes. Est-ce que vous pouvez traiter

19 de cet aspect de la question ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, écoutez les Serbes ont été

21 accusés --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, non. Vous devez permettre

23 au témoin de répondre.

24 LE TÉMOIN : Oui, il y a une multitude de preuves et de déclarations à

25 la suite de ces faits. Je vous les ai décliné succinctement. Maintenant si

Page 34917

1 vous le désirez, j'ai ici toutes les déclarations des officiels français et

2 des généraux français concernant ces faits et affirmant qu'on ne pouvait

3 pas accuser les Serbes pour ces explosions, mais qu'il s'agissait

4 d'explosions effectuées à partir des lignes musulmanes. Je peux vous lire

5 ces déclarations, si vous le souhaitez.

6 Je tiens également -- est-ce que je peux --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne crois pas que vous ayez

8 répondu à la question. Mais peut-être n'êtes-vous pas en mesure de le

9 faire.

10 Monsieur Milosevic, veuillez poursuivre.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Une question rapidement qui est un peu en dehors du sujet. Vous étiez

13 bien à Topusko, Monsieur Barriot, n'est-ce pas ?

14 R. Oui, Monsieur le Président.

15 Q. Y avez-vous rencontré un certain Slobodan Lazarevic et si oui, que

16 pouvez-vous dire à son sujet ?

17 R. Oui, effectivement. J'ai rencontré Slobodan Lazarevic à plusieurs

18 reprises puisqu'il participait aux réunions d'information de la FORPRONU à

19 Glina. Il s'agissait d'un personnage un petit peu curieux, mythomane, que

20 personne ne prenait au sérieux et qui disait à peu près tout et son

21 contraire.

22 Q. J'ai posé cette question car l'homme dont il est question a été un des

23 témoins de ces gens-là en face de moi et c'est la raison pour laquelle

24 j'appelais l'attention sur lui.

25 A présent, Colonel Barriot, s'agissant de la Bosnie, vous avez été en

Page 34918

1 contact, n'est-ce pas, avec Radovan Karadzic ? Je suppose que vous avez

2 discuté avec lui de la situation en Bosnie-Herzégovine. Quelle a été la

3 teneur de ces discussions ?

4 R. Oui, j'ai rencontré à plusieurs reprises, le président Radovan

5 Karadzic, en particulier au cours de l'année 1995. Comme je l'ai signalé

6 hier, j'ai également publié un de ses textes dans mon ouvrage "On assassine

7 un peuple, les Serbes de Krajina", et j'ai amené également plusieurs fois

8 une équipe de la télévision française qui a réalisé des reportages sur le

9 président Karadzic dont certains ont été diffusés, d'autres non.

10 Lors des entretiens avec le président Karadzic, nous avons essentiellement

11 parlé de la situation politique générale en Bosnie, et de la dérive

12 intégriste du gouvernement de Sarajevo, du SDA d'Alija Izetbegovic qui

13 inquiétait beaucoup le président Karadzic. En particulier, nous parlions

14 beaucoup de la situation dans la poche de Bihac, parce qu'elle était, à son

15 sens, tout à fait révélatrice des tensions qu'il y avait entre les

16 mouvements intégristes du SDA d'Alija Izetbegovic d'une part, et des

17 Musulmans modérés qui étaient favorables à une paix avec les Serbes.

18 Je pense en particulier à Fikret Abdic. Il soulignait en particulier que

19 Fikret Abdic était l'homme qui avait réellement la légitimité puisqu'aux

20 élections du début des années 1990, c'est lui, c'est Fikret Abdic qui était

21 arrivé, qui arrivait en tête. Il me parlait souvent des tentatives

22 d'assassinat faites par les spadassins d'Alija Izetbegovic pour éliminer

23 Fikret Abdic qui a été victime de plusieurs tentatives d'assassinat et

24 surtout, bien sûr, des opérations militaires du 5e Corps bosniaque qui,

25 d'ailleurs, était soutenu là encore par l'armée américaine, puisque

Page 34919

1 quasiment tous les combattants bosniaques du 5e Corps sous les ordres

2 d'Atif Dudakovic étaient équipés en particulier de fusils d'assaut M-16

3 américains et qui étaient ravitaillés, j'allais dire en contradiction

4 totale avec l'embargo sur les armes.

5 Donc pour lui, c'était l'évidence même que petit à petit depuis les

6 élections, il y avait une mainmise progressive d'un gouvernement intégriste

7 qui avait éliminé non seulement ses partenaires serbes et croates, mais

8 surtout qui avait éliminé les Musulmans modérés de Bosnie qui étaient, je

9 le répète, fidèles à M. Fikret Abdic.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois appeler votre attention sur le fait que

11 l'interprétation en langue serbe, si tant est qu'on puisse parler de Serbe

12 en l'occurrence, est de qualité très insuffisante. Je ne dirais pas que

13 c'est un manque de connaissance qui est en cause ici, mais simplement le

14 fait que l'on n'interprète pas ce qui risque de déplaire. Je le dis très

15 simplement.

16 Je lis ici en anglais : "Depuis les élections, peu à peu, le

17 gouvernement intégriste s'est débarrassé de ses partenaires serbes et

18 croates, mais également des musulmans modérés en Bosnie, qui je le répète,

19 étaient restés fidèles à Fikret Abdic."

20 Or, en langue serbe, on parle "d'intégrisme", et cetera, et on

21 déforme l'interprétation en Serbe. Je tiens à ce que cela soit su de vous

22 car je ne le supporterai plus. Ceci s'est déjà passé hier et ceci n'a aucun

23 sens.

24 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps.

Page 34920

1 M. NICE : [interprétation] C'est une phrase terrible contre les

2 interprètes. Si l'accusé est capable de trouver quelques insuffisances ou

3 quelques manquements par rapport à l'interprétation qu'il aurait voulu

4 entendre, il peut le dire, mais il devrait le dire de façon neutre pour que

5 les interprètes puissent avoir une chance de répondre à son affirmation.

6 Mais il est tout à fait inacceptable de l'entendre dire ce qu'il vient de

7 dire au sujet de personnes qui ont servi le Tribunal depuis des années dans

8 des conditions qui sont difficiles le plus souvent et, d'ailleurs, rendues

9 difficiles particulièrement par la rapidité des questions qu'ils ont à

10 interpréter.

11 Dans le cas particulier, l'accusé a dit que certains mots ne se

12 retrouvaient pas dans l'interprétation et j'aimerais que les interprètes

13 soient invités à dire s'ils ont entendu les mots en question, quelle est

14 leur façon de les interpréter.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice.

16 Je crois que véritablement vos commentaires, Monsieur Milosevic, sont

17 inacceptables. Ils sont très impolis et un signe de mépris à l'égard du

18 travail très compétent fourni par les interprètes.

19 Je vous demanderais, néanmoins, de définir ou de nous faire savoir quel est

20 le passage particulier qui fait l'objet de votre commentaire de façon à ce

21 que les interprètes puissent être priés de

22 le réinterpréter. Je crois vous avoir entendu parler du mot intégrisme en

23 Serbe.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. On parle de fondamentalisme islamique, ce

25 qui, bien sûr, est facile à comprendre pour ceux qui suivent le sujet. Dans

Page 34921

1 la majorité des cas, il est impossible de comprendre le mot intégrisme

2 prononcé par les interprètes, ou "intégralisme", je ne sais pas. Je lis le

3 compte rendu d'audience qui est tapé par les sténotypistes de ce Tribunal

4 et je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas faire le commentaire que je

5 viens de faire.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien sûr, vous pouvez faire des

7 commentaires. Mais vous devez le faire dans une forme qui convient, dans

8 une forme qui manifeste la considération que mérite les interprètes pour le

9 très dur travail qu'ils accomplissent. Je dois dire au nom de la Chambre

10 que nous estimons que le travail des interprètes est du plus haut niveau.

11 Ce qui ne signifie pas qu'ici ou là, ils ne puissent commettre une erreur.

12 Vous dites que pour "intégrisme", vous voudriez entendre le mot

13 "fondamentalisme" ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est ce qui est écrit dans le compte rendu en

15 anglais. Je ne sais pas ce qu'il faut dire. Mais il est question de

16 fondamentalisme, "Islamic fondamentalism" en anglais dans le compte rendu

17 d'audience. Pour moi, il y a une différence entre intégrisme ou

18 intégralisme et "fondamentalism".

19 Enfin, ne perdons pas de temps, j'ai fait mon commentaire et j'espère que

20 les interprètes en tiendront compte.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais je tiens à dire que la

22 Chambre n'approuve pas la façon dont vous avez présenté votre objection. M.

23 Nice a tout à fait raison. Ce procès doit être mené avec le décorum voulu

24 par la nature du travail et la gravité du travail que nous accomplissons

25 ici. Vous êtes tenu de manifester le respect que mérite les interprètes.

Page 34922

1 Nous ne tolérerons pas ce genre de commentaires. Si une erreur a été

2 commise, vous devez nous le faire savoir et nous veillerons à ce que cette

3 erreur soit corrigée si elle doit l'être.

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 L'INTERPRÈTE : Note des interprètes de la cabine française,

6 "fundamentalism" en anglais se traduit en français par intégrisme.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Puis-je demander aux interprètes de

8 commenter ce passage particulier?

9 L'INTERPRÈTE ANGLAIS : Oui. Merci, Monsieur le Président. C'est

10 l'interprète de la cabine serbe qui vous parle. Je suis pratiquement

11 certaine d'avoir entendu le mot qui a été traduit par "fundamentalism" en

12 anglais et que j'ai traduit par "intégrisme" en français. Je pense que

13 c'est l'interprétation la plus exacte qui soit. M. Milosevic ne parlait pas

14 de l'original français, mais de la traduction en anglais. Pour notre part,

15 nous interprétons vers le serbe. Je considère que mon interprétation était

16 fidèle. Mais, bien sûr, la chose peut être vérifiée avec le témoin.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que nous avons une

18 explication. Nous allons passer à autre chose.

19 Monsieur Milosevic, ne perdez pas de vue ce que j'ai dit au sujet de

20 l'attitude que vous devez manifester à l'égard des interprètes.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas eu une attitude négative à l'égard

22 des interprètes, mais je m'attends à ce qu'ils se conduisent en bonne et

23 due forme.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Milosevic, je m'exprime en

25 mon nom personnel et je pense que vous devez une excuse aux interprètes, à

Page 34923

1 moins que vous ne contestiez ce que l'interprète de la cabine serbe vient

2 de dire.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y a pas seulement cette erreur. Il y a le

4 fait que je ne suis pas en mesure de suivre la totalité des débats. Il y a

5 des parties de phrases qui sont totalement incompréhensibles. On ne peut

6 pas déterminer quand il est question de quelqu'un qui est opposé à

7 quelqu'un d'autre, qui est opposé à qui et lorsque j'aurai sous les yeux

8 tout l'enregistrement, je pourrai vous donner des exemples précis. Je ne

9 peux pas vous donner tous les exemples. Ici, c'est sur le compte rendu en

10 anglais que j'ai fondé mon commentaire car je n'écoute pas la cabine

11 française. En tout cas, dans le compte rendu en anglais, il y a un grand

12 nombre d'erreurs et pas seulement une erreur. Je ne serais pas intervenu

13 pour une seule erreur. Je ne vois pas pourquoi je devrais m'excuser à

14 l'égard des interprètes, Monsieur Bonomy, car ce n'est pas moi qui ai fait

15 une erreur.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Acceptez-vous ce que l'interprète a

17 dit sur ce sujet ou pas ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au sujet du mot "intégrisme" oui, j'accepte

19 l'explication. Au sujet du mot "intégrisme", mais pas au sujet du contexte

20 général de l'interprétation qui, pour l'essentiel est assez

21 incompréhensible. Là, ma remarque porte sur l'interprétation serbe.

22 L'interprétation serbe de ce que dit le témoin. Maintenant, savoir comment

23 on interprète "fondamentalisme" par un mot ou par un autre, ceci finalement

24 n'est pas capital. Mais je m'en suis servi comme exemple. Enfin ne perdons

25 pas de temps, car le temps passe. Je suppose que je peux poursuivre ?

Page 34924

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je ne vous

2 autoriserai pas à formuler une critique générale de l'interprétation de la

3 façon dont vous venez de le faire. Vous dites que l'interprétation est tout

4 à fait incompréhensible par moment. Si vous estimez qu'une erreur a été

5 commise, si vous pensez, si tel est votre point de vue, qu'une erreur a été

6 commise. Il faut le faire savoir. Il est tout à fait injuste et

7 inacceptable de formuler une critique générale de l'interprétation sans

8 mettre le doigt sur une erreur précise. Ceci n'est pas juste et c'est tout

9 à fait inacceptable.

10 Au nom de la Chambre de première instance, je tiens à dire que nous

11 estimons que l'interprétation est, de façon générale, d'un niveau très

12 élevé et nous exprimons notre gratitude aux interprètes pour le travail

13 qu'ils ont accompli par le passé et continuent à accomplir aujourd'hui.

14 Veuillez passer à votre question suivante.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur Barriot, nous en étions à vos discussions avec Karadzic. Est-

17 ce que vous avez discuté avec lui d'autre chose que de la poche de Bihac et

18 du conflit entre les Musulmans de Fikret Abdic, et cetera. Est-ce que vous

19 estimez qu'il y a un point important que vous aimeriez encore souligner ou

20 est-ce que nous pouvons passer à autre chose ?

21 R. J'aimerais souligner deux points tirés des discussions que j'ai eu avec

22 le Président Radovan Karadzic. D'une part, il disait, il répétait souvent

23 que le XXe siècle avait été une alliance, avait vu naître une alliance

24 contre nature entre Croates et Musulmans contre les Serbes et qu'il

25 espérait que le XXIe siècle verrait une alliance entre Croates et Serbes

Page 34925

1 pour essayer de faire barrage à l'intégrisme islamiste ou au

2 fondamentalisme islamiste en Bosnie. Cela est le premier souvenir précis

3 que j'ai des discussions.

4 Le second, nous avons évoqué à cette époque la rupture avec Belgrade. Je me

5 souviens très bien de sa phrase, où il avait dit cette rupture n'est pas de

6 notre fait, mais ce n'est pas une consolation. Il répétait, par ailleurs,

7 souvent qu'il ne recevait pas d'ordres de Belgrade.

8 Q. Non, vraiment je ne comprends pas, je dois vous le dire, ce qui vient

9 d'être dit. En Serbe, j'ai entendu "séparation" et là, en anglais, je lis

10 "breakaway from Belgrade", je ne comprends pas ce que c'est que ce concept

11 de détachement par rapport à Belgrade, de séparation par rapport à

12 Belgrade.

13 R. Je répète. Au cours de ces discussions où étaient présents, en

14 particulier, des journalistes français qui ont évoqué la rupture ou les

15 distances prises entre la République Serbe de Bosnie et les autorités de

16 Belgrade. Ce que je disais, c'est que le président Karadzic disait

17 qu'effectivement, il y avait une certaine rupture entre les deux. Il disait

18 que ce n'était pas de son fait, mais que ce n'était pas une consolation. Et

19 je répète qu'il disait qu'il ne recevait pas d'ordres de Belgrade.

20 Q. Bon. Vous avez à plusieurs reprises rencontré également le général

21 Mladic, n'est-ce pas ?

22 R. Oui. J'ai rencontré le général Mladic à plusieurs reprises au cours de

23 l'année, en particulier au cours de l'année 1995, en particulier au mois de

24 juin 1995 à Bijeljina, et au mois de septembre 1995 à Banja Luka. C'est

25 également à cette époque que j'ai publié un texte de lui dans mon ouvrage

Page 34926

1 et que j'ai permis à des équipes de télévision française de réaliser des

2 interviews du général Mladic.

3 Q. Bien. Je vais à présent vous poser deux questions qui portent sur vos

4 entretiens avec le général Mladic et vous me direz si ces termes ont été

5 abordés ou pas. Ce qui m'intéresse c'est de savoir si vous avez discuté de

6 façon plus précise de ce qui se passait dans les zones protégées des

7 Nations Unies, de ce qui se passait à Sarajevo ? A-t-il été question des

8 événements dans les enclaves de l'est, dans la poche de Bihac ? Autrement

9 dit, avez-vous parlé de ces quelques sujets que je qualifierais de

10 capitaux ? Est-ce que vous avez discuté de ces sujets ou, au moins, de

11 certains d'entre eux ?

12 R. Oui. J'ai parlé avec le général Mladic d'une part de la situation

13 militaire générale en Bosnie, ensuite nous avons parlé des zones de

14 sécurité, en particulier de Sarajevo, et ensuite des enclaves orientales.

15 Bien sûr, de Srebrenica. Donc, oui, nous avons évoqué tous les points que

16 vous venez de citer.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez tout à

18 fait le droit de citer à comparaître le général Mladic en tant que témoin.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si vous avez l'intention de l'arrêter partant

20 du fait de l'avoir ici comme témoin, je n'aurais certainement pas

21 l'intention de le citer à comparaître en tant que témoin.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, j'étais juste en train de dire

23 qu'il vous appartenait d'en décider. Vous pouvez le citer à comparaître en

24 guise de témoin de la Défense.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci de cette information, Monsieur Robinson.

Page 34927

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pas de quoi, vraiment.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Vous venez de mentionner, Monsieur, le fait que vous vous êtes

4 entretenu au sujet de Srebrenica. Vous avez précisé que vous l'avez

5 rencontré en septembre 1995 à Banja Luka, n'est-ce pas ?

6 R. Oui, je confirme ce fait.

7 Q. Veuillez m'indiquer ce que vous avez appris au sujet des événements de

8 Srebrenica ?

9 R. Oui, je vais être très, très clair sur le déroulement de ces

10 événements.

11 Je précise que je les tienne directement du général Mladic. D'une

12 part, je souligne à nouveau, parce que le général Mladic le répétait

13 souvent, que Srebrenica, qui aurait dû être une zone démilitarisée à partir

14 de 1993, ne l'était absolument pas. Donc abritait une division entière de

15 l'armée bosniaque, et que ces troupes aux ordres de Naser Oric ont semé la

16 terreur aux alentours de Srebrenica dans les villages serbes pendant

17 plusieurs années, donc de 1992 à 1995. Les milices de Naser Oric ont fait

18 dès lors de 1 500 à

19 2 000 morts dans la région. Tout le monde a en mémoire en particulier le

20 massacre du village de Kravica à Noël orthodoxe de 1993.

21 Le général Mladic revenait souvent sur ces massacres des milices de

22 Naser Oric dans la région pour expliquer le ressentiment, mais la crainte

23 des Serbes vis-à-vis de ces milices qui, je le répète, étaient abrités, et

24 surtout c'est lui qui le répétait, étaient abrités dans une zone de

25 protection des Nations Unies qui aurait dû être démilitarisée.

Page 34928

1 Concernant les événements même de Srebrenica, d'une part le général

2 Mladic insistait sur les événements qui étaient juste, qui précédaient de

3 peu l'attaque, la bataille de Srebrenica. Il insistait sur le fait d'une

4 part que la ville alors qu'aussi bien l'ONU, que l'UNHCR avaient recommandé

5 au président Izetbegovic d'évacuer les femmes et les enfants de la ville,

6 de les mettre en sécurité, du fait du risque d'une attaque des forces

7 serbes, que le gouvernement de Sarajevo a refusé obstinément de répondre à

8 cette demande d'évacuation des femmes et des enfants avant le mois de

9 juillet 1995.

10 D'autre part, il a insisté également beaucoup sur le fait que c'est

11 le gouvernement de Sarajevo qui avait donné l'ordre à Naser Oric de se

12 retirer et de retirer son état-major de la ville de Srebrenica avant

13 l'attaque.

14 Il y a eu à la fois une volonté évidente, d'une part, de ne pas

15 défendre la ville et de ne pas mettre en sécurité ces habitants. Cela, il

16 insistait beaucoup sur ce fait.

17 Maintenant, concernant les événements du mois de juillet 1995, voilà

18 le déroulement des faits tels que le rapportait le général Mladic : C'est

19 que lors de l'attaque ou de la bataille qui s'est tenue lieu le 11 juillet

20 1995, Srebrenica comportait environ 40 000 habitants, et 25 000 habitants,

21 comportant essentiellement les femmes, les enfants et les vieillards, se

22 sont rendus aux troupes du général Mladic. Ces 25 000 civils n'ont jamais

23 été inquiétés. Ils ont été acheminés vers la ville de Kladanj et vers

24 Tuzla, en territoire musulman, et il ne leur a été fait aucun mal.

25 Sur ces 25 000 personnes, il y avait environ 750 hommes qui ont été

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1 retenus prisonniers afin de vérifier leurs identités et de vérifier

2 qu'aucun n'était suspect de crimes à l'encontre des Serbes de la région.

3 Sur ces 750 hommes, 500 sur lequel ne pesait aucun soupçon ont été relâchés

4 et sont partis vers Kladanj et Tuzla.

5 Deux cent cinquante ont été retenus parce que pesaient sur eux des

6 soupçons, donc de crimes contre les Serbes. Ils ont été emprisonnés à

7 Zvornik et à Batkovic. Il est probable que sur ce nombre il y ait eu

8 quelques exécutions sommaires, certains Serbes ayant reconnu des bourreaux

9 de leurs villages, mais le général Mladic insistait sur le fait qu'il n'y a

10 pas eu plus de quelques dizaines, dans tous les cas, pas plus de 100

11 exécutions sommaires sur ce groupe.

12 Maintenant concernant la bataille proprement dite qui s'est tenue, qui a eu

13 lieu dans la nuit du 11 au 12 juillet 1995, dans les bois environnants,

14 environ 15 000 Musulmans armés sont sortis de Srebrenica dans la nuit du 11

15 au 12. Ce chiffre a d'ailleurs été confirmé par Naser Oric. Ce groupe de 10

16 à 15 000 hommes s'est trouvé dans la nuit et dans les bois confrontés à

17 l'armée du général Mladic qui s'attendait à une bataille féroce contre des

18 Musulmans qui auraient dû être bien dirigés et bien armés. Il y a eu

19 pendant la nuit des combats, c'est certain. Les forces serbes, selon le

20 général Mladic, ont perdu plus de 500 hommes, et les Musulmans armés ont

21 perdu entre 1 500 et 1 800 hommes.

22 Voilà ce qui s'est passé réellement à Srebrenica le 11 et le 12 juillet.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'accord, d'accord. Je vais vous

24 interrompre car votre récit est tout simplement trop long. Ceci n'est pas

25 acceptable compte tenu des modalités d'obtention des éléments de preuve. Il

Page 34930

1 vous faut poser une autre question et obtenir une réponse plus précise à la

2 question que vous aurez posée, parce qu'entendre le témoin s'exprimé

3 pendant cinq à dix minutes ne nous permet même pas de nous rappeler la

4 question qui a été posée et à laquelle il est en train de répondre. Nous

5 avons déjà parlé de cela par le passé. Je veux que des questions soient

6 posées. Je souhaite des réponses chaque fois que la chose est possible.

7 Bien sûr, certaines réponses seront plus longues que d'autres.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, vous venez de le dire vous-

9 même; "chaque fois que la chose est possible." Je crois que la question que

10 j'ai posée au colonel Barriot était tout à fait acceptable : "Qu'avez-vous

11 entendu de la bouche du général Mladic au sujet de Srebrenica ?" Vous avez

12 ici quelqu'un qui a discuté avec le général Mladic en septembre 1995, et il

13 a brièvement relaté ce qu'il a appris de lui au sujet des événements de

14 Srebrenica, et c'est tout. Je ne vois pas en quoi ceci serait inacceptable.

15 Je ne dispose pas de faits qui me permettraient de m'appuyer sur ces faits

16 pour lui poser des questions courtes auxquelles il pourrait répondre par

17 oui ou par non. Car je ne suis pas au courant, je lui demande simplement de

18 quoi il a parlé avec le général Mladic.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, pas nécessairement des réponses

20 par oui ou par non, mais une réponse qui dure cinq à dix minutes n'ait

21 d'aucune aide pour la Chambre, car elle est difficile à digérer. Voyez-

22 vous, elle est difficile à comprendre.

23 Vous êtes responsable de votre interrogatoire principal. Dès lors que le

24 témoin s'est exprimé pendant un temps assez bref, deux, trois ou quatre

25 phrases, il vous faut intervenir et convier le témoin à répondre à une

Page 34931

1 nouvelle question. Voilà la façon dont je m'attends à ce que vous meniez

2 votre interrogatoire principal. Je ne suis pas favorable au fait de

3 demander un récit long de la part du témoin. Un récit qui dure, qui n'en

4 finit plus à l'appui des éléments de preuve qu'il apporte, cela ne permet

5 pas de bien comprendre les éléments de preuve. Je vous prie de bien vouloir

6 poser une autre question et de laisser le témoin y répondre.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Colonel Barriot, ce que vous venez de dire englobe t-il pour

9 l'essentiel les explications que vous a fournies le général Mladic au sujet

10 des événements de Srebrenica ?

11 R. Non. Monsieur le Président, je suis désolé, mais concernant quelque

12 chose d'aussi grave que Srebrenica, et de discussions qui ont été longues,

13 je trouverais totalement anormal d'être réduit à trois minutes

14 d'explication pour apporter des discussions qui ont duré des heures et une

15 bataille en événements aussi tragiques que celui de Srebrenica. J'insiste

16 pour finir --

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il ne vous appartient pas

18 d'insister. Il n'en est pas question. Vous allez répondre aux questions qui

19 vous sont posées.

20 LE TÉMOIN : Précisément. J'insiste pour répondre à la question, Monsieur le

21 Président.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous répondrez de la façon dont j'ai

23 dit qu'il fallait répondre. Est-ce que les choses sont claires ?

24 LE TÉMOIN : Oui, mais --

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il ne vous appartient pas

Page 34932

1 d'insister. Vous allez répondre aux questions suivant les façons qui vous

2 seront indiquées et suivant les instructions qui vous sont données par moi-

3 même et non pas relater des récits de cinq à dix minutes que tout un chacun

4 a du mal à suivre.

5 Monsieur Milosevic, il vous appartient de conduire le système et d'établir

6 un système suivant lequel il devra se comporter, et ceci n'est pas du tout

7 une façon habituelle de procéder. L'interrogatoire principal et le contre-

8 interrogatoire ne sont pas du tout conformes à ce qui est prévu par le

9 système de droit continental. Nous avons à adopter ici à un système

10 contradictoire.

11 Vous avez vu M. Nice conduire son interrogatoire principal. Il n'a

12 jamais laissé le témoin parler pendant cinq à dix minutes. Je vous demande

13 de vous conformer aux règles que je viens de présenter. Je ne vais pas

14 permettre des réponses à des questions qui se font trop amples, qui durent

15 cinq à dix minutes, parce que cela ne nous est pas utile. Si vous voulez

16 que nous comprenions ce qui s'est passé à Srebrenica, il faut briser les

17 choses par segment, par élément, et il ne s'agit pas du tout de laisser le

18 témoin présenter de façon narrative un récit de cinq à dix minutes.

19 Il vous appartient à vous. Il vous incombe la responsabilité de conduire

20 cet interrogatoire principal, et il faut que vous le fassiez conformément

21 aux règles de procédure qui sont prévues par ce Tribunal et la Chambre.

22 S'il veut parler de Srebrenica, il peut nous fournir davantage de détails,

23 mais pas parler pendant cinq, dix ou quinze minutes.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je me propose d'apporter un

25 commentaire. C'est de façon tout à fait différente que je comprends la

Page 34933

1 chose, ce qu'a dit M. le témoin. Il me semble que ce que Milosevic semblait

2 vouloir dire, c'est que le témoin n'a fourni qu'un résumé de ce que Mladic

3 lui a relaté. Bien entendu, le récit a dû être bien plus long, mais ce

4 résumé constitue tout ce dont nous avons besoin pour ce procès. Le témoin

5 peut dire oui. Il dit oui, mais cela est suivi par une explication trop

6 longue.

7 Je crois que la faute revient maintenant au témoin dans ce cas

8 concret.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poser une question concrète et

10 recevons une réponse concrète.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Combien de temps en septembre 1995 avez-vous passé à vous entretenir

13 avec M. Mladic, lorsque vous avez dit l'avoir rencontré ?

14 R. Nous avons passé plusieurs heures de discussion dans la caserne de

15 Banja Luka, en la présence en particulier du président Milan Martic. Il y

16 avait, je vous le répète aussi, une équipe de télévision française qui a

17 participé à une partie de la discussion, pas toute la discussion.

18 Q. Mais l'équipe de la télévision française, a-t-elle pris part à cette

19 partie de l'entretien où il a été question de Srebrenica ?

20 R. L'équipe de télévision française venait essentiellement pour

21 interviewer le général Mladic au sujet de la capture des pilotes français

22 et parler des conditions de leur libération, mais ils ont évoqué également

23 Srebrenica. Mais elle n'était pas présente à toutes les discussions.

24 Q. Veuillez m'indiquer, s'il vous plaît, si le général Mladic, dans le

25 courant de cette conversation que vous avez eue, aurait fourni d'autres

Page 34934

1 explications concernant les modalités suivant lesquelles il y a eu

2 exécution d'un certain nombre de prisonniers de guerre à Srebrenica ? Vous

3 êtes-vous entretenu du tout à ce sujet ?

4 R. Il a évoqué effectivement la possibilité de quelques exécutions, là

5 encore parce qu'il y avait une telle haine accumulée entre les Serbes et

6 les Musulmans dans cette région que c'était inévitable qu'il y ait quelques

7 exécutions, du fait que des Serbes de la région ont reconnu des Musulmans,

8 des milices de Naser Oric, qui avaient massacré leurs familles. Il est bien

9 évident il ne pouvait pas contester qu'il n'y ait pas eu des règlements de

10 compte, mais dans tous les cas, il n'y a jamais eu d'ordre donné de

11 massacre, ni d'exécution de prisonniers de sa part. C'est évident, et cela

12 est incontestable. Il a insisté aussi surtout sur le fait que Srebrenica

13 était un objectif stratégique. Il a attaqué Srebrenica pour neutraliser les

14 milices de Naser Oric, absolument pas pour éliminer la population.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Barriot, quand vous dites

16 "qu'il n'y a pas eu d'ordre donné de massacrer ou d'exécuter les

17 prisonniers par lui-même, et que cela a été évident, que cela ne peut pas

18 être contesté," est-ce que cela vous a été relaté par le général Mladic, ou

19 est-ce là une déclaration que vous faites vous-même ?

20 LE TÉMOIN : Non. Cela était déclaré. Le général Mladic est formel. Il n'y a

21 eu aucun ordre d'exécution de prisonniers.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes en train de nous rapporter

23 ce qu'il vous a dit lui-même.

24 LE TÉMOIN : Absolument.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

Page 34935

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. J'allais justement

2 poser cette question au témoin, celle de savoir si c'est exactement ce que

3 le général Mladic lui avait dit.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Donc le général Mladic vous a dit qu'il n'y avait pas eu absolument

6 d'ordre d'exécuter des prisonniers, à l'occasion de la conversation que

7 vous avez eue avec lui, j'entends ?

8 R. Oui. A nouveau, je confirme totalement cette version.

9 Q. Bien. Il n'est point nécessaire de le faire à plusieurs reprises. Très

10 bien.

11 Nous allons à présent brièvement passer à votre séjour au Kosovo. En juin

12 1998, vous vous trouviez à Pristina. Je vous prie de nous dire, très

13 brièvement, comment se présentait la situation à Pristina lorsque vous êtes

14 arrivé là-bas en juin 1998. Pouvez-vous nous donner un descriptif de la

15 situation ?

16 R. Oui. Je vais être très bref. Je suis arrivé à Pristina au mois de

17 juillet 1998, juin 1998. La situation était très tendue puisqu'il était

18 quasiment impossible de marcher dans la ville de Pristina en compagnie de

19 Serbes, car les Serbes se sentaient menacés. J'ai rencontré longuement le

20 recteur Radivoj Papovic, avec lequel j'ai eu de longues discussions. A ce

21 moment-là, j'ai fait part au recteur Papovic de mon désir d'aller dans le

22 sud du Kosovo parce que je souhaitais me rendre à Pec et à Decani. Le

23 recteur Papovic m'a fortement déconseillé de prendre cette voie et de

24 traverser le Kosovo, d'une part parce que les routes étaient bloquées par

25 l'UCK, et d'autre part, parce qu'on avait la connaissance de deux généraux

Page 34936

1 croates d'origine Albanaise, Rahim Ademi et Agim Ceku qui étaient dans la

2 région et qui avaient toute raison d'en vouloir aux représentants des

3 Serbes de Krajina.

4 Q. Veuillez m'indiquer, Colonel Barriot, quand est-ce que vous vous êtes

5 rendu au sud de la province parce que, par la suite, vous êtes quand même

6 allé à Pec, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, effectivement. Dès le mois de juillet et août, je me suis rendu

8 dans le sud du Kosovo. J'avais en poche une lettre du patriarche Pavle, qui

9 m'avait demandé d'apporter un soutien sanitaire à l'hôpital de Pec parce

10 qu'il y avait de nombreux combats dans la région. L'hôpital était débordé

11 et il avait jugé, le patriarche Pavle avait jugé utile de m'envoyer à Pec

12 pour aider les médecins de l'hôpital à soigner les blessés et les blessés

13 de l'hôpital. Voilà, je me suis rendu à Pec au mois de juillet et d'août

14 1998.

15 Q. Bien. Je vais, à présent, vous donner lecture d'une petite citation

16 afférente au volet Kosovo de l'acte d'accusation, et ensuite je vous

17 poserai la question.

18 Je me réfère, Mesdames et Messieurs, au paragraphe 87, on dit chef

19 d'accusation 7 :

20 "En fin 1990 et en 1991, des milliers d'Albanais du Kosovo, de médecins

21 albanais du Kosovo se sont vus licencier de leurs postes de travail."

22 On dit que ces Albanais, étant donné que vous étiez à l'hôpital, et je ne

23 fais référence qu'aux médecins. En 1990, dit-on, 1990-1991, dit-on, ces

24 médecins ont été licenciés. Quelle a été la composition du personnel, la

25 composition ethnique du personnel à l'hôpital de Pec une fois que vous vous

Page 34937

1 y êtes trouvé ?

2 R. Je ne connaissais pas cette déclaration, mais j'ai du mal à la croire

3 étant donné qu'une grande partie du personnel médical et paramédical de

4 l'hôpital de Pec était d'origine albanaise. Je ne pourrais pas vous dire

5 exactement la proportion, mais ce qui est certain c'est qu'il y avait plus

6 de médecins et d'infirmières albanais que serbes en 1998, à l'été 1998, à

7 l'hôpital de Pec où j'ai travaillé pendant plusieurs semaines.

8 D'ailleurs, il y avait tellement peu de médecins serbes qu'au cours de

9 l'été 1998, des équipes médicales venaient du reste de la Serbie, en

10 particulier même du Kosovo, de Kragujevac, pour apporter une aide

11 supplémentaire avec la mienne. Il y avait réellement très peu de médecins

12 et d'infirmières serbes à ce moment-là.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, dans l'intérêt

14 de la précision, le paragraphe 87 se lit comme suit : "Au travers de 1990

15 et 1991, des milliers d'Albanais du Kosovo, d'enseignants, de médecins, de

16 professeurs, d'ouvriers, de policiers, et d'employés ont été licenciés." Je

17 crois que vous vous êtes arrêté à "à médecins."

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je l'ai fait parce que j'estimais que le

19 témoin n'était pas compétent pour répondre au reste. J'ai cité cela pour

20 pouvoir comparer la situation qu'il a retrouvée à l'hôpital de Pec à son

21 arrivée, s'agissant maintenant du personnel médical, et l'alinéa tel

22 qu'énoncé ici. Parce qu'on affirme que des Albanais auraient été licenciés

23 en 1990 et 1991. Lui est allé là-bas en 1998, et il dit que la plupart du

24 personnel, la majorité du personnel, donc des médecins, des infirmières et

25 autres se trouvaient être des Albanais. Ce qui fait que ceci ne constitue

Page 34938

1 que l'une des contrevérités qui sont énoncées ici et que véritablement

2 elles ne nous mènent à rien, ne serait-ce que de commenter, parce que dans

3 aucun pays civilisé, telle chose se saurait être couchée sur papier, mais

4 enfin le papier supporte toute sorte de choses, comme on peut le voir.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je crois que

6 l'heure est venue à présent de faire une pause.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A l'avenir, je vous demanderais de

9 vous abstenir de commentaires de cette nature.

10 Nous allons faire maintenant une pause de 20 minutes.

11 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

12 --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, à vous.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Monsieur Barriot, tout à l'heure, vous parliez de faits qui portaient

16 sur la structure du personnel de l'hôpital. Pouvez-vous nous dire

17 maintenant en quelques mots quelle était la composition, la structure des

18 patients.

19 R. Alors que j'étais dans l'hôpital de Pec à l'été 1998, il y avait

20 essentiellement deux types de blessés. Il y avait d'une part de nombreux

21 Serbes qui arrivaient tous les jours, que ce soit des civils ou des membres

22 des forces de l'ordre qui étaient blessés et qui présentaient

23 essentiellement des plaies, des plaies de guerre, c'est-à-dire avant tout

24 des plaies par armes à feu.

25 Il y avait également une seconde catégorie de blessés qui étaient des

Page 34939

1 Albanais. Généralement des Albanais modérés qui avaient été battus par des

2 membres de l'UCK du fait de leur attitude amicale envers des Serbes. Soit

3 parce qu'ils avaient bu un verre avec des Serbes ou avoir manifesté quelque

4 amitié envers des Serbes. Ces gens-là étaient généralement battus,

5 présentaient des fractures de mâchoires, des fractures de membre dus à des

6 coups par des objets contondants.

7 Q. Vous travaillez dans l'humanitaire, vous êtes officier. Vous avez passé

8 là-bas une période que je qualifierais de significative. C'est pourquoi je

9 vous demande quelle était la situation eu égard aux droits dont jouissaient

10 les Albanais du Kosovo.

11 R. Je peux témoigner de cette situation, dans la mesure dont -- où je

12 logeais en fait au patriarcat de Pec, mais je travaillais tous les jours à

13 l'hôpital de Pec et je me déplaçais à pied dans la ville. En particulier,

14 j'allais quasiment tous les jours au marché. Je me déplaçais également en

15 véhicule dans la région pour aller, entre autre, au monastère de Decani ou

16 dans toute cette région.

17 Ce que je peux dire, c'est que je n'ai été le témoin, à aucun moment

18 d'attitudes violentes de la part des Serbes et en particulier des forces

19 Serbes à l'égard des Albanais. D'ailleurs, la présence des forces Serbes

20 dans Pec à cette époque était relativement minime et peu, relativement peu

21 évidente.

22 Ce que je peux dire également c'est que les Albanais de Pec, les Kosovars

23 albanais n'étaient l'objet d'aucune discrimination à mon sens. Ils

24 parlaient la langue albanaise, puisque quand j'allais dans des marchés ou

25 dans des échoppes et que je disais en partant "avijenje" ou "au revoir",

Page 34940

1 ils me reprenaient de façon assez agressive en disant il faut dire au

2 revoir en albanais. On voyait également fleurir de nombreux drapeaux

3 albanais avec l'aigle noir sur fond rouge au niveau de nombreuses maisons.

4 Egalement dans les rues, on pouvait voir distribuer des affiches et des

5 textes appelant à l'indépendance.

6 Je crois qu'il est assez clair que la situation à l'été 1998, dans

7 cette région, il n'y avait aucune discrimination et aucune violence à

8 l'égard des populations albanaises de la part des Serbes et des forces

9 serbes. Il y avait également de nombreux journaux. Il était beaucoup plus

10 facile de trouver des journaux d'information en langue albanaise qu'en

11 langue serbe. D'ailleurs, il n'y en avait quasiment pas.

12 Q. Avez-vous quelque information que ce soit au sujet de l'activité de

13 l'UCK à ce moment-là ? En vous fondant sur ces informations, comment

14 qualifieriez-vous ces activités ?

15 R. Oui, effectivement, j'avais la connaissance de nombreuses exactions de

16 l'UCK qui étaient de différents types dans la région. D'une part, il y

17 avait des agressions, en particulier, des embuscades contre les forces de

18 police serbes qui faisaient de nombreux morts. Il y avait également

19 beaucoup d'enlèvements, d'enlèvements de serbes, et surtout dans la région

20 du centre du Kosovo, des villages qui ont été complètement rasés, dont les

21 maisons ont été dynamitées et dont les habitants serbes ont été chassés.

22 Il y a eu une explosion de violence à cette époque de la part des

23 milices de l'UCK, mais que je qualifierais d'actions terroristes dans la

24 mesure où elles visaient essentiellement des civils, des civils que ce soit

25 les civils serbes, que ce soit les réfugiés des camps serbes de Krajina.

Page 34941

1 Parce que je me suis rendu dans différents endroits où étaient

2 regroupés des réfugiés de Krajina qui ont été sauvagement attaqués par les

3 milices de l'UCK. Je le répète, non seulement ces violences s'exerçaient à

4 l'encontre des civils serbes, mais également des civils albanais modérés

5 dès lors qu'ils ne participaient pas, j'allais dire, à la violence

6 extrémiste et à l'irrédentisme albanais.

7 Par ailleurs, il y avait à ce moment-là de nombreux passages au

8 travers de la frontière qui était toute proche puisque Pec se situe près de

9 la frontière albanaise sur la ligne Pec, Levubinje [phon]. Beaucoup de

10 passages, beaucoup de trafic de drogues, et les Serbes tentaient, les

11 forces serbes tentaient de s'opposer à ce trafic d'armes et de drogues qui

12 passaient par la frontière à ce moment-là.

13 Q. Est-ce tout ce que vous savez de l'action des forces serbes et des

14 forces de Sécurité à cette époque où est-ce que vous avez d'autres

15 connaissances à ce sujet ? Quelles étaient ses activités, d'après ce que

16 vous savez ? Je parle des forces de la République de Serbie et de

17 Yougoslavie.

18 R. Ce que je sais de l'activité des forces serbes à cette époque, c'est

19 qu'elles répondaient essentiellement à des agressions, à des embuscades, à

20 des attaques. Il s'agissait de réponses ciblées et proportionnées à la

21 violence des attaques de l'UCK et des miliciens et miliciennes terroristes.

22 Elles avaient pour but essentiellement de protéger les populations civiles,

23 mais aussi bien les populations civiles serbes. Je l'ai dit que les

24 minorités non-albanaises, comme les Rom, mais également les Albanais

25 modérés du Kosovo, elles avaient pour but de protéger les civils et de

Page 34942

1 répondre au cas par cas aux attaques ciblées de l'UCK, en particulier aux

2 embuscades et aux infiltrations sur la frontière avec l'Albanie.

3 Q. Etiez-vous personnellement en contact avec Bernard Kouchner, qui est

4 votre collègue sur le plan professionnel, par exemple ? Est-ce que vous

5 savez quoi que ce soit au sujet de sa participation aux événements

6 yougoslaves ?

7 R. Oui, effectivement. Bernard Kouchner est un confrère. J'ai eu

8 l'occasion de le rencontrer personnellement en particulier en 1991, parce

9 qu'il m'a envoyé en mission dans le Kurdistan irakien à cette époque. J'ai

10 eu effectivement un contact direct avec lui.

11 Concernant son attitude par rapport au conflit yougoslave, je pense qu'il a

12 fait la preuve d'un parti pris évident, puisque les deux associations qu'il

13 a créées, que ce soit Médecins du monde, ou Médecins sans frontières, ont

14 eu un parti pris évident et n'ont pas respecté la neutralité à laquelle

15 devraient être astreintes les organisations non gouvernementales. Les

16 organisations créées par Kouchner ont pris parti pour les Musulmans de

17 Bosnie, comme ils ont parti pris pour Kosovo albanais, et surtout ont

18 méprisé totalement les souffrances du peuple serbe pendant cette guerre.

19 Ensuite, je pense que Bernard Kouchner, en tant qu'administrateur du

20 Kosovo, a outrepassé les missions qui lui étaient conférées par la

21 Résolution 1240. Je pourrais même dire qu'il a organisé l'expulsion des

22 derniers Serbes du Kosovo. Je pense que

23 M. Bernard Kouchner a à peu près laissé au Kosovo le même souvenir que M.

24 Kurt Waldheim a laissé dans la montagne Kozara. Il a outrepassé cette

25 mission, et on a bien vu au cours des derniers événements de mars 2004, que

Page 34943

1 la mission de l'ONU a totalement failli à sa tâche et a organisé

2 l'expulsion des derniers Serbes du Kosovo.

3 Enfin, et dernièrement, je mettrais directement en doute l'honnêteté de M.

4 Kouchner, et je pense qu'il est le fruit d'une relation contre nature entre

5 la politique et l'armée.

6 Excusez-moi. Je voulais juste dire que c'est quand même à cause de M.

7 Kouchner que l'on ne sait plus très bien aujourd'hui si les hôpitaux

8 abritent des malades ou des miliciens en armes, et si on ignore si les

9 ambulances transportent réellement des blessés ou des armements. On a vu

10 beaucoup trop durant cette guerre. En particulier en 1993, on a découvert

11 des stocks d'armes sous le matériel humanitaire de Médecins sans frontières

12 qui, à l'évidence, étaient destinés aux enclaves musulmanes. De même, à

13 plusieurs reprises au Kosovo, on a découvert dans des ambulances du

14 matériel des lance-roquettes de l'UCK. Je crois que cette attitude qu'a

15 quand même initié M. Kouchner au cours de cette guerre a été très grave,

16 parce qu'elle a conduit à la perte totale de neutralité des ONG.

17 M. NICE : [interprétation] J'ai une certaine préoccupation, en fait, plus

18 qu'une certaine préoccupation au sujet de cette réponse si longue. Je tiens

19 à dire clairement, bien sûr, je n'ai aucun intérêt ici à servir ou à

20 défendre qui que ce soit dont le nom a été prononcé, mais c'est une chose

21 d'entendre un témoin déposer au sujet de fait, à savoir, parler par exemple

22 de la découverte dans des véhicules à certains endroits de certaines

23 choses, mais c'est quelque chose de tout à fait différent d'autoriser le

24 témoin à dire le genre de chose qu'il dit en page 39, ligne 21, où il

25 profère des affirmations au sujet de l'honnêteté d'un fonctionnaire au

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1 service du public.

2 Bien entendu, je n'ai pas pour rôle de défendre quelque personne que

3 ce soit, mais je pense qu'un moment doit venir où il doit être dit de façon

4 absolument claire que ce genre de commentaire ne peut être toléré et n'a

5 aucune pertinence.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous entendons votre

7 propos, Monsieur Nice.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Colonel Barriot, pourriez-vous nous dire si vous avez la moindre

10 connaissance au sujet de l'appui dont ont bénéficié les terroristes du

11 Kosovo-Metohija ?

12 R. Oui. Ces terroristes de l'UCK dans la région de Kosovo-Metohija

13 ont eu un soutien de plusieurs factions. D'une part, ils ont eu bien

14 évidemment le soutien diplomatique de Madeleine Albright, de Richard

15 Holbrooke, dans la région. Je rappelle en particulier qu'au moment où

16 Richard Holbrooke, à l'automne 1998, était au Kosovo, Osama bin Laden était

17 dans le nord de l'Albanie. Ils ont reçu un soutien de même de la part de M.

18 William Walker et de tous les diplomates américains. Egalement, ils ont

19 reçu un soutien des généraux croates d'origine albanaise, puisque le

20 général Rahim Ademi et le général Agim Ceku étaient dans la région, où Agim

21 Ceku a été chargé de coordonner les actions de l'UCK en 1999 --

22 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre encore une fois.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

24 M. NICE : [interprétation] Encore une fois avec des allégations aussi

25 vastes, ce qui est tout à fait extraordinaire, nous aimerions tout de même

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1 que le témoin définisse un peu les affirmations qu'il profère. Car elles

2 sont nombreuses, elles couvrent un très grand nombre de choses, elles sont

3 très vagues. S'il ne s'explique pas sans ces affirmations, elles seront

4 reprises parce qu'elles sont très attrayantes par certains médias, en

5 particulier, notamment les médias de l'ex-Yougoslavie, et ils leur seront

6 donnés une importance que ces propos ne méritent pas tout simplement. Il

7 peut-être tout à fait injuste de les mettre en exergue de cette façon, car

8 ils ne rendent pas nécessairement fidèlement compte de la réalité dont il

9 est question dans la présente affaire.

10 J'ai fait une observation dans des écritures que j'ai déposées récemment au

11 sujet du fait que l'accusé qui se sert des possibilités qui lui sont

12 données pour poser des questions et demander des éléments de preuve qui

13 finalement se transforment en exercice de propagande peut-être un peu

14 préoccupant. En tout état de cause, cela n'a aucune pertinence par rapport

15 au procès auquel nous participons, et qu'il faut veiller à faire très

16 attention lorsqu'on permet au témoin de proférer des affirmations aussi

17 vastes, avec toute sorte de noms qui sont mentionnés sans qu'ils soient

18 forcément liés à un document ou à une source particulière.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est un point que vous auriez pu

20 évoquer au cours du contre-interrogatoire. J'ai exprimé quelque doute au

21 sujet de la pertinence du terrorisme par rapport à cette partie de

22 l'affaire. Celui-ci était au moment où nous parlions de la partie Bosnie du

23 dossier mais, bien entendu, s'agissant de l'UCK, le rapport avec le

24 terrorisme est pertinent. S'il est question de l'appui dont a bénéficié

25 l'UCK, je pense que cet élément de preuve est pertinent. Bien sûr, vous

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1 avez toute l'attitude pour le réfuter.

2 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je ne conteste pas

3 nécessairement ces possibilités qui existent pour moi au cours du contre-

4 interrogatoire, mais lorsqu'on voit la façon dont les choses sont faites,

5 le lien notamment qui est établi entre des personnalités importantes dans

6 une série de phrases prononcées, les unes après les autres qui aboutissent

7 à des conclusions très vagues, j'invite la Chambre à prêter grand soin à

8 tout cela.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Je comprends votre

10 préoccupation, mais je pense que ce genre d'élément de preuve a sa place

11 ici.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais j'aimerais souligner à l'attention

13 du témoin que sa déposition devrait être plus précise. Je vais vous donner

14 un exemple. Vous avez dit dans une phrase prononcée il y à quelques

15 instants, je cite : "J'aimerais vous rappeler que lorsque Richard

16 Holbrooke, à l'automne 1998, s'est rendu au Kosovo, Osama bin Laden était

17 en fait dans le nord de l'Albanie à ce moment-là. L'UCK a également reçu le

18 soutien de William Walker et d'autres diplomates américains."

19 Il s'agit ici de déclarations qui sont trop générales, qui ne sont

20 absolument pas précises, et cela n'a aucune utilité pour la Chambre. M.

21 Nice parle de cet aspect général de vos réponses dans son propos. M.

22 Milosevic devrait davantage rechercher la précision de la part du témoin.

23 Ne perdez pas cela de vue. Veuillez poursuivre, je vous prie, Monsieur

24 Milosevic.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 34947

1 Q. Colonel Barriot, sur quelle base avez-vous fondé votre propos lorsque

2 vous disiez qu'Holbrooke et les autres personnes, dont vous avez cité le

3 nom, ont apporté leur soutien à l'UCK ou, plutôt, au groupe terroriste du

4 Kosovo-Metohija, et puis que savez-vous -- non, non. Cela je le laisserai

5 pour une deuxième question. Pour le moment, je vous demande de répondre à

6 cette première partie de ma question ou plutôt à la question que je viens

7 de vous poser ?

8 R. Oui. D'un côté, lorsque tout à l'heure pour Srebrenica je donnais des

9 détails, le Procureur dit que je suis trop long. Quand j'essaie d'être

10 concis et d'aller à l'essentiel, on me dit que je devrais détailler. Donc,

11 je vais détailler.

12 Concernant le général Agim Ceku, je précise que c'était le général

13 qui était responsable, un des hauts responsables de l'opération Tempête

14 contre les Serbes de Krajina, et qu'à cette époque il était responsable des

15 liens de la société MPRI et avec les Américains, et que de là, il est

16 passé. Vous ne pouvez pas contester qu'il a été responsable de la branche

17 armée de l'UCK en 1999, puis qu'il a été nommé chef du corps de protection

18 du Kosovo et tout cela avec l'aide des Américains. Il me semble que c'est

19 précis et que cela correspond à des faits bien précis à la fois dans le

20 temps.

21 Concernant M. William Walker, qui est Américain, diplomate américain,

22 un ancien agent de la CIA, qui s'est retrouvé à la tête d'une --

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Barriot, les interprètes

24 vous demandent de ralentir. Je sais que vous désirez vivement témoigner,

25 mais veuillez parler un peu plus lentement de façon à aider les

Page 34948

1 interprètes, je vous prie.

2 Et ne perdez pas de vue le fait que vous répondez à une question précise.

3 N'oubliez pas cette question qui consistait à vous demander quelle était la

4 base sur quoi vous fondiez votre observation. Quelles étaient les réalités

5 sur lesquelles vous fondiez votre observation consistant à dire que des

6 Américains de hauts rangs appuyaient l'UCK ?

7 LE TÉMOIN : Sur la base des renseignements que j'ai obtenus auprès des

8 renseignements civils et militaires français et étrangers, que j'étais à

9 l'époque sur place. Je pense avoir eu des informations de première main

10 concernant cette affaire.

11 Je tiens également à souligner que du matériel de transmission a été fourni

12 par l'UCK par les services de Renseignement français et allemand. Il y a eu

13 une aide diplomatique, une aide militaire, et une aide matérielle apportée

14 par les services de Renseignement occidentaux à l'UCK. Je pense que cette

15 déclaration est claire.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Savez-vous quoi que ce soit au sujet des crimes commis par Ceku en

18 Croatie ?

19 R. Oui. Oui, oui. De toute façon, je tiens à -- si je peux encore ici

20 citer des noms, mais Agim Ceku a fait partie des forces croates qui sont

21 rendues coupables du massacre de la poche de Medak en septembre 1993, sous

22 les ordres du général Janko Bobetko, avec Agim Ceku. Il y avait d'ailleurs

23 également Ante Gotovina et le général Mirko Norac. Ces mêmes généraux ont

24 été responsables de l'invasion, mais de l'attaque de la Krajina et de

25 l'opération Tempête au mois d'août 1995, où également ils se sont rendus

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1 coupables de crimes contres les populations civiles de la Krajina. Quant à

2 Rahim Ademi, il est également passé de la Krajina au Kosovo où tout porte à

3 croire qu'il est impliqué dans le massacre de Klecka au cours de l'été

4 1998.

5 Q. Restons-en à Ceku quelques instants. Les crimes commis par lui dans la

6 poche de Medak sont, je le suppose, connus à l'époque. Comment expliquez-

7 vous le fait qu'en dépit de la connaissance claire qu' on pouvait avoir des

8 crimes graves commis par Agim Ceku, il a pu être nommé commandant du Corps

9 de Protection du Kosovo lorsque les Nations Unies ont repris le contrôle du

10 Kosovo en 1999 ?

11 R. Parce que je pense que c'est très clair. C'est du fait de ces liens

12 avec les Américains, avec les Etats-Unis, puisque lors de l'opération

13 Tempête, dont il a été l'un des principaux responsables, il était chargé

14 des liens avec MPRI, et comme par hasard, il a été chargé des mêmes

15 fonctions au Kosovo, où il a été effectivement chargé de coordonner les

16 opérations de l'UCK en relation avec MPRI, puisque Military Professional

17 Resources Incorporated était également à l'œuvre au Kosovo et en Macédoine.

18 Je tiens à signaler que de même qu'Ante Gotovina a dit que si jamais

19 il était capturé, livrerait tout ce qu'il sait sur les liens entre les

20 Etats-Unis, entre MPRI et les forces croates concernant l'attaque de la

21 Krajina en août 1995. Je pense que de même qu'Agim Ceku sait suffisamment

22 de choses pour ne pas craindre d'être inquiété.

23 Q. A la fin 1994, Colonel Barriot, vous avez écrit une lettre au journal

24 français Le Monde. Que contenait cette lettre ?

25 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, avant d'en arriver là,

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1 car je ne vois pas vraiment en quoi une lettre adressée au Monde peut avoir

2 la moindre pertinence et en quoi la réponse à cette lettre peut en avoir

3 une elle-même, mais j'aimerais appeler votre attention sur le fait que

4 l'accusé a indiqué qu'il allait consacré une heure et demie, me semble-t-

5 il, à l'audition de ce témoin. Il en est déjà à deux heures 40. Nous avons

6 déjà dit, et nous continuons à dire, que pour l'essentiel c'est à l'accusé

7 de décider quelle est la meilleure façon pour lui d'employer le temps qu'il

8 lui est imparti, mais si la Chambre s'inquiète de la pertinence ou de la

9 pertinence marginale de certains éléments de cette déposition, elle peut

10 peut-être penser au fait que la limite est déjà dépassée et pratiquement

11 doublée.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Une partie de ce temps, Monsieur

13 Nice, a été consacrée à des discussions juridiques au sujet de la

14 pertinence des éléments de preuve et à des questions qui ont été posées par

15 les Juges de la Chambre. Il faut en tenir compte également.

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais nous n'avons pas limité le temps

17 consacré à l'interrogatoire principal dans l'audition de ce témoin.

18 M. NICE : [interprétation] Non, nous ne l'avons pas limité. Je dis

19 simplement que l'accusé avait donné une indication de temps et qu'il en est

20 déjà pratiquement au double. J'appelle l'attention des Juges sur ce point.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic en est sans doute

22 tout à fait conscient. Il veille à ce genre de choses avec le plus grand

23 soin, je le sais.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Je répète ma question. Vous avez envoyé une lettre au Monde. Quelle est

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1 la teneur de cette lettre et quelle a été la réponse ?

2 R. Oui. Je pense effectivement que cette lettre a une importance parce

3 qu'elle traduit bien la mentalité et la façon dont les médias ont toujours

4 réagi au cours de cette guerre.

5 En 1994, je répète, c'était le moment où il y avait des combats dans la

6 poche de Bihac entre les forces gouvernementales de Sarajevo, le 5e Corps

7 bosniaque, et les Musulmans modérés de Fikret Abdic. Je m'étais inquiété et

8 j'avais adressé une lettre au Monde pour souligner les souffrances et les

9 persécutions dont étaient victimes les Musulmans modérés de Fikret Abdic.

10 Je vous donne juste une phrase de la réponse de ce journal qui est quand

11 même prestigieux : "Nous ne pouvons pas partager votre interprétation du

12 conflit entre Fikret Abdic et Atif Dudakovic lequel agissait au nom d'un

13 pouvoir central contre une menace de sécession."

14 En fait, les médias ont toujours pris parti pour le gouvernement

15 central de Sarajevo contre les sécessionnistes, tout comme ils ont pris

16 parti pour le gouvernement central de Zagreb, contre les sécessionnistes,

17 soi-disant de Krajina. Mais au Kosovo, quand c'est les Albanais qui étaient

18 dans cette même situation, là ils ont été, au contraire, soutenus. Il a

19 deux poids, deux mesures qui est évident et que traduit bien la réponse à

20 cette lettre.

21 D'un côté, il fallait soutenir Sarajevo contre Fikret Abdic. Il fallait

22 soutenir Tudjman contre les Serbes de Krajina, mais par contre, il ne

23 fallait surtout pas soutenir Belgrade contre les sécessionnistes albanais.

24 Je crois que cela a été deux poids, deux mesures constamment appliqué

25 durant les trois volets de cette guerre.

Page 34952

1 Q. Colonel Barriot, quelques questions très courtes encore.

2 Professionnellement, vous vous êtes occupé des différents types d'armes qui

3 étaient utilisées. Dans quelle mesure les armes utilisées par l'OTAN ont-

4 elles créé un effet particulier sur les civils ? Quel a été cet effet ?

5 Est-ce que les civils avaient, pour résumer, la possibilité de rester à

6 leur domicile ou est-ce qu'ils ont eu la possibilité de fuir ?

7 R. Oui. Je vais être extrêmement bref parce que c'est ma spécialité. Je

8 pourrais m'étendre plusieurs jours sur la question. Mais plusieurs types

9 d'armes ont été utilisés par l'OTAN, qui ont touché essentiellement les

10 civils. Je pense en particulier aux bombes à fragmentation qui ont été

11 utilisées dans le sud du Kosovo, et on sait très bien que ces bombes à

12 fragmentation lorsqu'elles n'explosent pas, lorsque les sous-munitions

13 n'explosent pas, se comportent comme des mines antipersonnelles. Elles ont

14 tué de nombreux enfants et des civils dans le sud du Kosovo. Je pense aux

15 bombes au graphite qui ont réalisé des courts-circuits sur toute la Serbie.

16 Il y a eu des coupures d'électricité dans les hôpitaux qui ont entraîné la

17 mort de malades dans les services de réanimation, en particulier de

18 réanimation néonatale. Je pense aux munitions à l'uranium appauvri, à

19 l'uranium 238 qui ont entraîné une contamination persistante des sols et de

20 la chaîne alimentaire et qui va être à l'origine probablement de nombreuses

21 malformations et de nombreux cancers.

22 Je pense surtout aux bombardements des sites chimiques qui réalisent,

23 en fait, un véritablement bombardement chimique parce que lorsque vous

24 détruisez avec des bombes classiques une usine chimique, vous libérez dans

25 l'environnement et vous contaminez l'environnement pour des décennies.

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1 Lorsque le complexe de Pancevo a été détruit, lorsque la raffinerie de Novi

2 Sad a été détruite, lorsque l'usine Zastava de Kragujevac a été détruite,

3 lorsque le complexe Bor a été détruit, il y a eu des milliers de tonnes de

4 produits chimiques, que ce soit du phosgène, du dioxyde de souffre, je peux

5 vous citer des dizaines de produits extrêmement toxiques qui ont été

6 libérés sous forme de dizaine de milliers de tonnes, ce qui va entraîner

7 une contamination persistante des sols avec des effets absolument

8 dramatiques sur la population dans les années à venir.

9 Toutes ces attaques, en fait, ne visaient pas du tout des cibles

10 militaires et les forces serbes, dont on sait qu'elles ont été épargnées,

11 mais ont surtout touché les civils et constituent de ce fait pour moi des

12 crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bon. Vous êtes un homme qui porte

14 plusieurs casquettes, Colonel Barriot. Colonel, je constate que vous êtes

15 un homme avec plusieurs casquettes, vous êtes médecin, expert en armes et

16 maintenant juriste. Je vois que vous venez de qualifier ceci comme un crime

17 contre l'humanité. Or, ceci relève de la compétence de la Chambre. Je vous

18 serais reconnaissant d'éviter toutes qualifications juridiques qui relèvent

19 de la compétence de la Chambre.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Monsieur Barriot, étant donné les opérations que vous pouviez apprécier

22 professionnellement, je vous demande quelle a été leur effet sur la

23 population s'agissant de décider s'il convenait de rester à son domicile ou

24 de fuir. Je parle du Kosovo Metohija où le bombardement était tout à fait

25 intensif, ayant lieu 24 heures sur 24, jour après jour.

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1 L'important c'est est-ce qu'ils pouvaient décider de rester chez eux ou de

2 fuir, comment est-ce que ce choix se faisait ? Quelle a été l'incidence sur

3 les civils, de ce que vous venez de dire, s'agissant de ce choix ?

4 R. Oui. Avant de répondre à la question, je voudrais --

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant que vous ne répondiez,

6 pourriez-vous nous dire quelle est la base sur laquelle vous vous appuierez

7 pour répondre à une telle question ? Etiez-vous présent ou allez-vous

8 répondre en vous fondant sur des renseignements que vous auriez reçus de

9 tiers ?

10 LE TÉMOIN : D'abord, je tiens à dire que j'étais quand même en Serbie au

11 mois de mars et d'avril 1999, ces bombes, je peux dire que j'en ai reçu une

12 partie sur la tête. J'étais sur les ponts de Belgrade au moment des

13 bombardements. J'ai vu la destruction de mes yeux de la radiotélévision

14 serbe. J'ai vu de mes yeux la destruction de l'ambassade de Chine et de

15 nombreuses habitations civiles, du complexe de Pancevo. D'une part, j'étais

16 sur place; d'autre part, j'étais en relation avec de nombreux médecins

17 serbes dont j'ai reçu les rapports. Je vous rappelle que je viens de

18 rédiger un ouvrage sur les systèmes d'armement.

19 Je tiens, par ailleurs, à dire que ma qualification de tout à l'heure

20 n'était absolument pas juridique, mais médicale. Lorsque je parle de crimes

21 contre l'humanité, c'est une qualification médicale et non juridique.

22 Pour répondre à la question du Président Milosevic, non, bien

23 évidemment, les populations civiles n'ont jamais été averties et les

24 enfants du Kosovo qui jouent dans les champs ne peuvent ne peuvent

25 absolument pas être avertis qu'il y a des sous-munitions de bombes à

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1 fragmentations. De même que les paysans du Kosovo qui mangent leur salade

2 ou qui boivent le lait, ne peuvent absolument pas être au courant, et n'ont

3 pas les moyens de détecter la présence d'uranium 238 dans l'environnement.

4 A l'opposé, quand les militaires de l'OTAN ont fait des enquêtes, ils

5 revêtaient des tenues de protection NBC lourdes, alors que la population,

6 elle, n'a eu aucune protection et n'a jamais été avertie des risques

7 encourus.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Colonel Barriot, je parle maintenant de la totalité de votre

10 expérience, expérience qui provient de ce temps assez long que vous avez

11 passé sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, donc ce que vous avez vu, sur

12 le territoire de l'ex-Yougoslavie, en Krajina, en Croatie, en Bosnie-

13 Herzégovine, en République fédérale de la Yougoslavie, au Kosovo et

14 Metohija, cela correspond-t-il à ce que vous avez pu constater dans

15 l'opinion publique dans votre pays, dans d'autres pays occidentaux et ce

16 que vous avez pu retrouver dans la déclaration faite par les représentants

17 officiels de ces pays occidentaux ?

18 R. Non, absolument pas. Il y a une fracture totale. Effectivement, je

19 pense au fil de ces années, avoir une vision, une vision à la fois globale

20 et du détail de la situation. Ce que l'on a totalement caché aux opinions

21 publiques, c'est que, en fait, en Croatie, en Bosnie et au Kosovo, les

22 Serbes n'étaient pas du tout les agresseurs, mais répondaient, au

23 contraire, en état de légitime défense à des agressions.

24 J'ai cité le cas de Vukovar, où Vukovar n'a pas démarré en novembre 1991

25 par la chute de la ville, mais en août et durant l'été par les exactions

Page 34956

1 des milices de Mercep. De même, pour Srebrenica, cela n'a pas commencé en

2 juillet 1995, mais dès 1992, par les agressions des milices de Naser Oric.

3 On a découplé, on a séparé les agressions de première et la riposte pour

4 faire croire que les Serbes étaient les agresseurs alors qu'ils se

5 contentaient de répondre. De même, je pense l'avoir montré pour la Bosnie

6 et pour le Kosovo, les Serbes se sont efforcés de répondre à une menace et

7 à des combattants islamistes et à un terrorisme fondamentaliste qui

8 venaient souvent de l'étranger. Globalement, on a lié les mains derrière le

9 dos des Serbes pour qu'ils ne puissent pas exercer leur droit de légitime

10 défense. Voilà ce que j'ai observé. Et je tiens à dire que beaucoup de

11 militaires et d'officiers supérieurs, on fait la même constatation, je ne

12 vais pas vous redire tous les livres des généraux et des généraux étrangers

13 qui ont été écrits sur le sujet et qui confirment cette vision des choses.

14 Q. Dernière question que je me propose de vous poser dans mon

15 interrogatoire principal, Colonel Barriot, quelle est la conclusion

16 générale que vous tirez de votre expérience à vous ?

17 R. Ma conclusion --

18 M. NICE : [interprétation] Je ne comprends vraiment pas, comment une

19 question de cette nature, peut être de quelque utilité que ce soit, pour

20 cette Chambre.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, il en est tout à fait ainsi,

22 Monsieur Milosevic, posez une autre question. Cette question ne fait en

23 réalité aucun sens.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Je vous remercie, Colonel Barriot, j'en ai terminé avec les questions

Page 34957

1 que j'avais à poser.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'ai reçu de votre

4 part toute une série de documents. Je suppose que votre souhait est de

5 faire en sorte qu'ils soient versés au dossier. Toutefois, vous n'avez

6 traité que de deux éléments, ou de deux intercalaires de ces dossiers. Est-

7 ce que je dois comprendre que c'est ces deux pièces qu'il convient de

8 verser au dossier, ou pas ? Ai-je bien compris ou non ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que ces documents parlent pour eux-

10 mêmes, car il s'agit de documents qui ne font que confirmer la présence de

11 ce témoin aux endroits dont il a parlé, dont il a témoigné. Il n'est guère

12 nécessaire d'avoir des commentaires autres que ceux-là. Je voudrais que ces

13 pièces soient versées au dossier, quoique je ne les ai pas toutes

14 mentionnées, étant donné que bon nombre de ces documents ne concernent que

15 la présence de ce témoin à certains endroits et ne portent que sur les

16 références qui sont citées pour déterminer la compétence de celui-ci.

17 J'attire votre attention sur le fait que les choses coïncident et il y a

18 une coïncidence des intercalaires, vous avez une note à ce sujet.

19 S'agissant des pièces à conviction, ma demande serait celle de dire que

20 toutes ces pièces devraient être versées au dossier.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quand bien même il en serait ainsi, et

22 là je parle pour moi-même, je ne pense pas que c'est là une façon

23 appropriée de présenter des documents écrits pour versement au dossier. A

24 moins que ces documents n'aient été auparavant montrés au témoin. J'estime

25 qu'il ne faudrait pas les verser au dossier. Même si nous devions perdre

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1 pas mal de temps, j'estime que chacun des documents devrait être montré au

2 témoin pour pouvoir être versé au dossier. Si c'est des documents que vous

3 voudriez verser au dossier, mis à part les intercalaires 4 et 27, il

4 faudrait les montrer au témoin.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Kwon, avec tout le respect qui est dû

6 à ce que vous venez de dire, et ce qui, en principe, serait tout à fait

7 correct et que je ne contesterais guère, il me semble qu'ici les documents

8 parlent pour eux-mêmes. Si vous commencez par la lettre où il y a le préfet

9 de police qui adresse des lettres --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quel document parlez-vous ?

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je procède dans l'ordre. Je viens ici de les

12 reprendre. Vous avez, par exemple, la page de garde de ce livre, Mme Del

13 Ponte a d'ailleurs dit qu'elle avait lu le livre en question. Ensuite, vous

14 avez un certificat signé par le général de Lapresle concernant une médaille

15 de la FORPRONU à l'intention de Patrick Barriot. Puis, vous avez une lettre

16 de Milan Martic au numéro 4. Puis, au numéro 5, vous avez un certificat

17 d'Air Travel Croatie. Au numéro 6, vous avez une attestation d'emploi en

18 tant que personnel médical à Glina, à l'hôpital. Au numéro 7, un rapport de

19 l'hôpital de Glina, et ainsi de suite. Ce sont là des documents.

20 Je n'ai pas voulu dépenser trop de temps pour les montrer un par un au

21 témoin, pour déterminer si c'est bien de cela qu'il s'agit, parce qu'il

22 s'agit de documents qui disposent de signatures, d'une teneur déterminée,

23 et qui ne font que confirmer la présence de ce témoin aux différents

24 endroits. Par voie de conséquence, il se trouve être convié à témoigner de

25 chose qu'il a pu constater aux endroits où il a été présent.

Page 34959

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, à l'occasion de la

2 présentation des éléments de preuve à charge, vous avez eu pour pratique de

3 vous référer à certains documents au cas où leur nombre aurait été

4 important, sans pour autant les montrer tous au témoin.

5 M. NICE : [interprétation] Nous avions pour coutume de les montrer un par

6 un au témoin. Il nous est arrivé parfois de les traiter par couple de

7 documents, et avec une explication à chaque fois du fondement avec le

8 témoin. Il y a eu des exceptions, je sais qu'en règle générale, il a été

9 procédé au versement des documents un par un, mais il y a eu des exceptions

10 en demandant par exemple à des Etats de communiquer certains documents,

11 avec des explications apportées par l'enquêteur du bureau du Procureur.

12 Nous avons expliqué tout ceci par écrit, nous espérons que l'accusé a eu

13 l'occasion de se pencher sur ces explications, pour ce qui est de la

14 nécessité de recourir à une telle pratique. Seuls les documents qui ont été

15 montrés et dont il a été question, dont il a été traité dans le prétoire

16 devraient être versés au dossier.

17 S'agissant de ce témoin-ci, il conviendrait de verser au dossier rien que

18 ces deux documents-là. Cela ne se fait pas au détriment de l'accusé étant

19 donné que l'accusé, par le biais du témoignage de ce témoin, a pu faire

20 verser des documents qu'il avait souhaité verser. S'il y a contestation de

21 certains détails, il peut l'indiquer, ou il pourra être indiqué à

22 l'occasion du contre-interrogatoire qu'il y a contestation de votre

23 présence à tel moment, à tel endroit, et on pourra lui demander s'il peut

24 ou s'il veut commenter à ce sujet ? Je crois que cela nous permettra de

25 réduire au minimum le nombre de documents qui seront versés au dossier.

Page 34960

1 Il me semble qu'il ne conviendrait pas de permettre l'admission au

2 dossier de certains documents, alors qu'ils n'auraient pas été mentionnés

3 dans le prétoire.

4 Je veux également faire observer que quoique nous ayons reçu

5 aujourd'hui certaines traductions, il me semble qu'il nous manque certains

6 documents, je crois que Mme Dicklich va me corriger si je me trompe, il

7 s'agit des intercalaires 9, 11, 14 et 17. S'agissant d'autres traductions,

8 nous ne les avons reçues que tout dernièrement, ce qui fait que nous

9 n'avons pas eu le temps de nous pencher dessus.

10 A notre avis, seuls ces deux intercalaires devraient être versés au

11 dossier, et peut-être qu'à l'occasion des questions complémentaires

12 certains autres pourront-ils être versés également au dossier.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons nous pencher sur la

14 question.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, Monsieur Nice, vous avez

17 raison lorsque vous dites que les documents devaient être présentés au

18 travers du témoignage du témoin. Mais dans un intérêt d'équité, vis-à-vis

19 de l'accusé, et compte tenu de l'approche que vous avez eue, je vous

20 demanderais Monsieur Milosevic de prêter une oreille attentive à ce que je

21 dis. Je voudrais vous demander de passer rapidement en revue avec le témoin

22 chaque intercalaire que nous avons ici, vous pouvez citer au témoin

23 l'intitulé, il peut dire oui ou non en guise de réponse. C'est ce qu'a fait

24 le Procureur et nous allons vous autoriser à faire la même chose.

25 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]

Page 34961

1 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, je suppose que vous avez sous les

2 yeux le registre des éléments de preuve ou le dossier des éléments de

3 preuve ? A côté de l'endroit où vous êtes il y a un dossier suivant les

4 intercalaires ?

5 Numéro 1, c'est la page de couverture de l'ouvrage, On assassine un

6 peuple, les Serbes de Krajina. C'est bien votre livre à vous, n'est-ce

7 pas ?

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, allez-y. Allez de l'avant.

9 LE TÉMOIN : Oui.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Au numéro 2, page de couverture de, Nos témoignages sur la Serbie,

12 publié par vous également. C'est votre livre ?

13 R. Oui.

14 Q. Numéro 3, certificat signé par le général Lapresle portant sur la

15 médaille qui vous a été décernée. Est-ce là un document qui confirme ce

16 fait ?

17 R. Oui.

18 Q. Au numéro 4, une décision --

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On en a déjà parlé. Passez au 5.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Numéro 5, l'attestation des services aériens de Croatie 1994. C'est

22 bien à vous ?

23 R. Oui.

24 Q. Numéro 6, attestation d'activités médicales à l'hôpital de Glina.

25 Le compte rendu d'audience au numéro 7 de l'activité médical de l'hôpital

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1 de Glina. Est-ce bon ?

2 Au huit, compte rendu de l'activité médicale à l'hôpital de Glina. Il y a

3 deux documents à ce sujet. Cela vous concerne également, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Puis vous avez au numéro 9, lettre de remerciement pour l'aide apportée

6 à l'hôpital de Glina ?

7 Au numéro 10, même chose. C'est bon ?

8 R. Oui, bien.

9 Q. Au numéro 11, compte rendu de déplacement à Krajina adressée par

10 l'Association humanitaire Krajina.

11 Au numéro 12, compte rendu également.

12 Au numéro 13, note d'hôtel de Topusko.

13 Au numéro 14, compte rendu de déplacement en Bosnie et en Krajina en juin

14 1995; au numéro 15, accréditation délivrée par la République Serbe de

15 Bosnie en vue de la réalisation de reportages avec l'équipe de télévision

16 française FR3 en 1995 et 1996; au numéro 16, autorisation de participation

17 aux cérémonies de Vidovdan à Bijeljina, en juin 1995; au numéro 17, texte

18 manuscrit du généralement Mladic, à Bijeljina, juin 1995. Puis une note

19 d'hôtel à Banja Luka, mars 1996.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Arrêtez-vous là parce qu'on en vient au

21 17. Est-ce bien là un texte manuscrit du généralement Mladic ?

22 LE TÉMOIN : Oui.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il l'a écrit pour vous ?

24 LE TÉMOIN : Oui. Je confirme. Il l'a écrit pour moi au mois de juin 1995 à

25 Bijeljina.

Page 34963

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Ici on dit, "Pour la paix et l'amitié, j'aimerais que la France pense à

3 nous comme nous pensons à elle." C'est signé, 28 juin 1995. Au 18, je l'ai

4 dit.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi. J'aimerais que

6 nous revenions au numéro 14. Nous avons là un texte uniquement en B/C/S.

7 Monsieur, pouvez-vous nous confirmer ? Vous comprenez ? Vous pouvez lire ce

8 qui est dit ici en langue serbe ? Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi

9 il s'agit ici au numéro 14 ?

10 LE TÉMOIN : Vous parlez du texte du général Mladic ?

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Non, non. Numéro 14, c'est un compte rendu de déplacement de la

13 Republika Srpska.

14 R. Non, non. Je ne parle pas, je ne comprends pas le cyrillique, mais je

15 sais de quoi il s'agit, oui. Cela donne les dates et les circonstances du

16 déplacement, en particulier avec les passeports et les immatriculations des

17 véhicules.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Pouvons-nous continuer, Monsieur

19 Milosevic.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Kwon.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Nous avons déjà parlé du 18 et du 19.

23 Puis au 20, nous avons Pristina, une note d'hôtel.

24 Puis le 21, un texte du recteur Papovic, que vous avez mentionné, qui

25 datait de 1998.

Page 34964

1 Au 22, une lettre de recommandation de monseigneur Luka, évêque

2 d'Europe occidentale en vue d'une mission au Kosovo.

3 Puis vient le numéro 23, lettre de mission pour le Kosovo établie par

4 le patriarche Pavle en juin 1998.

5 Ensuite au 24, confirmation de séjour au Kosovo établie par la police

6 de Pec au mois d'août 1998.

7 Au 25, lettre de --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, le témoin

9 devrait dire oui ou non.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais il nous fait des signes affirmatifs de la

11 tête. Il ne fait que confirmer. Nous sommes en train d'essayer de gagner du

12 temps.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Puis à l'intercalaire 25, lettre de remerciement du patriarche Pavle en

15 réponse à la réception d'un texte sur la Krajina; puis au 26, un courrier

16 adressé par la chaîne nationale de télévision française, antenne 2, à

17 propos de la libération des otages français; puis au 27, ministère des

18 Affaires civiles et de Communications, département des relations avec

19 l'extérieur de l'Interpol. C'est ce que nous avons cité et qui n'a pas été

20 contesté.

21 Puis au 28, il y a un CD-ROM, le film, les Unités d'El Moudjahid; et le 29,

22 des photos de terroristes. C'est tout ce que nous avons ici pour ce qui est

23 des éléments de preuve ?

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais je ne comprends pas qu'est-ce que

25 c'est ce CD-ROM ?

Page 34965

1 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Bon. Comme nous ne l'avons pas

3 montré, point n'est nécessaire de le verser au dossier.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous ne l'avons pas, d'ailleurs,

5 l'intercalaire 29.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous ne l'avez pas. Cela figure sur la liste,

7 mais je ne l'ai pas non plus moi-même. Cela ne fait figurer que sur la

8 liste. Nous avons parcouru jusqu'à présent tout ce qu'il y avait.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que M. Nice s'est mis debout.

10 M. NICE : [interprétation] Oui, je me suis debout pour dire que nous

11 n'avions pas de CD-ROM du tout, et nous n'en savions rien, et nous ne

12 savons rien au sujet des photographies qui suivent. Maintenant, pour ce qui

13 est des deux premiers intercalaires, il s'agit de pages de couverture de

14 certains documents, mais si je crois avoir compris, cela a déjà été versé

15 au dossier.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui.

17 Nous allons accepter le versement de ces dossiers au dossier. Quelle est la

18 cote suivante, Monsieur le Greffier ?

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] D270.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D270.

21 C'est la fin de votre interrogatoire principal. Nous allons passer au

22 contre-interrogatoire.

23 A vous, Madame le Procureur.

24 Mme DEL PONTE : Merci, Monsieur le Président.

25 Contre-interrogatoire par Mme Del Ponte :

Page 34966

1 Q. Docteur Barriot, d'abord vous appelez M. Milosevic, "Président". Vous

2 me dites la cause, parce que vous savez qu'il n'est plus président depuis

3 des années maintenant.

4 R. Oui, Madame, c'est une règle en France de toujours appeler "Président"

5 quelqu'un qui a été président de la république par déférence. C'est une

6 règle de courtoisie française.

7 Q. Bien. Quelle est votre occupation actuellement ?

8 R. Actuellement, je suis médecin spécialiste des hôpitaux et je suis

9 chargé de cours dans plusieurs facultés de médecine, dans des institutions,

10 et des grandes écoles. Je fais partie de groupe d'experts travaillant sur

11 les systèmes d'armement et le terrorisme.

12 Q. Vous travaillez aussi comme médecin ?

13 R. Oui. Ma spécialité première est anesthésie et réanimation. Je suis donc

14 médecin anesthésiste. Ma pratique courante est l'anesthésie et réanimation.

15 Q. Hier, vous avez parlé de l'office de représentation que vous avez pour

16 la Republika Srpska de Krajina que vous avez ouvert à Paris. Vous nous avez

17 montré aux actes, la décision du président Milan Martic. Ce qui m'intéresse

18 c'est de savoir l'idée d'ouvrir ce bureau de représentation ? C'est vous

19 qui l'avez eue, ou bien cela vient de quelqu'un d'autre ?

20 R. C'est une idée commune. Elle est née en même temps. J'ai fait la

21 proposition et elle a été agrée par le président Milan Martic et par ses

22 conseillers. On peut dire que cela a été une idée commune qui est née

23 progressivement. Ce n'est pas né au mois de juin 1995, cela s'est déroulé

24 sur plusieurs mois au cours de l'année 1994 et 1995.

25 Q. C'est-à-dire grâce à l'amitié personnelle que vous aviez avec le

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1 président Martic, et en discutant avec lui, que vous avez eu cette idée ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Cela a duré combien de temps, ce bureau de représentation ?

4 R. En fait, ce bureau de représentation, qui a été ouvert officiellement

5 au mois de juin 1995, n'a vraiment jamais été fermé. C'est vrai qu'à partir

6 du mois d'août 1995, la Krajina ayant été envahie par les forces croates,

7 il n'y avait plus réellement de possibilité de continuer à représenter la

8 République serbe de Krajina en tant que telle, mais je suis resté. Je suis

9 demeuré représentant des Serbes de Krajina, en particulier en Bosnie, et au

10 Kosovo pour continuer à les représenter et à m'occuper des réfugiés serbes

11 de Krajina qui étaient en Bosnie, au Kosovo, en particulier. Lorsque je

12 rencontrais le président Karadzic ou le général Mladic, j'étais

13 représentant des Serbes de Krajina.

14 Q. Est-ce que vous avez eu des ennuis avec le gouvernement français ?

15 Parce que si j'ai bien compris hier, vous avez dit qu'à cause de cela vous

16 avez renoncé à rester dans l'armée française.

17 R. Oui. J'ai été sanctionné par le ministre de la Défense à l'époque de M.

18 Jean Chevenement, essentiellement à la suite de la plainte de M. Mate

19 Granic, le ministre des Affaires étrangères croates, donc j'ai été

20 sanctionné. J'ai eu des jours d'arrêt et des blâmes du ministre, mais je

21 tiens à souligner que c'était pour le non respect de l'obligation de

22 réserve.

23 Q. Cela on l'a depuis hier.

24 R. Je précise que ce n'était pas ni pour atteinte à l'honneur de l'armée,

25 ni pour faute grave contre l'honneur, ni pour des mensonges. C'était

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1 uniquement parce que j'avais dit la vérité, mais qu'il ne fallait pas la

2 dire.

3 Q. Bien. Vous étiez en ex-Yougoslavie en tant que médecin pour la

4 FORPRONU, c'est-à-dire, officiellement pendant trois mois. C'est cela ?

5 R. Oui.

6 Q. Le reste des visites que vous avez faites, de trois semaines, chaque

7 deux, trois mois, c'était privé cela, ou c'était --

8 R. Oui, c'était à titre personnel, effectivement. Ce n'était plus dans le

9 cadre de la FORPRONU. C'était dans le cadre d'association humanitaire que

10 j'ai cité, essentiellement, l'association humanitaire Krajina, fondée parmi

11 les Bucan, et l'association Teleobjectif, fondée par Marica Mathei.

12 Q. Parce que vous vous occupez de l'ex-Yougoslavie et des faits de l'ex-

13 Yougoslavie à partir de 1994 ?

14 R. C'est exact.

15 Q. Est-ce que vous n'étiez pas avant ?

16 R. Non. Auparavant, ma seule expérience dans les Balkans était une mission

17 en Albanie en 1991.

18 Q. 1991. En Albanie pour qui ?

19 R. En Albanie, j'ai été intervenu à Tirana, lors d'une sorte

20 d'insurrection qui avait eu à Tirana. J'avais été envoyé dans les

21 ambassades étrangères. J'étais le seul médecin occidental présent à ce

22 moment-là, et je me suis occupé des insurgés albanais qui s'étaient

23 réfugiés dans les différentes ambassades occidentales. Il y en avait

24 plusieurs milliers, donc j'ai soigné ces insurgés albanais pendant

25 plusieurs semaines. En particulier, je les ai ramenés également en France.

Page 34969

1 Il y en a plusieurs milliers qui ont été accueillis en France.

2 Q. Je peux dire on peut dire que sur les faits qui sont mentionnés dans

3 l'acte d'accusation à la charge de Milosevic, c'est-à-dire, pour la Croatie

4 1991, 1992, vous n'étiez pas sur le territoire.

5 R. Excusez-moi, je viens de faire une erreur dans la date concernant ma

6 mission en Albanie. Elle était dans les années au début --

7 Q. Oui. On a la documentation que l'on nous a donnée.

8 R. D'accord. J'allais vous donner. C'était 1990.

9 Q. Juillet 1990.

10 R. Oui.

11 Q. Je vois. Vous étiez 1980, 1982 vous étiez à Paris, 1990 vous étiez en

12 Albanie, et vous étiez en Irak, 1991.

13 R. Oui, c'est bien cela.

14 Q. Pour dire que vous n'étiez pas là au moment des faits de l'acte

15 d'accusation en Croatie quant à Milosevic, vous n'étiez pas en Croatie.

16 R. Non.

17 Q. D'accord. Pour mon information et pour l'information de la Cour, on a

18 entendu Mlle, on l'appelle Mlle Eve Crépin, mais j'ai vu dans la presse de

19 Belgrade ce matin qu'on dit que vous êtes marié. Est-ce que vous pouvez

20 nous expliquer la relation que vous avez avec Mme ou Mlle Eve Crépin.

21 R. Nous vivons ensemble, mais nous ne sommes pas mariés.

22 Q. Vous vivez ensemble depuis quand, depuis les faits --

23 R. Depuis 1994.

24 Q. Vous avez témoigné hier, et aujourd'hui, sur le terrorisme, disons le

25 terrorisme musulman, et particulièrement le terrorisme musulman en Bosnie-

Page 34970

1 Herzégovine. Vous avez fait des noms de possible auteurs d'actes

2 d'attentat, mais naturellement votre témoignage n'est que l'évaluation que

3 vous avez en parlant avec d'autres gens. Ce que je vous demande et que la

4 Cour vous a demandé hier : Est-ce que vous avez de la documentation ?

5 R. Madame, vous n'ignorez pas que dès lors qu'on évoque des sujets

6 sensibles, tel que celui du terrorisme, la plupart des sources sont

7 classées confidentielle défense, et qu'il est interdit, j'allais dire, à un

8 représentant particulier français de faire état de source classée

9 confidentielle défense. Chaque fois que j'ai pu vous présenter une source

10 ou un document qui n'était pas classé confidentielle défense par les

11 autorités françaises, telle que la pièce du ministère des Affaires civiles

12 bosniaques concernant la présence de M. Mohammed Atta, je vous les

13 présentais, de même effectivement on a évoqué un DVD qui ne sera pas

14 présenté dans lequel on voit la présence de M. Iman Halzaouari aux côtés

15 d'Alija Izetbegovic, en Bosnie. Dans certains cas j'ai pu présenter des

16 pièces. Dans d'autres ce sont des sources officielles qui m'ont fourni ces

17 renseignements directement, mais je ne peux pas les citer parce qu'elles

18 sont classées confidentielle défense. Je vais vous citer un exemple très

19 simple --

20 Q. Docteur Barriot, vous êtes d'accord avec moi que n'importe qui peut

21 venir ici faire des déclarations et demander que ce soit une preuve, alors

22 que ce n'est pas une preuve. Parce que moi aussi, cela peut être une

23 considération personnelle, une évaluation personnelle, de la connaissance

24 qu'on a.

25 R. Non. Madame, vous mettez en doute à ce moment-là les fonctions que j'ai

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1 occupées et ce que j'ai pu faire. Je vais vous citer un exemple très simple

2 --

3 L'INTERPRÈTE : Les interprètes vous auraient gré de ralentir, Monsieur.

4 LE TÉMOIN : Excusez-moi, je vous prie. Je prie les interprètes de bien

5 vouloir m'excuser.

6 Je vais vous citer un exemple très simple. Je comptais amener la liste des

7 soldats français, des Casques bleus français, qui ont été tués en Bosnie.

8 Il y en a exactement 56. On sait que plus des deux tiers ont été tués par

9 les snipers musulmans. J'ai demandé l'autorisation de présenter cette liste

10 aux autorités militaires françaises. Je n'en ai pas eu l'autorisation parce

11 qu'elle est classée confidentielle défense. Là, je vous parle

12 d'information, est-ce que vous mettez en doute qu'il y ait eu 56 soldats

13 français tués en Bosnie jusqu'en 1994 et que les deux tiers -- non, c'est

14 une vérité, maintenant, je ne peux pas fournir la liste. Je l'ai

15 personnellement, mais je n'ai pas le droit de vous la présenter.

16 Q. Je m'excuse si je vous interromps. Mais, n'est-ce pas, vous parlez

17 d'actes terroristes des Musulmans en Bosnie-Herzégovine. Cela ne suffit pas

18 de les mentionner. Cela ne suffit pas de dire. Je veux savoir exactement,

19 parce que moi aussi je suis intéressée à cela, n'est-ce pas. Si vous pouvez

20 le prouvez ?

21 D'ailleurs, je veux retourner sur ce document que vous avez produit, c'est

22 sur le 11 septembre. Vous avez dit, l'autorité française vous a autorisé à

23 produire ce document. Mais je vois que ce document vous a été envoyé par

24 fax, de la Présidence de la Republika Srpska, RS. Il y a "from Presi BH",

25 cela doit dire Bosnie-Herzégovine, RS.

Page 34972

1 R. Oui, Madame, vous notez l'origine mais pas le destinataire. Comment

2 pouvez-vous savoir que ce n'est pas des services de Renseignement français

3 qui l'ont récupéré ?

4 Q. Vous savez pourquoi je vous pose cette question, Docteur Barriot, parce

5 que je sais pertinemment que l'autorité française n'autorise pas aucun

6 document. Mon étonnement, et je n'ai pas eu le temps naturellement de

7 vérifier maintenant avec l'autorité française, mais je sais que, comme je

8 vois, cela vient de la Republika Srpska ce document, n'est-ce pas ?

9 R. Oui, mais vous déformez mes propos Madame. Je n'ai jamais dit que les

10 autorités françaises m'ont autorisé, j'ai dit qu'elles ne me l'ont pas

11 interdit. Je dis que quand il s'agit de documents français comme, par

12 exemple, la liste des soldats des Casques bleus tués, les autorités

13 françaises peuvent s'opposer parce que se sont des documents français, dans

14 la mesure où ces documents sont arrivés par d'autres filières, ils ne sont

15 pas des documents français, il n'y a aucune raison qu'on m'interdise de les

16 produire.

17 Q. Docteur Barriot, vous avez demandé à qui l'autorisation dans l'autorité

18 française pour pouvoir produire ce document ? J'aimerais bien le vérifier.

19 Si vous me donnez un nom ou l'institution ?

20 R. Non. Je ne peux pas vous donner de nom.

21 Q. L'office ?

22 R. Je peux vous donner que cela émane des Renseignements militaires, mais

23 je ne peux pas vous donner le bureau. Mais je ne comprends pas

24 l'importance, je pense que vous --

25 Q. Est-ce que vous savez que le document n'est même pas classifié ?

Page 34973

1 R. Je pense que vous détournez le vrai problème.

2 Q. D'accord.

3 R. Le problème de ce document, c'est que ce document atteste la présence

4 de M. Mohammed Atta en Bosnie en 1999. Alors où vous contestez la réalité

5 de cette présence --

6 Q. Je ne conteste pas.

7 R. -- mais peu importe --

8 Q. Je suis en train de savoir comment ce document vous est arrivé.

9 R. Je vous l'ai dit.

10 Q. Si vous dites que vous êtes autorisé par l'office, l'office de

11 l'Intelligence militaire française, je vous dis, cela m'étonne, parce

12 qu'ils n'autorisent pas. En plus, je vous dis, ce document n'est pas

13 classifié, n'est-ce pas, par la France. Je parle de la France. Mais bon.

14 Docteur Barriot, je ne veux pas insister trop surtout que le fait qu'Atta

15 était là. Cela ne change rien à ce que l'on est en train de débattre ici.

16 Rien. Absolument rien. Parce que je pourrais vous produire un document

17 comme quoi Atta était à Zurich. Alors pour cela, je ne crois pas qu'on dira

18 que la Suisse a été impliqué dans les actes terroristes.

19 Je reviens aux snipers de Sarajevo. Nous savons et les Juges le savent,

20 n'est-ce pas, qu'il y avait de tous les côtés des gens qui étaient tués.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci à tout l'air d'un discours.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, ceci est une comparaison

25 absolument injustifiée. Le village de Bakotic, je vous ai montré un film

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1 montrant la Brigade Moudjahiddine, tout près de Maglaj. Il n'a pas de lien

2 entre l'Amérique et Zurich. On ne peut pas comparer Maglaj et la Bosnie-

3 Herzégovine avec Zurich. Les raisons pour lesquelles quelqu'un séjournerait

4 à Zurich ou séjournerait à Bakotic. Il est clair qu'il n'est pas allé à

5 Bakotic pour les mêmes raisons qui l'ont poussé à aller à Zurich, cet

6 homme.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame le Procureur, je vous

8 demanderais de ne pas faire de commentaires et de confiner vos questions à

9 des faits et des situations précises. Quelle est la question précise que

10 vous posez, je vous prie ?

11 Mme DEL PONTE : Merci, Monsieur le Président.

12 Q. La question précise est : si vous connaissez, Docteur Barriot,

13 l'incident du pont Vrbanja à Sarajevo, de juin 1995 ?

14 R. Oui, mes souvenirs ne sont pas très précis, mais si mes souvenirs sont

15 bons, c'est un affrontement entre des soldats français et des forces

16 serbes.

17 Q. Voilà, oui. Il y a eu des morts, n'est-ce pas ? Combien ?

18 R. Il y a eu quelques morts. Je pense trois ou quatre.

19 Q. C'est simplement pour dire qu'il y a aussi les Serbes qui ont tué.

20 Parce que vous avez dit les Casques bleus français tués par les snipers.

21 L'épisode du pont de Vrbanja porte à des victimes.

22 R. Ce n'est absolument pas comparable, si je peux me permettre. D'un côté,

23 il y avait quelque chose de planifié, et je peux vous citer aussi bien des

24 soldats français.

25 Q. Merci, Docteur Barriot. Vous avez dit que MacKenzie mettait absolument

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1 le point sur le fait que c'était les Musulmans qui avaient, et vous parlez

2 de la queue qui était fait pour eux. Moi, ici j'ai livre de MacKenzie. Je

3 ne veux pas ni le donner comme évidence, mais à la page, il dit, MacKenzie,

4 le général MacKenzie, je pense que vous êtes d'accord avec moi, Docteur

5 Barriot, simplement, il exprime des doutes. Mais il n'est absolument pas

6 catégorique sur ce qui se passait. Surtout l'épisode que vous avez cité, du

7 27 mai, "Disaster in Sarajevo".

8 [interprétation] "Catastrophe à Sarajevo. Des gens qui faisaient la

9 queue pour acheter du pain ont été attaqués et au moins 17 d'entre eux ont

10 été tués"

11 [en français] Que vous avez cité. Et il dit :

12 [interprétation] "Les Serbes affirment que c'était une embuscade

13 menée à l'aide d'explosifs. Les nôtres nous disent qu'il y a un certain

14 nombre de choses qui n'avaient pas leur place dans cette description. La

15 majorité des gens tués sont sensés être Serbes. Qui sait ?" dit le général

16 MacKenzie, "Qui sait ?"

17 [en français] Vous êtes d'accord avec moi ?

18 R. Je vous cite une phrase du général Lewis MacKenzie à propos de cette

19 explosion : "La rue avait été fermée aux deux extrémités par les autorités

20 bosniaques, juste avant l'attentat. Une fois la population admise à

21 s'aligner devant la boulangerie, les médias apparurent se tenant à bonne

22 distance. Ce fut l'attaque.

23 Je ne sais pas si vous avez quelques notions de balistique, mais j'aimerais

24 que vous m'expliquiez comment un obus tiré à cette distance peut atteindre

25 une file.

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1 Q. Non. Ce que je voulais simplement, Docteur Barriot, c'était que

2 MacKenzie, le général MacKenzie dit, et vous avez cité le même texte que

3 j'ai ici en anglais, la seule chose, c'est de dire que le général MacKenzie

4 dit :

5 [interprétation] "Qui sait ?"

6 [en français] C'est-à-dire sur les auteurs de cette attaque, qui

7 sait ? Qui sait l'auteur de cette attaque ? Il laisse la question ouverte,

8 c'est cela.

9 R. Pour ce qui est du livre, oui. Par la suite, il a eu des déclarations.

10 Q. Non, mais par la suite, s'il vous plaît, moi je reste sur cela.

11 R. Alors, oui ? Donc si vous comptez parler des ordres de Markale 1 et

12 Markale 2, pour que l'on soit un peu plus précis ?

13 Q. Non, je dois dire que le général Rose n'a jamais parlé de Markale.

14 Mais, vous savez, il doit y avoir des documents. Il doit y avoir des

15 preuves. C'est pas possible que quelqu'un vienne ici et affirme quelque

16 chose.

17 R. Non, mais je fais comme vous, Madame, vous citez des passages, alors je

18 vous donne cela --

19 Q. J'ai un livre-là. Moi, j'ai un livre-là.

20 R. Oui, mais moi j'ai des références avec des dates très précises et des

21 publications très précises. Je peux vous les donner de la même manière.

22 Q. Merci. Je voudrais maintenant vous posez quelques questions sur la

23 situation en Croatie. Parlons d'abord des événements de 1991.

24 Vous avez témoigné en détail des crimes commis par les Croates en 1991, et

25 vous avez souligné qu'il n'y avait pas de crimes du côté serbe, et que ces

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1 derniers n'ont lancé des opérations que lors des derniers mois de 1991.

2 Vous me confirmez cela ?

3 R. Non, non, je ne vous confirme pas. Vous déformez mes propos.

4 Q. Je m'excuse.

5 R. Je n'ai jamais dit qu'il n'y a pas eu de crimes commis de part et

6 d'autre. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je n'ai jamais contesté. Dans une

7 guerre civile, il est bien évident qu'il y a des crimes de part et d'autre.

8 Q. Vous n'étiez pas aussi explicite hier, mais je vous écoute avec grand

9 intérêt.

10 R. Oui. Non, non. Ce que je veux dire, c'est que les agressions contre les

11 Serbes étaient planifiées depuis 1990 et qu'il y avait eu vraiment des

12 outils, la mise en place de ces outils, en particulier d'unités du

13 ministère de l'Intérieur, et les unités de la Garde nationale qui ont été

14 mises en place pour agresser les Serbes. C'est ce que j'ai dit.

15 Effectivement, j'ai dit que les Serbes se sont battus essentiellement

16 durant le deuxième semestre, et surtout qu'ils s'étaient battus en Krajina,

17 mais qu'ils ne s'étaient pas battus en dehors de leurs terres ethniques que

18 ce soit à Zagreb, à Rijeka ou ailleurs. C'est ce que j'ai dit.

19 Q. Vous me dites explicitement aujourd'hui que vous admettez que les

20 Serbes ont aussi commis des crimes dans la même période de temps.

21 R. Mais je l'ai écrit -- enfin j'ai écrit --

22 Q. Mais répondez seulement maintenant.

23 R. Non, mais j'ai écrit noir sur blanc que les Serbes ne sont pas des

24 anges, que c'était une guerre civile --

25 Q. Non, cela c'est l'interview de M. Milosevic.

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1 R. Non, non, ah oui, que j'ai citée. Justement, je la citais dans mon

2 livre. Pour bien dire que dans une guerre civile, il est hors de question

3 de dire qu'une partie n'a commis aucun crime, mais bien sûr.

4 Q. Mais vous ne répondez pas à ma question.

5 R. Mais si je réponds à votre question.

6 Q. Très bien. Alors vous confirmer. Nous avons eu -- nous avons eu un

7 témoignage ici de M. Milan Babic. Vous savez qui sait Milan Babic ?

8 R. Oui, je sais très bien. Milan Babic est le premier président de la

9 Krajina avant M. Goran Hadzic et avant M. Milan Martic.

10 Q. Voilà. Il a témoigné ici, et je ne veux pas vous lire ce témoignage,

11 pour les actes, il s'agit simplement du transcript du 20 novembre 2002, la

12 page 13 064, 13 066, je vais résumer tout cela, mais avec une seule phrase.

13 Les crimes des Serbes locaux plus la JNA ont été commis contre les

14 non-Serbes en Krajina en particulier pour forcer les non-Serbes à partir

15 des régions ? Vous admettez cela, ou c'est votre connaissance ?

16 R. Non. Ce n'est pas ma connaissance et je laisse M. Milan Babic

17 responsable de ses propos. Moi, ce que je peux vous dire, c'est ce que j'ai

18 vu en 1994, c'est-à-dire une Krajina où il y avait des dizaines de milliers

19 de Musulmans et où il y avait également des Croates. Dans l'hôpital de

20 Glina, il y avait des Croates qui voulaient rester et vivre en paix avec

21 les Serbes en Krajina, et personne ne les a expulsés. Je vous dis ce que

22 j'ai vécu. J'ai vu des dizaines de milliers de Musulmans en Krajina, des

23 non-Serbes, et j'ai vu des Croates qui, dans la mesure où ils voulaient

24 vivre et ne pas partir, sont restés et non pas été menacés. Voilà, cela

25 c'est ce que j'ai vu. Maintenant, je laisse M. Milan Babic responsable de

Page 34979

1 ses propos.

2 Q. Voilà. En tout cas, vous, vous étiez là et vous avez vu en 1914 --

3 R. Je n'étais pas né en 1914.

4 Q. Quand vous étiez là sur les territoires en 1914 --

5 R. 1994.

6 Q. 1994, pardon, mais vous n'étiez pas là en 1991. Vous n'avez pas, vous

7 n'avez pas une -- vous ne pouvez pas faire un signe --

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que le fait de dire que le témoin

11 n'était pas là-bas en 1991 est tendancieux. Ceci n'est pas contesté. Hier,

12 nous avons effectivement établi que le témoin a participé à plus de dix

13 réunions d'information de la FORPRONU au cours desquelles ont été analysés

14 de façon professionnelle et compétente tous les événements survenus depuis

15 le début de la mission de la FORPRONU, donc aussi bien en 1991, qu'en 1992

16 et 1993. Nous l'avons établi, hier, cela.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, le Procureur est

18 en droit de poser cette question au témoin. C'est à nous qu'il appartient

19 d'évaluer les éléments de preuve qui nous sont fournis. Il n'y a rien

20 d'inacceptable à cela.

21 Le temps de la pause est arrivé, Madame le Procureur.

22 Nous suspendons 20 minutes.

23 --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.

24 --- L'audience est reprise à 12 heures 51.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame le Procureur.

Page 34980

1 Mme DEL PONTE :

2 Q. Docteur Barriot, êtes-vous au courant des crimes qui ont été commis par

3 les forces serbes dans les régions suivantes - je vous nomme cela parce

4 qu'ils sont tous mentionnés dans l'acte d'accusation à la charge de

5 Milosevic, c'est-à-dire des crimes qui ont été commis dans la région de

6 Dalmatie, dans la région de Lika, dans la région de Banja, dans la Slavonie

7 occidentale, dans la Slavonie orientale, et en particulier, naturellement,

8 Vukovar, Erdut, Lovas. Est-ce que vous êtes au courant de ces faits ?

9 R. Vous m'avez cité, Madame, des lieux, mais vous ne m'avez pas cité de

10 dates.

11 Q. C'était toujours en 1991, d'août 1991 jusqu'en novembre -- décembre

12 1991.

13 R. A ces dates-là, donc vous évoquez le deuxième semestre de 1991, donc

14 sur les territoires ethniques serbes de Croatie, je suis au courant

15 essentiellement des exactions des milices croates de Tomislav Mercep et

16 d'Abramovic, mais je ne suis pas au courant de crimes.

17 Q. Commis par les forces serbes paramilitaires. Rien du tout.

18 R. Non. Je suis au courant d'agressions premières de la part de la milice

19 croate et de réactions de légitimes défenses, à certains endroits, des

20 Serbes effectivement, qui n'allaient pas se laisser couper en morceaux sans

21 rien faire. Mais je n'ai pas notion d'agressions premières ni de crimes

22 premiers de la part des Serbes.

23 Q. Bien. Nous l'avons, et je vois que votre mémoire est un peu sélective,

24 Docteur Barriot.

25 R. Je ne pense pas. Je pense avoir une mémoire assez bonne.

Page 34981

1 Q. En tout cas, je vais vous montrer un document.

2 [interprétation] Pièce à conviction 342, intercalaire 11.

3 [en français] C'est le rapport d'un haut officier supérieur de la

4 JNA, lieutenant-colonel Eremija, qui est le commandant adjoint pour moral

5 et affaires politiques dans la 1ere Division de garde mécanisée de la JNA.

6 Document qui date du 23 octobre 1991, sur la situation au sein de son

7 unité, qui était active, en ce temps-là, en Slavonie orientale.

8 Je voudrais attirer votre attention sur les parties suivantes : la page 2,

9 au bas de la page, et la page 3, début de la page, et le paragraphe 5 sur

10 la page 3.

11 Q. Ma question est si vous êtes au courant de cette lettre, et de son

12 contenu --

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Juste un moment, je vous prie.

14 Mme DEL PONTE : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je voudrais que le document soit

16 placé sur le rétroprojecteur.

17 Mme DEL PONTE :

18 Q. Donc ma question -- vous avez lu ces passages, Docteur Barriot ? Donc,

19 ma question d'abord est si vous êtes au courant de cette lettre et de son

20 contenu, parce que cette lettre avait été publiée dans la presse même

21 internationale quelques mois plus tard.

22 R. Pour répondre à votre question, je n'ai jamais lu cette lettre dans son

23 intégralité, non.

24 Q. Vous êtes d'accord avec moi, Docteur, que le colonel Eremija admet que

25 les Serbes avaient commis des crimes, des crimes en Slavonie orientale, en

Page 34982

1 automne 1991 ? Il n'y a pas de doute sur cela, en lisant ces paragraphes

2 que je vous ai cités.

3 R. Non, je ne suis pas d'accord avec la présentation que vous en faites.

4 Il n'a jamais été question de nier qu'il y a eu des combats, puisque

5 précisément c'était le deuxième semestre 1991, la période où il y a eu des

6 combats sur les terres de Krajina. Cela a démarré à Gospic en septembre

7 1991. Ensuite, cela a atteint la Slavonie occidentale, Marino Selo [phon],

8 et Pakracka Poljana dès le mois d'octobre, et ensuite, la Slavonie

9 orientale avec, en particulier, Prijedor. Qu'il y ait eu des combats, je le

10 répète, personne ne le conteste. Le point sur lequel j'insiste à nouveau,

11 c'est qu'il y avait des combats en réaction à des agressions premières de

12 la part des troupes du ministère de l'Intérieur, du MUP, et de la Garde

13 nationale ensuite, croate. Qu'il y a eu des combats et des morts de part et

14 d'autre, c'est une évidence.

15 Q. Cela, c'est votre interprétation. On va laisser aux Juges

16 l'interprétation. Je m'appuie sur ce document parce que cela prouve que des

17 forces paramilitaires serbes ont commis des crimes.

18 Passons maintenant à FORPRONU. Vous avez dit que vous étiez informé de ce

19 qui s'était passé en 1991 et suivant. J'ai ici un rapport du secrétaire

20 général au conseil de Sécurité et je voudrais que ce document soit admis

21 aux actes de la procédure.

22 Vous avez témoigné sur le fait que vous avez formé vos opinions sur les

23 faits de 1991, 1993, en vous basant sur ce que vous avez appris de vos

24 collègues au sein de la FORPRONU. Le document que je vous donne pour

25 lecture montre différentes choses. Il montre surtout, Docteur Barriot, que

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1 vous n'étiez pas pleinement informé des faits.

2 Regardons de plus près les paragraphes suivants : le paragraphe 2, qui

3 discute, entre autres, l'attaque croate dans la région du plateau Miljevci,

4 et le paragraphe 3, qui mentionne d'autres attaques des forces croates. On

5 attend peut-être que le document soit à disposition.

6 Je voudrais maintenant attirer votre attention en particulier sur le

7 paragraphe 4, c'est-à-dire la création d'une nouvelle force de police

8 serbe, contourner le plan Vance. Le commandant de la FORPRONU, considère

9 ces forces des forces paramilitaires.

10 Vous me suivez ?

11 R. Oui, oui.

12 Q. Sur le paragraphe 6, dans lequel le terme "terrorisme" est employé. Ce

13 terme "terrorisme" est expliqué plus amplement dans les paragraphes 10 à

14 17, et ce qui est très important, que je souligne ici, c'est qu'il s'agit

15 en fait d'harcèlement des minorités non-serbes vivant dans les territoires

16 contrôlés par les Serbes en Croatie. Vous me confirmez cela ?

17 R. Je ne vous confirme rien du tout. Vous me présentez un document que je

18 ne connaissais pas. On est bien d'accord, vous faites référence au plateau

19 de Miljevaca en juin 1993.

20 Q. 1991, 1992.

21 R. En 1992, oui. Donc, on est bien d'accord. En 1992, l'agression, c'est

22 les forces serbes sur -- enfin, du moins c'est les forces territoriales

23 serbes, sur le plateau de Miljevaca, en juin 1992, qui ont été agressées

24 par les forces croates. Où il y a eu quand même 40 morts parmi les forces

25 territoriales serbes, où les cadavres ont été déchiquetés et jetés dans des

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1 puits. Alors, cela je peux vous le dire très bien puisque j'ai été à

2 l'hôpital San Salva de Knin et j'ai rencontré les médecins légistes qui ont

3 fait les autopsies, parce que les corps ont été rendus deux mois après.

4 Donc, au cours de l'été 1992, on a rendu les corps, et aucun corps complet

5 n'a pu être restitué. Donc, c'était un massacre horrible dont on sait, en

6 particulier, le général Janko Bovadko [phon] a été sur place, et qu'il y a

7 ensuite une résolution de l'ONU qui demandait aux forces croates de se

8 retirer du plateau de Miljevaca, et qu'elles ne l'ont pas fait.

9 Q. Si je peux vous interrompre. Vous parlez d'un petit paragraphe. Moi,

10 ici, ce que je veux souligner, c'est que le FORPRONU fait un document, un

11 rapport, à travers le secrétaire général et parle aussi des harcèlements

12 des minorités non-serbes vivant dans les territoires contrôlés par les

13 Serbes en Croatie. Parce que vous, vous faites une description comme quoi

14 les Serbes, ici dans ce territoire, sont seulement des victimes ou se

15 défendent d'attaque, alors que la même FORPRONU, qui vous a informé en

16 1994, fait un rapport qui est absolument indépendant. Tandis que, vous,

17 vous ne l'êtes pas.

18 R. Mais non. Mais non. Je regrette, Madame, vous déformez totalement les

19 faits. Nous parlons des événements de 1992, alors que je l'ai dit à

20 plusieurs reprises et c'est incontestable, les agressions des Serbes ont

21 commencé en 1990 et en 1991, et à tous les événements de 1991, je peux vous

22 les citer tous, qui ont eu lieu dans cette région. On parle de la Dalmatie

23 du nord, dans la région de Kopinj [phon] --

24 Q. Ce n'est pas cela la question.

25 R. -- mais moi je vous réponds, si j'argumente ma réponse, où les troupes

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1 en particulier de Makunerac [phon] ont massacré des Serbes, de Tiro [phon],

2 Meskovic [phon], tout cela c'était dans cette région. Vous venez me dire

3 que les Serbes qui se défendent, ce n'était pas du harcèlement, c'était de

4 la légitime défense.

5 Q. Ecoutez, Docteur. On va passer aux observations du secrétaire général

6 des Nations Unies, dans le paragraphe 33 à 40. Il dit, moi j'attire votre

7 attention surtout sur ce paragraphe 34 qui mentionne la responsabilité des

8 Serbes de Krajina pour la détérioration de la situation en Krajina. Dans le

9 paragraphe 35, le secrétaire général des Nations Unies explique la

10 frustration des autorités croates au sujet de cette situation. Il l'a

11 défini incompréhensible. C'est cela que je veux mettre sous votre

12 attention.

13 R. Ce que -- non -- vous le mettez, je le vois bien. C'est ce que je veux

14 vous dire, c'est que nous parlons de 1992, et que vous vous ignorez

15 totalement le fait que --

16 Q. Docteur, vous n'êtes pas --

17 R. -- tous les événements --

18 Q. -- Docteur Barriot, disons que vous n'êtes pas d'accord avec cette --

19 R. -- avec l'interprétation. Tout à fait. Je pense que

20 c'est --

21 Q. Ce n'est pas l'interprétation, mais c'est le --

22 R. Si, si.

23 Q. -- le commandant [imperceptible]. D'accord.

24 Mais j'ai une question bien précise après tout cela. Docteur, n'est-il pas

25 correct que le refus des Serbes de Krajina de respecter le plan Vance et le

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1 rejet systématique d'une solution pacifique, voire le rejet du plan Z-4, a

2 encouragé les Croates à opter pour une solution militaire du conflit.

3 R. Non. Je ne suis pas, là encore, d'accord avec cette interprétation,

4 parce que si on reprend tous les événements depuis 1990, 1991, les

5 agressions en 1992, et 1993, le plan auquel vous faites référence, le plan

6 Zagreb 4, venait après plusieurs années de massacres à l'encontre des

7 Serbes, et je vous signale que si le plan Zagreb 4 a échoué, c'est parce

8 que le général Franjo Tudjman ne voulait pas discuter avec Milan Martic qui

9 avait été placé en particulier sur la liste des criminels de guerre. Ce

10 n'était pas du tout une volonté de la part des Serbes de réfuter la

11 négociation. On ne leur a pas laissé la possibilité de négocier. C'est cela

12 la vérité.

13 Q. Disons que cela c'est votre interprétation. On a pas mal de documents

14 et on a aussi des témoignages, entre autres, celui de l'ambassadeur

15 Galbraith.

16 On passe à un autre sujet. Vous avez mentionné hier aussi que les Serbes de

17 Krajina n'avaient plus d'armements lourds après 1992. Alors si on regarde

18 la lettre que le commandant de la FORPRONU, le général Lars Wahlgren, a

19 envoyée le 1er avril 1993 à Goran Hadzic, président de la RSK.

20 Mme DEL PONTE : Monsieur le Président, c'est un nouveau document.

21 J'aimerais aussi qu'il soit --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit du

24 numéro 815.

25 Mme DEL PONTE : [interprétation] Il faudrait peut-être aussi un numéro pour

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1 le document du conseil de Sécurité.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, celui du 28 septembre.

3 Mme DEL PONTE : [interprétation] Exactement.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

5 M. KAY : [interprétation] Il ne s'agit pas d'un document qui a été étudié

6 par le témoin pour être versé au dossier, parce que jusqu'à présent

7 l'Accusation a dit que l'on versait au dossier des documents qui n'ont pas

8 été confirmés. Nous avons la même situation pour ce qui est de ce document

9 du 28 septembre 1992 ? Le témoin a été contre-interrogé, mais il n'a pas eu

10 le temps de le commenter.

11 Mme DEL PONTE : [interprétation] Non, il l'a commenté. Il l'a interprété.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne pense pas que nous puissions

13 appliquer ces règles strictes de la Common Law pour ce qui est de

14 l'admission des documents ici. Le système est quelque peu différent. Mis à

15 part, il s'agit d'un document --

16 Mme DEL PONTE : [interprétation] Public.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. C'est un document public en

18 tout état de cause.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame le Procureur, pouvez-vous

21 m'apporter votre aide, s'il vous plaît. Ceci est un document qui n'a pas

22 fait partie des éléments de preuve de l'Accusation jusqu'à présent, n'est-

23 ce pas ?

24 Mme DEL PONTE : [interprétation] En effet.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce témoin a dit clairement qu'il

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1 n'avait aucune connaissance au sujet de ce document. Si ce document est

2 admis, quel sera son statut ?

3 Mme DEL PONTE : Tout ce que le témoin a dit sera à ce sujet parce qu'ici

4 vous avez un rapport du commandant général Nambiar, qui était le commandant

5 de la FORPRONU en 1992, qui fait que c'est un rapport sur la situation en

6 Croatie dont le témoin a parlé. Cela contredit totalement ce qu'il a dit.

7 Pour moi, c'était important que le témoin puisse commenter cela, puis

8 savoir cela, n'est-ce pas, et je voulais qu'il commente cela. J'estime que

9 c'est un document extrêmement important parce que ce qu'il vient de dire

10 hier et aujourd'hui c'est dans ce document, et qu'il le contredit

11 naturellement.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est possible que ce document soit

13 pertinent, mais ce qui me préoccupe un petit peu, c'est comment ce document

14 peut-il obtenir un statut déterminé dans une affaire où le témoin n'admet

15 aucune des parties du document en question. Il n'est pas présenté en tant

16 qu'élément de preuve de l'Accusation. Il aurait pu l'être si l'Accusation

17 avait estimé que c'était important. Peut-être pourrait-il être produit un

18 peu plus tard lorsque l'occasion se présentera d'obtenir une réponse à ce

19 qu'il contient de la part de la Défense dans le cadre de la procédure de

20 défense. Mais je souhaite qu'une décision soit faite solidement à ce sujet.

21 Mme DEL PONTE : [hors micro] -- pendant l'audience parce que ce que le

22 témoin vient de dire, moi, je lui dis que j'ai un rapport du commandant de

23 la FORPRONU. Lui, il dit, qu'il a reçu les informations des réunions qu'il

24 a eues avec la FORPRONU, mais ici c'est le commandant qui fait un rapport

25 qui passe à travers le secrétaire général. C'est un document public. C'est

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1 ce que je soumets au témoin, et c'est pour cela que je demande qu'il soit

2 maintenant admis parce que je le soumets au témoin pour son évaluation.

3 D'ailleurs, il en a discuté. Même s'il ne l'avait pas vu avant, il le voit

4 maintenant et il en discute. Donc c'est maintenant le moment qui soit

5 acquis aux actes, selon mon avis.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous venons d'entendre les explications de Mme

8 Del Ponte, suite à la question posée par le Juge Bonomy. L'affirmation

9 principale c'est que ce document contredit le témoignage de ce témoin. Or

10 cette explication est inexacte.

11 Lisez ce document - je le vois moi-même pour la première fois

12 également - vous constaterez que le début de ce document, regardez chapitre

13 1, deuxième paragraphe, où nous voyons écrit de la façon la plus --

14 "Cependant, les pressions étaient importantes dans le secteur sud,

15 notamment dans les secteurs de Peruca dam, et du plateau de Miljevci (où il

16 y a eu des incursions de l'armée le 21 juin 1992)…"

17 Un peu plus tard --

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce que nous

19 regardons bien tous le même document ? Quel est le paragraphe ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai dit page 1, paragraphe 2, où il est

21 question d'un certain nombre de choses. Puis le paragraphe 3, je cite :

22 "Des événements importants qui ont généré," et cetera, et puis un peu plus

23 loin, "des combats ont éclaté dans la portion sud-est du secteur ouest, en

24 raison d'éléments armés de la partie croate, qui se sont rapprochés de la

25 Sava et ont attaqué des éléments de Bosnie au sud de la Sava."

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est donc un document qui contredit

4 --

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde, je vous prie. Puis-je faire

6 une observation. Je pense que ce débat n'a aucune utilité. J'ai remarqué

7 que ce document a déjà été versé au dossier par la Défense. Il s'agit de la

8 pièce D93. Ce document figure déjà sur la liste des pièces à conviction.

9 M. KAY : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je tiens à faire remarquer que le

11 document qui a reçu la cote 815 devrait être la pièce 814, un document qui

12 n'a pas encore été admis.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je souhaite dire à

14 Monsieur Milosevic que le Procureur présente un document contredisant le

15 témoignage de ce témoin. Dans quelle mesure il y parvient, c'est à nous de

16 le définir. Le fait que vous soulignez un certain nombre de passages dans

17 ce document qui ne sont pas contradictoires n'a rien à voir avec

18 l'admissibilité de ce document, mais à voir avec le poids qui lui sera

19 accordé. En tout état de cause, ce document est déjà versé au dossier.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il est possible que nous ne

21 soyons pas d'accord sur ce point. Je trouve j'ai quelque difficulté avec

22 l'idée que dans un système contradictoire, l'Accusation puisse introduire

23 de façon positive un document qui n'a pas été admis par le témoin, un

24 témoin de la Défense qui dépose à ce moment particulier, et par conséquent

25 j'étudie le fondement juridique sur lequel ceci peut devenir positivement

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1 une partie des éléments de preuve de l'Accusation.

2 Maintenant, nous pouvons en discuter plus tard, parce que pour l'instant

3 c'est la Défense qui s'exprime. A mon avis, ce document devrait être [comme

4 interprété] une pièce de l'Accusation.

5 Mme DEL PONTE : [interprétation] Même si c'est un document public que j'ai

6 utilisé pour le contre-interrogatoire de ce témoin ?

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est mon avis pour le moment. Je ne

8 pense pas qu'il soit nécessaire de conclure de façon définitive maintenant.

9 Il nous suffira de constater qu'il s'agit de la pièce D93, pour l'instant.

10 C'est mon point de vue.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame le

12 Procureur.

13 Mme DEL PONTE : [interprétation] Nous avons un deuxième document, la lettre

14 adressée à Hadzic.

15 [En français] Vous avez parlé que les Serbes de Krajina n'avaient

16 plus d'armement lourd après 1992. Je demande que cette lettre doive être

17 admise. C'est la lettre du commandant de la FORPRONU, le général Lars

18 Wahlgren. On voyait le 1er avril 1993, à Goran Hadzic, qui est le président

19 de la RSK à ce moment.

20 Maintenant, la motivation. Messieurs les Juges, cette lettre donne

21 plusieurs exemples de tir à l'armement lourds par les Serbes de la Krajina

22 sur des objectifs civils croates en mars 1993. Entre autres, à la page 3,

23 vous avez l'indication des armes utilisées, et au point 4, vous avez même

24 l'utilisation, le 11 mars 1993, de six bombes à fragmentation à Sibenik.

25 Le témoin a parlé de bombes à fragmentation au Kosovo, et des effets

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1 négatifs, naturellement.

2 Je demande que cette lettre puisse être soumise au témoin et je

3 demande son commentaire.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Indiquez-lui un passage précis sur

5 lequel vous souhaitez obtenir son commentaire.

6 Mme DEL PONTE : Deuxième paragraphe, et la troisième page, le type

7 d'armement.

8 LE TÉMOIN : J'ai deux commentaires à faire sur les documents que vous

9 m'avez présentés, et que je n'avais jamais vus auparavant. Je découvre sur

10 l'avant dernier document, vous dites que ce document contredit ce que j'ai

11 dit. Je regrette, elle ne contredit absolument pas ce que j'ai dit.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Monsieur, ce n'est pas

13 vous qui faites les règles ici. Nous n'en sommes plus là. Nous nous

14 occupons à présent de la lettre adressée à M. Hadzic, et le Procureur

15 souhaite que vous commentiez le deuxième paragraphe d'une page donnée.

16 LE TÉMOIN : Je commente ces documents. Ce sont des documents de l'année

17 1992 et 1993, et j'ai bien précisé que tous les éléments que j'avais les

18 analysent de la FORPRONU, lorsque j'étais en 1994, s'est échelonné de 1990,

19 1991, jusqu'à 1994, donc, incluaient en particulier des événements

20 postérieurs à ces deux documents. On ne peut pas dire que l'analyse que

21 donnait la FORPRONU en 1994 peut être contredit par des documents

22 antérieurs de 1992, 1993, puisque --

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Barriot, vous êtes tout à

24 fait limite d'outrage au Tribunal. Vous êtes en train de marcher sur des

25 œufs, et je vous ai déjà dit que la question était terminée et que nous

Page 34993

1 traitons d'autre chose maintenant. Je vous demande de traiter exclusivement

2 de la question posée par le Procureur à l'instant. Deuxième paragraphe

3 d'une page déterminée de cette lettre. Est-ce que vous avez la lettre sous

4 les yeux ?

5 LE TÉMOIN : Je l'ai sous les yeux.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Deuxième paragraphe. Madame le

7 Procureur, c'est bien le deuxième paragraphe ? Le paragraphe qui commence

8 par "As you are not doubt aware …"

9 Mme DEL PONTE : [interprétation] Oui, plus particulièrement le deuxième,

10 mais le premier également.

11 [en français] -- au témoin, c'est parce que lui il a dit qu'il n'y

12 avait pas d'armement lourd. Lis là de cette lettre de Hadzic. On voit qui

13 en avait, et même des "cluster bombs".

14 [interprétation] -- y compris des bombes à fragmentation.

15 Q. [en français] Vous admettez que votre information est partielle.

16 R. Non. Je n'admets pas que mon information est partielle. Lorsque je

17 parle d'armement lourd, je parle de chars, je parle d'aviation. Je ne parle

18 pas de roquettes ou de lance-missiles qui peuvent être déplacés très

19 facilement et qui ne se, contrairement aux vraies armes lourdes, à

20 l'artillerie lourde, qui elle peut être observée, suivie facilement, ou

21 être manipulée facilement.

22 Je note, par ailleurs encore, qu'on est en avril 1993. Il s'agissait de

23 réponse à des Serbes à des agressions.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Colonel Barriot, d'après la façon dont

25 j'ai compris la question qui vous a été posée, j'ai cru comprendre que l'on

Page 34994

1 vous demandait si vous admettiez au vu du deuxième paragraphe de cette

2 lettre et du quatrième paragraphe de la page 3, si vous admettiez la

3 possibilité que certaines armes aient été utilisées à tort de façon

4 injustifiée contre des civils par les forces serbes basées à Knin.

5 LE TÉMOIN : Oui, Monsieur. Il y a deux choses différentes je suis obligé

6 d'admettre parce que je n'ai aucune raison de mettre en doute la parole

7 d'un général de la FORPRONU, qu'il y a eu des tirs en provenance de ces

8 armes. Maintenant, quel était le but de ces tirs, c'est une interprétation

9 tout à fait différente. Rien ne permet de dire que c'était réellement

10 dirigé sur des civils.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous admettez la possibilité que

12 ce rapport soit fidèle à la réalité, oui ou non ?

13 LE TÉMOIN : O.K.

14 Mme DEL PONTE : Merci.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous posez une

16 question au Juge Bonomy ?

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puisque la question vient d'être soulevée, Mme

18 Del Ponte affirme que le témoin disposait de données partielles pendant sa

19 déposition. Par ailleurs, Mme Del Ponte utilise également des

20 renseignements partiels qui, comparés à ceux fournis par l'autre partie,

21 n'ont plus aucune signification. J'aimerais appeler votre attention sur le

22 dernier paragraphe de cette lettre. Je cite : "J'écris également à l'autre

23 parti à ce conflit --

24 [micro coupé]

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic. Je vous arrête

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1 car, comme je vous l'ai déjà dit à de nombreuses reprises, une question

2 comme celle-ci est de façon tout à fait classique, une question à aborder

3 au cours des questions supplémentaires. Lorsque vous en serez aux questions

4 supplémentaires, il vous suffit tout simplement d'appeler l'attention du

5 témoin sur ce troisième paragraphe, de lui en donner lecture ou de lui

6 demander de le lire, mais n'interrompez pas, pour traiter de ce point, en

7 cet instant.

8 Mme DEL PONTE : [interprétation] On peut continuer ?

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

10 Mme DEL PONTE :

11 Q. Docteur, c'est le soutien de l'aviation américaine, lors de l'opération

12 Tempête.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame le Procureur, vous demandez

14 le versement au dossier de ce document ?

15 Mme DEL PONTE : [interprétation] Oui.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le Juge Kwon peut nous assurer que

17 ce document ne constitue pas encore une pièce à conviction de la Défense ou

18 de l'Accusation.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est le document 814 ?

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] 814.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais m'expliquer. Je vois une

22 différence entre le statut de ce document et le statut du document

23 précédemment. Car ce témoin, en tant que témoin de la Défense, a admis la

24 possibilité que ce rapport soit fidèle à la réalité. Donc le document

25 devient une partie du dossier, le Procureur peut s'appuyer sur ce document

Page 34996

1 plus tard.

2 Mme DEL PONTE : [hors micro] -- J'ai le micro. J'ai des informations, nous

3 avons des informations qui ont été collectées par Human Rights Watch qui

4 permettent de mieux comprendre qu'est-ce qui s'est passé. J'ai ici de

5 nouveau un document qui est un document daté d'août 1996 de Human Rights

6 Watch. J'aimerais aussi que se soit admis aux actes.

7 Q. A la page 8, on dit que, et je cite --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que nous avons ce document ?

9 Mme DEL PONTE : [interprétation] Oui, oui, bien sûr.

10 Q. [en français] Alors Docteur, si vous regardez à la page 8, le premier

11 paragraphe complet, c'est écrit, je cite :

12 [interprétation] "L'OTAN a menacé d'attaquer les forces croates au

13 titre de représailles pour l'attaque subie par les positions des Nations

14 Unies. Cependant, la seule attaque de l'OTAN menée au cours de l'opération

15 l'a été contre un site de missile sol-air serbe non loin de Knin qui avait

16 bloqué deux avions de l'OTAN pour réagir aux appels d'appui d'aide des

17 Nations Unies."

18 R. Oui. La réponse est très simple. Vous citez effectivement des attaques

19 de l'armée américaine sur des batteries antiaériennes --

20 Q. Non, non. Je vous interromps, car ce n'est pas des attaques de l'armée

21 américaine ce sont des attaques de l'OTAN.

22 R. Alors, à ce moment-là, montrez-moi quand les 19 ambassadeurs de l'OTAN

23 qui seuls sont habilités à signer des missions d'interventions de l'armée,

24 ont signé, ont signé l'ordre d'opération sur Knin. Montrez-moi ces

25 documents. Ce n'est pas vrai. IlL n'y a eu aucun ordre de l'OTAN d'opérer

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1 sur Knin.

2 Q. Mais, Docteur, moi je lis dans ce document --

3 R. C'est l'armée américaine.

4 Q. C'est "NATO attack". On ne parle pas d'armée américaine.

5 R. C'est l'armée américaine qui, en 1994, a bombardé en Krajina

6 l'aérodrome d'Ogdina [phon] et c'est l'armée américaine et pas l'OTAN qui a

7 bombardé à Knin les batteries antiaériennes qui sont des armes défensives.

8 Ce n'étaient pas des armes qui menaçaient qui que ce soit. C'était des

9 armes défensives sur Knin.

10 R. Ecoutez, écoutez, Docteur, se sera les Juges de la Cour qui vont en

11 décider. Moi, je lis dans le document, je lis dans le document, "NATO

12 attack". C'est une attaque de l'OTAN. Ce n'est pas une attaque -- je ne

13 nies pas que ce soit des avions américains, mais cela veut dire que c'est

14 l'OTAN.

15 R. Mais c'est un document de Human Rights Watch et je ne pense pas que

16 Human Rights Watch soit habilité à donner ce genre de renseignements sur

17 les attaques militaires.

18 Q. Je ne sais pas. Je sais, moi, je travaille avec les documents que j'ai,

19 Docteur. Ici, je vois que c'est l'OTAN à la demande de l'UN.

20 R. C'est une interprétation de Human Rights Watch.

21 Mme DEL PONTE : Monsieur le Président, est-ce que je peux introduire ce

22 document ?

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document sera la pièce 815.

25 M. KAY : [interprétation] Nous avons toujours la même objection. C'est un

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1 document qui n'a pas été accepté par le témoin.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. Je ne crois pas que se soit le cas.

3 Je crois que le témoin est d'accord avec le contenu de ce paragraphe, en

4 dehors du fait qu'il conteste l'utilisation du mot OTAN et parle de l'armée

5 américaine comme ayant attaquée Knin. Ce paragraphe traite d'exactions dues

6 au gouvernement croate et je me souviens que le témoin a répondu oui à la

7 question posée par le Procureur.

8 M. KAY : [interprétation] J'ai, pour ma part, entendu le témoin désavouer

9 ce document dans le cadre de sa discussion de Nations Unies contre OTAN.

10 J'ai cru entendre que ce document avait pour but de démontrer que c'était

11 les Serbes qui étaient à l'offensive et qui ont attaqué.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous dites que le Procureur souhaite

13 demander le versement au dossier, souhaite donc verser ce document au

14 dossier au titre de réfutation en utilisant le témoin pour ce faire ?

15 M. KAY : [interprétation] Oui, au titre de réfutation. Nous avons un danger

16 ici. C'est quelque chose que nous observons depuis l'audition de plusieurs

17 témoins. Nous parlons ici de la réponse apportée, de la réponse faite à une

18 requête en cours de l'Accusation au sujet de documents introduits par le

19 biais de témoins de ce genre. C'est comme l'utilisation d'un véhicule.

20 Comme un cheval de Troie que l'on utilise si vous préférez pour que

21 l'Accusation puisse entrer dans la thèse de la Défense, alors que les

22 documents proposés ne bénéficient pas de l'aval des témoins. Il y a

23 simplement affirmation par le conseil de l'existence de documents, mais les

24 documents n'ont rien à voir avec le témoin. Le témoin n'en admet pas

25 l'origine et cela n'a rien à voir avec le témoignage du témoin en question.

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1 Si des documents sont déjà versés au dossier, tel, par exemple, la pièce

2 D93 qui finalement a été retrouvée parmi les documents de la Défense, la

3 question se pose de façon différente. Mais lorsque les documents dont le

4 versement est demandé sont versés au dossier en tant que vecteurs de

5 l'expression de la thèse de la partie adverse, sous une forme différente,

6 je pense que les Juges de la Chambre se trouvent dans une zone tout à fait

7 périlleuse, parce que ces documents n'ont, en fait, aucun statut. Ils n'ont

8 pas été produits par les témoins dont l'audition est en cours. Ils viennent

9 par un organe du bureau du Procureur sans aucun fondement et ne traitent

10 pas du fond. La provenance du document n'est pas avérée, sa signification,

11 non plus, comment il est arrivé là. C'est un souci que j'exprime au sujet

12 d'un certain nombre de pièces à conviction qui finissent par s'empiler et

13 s'amasser les unes sur les autres dans cette affaire, et qui lancent toute

14 une série de signaux d'alerte, si vous voulez que j'utilise ce terme mais

15 je suppose que la chose pourrait être réglé, le cas échéant.

16 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Poursuivez.

18 Mme DEL PONTE : [interprétation] Je n'ai que quelques questions encore pour

19 terminer en temps utile.

20 Q. Docteur, sur le Kosovo, vous avez dit que vous étiez là en juillet 1998

21 pendant deux, trois semaines ?

22 R. En juin 1998, pendant 15 jours et en juillet, août, pendant un mois.

23 Q. Vous nous avez dit qu'il y avait des Albanais, c'est-à-dire des

24 professionnels albanais --

25 R. A l'hôpital --

Page 35000

1 Q. A l'hôpital --

2 R. Oui, oui, je le confirme.

3 Q. Oui. Alors que l'accusé Milosevic fait référence au paragraphe 87 de

4 l'acte d'accusation qui parle de faits de 1991. Donc là, vous ne savez pas.

5 Vous, vous avez parlé de 1998.

6 R. Oui. Sur 1991 --

7 Q. Très bien. Donc sur le 1991, c'est à voir.

8 Vous parlez de Kouchner. Vous lui avez porté des attaques personnelles ici,

9 comme déjà disait mon collègue Nice, on est pas ici pour défendre les gens,

10 mais Kouchner est arrivé bien plus tard des faits de l'acte d'accusation

11 contre Milosevic.

12 R. Non, pas du tout. M. Kouchner était à Dubrovnik en 1991, il était ici -

13 -

14 Q. Là, on parle du Kosovo.

15 R. Oui.

16 Q. Je parle du Kosovo --

17 R. Oui. Je pensais à des éléments en général.

18 Q. Non. Kosovo, Kosovo.

19 R. Kosovo, où il est arrivé en juin 1999.

20 Q. D'accord. Encore une dernière chose et là surtout Mladic et Srebrenica.

21 J'ai eu un moment, comment on dit en français, la chair de poule en vous

22 entendant. Je comprends que vous nous dites ce que Mladic vous a dit et

23 alors je peux comprendre, parce que Mladic est en état d'accusation, vous

24 le savez ?

25 R. Bien sûr.

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1 Q. Vous savez depuis quand il est en état d'accusation ?

2 R. L'acte d'accusation doit remonter à 1995, je pense.

3 Q. Oui. Vous avez parlé d'Oric. Vous savez qu'Oric est maintenant en

4 procès ici ?

5 R. Depuis peu.

6 Q. Mais vous savez qu'il est là ?

7 R. Oui, je suis au courant.

8 Q. Bien. Vous savez aussi qu'il y a eu une commission de la Republika

9 Srpska sur le massacre de Srebrenica ?

10 R. Oui, qui confirme à peu près tout ce que je vous ai dit.

11 Q. Alors, on n'a pas lu le même rapport.

12 R. Probablement pas.

13 Q. La commission de la Republika Srpska admet que les forces serbes ont

14 massacré plus que 7 000 personnes à Srebrenica.

15 R. Non. Là, je conteste ce fait.

16 Q. Donc vous connaissez pas cette -- mais vous savez que Lord Ashdown a

17 mis sur pied cette commission de la Republika Srpska et que c'était la

18 grande admission publique qui a été faite. Cela vous le savez.

19 R. Je sais tout ce que M. Paddy Ashdown a fait pour la République serbe et

20 pour anéantir la République serbe, oui.

21 Q. Non. Mais ma question n'est pas là. Ma question est sur Srebrenica.

22 R. Sur Srebrenica, je confirme ce que je vous ai dit et la version que je

23 vous ai donnée.

24 Q. Mais cela, c'est Mladic qui vous a dit cela ?

25 R. Oui, mais enfin il était bien placé quand même pour savoir ce qui s'est

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1 passé --

2 Q. Oui, mais --

3 R. -- beaucoup mieux que M. Paddy Ashdown.

4 Q. Oui, mais Docteur, il était quand même bien placé pour se défendre,

5 n'est-ce pas ? Maintenant, il y a quand même pas mal d'éléments d'évidence,

6 de preuves, que les victimes de étaient de

7 7 000 à 8 000 Musulmans.

8 R. Mais non, vous savez très bien comme moi qu'il y a à peu près

9 absolument 1 500 --

10 Q. Donc, vous niez cela --

11 R. -- 1 500 -- 1 500 corps qui ont été identifiés, et moins de 2 500 corps

12 exhumés. Donc ne dites pas que dix ans après, il y a

13 8 000 ou voire même 13 000 comme des fois on le dit et que ce sont des

14 hommes en âge de porter les armes et que ce ne sont pas des femmes, ni des

15 enfants, ni des vieillards.

16 Q. Alors vous n'admettez pas cela. Une dernière question Docteur. Est-ce

17 que vous admettez que dans ce conflit armé dans l'ex-Yougoslavie, il y a eu

18 des crimes de tous les côtés ?

19 R. Oui, je vous l'ai dit, je pense.

20 Q. Oui, mais vous me le confirmez, s'il vous plaît.

21 R. Je vous confirme qu'il y a eu de 1990 à 1999 des guerres civiles en ex-

22 Yougoslavie et qu'il y a eu des morts dans les trois communautés. Je vous

23 le confirme.

24 Q. Je ne parle pas de morts. Je parle de crimes commis par les différentes

25 entités.

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1 R. Mais des crimes, Madame, tous les jours en France, vous en avez des

2 centaines.

3 Q. Non, mais je ne vous demande pas des crimes en France. Je vous demande,

4 si oui ou non, vous êtes d'accord avec moi qu'il y a eu des crimes commis

5 pendant ce conflit par toutes les parties --

6 R. Oui.

7 Q. -- par tous les groupes ethniques ?

8 R. Oui, il y a eu des crimes commis par les Musulmans. Il y a eu des

9 crimes commis par les Croates. Il y a eu des crimes commis par les Serbes.

10 Q. Merci beaucoup. Merci beaucoup.

11 Mme DEL PONTE : J'ai terminé, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Je vous en prie, Monsieur le

13 Juge Bonomy.

14 Questions de la Cour :

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Colonel, j'aimerais vous poser

16 simplement une question. Est-ce que je vous comprends bien lorsque je crois

17 vous avoir entendu dire que vous n'avez pas lu le rapport de la commission

18 créé en Republika Srpska pour enquêter sur Srebrenica ?

19 R. Si, j'ai lu. J'ai lu effectivement les rapports. Mais il y a eu deux

20 rapports faits, et en particulier on ne parle pas, on ne parle pas du même,

21 c'est-à-dire celui qui, à mon avis, a été dicté par Paddy Ashdown.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Barriot, une question

24 d'éclaircissement au sujet de la réponse que vous avez faite à une question

25 du Juge Bonomy et de Mme le Procureur. Mme le Procureur, à un certain

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1 moment, vous a demandé si vous aviez été autorisé par le gouvernement

2 français à divulguer le document qui constitue l'intercalaire 27 de votre

3 liasse de pièces à conviction. Le document où il est question de Mohammed

4 Atta, si vous vous en souvenez, vous avez répondu, je cite : "Je n'ai pas

5 dit que les autorités française m'avaient donné l'autorisation." Lorsque

6 le Juge Bonomy vous a demandé comment ce document s'était retrouvé entre

7 vos mains, vous lui avez répondu, je cite : "Il m'a été fourni par des

8 services de Renseignement et j'ai été autorisé à les présenter car ce

9 n'était pas des documents couverts par le secret défense du gouvernement

10 français."

11 Cela crée un peu de confusion dans mon esprit. Pourriez-vous, je vous prie,

12 me donner quelques détails complémentaires à ce sujet.

13 R. Oui, effectivement. Il y a une confusion faite par Mme Del Ponte. Je

14 n'ai jamais dit que les autorités m'avaient autorisé à fournir -- à

15 produire ces documents. J'ai dit qu'il n'y avait pas d'interdiction. Avant

16 de venir ici, je souhaitais, comme j'ai dit, présenter plusieurs documents.

17 Le seul pour lequel j'ai eu une interdiction des autorités françaises,

18 c'est la liste nominative et précise des Casques bleus tués en ex-

19 Yougoslavie. On m'a dit que pour les autres, il n'y avait pas de problèmes.

20 C'était libre à moi et sous ma responsabilité.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Puis-je vous demander la chose

23 suivante, Monsieur Barriot. Manifestement, vous êtes un homme engagé auprès

24 des Serbes, un défenseur des Serbes, et personne ne peut vous en faire le

25 reproche. Mais quand est-ce que votre association avec la Serbie a

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1 commencé ? Je sais que vous êtes allé en Bosnie en 1993 avec les Casques

2 bleus, je crois. Mais à quand remonte le début de votre association, de

3 votre relation avec la Yougoslavie et la Serbie ?

4 R. En 1994, après avoir servi au sein de la FORPRONU et des Casques bleus.

5 C'est à ce moment-là, après avoir vu la réalité et ce qui se passait sur le

6 terrain que je me suis rapproché effectivement du peuple serbe parce que

7 j'estimais qu'il était victime d'une injustice.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Votre engagement est la conséquence

9 et le résultat de ce que vous avez vu en 1994.

10 R. Oui, Monsieur le Président. C'est directement à partir de ce que j'ai

11 vécu sur place et sur le terrain, et de ce que j'ai vu et entendu moi-même.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, des questions

13 supplémentaires ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, j'en ai quelques unes liées au document

15 présenté par Mme Del Ponte. Je ne suivrai peut-être pas le même ordre.

16 Nouvel interrogatoire par M. Milosevic :

17 Q. [Interprétation] Monsieur Barriot, prenez, je vous prie, ce document de

18 Human Rights Watch d'Helsinki. Premier paragraphe complet de la page 8 qui

19 a été cité par Mme Del Ponte.

20 Je cite : "Durant l'offensive les forces croates ont limité le déplacement

21 de la majorité des presque 10 000 hommes des Nations Unies stationnés dans

22 la zone de la Krajina. Ils ont également attaqué 65 postes des Nations

23 Unies en tuant trois Casques bleus et en blessant huit durant l'offensive.

24 L'OTAN a menacé d'attaquer les forces croates, au titre de représailles

25 pour leur attaque des positions des Nations Unies, cependant la seule

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1 attaque menée par l'OTAN pendant cette opération a été menée contre un site

2 de missiles sol-air serbe", et cetera, "à Knin."

3 Est-ce que cela change quoi que ce soit à ce que vous avez affirmé, lorsque

4 vous avez dit que c'était des avions américains qui avaient attaqué Knin ?

5 R. Non, effectivement cela confirme bien que c'était des avions américains

6 qui ont tiré sur les positions autour de Knin et, d'autre part, cela

7 confirme que les forces croates ont tiré délibérément sur les Casques

8 bleus, en particulier il y a sous-officier danois, Klaus Gomberger [phon]

9 qui a été tué délibérément par un char croate, c'est le général Bernard

10 Janvier qui l'a dit. Il y a effectivement des Casques bleus tchèques qui

11 ont été tués lors de cette offensive par les Croates, et il y a des Casques

12 bleus qui ont servi de bouclier humain, en particulier, tous les Casques

13 bleus canadiens ont été emprisonnés à Knin pour qu'ils ne puissent pas être

14 témoins du saccage de la ville de Knin, lors de l'opération Tempête.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Juste un instant, Monsieur

16 Milosevic.

17 Vous avez répondu à M. Milosevic en disant que le paragraphe que vous avez

18 lu corroborait le fait que c'était des avions américains qui avaient tiré

19 en direction des positions autour de Knin. Qui a-t-il dans ce paragraphe

20 qui pourrait corroborer cette assertion, parce que je ne vois aucune

21 référence aux Etats-Unis.

22 LE TÉMOIN : Mais les deux avions, Monsieur le Président, venaient du porte

23 avion Theodore Roosevelt, et c'est deux chasseurs américains, ce n'est pas

24 contestable, qui ont tiré sur Knin. Donc cela peut -- si je mens, c'est

25 facile à vérifier.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais ce n'est pas indiqué au

2 paragraphe lui-même qui corroborerait cela. Cela provient d'une information

3 qui n'y figure pas, une information indépendante.

4 Continuez, Monsieur Milosevic.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Monsieur Barriot, s'il vous plaît, voyez-vous à la fin de ce paragraphe

7 un numéro de note de bas de page, puisque Mme Del Ponte a dit que c'était

8 un document de Human Rights Watch, vous avez ce petit 14 pour la note de

9 bas de page, à la fin du paragraphe que je vous ai cité.

10 R. Oui, effectivement.

11 Q. Je vous demande de prendre lecture de ce qui y figure pour affirmer ce

12 qu'on affirme. On dit Raymond Bonner, c'est un article du New York Times, 5

13 août 1995, il dit : "Dans une grande attaque, la Croatie s'efforce de

14 déloger les Serbes." C'est un article du New York Times auquel se réfère le

15 prétendu document du Human Rights Watch, rien d'autre, n'est-ce pas ?

16 R. Je confirme ce fait.

17 Q. Penchons-nous à présent, sur ce qui suit. Mme Del Ponte a rapidement

18 cité le général --

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez souligné correctement un

20 point.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Penchons-nous maintenant sur cette citation faite de ce qu'a dit le

24 général Mackenzie, je me réfère au 27 mai, son journal, c'est ce que Mme

25 Del Ponte a cité, très brièvement d'ailleurs. J'estime qu'il faudrait

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1 prendre lecture de cette partie, mais auparavant, je me dois de dire que

2 j'ai dû rechercher dans un dictionnaire ce que cite Mackenzie, et il dit :

3 "Matez les Serbes." J'ai cherché pour savoir ce que voulait dire "Tame" et

4 le dictionnaire m'a aidé à trouver domestiquer, c'est-à-dire apprivoiser si

5 je puis bien comprendre le terme dont on s'est servi ici.

6 Je vais maintenant donner lecture de ce qui y est dit : "Désastre à

7 Sarajevo. Les gens qui faisaient la queue pour le pain, ont été attaqués et

8 au moins 17 personnes ont été tuées. La présidence affirme qu'il s'agit là

9 d'une attaque serbe au mortier. Les Serbes, eux, affirment qu'il s'agit là

10 d'un coup monté avec usage d'explosifs. Nos hommes à nous disent qu'un bon

11 nombre de choses ne collaient pas. La rue a été bloquée, juste avant

12 l'incident et une fois que la foule a pu y accéder, et une fois qu'ils se

13 sont placés dans des rangs, les médias ont fait leur apparition, mais sont

14 restés de côté. L'attaque a alors eu lieu, et les médias se sont

15 immédiatement trouvés sur place. La plupart des personnes tuées, dit-on,

16 étaient des Serbes 'matés'. Qui sait ? La seule chose qui est sûre c'est

17 que des innocents ont été tués."

18 Indépendamment de certaines autres déclarations du général Mackenzie faites

19 ultérieurement, est-ce que ceci nous montre clairement qu'il s'agissait là

20 d'une frappe organisée, parce qu'il dit que "la rue a été bloquée juste

21 avant l'incident" ?

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

23 M. NICE : [interprétation] C'est une question directrice.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, en effet.

25 Je crois qu'il va falloir que vous reformuliez votre question.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Je n'ai fait que citer.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] À chaque fois que vous commencez par

3 : "N'est-il pas clair, ou n'est-il pas vrai de dire…" c'est une question

4 directrice.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon, je ne vais pas demander si c'est clair ou

6 pas.

7 Q. Il est dit ici, Monsieur Barriot, que : "La rue a été bloquée juste

8 avant l'incident. Une fois que la foule de gens est entrée, et qu'ils se

9 sont mis dans des rangs, ou dans des lignes d'attente, de queue, il y a eu

10 l'attaque, et les médias se sont trouvés immédiatement sur les lieux et ont

11 dit que les personnes tuées, semblaient être des Serbes matés."

12 Que cela nous dit-il alors, Monsieur Barriot ?

13 R. Je pense qu'il n'y a pas d'ambiguïté dans le récit que fait le général

14 Lewis Mackenzie. C'est à l'évidence les Serbes ne sont pas responsables de

15 cette explosion. C'est d'ailleurs ce qui se disait au sein de la FORPRONU à

16 cette époque et c'est ce que m'ont confirmé de nombreux militaires

17 canadiens qui avaient été proches du général MacKenzie. Je note, au

18 passage, que Mme Carla Del Ponte a uniquement évoqué l'attentat du 27 mai

19 1992 parce qu'effectivement, la seule personne qui a contesté la

20 responsabilité des Serbes est le général Lewis Mackenzie, alors que pour

21 Markale 1 et Markale 2, nous avons une foule de déclarations d'officiers

22 généraux qui contestent radicalement la responsabilité des Serbes dans ces

23 attaques.

24 Q. Merci, Monsieur Barriot. Penchons-nous maintenant sur la lettre du

25 général Wahlgren que Mme Del Ponte nous a fournie ici également. La lettre

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1 est adressée à l'intention de Goran Hadzic. Cela n'est pas contesté, n'est-

2 ce pas ? C'est adressé à Knin.

3 Ensuite, en page 2, vers la fin de la lettre, il dit : "J'écris également à

4 l'autre partie au conflit pour ce qui concerne d'enfreintes découlant de

5 leurs propres activités militaires."

6 La partie adverse -- la partie adverse, c'est la partie croate. Est-ce à

7 contester ou pas ?

8 R. Je pense qu'il n'y a aucune contestation possible. Cette lettre a été

9 écrite le 1er avril 1993, donc après l'attaque des forces croates contre le

10 plateau de Miljevaca en juin 1992 et après les attaques qui ont démarré en

11 janvier 1993 contre Ravni Kotari et Netica [phon] et toute cette région, et

12 qui se sont prolongées pendant toute l'année 1993. Je précise que plusieurs

13 centaines de personnes sont mortes dans l'offensive contre Ravni Kotari et

14 Netica [phon]. Donc, c'est évident que, lorsqu'il écrit le 1er avril 1993,

15 il pense avant tout à ces attaques croates contre des zones de sécurité des

16 Nations Unies.

17 Q. Ici, on dit -- mais cela, c'est une partie des choses. On parle de deux

18 parties : la République de la Krajina serbe, il s'adresse à Goran Hadzic;

19 et l'autre partie, c'est la partie croate. Mais est-ce qu'on dit ici

20 Yougoslavie, Serbie, Belgrade ? Est-ce qu'il y a une troisième partie ?

21 R. Pas la moindre référence à cette troisième partie.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela montre que, bien que le

23 lieutenant-colonel voulait être équitable et parler de crimes commis par

24 les deux parties en présence.

25 Monsieur Milosevic, nous sommes très près de l'heure -- il est presque 14

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1 heures, et cela fait 15 minutes de plus que l'heure prévue initialement.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne perds pas ce fait de vue, mais on a

3 fourni ici plusieurs documents. Je me réfère notamment, à présent, à un

4 document émanant d'un lieutenant-colonel ou un colonel, je ne sais plus

5 exactement son grade, qui s'appelait Eremija. Voit-on à qui ce document a

6 été adressé ? Il est question ici d'un officier de la JNA. La date est

7 celle du 23 octobre 1991. Le 23 octobre 1991, c'est une période où il

8 existe encore et toujours la République socialiste fédérative de

9 Yougoslavie.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Le saviez-vous, cela ?

12 R. Oui, bien entendu. A cette époque, donc en 1991, la seule armée

13 légitime était la JNA, l'armée de la Fédération yougoslave, qui comportait

14 d'ailleurs moins de 50 % de Serbes à cette époque. Dès 1991, j'insiste sur

15 le fait, il y a eu de nombreuses attaques et de nombreux meurtres de

16 soldats de la JNA par les sécessionnistes slovènes et croates.

17 Q. Voit-on ici, par conséquent, que cet officier de la JNA s'adresse à un

18 commandement supérieur, à savoir le commandement d'une région militaire de

19 la JNA, de cette armée légitime de la RSFY ?

20 R. Effectivement. Et je précise qu'un grand nombre de ces officiers

21 étaient Croates, et qu'ils ont -- qu'une partie, à ce moment-là, a déserté

22 la JNA pour se battre contre leur propre armée, c'est-à-dire qu'ils avaient

23 désertée auparavant.

24 Q. Bien. Je voudrais, à présent, attirer votre attention sur ce qui suit :

25 un lieutenant-colonel de la JNA qui est l'adjoint du commandant d'une unité

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1 s'adresse au commandement de la 1ère Région militaire de l'époque, au sein

2 de la RSFY, et au point 5, il fournit une proposition de mesures pour ce

3 qui est du moral des troupes. Au premier alinéa de ce 5e paragraphe, on dit

4 qu'il convient d'accéder, de façon organisée, au désarmement des formations

5 paramilitaires, et notamment de certains détachements, et en proposant que

6 fassent partie de l'action les autorités et les organes de la République de

7 Serbie.

8 Pour autant que je puisse le voir, ici, la République de Serbie est

9 mentionnée seulement dans ces propositions faites par l'officier de la JNA

10 aux fins de faire en sorte que soient désarmés des membres d'unités en

11 provenance de Serbie. Est-ce que, à quelque autre endroit que ce soit, il

12 peut être donner de voir qu'il y ait quelque corrélation que ce soit avec

13 la Serbie ?

14 R. Je ne vois pas.

15 Q. Bien. Merci. Penchons-nous maintenant sur le rapport présenté par le

16 général Nambiar, si j'ai bien compris, qui en a été l'auteur. Au point 2,

17 on dit qu'il y a eu éruption de l'armée croate en date du 21 juin. Au point

18 3, il est question du secteur ouest, et on dit que cela est apparemment dû

19 à des tentatives "d'éléments armés du côté croate de traverser la rivière

20 de la Sava et s'attaquer aux éléments ou aux troupes de Serbes de Bosnie,

21 au sud de la rivière." Il est question du "côté croate qui traverse la

22 rivière de la Sava pour s'attaquer à des éléments des Serbes de Bosnie." Je

23 vous ai cité donc le point 2. Puis le 3(a) et 3(b) qui dit, ont été

24 attaqués par l'armée croate. On le dit également, et il s'agit du secteur

25 est.

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1 Puis au point (d), on dit : "Que la FORPRONU a dit qu'il y a eu des gens de

2 mobiliser et d'entraîner par l'armée croate dans certains secteurs de la

3 Croatie pour être infiltrés en petits groupes vers la Bosnie-Herzégovine

4 pour prendre part aux combats se déroulant là-bas."

5 Par voie de conséquence, toutes les parties-là nous parlent de violations

6 du cessez-le-feu. Tout ceci se rapporte à des violations. Oui, j'ai sauté

7 le (c). C'est le seul (c) que j'ai sauté. On dit

8 que : "Le 21 août 1992, trois Serbes de ce qu'il est convenu d'appeler 'la

9 police des frontières' ont été tués à proximité de les délits de

10 confrontation du secteur est."

11 Tout le chapitre concernant les violations du cessez-le-feu, pouvez-vous,

12 au sein de la totalité du chapitre, retrouver quelque passage que se soit

13 indiquant que se sont les Serbes qui ont violés le cessez-le-feu ? Je vous

14 ai cité tous les passages depuis le début du volet jusqu'à la fin. Y a-t-il

15 quelque endroit que se soit où l'on dirait que les Serbes ont été coupables

16 d'une violation du cessez-le-feu ? Essayez de le retrouver, je vous prie.

17 R. Non, je n'en ai vu aucun. De doute façon, tout au long de mon

18 témoignage, j'ai cité à plusieurs reprises toutes les violations du cessez-

19 le-feu réalisées par les forces croates, à partir de tout au long des

20 années 1992 et 1993, contre les zones de Protection des Nations Unies.

21 Donc, toutes les violations de cessez-le-feu en 1992, 1993 étaient le fait

22 des forces croates.

23 J'ai également souligné l'intensité des infiltrations des forces

24 croates régulières et irrégulières vers la république, la Bosnie, en

25 particulier vers l'Herzégovine, et vers la partie occidentale de la Bosnie,

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1 en particulier en vue de l'opération Tempête qui allait permettre de

2 prendre en tenailles la Krajina.

3 Q. Je vais à présent vous donner lecture de certaines parties de la

4 Résolution 802, datant de 1993, résolution du conseil de Sécurité, pour

5 vous demander si cela est identique à ce que vous avez recueilli comme

6 information.

7 Dans cette Résolution 802, datant de 1993, il est dit : "Nous sommes

8 très préoccupé par les informations fournies par le secrétaire général au

9 conseil de Sécurité, en date du 25 janvier 1993, pour ce qui est de la

10 détérioration rapide et violente de la situation en Croatie suite à des

11 attaques militaires de la part des forces armées croates en direction des

12 secteurs protégés par la FORPRONU, à savoir, les effectifs de maintiens de

13 la paix des Nations Unies."

14 La phrase suivante : "Nous condamnons fermement ces attaques qui ont

15 conduit à des pertes de vie de membres de la FORPRONU et de civils parmi la

16 population.

17 "Très occupé par l'absence de coopération de la part des autorités

18 locales serbes dans les secteurs protégés par la

19 FORPRONU --"

20 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes un peu

21 dans la confusion à ce moment-ci. Il s'agit de la Résolution 802.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est la pièce D66.

23 M. NICE : [interprétation] Nous sommes en train de confondre la Résolution

24 743, la 762, et autres.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais nous sommes passés

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1 maintenant à la Résolution 802. Il s'agit de la pièce à conviction D66.

2 M. NICE : [interprétation] Oui, le D66 a déjà été mentionné, enfin, peut-

3 être mentionné au cas où cela aurait été mentionné à l'occasion du contre-

4 interrogatoire, mais ce ne serait pas le cas si cela n'était pas le cas.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je tiens à

6 attirer votre attention sur l'heure. Il est près de 14 heures 10. Nous

7 étions sensé terminer à 13 heures 45.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, très bien.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons plus que cinq minutes

10 parce qu'une autre affaire doit commencer dans ce même prétoire.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis vous avez l'enquête Medak pour ce qui est

12 du conseil de Sécurité, "27 décembre 1994," et on parle "d'opérations

13 militaires déployées par la République de Croatie," et ainsi de suite. On

14 parle "de la poche de Medak et de septembre 1993." Donc, on peut dire que

15 dans la nuit du --

16 M. NICE : [interprétation] Est-ce que la question a été formulée ? Il me

17 semble que l'on n'a fait que donner lecture de certaines parties de texte.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, c'est là le

19 problème, en effet. Vous êtes en train de donner lecture du texte de la

20 résolution, mais vous ne posez pas de questions. Je ne voudrais pas vous

21 bousculer. Si vous n'en avez pas fini ou terminé avec les questions

22 complémentaires, ce témoin-ci devra revenir demain matin. Cela serait assez

23 regrettable.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour ne pas en arriver à ce regrettable, et

25 pour que le témoin puisse s'en aller, je vais donner lecture de quatre

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1 lignes de ce document des Nations Unies. On dit

2 que : "Le 9 septembre, quelques 600 membres des effectifs croates se sont

3 attaqués à une poche en se servant d'artillerie de mortier et de tir de

4 chars, ainsi que d'infanterie. Les Croates ont attaqué du nord-est et ont

5 tué ou expulsé les défenseurs serbes en anéantissant les lignes de défense

6 serbe dans les secteurs de Citluk et des villages environnant. Puis, le 10

7 septembre, l'armée croate a pris en charge ce secteur."

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Que savez-vous nous dire au sujet de ces attaques au niveau des zones

10 qui se trouvent à proximité de cette poche de Medak en général ? Il s'agit

11 là de documents qui sont des documents des Nations Unies. Est-ce que cela

12 coïncide avec les informations qui sont les vôtres et qui datent de cette

13 époque-là ?

14 R. Oui, cela coïncide parfaitement et corrobore avec mon témoignage. Nous

15 sommes en septembre 1993 dans la poche de Medak. C'est la troisième

16 agression des forces armées croates contre les zones de Protection des

17 Nations Unies. Il s'agissait de l'opération Terre brûlée, menée par le

18 général Jan Bobetko, et Jan Bobetko lui-même a reconnu dans l'ouvrage qu'il

19 a écrit, qu'il appelle Toutes mes Batailles, a reconnu que l'attaque contre

20 la poche Medak avait été planifiée au plus haut niveau de l'état croate. De

21 nombreux généraux ont participé à cette attaque, en particulier, Mirko

22 Norac, Agim Ceku et Ante Gotovina.

23 Q. Un grand merci, Monsieur Barriot. Je vais passer outre certaines autres

24 questions que j'avais pour que nous puissions finir.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Barriot, d'être venu

2 au Tribunal pour témoigner. Votre témoignage vient de prendre fin. Vous

3 pouvez vous en aller.

4 Nous allons, pour notre part, continuer demain matin à

5 9 heures.

6 [Le témoin se retire]

7 --- L'audience est levée à 14 heures 13 et reprendra le jeudi 13

8 janvier 2005, à 9 heures 00.

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