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1 Le mercredi 19 janvier 2005
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant que de poursuivre votre
7 interrogatoire principal, Monsieur Milosevic, je voudrais dire que nous
8 avons obtenu des traductions en anglais des intercalaires 27A et de
9 l'intercalaire 31. Ces deux documents avaient reçu une cote à des fins
10 d'identification, étant donné que nous attendions une version anglaise de
11 ceci. Maintenant que nous l'avons, on pourra les verser au dossier. Il
12 semblerait que l'intercalaire 28 est également dans le paquet ? Oui, cela
13 en fait partie en effet. Donc ces documents peuvent à présent être versés
14 au dossier.
15 Veuillez continuer, Monsieur Milosevic.
16 LE TÉMOIN: RATKO MARKOVIC [Reprise]
17 [Le témoin répond par l'interprète]
18 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]
19 Q. [interprétation] Professeur Markovic, nous nous étions arrêtés à cette
20 délégation du 10 mars 1998, que vous aviez présidée. Vous souvenez-vous du
21 fait que bien avant cela il a été créé une délégation qui s'était efforcée
22 de surmonter les problèmes au niveau de l'éducation, de la formation
23 scolaire ?
24 R. Je m'en souviens.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vous prie de
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1 reprendre votre question.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation] Fort bien.
3 Q. Professeur Markovic, nous nous sommes arrêtés au niveau de ces
4 délégations qui s'est créées le 10 mars 1998, aux fins de débattre de
5 toutes les questions politiques. Vous souvenez-vous aussi du fait qu'avant
6 la mise en place de ces délégations, bien avant je dirais, à savoir, deux
7 ans avant cela, il a été créé une délégation qui était chargée de négocier
8 du système scolaire. Vous en souvenez-vous ?
9 R. Je m'en souviens. Je me souviens même de la composition de cette
10 délégation. Il y avait là le ministre Ratomir Vico, puis Goran Perkovic et
11 Dobroslav Bjelotic. Les négociations ont été organisées par l'intermédiaire
12 de Sant'Egidio et du Monseigneur Paglia.
13 Q. Cela a duré combien, si vous en souvenez ?
14 R. Ces négociations ont duré assez longtemps. Je n'ai pas suivi cela de
15 très près, mais je pense que tout ceci s'est terminé avant nos déplacements
16 vers Pristina. Avant les déplacements de cette délégation créée par le
17 gouvernement de la République de Serbie.
18 Q. Bien. Dites-moi maintenant : quel a été le résultat des négociations
19 que vous avez conduites vous-même avec la participation de tous les groupes
20 ethniques ? Quand je parle de "représentants de communautés ethniques", je
21 parle de communautés ethniques qui sont mentionnées dans les documents
22 issus de ces entretiens. Il y a les Albanais, les Goranis, les Rom, les
23 Turcs, les Musulmans, puis il y a eu la communauté ethnique serbe et
24 monténégrine aussi bien. Quel a été l'aboutissement de ces entretiens ?
25 R. L'aboutissement des dits entretiens se traduit par un accord portant
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1 sur l'intégration d'une solution qui serait respectueuse de l'individualité
2 de toute communauté ethnique prise individuellement. Pour ce qui est
3 d'intégrer ce type de solution, dans le cadre des autogestions locales, il
4 s'agissait de traduire cela en accord politique, un accord politique
5 d'autogestion au Kosovo et Metohija.
6 Q. Très bien. Ouvrez maintenant l'intercalaire 43, je vous prie. Il y
7 figure un accord publié le 25 novembre 1998. Pour gagner du temps, pour ne
8 pas poser trop de questions à ce sujet au Pr Markovic, étant donné qu'il
9 s'agit seulement d'une information, ceci constitue une photocopie du
10 journal Borba. On voit "Borba," in English, tout en haut, étant donné que
11 ce journal avait une ou plusieurs pages de l'imprimeur en anglais. Ce qui
12 était publié, a été publié en même temps en anglais, à la date du 25
13 novembre 1998.
14 Professeur Markovic, pouvons-nous nous pencher sur le texte de cet accord.
15 Avant toute chose, aux fins de déterminer l'approche, j'aimerais préciser
16 ce qui a été pris ici comme point de départ. On dit tout au début que les
17 signataires de cet accord, compte tenu de la complexité de la structure
18 ethnique du Kosovo et Metohija, et compte tenu de la nécessité de protéger
19 le développement ainsi que l'existence de toute communauté ethnique
20 particulière, et je vais donner, donc lire, parce que je n'ai as le texte
21 en Serbe.
22 "En réaffirmant le rattachement à la position aux termes de laquelle toutes
23 les communautés ethniques, indépendamment du nombre de leurs
24 ressortissants, se trouvent être sur pied d'égalité entre eux, et que par
25 voie de conséquences, il ne saurait y avoir dans leurs relations quelque
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1 discrimination que ce soit."
2 On dit aussi, je cite :
3 "Etant donné que les ressortissants de toutes les communautés ethniques au
4 Kosovo et Metohija devraient avoir la possibilité d'exercer pleinement
5 leurs droit ethniques culturels, linguistiques et religieux, conformément
6 aux normes internationales les plus élevées, et conformément aux documents
7 de base émanant des Nations Unies, de l'Organisation se la Sécurité et de
8 Coopération en Europe, du conseil de l'Europe," et entre parenthèses, on
9 dit "(la charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de
10 l'homme, le document final de Helsinki, la charte de Paris, la Convention
11 européenne sur les droits de l'homme, et le document du conseil de l'Europe
12 portant convention sur les droits de ressortissants de minorités
13 nationales)" et cetera;
14 "Il est nécessaire d'établir des institutions démocratiques aux fins de
15 conforter" -- tout ceci.
16 "Compte tenu du fait que l'autogestion des communautés ethniques sur le
17 territoire du Kosovo et Metohija constitue un préalable aux fins de
18 surmonter les tensions et les conflits interethniques;
19 "Compte tenu également des expériences positives ainsi que des solutions
20 juridiques développées au cours de cette vie en commun de longue date;
21 "Il a été convenu comme suit."
22 Professeur Markovic, je vous demanderais de nous dire quels sont ces
23 principes convenus ?
24 R. L'idée fondamentale de l'accord qui constitue une solution politique
25 globale pour le Kosovo et Metohija, dit que le Kosovo est un milieu
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1 pluriethnique et qu'au Kosovo et Metohija, qu'il doit pouvoir être exprimé
2 l'individualité de toutes les communautés ethniques, s'agissant de
3 questions liées à l'autonomie de tout groupe ethnique qui ne saurait y
4 avoir de mise en minorité de qui que ce soit.
5 On parle là de solutions constitutionnelles en vigueur, aux termes desquels
6 le Kosovo et Metohija est une province autonome faisant partie intégrante
7 de la République de Serbie. On y développe en particulier les droits des
8 citoyens. A part les droits des ressortissants des groupes ethniques, on
9 détermine également les instances du Kosovo et Metohija, à savoir, son
10 parlement, son conseil exécutif, ses organes administratifs, un ombudsman,
11 et il a été précisé qu'il fallait une autogestion locale, une unité
12 autogérée locale, à savoir, la municipalité.
13 Il est déterminé aussi que les citoyens du Kosovo et Metohija doivent être
14 représentés au niveau des organes de la république et des organes de la
15 fédération, compte tenu du fait que le Kosovo et Metohija faisait partie de
16 la Serbie et de la Yougoslavie. Il a été convenu de créer des tribunaux,
17 des polices locales. Il a été arrêté un financement et prévu des mesures
18 pour ce qui est de la mise en œuvre de cet accord, ainsi que des modalités
19 pour sa modification éventuelle.
20 Je ne vais pas parler de tous les détails. Les détails nous prendraient
21 beaucoup plus de temps. Si nécessaire, je peux le faire, bien entendu. Ce
22 qui est importe, c'est que cet accord portant sur les cadres politiques de
23 l'autogestion au Kosovo et Metohija constitue une solution politique
24 globale. Je dis bien politique par des moyens démocratiques et politiques.
25 Il est précisé que l'accord a été conclu en date du 20 novembre 1998, entre
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1 les représentants du gouvernement de la République de Serbie et toutes les
2 communautés ethniques du Kosovo et Metohija, et cela a été signé par les
3 représentants de cette communauté ethnique. Pour la République socialiste
4 fédérative de Yougoslavie, c'était Vladan Kutlesic qui avait signé, qui
5 était Premier ministre à l'époque.
6 Q. Attendez Professeur, nous avons cette déclaration à l'intercalaire 44,
7 mais avant que de passer au 44 --
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je ne mets pas en
9 doute l'authenticité de ce document, mais seriez-vous à même de m'expliquer
10 pourquoi le paragraphe avec le IV en chiffres romains suit tout de suite le
11 paragraphe en chiffres romains I, alors que les II et III se trouvent à la
12 page d'après.
13 Peut-être, Monsieur Kay, pourrai-t-il nous l'expliquer ?
14 M. KAY : [interprétation] Il s'agit d'un article publié dans un journal. Le
15 texte a été publié par colonnes et cela a été photocopié ainsi.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je comprends. Bien.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Kwon, si vous mettez cette première
18 page au-dessus de la deuxième page, vous allez voir la totalité de la
19 feuille de journal, où il y a trois grandes colonnes. Dans la première
20 colonne, vous avez les principes, puis le paragraphe II et III, puis au
21 milieu on voit s'enchaîner le numéro IV, le début du V.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, merci. Je comprends maintenant.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit du format du journal Borba. Je vous
24 montre comment ce journal se présente dans sa totalité.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà. M. le Témoin, le Pr Markovic a le
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1 journal tel qu'imprimé dans sa version originale à ladite date.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Professeur Markovic, cette solution en substance a-t-elle constituée,
4 en termes pratiques, la réalisation d'un principe de l'égalité en droit des
5 communautés ethniques, et cela est-il repris au chapitre IV traitant des
6 instances du Kosovo et Metohija ? J'aimerais que vous nous expliquiez tout
7 ceci, parce que le parlement, en sa qualité d'organe ou d'autorité suprême
8 au niveau de la province, est très bien précisé. Je vais donner lecture de
9 ce qu'il dit.
10 Le paragraphe I dit :
11 "Le parlement est élu de façon -- au suffrage direct. Le parlement est
12 constitué de deux chambres; la Chambre des citoyens et la Chambre des
13 communautés ethniques."
14 Deuxième paragraphe : "Les membres de cette Chambre des citoyens sont élus
15 au suffrage direct, suivant le principe; un citoyen, un vote."
16 Troisièmement : "Les membres de la Chambre des communautés ethniques seront
17 élus de façon démocratique au sein de toutes communautés ethniques. Chacune
18 de ces communautés ethniques disposera d'une délégation comportant le même
19 nombre de représentants dans cette Chambre."
20 D'un côté on visait à faire exprimer un respect plein et entier des
21 principes démocratiques, donc un citoyen égal un vote, donc on exprime
22 directement la volonté des citoyens ainsi, et d'autre part, il y a ce
23 conseil des Communautés ethniques qui ont des délégations et représentants
24 au sein de cette Chambre.
25 M. NICE : [interprétation] S'agit-il ici d'une question ou d'un discours ?
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1 Il me semble que la question est plutôt longue et on y répondra par un oui,
2 ou par un non, mais ce n'est pas là une interprétation appropriée de
3 l'accord.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais que vous reformuliez
5 cette question, Monsieur Milosevic, et la faire plus courte.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Professeur Markovic, veuillez nous expliquer, je vous prie, ce principe
8 et veuillez nous apporter un commentaire au sujet de la solution adoptée.
9 Pourquoi a-t-on pris position de la sorte, pourquoi a-t-on adopté cette
10 solution ? Y avait-il des variantes autres ?
11 R. La conception même de l'accord en question, lorsqu'il s'agit du
12 parlement, et de façon générale de l'organisation au sein de cette province
13 autonome, c'était de faire une organisation en combinant l'autogestion
14 territoriale, à savoir le principe démocratique, et l'autogestion ethnique,
15 à savoir le principe de la souveraineté ethnique. Ces deux principes en
16 combinaison étaient censés exprimer la volonté des citoyens du Kosovo et
17 Metohija. Au Kosovo et Metohija, il n'y a pas qu'une nation, il n'y a pas
18 que la nation du Kosovo, c'est un milieu pluriethnique. Il y a plusieurs
19 communautés ethniques. Le concept de ces accords, de ce document, visait,
20 lorsqu'il s'agissait de question d'importance vitale pour une communauté
21 ethnique, de faire en sorte qu'une communauté ethnique ne saurait être mise
22 en minorité.
23 Bien entendu, on décidait de certaines questions par une majorité de
24 vote, mais lorsque l'on décidait de l'individualité, des particularités
25 d'une communauté ethnique, il n'était pas question de faire en sorte que
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1 celle-ci soit mise en minorité. En substance, on voulait traiter le Kosovo
2 en sa qualité de milieu où les citoyens étaient titulaires d'un même droit
3 de vote, en faisant abstraction de leur appartenance ethnique. Il se
4 pouvait qu'il y ait mise en minorité d'un groupe ethnique quelconque par le
5 groupe ethnique albanais qui était plus nombreux. C'était là la façon dont
6 on avait développé le système à mettre en place là-bas.
7 Q. Bien. On dit à l'intercalaire 44 qu'il y a un soutien accordé à ce
8 texte d'accord publié, et ceci vient cinq jours après seulement. Le soutien
9 qui a été rendu public. J'aimerais que vous nous le commentiez.
10 R. Cette déclaration a été signée à Pristina, et cela constitue un résumé
11 des idées fondamentales de l'acte précédent, à savoir du cadre politique de
12 l'autogestion au Kosovo et Metohija. Là, les signataires de cette
13 déclaration s'engagent à rechercher une solution politique de façon
14 conforme aux dits principes. La déclaration a été signée par les
15 représentants de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, Vladan
16 Kutlesic en sa qualité de premier ministre, au gouvernement fédéral. Au nom
17 de l'Initiative du Kosovo, l'Initiative démocratique du Kosovo, Faik
18 Jashari et Sokol Qusha, puis Ljuban Koka, Zejnelabidin Kurejs, Qerim Abazi,
19 Refik Senadovic, et moi-même, en ma qualité de chef de la délégation du
20 gouvernement de la République de Serbie.
21 En abrégé, cette déclaration on l'appelait la déclaration de Pristina. Il
22 s'agissait là d'une manifestation solennelle de soutien à l'accord
23 politique conclut en date du 25 novembre, et on dit bien que l'on est
24 d'accord sur le fait que les solutions politiques au Kosovo et Metohija
25 devaient être recherchées suivant les principes énoncés de façon globale
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1 dans cet accord nécessitant une élaboration normative par la suite.
2 Parce que le Kosovo et Metohija n'a jamais réalisé une autonomie
3 territoriale à partir de cette constitution de 1990, tout simplement parce
4 que les Albanais, à compter de cette année, ont boycotté toutes élections
5 au Kosovo et Metohija, vu qu'ils ont estimé qu'ils avaient leur
6 constitution, la constitution adoptée à Kacanik et que la vie politique au
7 Kosovo et Metohija devait se dérouler en conformité avec leur constitution
8 à eux, et non pas avec la constitution de la République de Serbie.
9 Q. Je crois que nous avons commenté la constitution de Kacanik. Sa
10 caractéristique fondamentale est celle suivant laquelle ils ont traité le
11 Kosovo comme il s'agissait là d'un territoire monoethnique. Est-ce que cela
12 est bien exact ou est-ce que vous pouvez ajouter autre chose ?
13 R. On dit dans l'avant propos de cette constitution que les Albanais ont
14 adopté cette constitution, on ne dit pas "les citoyens du Kosovo", on dit
15 "le peuple albanais". Nous l'avons d'ailleurs montré ici hier, nous avons
16 une copie de cette constitution de Kacanik et nous avons cette disposition
17 là figurant en avant propos.
18 Je tiens à préciser qu'un certain nombre d'Albanais a placé un signe
19 d'égalité entre le Kosovo et Metohija et la question albanaise. La question
20 du Kosovo et Metohija est une question albanaise selon l'opinion qu'ils ont
21 exprimée.
22 Q. Est-ce que ce que l'on dit dans cette déclaration et dans le texte de
23 l'accord, à savoir dans ces deux documents faisant partie des intercalaires
24 44 et 45, sont repris de façon analogue dans la loi portant autogestion
25 locale qui figure à l'intercalaire numéro 13. L'ACCUSÉ : [interprétation]
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1 Vous avez Messieurs, une version anglaise de ce texte.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Etant donné que la délégation --
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Vous n'avez pas à nous expliquer l'historique. Je vous demande de nous
5 dire si la loi de la République de Serbie portant autogestion locale
6 reprend ces mêmes principes fondamentaux portant sur les communautés
7 pluriethniques et les municipalités.
8 R. Dans les Articles 104 à 119, on a énuméré toutes les municipalités
9 existant au Kosovo et Metohija, et les autres articles développent les
10 principes d'autogestion locale au sein de ces municipalités.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous fais remarquer, que cet
12 intercalaire 13 n'a pas sa traduction.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une version anglaise dans mon
14 intercalaire, c'est vous qui avez assuré cette traduction. Peut-être que ce
15 document est-il tombé de votre classeur.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il semblerait que cela existe en
17 effet, mais pas dans mon classeur.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez mentionné les intercalaires
19 44, 45, peut-être vouliez-vous dire 43 et 44 ?
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, 43 et 44, et l'intercalaire 13 également.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur Markovic, pouvez-vous
22 éclairer ma lanterne en m'expliquant ce que signifie Initiative
23 démocratique du Kosovo ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un parti politique qui existait au
25 Kosovo et Metohija, je ne sais si ce parti existe toujours. C'est un parti
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1 qui n'est jamais devenu un parti représenté au parlement, donc il
2 représente une minorité, mais ce parti a été représenté par M. Faik
3 Jashari, un Albanais. Le Parti démocratique réformiste albanais était
4 représenté par un autre Albanais, M. Sokol Qusha.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quand nous parlons d'une manière
6 générale des Albanais du Kosovo, n'étaient-ils pas représentés eux-mêmes à
7 l'occasion de l'élaboration de cet accord et lors de la signature de la
8 déclaration ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, justement les deux que j'ai mentionnés
10 ont participé à l'élaboration du texte de l'accord et se trouvent être
11 signataires de la déclaration. J'ai ici le texte manuscrit où figure leurs
12 signatures.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais peut-on dire qu'ils
14 représentaient d'une manière générale les Albanais du Kosovo, ou ne
15 représentaient-ils qu'un nombre très limité d'Albanais du Kosovo ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'ils ne représentaient qu'un nombre
17 limité des Albanais du Kosovo, parce que la majorité était d'un avis
18 différent, d'un avis politique différent.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Professeur.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Jashari, c'est un nom assez courant,
21 n'est-ce pas, au Kosovo ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Comme le mien. Markovic. Comme vous
23 l'avez vu, parmi les Serbes, il y a de nombreux Markovic.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que les intercalaires 43 et 44
25 soient versés au dossier, ainsi que l'intercalaire 13.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Professeur Markovic, avez-vous eu connaissance, puisqu'il y a un
4 instant, M. Bonomy a parlé des partis politiques albanais, en tout cas de
5 ceux qui s'expriment au nom de la majorité des Albanais. Avez-vous eu
6 connaissance de quelques remarques ou observations de principe émanant de
7 ceux qui n'étaient pas d'accord avec le texte de cet accord ?
8 R. L'observation de principe consistait à dire qu'un accord politique au
9 Kosovo et Metohija ne pouvait être recherché dans des pourparlers entre le
10 gouvernement de la République de Serbie et des représentants des partis
11 politiques albanais. Car cela revenait à simplifier à outrance la diversité
12 ethnique du Kosovo et Metohija, donc une telle solution devait être
13 recherchée avec la participation de la communauté internationale. Voilà
14 quelle était cette observation de principe qui exigeait que la communauté
15 internationale participe à la recherche d'une solution pour le Kosovo et
16 Metohija et ce, pour une raison très simple, à savoir que ces personnes ne
17 reconnaissaient pas l'Etat, la République de Serbie en tant qu'Etat dont
18 elles faisaient parties, elles ne pouvaient pas accepter le fait de se
19 trouver à l'intérieur de la République de Serbie. Elles estimaient qu'il y
20 avait une séparation de fait et que leur existence ne se situait pas en
21 Serbie et que des négociations entre les deux entités devaient impliquer la
22 communauté internationale également en tant que médiateur.
23 Q. Vous avez dit -- plutôt, vous avez rencontré le parti de Rugova à son
24 siège, qui est également le siège de l'association des Auteurs albanais.
25 Vous avez bien rencontré Rugova et ses collaborateurs ?
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1 R. Oui, une fois seulement.
2 Q. Quel a été le sujet de la discussion ? Quelles ont été les positions
3 exprimées par les deux parties en présence ?
4 R. Ceci s'est passé le 22 mai 1998 un vendredi au siège de l'association
5 des Auteurs kosovars. Cette réunion a eu lieu entre la délégation du
6 gouvernement de la République de Serbie et celui qui, à ce moment-là, était
7 le président de la majorité des partis albanais.
8 Durant cette réunion, de façon très simple, il a été question de rechercher
9 une solution politique et il a été question de la nécessité de mettre un
10 terme aux affrontements armés. Mais rien de concret n'a été conclu à
11 l'issue de cette réunion. Une discussion générale a eu lieu, mais qui n'a
12 débouché sur aucune conclusion puisque aucune conclusion n'a été atteinte.
13 Ceci a été la seule réunion organisée dans ces conditions et je crois
14 qu'elle l'a été grâce à l'intervention de M. Christopher Hill, qui, à cette
15 époque, était ambassadeur des Etats-Unis dans la République de Macédoine.
16 Q. Aucun accord n'a été conclu ce jour-là ?
17 R. Aucun accord. D'ailleurs, rien de très concret n'a été dit au cours de
18 cette discussion. Le débat a été très général et il a été question de la
19 nécessité de trouver une solution politique et de mettre un terme aux
20 affrontements armés.
21 Q. Fort bien. J'aimerais maintenant que nous parlions de votre
22 intervention dans le cadre de la délégation de Rambouillet. Dites-nous,
23 brièvement, quelles étaient vos fonctions à Rambouillet et à quel moment
24 vous êtes allé à Rambouillet ?
25 R. Je suis allé à Rambouillet en tant chef de la délégation d'état, de la
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1 délégation officielle. Ce qu'il est convenu d'appeler les pourparlers de
2 Rambouillet devaient durer en principe du 6 février jusqu'à une certaine
3 date. Mais finalement, les délais ont été prorogés et ces pourparlers ont
4 duré jusqu'au 23 février, 15 heures.
5 Q. Fort bien professeur Markovic. Qui faisait partie de cette délégation
6 dirigée par vous ? J'appelle l'attention de chacun sur l'intercalaire 7, où
7 l'on voit une photocopie du journal officiel de la République de Serbie.
8 Une décision très courte qui porte sur la nomination de la délégation
9 destinée à se rendre à se rendre en France pour des pourparlers. Décision
10 prise par le gouvernement de la République de Serbie et publiée dans le
11 journal officiel. Le chef de la délégation était le professeur Ratko
12 Markovic et les membres de la délégation étaient le professeur Dr Vladan
13 Kutlesic, Nikola Sainovic, le professeur Dr Vladimir Stambuk, Vojislav
14 Zivkovic [phon], Gruljbehar Sabovic, Refik Senadovic, Zejnelabidin Kurejs,
15 Ibro Vait, Faik Jashari, Sokol Qusha, Ljuan Koka et Qerim Abazi.
16 Je vous demande à présent si ces personnes constituaient bien la totalité
17 de la délégation?
18 R. Oui. C'est la composition de la délégation telle qu'elle a été décidée.
19 Il a été considéré que dans cette composition, avec participation de
20 l'establishment politique représenté dans ses rangs. C'est-à-dire avec
21 participation de ceux qui détenaient un poste au sein du gouvernement
22 fédéral de Serbie, toutes les communautés ethniques devaient être
23 représentées également. C'est ce que l'on voit ici avec participation des
24 Albanais et des Turcs. Puis Refik Senadovic est présent également dans
25 cette délégation. Il représente les Musulmans. Les Rom sont représentés par
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1 Ljuan Koka et Qerim Abazi représente les Egyptiens.
2 On estimait que pour que les débats se déroulent de façon efficace, il
3 fallait que toutes les communautés ethniques qui avaient un intérêt vital
4 dans une solution du problème du Kosovo et Metohija soient présentes dans
5 cette délégation et pas seulement les représentants du gouvernement au plus
6 haut niveau de la République de Serbie ainsi qu'au niveau fédéral. Cette
7 idée apparemment n'a pas été bien comprise puisqu'il a toujours été fait
8 mention d'un niveau très bas pour la composition de cette délégation, alors
9 qu'en fait, le niveau était élevé. Ces représentants étaient des
10 interlocuteurs très précieux car ils connaissaient à fond tous les
11 problèmes qui se posaient au Kosovo et Metohija, en particulier les
12 problèmes ethniques. Ils les connaissaient parfaitement bien et ont passé
13 toute leur vie dans cette région.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Markovic, vous étiez vice-
15 premier ministre à l'époque, n'est-ce pas?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. A l'époque, j'étais, comme je l'ai déjà
17 dit, l'un des cinq vice-présidents de la République de Serbie. J'étais
18 chargé du système judiciaire et comptable.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelles étaient les fonctions de M.
20 Nikola Sainovic à l'époque ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Nikola Sainovic, comme
22 M. Vladan Kutlesic, était vice-premier ministre du gouvernement fédéral.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. J'aimerais préciser ce que
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1 M. Kwon vient de préciser il y a quelques instants. La délégation était
2 dirigée par un vice-premier ministre de la République de Serbie, et on
3 trouvait en son sein deux autres vice-premier ministres. Les représentants
4 de ces partis s'exprimant au nom des communautés ethniques étaient
5 également les personnalités les plus connues au sein de ces communautés
6 ethniques à cette époque-là.
7 Pour ce qui concerne la communauté albanaise, les représentants étaient des
8 dirigeants des partis albanais, mais pas nécessairement des partis albanais
9 des plus importants. Comment est-il possible, à ce moment-là, de qualifier
10 une telle délégation de délégation à un niveau bas ? Comment est-ce que
11 vous expliquiez cela ?
12 R. Je crois que cette appréciation a été faite par les médias, et qu'elle
13 venait de notre opinion publique. Je pense que ceci résulte d'une approche
14 élitiste de la question, et qu'elle vient de personnes qui déclaraient
15 soutenir les orientations européennes. Ils méprisaient les membres de la
16 délégation en les qualifiant de personnalités insuffisamment importantes
17 sur le plan politique, mais il s'agissait de personnes tout à fait
18 ordinaires qui n'étaient pas des personnalités publiques.
19 Q. Attendez un instant, Professeur Markovic. J'aimerais dire que je ne
20 suis pas tout à fait d'accord avec votre explication en vous posant une
21 nouvelle question. Qu'est-ce que cela signifie ? Ces personnes qui
22 représentaient les Rom, les Gorani ou d'autres communautés, et qui avaient
23 un rôle très important au sein de leurs communautés ethniques en tant que
24 dirigeants politiques, n'avaient pas été pris dans la rue, n'est-ce pas ?
25 R. Ces personnalités étaient des personnalités importantes au sein de
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1 leurs propres communautés ethniques, mais manifestement il y avait des gens
2 qui estimaient que seuls les personnalités les plus importantes du
3 gouvernement auraient dû participer à ces pourparlers.
4 M. NICE : [interprétation] Avant de voir disparaître cette partie du compte
5 rendu d'audience à l'écran, je ne tiens pas à ergoter sur des détails, mais
6 le libellé de la question de l'accusé permet de penser -- me parait à moi
7 assez peu acceptable car il exprime son désaccord avec l'avis du témoin, et
8 il dit que ce n'était pas des gens de la rue, que c'était des
9 personnalités, et ensuite vient la question où il est question de
10 personnalités importantes au sein de ces communautés ethniques. Tout à
11 fait, n'est-ce pas ? Ce que je veux dire, c'est que non seulement la
12 question est mal posée et l'accusé s'efforce par ce biais d'indiquer au
13 témoin qu'elle est la réponse qu'il souhaite recevoir, mais nous voyons
14 exactement ce qu'il en est de toutes ces questions directrices au cours de
15 l'interrogatoire principal qui n'ont en outre aucune valeur, car elles
16 permettent de produire des éléments que la Chambre aura beaucoup de mal à
17 apprécier. Le témoin semble avoir fourni deux réponses contradictoires, la
18 seconde étant en fait appelée directement par l'accusé.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, est-ce que la première
20 réponse n'exprimait pas le fait que le témoin avait entendu ou vu dans les
21 médias un certain nombre de choses, et que ces points de vue venaient de la
22 population serbe et n'étaient pas son point de vue à lui ?
23 M. NICE : [interprétation] La première réponse, si je l'ai comprise,
24 consiste à dire que les représentants des Rom ou des Gorani - attendez, je
25 jette un coup d'œil à l'écran - "n'étaient pas des personnalités politiques
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1 importantes, que c'étaient des personnes tout à fait simples, qui n'étaient
2 pas des personnalités publiques." L'accusé ensuite entame une autre
3 question en disant : "Permettez-moi d'exprimer mon désaccord avec cette
4 explication que vous avez fournie en vous posant une autre question," et
5 ensuite nous obtenons suite à cette deuxième question une réponse
6 différente.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je pense que l'accusé
8 mérite un peu de compréhension. Ce n'est pas un juriste de formation, et la
9 finesse des questions directrices lui échappe apparemment de temps en
10 temps.
11 J'ai autorisé cette question parce que je pense qu'il est juste qu'elle
12 soit posée. Ce que je n'ai pas apprécié c'est qu'apparemment il y a eu
13 commentaire sur une partie de la déposition du témoin. En effet, cela
14 ressemblait beaucoup à un commentaire plutôt qu'à une question.
15 M. NICE : [interprétation] Comme vous voulez, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous devez
17 éviter les questions directrices. Les questions directrices -- laissez-moi
18 finir -- venant de vous existent lorsque vous introduisez une question qui
19 porte sur un problème délicat, en disant, par exemple, "Permettez-moi
20 d'exprimer mon désaccord," ou "N'est-il pas clair que," et cetera, et
21 cetera. Donc, vous devez essayer d'éviter les questions directrices, parce
22 que lorsque vous posez une question directrice, ceci signifie que vous
23 placez la réponse dans la bouche du témoin, et la déposition doit venir du
24 témoin et pas de vous. Ce n'est pas vous qui êtes le témoin. Veuillez
25 poursuivre.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, l'explication que vous
2 n'avez pas comprise, et que j'ai comprise, est celle qui a été fournie par
3 le Pr Markovic au sujet de la critique faite à l'égard de cette délégation
4 quant au motif qu'elle ne serait pas d'un niveau suffisamment élevé -
5 comment est-ce que je pourrais dire cela - du point de vue de l'avis des
6 personnalités les plus importantes en Yougoslavie. Le témoin n'a pas parlé
7 des membres de la délégation comme de personnes inconnues au sein de leurs
8 communautés. Puisque le rapport entre ces personnes n'était pas clair, je
9 souhaitais que ceci soit éclairci. Il est aisé d'établir cela avec le Pr
10 Markovic, que ces personnes n'ont pas été choisies au hasard. Il s'agissait
11 de personnes qui occupaient de postes déterminés au sein de leurs
12 communautés ethniques. Elles étaient les personnalités les plus respectées
13 au sein de ces communautés, et c'était d'ailleurs l'un des avantages de
14 cette délégation.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je comprends la distinction, oui
16 d'accord. Veuillez poursuivre.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais ajouter quelques mots : Tout
18 vient de la façon dont vous avez parlé à M. Markovic. Vous pouvez lui dire,
19 veuillez apporter des éléments complémentaires sur certaines choses qui ne
20 sont pas tout à fait claires, mais il n'est pas acceptable que vous
21 exprimiez votre désaccord avec ce que le témoin vient de dire. Veuillez
22 poursuivre.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur Kwon.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je dire quelque chose d'important,
25 Monsieur le Président ? M'expliquer ?
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Sur ce point ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très rapidement.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai repris la position des médias dans mon
5 propos. Je n'ai pas exprimé mon point de vue personnel. Ce sont les médias
6 qui ont, dans leurs commentaires, décrit la délégation de cette façon. Ils
7 ont dit que c'était une délégation de niveau insuffisant, de bas niveau,
8 mais telle n'était pas mon opinion à moi. Je ne parlais pas à ce moment de
9 ma déposition, de mon point de vue personnel.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Qui a constitué la délégation albanaise ? Etablissons cela d'abord pour
13 apprécier le rapport de force. Nous avons à l'intercalaire 8 une revue
14 technique qui permet de voir à quel étage étaient installés les différents
15 membres de la délégation. Il y avait une salle dans laquelle tous les
16 Albanais ont été réunis. Mais qui composait cette partie albanaise de la
17 délégation ?
18 R. Nous n'avons jamais reçu une liste des membres de la délégation des
19 Albanais du Kosmet. Mais vous voyez cette liste aujourd'hui qui a été
20 établie au château de Rambouillet, et qui nous permet de constater qu'au
21 troisième étage, par exemple, où était logée la délégation albanaise. Il y
22 avait 17 personnes. Vous le voyez sur la liste. Elle commence par Rexhep
23 Qosja et elle finit par Ibrahim Rugova. A la lecture de cette liste vous
24 voyez que 17 personnes composaient la délégation albanaise.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suppose que vous pouvez admettre au dossier
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1 les intercalaires 7 et 8 ?
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quel était le nombre total des
3 membres de cette délégation ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous parlez de la délégation serbe ? De notre
5 délégation ?
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous étions 13 membres au sein de notre
8 délégation. Je dirigeais cette délégation, et elle comptait en outre 12
9 autres membres.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et 19 Albanais du Kosovo ?
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On ne voit pas le chiffre 13, donc je
12 pense que c'est plutôt 18.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Effectivement, 18 membres.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela doit être la phobie du 13, la
15 crainte qu'inspire le numéro 13.
16 Veuillez poursuivre, Monsieur Milosevic.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut admettre --
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous admettons ces documents.
19 Nous avons déjà admis les 43 et 44, n'est-ce pas, Madame la Greffière ?
20 Oui.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande également le versement au dossier de
22 l'intercalaire 13, Monsieur Robinson.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, l'intercalaire 13 est versé au
24 dossier.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] A présent, je demande le versement au dossier
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1 des intercalaires 7 et 8.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
4 M. MILOSEVIC : [interprétation]
5 Q. Professeur, comment est-ce que vous-même et les autres délégués
6 présents à Rambouillet, comment appréciez-vous le fait que votre délégation
7 était monoethnique, parce que d'un côté, n'est-ce pas, il y avait une
8 délégation multiethnique avec toutes les communautés représentées; les
9 Albanais, les Turcs, les Gorani, les Rom, les Egyptiens, les Turcs, et
10 autres. Tous étaient représentés, et de l'autre côté vous aviez une
11 délégation monoethnique. Quel était votre avis sur ce point ?
12 R. Je sais quel avis nous avions sur ce point. Elle permettait de voir
13 quelles étaient les intentions des Albanais du Kosovo. En effet, la
14 composition de la délégation des Albanais du Kosmet a nui à la recherche
15 d'une solution. Chacun savait immédiatement quelles étaient leurs
16 intentions, lorsqu'ils se sont présentés à Rambouillet dans cette
17 composition en voulant représenter le Kosovo et la Metohija.
18 Q. Par ailleurs, nous voyons les arrivées à Rambouillet, intercalaire 50,
19 nous trouvons là une annexe, déclaration du Groupe de contact fait à
20 Londres le 29 janvier 1999. Je ne vais pas citer l'intégralité de ce
21 document, mais je vous demanderais si le Groupe de contact a pris position
22 par rapport aux représentants des autres communautés ethniques. Je vais
23 vous citer, si vous voulez bien, un passage au point 2. Nous voyons le mot,
24 "Groupe de contact," et un peu plus bas, je cite : "A insisté pour que les
25 parties admettent que la base d'un règlement équitable devait inclure les
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1 principes établis par le Groupe de contact."
2 Au 3A, nous lisons, "Examinez la proposition proposée par le Groupe
3 de contact, c'est-à-dire, par le négociateur qui prévoit une autonomie
4 importante pour le Kosovo, et demandez un affinage de ce texte qui devrait
5 servir de cadre à la conclusion d'un accord entre les parties." Un peu plus
6 loin nous trouvons les mots suivants, "Ils reconnaissaient le travail
7 accompli par le négociateur qui a défini un certain nombre de points
8 exigeant des pourparlers -- de nouveaux pourparlers entre les parties." Un
9 peu plus bas, "admet accepter par certains représentants de la Yougoslavie
10 fédérale et du gouvernement de Serbie, ainsi que par des représentants des
11 Albanais du Kosovo à Rambouillet le 6 février, sous la coprésidence de
12 Robin Cook, et d'un autre représentant afin d'entamer des négociations avec
13 implication directe du Groupe de contact. Le Groupe de contact admet les
14 droits légitimes des autres communautés du Kosovo, et dans le cadre de ces
15 négociations, il oeuvrera à garantir leurs intérêts tel que définis dans ce
16 cadre."
17 Par conséquent, c'est la position du Groupe de contact sur la base de
18 laquelle d'ailleurs la réunion de Rambouillet a été convoquée, n'est-ce
19 pas, Professeur ?
20 R. Oui, c'était la base de l'appel lancé par le Groupe de contact le 29
21 Janvier 1999. L'assemblée nationale s'était réunie et avait appuyé la
22 position selon laquelle la République de Serbie devait participer aux
23 négociations de Rambouillet, et avait conclu en déterminant la délégation
24 de la République de Serbie.
25 Q. Dans ce contexte, des moments qui précédait Rambouillet, nous voyons
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1 surgir un sujet qui a déjà été discuté, il y a un instant, et au sujet
2 duquel vous avez témoigné. Le Groupe de contact - je répète cette partie de
3 la citation - reconnaît les droits légitimes des autres communautés du
4 Kosovo.
5 R. C'est une déclaration du Groupe de contact, et cela signifie que dans
6 le contexte des pourparlers, les intérêts de toutes les communautés
7 ethniques devaient être garantis. Cependant, je ne sais pas comment ils
8 pouvaient l'être en dehors de la présence des représentants des communautés
9 nationales elles mêmes, au sein de la délégation qui était censée
10 représenter le Kosovo. En fait, la délégation qui a signé l'accord, en tant
11 que délégation du Kosovo, comme nous pouvons le constater, puisqu'il y
12 avait une délégation des Albanais du Kosmet au Kosovo, qui n'était pas une
13 délégation du Kosovo, mais une délégation des Albanais du Kosovo et
14 Metohija, ils ont signé cet accord de Rambouillet. Ils l'ont signé pour le
15 Kosovo, mais pas pour les Albanais présents sur ce territoire.
16 Il y a différentes communautés ethniques représentées qui, à Rambouillet,
17 n'étaient représentées que par une seule et même délégation, à savoir, la
18 délégation du gouvernement de Serbie.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, ceci semblait être les
20 modalités envisagées par le Groupe de contact pour ces discussions, parce
21 que le Groupe de contact parle de convoquer les représentants de la
22 Yougoslavie fédérale et du gouvernement serbe d'une part, ainsi que les
23 représentants des Albanais du Kosovo d'autre part.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Cependant, revenons sur cette
25 phrase qui a été citée un instant. Je cite : "Reconnaît les droits
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1 légitimes de toutes les autres communautés ethniques du Kosovo." Ceci se
2 trouve au paragraphe D, 3D, deuxième phrase. Je
3 cite : "Le Groupe de contact reconnaît les droits légitimes des autres
4 communautés ethniques du Kosovo," ce qui signifie que le Groupe de contact
5 est tout à fait conscient du fait qu'il n'y a pas seulement les Serbes et
6 les Albanais qui vivent au Kosovo, mais également d'autres communautés
7 ethniques.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Professeur Markovic, y avait-il des membres de l'organisation
10 terroriste UCK au sein de la délégation albanaise ?
11 R. Oui, il y en avait. Par ailleurs, le chef de la délégation était membre
12 de l'UCK. Il s'appelle Hasim Thaci.
13 Q. Au sein de la délégation d'état, quel était votre sentiment quant au
14 fait que la délégation de l'UCK -- que le chef de -- qu'un membre de l'UCK
15 dirigeait la délégation des Albanais, et ceci aux fins de la -- a pris de
16 la résolution du conseil de Sécurité sur le terrorisme et de sa
17 condamnation du terrorisme. Que pensiez-vous de cela, selon votre
18 expérience ?
19 R. Nous avons vécu cela comme une provocation parce que la délégation
20 albanaise comptait en son sein des personnalités politiques. Il y avait M.
21 Ibrahim Rugova, il y avait d'autres personnalités politiques. Si les
22 pourparlers politiques devaient de dérouler, ces pourparlers auraient dû
23 être conduits entre représentants politiques, et non pas avec à la tête de
24 la délégation, un membre d'une organisation considéré comme une
25 organisation terroriste.
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1 Cependant pour qu'il ne soit pas dit que nous avions rompu les
2 pourparlers et mis les pourparlers dans l'impossibilité d'avancer, nous
3 avons accepté en dépit du fait que la délégation des Albanais de Kosovo et
4 Metohija étaient dirigés par Hasim Thaci, lui-même, chef de l'UCK, nous
5 avons accepté de poursuivre et de participer en dépit des protestations que
6 nous avons émises auprès des négociations par le biais des médiateurs.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qui a émis l'avis que l'UCK était
8 une organisation terroriste ? Je reviens sur ce que vous avez dit au sujet
9 de la composition de la délégation que vous estimiez inacceptable qu'un
10 membre d'une organisation considérée comme organisation terroriste dirige
11 la délégation ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous citer exactement le
13 document dans lequel ce point de vue figure, ni les auteurs de ce document.
14 Cependant, je pense qu'il est de notoriété publique ou, en tout cas,
15 suffisamment bien connu que l'UCK recourait à la terreur, à l'intimidation
16 contre la population du Kosovo et Metohija, et que nous avions bien, en
17 face de nous, une organisation qui présentait tous les éléments d'une
18 organisation terroriste.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Professeur.
20 Monsieur Milosevic.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. Comment ont été envisagées les négociations ?
23 R. Les pourparlers de Rambouillet n'avaient aucun plan destiné à en
24 prévoir le déroulement. Nous avons insisté pour qu'un ordre du jour soit
25 établi afin que le travail puisse se dérouler selon certaines règles de
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1 procédure. Cependant, ceci a été refusé, donc les pourparlers se sont
2 déroulés de façon tout à fait chaotique. Chacun disait ce qu'il voulait.
3 Nous ne savions pas à quelle heure ou quel jour les réunions se
4 tiendraient, qui parleraient avec qui. Tout était improvisé et ce qui est
5 encore plus important, c'est que des négociations réelles n'ont, en fait,
6 jamais eu lieu.
7 Q. Dites-moi, Professeur Markovic, est-ce que vous avez rencontré
8 personnellement les membres de la délégation albanaise ? Puisque chacun
9 pensait que c'était bien les personnalités avec lesquelles vous étiez
10 censés discuter, négocier.
11 R. Jamais. Jamais. Nous n'avons jamais eu de contacts directs avec les
12 membres de la délégation des Albanais du Kosovo. Simplement des rencontres
13 ponctuelles dans les couloirs, mais aucune réunion officielle entre nous
14 n'a jamais eu lieu. C'était en fait des espèces d'autonégociations. C'est-
15 à-dire que nous rencontrions les médiateurs, M. Hill, M. Petritsch, M.
16 Mayorsky, qui nous remettaient des éléments d'accord qu'ils distribuaient
17 aux membres de la délégation pour examen et délibération. Mais il n'y a
18 jamais eu discussion directe avec l'autre partie, avec la partie avec
19 laquelle nous étions censés négocier en fait. Simplement des entretiens
20 avec les médiateurs.
21 Q. Fort bien. Mais qui coprésidaient la conférence et quels étaient leur
22 rôle et l'importance de ces coprésidents ?
23 R. Les coprésidents étaient les ministres des Affaires étrangères de la
24 France et de la Grande Bretagne, M. Vedrine et M. Cook. Quant à leur rôle,
25 je ne sais pas exactement ce qu'il était. Leur présence ne pouvait
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1 nullement être comprise par nous à Rambouillet, autrement que comme la
2 présence de personnes au courant de ce que disait la presse.
3 Q. Comment est-ce que ces déclarations pouvaient être faites à la presse
4 s'il n'y avait pas eu rencontre avec les coprésidents de la conférence ?
5 Est-ce qu'en tant que coprésidents, ils étaient à l'origine de la
6 convocation de cette conférence ?
7 R. La conférence a été convoquée à l'initiative du Groupe de contact qui
8 était l'organisateur, et les coprésidents étaient les ministres des
9 Affaires étrangères, comme je l'ai déjà dit de deux pays, la Grande
10 Bretagne et la France. Il n'y avait aucune règle de procédures pour la
11 Conférence de Rambouillet. En tant que chef de délégation,je ne savais même
12 pas quel était le rôle des coprésidents. Mais je ne peux le déterminer
13 comme me basant sur la signification du terme "coprésident". Maintenant,
14 quelles étaient leurs fonctions, leur droit, leur pouvoir, je n'en sais
15 vraiment rien.
16 Q. Est-ce qu'ils ont convoqué une réunion qu'ils ont coprésidée ?
17 R. Nous n'avons assisté à aucune réunion de ce genre, sauf au tout début
18 de la conférence. C'est-à-dire le 6 février dans la soirée, il y a eu
19 ouverture officielle de la conférence où le coprésident et le président de
20 la République française ont brièvement pris la parole, et le coprésident a
21 prononcé une allocution, mais nous n'avons eu aucun contact avec lui par la
22 suite.
23 Q. Lors de cette cérémonie d'ouverture, il y a eu allocution par M.
24 Chirac, et par le coprésident, et ceci a été votre seul contact avec lui ?
25 R. Il n'y en a pas eu par la suite au cours de ces soi-disant négociations
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1 entre les trois médiateurs et les délégations, et on peut penser que la
2 même chose s'est passée avec les dirigeants des Albanais du Kosovo et
3 Metohija. Je ne sais pas comment s'est déroulé le travail, mais je peux
4 affirmer qu'il n'y a jamais eu de contacts directs entre les deux
5 délégations alors qu'elles étaient censées négocier l'une avec l'autre.
6 Q. Qui a composé la troisième partie aux négociations ? Quel était son
7 rôle ?
8 R. Il y avait un trio de négociateurs composés de M. Christopher Hill, M.
9 Petritsch, et M. Boris Mayorsky, leur rôle comme le dit la dénomination qui
10 était la leur, consistait à servir de médiateurs, mais ils n'étaient pas
11 parties aux négociations. Finalement, il s'est avéré que dans les faits,
12 ils sont devenus parties aux négociations car les parties censées se
13 rencontrer pour négocier ne se sont jamais rencontrées, ne se sont jamais
14 assises autour d'une même table de négociation. C'est ce trio qui a négocié
15 indépendamment avec une partie, puis avec l'autre.
16 Q. Dites-moi, je vous prie, durant cette conférence, quelles étaient les
17 fonctions de Madeleine Albright ? En quelle qualité était-elle présente ?
18 R. Madeleine Albright était présente en tant que secrétaire d'Etat des
19 Etats-Unis.
20 Q. Quel était son rôle ?
21 R. Je crois quelle était l'éminence grise de cette Conférence de
22 Rambouillet. Elle a été l'architecte de l'accord. Elle a écrit le scénario.
23 Elle a dirigé toute la conférence. Tout ce qui se passait était dirigé par
24 Madeleine Albright. Elle a été une figure centrale dans ces pourparlers de
25 Rambouillet.
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1 Q. Votre délégation, la délégation dirigée par vous, la délégation qui
2 était sous votre pouvoir, est-ce qu'elle a rencontré Madeleine Albright ?
3 R. Nous avons eu une rencontre avec Madeleine Albright le 14 février 1999.
4 Cette rencontre, je pourrais la qualifier d'une part de pathos et d'autre
5 part de rencontre où elle a manifesté une attitude despotique. Mme Albright
6 a d'abord parlé de son enfance qu'elle a passé en Serbie à l'époque où la
7 Serbie était un royaume. Elle a ensuite parlé de son père qui aimait les
8 Serbes et qui lui chantait des berceuses lorsqu'elle était petite, des
9 berceuses serbes. Elle a dit que son père lui disait toujours que s'il
10 n'était pas ce qu'il était, il aurait aimé être Serbe. Puis, elle a changé
11 tout d'un coup de ton en affirmant que si nous ne signions pas l'accord de
12 Rambouillet, nous serions privés du Kosovo, que les forces de l'OTAN
13 bombarderaient la Serbie, que le territoire de la République de Serbie
14 serait réduit en taille; et puis, elle a poursuivi en disant que si nous
15 signions l'accord, Kosovo demeurerait au sein de la Serbie, l'UCK serait
16 désarmée, l'économie serbe serait intégrée à l'économie mondiale, il y
17 aurait des initiatives économiques lancées sur le territoire de la Serbie.
18 Ensuite, elle a prononcé une phrase typiquement féminine en disant que
19 l'esprit serbe pourrait fleurir.
20 J'ai pris des notes pendant cette rencontre. Par conséquent, je vous
21 rapporte les mots exacts utilisés par elle.
22 Q. Quel était le rôle du Groupe de contact ?
23 R. Le Groupe de contact était l'organisateur, et si je puis dire, il a
24 guidé toute l'entreprise. Certains éléments de l'accord remis aux
25 délégations étaient d'abord passés par les mains des représentants du
Page 35290
1 Groupe de contact pour vérification. Si je cherche une dénomination pour le
2 Groupe de contact, je dirais qu'il a entouré les négociations de
3 Rambouillet.
4 Q. Quel a été le point de départ des négociations ? Quels éléments ont
5 servi de base aux négociations et qui était l'auteur de ces documents ?
6 R. Nous avons reçu ces documents peu à peu. Nous n'avons jamais reçu tous
7 les documents en même temps.
8 Q. Non. Je suis en train de parler du Groupe de contact. Excusez-moi,
9 puisque le Groupe de contact a joué un rôle important. Je ne parle pas du
10 déroulement de la conférence en tant que tel, je parle du rôle joué par le
11 Groupe de contact. Vous avez dit, n'est-ce pas, que c'était le Groupe de
12 contact qui était à l'initiative de cette conférence ?
13 R. Oui. C'est exact. Le 29 janvier, lors d'une réunion à Londres, le
14 Groupe de contact a exigé une rencontre entre les deux parties et a exigé
15 des pourparlers pour aboutir à une solution, à un règlement.
16 Q. Il s'agissait là des principes qui ont été édictés par le Groupe de
17 contact et qui ont servi de fondement à l'accord de Rambouillet, n'est-ce
18 pas ?
19 R. Oui. Ces principes ont été définis comme étant des principes non
20 négociables. C'était les axiomes qui devaient servir de base à notre
21 travail.
22 Q. Donc des points de départ et des principes qui étaient intangibles.
23 Examinons maintenant l'intercalaire numéro 47.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, un instant.
25 Je voudrais savoir, sous l'égide de qui a eu lieu la Conférence de
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1 Rambouillet ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Sous l'égide du Groupe de contact. Le Groupe
3 de contact dans une réunion du 29 janvier, à Londres, a ordonné la tenue
4 d'une conférence. C'est à la demande du Groupe de contact que nous, en
5 Serbie, ou plutôt que l'assemblée a tenu séance et a accepté cette
6 invitation en acceptant les principes qui devaient guider le travail de la
7 délégation de Serbie lors de cette conférence.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dans une réponse précédente faite à
9 M. Milosevic, vous avez dit qu'il n'avait pas eu de négociations.
10 Qu'entendiez-vous exactement par-là ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, quand il y a négociations, il faut
12 forcément qu'il y ait deux parties en présence qui négocient or, dans ce
13 cas-là, il n'avait pas d'interlocuteurs. Nous n'avons jamais négocié avec
14 la partie avec laquelle nous étions censés conclure un accord. Nous nous
15 sommes simplement entretenus avec M. Petritsch, M. Hill, M. Mayorsky,
16 c'est-à-dire les intermédiaires. Nous n'avons jamais parlé avec la partie
17 d'en face, parce que quand il y a "négociations", forcément il doit y voir
18 deux parties en présence.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais pourquoi cette situation ? Est-
20 ce parce que les choses étaient organisées d'une telle manière que vous
21 n'avez pas pu vous entretenir avec l'autre partie ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Les médiateurs nous ont expliqué que la partie
23 albanaise se refusait à négocier. Ils ont même refusé de négocier lors de
24 la réunion du groupe d'experts. Car des réunions du groupe d'experts. Car
25 il y avait deux types de réunions, les réunions de niveau politique et les
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1 réunions des experts. Or, la délégation albanaise a refusé de rencontrer la
2 délégation de Serbie lors de la réunion des experts ou des réunions des
3 experts. A plusieurs reprises, par écrit, j'ai essayé d'obtenir une réunion
4 avec les Albanais et M. Petritsch et M. Mayorsky nous ont expliqué que la
5 délégation albanaise ne souhaitait pas avoir de contacts directs avec la
6 délégation de la République de Serbie.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. A vous Monsieur Milosevic.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Vous êtes allé à Rambouillet pour mener des négociations au sujet du
10 Kosovo. Or, il n'y a, de par le fait, jamais eu aucune négociation. Est-ce
11 bien ce que vous êtes en train de nous dire ?
12 R. Tout à fait. Il n'y a jamais eu de négociations.
13 Q. Vous n'avez jamais mené de négociations au sujet de quoi que ce soit
14 avec la partie adverse ?
15 R. Non. Pas à Rambouillet, même pas à Paris.
16 Q. Toutes les initiatives que vous avez prises pour négocier avec la
17 partie adverse ont été refusées ?
18 R. Oui. Il y a d'ailleurs des documents écrits qui en attestent. Comme je
19 l'ai dit, à plusieurs reprises, j'ai demandé à pouvoir les rencontrer, mais
20 j'ai toujours essuyé un refus.
21 Q. Fort bien, Monsieur Markovic. Examinons le document, l'intercalaire
22 numéro 47, qui s'intitule : Principes et éléments fondamentaux non
23 négociables du Groupe de contact, document en date du 29 janvier 1999.
24 Dans ce document, on indique d'abord un certain nombre d'éléments de
25 caractère général, avec notamment la nécessité de mettre un terme
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1 immédiatement à la violence et de respecter un cessez-le-feu; deuxième
2 point : solution pacifique grâce aux dialogues, accords transitoires,
3 mécanismes mis en place pour une résolution définitive au bout d'une
4 période intérimaire de 3 ans, pas de modifications unilatérales du statut
5 intérimaire, intégrité territoriale de la RFY et de ses voisins. Cela aussi
6 était un élément qui ne pouvait être négocié, qui est était non négociable.
7 Ensuite, protection des droits des membres de toutes les communautés
8 nationales (préservation de l'identité, de la langue, de l'éducation,
9 protection particulière apportée aux institutions religieuses), élections
10 libres et justes au Kosovo, au niveau municipal et au niveau du Kosovo même
11 sous surveillance de l'OSCE. Aucune partie ne sera poursuivie pour des
12 crimes liés au conflit au Kosovo, à l'exception des crimes contre
13 l'humanité, des crimes de guerre et d'autres violations graves du droit
14 international, amnistie et remise en liberté des prisonniers politiques,
15 interventions internationales et coopérations pleines et entières des
16 parties au sujet de l'exécution de ces éléments.
17 Voici les éléments généraux qui ont été édictés par le Groupe de contact.
18 On parle ensuite du gouvernement du Kosovo, de la manière dont le Kosovo va
19 être gouverné, au Kosmet, je cite : "Les habitants du Kosovo doivent se
20 gouverner eux-mêmes grâce à des institutions démocratiques et responsables
21 au Kosovo. Il convient d'accorder un haut niveau d'autonomie grâce à des
22 systèmes et des institutions législatives exécutives et judiciaires ayant
23 une autorité sur différents domaines" qui sont ensuite énumérés, puis ont
24 dit que : "Les droits des membres des différentes communautés nationales
25 doivent être respectées."
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1 Ensuite, on mentionne l'assemblée, le pouvoir exécutif, le pouvoir
2 judiciaire, à différents niveaux. Il est dit que, je cite : "Les membres de
3 toutes les communautés nationales doivent être représentées de manière
4 équitable à tous les niveaux de l'administration et des instances
5 gouvernementales élues."
6 Si bien que, d'après ce que je comprends, et dans un souci de
7 concision, ma question sera la suivante : Professeur Markovic, s'agit-il là
8 du seul document élaboré par le Groupe de contact au sujet des négociations
9 de Rambouillet ? S'agit-il là du seul document ? Je parle du Groupe de
10 contact.
11 R. Oui. Tout à fait. C'est le seul document dont nous disposions lorsque
12 nous nous sommes rendus à Rambouillet.
13 Q. Professeur Markovic, essayez de répondre à mes questions après les
14 avoir écoutées avec beaucoup d'attention. Je voudrais savoir si le Groupe
15 de contact a fourni d'autres documents. Des documents autres que celui-ci ?
16 R. Dans une partie de l'accord --
17 Q. Non, non. Je parle du Groupe de contact, ne mélangeons pas les choses.
18 Ne mélangeons pas les négociateurs que vous avez rencontrés à Rambouillet
19 et le Groupe de contact. Je parle uniquement du Groupe de contact.
20 R. C'est le seul document qui ait été produit par le Groupe de contact.
21 Q. Est-ce que vous avez accepté ce document ?
22 R. Oui. Nous avons apposé notre signature au bas de ces principes et nous
23 avons demandé à ce qu'il en soit de même de la part de la délégation
24 albanaise.
25 Q. Donc vous avez accepté ? Vous avez signé ces principes ?
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1 R. Oui.
2 Q. Qu'en est-il de la délégation albanaise ?
3 R. Ils ne les ont pas acceptées. Ils n'ont, non plus, apposé leur
4 signature au bas de ce document.
5 Q. Pourquoi à votre avis, pourquoi la délégation albanaise a-t-elle refusé
6 de signer ce document édictant ces principes ?
7 R. Je pense qu'il y a un principe en particulier qui n'agréait pas avec
8 eux. C'était celui de l'intégrité territoriale de la République fédérale de
9 Yougoslavie et de ses voisins. A l'époque, ils ne voulaient pas abandonner
10 la revendication qui était la leur et qui était celle de l'indépendance
11 pour le Kosovo, d'un statut indépendant. Si bien que ce principe qui avait
12 été édicté comme étant non négociable par le Groupe de contact, ils ne
13 pouvaient l'accepter. Je pense que c'est la raison qui explique leur
14 attitude.
15 Q. Le refus de la délégation albanaise de signer ce document, où sont
16 édictés ces principes, est-ce qu'il a entraîné un retard dans les
17 négociations ? Est-ce qu'il a fait obstruction ?
18 R. Oui. Notre délégation a refusé de travailler à l'accord jusqu'à ce que
19 les principes établis par le Groupe de contact soient acceptés. Etant donné
20 que la délégation albanaise s'y ait refusé, ceci a bloqué les négociations.
21 Pendant plusieurs jours nous avons été au point mort. Tout s'est arrêté
22 jusqu'à l'arrivée de Madeleine Albright, d'ailleurs. Même plus tard, à
23 l'heure même, certaines parties de l'accord de Rambouillet étaient
24 produites, la délégation des Albanais du Kosovo refusait d'accepter ces
25 principes fondamentaux. On n'en est arrivé à la solution suivante, qui
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1 consistait à exprimer dans le préambule de cet accord intérimaire aux fins
2 du gouvernement autonome du Kosovo, d'exprimer l'acceptation des principes
3 du Groupe de contact sans pour autant les citer de manière individuelle. Si
4 l'on examine dans ce contexte l'accord relatif au Kosovo, si on examine le
5 chapitre 1, on voit qu'il y a là une déclaration relative au respect des
6 principes fondamentaux édictés par le Groupe de contact sans pour autant
7 énumérer les dits principes.
8 Je parle de la constitution, du préambule. On voit au dernier paragraphe,
9 je cite : "Rappelant et appuyant les principes et les éléments fondamentaux
10 convenus avec le Groupe de contact lors de la réunion ministérielle de
11 Londres le 29 janvier 1999.
12 Q. Merci beaucoup, Professeur Markovic.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais, Monsieur Robinson, que l'on
14 verse au dossier l'intercalaire 47, les principes fondamentaux.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il en sera ainsi.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais une précision. Professeur,
17 quand vous vous êtes entretenu avec Madeleine Albright, est-ce que les
18 représentants de la délégation albanaise étaient aussi présents, la
19 délégation albanaise du Kosovo ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il y avait lors de cette réunion, unique
21 Mme Albright et la délégation du gouvernement de la République de Serbie.
22 Bien entendu, au sein de cette délégation nous avions deux représentants,
23 Faik Jashari et Sokol Qusha, deux représentants albanais.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Mais c'était des membres de votre délégation.
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1 R. Exact.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Parce que je me souviens que le Dr
3 Rugova nous a dit qu'il avait rencontré Mme Albright avec les délégués
4 serbes. Je vérifierais cela plus tard. Merci.
5 Vous pouvez continuer, Monsieur Milosevic.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu une réunion comme vous le dites avec
7 Mme Albright, mais ce n'est pas une réunion à laquelle ont participé les
8 délégations entières. C'était tout simplement un monologue de Mme Albright,
9 puisqu'on n'a parlé de rien de concret lors de cette réunion. Elle s'est
10 contentée d'en appeler à ceux qui étaient là dans la pièce en leur
11 demandant d'essayer de trouver une solution politique et de conclure un
12 accord. M. Thaci est intervenu, tout comme M. Milan Milutinovic, président
13 de la République de Serbie, qui était là aussi, mais il ne s'agissait pas
14 là d'une réunion entre deux délégations. Il s'agissait là d'une réunion à
15 laquelle ont participé uniquement les membres les plus éminents de la
16 délégation d'Albanais du Kosovo ainsi que d'autres dirigeants. Il n'y a pas
17 eu lors de cette réunion de pourparlers directs. C'est uniquement un
18 monologue qui a occupé cette réunion.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Merci. Je crois que nous avons fait la lumière sur ce point. Vous-même,
22 en tant que chef de la délégation, avez affirmé qu'il n'y avait eu aucune
23 négociation entre les deux délégations. Lors d'une réunion avec Mme
24 Albright, si j'ai bien compris, elle vous a dit qu'elle est peut-être très
25 sentimentale quand elle pensait à la Serbie, que la Serbie serait bombardée
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1 si vous ne signiez pas l'accord. C'est ce dont vous avez parlé, n'est-ce
2 pas, avec elle ? C'est ce dont elle a parlé.
3 R. Oui, c'est exact.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, le moment est
5 venu pour nous de faire la pause. Nous allons donc faire une pause de 20
6 minutes.
7 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
8 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur
10 Milosevic.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Professeur Markovic, veuillez vous rapporter, je vous prie, à
13 l'intercalaire numéro 51, où ce problème est mis en évidence un peu plus
14 encore, celui qui consistait au fait qu'il y a eu refus des axiomes, pour
15 reprendre le terme que vous avez utilisé, des "axiomes," des principes
16 édictés par le Groupe de contact.
17 A l'intercalaire numéro 51 - j'espère que tout le monde dispose du document
18 concerné - nous avons le document qui porte le titre suivant, "Réunions
19 d'information de Reeker au deuxième jour des pourparlers de paix du
20 Kosovo." Le 8 février. Ensuite, une explication, "Au sujet des
21 négociations."
22 Au paragraphe 2, je cite : "Lorsque le Groupe de contact a fait sa
23 déclaration au niveau ministériel à Londres le 29 janvier, il a invité deux
24 délégations (les Serbes et les Albanais du Kosovo) à participer à des
25 pourparlers à Rambouillet afin de parvenir à une solution pacifique de la
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1 crise du Kosovo. Ces invitations s'accompagnaient d'une série ou d'un
2 ensemble de principes fondamentaux, non négociables qui devaient guider les
3 pourparlers et les négociations. En acceptant ces invitations, les membres
4 des deux délégations ont pleinement compris et accepté ces éléments."
5 Reprise de la citation, je cite : "Les deux délégations travaillent très
6 dur sur le texte de l'accord, à un processus qui se déroule sur la base des
7 principes et des éléments édictés."
8 Donc, ceci apparaît très clairement. Ici on voit que le 29 janvier à
9 Londres, on a édicté les principes qui figuraient dans le document du
10 Groupe de contact. Je voudrais maintenant passer au bas de la page avec une
11 question. Je cite : "Richard Blaston [phon], journaliste de CNN : Pouvez-
12 vous, s'il vous plaît, faire la lumière sur cette confusion. Je crois que
13 c'est les principes ou quelque chose d'autre, n'est-ce pas ? Les délégués -
14 - les délégations en venant ici sont engagées à respecter, disons, certains
15 principes. Est-ce que ces principes comprennent notamment l'intégrité
16 territoriale de la Serbie et de la Yougoslavie ? La raison pour laquelle je
17 vous pose cette question c'est en partie parce qu'il y a eu un communiqué
18 de l'UCK, ou plutôt, de la partie de l'UCK dans la délégation albanaise
19 déclarant qu'ils n'avaient rien signé de tel. Qu'ils n'allaient jamais
20 faire quelque concession que ce soit au sujet de l'indépendance. Ils
21 insistent pour qu'il y ait une formulation claire et dénuée de toute
22 ambiguïté relative à l'indépendance dans le document final."
23 Ensuite, Reeker répète ce qu'il a déjà dit, ou ce qui a déjà été dit.
24 Puis le journaliste répète la question. "Je voudrais revenir à la question
25 de l'interprétation. Qui a accepté quoi ? On penserait qu'en venant à
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1 Rambouillet ils étaient déjà d'accord sur ce point, mais la délégation dit
2 que ce n'est pas vrai, dit, 'Nous venons mais nous ne sommes pas d'accord.
3 Est-ce que ce n'est pas le cas ?'"
4 On voit que la délégation des Albanais du Kosovo n'a pas accepté le
5 seul et unique document fourni par le Groupe de contact comme socle aux
6 négociations de Rambouillet. Cela, même les journalistes ont pu le voir
7 très clairement lors de cette réunion. Est-ce que ce n'est pas la façon
8 dont les choses se présentaient ?
9 R. Oui, c'est effectivement. J'en ai déjà parlé avant la pause. Les deux
10 offres de signature du document du Groupe de contact ont été refusées par
11 la délégation des Albanais du Kosmet.
12 Q. Fort bien. J'aimerais maintenant que nous passions à l'intercalaire
13 numéro 22, et je vais donner lecture d'un passage bref de la page 2. Il
14 s'agit de la conférence de Cook et Vedrine. A la page 2, Monsieur Vedrine -
15 -
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Intercalaire 22. Avant de commencer,
17 M. Milosevic a posé des questions, il faut que vous assuriez qu'aussi bien
18 les Juges que l'Accusation disposent du document.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est l'intercalaire 52.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous aviez dit 22.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, si j'ai dit 22, c'est que j'ai fait un
22 lapsus; en fait, c'est l'intercalaire 52.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous avons trouvé.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Je vous demande de vous reporter à la page 2, sur cinq pages, vous avez
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1 trois interventions de Vedrine. Je cite : "Il y a eu des discussions au
2 cours de ces semaines, le Groupe de contact a identifié un certain nombre
3 de principes fondamentaux, qui forment le cœur même d'une solution
4 éventuelle. Les discussions au sujet de ces principes fondamentaux
5 devraient faire clairement apparaître, ce qui n'a pas encore été résolu,
6 les points qui n'ont pas été encore résolus."
7 On voit que le co-président de la Conférence de Rambouillet, met en avant
8 ces principes. Est-ce qu'il y a quelque doute que ce soit, quant au fait
9 que la délégation albanaise n'est pas acceptée ces principes ?
10 R. Ce qu'on met en évidence ici, c'est la nature de ces principes. Comme
11 je l'ai expliqué, ces principes ne pouvaient faire l'objet d'aucune
12 négociation, ils étaient intangibles, ils devaient être acceptés tels
13 qu'ils avaient été édictés.
14 Q. Fort bien. Maintenant à la page 3, le journaliste demande une fois de
15 plus des précisions. En haut de la page je cite : "Pouvez-vous nous donner
16 des détails au sujet de ces fameux principes fondamentaux que vous avez
17 mentionnés, les lignes directrices définies par le Groupe de contact ?
18 Réponse de Vedrine : "Je ne peux pas entrer dans les détails de ces
19 principes, parce que je veux que toutes les possibilités restent
20 envisageables pour la poursuite des négociations, et leur aboutissement.
21 Mais je voudrais vous rappeler que nous avons proposé une autonomie
22 substantielle ce qui en dit déjà beaucoup. Cela veut dire une autonomie qui
23 va très loin, tout en respectant les frontières existantes et reconnues au
24 niveau international."
25 Est-ce que c'est là le principe fondamental qui est souligné par le co-
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1 président, et qui a été, qui était la pierre d'achoppement qui a entraîné
2 la déclaration des Albanais ? Ils ne pouvaient pas accepter ces principes
3 parce qu'il y avait -- cela avait trait à l'intégrité territoriale de la
4 Serbie et de la Yougoslavie ?
5 R. Oui. C'est effectivement la pierre d'achoppement, c'était tout à fait
6 inacceptable pour les Albanais du Kosovo.
7 Q. Bien. Comment était formulé le texte qui a été présenté comme
8 l'accord ?
9 R. Cela s'est fait en plusieurs parties, nous sommes arrivés à Rambouillet
10 le 6 février et, dans la soirée, la conférence a officiellement été
11 ouverte. Dès le lendemain, les négociateurs nous ont fourni des annexes.
12 Plus tard, cela s'est transformé en chapitre, 1, 3 et 6. Le numéro 1, c'est
13 la constitution du Kosovo, le 3e avait trait aux élections, et le chapitre
14 6 c'était le médiateur, sur le médiateur.
15 Notre suggestion était la suivante : nous pensions qu'il était beaucoup
16 mieux que l'on nous fournisse l'accord dans sa totalité, avant de nous
17 mettre à négocier, puisque nous n'avions pas d'image générale, d'idée
18 générale de la totalité de l'accord, ni des idées qui le sous-tendaient.
19 Ensuite, six jours plus tard, le 13 février, on nous a fourni le
20 chapitre 4, enfin à l'époque, c'était désigné sous le terme d'annexe 4.
21 C'était un chapitre qui avait trait à des questions d'ordre humanitaire, ou
22 développement économique et à la reconstruction.
23 Puis, le 15 février, la délégation s'est vue remettre l'annexe 4A,
24 non excusez-moi, le chapitre 4 avait trait au développement économique et
25 le chapitre 4A, aux questions d'ordre humanitaire, à la reconstruction et
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1 au développement.
2 Nous étions en train de nous demander pendant combien de temps, qu'on
3 allait encore nous remettre ces documents partiels, et nous avons donc
4 demandé quand l'accord nous serait remis, s'il y avait d'autres chapitres à
5 l'accord, ou si cela constituait la totalité de l'accord ? Cela s'est passé
6 le 15 février. La troïka qui s'occupait de la négociation nous a dit
7 expressément qu'il s'agissait là de la totalité de l'accord.
8 Dès le lendemain, le 16 donc, nous avons fait part à nos négociateurs
9 des objections que nous avions à soulever, s'agissant des documents que
10 nous avions reçus, annexe 1, annexe 3, annexe 6, annexe 4 qui étaient
11 consacrés aux questions économiques, annexe 4 consacrée aux questions
12 humanitaires, à la reconstruction et au développement économique.
13 Ensuite, il y a eu de nouveau, les négociations sont de nouveau se
14 sont arrêtées, ont été au point mort et, plus tard, le 22 février, on nous
15 a remis une autre annexe, ou plutôt les chapitres 2, 5 et 7, des chapitres
16 qui avaient trait à la mise en œuvre de l'accord, avec la police et à la
17 sécurité publique, la sécurité des civils. Ensuite, nous avons repris les
18 informations qui nous avaient été données par la troïka, le 4 février, nous
19 sommes revenus sur ce qui nous avait été dit, le 4 février, à savoir que,
20 théoriquement, nous aurions dû avoir -- à ces moments-là déjà, recevoir
21 l'accord dans sa totalité. Alors que nous n'avions qu'un peu plus de la
22 moitié, puisqu'on nous a donné, à ce moment-là, 56 pages supplémentaires,
23 et nous avons dit que nous refusions ces chapitres, 2, 5 et 7.
24 Le 23, c'est-à-dire au moment où on allait voir le terme de la
25 deuxième prolongation de la Conférence de Rambouillet, au matin donc à 9
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1 heures 30, la troïka chargée de la négociation nous a fait parvenir le
2 document ou l'accord dans son intégralité, avec toutes les annexes, tous
3 les chapitres y compris, les chapitres 2, 5 et 7 du début. A ce moment-là,
4 on nous a donné une date butoir, j'ai la lettre ici de cette troïka.
5 Q. Nous en disposons tous, mais j'aimerais que cette lettre soit posée sur
6 le rétroprojecteur. Il s'agit de l'intercalaire 45.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Vous avez l'intercalaire numéro 45, n'est-ce pas ? Nous pourrons
9 l'examiner. Oui.
10 R. On peut le voir maintenant.
11 Q. J'ai quelques questions à vous poser au sujet du document. L'ACCUSÉ :
12 [interprétation] Je vais demander à l'Huissier, de bien vouloir nous
13 montrer la partie supérieure de la page, afin que l'on puisse voir la date
14 et l'heure, cela y est.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Regardez donc ce qui est écrit ici : "Rambouillet, 23 février 1999, 9
17 heures 30 du matin." Est-ce que c'est la lettre dont vous étiez en train de
18 nous parler, Professeur Markovic ?
19 R. Oui, tout à fait.
20 Q. Dernière phrase que nous pouvons lire ensemble, tous les deux
21 puisqu'elle se trouve sur le rétroprojecteur. Je cite : "Les co-présidents
22 et les négociateurs sont près à recevoir vos réponses à 13 heures au plus
23 tard, aujourd'hui."
24 Donc la première fois que vous avez reçu le texte de l'accord dans
25 son intégralité avec ses dizaines de pages supplémentaires, c'était à 9
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1 heures 30 du matin, le 23 février. On vous a donné 3 heures 30 pour
2 préparer votre réponse et pour donner votre réponse. Est-ce que c'est ce
3 que l'on peut déduire de ce texte ?
4 R. Oui. Tout à fait. C'était la première fois que l'on recevait le
5 document, c'est-à-dire que le jour où la prolongation, la deuxième
6 prolongation de la conférence devait arriver à son terme, nous avons reçu,
7 ce jour-là, le texte intégral de l'accord de Rambouillet, y compris les
8 chapitres 2, 5 et 7, des chapitres qu'auparavant, l'on ne nous avait jamais
9 communiqués. Enfin, disons qu'on nous les avait donné à 19 heures le 22.
10 J'ai expliqué pourquoi, à ce moment-là, nous avions refusé d'accepter ce
11 chapitre.
12 Donc là, nous avions 3 heures 30 pendant lesquelles nous étions sensés
13 procéder à l'étude de quelques 56 pages, des chapitres 2, 5 et 7. C'était
14 le nombre de page. Or, il s'agissait de pages absolument essentielles de
15 cet accord, de pages vitales, c'étaient des parties vitales de l'accord
16 parce que les chapitres 2, 5 et 7 avaient attrait à la mise en œuvre de
17 l'accord. Le chapitre 2 attrait à la police, à la sécurité publique et à la
18 sécurité des civiles.
19 Cette lettre nous permet également de voir que la Russie elle, ne s'est pas
20 associée au chapitre 2 et 7. On nous a expliqué pourquoi. M. Mayorsky, un
21 des membres de la troïka des négociateurs nous a expliqué que les chapitres
22 2 et 7 n'avaient fait l'objet d'aucune discussion et n'avaient pas non plus
23 fait l'objet d'un accord au sein du Groupe de contact. Le document nous a
24 été remis dans son intégralité par les négociateurs au nom du Groupe de
25 contact. C'est ce qui figure d'ailleurs au premier paragraphe de la lettre.
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1 Il nous a expliqué que le chapitre 5 avait été examiné, mais pas
2 adopté, et alors que les chapitres 2 et 7 n'ont fait l'objet d'aucun examen
3 et n'ont pas fait l'objet de discussions et encore moins adopté et cela, on
4 pouvait le voir en examinant les signatures.
5 Q. Merci. Regardons un petit peu les signatures. La signature de
6 Christopher Hill, Boris Mayorsky. On voit sa signature ici, et avec la
7 mention : "A l'exception des chapitres 2 et 7."
8 R. 2 et 7.
9 Q. Le troisième signataire c'était Wolfgang Petritsch. Donc, est-il
10 contesté ou pas le fait que tout cet accord de Rambouillet, partant de ce
11 que vous venez de dire, parlant des explications fournies par le
12 représentant de la Russie, n'a pas été en fait une proposition du Groupe de
13 contact et que cela n'a pas été étudié par ce Groupe de contact ?
14 R. Absolument. La chose n'est pas contestée du tout. Cela a été
15 l'explication apportée par M. Mayorsky, pour ce qui est des raisons pour
16 lesquelles il n'a pas voulu mettre, apposer sa signature pour l'accord tout
17 entier. On nous a dit dès le départ que l'accord ne pouvait pas être adopté
18 en partie, mais, en tant que papier et en tant que quantité, à savoir les
19 huis chapitres, tels que figurant dans la version finale de ce prétendue
20 accord de Rambouillet.
21 Q. On revient au Groupe de contact. Le seul texte adopté par le Groupe de
22 contact à la réunion ministérielle de Londres, c'est le texte que vous avez
23 signé, que les Albanais ont refusé de signer. Or, le texte de Rambouillet,
24 d'après ce qui découle de cette lettre est d'explication de Mayorsky, n'a
25 pas été adopté par le Groupe de contact entier ?
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1 R. Absolument.
2 Q. Maintenant, veuillez me préciser s'il y avait une possibilité, une
3 prévision au terme de laquelle il serait possible de parachever le texte
4 ultérieurement ?
5 R. En arrivant à Paris, pour ce qui est du texte de l'accord, nous avions
6 apporté deux documents, pour ce qui est de la façon dont nous voyions
7 l'autogestion au Kosovo et Metohija, et la mise en place de cette façon de
8 voir dans tous les chapitres de cet accord, exception faite des chapitres
9 relatifs à la mise en œuvre qui n'ont fait l'objet d'une adoption au niveau
10 du Groupe de contact. J'ai apporté ici ces documents. Les négociateurs, à
11 savoir, notre cadre négociateur, nous a répondu qu'il n'était pas question
12 du tout de procéder à des modificateurs substantielles de la partie
13 politique et de l'accord, à savoir que la partie politique de l'accord
14 s'est vu adopté à Rambouillet et que cela était chose terminée. Ce qui fait
15 qu'à Paris, il n'était question que de parler de la mise en œuvre, à savoir
16 des chapitres 5 et 7, pas même du chapitre 2, et on nous demandait de
17 passer immédiatement à des négociations, à des pourparlers avec les
18 négociateurs portant sur le chapitre 5. Mais une fois de plus, il n'y a
19 jamais eu de rencontres, pas plus qu'à Paris.
20 D'ailleurs, pendant les cinq journées que nous y avons passé, entre
21 leur délégation et du gouvernement de la République de Serbie, la
22 délégation des Albanais du Kosovo. Les négociations se sont document
23 déroulées sur la même méthodologie, mais, à la différence près qu'à
24 l'occasion de ces négociations dans notre délégation, il y avait la
25 participation du président de la République de Serbie, Milan Milutinovic.
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1 Q. Revenons maintenant à une question qui vous a auparavant été posée par
2 M. Robinson, lorsqu'il vous a demandé sous l'égide de qui cela s'est tenu.
3 Vous avez expliqué que les négociations sont, se sont déroulées à
4 Rambouillet, vous avez parlé du Groupe de contact. Vous avez mentionné le
5 discours du Président Chirac. La France était le pays hôte ou était-elle le
6 pays qui -- sous l'égide duquel cela s'est produit ?
7 R. J'ai compris que le pays organisateur, c'était la France. Pour ce qui
8 est maintenant du principal observateur, c'est quelque chose que l'on peut
9 voir -- l'organisateur principal, c'était le Groupe de contact. La France
10 n'a été que le pays organisateur. C'est le document qui est daté du 29
11 janvier 1999 qui nous le dit.
12 Q. Merci de nous avoir tiré cela au clair. Je voudrais que vous --
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Auparavant, Monsieur Robinson. Cette lettre
14 signée par M. Hill, Mayorski et Petritsch, intercalaire 45, j'aimerais que
15 la pièce soit versée au dossier.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Cela peut être versé au
17 dossier. De même que le 51 et le 52.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Professeur Markovic, répondez-moi s'il vous plaît, maintenant, à la
20 question de savoir pourquoi la délégation de l'état n'a pas procédé à la
21 signature de ce texte.
22 R. La délégation n'a pas signée ce texte pour les raisons que j'ai déjà
23 énumérées. Tout d'abord, s'agissant du segment politique, il n'y a pas eu
24 de négociations du tout. Il n'était pas certain pour ce qui était de savoir
25 si les observations que nous avions formulé était adopté ou pas, notamment,
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1 pour ce qui est de la constitution du Kosovo qui en faisant partie.
2 Deuxièmement, s'agissant de plus de la moitié de l'accord, nous n'avons pas
3 pu en prendre connaissance, étant donné qu'à la dernière jour de cette
4 journée de conférence, il nous est arrivé les chapitres 2, 5 et 7 comme je
5 viens de l'expliquer qui puisait la déclaration de M. Mayorski avait été
6 déterminante, décisive, étant donnée qu'il n'a pas été pris de décision au
7 niveau de segments-là au sein du Groupe de contact. S'agissant de la partie
8 5, il en a effectivement été question de ce chapitre 5, mais il n'a jamais
9 été décidé de celui-ci. Pour ce qui est des chapitres 2 et 7, il n'en a
10 même pas été fait mention.
11 Q. Donc, pour simplifier, vous avez refusé de signer cet accord qui n'a
12 pas du tout été, qui n'a pas du tout fait l'objet de la proposition du
13 Groupe de contact.
14 R. Cela n'était pas du tout un accord. Cela avait été une espèce de dicta
15 unilatérale. On ne nous demandait que d'apposer notre signature. Aucune
16 participation aux formulations, à leurs rédactions. On nous demandait
17 simplement de signer.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, en décidant de ne pas
19 signer cet accord, la délégation a-t-elle agit de son propre gré ou est-ce
20 qu'elle a reçu des instructions de la part de Belgrade ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'avons reçu aucune instruction de la
22 part de Belgrade. Du reste, dans cette délégation il y avait le président
23 de la République de Serbie, qui, de par la constitution, constitue
24 l'instance représentant la république, à savoir, l'état, tant à l'intérieur
25 du pays qu'à l'étranger. La position de la délégation a été unanime, donc
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1 nous avons décidé à l'unanimité de ne pas signer ce soi-disant accord.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Professeur Markovic, nous avons constaté tout à l'heure que ledit
5 accord n'a pas constitué un document émanant du groupe de Contact. Or, tous
6 les membres de cette troïka de négociateurs ont-ils signé l'accord en
7 question ? J'aimerais que vous vous référiez à l'intercalaire 48, où il est
8 donné juste la dernière page avec les signatures. Il y a une photocopie de
9 la dernière page avec les signatures. Si je vois bien ici, pas même les
10 trois négociateurs n'ont signé. Il n'y a ici que des signatures et si l'on
11 compare les signatures avec le texte de tout à l'heure, et celui-ci, on ne
12 voit que Petritsch et Hill à avoir signé. Mayorski n'a pas du tout signé
13 cet accord ?
14 R. Cette feuille de papier nous montre ce que personne n'a signé pour la
15 République fédérale de Yougoslavie. Que pour la République fédérale de
16 Serbie, personne n'a signé ?
17 Q. Vous voulez dire République de Serbie ?
18 R. Oui, République de Serbie, je me corrige. Pour ce qui est du Kosovo,
19 d'après ce que je peux déchiffrer, c'est Rexhep Qosja et Ibrahim Rugova qui
20 ont signé. Je crois que le premier devait être
21 M. Thaci. Je n'en sais que trop rien. Je ne connais pas ces écritures. Mais
22 on dit ici Kosovo, on ne voit pas les Albanais du Kosovo. On dit le Kosovo
23 tout entier. Alors le Kosovo tout entier n'est représenté que par des
24 Albanais du Kosovo. Ou servir de témoins à cette signature ici, parmi les
25 négociateurs on ne voit que la signature de M. Wolfgang Petritsch et M.
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1 Christopher Hill. M. Mayorski n'a pas signé. Il était dans la salle où l'on
2 avait organisé la signature de l'accord à Paris. En répondant à la question
3 de savoir pourquoi il n'avait pas signé, il a dit que pour un tango, il
4 fallait deux, et il ne pouvait pas signer une chose ne constituant pas un
5 accord, mais cela constituait en fait un accord d'une partie avec elle-
6 même.
7 Q. Veuillez me dire, je vous prie, quel est le texte signé par notre
8 délégation, la délégation de notre Etat ?
9 R. La délégation de notre Etat a signé le texte qu'elle a apporté, qui
10 était le texte qu'elle proposait aux pourparlers, et la structure du texte
11 était celle qui reprenait les parties de l'accord politique de Rambouillet.
12 Nous y avons incorporé le point de vue de notre délégation. Bien entendu,
13 nous ne prétendions pas en faire une version définitive. Nous en avions
14 fait notre proposition, notre projet, notre façon de voir l'apparence de
15 cet accord. Il s'agissait d'un accord portant autogestion au Kosovo en
16 incorporant les éléments fondamentaux d'une autogestion substantielle au
17 Kosovo.
18 Q. Je m'excuse, Monsieur le Professeur Markovic. Je précise qu'il s'agit
19 ici de l'intercalaire 9 ?
20 R. Oui, l'intercalaire 9.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Laissez-nous le temps de le
22 retrouver.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Auparavant, Monsieur Robinson, je voudrais
24 vérifier une chose, l'intercalaire 48, à savoir, la dernière page où l'on
25 peut voir les signatures des Albanais, mais on ne voit pas les signatures
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1 de la Yougoslavie, de la Serbie et de la Russie, mais seulement celles de
2 Petritsch et Hill, est-ce que le document de l'intercalaire 48 est admis au
3 dossier ou pas ?
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous pouvons le considérer
5 comme recevable.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Revenons, Monsieur le Professeur, à ce que je voulais dire. Vous êtes
9 en train de répondre à une question qui était celle de savoir quel type de
10 texte avait été signé par la délégation de notre Etat. A l'intercalaire 9,
11 nous avons le texte de l'accord sur l'autogouvernement.
12 R. C'était la proposition de notre délégation que nous avions apportée
13 avec nous en date du 15 mars, pour le remettre aux négociateurs. C'était
14 notre proposition qui devait faire l'objet de pourparlers. Or, les
15 négociateurs nous ont répondu, vu que nous n'avons fait des interventions
16 qu'au niveau du segment politique, et non pas pour ce qui est de la mise en
17 œuvre. La mise en œuvre, je vous l'ai expliqué, n'a pas du tout été
18 adoptée. Or, les négociateurs nous ont répondu que l'accord politique du
19 Rambouillet est considéré comme étant adopté, et qu'ils ne pouvaient plus
20 en faire l'objet de négociations, qu'on ne pouvait pas y apporter des
21 modifications, que c'était là un texte final, et qu'il fallait parler et
22 passer à la mise en œuvre.
23 Ce texte-ci nous l'avons signé le même jour que les Albanais du Kosovo et
24 Metohija ont signé le texte du soi-disant accord signé à Rambouillet, comme
25 on l'a montré tout à l'heure. Pour la République de Serbie, il y a ma
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1 signature. Pour la République fédérale de Yougoslavie, le Pr Kutlesic. Pour
2 ce qui est de la communauté ethnique des Albanais, le Pr Qusha.
3 Q. Lui, il était président de ce parti de Réformistes démocratiques ?
4 R. Oui, mais il était président de cette communauté -- représentant de
5 cette communauté ethnique des Albanais.
6 Q. On voit la signature de Faik Jashari. On voit Vojislav Zivkovic, pour
7 la Communauté nationale serbe; pour les Turcs, Zejnelabidin Kurejs et
8 Guljbehar Sabovic; pour les Gorani, Ibro Vait; pour les Musulmans, Refik
9 Senadovic; pour la Communauté ethnique des Rom, Ljuban Koka; et Qerim Abazi
10 pour les Ashkali.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, l'accord qui a été
12 signé, a été signé par votre délégation seule.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, par seulement notre délégation, tout
14 comme l'autre accord --
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, on ne peut pas considérer que
16 c'est un accord, que c'est plutôt une espèce d'équivalent politique à ce
17 que vous avez désigné vous-même comme soi-disant accord signé par Rugova au
18 devant du Kosovo. C'était pour contrecarrer cela ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais on peut appeler et qualifier cela
20 d'accord, avec la même légitimité que celle utilisé pour qualifier l'accord
21 signé par M. Rugova. L'autre accord n'a été signé que par une partie seule,
22 et celui-ci n'a été signé que par une partie seule.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Entendons-nous bien, Professeur Markovic. Y a-t-il là une différence ?
25 En fait, ma question est très précise. Ce que la délégation des Albanais du
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1 Kosovo a été signée que par des Albanais et ici ce n'a été signé. Cela a
2 été signé par les Serbes, les Turcs, les Albanais, les Gorani, les Rom, et
3 les représentants du gouvernement de la Serbie et de la Yougoslavie ? Est-
4 ce qu'à cet effet vous voyez au moins, ne serait-ce qu'une certaine
5 différence entre celui-ci ou celui où il y a qu'une communauté ethnique qui
6 a signé, et là où la totalité des communautés ethniques a signé -- même si
7 la communauté ethnique représentée ici ne représente pas la totalité des
8 Albanais, mais certains partis seulement ?
9 R. Il y a, bien entendu, une différence au niveau de la composition de
10 délégations, et de la composition de la délégation du gouvernement de la
11 Serbie qui était pluriethnique, alors que la délégation des Albanais du
12 Kosovo et Metohija était monoethnique. Par conséquent, cela a été la
13 conséquence inévitable de cette différence de conception pour ce qui est de
14 la composition des délégations dès le départ.
15 Q. Bien. Omettons les représentants des Albanais et des Serbes dans ces
16 délégations. Vous avez expliqué qu'ils ne représentaient les parties les
17 plus importantes des Albanais. Pour ce qui est des représentants des
18 Serbes, les choses sont claires. Mais Zejnelabidin Kurejs, Guljbehar
19 Sabovic, étaient-ils des représentants les plus éminents élus de cette
20 communauté ethnique turque ?
21 R. Oui, M. Zejnelabidin Kurejs a été président du parti des Turcs. Je ne
22 sais pas quelle est l'appellation pleine et entière de ce parti, mais il
23 était président du parti principal des Turcs.
24 Q. Donc, c'était l'homme le plus éminent au niveau de la communauté
25 ethnique turque; est-ce contesté ?
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1 R. Non, ce n'est pas contesté. C'est dans cette qualité-là qu'il a pris
2 part.
3 Q. Ibro Vait, qui a signé pour la Communauté ethnique des Gorani, n'était-
4 il pas la personnalité la plus éminente de cette communauté de Gorani ?
5 R. Oui, mais du reste ces communautés ethniques ont élu elles mêmes leur
6 représentant pour participer à cette conférence. Ils ont élu les hommes les
7 plus éminents de leur parti.
8 Q. Pour ce qui est de Raif Senadovic, Koka, et Qerim Abazi, s'agit-il là
9 des positions qui étaient les leurs les plus éminentes au sein des
10 communautés ethniques ?
11 R. Absolument.
12 Q. Sans entrer dans les considérations avancées par les médias, qui ne
13 constituent pas des partis très grands, mais dans leur communauté ethnique
14 c'était les hommes les plus éminents.
15 R. Au sein de leur communauté ethnique, ils étaient les représentants
16 politiques qualifiés. C'est la raison pour laquelle ils ont reçu mandat de
17 les représenter, et les médias ont estimé que les représentants de ces
18 communautés ethniques n'avaient pas leur place dans la délégation. Pas
19 tous, mais une partie des médias l'a estimé.
20 Q. Quelle partie des médias ?
21 R. De nos jours encore nous pouvons lire cela dans différents livres
22 rédigés au sujet de Rambouillet. Pour ce qui est de Rambouillet, je suis
23 très surpris de voir que combien de livres ont été rédigés et des centaines
24 de pages, mais c'était comme du Jules Verne. C'est le fruit de
25 l'imagination de quelqu'un, parce qu'à Rambouillet il ne s'est rien passé
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1 du tout, comme je vous l'ai déjà dit. Je ne sais pas à partir de quoi ils
2 ont pris matière à rédiger des centaines et des centaines de pages. Bon,
3 mais ceci avait été avancé par une partie de la presse de l'opposition au
4 sein de la République de Serbie, et les auteurs en ont été des auteurs de
5 livres variés sur Rambouillet, et on a fait le même reproche à la
6 composition du gouvernement de la République de Serbie.
7 Je n'ai pas lu le livre de M. Wolfgang Petritsch parce que je ne parle pas
8 l'allemand. Donc, je ne peux pas en parler de celui-là, mais pour ce qui
9 est des livres que j'ai lu en langue anglaise, et non en langue à nous,
10 tous ces livres ont fait le même type d'objection pour ce qui est de la
11 composition de la délégation.
12 Q. Je crois avoir compris que c'était là un avantage pour ces délégations,
13 à savoir, de comporter en soi les représentants de toutes les communautés
14 ethniques. Comment expliquez-vous les objections formulées à ce sujet ? De
15 quelle position part-on, lorsque l'on fait ce type de remarque ?
16 R. Voyez-vous, la conception prédominante c'était de dire qu'il fallait
17 que négocient, au sujet du Kosovo, les représentants des Serbes et les
18 représentants des Albanais. On simplifie cette image ethnique très complexe
19 du Kosovo et Metohija, et toute cette complexité ethnique du Kosovo et
20 Metohija n'ait ramené qu'à deux communautés ethniques l'une à l'autre; les
21 Serbes et les Albanais. La réalité, elle est tout à fait autre. On peut
22 s'en rendre compte, à partir des signatures de ces hommes éminents
23 représentant les différentes communautés ethniques en place, parce qu'au
24 Kosovo il y a beaucoup plus que deux communautés ethniques, et notre
25 délégation à nous a estimé qu'eux tous, en leur qualité d'habitants du
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1 Kosovo, devaient prendre part à la recherche d'une solution politique au
2 problème du Kosovo et Metohija.
3 Q. Fort bien, mais savez-vous que les ressortissants de cette communauté
4 ethnique turque avaient des écoles en turque ? Il y avait un journal en
5 langue turque appelée Tan [phon].
6 R. C'est l'établissement qui publiait les manuels scolaires qui a publié
7 également ces journaux en langue turque. On a même publié des manuels
8 scolaires en langue turque. Je ne l'ignore pas.
9 Q. Bon. Ne nous écartons pas trop du sujet principal. Ce soi-disant accord
10 de Rambouillet, signé par la délégation albanaise seule, et au sujet duquel
11 vous avez dit que cela n'a pas été une proposition du Groupe de contact, et
12 que c'est la raison pour laquelle les représentants de la Russie n'a pas
13 voulu le signer, je vous pose la question suivante : Pouvez-vous me dire ce
14 qui suit, si cet accord n'a pas fait l'objet d'une proposition du Groupe de
15 contact ? Si ce texte ne vient pas du Groupe de contact, de qui vient-il ?
16 De qui est-ce la proposition ?
17 R. Je suis convaincu à partir de la description du rôle de
18 Mme Albright. Je suis convaincu que c'est une proposition personnelle de
19 Mme Madeleine Albright et de son équipe.
20 Q. Partant de ce qu'elle a promis, il y avait des perspectives
21 mirobolantes, cela s'est traduit par cet accord, n'est-ce pas ?
22 R. Oui. C'est précisément cela, parce que les menaces de bombardement sont
23 en corrélation directe avec l'adoption, voire le rejet, de cet accord, que
24 c'est ce que Mme Albright a dit à l'occasion de cette réunion avec notre
25 délégation en date du
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1 14 février 1999 à Rambouillet.
2 Q. Tout à l'heure, vous avez précisé que tous les membres de la
3 délégation, à savoir, les représentants de toutes les communautés ethniques
4 constituant la délégation, donc vous et les autres membres, avaient été
5 unanimes pour ce qui est de ne pas signer ce texte.
6 R. Oui, nous avons tous été unanimes pour une simple raison, parce que qui
7 est celle de dire que ce texte signifiait que la majorité albanaise au
8 Kosovo avait son état, et que les autres communautés ethniques pouvaient
9 bénéficier d'une protection partant des droits minoritaires vis-à-vis de
10 décision éventuellement discriminatoire. Mais aucune participation au
11 pouvoir, comme nous l'avions proposé nous-mêmes, de la part de tous les
12 groupes ethniques, quand je dis tous, je dis tous les groupes importants,
13 qui constituent un pourcentage déterminé de la population au Kosovo et
14 Metohija.
15 Donc il s'agissait d'institutionnaliser une sorte d'état albanais et
16 de protéger les minorités. Or, les minorités c'était les Serbes et tous les
17 autres communautés ethniques, et ceci, en cas de décision discriminatoire
18 de la part de cette majorité.
19 Mais que signifie encore cet accord. Cet accord ne comportait pas
20 déclarativement parlant une disposition relative au respect de
21 l'intégralité territoriale de la République de Serbie. Donc en terme
22 concret, le Kosovo faisait partie déclarativement du territoire de la
23 Serbie, mais le Kosovo n'en était officiellement pas partie intégrante,
24 parce que la Serbie n'avait aucune attribution, aucune compétence au
25 Kosovo, qui faisait nominalement partie de son territoire. Donc c'est la
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1 raison pour laquelle nous n'avons voulu signer. On a expulsé de cet accord
2 l'état de Serbie du territoire du Kosovo et Metohija avec toutes les
3 caractéristiques de ce qui constitue un état en général.
4 Q. Monsieur le Professeur Markovic, s'agissant des réactions à la
5 Conférence de Rambouillet, je dirais qu'il y a un bulletin qui a été
6 imprimé en Allemagne, et que le journal Borba a reçu de la part d'un
7 lecteur, d'un de ces lecteurs de Bonn. Je me réfère notamment ici à
8 l'intercalaire 12.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela a été traduit de l'allemand vers
10 l'anglais, Monsieur Robinson. Le feuillet entier dit -- on dit que le
11 feuillet a circulé en Allemagne et on cite, et j'aimerais que vous me le
12 confirmiez ou que vous le contestiez, on cite de façon authentique certains
13 paragraphes de l'accord que l'on a proposé pour signature.
14 R. Ce feuillet constitue une sorte d'extrait, une sorte d'extrait du 7e
15 chapitre de l'avenant 5 de Rambouillet. Ce n'est qu'un extrait.
16 Q. Bien, un extrait, disons un extrait. On dit au numéro 1 : "Les
17 signataires de l'accord reconnaissent la nécessité d'un déploiement rapide
18 du personnel de l'OTAN." Est-ce que cela a été authentiquement repris du
19 texte de l'accord ?
20 R. Tous les 11 points qui sont donnés ici figurent à l'appendice B, au
21 chapitre 7.
22 Q. On dit que : "Le personnel militaire de l'OTAN portera l'uniforme et
23 lorsque les ordres le permettront, ils pourront hausser des armes."
24 Au 3a, on dit que : "L'OTAN sera exonérée de toutes poursuites de
25 tribunaux civils, administratifs, ou en matière pénale."
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1 On dit au 3b que : "L'OTAN sera exonérée de toutes poursuites
2 judiciaires," et cetera, et cetera.
3 On dit au 4 que : "Le personnel de l'OTAN bénéficiera d'une immunité
4 de toute sorte pour ce qui est d'arrestation, enquête, arrestation de la
5 part des organes compétentes de la RFY."
6 On dit au 5 que : "Le personnel de l'OTAN avec ses véhicules, ses
7 bateaux, ses avions, et tous ses équipements sur le territoire de la RFY,
8 pourra circuler librement et sans encombres y compris dans son territoire
9 aérien et ces eaux territoriales."
10 On dit que : "Les signataires cèderont leurs installations de
11 télécommunication, cela sous-entend, la radio et la télévision." On prévoit
12 aussi l'utilisation de tout le spectre électromagnétique à titre gratuit,
13 on parle de voies de communication et ainsi de suite.
14 Suivant la lettre de cet accord qu'on vous a donné à signer, la Yougoslavie
15 toute entière, à savoir sa terre, son ciel et ses eaux territoriales, ses
16 fréquences, ses télécommunications, sa radio, sa télévision, ses moyens
17 publics, donc tout ce qui existe sous les cieux devaient être mis à la
18 disposition de l'OTAN.
19 R. C'est précisément en ces termes-là que s'est traduit le dilemme
20 d'Hamlet en quelque sorte, soit vous serez occupés, soit vous serez
21 bombardés. C'était là le "choix" qu'on avait à faire, que devait faire
22 notre délégation.
23 Q. En langue allemande, on dit à la fin de ce feuillet : "Signeriez-vous,
24 vous-même ce texte ?"
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, est-ce que nous avons
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1 le texte entier de l'accord proposé ?
2 M. NICE : [interprétation] Je n'en suis pas certain. Je vais vérifier.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction 128.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que ce document est déjà une pièce à
5 conviction, a déjà été versé au dossier.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, pièce à conviction 128, je
7 vois.
8 M. NICE : [interprétation] En fait, oui, la pièce à conviction 128,
9 Monsieur le Président, c'est tout à fait cela, nous l'avons préparée à
10 l'avance en cas d'utilisation.
11 Je suis debout et je remarque l'heure. On m'a dit qu'en temps utile, vous
12 seriez informé, Messieurs les Juges, du fait que ce témoin ne peut pas
13 revenir au-delà de demain, quelque chose dans ce genre, et cetera, et
14 cetera. Il vient déjà de subir un interrogatoire principal qui dure depuis
15 neuf à dix heures. Je constate qu'il ne reste que peu de temps entre
16 maintenant et demain.
17 Mais enfin, en tout cas, c'était bien la pièce 128.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, quand est-ce que
19 vous achèverez votre interrogatoire principal. Il dure déjà depuis assez
20 longtemps.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous ai déjà dit qu'au départ j'avais
22 envisagé que cet interrogatoire durerait moins longtemps, mais quoi qu'il
23 en soit, il a avancé très lentement et j'ai encore besoin de quelques
24 minutes.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je dirais, au titre de question
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1 d'intendance, que la Chambre tiendra compte régulièrement du temps que
2 chacune des deux parties consacre à l'audition de ces témoins, et très
3 bientôt, nous publierons un de ces rapports.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, je suppose que si le
6 contre-interrogatoire n'est pas terminé demain, vous pourrez vous mettre à
7 la disposition du Tribunal pour revenir à une date qui conviendra à toutes
8 les parties, n'est-ce pas ? Le plus tôt sera le mieux, bien sûr.
9 Monsieur Milosevic, je suis désolé d'interrompre pour traiter de ce point,
10 mais c'est tout de même un point important.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela fait deux semaines que je suis ici déjà.
12 J'avais des examens à superviser qui devaient durer trois jours, qui ont
13 commencé il y a trois jours, qui ont duré encore avant hier et hier. Il
14 m'est difficile de reprogrammer ces examens car certains étudiants habitent
15 hors de Belgrade et viennent d'assez loin. Je crois que mon audition
16 devrait tout de même s'achever demain car je ne vois pas comment je peux
17 faire subir à mes étudiants de nouvelles difficultés de ce genre en
18 retardant encore d'une semaine leurs examens car la session d'examens
19 s'étend du 15 janvier au 15 février, et j'ai d'autres engagements prévus
20 pour le mois de février. Par conséquent, j'ai pris des risques personnels
21 en soumettant mes étudiants à pas mal de désagréments dus au prolongement
22 de mon séjour ici.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que vous devriez,
24 Professeur, faire preuve d'un peu de compréhension. Monsieur Milosevic,
25 vous auriez dû organiser votre interrogatoire principal en tenant compte du
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1 fait que le Procureur ne pourra achever son contre-interrogatoire demain.
2 Pour ma part, je trouve ceci tout à fait évident. Poursuivons, mais ne
3 perdez pas de vue que les Juges demanderont au professeur de revenir pour
4 terminer son audition, si celle-ci n'est pas terminée demain.
5 Si vous ne perdez pas cela de vue, Monsieur Milosevic, il est tout à
6 fait clair que plus tôt vous en aurez fini, mieux ce sera.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je n'ai aucun doute quant au
8 fait que les étudiants ou le professeur n'auront rien au cas où M. Nice
9 n'achève pas son contre interrogatoire demain, n'auront rien contre que le
10 professeur revienne ici pour une journée, car il n'est question que d'une
11 journée, y compris, l'aller-retour, le voyage d'aller-retour, n'est-ce pas
12 ? Il est possible que le travail s'achève demain, mais il est possible
13 aussi que le professeur prévoit de revenir ici pour un jour. Je ne pense
14 pas que ceci pose de grosses difficultés. C'est en tout cas mon avis
15 personnel. Je ne suis autorisé à avoir aucun contact avec le témoin pendant
16 sa déposition, mais enfin j'espère qu'il sera d'accord là-dessus.
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. Professeur Markovic, très rapidement, est-il tout simplement permis de
19 parler de négociations ou de pourparlers à Rambouillet, et d'accord à
20 Rambouillet ?
21 R. Je pense que non. Car il n'y a pas eu de pourparlers, ni de
22 négociations. Il n'y a eu que des entretiens entre les délégations et un
23 tiers. Jamais de contacts directs entre les deux délégations concernées.
24 Quant au terme d'accord, je pense qu'il n'y a pas eu d'accord non
25 plus car pour qu'il y ait accord, il faut qu'il y ait conformité de vues de
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1 deux parties. Or ici, nous n'avons conformité de vues que d'une seule
2 partie, agrément que d'une seule partie.
3 Q. A l'intercalaire 35 --
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas nécessaire d'insister
5 sur ce point, Monsieur Milosevic. Nous l'avons bien compris. Il a été
6 formulé à de très nombreuses reprises.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, mais ceci est un texte dont l'auteur est
8 Kissinger et qui montre également le point de vue du pays qui avait une
9 voix prépondérante dans tout cela.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est l'intercalaire 53.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, en fait c'est l'intercalaire 53, page 2,
12 3e paragraphe. Kissinger dit, je cite : "Plusieurs décisions capitales ont
13 été prises pendant ces jours qui semblent lointains de février où d'autres
14 options étaient encore possibles. La première, c'était exiger que 30 000
15 soldats de l'OTAN entre en Yougoslavie, pays avec lequel l'OTAN n'était pas
16 en guerre, province administrative qui avait une importance affective très
17 grande au début de la Serbie, juste après son indépendance. La deuxième
18 option, c'était de recourir à un refus prévisible de la Serbie en tant que
19 justification pour lancer les bombardements. Rambouillet n'a pas été un
20 lieu de négociations comme on le prétend souvent, mais un ultimatum."
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Est-ce également en gros votre conclusion, Professeur ?
23 R. Absolument. Rambouillet a été un lieu où a été exprimé un dictat
24 unilatéral --
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui. La réponse suffira.
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1 Merci, veuillez poursuivre, Monsieur Milosevic.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Professeur, je vais simplement vous poser une autre question. Après le
4 temps qui s'est écoulé depuis Rambouillet, estimez-vous que cela a été une
5 erreur de notre part de refuser de signer ce texte ?
6 R. Non. Je ne pense pas que cela ait été une erreur. D'abord le pays n'a
7 pas été occupé, malheureusement, un certain nombre de personnes trop
8 nombreuses ont perdu la vie, mais nous avons conservé notre honneur. Notre
9 pays a conservé sa dignité et les Serbes ont une histoire qui leur est
10 propre. Ils ont cette histoire car ils ont toujours veillé à conserver leur
11 honneur et à sauver la face en dépit de tout. Ce sont les principes
12 auxquels s'est tenue notre délégation lorsqu'elle a refusé, il y a près de
13 six ans, de signer cet accord qui n'était que le texte d'un dictat
14 unilatéral.
15 Q. Merci, Professeur. J'en ai terminé avec mon interrogatoire principal.
16 Je n'ai pas d'autres questions.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic. Monsieur
18 Nice.
19 Contre-interrogatoire par M. Nice :
20 Q. [interprétation] Avant d'en arriver au cœur même du contre-
21 interrogatoire, j'aimerais rebondir sur votre dernière remarque quant au
22 fait que la perte de vies est préférable à la perte de la dignité. Quel est
23 le groupe ethnique qui a le plus souffert durant le conflit du Kosovo ?
24 Est-ce que ce sont les Albanais du Kosovo qui ont souffert pour conserver
25 la dignité serbe ?
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1 R. Je pense que c'est le groupe serbe qui a souffert le plus car les
2 persécutions contre les Serbes ont duré plusieurs décennies.
3 Q. Excusez-moi, Professeur. Je suis sûr que vous avez bien compris ma
4 question. S'agissant de perdre la vie, ou d'être expulsé sous la contrainte
5 hors de chez soi, je vous demande quel est le groupe ethnique qui a
6 souffert le plus, les Albanais du Kosovo, peut-être ? La question est
7 simple.
8 R. Je vous fournis une réponse simple, mais cette réponse ne vous convient
9 pas. C'est le groupe serbe qui, sur le plan de la chronologie, a souffert
10 beaucoup plus car les Albanais avaient pour devise, le Kosovo n'est pas en
11 Serbie s'il n'y a pas de Serbes au Kosovo. La persécution des Serbes était
12 un élément capital dans le sort que prévoyaient les Albanais pour eux-mêmes
13 puisque les Albanais voulaient un Etat à eux, dès lors que les Serbes
14 auraient quitté le Kosovo.
15 Q. Il est possible, Professeur, que nous avons des difficultés de
16 compréhension linguistique. Je vais essayer de parler plus simplement. Au
17 cours du conflit du Kosovo, est-ce que le nombre des Albanais du Kosovo qui
18 ont perdu la vie a été supérieur à celui des Serbes ?
19 R. Monsieur Nice, je n'ai pas dénombré les victimes. Je ne puis donc
20 répondre à cette question.
21 Q. Très bien. J'y reviendrai demain avec un élément de preuve qui permet
22 de répondre à cette question. Je déclare que les réponses que vous avez
23 faites aux Juges jusqu'à présent étaient absolument dépourvues de toute
24 franchise. Vous savez parfaitement bien si le nombre le plus important de
25 victimes qui ont perdu la vie au cours du conflit du Kosovo se trouvent
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1 parmi les Albanais du Kosovo, ou parmi les Serbes, et vous refusez de
2 répondre sincèrement.
3 Alors revenons-en au début.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, puisque vous venez de
5 dire cela au témoin, laissez-le répondre.
6 M. NICE : [interprétation] Certainement.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense qu'il devrait répondre.
8 M. NICE : [interprétation]
9 Q. La proposition, Professeur, c'est que vous ne répondez pas avec
10 franchise.
11 R. J'affirme que la franchise c'est un sentiment interne, et je ne vois
12 pas comment M. Nice peut voir en mon for intérieur pour se plonger à
13 l'intérieur de moi et parler ainsi. Chaque fois que je fais une réponse qui
14 ne convient pas à M. Nice, il déclare que je manque de franchise. Il
15 m'accuse de manque de sincérité. Je lui donne mon avis. Chacun a droit à
16 avoir son opinion. S'il y a une différence d'opinions entre lui et moi,
17 cela ne signifie pas que je suis autre chose que franc.
18 Q. Très bien. Revenons-en au début. L'accusé vous a décrit au cours de son
19 interrogatoire principal en disant que vous étiez : "sans aucun doute, le
20 meilleur expert en droit constitutionnel sur le territoire de l'ex-
21 Yougoslavie, et que c'était un fait reconnu par tous, que personne ne
22 pouvait remettre en cause ou contester. Les réponses sont transparentes."
23 Vous êtes ici. Vous êtes : "sans doute le meilleur expert en droit
24 constitutionnel sur le territoire de l'ex-Yougoslavie." Est-ce que c'est
25 bien ainsi que vous vous considérez personnellement ?
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1 R. Je ne suis pas sûr qu'il ait dit sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.
2 La compétition ne fait pas partie de ma nature. Mon jugement sur ma propre
3 valeur n'a aucune pertinence. Ce qui compte ce sont d'autres choses et,
4 notamment, la situation objective. Je ne me considère en tout cas pas de
5 cette façon.
6 Q. Puisque vous avez été largement critiqué par d'autres universitaires
7 pour un certain nombre d'autres choses que vous avez faites au cours de ces
8 15 dernières années, n'est-ce pas ? Je vais vous citer quelques exemples.
9 Pavle Nikolic, par exemple, vous a reproché vos tentatives de maintenir
10 l'accusé au pouvoir. Vous souvenez-vous de sa critique ?
11 R. Le mandat d'un président ne dure pas dix ans, il dure cinq ans, selon
12 la constitution de la République de Serbie.
13 Q. Ce que je vous dis, c'est que vous avez été critiqué par d'autres
14 juristes universitaires pour vos réalisations en tant que juriste. D'un, je
15 vous cite, Pavle Nikolic qui vous a critiqué, n'est-ce pas ?
16 R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire. Je ne sais pas ce que vous
17 entendez par critique. Dans la science et dans la vie universitaire, il est
18 tout à fait courant d'avoir un désaccord avec quelqu'un et de subir la
19 critique. Souvent, nous ne sommes pas d'accord les uns avec les autres.
20 C'est de cette façon que la science progresse. S'il n'y a pas de désaccord,
21 la science n'avance pas.
22 Q. Je vais vous donner un autre exemple de critique, en tant qu'avant-goût
23 de ce que je vous dirai en temps utile. Slobodan Samardzic, de l'institut
24 des Affaires européennes de Belgrade, vous a attaqué publiquement, et en
25 détail, pour la mauvaise utilisation de la constitution rédigée par vous,
Page 35329
1 n'est-ce pas ?
2 R. C'est la première fois que j'entends parler de cela.
3 Q. Fort bien.
4 R. Je n'en ai jamais entendu parler jusqu'à présent. Est-ce que vous
5 pourriez avoir la gentillesse de me dire où cela s'est passé et à quel
6 moment, et ce qu'est cet abus de la constitution dont je serais coupable ?
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, M. Nice parle d'un auteur et
8 d'un texte qui a été rédigé par lui. Donc, s'il veut remplir sa fonction,
9 je pense qu'il devrait placer le texte sous les yeux du témoin, s'il
10 souhaite l'interroger sur ce texte.
11 M. NICE : [interprétation] Je le ferai très certainement.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
13 M. NICE : [interprétation] Je le ferai en temps utile, parce que je
14 souhaitais, pour ma part, suivre un ordre chronologique. Ce que j'explore,
15 en ce moment, c'est la description faite de ce témoin par M. Milosevic
16 comme étant, sans que la chose puisse être contestée, un expert. Mais, si
17 le témoin veut réfléchir à cela pendant la nuit, nous pourrons sans doute
18 lui remettre un exemplaire de ce texte où il verra de quelle façon il est
19 critiqué et de quelle façon sont critiqués les articles qu'il a écrits sur
20 la constitution par ce représentant de l'institut des Affaires européennes
21 de Belgrade. Ce texte est intitulé, Système constitutionnel de la
22 République fédérale de la Yougoslavie, Principes et Contradictions. Le
23 document, nous ne savons pas exactement quelle en est la date, mais nous
24 pouvons remettre au témoin un exemplaire de ce document pour qu'il le lise.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous devriez le faire, Monsieur
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1 Nice.
2 M. NICE : [interprétation] Je le ferai, et nous reviendrons sur cette
3 question en temps utile dans mon interrogatoire.
4 Q. Mais, Professeur, vous aurez donc de la lecture.
5 Vous nous avez parlé un peu de votre histoire personnelle. Nous y
6 reviendrons au début de mon interrogatoire, mais avant cela, j'aimerais
7 prendre un certain nombre de points par ordre chronologique. D'abord, la
8 constitution de 1974 de la République fédérale de la Yougoslavie.
9 On prépare ce document à mon intention pour qu'il soit placé sous le
10 rétroprojecteur, mais je vous dis pour l'instant : Les Serbes
11 considéraient la constitution de 1974 comme un texte qui allait à
12 l'encontre de leurs intérêts, n'est-ce pas ?
13 R. Ce ne sont pas les Serbes qui pensaient ainsi. C'est ce que pensaient
14 les personnes les plus érudites du pays. Il y avait, parmi les
15 universitaires, pratiquement l'unanimité quant au fait que la constitution
16 de 1974 est la cause dans laquelle il faut rechercher toutes les crises qui
17 ont affecté la Fédération yougoslave.
18 Q. Bon, bon. Très bien.
19 R. Les Croates, les Slovènes, les Macédoniens avaient également un avis
20 assez défavorable sur cette constitution. Je peux vous rappeler un certain
21 nombre de réunions où ces critiques venues de toutes part ont été
22 exprimées.
23 Q. Professeur, je ne serai que trop heureux d'achever votre -- le contre-
24 interrogatoire à la fin de l'audience de demain. Dans une certaine mesure,
25 ceci dépend de vous. Si je vous pose des questions qui peuvent donner lieu
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1 à des réponses brèves, et que vous fournissez des réponses très longues,
2 nous n'avancerons pas.
3 J'ai donc votre réponse sur la constitution de 1974. Mais Tito --
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Nice, de vous
5 interrompre, mais ce contre-interrogatoire démarre sur un -- dans un climat
6 très agressif, que je comprends, dans une certaine mesure. Mais je ne crois
7 pas que cela soit d'une grande utilité.
8 M. NICE : [interprétation] En effet.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour être franc, la façon dont la
10 question a été formulée ne pouvait que susciter, de la part du Professeur,
11 la réponse qu'il a donnée, et sa réponse ne pouvait être que plus que
12 longue que ce que vous souhaitiez. Donc, je comprends tout cela, et par
13 conséquent, ce n'est pas une critique à votre encontre, mais je pense qu'il
14 est juste pour les Juges d'intervenir lorsqu'ils estiment que le témoin est
15 critiqué injustement.
16 M. NICE : [interprétation] Absolument. Je pensais que mes questions étaient
17 posées sur un ton neutre, mais ce n'était pas le cas, ou apparemment, cela
18 ne semble pas être le cas.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela ne l'était pas.
20 M. NICE : [interprétation] Donc, je reviendrai là-dessus. Car, dans la
21 prochaine pièce à conviction, il sera question de la constitution.
22 Q. Mais, Professeur, aidez-moi sur le point suivant, je vous prie : pour
23 autant que les Serbes étaient concernés, et je vous demande de répondre du
24 point de vue des Serbes, Tito et les autres dirigeants étaient considérés,
25 n'est-ce pas, comme désireux d'abaisser la Serbie ? C'est le fameux
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1 "Affaiblissement de la Serbie pour renforcer la Yougoslavie", n'est-ce
2 pas ?
3 R. Cette thèse a été évoquée, pour la première fois par Lazar Kolisevski,
4 l'un des dirigeants politiques de la Macédoine.
5 Q. L'un des collègues de Tito - Tito le Croate - et Kardelj était slovène,
6 n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Tito était également considéré, de façon générale, comme quelqu'un qui
9 ne souhaitait pas promouvoir les intérêts et la cause des Serbes,
10 notamment, par exemple, au moment de l'adoption de la constitution de 1974.
11 R. Ce n'est pas ce que je dirais. J'ai un avis un peu différent. Kardelj
12 n'était pas juriste de formation. Il était, à bien des égards, un utopiste,
13 et les solutions utopistes proposées par lui ont, en fait, été le
14 désavantage le plus important de la constitution de 1974, à la rédaction de
15 laquelle il s'est engagé à fond.
16 Q. Je vais explorer un certain nombre d'événements liés à la criminalité
17 alléguée de l'accusé. Mais je vais également explorer le rôle que vous avez
18 joué dans tout cela. Par conséquent, nous devons parler de vous en tant
19 qu'homme. Votre premier ouvrage, le premier ouvrage dont vous avez été
20 l'auteur, était consacré à Kardelj, n'est-ce pas ?
21 R. Non. Je n'ai jamais consacré un livre à Kardelj. Edvard Kardelj --
22 Q. Très bien, très bien, très bien. Si j'ai tort et que je ne peux vous
23 soumettre un document prouvant le contraire, je retire ma question. Nous y
24 reviendrons le cas échéant.
25 R. Monsieur Nice, vous ne pouvez pas me montrer cet ouvrage, car un
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1 ouvrage de cette nature n'existe pas. Mais vous avez déjà parlé de cet
2 ouvrage donc les mots sont déjà dans l'air. Mais, je vous en prie, un tel
3 livre n'existe pas. Je n'ai jamais consacré un livre à Edvard Kardelj. J'ai
4 cité Edvard Kardelj très souvent parce qu'il était le principal créateur de
5 la constitution yougoslave, dès 1946, ou plutôt, dès les annales des Foca,
6 et ce, jusqu'à sa mort. Ceci, bien entendu, couvre également la
7 constitution de 1974. Il a toujours été à l'origine des conceptions les
8 plus importantes. Il était l'auteur principal de la constitution. On le
9 trouve derrière les conceptions qui figurent dans toutes les constitutions
10 de l'ex-Yougoslavie, mais je ne lui ai jamais consacré un livre.
11 Q. Merci. Je pense qu'il est utile que nous nous penchions sur ces
12 diverses constitutions par ordre chronologique, Articles 3, 4 et 5 de la
13 constitution de 1974 pour commencer. Le texte est désormais sur le
14 rétroprojecteur.
15 Est-ce que vous pouvez suivre en anglais, Professeur ?
16 R. Je peux, mais j'ai le texte en serbe.
17 Q. Ah, vous avez le texte sous les yeux. D'accord. Donc, la
18 structure que les Juges pourraient conserver à l'esprit, c'est que nous
19 allons parler de l'Article 3, je cite : "Les républiques socialistes sont
20 des Etats compte tenu de la souveraineté du peuple et du pouvoir et de
21 l'autogestion de la classe laborieuse et de l'ensemble du peuple
22 travailleur, et elles sont des communautés socialistes autogérées
23 démocratiques du peuple travailleur et des citoyens, et des nations et
24 nationalités qui ont des droits égaux."
25 Nous en venons ensuite à l'Article 4, je cite : "Les provinces
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1 socialistes autonomes sont des communautés sociopolitiques démocratiques
2 autogérées autonomes et socialistes, fondées sur le pouvoir de
3 l'autogestion de la part de la classe laborieuse et de l'ensemble du peuple
4 dans lequel le peuple travailleur, les nations et les nationalités
5 réalisent leur droit souverain, et lorsque ceci est spécifié dans la
6 constitution de la République socialiste de Serbie, dans l'intérêt commun
7 du peuple travailleur, des nations et des nationalités de la République
8 dans son ensemble, ils le font également au niveau de la République."
9 Nous en arrivons ensuite au dernier passage qui peut-être utile pour les
10 Juges, puisqu'il aborde les arguments dont vous avez parlé, Article 5 : --
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais quelle est la question ? Je ne comprends
14 pas. Est-ce que M. Nice vous donne des instructions quant à la façon de
15 juger des arguments qu'il développe, ou est-ce qu'il pose une question au
16 témoin ? Quelle est la question qui suit cette citation ?
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il en arrive à la question. Je ne
18 pense pas que vous soyez juste à son égard. Vous avez utilisé la même
19 méthode, qui consiste à lire des passages assez longs avant de formuler une
20 question. Mais en tout état de cause, il est désormais 12 heures 15, et
21 nous entendrons la question lorsque nous reprendrons nos travaux dans 20
22 minutes.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais dire quelques mots. Monsieur
24 Nice, je remarque simplement que la pièce 128 ne contient que le chapitre 6
25 de l'accord. Est-ce que vous pourriez voir les choses d'un peu plus près.
Page 35335
1 M. NICE : [interprétation] Oui. La version de la pièce 128, que j'ai entre
2 les mains, mais que je n'ai pas eu le temps de vérifier, comporte très
3 certainement le passage que l'on retrouve dans cet article du journal
4 allemand qui a été évoqué. On trouve ce passage à la page 588 dans la
5 numérotation du document. On m'a remis la pièce à conviction en l'état, et
6 à moins que, pour une raison ou pour une autre, ce ne soit pas
7 l'intégralité du document qui était versée au dossier - mais je vois que
8 Mme Dicklich agite la tête, donc c'est bien l'intégralité du document qui a
9 été versée. Vous devriez trouver ce passage à la page 588.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.
11 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.
12 --- L'audience est reprise à 12 heures 43.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre Monsieur Nice.
14 M. NICE : [interprétation] Pour finir ce que j'avais à dire au sujet de la
15 pièce 128, Mme Graham a eu la bienveillance de m'informer du fait, ou de me
16 rappeler le fait que la pièce 128 est une copie de l'intégralité du texte
17 de l'accord de Rambouillet que l'on trouve dans un livre qui contient des
18 documents au sujet du conflit du Kosovo, c'est une histoire diplomatique de
19 ces événements expliquée par des documents. Il ne s'agit pas uniquement du
20 chapitre six, même si c'est ce que l'on voit en haut de chaque page. Nous
21 espérons que c'est une version satisfaisante pour vous de cet accord. Nous
22 allons voir sur le site des Nations Unies si nous pouvons trouver autre
23 chose, ou si cela suffit.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice.
25 M. NICE : [interprétation]
Page 35336
1 Q. Revenons à la constitution de 1974. Ce que j'essaie de faire,
2 Professeur, c'est de fournir à la Chambre le cadre juridique des différents
3 statuts dans l'ordre chronologique.
4 M. NICE : [interprétation] J'aimerais que l'huissier place la page
5 précédente sur le rétroprojecteur, afin que nous voyions l'Article 2. Non.
6 La page précédente, je vous prie. En bas de la page, on voit l'Article 2,
7 qui se lit comme suit. Je cite : "La République socialiste fédérative de
8 Yougoslavie est composée de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine,
9 de la République socialiste de Croatie, de la République socialiste de
10 Macédoine, de la République socialiste de", ici on passe à la page
11 suivante, "Monténégro, de la République socialiste de Slovénie, de la
12 Province socialiste autonome de Vojvodine, de la Province socialiste
13 autonome de Kosovo qui sont des parties constituantes de la République de
14 Serbie et de la République socialiste de Slovénie."
15 Q. Nous allons examiner d'autres passages, mais je voudrais savoir pour ce
16 passage en quoi il y a désavantage pour la Serbie, en quoi la Serbie est
17 lésée si une telle décision est prise ? En quoi la Serbie est-elle lésée ?
18 R. Ceci représente un désavantage pour la Serbie, parce que les provinces
19 autonomes sont représentées au sein de tous les organes fédéraux, à
20 l'exception de la Serbie, en tant qu'entités séparées. On voit donc, la
21 Serbie était divisée en trois parties. Elle n'était pas représentée par la
22 délégation de la République de Serbie, mais en tant que délégations
23 indépendantes au niveau fédéral.
24 Q. Le dernier passage que je souhaite vous présenter, c'est l'Article 5.
25 M. NICE : [interprétation] Merci à l'huissier de le placer sur le
Page 35337
1 rétroprojecteur. Article 5. En bas de la page, à gauche : "Le territoire de
2 la République socialiste fédérative de Yougoslavie est un, et il est
3 composé des territoires des Républiques socialistes.
4 "Le territoire d'une république ne peut être modifié sans l'accord de
5 cette république, et le territoire d'une province autonome sans l'accord de
6 cette province autonome.
7 "Les frontières de la République socialiste fédérative de Yougoslavie
8 ne peuvent être modifiés sans l'accord de toutes les républiques et
9 provinces autonomes.
10 "Les limites des républiques ne peuvent être modifiées que moyennant
11 leur accord et s'il s'agit des limites des provinces autonomes, en vertu
12 également de leurs accords."
13 Q. On voit donc que les législateurs en 1974 ont décidé que les
14 provinces autonomes devaient être dotées d'attributions qui sont
15 considérables, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, effectivement. Ils ont des pouvoirs et des attributions
17 extrêmement importants. Tout ce qui correspond aux attributions et aux
18 pouvoirs d'un Etat. Pouvoirs judiciaires, législatifs, exécutifs. Ils
19 disposent de leurs propres cours constitutionnelles."
20 Q. Voici donc ce qu'ont décidé les législateurs en 1974. Pour donner très
21 rapidement une idée à Chambre de la situation, une idée exhaustive, nous
22 allons examiner la constitution de 1974 de la Serbie. C'est la pièce 526,
23 intercalaire 1.
24 On peut voir que ces constitutions ont des préambules qui pourront
25 éventuellement nous intéresser à un stade ultérieur, ainsi, par exemple, à
Page 35338
1 la deuxième page, on voit un préambule qui commence par les mots paragraphe
2 7. Paragraphe 7, ceci figure dans la constitution serbe, je cite : "Les
3 provinces sont des communautés démocratiques sociopolitiques autonomes
4 socialistes qui se gèrent elles-mêmes, avec une composition ethnique
5 spéciale et d'autres particularités," et cetera.
6 Ensuite, paragraphe 8, troisième ligne : "Aux termes du principe de
7 l'accord conclu entre les républiques et les provinces autonomes, la
8 solidarité et la réciprocité, la participation égale des républiques et des
9 provinces autonomes au sein des institutions ou des agences fédérales, sont
10 conformes à la constitution."
11 Est-ce que, Professeur, on ne peut pas dire que c'est ce type de pouvoir
12 qui causait une certaine gêne parmi les Serbes et en Serbie ?
13 R. Je ne vois pas très bien à quels pouvoirs vous faites ainsi référence.
14 Q. Je me contente d'examiner le préambule et le paragraphe 8. Je reprends
15 la lecture dans sa totalité de ce paragraphe : "Les travailleurs, les
16 nations et les nationalités de la République socialiste de Serbie prennent
17 des décisions au niveau fédéral en vertu des principes de l'accord conclu
18 entre les républiques et les provinces autonomes, sur la base de la
19 solidarité et de la réciprocité, de la participation égale des républiques
20 et des provinces autonomes dans les agences fédérales, conformément à la
21 constitution," et cetera.
22 Si bien qu'il était prévu que lorsqu'on prenait des décisions, cela se
23 faisait aux termes d'un accord qui avait été conclu précédemment, et avec
24 la participation des régions autonomes, participation égale. C'est quelque
25 chose qui ne plaisait pas aux Serbes en Serbie, n'est-ce pas ?
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1 R. Cela signifiait que la République de Serbie était limitée, parce que là
2 où il y avait les provinces, ce n'était plus la Serbie. La Serbie n'était
3 pas égale aux autres républiques, puisque la Serbie n'était pas représentée
4 dans sa totalité au sein de la fédération.
5 M. NICE : [interprétation] J'aimerais demander à l'huissier de nous aider à
6 examiner un autre article de cette constitution serbe. C'est l'Article 146,
7 147.
8 Pendant qu'on cherche cet article -- oui, on l'a trouvé.
9 Q. L'Article 146 de la constitution serbe se lit comme suit, je cite :
10 "Les langues et les alphabets de chaque nationalité seront sur un pied
11 d'égalité."
12 Vous nous avez expliqué la différence entre nationalités et nations, donc :
13 "Les membres des nationalités, conformément à la constitution et au statut,
14 auront le droit d'employer leur propre langue et leur propre alphabet, dans
15 le cadre de l'exercice de leurs droits et de leurs devoirs, et dans les
16 démarches entreprises devant les institutions d'Etat et les organisations
17 d'Etat exerçant des pouvoirs publics."
18 Article 147, je cite : "Les membres d'autres nations et nationalités auront
19 le droit de dispenser un enseignement dans leur langue dans les écoles et
20 autres institutions d'enseignement, conformément à la loi et au statut."
21 C'était donc des droits qui étaient confirmés par la constitution serbe,
22 des droits à l'utilisation de la langue dans le secteur de l'enseignement.
23 R. Oui.
24 Q. Si on examine l'évolution des constitutions, on peut dire, n'est-ce
25 pas, que ces droits ayant trait à l'enseignement étaient limités pour ce
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1 qui concerne les Albanais du Kosovo, n'est-ce pas ?
2 R. A moins que vous ne parveniez à me le prouver, je ne saurais accepter
3 ce que vous venez de me dire.
4 M. NICE : [interprétation] La troisième constitution qui fait partie de
5 cette triptyque, nous n'en disposons pas à ce moment dans le même format
6 que les deux documents que nous venons d'examiner. Nous disposons de ce
7 document sous un autre format, et je demanderais que soit attribuée à ce
8 document une cote aux fins d'identification.
9 Q. Il existe une publication qui s'appelle Droit et politique du Kosovo,
10 qui a été publiée par le comité d'Helsinki chargé des droits de l'homme en
11 Serbie. Est-ce que vous connaissez ce document ?
12 R. Non
13 Q. Très bien.
14 M. NICE : [interprétation] Je souhaiterais simplement inviter les Juges
15 pour l'instant à examiner les parties de ce document qui ont trait à la
16 constitution et aux autres décisions, parce que je ne dispose dans aucun
17 autre format de ce document. A la fin de la déposition de ce témoin, peut-
18 être pourrons-nous réexaminer la situation.
19 Pendant qu'on procède à la distribution de ces documents, je vous
20 signale qu'il s'agit de documents où il y a finalement des commentaires
21 assez limités et des extraits, donc pas la version intégrale, des extraits
22 d'un certain nombre de documents qui pourront se révéler utile pour nous.
23 Ce qui est le plus utile ici dans ce document, c'est la chose suivante :
24 c'est qu'il a été publié simultanément en anglais et en serbe. Si bien, que
25 si vous vous rapportez à l'index, au sommaire, on voit que la première
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1 partie, les pages 8 à 74 sont en serbe, et à la page suivante, nous avons
2 l'anglais, ensuite le serbe, et ensuite l'anglais.
3 Pour ce qui est de la constitution dont je ne dispose sous aucun
4 autre format, je vous demanderais de vous reporter à la
5 page 39, Messieurs les Juges. Pour ce qui est du témoin, je lui demanderais
6 de se reporter quant à lui à la page 38. On voit ici le préambule de la
7 constitution de 1974 du Kosovo. Je n'ai pas besoin de lire l'extrait de ce
8 document ou de cette page.
9 Q. Je vais demander cependant aux Juges, de passer à la page 41, et au
10 témoin à la page 40. Ici, nous avons les dispositions générales qui
11 s'appliquent au Kosovo. Chacun sera libre de lire ce document en temps
12 utile. Je souhaiterais attirer votre attention sur l'Article 4 qui stipule,
13 je cite : "Que les nations et les nationalités de la Province socialiste
14 autonome du Kosovo, seront égaux en droits et en devoirs.
15 "Afin de garantir l'égalité des nations et des nationalités, leur
16 droit au développement -- à leur propre développement dans la liberté et à
17 l'expression de leur spécificité nationale, de leur langue, de leur
18 culture, de leur histoire et de leurs autres attributs, seront garantis."
19 Article 5, je cite : "Au sein de la Province socialiste autonome du
20 Kosovo, l'égalité des langues albanaises, serbo-croates et turques ainsi
21 que de leur alphabet, sera garantie.
22 "La mise en application de ce principe sera régi et garanti par la
23 présente constitution et par le statut de la province."
24 Nous voyons donc, Professeur, dans cette constitution -- dans la
25 constitution d'abord de la République fédérative, dans la constitution de
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1 la Serbie également, que sont énoncés des droits portant respect de la
2 langue et de l'enseignement. Nous voyons ici dans la constitution du
3 Kosovo, que l'on identifie expressément l'égalité des droits des langues
4 albanaises, serbo-croates et turques ainsi que des alphabets concernés,
5 n'est-ce pas ?
6 R. Oui, et c'est normal, parce que la constitution fédérale à nature -- à
7 un caractère plus général. Ensuite, quand on descend au niveau de la
8 province, cela devient plus détaillé.
9 Q. La modification de la constitution, si l'on regarde la manière dont
10 cela a été prévu par le législateur de 1974,
11 corrigez-moi si je me trompe, mais la modification de la constitution
12 commence par la haut, c'est-à-dire, par le niveau fédéral, par le
13 gouvernement fédéral. C'est lui qui doit prendre les décisions relatives à
14 toute modification de la constitution.
15 R. L'Etat fédéral décide de tout amendement éventuel à la constitution
16 fédérale, et s'il y a amendement, modification de la constitution fédérale,
17 bien entendu, cela impliquera des modifications et des constitutions des
18 provinces et des républiques.
19 Q. A ce moment-là, il y aurait harmonisation de ces constitutions pour
20 tenir compte des amendements à la constitution par le gouvernement fédéral,
21 n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Passons rapidement l'histoire et l'évolution de la situation en revue
24 avant d'en venir à votre implication personnelle. Nous avons examiné le
25 livre bleu, une pièce à conviction de la Défense, qui se trouve à
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1 l'intercalaire 6. Ceci date de mars 1977, n'est-ce pas ?
2 R. Oui, vous avez raison.
3 Q. Il me semble que son auteur est quelqu'un qui à un lien de parenté avec
4 l'épouse de l'accusé, n'est-ce pas ? Il s'agit ici d'une question de fait
5 que je vous pose.
6 R. Il faut dire que ce texte, il a été publié pas pour être publié de
7 manière -- ou diffusé dans le public, mais c'était un document de travail.
8 Il n'y a pas qu'un seul auteur, parce que celui qui est indiqué ici, il y
9 en a plusieurs. Personne -- aucune des ces personnes n'a de relation avec
10 l'épouse de M. Milosevic pour autant que je sache.
11 Q. Ne passons pas plus de temps sur ce point.
12 Professeur, nous, ce qui nous intéresse -- ce n'est pas --ce que nous
13 cherchons, ce n'est pas déterminer si les arguments constitutionnels sont
14 conformes ou non à ce qu'ils auraient dû être; ce qui nous intéresse, c'est
15 à établir les faits historiques. Si on regarde ce livre bleu, est-ce qu'on
16 ne peut pas dire à juste titre que vous nous avez dit vous-même que dès
17 1977 les Serbes avaient exprimé leur mécontentement au sujet de ce qui
18 était prévu par les textes de 1974 ? Je parle du livre qui vous a été
19 communiqué par Mihailo Markovic.
20 R. Tout d'abord, ce n'est pas lui qui m'a donné ce livre mais quelqu'un
21 d'autre. En deuxième lieu, c'était un groupe de travail au sein de la
22 présidence de la République socialiste de Serbie. Il y avait le Professeur
23 Pasic, le Professeur Slovatkovic [phon], Veljko Markovic. Tous ces gens
24 faisaient partie de ce groupe de travail. Veljko Markovic, qui était le
25 secrétaire général de l'assemblée. Il y avait Milivoje Draskovic également,
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1 le secrétaire, ou plutôt ministre de la Justice. Il y avait Nikola Stanic
2 qui était chef de cabinet du président de la présidence de la République de
3 Serbie; Milan Radonjic qui était membre lui-même de la présidence. Voilà
4 ainsi que se constituait au Koso -- la constitution qui a été mise en place
5 en 1975 alors que M. Milosevic n'était pas sur la scène politique, n'était
6 pas un personnage public à l'époque.
7 Q. Je n'ai jamais dit le contraire. J'aimerais que vous m'aidiez à
8 comprendre une chose. Les Albanais du Kosovo à qui on avait attribué un
9 certain nombre de pouvoirs vu cette constitution que nous avons examinée,
10 la constitution de 1974, est-ce qu'eux, ils ont exprimé un certain
11 mécontentement au sujet de cette constitution, ou est-ce que le
12 mécontentement qui s'exprimait ne venait-il pas uniquement de la Serbie ?
13 R. Eux aussi ils ont manifesté un certain mécontentement en 1981, ils ont
14 lancé une rébellion armée parce qu'ils n'étaient pas satisfaits de leur
15 statut de province autonome. Ce qu'ils voulaient, c'était devenir un état.
16 Ils n'étaient pas satisfaits de ce qui était prévu par la constitution de
17 1974. C'est ce qui explique la rébellion, le soulèvement de 1981.
18 Q. Examinons ce point en deux volets. Parce que justement, j'allais parler
19 de l'incident ou des événements de 1981. Il n'a jamais été question, n'est-
20 ce pas, ou on n'a jamais entendu les Albanais du Kosovo exprimer leur
21 mécontentement au sujet des pouvoirs qui leur étaient conférés par la
22 constitution. Ils n'ont jamais dit que ces pouvoirs étaient insuffisants en
23 fait, ou qui n'étaient pas appropriés. Tout ce que vous nous dites, c'est
24 qu'ils en voulaient encore plus; n'est-ce pas exact ?
25 R. Ils voulaient une République du Kosovo. Leur slogan dans ces
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1 manifestations, c'était "République du Kosovo."
2 Q. Passons aux manifestations de 1981, enfin, manifestations ou autres. Je
3 ne sais pas exactement comment on peut définir ces événements. Je voudrais
4 savoir si vous avez été impliqué dans tout cela à ce moment-là.
5 R. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par implication. Vous
6 parlez d'une intervention dans la vie publique, et cetera ?
7 Q. Je voudrais savoir si vous étiez à Pristina quand tout cela s'est
8 passé ?
9 R. Non.
10 Q. Est-ce que vous enseigniez au Kosovo, à Pristina ? Est-ce que vous
11 interveniez là-bas en tant qu'enseignant ?
12 R. Non, jamais. Une seule fois, en 1999, le 16 janvier, j'ai été membre
13 d'une commission qui était là à l'occasion d'une soutenance de thèse. Voilà
14 la limite de mon intervention à l'université de Pristina, si vous parlez
15 d'une implication dans l'enseignement.
16 Q. Tout ce que vous savez des événements de 1981 découle de ce que vous
17 avez lu dans la presse ou vu à la télévision ou entendu à la radio ?
18 R. Tout à fait. Tout ce que je savais, c'était ce que savait tout le
19 monde, et ce à quoi tout le monde avait accès. Etant donné que cela fait
20 plus de 20 ans que tout cela s'est passé, ces informations que j'ai ne sont
21 pas vraiment fiables, parce que c'est uniquement ce dont je me rappelle des
22 événements.
23 Q. Je rappelle à votre intention et à l'intention des Juges qui en ont
24 déjà entendu parler, qu'il s'agissait d'une manifestation dont on disait
25 qu'elle avait été déclenchée par des protestations au sujet de la qualité
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1 de la soupe par les étudiants, et qui s'est ensuite dégénérée, n'est-ce pas
2 ?
3 R. Oui, c'est ce qui a été dit dans les journaux. Je n'ai pas été témoin
4 oculaire de ces événements, je n'ai pas vu ce qui s'est passé, j'en ai
5 entendu parler ultérieurement. Je n'en ai pas une connaissance directe;
6 j'en ai une connaissance indirecte.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas si je me souviens très bien des
10 événements moi-même, mais à ma connaissance, autant que je m'en souvienne,
11 le professeur Markovic n'a pas déposé, n'a jamais déposé ici au sujet des
12 manifestations au Kosovo pendant toutes ces années, 1971, et cetera.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour moi cela entre dans le cadre de
14 sa déposition.
15 M. NICE : [interprétation] Je vous en remercie, Monsieur le Président. En
16 fait, il en a parlé. Poursuivons.
17 Q. En 1980 à 1985, vous avez changé de statut, alors qu'auparavant vous
18 n'enseigniez qu'épisodiquement à la faculté de droit de Belgrade, vous êtes
19 devenu professeur à temps plein. Est-ce que cela ne correspond pas à la
20 situation ?
21 R. Oui. Comme je l'ai dit, au début j'étais lecteur assistant. Ensuite, ma
22 situation a évolué, je suis devenu professeur.
23 Q. En 86, comme vous nous l'avez expliqué vous-même, vous êtes devenu
24 membre d'une commission chargée des questions constitutionnelles au sein du
25 parlement de la République de Serbie. Pour être membre de cette commission,
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1 est-ce qu'il était nécessaire d'appartenir au Parti communiste ?
2 R. Je le suis devenu en tant que membre de ma profession. Nous avons été
3 invités par Branislav Ikonic ainsi que Miodrag Jokic. Nous avons été
4 invités au Parlement de Serbie pour contribuer, grâce à nos connaissances
5 professionnelles, au travail de cette commission. M. Jovicic a bien vite
6 abandonné la commission, j'étais plus jeune, j'avais peut-être les nerfs
7 plus solides. On m'a demandé de rester pour terminer le travail. M. Jovicic
8 lui-même n'a jamais appartenu à la Ligue des Communistes de Yougoslavie.
9 Q. Mais vous ?
10 R. Oui, j'ai été membre. J'ai été membre de la Ligue des Communistes.
11 Q. Depuis quand ?
12 R. Depuis 1965.
13 Q. Est-ce que vous aviez été un participant actif dans les activités du
14 Parti communiste depuis 1965 ?
15 R. Non. Je n'ai jamais occupé de poste quel qu'il soit, même pas au
16 niveau universitaire à la faculté de droit. Je n'étais qu'un membre
17 ordinaire.
18 Q. Comment se fait-il, dans ces conditions, que l'on vous ait invité ou
19 que vous ayez vous-même pris goût et décidé de participer à la vie
20 politique active pendant -- à ce moment-là, en 1986, à cette période
21 extrêmement critique ?
22 R. Je vais répéter que je n'ai pas -- je ne me suis pas lancé dans la
23 politique en 1986. Ma participation s'est limitée à mon champ professionnel
24 dans le cadre de cette constitution, de cette commission constitutionnelle.
25 Je n'ai été actif dans la vie politique qu'en 1992, lorsque j'ai été élu
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1 député fédéral, député du département fédéral. Ensuite, j'ai participé à la
2 vie politique jusqu'à l'an 2000. Comme je l'ai déjà expliqué, à ce moment-
3 là, je me suis retiré de la vie politique. Maintenant, je me consacre
4 uniquement à mon travail dans le domaine universitaire.
5 Q. Examinons un article que vous avez rédigé. Je crois qu'il date de 1988,
6 septembre 1988. Il s'intitule La constitution du peuple.
7 Pendant que l'on distribue ce document et que vous essayez de vous remettre
8 en mémoire les termes généraux de cet article, la Chambre se rappellera que
9 c'est de 1986 que date le fameux mémorandum.
10 Quand avez-vous pris connaissance, pour la première fois, de l'existence de
11 ce mémorandum ?
12 R. Pour vous dire la vérité, je ne saurais vous donner de date exacte,
13 mais c'est au moment où tout cela a été débattu dans la presse. Avant je
14 n'en avais jamais entendu parler.
15 Q. J'essaie de comprendre. Ce que vous nous dites, c'est que votre
16 participation à la vie politique s'est limitée, à ce moment-là, à la
17 participation ou à votre travail au sein de la commission chargée des
18 affaires constitutionnelles; c'est bien cela ?
19 R. Vous m'avez bien compris. Oui, effectivement. Je n'ai eu aucune
20 fonction publique avant 92. A ce moment-là, j'étais membre de la commission
21 chargée des affaires constitutionnelles; c'est tout. Je l'ai déjà dit.
22 Q. J'aimerais que nous examinions un certain nombre de points dans cet
23 article qui date de 1988 [comme interprété]. Première page, je cite :
24 "Jusqu'à une date récente, l'opinion de ceux qui travaillaient dans les
25 domaines de la science et de la politique en Serbie, n'étaient pas
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1 considérés pour justifier une modification du système constitutionnel de la
2 Serbie."
3 Est-ce que vous avez trouvé le passage concerné ?
4 R. Non.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela commence à la page 3, ou plutôt page 1,
6 ligne 3, le dernier mot est "do nedavno", jusqu'à une date récente.
7 M. NICE : [interprétation]
8 Q. Veuillez, s'il vous plaît, prendre vous-même connaissance de ce
9 passage.
10 Je reprends la lecture : "Ceux qui étaient actifs dans la politique
11 et qui ont eu connaissance de la lutte constitutionnelle, ont vécu cette
12 lutte comme une lutte pour leur prestige personnel et leur position
13 personnelle. Ils ont exercé le pouvoir dont ils disposaient pour initier
14 les modifications de la constitution, et ceci, dans l'objectif de maintenir
15 et de garantir leur carrières politiques plutôt que pour faire avancer la
16 lutte elle-même."
17 On a entendu parler de quelque chose qui a été appelé la révolution
18 bureaucratique. Est-ce que c'est ce que vous -- ce dont vous parlez dans le
19 passage que je viens de lire ?
20 R. Malheureusement, je n'ai pas trouvé la deuxième partie de ce que vous
21 avez cité. Permettez-moi de dire la chose suivante : c'était la première
22 fois que les amendements à la constitution se faisaient avec participation
23 active de représentants des mondes scientifique et universitaire. Puisque
24 jusqu'alors, si on regardait la constitution de 1974, tous les amendements
25 apportés à cette constitution, la préparation de ces amendements, c'était
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1 réservé aux politiques eux-mêmes. C'est Edvard Kardelj qui a joué un rôle
2 crucial dans ce sens, d'ailleurs.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense qu'il y a une erreur à la fin de la
6 question de M. Nice parce qu'il a parlé de révolution bureaucratique. Je
7 pense, qu'en fait, il voulait dire révolution antibureaucratique.
8 M. NICE : [interprétation] Je remercie l'accusé de me signaler cette
9 erreur.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Nice vous est reconnaissant,
11 Monsieur Milosevic.
12 M. NICE : [interprétation]
13 Q. Est-ce que dans le passage que j'ai lu, il était question de la
14 révolution antibureaucratique ?
15 R. Je ne sais pas très bien quel paragraphe vous faites référence
16 maintenant parce que je ne l'ai toujours pas trouvé.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, merci beaucoup.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est la septième ligne à partir du haut. On
20 parle après 1968 à 1974. Ligne 7 à partir du haut.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non. Cette phrase ne serait être
22 interprétée comme un programme -- le programme de la révolution
23 antibureaucratique. Il s'agit simplement ici d'une constatation, à savoir,
24 que pour une fois, les hommes politiques ont, dans le cadre de ces
25 modifications de la constitution, fait intervenir des professionnels qui
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1 ont été impliqués. Moi-même, j'avais 50 ans, une cinquante d'années quand
2 pour la première fois, je suis intervenu dans la vie publique, parce que
3 c'est à ce moment-là seulement, c'était la première que l'on s'est
4 intéressé à ce qu'avaient à dire les scientifiques ou les universitaires.
5 Sinon auparavant, on allait en prison si on se prononçait contre la
6 constitution ou les dispositions de la constitution. Comme je l'ai dit, en
7 1971, le journal a été interdit. Le professeur Mihailo Djuric a été enfermé
8 en prison, et il y a cinq professeurs qui ont été expulsés de l'université.
9 M. NICE : [interprétation]
10 Q. Examinons le passage suivant qui m'intéresse dans ce document de 1988,
11 et la manière dont vous relatez les événements. Je cite :
12 "Ceux qui étaient actifs dans le secteur scientifique, même si la science
13 était proclamée comme étant un facteur subjectif de notre système social,
14 avaient la compréhension et la connaissance nécessaire de la situation. En
15 tout cas, ce n'était pas les esclaves de ceux qui étaient actifs dans la
16 vie politique. Cependant, ils n'avaient pas comme maintenant le pouvoir de
17 déclencher des amendements à la constitution. Cependant, grâce à la
18 modification des rapports de forces politiques, si on examine le changement
19 politique et le climat politique en général, ceux qui travaillaient dans
20 les domaines de la politique et de la science, dans leur domaine respectif,
21 ont préparé le terrain pour permettre au peuple d'avoir son mot à dire dans
22 les modifications de la constitution à partir du moment où cette
23 proposition de modification de la constitution de Serbie a été présentée
24 expressément."
25 Est-ce que ce passage écrit en 1988, reflète le rôle de l'académie -- que
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1 le mémorandum de l'Académie des sciences a joué pour mettre en branle une
2 modification dans la vie politique -- les changements politiques ?
3 R. Ce n'est pas cette phrase du mémorandum que je pensais quand j'ai écrit
4 cela. Je pensais au débat qui avait fait rage au sujet de la constitution
5 et qui s'était fait beaucoup plus transparent, c'est-à-dire que les
6 citoyens, la population en général avait son mot à dire. Ceci signifiait
7 que la population était mise au courant de ce qui se passait; ce qui
8 n'était pas le cas auparavant.
9 Q. Est-ce que par votre participation à cette commission, vous en avez
10 appris beaucoup au sujet de la politique ? Est-ce que vous avez mieux
11 compris comment bougeait le monde politique ?
12 R. J'ai participé à la politique du côté des professionnels. Pendant tout
13 le temps que j'ai passé dans la vie politique, je me suis occupé que de ma
14 spécialité professionnelle, à savoir, du droit au sein du gouvernement.
15 Lorsque je suis devenu membre du gouvernement, j'étais responsable du
16 système judiciaire et de la législation. Lorsque j'ai été élu en tant que
17 député, je n'ai rien fait d'autre qu'agir toujours dans le cadre de ma
18 profession. Je ne peux pas dire que j'en ai appris beaucoup sur le monde de
19 la politique en tant que telle.
20 Q. J'aimerais, même si je pourrais contester cela en temps utile, un peu
21 plus tard, j'aimerais vous rappeler ce que vous avez écrit, cet article
22 écrit en 1998 [comme interprété] lors de l'incident de Kosovo Polje lorsque
23 l'accusé a prononcé une allocution et que cet incident était lié à la façon
24 dont l'allocution a été rapportée dans les médias. Vous vous souvenez de
25 cela ?
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1 R. Oui, je me souviens de cela. Je me souviens de la phrase bien connue
2 prononcée à ce moment-là, mais pas de l'ensemble du contexte. Je n'étais
3 pas présent, et les médias ne sont pas rentrés dans les détails.
4 Q. Est-ce que vous étiez au courant ? Est-ce que dans cet article que vous
5 écrivez au sujet de la mise en place d'une action corrective, j'utilise une
6 expression neutre, est-ce que vous connaissiez ou est-ce que vous souhaitez
7 une action directe destinée à provoquer un changement politique ?
8 R. Non. Cet article n'est que l'expression d'un simple point de vue d'un
9 professionnel sur le problème de la constitution qui commençait à se poser
10 en République de Serbie à ce moment-là. Ce n'était pas une allocution
11 publique; c'était simplement l'expression d'une position d'un point de vue
12 d'un professionnel.
13 Q. J'aimerais maintenant que nous passions à la pièce suivante, je vous
14 prie. Je prends dans le même document la phrase qui commence dans votre
15 langue par "i po svemu sudeci" et qui commence en anglais par "And,
16 considering…"
17 R. Oui, oui, oui.
18 Q. Je cite :
19 "Si l'on prend tout en compte, il y a une chose qu'ils ne sont pas parvenus
20 à faire s'agissant de modifier la constitution. Mais la population est
21 maintenant, bien entendu, en train de se livrer à une action spontanée.
22 C'est la meilleure preuve de la maturité qui est la sienne dans la solution
23 des problèmes constitutionnels. Y a-t-il une façon plus idéale d'exercer le
24 pouvoir constitutionnel dans une démocratie, que si celui-ci est exercé
25 spontanément par le peuple ? Aujourd'hui, en Serbie, le peuple lui-même
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1 commence à exercer le pouvoir constitutionnel. Ceux, qui se sont par le
2 passé, risquent de perdre leur légitimité s'ils ne mettent pas par écrit
3 cette constitution vivante du peuple. Aujourd'hui, toute la Serbie est un
4 lieu où s'écrit la loi, est une assemblée constituante spontanément
5 convoquée et qui siège en permanence. Le peuple y intervient de façon
6 immédiate sans intermédiaire et sans interprètes pour exprimer ses
7 souhaits, écrire sa propre constitution, ce qui est exactement le travail
8 de l'autodétermination."
9 Nous voyons, dans ce passage, des références à une action spontanée, à des
10 changements de la constitution. Est-ce que vous accordez, à ce que j'ai
11 appelé en termes très neutres, l'action directe, est-ce qu'à ce recours à
12 la force vous accordez la respectabilité de votre savoir universitaire ?
13 R. Non. En fait, aucun démocrate ne peut contester ce qui est écrit ici.
14 Le pouvoir constitutionnel devrait être entre les mains du peuple, et la
15 constitution devrait être l'expression de la volonté du peuple. La façon la
16 plus démocratique d'adopter une constitution consiste à organiser un
17 référendum sur celle-ci. C'était un référendum officieux, il y a eu une
18 idée assez unanime qui a été exprimée quant aux modifications à apporter à
19 la constitution de 1974, à l'époque.
20 Q. Voyez-vous dans cet article écrit en septembre ou, en tout cas, paru au
21 mois de septembre 1998, c'était dans les mois qui ont suivi la fameuse
22 révolution du yaourt. Vous vous souvenez de cela ?
23 R. Oui, je m'en souviens.
24 Q. Elle a été appelée révolution du yaourt parce que tous les manifestants
25 de Vojvodine qui ont renversé le pouvoir en Vojvodine portaient du yaourt
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1 dans les mains. Certains d'entre eux ont jeté des pots de yaourt sur ceux
2 qui s'opposaient à eux. C'est la raison pour laquelle cette révolution
3 s'est appelée la révolution des yaourts, n'est-ce pas ?
4 R. Vraiment, je n'en connais pas les détails. Je n'entends cette
5 dénomination de révolution du yaourt, qu'aujourd'hui. Vous êtes le premier
6 à m'en parler.
7 Q. Mais vous aviez une participation assez intense à la vie politique dans
8 cette commission, ainsi que dans cet article où vous dites votre avis sur
9 la validité de l'action directe ? C'est ce que j'affirme. Est-ce que vous
10 l'admettez, oui ou non ?
11 R. Je ne l'admets absolument pas. Pas du tout. Ma position résulte de ma
12 liberté de pensée et de ma liberté d'expression en tant qu'expert
13 universitaire. J'ai fait usage de ma liberté constitutionnelle.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puis-je poser une question ? Cette
15 première phrase Professeur qui vous a été citée dans ce dernier passage, je
16 cite : "Et, tout étant pris en compte, ce qu'il n'était pas parvenu à faire
17 s'agissant de modifier la constitution, le peuple le fait désormais au
18 cours d'une action spontanée." Qu'est-ce que cela signifie ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela signifie que lors de nombreuses réunions
20 organisées de façon spontanée, la certitude en question a été exprimée, à
21 savoir que la Serbie était démembrée, qu'elle était divisée en trois
22 parties différentes, qu'elle avait perdu le pouvoir qu'elle exerçait sur
23 les provinces autonomes, qu'elle ne pouvait plus exécuter son pouvoir
24 autogestionnaire. Tout était devenu absurde. Les provinces qui faisaient
25 partie de la Serbie s'étaient retournées contre la Serbie et, en fait,
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1 elles représentaient d'une façon différente la Serbie devant les instances
2 fédérales plus, d'ailleurs, que ne le faisaient les organisations de la
3 Serbie à proprement parler. Cette constitution était en vigueur depuis 14
4 ans et le peuple, la population avait amplement eu le temps de se rendre
5 compte de son caractère injuste.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avec le respect que je vous dois,
7 Monsieur, ceci ne me parait pas répondre à la question que j'ai posée.
8 Relisez ce passage, je cite : "Et, si nous prenons tout en compte, ce
9 qu'ils n'étaient pas parvenus à faire s'agissant de changer la
10 constitution, le peuple désormais était en train de le faire au cours d'une
11 action spontanée." Ceci ne me paraît pas faire référence à des opinions ou
12 à des points de vue. Il semble qu'il s'agisse d'une référence à une action
13 et à un échec au fait qu'aucune action n'avait pu être entreprise par le
14 passé.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Par le passé, il est fort probable que, par
16 opportunisme politique, cette solution que l'on trouve dans la constitution
17 de 1974, dans la constitution fédérale, a été tolérée. Cette solution a été
18 amenée à un degré de plus grande absurdité encore dans la constitution de
19 Serbie qui s'en est suivie.
20 De ce point de vue, l'establishment politique qui était au pouvoir à
21 l'époque n'a pas réussi à modifier cela pour une raison que j'ai déjà
22 évoquée, à savoir l'opportunisme politique.
23 Par la suite, une action spontanée de la population est intervenue,
24 action spontanée dans le sens où des rassemblements se sont organisés, les
25 gens se sont réunis pour protester. Cette action de la population a réussi
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1 ce qui n'avait pas été réussi auparavant.
2 Par ailleurs, les experts estimaient, de façon unanime, que la constitution
3 serbe n'aurait pas dû être ce qu'elle était puisqu'elle avait été adoptée
4 en deuxième lieu, et c'est la première fois que cela était dit au sujet de
5 cette constitution.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
7 M. NICE : [interprétation]
8 Q. Sur les quatre passages, j'aimerais maintenant que nous revenions à la
9 page 4, c'est la page 1181, pour vous, Monsieur Markovic, deuxième ligne à
10 partir du haut. Pour vous, dans la version anglaise, le passage se trouve
11 au milieu de la page, et il est sur le rétroprojecteur, je peux le citer,
12 il se lit comme suit, je cite :
13 "La réalisation de ce que le peuple cherche à obtenir à présent ne peut
14 être fait en l'absence d'une transformation radicale de la constitution,
15 deux modifications étant absolument indispensables. D'abord les régions
16 doivent être réduites à de véritables unités autonomes et correspondre à la
17 superficie autonome établie dans la constitution de Serbie (par conséquent,
18 tous les attributs d'un Etat doivent être retirés à ces régions).
19 Deuxièmement, tout rapport institutionnel direct entre les régions et la
20 fédération doivent être coupés si, par terme de rapport, on entend
21 l'égalité des voix entre la Serbie qui est une, et deux régions de la
22 fédération dans les conditions du consensus fédéral où la Serbie a donc
23 moins d'une voix."
24 Dans cet article, vous dites, en tout cas c'est ce que je vous affirme,
25 vous reprenez des positions particulièrement extrêmes s'agissant du Kosovo,
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1 à savoir que celui-ci doit se voir privé de tous ses attributs d'Etat.
2 R. Je ne vois pas où vous trouvez mention du mot Kosovo dans ce texte.
3 Veuillez me dire où vous lisez le mot Kosovo.
4 Q. Mais n'est-ce pas le Kosovo et la Vojvodine que vous aviez à l'esprit
5 lorsque vous aviez écrit cela ?
6 R. Cette fois-ci, oui. Si vous dites Kosovo et Vojvodine, alors, je suis
7 d'accord. Il est vrai que du point de vue du droit constitutionnel sur le
8 plan scientifique, des déclarations générales peuvent être faites
9 lorsqu'elles portent sur des éléments évidents. S'agissant des provinces
10 autonomes, j'ai, par respect pour la fédération, énuméré un certain nombre
11 de termes généraux. Mais celles-ci n'avaient pas le droit de participer au
12 travail des instances fédérales, au niveau de l'Etat fédéral. C'est là que
13 se situe la différence entre un Etat fédéral et un Etat qui comporte en sus
14 une province qui dispose d'une certaine autonomie fédérale. C'est la
15 conclusion que vous trouverez dans un ouvrage de droit constitutionnel
16 important, dont l'auteur est un professeur français qui cite les qualités
17 des Etats fédéraux. L'un de ces principes fondamentaux, c'est la
18 participation des unités qui ont le statut d'Etat fédéral au gouvernement
19 fédéral, mais pas des autres.
20 Q. Deux questions : par parenthèse, j'aborde ces questions avant d'oublier
21 de le faire. Je pense vous avoir entendu hier au cours de votre déposition
22 dire que la Vojvodine, comme le Kosovo, avait des habitants dont certains
23 demandaient la séparation par rapport à la Yougoslavie. Est-ce que vous
24 avez dit cela hier ?
25 R. J'ai même été plus agressif que cela. J'ai dit que les représentants
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1 politiques de Vojvodine de l'époque exprimaient leur point de vue
2 séparatiste d'une façon beaucoup plus vociférante que cela n'était le cas
3 ailleurs, ce qui montre bien le problème, parce que les Serbes sont
4 majoritaires en Vojvodine. La majorité absolue de la population en
5 Vojvodine est bien constituée par les Serbes. En dépit de cela, la
6 Vojvodine a exprimé ses tendances séparatistes, tout comme le Kosovo, et
7 même de façon plus agressive.
8 Q. Veuillez vous arrêter ici, je vous prie. Vous dites : "a exprimé une
9 tendance." Est-ce que vous pourriez me citer le nom d'un parti politique de
10 Vojvodine, d'un représentant politique de Vojvodine, ou d'un événement
11 survenu en Vojvodine, qui pourrait venir confirmer l'exactitude de ce que
12 vous venez de dire ? Est-ce qu'il y a eu un parti, un représentant
13 politique, ou un événement en Vojvodine, qui exprimait une tendance au
14 séparatisme ? Vous pouvez m'aider sur ce point ?
15 R. A l'époque, il n'y avait pas plusieurs partis. Nous n'étions pas dans
16 un système pluripartiste. Donc, toutes ces personnalités occupaient des
17 fonctions publiques au sein de la province autonome. Dans des manuels
18 spécialisés, dans des réunions de la commission constitutionnelle, dans un
19 certain nombre de magazines professionnels, j'ai assisté au jour le jour à
20 l'expression de telles positions et de telles tendances. Je ne voudrais pas
21 citer de noms, parce que je risquerais de me tromper, je risquerais de
22 citer le nom de quelqu'un qui n'est pas très important de ce point du vue
23 là, en oubliant de citer quelqu'un dont le nom est particulièrement
24 important. Mais en tout cas, ce dont je vous parle cela fait une vingtaine
25 d'années que tout cela s'est passé, tout de même.
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1 Q. Pourriez-vous, je vous en serais reconnaissant.
2 Pour revenir sur ma dernière question, pourriez-vous, en tant
3 qu'universitaire qui a pris position contre les droits et les pouvoirs des
4 deux provinces du point de vue de la constitution, et ce dans des termes,
5 on ne peut plus extrêmes, n'est-ce pas ? Parce que vous avez tenté de dire
6 que ces deux provinces devaient perdre tous les droits qui leurs étaient
7 donnés par la constitution de 1974. Pouvez-vous nous répondre ?
8 R. Deux erreurs dans ce que vous venez de dire. D'abord, je ne suis
9 pas académicien. Je n'ai jamais dit être académicien ici. Deuxième erreur,
10 je n'ai pas dit que tous les droits des régions autonomes devraient être
11 abrogés, mais seulement les attributs de l'Etat. Vous voyez entre
12 parenthèses dans la citation de l'Article que vous venez de faire : "(Tous
13 les attributs d'un Etat doivent être retirés à ces provinces)." Par
14 conséquent, deux erreurs importantes dans ce que vous venez de dire.
15 Q. Fort bien. J'aimerais que nous passions au dernier passage de cet
16 article, page 6, chez vous page 1182. Chez vous, le passage commence sept
17 lignes à partir de la fin du paragraphe que l'on trouve au milieu de la
18 page. La version anglaise est placée sur le rétroprojecteur, et la phrase
19 commence à peu près au milieu de la phrase par les termes, "Dans les
20 conditions." Je cite :
21 "Dans de telles conditions d'isolement de la région sur la plan
22 constitutionnel par rapport à la République de Serbie, il est naturel que
23 les Albanais du Kosovo aient demandé que le Kosovo soit une république, à
24 savoir qu'ils demandaient à disposer d'un Etat albanais au Kosovo leur
25 appartenant, puisqu'ils étaient majoritaires dans cette zone autosuffisante
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1 dotée de toutes les fonctions de l'Etat. Les Serbes et les autres
2 populations non-albanaises y étaient une importante minorité. Les Albanais
3 du Kosovo, ceux qui demandaient cela, étaient poussés par exactement le
4 même système constitutionnel que celui qui existait en Serbie. Il aurait
5 été difficile d'avancer de telles demandes, si la Serbie avait existé sur
6 la totalité de son territoire en tant qu'Etat intégré."
7 Vous admettez, n'est-ce pas, Professeur, que dans cet extrait, vous parlez
8 de pouvoirs qui ont été légalement octroyés par les législateurs, et vous
9 auriez du mal à reprocher aux Albanais du Kosovo de demander l'exercice de
10 ces pouvoirs.
11 R. Non. Dans cet extrait, je dis simplement que ces solutions
12 constitutionnelles ont inspiré le séparatisme, ont donné naissance au
13 séparatisme. Par conséquent, il y a une très subtile différence entre la
14 notion de province et la notion de république et éventuellement susceptible
15 de transformer une province en république. Mais c'est précisément ce que
16 les Albanais du Kosovo demandait. Ils souhaitaient faire partie d'un Etat
17 fédéral, en tant qu'unité de cette fédération, et ne pas être une unité
18 autonome au sein de la République de Serbie.
19 M. NICE : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cet
20 article.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
22 M. NICE : [interprétation] Si la Chambre ne siège que jusqu'à l'heure
23 normale, j'ai une autre question. Mais je pourrais aborder un autre sujet
24 si nous prolongeons l'audience.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Encore une question.
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1 M. NICE : [interprétation]
2 Q. Professeur, je parle à présent de la période dont vous avez parlé la
3 semaine dernière en disant qu'outre le fait de rédiger les constitutions de
4 la Serbie et de la République fédérale de Yougoslavie, vous aviez rédigé
5 une autre constitution, mais que d'une façon ou d'une autre, un document
6 secret et officiel vous interdisait de définir exactement quelle était
7 cette constitution. Nous pouvons y revenir en détail, car quel que soit le
8 pays en question, existe-t-il vraiment quelque part un document officiel
9 secret qui stipule que le rédacteur ou les rédacteurs d'une constitution
10 n'ont pas le droit d'être nommés ?
11 R. D'abord, j'e n'ai pas dit que j'avais rédigé ces constitutions. Relisez
12 les réponses aux questions. J'ai dit avoir participé à la rédaction de ces
13 constitutions. Ce n'est pas un ouvrage dont je suis l'auteur.
14 Q. Je me permets de vous interrompre. Vous nous avez dit que vous étiez
15 l'un des rédacteurs. Mais enfin, il y en avait deux parmi lesquels vous
16 vous trouviez. Un certain Borivoj Rasua. Est-ce que vous pourriez dire à la
17 Chambre quelles sont les constitutions à l'écriture desquelles vous avez
18 participé ?
19 R. Je ne sais absolument pas qui est ce Borivoj Rasua. C'est la première
20 fois que j'entends ce nom. Je n'ai jamais prononcé ce nom.
21 Q. En tout état de cause, dites-nous quelles sont ces constitutions, je
22 vous prie.
23 R. J'ai participé en étant membre de deux commissions de rédaction de la
24 constitution créées au niveau de la République fédérale de Yougoslavie et
25 au niveau de la République de Serbie. S'agissant de réviser le libellé et
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1 les procédures citées dans la constitution du Monténégro, je n'ai fait que
2 participer à ce travail. J'ai proposé des solutions, j'ai fait des
3 propositions, et ces propositions étaient destinées à intégrer le
4 démantèlement de l'assemblée du Monténégro à la constitution.
5 Je vous demande des explications complémentaires parce que quelle
6 pertinence ceci peut-il avoir pour cette Chambre et dans le cadre de ce
7 procès. Les constitutions sont quelque chose de très délicat. Ce sont des
8 documents qui doivent être adoptés par des parlements. Je n'ai fait
9 qu'apporter mon savoir professionnel, contribuer de cette façon à la
10 rédaction de la constitution qui, plus tard, a été adoptée par l'assemblée
11 nationale. Personne ne peut prétendre avoir une autorité quelconque sur le
12 texte d'une constitution parce qu'une constitution est un texte voté par un
13 parlement. Je n'ai fait que créer le libellé de certaines des dispositions
14 de la constitution. Une constitution est toujours votée par un parlement.
15 Q. Une certaine participation au Monténégro, mais aidez-moi encore sur un
16 point. Est-ce que vous avez participé à la rédaction des documents
17 constitutionnels de la Republika Srpska ?
18 R. Non, jamais.
19 Q. De la République serbe de Krajina ?
20 R. La constitution de la Republika Srpska ou, plutôt, la constitution de
21 la Bosnie-Herzégovine fait partie intégrante des accords de paix de Dayton.
22 Donc, il serait prétentieux de ma part de prétendre avoir participé en quoi
23 que ce soit à la rédaction des documents de l'accord de Dayton.
24 Q. Est-ce que vous avez participé à la rédaction de documents
25 constitutionnels pour les Serbes de Croatie ou pour les Serbes de Bosnie
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1 avant l'accord de Dayton en 1992, par exemple ? Oui ou non ?
2 R. Je ne suis pas au courant qu'une constitution ait été adoptée en
3 Republika Srpska ou en République serbe de Krajina. C'est la première fois
4 que j'entends parler de cela de votre bouche aujourd'hui.
5 Q. Très bien.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais --
7 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais que vous me montriez le texte de
8 cette constitution. Comme un lord britannique l'a dit, je vous donnerai une
9 bonne récompense si vous pouviez me montrer ce texte noir sur blanc.
10 J'aimerais bien le voir de mes yeux.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, encore une question
12 ou --
13 M. NICE : [interprétation] Certainement.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- il faudra nous arrêter ?
15 M. NICE : [interprétation]
16 Q. Revenons à cette pièce que je viens de produire. Peut-être pourriez-
17 vous commenter le dernier paragraphe si vous l'avez sous les yeux ?
18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce 816.
19 M. NICE : [interprétation] Oui. Merci.
20 Q. Dernière page, dernier paragraphe qui commence par les mots : "Une
21 question se pose." Chez nous, c'est à la page 11 en version anglaise,
22 dernière page de l'article pour vous. Je cite : "Une question se pose : Que
23 se passera-t-il si les amendements à la constitution ne peuvent être mis en
24 œuvre conformément à la procédure constitutionnelle définie dans la
25 constitution ? Tout dépend des conséquences politiques qui pourraient être
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1 provoquées par une telle réalité. Si un tel dilemme apparaît, il
2 conviendrait d'apprécier à quoi il faut donner la priorité - au respect de
3 la constitution ou à la survie de l'Etat. Dans une telle situation, nous
4 sommes d'avis qu'il ne devrait être autorisé par aucun moyen au droit de
5 triompher si cela signifie la chute de l'Etat : Fiat iustitia pereat
6 mundus. Une constitution est toujours un document particulier sur le plan
7 politique et n'est pas simplement un document juridique. Elle est
8 différente d'une loi. La constitution est toujours l'expression d'un
9 rapport de forces politiques, et donc, personne ne peut s'attendre à ce que
10 le principe de la légalité soit aussi strictement respecté qu'en présence
11 d'une loi. Des ruptures de continuité constitutionnelle, à savoir,
12 l'adoption d'amendements anticonstitutionnels à la constitution, est un
13 phénomène très clair partout dans le monde, indépendamment de la culture
14 politique de tel ou tel pays. Dans un rapport de forces politiques
15 modifiées, pourquoi est-ce qu'une réglementation qui, manifestement est un
16 non sens, resterait inaltérable et jouirait d'une très grande protection
17 pour le simple fait qu'elle figure dans une constitution qui, dans la
18 pratique, est rendue inaltérable. Le critère de constitutionnalité dans les
19 démocraties a toujours correspondu à la volonté du peuple et de sa
20 majorité. Un peule est en tout état de cause plus important qu'une
21 constitution."
22 Dans cette conclusion et dans les termes les plus précis qui soient, vous
23 dites que la loi ne l'emportera pas mais que la volonté du peuple
24 l'emportera, n'est-ce pas ?
25 R. Monsieur Nice, j'ai écrit cet article dans le cadre d'un manuel
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1 scientifique, et c'est en cette qualité que je l'ai signé. Est-ce que vous
2 êtes en train de me mettre en accusation pour mes idées scientifiques ?
3 Q. La question que je pose est la suivante : Par cet article en tout cas,
4 dans cette partie de l'article, vous proposez - je n'ai pas encore utilisé
5 ce terme, mais je le fais maintenant - donc, vous proposez de défendre la
6 suprématie de la volonté populaire sur l'état de droit, et rien ne peut
7 être plus clair.
8 R. Il ne peut y avoir état de droit que si le droit est le résultat et la
9 conséquence de l'expression de la volonté populaire. Il ne peut pas y avoir
10 état de droit en dehors de l'adhésion populaire à ce droit. Je vais, si
11 vous me le permettez, répéter encore une fois que j'ai écrit cet article en
12 tant qu'expert, en tant que scientifique, pas en tant que détenteur d'un
13 poste politique. A l'époque, en 1998, je n'occupais aucune fonction
14 publique. Il s'agit donc, ici, de positions qui me sont personnelles de
15 points de vue que j'exprime en tant que scientifique, et si vous me mettez
16 en accusation pour cela, cela signifie que nous sommes revenus à l'âge de
17 l'inquisition.
18 Q. Ce que je vous affirme, c'est que votre volonté ici consistait à
19 exprimer un point de vue libéral sur le droit qui s'est avéré de la plus
20 grande utilité pour l'accusé qui se trouve ici, aujourd'hui, durant la
21 décennie qui devait suivre. Vous êtes resté utile à l'accusé à bien des
22 égards, comme nous le constaterons, pendant toute cette période en mettant
23 le droit, non pas au service de l'humanité, mais au service de cet
24 individu unique, à savoir, l'accusé. Est-ce que vous admettez cela ? Est-ce
25 que vous admettez
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1 que vous avez modifié le droit à chaque fois vous l'avez pu au profit de
2 l'accusé ?
3 R. Ce sont vos opinions, Monsieur Nice. Si telle est votre opinion et bien
4 qu'il en soit ainsi. Je ne m'ingérais pas dans votre façon de penser.
5 Cependant, je ne m'attendais pas à vous entendre formuler un avis de cette
6 nature dans un prétoire.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je pense que nous
8 devons suspendre jusqu'à demain, 9 heures du matin.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson,
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, si ce n'est pas trop vous
12 demander, est-ce que vous pourriez, je vous prie, établir jusqu'à quelle
13 heure M. Nice pense faire durer son contre-interrogatoire demain, car il
14 est important pour moi de savoir à quel moment aura lieu l'audition de mon
15 prochain témoin.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.
17 M. NICE : [interprétation] Je ne suis certainement pas en mesure de prévoir
18 à quel moment je terminerais demain. Je ferais de mon mieux pour en finir
19 demain, mais il y a un certain nombre de questions que ce témoin a abordé
20 en détails s'agissant des questions de droit à proprement parler, donc
21 d'expertise légale. J'ai l'intention d'essayer au moins de définir ces
22 questions, si elles sont pertinentes, pour la Chambre par le biais de ce
23 témoin, après quoi nous pourrons revenir sur la question de son témoignage
24 en tant qu'expert ou pas si la chose s'avère nécessaire.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, dans ce cas,
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1 vous devriez avoir un témoin prêt à témoigner.
2 M. NICE : [interprétation] Je suis sûr que j'interrogerai le témoin pendant
3 toute l'audience de demain.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, ce ne sera pas nécessaire que
5 vous prévoyiez un témoin demain, Monsieur Milosevic.
6 Suspension.
7 --- L'audience est levée à 13 heures 56 et reprendra le jeudi 19 janvier
8 2005, à 9 heures 00.
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