Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 14 avril 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 8 heures 03.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La présente Conférence de mise en

6 état sera liée dans les meilleures conditions possibles, j'espère, à la

7 suite du procès. Nous siégerons jusqu'à 9 heures 35, puis, de 10 heures 05

8 à 11 heures 40; ensuite, il y aura une autre pause de 30 minutes et nous

9 siégerons encore de 12 heures 10 à

10 13 heures 45.

11 Cette Conférence de mise en état a été convoquée suite à un échange entre

12 M. Milosevic et moi-même, il y a plusieurs semaines. Alors que nous

13 examinions la progression de la présentation des éléments de preuve de la

14 Défense, j'ai fait remarqué à M. Milosevic que si nous poursuivions au même

15 rythme à l'issue des 150 jours prévus, il n'aurait entendu qu'une centaine

16 ou 120 témoins.

17 M. Milosevic a déclaré, à ce moment-là, que ceci était une parfaite

18 illustration du caractère peu réaliste et inéquitable du calcul du temps

19 qui lui était alloué. Bien entendu, cela m'a considérablement préoccupé,

20 puisque je me suis rappelé que l'Accusation, dans le temps qui lui était

21 imparti, avait entendu 300 témoins. J'ai demandé qu'un travail de recherche

22 soit accompli pour voir combien de déclarations préalables écrites de

23 témoins avaient été utilisées par l'Accusation dans la présentation de ces

24 éléments de preuve et le résultat de cette enquête se trouve dans un

25 document qui a été diffusé hier à toutes les parties.

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1 Il démontre, M. Milosevic, que pour le volet Croatie de l'acte

2 d'accusation, il y a eu un nombre de déclarations de témoin écrites

3 légèrement supérieur à l'audition des témoins présents dans le prétoire.

4 Pour le volet Bosnie de l'acte d'accusation, le nombre de déclarations

5 écrites de témoins est plus de deux fois supérieur à celui des auditions de

6 témoins dans le prétoire. Pour le volet Kosovo de l'acte d'accusation, le

7 nombre de déclarations préalables écrites de témoins est de deux tiers

8 supérieurs au nombre de témoins entendus dans le prétoire. Si on prend

9 l'ensemble des trois volets de l'acte d'accusation, vous verrez les

10 chiffres qui sont cités en page 2 du document. Le nombre total de témoins

11 de l'Accusation s'élève à 352, le nombre total de témoins entendus dans le

12 prétoire à 114. Ce qui démontre qu'un tiers des dépositions se sont faites

13 de vive voix. Pour le reste, les deux tiers, il s'agit de témoignages qui

14 ont été fournis par voie écrite. Puis, il faut ajouter à cela, bien

15 entendu, le fait qu'un certain nombre de témoins ont vu leurs déclarations

16 écrites versées au dossier sans contre-interrogatoire, ce pourcentage

17 s'élevant à 15 %, environ.

18 Ceci explique pourquoi à l'issue des 150 jours affectés à

19 M. Milosevic, ce dernier n'a entendu la déposition que de 100, 120 ou peut-

20 être 130 témoins.

21 Par conséquent, M. Milosevic, ceci signifie également qu'il vous faut tenir

22 compte de ce dont vous disposez. Il faut que vous teniez compte de ce qui

23 est mis à votre disposition par le Règlement de procédure et de preuve,

24 autrement dit, un certain nombre de déclarations du témoin écrites, de

25 déclarations versées au dossier au titre de l'Article 92 bis, de l'Article

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1 89(F) et d'autres conditions.

2 Je dirais, s'agissant des dépositions au titre de l'Article 92 bis et

3 89(F), que ce dispositif a un rapport avec certaines des questions

4 examinées par la Chambre de première instance dans le cadre des problèmes

5 liés aux éléments de preuve qu'a soulevés l'Accusation.

6 La Conférence de mise en état donnera l'occasion, bien entendu, aux parties

7 d'évoquer d'autres questions, mais nous souhaiterions ne pas aller trop

8 loin; notre temps nous est compté et je remercie l'Accusation pour les

9 notes écrites que celle-ci nous a soumises en date du 13.

10 Pour le moment, j'aimerais entendre les parties s'agissant des remarques

11 liminaires que je viens de faire en rapport avec l'utilisation de

12 déclarations de témoins écrites par la Défense et de l'incidence que ceci

13 pourrait avoir sur la suite du procès. Je m'apprête à entendre, d'abord, M.

14 Milosevic, suivi par Me Kay; puis, par M. Nice.

15 Monsieur Milosevic, vous avez des commentaires à faire suite à mes propos

16 liminaires ou préférez-vous vous exprimer en dernier ? C'est un avantage

17 dont vous pouvez profiter; d'un certain point de vue, c'est tout de même un

18 avantage.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suppose que si je dis quelque chose à

20 présent cela n'exclura pas la possibilité pour moi de commenter par la

21 suite.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'entends pas. Vous pouvez

23 répéter.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, en effet, absolument.

25 Vous avez, à très juste titre, indiqué, Monsieur Robinson, en

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1 commentant les chiffres que vous avez fournis dans ce mémorandum interne, à

2 ceci près, je tiens, en effet, à attirer votre attention sur certains

3 autres aspects de l'interprétation qui nous est donnée.

4 Au total, comme vous l'avez dit vous-même, il n'y a qu'un tiers des témoins

5 qui a témoigné viva voce. Je pense que ceci se fait très au détriment du

6 principe des débats publics. Je suppose que M. Nice pourra rétorquer que

7 tous ces documents sont accessibles à l'opinion publique et qu'ils peuvent

8 être mis à la disposition ou sont mis à la disposition de tout un chacun

9 sur le réseau Internet. Mais l'opinion publique très vaste ne se sert pas

10 de ce diapason d'information et il n'y a que ce qui est lu de vive voix

11 ici, tout ce qui est retransmis à partir d'ici qui peut véritablement être

12 exposé à l'examen ou à l'œil de l'opinion publique. Mon observation est que

13 les témoins qui témoignent ici doivent forcément témoigner en public.

14 Autre chose, ce tiers de témoins devrait être prélevé pour voir

15 combien d'entre eux ont témoigné à huis clos ou huis clos partiel, parmi

16 ceux qui ont témoigné de vive voix et qui ont établi des agréments avec le

17 bureau du Procureur et je crois que le pourcentage chuterait nettement, si

18 l'on prenait ceci en considération.

19 Je pense que c'est une question de principe, d'importance de taille

20 qui ne devrait pas être mise de côté.

21 S'agissant maintenant du temps total, vous avez, à très juste titre,

22 présenté mon opinion, à savoir que cela ne fait qu'illustrer le peu de

23 temps qui m'a été accordé pour la totalité de ces trois volets de taille,

24 le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine et la Croatie. J'attire, également, votre

25 attention sur un autre fait, en parallèle, avec la présentation des témoins

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1 ou la comparution des témoins, il faut que je vois ces témoins pour une

2 première fois pendant très peu de temps, beaucoup moins de temps que M.

3 Nice n'a eu le temps de le faire avec ces témoins -- quand je dis M. Nice,

4 j'entends la totalité de ses collaborateurs, également. Chez moi, cela se

5 réduit à une rencontre seulement, assez brève et des préparatifs tout à

6 fait inadéquats. Ce qui fait que le temps imparti est extrêmement réduit et

7 vous devez certainement vous attendre à ce que je vous demande, en bout de

8 course, une prorogation du délai imparti.

9 Maintenant, pour ce qui est du calcul qui est fourni par le greffier

10 dans la deuxième ordonnance portant sur l'utilisation du temps dans la

11 présentation de l'affaire, je n'ai pas d'objection à formuler parce que,

12 tout simplement, je suppose que les gens qui ont fait ce calcul sont déjà

13 intègres et qu'ils tiennent à jour leurs fichiers avec la responsabilité

14 qui est due à cette tâche.

15 Je voudrais, toutefois, attirer votre attention sur un aspect. Dans

16 votre décision, vous avez indiqué que, par rapport au temps qui m'est

17 imparti pour les interrogatoires principaux des témoins, la partie adverse

18 n'a que 60 % de ce même temps pour procéder à son contre-interrogatoire, ce

19 qui signifierait --

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je me suis

21 efforcé de ne pas aborder cette question particulière aujourd'hui et le

22 Procureur était tout à fait disposé à discuter de ce problème, mais nous

23 avons rendu, du côté des Juges, une décision opposée à cela. Je vous invite

24 à ne pas traiter de cette question dont nous parlerons une autre fois.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne voulais, pour ma part, qu'attirer votre

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1 attention sur une chose, à savoir que sur dix heures qui me sont imparties,

2 la partie adverse en a six et si vous comparez ces chiffres ici, vous

3 verrez que l'équilibre se trouve perturbé. Je m'attends à ce que vous

4 fassiez un minimum, à savoir que vous comptiez mon temps, à moi, en

5 relation avec le temps utilisé par la partie adverse afin de garder cette

6 proportion 10 par rapport à 6 que vous avez déterminé, vous-même, que vous

7 avez établi, vous-même.

8 Mais je tiens à dire que je m'efforce d'exploiter mon temps de façon

9 extrêmement rationnelle, tant pour ce qui est des préparatifs que pour ce

10 qui est des interrogatoires, afin que ceci soit utilisé de façon utile et

11 le tout en vue de savoir ce qui s'est réellement passé. Je ne perds pas de

12 vue le fait qu'on a présenté ici des chefs d'accusation où tout est mis

13 sens dessus, dessous et où des choses incroyables sont affirmées. Ce qui

14 fait qu'à tout point de vue, il se trouve être justifié d'entendre les

15 témoins et les arguments et de voir tout ce qui s'est passé à l'intérieur

16 parce que le temps ne constitue pas seulement un facteur technique, un

17 élément technique, mais c'est aussi un élément crucial pour ce qui est de

18 l'affirmation du principe le plus élémentaire de recherche de la vérité et

19 de ce point de vue-là, j'estime ou j'espère que vous allez avoir de la

20 compréhension, pour ce qui est du temps qui est nécessaire pour accomplir

21 la tâche qui se trouve devant nous.

22 Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, c'est à vous.

24 M. KAY : [interprétation] Parlons, d'abord, du principe qui s'applique à la

25 présentation des éléments de preuve et ce, du point de vue du temps qui est

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1 consacré à cette tâche. Le débat est, en réalité, centré sur la comparaison

2 du temps consacré à la présentation des éléments de preuve par écrit et à

3 l'audition de témoins de vive voix. Durant la présentation des moyens de

4 preuve de l'Accusation, la jurisprudence du Tribunal a évolué, s'agissant

5 de l'application de l'Article 92 bis et de l'application de l'Article

6 89(F) qui a été élargie.

7 Du côté de la Défense, il importe de dire que le recours à l'Article 92

8 bis, l'application des procédures prévues à cet article est plus utile en

9 tant qu'instrument de l'Accusation s'agissant de présenter des moyens de

10 preuve. Je pense qu'il est juste de dire que cette évolution du règlement a

11 largement été à l'avantage du Procureur et que mettre l'accent sur le fait

12 qu'il peut s'agir d'un instrument utile à la Defense n'est pas quelque

13 chose d'absolument démontrée dans les procès jugés par ce Tribunal. Ce

14 n'est pas un moyen réellement mis à la disposition de la Defense et

15 d'emblée, cet instrument n'a pas été considéré comme un instrument auquel

16 les équipes de Défense allaient largement recourir. Au nom de l'accusé,

17 nous disons la chose suivante : du côté de l'accusé, la présentation des

18 moyens de preuve qui vont dans son intérêt est considérée comme préférable,

19 s'il s'agit de témoins entendus de vive voix plutôt que de recourir aux

20 dispositions techniques qu'autorise le règlement, à savoir, versement au

21 dossier d'éléments de preuve sous forme écrite qui constitue un moyen

22 nettement plus utile pour le Procureur.

23 Nous parlons de la question dans le détail ici; je dirais aux Juges de la

24 Chambre que, du point de vue de l'accusé, le recours à cette disposition du

25 Règlement peut simplement constituer un prolongement du temps imparti.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ne pensez-vous pas, Maître Kay,

2 que pas mal d'éléments de preuve présentés dans la présente affaire par la

3 Défense auraient très bien pu l'être par écrit ? Prenez par exemple,

4 l'exemple du témoin dont l'audition vient de s'achever. La plus grande

5 partie de sa déposition au cours de l'interrogatoire principal aurait très

6 bien pu être présentée par écrit car il s'agit d'éléments de faits, et

7 cette déposition aurait pu être complétée par des questions posées par

8 l'accusé qui souhaitait mettre l'accent sur tel ou tel point avec un

9 contre-interrogatoire dans un délai raisonnable, et conclusion de

10 l'ensemble dans un temps qui n'aurait certainement pas dépassé le tiers du

11 temps qui a été consacré à la présentation de ce moyen de preuve. C'est le

12 genre d'éléments de preuve qui, à mon avis, s'écarte du scénario que vous

13 venez de décrire, et ne permet pas de mieux situer les responsabilités en

14 raison du fait qu'il est entendu de vive voix. Je comprends très bien ce

15 que vous venez de dire, mais je pense que vu la façon dont le procès

16 évolue, la présentation d'un certain nombre d'éléments de preuve de la

17 Défense est très comparable à celle des moyens de l'Accusation et peut très

18 bénéficier de l'application de ces deux articles du Règlement.

19 M. KAY : [interprétation] Mais cela implique qu'un certain nombre de

20 personnes doivent écrire des rapports en se fondant sur leur expérience

21 vécue. Si nous prenons l'exemple de l'incident de Racak, il aurait dû faire

22 l'objet d'un rapport volumineux qui ensuite aurait dû être soumis aux

23 dispositions de l'Article 94 du Règlement. Donc, il aurait fallu y

24 consacrer 300 heures et me payer pour cela.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends. Encore une fois, je

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1 comprends très bien ce que vous voulez dire. Mon problème c'est que nous

2 parlons ici d'un problème un peu théorique. Pour le moment, la chose ne

3 s'est par présentée dans la réalité. M. Milosevic n'a aucun intérêt à tenir

4 compte de la réalité comme nous souhaitons le faire de notre côté. La

5 situation matérielle est différente pour les uns et pour les autres pour un

6 certain nombre de raisons.

7 M. KAY : [interprétation] Oui, mais j'ai évoqué cette question, à savoir,

8 le recours par l'Accusation à des présentations de moyens de preuve écrites

9 pour montrer que celles-ci n'est pas dans la même situation que la Défense

10 de ce point de vue. Il y a une ressource qui est mise à la disposition des

11 partis et un certain temps pour appliquer, utiliser ces ressources. Du

12 point de la supervision et du travail de préparation, pour obtenir une

13 déclaration en bonne et due forme, les moyens ne sont pas les mêmes que

14 ceux qu'il faut appliquer pour obtenir une déclaration orale. L'Accusation

15 le reconnaîtra très certainement. Plusieurs personnes sont impliquées dans

16 l'affaire. Cela implique un certain nombre d'installations qu'il faut

17 utiliser, des ressources qui finalement aboutissent à une déclaration

18 d'environ une vingtaine de pages que l'Accusation a pu présenter comme

19 moyens de preuve en application de l'Article 89(F). Alors que pour la

20 Défense, compte tenu des moyens qui sont à sa disposition, il est difficile

21 de réaliser le même objectif et ce n'est donc pas un moyen aussi utile de

22 présentation de moyens de preuve. Ce sont des problèmes pratiques dont il

23 faut parler.

24 S'agissant de la volonté d'agir, je laisse la question entre les mains des

25 Juges.

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1 Voilà les observations que je souhaitais faire à ce stade sur la question.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Kay. Monsieur Nice.

3 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas grand-chose à

4 dire sur ce sujet. La Chambre, avec le respect que nous lui devons, devrait

5 s'en tenir au calcul initial du temps imparti et l'accusé devrait être

6 rappelé à l'ordre sur ce plan en raison de deux choses. D'abord, la

7 possibilité d'utiliser des éléments de preuve écrits a été portée à

8 l'attention de l'accusé par l'Accusation et par la Chambre, et ce, dès le

9 début de la présentation des moyens de preuve de la Défense à plusieurs

10 reprises.

11 Deuxièmement, l'accusé continue à ne pas vouloir comprendre la raison de la

12 publicité des débats et l'importance de celle-ci dans un système

13 contradictoire, même dans certains pays, le système est différent.

14 L'objectif public est ouvert, consiste à autoriser le public à suivre

15 l'évolution de l'aspect judiciaire d'une affaire et à toutes les personnes

16 impliquées de faire ce qui est le plus juste. Il ne s'agit pas d'un jeu et

17 encore moins de donner l'occasion à quiconque de faire de la propagande.

18 L'accusé parle de façon éhontée, lorsqu'il affirme ne pas vouloir discuter

19 avec nous. Il parle à un public tout à fait différent. Il ne traite

20 réellement pas des problèmes de médecine légale, par exemple, mais par le

21 biais du procès, il s'adresse à un public qui est le sien et c'est de cette

22 façon qu'il aborde la publicité des débats.

23 L'accusé, par exemple, a dit, à juste titre, que j'utilise tous les

24 éléments disponibles pour enquêter au sujet des faits. Dans la présentation

25 des moyens de preuve de la Défense, ainsi que dans l'ensemble du procès,

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1 d'ailleurs, il y a eu très peu d'auditions à huis clos, beaucoup moins que

2 dans d'autres affaires. Par conséquent, s'il continue à insister pour

3 présenter ces moyens de preuve sur de fausses bases quant à l'importance,

4 la signification ou l'utilité de la publicité des débats, c'est lui-même à

5 qui incombe la responsabilité de ce qui se passe, et notamment, de la

6 quantité assez réduite de moyens de preuve qu'il peut présenter dans le

7 temps imparti.

8 J'en viens maintenant aux observations de M. Kay au sujet de l'utilité du

9 92 bis, du 89(F) pour l'Accusation par rapport à la Défense. Les remarques

10 de M. Kay ont sans doute une certaine valeur. S'agissant de l'Article 92

11 bis et de ce que nous avons l'habitude de qualifier d'éléments de preuve

12 liés à la matérialité des faits. Je n'aime pas beaucoup cette expression.

13 Le crime, la réalité des crimes serait sans doute une expression plus

14 adaptée. En tout cas, on peut raisonnablement s'attendre à ce que les

15 éléments de preuve n'ont contesté, en totalité ou en partie, ne soient pas

16 entendus de vive voix. Mais rien n'est dit au sujet de l'utilité du 89(F)

17 dans les propos de M. Kay qui peuvent être utilisée applicable à tout

18 élément de preuve quelle que soit sa nature. Avec le respect que nous

19 devons à la Défense, nous pensons que c'est bien le cas. A mon avis

20 personnellement, tous les éléments de preuve de l'Accusation et de la

21 Défense doivent être présentés au mieux, en tenant des ressources limitées

22 de ce Tribunal. Il n'y a absolument aucune raison pour que l'accusé

23 n'utilise pas le 89(F) ou le 92 bis.

24 M. Kay a raison, bien entendu, en soulignant que préparer des déclarations

25 écrites prend un certain temps. A ce sujet, j'aimerais faire deux ou trois

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1 remarques.

2 D'abord, la Chambre, en fait, je voulais parler de la Chambre mais je pense

3 qu'une autre expression serait plus adaptée s'agissant de décrire les notes

4 très longues qui ont été écrites dans le cadre de l'échange entre l'accusé

5 et les témoins au niveau préparatoire des dépositions. Tout cela est tout à

6 fait normal. Mais, bien entendu, il y a tout de même une étape

7 supplémentaire à franchir lorsqu'on sort des entretiens préalables et qu'on

8 s'appuie sur ces notes de façon disciplinée pour rédiger une déclaration

9 écrite qui, la Chambre s'en souviendra, ont toujours été rédigées de cette

10 façon par l'Accusation et par toutes les parties, même si le temps s'écoule

11 et qu'il est long.

12 Deuxième point : l'accusé n'est simplement pas en mesure parce qu'il a

13 décidé de se défendre lui-même d'utiliser un certain nombre des moyens à sa

14 disposition et d'utiliser efficacement le temps qui lui est imparti, en

15 particulier. Il a un certain nombre de collaborateurs; il a M. Kay et Me

16 Higgins pour l'aider. Il a toutes les possibilités nécessaires avec les

17 ressources mises à sa disposition ou d'autres ressources qu'il peut obtenir

18 d'établir des déclarations écrites pour tous les témoins dont il voudrait

19 verser les déclarations au dossier et de s'appuyer également sur l'Article

20 89(F) qui constitue en fait une charge plus lourde pour l'Accusation,

21 obligé de contre-interroger les témoins beaucoup plus rapidement que

22 d'habitude que pour la Défense.

23 Voilà deux remarques que je souhaitais porter à votre attention. Si

24 l'accusé choisit de ne pas utiliser le 89(F), c'est son choix personnel et

25 il en accepte les conséquences.

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1 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'aimerais également, et c'est

2 d'ailleurs un des points que j'aborde dans les notes que j'ai présentées

3 pour la présente conférence de mise en état, j'aimerais parler des préavis

4 plus importants pour une partie que pour l'autre dans l'annonce des

5 éléments de preuve qui seront présentés, puisque dans un cas, il y a

6 contre-interrogatoire et dans l'autre, non. Ceci doit également être pris

7 en compte dans le cadre des concessions sur le plan de l'utilisation du

8 temps qui sont faites par une partie plutôt que par une autre, et tout cela

9 dans le but de présenter des documents écrits où figureront toutes les

10 questions qui se posent à la Chambre, notamment du point de vue du

11 contre-interrogatoire. Nous en parlerons plus tard. Voilà ce que j'avais à

12 dire s'agissant de la présentation des moyens de preuve factuels notamment,

13 et de la préparation de notes à l'avance.

14 Je n'ai rien d'autre à dire sur ces questions relativement circonscrites

15 dont nous débattons ici.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice.

17 Monsieur Milosevic, quelque chose en réponse ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non. Je ne vois rien d'autre à ajouter.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, au sujet des notes

22 produites par vous, je ne suis pas sûr que nous ayons le temps de les

23 passer en revue dans le détail, de discuter de tous les points contenus

24 dans ces notes, mais vous pourriez peut-être nous les décrire dans les

25 grandes lignes.

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1 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Bien, il

2 pourrait être utile pour moi de récapituler la position de l'Accusation de

3 la façon suivante : bien sûr, l'Accusation est très préoccupée par

4 l'utilisation du temps dans le présent procès, un temps qui semble

5 s'étendre jour après jour, même s'il n'est pas question encore de

6 prolongation officielle. Nous nous inquiétons également des moyens

7 matériels du Tribunal qui seront utilisés dans des proportions beaucoup

8 importantes que prévues. Nous revenons sur la nécessité pour ce procès de

9 s'achever dans des délais acceptable.

10 Sans perdre cela de vue, et partant du principe que nous allons appeler la

11 Chambre à décider qu'elle est prête à mettre les moyens nécessaires à la

12 disposition du bureau du Procureur, ainsi qu'à la disposition des conseils

13 assignés à la Défense de l'accusé afin de donner les possibilités de

14 répondre aux exigences. Cela étant entendu, nous insistons auprès de la

15 Chambre pour que celle-ci fasse savoir à l'accusé et à l'ensemble des

16 personnes intéressées que des mesures très strictes seront prises pour

17 avancer vers la conclusion du procès, qu'il n'y aurait plus d'interruption

18 des débats d'ici la fin de la présentation des éléments de preuve de la

19 Défense, pas plus d'ailleurs qu'au niveau de la réplique. J'ai omis de dire

20 que l'Article 98 permet d'entendre des témoignages oraux et de lire des

21 déclarations de témoins écrites au moment où on arrivera aux réquisitoires

22 et plaidoiries, et que ce temps doit également être pris en compte pour les

23 deux parties avant la conclusion du procès.

24 Dans le document que j'ai à la main, qui est un document interne, je

25 reviens sur un certain nombre de mécanismes qui pourraient permettre

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1 d'avancer plus efficacement vers la fin du procès.

2 Deuxième point : je l'ai déjà un peu abordé. Je veux parler de l'intérêt

3 légitime que ce procès suscite et du fait que nombreux sont ceux qui en

4 attendre un résultat équitable. Ce n'est pas une affaire où il est légitime

5 de voir l'accusé s'adresser au public dans un cadre plus large que celui

6 qui lui est proposé, or, c'est ce qu'il cherche à faire. Si nous ne perdons

7 pas cela de vue, j'ai quelques propositions à soumettre à la Chambre afin

8 d'arriver plus vite à la conclusion de cette affaire. Il s'agira d'abord

9 des déclarations écrites ou des auditions orales, je pense toujours à

10 l'Article 95 du -- excusez-moi, à l'Article 86 du Règlement qui, au niveau

11 des plaidoiries et réquisitoires, autorise d'entendre un certain nombre de

12 déclarations orales, et j'insiste auprès de la Chambre pour qu'elle

13 réfléchisse à l'utilité de ces dispositions et qu'elle rende des

14 ordonnances préliminaires obligeant l'accusé à préparer une déclaration

15 écrite à l'avance pour traiter des questions de fait et des questions de

16 droit dans un cadre bien circonscrit, ce qui aidera les Juges à utiliser

17 les arguments présentés par nous et par la Défense dans les meilleures

18 conditions.

19 La question de la déposition de l'accusé, qu'il s'agisse d'une déposition

20 sous serment ou d'une déclaration sans serment doit, à notre avis, être

21 examinée immédiatement pour deux raisons : d'abord, l'accusé est déjà en

22 défaut s'agissant de respecter l'ordonnance qui prévoie qu'il annonce à

23 l'avance lorsqu'il présente sa liste de témoins s'il témoignera ou pas.

24 Deuxièmement, s'il souhaite s'exprimer sans prononcer un serment, ou s'il

25 souhaite déposer, de toute façon un certain temps devrait être consacré à

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1 cette audition. Ce temps, à notre avis, doit être déduit des 150 jours de

2 présentation des moyens de preuve de la Défense. Cela placera la Chambre

3 dans une meilleure position pour déterminer la meilleure façon de répartir

4 le temps entre les trois volets de l'acte d'accusation.

5 Nous invitions la Chambre également à se pencher sur cette question

6 immédiatement pour éviter le danger que l'accusé coince la Chambre de

7 première instance d'une certaine façon en contraignant les Juges à lui

8 accorder un délai supplémentaire, ce qui est sans doute actuellement la

9 seule chose qui l'intéresse, à en juger par le nombre de témoins entendu à

10 ce jour. On peut penser que son objectif sera de gagner un temps

11 supplémentaire qui s'ajoutera au temps qu'il a déjà utilisé.

12 Troisième point : paragraphe 15 du document, que nous soumettons à la

13 Chambre. Ce procès se déroule à raison de 12 heures d'audience par semaine.

14 Si nous pensons aux normes internationales, c'est un temps de travail

15 relativement court. La santé de l'accusé est le motif qui a poussé à

16 réduire considérablement la durée des audiences. Sa santé semble s'être

17 parfaitement améliorée. Nous notons que dans l'historique de ses problèmes

18 de santé, il y a eu également imposition d'un conseil de la Défense, et que

19 sa situation médicale s'est améliorée.

20 Toutes les raisons existent pour la Chambre de revenir sur la durée de

21 travail hebdomadaire. Nous tenons à ce que la position de l'Accusation à

22 cet égard soit tout à fait bien comprise. Si l'accusé est capable de siéger

23 cinq jours par semaine, le fait qu'il se présente lui-même ne justifie pas

24 que nous siégions moins que cinq jours par semaine. C'est dans l'intérêt de

25 la Chambre, dans l'intérêt de l'institution en général, et dans l'intérêt

Page 38461

1 du public que cette affaire se déroule dans un temps raisonnable à raison

2 de cinq ou peut-être quatre jours d'audience par semaine. A notre avis, la

3 Chambre devrait aller dans ce sens en tenant des comptes des ressources

4 disponibles à ce Tribunal.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est une question que j'ai évoquée

6 il y a quelques semaines en indiquant qu'elle était en train d'être

7 examinée. J'ai indiqué que nous envisagions de demander l'avis des médecins

8 pour savoir si l'accusé était capable de siéger un jour de plus par

9 semaine, donc quatre jours au lieu de trois, pendant trois semaines par

10 mois. Nous sommes en train d'y réfléchir activement, comme je l'ai dit, et

11 nous rendrons une décision à cet égard très bientôt.

12 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie et je suis heureux de

13 l'entendre du côté de l'Accusation.

14 Encore une phrase, si vous me le permettez, pour traiter d'un point

15 technique relatif au stade de la réplique dans la présente affaire. Nous

16 nous inquiétons à ce sujet - j'en ai déjà dit quelques mots tout à l'heure

17 - nous n'aimerions pas qu'il y ait une interruption des débats entre la fin

18 de la présentation des moyens de preuve et le début de l'étape suivante du

19 procès. Il faudrait que le procès se déroule sans à coup. Je ne trouve pas

20 des expressions qui soient particulièrement adaptées pour décrire la chose,

21 mais au niveau de la réplique, je suis tout à fait prêt, sans interruption,

22 à présenter mon réquisitoire au moment le plus importun.

23 Nous pensons à tout cela, l'accusé est tenu de présenter ses moyens

24 de preuve volet par volet par rapport à l'acte d'accusation et j'invite la

25 Chambre à l'encourager à présenter le plus rapidement possible les

Page 38462

1 écritures qu'il souhaite présenter pour le stade de la réplique, peut-être

2 qu'il serait préférable qu'il le fasse à la fin de la présentation des

3 moyens de preuve du volet Kosovo de l'acte d'accusation ou du volet Croatie

4 selon la meilleure façon d'appliquer le règlement. En tout cas, la Défense

5 a quelques décisions préliminaires à prendre à cet égard et il serait bon

6 qu'elle les communique le plus rapidement possible, s'agissant de la

7 réplique et du réquisitoire plaidoirie. Voilà ce que j'avais à vous dire.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, avez-vous quelque chose

11 à ajouter ?

12 M. KAY : [interprétation] Oui, sur un certain nombre de points.

13 Puis-je dire à la Chambre de première instance ceci : en regardant le

14 point 7 des arguments de l'Accusation demandant au conseil de ne pas parler

15 des faits dans son réquisitoire, nous estimons qu'il s'agit, là, de quelque

16 chose qui serait tout à fait injuste, si une telle disposition était

17 acceptée. En réalité, nous sommes, en ce moment, en train de travailler à

18 une réponse à l'Accusation et tous les points cités et nous reprenons

19 l'ensemble du témoignage ou des moyens de preuve depuis le début et nous

20 avons un colonne que nous avons dédiée à nos réponses aux arguments de

21 l'Accusation sur des questions d'éléments de preuve.

22 C'est quelque chose qui doit être fait; je crois que c'est, pour

23 nous, un fil conducteur très utile ainsi que pour la Chambre de première

24 instance. Comme vous le constaterez, il ne s'agit pas, ici, d'une critique

25 de M. Nice, mais il y a des passages très importants du texte qui sont

Page 38463

1 répétés tout au long de la présentation des moyens par rapport aux chefs

2 d'accusation et allégations qui n'ont aucune pertinence par rapport aux

3 témoignages entendus et qui pourraient induire en erreur la Chambre de

4 première instance, si elle devait suivre à la lettre les arguments

5 présentés par l'Accusation. Il faut proposer un contrepoids.

6 Sur les questions de droit, nous suggérons, par conséquent, de

7 préparer un mémoire à la fin de tout ceci sur les questions juridiques de

8 façon à pouvoir aborder ces faits que nous avons mis dans cette colonne

9 spéciale et nous allons préparer un document comportant les arguments

10 juridiques comme un document distinct. Au cours des deux derniers mois,

11 nous avons tenté de trouver une solution à cette question et nous avons

12 commencé à aborder la question d'une certaine manière, nous avons relu un

13 document difficile et nous sommes repartis et repris le crayon et notre

14 planche de dessin et nous estimons que ceci a été très utile et nous a

15 permis d'arriver aux conclusions auxquelles nous sommes parvenus

16 maintenant. C'est quelque chose que nous avons fait dès le début car nous

17 sèmerons du compte que ceci prendrait du temps, qu'il fallait du temps pour

18 trouver le format idéal.

19 Nous estimons qu'il s'agit, là, de quelque chose qui pourrait être

20 fort utile à la Chambre de première instance, à savoir si l'accusé présente

21 ses arguments par écrit ou s'il s'adresse à la Chambre oralement sur les

22 questions de fait et de droit et que ceci serait, par conséquent, fort

23 utile.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Ce qui est certainement le

25 point de vue de la Chambre ici. J'envisageais la possibilité de rendre une

Page 38464

1 ordonnance pour demander au conseil commis d'office de préparer un tel

2 mémoire et ceci serait fort utile, un mémoire du conseil commis d'office

3 sur les questions de droit serait fort utile, quelque chose qui serait

4 distinct de la présentation des faits.

5 M. KAY : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'espère qu'au fil des jours,

7 alors que le procès se déroule, j'espère que le conseil commis d'office

8 prend des notes sur les questions importantes qui surgissent; certain de

9 ces points, je les ai mis en exergue et ils seraient dans l'intérêt de

10 l'accusé; il s'agit de soulever, dans ce mémoire, les questions concernant

11 l'accusé ou des points que l'accusé aura omis d'aborder, lui-même.

12 M. KAY : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Car un conseil commis d'office, avec

14 l'expérience qu'il a, doit pouvoir mettre le doigt sur ce genre d'éléments.

15 Justement, nous nous attendions à ce que vous nous prépariez un tel

16 mémoire.

17 M. KAY : [interprétation] Nous avons commencé ce projet au mois de

18 décembre. Comme je vous l'ai dit, il nous a fallu un certain temps pour

19 trouver le format adéquat car c'est un sujet très important que nous

20 abordons ici, nous avons essayé de trouver les différentes présentations de

21 textes appropriés et nous avons décidé de mettre ceci dans cette colonne

22 qui nous permet d'apporter tous les points difficiles et vous aurez un

23 document qui sera, finalement, préparé pour vous. Je ne sais pas combien de

24 temps s'écoulera entre la présentation des moyens et la présentation des

25 mémoires, en fin de procès, je ne sais pas. C'est quelque chose que nous

Page 38465

1 abordons, pour l'instant. Nous sommes en train de regarder, pour le moment,

2 les éléments à décharge et je ne sais pas, sur un plan du temps, combien de

3 temps cela nous prendra.

4 Au fil du temps, nous abordons la question des éléments présentés par

5 les témoins de la Défense à l'encontre ou contre ce qu'ont les propos des

6 témoins à charge et si vous voulez, nous essayons de faire cela paragraphe

7 après paragraphe, après chaque témoin.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.

9 M. KAY : [interprétation] Voici les points que je soulève ici. Je ne sais

10 pas si la Chambre de première instance souhaitait nous entendre sur

11 d'autres points, si elle souhaitait que le conseil commis d'office soumette

12 également ou parle d'éléments à décharge, c'est quelque chose dont nous

13 sommes entretenus. Nous n'avons, pour l'instant, rien préparé à l'intention

14 de la Chambre aujourd'hui. C'est quelque chose que nous avons à l'esprit.

15 C'est certain, nous ne connaissons pas tous les moyens de preuve présentés

16 par la Défense à ce jour, mais nous avons abordé les questions comme

17 l'utilisation du 92 bis par nous-même, l'utilisation de témoignages de

18 comptes rendus d'autres procès devant ce Tribunal, si cela pouvait aider

19 certains témoins de la Défense, témoins experts. Nous avons, au mois de

20 décembre, commencé à analyser les témoignages d'experts cités à la barre

21 devant ce Tribunal dans d'autres procès, à savoir, si ceci pouvait être

22 d'une quelconque utilité pour l'accusé.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Peut-être que vous pourriez déposer

24 une écriture à cet effet.

25 M. KAY : [interprétation] Oui, si cela peut vous être utile. Bien sûr,

Page 38466

1 c'est une des questions que nous avons débattue, nous ne savons pas

2 exactement comment nous allons traiter certains des moyens de preuve de ce

3 dossier.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Kay, est-ce que vous êtes en

5 mesure de nous aider concernant le point 12 ?

6 M. KAY : [interprétation] Oui, absolument. Je connais le collaborateur de

7 l'accusé, le professeur Rakic, qui a traité ce problème. Mais il n'est pas

8 ici parmi nous depuis la fin de l'année dernière.

9 C'est quelque chose qui est en cours. J'ai préparé un projet de texte

10 et c'est quelque chose que j'ai préparé à l'intention des américains; il se

11 peut que quelque chose soit préparé la semaine prochaine pour l'ambassade

12 des Etats-unis, quelque chose qui serait peut-être remis aux témoins, eux-

13 mêmes. J'ai travaillé sur ce texte à propos d'Albright et Clinton. Pour ce

14 qui est des témoins britanniques, j'ai, en réalité, rencontré leurs

15 conseilleurs juridiques hier, de façon à pouvoir ouvrir des voies de

16 communication. C'est un domaine sur lequel je me suis penché. J'ai soupesé

17 les différents points, ici, concernant l'accusé.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien sûr, c'est quelque chose qui

19 devrait être abordé le plus rapidement possible.

20 M. KAY : [interprétation] Oui.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Car nous ne souhaitons pas qu'il y

22 ait dépôt d'une demande une semaine avant la fin du temps imparti à la

23 Défense.

24 M. KAY : [interprétation] Non.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour la présentation de ces moyens

Page 38467

1 et demandes portant sur ces témoins, en particulier.

2 M. KAY : [interprétation] Je tente d'élargir le processus de consultation

3 le plus possible, eu égard au point 12 et j'ai même commencé l'année

4 dernière, déjà, en ce qui me concerne et par rapport à ce qui s'est passé,

5 il y a quelques semaines, j'ai décidé de mener mes propres recherches sur

6 la question pour essayer de répondre aux différentes observations qui me

7 sont parvenues par l'intermédiaire du conseil juridique, Me Kay, lorsque je

8 l'ai rencontré à la fin de l'année dernière.

9 J'espère que ceux-ci répondront aux demandes de deux pays, en particulier,

10 quelque chose à propos duquel nous pourrons parvenir à une conclusion en

11 l'espace de deux ou trois semaines; ensuite, les deux autres pays,

12 l'Allemagne et la France. Il y aura peut-être d'autres personnalités des

13 Nations Unies, mais c'est quelque chose que nous sommes en train

14 d'examiner, pour l'instant. Ce n'est pas quelque chose que nous avons

15 laissé pour la fin, qui sera traité à la dernière minute.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

17 Monsieur Milosevic, souhaitez-vous prendre la parole.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, tout d'abord, au sujet de ce

19 que vient de nous dire M. Kay en répondant à l'une des questions que vous

20 avez posées, je tiens à vous rappeler qu'en février déjà, de l'an passé,

21 par le biais de l'officier de liaison, j'ai fourni une liste de ces

22 témoins. C'était la liste des témoins hostiles, c'est ainsi que je les ai

23 qualifiés, à commencer par Clinton et les autres. Cela fait déjà 13 mois,

24 depuis.

25 Peu de temps après, mon officier de liaison a envoyé ce courrier aux

Page 38468

1 différentes ambassades. Les résultats et les réponses sont encore

2 inexistants et j'avais attiré votre attention sur ce fait, il y a quelques

3 mois déjà. S'agissant d'un retard à cet effet, on ne pourra pas reprocher

4 le retard à mon manque d'activité. Cela a été fait en temps utile, avant

5 même le début de cette partie de ma mi-temps, à moi et je voudrais que vous

6 ne perdiez pas cela de vue.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je ne peux pas

8 vous autoriser à faire un commentaire de ce type sans que la Chambre de

9 première instance n'y réponde. Il est vrai que vous avez soulevé ce point à

10 plusieurs reprises, mais à chaque fois que vous avez soulevé cette

11 question, nous vous avons indiqué que vous n'avez pas respecté la procédure

12 appropriée. La dernière fois que vous avez soulevé ce point, je vous ai dit

13 que si vous insistiez là-dessus, sans pour autant répondre aux exigences de

14 procédures, je rejetterai cette demande et je l'ai fait oralement sans que

15 cela ne vous porte préjudice et ne vous empêche de déposer quelque chose

16 par écrit.

17 Vous êtes actuellement assisté par Me Kay et nous nous attendons à ce

18 qu'une demande soit déposée en bonne et due forme, par écrit. Une fois que

19 ceci est fait, la Chambre de première instance la prendra en compte, comme

20 il se doit. Quelle que soit la personne qui fait ce dépôt d'écriture et si

21 les exigences sont remplies, la Chambre de première instance enverra une

22 citation à comparaître pour la personne en question.

23 Nous souhaitons simplement que la demande soit faite en bonne et due forme

24 et ce, le plus rapidement possible.

25 Veuillez poursuivre.

Page 38469

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, pour autant que je m'en

2 souvienne, lorsque j'en ai parlé la fois passée, justement, il y a quelques

3 mois, j'ai appris que M. Kay vous a informé, ici, qu'il était en train

4 d'œuvrer en la matière.

5 Maintenant, je voudrais aborder ce que M. Nice a suggéré ici. Je pense que

6 ces suggestions sont extrêmement dénuées de correction. Il propose de

7 travailler sans pause aucune, en somme. Il affirme et j'ai pris bonne note,

8 ici, dans mes papiers, que l'objectif de l'accusé est de faire durer ceci

9 le plus longtemps possible. Je ne sais pas vraiment pas si, en vertu d'une

10 raison ou d'un bon sens quelconque, on pourrait tirer pour soi la

11 conclusion de dire que mon objectif serait de faire durer ceci le plus

12 longtemps possible. Je veux aboutir à la vérité et je veux y arriver

13 rapidement. Je ne veux pas que cela dure le plus longtemps possible. C'est

14 complètement aberrant.

15 S'agissant maintenant de la proposition faite par M. Nice d'augmenter le

16 nombre de journées siégées ici, à plus de trois jours par semaine, à ce

17 sujet, je tiens à vous rappeler que cette proposition, vous l'avez acceptée

18 partant d'une demande formulée par les médecins, il y a quelques années

19 déjà, et en raison de l'absence de respect de cette nécessité, vous m'avez

20 amené à une situation où j'ai eu des problèmes de santé aggravés. Cela a

21 duré plus longtemps que cela n'aurait dû être le cas autrement.

22 Si l'affirmation de M. Nice est celle de dire qu'il s'agit de

23 problèmes -- vous savez qu'il s'agit de problèmes cardio-vasculaires

24 chroniques, mon état de santé, dans le courant de l'année écoulée, s'est

25 amélioré -- il faudrait peut-être procéder à une publicité au sujet des

Page 38470

1 conditions ici pour dire que c'est une station de cure de l'état de santé

2 de quelqu'un dans mon état, dans ma situation. Si vous lisez ce que les

3 médecins ont noté, ont couché sur papier concernant mon état de santé et il

4 n'y a rien eu d'excessif, mais il y a eu des qualificatifs durables,

5 s'agissant de mon état de santé, il n'y a pas pu y avoir une amélioration

6 quelconque, mais il y a eu éventuellement une stagnation, s'agissant de

7 cette définition ou de cette décision de travailler trois jours. J'aurais

8 une remarque ou une demande à faire, à savoir, procéder à des pauses parce

9 que dans le cas contraire, vous n'allez me fournir aucune modalité de

10 repos.

11 Parce que même maintenant, même aujourd'hui, je ne puis sortir

12 prendre un peu d'air que les samedis et les dimanches parce que dans le

13 courant de la semaine, il ne me reste que deux journées seulement pour

14 m'entretenir avec les témoins, les deux journées où nous ne travaillons pas

15 et il n'y a que le samedi et le dimanche que je vais prendre un peu d'air.

16 Par conséquent, les conditions se trouvent être extrêmement défavorables.

17 J'estime de ce fait et j'affirme de ce fait que l'intention exprimée par M.

18 Nice est une intention à mauvais escient.

19 Je me propose de réfléchir encore quelque peu, mais s'agissant de ces

20 témoins hostiles, j'ai l'intention peut-être d'éliminer de la liste, M.

21 Rudolf Scharping, l'ex-ministre de la Défense allemand qui a déclaré,

22 entre-temps, qu'il a été manipulé et il ne m'appartient pas, à moi, de

23 déterminer qui l'a manipulé. C'est aux instances de son pays de déterminer

24 qui l'a manipulé. Cela sera ma contribution, à moi, à la réduction de la

25 liste des témoins.

Page 38471

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

2 M. NICE : [interprétation] Deux remarques que je souhaite faire par rapport

3 aux propos de Me Kay sur ce document concernant les réponses à toutes les

4 questions et les faits.

5 Comme vous vous en souviendrez certainement, Messieurs les Juges, ce

6 document contenant toutes les réponses est un document qui sera saisi par

7 le système informatique utilisé par le bureau du Procureur. Peut-être qu'en

8 temps voulu, il sera possible de donner des instructions à toutes les

9 parties pour expliquer comment il est possible d'accéder aux éléments de

10 preuve dans ce système informatique.

11 Je serais heureux de recevoir toutes observations ou corrections de

12 Mme Higgins ou Me Kay à propos du document qui sera soumis à la Chambre de

13 première instance. Il n'est pas nécessaire de surcharger la Chambre de

14 première instance à ce propos et ce n'est pas utile pour les délibérations

15 finales, mais ce sera certainement une source d'irritation, mais si Me Kay

16 et Mme Higgins pourraient le faire. Ce serait fort utile.

17 Je reviens maintenant à une autre remarque à propos des arguments sur les

18 faits qui seront présentés par le conseil commis de la Défense. Lorsque

19 quelqu'un décide d'assurer sa propre défense et qu'il se trouve en cette

20 position dans laquelle il s'est mis lui-même, les moyens qu'il présente

21 sont les siens, et cela n'est peut-être pas approprié ou juste lorsqu'il

22 s'agit d'arguments fondés sur le fait, ce n'est peut-être pas ce qu'il

23 souhaite. A plusieurs reprises, nous avons entendu des cas où il s'est

24 écarté des arguments présentés par Me Kay.

25 Donc, des arguments portant sur les faits, je maintiens ici la position de

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1 l'Accusation. Nul n'est besoin et il n'est pas souhaitable non plus que les

2 arguments portant sur les faits soient présentés de façon distincte par Me

3 Kay par opposition à l'accusé. Bien évidemment, si Me Kay prépare des

4 arguments sur le fait, et en se fondant sur les différents éléments

5 présentés par l'Accusation et qui se trouvent dans l'ordinateur et les

6 différents moyens de preuve que l'accusé dit : "Oui, très bien, bien sûr,

7 s'il vous plaît, veuillez présenter mon argument dans ce sens," soit, mais

8 s'il s'agit d'arguments sur les faits présentés par le conseil commis

9 d'office qui soient distincts de ceux présentés par l'accusé, la Chambre de

10 première instance ne saura pas auxquels il faudra répondre dans ce cas.

11 Comme je l'ai dit, il a décidé d'assurer sa propre défense et il doit en

12 subir les conséquences en tout cas pour ce qui concerne la présentation des

13 faits.

14 Pour ce qui est des témoins internationaux, je ne sais pas très bien,

15 d'après ce qu'on nous a dit et d'après la bouche de nos éminents confrères

16 de l'accusé, s'ils travaillent ensemble ou non. L'affirmation de l'accusé

17 en déclarant qu'il avait envoyé des lettres à deux témoins ou du moins à

18 deux ambassades est un point sur lequel je souhaiterais peut-être revenir

19 par la suite, pour dire tout simplement que je ne sais pas si c'est le cas

20 réellement ou non. Il est certain néanmoins qu'à toutes les occasions

21 possibles, on a rappelé à l'accusé qu'il était nécessaire d'envoyer ses

22 demandes rapidement pour que les gouvernements en question puissent traiter

23 la question rapidement. Comme je l'ai indiqué, il y a certaines personnes

24 qui -- cela prend plus de temps qu'il leur reste, en fait, à la

25 présentation des moyens de la Défense. Cela prend, en général, plus de

Page 38473

1 temps de faire venir ces témoins.

2 S'il a l'intention de citer à la barre des témoins internationaux

3 précisés par Me Kay et Mme Higgins, je crois, qu'il est important que les

4 Juges de la Chambre tiennent compte de cela lorsqu'on calcule temps imparti

5 à l'accusé par rapport à ces témoignages, parce que cela prendra peut-être

6 du temps et si la demande de citation à la barre est présentée de façon

7 tardive, cela aura une incidence sur le temps, et il ne faut pas ici

8 dépasser ce qui est imparti par le Règlement. Il ne s'agit pas non plus de

9 forcer la Chambre de première instance à dépasser un temps raisonnable et

10 permettre à l'accusé quelque chose qui serait plus long pour qu'il puisse

11 présenter ses moyens.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'en ai parlé et il ne serait pas

13 déraisonnable qu'une telle demande porte sur une demande de prorogation

14 d'une semaine ou à la fin de la période impartie par le Règlement. Quoi

15 qu'il en soit, les Juges de la Chambre n'accepteront pas cette prolongation

16 de présenter des moyens de la Défense.

17 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie

18 beaucoup. Je n'ai rien d'autre à dire à ce sujet.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, évidemment, la Chambre de

21 première instance se penchera à nouveau sur toutes ces questions, et si

22 elle estime que cela est approprié, elle rendra une ordonnance, mais il y a

23 un ou deux points qui seraient peut-être utile d'aborder maintenant.

24 Si nous devons prolonger le nombre d'audiences et passer de trois à quatre,

25 nous ne le ferions pas sans recueillir les conseils des médecins, car nous

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1 siégions trois jours par semaine, et ce suite aux conseils des médecins, et

2 nous ne modifierons pas ce régime sans consulter les médecins sur ce point.

3 La Chambre de première instance a estimé après avoir entendu, M. Milosevic

4 et Me Kay que l'audience se tient aujourd'hui de 8 heures à 9 heures 35, et

5 de 10 heures 05 à 11 heures 40, de midi 10 à 13 heures 45, à savoir, si

6 cette période d'audience ne pourrait pas être envisagée comme une

7 éventualité. A ce moment-là, nous aurions environ trois heures ou deux

8 heures de plus par semaine.

9 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, ceci ne nous permettra

10 pas d'augmenter le nombre d'heures pour beaucoup. Cela est quelque chose

11 que nous serons tout à fait en mesure de gérer. Je comprends fort bien que

12 ceci aura une incidence sur ma façon de fonctionner. Si la Chambre de

13 première instance le souhaite, comme je l'ai expliqué au bureau du

14 Procureur, le conseil commis d'office et l'accusé trouveront les ressources

15 nécessaires pour répondre à cela.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est quelque chose que nous

17 envisagerions sans pour autant forcément recueillir le conseil des

18 médecins. Si nous devons siéger un jour supplémentaire ou un nombre plus

19 longs d'heures par semaine, à ce moment-là, nous devrions recueillir l'avis

20 des médecins.

21 M. KAY : [interprétation] Nous sommes, de toute façon, dans les lieux à

22 cette heure-là déjà. Cela ne nous pose aucun problème.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est juste une idée que nous venons

24 de soumettre. Il y a évidemment un certain nombre de questions liées à cela

25 dont il faudra tenir compte, par exemple, le personnel, et cetera.

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1 M. KAY : [interprétation] Peut-être que les pauses au cours de la journée

2 serait une demi-heure au lieu de 20 minutes à ce moment-là, mais je crois

3 que le temps de préparation sera moins long, la photocopie des documents,

4 la distribution des documents, la lecture des documents, tout ce temps-là,

5 ceci pourrait être fort utile si nous pouvions le faire le jour même.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous souhaitez

7 prendre la parole.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, vous récupérez la quatrième

9 journée que vous rajoutez, mais vous la rajoutez d'une autre façon.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, cela ne correspondrait pas à

11 une journée, Monsieur Milosevic, c'est simplement deux heures et demi à

12 trois heures. Une journée compte en temps d'audience quatre heures environ.

13 Monsieur Milosevic, il y a un point que je souhaite aborder avec vous

14 maintenant. M. Nice a évoqué la question de savoir si vous alliez témoigner

15 ou répondre par écrit à quelque chose qui a été abordé dans notre

16 ordonnance du 17 juin, où nous avons précisé que l'accusé doit préciser

17 s'il souhaite témoigner ou non, combien de temps durera ce témoignage et à

18 quel moment ceci sera fait.

19 Nous n'avons pas fixé de délai pour le dépôt de cette demande, mais

20 je vais vous demander maintenant si vous souhaitez faire une déposition, et

21 si oui, à quel moment et combien de temps durera votre déposition ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'entends par là que vous n'avez pas

24 l'intention de faire une déposition.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas l'intention.

Page 38476

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que cela signifie que vous

2 allez faire une déclaration sans prêter serment ?

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai déjà fait des déclarations et j'ai

4 présenté un mémoire préalable ou des propos préalables, mais je ne vais pas

5 témoigner parce qu'il faudrait que je prête serment devant une institution

6 que j'estime illégale.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous n'avez pas répondu à la

8 question de savoir si vous allez faire une déclaration sans prêter serment,

9 est-ce que je dois comprendre que vous n'allez par faire de déclaration du

10 tout.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je viens de vous dire que j'ai déjà fait deux

12 déclarations et que j'ai eu des propos liminaires ici. Pour autant que je

13 l'aie compris, j'ai droit à des propos de clôture également.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, absolument. Vous êtes tout à

15 fait en droit de faire une déclaration à la fin de la présentation de vos

16 moyens.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. NICE : [interprétation] Je peux interrompre quelques instants, s'il vous

19 plaît.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

21 M. NICE : [interprétation] Je crois qu'il ne faut pas considérer que la

22 réponse ou l'observation de l'accusé est une réponse à une question qui

23 pourtant était très claire. Je souhaite établir un lien ici ou un rapport

24 avec d'autres points que j'ai abordés qui étaient à l'ordre du jour pour

25 aujourd'hui. Lorsque j'ai proposé que lors des plaidoiries, je crois, que

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1 ce qui serait fort utile serait un dialogue entre la Chambre de première

2 instance et les parties suite à la présentation de mots écrits.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que nous avions déjà abordé

4 tout cela.

5 M. NICE : [interprétation] Ce que je proposais, c'est que les parties

6 soient obligées de répondre aux questions. Je reviens pour dire que la

7 Chambre a posé une question très claire à l'accusé et que l'accusé n'a pas

8 répondu. J'insiste pour que la Chambre de première instance réitère la

9 question, car le calendrier est important et lorsque les éléments que j'ai

10 à l'ordre du jour viendront à être présentés, il sera nécessaire, à ce

11 moment-là, qu'il y ait un dialogue avec la Chambre de première instance.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A quelle question n'a-t-il pas

13 répondu, je ne suis pas tout à fait sûr.

14 M. NICE : [interprétation] En répondant à la question à savoir s'il va

15 faire une déclaration sans prêter serment.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois qu'il a été très clair, il a

17 dit qu'il ne ferait aucune déclaration et qu'il allait simplement présenter

18 sa plaidoirie.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est ce que je comprends.

20 M. NICE : [aucune interprétation]

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A ce moment-là, la Chambre de première

22 instance aura les différents éléments et il y aura la présentation des

23 arguments des parties si c'est quelque chose auquel il souhaite participer

24 ou ne pas participer.

25 M. NICE : [interprétation] D'après ce que j'ai compris lorsqu'il a fait

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1 référence à sa plaidoirie, je pense que ceci répond aux exigences de

2 l'Article 86(F).

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Milosevic, il y a deux points

5 que je souhaite aborder avec vous maintenant. Si je fais un rapide calcul,

6 à partir d'aujourd'hui, nous sommes déjà à un tiers des 150 jours. Nous

7 sommes à 50 jours environ aujourd'hui. Ceci est un calcul rapide que j'ai

8 fait ici.

9 Pourriez-vous nous dire où vous vous trouvez par rapport à la

10 présentation des moyens à décharge de la Défense sur la question du Kosovo,

11 s'il vous plaît.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que les choses soient tout à fait

13 claires sur un sujet, Monsieur Bonomy. Si je me penche justement sur le

14 papier émanant de vous, qu'on m'a confié pour les besoins de cette

15 Conférence de mise en état, j'y vois que, jusqu'à présent, j'aurais

16 exploité un peu moins du quart de mon temps. En effet, on dit ici --

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que --

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] On dit 88, 360. Cela fait un peu moins d'un

19 quart de mon temps.

20 J'ai indiqué, lorsque M. Robinson avait dit que cela n'allait pas

21 faire l'objet du débat à présent, j'ai compris que votre décision était

22 celle de dire que la partie adverse aurait droit à

23 60 % de mon temps. Donc, sur dix heures à moi, elle aurait droit à six

24 heures à elle et vice et versa. A chaque fois qu'elle aura exploité six

25 heures, j'aurai dix heures à mettre à profit moi-même.

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1 Si l'on fait ce calcul, sans pour autant s'aventurer dans le temps

2 imparti auparavant, étant donné que l'Accusation a eu 58 heures 43 minutes,

3 et cetera, disons 60 heures pour arrondir, par rapport à leurs heures, je

4 devrais en avoir 100 et non pas 88 parce que c'est là le rapport dix pour

5 six que vous avez déterminé, que vous avez établi. Je pense que vous

6 devriez procéder à une correction adéquate du temps imparti en faisant

7 recours à l'arithmétique la plus élémentaire.

8 Je ne voudrais pas qu'on dise que je suis passé outre. Je demande, en

9 effet, plus de temps parce qu'il ne fait point de doute qu'il convient

10 d'avoir plus de temps à sa disposition pour entendre les témoins pertinents

11 concernant les chefs d'accusation qui sont allégués ici. Cela se trouve à

12 être dans l'intérêt de la justice et de l'équité et non pas dans l'intérêt

13 d'un gaspillage du temps ou dans l'intérêt affirmé par M. Nice me

14 concernant ou j'aurais pour objectif de faire durer ceci le plus longtemps

15 possible. Croyez-moi bien que je ne me réjouis pas de ce qui se fait ici.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je me demande si vous pourriez

17 répondre à la question que je vous ai posée, à savoir, pourriez-vous nous

18 dire à combien de temps vous vous trouvez de la présentation de vos moyens

19 sur la question du Kosovo et combien de temps vous faut-il encore pour

20 présenter vos moyens ? Telle était ma question.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si je puis ajouter ceci : le temps que

22 vous avez utilisé jusqu'à présent, ceci a commencé pour vous à compter à

23 partir du 10 mars, vous avez déjà dépassé le tiers de votre temps. Je ne

24 peux pas vous donner les chiffres exacts, mais vous êtes à un tiers de

25 votre temps.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je prends parfaitement en considération ce que

2 vous venez de me dire, Monsieur Kwon. Mais je me sers des données

3 statistiques qu'on m'a données, qu'on m'a fournies. Je ne m'entends pas

4 élaborer des constructions et faire des calculs, moi-même. Je me sers de

5 statistiques qu'on m'a données et je compte bien admettre qu'il y a une

6 espèce de battements entre le moment où l'on fournit des données

7 statistiques et le moment présent.

8 Je ne peux pas vous répondre, Monsieur Bonomy, avec exactitude pour ce qui

9 est de savoir combien de temps il me faut pour le volet Kosovo, encore. En

10 planifiant mon emploi du temps, je me suis dit que, s'agissant du Kosovo :

11 Je prendrais un peu plus du tiers de la totalité du temps, un peu plus du

12 tiers mais pas la moitié de ce qui m'a été mis à disposition.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le deuxième point que je souhaite

14 aborder avec vous porte sur le point 14 du document fourni par

15 l'Accusation. Nous sommes conscients du fait que vous avez le droit de

16 présenter vos moyens comme bon vous semble, et nous sommes conscients du

17 fait également que le temps de préparations de résumés 65 ter est une

18 charge de travail lourde. Dans la phase de préparation des moyens à

19 décharge, néanmoins, la tendance générale consistait pour vous à présenter

20 des listes de témoins assez courtes. Je ne m'en plains pas, car le temps

21 pour auditionner ces témoins est long. Cela ne me pose aucun problème, mais

22 cela pourrait être difficile pour l'Accusation, et cela m'a frappé. Peut-

23 être que vous pourriez nous présenter de meilleurs résumés des éléments sur

24 le propos duquel vous avez l'intention de poser des questions aux témoins.

25 Je parle ici des listes et des petits résumés que vous nous souhaitez

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1 toutes les semaines.

2 Par exemple, cela ne sert pas à grand-chose pour nous de savoir qu'un

3 témoin va parler de sa connaissance particulière des événements qui se sont

4 déroulés au Kosovo. Cela nous aiderait de savoir sur quoi il va parler au

5 cours de son témoignage, et je suis quasiment certain que cela vous

6 aiderait dans la présentation de vos moyens si vous pouviez à l'avance

7 définir les sujets qui seront abordés. Je crois que nous pourrions vous

8 aider davantage également pour concentrer l'attention du témoin sur les

9 points pertinents si nous avions un meilleur résumé qui nous serait

10 présenté à l'avance.

11 Est-ce que vous pourriez rédiger ces résumés différemment ? Ceux-ci

12 seraient fort utiles à la Chambre de première instance et seraient fort

13 utiles pour vous dans la présentation de vos moyens.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très certainement, Monsieur Bonomy. Ces

15 possibilités existent et je n'ai aucune raison vraiment si ce n'est le

16 manque de temps de ne pas élargir ces listes. Je m'efforcerais d'être plus

17 exhaustif. J'admets que ce résumé est assez léger, et vous avez tout à fait

18 raison qui est de dire qu'il ne suffit pas d'indiquer que le témoin parlera

19 de ces connaissances personnelles de ce que la situation au Kosovo avait

20 été. Cela ne vous aidera pas beaucoup.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'efforcerai de faire mieux, ou plutôt,

23 d'étoffer quelque peu ceci.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pardonnez-moi, il y a un autre point

25 que je souhaitais aborder.

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1 Quelque chose qui a trait au point 13. Pour exactement les mêmes raisons, à

2 savoir, dans votre intérêt et dans le nôtre, pour ce qui est d'une bonne

3 évaluation des éléments présentés, il serait utile pour nous maintenant -

4 je n'entends pas immédiatement; mais dans les quelques jours - si vous

5 pourriez nous dire quels sont les experts témoins, ceux qui tombent dans

6 cette catégorie et qui seront cités à la barre tout au long de ce procès

7 par vous-même. Si vous pouvez nous préciser quels sont ces témoins experts,

8 de façon à ce que nous puissions nous organiser pour pouvoir lire les

9 rapports de ces experts.

10 Nous, les Juges, ainsi que l'Accusation, serez-vous en mesure de nous dire

11 combien de ces experts vous allez citer à la barre ? Vous n'êtes pas obligé

12 de vous engager sur un chiffre précis, mais pour le temps qui vous reste

13 pour la présentation de moyens, de manière à ce que nous puissions nous

14 préparer, que nous puissions lire les rapports des experts à l'avance.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très certainement, Monsieur Bonomy. Je vais le

16 faire en passant par le biais de l'officier de liaison.

17 Maintenant, pour ce qui est des résumés encore, auxquels vous vous êtes

18 référé tout à l'heure, je tiens à ce que vous ne perdez pas de vue une

19 chose, à savoir que la Chambre à interrompu ces activités lorsque la partie

20 adverse a déclaré qu'elle avait terminé, et que j'étais alité moi-même.

21 J'ai six semaines pour fournir une liste de témoins, une liste de pièces à

22 conviction, raison pour laquelle ces résumés sont aussi courts que ceci.

23 Je suppose maintenant que les conditions se trouvent être réunies pour que

24 les résumés soient effectivement plus utiles vous concernant et concernant

25 la liste de comparution de témoins.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'espère que j'ai été clair là-dessus.

2 J'ai fort bien compris la raison pour laquelle les résumés sont arrivés

3 comme ils sont arrivés. Je vous remercie de bien vouloir améliorer ceci.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que nous sommes arrivés à

5 la fin de cette Conférence de mise en état. Nous allons faire une pause

6 maintenant, une pause de 30 minutes et reprendre le procès à 10 heures.

7 L'audience est levée.

8 --- L'audience est suspendue à 09 heures 29.

9 --- L'audience est reprise à 10 heures 04.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, je ne me souviens plus

11 très bien : est-ce que vous aviez demandé la parole ?

12 M. KAY : [interprétation] M. Nice avait terminé et j'étais sur le point de

13 répondre.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

15 M. KAY : [interprétation] Cela ne prendra pas longtemps puisque j'ai déjà

16 présenté certains arguments liminaires hier, suite aux commentaires de M.

17 le Juge Bonomy au sujet de l'équité de tout le processus appliquant ce

18 témoin.

19 Suite aux observations de M. le Juge, nous avons lu le compte rendu

20 d'audience, à savoir, plus particulièrement, la déposition de M. Jasovic

21 dans l'autre procès, le procès Limaj, et il est clair que l'Accusation l'a

22 cité à la barre en tant que témoin susceptible de dire la vérité.

23 L'Accusation n'a pas contesté le récit fait par ce témoin qui a été

24 présenté au Tribunal comme un témoin sur lequel la Chambre pouvait compter.

25 Dans le prétoire où nous nous trouvons actuellement, l'intention de

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1 l'Accusation n'est pas d'aborder ce témoin dans les mêmes conditions. Or,

2 le Procureur est une entité indivisible. C'est la raison pour laquelle on

3 parle du bureau du Procureur. A mon avis, il serait injuste à l'égard de

4 l'accusé, et j'insiste sur le mot équité qui se trouve dans le statut du

5 Tribunal, il serait injuste pour l'accusé de se trouver face à cette

6 situation de la part de l'Accusation, car en raison du simple fait que

7 l'Accusation cite ce témoin à la barre dans ce prétoire parce qu'il a

8 témoigné dans une autre affaire. L'accusé devrait répondre à ces dires.

9 Ceci est inéquitable à l'égard de l'accusé. Simplement en raison du fait

10 qu'un enquêteur ou que M. Saxon est allé voir trois témoins pendant le

11 week-end pour recueillir leurs déclarations dans lesquelles il nie la

12 véracité du témoignage du témoin dont nous parlons, en parlant de faux, il

13 faudrait agir de la sorte alors qu'aucune enquête n'a été menée par le

14 bureau du Procureur sur cette question. On en est resté aux affirmations

15 des témoins en question. Il apparaît clairement à l'ensemble d'entre nous,

16 s'agissant de la personne qui a déclaré que sa signature avait été imitée

17 et qu'il n'avait pas signé sa déclaration préalable, bien, à première vue

18 sur la base d'une simple comparaison des écritures, il peut nous apparaître

19 que ceci est contraire à la vérité. Mais, aucun de ces problèmes n'a fait

20 l'objet d'une enquête de la part du Procureur. Le Procureur s'est

21 simplement contenter de dire M. Milosevic souhaite entendre ce témoin, et

22 nous nous y opposons. Nous ne sommes pas prêts à admettre d'entendre ce

23 témoin ou de poser la moindre question à M. Jasovic sur ce sujet.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les questions qui font l'objet de la

25 déposition de ce témoin dans l'affaire Limaj sont-elles les mêmes que

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1 celles qui feraient l'objet de sa déposition ici ?

2 M. KAY : [interprétation] Oui. Il s'agit de ce que cet homme sait au sujet

3 des membres de l'UCK et des enquêtes qu'il a menées en tant qu'agent de

4 police dans la région d'Orahovac et de Stimlje. C'est dans le cadre de ces

5 activités en tant qu'officier de police qu'il est cité à la barre par ce

6 Tribunal.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Kay, je ne pense pas que le

8 problème soit un problème d'équité. Je me demandais si la chose était

9 opportune, je veux dire, s'il y a le moindre problème dans cette affaire,

10 et si tel est le cas, il me semble que le problème est sans doute un

11 problème de recevabilité plus que d'équité. Il est possible que des

12 éléments de preuve puissent être recueillis de la bouche de ce témoin, mais

13 j'ai toujours en tête l'idée que le Procureur va devoir se prononcer dans

14 un sens ou dans l'autre à un moment ou à un autre. Peut-être pas

15 maintenant. Il est possible que l'une des dépositions entendue dans cette

16 affaire soit examinée plus tard, et puisse servir de base à la prise de la

17 position de l'Accusation, mais l'Accusation ne peut pas aller dans les deux

18 sens.

19 Je ne vois pas de différence ici avec une situation où un officier de

20 police serait accusé de crimes graves, d'atteinte grave, à l'honnêteté ou à

21 la justice et traduit à la barre en tant que témoin de véracité dans un

22 autre procès que celui qui lui ait intenté. Je ne peux envisager la

23 situation où il aurait à faire face à des allégations de ce genre, des

24 allégations de manque d'équité, manque d'honnêteté et exposer la vérité

25 dans une autre affaire.

Page 38486

1 M. KAY : [interprétation] Oui, je remarque que vous avez utilisé le mot

2 "opportun" Monsieur le Juge, et j'en reviendrais à la jurisprudence de ce

3 Tribunal qui ne nous dit pas exactement quels sont les articles du

4 Règlement qui sont appliqués dans une affaire de ce genre. J'ai parlé d'un

5 problème d'équité. J'ai dit que la chose serait inéquitable, mais nous

6 savons tous dans nos systèmes judiciaires nationaux que certaines affaires

7 ont été totalement retournées ou interrompues d'ailleurs parce qu'une

8 position contraire a été adoptée au sujet d'un officier de police dans un

9 procès ou intentée à cet officier de police alors qu'il témoignait dans un

10 autre procès.

11 Il me semble que l'Accusation est prête à commettre un coup bas contre

12 l'accusé, M. Milosevic, en présentant des affirmations qui ne font l'objet

13 d'aucune investigation. Nous avons tous vu les écritures sur les documents

14 en question. Il a même été question d'entendre un expert en graphologie.

15 Mais aucune investigation n'a été poursuivie plus loin que cela par rapport

16 à ce témoin qui a été cité à la barre en tant que témoin de véracité.

17 Voilà les problèmes sur lesquels j'aimerais mettre l'accent devant cette

18 Chambre en sus de ce que j'ai déjà dit hier, que je ne répèterai pas.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Kay.

20 M. NICE : [interprétation] Si l'accusé veut prendre la parole, j'indique

21 que j'aurais une correction à apporter, par la suite. Peut-être est-il

22 préférable d'entendre, d'abord, l'accusé.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, sans entrer trop dans le

25 détail de la procédure, je tiens à vous rappeler quelque chose qui est

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1 assez évident.

2 Lors de l'audition de ce témoin, vous avez eu la possibilité

3 d'apprendre de nombreux éléments au sujet des activités terroristes menées

4 en 1998 et 1999. Finalement, ces activités terroristes consistaient en

5 assassinats de nombreuses personnes, embuscades, enlèvements de Serbes,

6 d'Albanais; assassinats de policiers, de militaires, et cetera et à cet

7 égard, un grand nombre d'éléments a été apporté par cette déposition.

8 Maintenant, quelle est la situation dans laquelle nous nous trouvons.

9 Jasovic est un inspecteur de police qui, d'après les documents qui se

10 trouvent dans mon classeur d'éléments de preuve, dont je souhaite le verser

11 mon dossier par le biais de ce témoin, qui a recueilli un certain nombre

12 d'éléments au sujet de faits à une époque où la population avait affaire à

13 des activités terroristes au

14 Kosovo-Metohija. Cet homme, en tant qu'inspecteur de police, a recueilli

15 des éléments aux fins d'identifier les membres de l'organisation terroriste

16 qui s'exprimaient publiquement et disaient publiquement être responsables

17 d'un certain nombre d'actes terroristes. C'est dans le but d'identifier les

18 membres de cette organisation, c'est dans le but de permettre à la police

19 d'accéder à ces hommes, de les arrêter et de les traduire en justice que

20 ces éléments ont été recueillis par Jasovic.

21 Maintenant, je pose une seule et unique question : y a-t-il quelque

22 part dans le monde une police qui, durant le processus d'identification de

23 membres d'une organisation terroriste, recueillerait des renseignements

24 faux ou mensongers qui ne sauraient permettre d'accéder, d'arriver

25 jusqu'aux membres de cette organisation ?

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1 Jasovic a entendu un grand nombre d'individus et suite à ces

2 auditions, il a obtenu de nombreux détails au sujet d'hommes qui étaient

3 membres de l'organisation terroriste en question, sur le territoire où

4 Jasovic travaillait. En effet, il était inspecteur relevant du ministère de

5 l'Intérieur à Urosevac, c'est-à-dire, Stimlje, Racak, Petrovo Selo; voilà

6 la zone très restreinte où il exerçait ses fonctions.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais Monsieur Milosevic, il y a

8 partout, dans le monde, des exemples de policiers qui fabriquent de fausses

9 preuves de toutes pièces. C'est quelque chose qui se passe, y compris, dans

10 les polices les plus réputées du monde, une forme de déni de justice qu'on

11 trouve un peu partout.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais ici, il faut bien comprendre qu'il s'agit

13 d'éléments susceptibles de permettre à la police d'arriver jusqu'aux

14 terroristes et comment est-ce que la police pourrait arriver jusqu'aux

15 terroristes sur la base d'éléments falsifiés ? En effet, si nous prenons

16 ces très nombreux hommes qui ont été entendus par le policier en question,

17 la plupart d'entre eux n'ont même pas été traduits en justice, n'ont pas

18 été mis en accusation, n'ont pas été arrêtés. Ils ont simplement été

19 entendus afin de fournir des renseignements et les policiers qui

20 entendaient ces individus rédigeaient, suite à l'audition, une note

21 officielle sur laquelle il fallait apposer une signature et ce sont

22 toujours les policiers qui rédigent et signent ce genre de notes.

23 A la lecture de ces notes officielles qui ont été traduites, vous

24 constaterez, vous-même, qu'on y trouve un grand nombre de faits qu'il est

25 possible de vérifier et de contre vérifier en se fondant sur diverses

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1 sources et tout cela sur la base des auditions de tous ces individus.

2 J'insiste sur le fait que des actes terroristes nombreux

3 avaient lieu en 1998 et 1999;, par conséquent, cela n'a rien à voir avec

4 des témoins qui pourraient potentiellement se voir appliquer l'Article 92

5 bis du Règlement. Il s'agit de documents qui ont été établis dans le cadre

6 de l'action policière d'officiers de police qui cherchaient à recueillir un

7 maximum de faits relatifs à une organisation terroriste et aux auteurs de

8 crimes particulièrement graves qui sont précisés et décrits dans ces notes

9 officielles et tout cela aux fins d'identifier, de localiser et d'arrêter

10 les auteurs de ces actes.

11 Par conséquent, il est question, ici, de toutes sortes d'actions qui

12 ont été entreprises pour faire appliquer la loi et agir dans la plus grande

13 légalité en menant une action policière visant à localiser et à appréhender

14 ces individus.

15 Il y a de très nombreuses auditions, dépositions que j'ai ici en ma

16 possession. J'ai même rédigé un tableau -- enfin, ce n'est pas moi qui l'ai

17 fait, mais ce sont mes collaborateurs, récapitulatif de toutes ces

18 déclarations, de toutes ces dépositions et nous voyons dans ce tableau, par

19 exemple, que 40 personnes ont été tuées à Racak et que 30 d'entre elles qui

20 ont été identifiées voient leurs noms figurer dans la déposition des

21 personnes auditionnées en tant que membre de l'UCK. L'une des ces personnes

22 est même mentionnée dans neuf dépositions des personnes entendues.

23 Certaines voient leurs noms figurer dans un nombre moins important de

24 dépositions, dans cinq, dans quatre, dans trois ou quelque fois dans deux

25 dépositions, mais il y en a dont le nom figure dans quatre, cinq et même

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1 neuf dépositions.

2 Par conséquent, on voit très clairement quelle est la grande

3 pertinence de ces éléments d'information qui permet de jeter une lumière

4 beaucoup plus grande sur les événements réellement survenus à Racak pour

5 établir la vérité à ce sujet.

6 Messieurs, il ne faut pas perdre de vue que je suis accusé, ici, par

7 la partie adverse pour assassinat de ces 40 personnes tuées à Racak et je

8 maintiens qu'aucun des policiers qui a participé aux activités menées à

9 Racak n'aurait dû être accusé d'assassinats puisque c'est la police qui

10 intervenait dans l'exercice de ses fonctions officielles. Shukri Buja qui

11 était commandant au sein de cette force de police a expliqué, ici, qu'à

12 l'époque, lorsque la police a pénétré dans Racak, il a essuyé un tir de

13 mitrailleuse très nourrie, tirs provoqués par les membres de l'UCK. Par

14 conséquent, vous voyez bien que l'affrontement était un affrontement très

15 dur et dans les documents dont je vous parle, vous constaterez qu'à Racak,

16 à Petrovo Selo et dans d'autres villages environnants, la présence de l'UCK

17 était très importante et que cette organisation y était très active. Ce

18 sont les questions qui ont précisément été traitées par l'inspecteur de

19 police dont nous parlons.

20 Par ailleurs, si je me fonde sur les dépositions que j'ai en ma

21 possession, je peux vous dire qu'elles vous permettront de constater qu'à

22 Urosevac, il y avait un centre du SUP et que cet inspecteur travaillait

23 dans ce centre aux côtés de nombreux autres inspecteurs de polices qui

24 étaient albanais. Ils remplissaient les mêmes tâches. Certains d'entres eux

25 sont morts, par la suite, après le retrait de nos forces du Kosovo-

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1 Metohija. Vous constaterez que cet inspecteur avait des contacts avec des

2 Albanais du Kosovo-Metohija dans le cadre de son travail et qu'il a

3 maintenu, qu'il a conservé ses contacts. Par conséquent, il est tout à fait

4 logique d'entendre cet homme dans le cadre du procès qui se déroule ici.

5 M. Nice a déclaré, et j'ai pris note de ses propos, qu'au cours de ce

6 procès, il est devenu apparent que de nombreux motifs existent pour mettre

7 en doute la déposition de Jasovic. Je ne suis pas sûr que ces motifs clairs

8 existent; je ne les ai pas trouvés, pour ma part. Ce que j'ai constaté,

9 c'est que M. Nice a présenté, ici, trois dépositions, trois déclarations

10 recueillies la semaine dernière de la bouche de trois Albanais qui

11 prétendent avoir été forcés à s'exprimer et avoir fait ces déclarations

12 sous la contrainte.

13 Messieurs, permettez-moi de vous dire que personne habitant au Kosovo

14 aujourd'hui, dans le cadre de la terreur exercée par l'UCK, ne serait prêt

15 à admettre avoir fourni des renseignements à la police au sujet des actes

16 de l'UCK. Pas même les familles des victimes de l'UCK de l'époque qui

17 n'osent pas témoigner au sujet des êtres qui leur sont les plus chers et

18 qui ont été tués. Pourquoi ? Parce que ces familles ont peur pour leur vie.

19 Par conséquent, ici, il s'agit d'un inspecteur qui peut confirmer les

20 dires de témoins qui ont été interrogés par la police et qui ont répondu

21 aux questions de la police.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je crois que

23 nous en avons entendu assez.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, l'une des écritures

25 déposées par Me Kay concerne la déposition d'une personne qu'on connaît, en

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1 général, sous le nom du capitaine Dragan.

2 M. NICE : [interprétation] Oui.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction

4 391. Vous n'avez rien dit sur ce sujet.

5 M. NICE : [interprétation] Non, mais --

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai vu des parties importantes du

7 compte rendu d'audience relatif à ce sujet et il me semble que la plus

8 grande confusion règne sur ce point; il semble que dix mille documents, au

9 moins, aient été versés en quelques instants, durant cette déposition. On

10 pourrait interpréter les choses comme disant qu'ils n'ont pas été versés au

11 dossier, mais c'est une autre façon de voir les choses.

12 Alors, qu'avez-vous à dire à ce sujet ? Quelle est la différence entre ce

13 processus et celui dont nous parlons à l'instant ?

14 M. NICE : [interprétation] Je pense que les documents qui ont été versés au

15 dossier dont vous parlez étaient destinés à être examinés beaucoup plus

16 tard et démontraient que certaines personnes avaient pu participer à

17 certains rassemblements. Tel était l'objet du versement de ces documents.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle différence y a-t-il entre cette

19 situation et celle des documents dont nous parlons ici, aujourd'hui ?

20 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Juge, d'abord, la question qui se

21 posait dans la situation précédente n'était pas de savoir si des individus

22 étaient tombés au combat ou pas. Le point d'intérêt était, davantage, de

23 savoir si certaines personnes identifiées en tant que victimes étaient

24 membres de l'UCK alors qu'elles étaient identifiées en tant que victimes

25 dans l'acte d'accusation. La question était beaucoup plus circonscrite,

Page 38493

1 moins générale que de prouver que des personnes ont trouvé la mort au cours

2 de combats ou pas.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai quelques difficultés à voir la

4 distinction pour ma part. La différence entre une déposition qui indique

5 que certaines personnes sont des combattants de l'UCK et une autre

6 déposition qui indique que des personnes sont des Serbes qui ont combattu

7 en Bosnie et Croatie. Où est la différence entre les deux ?

8 M. NICE : [interprétation] J'ai deux arguments à ce sujet. L'un, c'est que

9 dans un cas, il s'agit de déposition très générale qu'il est impossible de

10 qualifier de déposition individuelle et qui doit être traitée comme une

11 pièce collective, s'agissant de prouver l'existence de tel ou tel

12 événement. Ces documents ont pour but de prouver des aspects très généraux

13 de la situation et si nous parlons des victimes dont le nom est mentionné

14 dans ces documents, leur statut doit être prouvé par ces documents à partir

15 d'une déclaration très générale quant aux faits que certaines personnes de

16 l'UCK opéraient de telle ou telle façon à tel ou tel moment; ceci peut,

17 bien sûr; être démontré de façon générale sans tenir compte d'aspects plus

18 particuliers relatifs directement au chef de l'acte d'accusation. Il y a

19 une distinction importante à cet égard.

20 Lorsqu'on parle d'éléments de preuve massifs ou généraux de cette nature

21 versés au dossier par le biais du capitaine Dragan, on n'est plus dans le

22 domaine de l'individuel; la Chambre est habilité à les aborder, ces

23 documents, d'une façon différente, s'agissant de les contester ou pas dans

24 le détail ou d'une façon générale. La méthode d'approche de ces éléments de

25 preuve est différente, également,

Page 38494

1 s'agissant de la façon de les contester. Il ne s'agit pas d'éléments

2 matériels, mais d'aspect très généraux de la situation.

3 S'il y a contestation on verra quelle sera la valeur du document en

4 question. Mais il est possible qu'il n'y ait pas contestation que l'accusé

5 n'ait pas l'intention de mettre en cause l'aspect général qu'on trouve dans

6 ces éléments de preuve. Tout dépend de l'interprétation des conséquences

7 juridiques qui en découleront.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je lis les éléments de preuve dans

9 la présente affaire et je vous rappelle avoir dit que plus de 10 000 pages

10 de documents n'ont pas encore été examinées du tout. Est-ce que je dois

11 considérer ce que vous venez de dire comme signifiant que ce n'est pas

12 l'objet du débat, que ces documents ont été établis par quelqu'un dont

13 l'intérêt n'était pas que ces documents soient utilisés ? C'est cela la

14 distinction que vous établissez ?

15 M. NICE : [interprétation] Non, le témoin en question a produit ces

16 documents dans le cadre d'une procédure administrative générale et il n'y

17 avait aucune intention particulière s'agissant de dire la vérité à l'aide

18 de ces documents.

19 Mme Dicklich m'indique qu'un exemplaire de ces documents constitue une

20 pièce à conviction et je crois que cela n'est pas contraire au principe que

21 vous avez à l'esprit, Monsieur le Juge. Je pourrais vous en parler, si vous

22 le souhaitez.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne sais toujours pas très bien

24 quelles sont les différentes interprétations qu'on peut faire de tout cela.

25 Merci. Je vous en prie.

Page 38495

1 M. NICE : [interprétation] Je serai précis, et je remercie

2 Mme Dicklich. Le CD contenant ces documents a été enregistré en tant que

3 pièce 391, intercalaire 1 et ensuite, ces documents se retrouvent dans tous

4 les intercalaires de 1 à 8 de la pièce 391. Mais il y a un échantillon de

5 ces documents qui a été versé au dossier, qui constitue désormais, déjà,

6 une pièce à conviction. Voilà le détail que j'avais à vous communiquer,

7 Monsieur le Juge; bien sûr, il reste à examiner ces documents.

8 Mais en dehors des différences factuelles, en dehors du fait que nous ne

9 savons pas s'il y a réellement contestation entre les parties au sujet de

10 ces documents et des faits qu'ils décrivent parce que c'est peut-être un

11 problème d'interprétation du droit ou d'une façon différente de considérer

12 l'intérêt de l'accusé. Il y a une grande différence s'agissant de

13 l'identification d'individus en tant que victimes de crimes déterminés.

14 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vous indique plus

15 spécialement un certain nombre de points qui découlent des propos de

16 l'accusé et de Me Kay et qui rentrent dans le cadre des propos de l'accusé

17 et de Me Kay.

18 Il est clair que l'accusé s'appuie sur ces documents pour démontrer que 30

19 victimes des événements de Racak étaient des membres actifs de l'UCK. Je

20 n'ai pas encore retrouvé ces 30 noms. Je vous demande une minute.

21 Il me semble que pour l'instant, nous n'avons trouvé qu'une seule personne

22 dont le nom figure sur la liste des victimes. Peut-être une certaine

23 confusion a-t-elle été créée par le fait que la même personne peut avoir

24 plusieurs noms; cela sera un travail assez considérable que d'analyser dans

25 le détail toutes ces listes pour voir à qui appartient telle ou telle

Page 38496

1 déposition. Manifestement, le tableau de Me Kay -- ou plutôt, excusez-moi,

2 le tableau de l'accusé pourra être très utile, si nous en arrivons à devoir

3 effectuer ce travail. Mais pour le moment, nous ne voyons pas comment il

4 est possible de dire que 30 membres de l'UCK ont été identifiés par leurs

5 noms.

6 Si même, il devait y avoir 30 personnes identifiées, bien sûr, il faudra

7 que l'Accusation fasse quelques recherches, je vous rappellerais que j'ai

8 dit déjà, à plusieurs reprises, que s'il s'avère nécessaire de mener un

9 travail de recherche sur la base de certaines affirmations, je

10 m'empresserais d'effectuer ce travail.

11 L'accusé a évoqué un certain nombre d'arguments, repris en partie Me

12 Kay, quant au fait que mon intention serait simplement de souligner la

13 nécessité pour les témoins de venir déposer au sujet des personnes qu'ils

14 connaissent comme étant membres de l'UCK. Je déclare, que malgré cette

15 affirmation très générale de l'accusé,

16 personne au Kosovo, à ce moment, quant au fait que personne au Kosovo en ce

17 moment ne dira la vérité au sujet de ces événements, c'est une affirmation

18 que l'accusé ne devrait pas faire s'il voulait être réaliste. Je reprendrai

19 également l'observation de M. Kay qui dit qu'il serait injuste que nous

20 adoptions une position contraire à celle-ci. Ce faisant, je reviendrai sur

21 ce que j'ai déjà dit hier, sur lequel j'aimerais mettre l'accent, parce que

22 le témoin dont nous parlons a été cité à la barre dans une autre affaire.

23 Les arguments qui viennent d'être développés ne s'appliquent pas à lui, ou

24 en tout cas, à l'utilité de l'entendre sur des points très importants en

25 tant que témoin auditionné de vive voix, qui ne rapporte pas des éléments

Page 38497

1 de deuxième main, mais qui parle bien d'éléments dont il a connaissance

2 dans le cadre d'une déposition directe.

3 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, encore quelques petits

4 arguments. D'abord, je comprends tout à fait la préoccupation exprimée par

5 M. le Juge Bonomy, quant à la nécessité pour l'Accusation de proposer une

6 thèse unique. Est-ce que ceci s'applique en l'espèce ? Il conviendrait

7 peut-être d'en débattre plus dans le détail, mais en tout cas, des témoins

8 ont présenté une vision des événements qui nous semblent beaucoup plus

9 acceptables que ce qui a été développé par d'autres.

10 Je reviens à l'interrogatoire, au contre-interrogatoire, et questions

11 supplémentaires de Jasovic dans une autre affaire. On ne l'a pas interrogé

12 sur le même sujet que celui qui ferait l'objet de sa déposition ici. Il a

13 été appelé dans l'autre affaire, si j'ai bien compris, à témoigner au sujet

14 des Serbes présentés comme victimes dans une affaire où les accusés étaient

15 des Albanais du Kosovo. Bien sûr, étant donné le contexte dans lequel il se

16 situe, on pourrait affirmer - je ne vais pas développer cet argument - mais

17 on pourrait affirmer que toute la vérité n'a peut-être pas été dite.

18 Mais, au cours du contre-interrogatoire mené par le conseil de la Défense,

19 qui avait déjà évoqué des mauvais traitements de prisonniers au poste de

20 police, un certain nombre de choses ont été dites. Ensuite, il y a eu

21 contre-interrogatoire fondé sur les déclarations préalables du témoin, sur

22 les dépositions obtenues par le témoin, qui avaient été remises en tant

23 qu'éléments matériels à la Chambre et qui montraient que des actes

24 répréhensibles avaient été commis au poste de police.

25 Puis, au cours des questions supplémentaires qui, je crois pouvoir le dire,

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1 peuvent être présentées comme modèles pour une Chambre de première

2 instance, donc, au cours de ces questions supplémentaires, à moins que

3 j'aie raté quelque chose, on les trouve aux pages 5 452 à 5 453 du compte

4 rendu d'audience. Le témoin s'est vu poser quatre questions générales dont

5 aucune ne peut être considérée comme visant à le réhabiliter suite aux

6 mauvais traitements évoqués au cours du contre-interrogatoire. Donc, que

7 l'Accusation dans l'autre affaire ait prise une position précise sur ces

8 questions, découle très clairement de ce que je viens de vous décrire comme

9 s'étant produit au cours de cet autre procès.

10 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la Défense affirme que nous

11 nous rendons responsable d'un coup bas. Je pense que c'est une éloquence,

12 sans doute, injustifiée. Lorsque ces éléments matériels sont arrivés entre

13 nos mains, qu'avons-nous fait ? Nous avons examiné tout ce que nous avions

14 à notre disposition à l'époque. Nous l'avons remis aux trois parties, y

15 compris à la partie adverse dès que la chose a été possible. Je ne suis pas

16 sûr que nous ayons pu faire quoi que ce soit d'autre.

17 Dans l'affaire qui nous intéresse, si ce témoin a été autorisé à témoigner,

18 nous présenterions des objections de principe. Mais, il n'est pas question

19 de dire que nous n'avons pas fait toutes les recherches nécessaires qui

20 incombaient à notre responsabilité sur les questions que je viens

21 d'évoquer.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Partons du principe un instant,

23 Monsieur Nice, que l'objet de la déposition en question consiste à

24 démontrer le fonctionnement du système et le fait que le système en

25 question a conduit les juges à apprendre que des actes nombreux étaient

Page 38499

1 menés par l'UCK à Racak et dans les environs de ce village. Est-ce que vous

2 seriez contre l'utilisation d'éléments de preuve à cette fin ?

3 M. NICE : [interprétation] Je n'en suis pas sûr. L'accusé, lui-même, vous a

4 dit qu'un témoin avait expliqué le rôle de l'UCK à Racak et avait expliqué

5 qui avait tiré le premier coup de feu le matin en question. Comme la

6 Chambre s'en rendra compte à la lecture de l'acte d'accusation dressé par

7 nous, ainsi qu'à la lecture des mémoires, les propos liminaires et des

8 mémoires préalables au procès --

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, ceci est totalement inexact.

10 Totalement inexact. J'ai évoqué Buja Shukri, commandant de l'UCK de Racak,

11 qui a témoigné ici. C'était l'un des hommes qui a tiré le premier à Racak.

12 Pas le témoin dont il est question à l'instant. Le témoin dont nous parlons

13 n'était pas à Racak. Il n'a pas parlé de cela dans sa déposition.

14 Ne perdez pas de vue le fait qu'il existe des documents officiels venant

15 d'autorités compétentes au sujet de la période en question. Le lien direct

16 avec ce témoin c'est le fait qu'il était l'un des hommes qui a recueilli

17 des dépositions et établi des notes officielles au sujet de tout cela.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, allons un peu plus loin

20 dans l'examen des critères. Ces dépositions, de qui elles viennent ? Est-ce

21 que cela a une importance ou pas ? On pourrait dire que cela n'a aucune

22 importance. Les autorités obtiennent des renseignements. A savoir si ces

23 renseignements ont été recueillis par des policiers qui ont agi de façon

24 répréhensible ou pas, on pourrait dire que cela n'a aucune importance, que

25 ce n'est pas pour cela que la déposition recueillie serait une fausse

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1 déclaration, un faux témoignage, que le comportement des policiers qui ont

2 recueilli la déposition en question n'a rien à voir avec cette question,

3 avec la responsable pénale de l'accusé. Donc, c'est une question

4 importante, s'agissant des éléments recueillis par Jasovic, si celui-ci

5 doit témoigner au sujet de ces dépositions et dire comment elles ont été

6 obtenues pour être soumises aux Juges ?

7 M. NICE : [interprétation] Je reviendrai sur deux points. L'accusé a tout à

8 fait mal compris ce que j'ai expliqué.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne pense pas que vous ayez besoin

10 d'expliciter.

11 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.

12 Deuxièmement, ma position en réponse à la question que vous avez posée,

13 Monsieur le Juge, c'est que je doute que je lèverais une objection par

14 rapport à un élément de preuve venant d'un témoin qui a parlé de façon

15 générale de prétendues actions de l'UCK. Ceci va rester ma position. Je

16 n'en changerai pas. Je doute que sa déposition se limitera à cela. Il

17 faudra vérifier d'abord si l'on peut renoncer à l'entendre. Quand je dis

18 vérifier, cela signifie sans doute une comparaison d'importance pour

19 l'affaire qui nous occupe, d'importance donc, comparer l'importance de sa

20 déposition sur le cœur même des questions évoquées dans l'acte

21 d'accusation, notamment.

22 Par exemple, je poursuis votre question, Monsieur le Juge, si la déposition

23 en question devait simplement démontrer qu'il y a eu des activités

24 importantes de l'UCK dans une région particulière à un moment particulier,

25 et que j'ai le moindre doute, ou que je pense, ou même que je crois que

Page 38501

1 cette déposition a été obtenue dans des conditions inacceptables, en dépit

2 de cela, s'il s'avérait que la déposition correspondait à la réalité, il

3 n'y aurait pas besoin d'ennuyer la Chambre avec des problèmes de

4 pertinence.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cela signifie que les

6 autorités étaient informées du fait que 30 victimes étaient censées avoir

7 un rapport avec l'UCK ?

8 M. NICE : [interprétation] Si quiconque a l'intention de laisser entendre

9 que tel est l'objet de la déposition du témoin, je pense qu'il faudrait

10 vérifier de plus près, car l'intégrité de celui-ci est en doute, et s'il

11 existe le moindre doute quant au fait que la déposition a été recueillie

12 dans de mauvaises conditions, dans des conditions répréhensibles, il

13 suffirait d'évoquer le doute pour remettre tout cela en cause. Si des

14 éléments de preuve étaient susceptibles de démontrer la matérialité des

15 faits sur la base d'une intégrité du témoin est mis en doute, alors il

16 faudrait explorer plus avant et voir quel est le système policier qui a

17 opéré. Est-ce qu'il a opéré selon des critères qui n'étaient pas des

18 critères idéaux ? Est-ce que ce sont des critères qui s'appliquent dans nos

19 pays, par exemple, et qui dans nos pays inévitablement conduiraient la

20 Chambre à rejeter à première vue une déposition de ce genre pour ces motifs

21 dans le cadre d'un système général fonctionnant selon des normes générales.

22 Il faudrait que nous examinions les choses de beaucoup plus près.

23 L'accusé n'a pas dit, je pense qu'il niait le fait que la déposition

24 avait été recueillie pour donner des renseignements. Il est question

25 d'hommes qui seraient membres de l'UCK, c'est-à-dire que c'est un point

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1 central de l'acte d'accusation qui nous intéresse. Me Kay avance une

2 formulation un peu différente, Monsieur le Président, à savoir qu'il est

3 question ici de l'état d'esprit des intentions de l'accusé, mais je ne vois

4 pas, et je vous demande de me dire, si je me trompe, je ne vois pas comment

5 on pourrait se fonder sur des renseignements même erronés ou inexacts

6 recueillis de la part de quelqu'un qui pourrait être considéré comme un

7 criminel, sinon pire. Voilà le cœur du problème. Je ne serais pas prêt à

8 faire une concession sur ce point, c'est-à-dire, à admettre un élément de

9 preuve recueilli dans ces conditions sans y regarder de plus près.

10 Monsieur le Président, il faut que nous soyons tout à fait clairs dans un

11 sens ou dans l'autre quant à l'objet de l'audition de ce témoin. Je

12 répéterais ici une phrase que j'ai déjà utilisée à plusieurs reprises

13 précédemment : nous sommes au stade de la présentation des moyens de

14 l'accusé, de la Défense. Par conséquent, il souhaite que cette déposition

15 soit entendue afin de démontrer que 20 personnes tuées à Racak étaient des

16 membres de l'UCK, et ceci est en rapport avec un point central de l'acte

17 d'accusation. C'est la raison pour laquelle je reprends l'observation que

18 j'ai déjà formulée précédemment, à savoir que ces témoins ne devraient pas

19 être entendus sur cette question.

20 Je ne sais pas si j'ai répondu à vos questions. Je crois avoir dit hier

21 lorsque j'ai abordé le problème de la position de l'Accusation que je

22 permettrais de présenter un certain nombre d'arguments à soumettre à la

23 considération générale des Juges. Je pense que dans les deux procès, les

24 deux dépositions ont une incidence plus large que celle qui a été définie

25 de façon très circonscrite comme étant limitées. Mais cela est un argument

Page 38503

1 à garder pour plus tard.

2 Quant au dernier point que vous avez évoqué, Monsieur le Juge, au sujet de

3 l'objet de cette déposition comme censé démontrer l'état d'esprit de

4 l'accusé et ne pas porter sur la véracité des faits, et de l'identité de

5 victimes de certaines personnes dont les corps ont été retrouvés à Racak,

6 je soulignerais que ceci a déjà été évoqué par l'accusé lui-même. Je n'ai

7 pas besoin de procéder à des recherches plus détaillées sur ce point, pour

8 aider les Juges de la Chambre.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Parce que vous devriez enquêter sur

10 des présomptions de corruption de l'ensemble du système, qui serait un

11 fondement suffisant pour rejeter l'élément de preuve concerné. Il y a un

12 rapport direct avec le cœur de l'affaire. D'ailleurs, un rapport plus

13 important avec le cœur de l'affaire que les événements de Racak eux-mêmes.

14 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Juge, vous avez tout à fait raison.

15 Ceci pourrait servir de fondement pour rejeter l'élément de preuve

16 concerné, s'il avait été admis dans un cadre trop étroit, qui n'est pas le

17 fondement évoqué par l'accusé. Je n'ai pas le temps nécessaire pour rentrer

18 dans le détail du contre-interrogatoire, et vous citez tous les motifs qui

19 me mènent à penser qu'il faudrait ne pas autoriser cette déposition compte

20 tenu des conditions dans lesquelles elle a été recueillie.

21 Un autre détail sur la déposition du capitaine Dragan. Mes collègues de

22 l'Accusation me rappellent que l'organisation du capitaine Dragan a été

23 évoquée très longuement, et qu'un certain nombre de faits non contestés,

24 tels que sa date de naissance, son lieu de naissance, ont été consignés au

25 compte rendu d'audience. Ce sont des choses qu'il convient de se rappeler.

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1 Il y a d'autres éléments plus préjudiciables au capitaine Dragan, en

2 particulier, le rôle joué par lui qui contredit l'élément de charité que

3 l'on trouve dans certaines de ses activités liées à l'organisation créée

4 par lui.

5 L'appartenance à l'UCK aux yeux du système judiciaire serbe a permis de

6 produire un certain nombre d'éléments matériels qui peuvent s'avérer

7 intéressant s'agissant des événements évoqués dans la présente affaire.

8 Merci beaucoup.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre a rendu sa décision et on

11 peut appeler le témoin Jasovic. Nous allons rendre une décision ultérieure

12 sur la date à laquelle il pourra être cité à la barre et nous allons

13 également décider à ce moment-là de savoir si son témoignage ne portera que

14 sur des domaines limités, et c'est une décision que nous rendrons bientôt,

15 voire peut-être demain.

16 M. Jasovic n'a pas besoin de venir à la barre aujourd'hui, Monsieur

17 Milosevic. Il vous faut citer un autre témoin.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je cite à comparaître le témoin Kosta

19 Bulatovic.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'ai pas entendu.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je cite à comparaître le témoin Kosta

22 Bulatovic.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On ne vous entend toujours pas. Est-

24 ce que vous avez allumez votre microphone, Monsieur Milosevic ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Un instant que je puisse le voir. Le micro

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1 marche ? Je disais, et je répète, je cite à comparaître le témoin Kosta

2 Bulatovic.

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Demandez au témoin, s'il vous

5 plaît, de faire la déclaration solennelle.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Que Dieu m'aide et qu'il m'aide en cette

7 journée. Je déclare solennellement au nom de mon honneur et de mon âme que

8 je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité devant ce

9 Tribunal.

10 LE TÉMOIN: KOSTA BULATOVIC [Assermenté]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

13 Monsieur Milosevic, vous pouvez commencer.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

15 Interrogatoire principal par M. Milosevic :

16 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Bulatovic.

17 R. Bonjour, Monsieur le Président.

18 Q. Monsieur Bulatovic, dites-nous quand est-ce que vous êtes né et où est-

19 ce que vous êtes né.

20 R. Je suis né en 1937 au village Dobrusha, municipalité Istok dans la

21 Metohija du nord. Cela se trouve sur la route entre Pec et Kosovska

22 Mitrovica. Cela se trouve exactement à 12 kilomètres de Pec.

23 Q. Dites-nous brièvement quelles sont les écoles que vous avez faites et

24 où.

25 R. J'ai fait mes classes primaires à Vitomirica, non loin de Pec et

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1 l'école secondaire d'agriculture et de mécanique à Vinkovci, en Croatie.

2 Par la suite, j'ai fait une école supérieure d'organisation du travail à

3 Belgrade, département de protection au travail. Je suis ingénieur en

4 matière de protection au travail.

5 Q. Pour rectifier un peu le compte rendu d'audience, je tiens à dire que

6 le témoin a dit que Vitomirica, non loin de Pec.

7 R. Oui, Vitomirica.

8 Q. Le compte rendu d'audience dit "Vitina," ce qui est une localité tout à

9 fait autre.

10 R. Oui. C'est même très loin.

11 Q. Dites-nous où est-ce que vous avez travaillé après vos classes ?

12 R. Mon premier travail a été au poste d'irrigation à Zagreb [comme

13 interprété], puis, une usine de sucre qui était en cours de construction à

14 Pec. Par la suite, j'ai travaillé dans un combinat agricole à Kosovo Polje;

15 puis, dans un combinat agricole et industriel qui s'appelait Kosmet Export

16 qui avait son siège à Pristina.

17 Q. Votre famille, pendant la Deuxième guerre mondiale, à l'époque de

18 l'occupation fasciste se trouvait au Kosovo-Metohija où vous résidiez tous

19 ensemble, à l'époque ?

20 R. Oui, à Dobrusa.

21 Q. Dites-nous brièvement, je vous prie, qu'est-il arrivé à votre famille

22 et à votre village, à l'époque de l'occupation fasciste de la Yougoslavie

23 et de la région où vous étiez ?

24 R. Avec l'arrivé des forces d'occupation à Kosovska Mitrovica, il y a eu

25 un partage en trois zones. Les forces d'occupation ont partagé le

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1 territoire en trois zones. Le Kosovska Mitrovica appartenait à la zone

2 allemande, alors que Pec appartenait à la zone italienne. Nous nous étions

3 trouvés sous occupation de l'armée italienne.

4 Etant donné qu'on a mis hors la loi la population serbe de la Metohija, il

5 y a eu des meurtres individuels et par la suite, des attaques en masse

6 lancées contre les villages. On a incendié bon nombre de villages de la

7 Metohija. Peu de villages seulement avec une population mixte n'ont pas été

8 incendiés.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Bulatovic.

10 Monsieur Milosevic, je vous prie, s'il vous plaît, d'amener le témoin

11 sur le terrain d'un témoignage pertinent, s'il vous plaît.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Etait-ce un village serbe, je vous prie ?

15 R. Oui, c'était un village serbe. Il y avait 384 maisons serbes dans le

16 village de Dubrosha.

17 Q. A-t-on incendié votre maison ?

18 R. Oui, notre maison a été incendiée. Nous avons fui par des champs --

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je viens de vous

20 demander de demander au témoin, ou de poser des questions au témoin qui

21 soient pertinentes, qui permettront de présenter des éléments de preuve

22 pertinents, s'il vous plaît. Il ne s'agit pas d'un témoigne pertinent, ici.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce sont quelques questions très brèves pour

24 vous parler de l'évolution de la situation. Je vais très rapidement passer.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons déjà entendu ce type de

Page 38508

1 témoignages et ce type de propos introductifs et ce genre de récits.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Monsieur Bulatovic, je me propose, maintenant, de vous poser des

5 questions à caractère non historique. Vous avez dit que votre maison a été

6 incendiée ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que vous et les autres Serbes qui ont été chassés du Kosovo-

9 Metohija, avez-vous pu retourner dans votre village ou pas ?

10 R. Oui. Cela s'est passé après l'interdiction de retour, mesure prononcée

11 par le gouvernement provisoire avant la fin de la guerre et qui a été

12 signée par Popso Sljadovetrovic [phon]?

13 Q. Dites-nous de quoi a eu l'air la vie que vous avez eue après la guerre.

14 R. Bien, --

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Plus de questions sur ce point, s'il

16 vous plaît. Je ne vous autoriserai plus à poser des questions sur ce sujet.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Très bien, Monsieur Robinson.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Monsieur Bulatovic.

20 R. Oui.

21 Q. Dites-nous, je vous prie, quelles étaient les relations entre les

22 Serbes et les Albanais quelques décennies après la guerre. Je me réfère,

23 notamment, à cette période après la guerre où vous avez résidé pendant tout

24 ce temps au Kosovo-Metohija.

25 R. Dans notre village, il a été, tout de suite après la guerre, créé un

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1 comité local, et Ramalija [phon], un homme du village voisin a été

2 président de ce comité. Sur les 300 maisons serbes, il n'y avait pas pu y

3 avoir un seul représentant serbe pour présider cette communauté locale. On

4 voit quelle a été la pensée politique du Parti communiste, à l'époque.

5 Q. Mais dites-moi, quelles avaient été les relations entre les Serbes et

6 les Albanais, d'une manière générale ?

7 R. Après la Deuxième guerre mondiale, tout de suite après, les relations

8 étaient tout à fait supportables. Il y avait une sorte de tolérance, les

9 relations n'étaient pas si mauvaises. Mais au fur et à mesure qu'on

10 s'éloignait de la Deuxième guerre mondiale, les relations se sont

11 détériorées. Par exemple, il a été créé des coopératives agricoles, mais

12 rien que dans les villages serbes. Je ne connais aucun village albanais,

13 Siptar, à avoir eu une coopérative agricole.

14 Q. Vous dites que ces relations interethniques avaient été bonnes à

15 l'époque ?

16 R. A l'époque, on peut dire qu'elles avaient été bonnes.

17 Q. D'après vous, d'après l'expérience qui est la vôtre, quand est-ce que

18 ces relations ont commencé à se détériorer ?

19 R. Elles ont commencé à se détériorer après 1948, date à laquelle il y a

20 eu la résolution de l'informbiro [phon] et où il y a eu passage de la

21 frontière depuis l'Albanie. Ils ont fait mine de fuir le régime d'Enver

22 Hoxha. Ils ont peuplé la Metohija et le Kosovo, par la suite et cela a jeté

23 le trouble parmi la population serbe du Kosovo-Metohija.

24 Q. Quelle est la phase que vous estimeriez comme étant caractéristique

25 pour ce qui est de la montée des tensions au Kosovo ?R. Il y a eu une

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1 autre phase de violences individuelles, de meurtres de certaines personnes

2 et cela a jeté le trouble dans la population, notamment, lorsque la

3 population a appris que des terres serbes ont été rachetées dans la

4 municipalité de Decani, Djakovica et Prizren pour être données à des

5 immigrants venus d'Albanie.

6 Q. Mais y a-t-il eu quelque chose de caractéristique en 1968 ?

7 R. L'année 1968 a été caractéristique du fait de cette manifestation de

8 haine, à l'occasion de manifestations albanaises à caractère profasciste où

9 on a exigé, dans les slogans avancés, de faire du Kosovo, une République.

10 Cela a été le slogan principal de ces manifestations.

11 Q. Cela s'est produit en 1968 ?

12 R. En 1968, oui. C'est alors que Tito est allé à Bugojno et qu'il a envoyé

13 une délégation du parti au Kosovo qui a assisté à cette cérémonie. Ils ont

14 été transférés par hélicoptère à Pristina aux fins de calmer la situation,

15 d'apaiser la situation.

16 Q. Avez-vous continué à résider à Kosovo Polje après ces manifestations ou

17 avez-vous décidé de quitter cette localité pour aller ailleurs ?

18 R. A ce moment-là, nous avions envisagé l'éventualité de quitter le

19 Kosovo, mais partant des dires et des conclusions formulés par les forums

20 du parti du Kosovo et de la Serbie, puis, de la Yougoslavie, que cela

21 n'allait plus se réitérer et on nous a promis qu'il n'y aurait plus de

22 violences, qu'il n'y aurait plus de confiscations de terres, d'enfants qui

23 ont, par exemple, cassé les tuiles des toits des maisons de Serbes et

24 après, on a dit qu'ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Il y a eu des

25 avertissements en tout sens pour que cela ne se réitère pas. Or, ce type de

Page 38511

1 comportement s'est poursuivi.

2 Q. Monsieur Bulatovic, jusqu'à quand êtes-vous resté à Kosovo Polje ?

3 R. Je suis resté jusqu'en 1993. Après quoi, je suis allé à Pristina.

4 Q. Après 1993, vous êtes passé de Kosovo Polje à Pristina. A quelle

5 distance, cela se trouve-t-il ?

6 R. C'est à sept kilomètres, à peine, plus loin.

7 Q. A sept kilomètres de là. Bien.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On vous demande à tous deux, s'il

9 vous plaît, de faire une pause après la fin de la question et le début de

10 la réponse, pour que les interprètes puissent travailler correctement.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Monsieur Bulatovic --

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, si ce témoin a

15 des éléments à fournir en rapport avec l'acte d'accusation et je vois

16 d'après la déclaration 65 ter qu'il doit témoigner sur les activités

17 policières pendant la guerre au Kosovo dans la période couverte par l'acte

18 d'accusation, soit si c'est le cas, veuillez, s'il vous plaît, lui poser

19 des questions sur ce sujet. Nous avons beaucoup entendu d'éléments

20 d'informations générales sur son parcours et sur d'autres choses et les

21 événements qui ont conduit au conflit. Il doit témoigner sur la question

22 des activités policières et des groupes armés au Kosovo et de l'armée au

23 Kosovo, je vous prie d'en parler tout de suite, de tout ce qui est évoqué

24 dans l'acte d'accusation.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, ce que vous venez de dire ne

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1 peut être qu'une erreur d'une faute de frappe parce que Bulatovic ne

2 témoigne pas du tout de police. Il a peut-être voulu être dit politique et

3 on a dû taper police, mais il vient témoigner, ici, de la situation

4 politique au Kosovo et de tout ce qui s'est produit.

5 Entre autres, Monsieur Robinson, je tiens à vous dire ou plutôt vous

6 rappeler que ce témoin-ci, Kosta Bulatovic, en l'occurrence, a été

7 mentionné à plusieurs reprises ici, dans ce même prétoire, comme l'un des

8 leaders du mouvement de résistance serbe et en tant que nationaliste serbe.

9 Il est venu parler, ici, de la situation politique au Kosovo-Metohija et on

10 verra dans quelle mesure se trouvent être justifiés les qualificatifs

11 prononcés à son encontre parce qu'on a parlé, ici, de groupes quelconques

12 au Kosovo.

13 A plusieurs reprises, il a été question, nommément, de Kosta Bulatovic et

14 d'autres, notamment, à l'occasion du contre-interrogatoire, à l'occasion du

15 témoignage du témoin Mitar Balevic et nous avons ce fameux Kosta Bulatovic,

16 ici. Il vous parlera des événements. Mais s'agissant de la police, lui,

17 n'avait rien à voir avec; il n'a aucun fondement pour ce qui est de

18 témoigner aux yeux de la police.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'ai simplement

20 lu ce qui était contenu dans le 65 ter. C'est peut-être une erreur, mais

21 d'après le calendrier prévu pour le témoin cette semaine, il est précisé :

22 "Connaissance particulière de la police militaire et autres activités

23 armées pendant la guerre au Kosovo dans la période couverte par l'acte

24 d'accusation." Je ne sais pas s'il s'agit, là, d'une transcription fidèle

25 de ce qui figure dans l'Article 65 ter parlait effectivement de la police.

Page 38513

1 Quoi qu'il en soit, je souhaite que le témoignage porte sur ces activités

2 et les activités qui sont citées dans l'acte d'accusation. Nous avons

3 entendu suffisamment d'éléments sur le contexte.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Monsieur Bulatovic, vous avez été témoin de manifestations dans les

7 années 1980 et dans les années 1990 au Kosovo. Je vous prie de nous

8 indiquer brièvement, le plus brièvement possible de quelle façon ces

9 manifestations ont influé sur le comportement de la population serbe au

10 Kosovo-Metohija ?

11 R. Je vais être bref. En 1968 ainsi qu'en 1981, il y a eu des

12 manifestations identiques, des revendications identiques. Il n'y a eu

13 aucune différence entre les unes et les autres, si ce n'est par la

14 répartition des personnes qui sont intervenues. Ces manifestations ont été

15 destructrices et, bien entendu, en tant que population minoritaire au

16 Kosovo-Metohija, la population serbe a eu peur car les autorités ni du

17 Kosovo-Metohija, ni de la Serbie, voire de la Yougoslavie, n'ont entrepris

18 des mesures radicales aux fins de couper court à ce type de comportements

19 pour amener l'ordre et pour que cela ne se réitère plus. On s'attendait à

20 cela de la part de la direction. La direction ne l'a pas fait. La direction

21 a fait défaut et cela a soulevé à l'esprit des gens la question de savoir

22 que fallait-il faire. A la veille école qui a été détruite à Kosovo Polje,

23 elle a été détruite pour ne pas constituer un monument disant que c'est là

24 que les premiers propos contre la violence à l'égard du peuple serbe ont

25 été prononcés, et ceci à l'occasion d'une réunion de l'alliance socialiste

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1 du peuple travailleur de la Yougoslavie, parce qu'en plus de la Ligue des

2 Communistes de Yougoslavie, il y avait une alliance socialiste du peuple

3 travailleur de Yougoslavie.

4 A l'occasion de l'une de ces réunions, je me suis dressé pour critiquer les

5 violences, pour parler contre les instances provinciales qui ont mal dirigé

6 la situation, parce que ni les comités ni l'administration de l'Etat n'ont

7 entrepris quoi que ce soit contre la violence et contre les auteurs de

8 violence. La population a pris cela ainsi. On m'a connu. La population me

9 connaissait. Elle a considéré que j'étais un homme intègre et honnête et on

10 me faisait confiance. Pourquoi me faisait-on confiance ? Parce que

11 l'autorité n'a pas pris les mesures radicales qui s'imposaient. Ainsi,

12 Kosta Bulatovic ou quelque autre individu que ce soit n'aurait eu à

13 intervenir.

14 C'est de là sorte que je suis devenu l'un des premiers. Ils ont dit leader,

15 mais je n'étais pas leader; j'étais un citoyen ordinaire. Je suis un

16 citoyen ordinaire qui comparait devant vous. Rien de plus. J'ai pris

17 publiquement la parole. J'ai publiquement dit la vérité telle quelle était,

18 et je l'ai dit à l'intention des autorités, de l'administration et du parti

19 politique de la Serbie et de la Yougoslavie.

20 Q. Vous n'avez pas été membre de la Ligue des Communistes ?

21 R. Je l'ai été pendant huit ans.

22 Q. Quand ?

23 R. Entre 1958 et 1967. C'est alors que j'ai quitté la Ligue des

24 Communistes pour ces raisons-là justement, raisons dont je suis en train de

25 parler ici, et dont est en train de débattre le Tribunal international de

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1 La Haye.

2 Q. Qu'avez-vous dit, Monsieur Bulatovic, aurait bénéficié du soutien des

3 citoyens qui vous ont entendu ou qui vous ont écouté. Pouvez-vous en

4 d'autres termes nous dire de façon brève quels sont les éléments les plus

5 caractéristiques de ce que vous avez dit ? Pouvez-vous le dire en une

6 phrase ou deux ?

7 R. J'ai dit ce qui suit à savoir que --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous interrompre. Je vous

9 arrête ici Monsieur Milosevic, car j'estime que ceci n'est pas utile.

10 Monsieur Nice, l'accusé a évoqué le nom d'un témoin en particulier qui a

11 été cité par M. Bulatovic.

12 M. NICE : [interprétation] Balevic.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Sur quel domaine cela porte-t-il ?

14 M. NICE : [interprétation] Je crois qu'il a raison au moment où nous avons

15 étudié des questions d'histoire générale, la période qui va de 1966 à 1984.

16 Je crois que 6, 7, 8, 9, je crois que tout ceci a été examiné dans le

17 détail. J'ai une transcription du témoignage de Balevic.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien sûr, ceci a trait à certains

19 paragraphes de l'Accusation, je suppose.

20 M. NICE : [interprétation] Non, il s'agit simplement d'éléments de

21 contexte, des éléments de contexte qui ont été présentés par l'accusé et

22 auxquels nous avons répondu, bien sûr, satisfait de répondre en partie

23 parce que nous acceptons que cela est pertinent pour comprendre le

24 comportement de l'accusé par la suite.

25 Mais, Messieurs les Juges, vous savez que nous avons également émis l'idée

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1 que le point de départ pour toutes pertinences sont les dates de 1966 à

2 1974, si on passe rapidement ensuite au milieu des années 90 [comme

3 interprété] sur les points qui nous intéressent ici, qui sont vraiment les

4 plus pertinents.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le Juge Kwon, ici je reprends le

6 compte rendu d'audience. Vous avez dit, Monsieur Nice : "Je suis heureux de

7 constater que Kosta Bulatovic va venir. Il va me permettre d'affiner mes

8 questions, car je pourrais lui poser des questions."

9 M. NICE : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, à ce stade de la

11 présentation de vos moyens, j'estime que tout ceci est peu approprié et peu

12 opportun. Il est vrai que certains points ont été évoqués par rapport à des

13 questions de contexte, mais la question est de savoir si nous n'en avons

14 pas entendu suffisamment d'éléments déjà sur ce point.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson --

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quand cette allocution a-t-elle été

18 faite ? Quelle année, s'il vous plaît ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'était en 1983, après les

20 manifestations. Nous avons attendu d'abord les décisions des instances de

21 l'Etat pour savoir ce qu'elles allaient entreprendre après les

22 manifestations des Siptars en 1981. Un an à peine après la mort du camarade

23 Tito.

24 Comme ils n'ont rien entrepris du tout, certaines personnes sont allées en

25 groupe se plaindre à Belgrade. Certains étaient allés aux instances de la

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1 république et d'autres étaient allés aux instances fédérales. Jusqu'à cette

2 réunion-là, je n'ai pris part à rien du tout. Après cette réunion, oui,

3 c'est bien le cas. Cela a été le cas. Nous sommes allés nous plaindre aux

4 instances de la Serbie, notamment après qu'il y a eu dévastation du

5 cimetière du village de Sipolja, non loin de Kosovska Mitrovica.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Puis-je vous poser la question,

7 Monsieur Milosevic, est-ce qu'il va témoigner sur le conflit au Kosovo dans

8 les années 90 ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour ce qui est du conflit lui-même, non. Juste

10 avant le conflit, il a été installé à l'hôpital de Pristina pour être

11 soigné. Mais pendant le conflit, il a été transporté vers un autre hôpital

12 aux fins de soin ultérieur. Mais, il peut parler des circonstances de

13 l'époque.

14 Je voudrais toutefois attirer votre attention sur une chose, Monsieur

15 Robinson. Pendant le témoignage de Mitar Balevic, je ne dis pas que Mitar

16 Balevic a parlé de ce témoin-ci, mais pendant le témoignage de Mitar

17 Balevic, M. Nice a parlé de l'existence d'un groupe de nationalistes serbes

18 dirigé par Kosta Bulatovic, qui se trouve face à vous. Il a parlé de

19 Miroslav Solevic et autres, et il avait parlé d'un rôle particulier joué

20 par ces particuliers, ces individus. Cela a une corrélation quelconque avec

21 le chef d'accusation 76, étant donné que le témoin a assisté à cette

22 réunion.

23 Ce chef d'accusation 66, ou paragraphe 76 de l'acte d'accusation au Kosovo,

24 se réfère à cela.

25 M. Nice a dit qu'il s'agissait d'un groupe de nationalistes serbes

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1 dirigé par Kosta Bulatovic qui se trouve face à vous à présent.

2 Puis-je continuer ?

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, continuez.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne crois pas que cela sera trop long.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Monsieur Bulatovic, vous avez été déclaré homme, comment dirais-je,

7 homme en conflit avec les autorités. Partant de la conversation que j'ai

8 eue avec vous, je n'ai pas pu tirer comme conclusion qu'il y ait eu conflit

9 effectif. Mais, vous venez de parler de l'incident du village de Sipolja.

10 R. Oui.

11 Q. Nous avons dans les pièces à convictions deux documents, à savoir, une

12 lettre envoyée par les citoyens au sujet de l'événement de Sipolja, et un

13 autre pièce à conviction que nous étudierons tout à l'heure. Il s'agit de

14 demande de déménager, déposée par vos soins.

15 Donc, s'agissant de Sipolja. J'espère que vous avez la pièce à

16 l'intercalaire 1 sous les yeux.

17 Il s'agit d'une lettre qui n'a pas plu aux autorités de l'époque pour des

18 raisons que je vous demanderais de nous exposer. Cette lettre a été signée

19 par, comme je peux le voir ici, par 18 citoyens, en date du 30 mars 1982.

20 Cela a été communiqué aux autorités municipales provinciales, et à celle de

21 la république. Donc municipalité, province et république.

22 Les citoyens du village de Sipolja ont souligné quoi comme problème ? Pour

23 demander à la direction de la municipalité de la province et de la

24 république ? Parce qu'on dit qu'ils veulent informer, en sus de la

25 direction municipale et provinciale, les autorités de la république pour

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1 demander "la protection garantie par la constitution. Nous sommes d'avis

2 que nos parents, nos frères, sœurs, et autres cousins qui reposent dans nos

3 cimetières ne devraient en aucune façon être attaqués ou faire l'objet

4 d'attaque."

5 Est-ce ceci l'objet de votre courrier ?

6 R. En effet. Est-ce que je peux parler, Monsieur le Président ?

7 Q. Oui, veuillez continuer.

8 R. Monsieur Robinson, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce que

9 je voulais dire : "C'est que nos citoyens du village de Sipolja d'origine

10 serbe appartenant aux groupes ethniques serbes nous avons été stupéfaits

11 d'apprendre que notre cimetière a été profané en date du 28 mars 1982. Un

12 groupe de villageois est allé jusqu'au cimetière et a constaté que 13

13 monuments ont été endommagés ou détruits. Pendant quelques jours avant

14 cela, on a mis le feu à toutes les couronnes mortuaires et à tout ce que

15 l'on pouvait incendier."

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela n'est pas nécessaire de lire la

17 lettre car nous l'avons sous les yeux. Si vous avez une question

18 particulière à poser à propos de la lettre, je vous en prie, posez-la.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Je vais vous poser une question tout à fait concrète qui parle de

21 l'ambiance qui prévalait à l'époque au Kosovo-Metohija, Monsieur Robinson.

22 Les citoyens ont vu que leur cimetière a été mis à feu. Ils sont plaints

23 aux autorités municipales, provinciales, et à celle de la république, et

24 parce qu'ils se sont plaints, ils ont été édictés comme étant des ennemis

25 de l'état de la société et que c'était là des nationalistes serbes. Est-ce

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1 que cela a été la conséquence de la plainte que vous avez adressée à la

2 direction municipale, provinciale, et celle de la république ?

3 R. Oui, c'est vrai. Parce qu'à Bresje et Donji Petric, on a même labouré

4 le cimetière à Klina, et on y a construit deux maisons, à savoir, c'est

5 Bogosavljevic qui le dit dans le livre, page 216, "Nuit sans sommeil."

6 Lorsqu'il a prêté oreille à ce que disaient les citoyens de Kosovo Polje.

7 Q. Bien. Monsieur Bulatovic, qui est-ce qui a imposé ce type d'ambiance

8 pour que des plaintes de cette nature relatives à une injustice notoire

9 soit qualifiées par la suite de nationalisme serbe, et vous étiez étiquetés

10 comme étant des gens contre l'actualité, contre les temps présents de la

11 Serbie ?

12 R. J'étais dans une direction politique à l'époque. Comment a-t-on fait

13 pour que vous soyez qualifié de la sorte ? Bien, la direction de la

14 municipalité et de la province m'a édicté comme tel. Ils se sont référés à

15 une chose, à savoir que ceux qui protégeaient la terreur et les terroristes

16 au Kosovo-Metohija se cachaient dans les autorités justement. Ils ont voulu

17 nous faire peur, non seulement à nous, mais à la population toute entière,

18 afin que personne n'ose dire la vérité en public, afin que personne ne

19 vienne monter sur la scène pour dire la vérité. Je dirais que c'était un

20 système à parti unique à l'époque. Ce n'était pas un système plus répartit

21 qu'à instaurer le président Milosevic une fois arrivée au pouvoir.

22 Jusque- là, il y avait eu la dictature d'un seul parti, et ce parti avait

23 pensé me faire peur à moi et à tous les autres au Kosovo et Metohija. On

24 voulait laisser entendre que ceux qui n'appréciaient pas pouvaient s'en

25 aller mais sans oser rien dire.

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1 Q. Bien. Nous avons ici une copie de l'original qui reprend mot pour mot

2 ce que vous avez dit.

3 R. Oui, rien d'autre.

4 Q. Bon. A cette occasion, qu'a-t-il été fait de la part des autorités

5 municipales, provinciales, mis à part le fait de vous qualifier de

6 nationalistes serbes, vous autres, parce que vous aviez envoyé cette

7 lettre ? Qu'a-t-on fait ? Est-ce que quelqu'un avait agi ? Est-ce que

8 quelqu'un vous a aidé de quelque façon que ce soit ?

9 R. Bien. Il y a eu des déclarations, des conclusions déclaratives du

10 comité provincial, et municipal, disant qu'ils allaient procéder à un

11 règlement de compte avec les terroristes, qu'ils allaient les chasser dans

12 leurs trous. Mais tout ceci n'a été que bavardage et que contrevérité pour

13 ne pas dire. Pur mensonge, pur et simple.

14 C'est pour la forme qu'on a dit cela, à écouter la radio et la télévision

15 et à lire la presse vous auriez pu croire que la direction prenait

16 effectivement des mesures et que l'ordre allait être rétabli et que tout le

17 monde finirait par être content. Lorsque nous nous adressions à eux, nous

18 n'avons pas demandé des droits plus grands dans cette partie de la Serbie

19 au Kosovo-Metohija que les autres. Nous voulions être sur pied d'égalité

20 avec les Siptar et les autres. Il y avait des Macédoniens, des Rom, des

21 Turcs. Nous ne demandions pas des droits plus grands que ceux des autres.

22 Nous demandions à être sur pied d'égalité avec eux. Si j'avais été un

23 nationaliste, moi, je veux bien qu'on me juge même ici dans votre Tribunal.

24 Q. Monsieur Bulatovic.

25 R. Oui, allez-y.

Page 38522

1 Q. Quelle a été la réaction de la direction de l'Etat serbe, j'entends de

2 Serbie ? Etes-vous allé à ce niveau ?

3 R. Un groupe est allé voir le président de la présidence de Serbie,

4 monsieur, ou plutôt, on disait à l'époque, camarade. C'était le camarade

5 Ljubicic. Il était un général. Un groupe de personnes est allé le voir pour

6 lui parler de ce qui se passait au Kosovo et Metohija. Mais rien n'a été

7 entrepris. On a fait des promesses et on a dit qu'on allait faire ceci ou

8 cela. Mais cela s'est arrêté là.

9 L'année d'après, un autre groupe est allé voir le camarade Dusan Ckrebic,

10 qui était président de la présidence de la Serbie. Dans une entrevue de

11 deux heures, nous lui avons parlé de bons nombres de cas de violence de

12 toutes sortes. On lui a parlé des méthodes utilisées, mais les autorités se

13 sont tues. Là, les autorités ont menacé mais non rien fait.

14 Q. Vous êtes allé voir Nikola Ljubicic qui était président de la

15 présidence. Après lui c'était --

16 R. Dusan Ckrebic.

17 Q. Oui, Dusan Ckrebic. Vous êtes allé le voir également ?

18 R. Oui.

19 Q. Il vous a écouté attentivement ?

20 R. Oui, tout à fait.

21 Q. Il vous a promis --

22 R. Oui. Il a dit qu'il allait nous aider, mais qu'il a dit que la Serbie

23 n'avait aucune compétence pour ce qui est du territoire des provinces étant

24 donné que les provinces étaient sorties du cadre des compétences de la

25 Serbie, et qu'il ne pouvait que prier les autorités de la province et les

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1 prier de bien vouloir faire quelque chose sur ce plan. C'est ce qu'il nous

2 a répondu. Il nous a dit la chose honnêtement. Nous sommes rentrés chez

3 nous, penauds, déçus, de Belgrade.

4 Q. Bon. Pour autant que je le sache, étant donné qu'il s'agit de Serbes et

5 Monténégrins, qui s'étaient déplacés, vous êtes également allés à Podgorica

6 pour vous plaindre à la direction du Monténégro ?

7 R. Oui. J'ai été l'initiateur de ce déplacement vers le Monténégro. Nous

8 avons estimé que les Monténégrins ont une population originaire du

9 Monténégro au Kosovo et Metohija.

10 Nous sommes allés là-bas et nous avons été reçu par le président du

11 comité central de l'époque, non pas par lui, Culafic. On a été reçu par

12 Kovacevic et un autre qui était des collaborateurs à lui. Pendant des

13 heures, nous étions huit à intervenir. Ils nous ont écoutés attentivement,

14 je dois le dire. Ils ne nous ont rien dits à la fin, mais ils ont dit qu'au

15 comité central, ils allaient exposer toute cette affaire.

16 Lorsque nous sommes revenus à Pristina, nous avons deux jours

17 après appris qu'ils ont envoyé un texte de ce que nous avons dit. Nous

18 n'avons dit que la vérité, puis on nous a menacés d'arrestation, et ainsi

19 de suite --

20 Q. A qui ont-ils envoyé ce texte ?

21 R. Oui, j'ai bien compris. Ils ont envoyé cela au comité provincial de la

22 Ligue des Communistes du Kosovo. On ne disait pas Kosovo et Metohija. Cela

23 les gênait de dire Metohija parce que Metohija veut dire terres et des

24 églises et monastères serbes.

25 Q. Qu'avez-vous dit dans cette déclaration ?

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1 R. Nous avons rien dit de particulier.

2 Q. Oui, mais vous avez dit que par la suite on vous a menacé, que le

3 comité provincial vous avait menacé de vous arrêter.

4 R. Ce qu'il les gênait, ce n'est pas ce qu'on a dit, c'est de nous être

5 déplacés. Ils voulaient nous faire peur pour que nous n'allions plus nulle

6 part et que ces initiatives de notre part soient interrompues. C'était là

7 leur objectif. Mais tout ce qu'on a dit, ils ont pu le relire. Cela était

8 la vérité. Au cas par cas, on a dit tout ce qui a été fait, tous les

9 incidents.

10 Q. Mais avez-vous dit quoi que ce soit d'autre si ce n'est ce dont vous

11 vous étiez plaint jusque-là ?

12 R. Mais non. On a dit la même chose. On a toujours chanté le même chant,

13 mais personne ne voulait entendre ce chant ni entendre cet espèce de

14 doléances et pas de chant.

15 Q. Mais par la suite, est-ce qu'après ces visites que vous avez effectuées

16 à plusieurs reprises aux différents présidents de la présidence de la

17 Serbie, Nikola Ljubicic, Lusaj [phon] Ckrebic, et cette visite à la

18 direction du Monténégro, est-ce que quoi que ce soit a changé ?

19 R. Comment dire ? Chaque fois qu'on a menacé de prendre des mesures,

20 pendant un mois à peu près, il y a une accalmie. Il n'y a plus d'actes

21 terroristes. Il ne se passe plus rien. Puis par la suite, tout reprend de

22 plus bel. La même politique, les mêmes violences et tout le reste. On

23 entendait dire que dans tel village il s'était produit ceci, dans tel autre

24 il s'était produit cela et la population avait de plus en plus peur.

25 A l'occasion de cette réunion, j'ai pris la parole. Les gens n'osaient pas

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1 parler. On était venu me voir. On avait pensé que j'étais un homme

2 puissant, que j'étais une sorte de miraculeux à pouvoir résoudre tous les

3 problèmes, mais je ne pouvais pas faire plus que les autres hommes

4 ordinaires.

5 Q. Lorsque vous vous êtes adressé aux différentes autorités, vous n'avez

6 pas sauté les instances provinciales ?

7 R. Non. S'agissant des instances provinciales, nous leur n'avons pas

8 écrit. Nous avons envoyé un groupe de personnes et elles ont organisé des

9 réunions. Ils ont envoyé des représentants de l'administration chez nous,

10 ce qui fait qu'ils étaient présents à toutes nos réunions. Il ne s'est rien

11 produit hors de la présence des autorités de l'époque. Si quelqu'un peut

12 prouver le contraire, moi, je veux bien en répondre.

13 Q. Monsieur Bulatovic, est-ce que vous dites qu'ils étaient présents à

14 toutes vos réunions ? Est-ce que vous pensez aux représentants des

15 autorités municipales et provinciales [comme interprété] ?

16 R. Oui. Les autorités municipales, et il y avait certains représentants de

17 l'autorité provinciale également qui venaient.

18 Q. Mais est-ce qu'il y avait des représentants serbes et albanais?

19 R. Oui, ils venaient toujours en composition mixte. Il y avait des Serbes

20 et des Albanais dans ce groupe-là, jamais monoethnique.

21 Q. Que savez-vous nous dire et dans quelle mesure avez-vous pris une part

22 active à la rédaction de cette pétition des 2 000 Serbes en 1985? C'est

23 cette fameuse pétition qui a été publiée par la presse.

24 R. En 1984, lorsque nous avons vu que, comment dirais-je, que nous avons

25 pu trouver recourt pour nous plaindre et que ces plaintes soient agréées,

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1 nous avons décidé de rédiger une pétition. Mais le texte de la première des

2 pétitions n'a été publié nulle part puisqu'il n'y a eu que 78 citoyens

3 serbes à l'avoir signée. Les gens n'osaient pas signer, tout simplement.

4 Alors nous avons renoncé à cette pétition.

5 Un an plus tard, lorsque nous avons vu que les choses n'avançaient pas,

6 nous nous sommes réunis pour nous entretenir et entendre ce que Dobrica

7 Cosic allait nous dire. Parce que si on s'adressait à l'Etat, au comité,

8 cela ne donnait rien au parti. On est allé voir cet homme de lettres, cet

9 écrivain, et il nous a dit : "Vous avez bien fait de procéder ainsi. Vous

10 vous êtes adressés à votre direction, à votre Etat, à vos instances

11 administratives. Je vous conseille de ne rien faire de clandestin. Je vous

12 félicite d'avoir procéder ainsi. Rédigez une pétition." On lui a dit que :

13 "On l'avait rédigée, mais qu'il n'y avait eu que 78 signataires." Alors il

14 nous a conseillé d'en rédiger une autre : "pour énumérer les revendications

15 qui étaient les nôtres, pour demander ce que vous vouliez voir changé, et

16 je crois que depuis le temps -- étant donné que les actes terroristes se

17 font de plus en plus fréquent à l'égard de la population serbe. Je crois

18 qu'on prêtera une oreille attentive à ce que vous avez dit."

19 Effectivement, cette pétition a été signée par plus de 2 000 Serbes.

20 Lorsqu'on nous a demandé à l'assemblée Yougoslave, au parlement Yougoslave,

21 a dit 2 016 ou 2 011, alors qu'ils étaient

22 2 600 à signer. On dit à certains endroits, 2 011 ou 2 016 -- la pétition

23 de 2 011 ou 2 016, mais il y a plus de 2 600 signatures.

24 Monsieur le Président, Monsieur Robinson, je tiens à dire que par la suite

25 cette pétition a été signée ultérieurement par plus de 86 000 citoyens du

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1 groupe ethnique serbe au Kosovo et Metohija, et précisément pour cette

2 raison.

3 Dans un village à proximité d'Orahovac, à Kole Shiroka j'ai remis la lettre

4 ouverte du colonel Filipovic, qui a écrit à Shiroka, qui était représentant

5 des autorités du Kosovo, qui était Albanais d'origine. La police a retrouvé

6 le texte de la pétition et de cette lettre, et c'est la raison pour

7 laquelle, le 2 avril 1986, j'ai été arrêté. J'ai été dans une prison de

8 l'instruction.

9 Q. Attendez, attendez, Monsieur Bulatovic.

10 Cette pétition a été publiée dans la presse, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Comment se fait-il qu'on vous ait arrêté ? Parce qu'on a retrouvé le

13 texte de la pétition qui a déjà été publié par la presse ?

14 R. Ils ont pensé qu'en m'arrêtant, plus personne dans la province du

15 Kosovo et Metohija n'oserait dire la vérité. Tout le monde serait contraint

16 à se taire, et ceux qui n'apprécieraient pas, avaient la liberté de s'en

17 aller. Les frontières étaient ouvertes pour ceux qui voulaient partir et

18 c'est là qu'on en était venu.

19 Q. Vous dites qu'on vous a arrêté pour faire peur, pour intimider les

20 autres.

21 R. Tout à fait.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Laissez le témoin répondre à ces

23 questions et ensuite nous ferons une pause de 30 minutes.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai ici le texte de cette pétition, et si la

25 Chambre veut bien me le permettre, j'aimerais en donner lecture. Vous

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1 verrez bien qu'il n'y a rien de dit à un autre peuple ou une autre minorité

2 nationale ou un autre groupe ethnique. Tout ce que nous demandions c'est

3 être placé sur pied d'égalité avec nos voisins, avec les gens qui vivaient

4 avec nous, au côté de nous. C'est sur quoi le monde entier est entrain

5 d'insister. Personne n'a jamais parlé de nettoyage ethnique.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Est-ce que cette pétition est

7 en Serbe ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en langue serbe.

9 M. NICE : [interprétation] Je suis en mesure de vous remettre une

10 traduction anglaise un peu plus tard.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien merci. A notre retour,

12 nous allons regarder cela. Nous allons faire une pause maintenant de 30

13 minutes.

14 --- L'audience est suspendue à 11 heures 41.

15 --- L'audience est reprise à 12 heures 16.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

17 M. NICE : [interprétation] Si le document que j'ai dans cette version

18 traduite est la même que celle que le témoin a devant les yeux et qu'il

19 s'apprêtait à lire, je pourrais, d'ailleurs, lui remettre un exemplaire. En

20 tout cas, c'est un document qui vient d'un manuel et puisque le problème se

21 pose assez souvent, il est peut-être prudent, pour les Juges de la Chambre,

22 de vérifier auprès du témoin que la version traduite correspond bien à

23 l'original.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui, nous le ferons.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avec mes excuses à l'égard du témoin et à votre

3 égard pour un problème purement technique, j'aimerais recevoir de votre

4 part un renseignement au sujet de

5 M. Jasovic. Est-ce qu'il pourra témoigner mardi ou est-ce que vous allez

6 vous prononcer sur une autre date ? Cela m'arrangerait qu'il témoigne

7 mardi, personnellement et M. Nice disposera d'un temps suffisant pour

8 prendre connaissance de tous les documents.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, avez-vous

11 vérifié auprès de la section chargée des Témoins et des Victimes si M.

12 Jasovic se trouverait bien à La Haye et serait en mesure de témoigner

13 mardi ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il peut être à La Haye, cela ne pose aucun

15 problème.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

17 M. NICE : [interprétation] En réponse à l'observation de l'accusé selon

18 laquelle j'aurai le temps nécessaire pour prendre connaissance des

19 déclarations préalables, deux points.

20 D'abord, l'état de ma préparation dépend de la décision que rendra la

21 Chambre, mais même dans ces conditions, pour lire de bout en bout toutes

22 ces déclarations préalables, il faut pas mal de temps. et le temps à ma

23 disposition entre la fin de l'audience d'aujourd'hui et le début de

24 l'audience mardi est déjà totalement pris, y compris, le week-end car j'ai

25 l'intention de venir travailler au Tribunal pendant le week-end. Je n'aurai

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1 pas de temps à consacrer à cette lecture. Mais le problème principal, c'est

2 que nous ne savons pas quelles seront les recherches nécessaires, ensuite.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous pourrions décider de l'entendre

4 au principal, mardi et de remettre le contre-interrogatoire à une date

5 ultérieure. Demain, nous nous prononcerons, nous rendrons notre décision

6 quant à la possibilité de procéder à l'interrogatoire principal.

7 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, c'est toujours une

8 possibilité. J'ai déjà dit que personnellement, j'essayais d'éviter cette

9 façon de procéder en raison de l'accumulation du temps écoulé entre le

10 contre-interrogatoire et le principal.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que c'est la seule solution

12 que nous avons.

13 M. NICE : [interprétation] Non. Cela s'est déjà passé dans la présentation

14 des moyens de preuve de l'Accusation. Assez souvent, il a fallu revenir

15 après un certain temps sur des questions évoquées précédemment. Ce n'est

16 pas l'idéal.

17 Mais cela signifie que je n'aurais pas le temps d'examiner votre décision

18 et les conditions de la recevabilité entre le moment où la décision sera

19 rendue et le moment où le témoin témoignera. Sinon, je n'ai pas d'objection

20 sur le fait qu'on procède à l'interrogatoire principal et qu'on reporte à

21 une date ultérieure le contre-interrogatoire, mais j'invite les Juges à

22 rendre une décision différente, si possible.

23 Bien sûr il est possible que l'accusé ait quelques problèmes par

24 rapport à ces témoins ultérieurs et si tel est le cas, il peut le dire très

25 franchement, cela pourrait aider les Juges. Je dois dire que nous n'avons

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1 pas reçu de liste des témoins à jour et que nous avons quelques

2 incertitudes quant à l'identité du témoin suivant. C'est un autre problème

3 qu'il va nous falloir affronter dans le laps de temps qui nous sépare de

4 mardi.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce que

6 vous avez d'autres témoins ?

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Un des témoins prévu sur la liste est tombé

8 malade, il ne pourra pas témoigner dans l'immédiat, il témoignera plus

9 tard. Mais pour le reste, tout va bien et nous pouvons entendre les témoins

10 dans l'ordre prévu. Jasovic figure sur la liste, d'ailleurs.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ce serait gênant pour M.

12 Jasovic que nous entendions son interrogatoire au principal mardi et que le

13 contre-interrogatoire soit reporté à une date ultérieure, il lui faudra

14 revenir ?

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que cela ne devrait pas lui poser un

16 problème particulier. Il pourra revenir.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. C'est ce que nous allons

18 faire, nous entendrons M. Jasovic au principal mardi et le contre-

19 interrogatoire sera fixé à une date ultérieure et demain nous indiquerons,

20 par voie d'ordonnance, si l'interrogatoire principal doit se limiter à

21 certaines questions.

22 Revenons à M. Bulatovic et à la pétition.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai vu le document distribué par M. Nice; or,

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1 ce n'est pas la même pétition, ceci est une pétition des intellectuels de

2 Belgrade et en page 1, il est déjà fait référence au fait que : En octobre

3 1985, 2 016 Serbes du Kosovo-Metohija ont adressé une pétition aux

4 assemblées de Serbie et de Yougoslavie.

5 Il est seulement fait mention à la lettre ouverte dont

6 M. Bulatovic a parlé qui, elle, date de janvier 1986 et celle-ci est,

7 également, adressée à l'assemblée de la République fédérale socialiste de

8 Yougoslavie et à l'assemblée de la République socialiste de Serbie en 1986.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien, Monsieur Milosevic. Vous

10 avez dit que ce n'était pas le même document, donc, nous ne pourrons pas

11 nous en servir. Nous demanderons que lecture soit faite de la lettre

12 ouverte des parties pertinentes, en tout cas et que celle-ci soit traduite.

13 Mais que vouliez-vous faire avec cette pétition ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne l'ai, d'ailleurs, pas incluse dans les

15 éléments de preuve, mais ce que je voulais faire avec cette pétition, c'est

16 chercher à en extraire tout ce qui aurait pu être qualifié de nationalisme

17 serbe et qui aurait pu justifier la réponse qui a été apportée à la

18 direction du Kosovo-Metohija, réponse décrite telle qu'elle a été

19 qualifiée. Ma question, c'était : est-ce qu'on trouve de tels éléments dans

20 cette pétition.

21 M. Bulatovic a, d'ailleurs, la pétition ici, sur lui. Je parle de la

22 pétition publiée.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Bulatovic, est-ce qu'il y a

24 quelque chose dans la pétition qui pourrait être qualifiée de nationalisme

25 serbe ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas du tout, Monsieur Robinson. Le texte de

2 cette pétition nous avait demandé que tout ce qui pouvait s'y trouver de

3 répréhensible soit corrigé de façon à ce qu'au sein de la société, toutes

4 les communautés soient placées sur un pied d'égalité, toutes les

5 communautés présentes au Kosovo et notamment, les Siptar du Kosovo-

6 Metohija. Merci.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas besoin de donner

8 lecture de cette pétition. Si M. Nice souhaite contre-interroger sur cette

9 pétition, il pourra le faire, bien sûr.

10 M. NICE : [interprétation] Mais peut-être pourrait-on, si cela ne dérange

11 pas trop le témoin, lui demander de citer l'extrait de l'ouvrage où se

12 trouve ce texte car je n'ai pas pu le retrouver, je n'aurai pas le temps de

13 le retrouver d'ici à mardi.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, qu'on restitue le document.

15 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Monsieur Bulatovic, est-ce que vous avez signé cette pétition ?

19 R. Je suis le premier signataire de la pétition, Monsieur le Président.

20 Q. Fort bien. Dites-moi, puisque vous êtes le premier signataire --

21 R. Oui.

22 Q. -- est-ce qu'il y avait la moindre expression d'une position

23 autonomiste de votre part au moment où cette pétition a été rédigée et

24 signée ou est-ce que vous avez reçu des instructions d'une quelconque

25 autorité ou d'une quelconque organisation ou de quel qu'individu que ce

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1 soit quant à la façon de rédiger cette pétition ?

2 R. Je tiens à dire devant ce Tribunal - et j'ai juré de dire toute la

3 vérité - que nous avons rédigé le texte de cette pétition. Nous, simples

4 citoyens, citoyens ordinaires représentants de diverses couches sociales.

5 Nous n'étions pas des juristes. Nous avons appelé un journaliste pour nous

6 aider, il s'agit de Rajko Djurdjevic, d'une localité non loin de Belgrade,

7 qui a mis la dernière touche au texte pour nous et je l'ai tapé, j'y ai

8 inscrit mon adresse et j'ai été la première personne à le signer. Vous

9 pouvez le voir dans l'ouvrage que M. Nice a actuellement entre les mains.

10 Q. Dites-moi, Monsieur Bulatovic, comment cette pétition a-t-elle été

11 reçue par l'opinion yougoslave ?

12 R. De façon très négative, au niveau du Kosovo-Metohija, mais également au

13 niveau de la fédération. Ce texte a été qualifié de relance d'une espèce de

14 nationalisme serbe au Kosovo, mais qu'est-ce que vous cherchez à obtenir ?

15 Comment pouvez-vous demander une position d'égalité au Kosovo aujourd'hui ?

16 Est-ce que vous n'êtes pas sur un pied d'égalité avec tout le monde ? Voilà

17 ce que disaient les gens. Ils pensaient que c'était bien cela qui se

18 passait au

19 Kosovo-Metohija, qu'il y avait l'égalité entre les différentes communautés

20 et que la terreur et le soutien tacite à la terreur apportée par les

21 autorités était quelque chose qu'il n'était pas nécessaire de changer.

22 Je ne sais pas si j'ai été clair.

23 Q. Oui, vous avez été tout à fait clair, cela suffit.

24 Dites-moi, vous avez déclaré que vous aviez rédigé la pétition tous

25 ensemble. Mais qui d'autre a participé, avec vous, à la préparation de

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1 cette pétition ?

2 R. Cette pétition, en dehors de moi, a été préparée par Bosko Budimirovic,

3 par Solevic et par Milo Maslar [phon] qu'on voit d'ailleurs sur la

4 photographie.

5 Je demanderais si on peut placer le texte sur le rétroprojecteur pour

6 voir la photo de ces hommes de façon à ce que les Juges sachent qu'il

7 s'agit bien de simples citoyens. Toutes les protestations venaient toujours

8 de la base; c'est ce que nous souhaitions démontrer dans ce texte.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne crois pas que nous ayons

10 besoin de voir cette photographie, Monsieur Bulatovic.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord, d'accord. C'est vous qui décidez.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Vous avez parlé de Solevic, de Budimirovic, vous avez cité votre nom.

14 R. Oui.

15 Q. Vous avez dit que cela avait créé pas mal d'émotions, mais comment

16 avez-vous été personnellement qualifié à cette époque-là ? Est-ce que tout

17 cela avait un rapport direct avec votre travail en rapport avec la

18 pétition ?

19 R. On nous a qualifié de nationalistes serbes, mais pas dans le sens

20 nationalisme simple, dans le sens chauvinisme et haine; or, il n'y en avait

21 pas parce qu'un nationaliste est quelqu'un qui défend son peuple et qu'il

22 aime. Alors qu'un chauvin, c'est quelqu'un qui n'aime que son propre peuple

23 et hait tous les autres peuples. Là, ils ont fait confusion et ils nous ont

24 confondu avec quelqu'un d'autre.

25 Q. Mais avec les hommes dont vous avez cité les noms comme ayant travaillé

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1 à vos côtés, avez-vous constitué un groupe informel ? Est-ce que vous vous

2 rencontriez ? Est-ce que vous discutiez ?

3 R. Monsieur Milosevic, il n'y avait aucun groupe, tout cela était très

4 spontané. C'est moi qui avais parlé de la violence la première fois en

5 public et ils ne cessaient de venir chez moi, des gens de toutes sortes que

6 je ne connaissais pas, qui venaient de tous les coins du Kosovo-Metohija

7 parce qu'au Kosovo-Metohija, on a

8 10 840 kilomètres carrés, à peu près. Alors, vous imaginez ce que cela

9 donne quand des gens de tous les coins du Kosovo viennent vous rencontrer

10 chez vous à votre domicile; or, je n'étais ni représentant d'un

11 gouvernement, ni représentant d'un comité officiel au sein d'une

12 entreprise. J'étais un simple travailleur qui vaquait à ses affaires dans

13 le cadre de mes compétences professionnelles. J'ai longtemps été chef d'un

14 département dans mon entreprise chargé du matériel roulant. Il y avait des

15 Siptars, des Turcs, des Romes qui travaillaient, également, dans cette

16 entreprise. Je tiens à dire publiquement, devant ce Tribunal, que dans

17 toute ma carrière et dans toute ma vie, je suis né au Kosovo-Metohija, j'y

18 ai passé 62 ans d'existence, s'il y a une seule personne qui peut affirmer

19 que j'ai dit un mot négatif, qu'il le dise bien haut et fort ou qu'il

20 envoie un télégramme ou qu'il s'adresse d'une façon ou d'une autre à ce

21 Tribunal pour le faire savoir en m'accusant de cela.

22 Mais que je dise ce que je pense haut et fort, cela, c'est autre chose et

23 je le dis.

24 Q. Monsieur Bulatovic, vous vivez au Kosovo depuis très longtemps et vous

25 avez dit que vous aviez travaillé avec des gens d'appartenance ethnique

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1 très différente. Mais parlons, si vous le voulez bien, plus spécialement

2 des Albanais. Est-ce que vous estimez qu'il y a un seul Albanais qui

3 pourrait dire quelque chose de négatif à votre égard ?

4 R. Dieu m'en garde. J'ai été élevé par la famille Bulatovic et c'est le

5 clan serbe le plus important. Nous sommes descendants de la famille Niksa

6 qui était un Vojvodan, un duc et nous venons de la ville de Niksic et il

7 n'y a personne qui s'exprime d'une façon plus humaine que nous. Nous savons

8 comment nous devons traiter la population, les gens, toujours de façon

9 humaine, de façon à ne faire de mal à personne. Personne ne pourrait rien

10 dire de négatif à l'encontre de ma famille ou de mon ascendance. Nous

11 n'avons jamais semé le moindre trouble. Nous avons toujours occupé la place

12 qui nous revenait, malgré les événements. Nous sommes des gens très droits

13 qui suivons une ligne droite.

14 Q. Monsieur Bulatovic, s'agissant des pétitions qui ont été écrites, nous

15 voyons que plus tard, il y a eu une pétition des intellectuels serbes --

16 R. Oui.

17 Q. -- et vous dites que vous avez adressé celle-ci aux autorités de l'Etat

18 en Serbie-et-Monténégro et dans les municipalités du Kosovo, et cetera.

19 R. Oui.

20 Q. Y a-t-il eu amélioration du point de vue de la situation contre

21 laquelle vous protestiez ?

22 R. Monsieur le Président, Messieurs de la Chambre, rien ne s'est amélioré

23 et c'est cela qui a posé problème. Lorsque vous voyez les médias et que

24 vous teniez compte de ce disaient les dirigeants de la province, vous

25 pouviez penser que le miel et le lait allaient couler au Kosovo-Metohija.

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1 Mais rien de cela ne s'est passé. Il y a eu des changements de personnes à

2 différents postes gouvernementaux, mais la politique est demeuré la même.

3 C'est la politique qui posait problème. Ce n'était pas un problème de Kosta

4 Bulatovic, individuellement. C'était un problème qui a été constaté par

5 toutes sortes d'autres personnes, également.

6 Q. Fort bien, Monsieur Bulatovic. Mais avant la pause, vous disiez avoir

7 été arrêté.

8 R. Oui.

9 Q. Comment cela s'est-il passé et pourquoi ?

10 R. J'ai été arrêté en raison de la pétition qui se trouve dans le livre

11 que M. Nice a, actuellement, entre les mains et le motif était qu'ils

12 voulaient m'arrêter. Ils voulaient interrompre mon action. Ils pensaient

13 que s'ils me forçaient à cesser mes activités, s'ils m'empêchaient de

14 parler en public, plus personne ne protesterait au Kosovo-Metohija.

15 Les gens étaient en train de quitter la province. Il y en avait qui voulait

16 vendre leurs terres, leurs biens, leurs maisons, toutes sortes de choses.

17 Les gens vendaient tout à des prix très bas pour déménager vers la Serbie

18 centrale parce qu'ils essayaient de quitter le territoire. Ceux qui ont

19 voulu me faire taire ont pensé que cette tendance allait se poursuivre.

20 Je parlais en public, j'étais l'initiateur de ce genre de document, de

21 cette pétition. Je les gênais, d'un point de vue politique et uniquement

22 d'un point de vue politique.

23 Q. Fort bien, Monsieur Bulatovic. Cette arrestation que vous avez subie,

24 est-ce qu'elle a joui d'une certaine publicité ?

25 R. Oui, elle a joui d'une certaine publicité. Il y a eu des réactions.

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1 J'ai été détenu à Prizren.

2 Q. Dites-moi, pourquoi on vous a arrêté ? Comment l'ont-ils expliqué ?

3 R. Parce que je semais la révolte parmi la population. J'incitais les gens

4 à se soulever, mais ils n'ont pas parlé de la pétition parce qu'ils

5 souhaitaient taire ce qu'ils faisaient, cacher ce qu'ils faisaient. Des

6 dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées autour de ma maison,

7 que je ne connaissais pas pour la majorité d'entre eux. Il s'est avéré que

8 j'étais à Prizren. Je ne savais pas ce qui se passait à l'extérieur et

9 lorsque des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées, les

10 masses ne se dispersent pas facilement. Elles sont restées trois jours et

11 trois nuits. Tout le monde avait peur d'une véritable rébellion parmi cette

12 masse avec des conséquences éventuelles, fâcheuses qui risquaient de

13 prendre des proportions beaucoup trop importantes. C'est la raison pour

14 laquelle, finalement, on m'a remis en liberté.

15 Puis, le président de la Serbie, Ivan Stambolic, le défunt Ivan Stambolic

16 est arrivé à Kosovo Polje, le 6 avril. Il a prononcé un discours devant le

17 centre culturel comme un discours très caractéristique des responsables

18 politiques de l'époque du communisme. Les gens n'étaient pas satisfaits de

19 cela et pendant son discours, les gens ont commencé à chuchoter "Kosta,

20 Kosta." Ce qui l'a beaucoup ennuyé et on se demandait qui était ce Kosta

21 qui mettait un grain de sel dans le jeu politique de l'époque. Il a promis

22 que toutes les mesures nécessaires seraient prises par tous les dirigeants

23 pour améliorer la situation des Serbes, que la violence serait empêchée,

24 que tout cela cesserait, que la situation s'améliorerait, mais à son

25 départ, rien n'a changé.

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1 Après plus d'un an, suite à son départ -- ou plutôt non, le lendemain de

2 son départ, plusieurs milliers de personnes sont allées au centre des

3 conférences, le Sava centre de Belgrade. J'ai une photographie où on voit

4 ce rassemblement. Un vieil homme, Bozo Markovic, a pris la parole à ce

5 rassemblement. Je peux placer le document sur le rétroprojecteur, si les

6 Juges veulent le voir. Il était originaire du village de Batusa. C'est la

7 raison pour laquelle on a coupé l'électricité à cet homme, plus tard, dans

8 sa maison et il en est mort. C'est lui qui avait pris la parole au Sava

9 centre et c'est la raison de tout cela. J'ai la photo de cet homme sur moi.

10 Cela s'est passé plus d'un an après l'événement précédent dont j'ai parlé

11 et Zoran Grujic également - c'est un docteur en sciences -

12 Q. Un instant, un instant. Avant de nous parler de Zoran Grujic, dites-

13 nous, je vous prie, Monsieur Bulatovic, combien de temps vous avez passé en

14 prison à l'occasion de cette première arrestation ?

15 R. Trois jours.

16 Q. Trois jours et c'est la durée, n'est-ce pas, du rassemblement de ces

17 milliers de personnes ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que vous avez, ensuite, été à nouveau arrêté ?

20 R. La même année, le 20 juin 1986, j'ai été arrêté dans le village de

21 Baric, non loin d'Obrenovac parce que ce jour-là, des gens venus de

22 plusieurs villages du Kosovo-Metohija ont pris la route vers la Serbie et

23 vers Krusevac. Certains ont essayé d'arrêter cet exode. Ils ont arrêté les

24 personnes qui partaient. Il y a des photographies qui le prouvent. On voit

25 l'exactitude des autres éléments de ma déposition, également. La police a

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1 arrêté ces hommes à coups de bâton en les empêchant de prendre la direction

2 qu'ils souhaitaient. J'ai été arrêté parce que tout ce qui s'est passé

3 après que j'ai pris la parole en 1983, 1984. Toutes les pensées, toutes les

4 idées que j'exprimais par la suite et qui correspondaient aux événements du

5 Kosovo-Metohija ont fait de moi la bête noire de l'époque.

6 J'étais le coupable de service. Là, il y a eu un motif de discorde.

7 J'ai été arrêté à la fin de mois de novembre, début novembre 1987, plutôt.

8 Vous êtes arrivé, je pense, après l'expulsion du Kosovo de Zoran Grujic, si

9 je ne me trompe pas. Ils ont brûlé cinq ou six maisons à Kosovo Polje.

10 Puis, il avait un frère là-bas. On voit encore les ruines de la maison.

11 Mais aujourd'hui, il est directeur d'une entreprise commerciale à

12 Gracanica, ce même Grujic.

13 Les gens se sont regroupés devant sa maison. Ils protestaient parce qu'il

14 s'était enfui vers Belgrade et les gens disaient pourquoi est-ce que vous -

15 -

16 Q. Un instant, un instant, Monsieur Bulatovic. Vous dites que les gens se

17 sont regroupés autour de la maison de Zoran Grujic pour protester contre le

18 fait qu'il avait dû s'enfuir à Belgrade. Est-ce que c'est bien la raison du

19 rassemblement de toutes ces personnes ?

20 R. Oui, c'est exact. C'est la raison pour laquelle ils se sont rassemblés

21 là-bas.

22 Mais laissez-moi vous dire ce qui s'est passé. Je suis arrivé, j'ai

23 rencontré Mitar et un membre du comité municipal de Pristina, Pavle

24 Jovanovic, qui est mort entre-temps. Mais qui était militant, un homme

25 honnête de notre village et de toute la région.

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1 Ils sont allés parler à ces gens pour décider ce qu'il convenait de faire

2 et quelqu'un a fait une proposition, c'est-à-dire que Svetozar Grujic a

3 déclaré que nous allons appeler Ivan Stambolic, qui est venu l'année

4 dernière, mais qui n'a rien fait.

5 Ensuite, nous allons appeler le président du comité central de la Serbie,

6 puisque c'étaient vos fonctions, à l'époque. Nous verrons s'ils ont quelque

7 chose ou rien à dire au sujet du Kosovo et Metohija.

8 C'est la décision qui a été prise, et Mitar Balevic, qui présidait le

9 comité local de Kosovo Polje, a pris sur lui d'organiser tout cela. Il a

10 informé le comité central de Serbie de ce qui se passait de la décision

11 prise et a demandé que Slobodan Milosevic vienne à Kosovo Polje à

12 l'invitation de la population.

13 Je crois que c'était le 20 avril. Vous êtes arrivé dans l'après-midi

14 à Kosovo Polje. Vous avez marché à pied depuis le centre de Kosovo Polje

15 jusqu'au centre culturel et à l'école de musique Marovic. Vous êtes monté

16 sur scène et vous vous êtes adressé aux gens, qui vous écoutaient, et qui

17 étaient plus de 10 000. Vous avez prononcé l'allocution que vous avez

18 prononcée, mais les gens n'étaient pas contents, Monsieur le Président, de

19 votre discours.

20 Solevic disait également, en tant que président de la Conférence de

21 la 17e communauté locale - il était tout à fait à côté de vous - vous vous

22 parliez dans le cadre d'un monologue, et nous vous avons demandé de

23 dialoguer avec nous, ce qui voulait dire que nous souhaitions que vous

24 écoutiez nos problèmes que vous y répondiez. Vous avez dit que la réunion

25 était terminée, et vous m'avez dit d'attendre quatre jours parce que vous

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1 m'avez dit je reviendrais quatre jours.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Posez des questions précises. Je

3 vous serais reconnaissant, Monsieur Bulatovic, de répondre plus brièvement.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Monsieur Bulatovic, j'ai parlé aux habitants. Vous avez expliqué que

7 Solevic a dit qu'il ne souhaitait écouter un monologue, mais qu'il voulait

8 un dialogue. J'ai dit très bien. Vous avez choisi vos représentants parce

9 que vous ne pouviez pas dialoguer dans le cadre d'une réunion publique,

10 mais j'ai dit que je reviendrais et qu'à ce moment-là, nous aurions un

11 dialogue. C'est bien la vérité, n'est-ce pas ? Je suis bien revenu quatre

12 jours plus tard ?

13 R. Oui, vous êtes revenu.

14 Q. Monsieur Bulatovic, je ne vais pas lire ce qui figure au paragraphe 76

15 de l'acte d'accusation, volet Kosovo, s'agissant de cette réunion publique

16 qui a eu lieu en avril 1987. Je vais sauter les passages où il est dit que

17 j'avais été élu président, et cetera, et cetera, et cetera, en 1986.

18 Ensuite, on lit : "Au cours de réunions publiques avec des dirigeants

19 serbes locaux et dans une allocution prononcée devant une foule de Serbes,

20 Slobodan Milosevic a appuyé une politique nationaliste serbe."

21 Je vais vous poser une question précise. Est-ce que vous connaissiez une

22 quelconque politique, un quelconque problème qui aurait été décrit à cette

23 réunion publique ? Vous étiez à la réunion du centre culturel du Kosovo

24 Polje au moment où je parlais, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, j'y étais.

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1 Q. Je vous demande : est-ce que vous avez entendu décrire un quelconque

2 programme politique à cette réunion ?

3 R. Nous n'avions pas de programme politique à part la présence d'existence

4 de cette pétition qui demandait que nous soyons traités sur un pied

5 d'égalité avec les autres groupes ethniques résidant au Kosovo-Metohija.

6 Nos exigences générales se réduisaient à une seule exigence cela n'avait

7 rien à voir avec un programme politique. Vous avez entendu 70 personnes

8 présentées leurs problèmes.

9 Q. Dites-moi, quel était l'objet de cette réunion publique ? Est-ce que

10 les gens voulaient m'entendre ou vous entendre ? Quel était l'objet de

11 cette réunion où vous avez élu vos représentants en présence d'une salle

12 comble dans le centre culturel ?

13 R. Monsieur le Président, voilà quel était l'objet de cette réunion. Nous

14 avions des espoirs. Nous espérions que les gens qui avaient été lésés ou

15 désavantagés d'une façon ou d'une autre étant donné les actes commis contre

16 des individus au Kosovo et Metohija pourraient vous parler de leurs

17 problèmes. Nous nous attendions à ce que vous -- croyez-moi, nous

18 souhaitions vous entendre nous dire s'il y avait le moindre espoir, si les

19 dirigeants de Serbie feraient quelque chose pour nous aider, quelque chose

20 d'autre que de nous inciter à un exode massif.

21 Permettez-moi de vous dire avant de poursuivre que, dans ma déclaration,

22 cela ne figure pas, mais nous avons vu que personne n'allait nous aider,

23 que les gens nous regardaient avec des yeux d'aveugles. Monsieur Robinson,

24 nous avons commencé à partir en groupes. Par exemple, je suis allé à

25 Paracin et, avec Anko Djuro Bauk et Bosko Mirovic, nous sommes allés voir

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1 le maire de cette localité pour lui demander s'il pouvait faire quelque

2 chose pour nous aider sur le plan -- nous donner, par exemple, un peu de

3 terre appartenant à la collectivité sociale ou s'il pourrait nous

4 construire des maisons pour que nous déménagions et habitions ailleurs afin

5 d'éviter cet exode général.

6 Q. Fort bien. Je reviens à la réunion de Kosovo Polje. Vous étiez bien au

7 centre culturel non loin du centre de Kosovo Polje.

8 R. Oui.

9 Q. Qu'est-ce qui est arrivé ?

10 R. Oui, dès que la réunion a commencé, vous avez entendu pas mal de bruit,

11 et des plaintes. Mitar Balevic a dit : Monsieur le Président, la situation

12 à l'extérieur est très tendue. Les gens se disputent. Il faut que vous

13 alliez à l'extérieur et que vous essayiez de calmer la foule.

14 Vous-même et ainsi qu'Asim Vllasi êtes sortis. Je ne suis pas sorti avec

15 vous. Je suis resté dans la salle.

16 Q. Fort bien. Je vais vous demander ce qui s'est passé par la suite à

17 l'extérieur du bâtiment parce que je ne vais vous demander -- parce que

18 vous dites que vous n'êtes pas sorti avec nous.

19 Vous ne sauriez nous dire ce qui s'est passé à l'extérieur, n'est-ce pas ?

20 R. Oui. J'ai écouté simplement ce qui était enregistré.

21 Q. Oui, oui. Très bien. De toute façon, la situation s'est calmée. La

22 réunion s'est poursuivie toute la nuit.

23 R. Oui, jusqu'à 6 heures et demie du matin.

24 Q. Vous souvenez-vous du nombre de personnes qui a pris la parole à cette

25 réunion ?

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1 R. Plus de 70, certainement. Le nombre exact, je ne m'en souviens pas, je

2 ne m'hasarderai pas à me prononcer. Mais plus de 70, cela est sûr.

3 Q. Pouvez-vous nous dire comment s'est développée la réunion ? Est-ce

4 qu'elle s'est déroulée dans le calme ?

5 R. Oui, dans le calme et la dignité. Il n'y a pas eu de situations

6 excessives. Tout s'est bien passé. Azem Vllasi, qui présidait le comité

7 provincial de la communauté locale, était présent, ainsi que Kohl Shiroka,

8 qui représentait la Fédération. Il y avait Haliti, qui présidait le comité

9 municipal de la Ligue des communistes de Pristina. Il y avait aussi

10 d'autres personnes qui les accompagnaient.

11 Vous étiez au premier rang. J'étais au septième rang et j'ai bien vu tous

12 les orateurs. Je n'ai pas pris la parole parce que, personnellement, je

13 n'avais pas été lésé, je n'avais aucun événement négatif à raconter. Je ne

14 voulais pas prendre la parole si la réunion s'était tenue à l'étranger,

15 j'aurais peut-être pris la parole, mais là, ce n'était pas la peine que je

16 concentre les attentions des gens sur mes problèmes personnels. Les gens

17 pour leur part ont exposé leurs problèmes.

18 Q. Fort bien, Monsieur Bulatovic. Maintenant je vais vous poser encore

19 quelques questions, j'aimerais appeler votre attention sur un document qui

20 se trouve à l'intercalaire2. C'est bien une demande émanant de vous, n'est-

21 ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Il est dit ici que vous l'avez adressé au conseil des

24 16e et 17e communauté locale de Kosovo Polje; est-ce exact ?

25 R. Oui.

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1 Q. Il est dit également que cette demande ou cette exigence, vous l'avez

2 envoyée le 12 novembre 1987, n'est-ce pas ?

3 R. Oui. Sept mois après votre visite à Kosovo Polje, à peu près.

4 Q. Fort bien. Maintenant dites-moi, la chose suivante. Nous voyons ici en

5 dernière page que vous avez adressé ce document également à l'alliance des

6 16e et 17e communauté locale de Kosovo Polje, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Que vous avez également envoyé un exemplaire à la conférence régionale

9 de Kosovo Polje. Nous le voyons inscrit ici. La conférence d'action de la

10 communauté locale.

11 R. Oui.

12 Q. A l'organisation de la Ligue des communistes de la Yougoslavie des 16e

13 et 17e communauté locale, à la conférence régionale de l'alliance du peuple

14 travailleur de Kosovo Polje, à la conférence de la communauté locale de

15 Kosovo Polje, à toutes les cellules de Kosovo Polje si nous regroupons tout

16 cela, tous ces destinataires.

17 Ils sont tous à Kosovo Polje et, finalement, il est dit que : "Cela a

18 été envoyé à moi et à d'autres personnes de mon entourage pour

19 information."

20 R. Oui, c'est exact.

21 Q. Parce que vous souhaitiez que ce texte soit publié ?

22 R. Si la nécessité en survenait, oui.

23 Q. Parlons rapidement de ces exigences exprimées par vous.

24 Vous dites, par exemple, que vous désirez être autorisé à quitter

25 votre lieu de résidence et, au dernier paragraphe de la

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1 page 1, vous dites avoir été arrêté illégalement, le 2, et remis en liberté

2 le 5 avril 1986, ce qui explique en entendant pour seule explication qu'une

3 erreur avait été commise à votre encontre; c'est bien cela ?

4 R. Oui.

5 Q. Que toutes les poursuites engagées à votre encontre étaient

6 abandonnées ?

7 R. Oui.

8 Q. Cependant, il y a eu des complications plus tard, je ne veux pas

9 rentrer dans les détails mais vous dites qu'en septembre vous avez écrit à

10 tous les dirigeants et à tous les Albanais, Kohl Shiroka, Azem Vllasi,

11 Rahman Morina, Dr Ragib Halili, que vous leur avez adressé une demande de

12 fermeture de votre affaire. Etait-ce bien le président du comité

13 municipalité de Pristina, n'est-ce pas ?

14 R. Oui, c'est exact.

15 Q. Après cela, vous vous êtes adressé, le 10 septembre, ceci figure au

16 dernier paragraphe de la page 2, je vais vous donner lecture du passage en

17 question : "Le 10 septembre 1987, un inspecteur de la sécurité de l'Etat de

18 Pristina, le camarade est venu me voir dans l'entreprise où je travaillais

19 pour me demander d'aller avec lui au secrétariat provincial de l'Intérieur

20 parce qu'il y avait des camarades de la République et de la Fédération qui

21 voulaient s'entretenir avec moi."

22 R. Oui.

23 Q. "Et je suis allé avec lui là-bas dans le bureau du camarade Bozovic et

24 qui avait des camarades de la République de Serbie et de la Fédération."

25 Qui était-ce ?

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1 R. Celui de la Fédération, je pense qu'il s'appelait Raukovic.

2 Q. De quel organe venaient-ils ?

3 R. Il venait de la sécurité d'Etat.

4 Q. Donc, c'était des gens chargé de la sécurité ?

5 R. Oui, de la sécurité et il y avait le Savic de Serbie.

6 Q. Ils ont attiré mon attention sur le fait que j'étais l'organisateur du

7 rassemblement du peuple serbe au Kosovo. Ils m'ont demandé à l'avenir de ne

8 plus aller à ces rassemblements et de ne pas rendre la parole.

9 R. C'est vrai.

10 Q. Car en raison de ma présence et de par mes propos j'éviterais les

11 masses et bon nombre de ceux qui ne me connaissaient pas du tout. Je leur

12 ai répondu que je n'étais pas un organisateur des rassemblements parce que

13 cette population était rassemblée par mal, la souffrance qu'il endurait.

14 R. C'est exact.

15 Q. Ils disaient que j'étais là pour les appuyer parce que je disais la

16 vérité de ce que l'on faisait contre cette population au Kosovo, je n'ai

17 incité personne à se rassembler ou à prendre la parole.

18 R. Cela c'est bien vrai.

19 Q. Je leur ai promis que je n'irai plus à ces rassemblements et que je ne

20 prendrais plus la parole --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, il serait temps

22 de poser votre question.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas une place de lecture.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Donc, vous leur avez promis, à ce moment-là, de ne plus aller à ces

3 rassemblements, que vous n'allez plus prendre la parole et vous n'avez plus

4 pris la parole ?

5 R. Je suis allé au rassemblement et j'ai pris la parole quand même. A

6 Niksic, j'ai été à un rassemblement de ce type-là et j'ai pris la parole en

7 effet et à la maison lorsque je suis revenu de cette audition à Pristina,

8 il devait y avoir quelques 150 à 200 citoyens de rassembler devant chez

9 moi. Ils demandaient pourquoi j'étais emmené par la sécurité d'Etat à

10 Pristina.

11 Le lendemain après cela, j'ai appelé le dénommé Bozovic pour lui dire de

12 m'envoyer ces personnes à la maison et c'est à eux qu'il fallait qu'ils

13 posent la question pourquoi ils s'étaient rassemblés, les citoyens, parce

14 que le surlendemain, il y avait 2 000 citoyens et je devais forcément

15 sortir pour m'adresser à eux et leur demander, leur supplier de rentrer

16 chez eux et leur promettre que les choses allaient s'améliorer. Cette

17 population, qui est la mienne en termes pratiques, en termes pratiques, je

18 les ai quelque peu trompés pour les apaiser. Voilà.

19 Q. Vous vous êtes efforcé de les convaincre de rentrer chez eux ?

20 R. Oui, de rentrer chez eux, et cela est bien.

21 Q. Dans ces écritures, vous demandez l'autorisation de déménager du

22 Kosovo. Vous dites que le 2, 3, 4 et 5 avril, lorsque vous vous trouviez en

23 détention provisoire, des gens -- des citoyens s'étaient rassemblés devant

24 votre maison et je leur ai demandé de savoir : "Comment est-ce que moi, une

25 fois emprisonné, peut organiser un rassemblement à Kosovo Polje ?"

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1 R. Exact.

2 Q. Est-ce que ce rassemblement était illicite ? Est-ce que vous deviez

3 vous justifier ?

4 R. Ce n'était pas illicite, Monsieur le Président, et Monsieur Robinson

5 aussi bien. Je veux dire que c'était là les méthodes auxquelles ils avaient

6 recours et ils ne savaient plus quoi faire, soit me liquider en termes

7 physiques, soit me laisser quitter ce territoire et, à l'époque, il y avait

8 une interdiction de déménagement du territoire de Kosovo sans l'approbation

9 des communautés locales. C'est la raison pour laquelle j'ai rédigé ce

10 courrier à l'intention des deux communautés locales indiquées ci-dessus à

11 Kosovo Polje, et c'était en raison du mal, des souffrances qui étaient les

12 miennes et des notre, pour savoir de ce qu'il allait advenir de nous.

13 Q. Dans ce document où vous vous adressez à ces autorités pour demander

14 l'autorisation de déménager en page 4 paragraphe 1, vous dites que vous

15 êtes exposé à des pressions : "Que votre famille était exposée à des

16 pressions," et ainsi de suite. Vous parlez de vos filles, des mauvais

17 traitements réservés à l'intention de vos filles.

18 R. Oui, tout à fait.

19 Q. Est-ce que c'était là quelque chose qui n'arrivait qu'à vous à l'époque

20 ou est-ce que cela arrivait à d'autres personnes au Kosovo-Metohija ?

21 R. Cela arrivait à tout le monde, Monsieur le Président, et je crois bien

22 que cela m'arrivait, notamment, pour me faire taire d'une certaine façon.

23 Ce soir-là, des méthodes variées auxquelles ils avaient recours et je n'ai

24 pas de mots pour vous expliquer tout ce qui se faisait au Kosovo ces jours-

25 là ou plutôt en ces temps-là.

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1 Q. Alors, vous vous plaigniez ensuite des raisons pour lesquelles un

2 certain responsable, monténégrin ou serbe.

3 R. Stijovic.

4 Q. Oui, vous donnez son nom. En tout état de chose, ce n'est pas un

5 Albanais et il vous a accusé de parler en termes nationalistes.

6 R. C'est exact.

7 Q. En fin de ce paragraphe, vous dites que vous êtes à la défense de la

8 population serbe et que vous demandiez à ce que cette population soit sur

9 pied d'égalité avec les autres populations en Yougoslavie. Vous dites que

10 vous êtes disposé à défendre les autres peuples et les autres populations

11 pour réclamer des droits, mais sur la base d'une égalité pleine et entière,

12 sans laquelle il ne serait y avoir de "fraternité et unité".

13 R. Oui, c'est parce que justement ils ne pouvaient rien trouver pour me

14 condamner, pour me mettre en prison pour me faire quelque part parce que

15 j'étais un adversaire assez peu commode dedans leur "ring", croyez-moi.

16 Q. Bien, Monsieur Bulatovic, vous vous employez ici en faveur d'une

17 égalité en droit et non pas en faveur de droit plus grand que ceux des

18 autres. Est-ce que c'était là la position de ceux qui avaient également

19 pris part à vos côtés à la rédaction de cette pétition ? Est-ce que d'une

20 quelconque façon il y eu encouragement ou incitation à l'intolérance vis-à-

21 vis des Albanais ou vis-à-vis de quelqu'autre groupe ethnique que ce soit

22 en Yougoslavie ?

23 R. Monsieur le Président, Monsieur Robinson, ici je vous affirme en toute

24 responsabilité que je suis intervenu de façon éducative vis-à-vis de tous

25 ceux qui venaient me voir au bureau à la maison ou qui m'interceptaient

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1 dans la rue, donc partout à tout endroit. Je disais qu'il ne fallait rien

2 dire de mal contre les Siptars, les Turques, les Rom ou qui que ce soit,

3 des Musulmans qui résidaient au Kosovo-Metohija, je leur ai dit que si nous

4 faisions un signe nous devinerions les ennemis de notre propre peuple. Je

5 ne veux pas recevoir ces gens qui ont ce type d'opinion. Je ne prendrais

6 pas la parole je ne serai pas au côté de gens qui seraient des extrémistes

7 dans leurs propos ou leurs actes. C'est vrai nous faisons l'objet d'actes

8 terroristes, de terrorisme, mais nous devons être tolérants parce que nous

9 n'avons pas de Serbie autre si ce n'est celle-ci. Nous ne pourrons pas

10 vivre à l'extérieur de notre Etat de notre pays et nous ne pourrons pas

11 adopter un comportement vis-à-vis d'une minorité nationale qui serait de

12 nature à les mettre en péril. Nous voulions que l'Etat se charge de nous

13 mettre sur un pied d'égalité non pas des individus.

14 Q. Bien. Monsieur, nous allons sauter une période quelques années et nous

15 dirons qu'il y a eu par la suite des modifications à la constitution en

16 1981 -- 1989. Je pense que vous vous en souvenez.

17 R. Oui.

18 Q. Vous n'êtes pas un expert en matière constitutionnelle, je ne vous

19 posai donc pas de questions à ce sujet, mais, en votre qualité de citoyen,

20 veuillez nous dire comment, au Kosovo-Metohija, vous avez vécu ces

21 changements ? Partant de la vie de tous les jours des conversations que

22 vous avez eues avec vos voisins, notamment, albanais, comment on-t-il

23 perçus cela ?

24 R. Ils ont très bien perçu et de façon normale. Au début des

25 modifications, les choses se sont faites de façon paisible tout à fait

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1 posé, il n'y a pas eu de violence tout de suite, mais au bout d'une petite

2 pause, d'un petit intervalle de temps tout à coup les Albanais ont

3 commencés à quitter les entreprises, Monsieur Robinson, nous étions

4 stupéfaits, nous autres, simples citoyens. Enfin, j'étais impatient de

5 trouver du travail, un emploi. Alors, si on quitte son emploi, de quoi va-

6 t-on vivre. Nous étions préoccupés pour savoir de quoi leurs familles

7 allaient vivre.

8 Nous ne comprenions pas qu'ils recevaient une aide financière de

9 l'étranger, d'états autres ou par des canaux tout à fait dissimulés dont je

10 ne sais rien. Mais d'où venait cet argent qui permettait à quelqu'un de

11 vivre bien sans travailler ? Le niveau de vie des Serbes au Kosovo-Metohija

12 et le niveau de vie des Siptars au Kosovo-Metohija était très différent, à

13 leur avantage, j'entends. Du reste, vous pouvez le voir à l'œil nu, cela.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Bulatovic.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous nous avez dit que vous vous

17 étonniez de voir les Albanais pouvoir quitter leurs postes de travail étant

18 donné qu'il était difficile de se procurer un emploi. Vous ne compreniez

19 pas comment ils pouvaient être financés "par d'autres pays ou d'autres

20 états et par ces canaux-là et que vous ne connaissiez rien à ce sujet."

21 Quelle est votre source, ici ? Comment saviez-vous qu'ils étaient

22 financés de l'extérieur?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils étaient financés -- les journaux en

24 parlaient. On disait qu'ils étaient financés depuis le Moyen-Orient par ses

25 filières de vente de drogues, d'armes et du reste. Ce sont -- enfin, les

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1 journaux qui le disent dans notre pays. Je crois que vous avez dû forcément

2 suivre cela. Ce sont ses filières. Moi, je n'ai pas de service de

3 renseignement pour en savoir davantage.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Bien, Monsieur Bulatovic.

6 R. Oui.

7 Q. Vous parlez d'un phénomène qui est survenu ultérieurement, à savoir que

8 bon nombre d'Albanais ont quitté leurs postes de travail tout simplement

9 pour des raisons qui n'étaient connues que d'eux. Mais est-ce qu'à

10 l'époque, dans leur milieu politique, il était question de boycotter

11 l'emploi, de boycotter le poste de travail, de les quitter, les postes de

12 travail. Que savez-vous nous dire ?

13 R. Une fois Kacusha Jashari et Azem Vllasi ont, en termes pratiques,

14 publiquement convié la population à boycotter, ce qui a surpris l'opinion

15 publique yougoslave toute entière, à l'époque.

16 Q. Bien. Monsieur Bulatovic, veuillez m'indiquer autre chose. Est-ce que

17 quiconque, au niveau de la direction de l'Etat ou quiconque, parmi les

18 Serbes du Kosovo, aurait incité des Albanais à quitter leurs postes de

19 travail ? Est-ce que quelqu'un les chassait de leur travail, de leurs

20 postes de travail ? Vous viviez là-bas, vous étiez à leurs côtés. Auriez-

21 vous eu connaissance d'exemples où ils auraient été chassés de leurs postes

22 de travail ou encouragés à quitter leurs postes de travail, de la part des

23 Serbes, j'entends; du côté des Serbes, non pas des Albanais ?

24 R. Dieu nous en garde. Si quelqu'un a des informations de cette nature,

25 j'aimerais bien qu'on me dise où, comment et quand parce que c'est un grand

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1 mensonge. C'est une contre-vérité de premier ordre.

2 Q. Bien. Mais savez-vous nous dire quoi que ce soit au sujet de la mise en

3 place de ces structures parallèles au niveau de la santé et de l'éducation

4 de la part de ces organisations albanaises ?

5 R. Ce que je sais, c'est qu'ils sortaient les élèves des écoles pour les

6 emmener vers des maisons privées et y organisaient un enseignement de

7 dispenser. J'ai vu cela non loin d'Obilic. Il y avait une école à eux. Les

8 écoliers se rassemblaient là et c'est là que les cours avaient lieu. C'est

9 là que les cours étaient dispensés, tout simplement. Le cercle ne faisait

10 que s'élargir, le cercle de ceux qui étaient favorable au boycott de toutes

11 choses au Kosovo-Metohija, parmi eux.

12 Nous nous doutions bien qu'il y avait de l'aide venant de

13 l'extérieur, qu'il y avait un soutien d'ailleurs parce qu'il y avait des

14 Albanais qui étaient de bons voisins, de bons amis, nous travaillions

15 ensemble dans les mêmes entreprises. Nous n'avions, entre-nous, aucune

16 difficulté. Ces Albanais n'ont pas bénéficié du soutien d'autrui. Ceux qui

17 ont été soutenus et aidés, c'étaient ceux qui voulaient exercer la terreur,

18 des violences, des persécutions. C'est cette filière-là ou ce volet-là qui

19 a bénéficié d'une assistance. Les autres ont été complètement mis de côté.

20 Ce qui fait que dans le courant de la toute dernière guerre, ils ont

21 exécuté tous les individus qui voulaient vivre en termes de bon voisinage

22 avec les Serbes et les autres. C'est là le problème, c'est là que se situe

23 le problème tout entier. Je ne sais pas si je vous ai illustré la chose de

24 façon suffisante.

25 Q. Mais d'où tirez-vous ces renseignements aux termes desquels ils

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1 s'entre-tueraient entre eux ?

2 R. J'ai, ici, des journaux qui disent qu'un homme avec sa famille à un

3 village de Brolic, municipalité de Decani, un homme lui a proposé de le

4 transférer à Pec, et il a déménagé au Monténégro. Il vit dans des espèces

5 de baraquements chez la famille Loncerevic [phon]. Cet homme-là et sa fille

6 ont été tués au bout d'un certain temps par les leurs. Il était en très

7 bons termes avec les Serbes, lui. Il n'a jamais rien eu de mal ou de

8 mauvais termes avec ses voisins et il a été tué.

9 Q. Vous estimez qu'il a été tué parce qu'il avait de bonnes relations avec

10 les Serbes ?

11 R. Je peux retrouver le journal et vous dire la date.

12 Q. Non, nul n'est besoin de retrouver le journal. Vous avez connaissance

13 de cas où certains qui -- enfin, des personnes qui auraient eu une attitude

14 positive à l'égard des Serbes ont fini par être sanctionnés pour cela.

15 R. Oui, c'est vrai, mais ils le savent eux-mêmes et ils le savent le

16 mieux, eux-mêmes.

17 Q. Bien. Monsieur Bulatovic dites-nous, je vous prie, où est-ce que vous

18 avez été --

19 M. NICE : [interprétation] Questions significatives, récemment; je souhaite

20 simplement le rappeler à votre attention --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ecoutez, vous avez toujours tendance

22 à poser des questions suggestives. Veuillez éviter de faire cela, s'il vous

23 plaît.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Monsieur Bulatovic, au cours de ces 10 années-là, à compter de 1989

2 jusqu'à 1999, vous avez séjourné tout le temps au Kosovo depuis les

3 amendements à la constitution.

4 R. Oui.

5 Q. Vous avez passé tout ce temps à Kosovo-Metohija ?

6 R. J'y ai séjourné tout le temps, jusqu'au 26 mai 1999.

7 Q. Vous avez travaillé ?

8 R. Non, j'étais à la retraite.

9 Q. Depuis quand ?

10 R. Depuis 1993.

11 Q. Mais vous avez quand même eu des contacts sociaux de très grande

12 envergure avec les Serbes et les Albanais ?

13 R. Oui, avec les Serbes et les Albanais. J'avais mes voisins et lorsqu'on

14 m'a ramené de l'hôpital à mon appartement, à Pristina, les voisins Albanais

15 étaient venus me voir, me dire bonjour.

16 Q. Bien. Pendant ces 10 années-là, aviez-vous eu connaissance d'exemples

17 où les Serbes auraient chassé des Albanais de leurs postes de travail ou

18 auraient exercé des mesures discriminatoires à leur égard ?

19 R. Chez moi, il passait, au quotidien, entre 200 et 500 personnes que je

20 voyais et jamais je n'ai eu vent d'une information de cette nature. Si

21 quelqu'un a eu une information de cette nature, qu'il veuille, qu'il daigne

22 nous la donner.

23 Q. Ou est-ce que vous vous trouviez au début de l'agression de l'OTAN sur

24 la Yougoslavie ?

25 R. Le 19 mars 1999, j'ai eu un accident grave de la circulation, non loin

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1 de Pristina, à cinq kilomètres de Pristina. Je me suis trouvé à la clinique

2 orthopédique du centre hospitalier de Pristina. J'ai été opéré et je me

3 trouvais en salle de soins intensifs. Le 24, lorsque les bombardements ont

4 commencé, j'étais en salle de soins intensifs.

5 Q. Fin mai, vous avez été transféré à Igalo ?

6 R. C'est cela.

7 Q. Vous y avez passé tout le temps ?

8 R. Non, je suis resté quelques jours et je suis revenu à la maison.

9 Q. Pendant cette dizaine de jours où vous étiez à l'hôpital --

10 R. Oui ?

11 Q. -- avez-vous remarqué quoi que ce soit au niveau de la composition

12 ethnique des médecins et des patients dans l'hôpital où vous étiez ?

13 R. Monsieur le Président, il y avait, comme d'habitude, comme avant le

14 début de l'agression, lorsque j'ai séjourné à l'hôpital, c'étaient les

15 mêmes personnes, la même composition.

16 J'en mettrais ma main à couper. Il y avait des Albanais, parmi le

17 personnel; il y avait des Serbes, il y avait des femmes turques qui étaient

18 infirmières. C'est une Turque qui venait me donner des piqûres

19 régulièrement. Je n'ai rien remarqué. C'est comme s'il n'y avait pas eu

20 d'agression, quoiqu'on nous tirait des missiles dessus tout le temps. Mais

21 là, il n'y a eu aucune perturbation et par la suite, je ne sais pas vous

22 dire ce qui s'est passé.

23 Q. Que vous est-il arrivé une fois que vous soyez rétabli à l'hôpital de

24 Pristina. Vous êtes allé ailleurs ?

25 R. Je suis allé à Nis, au centre de réhabilitation physique, voir un

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1 docteur.

2 Q. Vous n'avez pas à nous donner tous ces détails ?

3 R. Par la suite, je suis rentré chez moi pour une dizaine de jours et,

4 depuis de là, le Dr Popara m'a envoyé une lettre d'urgence parce que je ne

5 pouvais pas bouger. J'ai été envoyé à Igalo, au Monténégro, en bord de mer,

6 pour soins ultérieurs là-bas. C'est là que je me trouvais lors des accords

7 de Kumanovo.

8 Q. Bien. Veuillez m'indiquer, en votre qualité de citoyen du

9 Kosovo-Metohija et parce que je suis certainement en votre qualité de

10 personne qui a connu bon nombre de conséquences, de séquelles de ces

11 détériorations ethniques au Kosovo-Metohija. Comment avez-vous perçu la

12 présence et l'intervention de la police et de l'armée, en 1998 et en 1999,

13 toujours s'agissant du Kosovo et Metohija ?

14 R. Monsieur le Président, j'ai perçu cela comme étant une chose tout à

15 fait normale. Il y a eu assassinat de certains Serbes et en série, à

16 commencer par Djordje Bjelic, à Stefenice [phon], puis deux Mitrovic [phon]

17 ont été tués à Mejolic [phon], et on a continué à assassiner des Serbes.

18 Donc, il fallait forcément que la police se rende sur le terrain pour

19 intervenir, pour bloquer certains endroits et les voies de communication

20 servant aux déplacements de des terroristes, et ils ont commencé à tuer des

21 policiers à Glogovac. Je ne sais pas, ils étaient sept ou neuf à être tués.

22 Ces policiers, ils sont tombés dans une embuscade et un cousin Bulatovic à

23 moi a été sorti du train et a été tué sur place. Sa femme regardait encore

24 de derrière la vitre du train lorsqu'ils l'ont tué.

25 Q. Vous avez contacté bon nombre d'Albanais. Quelle a été l'attitude de

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1 ces Albanais avec qui vous avez l'occasion de communiquer pendant

2 l'agression de l'OTAN, au sujet de l'agression de l'OTAN ?

3 R. Je vais vous dire, ils n'ont pas réagi de façon négative du tout.

4 Monsieur le Président, maintenant, si je voulais en accuser certains, je

5 dirais qu'ils ont dit que ce n'était pas bon, ni pour les Serbes, ni pour

6 les Albanais, et que cela ne menait à rien. Mais c'étaient des Albanais qui

7 n'étaient pas intégrés à ces groupes fascistes. Ceux-la, ces deniers, je ne

8 pourrais pas les fréquenter quand même.

9 Q. Je vais encore vous poser quelques questions. Vous vous souviendrez des

10 départs en masse de Serbes pour prendre à des manifestations, notamment,

11 dans le courant de 1988 et 1989 ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous en souvenez bien ?

14 R. Oui. Je m'en souviens.

15 Q. Que savez-vous nous dire au sujet de ces départs de Serbes, un peu

16 partout, en Yougoslavie, en 1988, 1889 ? Est-ce que quiconque au niveau de

17 direction du pays aurait convié directement ou indirectement encouragé

18 vous-même, vous, du Kosovo et Metohija pour aller dans d'autres villes aux

19 fins d'y manifester ?

20 R. Non. En aucun cas, nous y allions de notre gré. Nous sommes d'abord à

21 Novi Sad parce que -- pourquoi ? Parce que Krunic et les dirigeants de la

22 province de Vojvodine ont constitué à un grand obstacle à notre égard pour

23 ce qui est des changements constitutionnels à opérer en Serbie, afin que

24 les provinces retournent sous le giron de la République dont elle faisait

25 partie. S'agissant de des déplacements vers les villes, nous y allions de

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1 façon, tout à fait simple, Monsieur le Président. Nous allons fixer des

2 rassemblements ou à organiser des rassemblements afin que des gens de chez

3 nous puissent parler de ce qui se passe au Kosovo-Metohija parce que la

4 presse, jusque-là, n'en disait que très peu de ce qui se passait là-bas.

5 Quand il y avait certains textes quand même, cela était par entrefilet

6 seulement.

7 Nous ne connaissons personne. Monsieur le Président, Est-ce que vous

8 connaissiez, vous-même, quiconque de ces gens de Kosovo Polje ? Vous ne

9 connaissiez personne et les gens de Kosovo Polje ne vous connaissaient pas

10 non plus. Ce que nous connaissions à Belgrade et j'ai été celui à être

11 parmi les premiers à aller à Belgrade. Je suis allé devant le parlement

12 fédéral. Je suis allé voir Zarija Matilovic. Je suis allé voir Batric

13 Jovonovic. Je suis allé voir ces gens-là parce que c'étaient des députés du

14 peuple, comme on le dirait, en terminologie occidentale, c'étaient des

15 "congressmen". Je voulais leur dire comment on procédait là-bas et ce qui

16 se passait avec nos familles.

17 Q. Dites-moi à ces rassemblements organisés par les Serbes, dans le

18 courant de 1988 et 1989. Ce que vous dites, a-t-il constitué le motif

19 principal qui visait à présenter à l'opinion publique ce que vous aviez

20 vécu ?

21 R. C'était le seul objectif que nous avions parce que la population devait

22 comprendre. On nous a, pendant 50 ans, parlé de fraternité et d'unité. On

23 nous a dit que, là-bas, il n'y avait que miel et lait à boire. Personne

24 ici, au Tribunal, ne saurait s'imaginer tout ce qui s'y passait là-bas.

25 Q. Monsieur Bulatovic, est-ce qu'à l'occasion de ces rassemblements, il y

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1 aurait eu quelques violences que ce soit ?

2 R. J'en entends parler pour la première fois.

3 Q. Non. Je vous pose la question de savoir.

4 R. Non. Je n'ai jamais ouï-dire qu'il ait eu quelques violences que ce

5 soit. S'il y en a eu qu'on vienne me le dire.

6 Q. Merci, Monsieur Bulatovic. Je n'ai plus de questions pour vous.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Bulatovic, vous avez, dans

8 votre témoignage, dit que vous vous entendiez très bien avec les Albanais

9 lorsque vous étiez à l'hôpital. Ils sont venus vous rendre visite.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Même à l'extérieur de l'hôpital.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons déjà entendu ce type de

12 témoignage. Qu'est-ce qui a été à l'origine du conflit au Kosovo s'il y

13 avait une telle fraternité, si tout le monde s'entendait aussi bien ?

14 Quelle était la cause ? Qu'est-ce qui a amorcé le conflit au Kosovo ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] L'amorce de ces conflits, cela a été leur

16 programme fasciste, qui s'est étendu à un grand nombre de membres du Parti

17 Bales, qui avaient collaboré avec l'occupant italien. Ils ont fait partie,

18 après, des unités de partisans, et ceux sont ces membres de régiments, de

19 formations fascistes. Ils ont fini par devenir membre d'unité de partisans.

20 Ils se sont communistes, membres du la Ligue des communistes. A l'époque,

21 ils se sont comportés, tout à fait, honnêtes, tout à fait, corrects.

22 Ils se sont montrés loyaux et, à l'époque, Monsieur Robinson, il n'y a pas

23 eu de problèmes majeurs. Si, certains petits problèmes, mais, dans tous les

24 Etats, vous en avez. Tout cela a été dans les limites de l'acceptable.

25 Mais, au fur et à mesure, qu'on s'éloignait de la fin de la Deuxième

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1 guerre, ces espèces de larves ont commencé à croître et à chercher de

2 terre, et après la résolution de la Cominform, en 1948.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les Albanais --

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je parle des Albanais. Je parle des

5 terroristes de chez eux. Ils avaient une espèce de soutien de l'extérieur.

6 Nous avons toujours considéré que c'était l'Albanie. Ils ont bénéficié d'un

7 soutien de l'Albanie parce qu'ils faisaient partir les gens de l'Albanie

8 pour qu'ils fuient, soi-disant, le régime d'Enver Hoxha. On a passé cela

9 sous silence parce qu'ils fuyaient une dictature qui était d'Enver Hoxha.

10 Alors, qu'ils viennent, disait-on ? Même notre Etat a acheté des terres à

11 des Serbes pour les leur donner, mais, lorsque cela est devenu

12 véritablement fréquent, lorsque l'on faisait passer des troupeaux de

13 bétail, de vaches, de moutons et lorsque la télévision a commencer à

14 montrer tout cela, en public, à savoir qu'il y a une Albanie qui déménage

15 vers le Kosovo et Metohija, chez nous, on s'est posé la question de savoir

16 ce qui se passe. Qu'allons-nous devenir nous-mêmes et la terreur a commencé

17 à croître ? C'est comme cela que cela a commencé.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson --

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Robinson.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai omis de vous dire quelque chose. J'ai deux

21 pièces à conviction au sujet du témoignage de Bulatovic. J'aimerais que ces

22 deux pièces à conviction soient versées au dossier.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ces deux documents porteront le numéro

24 D294.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D294.

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1 Monsieur Nice, vous avez la parole.

2 Contre-interrogatoire par M. Nice :

3 Q. [interprétation] Monsieur Bulatovic, vous avez démissionné du Parti

4 communiste en 1967; est-ce exact ?

5 R. C'est correct.

6 Q. A cause du limogeage de Rankovic, en 1966, était-ce la raison ?

7 R. Non.

8 Q. Le limogage de Rankovic ?

9 R. Je pensais -- et Rankovic a été limogé parce qu'il est entré en conflit

10 avec Tito et Kardelj.

11 Q. C'est ainsi que vous avez quitté le parti communiste en 1967.

12 R. Pour quitter ? Bien, je vais vous le dire.

13 Dans ce courrier ici, au paragraphe 2, je vais être très bref.

14 Lorsque Rankovic a été limogé, ils ont commencé à considérer les dirigeants

15 du Kosovo-Metohija, et Fadil Hoxha a compris que se sont dits que le moment

16 était venu de révoquer tous les responsables serbes des postes --

17 dirigeants là où ils se trouvaient au moment donné.

18 Monsieur Nice, m'entendez-vous bien ?

19 Q. Oui, tout à fait.

20 R. Bien. Ils ont commencé à révoquer à limoger ces gens, et ils sont

21 tombés sur le responsable là où j'étais employé. Mon chef, Dusan Samardzic,

22 qui a été le meilleur des directeurs de tout son cabinet, Kosovo Export, il

23 était chargé de la production fruitière. Lorsqu'il est tombé sur la frappe

24 et lorsqu'il a été limogé de ses fonctions, lorsqu'on l'a obligé de prendre

25 sa retraite, bien, ce cas-là a suscité une espèce de révolte en moi parce

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1 que j'ai trouvé cela mal honnête et, ce le soir même, j'ai quitté les rangs

2 du parti. J'ai dit que ce parti s'est mis à la tête d'une politique

3 condamnée d'avance à l'échec et que je ne voulais plus en faire partie.

4 C'est la vérité.

5 Q. A partir de ce moment-là, étiez-vous préoccupé ? Est-ce que vous

6 pensiez que les Serbes étaient mal représentés et mal protégés au Kosovo ?

7 Etait-ce la raison de votre inquiétude ?

8 R. Non. Ce sont les persécutions des gens de leurs postes de travail. Il y

9 a eu une espèce de purge, comme le nettoyage ethnique, qui a été opéré le

10 17 mars de l'année passée. C'était une opération de cette nature-là.

11 Q. Je souhaite avancer un petit peu et parler des grands amendements

12 constitutionnels des années 1968 et 1971 tels qu'ils figurent dans la

13 constitution de 1974. Vous-même étiez-vous parmi ces personnes qui

14 estimaient que la constitution n'était pas particulièrement en faveur des

15 Serbes ?

16 R. A 100 %. Cette constitution est la cause de tous les malheurs, parce

17 qu'à ce moment-là, la République de Serbie a pris une position inégale en

18 droit avec les autres républiques et s'est trouvée écarteler par ces deux

19 provinces.

20 Q. J'ai entendu beaucoup parler de cela. Que vous l'appréciez ou non,

21 cette constitution a été adoptée par le gouvernement en place d'alors,

22 n'est-ce pas ?

23 R. C'est exact.

24 Q. Les Albanais du Kosovo, en raison de leur majorité dans province ont

25 acquis un certain pouvoir au niveau de la représentativité et cela a créé

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1 un certain niveau d'attente également.

2 R. Oui.

3 Q. A partir de ce moment-là, les Serbes, y compris vous-même, étaient

4 absolument sûrs de vouloir modifier ou renverser ces changements qui

5 avaient été opérés au sein de la constitution.

6 R. Non, ce n'est pas exact.

7 Q. Vous direz peut-être que --

8 R. A l'époque, je ne suis pas mêlé de cela pas avant le début des

9 vandalismes. Pas avant qu'on ait commencé à saccager les cimetières, pas

10 avant qu'on ait commencé les Serbes. C'est là que j'ai élevé la voix.

11 Jusque là, je n'ai rien dit au sujet de la condition. Je ne suis pas

12 juriste, Monsieur Nice, et il serait plutôt stupide de ma part de mêler de

13 ce que je ne sais pas.

14 Q. Simplement, je vais en revenir à ma question. A partir de ce moment-là,

15 à savoir, à partir du moment où la constitution de 1974 ait été adoptée, il

16 y a certains Serbes qui n'avaient qu'une idée en tête. C'était de procéder

17 au renversement de ces changements opérés au sein de la constitution. Par

18 la suite, vous êtes devenu membre d'un mouvement.

19 R. Il n'y avait pas de mouvement de cette nature. Là, vous êtes mal

20 informé. Comme si cela avait été rédigé par le comité provincial du parti.

21 Ce sont de fausses informations.

22 Q. Nous en arrivons maintenant au milieu des années 80, nous allons passer

23 sur les manifestations de 1981. J'y reviendrais peut-être la semaine

24 prochaine; peut-être que oui, peut-être que non. Est-ce que vous seriez

25 d'accord avec moi pour dire en termes très généraux, qu'il y a des

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1 violations des droits de l'homme des Albanais du Kosovo vers le milieu des

2 années 80 ?

3 R. Là, vers des Albanais, vous voulez dire ?

4 Q. Oui.

5 R. Vous parlez de violations des droits des Albanais à l'encontre des

6 Albanais.

7 Q. Est-ce que vous reconnaissez ceci ? Vous le reconnaissez ou non ?

8 R. De la part de qui ? Eux contre eux-mêmes auraient semé le désordre.

9 Monsieur Nice, ils étaient la majorité. Ils avaient le pouvoir entre leurs

10 mains. Comment voulez-vous qu'ils fassent quoi que ce soit à l'encontre de

11 soi-même -- de même ?

12 Q. Je préfère mettre de côté ou rejeter cette proposition, j'y reviendrai

13 la semaine prochaine.

14 R. Très bien.

15 Q. Nous allons passer rapidement sur les différents événements

16 historiques. Je ne conteste pas le récit que vous en avez fait. Nous avons

17 votre pétition de 1985, la réunion avec Ljubicic --

18 R. Oui.

19 Q. Ensuite, la pétition de 1985 --

20 R. Oui.

21 Q. Octobre 1985 et ceci n'a pas encore été traduit. Nous aborderons cela

22 la semaine prochaine. Ensuite, il y avait une autre pétition qui a été déjà

23 distribuée ici, nous pensions qu'il s'agissait de la pétition dont vous

24 parliez. Je souhaite recueillir quelques commentaires, s'il vous plaît, à

25 ce propos.

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1 Je n'ai pas le texte dans l'original.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'agit du document qui porte sur

3 La destruction de la Yougoslavie.

4 M. NICE : [interprétation] Oui. Je crois que j'ai une version en serbe. On

5 peut vous la remettre, mais peut-être que vous l'avez vous-même dans votre

6 livre rouge. Je vous demande de bien vouloir regarder cette pétition, s'il

7 vous plaît.

8 Q. Avez-vous un document en Serbe sous les yeux ?

9 R. Ce n'est pas celle-là.

10 Q. La voilà.

11 M. NICE : [interprétation] Je vous demande de bien vouloir placer ceci sur

12 le rétroprojecteur, s'il vous plaît

13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est Cosic. Cela n'a rien à voir avec moi.

14 M. NICE : [interprétation]

15 Q. Cosic était votre conseil, n'est-ce pas ?

16 R. Oui, il nous a conseillé de nous adresser aux instances légales et de

17 rédiger une pétition. Ce n'est pas ce que, Monsieur, vient de nous apporter

18 ici. Le texte de la pétition, je l'ai sous les yeux, ici. C'est le texte de

19 la pétition qui émane des intervenants publics des hommes de science, des

20 journalistes, et autres qui avaient approuvé cette --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne suis pas certain que l'on

22 parle de la même pétition, Monsieur Bulatovic. Suivez simplement ce que

23 vous dit l'Accusation.

24 M. NICE : [interprétation]

25 Q. Nous allons regarder la pétition du mois d'octobre 1985 que nous

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1 regarderons la semaine prochaine lorsque nous aurons obtenu une traduction

2 en anglais. Ceci a été suivi par une pétition du mois de janvier 1986

3 signée par un certain nombre d'intellectuels belgradois, et on va vous

4 remette une version serbe de ce texte.

5 R. Oui.

6 Q. M. Prendergast --

7 R. Le voilà.

8 Q. M. l'Huissier va vous le remettre. Sur le rétrojecteur nous allons lire

9 quelques extraits.

10 M. NICE : [interprétation] Si vous voulez bien vous reportez, M.

11 l'Huissier, s'il vous plaît.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas celle-là. Voilà le texte de la

13 pétition.

14 M. NICE : [interprétation]

15 Q. Cette pétition fait référence au début du mois d'octobre 1985, il est

16 écrit au second paragraphe la manière dont ceux qui ont rédigé la pétition

17 ont été surpris par la réaction des autorités à cette pétition des

18 représentants officiels au Kosovo et par l'attitude des plus hauts

19 dirigeants serbes.

20 Ensuite, Monsieur Bulatovic, je vous demande de vous reporter à deux

21 paragraphes plus loin, paragraphe 50 en haut de la page, Monsieur

22 l'Huissier.

23 R. [aucune interprétation]

24 Q. Vous verrez qu'il y a un paragraphe qui commence comme suit : "La

25 condamnation politique de la pétition nous a conduit, nous les soussignés,

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1 à nous retourner vers l'opinion publique pour lancer un appel aux fins de

2 demander leur appui."

3 R. [aucune interprétation]

4 M. NICE : [interprétation] La version serbe vous a été remise.

5 Q. Cinq paragraphes plus loin, le paragraphe commence comme suit : "La

6 condamnation politique."

7 R. Ce n'est pas cela. Mais ce n'est pas cela. Ce que j'ai entre les mains

8 est le texte de la pétition.

9 Q. Monsieur Bulatovic, je ne parle pas de votre pétition du mois d'octobre

10 1985. Lorsque ceci aura été traduit, nous l'aborderons, si nous

11 l'aborderons, la semaine prochaine.

12 Je parle d'une pétition différente, pétition qui a été rédigée ici par les

13 intellectuels de Belgrade, signée par un certain nombre d'entre eux en

14 janvier 1986. Et ce paragraphe --

15 R. Je l'ai ici.

16 Q. Peut-être vous vous voudrez suivre le texte qui comporte des caractères

17 d'imprimerie un peu plus grand.

18 R. [aucune interprétation]

19 Q. A la fin du paragraphe que vous avez souligné, on peut lire comme suit

20 : "Il n'y a que ceux qui protègent les tyrans --"

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur --

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux recevoir un exemplaire moi

24 aussi ?

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

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1 M. NICE : [interprétation] Ceci devait être annexé à la version anglaise

2 qui a été distribuée un peu plus tôt aujourd'hui. Avec l'aide de l'accusé,

3 dans la version serbe, cela se trouve à la page 44, vers le bas de la page,

4 je crois.

5 Q. Je lis : "Il n'y a que les protecteurs des tyrans qui ont changé.

6 L'empire Ottoman, la monarchie de Habsburg, l'Italie fasciste et

7 l'Allemagne nazi ont été remplacés par l'Etat albanais et les institutions

8 dirigeantes du Kosovo. En lieu et place d'une islamisation forcée et du

9 fascisme, nous avons le chauvinisme stalinisé. La seule nouveauté est la

10 fusion entre la haine tribale et le génocide masqué par le marxisme."

11 Il s'agit là d'expressions assez fortes usitées par les

12 intellectuelles. Est-ce ainsi les points de vue que vous avez évoqués avec

13 Cosic lorsqu'il vous a conseillé sur la manière de rédiger votre pétition ?

14 R. Mais non.

15 Q. S'agit-il là des points de vue communément exprimés par les Serbes qui

16 souhaitaient annuler ou amender ces changements constitutionnels ?

17 R. Monsieur Nice, nous avons été favorables à des amendements

18 constitutionnels qui nous placeraient sur un pied d'égalité avec les autres

19 au Kosovo et en Serbie. Nous n'avons pas élaboré de texte du tout. Nous

20 avons rédigé des revendications, et cette pétition a été attaquée. La

21 population a soutenue notre pétition.

22 Ces gens-là aussi sont des démocrates bien connus de Serbie; ce ne

23 sont pas des staliens.

24 Q. Paragraphe suivant. On voit ici le genre de chose qui était distribué

25 et diffusé. Ceci créé le contexte dans lequel vous-même et l'accusé avez

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1 évolué.

2 Au paragraphe suivant : "Les méthodes sont restées les mêmes : ce sont les

3 anciens qui ont maintenant de nouvelles têtes. M. Martinovic, la nouvelle

4 mère de Danica et Martinovic. Les vieilles femmes et les religieuses sont

5 violées, les enfants --"

6 R. C'est inexact.

7 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, ce type de texte, pourriez-vous me dire

8 s'il s'agit d'une description de la vie au Kosovo à ce moment-là, ou est-ce

9 qu'il pourrait s'agir ici d'éléments de propagande ?

10 R. Non. Cela, c'est exact. Voilà. Quand il dit ils ont aveuglé le bétail,

11 cela, c'est vrai. Ils ont crevé les yeux d'un taureau au monastère de

12 Devic. Quand ils ont interrogé le gars qui a fait cela, on lui a demandé,

13 Pourquoi tu as fait cela ? Alors, il a dit le taureau est serbe. Alors

14 maintenant je crois que tout est clair.

15 Q. Je vais en terminer avec ce document. L'avant-dernier paragraphe :

16 "Sous couvert d'une lutte contre l'hégémonisme grand serbe, un procès

17 politique fabriqué de toutes pièces contre la nation serbe et son histoire

18 est en cours depuis des décennies. Le premier objectif de tout ceci est

19 d'obtenir un Kosovo pur, ethniquement parlant, à être suivi par la conquête

20 serbe, macédonienne --"

21 R. [aucune interprétation]

22 Q. -- "et des territoires monténégrins."

23 Etait-ce la croyance d'alors des Serbes comme quoi les territoires serbes

24 allaient été attaqués --

25 R. Oui.

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1 Q. Est-ce que vous allez faire croire à vos co-citoyens serbes que

2 l'Albanie allait envahir la Serbie, prendre le contrôle de la Serbie ?

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez

5 la parole.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, M. Bulatovic n'a rien

7 à voir du tout avec cette pétition-ci. Cela, c'est la pétition émanant des

8 intellectuels serbes. Cela a été rédigé par des académiciens, des

9 professeurs et ainsi de suite. Il n'a rien à voir avec cette pétition. Lui

10 à parlé de la sienne, la pétition qui a précédé celle dont on parle

11 actuellement.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous dites qu'il

13 n'avait rien à voir ou n'a pas pris part à la rédaction de cette pétition.

14 M. Nice, ici, aborde quelques faits liés à certaines situations, et je

15 pense qu'il peut répondre à cela.

16 M. NICE : [interprétation]

17 Q. Poursuivons. Mais je veux simplement m'assurer que j'ai bien tout

18 compris. La croyance à l'époque présentée et diffusée, à savoir que les

19 Albanais allaient prendre le contrôle de la Serbie, du Monténégro et de la

20 Macédoine. Est-ce qu'effectivement c'est ce que vous croyiez à l'époque, et

21 on pensait que c'était ce qui allait arriver ?

22 R. C'est déjà arrivé, Monsieur Nice. Vous les avez aidés à ce faire.

23 Q. Regardons le paragraphe suivant maintenant, qui commence par les mots

24 "en l'absence du droit." Référence ici est faite à l'affaire Djordje

25 Martinovic, "un crime décrit comme étant quelque chose de difficile" -- "il

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1 serait difficile de trouver un crime comme celui-ci parmi tous les crimes

2 évoqués."

3 Deux paragraphes plus loin : "Toute personne dans ce pays qui n'est pas

4 indifférente, s'est rendu compte, depuis longtemps, que le génocide au

5 Kosovo ne peut pas être combattu sans pour autant que des changements très

6 profonds au plan social et politique soient effectués dans l'ensemble du

7 pays."

8 Voici le document que j'ai. Il faudra regarder la traduction de la première

9 pétition que vous avez rédigée lorsqu'elle nous parviendra.

10 L'idée que je vous soumets est celle-ci : le contexte dans lequel vous avez

11 pris cet accusé comme dirigeant était un contexte empoisonné par la

12 propagande. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

13 R. Non. Nous ne l'avons d'abord pas qualifié de leader, ni de chef. Il

14 était président du comité central de la Ligue des Communistes de Serbie, et

15 nous nous sommes adressés à lui comme, un an auparavant, on s'était adressé

16 à Ivan Stambolic. N'oubliez pas, ne placez pas cela sous sa qualité de

17 leader. Vous êtes en train de vous exprimez de façon tendancieuse.

18 Q. Il y a peut-être eu une confusion par rapport à un terme. Peut-être que

19 c'est une question de traduction donc je vais reposer la question, de façon

20 à ce que nous puissions faire la pause après cela.

21 Au moment où il y a eu ces réunions au Kosovo Polje, lorsque les

22 autres réunions ont eu lieu l'année suivante et auxquelles vous avez pris

23 part, un mouvement a été créé par les Serbes, y compris les intellectuels

24 comme Cosic, tel qu'il peut être illustré par des documents comme celui-ci,

25 qui était empoisonné par la propagande. C'est la question que je vous pose.

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1 R. Ce n'est pas exact. Aucun mouvement n'a été ni créé, et jamais personne

2 n'en a été élu le chef. Tout un chacun était chef. Chacun a été conduit par

3 sa souffrance pour l'exprimer en public. Si on parle de leadership en ces

4 termes-là, moi, je veux bien, mais ce n'est pas cela.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

6 M. NICE : [interprétation] Le moment opportun.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons lever l'audience pour

8 aujourd'hui et nous reprendrons mardi matin à 9 heures.

9 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mardi 19 avril

10 2005, à 9 heures 00.

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