Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 20 avril 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé n'est pas présent dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais d'abord aborder une question

6 de portée large, celle du procès, et puis nous parlerons, de façon plus

7 précise, du témoin Kosta Bulatovic.

8 Hier, lorsque nous avons suspendu l'audience, nous attendions un rapport

9 médical relatif à l'état de santé de l'accusé Slobodan Milosevic. Nous

10 avons reçu ce rapport. La Chambre a décidé qu'il était dans l'intérêt du

11 procès et dans l'intérêt de l'opinion publique que soit divulgué ce

12 rapport. Je vais en donner lecture.

13 Ce rapport émane du Dr Falke. Voici ce qu'il dit : "Suite à la réunion avec

14 M. Milosevic hier soir et suite aux questions précises posées pas la

15 Chambre de première instance ce matin, je confirme que M. Milosevic ne

16 devrait pas assister aux audiences cette semaine."

17 "S'agissant de la question posée par M. le Juge Robinson qui demandait "ce

18 dont souffrait l'accusé. Ceci a commencé vendredi le 16 avril. J'ai

19 constaté qu'il y avait une hausse de la pression artérielle de l'accusé, ce

20 qui représentait, lundi après-midi, un rapport trop élevé de 215/130.

21 "Pourquoi ne devrait-il pas assister aux audiences ? Etant donné que sa

22 tension artérielle était dangereusement élevée hier après-midi, et à ceci

23 s'associe un risque d'accident cardiovasculaire, il est absolument

24 impératif que toute activité stressante soit exclue tant qu'il n'y aura pas

25 eu normalisation de sa tension artérielle.

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1 "Quant à la question de savoir pendant combien de temps il ne sera pas en

2 mesure d'assister aux audiences. En concertation avec le cardiologue qui

3 lui a été assigné, son régime ou son traitement médicamenteux a été

4 modifié, et pour autant, bien sûr, que les nouveaux médicaments fassent

5 leur effet, l'accusé devrait se sentir mieux. Il devra rester en

6 convalescence le reste de cette semaine, et je reverrai la situation lors

7 d'un examen effectué le lundi 25 avril."

8 Voilà la teneur du rapport médical.

9 La Chambre a depuis informé le médecin que le rapport et un nouveau bilan

10 de son état de santé, je parle de M. Milosevic, devrait se faire vendredi,

11 le vendredi de cette semaine. Ce qui veut dire que nous devrions être

12 informés de l'état de santé de l'accusé d'ici à la fin de la semaine. De

13 cette façon, nous serons mieux à même de déterminer ce qui va se passer la

14 semaine prochaine. Puisque, normalement, la semaine prochaine, nos

15 audiences sont prévues de lundi à mercredi.

16 En l'absence de commentaires de la part des parties sur la question,

17 j'aimerais que Me Kay nous informe de la réunion qu'il a eue avec le futur

18 témoin, M. Jasovic.

19 M. KAY : [interprétation] Je suis allé à l'hôtel où est descendu M.

20 Jasovic. Alors que j'étais encore dans le bâtiment, j'avais été informé du

21 fait que M. Jasovic n'acceptait pas de me voir. J'ai quand même essayé

22 d'aller en personne pour tenter de le rencontrer et je l'ai rencontré. J'ai

23 parlé une quinzaine de minutes avec M. Jasovic. Au cours de cet entretien,

24 je lui ai fait part de la situation. Je lui ai demandé s'il était prêt à

25 comparaître en tant que témoin dans l'affaire Milosevic comme témoin à

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1 décharge, même si c'était moi qui posais les questions. Il a refusé, de

2 façon répétée, d'accepter cette possibilité. Ceci étant, je n'ai aucun

3 élément de preuve que j'aurais recueilli de la part de ce monsieur et je ne

4 suis pas capable de vous dire, Messieurs les Juges, ce que ce témoin

5 dirait.

6 J'ai examiné le dossier, les documents dont on va tenter de demander le

7 versement par son truchement. Manifestement, c'est un témoin important.

8 Surtout pour ce qui est des activités de l'UCK dans la région de Stimlje,

9 pas seulement à Racak, mais aussi à Rance et dans d'autres villes

10 environnantes de Stimlje, dans des villages voisins, lieux qui ont une

11 incidence sur certains chefs d'accusation, et notamment, en particulier,

12 l'incident de Racak.

13 Voilà, c'est tout ce que je peux dire sur ce point précis. Hier, la Chambre

14 de première instance a déclaré qu'avant de déterminer si le procès allait

15 se poursuivre en l'absence de l'accusé, la Chambre serait saisie

16 d'arguments de droit qui lui serait soumis. Je vous ai dit que nous nous

17 étions déjà préparés à la préparation de tels arguments. Nous n'avons pas

18 terminé, mais nous devrions terminer aujourd'hui. Nous avons procédé à un

19 examen approfondi de la question.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Maître Kay.

21 Monsieur Nice.

22 M. NICE : [interprétation] Une seule chose en réaction à ce que vient de

23 dire Me Kay. Nous avions cru comprendre que M. Jasovic était prêt à

24 répondre aux questions qui seraient posées par l'accusé, même si ceci n'a

25 jamais été dit de façon très implicite, mais c'était implicite vu la façon

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1 de se comporter de l'accusé. Me Kay ne dit pas, de façon expresse, que le

2 refus affiché par M. Jasovic est dû à l'absence de l'accusé de ce prétoire.

3 Par conséquent, il ne nous dit pas, de façon précise, si Jasovic serait un

4 témoin prêt à déposer si l'accusé était présent.

5 M. KAY : [interprétation] Oui, c'est le cas. Excusez-moi de ne pas l'avoir

6 dit.

7 M. NICE : [interprétation] Merci.

8 M. KAY : [interprétation] Cela est évident.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

10 Abordons maintenant la question du témoin Kosta Bulatovic. Je vais demander

11 qu'on fasse entrer ce témoin.

12 Maître Bourgon, je vous reconnais.

13 M. BOURGON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

14 Messieurs les Juges. Me donnez-vous l'autorisation de vous présenter

15 quelques arguments en l'absence du témoin avant qu'il n'entre dans le

16 prétoire.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vous pouvez intervenir.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Bourgon, je suppose que vous

20 allez vouloir vous adresser aux Juges en l'absence du témoin, mais avec

21 l'assentiment de ce dernier ?

22 M. BOURGON : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez la parole.

24 M. BOURGON : [interprétation] Je vous remercie.

25 Messieurs les Juges, le Greffe m'a confié la tâche d'être conseil d'appoint

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1 pour représenter les intérêts du témoin Bulatovic, conformément aux

2 souhaits exprimés par la Chambre à la fin de l'audience d'hier. A cette

3 fin, une copie du compte rendu d'audience d'hier m'a été remise. Je l'ai

4 lu. J'ai également rencontré M. Bulatovic ce matin, l'entretien a duré

5 environ 45 minutes. Ce que je voudrais faire, avant l'arrivée du témoin,

6 c'est simplement vous faire rapport de ce que j'ai fait en ma qualité de

7 conseil d'appoint.

8 Ce matin, j'ai appris, et ce sera confirmé par le témoin, j'ai appris,

9 disais-je, qu'hier soir, il avait rencontré un associé de l'accusé,

10 conformément à ce qui avait été demandé par les parties après l'audience --

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je dois manifester mon inquiétude.

12 Pourquoi est-ce que nous apprenons ceci en l'absence du témoin ?

13 M. BOURGON : [interprétation] C'est simplement pour vous faire un rapport

14 de ce que j'ai fait en ma qualité de conseil d'appoint. Si vous le

15 souhaitez, je peux faire ce rapport en présence du témoin, que j'ai

16 rencontré ce matin. Je ne sais pas si vous préfèreriez avoir ces éléments

17 d'information avant la venue du témoin.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si mes collègues pensent que c'est la

19 bonne marche à suivre.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Faisons entrer le témoin.

22 M. BOURGON : [interprétation] Je vous remercie.

23 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

24 LE TÉMOIN: KOSTA BULATOVIC [Reprise]

25 [Le témoin répond par l'interprète]

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Bulatovic, le conseil qui

2 vous a été commis, Me Bourgon, commençait à s'adresser à la Chambre.

3 Cependant, la Chambre a demandé que vous soyez introduit dans le prétoire,

4 car nous pensons que vous devez être présent lorsque Me Bourgon va

5 intervenir.

6 Maître Bourgon, veuillez recommencer. Vous avez la parole.

7 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne serai pas

8 long.

9 Le Greffe du Tribunal m'a confié la tâche de faire fonction de conseil

10 d'appoint pour représenter les intérêts du témoin Bulatovic, conformément

11 aux souhaits exprimés par la Chambre de première instance hier en fin

12 d'audience. J'ai reçu une copie du compte rendu d'audience d'hier, copie

13 que j'ai lue. J'ai également rencontré M. Bulatovic ce matin. Notre

14 entretien a duré environ 45 minutes. Avec l'assentiment de M. Bulatovic,

15 j'aimerais simplement vous faire rapport de ce que j'ai fait en cette

16 qualité afin que vous soyez saisis de toutes les informations nécessaires,

17 et ceci avant que vous ne posiez des questions au témoin.

18 J'ai appris qu'hier, M. Bulatovic a rencontré un associé de l'accusé, ce

19 qui avait été autorisé par la Chambre de première instance, après

20 l'audience, j'entends. J'ai également appris que cette réunion s'est bornée

21 à évoquer la question de la déposition du témoin. Cet entretien n'avait

22 rien à voir avec la teneur même de sa déposition.

23 Lorsque j'ai rencontré, ce matin, le témoin Bulatovic, je lui ai dit quels

24 étaient les articles et les différentes dispositions réglementaires

25 s'appliquant ici au Tribunal qui le concernaient en sa qualité de témoin

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1 comparaissant devant vous ce matin. Je tiens simplement à confirmer, qu'en

2 l'instant, M. Bulatovic est prêt à répondre aux questions posées par la

3 Chambre, à vous faire part de sa position, connaissant parfaitement les

4 conséquences qui peuvent en découler.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Maître Bourgon.

6 Monsieur Bulatovic, en fin d'audience hier, nous avons suspendu cette

7 audience afin de vous donner un temps de réflexion, afin que vous voyiez si

8 vous étiez prêt à répondre aux questions posées par le Procureur dans le

9 cadre de son contre-interrogatoire. Est-ce que vous avez examiné la

10 question ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'ai examinée.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est désormais votre

13 position ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je conserve la décision que je vous ai

15 communiquée hier, ici.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Soyons parfaitement clairs : en

17 d'autres termes, vous n'êtes pas prêt ou disposé à répondre aux questions

18 posées par le Procureur lorsqu'il sera mené son contre-interrogatoire.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous l'ai expliqué hier : vous

21 êtes passible d'outrage au Tribunal en vertu de l'Article 77 du Règlement

22 de procédure et de preuve.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire une suspension

25 d'audience d'une demi-heure afin que soit formulée cette accusation. Nous

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1 reprendrons à 9 heures 50. Me Bourgon.

2 M. BOURGON : [interprétation] Est-ce que cela veut dire qu'une décision a

3 été prise ? Est-ce que vous allez effectivement dresser ce chef

4 d'accusation contre ce témoin ? J'aimerais savoir exactement quel est le

5 statut dont bénéficie ce témoin maintenant ?

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il va être accusé d'outrage. Nous

7 allons maintenant dresser l'acte, et cet acte sera lu au témoin lorsque

8 nous allons reprendre l'audience à 9 heures 50.

9 M. BOURGON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

10 --- L'audience est suspendue à 9 heures 23.

11 --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre a émis une ordonnance en

13 application de l'Article 77(D)(ii) du Règlement. Cette ordonnance devra

14 être transmise au témoin ainsi qu'à son conseil, Me Bourgon, et peut être

15 remise aux parties également.

16 L'ordre a été rédigé en anglais et nous sommes tout à fait conscients de la

17 nécessité de la faire traduire. Je vais parcourir cette ordonnance et la

18 version traduite dans la langue du témoin sera disponible dans une heure

19 environ.

20 L'ordonnance fait remarquer le refus du témoin de répondre aux questions

21 posées par l'Accusation au cours du contre-interrogatoire. Elle reprend les

22 dispositions pertinentes de l'Article 77 du Règlement, et dispose que la

23 Chambre de première instance a des raisons de croire que le témoin risque

24 d'être responsable d'un outrage au Tribunal, et qu'il appartient à la

25 Chambre de lancer

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1 elle-même les poursuites à ce sujet. L'ordonnance dispose également que la

2 Chambre de première instance estime que des bases suffisantes existent pour

3 poursuivre le témoin pour outrage, et en application de l'Article

4 77(D)(ii), estime que des bases suffisantes existent pour émettre une

5 ordonnance, en lieu et place d'un acte d'accusation et charger la Chambre

6 de poursuivre elle-même.

7 L'ordonnance ensuite décrit l'Accusation, je vais lire lentement, je cite :

8 "Kosta Bulatovic, né en 1937 dans le village de Dobrusa dans le nord de la

9 Metohija, est accusé du fait que les 19 et 20 avril 2005, alors qu'il était

10 témoin devant la Chambre de première instance numéro III du Tribunal

11 international, d'avoir en toute connaissance de cause et délibérément

12 interféré avec l'administration de la justice en refusant de façon continue

13 de répondre aux questions qui lui étaient posées par l'Accusation, et ce,

14 en opposition aux dispositions de l'Article 77(A)(i) du Règlement de

15 procédure et de preuve du Tribunal."

16 Voilà le libellé de l'accusation. Je répète que ce sera la Chambre de

17 première instance qui se chargera elle-même des poursuites.

18 Il est bon que M. Bulatovic et son conseil aient le temps nécessaire pour

19 réfléchir à cette question, et c'est à cette fin que nous allons suspendre

20 l'audience jusqu'à 12 heures 30, heure à laquelle nous reprendrons nos

21 débats pour entendre comment M. Bulatovic va plaider.

22 Maître Bourgon.

23 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 J'aimerais simplement dire à l'attention des Juges de la Chambre que

25 pendant la suspension d'audience, je me suis entretenu avec le Greffier

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1 adjoint, qui m'a défini plus clairement le mandat qui m'avait été confié

2 par le Greffe. J'ai fait remarquer plus tôt, Monsieur le Président, que je

3 ne disposais d'aucune ordonnance par écrit. Hier, on m'a expliqué que je

4 devais agir en tant que conseil de circonstance pour un témoin, et

5 désormais on m'a dit clairement que mon mandat était double. Je suis chargé

6 d'agir en tant que conseil de circonstance pour ce témoin, et si ce témoin

7 est accusé d'outrage au Tribunal, en application de l'Article 77 du

8 Règlement de procédure et de preuve, je suis également chargé de le

9 représenter sous réserve, bien sûr, de l'assentiment de M. Bulatovic qui

10 désormais est en position d'accusé.

11 Je vais par conséquent, Monsieur le Président, conférer avec mon client

12 pendant la présente suspension. Mais pour que cet entretien avec mon client

13 soit facilité, j'aimerais obtenir des Juges de la Chambre un certain nombre

14 d'éclaircissements, quant à la façon dont la Chambre a l'intention de

15 procéder. Vous venez d'indiquer il y a quelques instants Monsieur le

16 Président, que vous aviez l'intention d'organiser une comparution initiale

17 cet après-midi.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je n'ai pas parlé de

19 comparution initiale. J'ai dit que nous allions entendre la façon dont le

20 témoin va plaider. Comme vous le savez, le Règlement s'applique mutatis

21 mutandis à l'Article du Règlement, à savoir l'Article 77 qui concerne

22 l'outrage. Il s'applique, mais seulement mutatis mutandis, par conséquent,

23 nous allons entendre comment M. Bulatovic souhaite plaider à 12 heures 30,

24 et ensuite, le procès pour outrage sera organisé. Nous entendrons tout ce

25 que l'accusé a à dire pour sa défense, ou tout argument qu'il souhaite

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1 présenter, ou que vous souhaiteriez présenter en ses lieux et place.

2 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais

3 informer les Juges que j'ai réfléchi à la question, et que bien sûr je dois

4 conférer avec le témoin, pour présenter des arguments préliminaires à 12

5 heures 30, lorsque nous reprendrons nos débats.

6 Je vous remercie.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Bourgon.

8 Suspension jusqu'à 12 heures 30.

9 --- L'audience est suspendue à 11 heures 09.

10 --- L'audience est reprise à 12 heures 35.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Bourgon, je vois que vous

12 êtes debout. Avez-vous des arguments à présenter avant que nous passions à

13 l'interrogation du témoin quant à sa façon de plaider ?

14 M. BOURGON : [interprétation] Oui, en effet, Monsieur le Président. Au nom

15 de l'accusé, qui a accepté que je le représente, en tout cas jusqu'au début

16 des audiences liées directement au procès, j'aimerais présenter les

17 éléments suivants.

18 Je commencerai, Monsieur le Président, par vous dire qu'une ordonnance a

19 été émise et qu'il a été décidé d'aller jusqu'au procès à l'encontre de M.

20 Bulatovic en application de l'Article 77(D)(ii) du Règlement de procédure

21 et de preuve. Comme l'a dit la Chambre de première instance, les parties 4

22 à 8 du Règlement de procédure et de preuve s'appliquent mutatis mutandis

23 aux audiences organisées pour outrage au Tribunal. Cependant, la Chambre de

24 première instance a confirmé, avant la pause, que ceci ne se faisait pas à

25 première vue en application de l'Article 62 du Règlement de procédure et de

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1 preuve. La Chambre de première instance a déclaré d'abord vouloir entendre

2 l'accusé quant à sa façon de plaider, et en deuxième lieu, passer aux

3 audiences du procès.

4 A cet égard, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'aimerais vous

5 dire au préalable ce qui suit : je dirais d'abord qu'il ne serait pas

6 opportun que cette Chambre de première instance organise le procès pour

7 outrage. A l'appui de mon argumentation, je présente les éléments suivants

8 : d'abord, l'Article 77(C)(ii) du Règlement où il est dit que la Chambre

9 peut engager une procédure elle-même. Dans la présente affaire, une

10 ordonnance a été émise par la Chambre, et la Chambre a fait exactement ce

11 qui est écrit dans ce paragraphe du Règlement; elle a engagé une procédure.

12 Ensuite, nous passons au paragraphe (D)(ii) de ce même Article 77 où nous

13 lisons que la Chambre peut également engager une procédure elle-même. Nous

14 estimons, Monsieur le Président, qu'il ne serait pas opportun que la

15 Chambre de première instance engage ces poursuites.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pensez que ce serait un

17 exercice abusif de notre pouvoir discrétionnaire ?

18 M. BOURGON : [interprétation] En effet, Monsieur le Président. Je vais

19 m'expliquer sur ce point.

20 Monsieur le Président, lorsque nous examinons les choses à première vue,

21 l'ordonnance émise par la Chambre de première instance est simple et

22 l'accusation prononcée est simple. D'abord, est-ce que l'Accusation a posé

23 des questions ? Deuxièmement, est-ce que l'accusé a refusé de répondre à

24 ces questions ? Apparemment, le problème est simple.

25 Mais en l'espèce, j'affirme, pour ma part, que le problème est

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1 beaucoup plus complexe.Le problème qui se pose en l'espèce, Monsieur le

2 Président, consiste à se demander si l'accusé, alors qu'il était témoin

3 devant la Chambre, est-ce que l'accusé avait demandé à répondre à de telles

4 questions, pour commencer. En arrière-fond de cette question, Monsieur le

5 Président, on doit se poser la question de savoir si ce Tribunal a

6 compétence pour organiser un procès ou des parties d'un procès en absence

7 d'un accusé. Au cas où la réponse à cette question serait négative, à notre

8 avis, le problème serait réglé. Les poursuites deviendraient nulles.

9 Hier, la Chambre de première instance a rendu une décision à ce sujet en

10 s'appuyant sur une interprétation d'une décision de la Chambre d'appel,

11 selon laquelle il était permis de poursuivre les audiences en l'absence

12 d'un accusé. Par ailleurs, la Chambre de première instance a admis que

13 cette question n'était pas tout à fait claire, première chose, et deuxième

14 chose, qui est encore plus importante, une question qui exigerait la

15 présentation d'arguments détaillés de la part des parties. En d'autres

16 termes, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la Chambre de première

17 instance s'est déjà formée son opinion quant à sa possibilité de poursuivre

18 les audiences en l'absence de l'accusé.

19 Avec le respect que nous devons à la Chambre, nous disons, compte

20 tenu de ce qui précède, qu'il ne serait pas bon que ce soit la Chambre qui

21 engage les poursuites.

22 A l'appui de ma thèse, j'aimerais citer le paragraphe suivant d'une note

23 pratique émanant d'un juge de la Chambre des lords en mai 2001. Ce passage

24 nous vient d'un document britannique. La référence est 3 All E.R. 94. Je

25 vous prie de m'excuser, mais je ne sais pas exactement ce que signifie

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1 cette abréviation.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Tous rapports juridiques d'Angleterre;

3 c'est ce que signifient les lettres de cette abréviation. Vous dites que

4 cela s'est passé en 2001 ?

5 M. BOURGON : [interprétation] 2001, Monsieur le Juge.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, 3 All E.R.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, d'accord.

9 M. BOURGON : [interprétation] Selon cette note pratique qui a été émise par

10 ce juge de la Chambre des lords, si un outrage à un magistrat est commis,

11 il n'est pas bon que ce soit les mêmes juges qui engagent les poursuites.

12 En deuxième lieu, je dirais que, lorsqu'il y a outrage et lorsqu'il y a

13 contestation de cet outrage, la Chambre devrait, dans les plus brefs

14 délais, soumettre cet outrage à d'autres magistrats que ceux qui sont

15 censés avoir été outragés. Si un procès de cette nature peut être organisé

16 le jour même de l'outrage, des dispositions doivent être prises en

17 respectant les droits de l'accusé au titre de l'Article 6 de la convention

18 européenne sur la Protection des droits de l'homme et des libertés

19 fondamentales.

20 Par ailleurs, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai entre les

21 mains un document qui constitue un guide pour les juges émanant du Conseil

22 chargé des études judiciaires du Royaume-Uni. C'est un document disponible

23 sur Internet. Dans ce document, il est question des procédures organisées

24 au titre d'un outrage à un tribunal. En page 5 de ce document, on trouve un

25 paragraphe qui se lit comme suit : Lorsqu'il y a contestation de l'outrage,

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1 le procès doit être organisé dans les plus brefs délais et ce sont des

2 juges différents qui doivent intervenir. La nécessité d'un tribunal

3 indépendant et impartial peut exiger qu'un juge régional ou autre soit

4 amené sur place d'un lieu différent pour traiter l'affaire. Il peut

5 s'avérer nécessaire pour le tribunal de charger un avocat indépendant

6 d'intervenir dans les poursuites en justice organisées dans ce cadre ou de

7 faire appel à un conseiller juridique ou à des avocats qui peuvent être

8 cités à la barre en tant que témoins.

9 Monsieur le Président --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Y a-t-il des procès organisés devant

11 la cour européenne pour la même raison ?

12 M. BOURGON : [interprétation] Ceci est un document qui guide les juges du

13 Royaume-Uni --

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Ce que je vous demandais,

15 c'est s'il y a eu des procès organisés devant la cour européenne pour

16 outrage ?

17 M. BOURGON : [interprétation] Je connais certaines affaires jugées par la

18 cour européenne des droits de l'homme, mais je n'ai pas eu le temps, compte

19 tenu du délai très court dont je disposais, de retrouver une citation

20 précise à votre intention. Cependant, lorsque j'ai parlé de cette note

21 pratique rédigée par le juge de la Chambre des lords, il s'agissait dans ce

22 document d'un commentaire relatif à l'affaire Kyprianou contre Chypre qui

23 était un jugement rendu par la cour européenne des droits de l'homme.

24 Mais je suis en mesure de vous dire que la présente affaire

25 correspond à une situation tout à fait identique. J'affirme aujourd'hui

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1 devant vous, Monsieur le Président, que le problème qui se pose en l'espèce

2 est un problème dû à un procès en l'absence de l'accusé, qui est lié de

3 très près à l'outrage de ce témoin, et la Chambre s'est déjà prononcée sur

4 cette question. A mon avis, il ne serait pas bon que la Chambre de première

5 instance, et je le dis bien sûr avec le respect que je vous dois, Monsieur

6 le Président, Messieurs les Juges, il ne serait pas bon que ce soit cette

7 Chambre qui procède aux poursuites alors qu'elle est responsable de

8 l'ordonnance qui a engagé ces poursuites.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Bourgon, pensez à ce que

10 disait la Chambre d'appel dans sa décision. Vous allez peut-être vous

11 demander si ceci s'applique à ce témoin. Je ne pense pas que la Chambre de

12 première instance ait déjà pris une décision s'agissant de ce procès en

13 l'absence de l'accusé dans le cadre de la poursuite du procès. Nous nous

14 sommes prononcés ici uniquement en ce qui concerne ce témoin-ci.

15 M. BOURGON : [interprétation] Oui, vous avez tout à fait raison. La Chambre

16 de première instance, je le vois à la lecture du compte rendu d'audience,

17 n'a pas pris une décision de principe pour ce qui est de la tenue ou de la

18 non tenue d'un procès en l'absence de l'accusé, mais elle a dit que c'est

19 une question qui nécessiterait la présentation de conclusions par les

20 parties. Je ne trouve pas le paragraphe exact pour le moment, mais la

21 Chambre a bien dit que, s'agissant du présent témoin, l'interprétation à

22 donner à la décision de la Chambre d'appel signifie qu'il est possible

23 d'avoir le contre-interrogatoire de ce témoin et la poursuite de sa

24 déposition.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais rappelez-vous qu'il avait déjà

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1 répondu aux questions posées au principal, et le contre-interrogatoire,

2 c'étaient les éléments qui manquaient. Ce n'est pas comme s'il allait subir

3 l'interrogatoire principal et le contre-interrogatoire en l'absence de

4 l'accusé. L'accusé l'avait déjà interrogé. Nous avions aussi mis en place

5 certaines mesures de protection pour éviter que l'accusé soit lésé, dans la

6 mesure où nous avions donné l'ordre que le compte rendu d'audience et

7 l'enregistrement vidéo des débats soient mis à la disposition de l'accusé.

8 M. BOURGON : [interprétation] Monsieur le Président, j'ajouterais ceci dans

9 le cadre de mes arguments : c'est vrai, il y a des circonstances

10 particulières qui s'appliquent au présent accusé lorsqu'il était témoin

11 devant la Chambre de première instance. Je ne m'intéresse pas à ces

12 caractères particuliers. Je m'attache à ce qu'a dit la Chambre de première

13 instance, à savoir que la Chambre d'appel, quelles que soit les

14 circonstances, bien sûr, dans tout procès pour outrage ces faits seront

15 examinés, mais la Chambre de première instance a décidé qu'en fonction de

16 la décision de la Chambre d'appel, il était possible de poursuivre la

17 déposition en passant au contre-interrogatoire. Alors, quelles que soit les

18 circonstances qui vous ont poussés à le faire, peu importe, une décision a

19 été prise, et c'est cela qui compte.

20 Cependant, lorsque vous vous êtes adressé au témoin hier, le fait qu'on a

21 invoqué comme autorité afin de poursuivre la déposition du témoin la

22 Chambre d'appel, c'est un fait qu'il faut retenir dans le cadre de

23 l'accusation pour outrage en ce qui concerne le présent témoin. Par

24 conséquent, c'est un élément important dans le cadre de la présente

25 procédure.

Page 38627

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais cette décision ne saurait être

2 contestée qu'en appel, n'est-ce pas ? Ce n'est pas une décision qu'une

3 autre Chambre du même niveau, une autre Chambre de première instance

4 pourrait reprendre. La seule question qui se pose maintenant c'est celle de

5 savoir si l'accusé refuse de répondre à des questions. Une fois que cette

6 question est tranchée dans un sens ou dans un autre, si vous n'êtes pas

7 satisfait du résultat, vous pouvez interjeter appel devant la Chambre

8 d'appel. L'accusé a d'ailleurs le droit de ce pouvoir en appel. Mais nous

9 avons rendu une ordonnance et nous devons voir si elle est respectée ou

10 pas. Je ne m'attendrais pas à ce qu'une autre Chambre de première instance

11 puisse s'en saisir.

12 M. BOURGON : [interprétation] Permettez-moi de répondre à votre

13 commentaire. Vous avez tout à fait raison de le formuler, mais pourquoi

14 votre commentaire est-il exact ? Parce que, bien entendu, la Chambre de

15 première instance a pris une décision lorsqu'elle a évoqué la question de

16 l'outrage. Si elle le fait, elle aura du mal à revenir sur sa propre

17 décision.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il ne s'agit pas ici de revenir

19 sur cette décision. Cela, c'est du passé. Maintenant que l'ordonnance a été

20 donnée, la question c'est de savoir si elle a été respectée ou pas. Nous

21 avons dépassé ce stade-là.

22 M. BOURGON : [interprétation] Permettez-moi de ne pas être d'accord avec

23 vous. Cette décision prise devient une des questions qui va se poser et qui

24 fera si on détermine que le présent accusé est coupable ou pas d'outrage.

25 Une autre Chambre de première instance ne sera pas liée par cette décision

Page 38628

1 que vous avez prise qui permettait à l'Accusation de procéder au contre-

2 interrogatoire. A cet égard, une autre Chambre de première instance sera

3 bien mieux à même de garantir les droits qu'a l'accusé à un procès

4 équitable devant une Chambre indépendante et impartiale.

5 Permettez-moi de poursuivre, Monsieur le Président, par la

6 présentation de mes autres arguments. Deuxième argument. Si malgré tout, la

7 Chambre de première instance décide d'engager elle-même la procédure, comme

8 ceci a déjà été dit, si un procès doit se tenir dans les meilleurs délais,

9 toutes les garanties, tous les droits qu'a l'accusé en application de

10 l'Article 6 de la Charte européenne doivent être respectés --

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En ce qui me concerne, je vous

12 dirais qu'il est préférable et plus sûr de citer le pacte international des

13 droits civils et politiques, car c'est une convention, un traité, qui n'est

14 pas régional, mais international et qui aura, effectivement, une

15 participation d'un plus grand nombre de pays. D'après cette convention,

16 l'Article 14 a été invoqué pour pousser le Secrétaire général à enjoindre

17 le Tribunal à respecter les droits des accusés.

18 M. BOURGON : [interprétation] Si vous estimez que j'ai dit en guise de

19 commentaires quelque chose qui n'était pas une bonne référence juridique,

20 je m'en excuse.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne dis pas que cela soit

22 inapproprié mais en l'espèce, et dans ce Tribunal, il est toujours

23 préférable de s'appuyer sur ce pacte international, et les commentaires qui

24 l'accompagnent, pour les raisons que j'ai déjà avancées.

25 Si vous prenez les déclarations préparatoires du Secrétaire général, quand

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1 je dis "préparatoires", je veux dire "en vue de la préparation" des règles

2 qui ont permis l'établissement de ce Tribunal, vous verrez qu'à l'Article

3 21, il fait expressément référence à l'Article 14 de ce pacte international

4 des droits civils et politiques. Pour de très bonnes raisons d'ailleurs,

5 parce que c'est là une convention internationale signée par quelques 150

6 pays en tant qu'Etats parties.

7 M. BOURGON : [interprétation] Merci de cet excellent conseil, mais puisque

8 vous parlez de l'Article 21 du Statut, il est sans doute préférable de

9 prendre comme dénominateur commun l'Article 21 de notre Statut, et s'il y

10 aura poursuite de ce procès pour outrage à l'encontre de M. Bulatovic, les

11 droits de l'accusé en vertu de l'Article 21 doivent être respectés dans

12 leur intégralité.

13 Cela veut dire notamment à l'Article 21, paragraphe 4, le fait que

14 l'accusé doit bénéficier du temps et des moyens nécessaires pour se

15 préparer.

16 En l'occurrence, vous avez ici devant vous un accusé qui ne saurait être

17 prêt à répondre à des chefs d'accusation portés contre lui aujourd'hui.

18 Pourquoi ? Pour des raisons manifestes. Je vous l'ai déjà expliqué. Même si

19 de prime abord la question est simple, pour qu'elle soit prête, la Défense

20 aura peut-être besoin de présenter des conclusions juridiques approfondies,

21 devra faire de la recherche et demander aussi d'autres témoins à la barre.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pensez que vous aurez peut-être

23 à citer des témoins ?

24 M. BOURGON : [interprétation] Ce n'est pas exclu.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous présentez cet argument

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1 sérieusement ?

2 M. BOURGON : [interprétation] je ne le ferais pas si je n'avais pas étudié

3 sérieusement la question. C'est une possibilité qui découle des discussions

4 que j'ai eues avec mon client. A l'instant même, je ne peux pas vous le

5 dire exactement, je n'ai pas pris la décision d'appeler à la barre un

6 témoin. Mais les circonstances de la cause sont telles -- des choses ont

7 été dites à l'accusé par des membres du Tribunal, lorsqu'on l'a appelé à la

8 barre en un premier temps. La Défense pourra peut-être aussi appeler à la

9 barre des témoins, maintenant dans le cadre précis de l'outrage.

10 Excusez-moi.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il faudrait d'abord savoir de quoi

12 vous parlez avant d'y accorder le moindre poids. Donnez-moi un exemple de

13 ce qui aurait été dit au témoin par le Tribunal qui nécessiterait des

14 conclusions approfondies, une recherche juridique et d'autres éléments de

15 preuve.

16 M. BOURGON : [interprétation] La Chambre de première instance l'a dit elle-

17 même, il y avait la question du procès in absentia.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Prenons une hypothèse; quels seraient

19 ces éléments de Défense ?

20 M. BOURGON : [interprétation] Prenons un scénario hypothétique. Nous

21 aurions un témoin, et là je tiens à prendre un certain recul par rapport à

22 cette cause ci, même si cela peut s'appliquer. Prenons le scénario

23 hypothétique où un témoin est contacté par des représentants du Tribunal,

24 et est prié de venir en tant que témoin devant le Tribunal. Au cours de

25 cette déposition, ou plus exactement au cours des consultations, des

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1 échanges qu'il peut y avoir, certaines promesses sont faites, certaines

2 lignes directrices sont données, certaines garanties, certaines

3 instructions peuvent être offertes à un témoin. Ce témoin comparaît alors

4 devant la Chambre de première instance, et tout d'un coup il y a des

5 circonstances tout à fait nouvelles, et même si la Chambre essaie

6 d'apporter au témoin ses promesses, ses garanties qui lui avaient faites,

7 il y a un problème. C'est peut-être une excuse, j'ai pris mon recul parce

8 que vous m'avez demandé de donner un exemple. Donc, effectivement, lorsque

9 vous avez un cas d'outrage tel que celui-ci, il est fort possible d'appeler

10 à la barre un témoin.

11 Un autre exemple, hier, il a eu une réunion. Je vous en ai fait rapport ce

12 matin. Il y a eu une réunion entre un des associés de l'accusé dans le

13 procès au principal, et celui qui est maintenant un accusé. Ce qui a été

14 évoqué dans le cadre de cette discussion peut être pertinent, je ne le sais

15 pas. Je ne veux pas me prononcer non plus, mais il ne saurait être ignoré

16 que ce qui s'est discuté à ce moment-là peut avoir une certaine pertinence

17 pour l'affaire d'outrage.

18 Ce qui veut dire que si nous poursuivions maintenant la procédure, l'accusé

19 n'aurait pas les moyens ni le temps nécessaires à la préparation de sa

20 Défense plus exactement.

21 De plus, il y a une autre question qui se pose, celle de l'état de santé de

22 l'accusé. Ce témoin est déjà depuis dix jours à La Haye. Il a un état de

23 santé qui, sans être précaire, n'est pas optimal. Je l'ai dit, Monsieur le

24 Président, vu ce qui s'est passé, vu le stress qu'a dû subir le témoin au

25 cours de ces ceux dernières journées, quelque chose qui l'a pris tout à

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1 fait au dépourvu, je pense que ce sont des circonstances à prendre en

2 compte pour ne pas engager immédiatement le procès.

3 Le Tribunal international prend toujours des précautions supérieures à ce

4 qui est nécessaire, pour assurer le bien être, la protection des victimes

5 et des témoins. Avant qu'il ne devienne accusé, M. Bulatovic était un

6 témoin, ne l'oublions pas. Il faut lui donner le temps qu'il faut pour

7 qu'il réfléchisse à la question.

8 Autre question. Celui qu'il a à se faire représenter par un conseil de son

9 choix. Tout ceci a été très soudain pour M. Bulatovic. Aujourd'hui je le

10 représente, et je l'ai dit d'emblée, mon mandat se borne à le représenter

11 jusqu'au début du procès. Pourquoi ?Parce que c'est juste. D'ailleurs, cet

12 accusé aimerait consulter un avocat de son choix, chez lui; là, je reprends

13 ses termes à lui, pour décider de la façon de poursuivre.

14 Vous l'aurez constaté, Messieurs les Juges, le comportement qu'a eu

15 ce témoin dans le prétoire est devenu une question de principe. Cette

16 question de principe, il va peut-être vouloir en discuter avec un conseil

17 de son choix avant d'aller plus loin parce que tout s'est passé en très peu

18 de temps, et de façon tout à fait inattendue pour lui. Il se trouve

19 maintenant dans une situation où il a pris une décision. Il a décidé de

20 camper sur la décision qu'il avait prise. Alors maintenant, il doit

21 répondre de chef d'accusation dressé contre lui par un Tribunal

22 international. Je pense qu'il a le droit de choisir un conseil, même si au

23 bout du compte il va peut-être décider de me conserver comme conseil, je ne

24 le sais pas du tout. Mais je peux vous dire que mon mandat se limite à la

25 représentation de M. Bulatovic jusqu'au début du procès.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le témoin doit savoir parfaitement

2 qu'il peut changer d'avis, ici même dès maintenant. A ce moment-là, pour

3 pouvoir dissiper toutes ces anxiétés qu'il a provoquées, et qui sont

4 causées à d'autres. Libre à lui de changer d'avis dès maintenant.

5 M. BOURGON : [interprétation] Impossible de répondre, vu la situation de

6 mon client. Je fais valoir que ce n'est pas la présente Chambre qui devrait

7 être saisie de l'affaire, vu les circonstances, et que de toute façon, il

8 ne faudrait pas engager la procédure dès aujourd'hui. Conformément à

9 l'Article 77(D)(ii), la Chambre peut effectivement engager elle-même la

10 procédure, mais nous pensons que c'est une autre Chambre de première

11 instance qui devrait s'en saisir. Effectivement, un procès pour outrage

12 peut se tenir au plus vite -- la Chambre de première instance pourrait

13 poser des questions à l'accusé, et il vous dirait peut-être qu'il serait

14 disponible et accepterait de revenir rapidement pour la tenue d'une telle

15 procédure.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aurais une question à vous poser,

17 Maître Bourgon. Pour ce qui est du pouvoir discrétionnaire accordé par cet

18 Article du Règlement à la Chambre, qui peut elle-même engager la procédure.

19 Vous avez dit qu'il ne conviendrait pas vu les circonstances, que cette

20 Chambre-ci engage elle-même la procédure. Pourquoi; c'est ce que j'aimerais

21 savoir ? Vous dites que la Chambre s'est déjà prononcée sur une question

22 bien précise.

23 M. BOURGON : [interprétation] Monsieur le Président, effectivement, ce fut

24 là une conclusion que j'ai présentée mais elle est de nature générale. Un

25 accusé a le droit à un procès équitable qui se tient devant une Chambre

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1 équitable et impartiale. Si je relis le compte rendu d'audience d'hier, il

2 apparaît que ce ne serait pas le cas, ou qu'une certaine probabilité milite

3 en faveur du contraire, vu les conversations qu'il y a eues avec l'accusé

4 en l'espèce.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela c'est le volet de la

6 partialité.

7 M. BOURGON : [interprétation] Oui, et d'indépendance par rapport aux faits.

8 Permettez-moi de revenir sur une des conclusions les plus importantes,

9 c'est la question de la décision déjà prise, qui était de savoir s'il était

10 possible d'avoir le contre-interrogatoire par l'Accusation.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous avez cité la directive

12 pratique du chef judiciaire britannique. Vous allez plus loin, parce que si

13 on suivait cette directive pratique, apparemment une Chambre de première

14 instance qui a subi cet outrage ne peut se saisir de cette question

15 d'outrage. Vous dites que c'est une autre Chambre, une autre formation de

16 Juges qui doit assurer la poursuite pour outrage ?

17 M. BOURGON : [interprétation] Ce serait normalement la chose qui se fait,

18 là où la Chambre de première instance a été partie prenante, quelle qu'en

19 soit les modalités aux événements qui ont débouché sur le comportement qui

20 fait maintenant l'objet de la procédure pour outrage.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais, c'est serait vrai dans la

22 plupart des cas, ce qui veut dire que cette partie de notre article est

23 ultra vires, que c'est élément de droit. Cela voudrait dire que ce pouvoir

24 discrétionnaire ne pourrait pas vraiment s'appliquer convenablement.

25 M. BOURGON : [interprétation] Je n'irais pas jusqu'à dire que le 77(D)(ii)

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1 est ultra vires; au contraire, je pense qu'il peut dans certains cas se

2 présenter des circonstances où il y a outrage dont peut-être saisie la même

3 Chambre de première instance. Je fais valoir des arguments qui sont en

4 rapport direct avec les faits de cette cause-ci. Je dis que vu les

5 circonstances de cette espèce, il ne conviendrait pas que la même Chambre

6 de première instance organise ces débats.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si je vous le mentionne, c'est que

8 vous le savez peut-être. Il y a beaucoup de systèmes qui, s'il y a eu

9 outrage devant une Chambre ou une formation donnée, c'est cette formation

10 qui est saisie de l'audience pour outrage.

11 M. BOURGON : [interprétation] Oui, je connais bien la question de

12 l'outrage. Au départ c'est surtout un élément de la "common law". Je suis

13 formé dans la "common law", dans mon pays, au Canada, certaines chambres de

14 première instance vont intervenir. C'est en fonction des faits de la cause;

15 parfois les Juges vont décider de se saisir eux-mêmes de la question, si

16 c'est une question de moindre importance, et si elle n'a pas d'influence

17 sur la décision de la Chambre. Mais lorsque les questions sont plus graves,

18 à ce moment-là, on renvoie la question de l'outrage devant une autre

19 chambre de première instance qui se chargera de son examen. Ceci présente

20 un avantage dans bien des systèmes. Lorsqu'il y a renvoi pour outrage

21 devant une Chambre de première instance, ceci a pour mérite de ne pas

22 retarder la procédure au principal.

23 Ici, pour le moment, il y a une suspension provisoire. Vous pourriez croire

24 que le temps vous est donné de vous saisir de l'outrage, mais c'est là une

25 autre raison qui fait que dans la plupart des cas, il y a renvoi devant une

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1 autre Chambre de première instance.

2 Mais la raison, le motif principal reste le même : l'équité du procès

3 devant une Chambre de première instance équitable et impartiale, même si

4 bien sûr, ceci s'assortit de considérations d'ordre pratique.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais comprendre votre

6 argument, qui veut établir un lien entre le procès en l'absence d'un accusé

7 et la présente procédure pour outrage. Si on estime qu'il n'est pas

8 convenable d'avoir un procès en l'absence de l'accusé, de toute façon

9 l'Accusation n'aurait pas eu le droit de poser des questions au présent

10 accusé en l'absence de M. Milosevic.

11 M. BOURGON : [interprétation] Exactement, Monsieur le Président. S'il n'est

12 pas possible d'avoir poursuite d'un procès, si une partie d'un procès ne

13 peut pas se dérouler en l'absence de l'accusé, à ce moment-là, le présent

14 accusé n'aurait pas eu à répondre à des questions et ne se trouverait pas

15 dans la situation dans laquelle il est maintenant.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est pour cela que je vous ai dit

17 que ce qui se passait, ce n'était pas un procès en l'absence d'un accusé,

18 nous l'avons dit clairement. Le traitement que nous réservons à ce témoin

19 concerne un témoin dont la déposition avait déjà commencé, dont

20 l'interrogatoire principal était terminé, il suffisait que l'Accusation le

21 contre-interroge. Peut-être ne convenait-il pas tout à fait d'établir ce

22 parallélisme avec un procès en absence d'un accusé.

23 M. BOURGON : [interprétation] Nous parlons de "procès par contumace en

24 absence de l'accusé". Mais ici, nous voulons savoir si le procès pourrait

25 se poursuivre. La Chambre dit aujourd'hui qu'elle était convaincue que le

Page 38637

1 procès de M. Milosevic aurait pu se poursuivre par le contre-interrogatoire

2 du présent témoin, vu la décision de la Chambre d'appel.

3 S'il en est ainsi, si la Chambre de première instance n'avait pas pu

4 poursuivre, il n'y aurait pas eu d'outrage. Je pense que c'est un motif

5 tout à fait valable qui exige qu'une autre Chambre de première instance se

6 saisisse de l'affaire d'outrage.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que je pourrais voir les deux

8 documents que vous avez cités en guise de référence ?

9 M. BOURGON : [interprétation] Tout à fait. Excusez-moi, j'ai surligné

10 quelques passages.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce serait peut-être utile pour nous

12 de voir ce que vous avez surligné.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez également fait référence à

14 ce "All England Law Reports" ? Ce n'était pas le cas; c'est la directive

15 pratique.

16 M. BOURGON : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On le trouve ici ce document ?

18 M. BOURGON : [interprétation] Non. Lorsque nous parlons de cette affaire,

19 et je ne peux pas prononcer ce nom, "Kyprianou," c'est exact. Donc,

20 Kyprianou contre Chypre.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui mais Kyprianou, c'est plus récent

22 que la directive pratique du "Lord Chief Justice's."

23 M. BOURGON : [interprétation] Je pense que oui. C'est pour cette raison que

24 dans Kyprianou, on fait référence à cette directive pratique.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais c'est simplement que, d'après mes

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1 souvenirs, et peut-être que quelqu'un dans ce prétoire pourra-t-il m'aider,

2 c'est qu'il y a cette doctrine anglaise qui vient d'une cour d'appel au

3 pénal où il est nécessaire, pour assurer la poursuite du procès au pénal,

4 il faut qu'il y ait saisine du cas d'outrage. Effectivement, c'est le droit

5 qu'a un tribunal de se saisir de l'outrage, et ce ne serait pas, dans une

6 situation anglaise, britannique, une autre chambre qui s'en chargerait.

7 J'essayais de trouver le contraire dans les documents que vous avez

8 évoqués.

9 M. BOURGON : [interprétation] Je ne pense pas que ceci se trouve dans les

10 documents dont vous disposez maintenant. Mais je peux vous dire que, quelle

11 que soit la décision prise ici en l'espèce, cela ne va pas retarder la

12 procédure. Au contraire, si vous renvoyer cette affaire devant une autre

13 Chambre de première instance, vous pourrez poursuivre le procès dont vous

14 êtes saisis.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ici on fait une référence aux

16 études judiciaires; c'est à propos d'un comportement abusif dans le

17 prétoire. On définit cet outrage comme étant une attitude insultante,

18 vexatoire. Or ici, ce n'est pas ce qui est en cause. Ici, c'est le refus de

19 répondre à une question. Ce qu'on fait devant un magistrat britannique n'a

20 peut-être aucune pertinence dans une instance telle que la nôtre. Mais je

21 vais quand même en prendre lecture séparément.

22 L'autre document, c'est un commentaire sur l'affaire Kyprianou. Ah

23 non, c'est le rapport, janvier 2004, je vois. Je vous remercie.

24 M. BOURGON : [interprétation] Avec votre permission, je vous dirais que

25 j'ai étudié la question hier soir. J'ai fait de mon mieux pour recueillir

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1 des éléments d'information ce matin, mais la question de l'application dans

2 le droit national ou d'un règlement de procédure et de preuve national, on

3 fait souvent référence à cela. On dit, bien sûr, que le Tribunal

4 international n'est pas tenu d'appliquer des règles nationales; je suis

5 tout à fait d'accord. Cependant, parfois, on peut citer ces sources pour

6 essayer d'expliquer des questions de principe. Je pense que la question de

7 principe se posant ici, c'est le droit qu'a l'accusé à un procès équitable

8 devant une Chambre de première instance, indépendante et impartiale. Je

9 pense que ceci serait au mieux garanti par la saisine d'une autre Chambre

10 de première instance, vu la question de contexte, qui était celle de savoir

11 si le procès de M. Milosevic pouvait se poursuivre par le contre-

12 interrogatoire du témoin.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre vous remercie de ces

14 arguments. Effectivement, d'autant que vous êtes intervenu au pied levé. Je

15 pense que l'accusé ferait bien de vous conserver comme avocat.

16 Je vais délibérer avec mes collègues sur le siège.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Bulatovic.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai une question à vous poser.

21 Votre conseil a indiqué que vous souhaiteriez bénéficier de l'aide du

22 conseil de votre choix avant de vous prononcer quant à votre façon de

23 plaider et avant de participer à des audiences. Je vous demande combien de

24 temps il vous faudrait pour choisir votre conseil, et j'ajouterai, comme je

25 l'ai déjà dit d'ailleurs, que la Chambre a une confiance absolue en Me

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1 Bourgon. Comme je l'ai dit également, je pense que vous seriez bien avisé

2 de conserver l'assistance de Me Bourgon. Mais au cas où vous aimeriez

3 choisir un autre conseil, j'aimerais savoir combien de temps il vous faudra

4 pour le faire ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, Messieurs les Juges, je

6 considère que pour discuter avec mes avocats à Belgrade, il me faudrait au

7 maximum un mois avant de pouvoir répondre de l'accusation contenue dans

8 l'acte. Je pense que cela me suffira.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour ma part, je ne pense pas qu'il

10 faille un mois pour répondre d'une accusation comme celle-ci, mais je vais

11 conférer avec mes confrères.

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. NICE : [interprétation] Je demanderais d'être entendu simplement sur ce

14 problème du temps.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je vous en prie.

16 M. NICE : [interprétation] Laisser entendre qu'il faudrait accorder un

17 quelconque délai à l'homme qui est ici désormais en position d'accusé pour

18 lui permettre de préparer sa défense doit être confronté, bien entendu, au

19 besoin absolu dans lequel se trouve la Chambre de première instance de

20 mener ses affaires comme il se doit et d'exercer un contrôle sur le

21 comportement des témoins. Je ne souhaiterais pas parler du fond en cet

22 instant. Mais tout retard qui laisserait les choses en suspens, s'agissant

23 des poursuites à l'égard de ce témoin devenu désormais accusé, peut

24 constituer un encouragement très important pour d'autres et peut entraîner

25 une mise en incapacité de la Chambre à s'occuper de ce genre de problème

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1 s'il devait se reproduire à l'avenir.

2 J'inviterais la Chambre à réfléchir à la façon dont elle pourrait

3 peut-être se repencher sur les textes de lois, s'accorder peut-être pour ce

4 faire jusqu'à demain, afin d'obtenir d'autres sources que les deux

5 documents cités à l'instant par Me Bourgon sur la nécessité ou pas de

6 traiter de ce genre d'affaire immédiatement et de façon péremptoire.

7 Je suis tenu de faire observer, je suis sûr que la Chambre l'aura remarqué,

8 que la réponse fournie par le témoin désormais accusé peut être considérée

9 comme le signe d'un comportement assez similaire à celui qui a provoqué la

10 situation --

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais dire ici et maintenant,

12 Monsieur Nice, que je ne pense pas que vous avez à intervenir dans cette

13 procédure. Si la Chambre a besoin de l'aide du Procureur, ce qui peut

14 découler des circonstances qui sont en train d'évoluer à l'instant, je

15 pense qu'il nous appartiendra de demander cette aide. Mais je ne pense pas

16 que vous ayez un rôle indépendant dans tout cela, si je puis me permettre.

17 M. NICE : [interprétation] Si c'est votre position, Monsieur le Juge, je ne

18 dirai plus rien, sauf à tenter de vous aider. J'ai ici un document qui,

19 peut-être, vous apporterait une aide limitée, mais en tout cas, c'est une

20 décision d'un shérif écossais qui revient sur la loi lors de procès pour

21 outrage devant ce tribunal, et ce au vu de la convention. Je pourrais en

22 demander une reproduction par M. Ruxton.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est une révision --

24 M. NICE : [interprétation] En 2001.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela ne m'aidera en rien.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La décision de la Chambre est prise

2 à la majorité. Nous suspendons jusqu'à jeudi 5 mai, date à laquelle nous

3 reprendrons nos débats à 9 heures du matin, et cela donnera à l'accusé le

4 temps de consulter l'avocat de son choix et de préparer sa défense.

5 J'ai bien dit 5 mai, 9 heures du matin.

6 Maître Bourgon.

7 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Dois-je

8 comprendre, ayant entendu cette décision, que la Chambre de première

9 instance a décidé de se charger elle-même des poursuites plutôt que de

10 renvoyer l'affaire devant une autre Chambre ?

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Mais nous ne pouvons prévoir

12 les arguments qui seront présentés par le conseil choisi par l'accusé en

13 l'espèce.

14 Nous suspendons jusqu'à jeudi 5 mai, 9 heures du matin. Non, excusez-

15 moi, je poursuis.

16 Monsieur Bulatovic, vous pouvez quitter le prétoire, et nous reprendrons

17 ensuite le déroulement du procès.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

19 [Le témoin se retire]

20 M. BOURGON : [interprétation] Avec votre autorisation, Monsieur le

21 Président, je quitterai le prétoire également avec mon client

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il nous reste dix minutes.

23 Maître Kay, puis-je vous demander si vous aurez un témoin à votre

24 disposition ?

25 M. KAY : [interprétation] Je n'ai aucun témoin disponible, et la Chambre

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1 devra peut-être se pencher sur la question de la possibilité de disposer ou

2 pas du témoin en rapport avec l'affaire Bulatovic, et ce dans une situation

3 de procès in absentia.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous obtiendrons un rapport médical

5 sur l'état de santé de l'accusé vendredi.

6 Monsieur Nice, avez-vous quelque chose à dire sur le sujet ?

7 M. NICE : [interprétation] Oui. Sur ce sujet, ce que je dirais, c'est que

8 le procès devrait se poursuivre comme si Me Kay était vraiment au volant de

9 son véhicule, pour réutiliser une expression déjà assez souvent utilisée

10 par nous. Et comme si la Chambre, en tout cas, tant que le contraire n'est

11 pas prouvé, comme si la Chambre pouvait procéder en l'absence de l'accusé,

12 et ce conformément au paragraphe 20 de la décision rendue par la Chambre

13 d'appel. Ce qui signifierait que le témoin Jasovic pourrait être rappelé,

14 ou même devrait être rappelé, par Me Kay, dans le cadre d'efforts

15 supplémentaires de sa part. Mais je ne peux aller plus loin que cela. Je

16 crois savoir que Jasovic est toujours à La Haye.

17 Ce que je dirais, en deuxième lieu, c'est que, d'une façon ou d'une autre,

18 le temps écoulé cette semaine devrait être décompté des 150 jours mis à la

19 disposition de l'accusé. J'ai un certain nombre d'arguments justifiant mon

20 propos.

21 J'ai évoqué ce sujet de façon très précise, pour la première fois, au

22 moment où un certain nombre de témoins se sont dit réticents ou refusant de

23 coopérer conformément à la décision de la Chambre d'appel. Ensuite,

24 l'Accusation a évoqué le même argument assez rapidement dans des écritures

25 qui ont été déposées, si je ne m'abuse, les 9, 10 et 11 novembre de l'année

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1 dernière, et qui ensuite ont été rendues publiques. On trouve cela au

2 paragraphe 17, et je suis revenu sur cette même question au moment où

3 l'accusé a souffert de grippe.

4 Il semble à l'Accusation qu'il doit être absolument prioritaire que ce

5 procès s'achève dans des délais acceptables. Or, la Chambre d'appel a mis à

6 la disposition de l'accusé tout ce dont il a besoin pour faire face aux

7 circonstances particulières qui sont les siennes, et notamment à des

8 circonstances liées à un mauvais état de santé, qui doivent être mises en

9 parallèle avec le temps qu'il doit consacré lui-même à sa défense

10 indépendante. Compte tenu des décisions qui ont été rendues, je pense que

11 le temps écoulé cette semaine doit être décompté du temps qui lui a été

12 imparti.

13 J'observe, comme j'étais sur le point de le faire avant que M. le Juge

14 Bonomy me dise ne pas souhaiter que je m'exprime davantage, j'observe que,

15 même s'il n'a pas toujours été possible d'établir si des témoins reçoivent

16 des instructions dans le cadre d'un plan préparé à l'avance - la question

17 s'est déjà posée dans des cas antérieurs - mais même si cela n'est pas

18 possible, la Chambre, a mon avis, peut être certaine que l'accusé

19 encourage, ou en tout cas, donne instruction, ou demande aux témoins de

20 coopérer avec le Tribunal. Il ne fait aucun doute que les décisions du

21 Tribunal doivent être obéies. Les objectifs de cette Chambre de mener à

22 bien ce procès dans des délais acceptables doivent être respectés.

23 Voilà mes arguments liminaires sur le sujet, mais je reviendrai sur ces

24 éléments plus tard si cela peut vous aider. Je remercie encore une fois M.

25 Ruxton, et je dirais, mais je suis sûr que Me Bourgon le sait, que plus

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1 récemment encore, Monsieur le Président, vous êtes peut-être au courant, il

2 y a un document établi par la Cour suprême de la Chambre des lords, de MM.

3 Penrose, Hamilton et Abernethy; il s'agit d'une décision rendue en 2004.

4 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne connais pas le système de

5 recherche de ces situations suffisamment bien, je vous prie de m'en

6 excuser, il me faut quelques instants, mais j'ai un exemplaire de cet arrêt

7 de la Chambre d'appel, numéro MISC 306/03, qui traite de cette même

8 question. Je pense qu'un exemplaire peut en être obtenu à partir

9 d'Internet.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il est question du même sujet.

11 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas pu scanner suffisamment pour vous le

12 dire exactement, mais je voulais vous informer de l'existence de ce

13 document, ainsi que Me Bourgon.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, sur le décompte du

16 temps, plus précisément, avez-vous quelque chose à dire ?

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. KAY : [interprétation] Quelques points seulement.

19 A notre avis, la Chambre errerait très gravement si elle faisait sienne les

20 arguments que lui propose l'Accusation. Car cela serait une démarche que

21 n'adopte aucun système du monde, que n'adopte aucun commentaire

22 contrairement à l'Article 14 du pacte international des droits civils et

23 politiques. Cela serait contraire au rapport du secrétaire général avant

24 l'établissement du présent Tribunal, conformément à l'Article 2 de la

25 Résolution du conseil de Sécurité 808 qui a dit que, couramment, on pensait

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1 qu'il ne faudrait pas prévoir, dans les statuts, de procès par contumace,

2 car ceci serait contraire à l'Article 14 du pacte international des droits

3 civils et politiques, lequel prévoit pour l'accusé le droit à être présent

4 à son procès. Nous exhortons la Chambre de première instance à ne pas

5 s'aventurer dans l'erreur en jurisprudence qui lui attirerait de vives

6 critiques.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais comment interpréter le

8 paragraphe 20 de la décision de la Chambre d'appel ?

9 M. KAY : [interprétation] On parle, dans ce paragraphe 20, de

10 "participation". On ne parle pas de l'absence de l'accusé aux débats. La

11 Chambre d'appel n'a jamais été saisie de la question d'un procès en

12 l'absence de l'accusé. Ce n'est pas de cette question dont elle a été

13 saisie. C'est la question de la participation qui lui a été présentée. Sa

14 présence était possible dans le prétoire, mais effectivement, on disait que

15 son droit à mener sa défense pouvait être limité et qu'il y a donc

16 apposition du conseil commis d'office, donc "réaménagement des rôles"

17 donnés au protagoniste à un procès.

18 Nous ne pouvons pas être au volant d'un véhicule qui n'a pas de passager à

19 l'arrière.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Maître Kay.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous avons entendu

23 les arguments que vous avez présentés à propos du temps qu'il faudrait ôter

24 du temps réservé à l'accusé, mais ici nous n'allons pas le faire, même si

25 nous sommes conscients du fait qu'il faudra rouvrir ce dossier de façon

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1 plus générale.

2 L'audience est suspendue et elle reprendra lundi matin. Mais nous attendons

3 un rapport portant sur l'état de santé de l'accusé, vendredi. Si nous

4 disposons de ce rapport, nous rendrons une ordonnance.

5 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi de poser une question, pour avoir

6 des précisions et mieux nous préparer, est-ce que l'ordonnance dira

7 clairement, même si l'accusé n'est pas là, est-ce que je devrais me

8 préparer à contre-interroger le témoin ?

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Tout dépendra des renseignements que

10 nous aurons à ce moment-là.

11 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'audience est levée.

13 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le lundi 25 avril

14 2005, à 9 heures 00.

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