Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 18 août 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Saxon, allez-y.

6 M. SAXON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

7 LE TÉMOIN: MUHAREM IBRAJ [Reprise]

8 [Le témoin répond par l'interprète]

9 Contre-interrogatoire par M. Saxon : [Suite]

10 Q. [interprétation] Monsieur, vous avez dit hier aux Juges de la Chambre

11 de première instance que vous avez été arrêté à peu près une dizaine de

12 fois au Kosovo pour raison de possession illégale d'armes. Vous souvenez-

13 vous d'avoir dit cela ?

14 R. Oui.

15 Q. Si nous nous penchons sur les dossiers judiciaires et sur les documents

16 liés à vos arrestations ainsi que sur les sentences prononcées, dites-nous

17 ce que ces documents nous montreraient ?

18 R. Il ne s'agissait pas de jugements au pénal, c'était seulement le fait

19 que j'ai porté illégalement une arme.

20 Q. Pendant une certaine période, vous avez passé un an et demi en prison.

21 Veuillez nous dire pour quelles raisons ?

22 R. J'ai été en prison pour possession illégale d'arme.

23 Q. Oui, cela fait quand même une période assez longue d'emprisonnement

24 pour une possession illégale d'arme, ne pensez-vous pas ?

25 R. Il ne s'est pas agi d'une une période continue. Il y a eu d'abord dix

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1 jours, puis, 15 jours, puis, 20 jours, et cetera.

2 Q. Vous nous avez dit hier que vous avez passé en prison une période d'un

3 an et demi et que c'est la période la plus longue de votre emprisonnement.

4 Ma question est celle de savoir qu'avez-vous fait pour passer un an et demi

5 en prison ?

6 R. Je vous l'ai dit : c'est pour possession illégale d'arme.

7 Q. J'aimerais vous montrer un article que nous avons retrouvé hier sur

8 l'Internet.

9 A ce sujet, j'aimerais qu'une copie soit distribuée aux parties en

10 présence, et qu'une copie soit placée sur le rétroprojecteur.

11 Voilà de quoi il s'agit. Il s'agit d'un texte qui a été repris du site

12 Srpska-Mreza.com, en traduction "Réseau serbe.com," et on parle "de la

13 terreur de l'UCK et du nettoyage." Alors, il s'agit ici d'un texte du 9

14 octobre qui doit avoir une petite erreur de frappe parce qu'il ne devrait

15 pas s'agir de 1999 mais de 1998. On dit que : "Les villageois albanais

16 s'armaient pour lutter contre l'UCK."

17 Au premier paragraphe on parle de : "Osek Hilja, Yougoslavie, 9 octobre.

18 Bon nombre de gens estiment que c'est là un espion ou un traître, mais Mush

19 Jakupi, âgé de 78 ans, ne prête aucune intention à cela. Pour cet Albanais

20 originaire du Kosovo, qui a organisé une milice villageoise loyale aux

21 autorités serbes, il y a culpabilité des séparatistes de l'UCK pour les

22 problèmes survenus dans la province."

23 J'ai l'impression ici qu'il est question ici de problèmes survenus avec

24 votre père. Le paragraphe suivant dit : "'Lorsque j'ai vu ce qu'il faisait,

25 j'ai décidé que nous n'autoriserons pas l'UCK à entrer dans notre village',

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1 aurait déclaré Jakupi, le propriétaire d'un café dans cette localité non

2 loin de Djakovica au Kosovo occidental."

3 Le paragraphe suivant dit : "Il a organisé un groupe local d'autodéfense

4 avec la bénédiction de la police serbe, et à présent, il veille de façon

5 attentive sur ce qui se passe dans ce village comportant quelque 1 600

6 habitants d'origine albanaise."

7 Puis, plus loin, on parle d'un papier arraché d'un cahier qui dit : "Soit

8 tu nous rejoindras, soit nous allons brûler vos maisons. Re-ralliez les

9 rangs de vos frères." C'est signé l'UCK.

10 Mais si nous nous penchons sur ce qui figure à la page suivante, j'aimerais

11 que nous étudiions un autre paragraphe situé vers le milieu de la page

12 suivante, et on y dit ce qui suit : "Cependant, ce régime local imposé par

13 Jakupi et ses hommes au village n'a pas été bien accueilli par tout un

14 chacun. 'Je préférerais qu'on brûle ma maison plutôt que de vivre ainsi,'

15 dit un représentant local de la Ligue démocratique du Kosovo." Je parle du

16 cinquième paragraphe vers le milieu de la page. "La Ligue démocratique du

17 Kosovo est un parti modéré des Albanais du Kosovo."

18 Puis, on dit deux paragraphes plus bas, ce qui suit : "Entre la police et

19 ce groupe d'autodéfense organisé par Jakupi, je cite, il est dit : 'Nous

20 nous sentons comme étant en prison,' aurait déclaré un homme de 52 ans qui

21 a également demandé à ce qu'on ne publie pas son nom. Il a pointé du doigt

22 le poste de police local qui se trouvait sur une colline non loin de là, en

23 indiquant qu'il y avait là-bas quelque 30 policiers."

24 Je descends de deux paragraphes, et je lis : "Il a dit que lui-même au fil

25 des quatre derniers mois n'a pas réussi à se déplacer jusqu'à Djakovica

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1 parce qu'il a été 'malmené' par la police à chaque fois qu'il a essayé de

2 passer par le point de contrôle, et à chaque fois il se faisait renvoyer

3 vers sa ferme."

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passez à votre question, Monsieur

5 Saxon.

6 M. SAXON : [interprétation]

7 Q. Ma question est la suivante, Monsieur : pensez-vous que de temps à

8 autre votre unité d'autodéfense locale aurait pu exagérer en imposant un

9 contrôle de ce type vis-à-vis des villageois de votre localité ?

10 R. Les forces de sécurité locale ont aidé les gens. Chaque fois où il y a

11 eu des effectifs de sécurité locale, il n'y a pas eu de dégâts du tout de

12 survenus.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais que nous éclaircissions un

14 point. Est-ce que vous avez passé à un moment donné 18 mois en prison ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été emprisonné pendant 18 mois mais en

16 tout et pour tout, j'ai passé une fois 20 jours, une fois 15 jours et si

17 l'on fait la somme de ces emprisonnements, cela fait, en effet 18 mois.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est ce que j'ai cru comprendre hier.

19 M. SAXON : [interprétation] Oui, en lisant le compte rendu, j'ai compris la

20 chose autrement, mais vous venez de me rectifier.

21 Q. Monsieur le Témoin, hier, vous nous avez décrit un incident survenu

22 dans votre village à l'occasion duquel deux soldats seraient venus au

23 village pour accoster une femme. Vous en souvenez-vous ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous nous avez décrit qu'après l'intervention du MUP, au bout de deux

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1 ou trois jours, il vous a été communiqué une information disant que ces

2 soldats ont fait l'objet de peine prononcée à leur égard et ce sont des

3 peines d'emprisonnement, l'une allant jusqu'à six ans et l'autre prévoyant

4 sept ans d'emprisonnement; est-ce bien exact ?

5 R. Oui.

6 Q. Donc, les autorités serbes avaient un intérêt très grand à poursuivre

7 en justice des soldats qui auraient perpétré des crimes dans les villages

8 du Kosovo tel que le vôtre et s'agissant notamment de villages qui

9 coopéraient avec le régime serbe, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, mais dans ce cas concret, au village d'Osek, c'est moi qui ai

11 découvert le délit avec, bien entendu, l'aide de la police locale. Ce n'est

12 pas la police ou l'armée qui ont constaté que délit il y a eu.

13 Q. Oui, mais ma question était quelque peu différente, Monsieur. Ma

14 question s'énonçait comme suit : les autorités serbes n'avaient-elles pas

15 un intérêt très grand qui visait à punir les soldats qui auraient commis

16 des crimes dans les villages qui collaboraient avec le gouvernement serbe ?

17 Seriez-vous d'accord avec moi pour me dire chose pareille ?

18 R. Je ne sais pas quel type d'intérêt l'armée serbe pouvait avoir. Je sais

19 ce qui s'est passé et je sais que les personnes qui ont perpétré ce délit

20 ont été sanctionnées.

21 Q. Oui, mais au cas où le régime serbe n'aurait pas poursuivi en justice,

22 au pénal, les personnes qui auraient commis des crimes dans des villages,

23 tel le vôtre, donc des villages qui collaboraient avec les autorités

24 serbes, ce régime s'exposerait à un risque qui serait celui de perdre ce

25 type de collaboration. N'en est-il pas ainsi ?

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1 R. S'agissant de mon village, je puis vous assurer que personne n'a eu à

2 intervenir étant donné que les choses ont été résolues dès qu'elles sont

3 survenues.

4 Q. Hier, vous avez énoncé des accusations très graves à l'encontre de

5 l'ambassadeur William Walker. Vous vous êtes référé à un incident à

6 l'occasion duquel l'ambassadeur Walker serait venu chez vous, à domicile,

7 et aurait accusé votre père d'avoir violé deux jeunes filles mineures. Vous

8 en souvenez-vous ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous avez indiqué que M. Walker, tous les soirs, entre 11 heures et

11 minuit, se rendait au QG de l'UCK à Glodjane. Vous en souvenez-vous ?

12 R. Oui, je m'en souviens.

13 Q. Je voudrais que l'on place à présent sur le rétroprojecteur ce

14 document-ci.

15 Le bureau du Procureur est entré en contact hier soir avec l'ambassadeur

16 William Walker pour lui envoyer une copie des commentaires que vous avez

17 faits hier et, justement, on est en train de distribuer un courrier

18 électronique qui nous est parvenu en réponse de la part de l'ambassadeur

19 Walker et je vais vous résumer la teneur de celui-ci pour entendre votre

20 réaction.

21 Alors, l'ambassadeur Walker a dit ce qui suit : "J'ai lu ce que M. Ibraj

22 Muharem a dit à mon sujet" -- c'est ce qui figure au premier paragraphe --

23 "et ce que je puis dire, c'est qu'il y a eu confusion et qu'il m'a confondu

24 avec quelqu'un d'autre ou alors qu'il a monté son récit de toute pièce

25 parce que ce qu'il a dit ne se rapporte à rien de tout ce que j'ai fait."

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1 Monsieur, se peut-il que vous ayez confondu l'ambassadeur Walker avec

2 quelqu'un d'autre ?

3 R. Non. Je le connais assez bien, Monsieur.

4 Q. Au paragraphe suivant, l'ambassadeur Walker dit qu'il n'a jamais porté

5 sur sa manche un drapeau américain et qu'il n'y avait aucune raison pour

6 que quelque vérificateur civil que se soit porte des badges identifiant son

7 pays d'origine. Il dit, je cite : "Nous étions là-bas, des représentants de

8 la communauté 'internationale', aussi, ai-je estimé qu'il n'était pas

9 nécessaire pour moi de me présenter comme 'étant Américain.'" Se peut-il

10 que vous y ayez vu des insignes qui vous ont fait penser qu'il s'agissait

11 là d'un drapeau américain, que c'était peut-être une autre personne ou

12 autre chose ?

13 R. Je ne sais pas ce qu'il est en train d'affirmer de nos jours, mais ce

14 jour-là, il s'est présenté en disant que la Serbie n'existait plus.

15 Q. Au quatrième paragraphe, M. Walker dit que la conversation qui se

16 serait déroulée avec votre père l'accusant d'un viol, que cette

17 conversation n'a jamais au lieu. Il précise que : "…du moins, pas avec

18 lui," comme il le dit.

19 Ne pensez-vous pas que si une conversation de cette nature avait

20 effectivement eu lieu, l'ambassadeur Walker s'en serait souvenu ?

21 R. Tout le monde sait qu'un homme de 80 ans ne peut pas prendre soin de sa

22 propre femme et encore moins de jeunes filles mineures.

23 Q. L'ambassadeur Walker dit également : "L'affirmation que j'aurais visité

24 le QG de l'UCK au village appelé Glodjane tous les soirs entre 11 heures et

25 minuit est également inventé de toute pièce. Je suis rarement allé à

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1 l'extérieur de Pristina après la tombée de la nuit et je n'ai jamais

2 rencontré personne entre 11 et minuit. Mes réunions avec les représentants

3 de l'UCK ont été peu nombreuses. Elles ont été au nombre de trois ou

4 quatre, et ceci s'est fait pour organiser la libération de deux

5 journalistes serbes et pour procéder à des échanges des soldats prisonniers

6 et cela a été fait suite à une demande concrète de la part de Milosevic.

7 J'ai eu deux ou trois rencontres avec les commandants régionaux de l'UCK

8 aux fins d'essayer de maintenir la paix. Je répète, je n'ai jamais eu de

9 réunions tardives au soir avec quelque représentant de l'UCK que ce soit."

10 Je dirais, Monsieur, que ce que vous avez dit au sujet de vos contacts et

11 de ce que vous avez constaté au sujet de William Walker, c'est un tissu de

12 mensonges, n'est-ce pas ?

13 R. Non, ce ne sont pas des mensonges, ce sont des vérités.

14 Q. En un mot, Monsieur l'Ambassadeur Walker dit que votre témoignage est

15 tout à fait digne de -- êtes-vous d'accord avec ce qu'il dit ?

16 R. Cela peut lui sembler être dénué de sens parce que cela ne lui convient

17 pas. Ce que je dis ne l'arrange pas, mais je dis la vérité au sujet de ce

18 qui s'est passé ce jour-là.

19 Q. Hier, vous avez décrit les événements de la ville de Djakovica survenus

20 après le 24 mars 1999. Vous avez dit que le vieux bazar, la vieille partie

21 de la ville de Djakovica a été bombardée par l'OTAN. Vous en souvenez-

22 vous ?

23 R. Oui.

24 Q. Je voudrais à présent vous montrer un exemplaire de la pièce à

25 conviction 88, intercalaire 18, et j'aimerais que celle-ci soit placée sur

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1 le rétroprojecteur. Il s'agit du rapport d'un expert qui s'appelle Andras

2 Riedlmayer, et dans cette partie particulière de son rapport, il y a une

3 description de sa visite à Djakovica. J'aimerais qu'on zoome un peu pour

4 qu'on puisse lire ce qui est décrit sous l'intitulé, "Dégât." Voici ce que

5 le Dr Riedlmayer a décrit suite à une visite de la vieille partie de la

6 ville du bazar de Djakovica après la guerre en 1999.

7 Il dit : "Pratiquement tous les magasins du marché historique ont été

8 brûlés dans une partie assez vaste de la ville allant jusqu'aux alentours

9 de la mosquée de Hadum.

10 "Les destructions se rapportent à toute la partie historique du vieux

11 marché qui était censée être protégée…"

12 Puis, un paragraphe plus loin, il dit que "l'intérieur des bâtiments

13 a brûlé jusqu'aux toits."

14 Une autre phrase dans un troisième paragraphe qui dit : "Les toits

15 sont tombés, les murs sont restés intacts et dans bon nombre de cas, les

16 toits en version originale se trouvent encore au sommet des murs. Il n'y a

17 aucune trace de dégât suite à explosion qui laisserait entendre que le

18 vieux marché aurait fait l'objet de frappes aériennes."

19 Seriez-vous d'accord pour dire, Monsieur, que M. Riedlmayer fait savoir que

20 ce vieux marché de Gjakove a délibérément été incendié plutôt que

21 bombardé ? Seriez-vous d'accord avec cette affirmation ?

22 R. Non, je ne suis pas d'accord. Le vieux marché a été bombardé. Le poste

23 de police et l'usine de jus de fruits ont également été bombardés.

24 Q. Je voudrais maintenant parler d'événements qui se sont produits dans la

25 localité de Qerim, non loin de Gjakove. Vous nous avez dit hier que pas une

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1 seule des maisons de Qerim n'a été détruite, incendiée ou rasée. Vous

2 souvenez-vous de cette partie de votre témoignage ?

3 R. En effet.

4 Q. J'aimerais à présent vous montrer une photographie, si vous le

5 permettez. Je voudrais que celle-ci soit placée sur le rétroprojecteur.

6 Monsieur, reconnaissez-vous cet homme-ci ? Il s'agit de Behar Haxhiavdija.

7 C'est un homme originaire de Djakovica.

8 R. Oui, je le connais.

9 Q. Savez-vous nous dire quoi que ce soit au sujet de son caractère ? Est-

10 ce que c'était un homme qui a pour coutume de dire la vérité ?

11 R. Non.

12 Q. Voyez-vous, Behar Haxhiavdija --

13 M. SAXON : [interprétation] Messieurs les Juges, il s'agit d'un témoin qui

14 a témoigné ici, le 2 septembre 2002. Son témoignage figure à la page 9 314

15 du compte rendu d'audience. Sa déposition constitue la pièce à conviction

16 303.

17 Q. Monsieur, le dénommé M. Haxhiavdija a été un résident de

18 Djakovica et il a cherché à trouver abri dans la maison de son beau-frère

19 qui est un Albanais du Kosovo; cette adresse est celle du 157, rue Milos

20 Gilic, début avril 1999. Le témoin en question a témoigné au sujet de son

21 père, et il a dit qu'en sus de son père, son épouse, ses enfants et autres

22 membres de sa famille ont été tués par des forces serbes et il a indiqué

23 que les maisons où ils ont cherché refuge dans la rue Milos Gilic ont été

24 brûlées jusqu'aux fondations.

25 Y a-t-il une raison quelconque qui nous ferait croire que cette

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1 personne n'a pas dit la vérité ?

2 R. Après la guerre, il se peut que certaines des maisons aient été

3 incendiées et endommagées, mais pas pendant la guerre.

4 Q. Ce n'est pas --

5 R. Je parle de la localité de Qerim.

6 Q. Mais y a-t-il une raison quelconque qui laisserait entendre que cette

7 personne et son père, Ismet Haxhiavdija, ainsi qu'un autre homme nommé Hani

8 Hoxha, seraient venus dans ce prétoire, auraient prêté serment tout comme

9 vous, et viendraient ici pour nous mentir au sujet d'événements survenus

10 dans cette localité avoisinante ?

11 R. Je ne sais pas. Il n'y a aucune façon pour moi de le savoir. Je n'ai

12 rien entendu dire à ce sujet. Je ne sais pas quel a été l'intérêt poursuivi

13 par lui lorsqu'il est venu témoigner ici. Il se peut que ce qu'il ait dit

14 se soit effectivement produit, mais c'est une chose que je ne sais pas.

15 Q. Monsieur, votre village, votre village d'Osek Hilja n'a jamais été

16 attaqué par les forces serbes dans le courant de 1999, n'est-ce pas ?

17 R. Exact.

18 Q. Après le 24 mars 1999, la police serbe ainsi que l'armée ont lancé une

19 opération de nettoyage de Djakovica de sa population albanaise kosovare,

20 n'est-ce pas ?

21 R. Je ne sais pas.

22 Q. Les résidents des villages qui sont considérés comme étant loyaux, tel

23 Osek Hilja, où les villageois ont collaboré avec les autorités serbes ont

24 eu la possibilité, l'autorisation de rester au Kosovo, n'est-ce pas ?

25 R. Cela n'est pas exact.

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1 Q. Vous, ainsi que les membres de ce qui était communément appelé les

2 unités de la sécurité locale, avez pris part à ce plan criminel et vous

3 avez pris un rôle actif à cela. Ceci est vrai, n'est-ce pas, Monsieur ?

4 R. Non, ceci n'est pas vrai.

5 M. SAXON : [interprétation] J'en ai terminé avec mes questions, Messieurs

6 les Juges.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Saxon.

8 Monsieur Milosevic, souhaitez-vous poser des questions supplémentaires ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, merci.

10 Nouvel interrogatoire par M. Milosevic :

11 Q. [interprétation] Monsieur Ibraj, hier soir à la télévision belgradoise,

12 j'ai entendu que vous avez déclaré ici, devant cette Chambre, que l'Etat du

13 Kosovo avait l'habitude d'arrêter des personnes qui prenaient part à la vie

14 politique. Est-ce que vous avez dit quelque chose comme cela ?

15 R. J'ai dit que l'Etat n'avait jamais arrêté quelqu'un pour des motifs

16 politiques, uniquement pour port d'armes illégal, de pillages, et cetera.

17 Mais je n'ai jamais entendu dire que les services de l'Etat aient arrêté

18 quiconque pour des raisons politiques. Le drapeau albanais était utilisé au

19 Kosovo et la langue albanaise enseignée dans les écoles jusqu'à la fin de

20 la guerre.

21 Q. Bien. Nous pouvons sans doute dire que nous pouvons imputer ces erreurs

22 à la traduction, mais après cela, un autre terme a été cité. Je ne connais

23 pas la langue albanaise, mais vous comprenez le Serbe et je vais vous

24 demander de m'aider ici. On vous a demandé qui a pris part à la vie

25 politique et dans la traduction, on a entendu dire que les personnes qui

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1 étaient autorisées à le faire pouvaient se lancer dans la vie politique.

2 Est-ce vous qui avez utilisé ce terme de personnes qui étaient "autorisées

3 pour le faire ?" C'est vous qui avez dit cela ?

4 R. Toute personne qui prenait part à la vie politique était une personne

5 qui était autorisée pour le faire aux yeux de l'Etat serbe. Deuxièmement,

6 peut-être qu'il y a un malentendu ici qui est dû à la traduction. J'ai déjà

7 dit que lorsque j'étais un membre de la LDK et que je souhaitais voter,

8 lorsque je suis rentré chez moi, j'ai rencontré la patrouille de police en

9 rentrant chez moi et cette patrouille ne m'a rien dit, et dans la

10 traduction, j'ai constaté qu'on pouvait lire qu'il y avait un bidon

11 d'essence devant chez moi. Je ne vois pas le rapport qu'il y a entre un

12 bidon d'essence et une patrouille de police. En anglais, "petrol" and

13 "patrol."

14 Q. Bien. Vous ai-je bien compris lorsque vous avez dit que toute personne

15 qui prenait part à la vie politique était une personne qui était autorisée

16 pour le faire ? Vous entendiez par là que n'importe qui pouvait prendre

17 part à la vie politique s'il ou elle le souhaitait.

18 R. Pour autant que je sache, Ibrahim Rugova qui était le président de la

19 Ligue démocratique du Kosovo, et nous autres, nous étions membres de cette

20 ligue jusqu'à la fin de la guerre. Mais personne ne nous a arrêté parce que

21 nous étions membres de ce parti. Je ne sais rien d'autre.

22 Q. Bien. Je crois que nous avons clarifié ce point suffisamment. M. Saxon

23 vous a présenté votre propre déclaration en langue anglaise et vous avez

24 confirmé que cette déclaration portait votre signature. Vous souvenez-vous

25 de cela hier ?

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1 R. Oui.

2 Q. Monsieur Ibrahim, comprenez-vous l'anglais ?

3 R. Non.

4 Q. Vous avez signé une déclaration en langue anglaise que vous ne

5 comprenez pas. Vous a-t-on donné à lire votre déclaration dans votre langue

6 maternelle, en albanais ?

7 R. Il y avait un interprète qui se trouvait là. Je ne le connaissais pas.

8 Il m'a lu la déclaration, il me l'a traduite et je l'ai signée.

9 Q. Bien. Tout à fait par hasard, hier, parce que je ne pouvais pas

10 connaître ces éléments-là lorsque j'ai cité les passages de votre

11 déclaration que j'ai lue hier -- les pages ne sont pas numérotées, mais il

12 doit s'agir de la quatrième page, y compris la page de garde et je vous ai

13 lu quelque chose où je vous ai cité un extrait de votre déclaration. Je

14 vais vous la relire. "Ibrahim a été emmené par l'UCK. Il était en présence

15 d'Isa Ibraj et une personne qui s'appelait Ram Ademaj. Ademaj a été relâché

16 le lendemain alors que mon fils Kujtim et Isa Ibraj sont toujours portés

17 manquants."

18 Lorsque je vous ai lu ceci hier, vous m'avez dit que ceci n'était pas exact

19 car Ram Ademaj est, en réalité, la personne qui a kidnappé votre fils. Ils

20 n'ont pas été kidnappés ensemble; c'est lui qui a kidnappé votre fils ou

21 enlevé votre fils. C'est bien ce que vous avez dit, hier, n'est-ce pas ?

22 R. Oui, c'est exact. Ram Ademaj est venu accompagné de

23 20 membres de l'UCK et il a arrêté mon fils ainsi que mon frère, mais lui-

24 même n'a pas été arrêté. C'est lui qui a arrêté mon fils et mon frère.

25 Q. Bien. Si l'interprète vous avait lu ce texte, est-ce que vous auriez lu

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1 ces déclarations en l'état ou est-ce que vous auriez apporté la correction

2 que vous avez faite hier ?

3 R. Oui, j'aurais évidemment modifié cela, car cela ne correspondait pas à

4 mes propos.

5 Q. M. Saxon a dit que cette déclaration vous avait été relue, que vous

6 aviez confirmé ce qui se trouvait dans cette déclaration et que vous l'avez

7 signée. Est-ce qu'on peut considérer qu'il s'agit de votre confirmation sur

8 la véracité de ce que contient cette déclaration, si nous tenons compte de

9 ce que nous venons de dire ?

10 R. L'interprète m'a relu cette déclaration. Ce que j'ai compris, je l'ai

11 compris, à ce moment-là, comme cela. Mais je l'ai signée et quand bien même

12 je ne comprenais pas certains passages, je l'ai signée quand même, car ceci

13 a duré six heures, environ.

14 Q. Merci, Monsieur Ibraj. J'en ai terminé pour ce qui est de la teneur de

15 votre déclaration.

16 Il y a un autre domaine qui mérite quelques explications, à savoir, la

17 manière dont vous avez été élu. Nous allons essayer de faire la clarté là-

18 dessus.

19 M. SAXON : [interprétation] Messieurs les Juges.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Saxon, vous avez la parole.

21 M. SAXON : [interprétation] Je ne pense pas que la question, je cite, "la

22 manière dont M. Ibraj a été élu," a été évoquée pendant mon contre-

23 interrogatoire de ce témoin. Je pense qu'il ne s'agit pas de quelque chose

24 qui peut faire l'objet de questions supplémentaires.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que vous avez posé un certain

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1 nombre de questions là-dessus au cours de votre contre-interrogatoire, mais

2 je n'en suis pas tout à fait certain.

3 M. SAXON : [interprétation] Je ne pense pas, mais évidemment, je peux me

4 tromper.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, pourriez-vous

6 nous dire à quel endroit du contre-interrogatoire cette question a été

7 posée ?

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pas vous, mais je --

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien sûr, aucun problème. M. Saxon a évoqué

10 cela, il y a quelques instants, lorsqu'il a parlé d'une page sur Internet

11 qu'il avait téléchargée hier soir en disant que les personnes n'acceptaient

12 pas les hommes de la sécurité locale. J'essayais simplement de vérifier ce

13 point. C'est la référence que je vous cite, et suite à cela, je demande

14 comment il a été élu ou choisi et je me demande --

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien, Monsieur Milosevic.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Je repose la question : qui vous a élu ?

18 R. Je vous ai dit hier, également, que le village d'Osek comporte quelque

19 168 foyers, environ, 1 700 âmes. Si le village d'Osek ne m'avait pas élu et

20 si quelqu'un s'était opposé avant l'élection, à ce moment-là, elle n'aurait

21 pas eu lieu, mais pendant la guerre, personne n'a dit quoi que ce soit et

22 six ans se sont écoulés depuis cette époque-là, et encore une fois,

23 personne ne s'y est opposé, personne n'a rien dit, les gens sont libres. Il

24 n'y a pas de milice serbe dans la région, il n'y a pas la police et il n'y

25 a pas l'armée non plus; donc, ils sont libres de s'exprimer comme ils le

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1 souhaitent.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que cette question a été un

3 petit peu tronquée. Hier, il a dit qu'il avait été nommé par le président

4 de la municipalité et non pas élu par le peuple.

5 Pourriez-vous clarifier cette question, Monsieur Ibraj, s'il vous plaît.

6 Vous avez été nommé par M. Stanojevic, n'est-ce pas et non pas par le

7 peuple d'Osek Hilja ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit que j'avais été nommé par le

9 chef de la commune. Il nous a réuni et une décision a été prise. Chaque

10 village avait son propre représentant qui a assisté à cette réunion. Les

11 habitants du village organisaient ces réunions dans chaque village et ont

12 élu les membres de la défense locale de cette manière. C'est ce que j'ai

13 dit hier et c'est ce que je répète aujourd'hui. Le village d'Osek Hilja m'a

14 élu et chaque village élisait le chef de la défense locale, et les membres

15 qui assistaient à cette réunion ont simplement confirmé ces décisions.

16 C'est ce que j'ai dit hier, c'est ce que je répète aujourd'hui. J'ai été

17 élu moi-même et Mihil Abazi. Je répète : si le village ne m'avait pas élu,

18 quelqu'un se serait opposé à cette décision et aurait dit non, que je ne

19 devais pas être élu.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Veuillez poursuivre, Monsieur

21 Milosevic.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Donc, vous êtes allé voir le président de la municipalité au nom du

24 village qui vous avait élu. Ensuite, le président de la municipalité a

25 réuni les représentants des différents villages. C'est en substance ce que

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1 vous dites ?

2 R. Oui, c'est vrai. Ensuite, il a signé les décisions.

3 Q. Ensuite, le président de la municipalité a adopté cette décision, vous

4 nommant membre de la sécurité locale de façon à ce que vous puissiez

5 obtenir des uniformes, des armes et tout ce dont vous aviez besoin. Est-ce

6 en substance ce rôle-là que jouait le président de la municipalité ?

7 R. Oui. C'est exact.

8 Q. Bien. Dans cet article qui est extrait d'un site Internet, qui a été

9 cité par M. Saxon, il a cité certains extraits. Je vais vous citer un

10 passage de la page 2 au paragraphe 3 : "Sa milice" -- je ne sais pas

11 pourquoi le terme de "milice" est entre guillemets -- "compte environ une

12 vingtaine d'hommes…"

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il y a un bon nombre de pages Internet

14 auxquelles a fait référence M. Saxon. Pourriez-vous nous dire d'abord de

15 quel document il s'agit ?

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit là du dernier texte que M. Saxon dit

17 avoir trouvé hier soir. On peut lire "srpska-mreza/sirius/UCK-Terreur-

18 Nettoyage", et cetera.

19 On peut y lire : "Deux d'entre eux, les chrétiens orthodoxes," et cetera.

20 Ceci a pu être trouvé sur Internet. Ensuite, une autre référence ici qui

21 parle, à la page 1 : "Osek Hilja." On parle ici de cette personne de 78

22 ans, Mush Jakupi, le père de ce témoin.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez poser

24 votre question, s'il vous plaît.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Bien. A la même page, on peut lire : "Sa 'milice' compte une vingtaine

2 d'hommes, dont deux portaient des uniformes de police. Jakupi a dit

3 récemment qu'ils avaient saisi les armes qu'ils leur avaient été fournies

4 par les rebelles de l'UCK, des maisons des villages d'Osek Hilja."

5 Maintenant, on parle de votre père dont il s'agit. "Nous les avons obligés

6 à quitter le village, mais personne n'a été tué. Aucune maison n'a été

7 incendiée. Une poule n'a même pas été blessée."

8 Est-ce que vos activités visaient à éviter toute forme de violence dans le

9 village pour empêcher l'UCK d'entrer dans le village, de façon à ce que

10 l'armée et la police ne soient pas obligées d'intervenir ?

11 M. SAXON : [interprétation] Il s'agit là d'une question extrêmement

12 directrice. Peut-être que cette phrase pourrait être reformulée, Monsieur

13 le Président, s'il vous plaît.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, il vous faudra

15 reformuler cette question, s'il vous plaît.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Pourriez-vous me dire, Monsieur Ibraj, s'il vous plaît, est-il vrai de

19 dire qu'à partir du moment où vous avez été élu par les habitants du

20 village, pour être à la tête de la sécurité de votre village, et ce jusqu'à

21 la fin de la guerre, y a-t-il eu des personnes qui ont été blessées ou

22 tuées ?

23 R. Je crois que j'ai répondu à cette question-là hier. Je vous ai dit

24 qu'il y avait eu deux cas; un qui impliquait l'armée, et l'autre qui

25 m'impliquait, moi. C'était les deux seuls exemples. Il n'y a rien eu

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1 d'autre. Cela je l'ai déjà expliqué.

2 Q. Cela vous l'avez déjà expliqué hier, mais est-il vrai comme on peut le

3 lire dans ces différents extraits que nous avons parcourus hier, que vous

4 avez maltraité les habitants des villages, qu'ils ont été passés à tabac,

5 qu'ils ont été violés ? Est-ce que quelque chose de cette nature s'est

6 produit dans votre village ?

7 R. Ce que le Procureur m'a lu, hier et aujourd'hui, porte sur des gens que

8 je ne connais pas. Si moi-même j'avais commis quoique ce soit de cette

9 nature, il y aurait eu quelqu'un dans le village qui m'en aurait parlé

10 parce que comme je vous l'ai dit, il y avait 1 700 habitants. Personne n'a

11 jamais dit ou ne m'a jamais accusé de mauvais traitement ou d'avoir fait du

12 mal à quelqu'un contraire autre que leur porter aide et assistance et

13 assurer que l'école pouvait fonctionner normalement pendant toute la durée

14 de la guerre.

15 Q. Même l'école fonctionnait normalement pendant toute la durée de la

16 guerre dans votre village ?

17 R. Oui, absolument pendant toute la durée de la guerre.

18 Q. Maintenant, pour ce qui est de ce que M. Saxon vous a montré hier, il y

19 a un certain nombre de documents qu'il a cités. Il a parlé de différents

20 bulletins d'actualité, des liens avec les ONG dans la région, le centre de

21 Crise du Kosovo, cela c'est la source ici de ces documents. Il a ensuite

22 cité un extrait de la page 2 et a parlé de cet événement que vous avez

23 décrit en détail pendant l'interrogatoire principal. Quoi qu'il en soit, on

24 lit ici, l'homme que vous avez cité pendant l'interrogatoire principal,

25 "Sylejman Bajrami," que vous avez tué car il s'agissait de défense

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1 légitime, il est dit : "Il a été tué après que sa maison ait été encerclée

2 par les forces serbes."

3 Est-ce que les forces serbes ont effectivement encerclé la maison de

4 Bajrami alors que Bajrami lui-même a été tué ?

5 R. Je crois que j'ai dit hier que j'étais là en présence de mes hommes

6 lorsque ceci est arrivé. J'ai appelé les observateurs pour qu'ils viennent

7 et après les observateurs, j'ai appelé la police pour qu'elle vienne et de

8 façon à ce qu'elle puisse mener une enquête. J'ai appelé la police car je

9 souhaitais qu'elle soit témoin de cela. Je ne souhaitais pas qu'il y ait un

10 recours à la force. Il n'y pas eu d'autres incidents et aucune force n'a

11 encerclé qui que ce soit. Ensuite, Sylejman Bajrami a quatre autres frères

12 et si cela était vrai, ce qui m'a été lu hier, alors un de ses frères ou un

13 de ses enfants ou sa femme même, auraient pu faire une déclaration. Donc,

14 ce qui a été lu hier ne correspond pas à la vérité.

15 Q. Bien. Je ne vais pas vous citer cela et je ne vais pas vous citer

16 d'autres accusations semblables qui ont été faites par M. Saxon.

17 Six membres de votre famille ont été enlevés, n'est-ce pas ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. Ces personnes qui ont enlevé six membres de votre famille, ces

20 personnes étaient-elles les mêmes que celles qui avaient un droit de regard

21 sur les déclarations qui ont été présentées ici ?

22 M. SAXON : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Saxon.

24 M. SAXON : [interprétation] Je ne pense pas au cours du

25 contre-interrogatoire avoir posé au témoin une question qui portait sur

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1 l'enlèvement des membres de sa famille.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question, Monsieur Saxon, semble

3 porter sur la source des déclarations qui ont été présentées.

4 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, la question commence

5 comme ceci : "Ceux qui ont enlevé six membres de votre famille, ces

6 personnes-là étaient-elles --" Il faut lire les deux questions ensemble,

7 car il y a un lien évident entre les deux parties de la question, Monsieur

8 le Président. Je n'ai absolument pas évoqué avec le témoin la disparition

9 tragique des membres de sa famille.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je ne vous autorise pas à poser

11 cette question, Monsieur Milosevic.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Monsieur Ibraj, à un moment donné hier, alors que vous répondiez aux

15 questions qui vous étaient posées par M. Saxon, à la question présentée par

16 vous par M. Saxon et portant sur des éléments en vertu de quoi vous vous

17 êtes livré à un comportement violent, vous avez dit que ces témoins étaient

18 de faux témoins. Pourquoi avez-vous utilisé ce terme ?

19 R. Il ne s'agissait pas de faux témoins, car si tel avait été le cas, des

20 témoins seraient venus de mon village et auraient fait ces déclarations.

21 Mais je crois que dans la municipalité de Gjakove, le village d'Osek était

22 le seul à ne pas avoir été touché. Donc, je pense qu'il peut s'agir ici,

23 peut-être, d'une certaine jalousie. Pourquoi l'UCK n'est-elle pas entrée

24 dans notre village ? Dans tous les villages dans lesquels l'UCK est entrée,

25 le village a soit été incendié, endommagé, des gens ont été tués. Mais ceci

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1 n'a pas été le cas dans le village d'Osek. Le village est resté intact.

2 C'est la raison derrière ceci.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, dans le compte rendu

4 d'audience, on peut lire : "Il ne s'agissait pas de faux témoins," alors

5 que le témoin a dit : "qu'il s'agissait de faux témoins." Il a dit autre

6 chose, il a dit que : "S'il ne s'agissait de faux témoins, alors quelqu'un

7 se serait présenté, et cetera." Il a dit : "S'il n'avait pas été --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie d'avoir apporté

9 cette correction.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. A quel endroit établissez-vous un lien ? Pourquoi ces gens feraient-ils

12 des déclarations contre vous ? J'entends par là, les personnes qui ont

13 présenté ces différentes déclarations ?

14 R. Ils ont fait ces déclarations contre moi parce qu'ils étaient jaloux,

15 car le village d'Osek est le seul village qui est resté intact. C'est moi-

16 même et certains de mes collaborateurs qui m'ont aidé en cela et qui m'ont

17 aidé à défendre le village. Je crois que c'est la raison à cela.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Ibraj, puis-je vous poser

19 une question ? Puis-je vous demander s'il y a d'autres villages qui ont

20 collaboré aussi étroitement avec les forces serbes ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je sais que lorsque la défense

22 locale a été créée, l'UCK a tué bon nombre de ses membres. Lorsque

23 quelqu'un était tué par eux dans un village, les autres n'osaient pas

24 continuer.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais dans votre zone, le village,

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1 votre village d'Osek est le seul où il y a eu une collaboration étroite

2 avec les forces serbes ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais il y a eu d'autres villages où il y avait

4 une défense locale. Cependant, j'ai dit que lorsque l'UCK tuait des membres

5 de la défense locale, les gens prenaient peur et avaient peur de rejoindre

6 ces forces. C'est à ce moment-là que l'UCK prenait le contrôle du terrain.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Monsieur Ibraj, savez-vous combien il y a de gens dans la zone générale

10 de Djakovica, là où vous avez passé toute votre vie, ainsi que toute la

11 guerre, combien il y a eu de gens qui ont été tués ou enlevés par l'UCK ?

12 M. SAXON : [interprétation] Objection. Il est impossible que ceci provienne

13 du contre-interrogatoire. Ce n'est pas une précision qu'il faudra apporter

14 suite au contre-interrogatoire.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suis d'accord. Monsieur

16 Milosevic, passez à autre chose.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais, Monsieur Robinson, vous êtes d'accord que

18 ceux qui ont tué ce si grand nombre d'Albanais avaient sans doute de bons

19 motifs pour répandre, pour colporter ces mensonges à propos de M. Ibraj.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai déjà pris une décision. Ceci ne

21 découle pas du contre-interrogatoire.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Monsieur Ibraj, dans un de ces documents, je ne vais essayer de le

25 retrouver si on ne m'y force pas, même s'il me semble que je sois en mesure

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1 de retrouver ce document, c'est tout un tas de documents apportés par M.

2 Saxon. Enfin, il est dit que vous avez infligé des mauvais traitements aux

3 citoyens, lorsque vous les avez emmenés au poste de police. Mais, dites-

4 moi, est-ce que vous aviez un poste de police dans le cadre de votre

5 sécurité locale ?

6 R. Nous, on n'avait pas du tout de poste de police à nous. Nous avions un

7 bureau à la mairie, le bâtiment de la municipalité où nous avions nos

8 réunions, et c'est là qu'on allait recevoir notre argent. Nous n'avions pas

9 de poste de police, et ceci, pas seulement à Osek; il n'y en avait aucun

10 dans les villages.

11 Q. Si je vous ai bien compris, vous n'aviez pas de poste de police où vous

12 auriez pu emmener des habitants pour leur infliger à cet endroit des

13 mauvais traitements, comme le dit cet article ou ce document.

14 R. Je vous ai dit qu'on n'était pas une police du MUP. Nous étions la

15 police villageoise ou plutôt, des forces de sécurité de village. Je vous ai

16 dit que nous avions un bureau dans le bâtiment de la municipalité à la

17 mairie.

18 Q. Très bien. J'essaie de voir qui a fait cette déclaration qui a été

19 présentée par M. Saxon hier. Il s'agissait de Domi Durim. Cette personne a

20 fourni une déclaration le 8 février 2000. Voici ce qu'il dit et M. Saxon

21 vous a cité ce passage, il dit : "Le 27 mars, j'étais dans ma cour avec ma

22 famille. La police et des membres de Mush Jakupi sont arrivés et ils ont

23 fait irruption dans la cour en pénétrant de force par le portail. Nous

24 avons tous pris la fuite vers la colline de Cabrat. C'est de là que nous

25 avons vu les policiers et des membres de l'unité de Mush Jakupi occupés à

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1 mettre le feu aux maisons d'Afri Domi et de Fatmir Domi."

2 Est-ce que cela a vraiment eu lieu ?

3 R. Ce jour-là, le jour qui est mentionné ici, Mush Jakupi était à

4 l'hôpital, à Gjakove. Depuis 15 ans, il souffre de gangrène. En 20 ans, il

5 n'est allé à Gjakove que trois fois, pour aller voir le médecin. Ce qui est

6 dit ici est faux.

7 Q. Il poursuit en disant ceci : "Il était possible de reconnaître les

8 membres de l'unité de Mush Jakupi parce qu'ils étaient en vêtements civils

9 et parce qu'ils parlaient l'albanais."

10 Est-ce que les membres de votre sécurité locale portaient un uniforme de la

11 sécurité locale ou est-ce que ces membres étaient en vêtements ordinaires,

12 civils ?

13 R. Je vous l'ai dit hier, la défense locale avait un uniforme particulier.

14 Ce n'était pas un uniforme de police, ni de l'armée. C'était une tenue qui

15 montrait qu'ils étaient membres de la défense locale. Il y avait un insigne

16 au bras ainsi qu'au couvre-chef. Il était écrit en albanais et en serbe,

17 "Défense locale," rien d'autre.

18 Q. Très bien. Mais quoi qu'il en soit, c'était une tenue, un uniforme. Ce

19 n'était pas des vêtements civils, comme on le dit ici.

20 M. SAXON : [interprétation] C'est une déclaration que fait Milosevic, il ne

21 pose pas de question. Quand on dit, je le cite : "De toute façon, quoi

22 qu'il en soit, c'était un uniforme." Là, il souffle la réponse au témoin.

23 Le témoin a dit : "Ils portaient simplement l'insigne sur le couvre-chef et

24 le bras." Ici, je m'oppose à la façon dont est posée la question.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Reformulez votre question,

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1 Monsieur Milosevic.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pensais qu'elle était assez claire, ma

3 question.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Les membres de la sécurité locale, est-ce qu'ils portaient un uniforme

6 ou est-ce qu'ils étaient en vêtements civils ?

7 M. SAXON : [interprétation] On a déjà répondu à cette question. Il répète

8 la question parce qu'il n'aime pas la réponse qu'il a entendue.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Tout à fait, Monsieur Milosevic.

10 Avancez.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne comprends pas. M. Ibraj a répondu qu'ils

12 portaient un uniforme. Or, dans cette déclaration-ci, on dit que les

13 membres étaient en vêtements civils; on parle ici des membres de la

14 sécurité locale, et qu'ils se livraient à des crimes. C'est quelque chose

15 de carrément différent. Alors, qu'est-ce qu'il y a que je n'aimerais pas

16 dans cette réponse ?

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Est-ce que vous avez des informations concernant ces événements lorsque

19 les gens ont pris la fuite en direction de la colline de Cabrat, comme

20 c'est dit ici, où quelqu'un aurait incendié la maison d'Afrim Domi et celle

21 de Fatmir Domi ?

22 R. Je ne suis pas du tout au courant; je ne connais pas, non plus, ces

23 gens.

24 Q. Toujours ici, dans ce passage, on dit : "Dans la rue Asim Vokshi, j'ai

25 vu des membres du MUP aller au centre de la Mère Teresa…"

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1 Où se trouve ce centre à Djakovica ?

2 R. Il se trouvait derrière l'hôtel Pastrik. Enfin, si vous parlez de celui

3 auquel je pense. Il avait l'habitude d'être un lieu de distribution d'aide,

4 d'assistance, pendant la guerre et même avant la guerre. Ce centre a fait

5 aussi des distributions d'aide dans mon village. Il a fonctionné jusqu'à la

6 fin de la guerre. Ils distribuaient des vêtements, du savon, de la farine,

7 d'autres aliments; tout le monde pouvait y aller pour obtenir cette aide.

8 Ce centre existait dans mon village également.

9 Q. Voici ce qui est dit dans cette déclaration : Il a vu le MUP qui venait

10 au centre de la Mère Teresa et on dit, ici, "(agence d'aide humanitaire),"

11 puis que, d'abord, il y a eu des actes de pillage; puis, ce centre a été

12 brûlé, centre qui se composait de trois bâtiments. Le 25 mars, dit cet

13 homme, il y a eu d'abord pillage par des policiers, puis, incendie de ce

14 centre qui se composait de trois bâtiments.

15 R. Ce n'est pas vrai ce qui est dit parce que la police ne s'est pas

16 trouvée à cet endroit. On pouvait voir des gens qui essayaient de faire ces

17 distributions, par exemple. Cela s'est fait dans la maison de Hasan Kupa

18 pendant la guerre. Parce que la police n'avait pas besoin de notre aide ou

19 assistance.

20 Q. Bien. Merci d'être venu déposer. Je n'ai pas d'autres questions à vous

21 poser.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais vous poser une petite

23 question.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie aussi.

25 Questions de la Cour :

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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Hier, vous avez déclaré que votre père,

2 on le nommait parfois Mush Jakupi et qu'on parlait, quelquefois, de votre

3 unité locale comme étant l'unité de Jakupi -- Muharem Ibraj, c'est

4 quelqu'un de tout à fait différent que vous, n'est-ce pas ? Excusez-moi, je

5 veux dire que Muharem Jakupi, c'est quelqu'un de tout à fait différent de

6 vous ?

7 R. Même hier, je l'ai dit, j'ai dit que je m'appelais Muharem Ibraj.

8 Muharem Jakupi est un de mes voisins.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

10 R. Personne ne m'appelle Muharem Jakupi.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous demandais si Muharem Jakupi

12 faisait partie de votre défense locale.

13 R. Non. Il appartenait à la police, à la police serbe.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais où; à Gjakove ?

15 R. Oui, à Gjakove, mais je pense qu'il a pris sa retraite il y a quelques

16 années.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci met fin à votre déposition,

19 Monsieur Ibraj. Merci d'être venu témoigner au Tribunal. Vous pouvez

20 maintenant vous retirer.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Messieurs les Juges.

22 [Le témoin se retire]

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez citer votre témoin suivant,

24 Monsieur Milosevic.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mon témoin suivant s'appelle Saban Fazliu.

Page 42795

1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous demander de prononcer

3 la déclaration solennelle, Monsieur.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, je tiens à vous saluer,

5 Messieurs les Juges. Bonjour. Bonjour, Monsieur.

6 Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et

7 rien que la vérité.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

9 LE TÉMOIN: SABAN FAZLIU [Assermenté]

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Commencez, Monsieur Milosevic.

12 Interrogatoire principal par M. Milosevic :

13 Q. [interprétation] Monsieur Fazliu, veuillez vous présenter et nous

14 donner quelques détails concernant votre lieu de naissance, l'école que

15 vous avez fréquentée et l'endroit où vous avez travaillé.

16 R. Je suis né dans le village de Rivnik, municipalité de Viti. J'ai fait

17 l'école élémentaire de huit ans. En 1978, j'ai terminé l'école à Rivnik.

18 Puis, je suis allé à Ferizaj où j'ai fait l'école secondaire. C'est là que

19 j'ai passé le reste de ma vie.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En quelle année êtes-vous né ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né le 15 mai 1959.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Quelle était la composition ethnique de votre village ? Est-ce que

24 c'était un village purement albanais ? Est-ce que c'était une population

25 mixte ? Quelle était la composition de la population dans ce village ?

Page 42796

1 R. Dans mon village, il y avait 50 % d'Albanais et 50 % d'autres

2 habitants. Quand j'étais petit, quand j'étais jeune en 1975, en 1978, des

3 gens ont essayé de quitter le village et d'aller en Serbie. Quelques-uns

4 ont été payés, d'autres pas; la plupart n'ont pas reçu d'argent, mais

5 certains d'entre eux, même s'il y avait une espèce d'arrangement qui avait

6 été conclue, ces gens n'ont quand même pas été payés, au bout du compte.

7 Aujourd'hui, on ne trouve plus aucun Serbe dans mon village.

8 Q. Lorsque vous avez habité dans ce village pendant votre scolarisation,

9 vous avez dit qu'il y avait 50 % de Serbes et 50 % d'Albanais. Dans quelle

10 langue faisait-on les classes ?

11 R. J'ai eu toute ma formation en albanais. Il n'y avait qu'un sujet qui

12 était enseigné en serbe, 50 % des élèves étaient Serbes. Pour eux, c'était

13 comme pour nous, il y avait deux sujets par semaine qui étaient enseignés

14 pour eux en langue albanaise. Nous avions les mêmes droits qu'eux.

15 Q. Dites-nous, étant donné la composition ethnique mixte de votre village,

16 est-ce que tout petit, tout jeune, vous avez eu des amis parmi les Serbes ?

17 R. Oui. Oui. Nous avons eu des contacts amicaux avec les Serbes. Jusqu'à

18 récemment, on allait ensemble à l'école, on allait ensemble dans les

19 champs, dans les montagnes, on était toujours ensemble. Mais à partir de

20 1977, le nationalisme a commencé à essayer de s'immiscer dans ces bons

21 rapports.

22 Q. Ces problèmes, quand sont-ils apparus ?

23 R. En 1977, au moment où il y a eu un premier concert à Ferizaj. Ces

24 problèmes existaient déjà auparavant depuis la venue d'immigrants d'Albanie

25 au Kosovo, depuis lors, comment dire, on a commencé à voir des problèmes

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1 surgir, comment partir en Albanie, comment échapper aux Serbes, il y a eu

2 des petits problèmes. C'est en 1977 qu'ils ont gagné en importance. En

3 fait, c'était uniquement pour nous séparer des Serbes.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le compte rendu dit que les problèmes

5 ont commencé en 1977 quand il y a eu un premier concert à Ferizaj. Qu'est-

6 ce que vous vouliez dire lorsque vous avez parlé de "concert" ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le concert, c'est une espèce de festival

8 de la musique, parce que les gens sont venus d'Albanie, ils étaient

9 invités, et j'étais encore à l'école à ce moment-là. C'est là qu'il y a eu

10 ce premier concert, des chansons ont été chantées qui parlaient de la façon

11 d'unifier tous les frères albanais. C'est là que pour la première fois j'ai

12 entendu prononcer le terme de "nationalisme."

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Fort bien. Nous n'allons pas perdre de temps à parcourir chacun des

15 détails de ces événements. Je voudrais vous poser des questions d'ordre

16 personnel. Est-ce que vous avez continué à rester ami avec vos voisins

17 serbes ? Quels étaient les rapports que vous aviez avec les membres de la

18 communauté serbe ?

19 R. Je pense que la plupart d'entre nous, Albanais, nous avions des

20 rapports de bon voisinage et d'amitié avec les Serbes jusqu'en 1998, nous

21 avons travaillé avec eux. Je parle ici de la majorité ou même de 80 %. Et

22 sur ce pourcentage, il y avait 10 % qui étaient contre eux.

23 Q. Fort bien. Cela a été fait jusqu'en 1998. Qu'est-ce qui s'est passé,

24 dites-nous, en 1998 ?

25 R. Tout d'abord, j'aimerais vous parler de moi. En 1991, je ne me souviens

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1 pas exactement de la date exacte, quelque chose m'est arrivé. Nos

2 dirigeants nous ont donné l'ordre de ne pas parler aux Serbes, de ne pas

3 travailler avec les Serbes, de n'avoir aucun contact avec eux. C'était le

4 printemps à ce moment-là. C'est à ce moment-là que les travaux agricoles

5 sont importants et je travaillais à ce moment-là. Personne n'a osé inciter

6 ou poser des problèmes entre voisins. C'est seulement la nuit que les

7 voisins ont réussi à se parler. Cela s'est passé avec mon voisin. Il m'a

8 dit : "Je ne parviens pas à trouver d'ouvriers." J'ai dit à mon voisin que

9 j'avais de bons rapports avec lui et que j'allais l'aider. Lorsque je suis

10 allé travailler --

11 Q. Un instant, Monsieur Fazliu. Votre voisin, était-il Serbe ou Albanais ?

12 R. Serbe.

13 Q. Serbe. Expliquez ceci.

14 R. Je peux même vous donner son nom. Il s'appelait Dzelatovic, Zarko, et

15 je labourais avec lui, avec son frère, avec son père. On travaillait dans

16 les champs ensemble, sans arrêt. Lorsque nous sommes revenus, car le soir

17 tombait, en général les Albanais rentraient ensemble, ils étaient 20 ou 30.

18 Ils m'ont insulté. Pourquoi ? Parce qu'apparemment, j'étais allé labourer

19 son champ avec lui.

20 Q. Pourquoi vous ont-ils insulté ?

21 R. Parce qu'ils avaient reçu un ordre de nos dirigeants, ordre qui disait

22 qu'il ne fallait pas aller travailler avec les Serbes, pas même leur

23 parler. On nous avait donné l'ordre de n'avoir aucun contact, aucun rapport

24 avec les Serbes.

25 Le lendemain matin, lorsque je me suis levé pour aller travailler seul dans

Page 42799

1 mon champ avec un ami à moi, un Albanais, un père et trois hommes sont

2 allés là, sont venus me frapper. A ce moment-là, j'avais une arme, mais

3 sans port d'armes légal, et quand ils m'ont arrêté, ils m'ont dit

4 d'arrêter, il y en a un d'entre eux qui m'a attaqué. A ce moment-là, je

5 l'ai blessé en tirant trois fois sur lui.

6 En disant ceci, ce que je veux dire que c'est cela qui m'est vraiment

7 arrivé. Cela, c'est parce que je n'avais pas écouté ce que les dirigeants

8 avaient dit et ces dirigeants, aujourd'hui encore, ne sont pas bons. C'est

9 pourquoi, je ne peux pas les écouter.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Fazliu. Lorsque nous

11 reviendrons après la pause, vous allez répondre à la question posée par M.

12 Milosevic de ce qui s'est produit en 1998.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Un instant.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans le compte rendu, on dit qu'il avait été

16 attaqué par son père. Non, non.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, cela a été changé par on n'a

18 pas dit "mon père" mais "un père." --

19 Suspension de vingt minutes.

20 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

21 --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic. Vous étiez

23 en train d'interroger le témoin au sujet de l'année 1998.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 42800

1 Q. Monsieur Fazliu, vous nous avez dit que ces relations étaient bonnes

2 jusqu'en 1998. Qu'est-il arrivé en 1998 ?

3 R. En 1998, l'UCK a commencé à gagner les montagnes en armes et en nombre.

4 Ce que je voulais expliquer, c'est, si possible, expliquer ce qui m'est

5 arrivé.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quand est-ce que cela s'est passé ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui me concerne m'est arrivé en 1991.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons déjà parlé de cela. Avez-

9 vous quelque chose d'autre à nous dire au sujet de l'incident ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a un peu plus à dire.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais vous devez suivre la ligne

12 des questions ou de l'interrogatoire conduit par

13 M. Milosevic.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends, mais j'ai été interrompu,

15 Messieurs les Juges. Si possible, j'aimerais continuer. Sinon, on peut

16 continuer avec quelque chose d'autre.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Le mieux serait de voir M.

18 Milosevic continuer son interrogatoire au sujet de 1998. Si nécessaire, il

19 pourra vous ramener en 1991.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Je crois qu'il est plus rationnel d'achever l'explication au sujet de

22 1991. Qu'aviez-vous à l'esprit ? Que voulez-vous ajouter à ce que vous avez

23 déjà dit ?

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, allez-y. Soyez bref.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je voulais dire, c'est que le

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1 nationalisme a commencé avec mon cas à moi; les tribunaux fonctionnaient

2 dans l'intérêt de la justice et j'ai été conduit au tribunal et on m'a

3 jugé, même si j'étais innocent. En ma qualité d'individu, je pouvais aider

4 qui je voulais, quand je le voulais. Mais quand même, le tribunal m'a

5 condamné. Les tribunaux au Kosovo se sont conformés à des règles et je puis

6 confirmer que cela a été valable dans mon cas à moi également.

7 C'est tout ce que je voulais dire.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez

9 continuer, Monsieur Milosevic.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Monsieur Fazliu, vous avez commencé à nous expliquer ce qui s'est passé

12 en 1998, et vous avez dit que cette année-là, un nombre important de

13 membres de l'UCK étaient partis dans les montagnes. Que s'est-il passé au

14 juste en 1998 ?

15 R. Il est arrivé un ordre enjoignant de s'armer. Des ordres de cette

16 nature sont mêmes venus avant. L'armement au Kosovo a commencé en 1992 et

17 en 1998, dans ma municipalité, les gens ont commencé à être nombreux à s'en

18 aller vers les montagnes. Dans ma municipalité, dans les villages de Recak,

19 Belince, Stimlje, tous les gens étaient liés entre eux ou avaient des liens

20 avec ceux qui se trouvaient à Drenica. A l'époque, je travaillais comme

21 garde champêtre, j'étais sur le terrain par monts et par vaux parce que

22 cela était mon travail; c'est ainsi que je me suis procuré des informations

23 justes.

24 Q. Est-ce que cela signifie que dans vos parages, là où vous avez

25 travaillé comme garde champêtre, dans les collines, est-ce que là aussi, il

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1 y avait des extrémistes, des membres de l'UCK ? Est-ce qu'il s'agissait

2 d'individus ou de groupes qu'il vous arrivait de rencontrer ? Qui étaient-

3 ils ? Qui était à leur tête ? Est-ce que certains d'entre eux ont fait

4 l'objet de procès en justice ou quoi que ce soit d'autre ? Veuillez nous

5 l'indiquer brièvement, je vous prie.

6 R. Oui. Un ami à moi, Adem Abazi, qui était l'une des personnalités de

7 proue au sein de l'UCK est quelqu'un qui a fait l'école avec moi. C'est

8 quelqu'un que je connais depuis 1973. Il se trouvait être à la tête du

9 groupe Jezerce et du groupe qui a opéré sur le territoire de Recak et de

10 Kacanik, municipalité d'Urosevac. Il a fait l'objet d'une sentence au

11 tribunal dès 1979. Il a fait quatre ans de prison.

12 Un demi-frère à moi, Ekrem Fazliu, se trouvait être parmi eux. Il a été

13 l'un de ceux qui ont fini par être condamné en raison des tentatives de

14 faire faire sécession au Kosovo vis-à-vis de la Serbie pour qu'ils

15 regagnent le giron de l'Albanie. Cette personne déjà mentionnée tout à

16 l'heure était, comme je l'ai dit, une figure de proue au sein de l'UCK. Mon

17 frère, lui, a fait partie d'une commission de l'UCK.

18 Q. De quel type de commission parlez-vous ?

19 R. Ce sont des gens que j'ai rencontrés dans les montagnes. Je les ai vus

20 dans les montagnes parce que dans mon travail, il était sous-entendu un

21 déplacement par les différentes montagnes, et eux se déplaçaient également

22 sur ce territoire. Ils ne se déplaçaient que par petits groupes de trois ou

23 quatre, conformément aux ordres qu'ils avaient reçus. Ensuite, les groupes

24 ont grandi pour compter une centaine de personnes.

25 Q. Etaient-ils armés ? Avaient-ils des uniformes ?

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1 R. Bien sûr qu'ils étaient armés. Mais ils ne portaient pas d'uniforme,

2 pas tous. Seulement les commandants avaient des uniformes. Au sein de

3 chaque groupe, il n'y en avait qu'un ou deux à porter des uniformes et les

4 autres portaient des vêtements civils. Mais ils étaient, bien entendu, tous

5 armés.

6 Q. En quoi a consisté leur activité principale en 1998, chose dont vous

7 auriez eu des connaissances directes, vous-même ?

8 R. Leur activité a commencé en 1995, leur objectif était celui d'abattre

9 des policiers et d'abattre les gens qui refuseraient de quitter leurs

10 postes de travail, les personnes qui refuseraient d'exécuter leurs ordres.

11 C'était leur mission, mission de tuer des personnes innocentes pour

12 réaliser ainsi leurs objectifs, ce qui est actuellement le cas.

13 Q. Vous venez de dire qu'ils tuaient les gens qui refusaient de quitter

14 leurs postes de travail. Pouvez-vous étoffer votre propos et nous dire de

15 quoi il en retourne au juste ?

16 R. Il y a bon nombre d'exemples de ce genre. Je me propose de mentionner

17 celui d'Elmi Mahmuti, un ami à moi. Il a eu ce problème, lui, et c'est

18 pourquoi son frère a été abattu. Il a tué son frère et le tribunal l'a

19 condamné en 1992. Le tribunal était aussi entre leurs mains. Au Kosovo, à

20 l'époque, 90 % de la population était des Albanais, 90 % étaient des

21 employés, de ceux qui travaillaient, 90 % étaient des employés jusqu'en

22 1992. C'est Adem Abazi et ses hommes qui avaient donné les ordres de tuer

23 des policiers. Leur objectif visait à faire exécuter des policiers pour

24 générer un conflit.

25 Q. Attendez. Vous nous avez dit qu'ils avaient pour objectif de tuer les

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1 gens qui refusaient de quitter leurs postes de travail. Qui a ordonné aux

2 gens de cesser de travailler ?

3 R. Nos dirigeants. Ces ordres ont été donnés par nos dirigeants. L'un des

4 dirigeants principaux a été Shaqir Shabani. Je ne me souviens pas de

5 l'année exacte, mais il me semble qu'en 1969, il a séjourné en Albanie. De

6 nos jours, il réside en France. Il a été l'une des personnes qui a soutenu

7 Ahmet Zogu et Sali Berisha. Shaqir Berisha est un oncle à moi.

8 Q. Mais, Monsieur Fazliu, veuillez nous dire à qui Shaqir Shabani a dit

9 qu'il fallait cesser de travailler ?

10 R. Shaqir Shabani a donné l'ordre à des amis à lui, à des adjoints à lui

11 de ce faire. On sait très bien qu'ils ont tous fonctionné comme une armée,

12 mais ils ont fonctionné de façon illégale. Ils avaient des dirigeants qui

13 étaient les leurs. Par exemple, Hajdin Abazi, Sadik Bala, mon frère Ekrem

14 Fazliu, et autres.

15 Q. Avez-vous eu l'occasion de déposer une plainte au pénal à l'encontre de

16 quiconque de ceux qui serait intervenus de façon illicite ? Je ne parle pas

17 seulement de votre qualité de garde champêtre, mais je parle de façon

18 générale et je vous demande si vous avez eu à vous plaindre, de façon

19 générale, au pénal à l'encontre d'agissement de certaines personnes ?

20 R. Oui. Nous autres Albanais, on est des Musulmans. Dans notre tradition,

21 il est une règle qui demande à ce que soit déclaré, rapporté tout

22 comportement contraire à la loi. Tous ceux qui enfreignent la loi doivent

23 être signalés. Pour cette raison, pour bon nombre de cas, j'ai eu des

24 informations au sujet de possession d'armes automatiques, de fusils

25 automatiques ou de grenades à main, voire d'uniformes, et j'ai déclaré cela

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1 à qui de droit. Ces personnes ont été sanctionnées.

2 Q. Avez-vous rapporté ce genre de choses, s'agissant également de

3 contrevenants serbes ?

4 R. Oui, bien sûr. Conformément à notre tradition, il ne s'agit pas

5 seulement de signaler les contrevenants d'un groupe ethnique autre, mais il

6 y a les Albanais, les Serbes et autres. On signale tout ce qui est

7 contraire aux intérêts de la population. Donc, il y a eu des cas où j'ai

8 signalé des comportements de Serbes.

9 Q. Bien. Ces délits au pénal que vous mentionnez et qui ont fait l'objet

10 de rapports à qui de droit, est-ce que cela a été en corrélation avec la

11 possession d'armes et d'uniformes seulement ou alors de crimes concrets qui

12 auraient été commis ?

13 R. J'ai vu seulement des gens en possession d'armes. Ces gens ont fait

14 l'objet de sanctions et leurs armes ont été saisies. Il y a eu également

15 des cas où des personnes ont été tuées. Mais c'était là l'affaire des

16 instances chargées de la sécurité. Je n'avais rien à voir avec des cas de

17 cette nature. Mon travail consistait à signaler tout ce qu'il y avait de

18 contraire à la loi.

19 Q. A l'époque, en 1998, avez-vous eu des informations concernant

20 l'emplacement des bases de l'UCK ?

21 R. Oui. Au village de Kotlina, municipalité de Kacanik, au village de

22 Jezerce et au village de Recak, à Belince, qui se trouve juste au-dessus de

23 Recak. Ce sont des villages qui se rejoignent et tout cela faisait partie

24 de ma municipalité à moi. Il en était de même dans la direction de

25 Gnjilane, mais ils ont été moins nombreux là.

Page 42806

1 Q. Dans les localités que vous venez de mentionner, combien y a-t-il eu à

2 peu près de membres de l'UCK ?

3 R. Ils devaient être une centaine en 1998. Jusqu'en 1999, ils sont

4 intervenus par petits groupes, par groupe de 15, de 30. Ils ont eu un

5 entraînement, ils ont creusé des tranchées. Cela je l'ai vu de mes yeux.

6 Plus tard, vers la fin de 1999, leur nombre a grossi.

7 Q. Avez-vous dit fin 1999 ou 1998 ?

8 R. 1998.

9 Q. Merci. Allons donc de l'avant. Passons aux points concrets. Que savez-

10 vous nous dire au sujet de la situation à Urosevac après les premières

11 frappes de l'OTAN, après ou à compter du 24 mars 1999.

12 R. Avant le début des bombardements, un petit nombre de gens ont quitté le

13 Kosovo. Je suis en train de parler de ma municipalité, de Stimlje,

14 Gnjilane, Viti, et des villages dans ce secteur-là. Je dirais que peut-être

15 5 % de la population sont partis. Toutefois, lorsque des bombardements ont

16 commencé, la peur a incité les gens à partir, et là, ils sont devenus plus

17 nombreux à s'en aller. Les choses n'étaient pas difficiles pour les hommes

18 seulement, le bétail aussi a souffert. Tous ceux qui se trouvaient au

19 Kosovo ont souffert à l'époque.

20 J'avais de la famille qui travaillait à l'étranger, en Allemagne et en

21 Suisse et ils m'ont invité moi-même et ma famille. Ils m'ont invité à venir

22 chez eux, à m'en aller. Ils m'ont invité 15 jours avant le début des

23 bombardements. Il a été créé des campements en Albanie et en Macédoine six

24 mois avant déjà. On m'a dit, en personne, que si nous ne partions pas, nous

25 serions tous tués à l'occasion des bombardements. C'est précisément ce qui

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1 est arrivé. Bon nombre de personnes ont été blessées dans ces

2 bombardements. Ils ont été traumatisés, bien entendu. Seuls les jeunes de

3 moins de 18 ans ont été terriblement traumatisés, ils n'ont pu continuer à

4 vivre normalement.

5 Donc, après le début des bombardements, les gens ont commencé à quitter le

6 Kosovo en grand nombre.

7 Q. Monsieur Fazliu, veuillez nous indiquer de façon précise et brève ce

8 qui a constitué la raison principale du départ d'un grand nombre de

9 personnes de leurs domiciles. Ce que vous savez du reste, nous en dire

10 partant de ce que vous avez vu, partant de ce qui a été votre expérience à

11 vous.

12 R. Comme je pense l'avoir déjà indiqué, mon frère, à l'occasion des

13 bombardements, se trouvait avec moi. Il était là avec sa famille toute

14 entière. Leur objectif était celui de montrer au reste du monde que les

15 gens s'en allaient en raison de ce que leur faisaient les Serbes, mais la

16 situation était à l'opposé. Ils ont quitté, ils sont partis en raison de

17 l'OTAN. Seuls un petit nombre de criminels, qui ont déjà fait l'objet de

18 jugements rendus pour possession d'armes ou pour commerce de drogues, ont

19 quitté en raison de la Serbie. Des gens ont quitté donc pour des raisons

20 d'intérêts personnels mais lorsque les bombardements ont commencé, les gens

21 ont vraiment été soumis à un stress.

22 Q. Dites-nous : quelle a été la position des dirigeants de l'UCK au sujet

23 du fait de rester au Kosovo ou de quitter le Kosovo pour ce qui est de ce

24 que vous savez nous en dire ?

25 R. L'ordre émanant de l'UCK s'énonçait comme suit : Ceux qui ne se

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1 conformeraient pas aux ordres de l'UCK seront abattus. C'est ce qui est

2 arrivé dans la réalité. Ceux qui n'ont pas obéi aux ordres de l'UCK, et je

3 me propose de mentionner le cas d'un ami qui a été emmené par l'UCK pour

4 être gardé chez eux pendant neuf jours. Heureusement, c'est une personne

5 qui a réussi à s'enfuir et qui a survécu. Il a raconté lui-même.

6 Nous avons présenté cette affaire aux tribunaux du Kosovo après la

7 guerre. Vingt-six personnes originaires de la municipalité de Kacanik ont

8 été emmenées de chez elle la nuit pour être exécutées. Ces personnes-là

9 étaient toutes des Albanais. Cinq personnes ont été condamnées à Pristina,

10 il y a quatre ou cinq mois de cela. Je suis allé à Pristina deux fois pour

11 faire des dépositions tout comme je suis venu ici pour dire la vérité. J'ai

12 témoigné là-bas également pour dire la vérité.

13 Q. Monsieur Fazliu, revenons, je vous prie, à cette question-ci. Vous avez

14 dit que l'UCK avait annoncé qu'elle tuerait tous ceux qui ne se

15 conformeraient pas aux ordres de l'UCK. Qu'était la teneur des ordres de

16 l'UCK à l'intention de la population à l'époque ?

17 R. L'ordre était celui de quitter le Kosovo à une phase ultérieure. Il

18 s'agissait de partir vers l'Albanie et la Macédoine aux fins de montrer au

19 reste du monde que les Albanais s'en allaient en raison de ce que leur

20 faisait les Serbes. C'était cela l'objectif, et c'était cela l'ordre de

21 l'UCK.

22 Q. Dites-moi maintenant comment cet ordre a-t-il été donné ? Est-ce que

23 les membres de l'UCK ou leurs sympathisants sont allés d'une maison à

24 l'autre pour dire aux citoyens ce qu'il fallait qu'il fasse ou alors ont-

25 ils procédé autrement ? Comment cet ordre a-t-il été communiqué à

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1 l'intention des Albanais du Kosovo ?

2 R. Chaque rue, chaque village disposait d'un conseil. Eux avaient leurs

3 hommes à eux au sein de ces conseils. Ils allaient là-bas pour donner leurs

4 ordres à l'occasion des différents rassemblements. Là, où ils ont eu leurs

5 réunions. Cela s'est produit en 1997 et 1998. Ils ont opéré dès 1996 mais

6 par petits groupes. Un groupe de trois personnes au plus pour convaincre la

7 population. Nous et d'autres étions amis avec les Serbes. Il n'y avait pas

8 de problèmes entre nous.

9 J'ai 46 ans moi-même, et aucun Serbe, ni Albanais ne m'a fait du mal

10 pas plus qu'un Turc ou un Rom. Mais eux, oui, ils m'ont fait du mal.

11 Je vais vous donner un exemple. Je suis venu ici de mon plein gré

12 pour vous dire la vérité. Trois jours plus tard, ils ont pris ma fille.

13 Elle a près de 17 ans. Le réseau de l'UCK fonctionne de nos jours encore.

14 Les personnalités les plus importantes qui sont devenues des généraux ont

15 été ceux qui ont tués des personnes. Je ne vais pas mentionner ceux qui

16 sont jeunes ou qui ont occupé des grades inférieurs.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Elle avait 17 ans lorsqu'elle a été

18 enlevée ou est-ce qu'elle a 17 ans maintenant, votre fille ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle est née en 1989 et elle aura 17 ans

20 bientôt. J'ai tenu à venir devant ce Tribunal directement du Kosovo. J'ai

21 pour témoins à cet effet un Grec et un Italien qui font partie de la KFOR,

22 mais ils ne l'ont pas couché sur papier. Ils m'ont demandé : "Qu'est-ce que

23 tu vas dire là-bas ?" Je leur ai dit que : "Je voulais dire la vérité." Je

24 ne suis pas venu ici pour défendre qui que ce soit. Je suis venu dire la

25 vérité sur la façon dont les choses se sont produites.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuez, Monsieur Milosevic.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque je suis arrivé à La Haye il y a un

3 mois --

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez poser

5 vos questions au témoin.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Entre-temps, et je m'excuse, une

7 seconde.

8 Monsieur Fazliu, je ne me souviens pas vous avoir entendu dire où

9 est-ce que vous avez résidé dans cette municipalité d'Urosevac ? Quel a été

10 votre village ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai résidé au village de Softovic.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Monsieur Fazliu, lorsque vous avez décidé de venir témoigner ici, comme

15 vous venez de nous l'indiquer, il y a quelques instants, votre fille a été

16 enlevée trois jours plus tard. C'est ce que vous venez de dire.

17 R. Oui.

18 Q. Quand votre fille a-t-elle été enlevée ?

19 R. Il y a cinq mois.

20 Q. Dites-moi, comment ils ont découvert que vous aviez pris la décision de

21 venir témoigner ici ? Savez-vous cela ?

22 R. Oui. J'en suis tout à fait sûr à 99 %. J'ai dit à ma famille que

23 j'allais demander à venir témoigner à La Haye pour dire la vérité en

24 présence de mon frère, de sa femme, et ses deux frères étaient membres de

25 l'UCK. Je crois que c'est à cause de la femme de mon frère que ceci s'est

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1 passé. Ils ont appris que j'avais l'intention de venir à La Haye.

2 Q. Ensuite, en guise de représailles, ils ont enlevé votre fille.

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous savez quelque chose à propos de votre fille ? Est-ce

5 que vous savez où elle se trouve ?

6 R. Lorsque je suis venu ici, j'ai appris que ma fille avait appelé sa

7 mère, ma femme, et qu'elle était en vie mais je ne sais rien d'autre, et je

8 ne sais pas où elle est. Je sais simplement qu'elle est en vie.

9 Q. Bien. Merci, Monsieur Fazliu.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puisque vous en terminez sur cette

11 question-là, puis-je vous demander quelle mesure a été prise à cet effet ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez dire à propos de ma fille,

13 Monsieur ?

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai demandé à Belgrade de venir ici, à La

16 Haye. C'est la raison pour laquelle ma fille a été enlevée. Si je sais qui

17 l'a enlevée, j'ai déjà averti cette personne et ma famille et ma femme ont

18 déjà informé la police et une annonce est passée dans les journaux. Si je

19 découvre où se trouve ma fille à l'heure actuelle et qui est la personne

20 qui l'a enlevée, je dois dire que la vie de cette personne n'aurait pas

21 valu grand-chose et je n'aurais demandé de l'aide de personne d'autre. Si

22 vous avez des enfants, vous-même, vous comprendrez fort bien.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle police a été informée de cela ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] La police qui se trouve là, maintenant, au

25 Kosovo, à Ferizaj.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je souhaite simplement savoir à quel

2 poste de police vous avez rapporté cela ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Ma femme et mon fils, parce que cela n'est pas

4 aisé pour moi de m'y rendre. Je ne peux pas aller librement chez moi. J'ai

5 peur des criminels de l'UCK.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A quel poste de police avez-vous

7 rapporté cela ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] A Ferizaj.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, vous avez

11 la parole.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

13 Q. Monsieur Fazliu, nous allons retourner à cette question dont nous

14 débattions. Vous avez dit que les membres de l'UCK avaient ordonné à

15 l'ensemble de leur réseau de sympathisants et de représentants de quitter

16 le Kosovo. Savez-vous qui, dans votre région, plus précisément, a ordonné

17 aux Albanais de partir ?

18 R. Oui, je le sais. Il y avait Muhamed Ademi qui travaillait comme

19 enseignant; Sadik Bala, et bon nombre d'autres personnes. Si vous le

20 souhaitez, je peux également vous donner leurs noms.

21 Q. Quels étaient ces ordres ?

22 R. Ils ont donné l'ordre de quitter le Kosovo pour que le reste du monde

23 voit ce qui était en train de se passer. Mais rien ne s'est produit avant

24 le bombardement de l'OTAN. Les membres de l'UCK avaient déjà fait partir

25 leurs familles du Kosovo. Pour ce qui est de la population en général,

Page 42813

1 j'entends par là 90 % de la population, cette population n'est pas partie

2 avant le bombardement de l'OTAN, malgré l'ordre qui avait été donné car ils

3 pensaient que l'ordre n'était pas adéquat.

4 Q. Que pouvez-vous nous dire à propos de la manière dont l'armée et la

5 police se sont comportées au Kosovo ? Que pouvez-vous nous dire au sujet de

6 problèmes ou d'altercations entre l'armée et la police, d'une part, avec la

7 population et la population civile du Kosovo ?

8 R. Je ne sais pas quoi vous dire. Je peux simplement vous dire que l'armée

9 nous a protégé. Ils ont même distribué des chocolats aux enfants. Je ne

10 sais pas comment décrire ceci. Il n'y a pas eu de problèmes, il n'y a pas

11 eu de heurts. L'armée s'est comportée comme toute armée du monde. Je parle

12 non seulement de l'armée dans mon propre village, mais je parle, ici,

13 d'autres municipalités, également; Ferizaj, Gnjilane, Pristina.

14 Normalement, l'armée était là pour nous aider.

15 Q. Ayez l'obligeance de nous parler de ceci, s'il vous plaît. Au

16 paragraphe 63(J) de l'acte d'accusation, on dit : "Dans la période allant

17 du 24 mars au 14 avril, les forces de la RFY et de Serbie ont bombardé et

18 attaqué les villages d'Urosevac, dans la municipalité de Ferizaj, y compris

19 les villages suivants : Raka et Staro Selo, tuant un certain nombre de

20 résidents. Après le bombardement, les forces de la RFY et de la Serbie sont

21 entrées dans les villages notamment de Papaz et Sojevo."

22 Savez-vous quelque chose à ce propos ?

23 R. Oui, ce n'est que dans le village de Prelez que l'armée a demandé à la

24 population de façon très courtoise de quitter le village et de se rendre à

25 Ferizaj à cause des bombardements car là, ils étaient protégés, près du

Page 42814

1 village de Seftovic, pour protéger la population. L'armée n'a rien fait de

2 mal à mon sens. Je me suis rendu, moi-même, à Prelez, Miras, Fusma [phon].

3 Je m'y suis rendu moi-même en voiture. J'ai emmené des personnes dans ma

4 voiture jusqu'à Ferizaj de façon à ce qu'ils se sentent davantage en

5 sécurité à cet endroit-là. Lorsque je conduisais ma voiture, je n'ai rien

6 remarqué d'anormal, en tout cas, que l'armée se comportait de façon

7 anormale.

8 Q. Mais savez-vous quelque chose à propos d'eux ou est-ce que vous avez

9 entendu dire que l'armée avait donné l'ordre à la population de quitter le

10 Kosovo ?

11 R. Non. Je n'ai pas connaissance d'un tel exemple. Au contraire, l'armée

12 n'a pas donné l'ordre à la population de partir. L'armée a distribué des

13 vivres à la population. Ceci a été filmé et ceci a été enregistré

14 également.

15 Moi-même, je me suis rendu dans ces villages que je vous ai cités.

16 Les ordres qui ont été donnés étaient des ordres qui ont été donnés par

17 l'UCK. Pour ce qui est de l'armée, le seul ordre que nous a donné l'armée,

18 c'était de nous dire que nous devions rester sur place, ne pas avoir peur,

19 que l'armée était là pour nous protéger. C'est, en réalité, ce qui s'est

20 passé.

21 Q. Vous nous dites maintenant que le seul ordre donné pour quitter le

22 Kosovo était l'ordre qui avait été donné par l'UCK. C'est ce que vous venez

23 de dire ?

24 R. Oui, ceci est exact. Il n'y a que l'UCK qui ait donné cet ordre.

25 Encore, au jour d'aujourd'hui, l'ordre consiste à racheter les biens des

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1 Serbes, les propriétés des biens des Serbes, des Turcs et des Rom, de façon

2 à se débarrasser d'eux. Ceci peut être constaté partout, même dans les

3 journaux. Ceci ne s'est pas seulement passé au Kosovo, mais en Serbie et au

4 Monténégro également. Ceci a été leur objectif depuis 1985. Cela fait très

5 longtemps qu'ils poursuivent cet objectif.

6 Hajdin Abazi, Sadik Bali, Xhabir Morina [phon], toutes ces personnes,

7 et bon nombre d'autres personnes, ont poursuivi cet objectif depuis

8 longtemps. Je le sais car certains d'entre eux étaient mes amis sur les

9 bancs de classe. Nous avons joué ensemble, nous avons travaillé ensemble,

10 nous étions là ensemble. Ils sont venus me voir pour essayer de me

11 convaincre également. Comment pourrais-je porter mon arme contre mon

12 voisin, contre mon frère, alors que ma religion me dit que mon voisin est

13 mon frère et qu'il ne faut jamais regarder la couleur du visage de son

14 voisin ? C'est pour cette raison que nous avons empêché un certain nombre

15 d'incidents de se produire et maintenant, 80 % sont -- ils ont kidnappé ma

16 fille et ils veulent empêcher d'autres personnes comme moi de déposer ici

17 et de dire la vérité. Je suis sûr qu'ils vont même essayer de prendre mes

18 fils. J'en suis tout à fait sûr et certain. Néanmoins, je souhaite venir

19 ici et dire la vérité. Je veux que Dieu m'aide. Je ne veux pas que le

20 Tribunal m'aide ou que quiconque m'aide. Il n'y a que Dieu qui pourra

21 m'aider. Je veux dire la vérité parce que je sais que ce Tribunal cherche à

22 découvrir la vérité et ce que je dis correspond à la vérité.

23 Q. Merci, Monsieur Fazliu. Encore quelques questions car vous nous avez

24 expliqué ceci en détails. Nous avons déjà entendu, ici, des témoins

25 d'Urosevac, M. Krasniqi de la municipalité de Mirosavlje, qui a déclaré, le

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1 4 avril 1999, qu'il avait vu des véhicules militaires postés devant

2 Softovic, devant ce village et qu'ils étaient en train de pilonner Rakovica

3 et Zlatare, tuant quatre personnes à Zlatare et en blessant cinq autres. Il

4 a également indiqué que les forces serbes tiraient sur des personnes à

5 Pojatiste, et le 7 avril 1999, il a vu des maisons incendiées à Kamena

6 Glava et Sojevo et il a entendu dire, plus tard, que sept personnes avaient

7 été tuées. Ceci est censé être arrivé près du village de Softovic, votre

8 village. Savez-vous quelque chose à ce propos ou à propos des événements à

9 propos desquels ce témoin est venu déposer ici ?

10 R. Qerim Krasniqi est un membre de l'UCK. Il a témoigné ici car il voulait

11 servir ses propres intérêts. Ceci est un fait de notoriété publique. Tout

12 le monde sait quels sont leurs intérêts personnels. L'armée n'a jamais

13 pilonné notre village. Il n'y a que l'OTAN qui ait bombardé notre village.

14 Il y a douze ou treize maisons qui ont été pilonnées par l'UCK. Ces

15 personnes qui ont travaillé au SUP, par exemple. Il y a des exemples

16 vivants à l'appui de cela. Avdi Musa, 35 ans, a également travaillé au SUP.

17 Le 20 -- le 12, lorsque les troupes sont entrées au Kosovo, il a été tué

18 tout simplement parce qu'il a voulu défendre la population et qu'il a

19 essayé d'attaquer les voleurs et les criminels. Qerim Krasniqi est un

20 membre de l'UCK. Quelqu'un répondant au nom de Bajram Plaku [phon], il

21 avait 70 ans, c'est un homme que je connaissais et il disait qu'il était

22 trop vieux pour rejoindre l'UCK et il a dit : Je vais rester ici. Il a été

23 tué. Mais personne d'autre n'a été tué dans la municipalité de Ferizaj.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous éclaircir un point,

25 c'est quelque chose que vous avez dit, lorsque vous dites que l'UCK était

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1 en train de pilonner ou a pilonné. C'est bien cela que vous vouliez dire ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils avaient déposé des mines dans ces 12 ou 13

3 maisons qui se trouvaient dans la municipalité de Ferizaj. Ils pensaient

4 que les propriétaires de ces 12, 13 maisons étaient au service de la Serbie

5 et ces maisons pouvaient exploser à l'aide de mines. Je ne sais pas,

6 c'était des engins explosifs. Je ne sais pas exactement, de l'UCK. De la

7 dynamite ou quelque chose comme cela.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pardonnez-moi -- une autre observation

9 que vous avez faite. Vous avez parlé du 12 lorsque les troupes sont entrées

10 au Kosovo. Qu'est-ce que vous entendiez par là ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais dire que parce que quelqu'un

12 travaillait pour les services de Sûreté - Avdi Musa - l'UCK l'a tué à une

13 centaine de mètres de chez moi.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, cela, je le comprends, mais

15 l'expression que vous avez utilisée, "lorsque les troupes sont entrées au

16 Kosovo", c'est cette expression-là qui m'intéresse.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle ici des forces de l'OTAN. Lorsque je

18 parle ou que j'utilise le terme de "forces," j'entends les forces de

19 l'OTAN.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites qu'ils sont entrés au

21 Kosovo le l2 de quel mois ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, le 12 juin 1999.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Vous avez évoqué cet homme âgé qui a été tué parce qu'il ne voulait pas

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1 quitter sa maison. Il ne voulait pas quitter le Kosovo.

2 R. Il avait quitté sa maison dans le village de Pojatiste. Il s'était

3 rendu chez son gendre et chez sa fille, et j'ai entendu dire de la bouche

4 de sa fille qu'il voulait mourir en héros, et il a attaqué la police.

5 C'était le seul exemple, le seul cas.

6 Q. Bien. Dites-moi, s'il vous plaît, avez-vous vous subi des pertes parmi

7 les membres de votre famille ? Votre fille a été enlevée. J'espère qu'il ne

8 s'agit pas d'une perte. Elle a été enlevée. Mais avez-vous subi des pertes

9 au sein de votre famille ?

10 R. Le frère de ma femme a été tué par l'UCK après deux mois. Un des

11 auteurs a été condamné à dix ans de prison ferme par la MINUK. La seule

12 raison pour cela, il était avec ses enfants et c'est pour cela qu'ils l'ont

13 tué, qu'ils sont allés le tuer. Un de mes neveux -- un autre homme -- un de

14 mes neveux, âgé de 19 ans, a également dit qu'il ne partirait pas de chez

15 lui, et il a également été tué. L'UCK l'a tué. Ils ont fait porter le blâme

16 aux Serbes.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y a pas d'interprétation vers le serbe.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] S'agit-il d'une difficulté

19 technique ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Sans doute, parce que je vous entends vous,

21 mais la réponse du témoin n'a pas été interprétée vers le serbe. Je lis le

22 compte rendu d'audience. "Le frère de ma femme a été tué par l'UCK après

23 deux mois, et un des auteurs a été condamné à dix ans de prison par la

24 MINUK. La seule raison pour cela, c'est qu'il avait un enfant, et donc, ils

25 sont sortis et l'ont tué. J'ai également un de mes neveux dans le village"

Page 42819

1 -- nom manquant -- "qui a 19 ans, qui a dit qu'il ne partirait pas de chez

2 lui. Il a également été tué. C'est l'UCK qui l'a tué. Ils ont fait porter

3 le blâme aux Serbes pour cela."

4 Ceci n'a pas du tout été interprété. L'ensemble de ce passage n'a pas été

5 interprété vers le serbe.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais demander au Greffier de

7 vérifier cela. Poursuivons pour l'instant, s'il vous plaît, et nous allons

8 voir si vous entendez l'interprétation.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, Monsieur Robinson.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Monsieur Fazliu, un témoin est venu, Bajram Bucaliu, de Staro Selo. Il

12 est venu témoigné ici. Il a dit qu'il s'agit de votre municipalité. Il a

13 dit que le 2 avril, l'armée serbe a encerclé Staro Selo, et que le 3 avril,

14 les soldats ont fouillé les maisons et qu'ils ont incendié les maisons, et

15 que le 13 avril, trois habitants du village ont été tués. Après quoi, ces

16 habitants ont commencé à quitter Urosevac. Que pouvez-vous dire à propos de

17 ces allégations que décrit le témoin ici ? Ceci s'est-il véritablement

18 produit ?

19 R. Bajram Bucaliu, je le connais fort bien. Nous sommes amis ou nous

20 sommes liés par le mariage, parce que la fille de mon cousin a épousé un de

21 ses cousins. Bajram Bucaliu est toujours resté ou a toujours eu de bons

22 rapports et des rapports amicaux avec les Serbes et les Serbes lui ont

23 donné un emploi à la gare. C'est un homme qui a l'habitude d'utiliser deux

24 poids deux mesures. Sa famille a fait le commerce de la drogue. Bajram

25 Bucaliu, son beau-frère, a tué quelqu'un en 1992 pour 36 kilos de drogue.

Page 42820

1 Il a tué quelqu'un qui portait un uniforme, un agent de la circulation,

2 Enver Sola [phon], c'est son nom, il a passé le plus clair de son temps en

3 Bulgarie et en Turquie. Il a été brûlé, il y a trois mois.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'agit là d'allégations très

5 sérieuses.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas en train de faire des

7 accusations. Ceci est la vérité. Si quelque chose ne correspond à la vérité

8 je peux également le dire moi-même.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ai-je raison lorsque je crois que vous

10 faites ici référence à un membre de sa famille ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, son cousin. Un membre de sa famille,

12 quelqu'un de sa famille. Quelqu'un qui est en contact avec Bajram Bucaliu.

13 Je connais Bajram très bien. Je connais également son père Islam, car il y

14 a eu des mariages entre nous. Je connais ses frères parce que nous nous

15 sommes mariés entre nous.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi dites-vous qu'il utilise deux

17 poids deux mesures ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce qu'il était du coté serbe jusqu'au début

19 des bombardements, et lorsque les troupes de l'OTAN sont entrées, il est

20 venu ici comme témoin, et il a menti ici. Je me fonde là-dessus.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est la pertinence ici de dire

22 qu'un de ses beaux-frères est un trafiquant de drogue ? Comment ceci a-t-il

23 un lien avec l'idée qu'il utilise deux poids deux mesures ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un homme qui utilise deux poids deux

25 mesures, car jusqu'au moment du bombardement de l'OTAN, il a travaillé avec

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1 les Serbes. Il est venu témoigner contre les Serbes.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi avez-vous parlé de son beau-

3 frère qui était un trafiquant de drogue ? J'essaie de comprendre la

4 pertinence de cela. Essayez de répondre à cette question, s'il vous plaît.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en ai parlé, car on m'a posé la

6 question. On m'a demandé de quel type de personne il s'agissait, et si je

7 connaissais Bajram Bucaliu, et je le connais très bien. Lui-même également

8 fait le commerce de la drogue.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi n'avez-vous pas parlé tout

10 d'abord du fait qu'il était trafiquant de drogue ? Pourquoi ne nous l'avez-

11 vous pas dit avant ? Pourquoi vous ne vous êtes pas concentré sur le fait

12 qu'un membre de sa famille était trafiquant de drogue ? Je ne comprends pas

13 la pertinence de cela.

14 Apparemment il dit aussi que le témoin est un trafiquant de stupéfiants.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux dire quelque chose,

16 Monsieur ?

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, je voulais vous expliquer

19 d'où il venait, de quelle famille il était issu, car c'est important. Il

20 est taillé dans le même bloc. C'est un criminel qui ne savait pas qui

21 entrait ou qui quittait sa maison. Maintenant, il a fait un faux

22 témoignage. Il a effectivement deux poids et deux mesures. Il dit

23 maintenant que je suis un criminel et que ma famille est une famille de

24 criminels. C'est pour cela qu'il utilise deux poids et deux mesures.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur Fazliu, vous aviez une maison à Urosevac. Qu'est-ce qui lui

3 est arrivée ? Est-ce qu'elle a été pillée, détruite ou est-ce qu'elle est

4 toujours intacte ?

5 R. Il y a d'abord eu une descente sur la maison, puis, elle a été

6 détruite. Ma maison, comme celles des Serbes et la maison de beaucoup

7 d'autres, qui ne se sont pas soumis à l'UCK, a été détruite.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous parlez de la maison de Softovic ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je parle de la maison à Ferizaj, parce

10 que je vivais à Softovic, mais en 1991, lorsque j'ai blessé cette personne,

11 j'ai déménagé. Je me suis installé en 1992 à Ferizaj où je vis toujours.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Dites-moi, quand votre maison a-t-elle été pillée et incendiée, votre

15 maison et celles des autres personnes que vous avez mentionnées ?

16 R. Le 12. Le 13 et le 14 je suis parti du Kosovo, je parle du mois de juin

17 1999.

18 Q. Lorsqu'ils se sont trouvés sous la tutelle de la Mission de protection

19 des Nations Unies au Kosovo, c'est à ce moment-là que votre maison a été

20 incendiée ?

21 R. Oui. Jusqu'à ce moment-là, aucune maison n'avait été incendiée. Il n'y

22 a eu que des maisons qui ont été détruites par les bombardements de l'OTAN.

23 Je ne sais pas pourquoi. Impossible de le dire, mais le vieux village de

24 Babaj de la municipalité de Viti, il y a eu destruction par l'OTAN. Lorsque

25 les forces de l'OTAN sont entrées, les maisons des Serbes et des Albanais,

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1 qui n'avaient pas obéi aux ordres de l'UCK, ces maisons-là ont été

2 incendiées.

3 Q. Là où vous viviez, est-ce que Shaqir Shabani et Shukri Buja étaient

4 actifs ?

5 R. Shukri Buja était actif mais Shaqir Shabani, lui, il était en dehors.

6 Lui, il fait affaire avec Sali Berisha en Albanie. Avec ces autres

7 personnes, ils se sont contentés de transmettre les ordres, alors que

8 Shukri Buja, lui, il était commandant à Nerodimlje. Nerodimlje est relié à

9 Jezerce.

10 Q. Connaissez-vous Hajdin Abazi ?

11 R. Je l'ai déjà dit, Hajdin Abazi, c'est un de mes amis. Nous avons fait

12 l'école ensemble. On l'appelait Lum Haxhiu, mais son nom véritable, c'est

13 Hajdin Abazi. Son nom de guerre était Lum Haxhiu. On a vu son nom dans les

14 journaux, on l'a vu à la télévision en compagnie de Holbrooke.

15 Q. Cela, c'est cet homme qu'on peut voir avec Holbrooke. Où est-ce qu'il

16 se trouve aujourd'hui ?

17 R. Oui, c'est lui. Aujourd'hui, il se trouve en Belgique. Il a deux

18 enfants, une fille et un fils et avec sa femme, ils vivent en Belgique.

19 Q. Merci, Monsieur Fazliu. Avez-vous rencontré d'autres problèmes après la

20 guerre, avec les membres de l'UCK ? Vous avez déjà dit qu'ils avaient

21 enlevé votre fille, mais est-ce que vous pouvez nous relater d'autres

22 problèmes que vous avez rencontrés ?

23 R. Oui. Au début, quand je suis parti, je suis parti avec toute ma

24 famille. Plus tard, mes enfants sont rentrés. Ils sont revenus de Skopje,

25 ils sont venus vivre dans la maison de mes beaux-parents, dont le nom de

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1 famille est Mehmeti. Ils avaient été tués. Faruk Fazliu, mon frère aîné a

2 été emporté par l'UCK, l'UCK l'a gardé six heures. Il y avait parmi ceux

3 qui l'ont emmené, Ramush Bajralija [phon]. C'était un policier, un ancien

4 policier. Il lui a demandé : "Où était son père," donc, il parlait de moi.

5 Ils l'ont gardé pendant six heures. Ils l'ont interrogé, ils ont insulté sa

6 famille.

7 Quand j'ai appris que mon fils avait été emmené, ma femme et moi nous

8 avons toujours gardé le contact avec les enfants par le téléphone portable.

9 Lorsque je l'ai appris, le soir, la nuit clandestinement je suis parti et

10 je suis allé directement à la maison familiale pour le voir en privé. Je

11 lui ai dit : "Je suis en vie. Tu peux y aller, tu peux tuer mon fils, mais

12 je veux que tu saches que je suis en vie." Je suis parti, j'ai quitté sa

13 maison et je suis parti. Depuis, je n'ai plus aucun problème jusqu'à

14 maintenant, enfin jusqu'au moment où c'est arrivé à ma fille.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'auparavant vous avez

16 dit que c'était l'UCK qui avait enlevé votre fille ou est-ce que vous avez

17 simplement dit que votre fille avait été enlevée ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] En ce qui concerne ma fille, je ne peux

19 pas vous dire qui l'a enlevée, car je ne le sais pas. Il y a plusieurs

20 groupes qui agissent.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez

22 mal présenté les choses dans la question que vous avez posée.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Comment s'appelle votre fils qui est

24 enlevé ou qui a été gardé pendant six heures ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Faruk Fazliu.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans le compte rendu, on fait une

2 erreur lorsqu'on le présente comme étant votre frère aîné.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est mon fils aîné.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Monsieur Fazliu, vous avez dit que vous aviez témoigné devant la police

6 de la MINUK à Pristina, parce qu'apparemment, il y avait eu beaucoup

7 d'enlèvements à Kacanik. Cet enlèvement ou ces enlèvements, quand ont-ils

8 eu lieu ? Vous avez dit que 26 personnes avaient été enlevées. Est-ce que

9 cela s'est passé pendant les bombardements ?

10 M. SAXON : [interprétation] Objection.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

12 M. SAXON : [interprétation] Je me contenterais de vous indiquer, Messieurs

13 les Juges, que dans le résumé fourni à l'Accusation en application du 65

14 ter, dit ceci : "Albanais a coopéré avec la police à Urosevac, va parler de

15 la collaboration qu'il a eue avec la police, de la connaissance qu'il a des

16 événements s'étant produits dans la région en ce qui concerne les Serbes."

17 Maintenant, l'accusé pose une question au témoin à propos d'une

18 municipalité tout à fait différente. Je voudrais qu'on demande à l'accusé

19 de rester dans le cadre du résumé qu'il a fourni en application du 65 ter.

20 Je vous remercie.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, pourquoi posez-

23 vous cette question ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je la pose tout d'abord

25 parce que cela s'inscrit tout à fait dans la citation qu'a faite M. Saxon

Page 42826

1 il y a un instant. Il parle de choses, ce témoin qu'il connaît

2 personnellement.

3 Autre raison, ceci s'inscrit dans le cadre de l'expulsion des gens, dont a

4 parlé ce témoin. Vingt-six Albanais ont été enlevés pendant les

5 bombardements. L'un d'entre eux a réussi à s'enfuir. Il y a eu un procès

6 qui s'est tenu au Kosovo à propos. Il s'agit des crimes commis par des

7 membres de l'UCK, crimes qui ont été imputés à des Serbes. Le témoin est au

8 courant. Il est tout à fait normal qu'il en parle dans le cadre de son

9 témoignage.

10 Pour moi, il n'y a rien qui puisse susciter des objections de la part de M.

11 Saxon si ce n'est qu'il n'aime pas que ce témoin parle de quelque chose qui

12 est tout à fait contraire à ce qui est mentionné dans les accusations qui

13 sont portées contre moi dans l'acte d'accusation.

14 On parle du 65 ter ici et là on parle de la collaboration avec les

15 autorités, dans ce résumé. J'ai posé une question à ce témoin et il a fait

16 état à la police de Serbes mais aussi d'Albanais qui ont commis des crimes,

17 c'est en cela que consistait sa collaboration. En plus, c'était un garde

18 forestier; donc, c'est tout à fait normal qu'il le fasse puisque cela fait

19 partie de son travail.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Saxon, ce résumé 65 ter,

22 quel effet a-t-il ?

23 M. SAXON : [interprétation] L'effet de 65 ter --

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Micro, s'il vous plaît.

25 M. SAXON : [interprétation] Ce résumé fait une phrase et il est censé

Page 42827

1 fournir à l'Accusation ou d'aviser l'Accusation de la nature probable de la

2 déposition du témoin. De cette façon, l'Accusation est à même de bien se

3 préparer pour contre-interroger ce témoin, tout ceci montre l'utilisation ,

4 tout ceci pour nous préparer --

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Où est-ce que c'est dit ?

6 M. SAXON : [interprétation] Je l'ai reçu dans une liste confidentielle

7 numéro 35. Je peux vous fournir cette copie dès maintenant.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, j'essaie simplement d'établir

9 l'utilité qu'a ce 65 ter, cette liste en application du

10 65 ter.

11 Maître Kay, pourriez-vous nous aider sur ce point ?

12 M. KAY : [interprétation] Maître Higgins.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Higgins.

14 L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plaît.

15 Mme HIGGINS : [interprétation] Si j'ai bien compris, l'article du Règlement

16 ne donne pas cette explication de façon intrinsèque. Je suppose que c'est

17 la jurisprudence qui l'établit, jurisprudence que je ne parviens pas à

18 situer tout de suite. Ces résumés servent à donner une idée de la

19 déposition du témoin. Ce ne sont pas nécessairement des éléments

20 exhaustifs. Rappelez-vous, ce témoignage porte sur Kacanik qui est la

21 municipalité adjacente à la sienne, celle de Ferizaj étant la sienne et il

22 a manifestement des connaissances personnelles d'événements dont a été

23 avisée l'Accusation.

24 M. SAXON : [interprétation] Non, non, nous n'avons pas du tout été avertis

25 du fait que ce témoin avait des connaissances personnelles quant à des

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1 événements étant survenus dans la municipalité de Kacanik. Comment voulez-

2 vous que nous puissions procéder à un bon contre-interrogatoire de ce

3 témoin ? Quelles sont les autres raisons qui justifieraient l'existence de

4 cet article, si ce n'est pour donner un résumé au préalable, pour donner

5 des informations dans un délai suffisant pour permettre à la partie adverse

6 de se préparer en bonne et due forme.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais si ceci vous embarrasse,

8 c'est autre chose.

9 M. SAXON : [interprétation] Je ne suis pas gêné. L'Accusation n'est pas

10 gênée. Elle demande simplement --

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je parle ici d'un embarras dans le

12 sens technique, judiciaire, c'est-à-dire que vous êtes un peu -- il y a un

13 effet de surprise qui intervient et on peut y remédier d'une autre façon.

14 M. NICE : [interprétation] Permettez-moi d'ajouter quelque chose parce que

15 M. Saxon n'était pas présent lorsque nous avons eu ce genre de problème

16 auparavant. Rappelez-vous, il y a toute une genèse à la façon dont on

17 dépose ces résumés en application du

18 65 ter, et dès le début, la jurisprudence permet de cerner deux fonctions

19 qu'il faut donner à cet Article 65 ter; c'est pour mieux gérer les éléments

20 de preuve soumis à la Chambre. C'est une des fonctions principales qui est

21 estimée importante et pertinente par cette Chambre, même si d'autres

22 Chambres estiment que l'utilisation, c'est de donner suffisamment de temps

23 à l'Accusation pour se préparer au contre-interrogatoire.

24 Mais plus récemment, je pense que la Chambre a manifesté une certaine

25 inquiétude, étant donné que ces résumés étaient très brefs, ce dont nous

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1 nous plaignions depuis longtemps et la Chambre a demandé davantage de

2 détails à l'accusé.

3 A un moment donné, il y a eu modification de la pratique, il y a de cela

4 quelques témoignages et on a demandé à l'accusé de faire une déclaration

5 liminaire donnant davantage de détails sur la nature de la déposition à

6 venir. Nous acceptons ce qu'a décidé la Chambre auparavant, à savoir que

7 ces résumés brefs servent à mieux gérer le procès, la procédure et a avisé

8 l'Accusation et c'est surtout à des fins de contre-interrogatoire, comme

9 l'a établi la jurisprudence.

10 Quand je vois ce résumé-ci et quand j'écoute les allégations tout à fait

11 fortes, faites contre certains individus, nous allons nous trouver dans

12 l'impossibilité de bien répondre à ces allégations, si elles sont

13 pertinentes parce que nous n'avons pas été prévenus. C'est tout, c'est un

14 des problèmes que nous rencontrons.

15 Mais je pense que c'est, là, l'historique de cette procédure en application

16 du 65 ter en style télégraphique.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Higgins --

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nos micros ne marchent pas bien.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi.

20 L'Article 60(F) [comme interprété] permet à la Chambre de première instance

21 de déterminer quelles seraient les mesures imposées à une partie qui manque

22 à ses devoirs de communication et on envisage que c'est l'Accusation qui a

23 surtout ces obligations de communication.

24 Mis à part le 65 ter (G), quelles seraient les obligations en matière de

25 communication incombant à l'accusé ?

Page 42830

1 Mme HIGGINS : [interprétation] Si j'ai bien compris, la mesure dans

2 laquelle l'accusé a des obligations de communication, pour ce qui est des

3 détails, mise à part l'indication de ce qu'il donne dans le résumé, cela se

4 limite à cela et vous, vous avez tenu à ne pas trop grever la charge qu'a

5 l'accusé --

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais j'essaie simplement de savoir si,

7 en vertu du Règlement, la Chambre a le pouvoir de prendre des mesures, si

8 elle estime qu'il y a eu un manquement à ce devoir en application des

9 applications visées par le 65 ter. Bien sûr, c'est une question

10 d'interprétation.

11 Mme HIGGINS : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous n'avons pas de religion ferme à

13 ce propos jusqu'à présent. Mais serait-il raisonnable d'interpréter le 68

14 bis comme s'appliquant ou reprenant l'obligation qui est mentionnée dans le

15 65 ter ?

16 Mme HIGGINS : [interprétation] Je me permettrais de -- mais vous avez, en

17 vertu de l'Article 54, le pouvoir de prendre des mesures car ce sont des

18 pouvoirs généraux. Si on interprète le 68 bis, on peut englober cette

19 interprétation. Mais d'après moi, ceci n'a pas été utilisé de cette façon

20 jusqu'à aujourd'hui, avant, non plus, cette procédure. Je ne connais pas de

21 jurisprudence qui donnerait cette interprétation que vous avez suggérée; il

22 ne semble pas qu'elle existe dans la jurisprudence, jusqu'à présent du

23 moins et dans cette mesure.

24 Permettez-moi de revenir rapidement à un point soulevé par

25 M. Nice. C'est très clair et à notre avis, il est évident que l'Accusation

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1 a présenté énormément d'éléments en ce qui concerne la municipalité de

2 Kacanik. Je ne sais pas si c'est tout à fait le cas, mais s'il est vrai que

3 ce témoin est en mesure de présenter des éléments relatifs au mouvement de

4 la population ou en ce qui concerne les raisons pour lesquelles les gens

5 ont quitté Kacanik, il faudrait donner à ce témoin l'occasion d'en parler,

6 puisqu'il n'y a pas beaucoup de temps réservé à la présentation des moyens

7 à décharge. Si, effectivement, l'Accusation a besoin d'un certain temps

8 pour se préparer au contre-interrogatoire, la Chambre pourrait y remédier.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est ce que je disais et c'est ce

10 que je voulais dire, lorsque j'ai parlé d'embarras.

11 Mme HIGGINS : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai une question à poser à M. Saxon.

13 Dans ce résumé concernant ce témoin, on dit ceci : "Albanais a collaboré

14 avec la police à Urosevac; va parler de la collaboration qu'il a eue de la

15 connaissance qu'il a des événements qui sont survenus dans cette zone."

16 Kacanik est vraiment limitrophe d'Urosevac; alors, quand on dit "région" ou

17 "zone," est-ce qu'on ne peut pas inclure également la zone, la région de

18 Kacanik ?

19 M. SAXON : [interprétation] Pas pour nous, pas à nos yeux. Je me permets de

20 vous rappeler --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Attendez, Monsieur Milosevic,

22 attendez que M. Saxon finisse --

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je comprends.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- parce qu'il est en train de

25 parler, Monsieur Milosevic --

Page 42832

1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

2 M. SAXON : [interprétation] Je ne veux pas faire fi de votre question mais,

3 Pristina, c'est aussi tout près d'Urosevac. On pourrait arguer du fait

4 qu'Istok n'est pas loin, non plus, d'Urosevac. C'est vrai aussi de Stimlje,

5 si vous voulez.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ce sont des municipalités voisines

7 M. SAXON : [interprétation] Le fait est -- le fait est que --

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais, écoutez, Monsieur Saxon, vous

9 n'avez pas soulevé d'objections, lorsque le témoin parlait des bases de

10 l'UCK situées à Kacanik.

11 M. SAXON : [interprétation] Non.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pendant --

13 M. SAXON : [interprétation] C'est parce que ce témoin, dans ce qu'il a dit

14 à ce propos, était en réponse à une question générale portant sur les bases

15 l'UCK et je ne pouvais pas supposer quelle allait être sa réponse.

16 Maintenant, je crois que la donne est un peu différente. La question

17 parlait exactement de Kacanik.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Même si vous avez raison, même si le

20 65 ter est un peu limitatif - je ne suis pas nécessairement d'accord avec

21 vous - mais est-ce que la Chambre n'a pas le pouvoir d'accorder ou de

22 permettre une telle question ?

23 M. SAXON : [interprétation] Bien sûr que oui, vous en avez le pouvoir,

24 Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, mais soyez

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1 bref.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais simplement attirer votre attention

3 sur un fait : Kacanik n'est pas près d'Urosevac. Kacanik se trouve dans la

4 région ou relève du SUP d'Urosevac, le SUP avec lequel le témoin a

5 collaboré. Kacanik est couvert par le SUP d'Urosevac. Par conséquent, il

6 fait partie intégrante de cette zone. Vous pouvez le voir dans les

7 documents, mais aussi sur la carte qui montre l'organisation des forces de

8 la police.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant de suspendre l'audience, je

10 voudrais que ce point soit réglé et je ne parle pas, ici, simplement de ce

11 point géographique, stricto sensu, puisque c'est une question de principe

12 qui se pose ici.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question est permise, mais nous

15 allons, maintenant, faire une suspension de 20 minutes.

16 --- L'audience est suspendue à 12 heures 25.

17 --- L'audience est reprise à 12 heures 46.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, poursuivez.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Monsieur Fazliu, vous avez fourni une déclaration à la police de la

21 MINUK en rapport avec les événements qui sont survenus à Kacanik. Quand

22 l'avez-vous fait ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'avez-vous appris, et avec

23 qui étiez-vous de façon précise en contact ?

24 R. Je l'ai déjà dit. J'étais garde forestier et dans le cadre de mes

25 fonctions, je devais aller voir des maisons, des villages, différents

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1 monts. L'on sait qu'en général que les espions, les voleurs sont dans les

2 montagnes. Je devais les protéger, ces montagnes. J'ai essayé de

3 m'acquitter de toutes mes fonctions convenablement. C'est pour cela que

4 j'ai surveillé étroitement ce territoire de Strpce, de Stimlje jusqu'à

5 Ferizaj.

6 Normalement, et c'est bien connu, quelqu'un qui est en uniforme peut

7 exercer ses fonctions sur la totalité du territoire de l'Etat. J'ai vu

8 beaucoup de cas en ce qui concerne ces gens, au départ, ils m'ont fait

9 confiance. Ils ne se sont pas cachés de moi et j'ai vu les fusils

10 automatiques et je n'ai pas rapporté ceux-ci à la police. Par exemple,

11 quand une patrouille de la police est passée là où j'étais, j'ai dit :

12 Voilà, telle ou telle personne se trouve ici ou là.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Milosevic vous a demandé : Quand

14 cela s'était passé et quels contacts vous aviez ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela s'est passé en 1993, en 1994.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avec qui aviez-vous des contacts ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec des camarades, des amis, d'autres

18 villageois dans les montagnes, avec des gens de l'UCK.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Monsieur Fazliu, que savez-vous à propos de l'enlèvement de ces 26

22 personnes, ce qui vous a porté à faire une déclaration à la MINUK ?

23 R. Je l'avais dit déjà auparavant et je vais le répéter. Je n'ai fait de

24 déclaration à personne à propos de ce j'allais dire ici. J'ai uniquement

25 voulu dire la vérité, ce que je sais.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais, fixez votre attention sur la

2 question qui vous est posée. Je sais que vous voulez nous raconter quelque

3 chose mais je vous demanderais de vous contenter d'écouter la question que

4 vous pose M. Milosevic et d'y répondre de la façon la plus directe

5 possible.

6 La question était celle-ci : Que savez-vous de l'enlèvement de ces 26

7 personnes ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon ami, Agim Laniste, il est du village de

9 Laniste, municipalité de Kacanik, c'est un village qui est rattaché ou

10 relié à Kacanik. Cet ami a été enlevé et il a été détenu pendant neuf

11 jours. Lorsqu'ils ont voulu l'emmener par les montagnes, vers Drenica, il y

12 a eu un affrontement, et heureusement, il a pu s'échapper. Il est venu

13 directement au SUP, et le SUP m'en a informé et m'a demandé si je voulais

14 le rencontrer cet ami à moi. Il a fallu que j'aille le voir parce que

15 j'avais été averti par son frère neuf jours plus tôt, neuf jours avant

16 qu'il ne se retrouve au SUP. J'ai bien pu voir qu'il avait été poignardé

17 avec toutes sortes d'outils, avec des tournevis, par exemple. Ils lui ont

18 demandé : "Pourquoi il parlait aux Serbes ? Pourquoi il leur donnait du

19 bois, du bois de chauffage ?" Parce qu'Agim Laniste n'avait aucune

20 fonction.

21 Il est venu me voir parce qu'il ne pouvait pas rentrer dans sa propre

22 municipalité. Cela s'est passé avant le bombardement, un mois et demi

23 avant, et il resté chez moi dans ma chambre et nous sommes partis ensemble

24 en Serbie lorsque sont arrivées les forces de l'OTAN.

25 Il est alors rentré chez lui où il est resté en cachette, c'était un peu

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1 comme une assignation à résidence. Un de ses frères qui vit à l'étranger,

2 en France plus exactement, il a un autre frère qui vit en Belgique, et ce

3 frère-là, le premier a dit à la MINUK, que son frère, mon ami, était

4 pratiquement retenu chez lui et qu'il avait été enlevé auparavant, et que

5 ceci devait être traduit en justice. Il fallait qu'il y est un procès et

6 que s'il n'y avait pas de procès, qu'il fallait veiller à régulariser ses

7 papiers pour qu'il puisse aller en Belgique.

8 La MINUK est alors intervenue, et ils sont allés chercher Agim. Agim a dit

9 où il avait été détenu. Il a fait une déclaration aux autorités de la

10 MINUK. Ces autorités m'ont appelé et m'ont demandé comment les choses

11 s'étaient passées. Je leur ai dit que j'avais vu Agim et Agim a parlé de

12 ces 26 personnes qui avaient été enlevées de la part des autorités, a donné

13 leurs noms et prénoms parce qu'il y avait donc des gens qui étaient de son

14 village, de la région de Viti, et il les connaissait toutes ces personnes,

15 il a fait une déclaration et la MINUK dispose encore aujourd'hui de cette

16 déclaration.

17 L'INTERPRÈTE : La MINUK protège Agim.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis allé faire une déclaration à Pristina

19 et je vous l'ai déjà dit. Cinq des auteurs de ces enlèvements ont été jugés

20 et condamnés. Deux d'entre eux étaient de Nerodimlje. Je ne sais pas quand

21 exactement, mais je pense qu'ils ont été condamnés il y a trois ou quatre

22 mois pour enlèvement de 26 Albanais qui avaient été enlevés chez eux.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Monsieur Fazliu, êtes-vous en mesure de répondre à cette question-ci :

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1 ces 26 Albanais, pourquoi ont-ils été enlevés ? Quand ont-ils été enlevés ?

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,

3 mais il y a un problème technique dans la cabine albanaise. Nous allons

4 faire une interruption de cinq minutes.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On m'informe que nous pouvons à

7 présent continuer.

8 Donc Monsieur Milosevic, vous aviez posé votre question --

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- et M. Fazliu va nous donner sa

11 réponse.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Tous ces gens-là ont été enlevés un mois et

13 demi avant les bombardements, après que plusieurs personnes aient rejoint

14 les rangs de l'UCK dans les montagnes.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question était celle de savoir

16 pourquoi ces personnes ont été enlevées.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces personnes ont été enlevées parce qu'elles

18 coopéraient avec les Serbes et ne voulaient pas de séparation vis-à-vis des

19 Serbes.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, continuez.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Sait-on quelque chose au sujet du sort de ces personnes ?

23 R. Toutes ces personnes ont été tuées. Agim l'a confirmé lui aussi.

24 Q. Etant donné qu'Agim s'est enfui, je suppose qu'il a dû voir qui est-ce

25 qui les a enlevées ? Est-ce qu'on sait qui ont été les auteurs de ces

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1 enlèvements et de ces meurtres desdits 26 Albanais ?

2 R. Bien sûr que les auteurs sont connus. Comme je vous l'ai déjà dit,

3 s'agissant de cinq personnes, elles ont été jugées par les autorités de la

4 MINUK, et les autres ont fui le Kosovo et sont parties en Albanie.

5 Q. Les personnes jugées par les autorités de la MINUK étaient-elles des

6 membres de l'UCK, et si oui, quelles unités, quels groupes, originaires de

7 quelle localité ?

8 R. Ils étaient originaires du village de Kotlina. Je ne connais pas le

9 numéro de la brigade dont ils faisaient partie. Ce que je sais c'est qu'ils

10 se trouvaient à Kotlina. Je n'affirme que ce que je sais à 100 %. Ils

11 étaient originaires de la brigade qui est intervenue à Kotlina.

12 Q. Je vous remercie, Monsieur Fazliu. J'ai encore quelques questions.

13 Le village de Racak se trouve dans votre secteur également. Est-ce que vous

14 avez vu au village de Racak des membres de l'UCK à quelques moments que ce

15 soit ?

16 R. Bien sûr que si, il y a Islam Belince qui a été emmené par l'armée de

17 Racak rien que parce qu'il travaillait dans une école. Les gardes

18 forestiers avaient coutume de passer chez lui pour se reposer et la police

19 l'a enlevé parce qu'il recevait les gardes forestiers chez lui. Son fils a

20 été enlevé, puis, relâché, et c'est lui qui peut témoigner de cela. Il est

21 vivant encore.

22 J'ai un ami, Xhim Koshari [phon], Xhim Idrizi [phon], et Fadil Idrizi, lui

23 était l'un des commandants de l'UCK à Racak. Il est venu de l'étranger, il

24 travaillait auparavant en Suisse, je le sais depuis 1998. Il avait demandé

25 un groupe électrogène. Je lui ai demandé : "Pourquoi faire ?" Il m'a dit

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1 que c'était pour sa maison. C'est lui qui m'a dit qu'il y avait des

2 préparatifs en cours dans les montagnes. J'ai vu de mes yeux de quelle

3 façon ils se sont préparés un an à l'avance au village de Racak, au village

4 de Kotlina et dans celui de Jezerce. Je sais que c'est exact, du moins pour

5 les trois localités-là.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Fazliu, je n'ai pas très bien

7 compris. Je ne sais pas. Enfin, vous avez dit que Racak faisait partie du

8 secteur du témoin, Monsieur Milosevic, mais j'ai cru comprendre que cela

9 faisait partie des compétences de la police d'Urosevac ? En est-il ainsi,

10 Monsieur Fazliu ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Racak se trouve à 13 kilomètres d'Urosevac et

12 la police, elle, relevait des compétences de la municipalité d'Urosevac

13 parce qu'entre Racak et Stimlje, il n'y a qu'un kilomètre de distance et

14 entre Belince et Racak, il y a un demi-kilomètre. Je le sais fort bien

15 parce que j'ai été garde forestier et j'ai fait tous ces villages à pied.

16 Racak, Stimlje, Belince et Suva Reka sont des villages qui sont reliés

17 entre eux. Ces villages se partagent une seule et même forêt. On peut voir

18 cela sur la carte.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Quand j'ai parlé de son secteur au témoin, je

21 parlais du secteur d'intervention de M. Fazliu où il était garde forestier

22 et il devait parcourir forcément cette région parce que les forêts qui

23 faisaient partie de la région étaient, en quelque sorte, son poste de

24 travail.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Encore une question à ce sujet, Monsieur Fazliu, combien de membres de

2 l'UCK y avait-il à Racak ? Vous nous dites que vous avez vu des membres de

3 l'UCK à Racak, Jezerce et Kotlina. Combien étaient-ils à Racak, à Kotlina

4 et à Jezerce ? Ne serait-ce qu'à titre approximatif.

5 R. A peu près, un peu plus de 100. Ce doit être à peu près ce chiffre,

6 100, 120, 150. Il serait difficile de donner un chiffre exact, mais il est

7 certain qu'ils n'étaient pas moins de 100.

8 Q. Très bien. Je vous remercie.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le compte rendu d'audience n'est plus visible.

10 Je ne sais pas s'il y a une erreur de traduction, Monsieur Robinson, mais

11 le compte rendu d'audience dit que la police aurait enlevé un homme

12 mentionné par M. Fazliu.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. L'avez-vous dit pour la police, Monsieur Fazliu ?

15 R. Non, non, pour l'UCK. La police n'a pas enlevé de personnes.

16 Q. Très bien.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La chose est rectifiée maintenant.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Encore une petite question, Monsieur Fazliu. Votre femme et vos enfants

20 résident encore à Urosevac. Avez-vous des craintes pour leur sécurité ?

21 R. Lorsque j'ai décidé de venir ici, bon nombre de mes amis en auraient

22 fait de même, mais s'ils le faisaient, ils risqueraient de mettre en péril

23 leurs familles respectives, c'est pourquoi ils ne veulent pas et ne peuvent

24 pas venir ici pour dire la vérité. Mais je vais vous dire, en guise de

25 réponse, pour être bref, que je suis convaincu qu'ils seraient à même de

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1 détruire ma famille, tout comme ils suivent tous mes déplacements. Mais

2 j'ai décidé de faire savoir la vérité au Tribunal. Je ne suis pas venu ici

3 pour défendre qui que ce soit. Lorsque j'ai fait une déposition au Kosovo,

4 c'est à ce moment-là que j'ai demandé à venir ici, au Tribunal, pour

5 témoigner devant les Juges du Tribunal. Il y avait là-bas des personnes de

6 la KKOR et de la MINUK. Ce n'était pas des gens de la rue à qui je me suis

7 adressé pour demander une autorisation de venir ici. Mais ils m'ont demandé

8 ce que je voulais dire aux Juges du tribunal et je leur ai indiqué que je

9 voulais dire la vérité. Avant de faire cette déposition, je n'en ai pas

10 fait d'autre.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais avez-vous peur pour votre

12 sécurité à vous ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr. Je sais que lorsque j'aurais fini de

14 témoigner, je serai un homme mort. L'un de mes amis, Naser Hajziri a été

15 attaché à un tracteur et tué. Isuf Sakica, lui aussi; bon nombre d'autres

16 également.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. J'espère que cela ne se

18 produira pas et que vous vous êtes exprimé de façon hyperbolique.

19 Monsieur Saxon à vous.

20 Contre-interrogatoire par M. Saxon :

21 Q. [interprétation] Vous avez dit qu'après le début de la campagne de

22 bombardement de l'OTAN, le 24 mars 1999 -- vous m'entendez, Monsieur ?

23 R. [aucune interprétation]

24 Q. Je n'ai pas obtenu de traduction de votre réponse --

25 R. Je vous entends maintenant.

Page 42842

1 Q. Très bien, merci. Vous nous avez dit qu'après le début des frappes de

2 l'OTAN -- maintenant, j'entends une interprétation anglaise dans mes

3 écouteurs.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Essayez une fois de plus.

5 M. SAXON : [interprétation]

6 Q. Après le début de la campagne de bombardement de l'OTAN, les gens ont

7 commencé à quitter le Kosovo parce qu'ils avaient peur des bombardements.

8 Vous souvenez-vous d'avoir dit cela ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous avez dit qu'il y avait des tensions très fortes en raison des

11 frappes aériennes ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous et votre famille avez quitté le Kosovo vers la mi-juin 1999. C'est

14 du moins ce que vous nous avez dit dans votre témoignage, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Je suppose que vous et votre famille n'avez pas tellement redouté ces

17 frappes de l'OTAN, n'est-ce pas ?

18 R. Bien sûr que nous les avons redoutées, mais il n'y avait pas d'endroit

19 où nous pouvions aller parce que ceux qui s'en sont allés ne sont pas

20 partis pour avoir des conditions d'hébergement favorables, confortables.

21 Ils sont partis vers les montagnes, mais ils voulaient déplacer les gens de

22 chez eux afin que le monde entier puisse voir cela. Alors, j'ai dit qu'il

23 valait mieux qu'on me tue, mes enfants chez moi, à la maison, plutôt que

24 dans les montagnes.

25 Q. Mais le 14 juin 1999, lorsque les forces serbes ont commencé à se

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1 retirer du Kosovo, vous et votre famille avez quitté le Kosovo pour aller

2 en Macédoine, n'est-ce pas ?

3 R. Non, je suis d'abord allé en Serbie et par la suite, je suis parti en

4 Macédoine.

5 Q. Il y avait bien un endroit où vous pouviez aller, si vous aviez eu peur

6 des bombardements de l'OTAN, tant vous que votre famille, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, il y avait une place où je pouvais aller, certes. J'ai été invité

8 à m'en aller.

9 Q. Et vous --

10 R. Mais je ne suis pas parti.

11 Q. Mais vous et votre famille, votre épouse, vos proches êtes restés au

12 Kosovo pendant deux mois et demi, pendant toute la durée des frappes, des

13 bombardements, n'est-ce pas ?

14 R. Bien des membres de notre famille sont partis. Je ne croyais pas que

15 l'OTAN allait bombarder. Je croyais que c'était de la propagande. Je

16 n'arrivais pas à croire qu'un être humain accepterait d'en bombarder un

17 autre.

18 Q. Mais répondez à ma question, Monsieur. Vous, votre épouse et vos

19 enfants êtes restés au Kosovo deux mois et demi après le début des

20 bombardements de l'OTAN, n'est-ce pas ?

21 R. Non seulement ma famille, mais bon nombre d'autres familles à Prelez, à

22 Rahovic [phon] et autres localités de la municipalité de Ferizaj. Il n'y a

23 pas un seul membre de ces familles à être parti.

24 Q. Vous avez parlé de Bajram Bucaliu, vous avez fait des commentaires et

25 bon nombre d'allégations à son sujet; vous avez, également, mentionné qu'il

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1 avait travaillé à la station ferroviaire d'Urosevac [comme interprété].

2 Vous en souvenez-vous ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous vous souvenez du nombre de personnes qui étaient

5 employés à la gare ferroviaire d'Urosevac [comme interprété]. Il devait

6 probablement y avoir un chef de gare et du personnel. Avez-vous, d'abord,

7 souvenance du personnel, du nombre de personnes qui y travaillaient ?

8 R. Je ne sais pas combien de gens étaient employés là-bas. Ce n'est pas

9 une chose qui m'avait intéressé.

10 Q. Voyez-vous, il y a une pièce à conviction qui est versée au dossier

11 dans cette affaire - et je me réfère, ici, à la pièce à conviction 63 -

12 Messieurs les Juges, il s'agit, ici, d'un registre des trains qui sont

13 passés par Urosevac entre janvier et juin 1999. Si on se penche sur cet

14 aperçu, on pourra voir l'existence d'indications manuscrites émanant de

15 plusieurs personnes. Je voudrais savoir si vous êtes à même de nous

16 apporter quelque commentaire que ce soit au sujet du caractère des autres

17 personnes qui travaillaient à la gare ferroviaire de Ferizaj et qui ont

18 fait des inscriptions dans ce registre ?

19 R. Mais je n'ai pas compris votre question. Sur quoi porte-t-elle, au

20 fait ? Qu'y a-t-il au sujet des trains ? Les trains ont toujours suivi un

21 ordre, un même parcours et suivant des horaires fixés à l'avance. Je ne

22 sais pas quel type de réponse vous voulez que je vous donne.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous lui demandez si le

24 dénommé Bajram --

25 M. SAXON : [interprétation] Non, non, Monsieur le Président. Je vais poser

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1 ma question et je crois qu'il y a un problème de traduction. Je vais

2 reformuler.

3 Q. Mis à part, Bajram Bucaliu, au sujet duquel vous avez fait des

4 allégations concernant son caractère, je voudrais savoir si les autres

5 personnes qui ont travaillé à cette gare ferroviaire étaient tous des

6 criminels ? Ont-ils tous fait du commerce de drogues ? Est-ce que c'était

7 des personnes qui avaient des critères différents ? Si oui, dites-le nous.

8 R. Pour ce qui est de Bucaliu Bajram, je sais que c'était un homme de

9 cette nature puisque c'est l'un de mes beaux-frères. Pour ce qui est des

10 autres, je n'ai pas de parents à moi qui y travaillaient; je ne saurais,

11 donc, rien vous dire à leur sujet. Mes collègues, des Albanais, ont

12 abandonné leurs emplois dès 1991; le reste était des Serbes. Je n'ai pas vu

13 de gens qui avaient recours à deux poids, deux mesures et qui auraient fait

14 des déclarations autres.

15 Pendant 15 jours, ma famille --

16 Q. Je crois que vous avez répondu à la question que je vous ai posée.

17 R. Mais je peux vous répondre plus longuement à cette question, si vous le

18 souhaitez.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Fazliu -- Monsieur Fazliu,

20 cela suffit, vous avez répondu.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être deux mots encore, Messieurs les

22 Juges. Je n'ai rien par écrit devant les yeux, mais j'ai tout en mémoire et

23 je veux dire la vérité et j'aimerais qu'on ne m'interrompe pas, si

24 possible.

25 Pendant 15 jours, mon frère et mes enfants ont attendu pour pouvoir monter

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1 dans un train.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Fazliu, le conseil de

3 l'Accusation a le droit de vous interrompre. S'il le fait de façon

4 inéquitable, j'interviendrai.

5 Veuillez continuer, Monsieur Saxon.

6 Laissez M. Saxon vous poser la question suivante. Nous avons un système de

7 fonctionnement qui se résume à un système de questions et de réponses.

8 M. SAXON : [interprétation]

9 Q. Vous nous avez dit, je vous ai demandé combien de personnes ont

10 travaillé à la gare ferroviaire et vous avez dit que cela ne vous

11 intéressait pas. Pourquoi, en réponse à la question suivante, avez-vous

12 indiqué que les trains ont toujours suivi un ordre déterminé et un

13 itinéraire déterminé ? Voyez-vous une incohérence dans ce que vous dites ?

14 R. Il n'y a pas d'incohérence. Je suppose seulement que vous n'avez pas

15 compris comme il fallait parce que je maintiens toujours ce que j'ai dit.

16 Mon beau-frère a été le seul à ne pas avoir quitté son poste de travail.

17 Les autres Albanais ont abandonné leur emploi. Les autres ne

18 m'intéressaient pas puisque c'étaient tous des Serbes. Nous sommes en train

19 de parler, ici, de mon beau-frère. M. Milosevic m'avait posé la question, à

20 savoir, si je connaissais Bajram Bucaliu. S'il m'avait posé une autre

21 question, je lui aurais répondu, également.

22 Q. Bien. J'ai entendu votre réponse, mais je tiens à faire un petit

23 commentaire pour ce qui est du compte rendu d'audience. Au compte rendu, en

24 effet, il est dit qu'il y a "cohérence," alors qu'il devrait y avoir le mot

25 "incohérence" et je crois que maintenant, la chose est rectifiée.

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1 Monsieur, vous avez dit qu'avant de quitter le Kosovo, votre tache avait

2 consisté à rapporter tout ce qu'il y avait de contraire à la loi. C'est ce

3 que vous nous avez dit dans votre témoignage, n'est-ce pas ?

4 R. Oui, c'est exact.

5 Q. Soyons tout à fait clairs. Quand vous dites qu'il s'agissait de

6 rapporter cela, il convient de préciser que vous le rapportiez à la police

7 serbe, n'est-ce pas ?

8 R. La police, au départ, a été mixte; il y avait des Albanais et des

9 Serbes. Il ne s'agissait pas d'une police purement serbe. Deuxièmement, sur

10 leurs fronts, il n'y avait pas d'inscription disant Serbe ou Albanais.

11 Indépendamment de la patrouille de police sur laquelle je tombais, je

12 rapportais les différents cas.

13 Q. Bien. Vous rapportiez tout cela à la police, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous étiez payé pour ces informations, n'est-ce pas ?

16 R. Non. J'avais mon salaire de garde forestier venant du domaine des

17 forêts de Serbie.

18 Q. Vous aviez un salaire de garde forestier, mais par bonté de cœur et en

19 raison des hautes valeurs que vous avez à l'esprit, vous avez décidé de

20 rapporter toutes ces différentes choses à la police. C'est bien ce que vous

21 voulez nous dire ?

22 R. Je vous ai déjà dit, depuis le début --

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic veut dire quelque

24 chose. Entendons-le.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois qu'il faut être correct dans ce qu'on

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1 fait. Il a expliqué qu'il était garde forestier, ce témoin. En sa qualité

2 de garde forestier, il est tenu de rapporter à la police tous les

3 comportements illicites. Cela ne veut pas dire que --

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic --

5 M. SAXON : [interprétation] Mais je crois pouvoir dire qu'avec ces

6 interventions, l'accusé a porté atteinte à la réponse qui devait être

7 fournie à ma question, mais ce n'est pas la première fois qu'il le fait.

8 Q. Alors, à qui rapportiez-vous cela, Monsieur ? A qui rapportiez-vous ces

9 informations ?

10 R. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je le faisais pour ce qui est de la

11 patrouille la plus proche. Si j'étais à Kacanik, je le rapportais à la

12 patrouille de Kacanik. Si tel événement survenait à Stimlje, je m'adressais

13 à la patrouille de Stimlje. Il n'y avait pas de personne précise à laquelle

14 j'étais censé m'adresser, il n'y avait pas une seule personne que je devais

15 contacter parce qu'il est dans notre tradition islamique un fait qui dit

16 qu'il convient de préserver sa famille de tout ce qui a de mal vis-à-vis

17 des drogues et de tout ce qui peut lui nuire. Je ne l'ai pas fait pour mon

18 bien-être et pour le bien-être de ma famille; je l'ai fait pour le bien-

19 être de la nation ou du peuple tout entier. Ce que je voulais, c'était

20 protéger le peuple étant donné que les criminels ne constituaient qu'une

21 minorité. Ils ne sont que 5 %, ces criminels et tous, au Kosovo, ne sont

22 pas des criminels. Les autres 95 % de la population continuent à souffrir

23 en raison de la présence de ces criminels.

24 Q. Vous nous avez dit que faisait partie de votre tradition islamique la

25 nécessité de préserver votre famille et vos amis de tout ce qui pouvait

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1 leur nuire, tout ce qu'il y a de mal. Si vous vous trouviez à Urosevac et

2 si vous avez entendu parler d'activités illicites, vous alliez déclarer

3 cela au SUP d'Urosevac,

4 n'est-ce pas ?

5 R. Oui, bien sûr.

6 Q. Oui.

7 R. Même maintenant, si je quitte ce Tribunal, si je vois quoi que ce

8 soit de mal, j'irai voir la police pour le lui rapporter. Indépendamment du

9 fait que je me trouve ici, à La Haye, si je vois quelqu'un avec une arme ou

10 quelqu'un en train de vendre des drogues, je prendrais la première des

11 occasions qui s'offrirait à moi pour le déclarer à la police.

12 Q. Fort bien, Monsieur. Qu'arriverait-il si vous décidiez de ne pas en

13 informer la police ?

14 R. Je ne pouvais pas devenir, moi-même, un criminel. Je n'ai pas été le

15 seul à avoir rapporté ce type de cas ou de comportements. Comme je vous

16 l'ai déjà dit, tous n'étaient pas des criminels. Ces criminels ne sont que

17 5 %. Ils sont arrivés d'Albanie.

18 Q. Monsieur Fazliu, je m'excuse. Peut-être ma question n'a-t-elle pas été

19 suffisamment claire. Peut-être est-ce de ma faute. Je vais essayer de la

20 reformuler.

21 Ma question était celle de savoir ce qui suit : au fil du temps, il y a eu

22 des attentes de la part de la police d'Urosevac concernant les informations

23 de votre part concernant une conduite criminelle, n'est-ce pas ?

24 R. Non. La police ne me forçait pas à le faire.

25 Q. Mais qu'adviendrait-il si vous ne rapportiez pas une conduite

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1 criminelle ?

2 R. Quelqu'un d'autre l'aurait fait.

3 Q. Que se serait-il produit si vous aviez été la seule personne à avoir eu

4 connaissance d'une conduite criminelle ?

5 R. Je ne comprends vraiment pas votre question. Que voulez-vous dire par

6 ce que vous avez dit "si j'étais la seule personne ?" Je ne suis pas la

7 seule personne au Kosovo, 80 % de la population du Kosovo sont des

8 Albanais.

9 Q. Voilà de quoi il s'agit, on s'attendait de votre part à ce que vous

10 rapportiez obligatoirement les activités de ce qu'il est convenu de

11 désigner par membres de l'UCK à la police, n'est-ce pas ?

12 R. Lorsqu'il m'était donné de voir deux ou trois personnes portant des

13 armes ou portant des uniformes avec des inscriptions de l'UCK, des insignes

14 de l'UCK et si tant est que je savais qu'ils n'apportaient rien de bien,

15 or, là, c'est une tradition familiale qui date de mon arrière arrière-

16 grand-père -- ces gens-là étaient appelés des membres du parti Bale [phon],

17 des Balistes et ils allaient dans les montagnes, ils kidnappaient les

18 femmes et je ne sais pas comment vous expliquez cela de façon différente.

19 Nous avions pour devoir de rapporter la présence de telles personnes.

20 Q. Monsieur Fazliu, vous avez une tradition familiale datant de votre

21 arrière arrière-grand-père qui consiste à se conformer à la loi et à

22 rapporter toutes violations de la loi. C'est bien ce que vous voulez nous

23 dire dans votre témoignage, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, bien sûr. Ces gens-là enfreignaient la loi. C'étaient des gens qui

25 faisaient du trafic de drogues et du trafic d'armes.

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1 Q. Vous souvenez-vous de l'incident que vous avez mentionné en 1991 où

2 vous avez été agressé par trois personnes et vous aviez possédé

3 illicitement une arme et où vous avez blessé l'un de vos agresseurs. Vous

4 rappelez-vous de ce récit ?

5 R. En effet.

6 Q. Pourriez-vous nous expliquer le fait que malgré votre force morale et

7 qu'il fallait obéir à la loi et rapporter les infractions et les personnes

8 qui enfreignaient la loi et l'importance de la tradition qui vous avait été

9 transmise par votre arrière-grand-père, vous souvenez-vous d'avoir un jour

10 enfreint la loi car vous possédiez une arme et c'était illicite ? Pourriez-

11 vous nous expliquer cette incohérence ?

12 R. Ecoutez, je possédais une arme car je devais me défendre et il est dit,

13 dans la loi, qu'on peut garder une arme pour se défendre. D'après la

14 religion musulmane, il est dit qu'on doit se protéger par tous les moyens

15 possibles. J'avais une arme et j'avais un permis de port d'armes.

16 Q. Pardonnez-moi, mais ce n'est pas ce que vous avez dit dans votre

17 témoignage, il y a une heure ou une heure et demie. Vous avez dit : "A ce

18 moment-là, j'étais en possession illégale d'une arme."

19 R. Oui, c'était illégal.

20 Q. C'est ce que vous avez dit à la Chambre de première instance.

21 R. Oui.

22 Q. Permettez-moi de terminer ma question. C'est à moi de vous poser des

23 questions aujourd'hui.

24 Ma question est celle-ci : comment se fait-il que lorsque vous avez estimé

25 que c'était dans votre propre intérêt de faire quelque chose d'illégal,

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1 vous l'avez fait et néanmoins, vous avez le sens de cette obligation et de

2 ce devoir de rapporter toutes les infractions ou allégations d'infractions

3 ou autres ? Pourriez-vous nous expliquer cela, s'il vous plaît ?

4 R. Oui, tout à fait. Nous n'avions pas le droit de garder ou d'avoir sur

5 nous des pistolets. Nous avions des fusils. J'avais ce fusil, il est vrai,

6 sur moi et c'était illégal et c'est ce que j'ai dit au Tribunal. Le

7 pistolet que j'avais sur moi était, il est vrai, un pistolet que je

8 détenais de façon illégale. Même, j'étais en possession de cela plus tard.

9 Q. Vous ne répondez pas à la question que je vous ai posée.

10 R. En tant que garde champêtre, j'avais tout à fait le droit d'avoir sur

11 moi une arme; ceci est inscrit dans la loi. C'est la raison pour cela.

12 Personne n'a chanté mes louanges pour avoir détenu cette arme de façon

13 illégale. Comme je vous l'ai dit, j'ai été condamné pour cela.

14 Q. N'êtes-vous jamais entré au poste de police d'Urosevac pour pouvoir

15 fournir des éléments d'information à la police, à ce moment-là, pendant les

16 années 1990, au moment où vous étiez garde champêtre ?

17 R. Oui.

18 Q. Savez-vous si les personnes interrogées ou détenues au poste de police

19 d'Urosevac n'ont jamais été torturées ? Est-ce que vous savez cela ?

20 R. Non, elles n'ont pas été torturées. Parce que j'ai rapporté cela et je

21 peux le dire aujourd'hui, également. Je l'ai vu et les personnes n'ont pas

22 été maltraitées car cette question a été tranchée par le tribunal.

23 Q. Je vois. Je souhaite maintenant vous montrer une ou deux photographies,

24 Monsieur.

25 Si vous voulez bien placer celles-ci sur le rétroprojecteur, s'il vous

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1 plaît. Nous allons commencer par celle-ci.

2 Veuillez regarder cette photographie, s'il vous plaît ?

3 R. Oui, je la vois.

4 Q. Il s'agit là d'une photographie qui a été prise par le Dr Xheladin --

5 M. KAY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons ici établir la base de

6 cela ? Je sais d'où viennent ces éléments de preuve. J'ai tout à fait

7 l'habitude de ce genre de questions posée par l'Accusation.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais cette personne.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous en prie. Etablissez les

10 fondements de cela.

11 M. KAY : [interprétation] Il a donné la réponse.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il ne connaît pas cette personne.

13 M. KAY : [interprétation] Cela est tellement évident, il ne peut évidemment

14 pas parler du dossier médical de quelqu'un d'autre. C'est un garde

15 champêtre, on lui a montré le dossier d'un médecin qui se trouvait dans la

16 région. Ceci n'a vraiment rien à voir avec un contre-interrogatoire

17 adéquat. Il ne s'agit pas d'en établir un fondement là-dessus. Peut-être

18 qu'il faudrait commencer par là avant de commencer à montrer des pièces sur

19 le rétroprojecteur, quelles que soient les raisons pour lesquelles ces

20 photographies soient présentées.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que la première chose qui

22 aurait dû être établie, c'est le fondement pour l'affirmation faite par le

23 témoin lorsqu'il a dit que personne n'a été torturé au poste de police.

24 M. KAY : [interprétation] Je pensais qu'il entendait par là qu'il

25 s'agissait des personnes avec lesquelles il avait été en contact. La

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1 question était tellement large, la question qui a été posée par

2 l'Accusation, que le témoin s'en est tenu à ce qu'il savait uniquement.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Saxon.

4 M. SAXON : [interprétation] Je vais donc enlever la photographie.

5 Q. Sur quoi vous fondez-vous lorsque vous dites que personne n'a été

6 maltraité ou torturé au poste de police d'Urosevac. Pourquoi dites-vous

7 cela ? Comment le savez-vous ?

8 R. Je dis cela parce que 200 personnes environ, je n'ai pas vu d'autres

9 photographies -- si vous montrez la tête, le visage de quelqu'un, j'aurais

10 peut-être été en mesure de reconnaître la personne en question. Comme je

11 suis assis ici aujourd'hui, je vois le visage des gens. Comment peut-on

12 reconnaître quelqu'un sur une photographie comme celle-ci ?

13 Q. La question que je vous ai posée, est celle-ci. Vous venez de dire à la

14 Chambre de première instance que personne n'avait été torturé ou maltraité

15 au poste de police d'Urosevac. La question que je vous pose est celle-ci :

16 comment le savez-vous ?

17 R. Je sais cela car 200 membres de ma famille me l'ont dit. Il y avait mon

18 oncle, le frère de ma mère et personne ne les a jamais touchés. Je n'ai pas

19 rapporté cela. Je n'ai rapporté cela à personne, mais j'en ai parlé aux

20 membres de ma famille. Je ne vous mens pas car personne ne les a torturés.

21 Personne ne leur a fait du mal.

22 L'un d'entre eux a été torturé. On peut le confirmer aujourd'hui.

23 Donc je vous parle de ce que je connais.

24 Q. J'essaie de comprendre votre déposition. Est-ce que vous dites qu'au

25 fil du temps, au cours des années 1990, 200 membres de votre famille

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1 élargie ont été soit détenus, soit interrogés au poste de police

2 d'Urosevac ? C'est ce que vous êtes en train de dire ?

3 R. Non. Je n'ai pas parlé de 200. Vous m'avez parlé de la torture et j'ai

4 dit de ces 200 membres de ma famille. Je ne connais personne qui ait été

5 torturé. C'est la première fois que je vois une telle photographie.

6 Q. Simplement pour résumer votre déposition. Vous dites dans votre

7 déposition aujourd'hui que personne n'a jamais été torturé ou maltraité au

8 poste de police d'Urosevac et que vous vous fondez sur les conversations

9 que vous avez eues avec les membres de votre famille élargie au nombre de

10 200; est-ce exact ?

11 R. J'ai dit et j'ai cité les chiffres de 200, mais je peux vous affirmer

12 cela pour 3 000 personnes et personnes qui n'ont pas été torturées.

13 Belince, Judikarak [phon] et toutes les personnes de ces régions-là, de

14 Latiste, le village de Zega. Il y a des gens que je connais de la belle-

15 famille qui vivent dans ces villages et je n'ai connaissance d'aucun qui

16 aurait été maltraité ou torturé. Je connais un seul cas de quelqu'un qui a

17 attaqué un policier et il a été passé à tabac.

18 Pendant toute cette période, je sais qu'il n'y a eu qu'un seul cas de ce

19 type.

20 Q. Monsieur --

21 R. Je n'ai jamais vu d'autres cas. Pour ce qui est de ce que vous venez de

22 me montrer, je n'ai jamais vu de telles images.

23 Q. Connaissez-vous toutes les personnes qui ont été détenues au poste de

24 police au SUP d'Urosevac entre 1991 et 1999 ?

25 R. Oui.

Page 42856

1 Q. Vous connaissez chaque personne qui a été détenue à un moment donné ou

2 à un autre, pour une raison ou pour une autre à cette époque-là, au poste

3 de police d'Urosevac. C'est ce que vous dites bien dans votre déposition

4 aujourd'hui ?

5 R. Ils ont été détenus au poste de police d'Urosevac Ferizaj, où ils ont

6 été capturés en possession d'armes ou en possession d'autres objets

7 illicites. Moi-même, j'ai appelé la police lorsque je croisais les

8 personnes qui transportaient des marchandises importantes. A ce moment-là

9 je les emmenais au poste de police, mais ils n'ont pas été passés à tabac.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous n'avez pas répondu à la

11 question. La question est de savoir si vous connaissez chaque personne qui

12 a été détenue en l'espace de neuf ans, entre 1991 et 1999. Répondez soit

13 par oui soit par non.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vous l'ai dit déjà, parmi toutes ces

15 personnes, aucune d'entre elles à l'exception d'une seule personne qui a

16 attaqué un policier, aucune des autres personnes n'a été maltraitée ou

17 torturée. Je ne peux pas répondre des autres.

18 M. SAXON : [interprétation]

19 Q. Vous ne connaissez pas toutes ces personnes personnellement, parce que

20 le nombre ou le chiffre de ces personnes est trop important. Vous étiez

21 vous-même dans la forêt, puisque vous étiez garde champêtre, n'est-ce pas ?

22 R. Je connais bon nombre de ces personnes, car dans mon secteur j'avais 12

23 villages. Récemment le chiffre a grimpé à 60. Je vous ai dit un peu plus

24 tôt entre Strpce et Stimlje, Ferizaj et Gnjilane, ceci faisait partie de

25 mon secteur, mais je n'ai jamais constaté que les gens ont été torturés.

Page 42857

1 Vous me parlez de ces tortures, jamais je n'ai vu cela.

2 Q. Monsieur --

3 R. Je ne peux pas garantir --

4 Q. Bien. Vous ne pouvez pas garantir cela, mais je vais passer à un autre

5 sujet, parce que nous allons bientôt faire une pause.

6 Vous dites que votre fille a été enlevée. Est-ce que ceci s'est

7 produit à Ferizaj ?

8 R. Oui.

9 Q. Pourriez-vous nous donner la date de cet enlèvement, s'il vous

10 plaît ?

11 R. Je ne me souviens pas de la date, car je voulais me tuer lorsque j'ai

12 appris la nouvelle de son enlèvement.

13 Q. Au cours de quel mois ceci a-t-il eu lieu ?

14 R. Il y a cinq ou six mois de cela. Je ne peux pas vous donner la date

15 exacte. Je ne sais pas combien de mois se sont écoulés, car je me sens mal

16 depuis lors.

17 Q. Nous sommes maintenant à la mi-août 1999 [comme interprété], donc votre

18 fille aurait été enlevée au mois de mars ou au mois d'avril ? Est-ce que

19 ceci vous paraît correspondre à la situation ? Ou peut-être au mois de

20 février ou mars ?

21 R. Cinq mois, à deux ou trois jours près. Je sais que cela remonte à cinq

22 mois, le moment où ma fille a été enlevée. Lorsque j'ai reçu l'information

23 comme quoi j'allais venir ici, ma fille a été enlevée trois jours plus tard

24 et lorsque je suis arrivé ici, ma fille a appelé ma femme pour lui dire

25 qu'elle était en vie. Mon père m'a également dit cela.

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1 Q. Quelle est votre réponse --

2 R. Et je crois que c'est la raison.

3 Q. Comment s'appelle votre fille, celle qui a été enlevée ?

4 R. Hazbija Fazliu.

5 Q. Il doit y avoir un rapport de la MINUK là-dessus, n'est-ce pas ?

6 R. Oui, certainement.

7 M. SAXON : [interprétation] Je regarde l'heure, Monsieur le Président,

8 peut-être qu'il serait opportun de faire une pause maintenant. J'ai encore

9 quelques questions à poser au témoin demain.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous allez dépasser cinq

11 à dix minutes ou est-ce que vous avez besoin davantage de temps ?

12 M. SAXON : [interprétation] Oui, peut-être.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'après ces dernières questions, je

14 pense que vous allez de toute façon explorer ces questions avant de

15 terminer votre contre-interrogatoire.

16 M. SAXON : [interprétation] Oui, bien sûr. Je vais faire cela.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose qu'il y a des erreurs

18 typographiques à la ligne 15, page 83, "1999."

19 M. SAXON : [interprétation] Oui, pardonnez-moi. Je me suis trompé, nous ne

20 sommes pas à la mi-août 1999 mais à la mi-août 2005.

21 Q. Pourriez-vous simplement nous dire, Monsieur le Témoin, à quel poste de

22 police a été rapporté ce crime ?

23 R. Comme je vous l'ai déjà dit, au poste de police de Ferizaj. Vous pouvez

24 vérifier en vérifiant les communications sur les téléphones portables, vous

25 pourrez vérifier ce que je dis et je suis là pour affirmer cela.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous allons lever l'audience

2 et reprendre demain matin à 9 heures.

3 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le vendredi 19 août

4 2005, à 9 heures 00.

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