Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 25 août 2005

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic,

7 votre contre-interrogatoire principal.

8 LE TÉMOIN: VOJISLAV SESELJ [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]

11 Q. [interprétation] Hier, nous nous sommes arrêtés au moment où nous

12 parlions du rôle joué par l'armée et à l'attitude adoptée alors par

13 l'armée. Au paragraphe 85 du volet concernant la Croatie -- je vais vous

14 demander de trouver le passage approprié.

15 R. Vous dites 85 ?

16 Q. Oui, oui. C'est à la page 24 du volet consacré à la Croatie. En effet,

17 ce livre ou cet acte d'accusation n'est pas bien numéroté, la pagination

18 n'est pas bonne.

19 R. Je l'ai trouvé.

20 Q. Il est dit ici qu'en Croatie, et là, je ne veux pas aborder tous les

21 détails, même s'ils sont tout à fait absurdes vu la situation qui prévalait

22 alors en Yougoslavie, il est dit ici qu'il y avait une occupation

23 partielle. Est-ce que vous pourriez me donner une explication puisque vous

24 étiez là ? Vous suiviez l'évolution des événements et vous connaissez aussi

25 l'histoire. Est-ce que quelqu'un peut occuper un territoire sur lequel ces

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1 gens vivent, sur lequel ils ont leurs maisons, des maisons dont les

2 fondations ont été établies depuis des centenaires par leurs ancêtres ?

3 Vous avez présenté la théorie de tout ceci, dites-nous ce qu'il en était en

4 pratique ?

5 R. C'était, bien sûr impossible, Monsieur Milosevic. Dans toute la

6 République de Croatie en 1991, il n'y a pas eu d'occupation. Qu'est-ce qui

7 se passait ? Il y a eu un soulèvement illégal, anticonstitutionnel,

8 séparatiste croate, c'était quelque chose d'illégitime. La seule force

9 armée légale, légitime, c'était la JNA. C'est tout à fait dépourvu de sens

10 de dire qu'il y a eu une occupation partielle à partir du 7 octobre 1991, à

11 partir de cette date-là.

12 Ce sont les dirigeants séparatistes croates qui, de façon unilatérale, ont

13 proclamé l'indépendance. Mais la Croatie n'avait pas encore été reconnue en

14 tant qu'Etat indépendant. C'est resté un Etat illégal. Même après le 8

15 octobre ce fut le cas. Qu'est-ce qui se passait en Croatie ? Il y avait un

16 conflit armé de nature interne. En fait, c'était une guerre civile

17 provoquée par un soulèvement séparatiste et l'armée populaire yougoslave

18 n'aurait pas pu être un occupant où que ce soit dans ce qui était encore, à

19 ce moment-là, la RSFY.

20 Q. Qu'en est-il des Serbes de Krajina ? Est-ce que ceux-là auraient pu

21 occuper leurs propres maisons, leurs propres villes et villages ?

22 R. C'est impossible, comment pourraient-ils occuper leurs propres

23 villages, villes, maisons, leurs biens dans toute cette partie-là de la

24 Krajina ? C'était la population majoritaire, et au moment des élections

25 locales, ils sont sortis pour la plupart vainqueurs, ils ont établi des

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1 gouvernements locaux. Les Serbes essayaient simplement de se protéger de ce

2 régime oustachi récemment établi qui invoquait déjà les symboles et

3 l'idéologie du régime fasciste oustachi de la Deuxième guerre mondiale.

4 Q. Qu'en est-il de l'armée, puisque nous en avons longuement parlé hier ?

5 L'armée qui se trouvait sur ce territoire s'était trouvée sur ce territoire

6 pendant 70 ans. Il y avait des casernes, des garnisons et, après tout, elle

7 avait une existence légitime sur ce territoire. Puis arrive 1991, l'armée

8 était encerclée dans ses casernes, elle a été exposée à toutes sortes de

9 pressions, on est même allé jusqu'à l'assassinat, jusqu'au meurtre. Comment

10 peut-on traiter ces hommes d'occupants puisqu'ils étaient arrivés 70 ans

11 plus tôt et il y avait dans l'armée des membres de toutes appartenances

12 ethniques --

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous mélangez vos questions avec des

14 commentaires. Posez rapidement votre question.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. De façon générale dès lors, vu le statut qu'avait l'armée, est-ce

17 qu'elle aurait pu être une armée d'occupation surtout en 1991 vu les

18 événements y affairant, est-ce que l'armée était un occupant ?

19 R. Impossible, tout à fait impossible. Je l'ai déjà dit, c'était la seule

20 force armée légitime et les services de Sécurité militaires ont présenté

21 des documents à l'opinion publique, cela a été prouvé, cela se voit partout

22 à la télévision dès le mois de janvier 1991, on a montré qu'il y avait des

23 formations paramilitaires croates qui avaient été armées illégalement,

24 surtout la ZNG, le Corps de la Garde nationale. Il y avait énormément

25 d'armes qui étaient venues de Hongrie, elles étaient de fabrication

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1 hongroise surtout. Il y avait aussi des entrepôts de l'ex-RDA. Le

2 gouvernement allemand voulait, le plus vite possible, se débarrasser de

3 toutes ces armes, c'était donc du pain béni pour les allemands ici de

4 trouver dans les Croates des alliés.

5 Il y a des témoignages très précis, notamment du général Martin

6 Spegelj qui auparavant était commandant de la JNA, puis a été commandant de

7 la région de Zagreb --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie Monsieur Seselj. Je

9 voulais vous demander une chose, si vous affirmez qu'il n'y a pas eu

10 d'occupation après le 8 octobre 1991, est-ce uniquement d'après vous parce

11 que vous ne reconnaissez pas l'indépendance accordée à la Croatie ce jour-

12 là ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est vous qui dites que je ne l'admets pas ?

14 Mais personne ne reconnaît la Croatie en tant qu'Etat indépendant.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce là la raison que vous

16 invoquez ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une raison, mais ce n'est pas la seule.

18 La Yougoslavie existait encore en tant qu'Etat reconnu internationalement.

19 Même à ce moment-là, on n'avait pas reconnu la sécession de la Slovénie,

20 même si, à partir d'un accord conclu, la JNA s'était retirée de la

21 Slovénie. Théoriquement, la Yougoslavie existait toujours. C'était un sujet

22 en vertu du droit international. Personne n'a mis en doute dans le monde

23 l'intégrité territoriale de la Yougoslavie, c'était encore un membre des

24 Nations Unies.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur Seselj, vu votre réponse, je vous demande de lire le

3 paragraphe 110, c'est quelques pages à peine plus loin.

4 R. On le dit ici ouvertement : "La RSFY a existé en tant qu'Etat souverain

5 jusqu'au 27 avril 1992, date à laquelle a été adoptée la constitution de la

6 RFY en remplacement de la constitution de la RSFY de 1974." C'est admis

7 ouvertement ici dans l'acte d'accusation.

8 La proclamation de la République fédérale de Yougoslavie a été précédée par

9 la reconnaissance légale, même si elle était illégitime, de la Slovénie, de

10 la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine. Pourquoi est-ce

11 que c'était illégal ? Parce que ces Etats récemment créés n'auraient pas pu

12 être reconnus dans des territoires qui n'étaient pas sous le contrôle du

13 gouvernement central. D'abord la Croatie a été reconnue par le Vatican,

14 l'Allemagne, puis par les autres puissances occidentales en tant qu'Etat

15 indépendant même si le gouvernement central de Zagreb n'a même pas contrôlé

16 un tiers du territoire croate. Deux tiers était contrôlé par --

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, bientôt M. Nice va

18 se lever pour dire que vous n'êtes pas ici à titre d'expert en droit, si

19 vous étiez ici à titre d'expert, il aurait fallu avertir l'Accusation de la

20 nature de votre déposition, même si vous êtes juriste, même si vous êtes

21 professeur, gardez à l'esprit que ce sont là des questions de droit

22 épineuses dont il faudra débattre au niveau de la Chambre. Vous êtes ici en

23 tant que témoin des faits.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, je ne parle que de faits

25 dans mon témoignage, mais en même temps que ces faits, je dois vous donner

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1 certaines explications. Vous savez, je ne suis pas un illettré ou un semi-

2 illettré qui ne fait que deviner les choses ici. Je m'appuie, pour

3 présenter ces faits, sur la situation de droit et de faits.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai donné une certaine marge

5 de manœuvre vous savez.

6 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suppose, Monsieur Robinson, que cet

8 avertissement ne porte pas sur le fait que M. Seselj vient de lire le

9 paragraphe 110 de l'acte d'accusation où la partie adverse a écrit que la

10 RSFY a existé en tant qu'Etat souverain jusqu'au 27 avril 1992. Est-ce que

11 c'est un fait qui est contesté par la partie adverse ?

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous en avons pris dûment note. Je

13 parle uniquement de la qualité qui serait celle du témoin, à savoir

14 d'expert ou pas.

15 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Mais qu'est-ce qu'ils ont reconnu ? Vous le voyez ici mieux, si vous

18 prenez les paragraphes 89 et 90. Je vais vous demander de les lire tous les

19 deux parce que c'est ce que la partie adverse a écrit avant de recevoir

20 l'ordre d'émettre un acte d'accusation pour la Bosnie-Herzégovine.

21 Veuillez lire les paragraphes 89 et 90.

22 R. A toutes les périodes ou époques concernées par le présent acte

23 d'accusation ?

24 Q. Non, non, je parle ici de l'acte d'accusation portant sur le Kosovo.

25 R. Je vois. "A la fin juin 1991, la RSFY a commencé à se désintégrer par

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1 suite des guerres menées dans la République de Slovénie (Slovénie par la

2 suite), la République de Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Le 25 juin 1991,

3 la Slovénie s'est déclarée indépendante de la RSFY, à la suite de quoi la

4 guerre a éclaté. Un accord de paix a été conclu le 8 juillet 1991. La

5 Croatie a proclamé son indépendance le 25 juin 1991, ce qui a conduit à des

6 hostilités entre, d'une part, les forces armées croates et de l'autre, la

7 JNA, des éléments paramilitaires et l'armée de la République de Krajina

8 serbe."

9 Paragraphe 90, je cite : "Le 6 mars 1992, la Bosnie-Herzégovine a proclamé

10 à son tour son indépendance --"

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est quel acte d'accusation ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est celui du Kosovo.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois. Vous êtes revenu au Kosovo.

14 Mais Monsieur Milosevic, ce n'est pas votre rôle de lire l'acte

15 d'accusation, vous devez le résumer, le synthétiser et poser vos questions

16 suite à la synthèse que vous faites de ces paragraphes, parce que nous

17 savons que le témoin n'est pas un analphabète; il sait lire. Alors, inutile

18 de le dire.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Il sait écrire aussi.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui, je le suppose.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Vous avez un document de la partie adverse qui présente des accusations

23 qui concernent le Kosovo. Est-ce que vous avez remarqué ceci ? Ces

24 paragraphes concernent aussi la Croatie, la Bosnie-Herzégovine. Vous l'avez

25 remarqué, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui.

2 Q. C'est dit ici de façon tout à fait résolu. Cet acte d'accusation était

3 rédigé avant que l'acte d'accusation ne reçoive l'ordre d'émettre un acte

4 d'accusation pour la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Donc, elle ne savait

5 pas qu'elle allait devoir le faire mais la Croatie a proclamé son

6 indépendance --

7 M. NICE : [interprétation] Je ne me suis pas engagé manifestement. L'accusé

8 cherche à nous appâter. J'ai résisté à cette tentation, et je voudrais

9 qu'on demande et qu'on force l'accusé à présenter des faits dans sa

10 déposition.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, entendons votre question tout

12 d'abord, Monsieur Milosevic.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Par conséquent, au paragraphe 89, il est dit que la déclaration ou la

15 proclamation d'indépendance entraînait la guerre. En 1990, on dit pour la

16 Bosnie-Herzégovine, que cette proclamation d'indépendance avait abouti à

17 une guerre généralisée, une guerre totale. Je vous demande ceci. Ce qui est

18 écrit ici concerne la Croatie et la Bosnie.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous voyez, il est dit ici que -- là

20 vous affirmez que cette déclaration entraînait la guerre. Cela c'est une

21 question de fait. Quelle est la question que vous voulez poser à M.

22 Seselj ?

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Les deux. Je veux lui demander si d'autres

24 créent, produisent la guerre. S'il est possible de parler ici d'une

25 entreprise criminelle de la part de qui ce soit en Serbie.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je rejette cette question. Elle

2 n'est pas autorisée parce que c'est uniquement de la conjecture. Ce n'est

3 pas une question en bonne et due forme.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Attendez une minute, Monsieur Robinson. Les

5 Serbes, comment peuvent-ils parvenir à réaliser certains objectifs ou des

6 plans par des guerres qu'ont créées d'autres. C'est une question

7 parfaitement légitime.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est un argument que vous pourrez

9 présenter en fin de procès. Le témoin n'est pas ici pour répondre à ce

10 genre de questions.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, paragraphe 22 du volet

12 Croatie de l'acte d'accusation. Je pense que c'est aussi le paragraphe 22

13 pour le volet consacré à la Bosnie. Ceci ne concerne que M. Seselj

14 exclusivement. Comme ils le disent ici, au paragraphe 9 --

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous parliez du 22. Est-ce que vous

16 n'avez pas parlé du fait que M. Seselj avait aidé des volontaires serbes ?

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, je vous en prie. Tirons ceci au clair.

18 Faisons toute la lumière. Il s'agit de l'entreprise criminelle commune.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Au paragraphe 9, regardez les autres parties.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quelles parties ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] La partie croate.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. On dit : "Tous les participants à l'entreprise criminelle commune ou

25 co-auteurs y ont joué un rôle qui leur était propre ou qui a largement

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1 contribué à la réalisation de l'objectif général de l'entreprise. Les rôles

2 joués par les participants ou co-auteurs ci-après comprennent, sans se

3 limiter, les suivants." Puis, on a deux points, et vous avez toute une

4 série de noms qui sont mentionnés. On arrive à votre nom au paragraphe 22.

5 Vojislav Seselj. Vous faites partie, vous êtes inclus dans cette entreprise

6 criminelle commune. C'est pour cela que je vous ai posé la question que je

7 vous ai posée il y a quelques instants. Quand ce sont d'autres qui causent

8 la guerre, qui la provoquent, vous êtes accusé de participer à une

9 entreprise criminelle commune dont j'étais à la tête.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai déjà dit, lorsque vous

11 avez fini, lorsque j'ai donné une décision sur une question, vous devez

12 passer à une autre question.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui, je vais passer à une autre question.

14 Je vais quand même citer le paragraphe 22. On a toute une série d'épithètes

15 --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourquoi ? Nous l'avons sous les

17 yeux. Si vous avez une question précise à poser à propos de ce paragraphe,

18 faites-le mais avancez.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Parce que je pense que M. Seselj devrait

20 répondre à des questions qui sont en rapport avec le sujet privilégié de M.

21 Nice et d'autres; ceux qui parlent de la Grande Serbie.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Monsieur Seselj, ces volontaires mentionnés ici généralement connus

24 sous le nom de Chetniks ou d'hommes de Seselj, est-ce que nous n'avons pas

25 expliqué tout ceci hier, lorsque nous avons parlé du statut des

Page 43213

1 volontaires. Puis, voici ce que dit le reste du paragraphe 22. "En outre,

2 il a ouvertement cautionné et encouragé la création d'une Grande Serbie par

3 la violence et d'autres moyens illégaux, et a activement participé à la

4 propagande de guerre et à la diffusion de la haine interethnique."

5 On dit ici, dans ces accusations adressées directement à moi

6 personnellement, vous êtes mentionné comme étant participant d'une

7 entreprise criminelle commune. J'ai une question à vous poser. Elle

8 concerne cette soi-disant violence, ces moyens illégaux par lesquels vous

9 avez essayé de créer une Grande Serbie et la diffusion d'une haine

10 interethnique. Pour que les explications soient claires, voyons ce que ceci

11 a à voir avec les faits dans la réalité.

12 R. Il n'y a qu'un fait.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A mon avis, vous ne posez pas de

14 questions. Hier, M. Seselj l'a dit de façon suffisamment claire. Il a dit

15 qu'il avait fait sienne le concept, la cause d'une Grande Serbie mais

16 sûrement pas par la haine ou par d'autres moyens illégaux. On en a parlé en

17 long et en large déjà de cet élément dans la déposition du témoin. Vous ne

18 posez pas de questions. Vous n'avez pas de questions. Tout ceci ne sert, à

19 mon avis, pour vous, qu'à présenter des conclusions. Ce qu'on devrait

20 présenter beaucoup plus tard.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passez à une autre question,

22 Monsieur Milosevic.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je me propose de poser des

24 questions concrètes, des questions auxquelles il mérite d'être apporté des

25 réponses.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur Seselj, vous avez défendu le concept de la Grande Serbie.

3 Partant des citations qui ont été faites ici, nous avons déjà entendu

4 parler de cette Grande Serbie. Veuillez nous expliquer le concept en tant

5 que tel.

6 R. C'est un concept idéologique qui date de très longtemps. Il a fait son

7 apparition dans le public en 1683, du temps de l'échec des Turcs aux portes

8 de Vienne. Djordje Brankovic, un éminent chef politique serbe de l'époque

9 s'est adressé par un mémoire --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Plutôt que de parler du 17e siècle,

11 nous aimerions entendre ce que M. Seselj pense de ce concept de la Grande

12 Serbie.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Bonomy, je comprends cette notion de

14 Grande Serbie, et pour ce faire, pour le comprendre, je me fonde sur le

15 concept datant du 17e siècle. Dans bon nombre de procès diligentés devant

16 le Tribunal de La Haye - et j'ai pratiquement lu tous les jugements rendus,

17 il y a été question d'un grand nombre de témoins qui ont parlé de la Grande

18 Serbie, qui n'ont aucune idée de ce que cela veut dire, et dans bon nombre

19 de jugements, on prend cela pour un fait. Or, en ma qualité de plus grand

20 nationaliste vivant et idéologue en chef du nationalisme serbe, je peux

21 vous donner une explication originale de ce concept. Cela serait utile pour

22 ce procès-ci et pour les autres procès également, parce que s'agissant de

23 toutes les personnes qui soient englobées par l'entreprise criminelle

24 commune, aucune d'entre elles, mis à part moi-même, n'a jamais parlé de la

25 Grande Serbie, et a été loin de s'employer en faveur d'une Grande Serbie.

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1 Mon engagement en faveur de la Grande Serbie qui date de plus de 30 ans est

2 mis à profit ici pour qu'on le reproche à d'autres personnes qui n'ont rien

3 à voir avec ceci. Je suis prêt à mourir pour l'idée de la Grande Serbie.

4 Permettez-moi d'expliquer ce que signifie cette idée, ce que signifie le

5 concept de la Grande Serbie. Je m'efforcerai d'être le plus bref possible.

6 Une fois que l'on aura pris en considération les points historiques, je me

7 propose de vous donner mon idée de ce concept si cela vous intéresse. Je ne

8 vais vous obliger à écouter par la force.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Seselj, dans tout ce que vous

10 venez de dire jusqu'à présent, vous nous avez clairement fait savoir que

11 vous avez un point de vue personnel concernant la Grande Serbie. C'est ce

12 qui nous intéresse. Nous ne voulons pas écouter les détails relatifs à

13 l'évolution de l'idée au fil de l'histoire, à moins que cela ne vienne à

14 être pertinent pour ce qui est de votre compréhension personnelle de ce

15 concept.

16 M. NICE : [interprétation] Je voudrais ajouter un point. La question

17 relative à la Grande Serbie a été mentionnée à l'occasion de l'ouverture du

18 procès dans la mesure où ceci a été entendu de la bouche d'autres

19 personnes, y compris la personne ici présente. Cela a fait partie du volet

20 Croatie de l'acte d'accusation.

21 Au procès, cela a été mentionné à l'occasion de témoignages de

22 l'Accusation pour ce qui est des témoignages historiques, et ce, dans la

23 mesure où cela était possible. Les témoins experts et les témoins de fait,

24 lors de la présentation des éléments de preuve de la Défense, ont également

25 parlé de la question. Mihailovic, Avramov, Popov, Terzic l'ont fait

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1 également. Il n'est point nécessaire de faire davantage de présentation

2 d'experts, notamment de la part d'un témoin qui n'a pas servi de rapport

3 d'expert. Et avec tout le respect que je dois à la Chambre, j'aimerais que

4 les positions présentées par le Juge Bonomy soient acceptées.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je voudrais attirer votre

6 attention --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Une seconde, Monsieur Milosevic, les

8 Juges se concertent.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, nous allons vous

11 entendre sur le concept relatif à la Grande Serbie. Il peut s'avérer

12 nécessaire, comme vous le dites, de parler de l'histoire, mais nous vous

13 prions d'être des plus brefs à ce sujet. Nous voudrions que vous ne parliez

14 du concept moderne en tant que tel, et dites-nous ce que vous entendez par

15 ce concept de Grande Serbie. Vous êtes prié d'être très bref.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Le concept --

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Monsieur Seselj, un instant.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous n'avez pas

20 à nous interrompre. J'ai posé une question au témoin et j'ai le droit de le

21 faire. Je demande au témoin de répondre.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'ai --

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai coupé la parole.

24 Monsieur Seselj, je vous ai posé une question. Veuillez y répondre.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Le concept de la Grande Serbie sous-entend un

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1 Etat serbe unifié dont feraient partie toutes les terres serbes ou les

2 Serbes sont une population majoritaire. Toutefois, ceci est contraire aux

3 tentatives du Vatican, de l'Autriche et autres, qui visent à réduire le

4 peuple serbe à ces ressortissants ou à cette population de religion

5 orthodoxe. Mais dans l'être serbe, il y a des Serbes orthodoxes, des Serbes

6 catholiques et des Serbes musulmans.

7 Djordje Brankovic s'est adressé à l'empereur autrichien lorsque les

8 Autrichiens ont battu l'armée turque pour libérer bon nombre de terres

9 autrichiennes. Il lui a demandé s'agissant pour ce qui est des terres

10 serbes, et qu'entend-on par terre serbe. Par des terres, on entend par là

11 les terres on parle le serbe. Alors, cela a servi de déterminante pour ce

12 qui est de la définition des terres serbes. Il a demandé à ce que soit

13 créée une unité particulière dans le cadre de l'empire autrichien et

14 l'empereur autrichien a accepté sa demande. Il lui a donné un titre de

15 comte, et il est devenu le despote du Banat Srem et de l'Herzégovine.

16 Lorsque l'Autriche a libéré toutes ces terres, elle a eu peur étant

17 donné que les Serbes ont occupé une grande partie des Balkans, ils ont

18 emprisonné le comte Djordje Brankovic dans la ville de Hebar en

19 Tchécoslovaquie. Ils lui ont versé des fonds jusqu'à la fin de sa vie, mais

20 ils lui ont limité ses déplacements, et il a été gardé là.

21 Il s'est adressé à l'empereur russe pour demander à libérer tous les

22 territoires serbes de l'esclavage turc et de l'esclavage autrichien pour

23 créer un état serbe. La troisième fois, cette idée fait son apparition de

24 Velimir Stratemirovic [phon], Anevek [phon] de Karlovac dès qu'il y a eu

25 soulèvement contre les Turcs. C'est à l'origine une idée libératrice. Cette

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1 idée vise à faire libérer toutes les terres serbes de l'esclavage ottoman

2 où nous, Serbes, avons passé cinq siècles, puis de l'esclavage autrichien

3 où nous avons passé des siècles également et de l'esclavage sous l'autorité

4 de la République de Venise où nous avons également été dans une sorte

5 d'esclavage pendant des centaines d'années.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous parlez d'un concept qui sous-

7 entend l'unification d'un état serbe qui engloberait tous les territoires

8 serbes où les Serbes se trouveraient être majoritaires, et cela inclurait

9 les Serbes orthodoxes, catholiques, et musulmans. Ceci se trouve être en

10 contradiction avec la position prise depuis des siècles par le Vatican. La

11 chose est claire.

12 M. NICE : [interprétation] Je ne vous ai pas très bien compris.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vous ai pas expliqué tous les détails.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous dites que cela

15 ne fait pas partie des éléments importants de la cause présentée par

16 l'Accusation.

17 M. NICE : [interprétation] Nous avons toujours été très attentifs.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce concept de la Grande Serbie a

19 servi de fondement pour la réunification des différents volets de l'acte

20 d'accusation.

21 M. NICE : [interprétation] Ce concept de tous les Serbes vivant dans un

22 seul et même état est un concept de Grande Serbie, et dont il a longuement

23 été question dans les débats tenus dans ce prétoire. Nous avons toujours

24 considéré que l'accusé ne s'est jamais servi de propose de Grande Serbie ou

25 s'en est servi en les attribuant à autrui. Mais dans les propos tenus par

Page 43219

1 ce témoin-ci, le concept a été utilisé. Vous remarquerez que j'ai toujours

2 fait la différence entre les propos tenus par les autres et nos thèses à

3 nous, à savoir que la motivation qui a animé l'accusé était celle de faire

4 en sorte que tous les Serbes viennent à vivre dans un seul et même état.

5 Lorsque cela ne l'a plus motivé, il a été motivé par des objectifs à lui.

6 En essence et en substance, il s'avérera qu'il n'y aura beaucoup de

7 différences dans la pratique entre l'un et l'autre. Donc, il y a d'une part

8 de façon évidente une notion historique. Ce n'est pas une notion dont je me

9 suis servi à l'occasion de la rédaction de l'acte d'accusation. J'ai été

10 très prudent à l'occasion de l'utilisation de ce concept.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Seselj, j'aurais une question

12 à vous poser s'agissant de la définition que vous avez apportée. Dans votre

13 description, vous avez inséré ce qui suit : vous avez parlé de la

14 définition des terres serbes. Vous avez dit que : "C'étaient des terres où

15 l'on parle le serbe." C'est bien ce que vous vouliez dire ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous voulez laisser entendre que

18 les Croates parlent le serbe ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Suivant cette définition les terres

21 serbes incluent toute la Yougoslavie ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Là, je suis dans la confusion, pour ce

24 qui est des termes utilisés.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je désire vous l'expliquer, je serai bref.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez, vous avez dit quelque chose

2 que j'aimerais que vous nous éclaircissiez. Sur quels territoires cette

3 langue serbe est-elle parlée pour ce qui est de comprendre la définition du

4 concept de la Grande Serbie ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Une grande majorité des Croates de nos jours

6 sont des Serbes catholiques, c'est ce que je m'efforce de vous expliquer.

7 Tous les Musulmans en Bosnie-Herzégovine et dans la région de la Raska ou

8 plutôt du Sandjak, ce sont des Serbes de confession musulmane, la notion de

9 Croate a connu trois significations ethniques au fil de l'histoire. Les

10 premiers Croates ont été un peuple d'origine slave occidentale, très proche

11 des Tchèques et des Polonais. Ils sont venus dans les Balkans entre le mont

12 Govzd et la mer Adriatique. Ces Croates ont eu leur langue et dans la

13 linguistique cette langue est appelée le Cakavski. C'était un petit

14 territoire et, du temps du plus grand des Etats croates, du temps du roi

15 Petar Kresimir III, ce royaume allait jusqu'à la rivière de Vrbas. C'est la

16 rivière qui passe par Banja Luka. Cela passe par une partie du territoire

17 de la Bosnie-Herzégovine.

18 Suite aux attaques ottomanes, cette population croate a été exterminée ou

19 elle a fui vers l'Europe occidentale, ils étaient catholiques. Les

20 catholiques n'étaient pas très disposés à subir l'autorité ottomane et ils

21 ont fui vers des pays qui avaient les mêmes religions. Vous avez de grandes

22 cités de Croates en Autriche à Gradiska, en Slovaquie, en Italie et en

23 Tchécoslovaquie, et cetera. Ce sont là les vrais Croates. Lorsque la

24 Croatie est tombée sous l'Empire ottoman, le roi hongrois dont faisait

25 partie la Croatie a déménagé une partie de cette noblesse croate vers la

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1 Slavonie. Pour ce qui est de ce nouveau substrat ethnique, il y avait ceux

2 qui parlaient le Cakavski.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi ne parlez-vous pas dans

4 quelle limite est parlée la langue serbe ? Nous parlons des temps

5 d'aujourd'hui, partant de l'époque des conflits, et c'est conformément à la

6 définition de la Grande Serbie. Vous ne pouvez pas nous parler de ce fait-

7 là ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Le serbe a été parlé en Serbie, en Bosnie-

9 Herzégovine toute entière, au Monténégro et presque dans toute la Croatie,

10 exception faite de trois provinces, la province de Zagreb, la province de

11 Krizevci et de Varazdin. Cela se trouve à l'occident de la Croatie de nos

12 jours. Au XIXe siècle suite aux instructions du Vatican et de la cour de

13 Vienne, tous les Croates acceptent la langue serbe pour en faire leur

14 langue à eux.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Seselj, ceci ne m'intéresse

16 pas. Si quelqu'un veut poser des questions complémentaires à ce sujet, je

17 le veux bien, mais pour le moment ceci ne m'intéresse pas. Ce qui

18 m'intéresse, c'est la définition qui consiste à dire que la Grande Serbie

19 inclurait la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et pratiquement la Croatie

20 toute entière mis à part les trois provinces dont vous avez parlé pour ce

21 qui est des provinces que vous avez mentionnées en parlant de l'origine de

22 la langue. Est-ce bien ce que vous voulez dire ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je veux vous laisser entendre, c'est

24 que le concept de la Grande Serbie ne serait être identifié avec quelque

25 pratique que ce soit de persécution vis-à-vis de la population musulmane ou

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1 catholique parce que dans tous les documents liés au programme du mouvement

2 chetnik serbe, du mouvement épris de liberté serbe, et du Parti radical

3 serbe, nous conviions tous ces Serbes orthodoxes, catholiques, musulmans,

4 protestants et Serbes athées également à s'entendre et à s'unir. Il ne peut

5 être établi de lien entre le concept de la Grande Serbie et le concept

6 qu'on avance de purification ethnique. C'est ce que je veux vous dire, mais

7 vous m'interrompez constamment, et c'est la raison pour laquelle nous

8 insistons sur la nécessité d'englober par notre parti les Catholiques, les

9 Musulmans, de les faire venir à des hauts postes au sein du parti. Nous

10 voulons nous opposer à la propagande du Vatican qui a incité une grande

11 partie des Serbes catholiques en tant que Croates pour les mettre en

12 dispute avec les Serbes orthodoxes. Plusieurs fois déjà, nous avons eu des

13 guerres initiées par l'extérieur, initiées par le Vatican, l'Autriche,

14 l'Allemagne et qui d'autre encore. C'est la raison pour laquelle le Parti

15 radical serbe dont je fais partie --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, les interprètes

17 vous ont demandé de ralentir. Je crois bien que vous nous avez expliqué ce

18 concept de Grande Serbie qui se trouve incohérent, de façon inhérente

19 inconsistant avec toute idée de persécution à l'égard de Musulmans ou de

20 quelques autres groupes que ce soit.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je veux vous dire encore très brièvement

22 quelque chose, Monsieur Robinson. Tous ces gens qui sont mentionnés comme

23 étant participants à l'entreprise criminelle commune ont été contre la

24 sécession de la Slovénie. J'ai été favorable à la sécession de la Slovénie,

25 si les Slovènes le voulaient. Je l'ai dit en public à plusieurs reprises à

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1 la télévision slovène en les encourageant à faire sécession, mais j'étais

2 contre la sécession de la Croatie parce que je savais qu'il y avait

3 sécession du même peuple. Nous sommes un seul et même peuple. Même ceux qui

4 ne sont pas de vrais Serbes dans ces trois provinces eux aussi sont

5 intégrés par biais de couples mixtes dans une masse ethnique similaire. Or,

6 si vous voyez à la prison, nous Serbes, Musulmans, Croates et Orthodoxes,

7 vous ne pouvez pas faire de différence. La seule différence que vous pouvez

8 faire, c'est la différence relative à la confession. Lorsqu'il y a des

9 conflits entre accusés -- et vous n'avez jamais eu de conflit entre les

10 différents accusés --

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

12 M. KAY : [interprétation] Je voudrais soulever une question si vous le

13 permettez, voilà de quoi il s'agit. Il s'agit de cette question contestée

14 relative à la Grande Serbie et il s'agit d'une question de pertinence pour

15 ce qui est de la cause présentée par l'Accusation, parce que dans ses

16 propos liminaires, M. Nice en a parlé dans une partie de son allocution,

17 mais il est un autre passage de cité par lui dans le courant de la toute

18 première journée qui s'énonce comme suit : "L'armée, et il sera apporté des

19 éléments de preuve à cet effet, s'est complètement consacré à la

20 réalisation du programme de l'accusé. Les officiers, nourris par

21 l'idéologie de la fraternité et de l'unité, ont abandonné tout cela en

22 faveur de l'idée de la Grande Serbie. Ils ont partagé l'arrogance des

23 dirigeants civils et n'ont pas considéré qu'il y avait quelque raison que

24 ce soit de se consulter à ce sujet ou de négocier à ce sujet."

25 Il y a une partie de l'acte d'accusation qui dit que l'accusé a eu pour

Page 43224

1 plan de créer une Grande Serbie, et il y a eu des contre-interrogatoires de

2 dirigés ou de conduits à cet effet. L'accusé se doit de savoir comment

3 traiter de la question, comment répartir le temps qu'il lui est imparti

4 pour traiter des différentes questions. Il faut que les choses soient dites

5 clairement et de façon sincère, et tout à fait transparente.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec M.

7 Nice, et je me propose de poser la question à M. Nice s'il y a eu un

8 changement de position, il faut l'indiquer.

9 M. NICE : [interprétation] Non, notre position n'a jamais changé.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai eu l'impression que c'était là

11 le fondement essentiel de la cause présentée par l'Accusation.

12 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, ce que M. Kay a cité, ce

13 n'est pas ce que je voulais dire, parce que là, se disant, je citais en

14 réalité un témoin.

15 Bien entendu, je peux me pencher une fois de plus sur l'argumentation

16 présentée auparavant et il se sera avéré que le terme de "Grande Serbie" ou

17 plutôt cela nous permettra de voir qui est-ce qui s'est servi de la notion

18 de Grande Serbie, et non pas l'accusé.

19 De tout temps, j'ai clairement indiqué à l'occasion de l'interrogatoire et

20 du contre-interrogatoire des témoins experts et il a été démontré que les

21 termes de "Grande Serbie" venaient d'autrui et non pas de la part de

22 l'accusé. Ce que nous avons affirmé au sujet de l'accusé - c'est que pour

23 des raisons qui lui sont propres - il s'est employé en faveur de la

24 création d'un Etat qui rassemblerait la totalité des Serbes et cela inclut

25 le concept de la Grande Serbie, en raison de cette ligne Virovitica-

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1 Karlobag. Mais nous n'avons pas dit qu'historiquement, il s'était employé

2 en faveur de la création ou de la réalisation de ce concept de Grande

3 Serbie. J'ai de tout temps reconnu le fait que l'accusé ne s'était pas

4 servi de ces propos-là, de ces termes-là.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes en train de dire que vous

6 n'affirmez pas que c'est là l'une des idées fondamentales qui ait débouchée

7 sur une entreprise criminelle commune.

8 M. NICE : [interprétation] Le concept disant que tous les Serbes devraient

9 vivre dans un seul et même Etat diffère du concept de la Grande Serbie et

10 vous venez d'entendre le témoin qui vient de vous donner un aperçu

11 historique sur ce qu'est la Grande Serbie. Donc, il y a une différence.

12 C'est différent. Il se peut qu'il y ait peu de différences pratiques en

13 substance, mais pour que les Juges de la Chambre comprennent bien

14 l'histoire et le comportement de l'accusé, à certains moments, il convient

15 de ne pas perdre de vue le fait que l'accusé ne s'est jamais associé au

16 concept de la Grande Serbie, mais une fois qu'il a pris le pouvoir et qu'il

17 s'est mis au gouvernail, qu'il s'est installé au gouvernail et lorsqu'il a

18 commencé à contrôler ceux qui s'employaient en faveur d'une Grande Serbie,

19 là, il peut être dit qu'il a conduit une politique concertée, une politique

20 qui leur a été commune. Mais nous n'avons jamais affirmé qu'il a fait

21 sienne la conception d'une Grande Serbie.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Enfin, je comprends l'approche de

23 l'Accusation, Monsieur Nice, qui se trouve être bien plus pragmatique. Vous

24 êtes en train de dire que l'accusé s'était employé en faveur d'une idée

25 suivant laquelle tous les Serbes étaient censés vivre dans un seul et même

Page 43226

1 Etat.

2 M. NICE : [interprétation] Tout à fait exact. Nous avons toujours affirmé

3 que quelqu'un qui a servi de force directrice et qui a permis à des gens du

4 genre de ce témoin-ci de s'exprimer et qui se sont, eux, employés en faveur

5 du concept d'une Grande Serbie, c'est tout à fait autre chose que

6 d'affirmer que l'accusé, lui-même, s'était servi des termes de Grande

7 Serbie.

8 Je me suis mal exprimé quand j'ai mentionné que des témoins en ont parlé,

9 étant donné qu'il y a eu confusions de noms et de prénoms. Il y a Kosta

10 Mihailovic et Mihailo Markovic qui sont des témoins à en avoir déjà parlé.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne voudrais pas que M. Nice ait

13 l'autorisation de m'offenser. Je n'ai jamais été placé sous le contrôle de

14 M. Milosevic et jamais M. Milosevic ne m'a rien donné dans la vie

15 politique. Tout ce que j'ai remporté dans la vie politique, je l'ai gagné

16 par moi-même.

17 Pour ce qui est maintenant de l'acte d'accusation, on m'intègre dans cette

18 entreprise criminelle commune partant de mon concept de Grande Serbie et on

19 joint à cela mes opposants idéologiques y compris M. Milosevic. Tous ces

20 gens qui sont mentionnés ici, ce sont mes adversaires idéologiques. Nous

21 n'avons eu qu'une seule chose au début de la guerre, c'est que personne

22 d'entre nous n'avait accepté l'idée d'une sécession unilatérale de la

23 Croatie sans qu'il y ait négociations et concertations. Il n'y a rien

24 d'autres de commun entre nous et j'insiste sur ce fait, il n'y a rien de

25 commun entre nous sur le plan idéologique.

Page 43227

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie pour cet

2 éclaircissement.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nice, puis-je vous demander de

4 nous expliquer comment vous comprenez la différence entre cette idée, ce

5 concept de Grande Serbie et l'idée suivant laquelle tous les Serbes

6 seraient censés vivre dans un seul et même Etat ? N'êtes-vous pas en train

7 de nous dire que c'est la même chose ? Que c'est du pareil au même quand on

8 fait la somme de tout, au final.

9 M. NICE : [interprétation] Oui, au final, on pourrait dire que l'objectif

10 de l'accusé a pu être qualifié de facto de Grande Serbie. Maintenant de là

11 à savoir si pour ce qui est de ses positions, je ne voudrais pas parler

12 d'idéologie ou de plate-forme mais, est-ce qu'à la source des dépositions

13 qui étaient les siennes, a-t-il trouvé des fondements dans le concept

14 historique de la Grande Serbie ? Je ne pense pas que ce soit le cas. Pour

15 reprendre les propos utilisés par le Juge Robinson, c'était une personne

16 pragmatique qui voulait s'assurer que tous les Serbes qui ont résidé dans

17 cet ex-Yougoslavie devrait avoir la possibilité, pour des raisons

18 constitutionnelles ou autres, devraient donc avoir le droit de vivre dans

19 une seule et même unité territoriale. Ce sont des raisons historiques et

20 autres qui l'ont animé pour viser à ce qu'il n'y ait pas de démantèlement

21 de la Yougoslavie, parce que si cette ex-Yougoslavie venait à se

22 démanteler, ces Serbes ne pourraient plus résider dans un seul et même

23 pays. Or, l'Accusation affirme que pour réaliser cette idée ou suivant

24 laquelle tous les Serbes pourraient vivre dans un seul et même Etat

25 engloberait trois territoires différents à savoir, le territoire de la

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1 Croatie et de la Bosnie y compris. Son désir exprimé aux termes duquel tous

2 les Serbes devraient pouvoir vivre dans un seul et même Etat au final a pu

3 différer de ce que ce témoin-ci ici voulait réaliser par l'idée de ce

4 concept historique de longue date de Grande Serbie.

5 La Chambre se souviendra des différents témoins que nous avons entendus et

6 nous nous sommes penchés sur bon nombre de cartes historiques. Nous nous

7 sommes même penchés sur des cartes historiques établies à l'occasion de la

8 tenue de la Conférence de Londres ou à l'occasion des différentes

9 conférences qui se sont tenues pendant la Deuxième guerre mondiale, le tout

10 pour essayer de justifier les négociations plus contemporaines à ce sujet.

11 Sur sa position, les opinions avancées par lui ne se fondent pas sur le

12 concept lui-même, pas sur le concept sur le plan émotionnel ou sur le plan

13 philosophique. Son approche a été des plus pragmatique.

14 Je regrette de ne pas l'avoir laissé entendre de façon claire, mais c'est

15 sur ce fondement-là que se sont basés mes interrogatoires au principal et

16 mes contre-interrogatoires. Vous vous rendrez compte du fait que je me sers

17 de ce terme-là lorsque je le place dans la bouche et lorsque l'on parle de

18 l'idée du rassemblement des différents volets de l'acte d'accusation. Ce

19 que j'ai voulu dire par là, c'est que l'accusé a dit de façon erronée,

20 c'est ce que l'accusé a dit au sujet du leitmotiv que la Grande Serbie

21 aurait constitué dans les propos de l'Accusation.

22 M. KAY : [interprétation] Je regrette mais il est dit dans le paragraphe

23 que j'ai cité que "les éléments de preuve allaient l'illustrer". Les

24 éléments de preuve avancés par l'Accusation.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, il se peut qu'il n'y

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1 ait pas une différence substantielle entre l'un et l'autre mais je

2 demanderais au personnel des Juges de la Chambre de bien se pencher sur les

3 éléments de preuve présentés et nous aimerions qu'il soit bien déterminés

4 si, oui ou non, cela a constitué l'un des arguments principaux de la thèse

5 présentée par l'Accusation.

6 A vous, Monsieur Milosevic.

7 Plutôt, en réalité, je me souviens à présent qu'à l'occasion des écritures

8 présentées en application du 98 (bis), il y a eu une décision rendue par la

9 Chambre --

10 M. NICE : [interprétation] Nous allons nous pencher sur toutes ces

11 écritures.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous nous sommes penchés sur toutes

13 ces écritures en considérant que c'était là une thèse avancée par

14 l'Accusation, peut-être, allons-nous réétudier les éléments de preuve à

15 l'appui.

16 A vous, Monsieur Milosevic.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] En 15 minutes ici, M. Nice a expliqué que je

18 n'ai pas prôné le concept de la Grande Serbie et par la suite, il a

19 expliqué le contraire que j'ai prôné, en effet, le concept de la Grande

20 Serbie. Je ne vois pas comment on peut avoir une conversation tant soit peu

21 raisonnée si nous ne savons même de quoi il m'accuse. Il vient d'évoquer la

22 notion historique, puis, il distingue d'une part la vision historique de la

23 vision non historique.

24 Ecoutez, d'emblée avant de citer son premier témoin, M. Nice ne c'est

25 absolument pas penché sur des concepts historiques. C'est plutôt de manière

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1 tout à fait chaotique qu'il a exposé des choses à l'identique de la manière

2 dont est rédigé l'acte d'accusation. M. Kay vient de lui donner lecture de

3 quelque chose qui figure dans ses propos liminaires, où il annonce sont

4 intention de prouver ces choses pas l'intermédiaire des dépositions de ce

5 témoin.

6 Regardez, c'est une caricature logique, le discours de M. Nice qu'il

7 vient de dire. D'une part, il admet ce que j'affirme, à savoir que la thèse

8 tous les Serbes dans un seul est même état se réalise au sein de la

9 Yougoslavie, et que c'est la raison pour laquelle nous avons déployé des

10 efforts pour préserver la Yougoslavie, parce que c'était l'Etat existant

11 dans lequel tous les Serbes pouvaient vivre dans un seul et même Etat.

12 Ensuite, dans les trois volets de son acte d'accusation, le Kosovo, la

13 Croatie et la Bosnie-Herzégovine, il m'accuse d'avoir voulu démontrer cela.

14 Mais nous avons réagi à trois mouvements séparatistes qui voulaient

15 démanteler, briser la Yougoslavie. Vous comprenez bien que ce n'est pas moi

16 qui ait voulu organiser trois mouvements séparatistes au Kosovo, en Croatie

17 et Bosnie-Herzégovine pour réaliser mon concept qui était de permettre à

18 tous les Serbes de vivre dans un seul et même Etat. La Yougoslavie existait

19 déjà. Ecoutez, vraiment la question que je me pose, est de savoir ci ceci

20 n'est pas une atteinte à un bon sens élémentaire de tout un chacun.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je vous ai entendu, Monsieur

22 Milosevic. Poursuivons.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que je pense, c'est qu'avant que je ne

24 poursuive M. Nice devrait rassembler ses esprits. Il devrait décider ce

25 qu'il souhaite faire ici pour que je puisse poser mes questions, et

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1 notamment sur le point de la Grande Serbie.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, allez de

3 l'avant. M. Nice nous a exposé ses points.

4 M. NICE : [interprétation] En fait, --

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'y a pas lieu de continuer

6 d'entendre les arguments de M. Nice là-dessus.

7 M. NICE : [interprétation] Si vous m'y autorisez, Monsieur le Président, à

8 la lumière des remarques qui ont été faites à l'instant et par rapport aux

9 préoccupations de la Chambre, je voudrais vous citer quelque chose qui

10 précise ma position. C'est là que ma position a été exposée dès le départ.

11 Un instant, s'il vous plaît. Ce que j'ai dit, c'est la chose suivante au

12 sujet de la Slovénie occidentale lorsque nous parlions de cela. Je pense

13 que c'est vers la page 50. "Seselj a prôné ouvertement le concept de la

14 Grande Serbie."

15 L'INTERPRÈTE : Signale que la lecture se fait très vite et qu'il n'a pas le

16 texte.

17 M. NICE : [interprétation] "Nous n'allons pas encourager l'utilisation de

18 ce thème -- "

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'entends pas l'interprétation.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y a un point technique, me

21 semble-t-il. Il faudra résoudre le problème technique.

22 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi. Donc, "Seselj a ouvertement prôné

23 la Grande Serbie. C'est un terme que nous allons entendre souvent dans ce

24 prétoire. Nous n'allons pas, nous, encourager l'utilisation de ce terme.

25 Nous estimons que l'accusé l'a utilisé à des fins différentes."

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1 Je pense que c'est à cette occasion-là que j'ai employé, pour la

2 première fois, l'expression la "Grande Serbie". Si vous revenez à la

3 requête de la jonction des chefs d'accusation, ceci a été utilisé par

4 l'accusé. Je pense je l'ai utilisé moi-même uniquement en réponse.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En réponse aux commentaires que j'ai

6 déjà fait - parce que j'ai dit notamment que j'allais demander à nos

7 juristes pour retrouver cela, - on vient de me remettre un exemplaire de la

8 section de la décision portant sur l'Article 98 bis, paragraphe 249 de

9 cette décision, où on se réfère à la déposition de l'ambassadeur Galbraith

10 qui estimait que l'accusé, ici je cite : "Etait l'architecte de la

11 politique visant à la création d'une Grande Serbie, et que peu de choses se

12 sont produites à son insu et sans son implication."

13 Au paragraphe 288, la Chambre identifie sept fondements, sept raisons

14 par lesquelles elle étaye ses conclusions, à savoir que la Chambre est

15 arrivée à la conclusion que l'accusé non seulement était au courant du

16 génocidaire, mais aussi qu'il a partagé avec ses participants l'intention

17 de détruire. Cela, c'est le deuxième point auquel on s'est référé pour

18 étayer le fait qu'on estimait que l'accusé prônait le concept de la Grande

19 Serbie et y a apporté son soutien.

20 M. NICE : [interprétation] Nous avons toujours utilisé la terminologie de

21 manière cohérente.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est un point important à préciser,

23 Monsieur Nice, à savoir que votre cause ne se polarise pas autant sur le

24 concept de la Grande Serbie que sur le fait qu'il y avait ce concept de

25 permettre à tous les Serbes de vivre dans un seul et même Etat.

Page 43233

1 Même si je tiens à dire aussi, qu'à mon sens, il y a encore des

2 raisons de douter que ceci constitue un fondement adéquat pour dire que

3 c'était cela la thèse, la cause de l'Accusation, dès le départ du moins,

4 pour ce qui est de la phase initiale.

5 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, vous

8 avez la parole.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Monsieur Seselj, vous êtes un universitaire, un professeur à la faculté

11 de droit. Vous avez soutenu une thèse portant sur des sujets que je ne

12 connais pas, ou plutôt est-ce que vous vous pouvez m'expliquer si vous

13 comprenez la position défendue par M. Nice ?

14 L'INTERPRÈTE : Le témoin s'exprime hors micro.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, cette question n'est pas

16 appropriée. Vous ne pouvez pas poser cette question à

17 M. Seselj. M. Nice a précisé sa position. Nous allons aller de l'avant.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais, Monsieur Robinson --

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'agit d'une déclaration valable

20 qui a été présentée pour exprimer la position de l'Accusation.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis désolé, M. Robinson, mais mes modestes

22 capacités intellectuelles ne me permettent pas de comprendre M. Nice. Que

23 me reproche-t-il ? L'existence de la Yougoslavie où vivent tous les Serbes,

24 tous les Croates, tous les Musulmans d'origine slave ? Est-ce qu'il me

25 reproche le fait que je me sois appliqué à préserver cette Yougoslavie-là

Page 43234

1 ou est-ce qu'il me reproche le concept historique que je n'ai même pas

2 utilisé. Il emploie des termes historiques qu'il ne comprend même pas.

3 Vous, vous non plus vous ne comprenez pas ce qu'il est en train de dire;

4 tout comme moi, je ne le comprends pas. C'est un chaos et la confusion la

5 plus totale. Je ne demande que de comprendre.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il est inadéquat et mal approprié

7 d'entendre dire de votre part que la Chambre ne comprend pas ce que dit M.

8 Nice ou ce qu'a dit M. Nice. Nous comprenons ce qu'il a dit. Il a fait une

9 déclaration très importante, et nous savons sur quel fondement entend agir

10 l'Accusation. Donc, posez votre question suivante.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Au bout de trois ans, vous vous

12 appliquez à constituer des fondements de l'acte d'accusation.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Monsieur Seselj, penchons-nous sur l'intercalaire 4. A l'intercalaire

15 4, nous avons un tout petit extrait de votre livre, d'un livre que vous

16 avez écrit. Certes, ceci a été tiré de la deuxième édition.

17 R. Il n'y a aucune différence entre la première édition et la deuxième

18 édition.

19 Q. Oui, très bien. J'attire l'attention sur le fait que c'est la deuxième

20 édition; ce qui prouve que votre livre s'est très bien vendu puisqu'il a

21 été réimprimé. C'est le livre qui porte le titre, "L'idéologie du

22 nationalisme serbe", vous en êtes l'auteur. A ce sujet, je souhaite vous

23 poser plusieurs questions. Un instant, s'il vous plaît, je voudrais

24 retrouver la page. En page 980. La photocopie est plutôt pâle; la

25 photocopie que j'ai.

Page 43235

1 En page 980, enfin c'est un extrait que nous avons choisi. Il a été

2 traduit en anglais.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vous rappelle

4 votre devoir, qui est de signaler à la Chambre les passages auxquels vous

5 vous référez.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] A quel moment le livre a-t-il été publié

7 pour la première fois ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Egalement en 1992. Mais précédemment, en 1998,

9 il y a eu une version précédente. Par la suite, j'ai apporté des

10 corrections et j'ai continué à travailler sur le livre.

11 C'est le résultat de mon étude des travaux du Pr Lazar Kostic. C'est

12 un professeur éminent qui a été un universitaire de l'époque du royaume de

13 Yougoslavie qui a été un des émigrés serbes de la période de l'après-

14 Seconde guerre, anticommuniste le plus éminent. En tout, il a rédigé 84

15 livres.

16 Tout d'abord, je me suis penché sur ses travaux scientifiques, et en

17 effectuant une analyse de ses travaux scientifiques, moi-même, j'ai formulé

18 plusieurs hypothèses que j'ai complétées, bien entendu, pour ce qui est des

19 domaines qui n'ont pas fait l'objet d'intérêt particulier du Pr Kostic. A

20 ce jour, ceci constitue l'ouvrage le plus exhaustif portant sur l'idéologie

21 du nationalisme du peuple serbe.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, poursuivez.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Page 3, deuxième paragraphe de la traduction anglaise. C'est la partie

25 que je vais citer à M. Seselj.

Page 43236

1 A la page 980, vous dites : "Les Serbes, par la force de leur propre

2 élan et esprit" --

3 R. Quelle page ?

4 Q. Page 980. Je vous cite: "Par la force de leur courage, de leur

5 détermination, les Serbes ont libéré, unifié des parties de leur peuple et

6 leurs territoires nationaux. Le programme panserbe n'est pas le produit de

7 l'imagination d'une poignée de rêveurs. L'histoire l'a imposée aux hommes

8 politiques. Il découle de la prise de conscience du peuple qui, depuis

9 plusieurs siècles, aspire par un effort unifié à unifier ses destinées."

10 Au paragraphe précédent que je n'aborderai que brièvement, vous parlez de

11 l'analyse de Denis, où il arrive à la conclusion que tout un chacun aspire

12 au bonheur et à l'épanouissement. Comme cela s'applique à l'individu, ceci

13 s'applique également au peuple entier.

14 Pratiquement -- enfin, ou plutôt je vais en terminer avec les citations ou

15 avec les commentaires de Denis, puis je vais vous poser ma question. Le

16 dernier paragraphe, juste avant le deuxième chapitre, il est question des

17 Serbes, il est dit que : "Leurs dissensions internes et leur manque de

18 conséquences ont été utilisés par les Hongrois et les Allemands, leurs

19 ennemis, et qui avaient intérêt à ce que les Serbes commettent les erreurs

20 les plus grandes. Ils n'ont pas souhaité voir leur souplesse, leur

21 subtilité, leur intelligence, et en particulier la constante de leur

22 idéalisme et la force de leur volonté qui, en dépit de nombreuses

23 oscillations, se sont maintenues. Il n'y a pas eu de changement en

24 profondeur dans l'attitude du peuple serbe."

25 Là, vous évoquez des travaux qui ont précédé de longue date tous ces

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1 événements. Il s'agit des travaux d'un analyste qui a examiné cela de

2 l'extérieur, qui a pris en compte des faits essentiels qui concernent ce

3 sujet. Dans quelle mesure est-ce que sa réflexion rejoint la vôtre, et

4 dites-nous dans quelle mesure avez-vous contribué à affirmer cette idée sur

5 le plan théorique ? Je rappelle, le titre du livre est "L'idéologie du

6 nationalisme serbe".

7 R. Sur trois pages, j'aborde les travaux d'un théoricien français très

8 connu, Ernest Denis. Son livre a été publié en 1915 à Paris, donc à

9 l'époque de la Première guerre mondiale. Ernest Denis est ravi de voir les

10 efforts aspirant à la libération du peuple serbe, le peuple serbe qui a

11 déjà remporté deux grandes victoires sur l'armée austro-hongroise au Cer et

12 sur la Kolubara. Il a mérité l'admiration du monde entier. Dans son livre,

13 Ernest Denis arrive à la conclusion que le monde entier doit reconnaître

14 la volonté et l'aspiration du peuple serbe à s'unifier.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, quelle est la

16 pertinence de ceci ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est pertinent dans la mesure où l'on voit,

18 qu'à l'époque de la Première guerre mondiale, ceci existe en temps que

19 phénomène qui concerne les événements dont nous parlons; les événements de

20 1991.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Monsieur Seselj --

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur Milosevic, il convient

24 que vous posiez vos questions. Par la suite, vous attendez d'entendre ma

25 décision, et vous ne continuez tant que je n'ai pas décidé de la marche à

Page 43238

1 suivre.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous ne nous avez pas expliqué en

4 quoi réside la pertinence de votre question. Je vous propose de réessayer

5 de nous expliquer en quoi elle réside, sinon, je vais vous demander d'aller

6 de l'avant, de changer de sujet.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Nous allons procéder de manière tout

8 à fait pragmatique alors, adopter un angle pratique.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Monsieur Seselj, dans votre livre, lorsque vous avez rédigé vous-même,

11 dans ce que vous avez exposé comme étant des positions prises par d'autres

12 chercheurs scientifiques, est-ce que dans ce programme, dans ce programme

13 de la Grande Serbie tel que vu par vous, tel que vu par des scientifiques

14 étrangers, implique l'assujettissement des Croates ?

15 R. Non, absolument pas. Ce que je cherche à faire, c'est exposer des

16 arguments qui portent sur les origines serbes, sur le substrat ethnique

17 serbe et sur le fait de combattre l'idéologie vaticane et l'idéologie

18 austro-hongroise d'avant, qui a forcé les catholiques serbes à se déclarer

19 Croates.

20 Les Croates n'avaient que trois comtés il y a deux siècles; les Slavoniens

21 se déclaraient comme Serbe. Des ecclésiastiques catholiques rédigent des

22 éloges à la nation serbe. Je cite ces exemples de l'origine unique --

23 L'INTERPRÈTE : L'interprète ne peut pas suivre.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai arrêté. Je souhaite

25 entendre l'avis de mes collègues là-dessus et aussi l'avis de Me Kay sur ce

Page 43239

1 point, à savoir : à la lumière de la déclaration qui a été faite par

2 l'Accusation, est-ce que nous avons besoin d'entendre davantage d'éléments

3 de preuve au sujet de ce concept. L'Accusation a dit que sa cause

4 concernait avant tout l'idée de tous les Serbes vivant dans un seul et même

5 Etat que le concept de la Grande Serbie.

6 Je ne pense pas que ceci signifie nécessairement que tous les éléments de

7 preuve qui concernent la Grande Serbie doivent être exclus mais

8 certainement ceci doit être pris en considération.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay.

11 M. KAY : [interprétation] Je ne pense que je puisse apporter quelque

12 élément supplémentaire que ce soit.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La position de la Chambre est la

14 suivante : nous n'allons pas exclure de manière automatique tous les

15 éléments de preuve qui portent sur le concept de la Grande Serbie en nous

16 fondant sur ce que vient de nous dire l'Accusation, il y a quelques

17 instants. Mais en particulier, ces éléments de preuve que je viens de nous

18 fournir M. Seselj, nous ne trouvons pas qu'ils soient particulièrement

19 utiles.

20 Donc, je vous prie de passer à un autre sujet, Monsieur Milosevic. Nous

21 avons entendu beaucoup d'éléments portant sur l'histoire.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, il y a un autre lien là-

23 dedans. Dans son approche, M. Nice identifie le fait que tous les Serbes

24 vivent dans l'espace d'un seul et même Etat, la Yougoslavie. Il identifie

25 cela à la Grande Serbie. En fait, il met sur un pied d'égalité la Grande

Page 43240

1 Serbie et la Yougoslavie. C'est une constatation lorsqu'on dit que les

2 Serbes vivent dans un seul et même Etat. C'est une constatation d'un fait

3 qui existe depuis que la Yougoslavie existe. C'est un fait qui découle de

4 la réalité. Un fait palpable, matériel.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. C'est précisément parce qu'il

6 est possible d'utiliser invariablement l'une ou l'autre de ces deux idées,

7 celle de la Grande Serbie et celle de tous les Serbes dans un seul et même

8 Etat que j'ai dit que la Chambre n'allait pas exclure tous les éléments de

9 preuve. Ce que vient de nous dire M. Seselj, nous ne l'avons pas trouvé

10 utile. Bien entendu, vous pouvez vous pencher sur le concept, mais parlons

11 des points qui ont davantage de pertinence pour ce qui est de l'acte

12 d'accusation qu'il s'agisse soit de l'idée de la Grande Serbie, soit de

13 l'idée de tous les Serbes dans un seul et même Etat.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] D'accord.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre réfléchira davantage à la

16 signification qui doit être attribuée à la déclaration faite par

17 l'Accusation. Nous allons demander à maître Kay de tenir compte de cela.

18 Je viens de recevoir une autre partie de la décision prise par la Chambre -

19 - non, ce sont les arguments eux-mêmes. Les arguments de l'Accusation ?

20 C'est la réponse de l'Accusation.

21 Paragraphe 262 de la réponse de l'Accusation, il est dit : "De fait, ceci

22 revenait à planifier une Grande Serbie. Il n'y avait pas dès le départ un

23 seul plan entièrement articulé et le plan a évolué avec l'évolution de la

24 situation et des circonstances."

25 Aussi au paragraphe 273, au milieu de ce paragraphe : "Cependant, l'autre

Page 43241

1 détermination du peuple serbe comprendrait des territoires avec des

2 majorités Serbes, de Croatie et de Bosnie-Herzégovine comprenant, de fait,

3 -- ou plutôt, en aboutissant de fait à une Grande Serbie, le terme qu'il a

4 toujours évité d'utiliser en public."

5 C'est plus proche de ce que vient de nous expliquer M. Nice, il y a

6 quelques instants.

7 Puis au paragraphe 276, la troisième ligne de la fin. "De manière plus

8 générale, les témoins ont dit clairement que l'accusé souhaitait créer une

9 Grande Serbie."

10 Donc, Monsieur Nice, mon avis personnel est comme suit : il s'agit d'un

11 point important que nous devons résoudre et nous ne l'avons pas encore

12 fait. Comme Me Kay l'a fait, ceci a été une remarque importante. L'accusé

13 doit savoir quelle est la cause de l'Accusation et à quoi il doit répondre.

14 Si vous avez abandonné une position qui a été la vôtre initialement, il

15 faut nous le faire savoir. Si votre position actuelle est en substance la

16 même, la même qu'il s'agit du concept de la Grande Serbie, il faudra qu'on

17 s'en occupe.

18 M. NICE : [interprétation] Notre position n'a pas du tout changé, il n'y a

19 pas de repli ou de changement de position. J'ai retrouvé les endroits. Vous

20 avez trouvé ces endroits aussi pour ce qui est des conclusions que nous

21 avons présentées. Il y a, peut-être encore un passage qui vous sera utile,

22 j'essaie de le retrouver pour vous. C'est un peu avant, mais je crois que

23 je n'aurai pas de mal à le retrouver. Il se trouve dans la requête aux fins

24 de jonction d'instance. Vous en avez parlé précédemment. Examinez ce

25 document si le vous voulez bien.

Page 43242

1 Je l'ai expliqué. Si nous prenons le début de l'audience, le Juge Jorda et

2 d'autres Juges en sa compagnie sont là -- ce qui s'est passé pour ce qui

3 est si vous voulez de cet homme de paille, de cette théorie, c'était --

4 attendez je retrouve ce document, l'endroit précis. L'accusé a fait

5 plusieurs références à la Grande Serbie. Ces références, ces allusions ont

6 été relevées par Me Kay -- l'accusé aussi fait référence à la Grande

7 Albanie, à toutes sortes de concepts historiques du même genre. Si je ne

8 m'abuse, lorsque j'ai répondu, je pense que c'est la première fois, la

9 toute première fois que je fais mention de la Grande Serbie. Oui, Me

10 Tapuskovic était encore parmi nous, il a fait quelques remarques à propos

11 de la Grande Serbie. Le Juge Hunt a soulevé la question de la Grande

12 Serbie, de cet argument. Il a posé une question à ce propos à Me Kay. Il

13 s'en est suivi tout un débat entre ces deux personnes. Je crois l'avoir

14 trouvé. Je vérifie s'il n'y a pas d'autres références. Oui, c'est à la page

15 80, me semble-t-il, du compte rendu d'audience, à peu près, 81, plus

16 exactement ? Voici ce que j'ai dit : "La Grande Serbie figure, bien sûr,

17 dans des écrits, mais de façon très limitée dans les conclusions, dans les

18 écritures. Notamment, dans l'un des actes d'accusation, dans la bouche de

19 Seselj avec des propos tout à fait belliciste, et dans d'autres actes

20 d'accusation s'est présenté comme quelque chose que faisait l'accusé, ce

21 qu'il dit avoir fait. Ceci se trouve également dans le troisième acte

22 d'accusation quand on voit cette perception des choses, mais je l'ai

23 toujours précisé," voici ce que dit le compte rendu. Je l'ai dit de façon

24 très réservée la dernière fois, je pense que ceci renvoie, même si elle

25 n'est pas complète comme référence dans le compte rendu d'audience, elle

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1 renvoie à la façon dont j'avais exprimé notre position par rapport à

2 l'accusé tout au début sans jamais utiliser le terme de Grande Serbie.

3 Puis, je précise vos propos. "Nous le disons et nous l'avons dit sans

4 cesse qu'il y avait un plan commun cramé par l'accusé de récupérer ou de

5 gagner des territoires pour avoir un Etat serbe avec un pouvoir centralisé.

6 Cela a été dit de façon diverse à diverses occasions mais c'est la même

7 idée."

8 Donc à tout moment, j'ai fait une distinction de la position de

9 l'Accusation qui était de déterminer ce que, dans les faits, l'accusé

10 faisait --

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous interrompre.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons un autre passage assez clair

13 apparemment cela ne marche pas, mon ordinateur.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Autre passage dans notre décision en ce

15 qui concerne le 98 bis, le paragraphe 252. Je vais vous le lire ce passage

16 : "L'Accusation soutient et c'est sa thèse que l'accusé avait l'intention

17 de détruire la population musulmane dans ces parties de la Bosnie-

18 Herzégovine et voulait s'engager dans la réalisation du projet d'une Grande

19 Serbie. Sans cette destruction, il n'était pas possible de réaliser

20 l'objectif poursuivi par l'accusé."

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'était assez clair. C'était là la

22 thèse de l'Accusation.

23 M. NICE : [interprétation] Mais cela, c'est la façon dont les Juges voient

24 la chose.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, c'est la réponse de l'Accusation.

Page 43244

1 M. NICE : [interprétation] Mais nous n'avons eu de cesse de dire que c'est

2 là en fait la position factuelle par rapport, et ce n'est pas là un concept

3 historique. Il y a une opposition entre ces deux choses. Je me permets de

4 reprendre la lecture là où je m'étais arrêté.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Je viens de recevoir une partie

6 de la requête aux fins de jonction d'instances. Page 6 sous la rubrique --

7 page 5 de la requête aux fins de jonction d'audiences.

8 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas le texte sous les yeux.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voici ce qu'a dit la Chambre de

10 première instance.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'Accusation.

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire une pause, et nous

14 allons revenir à la question de M. Nice.

15 M. NICE : [interprétation] Je pense que c'est là la dernière référence que

16 j'ai faite dans cette requête aux fins de jonction, et dans les arguments

17 que j'ai présenté à cet effet. Mais j'y reviendrai après la pause si vous

18 le voulez bien.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien pause de 20 minutes.

20 --- L'audience est suspendue à 10 heures 36.

21 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, j'ai eu un peu plus

23 temps pour me pencher sur la question. J'estime de façon tout à fait

24 claire, que le concept de la Grande Serbie a été effectivement un pilier

25 central de la thèse défendue par l'Accusation. C'est sur cette base qu'elle

Page 43245

1 a déposé sa requête aux fins de jonction d'instance. J'ai fait référence à

2 deux passages, au paragraphe 13 de ladite requête : "En l'espèce, les trois

3 actes d'accusation portent sur la même opération, à savoir, un plan, une

4 stratégie, un plan commun, à savoir, la conduite qui a été celle de

5 Milosevic pour parvenir à une Grande Serbie, un état central serbe

6 englobant les populations serbes en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et dans

7 la totalité du Kosovo."

8 Puis, au paragraphe 18, page 7, en bas de page : "Milosevic, a plus tard

9 exploiter ses craintes en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo afin

10 de faire avancer sa campagne en faveur d'une Grande Serbie."

11 Effectivement, c'est la raison précise pour laquelle la Chambre d'appel a

12 renversé la décision prise par la présente Chambre de première instance qui

13 avait rejeté cette requête aux fins de jonction d'instance, parce que la

14 Chambre avait estimé qu'il n'y avait pas de fil conducteur, et que ce

15 n'était pas la même opération. Cela n'a pas été l'avis de la Chambre

16 d'appel. Donc, je trouve cela assez ahurissant de vous entendre dire

17 maintenant que ceci n'était pas la thèse de l'Accusation.

18 Il se peut que vous disiez maintenant que vous avez une position plus

19 pragmatique qui se reflète dans l'idée selon laquelle, ce que M. Milosevic

20 et les autres participants, à la supposée entreprise criminelle commune

21 était que les Serbes devaient tous vivent dans un même état, vous voulez

22 peut-être dire que ceci revenait à une Grande Serbie, mais je ne peux pas

23 vous autoriser à dire que ceci ne faisait pas partie de la thèse de

24 l'Accusation. L'Accusation doit savoir à quoi il doit répondre. Et si vous

25 avez besoin d'un certain temps pour étudier cette question qui me semble

Page 43246

1 essentielle dans ce procès, nous allons vous donner le temps nécessaire

2 pour le faire.

3 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas besoin de temps personnellement

4 parce que pour nous, il n'y pas de changement. Je suis désolé de voir que

5 la Chambre n'a pas mieux compris notre position auparavant.

6 Je n'ai pas pu tout considérer.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce temps ne sera pas décompté au

8 détriment de l'accusé.

9 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pu retrouver que certaines des écritures

10 que vous avez mentionnées. Vous allez sans doute vouloir examiner l'appel

11 interlocutoire et les écritures que nous avons déposées dans ce cadre. Je

12 ne retrouve pas pour le moment la date, mais je vais vous citer un passage,

13 un passage ou deux.

14 Cependant, auparavant une première chose, je ne pense pas qu'il y ait de

15 distinction ou de différence que vous semblez vouloir considérer. Pour ce

16 qui est de la façon dont j'ai exprimé notre thèse, pour ce qui est des

17 questions que j'ai posées, cela a toujours été clair. Les faits pratiques,

18 les effets concrets de ce que recherchait l'accusé sont les mêmes pour ce

19 qui est de la portée géographique similaire, à l'effet qu'aurait la mise en

20 œuvre d'un plan d'une Grande Serbie, du genre que préconisait le témoin.

21 Si on reprend l'histoire depuis longtemps, et si l'on recherche une

22 définition précise d'un terme technique comme celui d'une Grande Serbie, ce

23 ne sera jamais facile si on s'en sert comme étant un terme philosophique

24 qui remonte au XVI siècle. Puis, il parcourt notamment la Nacertanije. Nous

25 l'avons entendu dire par certains témoins. Ceci se reprendrait dans des

Page 43247

1 idées pratiques, la conférence de Londres à Moljevic après la Deuxième

2 guerre mondiale. Ce sera très difficile de trouver une définition précise

3 si on s'en sert comme étant un terme judiciaire technique.

4 Troisième chose, je vais reprendre le passage en question. Si nous

5 avions affirmé de façon concrète que l'accusé aurait épousé sur le plan

6 philosophique l'idée de la Grande Serbie, cela n'aurait sans doute pas été

7 sage; cela aurait été erroné. Car il aurait pu dire qu'il n'aurait jamais

8 prononcé ces termes. Il ne les a peut-être jamais prononcés. Donc, dès que

9 j'ai été chargé de présenter les éléments de preuve, j'ai veillé avec

10 beaucoup de prudence, extrêmement de prudence à présenter des arguments, à

11 présenter sa pensée en disant clairement que sa pensée, ou tout du moins,

12 la façon dont il a exprimé sa pensée aurait, de facto, entraîné une Grande

13 Serbie qui aurait la même étendue géographique que celle que préconiserait

14 ce témoin.

15 Reprenez, si vous le voulez bien, le paragraphe 14. Voici ce que j'ai dit à

16 ce paragraphe.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est le mémoire en appel ?

18 M. NICE : [interprétation] Oui. J'essaie de trouver la date. Je vais

19 revenir. 15 janvier 2005. Merci, Madame Diklich. Paragraphe 14, je pense

20 qu'on y trouve là la première référence. Voici ce que j'ai dit : "La

21 Chambre de première instance s'est appuyée sur trois facteur dans son

22 analyse. L'Accusation estime que c'était des facteurs mal appliqués. Tout

23 d'abord, la Chambre de première instance a estimé, qu'étant donné

24 l'utilisation des termes de 'Grande Serbie' et de ce plan, parce que ceci

25 n'apparaissait pas dans l'acte d'Accusation concernant le Kosovo et parce

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1 que ceci ne portait que sur d'autres individus, c'est seulement dans ce

2 cadre que ce plan est mentionné dans les deux autres actes d'accusation. Ce

3 plan était trop nébuleux que pour constituer un plan, un stratégie, un

4 dessein commun."

5 Prenez la référence suivante. Elle se situe au paragraphe 27. Reprenons ce

6 paragraphe dans son contexte. Voici comment cela commence : "En l'espèce,

7 l'objectif de l'entreprise criminelle commune affirmée dans les trois actes

8 d'accusation est au fond la même." Je dis, pour le volet croate : "Voici

9 l'objectif poursuivi tel qu'il est énoncé." Puis, nous parlons des deux

10 autres actes d'accusation. Si vous le voulez, je peux vous citer ces

11 passages.

12 Puis, ce que j'ai dit : "Même si le libellé spécifique est quelque

13 peu différent, la portée, l'intention reste la même. C'est d'enlever la

14 majorité de la population non-serbe des zones dont les Serbes veulent faire

15 ou qu'ils veulent garder comme étant un territoire contrôlé par les Serbes.

16 L'Accusation l'a expliqué dans ses écritures, mais aussi dans les débats à

17 l'audience, que le libellé 'Grande Serbie', était uniquement descriptif,

18 pour décrire le plan tramé par l'accusé pour créer et maintenir un état

19 centralisé serbe." Je donne de référence de bas de page.

20 "Un tel plan qui signifie qu'il fallait se débarrasser des civils

21 non-Serbes et qu'il fallait maintenir la domination serbe sur la population

22 qui restait sur ces territoires, est resté le même pendant toute la

23 période couverte par les trois actes d'accusation, en dépit des termes

24 utilisés pour le décrire. L'Accusation estime que c'est là une erreur

25 commise pas la Chambre, que de n'avoir pas considéré l'objectif ainsi que

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1 le plan retenu dans les trois actes d'accusation; plan qui était le même."

2 Je pense que c'est la dernière référence faite dans ces écritures-ci

3 pour ce qui est de la "Grande Serbie". Du moins, c'est ce que je peux

4 retrouver dans ma recherche électronique.

5 Par conséquent, quelle qu'est été la compréhension qu'avait la

6 Chambre ou sa méprise, l'Accusation l'a dit clairement à la Chambre d'appel

7 dans ses écritures. Ce qui l'intéressait, c'était la position de la

8 situation de facto, pragmatique, telle que nous l'avons décrite. Si vous

9 reprenez les débats - je me permets de vous le rappelez. Souvenez-vous,

10 c'est l'accusé et Me Kay qui ont parlé de "La Grande Serbie". De façon très

11 précise, j'ai expliqué de quelle façon nous nous appuyons sur ce concept,

12 et où il figurait dans nos écritures, dans nos arguments. Pour nous, c'est

13 clair. Notre position est celle-ci : c'est l'affirmation, le souhait

14 exprimé d'avoir tout les Serbes dans un état. C'est de facto. Cela coïncide

15 avec l'étendue géographique de ce qu'on obtiendrait par ceux qui épousent

16 la cause de la Grande Serbie. Ce n'est pas ce qu'a dit expressis verbis

17 l'accusé. Ce qui se trouve dans sa tête, cela, il faudra peut-être le

18 prouver autrement. Mais il n'a jamais sienne la cause de la Grande Serbie,

19 et je pense qu'il ne sera pas difficile d'établir en temps utile, au moment

20 d'interroger le présent témoin, de montrer que sa position est différente

21 de celle de l'accusé. Parce que lui, il a épousé la cause de la Grande

22 Serbie et le concept philosophique dont nous n'avons pas cherché à nous

23 embarrasser ou qui ne nous a pas frappés dans les positions d'experts que

24 nous avons entendu.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est un concept différent.

Page 43250

1 M. NICE : [interprétation] Oui. Il a une base historique, celui-ci.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mon micro ne marche pas.

3 Monsieur Nice, pourquoi a-t-on, du côté de l'Accusation, fait la moindre

4 référence au concept de la Grande Serbie ? Pourquoi est-ce qu'on a utilisé

5 ces termes si l'Accusation savait que le contexte historique était

6 radicalement différent ?

7 M. NICE : [interprétation] Vous poser la question; je vais essayer d'y

8 répondre. Il y a la différence que je rencontre en tant qu'individu pour ce

9 qui est de la rédaction de ces écritures qui s'est faite au fil du temps,

10 et la réalité actuelle. Mais je suppose que la bonne réponse à vous donner

11 serait la suivante : si vous regardez un homme - je parle ici de l'accusé -

12 il fait quelque chose, quelque chose qui ressemble, quant à ces effets

13 beaucoup, mais qui se manifeste de façon expresse, très différente de ceux

14 qui ont épousé le concept philosophique de la Grande Serbie. Il vous faut

15 trancher. Est-ce que vous en concluez que c'est un Grand Serbe ? Je vous

16 l'ai dit, ce serait erroné et peu sage de le faire. Est-ce que, néanmoins,

17 vous attirez l'attention de la Chambre sur le fait qu'il y a peut-être une

18 certaine importance à voir dans le fait qu'il y a ce concept de la Grande

19 Serbie exprimé par d'autres ? Il faut y accorder une certaine importance.

20 C'est la raison pour laquelle, dans le volet Bosnie de l'acte d'accusation,

21 nous parlons du concept du présent témoin.

22 Est-ce que vous - et nous l'avons d'ailleurs fait souvent - est-ce que vous

23 faites comprendre que l'issue, le résultat des ambitions politiques de

24 l'accusé peuvent être considérés comme étant les mêmes que les conclusions

25 ou les conséquences qu'auraient l'ambition de ce témoin ?

Page 43251

1 Est-ce que vous vous dites que de façon subtile ou pas, l'accusé s'est

2 peut-être servi des émotions nourries et avivées par ceux qui prônaient

3 ouvertement, publiquement une telle cause ? Oui, parce que l'expression

4 publique de la Grande Serbie et de ce concept

5 a en puissance des répercussions néfastes.

6 Alors, il y a peut-être plusieurs raisons à le dire. Mais nous, nous

7 n'avons jamais dit, que d'une certaine façon et au moment où nous avons

8 discuté de cette question devant la Chambre d'appel pour corriger toute

9 méprise qu'il y aurait eu au niveau de la Chambre de première instance et

10 dans mes propos liminaires, j'ai toujours été très prudent à la façon dont

11 je l'ai exprimé. Mais la Chambre n'aurait trouvé aucune utilité dans ceci,

12 parce qu'inévitablement la question allait se poser. Cela n'aurait pas été

13 utile de le mentionner, ne serait-ce que de le mentionner. Nous l'avons

14 dit, parce que cela avait été prononcé par d'autres ou par d'autres témoins

15 comme l'ambassadeur Galbraith. Dans la séance de récolement, je n'ai pas pu

16 dire à M. Galbraith, vous pensez que c'est la Grande Serbie; nous l'avons

17 dit autrement. Je n'aurais pas pu dire ce genre de choses. Il fallait que

18 je le laisse s'exprimer comme il avait l'intention de le faire. Je ne peux

19 pas parler à des témoins militaires pour qu'ils se servent d'un passage

20 résumé par Me Kay en disant, mais c'est comme cela vous voyez les choses,

21 vous, n'est-ce pas ? Nous, nous n'avons pas cette façon de voir les choses.

22 On ne sert pas de cette notion dans le contexte complexe philosophique et

23 politique. Les témoins doivent avoir la liberté de s'exprimer comme bon

24 leur semble. Bien sûr, que nous n'avons pas fait ce genre de choses; ce qui

25 aboutit à une situation qui est celle de maintenant. Même si je n'ai pas

Page 43252

1 toutes les références à vous soumettre, je me souviens, que dans les

2 questions que j'ai posées à des témoins qui ont parlé de ce concept de la

3 Grande Serbie, j'ai essayé de faire comprendre clairement - et

4 malheureusement, c'est malencontreux si cela n'a pas été clair, mais j'ai

5 essayé de le montrer clairement à la Chambre. Il y a, bien sûr, une

6 différence entre l'expression du concept de la Grande Serbie avec toutes

7 ces connotations historiques qu'elle charrie et les objectifs effectifs que

8 poursuivait l'accusé.

9 Je crois que c'est tout ce que je peux dire.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous dites que la Grande

11 Serbie, comme vous, vous comprenez la chose, est quelque chose de différent

12 du fait que tous les Serbes vivraient dans ce même état ?

13 M. NICE : [interprétation] Oui. Parce que la racine historique est

14 différente. Vous avez entendu ce qu'a dit ce témoin --

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Son concept à lui est très clair, et

16 il n'est pas le même que ce que vous essayez de décrire dans ce procès

17 contre l'accusé. Cela est très clair. Ce que j'aimerais comprendre c'est

18 ceci : qu'entendez-vous, vous, par la Grande Serbie ? Voulez-vous dire que

19 le concept comme on l'entend communément dans la région signifie que tous

20 les Serbes vivraient dans un seul Etat ou est-ce que d'après vous, c'est

21 quelque chose de différent ?

22 M. NICE : [interprétation] Bien --

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Parce que vous, vous vous servez

24 sans cesse de cette expression. J'examine ici une réponse pour ce qui est

25 du 98 bis, votre requête aux fins de jonction d'instance, l'Accusation

Page 43253

1 utilise cette expression. Bien sûr, la plupart du temps entre guillemets,

2 mais ce n'est pas toujours le cas. Donc, manifestement, l'Accusation a

3 quelque chose à l'esprit lorsqu'elle utilise l'expression.

4 M. NICE : [interprétation] L'Etat serbe centralisé englobant les deux

5 parties qui se trouvent notamment en Croatie et en Bosnie, là où vivaient

6 des Serbes, ou là où on pouvait trouver des Serbes, rappelez-vous la chute

7 des enclaves à l'est qui pourrait être annexée à la Serbie pour former un

8 seul Etat. Mais c'est un concept différent de celui du témoin qui a déjà

9 exprimé son avis sur la nationalité des Croates qui, selon lui, sont

10 simplement des Serbes sous un autre nom.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il y a un autre témoin qui

12 dit qu'il y a une équation Grande Serbie égale tous les Serbes vivant dans

13 un seul Etat ou est-ce que la Grande Serbie, comme vous le dites dans tous

14 ces documents, est quelque chose de différent ? C'est que j'aimerais

15 comprendre.

16 M. NICE : [interprétation] Dans l'utilisations que nous avons faite entre

17 guillemets ou en parlant de facto et dans les questions que nous avons

18 posées, vous voyez comment nous comprenons ce concept de la Grande Serbie.

19 Toujours, nous faisons une distinction entre cela et le concept

20 philosophique. Nous cherchons à comprendre les objectifs de l'accusé, et ce

21 sont là ses objectifs auxquels il a essayé d'arriver par son entreprise

22 criminelle commune pour avoir les Serbes de la Croatie et de la Bosnie

23 centralisée avec --

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quels sont les éléments de preuve

25 qui soutiennent ce que vous dites, Monsieur Nice ?

Page 43254

1 M. NICE : [interprétation] C'est notre thèse. C'est là-dessus que porte ce

2 procès. Où est-ce que nous allons trouver ceci ? Cela se trouve à beaucoup

3 d'endroits. Il y a d'abord la réalité sur les faits; ce que les gens ont

4 fait. Le souhait manifeste est exprimé de certains groupes locaux qui

5 voulaient s'identifier --

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je sais qu'il y a des éléments de

7 preuve, mais quelles sont les parties de ces éléments de preuve qui sont en

8 rapport direct à cette idée de Grande Serbie, ou qui relient ce phénomène à

9 l'idée de la Grande Serbie ? C'est ce que j'aimerais bien savoir, parce que

10 vous l'avez dit, c'est ce que vous voulez dire.

11 M. NICE : [interprétation] M. Saxon me le rappelle. Je ne sais pas si Mme

12 Retzlaff le dit aussi. Nous avons eu notamment le général Adikic [phon].

13 C'est un témoin qui a établi cette équation expressément. Mais c'est une

14 question de fait. Il revient en dernière instance à la Chambre de statuer.

15 Parce que le fait de mettre des étiquettes sur quelque chose, c'est qu'il

16 faut faire pour essayer de présenter les éléments de preuve.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je m'excuse, mais vous n'avez pas

18 répondu à ma question. Au paragraphe 262 de votre réponse pour ce qui est

19 de la requête en application du 98 : "Ceci revenait - de facto --"

20 M. NICE : [interprétation] Il faut que je --

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, je vous ai interrompu.

22 M. NICE : [interprétation] J'essaie de retrouver ce passage tout

23 simplement. C'est la requête aux fins de jonction ?

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. C'est votre réponse au 98 bis qui

25 vient plus tard dans la procédure. Donc, c'est beaucoup plus pertinent.

Page 43255

1 M. NICE : [interprétation] Je l'ai retrouvé.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Paragraphe 262. "Ceci revenait de

3 facto à la planification en vue d'une Grande Serbie."

4 M. NICE : [interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est la Grande Serbie en tant que

6 concept. C'est un concept exprimé là. La preuve est en fait ce qui se

7 passait, c'était de façon coïncidente, par hasard, à une planification qui

8 arriverait à la même chose. Il faut d'abord définir la Grande Serbie avant

9 de dire que quelque chose revenait de facto à quelque chose. Quel est votre

10 point de départ ? Il vous faut avoir un point de départ.

11 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi, c'est sans doute une erreur de ma

12 part, une défaillance. Je ne vous comprends pas tout à fait. Reprenez le

13 paragraphe précédent, s'il vous plaît. Voici ce qu'il dit, paragraphe 261 :

14 "Fin des années 1980, et de façon de plus en plus claire en 1990, le plan

15 de l'accusé, c'était que tous les gens dispersés dans ce qui restait de la

16 Yougoslavie, se retrouvent dans un état où ils étaient majoritaires." C'est

17 le journal de Jovic qui est cité ici.

18 "Les éléments de preuve montrent qu'il était à la tête des dirigeants

19 serbes en Bosnie-Herzégovine pour ce qui est de la planification et de

20 l'exécution du plan. En ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine, il a conçu

21 ce plan avec les dirigeants serbes de Bosnie dès 1991, peut-être même

22 avant. Il voulait que les Serbes de Bosnie fassent partie d'un seul état

23 lié sur le plan territorial et politique à la Serbie ainsi que dans les

24 zones de Croatie où se trouvaient les Serbes." Ici, nous avons plusieurs

25 écoutes téléphoniques qui en parlent. C'est repris en note de bas de page.

Page 43256

1 Il faudrait les examiner de plus près.

2 Dans le fond, qu'est-ce que nous disons ici. C'est que les éléments de

3 preuve concernant la façon dont il comprenait les choses, ses intentions

4 fin des années 1980 et en 1990 ainsi que vers la fin des années 1990,

5 c'était comme nous le disons ici, "de viser à ce que les Serbes restent

6 dans un territoire qui avait des liens géographiques et politiques avec la

7 Serbie et aussi dans des zones désignées en Croatie, pour les Serbes donc

8 ici, c'est la planification d'une Grande Serbie."

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, mais vous dites que cela c'est la

10 situation de facto et vous dites que cela revient à la planification d'une

11 Grande Serbie. Donc, on arrive à la même chose. C'est ce que vous dites.

12 Mais il vous faut un point de départ. Il faut que la Grande Serbie ait une

13 signification au départ.

14 M. NICE : [interprétation] Je vois.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est ce que j'essaie de déterminer.

16 Si vous dites que c'est cela la Grande Serbie, il faut savoir ce que c'est

17 avant de dire que finalement l'accusé est arrivé à cela, ou voulait y

18 arriver.

19 M. NICE : [interprétation] Mais c'est peut-être que si nous avions utilisé

20 l'article indéfini "un" ou "une", ceci vous aurait aidé parce que de la

21 façon dont je vois les choses, les choses sont claires, je pense. Cela

22 revenait à la planification en vue d'une Grande Serbie.

23 Nous vous avons demandé de le faire de temps à autre, faites-le, les cartes

24 Epoka qui reprennent de façon intermittente les revendications, les

25 ambitions de son parti sont tout près dans le temps de la Conférence de La

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1 Haye, c'est de façon pragmatique et forcément réaliste, vous savez que les

2 hommes politiques qu'ils soient animés de bonne intention ou pas restent

3 pratiques, les ambitions changent, fluctuent et répercutent les

4 circonstances qui changent mais cela revient à un plan qui vise à

5 l'extension de l'Etat serbe. Alors ce que nous disons ici dans cette partie

6 des écritures, c'est qu'il avait un désir d'avoir une grande, une plus

7 grande Serbie, une Serbie agrandie avec des parties venant de Bosnie et de

8 Croatie.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous donnez la même

10 explication pour le paragraphe 252 lu par le Juge Kwon ?

11 M. NICE : [aucune interprétation]

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] "L'Accusation estime que l'accusé

13 avait l'intention de détruire la population musulmane dans les parties de

14 Bosnie-Herzégovine qui avaient été désignées spécifiquement afin d'être

15 incluses dans une Grande Serbie ?

16 M. NICE : [interprétation] Je pense que dans mes propos liminaires, je l'ai

17 dit de cette façon suivante : pour gagner ou conserver, retenir ce genre de

18 territoire.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nice, si vous continuez la

20 lecture de ce paragraphe, première phrase, je la lis : "La population

21 musulmane de Bosnie a été l'obstacle principal à ses ambitions

22 territoriales et il ne pouvait tolérer l'existe de ces groupes dans ces

23 municipalités."

24 Ce passage, est-ce que je le comprends bien ? L'essentiel, la base de la

25 thèse de l'Accusation ou sa façon de comprendre une Grande Serbie, c'est

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1 que c'est en rapport avec les ambitions territoriales et que ce n'était pas

2 de ne pas tolérer l'existence d'autres groupes. Lorsque l'accusé dit que

3 tous les Serbes devraient vivre dans un Etat. Ce qui est dit ici, c'est son

4 ambition territoriale, ses revendications, ses prétentions territoriales et

5 l'expulsion d'autres groupes ethniques.

6 M. NICE : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

8 M. NICE : [interprétation] Vous avez ici en fait ici deux thèses qui se

9 développent concomitamment.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est de cette façon là que

11 vous comprenez une Grande Serbie ?

12 M. NICE : [interprétation] Une Grande Serbie de facto dans les faits, oui,

13 parce qu'ici, il y a deux volets distincts selon la division qu'on fait. Là

14 où il y a une majorité de Serbes, on pourra avoir ces endroits dans un même

15 Etat, mais on pourrait s'attendre à ce qu'on ait voulu que la majorité

16 serbe puisse être incluse aussi comme c'était le cas à Drenica ou à

17 Srebrenica. Mais je voudrais répondre à votre question, Monsieur le Juge,

18 et je reprends la difficulté à laquelle doit faire face l'accusé dans les

19 faits, s'il voulait avoir un continuum, un Etat serbe continu, il y a ce

20 concept philosophique à sa base dans l'histoire et il fallait qu'il

21 l'inclue et nous estimons qu'ici, c'était un plan pratique qu'il avait.

22 Oui, j'ai une autre note.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais est-ce que vous voulez dire que

24 cette Grande Serbie qu'il voulait, cela devait être un pays reprenant

25 certaines parties de la Croatie et de la Bosnie ?

Page 43259

1 M. NICE : [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un pays, un Etat.

3 M. NICE : [interprétation] Je pense qu'en fin de compte, c'était

4 l'intention poursuivie. Il voulait que cet Etat existe en tant qu'Etat

5 unique et les éléments que nous allons présenter ou que nous avons présenté

6 c'était l'intention exprimée de façon plus ou moins prudente par rapport à

7 ce que dit l'accusé. Mais il le dit lui-même de façon très claire qu'il

8 était prêt à jouer sur le temps, à attendre pour voir comment ceci allait

9 évoluer.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est différent de la volonté de

11 préserver un Etat yougoslave, l'Etat de Yougoslavie.

12 M. NICE : [interprétation] Mais oui, une fois qu'il n'était plus possible

13 de maintenir la Yougoslavie en tant qu'Etat fédéral, que ce soit à cause de

14 lui, de ce qu'il avait fait ou à cause d'une conférence, il fallait mettre

15 en œuvre un autre plan qui s'est appliqué effectivement. C'est à ce stade-

16 là que l'idée d'une Grande Serbie est devenue dans son esprit, à notre

17 avis, une réalité.

18 Je ne sais pas si je voulais attirer votre attention sur autre chose. Je

19 vais regarder cette note qui m'a été donnée.

20 Oui. Je ne pense pas qu'il serait possible de sous-estimer

21 - nous ne l'avons d'ailleurs pas fait - sous-estimer la réalité suivante :

22 les frontières que devaient avoir les intentions de l'accusé et ses

23 actions, ces frontières seraient peut-être les mêmes, identiques à celle

24 que recherchait ce présent témoin. C'est la raison pour laquelle, nous

25 avons pris le temps que nous avons pris, je m'excuse, j'espère avoir été

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1 suffisamment clair. Nous avons pris un certain temps pour étudier ces

2 cartes historiques, par exemple, la Conférence de Londres, parce que c'est

3 sur ces cartes que l'accusé ou son parti se sont appuyés.

4 Rappelez-vous notamment, comment il a essayé de résoudre le problème. Il a

5 parlé d'une écoute téléphonique qui parlait d'un plan parce que quelqu'un

6 d'autre à la fin de la Première guerre mondiale, et il a dit : oui, oui,

7 qu'en est-il de la Conférence de Londres ? C'est son intention, c'est son

8 plan.

9 Mais l'Etat et ses frontières seraient pratiquement les mêmes que celui ou

10 celles recherchés par l'accusé.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais est-ce que vous dites que

12 l'accusé a essayé de s'emparer de la totalité de la Bosnie ?

13 M. NICE : [aucune interprétation]

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ce témoin dit que toute la

15 Bosnie, en fait, fait partie de la Grande Serbie.

16 M. NICE : [interprétation] Bon, cela dépend. Si on reprend cette ligne

17 Karlobag-Virovitica, Karlovac oui, mais --

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il n'est pas juste de dire que ce

19 soit votre thèse de dire que ses intentions seraient similaires, voire

20 identiques, ces objectifs seraient les mêmes que ceux du présent témoin ?

21 M. NICE : [interprétation] A ce stade, oui. Parce que si vous estimez que

22 si on reprend cette ligne de démarcation, en fin de compte, c'est le plan

23 où vous avez un Etat croate bien diminué et cela revient à cela. Il faut

24 voir les choses au fil de l'évolution des événements. Je ne sais pas si la

25 carte fait l'objet d'un dépôt sous pli scellé. Je ne pense pas devoir

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1 parler de cette personne.

2 Nous sommes en audience publique.

3 Un instant, s'il vous plaît.

4 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

5 M. NICE : [interprétation] Quoi qu'il en soit.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. NICE : [interprétation] Nous avons quelques témoins, Matovina, Kandic

8 notamment, qui ont eux-mêmes exprimé de façon précise -- écoutez, une fois

9 de plus je n'ai pas trouvé les références, et je remercie mes collègues de

10 mes les avoir rappelées, mais ils font référence en passant à une Grande

11 Serbie, j'insiste sur l'article "une" Grande Serbie davantage sur le

12 concept de la Grande Serbie. Ce ne sont pas des témoins que nous avons

13 préparés avant qu'ils n'arrivent ici, nous ne voulons pas -- nous ne

14 pouvons pas le faire, ils ont exprimé leurs avis -- leur perception des

15 choses.

16 Je pense qu'il est important de garder à l'esprit, quand vous voyez

17 l'historique de ce procès et quand il s'agira de trancher les questions qui

18 vous seront soumises en fin de procès, la connexion au concept historique

19 de la Grande Serbie -- le lien, ce n'est pas nécessairement seulement

20 quelque chose qui peut exister au niveau pratique entre l'accusé et ce

21 concept, mais cela existe peut-être aussi en tant que lien entre le

22 mémorandum de SANU et le concept de la Grande Serbie, cela a toujours été

23 dit entre les lignes. Cela n'a pas été dit ouvertement. Je pense qu'il est

24 de loin préférable et, à notre avis, beaucoup plus réaliste de se demander

25 ceci : qu'est-ce qu'il cherchait à obtenir cet homme ? Que voulait-il ? Il

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1 voulait une Serbie plus grande, un Etat serbe centralisé et plus grand. A

2 biens des égards, et là, je reprends ce que disait le Juge Bonomy, cela n'a

3 pas toujours été le cas, mais quelquefois cela coïncidait avec en tout ou

4 en partie les ambitions de certains, du genre de ce témoin. Cela a repris

5 ou reflété d'autres idées, le mémorandum de SANU sans qu'il le dise lui-

6 même. Mais ici ce qui nous intéresse dans ce procès, c'est de savoir ce

7 qu'il a fait pour essayer d'établir un Etat serbe plus grand, ce qui a

8 impliqué que des crimes devaient être commis.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, est-ce que vous

10 pourriez résumer la thèse de l'Accusation sur ce point en quelques

11 phrases ?

12 M. NICE : [interprétation] Merci, Monsieur Saxon de m'aider à retrouver ce

13 passage.

14 L'accusé a posé une question au témoin Erstic, le 25 juillet 2003. La voici

15 : "Quel est le discours que j'ai prononcé que vous avez entendu où il y

16 aurait eu quoi que ce soit contre les Croates ou d'autres populations de

17 Yougoslavie ?

18 "Réponse : Je vous ai vu à la télévision lorsque vous avez organisé ces

19 rassemblements à Belgrade, et vous avez crié, nous voulons une Grande

20 Serbie et tous les Serbes doivent vivre dans un seul Etat."

21 C'est le souvenir qu'a cet homme de la façon dont les choses ont été

22 exprimées. Je n'ai pas cela sur une cassette vidéo, mais le témoin dit

23 comment il a compris de quelle façon s'établit le lien de façon plus ou

24 moins serrée ou technique entre "la Grande Serbie" et le fait d'avoir tous

25 les Serbes qui vivent dans un même Etat. J'ai été clair en répondant à ce

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1 que vous disiez, Monsieur le Juge Robinson, les ambitions qu'avait l'accusé

2 au moment des faits c'était une fois qu'il n'était plus possible de

3 conserver la République fédérale de Yougoslavie, ses ambitions consistaient

4 pour lui ou son parti à avoir un Etat serbe agrandi et c'est ce qu'il l'a

5 poussé à agir.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous parlez d'un Etat serbe agrandi.

7 M. NICE : [interprétation] Dans les faits, une Grande Serbie, quelle que

8 soit la description que vous donnez. Mais ce n'est pas le concept qu'avait

9 cet homme-ci, le témoin, ou son parti. Du moins de la façon dont l'accusé

10 l'aurait exprimé.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un Etat serbe agrandi.

12 M. NICE : [interprétation] Oui. Je crois l'avoir déjà dit, mais si ce n'est

13 pas le cas, je suis tout à fait prêt à le répéter, répéter ce que j'ai déjà

14 dit pour que ce soit plus clair encore : une fois que la décision avait été

15 prise de laisser partir la Slovénie, la Croatie on l'a laissé partir ou on

16 se disait qu'elle allait peut-être partir dans les conditions qui sont

17 celles qu'il y a eues mais sans les parties qui devaient rester sur le

18 contrôle des Serbes, et à ce stade, pour reprendre ce que disait le Juge

19 Bonomy, à ce moment-là le plan n'était pas d'inclure la totalité de la

20 Bosnie. Je le reconnais. Ils ont fait face à la réalité et ils se sont

21 limités aux parties dont a parlé l'accusé lui-même en pourcentage là où il

22 pensait qu'il serait réaliste de conserver ces parties-là.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que c'est

24 ici l'Accusation qui précise la nature de sa thèse, je ne demande pas de

25 réaction que ce soit de la part de Me Kay ou de M. Milosevic, mais Maître

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1 Kay si vous avez quelque chose à dire, dites-le. C'est vrai aussi pour M.

2 Milosevic.

3 M. KAY : [interprétation] Rien de plus.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, avez-vous

5 quelque chose à dire à ce propos, n'oubliez pas que c'est ici une précision

6 apportée par l'Accusation qui doit expliquer quelle est la nature de la

7 thèse qu'elle défend.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je comprends parfaitement bien, Monsieur

9 Robinson, le fait que la question lui ait été posée à lui. Mais étant donné

10 qu'ici M. Nice a proféré bons nombres de choses qui se trouvent être

11 absolument inexactes, j'estime avoir le droit d'y répondre, et il a parlé à

12 peu près 40 minutes.

13 Tout d'abord, tous les Serbes dans un seul et même Etat ce n'est pas du

14 tout un slogan, mais une réalité qui dure depuis plus de 70 ans, depuis la

15 création de la Yougoslavie jusqu'en 1991 date où certaines républiques ont

16 commencé à faire sécession de façon illégale et par les armes. Les Serbes

17 dans un seul et même Etat, c'est une réalité de 70 ans. Si M. Nice accuse

18 quelqu'un d'avoir voulu sauvegarder un Etat qui a été un Etat souverain et

19 reconnu internationalement l'un des fondateurs des Nations Unies après la

20 Deuxième guerre mondiale, je suppose qu'il y a une liste immense de

21 personnes qu'il faudrait accuser. Mettons ce fait-là de côté.

22 Vous-même, Monsieur Robinson, vous vous êtes servi d'un terme : doivent

23 vivre dans un même Etat. Ce qui se trouve être erroné. Parce que ces gens-

24 là ont vécu pendant 70 ans dans un seul et même Etat. Il n'y a pas eu de

25 thèse concernant une vie future. Cela a été une vie de fait en commun et il

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1 s'agissait d'une volonté de préserver ce fait-là.

2 Ceci est le premier et peut-être unique cas d'un procès, je ne sais pas

3 s'il y en a eu dans le monde au passé, peut-être avec votre expérience,

4 seriez-vous nous en donner d'autres exemples, mais je ne n'ai pas

5 connaissance d'un phénomène de ce genre, à savoir au bout de trois-quarts

6 du déroulement du procès, nous y sommes depuis 2002 et nous sommes en 2005,

7 donc on a trois ans et demi d'écoulés et on voit que l'Accusation ne sait

8 pas de quoi elle m'accuse. Je crois que cette façon de se blâmer soi-même

9 devra être étudié à l'avenir dans les universités. Le problème ce n'est pas

10 seulement le fait que M. Nice ne sache pas quoi me reprocher, mais le

11 problème qui importe plus --

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je ne pense pas

13 qu'il soit correct de dire qu'il ne sait pas quels sont les faits

14 reprochés. La question qui se pose, c'est quelle est la politique qui sous-

15 tend l'affaire ou les charges avancées par l'Accusation, mais allez-y.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, le problème qui se pose

17 surtout ici c'est que suite à une insistance de votre part, et quand je dis

18 de "votre part" j'entends les trois Juges de la Chambre, donc vous avez

19 insisté vous-même parce que si les choses étaient claires, vous

20 n'insisteriez pas. Vous ne demanderiez pas de réponse puisque les choses

21 sont claires. Or, c'est après que vous ayez insisté, au bout de trois ans

22 et demi, il s'efforce d'éclaircir ou de clarifier les raisons par

23 lesquelles il m'accuse, mais il le fait en vain. Donc, je ne vois pas

24 quelle est la valeur de tout ce qu'il a présenté à ce jour, et je crois que

25 ceci doit être tiré au clair. Au départ, pour me permettre de réaliser un

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1 droit des plus élémentaires pour que je sache de quoi je suis accusé afin

2 de savoir à quoi je dois répondre.

3 Deuxièmement, M. Nice, à trois reprises, a procédé à une modification de

4 ses positions trois fois au cours de cette heure écoulée. Les trois fois,

5 c'est dénué de sens pareillement. Il a d'abord dit qu'il ne me reprochait

6 pas la Grande Serbie. Il l'a dit d'ailleurs quand le témoin Cedomir Popov

7 est venu témoigner. On est en train de manipuler sur ce qu'on a dit

8 auparavant.

9 Ensuite, on me met cela à charge. Puis, est-ce que cela signifie la même

10 chose que tous les Serbes dans un seul et même état. Or, c'est la

11 Yougoslavie qui dure depuis 70 ans. Puis, il fait volte-face une fois de

12 plus pour donner davantage de contrevérités sur plusieurs éléments. Par

13 exemple, il vient de mentionner l'académicien Popov et une carte. Or, il

14 s'est avéré clairement que M. Nice a manipulé avec les cartes de l'époque.

15 Cela a été -- de l'Epoka, le journal publié à Belgrade.

16 La carte qui montre cette ligne Karlobag-Ogulin-Virovitica a été montrée

17 comme étant une carte au sujet de laquelle le journal, la revue Epoka - et

18 là, il a établi une espèce de corrélation avec moi, mais je n'ai pas

19 compris quelle sorte de lien il pouvait y avoir. Il a dit qu'il y avait un

20 texte à côté de cette carte qui démontrait que ceux qui ont rédigé ce texte

21 n'étaient pas d'accord avec la carte même. Donc, c'est une manipulation

22 pure et simple.

23 Puis, il a montré la carte de ce qui est convenu d'appeler l'initiative de

24 Belgrade suivant laquelle Izetbegovic lui-même --

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le mot "manipulation" arrive ici. Je

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1 crois que vous serez sur un sol plus sûr si vous dites qu'il y a eu

2 mauvaise interprétation de la carte.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'a pas fait une mauvaise interprétation; il

4 a montré un texte avec une présentation critique de la carte qui est celle,

5 en faveur de laquelle s'emploie la revue en question. Cela a été fait de

6 façon tout à fait claire à l'opposé de ce qu'avait été la réalité. C'est un

7 mensonge pur et simple. L'initiative de Belgrade, aux termes de laquelle

8 Izetbegovic était prévu au poste ou aux fonctions de président d'un tel

9 état, - vous l'avez lu ce texte, - il le présente comme étant une volonté

10 de créer une Grande Serbie. Donc, il manipule, il cherche à tromper

11 délibérément. Je crois que vous n'avez pas oublié tout à l'heure.

12 En parlant de l'impossibilité de la survie de la RFY, il dit : "Etant

13 donné qu'il l'a fait lui-même." Lui, c'est moi, l'a fait à la conférence de

14 La Haye. Or, à la conférence de La Haye, ce qu'on a proposé, c'est le

15 démantèlement de la Yougoslavie que j'ai refusé. Donc, il en a été à

16 l'opposé. Il s'est tout simplement plus de quoi il parle. Il est en train

17 d'avancer des choses qui sont des contrevérités si notoires, que je me

18 trouve véritablement étonné de voir quelqu'un se permettre un tel

19 comportement.

20 Je vais vous dire que M. Nice devrait répondre au pénal pour son intention

21 délibérée, intentionnelle, d'interdire à la vérité de ce faire le jour,

22 parce qu'il avait dans ses mains tous les faits, et il avait à sa

23 disposition les personnes qui ont été jugées pour ce type de choses.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic. Monsieur

25 Milosevic, je vous ai dit, dès le départ, qu'il s'agissait pour

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1 l'Accusation, en premier lieu, de clarifier son point de vue. Cela a été

2 fait. Si vous avez des arguments à présenter au sujet de ces deux questions

3 de droit - je dis bien question de droit - faites-le. Je vous permets de

4 continuer, quoique je ne pense pas que cela soit absolument nécessaire. Je

5 veux être équitable à votre égard étant donné que ceci concerne la cause

6 qui est la vôtre, mais vous devez vous limiter aux questions de droit. Ne

7 faites pas d'accusations.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Parlons de questions de droit. Maintenant qu'il

9 essaie d'expliquer suite à une demande de votre part, et vous n'avez pas

10 fait cette demande parce que vous avez compris les choses, mais parce que

11 vous n'avez pas compris les choses. Ce qui prouve que les choses ne sont

12 pas claires du tout. Il est en train de parler d'un plan A et d'un plan B.

13 Il a fait recours -- il a recouru au plan B. Mais où est ce plan A, où est

14 ce plan B ? Est-ce qu'il a présenté des éléments de preuve concernant le

15 plan A et le plan B ? Et s'agissant d'une conversation interceptée, il dit

16 que Milosevic se réfère à la carte de la conférence de Londres. Or, la

17 carte de la conférence de Londres, dans cette conversation interceptée, est

18 mentionnée par l'interlocuteur. Je manque d'intérêt. Enfin, je fais preuve

19 d'un manque d'intérêt total. C'est une manipulation pure et simple; cela ne

20 devrait pas être permis à quiconque, à personne.

21 M. Nice ici, devrait vouloir nous faire déterminer quand est-ce qu'il a

22 parlé pour la première fois -- de la première fois. Il dit : "Voilà la

23 dernière fois où j'ai parlé de la Grande Serbie." Comme si cela importait

24 de quelque façon que ce soit. Il avait l'intention de réunifier tous ces

25 volets, quoique M. Kay ait prévenu du danger qu'il y avait de voir

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1 quiconque pouvoir endurer un procès de cette taille et de cette durée. Mais

2 vous l'avez quand même fait. Il dit ensuite : Il n'établit pas de

3 corrélation avec moi, et il dit que ce n'est pas moi qui l'ai dit.

4 En page 82 de son discours liminaire, avant qu'il n'ait présenté des

5 témoins ici, qu'il en ait cité, il dit, en page 82 : "L'armée s'est

6 consacrée ou s'est conformée au programme établi par l'accusé."

7 Donc, il est devenu clair que : "Les officiers éduqués dans un esprit de

8 fraternité et de l'unité ont abandonné cette idéologie en faveur d'une

9 Grande Serbie."

10 Alors, Messieurs, j'insiste tout d'abord que l'on me tire au clair pourquoi

11 je suis ici, quelles sont les choses qui me sont reprochées.

12 Ensuite, je serai à même d'y apporter des réponses. Tenez, par exemple,

13 l'audition de l'académicien Cedomir Popov, son témoignage ici. Page 34 587.

14 M. Nice dit : "Puis-je vous rappeler, rappeler aux Juges de la Chambre et à

15 l'accusé, qu'il est une réalité, à savoir que dans mes propos liminaires,

16 au nom de l'Accusation, je ne me suis pas fondé du tout sur les termes de

17 'Grande Serbie.'"

18 A l'audition de Popov, il dit qu'il ne sait pas appuyer sur ces termes-là.

19 Or, je viens de vous citer ces propos liminaires. Donc, ce n'est pas vrai.

20 Il dit qu'il s'est servi de ces termes-là une fois en corrélation avec un

21 dénommé Seselj. Il a parlé de la Grande Serbie effectivement en citant M.

22 Seselj. Mais dans sa citation, provenant de son discours liminaire, ce

23 n'était pas lié à Seselj; c'était lié à moi. Dans sa déclaration liminaire,

24 il dit que -- enfin, il dit maintenant que l'Accusation ne s'est jamais,

25 dans ses propos liminaires, fondée sur les termes de Grande Serbie. Il dit

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1 qu'il s'est servi de ces termes-là une fois en corrélation en citant un

2 dénommé Seselj, il pense, dit-il, "s'y être référé en parlant d'un concept

3 de tous les Serbes, dans un seul et même état."

4 Ces Serbes dans un seul et même état, c'est la Yougoslavie que nous avons

5 souhaité sauvegarder. Or, tous les Serbes dans un seul et même état est une

6 Yougoslavie. On n'a pas émis de réserve à cet effet.

7 Il s'agit, selon lui, d'un concept qui a été mentionné par bon nombre

8 d'autres témoins, et nous ne sommes pas à même, dit-il, de contrôler leur

9 façon de s'exprimer et la conception, ou plutôt la façon dont ils

10 conçoivent les choses. Alors, il ne peut pas les contrôler, et il ne peut

11 pas contrôler la façon dont ils ont compris les choses. Je n'ai pas retenu

12 le nom de l'individu qui m'aurait, soi-disant, entendu dire que j'avais

13 moi, réclamé une Grande Serbie. Tous mes discours ont été enregistrés par

14 la télévision. Il y a eu des milliers, des milliers de gens à les entendre

15 et à les voir. Il se sert de mensonges notoires. Suivant la pratique qui

16 est utilisée ici, il peut essayer de prouver quelque chose au sujet de

17 quoi, toute la Serbie toute entière sait parfaitement bien que c'est un

18 mensonge pur et simple. C'est un fiasco complet, et ceci n'est que le

19 sommet de l'iceberg, du fiasco total auquel on fait face ici.

20 Le Juge Robinson a dit ensuite : "Avant, nous n'avons jamais attribué ces

21 propos à l'accusé, et ce sont des concepts qui ont été mentionnés par bon

22 nombre de témoin. Nous ne pouvons pas contrôler l'analyse et la

23 compréhension qu'ils ont des événements. S'agissant de l'Accusation, nous

24 nous sommes très attentivement limités dans notre approche aux questions

25 suivant la façon dont j'ai présenté les choses au nom de l'Accusation."

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1 Mais on sait comment il a présenté la chose au nom de l'Accusation.

2 C'est tout à fait incohérent.

3 Le Juge Robinson a dit : "Cela ne figure pas dans l'acte

4 d'accusation." Nice a dit : "Cela figure dans l'un des actes d'accusation,

5 l'un des volets de l'acte d'accusation, mais cela a précédé mon discours,

6 mes propos liminaires, dans mes propos liminaires s'agissant de la théorie

7 et du principe général." Puis, il dit : "Vous avez tout à fait raison." Le

8 Juge Robinson : "Mais vous ne dites pas que c'est là un élément important

9 de la cause avancée par l'Accusation. M. Nice dit : "Non, je ne l'ai pas

10 dit du tout. Il s'agit d'une question des plus importantes qu'il convient

11 de garder à l'esprit. Nous nous sommes toujours exprimés en nous servant du

12 terme de tous les Serbes dans un seul et même état."

13 Je viens de vous donner lecture de ce qu'il a dit.

14 Il continue, il enchaîne en disant que : "Nous avons toujours dit que

15 d'autres personnes ont instrumentalisé les opinions avancées par autrui."

16 Alors, Monsieur Robinson, j'estime que vous devriez demander à M.

17 Nice de nous indiquer de façon précise, exacte, en quoi consiste exactement

18 l'acte d'accusation à mon égard. En attendant qu'il le fasse, il convient

19 d'interrompre tout bonnement le procès. Il vient de parler de ce que

20 certaines personnes ont fait en Bosnie et en Croatie. Ces gens-là se sont

21 défendus. Ce ne sont pas les Serbes qui ont entamé une sécession armée, une

22 guerre civile. Tous les éléments de preuve que vous avez entendus, montre

23 que des mois avant cela, d'autres ont commencé à les tuer, ils n'ont fait

24 que se défendre.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'ai

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1 effectivement demandé à M. Nice de nous résumer les thèses de l'Accusation

2 sur ce point. En réponse à cela, il a indiqué que le concept pris en

3 considération par l'Accusation est celui d'un état serbe agrandi. C'est sa

4 position. Nous avons les éléments de preuve, nous avons un compte rendu

5 d'audience qui le confirme. J'aimerais que nous allions de l'avant.

6 Allez-y.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous êtes en train de présider maintenant, mais

8 vous êtes Juge depuis le début du procès ici. Quel est l'élément de preuve

9 que M. Nice a présenté à ce jour concernant un concept d'un état serbe

10 agrandi ? Avez-vous vu un élément de preuve afférent à cela ? Il nous a

11 montré cela, mais nous ne pouvons pas --

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur Milosevic, cela n'est

13 pas ce que nous sommes en train de discuter ici. Si nous concluons par la

14 suite ultérieurement que ces éléments-là ne sont pas confortés par des

15 éléments de preuve, cela sera traduit par les décisions que nous rendrons.

16 Comme vous le savez, il ne nous appartient pas à nous d'en décider dès à

17 présent. Vous devriez savoir, en effet, quelles sont les thèses de

18 l'Accusation. La chose a été tirée au clair. Je voudrais que vous passiez

19 maintenant à vos questions suivantes au témoin, et j'aimerais que vous

20 passiez à un autre sujet.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Justement, pour tirer tout ceci au clair,

22 j'estime devoir dire que le témoin a lui même dit au sujet de soi - et il

23 est évident qu'il dise la vérité - qu'il constitue l'un des théoriciens en

24 chef qui a à avoir à étudier la question. Je vais d'hors et déjà vous dire

25 que je m'attends à des objections de la part de M. Nice, qui diront qu'il

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1 n'est pas venu témoigner ici en guise d'expert. Mais il a rédigé un livre,

2 il a rédigé bon nombre d'ouvrage. Dans un grand nombre de ces livres, la

3 question est reprise. Donc, c'est quelqu'un qui est carrément compétent en

4 la matière. C'est un homme politique d'actualité, qui est à la tête du plus

5 grand des parties de l'opposition. Il témoigne en sa qualité de témoin de

6 fait, et il est qualifié de le faire.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Monsieur Seselj, j'aimerais que vous disiez --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous allez lui poser des

10 questions concernant ce concept d'état serbe agrandi ?

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tenez, par exemple, pourquoi ne lui poserais-je

12 pas cette question-là justement ?

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je vous permets de le faire.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Monsieur Seselj, je voudrais tout d'abord vous poser la question

16 suivante : vous avez répondu à la question relative aux rapports avec les

17 Croates. C'est le concept que vous défendez. Ces titulaires de concept

18 Grand Serbe s'emploient-ils ou se sont-ils employés à quelque moment de par

19 le passé, à quelque moment que ce soit de par le passé en faveur de

20 l'anéantissement des Musulmans ?

21 R. Non, le Parti Radical Serbe a dressé une carte géographique de la

22 Grande Serbie. Cette carte géographique que nous avons publiée, je ne sais

23 combien de fois en page de couverture ou en page de garde à la fin de notre

24 revue la Grande Serbie, on voit que la frontière occidentale se trouve sur

25 la ligne Karlobag-Ogulin-Virovitica. Cette carte de la Grande Serbie

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1 n'englobe pas les territoires seulement où la population orthodoxe serbe

2 est majoritaire. Cela englobe bon nombre d'autres territoires où des

3 Croates, des Musulmans, des Macédoniens se trouvent être majoritaires.

4 Alors, si notre idée à nous était de faire en sorte de chasser tous

5 ceux qui se diraient non-Serbes, cela signifierait un exode de 10 000 000

6 de personnes, et cela serait complètement dénué de sens.

7 Autre chose, en 1990, à l'époque où la crise est arrivée à son

8 apogée, à son comble, j'ai rédigé une lettre aux Serbes, à l'intention des

9 Serbes de confession musulmane. C'est une lettre publique qui a été

10 imprimée à plusieurs reprises. Je dis : "Frères musulmans, ne vous laissez

11 pas -- ne laissez pas les autres vous tromper comme ils l'ont fait à la

12 Première et la Deuxième guerre mondiale. Ne vous faite pas une arme, un

13 outil contre vos frères orthodoxes. Ne permettez pas à ce qu'il y ait

14 effusion de sang entre nous." Cela a été publié dans mes livres, cela a été

15 publié par la presse. Vous pouvez avoir cela à votre disposition. Ce que

16 nous avons souhaité --

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Merci, Monsieur Seselj.

18 Monsieur Milosevic, gardez, je vous prie à l'esprit, le fait que

19 l'accusé -- l'Accusation a pour thèse l'idée d'un état serbe agrandi.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai cela à l'esprit, en effet.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Monsieur Seselj, a-t-il à quelque moment que ce soit été question du

23 fait de voir la Serbie nourrir des aspirations territoriales ?

24 R. Non, jamais personne n'a exprimé des positions afférentes à des

25 aspirations territoriales de la Serbie. Les Serbes, au sein de l'unité

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1 fédérale croate de l'époque, ont laissé entendre aux Croates de façon

2 claire : "Si vous voulez faire sécession vis-à-vis de la Yougoslavie, nous,

3 nous ne le voulons pas; nous voulons rester en Yougoslavie. C'est la raison

4 pour laquelle nous créons une Krajina serbe." Les Serbes en Bosnie-

5 Herzégovine ont clairement laissé entendre aux Musulmans et aux Croates :

6 "Si vous désirez faire sécession vis-à-vis de la Yougoslavie, nous ne le

7 voulons pas nous, nous voulons rester au sein de la Yougoslavie." La chose

8 a été dite de façon tout à fait claire avant le début de chacune de ces

9 guerres. "Nous ne voulions pas quitter la Yougoslavie; c'est vous qui le

10 voulez." Personne n'a cherché à éviter des entretiens pour ce qui est des

11 modalités de faire sécession. En Bosnie, on a établi un plan Cutileiro que

12 les Serbes, les Musulmans et les Croates ont accepté. Puis, suite à des

13 pressions américaines, des Musulmans ont fait défaut par la suite, se sont

14 retirés par la suite.

15 Ce que les Serbes orthodoxes voulaient, c'était la sauvegarde de la

16 Yougoslavie et non pas une Serbie agrandie. La plupart des Serbes ne

17 voulaient pas d'une Grande Serbie; c'est seulement la partie radicale serbe

18 qui le voulait.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Je crois que les choses

20 sont tout à fait claires. Monsieur Milosevic.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Monsieur Seselj, tout à l'heure, en apportant des explications, ou

23 plutôt dans les explications apportées par M. Nice, vous avez pu entendre

24 certaines citations qu'il a faites de ses positions où il s'est référé à

25 des documents à lui, aux termes de quoi, j'aurais eu un plan qui consistait

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1 à chasser les Musulmans du territoire de la Bosnie-Herzégovine, je suppose,

2 de la partie de la Bosnie qui serait sous le contrôle des Serbes. Il n'a

3 fourni aucun élément de preuve à cet effet mais il l'affirme.

4 Alors, je voudrais que vous nous expliquiez, se peut-il que quelqu'un ait

5 un plan consistant à chasser les Musulmans de la Bosnie passant du

6 territoire sous le contrôle serbe, mais sans pour autant chasser les

7 Musulmans qui se trouvent en Serbie là où il y a contrôle serbe, comme de

8 plein et entier où il n'y a pas de guerre ni quoi que ce soit d'autre et

9 comment cette thèse --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous ne pouvez

11 pas poser de question sous cette forme-là. Je ne vous laisserai pas poser

12 de question ainsi.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Monsieur Seselj, y a-t-il eu, à mon niveau ou au niveau de qui que ce

16 soit au sein de la direction de Serbie, quiconque que vous connaîtriez

17 [comme interprété] un plan qui consisterait à viser les Musulmans de

18 quelque région que ce soit de la Bosnie-Herzégovine ?

19 R. Non, jamais. Aucun plan d'expulsion de Musulmans n'a existé. Vous avez

20 souhaité faire en sorte que la Bosnie-Herzégovine dans son ensemble reste à

21 faire partie de la Yougoslavie, même si la Slovénie et la Croatie venaient

22 à faire sécession et vous avez eu des négociations avec Izetbegovic.

23 D'après ce que j'en sais, d'après mes souvenirs, vous avez même proposé à

24 Izetbegovic d'être le premier président de cette Yougoslavie tronquée, si

25 l'on ne pouvait pas éviter le démantèlement. Izetbegovic a accepté; puis,

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1 suite à des pressions américaines, il a renoncé. Les Américains lui ont

2 fait savoir : "Pourquoi veux-tu d'une Yougoslavie tronquée alors que tu

3 peux avoir une indépendance complète ?" En ce cas-là, si les Serbes étaient

4 restés dans un seul et même état, les Musulmans, tous ensemble, seraient

5 restés dans un seul et même état parce que les Musulmans n'ont résidé qu'en

6 Bosnie-Herzégovine, en Serbie, au Kosovo-Metohija, en Macédoine et au

7 Monténégro. Les Musulmans étaient --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Seselj. Question

9 suivante, Monsieur Milosevic.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Monsieur Seselj, je vous demande de vous pencher sur le paragraphe 7 du

13 volet croate et après on parlera du 22.

14 R. Ecoutez, laissez-moi reprendre l'acte d'accusation puisque je n'ai été

15 qu'un observateur passif pendant plus d'une heure. Vous me parlez du

16 paragraphe 7 ?

17 Q. Du volet croate.

18 R. Je l'ai retrouvé.

19 Q. Il est dit : "Cette entreprise criminelle commune date du 1er août 1991

20 et a duré jusqu'au 1er juin 1992." Cela commence avant le 1er août 1991.

21 Penchez-vous maintenant sur le 92. On dit : "Vojislav Seselj, le président

22 du Parti radical serbe depuis le mois de février 1992 et tout au fil de ce

23 temps," pendant six mois, à peu près, s'est trouvé participer à une

24 entreprise criminelle commune avant que l'entreprise criminelle commune

25 n'ait été créée. J'aimerais que vous nous décriviez vos méfaits afin que

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1 nous entendions de quel type de méfaits il s'agit.

2 R. Ceci est extrêmement absurde parce que si je m'étais trouvé participant

3 à une entreprise criminelle commune qui aurait pris naissance avant le 1er

4 août 1991 et que j'y aurais pris part à compter du mois de février, au

5 moins. Mais on pourrait dire que j'ai été participant à cette entreprise en

6 tant que bébé déjà. Je ne saurais vous apporter de réponse. D'abord, il n'y

7 a pas eu d'entreprise criminelle commune du tout.

8 S'agissant, maintenant, de mes efforts déployés pour ce qui est de l'effort

9 de guerre, je vous ai déjà expliqué comment cette participation s'est

10 faite. Je vous l'ai expliqué hier.

11 Deuxièmement, mon engagement en faveur de la Grande Serbie n'a rien à voir

12 avec la guerre civile qui a eu lieu.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Seselj. Question

14 suivante, je vous prie.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. De façon concrète et directe, je vous demande : y a-t-il eu une

17 entreprise criminelle commune dont vous avez pu faire partie ou ne pas

18 faire partie ?

19 R. Aucune entreprise criminelle commune n'a existé. S'agissant de bon

20 nombre de ces personnes figurant sur la liste, ce sont des personnes que je

21 n'ai jamais rencontrées de ma vie.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, ici, la question qui se

23 pose, une fois de plus, c'est celle de savoir comment on prouve des faits

24 par la négation. Est-ce que vous vous attendez de ma part à ce que je

25 prouve qu'il n'est pas advenu ce que M. Nice a dit qu'il est advenu ou

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1 qu'il n'a pas existé ce que M. Nice affirme avoir existé ou faut-il que M.

2 Nice fasse la preuve que telle chose a existé ?

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comme vous le savez, la charge de la

4 preuve est du côté de l'Accusation. Vous n'avez rien à prouver du tout.

5 Vous pouvez rester assis et garder le silence et sortir d'ici en homme

6 libre à la fin du procès. Vous n'avez rien à prouver du tout.

7 Question suivante.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Monsieur Seselj, avant de passer à un sujet autre, j'aimerais que vous

10 vous penchiez sur le volet Bosnie. En outre, j'aimerais que vous examiniez

11 les paragraphes 7 et 22 de la partie bosniaque. On dit -- ou plutôt, on dit

12 au paragraphe 7 : "Cette entreprise criminelle commune a vu le jour avant

13 le 1er août 1991 et s'est poursuivie au moins jusqu'au 31 décembre 1995."

14 Cela englobe les négociations de paix Dayton, la fin de Dayton, la mise en

15 place de tout ceci. Tout ceci est une entreprise criminelle commune dès le

16 1er août 1991.

17 Le paragraphe 22, lui, se rapporte à vous; alors, chez vous aussi, on dit

18 "au moins," alors en application du paragraphe 7, il y a eu entreprise

19 criminelle commune depuis août 1991 et vous, vous y avez pris part au moins

20 à compter du mois de février de cette même année.

21 R. Jusqu'à la fin 1995, comme on le dit au paragraphe 7. Mais à l'acte

22 d'accusation dressé à mon encontre, on dit que j'ai fait partie d'une

23 entreprise commune allant jusqu'en 1993. C'est ce même bureau du Procureur,

24 donc ils sont tous là, celui qui a signé votre acte d'accusation et celui

25 qui a tiré le mien sont tous les deux présents ici.

Page 43280

1 Q. Avez-vous une idée de la raison pour laquelle on parle du 1er août 1991

2 ici, pour ce qui est de cette prétendue entreprise criminelle commune ?

3 R. C'est parce que c'est à ce jour-là que l'armée populaire yougoslave est

4 entrée en conflit avec les séparatistes croates et leurs formations

5 paramilitaires. C'est à peu près à cette date-là que l'armée a commencé a

6 riposté aux attaques armées auxquelles elle a été exposée auparavant, mais

7 elle avait, jusque là, été passive et a évité, jusque-là, de riposter.

8 En ce qui me concerne personnellement, c'est vers le 1er août et par la

9 suite, que nous avons commencé, je ne sais pas vous dire la date exacte,

10 c'est vers cette date-là que nous avons commencé à envoyer des volontaires

11 dans la JNA, mais ce que j'ai fait moi-même, à compter du mois de février

12 1991 jusqu'au mois d'août 1991, je ne sais pas ce qu'ils pensent que j'ai

13 pu faire en cette période-là et je ne sais pas ce que cela peut avoir à

14 voir avec vous à compter de cette date qui est indiquée ici.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Seselj.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. La question que vous venez de poser, Monsieur Seselj, est une question

18 à laquelle je ne sais pas apporter de réponse, mais on verra bien.

19 R. J'y réfléchirais pendant les trois années à venir dans l'attente du

20 début de mon procès à moi.

21 Q. Laissez-moi encore me pencher sur autre chose. Enfin, le fait que vous

22 ne sachiez pas ce que vous avez fait veut dire que vous devez lire le

23 paragraphe 9 dans les deux parties, le volet croate et le volet bosniaque :

24 "Pour bien mener à bien ces entreprises criminelles communes, Slobodan

25 Milosevic a agi de concert avec d'autres personnes ou par personnes

Page 43281

1 interposées. Tous les participants à l'entreprise criminelle commune ou co-

2 auteurs avaient l'intention d'y participer et y ont joué un rôle qui leur

3 était propre ou qui a largement contribué à la réalisation de l'objectif

4 général de l'entreprise. Les rôle joués par les participants ou co-auteurs

5 comprennent, sans s'y limiter, les suivants," puis, on énumère, entre

6 autres, des noms dont le vôtre.

7 Comprenez-vous, maintenant, de façon plus claire ce qu'on vous reproche ?

8 R. Non, cela n'est pas plus clair à la lecture de ce texte. Mais je ne

9 vois pas comment on a pu établir un lien entre vous et moi, alors que nous

10 avons fait connaissance, vous et moi, en

11 avril 1992 et avant cela, dit-on, pendant un an, nous avons participé à une

12 entreprise criminelle commune.

13 Q. Oui, mais lorsque nous nous sommes rencontrés

14 en avril 1992, où cela s'est-il fait et nous sommes-nous entretenus ?

15 R. Non. Cela a eu lieu au parlement national. Vous êtes venu à une

16 audience. Vous étiez au premier rang. Je suis arrivé et nous nous sommes

17 serrés la main par courtoisie et ensuite, nous nous sommes rencontrés, une

18 fois de plus, dans le couloir. Nous avons descendu l'escalier ensemble et

19 nous nous sommes entretenus de façon tout à fait banale. Cette petite

20 conversation a concerné la session du parlement de cette journée-là. C'est

21 notre première rencontre.

22 Q. 1992 ?

23 R. Je m'en souviens très bien, avril 1992. D'ailleurs, la presse a

24 enregistré cette rencontre et notre photo, la photo de cette rencontre a

25 été publiée par bon nombre de journaux. Auparavant, nous ne nous sommes

Page 43282

1 jamais rencontrés et nous n'avons jamais eu de contacts, vous et moi.

2 Q. Bien. Dites-moi, quand est-ce que nous nous sommes rencontrés pour la

3 première, si tant est que vous vous en souvenez, pour nous entretenir sur

4 des sujets politiques ? Quand est-ce que nous nous sommes rencontrés à cet

5 effet ?

6 R. La première fois, cela s'est fait en mai 1992, date à laquelle, suite à

7 une invitation de votre part, je suis venu à la présidence de la Serbie et

8 nous nous sommes entretenus sur les élections fédérales à venir. Vous

9 vouliez entendre de ma bouche si le Parti radical serbe allait participer à

10 ces élections parce que tous les autres partis d'opposition sous influence

11 américaine, à l'époque, avaient laissé entendre qu'ils allaient boycotter

12 les élections de la République fédérale de Yougoslavie après l'adoption de

13 la constitution.

14 Q. Avez-vous une explication à nous apporter pour ce qui est des raisons

15 pour lesquelles certains partis d'opposition, je ne peux pas dire tous les

16 partis d'opposition parce que vous étiez un parti de taille déjà dans

17 l'opposition, pourquoi ces autres partis ont-ils boycotté les élections

18 fédérales ?

19 R. Suite à instruction de la part de l'ambassade américaine parce que les

20 Américains ne voulaient pas reconnaître la continuité juridique

21 internationale de l'état yougoslave, alors que la République populaire de

22 Chine, la Russie et d'autres pays l'ont reconnue immédiatement. La

23 République populaire de Chine a été la première à reconnaître la République

24 fédérale de Yougoslavie et la continuité juridique internationale de l'état

25 yougoslave. Les Américains ont instrumentalisé les partis politiques

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1 d'opposition et on fait en sorte qu'ils ne participent pas aux élections

2 pour contester la légitimité, de cette façon-là, des élections fédérales à

3 venir. Cela aurait constitué un levier de plus entre leurs mains contre

4 notre état.

5 Q. Ces élections fédérales législatives, est-ce qu'elles se sont tenues

6 malgré tout ? Est-ce qu'elles ont connu un succès ? Est-ce qu'il y a eu un

7 nombre de votants qui a dépassé le nombre de votants, d'électeurs

8 aujourd'hui ?

9 R. Oui, tout à fait, ces élections ont eu un grand succès, que ce soit en

10 Serbie ou au Monténégro, il y a eu bien davantage de votants

11 qu'aujourd'hui. Il s'est révélé, lors de ces élections, que le Parti

12 radical serbe est devenu le deuxième parti politique sur l'échiquier

13 politique, bien entendu, grâce au boycott de la part des parties de

14 l'opposition.

15 Q. Je vous remercie.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, le temps est-il venu de

17 faire une pause ?

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie de me l'avoir

19 rappelé. Nous allons faire une pause de 20 minutes.

20 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.

21 --- L'audience est reprise à 12 heures 41.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y, Monsieur Milosevic.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson, avant de poursuivre,

24 j'ai une requête à formuler, je vous prie de la prendre en considération.

25 Cet extrait du livre de M. Seselj "L'idéologie du nationalisme serbe", le

Page 43284

1 texte qui figure à l'intercalaire 4, je souhaiterais que ceci soit versé au

2 dossier. On l'a traduit et on l'a communiqué en temps voulu à toutes les

3 parties en l'espèce.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, ce document est versé.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Robinson.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. A présent, essayons de tirer au clair un point, mais avant cela, je

8 dois adresser une question à M. Robinson. Mais pour vous Monsieur Seselj, à

9 votre intention, au point 5 du volet Bosnie du document du texte, il est

10 dit que cette entreprise criminelle commune existait depuis le 1er août. Au

11 point 9, il est dit que tous les participants se sont chargés d'une partie,

12 et le point 22 constitue partie intégrante de ce chef où on vous cite vous

13 en tant que prenant part à cette entreprise criminelle commune depuis

14 février 1991.

15 Pour que moi-même ainsi que le témoin ayons bien compris de quoi il

16 s'agit ici, Monsieur Robinson, pourriez-vous faire en sorte que M. Nice

17 précise sa position. C'est lui qui a rédigé l'un comme l'autre des textes.

18 Cette entreprise criminelle commune à la tête de laquelle je me trouve et à

19 laquelle participe M. Seselj, cette entreprise criminelle commune prend-

20 elle son origine au 1er août comme ceci est écrit dans un premier chef, et

21 au paragraphe 7 ou est-ce que c'est quelque chose qui date depuis le mois

22 de février 1991 comme cela figure au paragraphe 22. Que M. Nice nous dise à

23 partir de quel moment a existé cette entreprise criminelle commune, qu'il

24 précise sa position.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, il ne s'agit pas de quelque

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1 chose au sujet de quoi je demanderais à l'Accusation de préciser sa

2 position. Je pense que s'il y a une discordance, c'est un point auquel vous

3 pouvez revenir pendant vos arguments en clôture, et c'est quelque chose qui

4 apporte de l'eau à votre moulin.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Quant à savoir ce que je considère en ce moment

6 précis ou non, je ne pense pas que ce soit quelque chose de pertinent, mais

7 nous avons là une différence de six mois dans le temps, entre le 1er août et

8 le mois de février. Je ne sais pas quelle est l'entreprise criminelle

9 commune à laquelle se réfère M. Nice. Il se réfère à celle du mois d'août

10 ou à celle du mois de février 1991. Comment puis-je poser une question à M.

11 Seselj à ce sujet par conséquent ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est clair pour moi, Monsieur Milosevic,

13 à partir du 1er février 1991, moi-même j'ai pris part à l'entreprise

14 criminelle commune en m'associant à moi-même. Vous ainsi que les autres,

15 vous vous êtes joints à moi six mois plus tard, c'est ainsi que je l'ai

16 compris.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Je vous remercie, Monsieur Seselj, vous venez d'apporter une assistance

19 considérable à M. Nice. Je vous remercie de collaborer à ce point avec M.

20 Nice. Quant à moi, il ne me reste que de continuer à vous poser mes

21 questions.

22 Monsieur Seselj, au paragraphe 7 du volet Croatie, on cite comme

23 participants à l'entreprise criminelle commune les personnes suivantes. Il

24 est dit : "Ont participé à cet entreprise criminelle commune," et on cite

25 en tant que premier moi-même bien entendu, puis à toute une liste de noms.

Page 43286

1 Le nom suivant, c'est celui de Borislav Jovic. Quelle est votre attitude à

2 l'égard de Borislav Jovic ? Quelle relation aviez-vous avec lui ?

3 R. A aucun moment, n'ais-je eu aucun contact ni rencontre avec Borislav

4 Jovic, que ce soit de manière directe ou indirecte. Et ce, jusqu'à la

5 session du parlement à laquelle vous avez pris part vous-même, ainsi que

6 Borislav Jovic qui était à l'époque membre de la présidence Yougoslave.

7 En 1991, lors des élections à Rakovica, lorsqu'un siège de député s'est

8 vidé, je me suis porté candidat au nom de mon parti, j'ai tenu un

9 rassemblement et M. Borislav Jovic qui était à la tête d'un parti rival. Je

10 vous rappelle que Borislav Jovic était à l'époque le président du Parti

11 socialiste de Serbie, il a tenu un rassemblement contraire pour appuyer la

12 candidature du candidat de votre parti.

13 Q. [aucune interprétation]

14 R. Nous étions donc des rivaux politiques, nous ne nous sommes jamais

15 rencontrés jusqu'à cette session parlementaire ce qui n'est pas illogique

16 puisque j'ai battu complètement et clairement votre candidat. J'en suis

17 fier, mais peut-être que ce n'est pas quelque chose qui vous soit agréable

18 à vous.

19 Q. Vous venez de me répondre, Monsieur Seselj, de manière précise, donc

20 vous n'avez eu aucun lien avec Borislav Jovic ?

21 R. C'est cela.

22 Q. Le nom suivant, c'est celui de Branko Kostic, à l'époque pour autant

23 que je m'en souvienne, il était vice-président de la présidence de la RSFY

24 et, par ailleurs, il était député de la République monténégrine. C'est

25 cette république-là qu'il représentait au sein de la Fédération yougoslave.

Page 43287

1 Quelles ont été les entretiens que vous avez eus ou les relations que vous

2 avez entretenues avec Branko Kostic ?

3 R. La première fois où je me suis entretenu avec lui, c'était fin mai 1992

4 après les élections fédérales. Au mois de juin, il y a eu constitution du

5 parlement fédéral et en tant que candidat pour le premier président de la

6 République fédérale de Yougoslavie, on a porté Svetozar Markovic. Le Parti

7 radical serbe s'y est opposé, et nous nous avons fait savoir que notre

8 candidat serait Branko Kostic que nous ne connaissions pas à ce moment-là.

9 Ils étaient tous les deux monténégrins, il nous a semblé plus favorable à

10 notre cause que ce soit Branko Kostic qui serait le candidat.

11 Vous, Monsieur Milosevic, vous m'avez invité à un entretien et vous avez

12 proposé que Dobrica Cosic soit proposé en tant que candidat devant notre

13 parti. J'ai accepté et c'est ce que nous avons fait. Même si je ne le

14 connaissais pas d'avant, vous m'avez convaincu que Dobrica Cosic était un

15 meilleur candidat à ce moment-là.

16 Q. Dites-moi, puisque le nom suivant qui figure lorsqu'on évoque

17 l'existence d'une entreprise criminelle commune est le nom de Veljko

18 Kadijevic. Quelles sont les relations que vous entreteniez avec lui ?

19 R. Veljko Kadijevic est quelqu'un que je n'avais jamais rencontré. Je n'ai

20 jamais aucune sorte de contact, aucune conversation avec lui. Or, très

21 souvent, je l'ai attaqué en public, je pensais que c'était un communiste

22 rigide et dogmatique dans un premier temps et, par la suite, je l'ai

23 soupçonné d'être un espion américain. J'ai appris qu'il avait fait l'école

24 des généraux aux Etats-Unis, ceci m'a paru suspicieux et j'ai demandé à

25 plusieurs reprises qu'il soit révoqué.

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1 Q. Si je vous ai bien compris, vous avez dit que vous ne l'avez jamais

2 rencontré ?

3 R. Jamais de ma vie.

4 Q. Donc il n'y a pas lieu de préciser que vous n'avez jamais eu de

5 conversation avec lui. Vous voulez dire que même par téléphone vous n'avez

6 pas eu d'entretien avec lui ?

7 R. Oui, jamais, ni par téléphone.

8 Q. Très bien. Quels ont été vos rapports avec l'individu suivant qui a été

9 cité ici par M. Nice comme ayant pris part à cette entreprise criminelle

10 commune, à savoir le général Blagoje Adzic.

11 R. C'est après la proclamation de la constitution de la République

12 fédérale de Yougoslavie fin avril 1992 que je l'ai rencontré lors d'une

13 réception au parlement. C'était peu avant qu'il ne parte à la retraite et

14 qu'il ne soit renvoyé. C'était juste un entretien de courtoisie, nous nous

15 sommes serrés la main, échangé peut-être deux mots. Mais il n'y a eu

16 absolument aucune substance à cet entretien. Je ne l'avais pas connu

17 auparavant, et quant à mes prises de position publiques, elles ont été

18 négatives à son égard, peut-être un peu moins fortes qu'à l'égard de Veljko

19 Kadijevic.

20 Q. Au paragraphe 7, ensuite on lit le nom de Milan Babic. S'il vous plaît

21 dites-nous que pensez-vous de Milan Babic, ou plutôt quelles ont été vos

22 relations avec Milan Babic à l'époque ? Milan Babic qui est allégé ici

23 comme participant à l'entreprise criminelle commune ?

24 R. C'est fin août ou début septembre 1990 que j'ai rencontré Milan Babic.

25 Nous avions des relations bonnes, nous ne nous sommes pas rencontrés

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1 souvent. Nous n'avons pas eu de contacts fréquents, mais je pense que nos

2 relations ont été relativement bonnes, et ce, jusqu'aux premières élections

3 pluripartites démocratiques pour le parlement de la République serbe de

4 Krajina, fin 1993.

5 Lors de ses élections le Parti radical serbe a gagné beaucoup de sièges,

6 son parti a été à titre individuel le plus fort. Nous avons mis sur pied

7 une coalition entre nos partis, nous nous sommes mis d'accord pour former

8 un gouvernement commun, il l'a présidé. Par la suite, il nous a trahi. Il a

9 passé un accord avec Borislav Mikelic, et il est entré en tant que ministre

10 des Affaires étrangères dans son gouvernement, le gouvernement de Mikelic.

11 Par la suite, je ne l'ai plus rencontré et je ne me suis jamais exprimé de

12 manière flatteuse ou positive à son égard. J'estimais qu'il ne méritait pas

13 qu'on entretienne de contacts politiques avec lui.

14 Q. Un instant, s'il vous plaît, Monsieur Seselj. Restons-en à Milan Babic.

15 Vous souvenez-vous que je suis entré en conflit avec lui ou plutôt que j'ai

16 critiqué son attitude à une occasion. Je ne voudrais pas vous poser de

17 question directrice à présent donc je ne souhaite pas dire quelle a été

18 cette situation, mais en tout état de cause, de manière publique nous

19 sommes entrés en conflit ouvert.

20 R. Oui. Je m'en souviens. C'était à l'occasion du plan Vance-Owen. C'était

21 vers le mois de janvier 1992, si ma mémoire est bonne. Il y a eu des

22 entretiens à Belgrade, l'initiative a été prise par l'occident à cet effet,

23 on a demandé aux dirigeants de la Serbie et de la République fédérale de

24 Yougoslavie pour qu'ils acceptent de signer l'accord Vance-Owen.

25 A ce moment-là, Babic a adopté une attitude très rigide. Il s'est obstiné à

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1 rejeter ce plan. Je ne sais pas si vous avez été présent vous-même, mais

2 les dirigeants politiques ont été présents et vous avez cherché à le

3 convaincre d'accepter ce plan. D'autres fonctionnaires de la République

4 serbe de Krajina l'ont accepté. Je pense que c'est le président de leur

5 parlement Mile Paspalj qui l'a signé.

6 Puisque Milan Babic dort jusqu'à 2 ou 3 heures de l'après-midi, on avait

7 convoqué une réunion à 9 heures du matin, et c'est comme cela qu'on a pu

8 prendre la décision d'adopter le plan Vance-Owen pour la Krajina serbe en

9 son absence.

10 Q. Cette réunion que vous évoquez où on a cherché à le convaincre s'est

11 tenue à la présidence yougoslave. Je n'en ai pas été membre, mais il est

12 exact que vous dites que c'était la --

13 R. Non, je n'ai pas dit que vous étiez présent, mais publiquement vous

14 avez soutenu le plan Vance-Owen. Je n'ai pas dit non plus que vous avez

15 pris part à cette réunion. D'ailleurs, je ne peux pas le savoir puisque moi

16 non plus je n'y ai pas été. Je sais que cette réunion s'est tenue. Les

17 médias en ont parlé et, d'après ce que je sais, il a été le seul à

18 s'opposer à l'acceptation du plan Vance-Owen alors que tous les autres y

19 étaient favorables. Je n'ai pas dit que vous étiez présent.

20 Q. Non. Cela je l'ai compris, mais je souhaite que ce soit tout à fait

21 clair pour le compte rendu d'audience.

22 L'INTERPRÈTE : L'interprète signale qu'il n'y a aucune pause entre la

23 question et la réponse.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Pour ce qui est de ce différent qui m'a opposé à Babic, vous, vous avez

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1 adopté quelle position ?

2 R. Dans ce conflit qui vous a opposé, j'ai pris fait et cause pour Milan

3 Babic, mais après avoir eu un entretien avec un groupe d'intellectuels

4 belgradois, par la suite, moi aussi, j'ai apporté mon soutien au plan

5 Vance-Owen. Hélas, il s'est avéré que cela a été une erreur parce que les

6 forces occidentales nous ont trompés ainsi que les Nations Unies. A ce

7 moment-là, je me suis rangé aux côtés de Milan Babic. J'ai souhaité aussi

8 qu'on améliore les relations politiques entre la République fédérale de

9 Yougoslavie et la Serbie et les autorités de la République serbe de

10 Krajina. J'estimais qu'il ne convenait pas qu'il y ait des conflits ouverts

11 entre nous, parce que ceci aurait pu nuire à notre image, à l'image de

12 notre Etat et à nos intérêts nationaux dans leur ensemble.

13 Q. Très bien. Vous venez d'expliquer pour quelles raisons vous avez

14 apporté votre soutien à Babic.

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que c'est tout ? Tout ce que vous souhaitez dire à ce sujet, au

17 sujet des raisons qui ont été les vôtres ?

18 R. Sa politique ferme m'a davantage plu à l'égard des dirigeants croates

19 et à l'égard des puissances occidentales, plus que votre politique par

20 laquelle vous cherchiez sans arrêt un accord, des compromis. Vous vouliez

21 toujours un dialogue, alors que j'ai toujours eu une position plus ferme.

22 J'ai toujours été plus impressionné par des hommes politiques qui, comme

23 moi, adoptaient des positions plus fermes.

24 Q. Au paragraphe 7, le nom suivant qui est mentionné ici, le nom de la

25 personne qui est alléguée ici comme ayant participé à cette prétendue

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1 entreprise criminelle commune, c'est Milan Martic. Quelle a été votre

2 attitude à l'égard de Milan Martic ou quelle est-elle à l'égard de cette

3 allégation qu'il y ait participé à cette entreprise criminelle commune ?

4 R. Quant à Milan Martic, c'est quelqu'un que j'ai rencontré et que j'ai vu

5 lorsque je me rendais à Knin dans la République serbe de Krajina. Dans un

6 premier temps, nous avons eu de bonnes relations, par la suite, en 1993,

7 nous sommes entrés en conflit lorsqu'il y a eu un conflit entre le Parti

8 radical serbe et votre Parti socialiste de Serbie. A ce moment-là, Milan

9 Martic a publié un texte contre le Parti radical serbe et c'est là que nous

10 sommes entrés dans une période de conflit.

11 Après les élections à l'automne de cette année-là en République serbe de

12 Krajina, le Parti radical serbe avait son candidat, Leskovac, qui était à

13 la tête de notre parti pour la République serbe de Krajina. Donc nous

14 n'avons soutenu ni Babic ni Martic, mais dans un deuxième tour d'élections,

15 lorsque Babic et Martic sont entrés dans le deuxième tour, nous avons

16 apporté tout notre soutien à Milan Babic. Pour ce qui est de pratiquement

17 tous les autres partis politiques, ils ont apporté leur soutien à Milan

18 Martic. Pour autant que je m'en souvienne, votre Parti socialiste lui aussi

19 a estimé que Milan Martic était une meilleure solution.

20 Q. Aujourd'hui que pensez-vous ? Est-ce que Martic a été une meilleure

21 solution que Babic ?

22 R. Oui. Le temps a montré que Milan Martic, en dépit de notre conflit, est

23 un homme d'honneur, très honnête, très intègre qui n'a pas enfreint la loi

24 ni la morale pendant la guerre. Or, pour ce qui est de Babic, aujourd'hui,

25 je pense que c'est vraiment un homme très corrompu et je regrette d'avoir

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1 été très proche avec lui et d'avoir été aussi l'ennemi de Martic, j'aurais

2 dû faire le contraire.

3 Q. Sur quoi vous fondez-vous pour dire que Milan Babic n'est vraiment pas

4 un homme bien, que c'est quelqu'un de très corrompu ?

5 R. Sur la base de nombreuses choses. Tout d'abord, parce qu'il a fait des

6 revirements lorsque nous avons créé une coalition, ensuite lorsqu'il a

7 appris qu'une agression allait se faire par la Croatie sur la République

8 serbe de Krajina, il a mis à l'abri sa famille à Belgrade sans parler de

9 cela à qui que ce soit, tandis que ses proches collaborateurs et collègues

10 ont été exposés au danger. Ensuite, Babic a été annoncé en tant que témoin

11 qui doit témoigner publiquement dans différents procès. Là, je ne révèle

12 aucun secret, il a été annoncé en tant que témoin aussi contre moi. C'est

13 un faux témoin.

14 Q. Ensuite, nous avons le nom de Goran Hadzic.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce que vous

16 pouvez ralentir. Les interprètes vous demandent de ralentir.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Monsieur Seselj, au paragraphe 7, le nom qui suit comme étant le nom

20 d'un prétendu participant à cette entreprise criminelle commune, c'est le

21 nom de Goran Hadzic.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

23 M. NICE : [interprétation] Je comprends qu'il s'agisse là d'un choix

24 terminologique de la part de ce témoin. Je suppose que la Chambre y prête

25 attention, mais lorsqu'il dit que M. Babic est annoncé en tant que témoin

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1 au procès, il a raison, mais je ne sais pas pourquoi il parle de "faux"

2 témoin ceci pourrait induire les gens qui écoutent à penser qu'on ne

3 s'appuiera pas sur la déposition de M. Babic, alors que ce n'est pas vrai.

4 Cet attribut est l'attribut dont se sert uniquement ce témoin lorsqu'il

5 parle de "faux."

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. On tiendra compte

7 de cela.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, est-ce que je peux dire

9 quelque chose ?

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, non pas sur ce point-là.

11 Absolument pas, non.

12 Veuillez poursuivre, Monsieur Milosevic.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Est-ce que vous avez estimé à l'époque ou pensez-vous aujourd'hui que

15 Babic était carriériste, un opportuniste et un menteur ?

16 R. Oui, c'est ce que j'en pense. J'ai suivi son témoignage dans votre

17 procès. On l'a vu diffusé publiquement à la télévision. Il m'a mentionné

18 dans des contextes qui sont fabriqués de toutes pièces. On peut le

19 préciser.

20 M. NICE : [interprétation] C'est de toute évidence une objection présentée

21 sous forme de question.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je ne vais pas

23 vous autoriser à poser cette question. Il faut reformuler. C'est une

24 question directrice et elle mérite qu'on soulève une objection à son égard.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 43295

1 Q. Monsieur Seselj, Monsieur Milan Babic figure sur la liste des

2 participants à la prétendue entreprise criminelle commune, la même liste

3 sur laquelle figure votre nom. Avez-vous des raisons ou des faits que vous

4 pourriez citer pour expliquer pourquoi vous ne trouvez pas bon de trouver

5 votre nom à la compagnie de celui de Milan Babic ?

6 R. Oui. Tout d'abord, aucun homme qui figure sur cette liste n'a eu de

7 bonnes relations avec Milan Babic, aucun de ces hommes n'a eu une bonne

8 opinion de lui. Je suis le seul qui, pendant un moment donné, a entretenu

9 relativement de bonnes relations avec lui.

10 Un deuxième point, Milan Babic a été un lâche pendant la guerre. Il n'a

11 jamais osé rendre une visite aux soldats sur le front. Il a été

12 opportuniste; c'est ce qui s'est prouvé après la guerre. Ensuite, Babic a,

13 par exemple, cité des choses mensongères au sujet de mes présences là-bas.

14 Il a dit que Milovanovic, en tant que ministre de la Défense de Serbie, m'a

15 fourni un hélicoptère pour que je me rende en Slavonie occidentale. Or,

16 Marko Negovanovic n'a pas été ministre de la défense à l'époque. C'était

17 Tomislav Simovic qui figure, d'ailleurs, lui aussi, sur cette liste. C'est

18 un autre exemple.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Seselj, je pense que

20 vous avez répondu à la question.

21 La question suivante.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Merci, Monsieur Seselj. Je vous ai posé ma question au sujet de Goran

24 Hadzic. Mais comme il y a eu une réaction de la part de M. Nice, vous

25 n'avez pas pu répondre. Je reprends ma question. Je ne vais pas répéter

Page 43296

1 tout ce que je vous ai déjà demandé. Dites-nous ce que vous avez pensé de

2 Goran Hadzic ?

3 R. J'ai toujours été en conflit avec lui; nos relations n'ont jamais été

4 amicales. C'était tout le contraire. Je l'ai attaqué violemment au centre

5 Sava, lors de ce rassemblement de tous les Serbes où je lui ai demandé de

6 suggérer l'acceptation du plan

7 Vance-Owen. Vous avez été présent à cette réunion, à ce rassemblement. Vous

8 vous souviendrez que je l'ai critiqué très violemment, je l'ai critiqué en

9 disant qu'il avait participé à des actes criminels, et cetera. Nous avons

10 toujours été en conflit; ni à titre privé, ni sur le plan politique, nous

11 n'avons été proches.

12 Q. Très bien. Le nom suivant est celui de Jovica Stanisic, il est allégué

13 qu'il a participé à cette entreprise criminelle commune. Est-ce que vous

14 avez eu des relations avec Jovica Stanisic au sujet de ceux qu'on vous

15 reproche, au sujet de ce qu'on me reproche à moi ?

16 R. Jovica Stanisic, c'est quelqu'un que j'ai rencontré pour la première

17 fois en novembre 1992. C'était sur son initiative à lui. Il a envoyé un

18 message en passant par un député de la république pour qu'on se rencontre.

19 J'ai accepté de le voir et nous nous sommes vus devant le bâtiment du

20 parlement. Il est arrivé à bord d'un véhicule blindé, luxueux. Je suis

21 monté à bord de ce véhicule, de cette voiture et il m'a annoncé qu'un

22 attentat était préparé en Monténégro et que cet attentat était préparé par

23 un grand criminel et chef de la pègre monténégrine, Brano Micunovic.

24 C'était avant la campagne électorale pour de nouvelles élections de la

25 république, nouvelles élections fédérales, en décembre 1992 et j'ai eu la

Page 43297

1 même information de la part du chef de la sécurité militaire, le général

2 Nedeljko Boskovic. Mais lui, il m'a passé un coup de téléphone et il me l'a

3 dit ouvertement. Jovica Stanisic ne m'a pas appelé. Nous ne nous

4 connaissions d'ailleurs pas. Il a demandé de me rencontrer pour m'en

5 parler.

6 Quant à cette campagne électorale, je n'y ai pas pris part parce que je

7 souffrais de la colonne vertébrale et le jour des élections, j'ai été opéré

8 de la colonne vertébrale. Je m'en souviens, c'est resté gravé dans ma

9 mémoire. Je n'ai pas fait de tournée en Monténégro pendant ces élections.

10 Q. Très bien. Alors, le nom suivant, c'est Franko Simatovic --

11 R. Ce qui est important aussi, c'est que par la suite --

12 L'INTERPRÈTE : [interprétation] Le témoin pourrait-il

13 ralentir ?

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, je sais que les

15 interprètes vont intervenir encore une fois, compte tenu de la rapidité de

16 votre débit. Vous n'arrivez même pas à vous exprimer clairement. Vous vous

17 emportez.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, je comprends vos problèmes,

19 je comprends les problèmes des interprètes, mais il faut bien tenir compte

20 du fait que la manière qui est la mienne de parler, c'est une manière d'un

21 homme passionné qui exprime la vérité parce que c'est uniquement de cette

22 manière-là qu'on peut exprimer la vérité et de cette manière-là, on ne peut

23 nullement mentir. Je vous prie de le comprendre. Mais je vais essayer de

24 ralentir.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous prie de laisser cela aux

Page 43298

1 bons soins de la Chambre de déterminer comment il convient d'interpréter

2 votre attitude.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai toujours été de conflit avec lui. Il a

4 été à la tête des services secrets de Serbie. Ils ont cherché à casser

5 notre Parti radical serbe. Ils ont voulu recruter, parmi nos dirigeants,

6 leurs agents. Vous vous rappelerez l'affaire qui a concerné le fait de

7 soudoyer nos sept députés avec, à leur tête, Glamocanin parce qu'ils ont

8 reçu de l'argent pour créer un parti indépendant, pour créer un groupe de

9 députés indépendants et récemment, on a appris que Jovica Stanisic, en tant

10 que chef des services secrets a enregistré la remise de l'argent --

11 L'INTERPRÈTE : [interprétation] Est-ce que le témoin pourrait ralentir ?

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, il faudra faire

13 davantage d'efforts. Monsieur Milosevic, c'est votre témoin. Vous en avez

14 la responsabilité. Il m'appartient de contrôler le déroulement de la

15 procédure.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Monsieur Seselj, je vous ai déjà remercié de nous avoir fourni des

18 informations au sujet de ce que vous saviez de Jovica Stanisic et cette

19 information de grande importance que vous nous avez fournie, à savoir qu'il

20 vous a averti de l'attentat qui était en train de se préparer contre vous,

21 au Monténégro.

22 Je vous ai demandé, maintenant, de parler de Franko Simatovic ?

23 R. Oui.

24 Q. Je vous prie de ménager une pause après chacune de vos phrases pour que

25 ce que les interprètes interprètent soit consigné au compte rendu

Page 43299

1 d'audience de manière exacte.

2 Alors, pour ce qui est de Franko Simatovic.

3 R. Franko Simatovic surnommé Frenki est quelqu'un que je n'ai jamais

4 croisé de ma vie jusqu'à ce que Franko Simatovic ne se retrouve en prison

5 du Tribunal de La Haye.

6 Q. Je vous remercie, Monsieur Seselj. Après avoir dit cela, vous n'avez

7 plus besoin d'expliquer la nature de vos relations avec lui. Vous n'avez

8 jamais rencontré avant de le voir ici, à la prison du Tribunal de La Haye.

9 R. Oui.

10 Q. Merci. Quelles ont été vos relations avec celui qui a été, à un moment

11 donné, ministre de la Défense de Serbie, à savoir, Tomislav Simovic ?

12 R. Tant qu'il a été ministre de la Défense de Serbie, j'ai été député au

13 parlement de la République de Serbie. Il nous est arrivé de nous croiser

14 lors des sessions de l'assemblée du parlement. Nos relations ont été

15 correctes, mais nous n'avons jamais été particulièrement proches et nous

16 n'avons jamais eu d'entretiens particuliers ou de rencontres particulières.

17 Lorsque j'ai prévu de me rendre en Slavonie occidentale sur proposition du

18 ministre de la Défense de la Slavonie occidentale,

19 M. Sasic, je me suis adressé au général Tomislav Simovic, en sa qualité de

20 ministre de la Défense en lui demandant de mettre à ma disposition un

21 hélicoptère. Il m'a répondu en disant que le ministère de la Défense de

22 Serbie n'avait absolument pas d'hélicoptères, ni de moyens de transport

23 comparables.

24 Par la suite, je me suis adressé à l'adjoint du chef du Grand état-major,

25 le général Negovanovic et lui, il m'a dit de m'adresser au commandant de

Page 43300

1 l'aviation de guerre, le général Bozidar Stevanovic. C'est le seul contact

2 direct que j'ai eu avec le général Tomislav Simovic, le seul contact qui

3 ait eu un peu de substance et qui avait un objectif.

4 Q. Vous avez été député au parlement de la République de Serbie à

5 l'époque. Est-ce que vous savez quelles ont été les compétences, les

6 attributions du ministère de la Défense de Serbie ? Est-ce que la Serbie

7 avait, à l'époque, des forces armées quelles qu'elles soient ?

8 R. Tomislav Simovic, en tant que ministre de la Défense de la République

9 de Serbie, n'était absolument pas lié à la JNA dans ses attributions. Il

10 devait préparer les structures civiles à la Défense, il pouvait avoir

11 d'éventuelles attributions dans le sens où il apporterait de l'aide à la

12 Défense territoriale, mais non pas dans le sens du commandement de celle-ci

13 parce qu'il y avait un commandant et un état-major de la Défense

14 territoriale. Avant tout, ces attributions concernaient les préparatifs

15 concernant les structures civiles pour la défense du pays et il pouvait

16 aussi éventuellement être chargé d'adresser les recrues au service

17 militaire.

18 Q. Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les bureaux militaires ?

19 R. Ce sont généralement des bureaux créés au niveau municipal qui

20 dépendent du ministère de la Défense et qui sont chargés d'envoyer des

21 jeunes hommes à faire le service militaire et qui tiennent des registres

22 des hommes de réserve. Telles sont leurs attributions.

23 Q. En fait, ils s'acquittent d'une tâche au profit de la JNA ?

24 R. Mais de l'aspect technique uniquement parce que ce sont des unités de

25 la JNA qui organisent des exercices; or, les bureaux militaires

Page 43301

1 s'acquittent de tous les aspects techniques pour adresser les recrues aux

2 exercices ou les hommes de réserve.

3 Q. Ils sont organisés sur un principe territorial ?

4 R. Oui. Avant, nous n'avions pas de ministre de la Défense dans les unités

5 fédérées de la Yougoslavie. Cela a commencé à être mis en place à la fin

6 des années 1970, au début des années 1980; d'un certain point de vue,

7 c'étaient des organes militaires, territoriaux parce qu'il est arrivé,

8 parfois, que lorsqu'on forme un gouvernement d'une unité fédérale, que

9 celui qui constitue le gouvernement ne décide pas tout seul de l'homme qui

10 sera nommé. Souvent, c'est le

11 Grand état-major qui nommait un officier pour qu'il s'acquitte de ces

12 tâches-là. Tomislav Simovic a vraisemblablement été proposé par le grand

13 état-major à ce poste de ministre de la Défense comme étant apte à

14 s'acquitter de ces fonctions.

15 Q. Très bien. Je vous remercie. Ensuite, on voit votre nom sur cette

16 liste. Je ne m'y penche pas. Le nom suivant, c'est celui de Momir

17 Bulatovic. Alors, dites-nous quelle a été votre attitude à l'égard de Momir

18 Bulatovic et ensuite, que pensez-vous de son éventuelle participation à une

19 soi-disant entreprise criminelle commune ?

20 R. Momir Bulatovic a été le président de la République monténégrine. Pour

21 la première fois, j'ai eu un entretien avec lui au moment où un attentat a

22 été mené contre moi, suite à un rassemblement que j'ai tenu au cœur de

23 Podgorica, la capitale du Monténégro. L'auteur de cet attentat a lancé une

24 grenade à main qui a blessé

25 62 participants à ce rassemblement, y compris moi-même. Il a été rapidement

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1 arrêté et puisque j'étais, à ce moment-là, accompagné de mon épouse au

2 Monténégro, Momir Bulatovic, en tant que président de cette république,

3 s'est rendu à l'aéroport pour nous raccompagner et pour nous faire part de

4 ses regrets suite à l'attentat qui a été perpétré.

5 Par la suite, je n'ai pas eu de rencontres ou d'entretiens particuliers

6 avec lui pendant toute la période qui est couverte par l'acte d'accusation.

7 Bien entendu, nous avons eu davantage de réunions, lorsque Bulatovic est

8 devenu le président du gouvernement fédéral. Mais ceci s'est produit, si ma

9 mémoire est bonne, uniquement en 1998.

10 Q. Oui. Cela concerne le volet kosovar.

11 R. Oui.

12 Q. A un moment donné, votre suppléant, Tomislav Nikolic, a été vice-

13 président du gouvernement fédéral au gouvernement de Momir Bulatovic.

14 R. Oui. Je ne l'ai pas mentionné puisque, maintenant, nous en sommes au

15 volet croate. Oui, mon suppléant, Tomislav Nikolic, a été vice-président du

16 gouvernement fédéral dont le chef a été Momir Bulatovic, premier ministre.

17 Q. Quelles sont vos expériences, pour ce qui est des relations entre votre

18 parti et de vous-même avec Momir Bulatovic ?

19 R. Ecoutez, il y a eu des différents moments. Il y a eu souvent des

20 conflits entre les partis. Il y a eu aussi des périodes de coopération.

21 Pour ce qui est de Momir Bulatovic lui-même, je pense que c'est un homme

22 plutôt honnête, je n'ai pas de reproches personnels à lui adresser, mais

23 j'exclus toute possibilité que nous ayons participé, nous deux, à une

24 entreprise commune et encore moins une entreprise criminelle commune.

25 Q. Le nom suivant qu'on trouve au paragraphe 7, c'est celui d'Aleksandar

Page 43303

1 Vasiljevic. Hier, vous avez parlé des activités d'Aleksandar Vasiljevic.

2 Avez-vous quoi que ce soit à ajouter à ce que vous avez dit hier ? Je

3 voulais vous poser une question plus précise dans les rapports que vous

4 avez eus avec Aleksandar Vasiljevic parce que vous êtes tous couverts,

5 concernés par la question de l'entreprise criminelle commune. Quels étaient

6 vos rapports avec lui ?

7 R. Nous avons toujours été en conflit, depuis le moment où il était chef

8 de la sécurité de la région militaire de Sarajevo, lorsqu'il m'a empêché de

9 faire mon service militaire à l'école des officiers de réserve, quelque

10 chose que je souhaitais ardemment. Mais il a fait obstacle en tant que chef

11 de la sécurité de la région militaire de Sarajevo.

12 Puis, il est devenu chef de la sécurité militaire à Belgrade et en tant que

13 rival politique, il a colporté des rumeurs selon lesquels j'aurais été

14 violé alors que j'étais en prison à Zenica. C'était un mensonge patent,

15 mais cela a été colporté comme rumeur parce qu'à ce moment-là, j'étais

16 intolérable en tant qu'opposant politique pour le régime.

17 Q. Il voulait vous humilier, c'est cela ?

18 R. Oui, il voulait m'humilier et il voulait aussi me discréditer aux yeux

19 de l'opinion publique parce que dans notre communauté, dans notre opinion

20 publique, c'est la plus grande humiliation possible.

21 Q. Mais quand vous dites "régime," vous parlez de quel régime ?

22 R. Je parle de l'ancienne RSFY. Ce mensonge, il a été disséminé fin des

23 années 1980 de l'opinion publique belgradoise.

24 Q. Je voulais que ceci soit précisé au compte rendu d'audience parce que

25 quand on utilise le terme de "régime," en général, on veut parler de la

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1 période où j'étais président.

2 R. Non, non. Quand je dis "régime," je parle de l'autre régime, celui de

3 la RSFY et je parlais de la JNA et du ministre de la Défense.

4 Puis, plus tard, j'ai attaqué, plusieurs fois, Vasiljevic lorsqu'il était

5 chef du Renseignement militaire, la sécurité militaire et il a été écroué

6 pendant tout un temps à cause de cela. Rappelez-vous les opérations Opara

7 et Labrada, vous savez qu'on avait posé des explosifs au cimetière

8 municipal juif et je l'ai accusé d'avoir volé des fonds à la banque de

9 Vukovar pendant cette action. Il avait volé plusieurs millions de dollars

10 qu'il n'a jamais rendu à la banque centrale. Si c'était un butin de guerre,

11 cela avait été fait en contravention à la loi et cet argent a tout

12 simplement disparu et j'ai publiquement accusé Vasiljevic de ce vol. Je

13 l'ai aussi accusé en sa qualité de chef de la sécurité militaire, je l'ai

14 accusé d'avoir instigué plusieurs crimes du côté serbe pour les imputer à

15 des nationalistes serbes. J'entends, par là, des crimes en Slavonie

16 occidentale et les crimes commis après la libération de Vukovar.

17 C'est curieux, il a toujours été présent sur les lieux quand ce genre de

18 choses s'est passé et personne ne le poursuit, aujourd'hui, pour quoi que

19 ce soit.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Personne ou personnalité suivante mentionnée au

23 paragraphe 7 en même temps que vous dans ce qui est soi-disant cette

24 entreprise criminelle commune, c'est Radovan Stojicic, Badza.

25 R. La première fois que je l'ai rencontré, c'est au cours de l'été 1991;

Page 43305

1 c'était à Erdut où il était en tant que volontaire de la Défense

2 territoriale de la Slavonie occidentale, du Baranja et du Srem occidental.

3 Je l'ai aussi rencontré lors d'une commémoration, d'une cérémonie qui a

4 suivi la libération d'une partie de la Krajina serbe, un an plus tard, me

5 semble-t-il.

6 En tant que vice-ministre de l'intérieur ou plutôt, en tant que responsable

7 de la sécurité publique, il avait organisé mon arrestation et l'arrestation

8 de certains de mes proches du Parti radicale serbe, lorsque nous avons

9 essayé d'organiser un rassemblement à Gnjilane, au Kosovo-Metohija. Cette

10 fois-là, Tomislav Nikolic, mon adjoint, et nous avons été condamnés, pour

11 des délits mineurs, à deux mois de prison. D'autres s'en sont sortis avec

12 des peines plus faibles.

13 Puis, il a été tué dans le premier semestre de 1997 au restaurant Mama Mia,

14 dans le centre de Belgrade. Nous avons déjà parlé des circonstances de son

15 décès auparavant, mais si vous voulez, je peux répéter ce que j'ai dit.

16 Ce qui veut dire que nous n'avons pas eu de rapports amicaux, ni proches.

17 Nous nous sommes effectivement rencontrés, mais lui s'était toujours trouvé

18 dans les conflits les plus hostiles avec nous en tant que chef de la

19 police. Quand je dis "nous," je parle du Parti radical serbe.

20 Q. Je vous ai posé des questions à propos de ce que M. Nice affirme, à

21 savoir que la Serbe était un état policier entre 1997 et 2000, il a affirmé

22 qu'il était courant que certaines personnalités soient tuées; cela a été

23 mentionné. Radovan Stojicic Badza, c'était un mes proches associés.

24 R. Oui. C'était un homme qui avait une très bonne réputation et la

25 personne qui l'a tué le savait sûrement.

Page 43306

1 Q. M. Nice a aussi insisté pour dire que cet état policier aurait commis

2 plusieurs assassinats. Mais c'étaient mes associés qui se voyaient ainsi

3 tués.

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que vous vous souvenez de Zoran Todorovic qui était le chef de

6 la gauche yougoslave ?

7 R. Oui. Je m'en souviens. C'est de façon publique que j'ai exprimé mes

8 soupçons. Je me disais que c'était Nenad Djordjevic qu'il l'avait tué. Il

9 est, plus tard, apparu que Djordjevic était proche de Zoran Djindjic et

10 cela s'est avéré après la prise de pouvoir en octobre 2000. Mais personne

11 ne l'a poursuivi. Ce Nenad Djordjevic, surnommé Kundak, c'était une

12 personne qui avait un rôle tout à fait de premier plan dans ce régime.

13 L'INTERPRÈTE : On demande aux deux intervenants de ralentir.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Regardez le compte rendu d'audience.

15 Les interprètes vous demandent de ralentir.

16 Monsieur Seselj, vous dites que, pour plusieurs raisons, notamment, parce

17 que vous ne connaissiez pas deux de ces personnes ou parce que vous ne les

18 avez connues que pendant très peu de temps, pour ce qui est de la période

19 couverte par l'acte d'accusation ou parce que vous étiez en situation

20 d'opposition politique à certaines de ces personnes, vous dites que pour

21 toutes ces raisons, ce qui se trouve au paragraphe 7 n'est pas exact.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il est impossible que je fasse partie

23 d'une entreprise criminelle commune quelle qu'elle soit avec ces gens,

24 surtout si elle est criminelle. Il ne reste plus qu'Arkan et j'étais

25 toujours en conflit avec lui, j'ai été le seul homme politique à Belgrade

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1 qui n'avait pas peur d'attaquer sans cesse et publiquement Arkan. Lorsque

2 j'ai comparu au tribunal, il a retiré les accusations qu'il avait portées

3 contre moi. Il n'a pas osé se présenter devant le tribunal. C'était un

4 homme très dangereux, à l'époque.

5 Il est tout simplement improbable et invraisemblable que nous soyons

6 énumérés ici comme des personnes ayant un plan, un projet, une entreprise

7 commune. Nous avons dépensé beaucoup plus d'énergie à nous opposer dans des

8 querelles intestines internes que de nous consacrer à une collaboration

9 quelle qu'elle soit.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Milosevic pourra en parler lui-

11 même, mais vous étiez en situation d'opposition politique avec M.

12 Milosevic.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il y a eu une seule période de

14 collaboration intense. Cela allait de mars, avril 1993 à

15 septembre 1993. Après les élections de décembre 1992, le parti de Milosevic

16 était en nombre le plus important, mais il n'avait pas la majorité au

17 parlement. Le deuxième parti, pour ce qui est de sa force numérique,

18 c'était le Parti radical serbe. Le parti de Milosevic nous a offert de

19 former un gouvernement de coalition et nous avions un siège -- plutôt, au

20 siège du Parti socialiste, Nikola Sainovic, celui qui avait été désigné au

21 poste de premier ministre nous a offert de former un gouvernement. Moi,

22 président du Parti radical serbe, j'ai refusé parce que nous avions une

23 opposition idéologique trop forte, mais j'ai dit que nous serions prêts à

24 soutenir un gouvernement en majorité pendant un certain temps et que s'il

25 ne nous plaisait pas, nous allions le renverser.

Page 43308

1 Nous avons soutenu ce gouvernement de Sainovic pendant environ six

2 mois; après quoi, nous avons entrepris d'essayer de le renverser, ce qui a

3 entraîné les conflits les plus âpres qu'il y ait eu entre le Parti radical

4 serbe et M. Milosevic et son parti.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur

6 Milosevic.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Il y a eu des assassinats des personnes comme Badza, Zoran Todorovic,

9 Bosko Perosevic, Petrovic qui était le PDG de la compagnie aérienne

10 yougoslave, je ne veux pas oublier de noms --

11 R. Il y a eu Pavle Bulatovic.

12 Q. Oui, ministre de la Défense. Ce sont surtout mes amis politiques, mes

13 sympathisants qui ont été tués.

14 R. A propos de Badza, il faut dire qu'il a trempé dans une contrebande de

15 tabac avec un certain Cane Zabac, mais ce dernier était un proche

16 collaborateur de Zoran Djindjic; c'est pour lui qu'il avait organisé

17 plusieurs déplacements en avion vers les Emirats Arabes afin de fêter le

18 nouvel an. Zabac était une des principales sources de financement de

19 Djindjic.

20 Peut-être qu'il y a eu un manque d'attention -- en tout cas, Badza s'est

21 retrouvé de mèche avec Cane Bazac et je suppose qu'à un moment, il s'est

22 trouvé sur son chemin, ce qui a entraîné, par la suite, sa liquidation.

23 Q. Ensuite, nous avons le nom, c'est le dernier, celui de Zeljko

24 Raznjatovic, Arkan. Mais je pense que vous avez déjà fourni suffisamment

25 d'explications. Si vous estimez que ce n'est pas le cas, vous pourrez

Page 43309

1 ajouter quelque chose à ce que vous avez déjà dit, hier, à propos d'Arkan.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vous avez suffisamment parlé de

3 lui.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous estimez que c'est suffisant, je ne

5 vais pas insister. J'ai surtout parlé de lui quand il était en vie.

6 Maintenant qu'il est mort, je ne me sens pas à l'aise de parler de lui,

7 mais il faut bien que je le fasse pour dire toute la vérité.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons déjà obtenu des éléments

9 de preuve à ce propos.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Si vous voyez la totalité des noms sur cette liste, ces noms qui se

12 trouvent au paragraphe 7, il en découle que certains de ces soi-disant

13 participants à la soi-disant entreprise criminelle commune, ce sont des

14 gens que vous n'aviez jamais rencontrés et pour ce qui est de certains,

15 vous étiez sans arrêt en conflit avec eux.

16 R. Quelquefois, en conflit avec d'autres.

17 Q. Ces conflits n'étaient pas constants pour certains d'entre eux.

18 Certains ont été accusés de plusieurs crimes. Je n'y reviendrai pas. Ce

19 n'est pas le cas pour tout le monde. Est-ce que vous avez une explication ?

20 R. Je crois que c'est fait un peu au hasard sans qu'il n'y ait fondement

21 sur les faits, si effectivement --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vais pas vous autoriser à

23 faire cela. Nous ne pouvons pas demander au témoin pour quelle raison telle

24 ou telle personne a été accusée d'un crime. Cela n'aide en rien l'affaire

25 qui nous regarde. Posez une autre question, Monsieur Milosevic.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. S'agissant d'Arkan, vous avez parlé, dans ce contexte, de Dolanc.

3 R. En effet. Cela a été l'une des personnalités les plus puissantes du

4 vivant de Tito. Après la mort de Tito, cela est resté une personnalité des

5 plus puissantes.

6 Q. Déplaçons-nous, maintenant, sortons un peu du sujet Arkan; vous nous en

7 avez déjà parlé hier. C'est tout à fait en public que vous vous êtes

8 attaqué à Dolanc à plusieurs reprises, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Dans les intercalaires 9, 10 et 11, ici, nous avons des extraits de

11 votre livre, "Chasse à l'Hérétique," où vous avez publié -- et là, je vous

12 demande de vous pencher sur ce dont je suis en train de parler, vous vous

13 êtes adressé au procureur public fédéral de la Yougoslavie.

14 R. Il y a eu deux lettres ouvertes à l'intention de Dolanc.

15 Q. Oui, deux lettres publiques à Dolanc et une lettre à l'intention du

16 ministère public.

17 R. En effet.

18 Q. La première des lettres ouvertes est envoyée à Dolanc, en sa qualité de

19 membre de la présidence de la République socialiste fédérative de

20 Yougoslavie. L'autre, également et la troisième --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avons-nous besoin de revenir aussi

22 loin que jusqu'à l'année 1997 parce que c'est bien la date ?

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non. Je voulais juste établir un lien, étant

24 donné que M. Seselj a parlé du rôle de Dolanc à l'époque; il a parlé du

25 rôle d'Arkan, pour ce qui est des activités déployées par Dolanc et il en a

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1 parlé dans le contexte d'un conflit personnel qui visait, notamment, à

2 faire assumer à Dolanc des responsabilités qui étaient les siennes.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois comprendre que c'est à l'époque de

4 Dolanc qu'Arkan est devenu quelqu'un d'intouchable dans cette période-là,

5 en Yougoslavie. C'était quelqu'un de si puissant, et d'aussi fort sur le

6 plan financier que personne ne pouvait rien lui faire.

7 Je me souviens d'un détail. En 1993, j'ai appris que Zeljko

8 Raznjatovic, Arkan, a enlevé, à Belgrade, pour emmener à Erdut et tuer là-

9 bas Isa Lero. Isa Lero, c'était un membre de la pègre également qui était

10 entré en conflit avec Arkan. J'avais même trouvé un témoin de ce meurtre.

11 J'ai publiquement accusé Arkan d'avoir fait cela. J'ai déposé une plainte à

12 la police. Des inspecteurs de police sont venus me voir et nous nous sommes

13 entretenus à ce sujet. Je leur ai fourni tous les renseignements que

14 j'avais et l'inspecteur de police m'a dit qu'ils en étaient conscients,

15 mais qu'ils ne pouvaient pas le prouver et que les témoins potentiels

16 avaient grandement peur. La police était très au courant de ces activités

17 criminelles, mais il était difficile de le prouver et de le poursuivre en

18 justice, tant son réseau de mafieux se trouvait être ramifié. Ce sont là

19 des faits qui peuvent être illustrés par bon nombre d'éléments de preuve de

20 texte de la presse et des accusations que j'ai dressées contre lui.

21 Dans une émission télévision, je lui ai dit que dans sa vie, il avait

22 plus souvent passé par-dessus sa tête, sa figure que je ne l'ai fait, moi-

23 même, sur mes pieds. Je lui ai même dit --

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui, cela suffit. Nous

25 n'avons pas besoin de tous ces détails.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur Seselj, en faisant des commentaires portant sur les questions

3 relatives à ces intervenants qui ont pris part à l'entreprise criminelle

4 commune ou ce qu'il est convenu d'appeler ainsi, notamment, comme le fait

5 M. Nice, vous avez expliqué en quoi consistait le plan de Vance, lorsque

6 vous vous êtes référé à vos relations avec Milan Babic. Vous avez parlé de

7 l'arrivée des Casques bleus dans la Krajina suite à ce plan de Vance. Vous

8 étiez impliqué dans tout cela, vous avez appuyé Babic à l'époque et partant

9 de ce plan Vance, le conseil de Sécurité a créé la FORPRONU, les forces de

10 protection des Nations Unies.

11 R. En effet.

12 Q. Partant des connaissances qui sont les vôtres et de la situation sur le

13 terrain et de ce que vous avez appris au sujet de la situation sur le

14 terrain, qui ces forces-là étaient-elles censées protéger et le protéger

15 contre qui ?

16 R. Ces effectifs déployés sur le territoire de la Krajina serbe étaient

17 censés protéger la population serbe vis-à-vis des autorités croates. Par la

18 mise en œuvre de ce plan, l'armée serbe a été désarmée. Les armes ont été

19 posées dans des entrepôts avec deux clés, une clé était en la possession du

20 commandement de l'armée de la Krajina serbe et l'autre clé était détenue

21 par les officiers des Nations Unies, à savoir, la FORPRONU.

22 Ce plan de Vance n'avait pas anticipé une solution quelconque du

23 problème politique. On a laissé aux partis impliqués le soin de le faire.

24 Il s'agissait qu'il y ait négociation entre partis intéressés, à savoir,

25 les représentants serbes de la Krajina et des représentants politiques de

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1 la Croatie. Alors, en dépit du fait qu'il y ait eu -- les Nations Unies ont

2 exercé le contrôle sur la Krajina serbe et qui ont assuré des garanties de

3 sécurité aux Serbes de la Krajina, les forces croates ont violé les termes

4 de l'accord, se sont attaquées aux Serbes sur ce territoire-là et se sont

5 emparées du plateau de Miljevac.

6 Chose qui a été malheureusement tolérée par les Nations Unies. Les

7 Croates se sont d'abord attaqués à la Slavonie occidentale, puis, à la

8 Krajina serbe, en dépit du fait qu'il ait eu encore là-bas des troupes des

9 Nations Unies. Cela a provoqué un exode de la population civile serbe. Ils

10 ont tué bon nombre de civils, bon nombre de femmes, d'enfants et de

11 vieillards. Malheureusement, le bureau du Procureur, ici, à La Haye, n'a

12 accusé que le général Gotovina et quelques autres individus, mais les

13 principaux coupables n'ont jamais été inculpés. Il s'agissait d'un exode de

14 taille inégalée qui dure encore parce que la population n'est pas encore

15 revenue chez elle. Ils n'ont pas où revenir, ne peuvent pas revenir ou

16 n'osent pas revenir.

17 Q. Monsieur Seselj, vous vous souviendrez - et je pense que cela a été dit

18 et rédigé dans son livre par Lord Owen - l'attaque sur la Krajina a été

19 qualifiée par lui de plus grand des nettoyages ethniques sur le territoire

20 de l'ex-Yougoslavie.

21 R. Oui et dans cette purification ethnique, il y a eu participation

22 directe des Américains par le biais du Pentagone. Comme vous le savez

23 probablement, le Pentagone dispose d'une société puissante qui est du point

24 de vue de la forme en propriété privée, mais qui est sous son influence;

25 cela s'appelle MPRI. Il s'agit d'une société qui s'appelle "Military

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1 Professional Resource."

2 Q. MPRI ?

3 R. MPRI, oui. C'est une société qui embauche des généraux et des officiers

4 à la retraite pour la sale besogne que les Américains veulent faire faire

5 par autrui, pour ne pas être impliqués directement.

6 S'agissant des attaques sur la Krajina, l'ambassadeur américain à

7 Zagreb, Peter Galbraith, se trouvait sur un char croate qui tuait des

8 civils serbes. Les télévisions ont filmé cela. On a vu Peter Galbraith sur

9 un char croate en pleine action.

10 Q. Mettons ceci de côté. Savez-vous nous dire comment un tel plan qui a

11 sans doute été connu de tous et qui a été mis sur pied -- et s'agissant de

12 l'opération Eclair, j'ai présenté des notes sténographiées qui m'ont été

13 communiquées, à vrai dire, par M. Nice. Il montre comment, dans le cadre de

14 cette opération Eclair, il était envisagé de lancer cette attaque. Il y a

15 des éléments de preuves disant qu'il y a eu un plan criminel d'abattre les

16 Serbes. Alors, comment pensez-vous qu'il soit possible qu'on n'accuse de

17 cela qu'un seul général ?

18 R. Pour éviter de punir les véritables --

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Ce n'est pas autorisé comme

20 question. Il ne peut pas apporter de réponse utile à cela.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il est probable que M. Nice doive apporter

22 cette réponse et je crois qu'il sera bien obligé, à un moment donné, de le

23 faire ou Mme Del Ponte parce que tout le monde n'est pas idiot, tout le

24 monde n'est pas stupide.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je puis vous confirmer moi-même --

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous devez

2 continuer avec vos questions. Si vous n'avez plus de questions, nous allons

3 mettre un terme à tout ceci.

4 M. NICE : [interprétation] Je crois qu'il faudrait que je me réfère au tout

5 dernier point qui a été soulevé. Bien entendu, il n'est point de doute sur

6 le fait que moi-même ou Mme Del Ponte n'ayons à apporter de réponse

7 quelconque concernant des accusations soulevées de la sorte par l'accusé.

8 Cela est tout à fait dénué de pertinence.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'est peut-être référé à vos

10 propos de clôture.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai l'impression que M. Nice a l'impression

12 qu'il ne répondra pas du crime qu'il est en train de perpétrer. Pas devant

13 vous, bien entendu, parce que vous n'êtes pas censé le faire, mais il

14 répondra de cela parce qu'il fait partie des criminels qui servent la cause

15 --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous interrompre, Monsieur

17 Milosevic. Ce commentaire a été entièrement inadéquat et totalement dénué

18 de fondement.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je vous ai interrompu et nous

21 avons terminé avec notre travail d'aujourd'hui.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant d'en terminer --

23 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plait.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez l'obligation de m'informer de ce qui

25 suit --

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je vous ai interrompu. De quoi

2 voulez-vous m'informer ? Est-ce que c'est une question administrative ?

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'estime que c'est, en effet, une question

4 administrative et c'est lié au débat qui s'est déroulé ici au sujet de la

5 Grande Serbie et des positions prises par M. Nice et de ses explications et

6 du reste. En effet.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Je ne me propose pas de

8 prêter une oreille attentive à ce sujet.

9 Nous allons lever l'audience et nous reprendrons demain matin, à 9 heures.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Demain ?

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Je m'excuse. Nous allons

12 lever l'audience et nous reprendrons mardi de la semaine prochaine.

13 --- L'audience est levée à 13 heures 43 et reprendra le mardi 30 août 2005,

14 à 9 heures 00.

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