Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 6 septembre 2005

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, commençons par

7 vous demander une précision au sujet de l'argument que vous avez exposé

8 hier après-midi. Est-ce que vous souhaitez dire que les arguments qu'a fait

9 valoir ce témoin dans son affaire devraient être versés au dossier ou est-

10 ce que les articles de journaux qui lui ont été montrés comme étant des

11 articles rédigés par Dulovic devraient être versés au dossier, ou les

12 deux ?

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, comme vous vous en

14 souviendrez, j'ai présenté ici les écritures de M. Seselj adressées à la

15 partie adverse au sujet de Dulovic et au sujet de sa déposition ou plutôt

16 des arguments qui visent à contester ses affirmations. Dans ces écritures,

17 M. Seselj s'est fondé sur le fait qu'en 1991 Dulovic a rédigé toute une

18 série d'articles très positifs portant sur les événements de Vukovar et,

19 par la suite, il est venu déposer ici de manière tout à fait différente.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] S'il s'agit de ces écritures, nous

21 avons déjà pris une décision, à savoir, nous avons décidé de ne pas verser

22 cela au dossier.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'allons pas revenir sur notre

25 décision et nous n'allons pas réexaminer ce point. Je pensais que vous

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1 alliez souhaiter verser au dossier les articles de journaux. C'est un autre

2 point.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous m'avez interrompu avant que je ne termine.

4 Bien entendu, je souhaite proposer au versement les articles de journaux.

5 Ce sont des documents publics. Ces articles ont été publiés dans des

6 journaux. Mais je vous ai posé une question, Monsieur Robinson, le

7 versement de ces articles, de ces articles qui confirment les affirmations

8 de M. Seselj dans ses écritures, en plus du fait que je demande leur

9 versement en tant que pièces à conviction, est-ce que ces articles peuvent

10 nous permettre de verser au dossier également les écritures de M. Seselj

11 qui sont le fruit d'un travail qui s'est appuyé sur ces mêmes articles ?

12 J'ai souhaité que vous y réfléchissiez et que vous examiniez la possibilité

13 de verser les écritures, elles aussi.

14 Je demande le versement au dossier de ces articles de journaux et en

15 même temps je vous demande de réfléchir de voir si le versement de ces

16 articles de journaux ne peut pas servir de fondement pour verser également

17 les écritures de M. Seselj, les écritures qu'il a étayées par ces articles,

18 les écritures adressées à la partie adverse portant sur Dulovic.

19 Je pense que j'ai été clair.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois que vous avez été influencé

21 par M. Nice, à savoir, ses pratiques à lui de demander que l'on revienne

22 sur un point. La Chambre de première instance n'est pas disposée à revenir

23 sur la question du versement des écritures au sujet desquels nous avons dit

24 qu'elles contenaient surtout les arguments présentés par M. Seselj à une

25 autre Chambre.

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1 Pour ce qui est du versement des articles de journaux, Monsieur Nice.

2 M. NICE : [interprétation] Pour ce qui est des articles de journaux, je ne

3 pense pas qu'il serait approprié de les verser au dossier.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'entendez-vous par là ?

5 M. NICE : [interprétation] Ces articles n'ont pas été présentés à Dulovic.

6 D'après mes souvenirs, il a déposé de manière succincte au sujet de ce qui

7 s'est passé, au sujet de ce qui figure dans ces articles de journaux, mais

8 je ne pense pas qu'ils lui aient été présentés.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous souhaitions vérifier si vous

10 étiez au courant de ces articles.

11 M. NICE : [interprétation] Je regrette, je n'ai pas pu vérifier si nous les

12 avions.

13 Je pense que notre position est la suivante : les deux, à savoir, le

14 témoin et l'accusé se sont référés aux articles de journaux en serbe, qui

15 sont rédigés en serbe, bien entendu. Il faudrait tout d'abord avoir ces

16 articles en anglais et depuis hier, ceci n'a pas été possible de les

17 traduire.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Kay.

19 M. KAY : [interprétation] Je ne sais pas si les articles de M. Dulovic ont

20 été communiqués en application de l'Article 68 en tant qu'éléments

21 potentiellement à décharge ou documents qui compromettent la crédibilité du

22 témoin. C'est peut-être quelque chose que devrait examiner l'Accusation,

23 essayer de vérifier si ces articles ont été communiqués.

24 Les articles pourraient être versés au dossier de l'espèce,

25 pourraient être présentés par l'entremise d'un témoin s'ils ont été

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1 découverts à un moment ultérieur en tant qu'éléments contradictoires par

2 rapport à la déposition du témoin et publiés dans un journal et rédigés par

3 le témoin en question, s'il est venu déposer autrement que ce qui figure

4 dans ces articles, de manière contradictoire. Mais là, c'est la question du

5 poids qui se pose et on pourrait peut-être citer encore une fois le témoin

6 à la barre. Nous pensons qu'il faudrait vérifier si ces documents ont été

7 versés en application de l'Article 68.

8 M. NICE : [interprétation] Nous pouvons revérifier cela, mais bien entendu,

9 ma première réponse serait qu'il s'agit de documents publics et que ceci

10 n'aurait pas relevé de notre devoir de les communiquer de toute manière. M.

11 Saxon s'est occupé des documents en application à l'Article 68, il

12 vérifiera cela ce matin, je pense.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour le moment, nous allons

15 attribuer une cote aux fins d'identification à ce document en attendant la

16 traduction. Quant à l'information portant sur le fait si le document a été

17 communiqué, c'est quelque chose que nous allons prendre en considération,

18 même si ce point-là ne sera pas décisif en soi.

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La cote du document sera D305, cote aux

20 fins d'identification.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

22 LE TÉMOIN: VOJISLAV SESELJ [Reprise]

23 [Le témoin répond par l'interprète]

24 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]

25 Q. [interprétation] Monsieur Seselj, je suppose que vous vous souviendrez

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1 de ce que nous avons fait, il y a quelques jours, à savoir, nous avons

2 versé au dossier en tant que pièces à conviction des rapports portant sur

3 les communiqués du porte-parole du gouvernement fédéral de Goran Matic qui

4 datent du début du mois de février de l'an 2000 et portent sur le Groupe

5 araignée ainsi que sur leur participation à Srebrenica. Vous en souvenez-

6 vous ?

7 R. Oui.

8 Q. A présent, je ne voudrais pas que l'on perde du temps en replaçant le

9 document sur le rétroprojecteur, je vais me contenter de vous poser une

10 question. Vous souvenez-vous que le porte-parole du gouvernement fédéral

11 ait fait une déclaration au nom du gouvernement fédéral disant que le fait

12 d'élucider le crime de Srebrenica constituait notre dette envers la vérité

13 et, par la suite, il a dit quel était l'état d'avancement de l'enquête

14 menée suite à l'arrestation de ce Groupe araignée Pauk et aussi dans le

15 cadre de l'enquête diligentée contre le commandant --

16 M. NICE : [interprétation] Est-ce l'accusé qui est en train de déposer ?

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, posez votre

18 question.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Monsieur Seselj, vous souvenez-vous que le porte-parole du

21 gouvernement, d'ailleurs, c'est ce qui est écrit dans tous ces journaux,

22 qu'il ait déclaré au nom du gouvernement qu'on a arrêté les auteurs du

23 crime de Srebrenica, le commandant ainsi que certains membres du 10e

24 Détachement de Sabotage qui avaient fusillé les prisonniers de guerre à

25 Srebrenica ?

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1 R. Oui. Cela a été communiqué à l'opinion qu'on a arrêté Jugoslav

2 Petrusic, Milorad Pelemis, ainsi que plusieurs autres membres de ce qu'on a

3 appelé le 10e Détachement de Sabotage qui avait créé un nouveau groupe, le

4 Groupe araignée dont l'objectif a été d'organiser un attentat contre vous.

5 L'enquête a montré que c'est de manière la plus directe que ces hommes ont

6 pris part à l'exécution des prisonniers de guerre musulmans près de

7 Srebrenica. Ceci a été communiqué à l'opinion suite à l'enquête menée par

8 la justice et par la police.

9 Q. Merci. Vous souvenez-vous d'un point, vous avez lu la plainte au pénal

10 contre Drazen Erdemovic, qui a d'ailleurs été jugé ici, où il est dit que

11 ceci a été exécuté par le 10e Détachement de Sabotage sur ordre de leur

12 commandant, Pelemis, et on cite les noms des membres du 10e Détachement de

13 Sabotage ?

14 R. Oui. Erdemovic en a été membre et en tant que membre du 10e Détachement

15 de Sabotage, il a participé aux exécutions. Nous avons reçu des

16 informations disant que ces membres étaient non seulement des Serbes mais

17 aussi des Croates, des Musulmans, des Slovènes, et qu'il y a eu parmi eux

18 bien des étrangers.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, d'après mes

20 souvenirs, c'est quelque chose que nous avons déjà abordé. C'est la

21 deuxième fois que j'entends ces mêmes choses.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Fort bien.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Si j'ai posé cette question, c'est pour établir autre chose. Donc au

25 nom du gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie a-t-on

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1 communiqué au public qui sont les auteurs de ce crime et le fait qu'ils

2 sont derrière les barreaux ?

3 R. Oui. On a dit qu'on a prouvé qui étaient les auteurs du crime de

4 Srebrenica, on a dit qu'ils étaient arrêtés, et qu'ils étaient remis entre

5 les mains des organes d'investigation.

6 Q. Est-ce qu'il a été dit qu'ils ont reçu deux millions de deutsche marks

7 en contrepartie de ces travaux faits pour le compte des services de

8 Renseignement étrangers ?

9 R. Oui. Ils ont agi en tant qu'agents des services de Renseignement

10 français, et nous avons appris, de manière fiable, qu'ils ont organisé par

11 la suite le transfert des mercenaires de la Republika Srpska au Congo pour

12 qu'ils y combattent pour le compte des intérêts français.

13 Q. Très bien. A présent, est-ce qu'on peut placer sur le rétroprojecteur

14 une décision que j'ai reçue entre-temps,

15 à savoir, une décision du tribunal de district de Belgrade par laquelle on

16 a mis fin à la détention de Jugoslav Petrusic et de Milorad Pelemis, ainsi

17 qu'aux autres détenus, ceux au sujet desquels dix mois auparavant les

18 autorités avaient dit qu'ils étaient auteurs du crime commis à Srebrenica,

19 crime par exécution des prisonniers de guerre.

20 J'ai remis ce document. J'espère que l'on peut le placer sur le

21 rétroprojecteur à présent.

22 Monsieur Seselj, dans cette décision, dès la cinquième ligne à partir du

23 début, sous le titre où on lit "Décision," est-ce qu'il est dit qu'ils ont

24 été arrêtés, à savoir, est-ce qu'on lit que par la décision du tribunal de

25 district, on les a placés en détention le 14 novembre 1999 ?

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1 R. Oui. Mais, ils ont été arrêtés le 11 novembre. C'est à partir de cette

2 date que coule leur détention, vous pouvez le voir dans le préambule de la

3 décision.

4 Q. Très bien. Est-ce qu'on voit ici que pour ces actes pour lesquels les

5 autorités ont établi que les membres du 10e Détachement de Sabotage les ont

6 exécutés ou commis à Srebrenica, comme il découle de la plainte au pénal et

7 de la déclaration de Matic puisque c'est de 1996 que date la plainte au

8 pénal, est-ce qu'il ressort de ce texte qu'ils n'ont absolument pas été

9 jugés pour cela, et que ce crime qu'ils ont commis à Srebrenica n'est même

10 pas mentionné ?

11 R. Oui. Suite au putsch du 5 octobre de l'an 2000, la procédure au pénal

12 devant les tribunaux contre ce groupe constitué par Jugoslav Petrusic,

13 Milorad Pelemis, Slobodan Orasanin, Branko Vlaco et Rade Petrovic, il n'y

14 eu que la procédure pour le délit d'extorsion. Ils se sont vus condamnés à

15 un an de prison tout simplement pour couvrir cette période qu'ils ont

16 passée en détention. On a choisi le crime ou le délit le moins grave, et

17 ils ont été condamnés à un an de prison pour le crime d'extorsion. On peut

18 être condamné jusqu'à une peine maximale de dix ans, et ils ont été

19 relâchés. On a complètement dissimulé leur participation à la fusillade des

20 prisonniers de guerre à Srebrenica, qui avait été établie, prouvée de

21 manière incontestable par ailleurs.

22 Q. Monsieur Seselj, puisque vous avez été protagoniste très actif de tous

23 ces événements politiques, ces années-là, et en particulier à la fin de

24 l'année de 2000, pourriez-vous nous dire comment s'est présentée la

25 situation sur le plan du respect de la loi après le putsch du 5 octobre

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1 2000 ?

2 R. Le principe de la légalité en Serbie après le 5 octobre de l'an 2000 a

3 été complètement bafoué. En Serbie, pendant les années qui ont suivi,

4 c'était l'anarchie et la tyrannie des mafieuses qui ont régné. On a

5 commencé à poursuivre les adversaires politiques du régime, à les

6 persécuter. Les autorités --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la pertinence de ceci ?

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est très pertinent, Monsieur Robinson. Il

9 convient de voir que le tribunal n'a pas pu se pencher sur les crimes les

10 plus graves commis par ces auteurs dont l'opinion a été informée par le

11 porte-parole du gouvernement fédéral dix mois avant cette date. Il y a eu

12 ce scandale qui s'est produit. Ces hommes ont été relâchés, ont été remis

13 en liberté à peine 40 jours après le putsch.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Le régime qui s'est mis en place, le régime de

15 Zoran Djindjic, il a dissimulé de manière systématique le crime commis à

16 Srebrenica, et a cherché à sauver la peau des principaux coupables de ce

17 crime. On a instrumentalisé de la part du gouvernement exécutif toutes les

18 instances. La constitution était bafouée. Les autorités se sont même

19 permises d'adopter des lois qui avaient forces rétroactives, et ce, pour

20 régler leurs comptes à l'opposition politique, donc, à tous ceux qui

21 avaient une opinion différente. Les forces occidentales l'ont appuyé dans

22 cette pratique.

23 Q. D'après ce que vous en savez, quelle a été la raison pour laquelle on a

24 cherché à dissimuler la responsabilité des auteurs directs, à savoir, du

25 commandant et des membres du 10e Détachement de Sabotage qui, sans aucun

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1 doute possible, ont commis cette exécution par armes à feu des prisonniers

2 de guerre ?

3 R. Pour ce qui est du mobile, j'ai été mis au courant de celui-ci dès

4 l'époque où j'étais vice-premier ministre du gouvernement de Serbie.

5 M. NICE : [interprétation] Je tiens à signaler que les questions qui sont

6 posées à ce témoin ne sont pas appropriées. Il en revient à la Chambre de

7 trancher.

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, d'après ce que

10 j'ai compris, la substance de ces éléments de preuve est qu'un certain

11 nombre des crimes commis à Srebrenica ont été commis par ces hommes-là, et

12 ceci peut être pertinent. Cependant, pour ce qui est des mobiles, nous ne

13 pensons pas qu'ils soient pertinents. Donc, je vous prie d'aller de

14 l'avant.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je tiens compte du fait que

16 Drazen Erdemovic a été jugé ici. Il a été membre du

17 10e Détachement de Sabotage. M. Nice et son bureau savent pertinemment qui

18 a commis le crime de Srebrenica. Ce sont des preuves démontrant que M. Nice

19 agit de manière délibérée et intentionnelle. Il évite --

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, n'attribuez pas,

21 n'imputez pas de mauvaises intentions à l'Accusation. Vous avez déjà péché

22 en commettant cette erreur la semaine dernière. Ne le refaites pas. Si vous

23 avez des arguments juridiques à exposer pour ce qui est des raisons pour

24 lesquelles nous devrions recevoir ces éléments de preuve; faites-le.

25 Pourquoi pensez-vous que nous devrions entendre ces éléments de preuve ?

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour la raison suivante, Monsieur Robinson. M.

2 Nice, ici même, il y a peu de temps et à plusieurs reprises, a affirmé que

3 les autorités à l'époque où j'étais président et à l'époque où M. Seselj a

4 été vice-premier ministre du gouvernement de la république où des membres

5 de son parti ont été ministres du gouvernement fédéral, qu'on a cherché à

6 occulter le crime qui s'est commis à Srebrenica. Or, les preuves montrent

7 tout à fait à l'opposé, à savoir que c'est mon gouvernement qui a élucidé

8 ce qui s'est produit, c'est nous qui avons arrêté Erdemovic. Vous n'auriez

9 même pas pu le juger ici si on ne l'avait pas arrêté. Mais vous, vous

10 l'avez relâché, et ce bureau du Procureur n'a lancé aucune procédure contre

11 ceux qui ont commis ce crime; dans son ensemble, le 10e Détachement de

12 Sabotage et son commandant.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons déjà entendu ces

14 témoignages. Nous avons déjà entendu ces éléments de preuve. Est-ce qu'il y

15 a autre chose à ajouter ?

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Qui plus est --

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous vous engagez sur le terrain des

18 commentaires politiques qui n'ont pas de valeur juridique. Nous n'allons

19 pas vous autoriser à faire cela.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, ce n'est pas un commentaire

21 politique; c'est un argument juridique. Le fait que

22 M. Nice dans ce prétoire a affirmé que nous avons cherché à dissimuler, à

23 occulter le crime de Srebrenica, or, ici, c'est le contraire que nous

24 montrons et que nous prouvons.

25 Je souhaite que l'on nous montre un extrait d'une bande vidéo que j'ai

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1 reçue en application de l'Article 68 de la part de

2 M. Nice, il y a quelques mois. Il me semble que c'était au moment de la

3 déposition d'Obrad Stevanovic. A ce moment-là, je n'ai pas eu l'occasion de

4 montrer cet extrait. C'est en application de

5 l'Article 68 que je l'ai reçu de la partie adverse. C'est un extrait bref

6 que je souhaite vous montrer où il est question des coulisses.

7 [Diffusion de cassette vidéo]

8 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

9 "J'ai vu, dit cette femme, sur l'escalier, je ne pouvais par retrouver

10 Gordana. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé. J'ai cru qu'elle avait été

11 emmenée vivante. Elle s'est assise sur la cuvette de VC dans la salle de

12 bain, et elle avait les mains dans le lavabo. Je l'ai retrouvée morte dans

13 cette position. J'ai dit : Dieu merci qu'il l'ait tuée, qu'il ne l'ait pas

14 prise vivante. La femme et deux enfants ont été emmenés, ont été

15 emprisonnés. Ils ont été placés sur un camion plein de corps. Naser Oric,

16 intitulé : "Le début de la fin." Tout ce qui s'est produit au sein de

17 l'enclave de Srebrenica, lorsqu'il s'agit du fonctionnement de l'ABiH. On

18 doit estimer que Naser Oric était le commandant qui a bénéficié d'un plein

19 soutien. Lorsque les Musulmans se sont attaqués au village serbe, à la fête

20 de Noël orthodoxe, les Serbes ont décidé de riposter.

21 Le général a commencé une contre-offensive avec quatre divisions. Il a

22 chassé les effectifs d'Oric qui ont été repoussés dans Srebrenica. Naser

23 Oric le roi de paradis perdu. 1994, deux ans plus tard, Srebrenica est

24 encerclée par des troupes serbes. Les Musulmans n'ont pas besoin de se

25 faire du souci, les Nations Unies ont déclaré que c'était une zone de

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1 sécurité. Les Casques bleus néerlandais doivent la protéger. Tous les

2 combattants musulmans doivent rendre leurs armes. Ceci ne semble pas

3 secouer le tronc de Naser Oric qui reste l'homme le plus puissant, le tout-

4 puissant à Srebrenica. Il n'aime pas les Néerlandais. Il ne faisait pas

5 confiance au DutchBat. Je ne pense pas que le DutchBat lui faisait

6 confiance non plus. La situation devient incontrôlable. En dépit de la

7 famine, il y a très peu d'aide humanitaire qui parvient, qui est laissée

8 passée."

9 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ici, il s'agit d'une erreur des services

11 techniques. M. Ognjanovic est en train de rectifier le tir, parce que ce

12 film-ci est très long; celui qu'on essaie de vous montrer à présent. Je

13 crois qu'ils n'ont pas trouvé le bon passage à vous montrer.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce que vous

15 êtes en train de dire que nous venons de passer cinq minutes ou presque à

16 regarder ce film, que c'était du temps perdu ? Pourquoi ne pas nous avoir

17 arrêté plus tôt ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'attendais tout le temps à ce que démarre

19 la partie que je voulais vous montrer. Je n'ai pas le temps ni la

20 possibilité de visionner toutes ces vidéos en prison. Ce sont mes

21 collaborateurs qui ont préparé les clips vidéo, et on m'a informé du fait

22 que l'on avait déjà préparé le bon passage.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que maintenant vous avez

24 trouvé le bon passage ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela devrait être le cas. Il faudrait que l'on

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1 puisse me le montrer. On me fait savoir qu'on s'efforçait de remédier à

2 l'erreur. Je voulais entendre ou faire entendre la déclaration d'un haut

3 responsable musulman de Srebrenica concernant les événements de Srebrenica.

4 [Diffusion de cassette vidéo]

5 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

6 "Septembre 1993, le dirigeant musulman Izetbegovic rend visite au président

7 américain Bill Clinton. Maintenant, nous travaillons d'arrache-pied pour la

8 paix, pour parvenir à la paix, pour parvenir à un accord de paix pour une

9 solution pacifique en Bosnie-Herzégovine. C'est important de le dire; il

10 nous faut des garanties d'accord. Nous allons demander au président Clinton

11 que les Etats-Unis participent à l'élaboration de ces garanties. Bien

12 entendu, dans le cadre du processus, trois semaines plus tard, le parlement

13 bosniaque se rencontre dans un hôtel à Sarajevo pour parler de la division

14 de la Bosnie. On se sert de cette session pour inviter une délégation de

15 Srebrenica et de lui parler de la proposition qui consiste à abandonner les

16 enclaves musulmanes pour un Sarajevo libre.

17 Trois Musulmans bien connus de Srebrenica sont invités à Sarajevo, dont le

18 chef de la police Mehovic, Hasanovic ainsi que le commandant Naser Oric.

19 Ils doivent survoler un territoire hostile, et Mehovic a peur. Au début, il

20 était question d'atterrir à Han Pijesak ou sur le mont Romania pour être

21 contrôlés. Nous avons refusé. Les Serbes ont ensuite accepté que

22 l'hélicoptère n'atterrisse nulle part. C'est bizarre. D'abord, les Serbes

23 ont collaboré. La délégation musulmane est emmenée en hélicoptère en

24 Sarajevo. Des chars de l'ONU les emmènent à l'hôtel Holiday

25 Interprète : C'est là qu'ils sont placés dans des hôtels séparés. Il

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1 y a une interruption de la session, et il n'y a pas de témoins.

2 La première question qui a été posée, c'était de savoir pourquoi Naser Oric

3 n'est pas venu. Naser était l'homme numéro 1 à devoir faire partie de la

4 délégation. Pour des raisons qui m'échappent de nos jours encore, il a

5 refusé d'y aller. On ne comprend pas pourquoi le commandant Oric n'est pas

6 allé à Sarajevo. Certains disent qu'il avait peur que ce soit un stratagème

7 utilisé par les Serbes pour tuer le chef de l'enclave. Cette année-là les

8 combattants de Srebrenica avaient tué beaucoup de civils serbes et avaient

9 pillé. D'autres sources affirment qu'Oric était au courant de la

10 proposition. On n'a pas parlé très longtemps de ces [inaudible] d'Oric.

11 D'après Mehovic, Izetbegovic fait référence à sa réunion avec le président

12 américain Bill Clinton.

13 Alija nous a dit que Clinton lui a proposé de faire rentrer les Chetniks à

14 Srebrenica, de massacrer 5 000 Musulmans, et que cela donnerait lui à une

15 intervention militaire. Il nous a demandé ce que l<on pensait de la chose.

16 Nous avons rejeté cette proposition, parce que nous estimions que ce

17 n'était pas normal, que nous n'allions pas permettre que 5 000 hommes

18 soient tués. L'idée de Clinton, ou que ce soit Clinton qui propose ceci

19 pour provoquer un massacre justifiant ainsi l'intervention militaire, c'est

20 quelque chose d'absolument ridicule. L'enquête de l'ONU montre, qu'en fait,

21 ce ne sont pas des propos dénués de fondement.

22 Rapport des Nations Unies. Certains survivants de la délégation de

23 Srebrenica ont déclaré que le président Izetbegovic leur avait dit aussi

24 qu'il avait appris qu'une intervention de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine

25 était possible, mais ne pouvait se produire que si les Serbes faisaient une

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1 incursion dans Srebrenica, tuant au moins

2 5 000 personnes. Le président Izetbegovic nie avoir fait une telle

3 déclaration. Il admet cependant qu'il a demandé l'avis de la délégation à

4 propos d'un échange de territoires. Après cela, il a été question

5 d'échanger Srebrenica et Vogosca. Nous avons refusé également. De la part

6 de l'ONU, la déclaration s'est opposée à l'idée et le sujet n'a plus été

7 discuté. Demandez aux négociateurs, dit Izetbegovic, d'abord de procéder à

8 la rectification des cartes afin que la République bosnienne s'empare des

9 territoires le long de la Drina."

10 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous pouvez interrompre ici; le reste n'a pas

12 d'importance.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle question voulez-vous poser au

14 témoin ?

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant que de poser une question, je veux

16 attirer votre attention sur une citation qui vient conforter les dires de

17 ce responsable musulman de Srebrenica. Cela figure dans le rapport du

18 secrétaire général, daté du 15 novembre 1999. Ce rapport, je l'ai sous les

19 yeux. Je me réfère notamment à la page 31, paragraphe 115. Entre autres, il

20 figure la citation que vous avez pu lire tout à l'heure. Je ne sais pas si

21 cela est nécessaire, s'il est nécessaire de le mettre sur le

22 rétroprojecteur.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais que vous posiez une

24 question. C'est cela que j'aimerais.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 43772

1 Q. Monsieur Seselj, avez-vous connaissance des dessous politiques relatifs

2 aux événements de Srebrenica à la lumière des faits que j'ai présentés ici

3 depuis l'acte d'accusation contre Erdemovic, l'arrestation du 10e

4 Détachement de Sabotage, les calculs d'Izetbegovic auprès de Clinton et des

5 événements qui ont suivi ?

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En posant cette question, vous

7 invitez le témoin à répondre de façon longue et tortueuse.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Posez une question plus spécifique,

10 plus précise à M. Seselj.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Monsieur Seselj, vous venez de voir un film. Auparavant, vous avez vu

13 un communiqué, et les représentants de votre gouvernement ont eu

14 connaissance de ce communiqué. Vous êtes au courant de l'arrestation

15 d'Erdemovic et de ses aveux ici, et vous avez vu ce film. Alors, saviez-

16 vous ce que vous venez de voir ?

17 R. Oui. En ma qualité de vice-premier ministre de la République de Serbie,

18 à plusieurs reprises, j'ai obtenu des rapports du Renseignement tant des

19 sources militaires que des sources civiles des forces de sécurité publique

20 où l'on m'a communiqué les renseignements procurés par nos services. Les

21 étrangers auraient donné lieu à la perpétration de ce crime à Srebrenica.

22 Ce sont les étrangers qui ont tout organisé. Il n'a pas été difficile de

23 trouver des exécutants parmi les mercenaires, et l'objectif a été --

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre. Qui

25 avait organisé le crime de Srebrenica avez-vous dit ? Pourriez-vous définir

Page 43773

1 ce crime avant d'aller plus loin ? Il y a eu combien de victimes de ce

2 crime dont vous dites qu'il a été organisé par des forces étrangères ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je dis, c'est que cela a été

4 directement organisé par les services de Renseignement français de concert

5 avec d'autres services occidentaux et d'après les renseignements que j'ai

6 obtenus --

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on parle des

8 1 200 victimes dont nous avons déjà parlé au cours de votre déposition ou

9 est-ce qu'on parle d'un nombre plus important de victimes ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc on revient sur du terrain déjà

12 parcouru; c'est bien cela ? Nous avons déjà parlé de l'influence française,

13 des mercenaires, des gens qui auraient participé. On a déjà parlé

14 d'Erdemovic et on en reparle une fois de plus, n'est-ce pas ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Bonomy, cela n'est tout simplement

16 pas vrai. Je ne parle pas, une fois de plus, de la même chose. Ce qu'il y

17 a, c'est que vous ne voulez pas entendre ce que j'ai à dire. Donnez-moi

18 deux à trois minutes. Laissez-moi dire ce que j'ai à dire, si cela

19 constitue une répétition, interrompez-moi.

20 D'après les données du Renseignement, nous avons appris que tout a été mis

21 en scène pour plusieurs raisons. D'abord, il fallait que cela serve de

22 fondement pour dresser un acte d'accusation à l'encontre de Radovan

23 Karadzic afin d'éliminer Karadzic du processus de négociations à venir.

24 Deuxièmement, étant donné que les hommes politiques occidentaux à

25 plusieurs reprises ont fait des déclarations sans trop y penser, ils ont

Page 43774

1 affirmé qu'il y avait un génocide de perpétré à l'égard des Musulmans. Ils

2 ont voulu à tout prix mettre sur pied quelque chose qui ressemblerait à un

3 génocide et le comble de la supercherie a été une inversion des catégories

4 pour ce qui est des zones et des groupes protégés par les Nations Unies.

5 Les groupes protégés en application des conventions

6 relatives au génocide ne pouvaient être constitués que par les Musulmans de

7 Bosnie-Herzégovine dans leur ensemble. D'après le recensement de 1991, ces

8 derniers étaient 2 160 000. S'agissant maintenant de la zone protégée de

9 Srebrenica, il s'agit là d'une zone protégée par les Nations Unies. Cette

10 catégorie-là n'a rien à voir avec la convention relative au génocide. Là,

11 où il y a supercherie, en quoi consiste-t-elle ? C'est qu'il s'agissait de

12 proclamer les Musulmans de Srebrenica en tant que groupe ou d'en faire un

13 groupe protégé en application de la convention relative au génocide et

14 d'identifier la catégorie de zone protégée avec celle de groupe protégé ou

15 passé sous protection afin que cela serve de base d'accusation à l'encontre

16 des Serbes concernant un génocide. On a donné instruction au bureau du

17 Procureur de La Haye de faire ainsi et cela a été ordonné par leurs patrons

18 de l'Occident.

19 C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à nos services de

20 Renseignement de me renseigner de façon détaillée sur cette supercherie,

21 s'agissant pour eux d'exagérer le nombre de victimes. Il s'agissait de

22 faire en sorte que les Musulmans tués de 1992 à 1995 soient présentés sur

23 une même liste afin qu'ils fassent figure de victimes de Srebrenica et que

24 tous ceux qui ont péri d'une façon ou d'une autre soient placés sur cette

25 liste.

Page 43775

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Monsieur Seselj, avez-vous eu l'occasion de lire le témoignage du

4 général Morillon devant le parlement français où il dit que la raison des

5 événements de Srebrenica était une raison d'Etat et qu'il s'agissait de la

6 rechercher sur l'axe Sarajevo-New York et non pas Paris-New York ?

7 R. Oui, j'ai eu ce document en main. C'est une preuve de plus qui dit que

8 le crime de Srebrenica est monté de toutes pièces par l'Occident.

9 Q. Vous souvenez-vous du fait que dans ce témoignage et c'est un document

10 public, Morillon a dit qu'il s'agissait là d'un piège tendu à Mladic et

11 que, pour des raisons d'Etat, il fallait que ce soit fait ?

12 R. Oui. Il a dit que c'était un piège à l'intention de Mladic. Au

13 parlement français, Morillon a déclaré qu'il s'agissait d'un piège à

14 l'intention de Mladic, mais il a passé sous silence le fait que cela était

15 un piège tendu à Karadzic en premier lieu pour éliminer celui-ci. Le crime

16 de Srebrenica devait servir de prétexte pour un bombardement systématique

17 et massif de la Republika Srpska qui a à tel point rendu incapable l'armée

18 serbe d'intervenir, et cela a enfin permis une grande offensive musulmane

19 et une participation de l'armée régulière de la République de Croatie à la

20 même offensive.

21 Q. Monsieur Seselj, avez-vous une explication --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, les interprètes

23 vous demandent de faire des pauses entre les questions et les réponses.

24 N'oubliez pas cela non plus, Monsieur Seselj, avant de répondre.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

Page 43776

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur Seselj, avez-vous des informations quelconques qui vous

3 permettraient d'apporter une explication disant que les membres de ce 10e

4 Détachement de Sabotage n'ont pas fait l'objet d'une demande de mise en

5 responsabilité ici ?

6 R. En ma qualité de vice-premier ministre de la République de Serbie --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce genre d'explications ne nous sera

8 pas utile. Posez une autre question, s'il vous plaît.

9 Monsieur Milosevic, vous nous aviez dit que vous alliez terminer

10 l'interrogatoire principal hier. Or, l'audience a commencé ce matin. Par le

11 passé, vous avez toujours essayé de terminer par un feu d'artifice. En

12 général, cela vous pose des problèmes. Vous posez une question et vous vous

13 lancez et vous tombez dans le commentaire politique. Si vous n'avez pas

14 d'autres questions à poser au témoin, terminez, sinon, c'est moi qui vais

15 mettre fin à votre interrogatoire principal.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je viens de terminer mon

17 interrogatoire principal, mais vous m'avez interrompu. J'allais juste

18 remercier M. Seselj de son témoignage. Je vous ai fourni ici les documents

19 qui se rapportent en premier lieu aux allégations de M. Nice portant sur

20 les efforts déployés par la direction de Serbie et de Yougoslavie visant à

21 occulter ce qui s'est passé à Srebrenica, or, les documents, ici présents,

22 démontrent le contraire.

23 Avant que M. Nice ne commence à contre-interroger M. Seselj, je vous

24 demande de verser au dossier la lettre qui a été placée sous le

25 rétroprojecteur et que M. Seselj a lue sous forme d'extrait, et qui est

Page 43777

1 datée du 8 décembre 1992, rédigée par Radovan Karadzic, destinée au

2 commissaire des Nations Unies aux réfugiés, Mme Ogata, M. Sommaruga, le

3 président de la Croix Rouge, à Cyrus Vance et David Owen. Une copie a été

4 envoyée également à Dobrica Cosic, président de Yougoslavie. Cette lettre

5 nous permet de voir qu'il y a eu un accord de la part des trois parties au

6 conflit des Serbes, Musulmans et Croates, sous l'égide des Nations Unies à

7 Genève, et qui disait qu'il s'agissait de permettre aux civils qui le

8 voulaient de quitter le territoire occupé par une partie pour passer vers

9 les territoires occupés par la partie adverse, chose qui ne fait que

10 confirmer les affirmations avancées par le témoin à l'occasion de son

11 témoignage concernant les déplacements des civils vers les territoires

12 tenus par la partie qu'ils estimaient comme étant une partie amie.

13 Cela est conforme aux accords réalisés par les trois parties au conflit à

14 Genève.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Où est-ce qu'elle est cette lettre,

16 Monsieur Milosevic ?

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Elle est là.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Regardons-là.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dispose d'une version en langue serbe et

20 d'une version en langue anglaise, heureusement. Voilà la version serbe et

21 la version anglaise.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En fait, ceci a été présenté à M.

23 Seselj ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela a été montré à M. Seselj au sujet de son

25 témoignage qui portait sur les grands déplacements de la population de

Page 43778

1 certaines régions vers d'autres régions qui n'ont pas constitué la

2 conséquence d'un nettoyage ethnique, mais d'un accord conclut entre les

3 trois parties qui disait qu'il s'agissait d'organiser ces déplacements avec

4 le soutien du Haut-commissariat aux Réfugiés de la Croix Rouge.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

6 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas si cela a été présenté, mais si

7 cela a été présenté, pas d'objection.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien. Ce sera versé au dossier.

9 La cote, s'il vous plaît.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D306.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Je vous remercie, Monsieur Seselj, je n'ai plus de questions pour vous.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je demande également à ce

14 que la décision du tribunal départemental de Belgrade datée du 13 novembre

15 de l'an 2000 soit versée au dossier. Ce document porte sur la remise en

16 liberté de ces gens-là.

17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D307.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Puisque ce n'est pas encore traduit,

19 comme d'habitude ce sera une cote provisoire en attente d'une traduction.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai deux questions à poser, Monsieur

21 Milosevic. Vous avez fait état d'un rapport du secrétaire général des

22 Nations-Unies en date du 15 novembre 1999. Est-ce que c'est déjà une pièce

23 versée au dossier ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que oui, mais je n'en suis pas

25 certain. Je suppose que les rapports pertinents relatifs à la Yougoslavie

Page 43779

1 constituent, tous ensemble, des pièces à conviction. Mais j'ai ces rapports

2 sous la main et je peux vous les prêter afin que vous y jetiez un coup

3 d'œil parce que dans le film hollandais que j'ai reçu en application de

4 l'Article 68 et en guise de documentation à charge, recite ce qui figure à

5 la page 31 que j'ai surlignée en jaune. Si cela vous intéresse, vous pouvez

6 vous penchez dessus. Le rapport, lui, comporte pas mal de pages. Il a plus

7 de 100 pages. La chute de Srebrenica, c'est le titre du rapport.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais voir la partie que vous

9 avez surlignée.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous en prie, faites. Vous avez pu voir la

11 deuxième partie du texte surligné parce qu'on l'a vu sur l'écran. Cela a

12 été cité par des Hollandais. Il est question d'exécutions.

13 La partie surlignée en jaune, s'il vous plaît, afin qu'on puisse la lire.

14 Vous avez vu cela sur le film et on a vu le passage où on dit que certains

15 survivants étaient de Srebrenica.

16 "Il avait appris qu'il était possible d'avoir une intervention de l'OTAN en

17 Bosnie-Herzégovine mais qu'elle ne pourrait se produire que si les Serbes

18 faisaient irruption dans Srebrenica tuant au moins 5 000 habitants."

19 C'est ce que vous avez vu sur l'écran. Cela fait partie intégrante du

20 rapport du secrétaire général daté de 1999.

21 Sur l'écran, vous avez vu le chef de la police de Srebrenica, un

22 Musulman qui dit qu'Izetbegovic lui a dit que Clinton avait proposé de

23 faire tuer certains Musulmans aux fins de donner une raison d'intervenir.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'avais peut-être pas bien compris.

25 Je pensais que vous affirmiez que dans ce rapport, on trouvait certains

Page 43780

1 passages qui soutenaient ou corroboraient l'idée selon laquelle tout ceci

2 avait été mis en scène. En fait, ceci ne fait que refléter cette

3 affirmation qui est alors niée. Mais vous pensiez faire référence à un

4 autre passage, me semble-t-il ?

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je n'ai fourni que ce passage-ci.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Fort bien. Deuxième élément : vous

7 avez fait dire à M. Seselj plusieurs choses. Vous lui avez attribué

8 certaines choses qu'aurait dit le général Morillon devant le parlement

9 français. Est-ce que vous avez la transcription de l'intervention de M.

10 Morillon au parlement français ?

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je l'ai. C'est un document public. Il a

12 témoigné devant le parlement français, le général Morillon, en public et je

13 crois que j'ai joint cela au dossier, mais je vais demander à mes

14 collaborateurs de vous retrouver une copie pour que vous l'ayez.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

16 M. KAY : [interprétation] Le rapport concernant "La chute de Srebrenica",

17 c'est la pièce 547, intercalaire 36.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous parlez du rapport des Nations

20 Unies.

21 M. KAY : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, qu'en est-il de

24 cet enregistrement vidéo ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, l'enregistrement vidéo aussi, j'aimerais

Page 43781

1 également qu'il soit versé au dossier. On me l'a communiqué en application

2 de l'Article 68. En conséquence, les deux parties sont d'accord pour dire

3 que ces documents sont importants. Autrement, M. Nice ne l'aurait pas fait

4 passé.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est une émission néerlandaise, me

6 semble-t-il ? Vous connaissez son nom ?

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux demander à ce qu'on me l'on procure et

8 je peux vous communiquer l'intitulé de cette émission toute entière. En

9 effet, c'était une chaîne hollandaise puisque c'étaient leurs soldats qui

10 se trouvaient à Srebrenica au moment des événements.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, ce sera versé au dossier.

12 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président --

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous avez quelque

14 chose à dire ?

15 M. NICE : [interprétation] Oui. Le fait que quelque chose aurait été fourni

16 à l'accusé en application de l'Article 68 ne peut pas pour autant dire --

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas pour cela que l'on

18 déclare recevable. Je peux vous le dire.

19 M. NICE : [interprétation] Pour ce qui est de cette émission néerlandaise,

20 nous n'avons pu faire déposer que très peu d'extraits, surtout d'émissions

21 télévisées lorsque le témoin concerné a pu dire quelque chose de précis,

22 mais je ne pense pas que ce soit le cas ici. Ici, c'est simplement une

23 émission télévisée tout à fait générale, rien d'autres, mais il revient aux

24 Juges de trancher.

25 [La Chambre de première instance se concerte]

Page 43772

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Seuls les extraits diffusés seront

2 versés au dossier.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D308.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice, vous avez la

5 parole.

6 Contre-interrogatoire par M. Nice :

7 Q. [interprétation] Monsieur Seselj --

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, entendons-nous bien. Je n'ai

9 pas demandé à ce que l'émission entière soit versée au dossier, rien que le

10 passage que je vous ai fait voir.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui.

12 Monsieur Nice, vous avez la parole.

13 M. NICE : [interprétation]

14 Q. Avant de quitter le sujet de Srebrenica, je voudrais comprendre

15 certaines des choses que vous avez déclarées. Quand vous dites "mise en

16 scène," qu'est-ce que vous voulez dire ?

17 R. J'entends par là le fait que les services de Renseignement français,

18 par le biais de leurs hommes à eux, ont conduit ce

19 10e Détachement de Sabotage en payant les membres de celui-ci de réaliser

20 des exécutions de prisonniers musulmans à proximité de Srebrenica afin

21 d'attribuer le crime à part entière à la direction serbe. C'est dans ce

22 sens-là que cela a été mis en scène. Le crime, lui, est survenu; il n'est

23 pas contesté.

24 Q. Pour ce qui est du nombre total de personnes tuées, vous le savez, le

25 jugement Krstic parle d'un chiffre de 6 à 7 000. Apparemment, c'est un

Page 43773

1 chiffre admis par -- ou 7 à 8 000 dans le jugement Krstic. Pour ce qui est

2 du chiffre retenu par la Republika Srpska dans la concession qu'elle a

3 faite récemment à propos du massacre de Srebrenica, c'est le même chiffre.

4 Vous dites qu'il n'y a eu personne d'autre de tuer mis à part les 1 000 ou

5 1 200 personnes tuées par le Détachement de Sabotage ?

6 R. Il est certain qu'il n'a pas été exécuté 7 000 personnes. D'après ce

7 que j'en sais, la Republika Srpska et sa commission sont en train de parler

8 de 7 000 disparus et non pas 7 000 tués. Je sais pour sûr que sur la liste

9 des personnes tuées, il y a des noms de personnes qui ont été tuées bien

10 avant. Même sur la liste des personnes exécutées, on retrouve des noms de

11 Musulmans que la police Djukakovic a arrêtés au Monténégro pour les livrer

12 à Deronjic en 1992, qui les a exécutés à ce moment-là. Je ne peux pas le

13 jurer, mais pour ce qui est des 1 200 exécutés seulement. Il se peut qu'il

14 y en ait un peu plus ou un peu moins. Mais il est certain qu'il était

15 impossible d'avoir exécuté à ce moment-là 7 000 personnes.

16 Vous, vous participez à une mise à une scène portant sur un chiffre de 7

17 000 pour construire artificiellement ou mettre sur pied artificiellement

18 une thèse relative au génocide, parce que la convention sur le génocide

19 parle d'une destruction d'un groupe dans son ensemble ou d'une grande

20 partie d'un groupe.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que vous avez répondu à la

22 question posée.

23 M. NICE : [interprétation]

24 Q. La chose suivante est ceci : vous parlez d'étrangers qui auraient monté

25 tout ceci de toutes pièces, et ce que vous auriez reçu comme renseignement.

Page 43774

1 Il n'y a eu que les Français ou est-ce qu'il y a eu d'autres étrangers,

2 d'autres nationalités ?

3 R. Les services de Renseignement français, d'après les informations de nos

4 services de Renseignement à nous, ce sont ces services qui l'ont fait. Dans

5 les rapports mis à ma disposition que j'ai eus en main, que j'ai lus, on a

6 jugé que c'étaient les Français qui l'avaient fait de concert avec d'autres

7 services occidentaux, et notamment, les services américains.

8 Q. Vous m'emmenez à ma question suivante : à quel moment avez-vous eu en

9 main ces rapports ?

10 R. Cela s'est produit vers 1998.

11 Q. Qui vous les a fournis en 1998 ?

12 R. En ma qualité de vice-premier ministre de Serbie, très régulièrement,

13 pratiquement tous les jours, j'ai lu au cabinet du premier ministre

14 différents rapports du Renseignement. Un exemplaire venait au siège du

15 gouvernement. Il ne pouvait pas être photocopié, on ne pouvait pas le

16 sortir du cabinet du premier ministre. Le premier ministre pouvait en

17 prendre connaissance, les vice-premiers ministres pouvaient le faire

18 également. Ces rapports étaient enregistrés et mis sous pli scellé en guise

19 de secret d'Etat. Cela peut être confirmé par Mirko Marjanovic, qui était

20 premier ministre, et pour autant que je sache, les autres quatre

21 vice-premiers ministres de l'époque, du moins certains d'entre eux.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons déjà un élément versé au

23 dossier qui est un rapport annuel ou plutôt la compilation de documents, de

24 rapports du Renseignement, qui semblent avoir été effectués par le

25 gouvernement serbe. Je pense que l'idée, c'était de montrer que cela

Page 43775

1 consignait et cela montrait quels étaient les renseignements obtenus et les

2 rapports fournis. C'était surtout par rapport au Kosovo davantage que notre

3 partie de la Serbie. Mais est-ce que vous dites qu'il y aurait un document

4 similaire qui serait disponible et qui serait une compilation des rapports

5 de Renseignement et qui serait pertinent pour la guerre en Croatie -- en

6 Bosnie ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas parler du document entier qui

8 constituerait une compilation de différents rapports datant de périodes

9 différentes. Je suis en train de parler des documents que je recevais au

10 quotidien ou de façon périodique pour pouvoir les lire, qui ont été

11 enregistrés sous des numéros déterminés, et qui ont été confiés par les

12 services de la Sûreté de l'Etat et plus souvent encore par les services de

13 la Sûreté militaire.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pensez que ces rapports sont

15 toujours disponibles ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Comment voulez-vous que je le sache ? J'ai

17 passé deux ans et demi en prison. Je ne sais pas du tout ce qui s'est passé

18 depuis en Serbie. A vous de voir. Mais je peux prouver en faisant témoigner

19 le premier ministre de l'époque et mes collègues vice-premiers ministres;

20 je peux les faire témoigner sur l'existence de ces documents.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

22 M. NICE : [interprétation]

23 Q. M. le Juge Bonomy m'amène à une question qui m'intéressait même si

24 j'allais l'aborder d'une façon un peu différente. Vous avez vu ces

25 documents en 1998. Qu'est-ce que c'était exactement comme documents ?

Page 43776

1 Je vais vous aider. Nous avons reçu des rapports du genre de ceux dont vous

2 a parlé M. le Juge Bonomy, beaucoup de conversations interceptées. Il y a

3 quelques éléments de sources brutes, disons, qu'on reçoit de service de

4 Renseignement. Dites-nous, Monsieur Seselj, quelle était la catégorie de

5 documents que vous, vous examiniez en 1998 ?

6 R. Il s'agissait de documents que les services de

7 Renseignement communiquaient pour qu'en prennent connaissance les

8 fonctionnaires de l'Etat les plus hauts placés. Je vous ai mentionné l'un

9 des documents à partir de quoi nous avons révoqué Jovica Stanisic. Par la

10 suite, M. Milosevic a révoqué Momcilo Perisic. Il y avait tout un classeur

11 de rapports du Renseignement portant sur le centre de la CIA à Vienne, dont

12 la mission opérationnelle consistait à faire limoger Slobodan Milosevic. Il

13 y avait des informations sur les dirigeants de l'opposition en Serbie afin

14 d'avoir des entretiens.

15 Q. Je vous interromps. Si on vous a remis un rapport sur un sujet pourtant

16 polémique, un sujet intéressant, vous allez essayer de voir si c'est un

17 rapport fiable, quelles sont ces sources. Pourriez-vous nous dire de façon

18 détaillée quels sont les documents que vous avez examinés à cette fin, si

19 vous ne vous en souvenez pas, ou quelles étaient les sources primaires de

20 première main sur lesquelles s'appuyaient ces documents ? De cette façon-

21 ci, nous saurons ce qui existait dans les archives ?

22 R. Les sources étaient codées. Nous n'avons pas été informés de façon

23 concrète des sources. Je me suis efforcé pour ce qui est de la teneur de

24 procéder à des vérifications de façon autre. Je vais vous illustrer cela

25 d'une autre façon encore.

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1 Partant des renseignements que j'obtenais en ma qualité de vice-premier

2 ministre, c'est en l'an 2000 que j'ai cité publiquement les participants au

3 meurtre d'Arkan. J'ai fait autre chose encore. Mes informations étaient de

4 nature à pouvoir le faire, et parfois en public.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez tendance à vous écarter du

6 sujet, je pense que M. Nice veut savoir quelles sont les sources concernant

7 les renseignements à propos de Srebrenica et pas à propos d'Arkan.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous parle de la nature des informations

9 qu'on me mettait à disposition, des informations qu'on me communiquait pour

10 que je puisse les examiner. Pour ce qui est des sources, j'ai été clair.

11 Les sources mentionnées dans ces documents étaient codées. Les codes

12 disaient habituellement, enfin, portaient des noms piqués au hasard, pris

13 au hasard.

14 M. NICE : [interprétation]

15 Q. Donc, ce sont les agents, les êtres humains qui fournissaient peut-être

16 ce genre de renseignements. Lorsqu'on rapporte les éléments de

17 Renseignement, les agents ne sont peut-être pas révélés par les services

18 secrets à des gens aussi privilégiés que vous. Mais ce dont parle cet

19 agent, ne doit pas être protégé. Donc, si cet élément humain dit M. X et

20 Mme Y se sont mis d'accord pour dire qu'il faudrait une mise en scène à

21 Srebrenica, vous, le lecteur, vous devriez savoir qui était M. X ou Mme Y.

22 Vous avez lu ces documents. Pouvez-vous nous dire si on donnait le nom de

23 personnes qui auraient participé à cette mise en scène ?

24 R. Il s'agissait de rapports que j'ai lus il y a à peu près sept ans. Je

25 ne peux pas me rappeler tous les détails. Je me souviens de la substance,

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1 je me souviens de la forme dans laquelle ces rapports nous ont été

2 communiqués. Ces rapports portaient sur des thèmes les plus variés. Mais

3 partant des rapports qui se rapportaient à Srebrenica, j'ai pu intervenir

4 en public. Même en Serbie, d'après les rapports, il a été question de

5 l'implication d'un officier. Cet officier, je l'ai interpellé en public.

6 Q. Qui était cet officier ?

7 R. C'est à plusieurs reprises que j'ai cité le nom du colonel Beara. C'est

8 un fait notoirement connu. Vous pouvez retrouver tout un tas de rapports

9 présentés par les médias sur les interpellations que j'ai faites.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question portait sur les individus

11 qui étaient à l'origine de cette dissimulation. Vous accusez Beara comme

12 étant quelqu'un qui aurait été l'exécutant. Mais vous savez, cette question

13 est à ce point importante, même si sept ans se sont écoulés depuis, que

14 vous devriez vous souvenir des noms de ces individus. Je me serais attendu

15 à ce que vous les accusiez.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est de façon publique et à plusieurs

17 reprises que j'ai condamné les criminels qui ont exécuté les prisonniers de

18 guerre musulmans à Srebrenica. Il y a toute une série d'éléments de preuve

19 à ce sujet.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Mais on va plus loin, on va dans

21 les coulisses. Quels sont les Français qui, apparemment, auraient tiré les

22 ficelles ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Comment voulez-vous que je sache lequel des

24 Français était impliqué ? Monsieur Bonomy, vous avez pris ici l'habitude de

25 faux témoins de l'Accusation qui, au bout de 15 ans, se souviennent dans le

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1 détail de toutes les déclarations verbales qu'on leur a faites.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui me frappe, c'est que ce genre

3 d'affirmation en réponse à ce qui me semblait être un débat tout à fait

4 calme et modéré, c'est du bluff. Cela montre que vous, vous n'êtes pas à

5 même de répondre à cette question, de l'aborder cette question. Or,

6 j'essaie de le faire. Mais je suis sûr que M. Nice pourra réussir là où moi

7 j'ai échoué.

8 M. NICE : [interprétation] Je ne peux que faire de mon mieux.

9 Q. Dites-nous une chose, Monsieur Seselj, quand -- attendez, je n'ai pas

10 terminé.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord, je tiens à protester contre ce

12 qualificatif de bluff. Je ne bluffe pas ici. Vous pouvez le penser et vous

13 pouvez juger de mon témoignage par la suite. Mais m'affirmer, me dire à la

14 face que je bluffe, sans avoir aucune preuve, cela se trouve tout à fait

15 indigne d'un Juge.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Seselj, vous venez de faire

17 un commentaire. Vous dites que j'avais l'habitude de faux témoins amenés

18 par le bureau du Procureur, qui même après

19 15 ans, se souviennent du moindre détail. Mais là, ce que vous dites, c'est

20 une simple affirmation. C'est un lieu commun dénué de toute substance qui

21 n'a pas de contexte. Parce que pour le moment, nous ne parlons pas de

22 témoins qui viennent ici 15 ans après les faits; nous avons affaire à un

23 témoin très intelligent, d'une intelligence hors du commun, qui a des

24 intérêts très vifs pour ce qui est de Srebrenica. C'est dans ce contexte-là

25 que je vous pose les questions que je vous pose. Maintenant, vous faites

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1 référence à des témoins à charge, mais de façon tellement générale, que

2 c'est inutile dans le cadre de nos débats. C'est la raison pour laquelle

3 j'ai dit que c'était du bluff. C'est quelque chose que vous affirmez peut-

4 être pour dissimuler. Il faudra tirer ceci au clair plus tard pour

5 dissimuler l'absence de connaissance que vous avez sur ce point.

6 M. NICE : [interprétation]

7 Q. Monsieur Seselj, quand et où avez-vous pour la première fois mis au

8 point cette version des événements que vous nous avez communiquée, il y a

9 une demi-heure, là où il serait question d'une mise en scène à Srebrenica ?

10 Quand et comment l'avez-vous dit ? Dans un discours, dans un livre, dans un

11 article, dans une interview ?

12 R. Je n'arrive pas à me souvenir quand est-ce que je l'ai fait pour la

13 première fois. Mais c'est à plusieurs reprises, qu'en public, j'ai déclaré

14 que les exécutions des prisonniers de guerre musulmans à Srebrenica étaient

15 une chose mise en scène. Car il y a de nombreux témoignages repris dans mes

16 livres, parce que j'y publie mes écrits, mes interviews à la télévision et

17 mes interviews à la presse. Je ne l'ai pas dit une fois; je l'ai dit des

18 dizaines de fois.

19 Q. Monsieur Seselj, ce sont vos livres. Alors, je vous demande de nous

20 dire maintenant ou après la première pause, si ceci vous convient

21 davantage, à quel moment, au cours de quel événement vous donné cette

22 première version qui correspond à cette version d'une mise en scène que

23 vous avez donnée aux Juges il y a quelques instants ? Pouvez-vous me donner

24 ce détail maintenant ou est-ce que vous aurez besoin pour ce faire d'une

25 brève pause pour essayer de vous remémorer de tout ceci et pour nous

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1 aider ?

2 R. Je n'ai besoin d'aucune pause; cela existe dans mes livres. L'opinion

3 publique toute entière en Serbie en a pris connaissance. Le fait que j'en

4 ai parlé dans ce sens-là auparavant, c'est notoirement connu dans l'opinion

5 publique. Maintenant, vous voulez que je vous le recherche. Je ne suis pas

6 votre employé, Monsieur Nice. Je vous parle des connaissances qui sont les

7 miennes, et je maintiens ce que j'ai affirmé, mais je n'ai pas à vous en

8 assurer. Il ne me vient pas à l'idée d'essayer de vous convaincre de quoi

9 que ce soit.

10 Q. Monsieur Seselj, je vous demande d'aider les Juges en nous indiquant où

11 par écrit, si vous dites qu'il y a une version écrite de ce que vous avez

12 dit, un endroit où pour la première fois ou la deuxième fois vous avez

13 présenté cette version. Est-ce que vous pourrez fournir cette assistance ?

14 R. Oui, je vais l'indiquer aux Juges. Je vais leur dire qu'il y a mes

15 livres qui reprennent mes interviews à la télévision, radio et à la presse

16 en 1997 et 1998. Donc, depuis 1997, 1998 à nos jours. Ces livres-là sont

17 truffés d'affirmations de cette nature et de thèses que j'ai défendues tout

18 à l'heure, partant des renseignements qui m'ont été mis à disposition.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais M. Nice suggère quelque chose.

20 Qu'y a-t-il de mal à le faire ? Il vous dit qu'au cours de la pause ou

21 peut-être ce soir, vous pourrez revenir à cette question pour nous dire de

22 façon précise quand pour la première fois, vous en avez parlé ? Cela me

23 semble être une demande parfaitement raisonnable.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il voudrait me mettre sur le dos un grand

25 travail à faire à l'extérieur du prétoire. J'ai 80 livres que j'ai

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1 communiqués au bureau du Procureur et j'ai des œuvres complètes qui

2 comptent, chaque livre, 1 000 pages sur un format B5. Il y en a plusieurs

3 qui ont été publiés déjà. A moi donc de feuilleter tout cela. Non, il

4 appartient au service de M. Nice de le feuilleter. Si M. Nice ne le trouve

5 pas, qu'il vienne me dire que cela n'existe pas. Mais après, je

6 l'attraperais en plein mensonge, mais pas maintenant.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a une chose qui me préoccupe.

8 Nous sommes tous très occupés, Monsieur Seselj, et vous comprendrez que la

9 vie d'un Juge, c'est la vie d'un homme très affairé. Dans ce procès, il me

10 semblait raisonnable de demander à l'auteur de ces documents, à quel moment

11 il y a fait référence mais sinon, si vous ne pouvez pas nous aider, il

12 faudra en rester là.

13 M. NICE : [interprétation] J'essayerai d'intervenir le plus vite possible

14 dans mon contre-interrogatoire pour lui demander d'interrompre ses réponses

15 excessives. Mais prenez la dernière ligne de sa dernière réponse. N'oubliez

16 pas le type de questions posées la semaine dernière par l'accusé --

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je proteste. Je proteste pour ce qui est de

18 ces comportements excessifs.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous protestez, attendez que M.

20 Nice s'adresse à moi et je vous donnerai la parole.

21 Que voulez-vous nous dire, Monsieur Nice ?

22 M. NICE : [interprétation] Je voulais dire que le genre d'observations

23 faites par le témoin si on les met de pair avec le genre de questions

24 posées par l'accusé la semaine dernière, me pousse à vous demander qu'on

25 respecte toute la dignité voulue dans ce prétoire.

Page 43783

1 La dernière réponse de ce témoin, la dernière phrase est tout à fait mal

2 seyante et je ne vais pas m'éterniser ici alors que vous avez des accusés,

3 des témoins indisciplinés à qui on laisse les rênes libres.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, M. Nice dit que

5 cette suggestion où vous dites qu'on prouvera peut-être que M. Nice avait

6 menti, déplaît. Je l'ai déjà dit à l'accusé aussi. M. Nice a raison. Il

7 faut respecter un minimum de dignité dans ce prétoire dans le cadre de ce

8 procès.

9 Faisons preuve de respect mutuel. C'est vrai pour toutes les parties à ce

10 procès.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vais pas vous entendre sur ce

13 point.

14 Monsieur Seselj, vous avez maintenant la parole.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, on place dans ma bouche une

16 chose que je n'ai pas dite. Je n'ai pas dit que M. Nice a menti. Je ne l'ai

17 pas dit une seule fois. J'ai dit qu'au cas où M. Nice affirmerait que cela

18 n'existe pas dans mes livres datant de l'époque que j'ai dite,

19 j'apporterais moi-même ces livres et je l'attraperais en plein mensonge.

20 Cela a été dit au conditionnel. Je n'ai pas dit qu'il mentait d'ores et

21 déjà, il n'y a aucun comportement excessif ou aucune exagération de ma

22 part. Maintenant, ce qu'il est en train de faire, c'est essayer de créer un

23 incident. C'est son problème à lui. Votre problème avec lui. Ce n'est pas

24 mon problème. Je veille à me comporter de façon tout à fait appropriée.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avançons. Monsieur Nice, vous avez

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1 la parole.

2 M. NICE : [interprétation]

3 Q. Monsieur Seselj, la dernière question que je veux au fond vous poser à

4 propos de ces renseignements que vous avez lus, du moins pour le moment, la

5 voici : cet élément de renseignement que vous avez reçu au départ, quelle

6 date portait-il, 1995, 1996 ? Quelle était la date ?

7 R. La date était celle du jour d'avant, du jour qui a précédé ma lecture.

8 Je vous parle de rapports quotidiens et de rapports périodiques. Les

9 rapports périodiques comportaient parfois des analyses thématiques sur des

10 problèmes donnés. Ces analyses thématiques pouvaient englober des

11 renseignements datant d'années précédentes, d'années écoulées. Mais sur

12 chaque rapport que j'ai lu, il y avait la date de la journée d'avant, de la

13 journée qui a précédé celle de la lecture.

14 Du reste, des rapports de cette nature étaient communiqués à M. Milosevic

15 et à un certain nombre de personnes autres au sein de l'Etat.

16 Q. Mais le matériau brut sur lequel s'appuyait ce rapport, est-ce que

17 c'est une conversation de 1998, est-ce que c'est un agent qui aurait

18 communiqué ce genre de renseignement ? Est-ce que c'était une conversation

19 interceptée qui faisait le point sur ces trois ans ou est-ce que cette

20 matière brute elle-même, est-ce que c'était des éléments qui venaient de

21 1995 ou de 1996 ?

22 R. La question est impossible. Comment voulez-vous que je réponde à cette

23 question ? Qui à ma place pourrait fournir une réponse convaincante ? Vos

24 Services de Renseignement avaient des hommes à eux, au sein d'institutions

25 variées en Serbie. Ils avaient des hommes à eux dans les partis politiques

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1 d'opposition. Vos services avaient des hommes à vous, à l'étranger. Un

2 officier de l'armée française pendant le bombardement de l'OTAN a été

3 découvert comme étant un agent du Renseignement à nous. Nos services ont

4 été capables de le faire jusqu'au changement de pouvoir survenu en date du

5 5 octobre 2005. Vous me demandez maintenant si je me souvenais de tous ces

6 rapports dans le détail, comme si je les avais appris par cœur. Je vous

7 parle d'éléments d'informations dont j'ai eu connaissance à l'époque.

8 Q. Monsieur Seselj, quand avez-vous parlé pour la première fois à l'accusé

9 de ces documents. Je ne dis pas avant, je parle ici des séances de

10 récolement. Quand avez-vous pour la première fois parlé de ce genre

11 d'informations à l'accusé ?

12 R. Pour autant que je m'en souvienne, pour ce qui est des préparatifs

13 avant le témoignage, on n'en a pas parlé du tout. On s'était entretenu à

14 plusieurs reprises auparavant au sujet du crime à Srebrenica. En ma qualité

15 de vice-premier ministre, j'allais consulter souvent M. Milosevic qui se

16 trouvait être le président de la République fédérale de Yougoslavie. Nous

17 étions partenaires au sein d'une même coalition.

18 Q. Fort bien. Donc vous deviez tous les deux être au courant de ces

19 informations, de ces renseignements. Je voulais simplement savoir ceci :

20 est-ce que l'accusé a fait le moindre effort pour fournir ces documents aux

21 Juges de la Chambre ?

22 R. Cela, je ne le sais pas. J'ignore quel a été le sort de ces documents.

23 Q. Il n'y a aucune raison de penser si ce que vous dites est exact, de

24 dire que ces renseignements qui ont été remis à la personne qui les avait

25 fournis, auraient été depuis détruits, n'est-ce pas ?

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1 R. Pour ce qui est du sort de ces documents, je n'en sais rien. J'attire

2 votre attention toutefois sur le fait qu'après le 5 octobre, il y a bon

3 nombre de documents brûlés de l'institut chargé de la Sécurité à Belgrade.

4 Ce que l'on a brûlé, comment on l'a fait, cela c'est une chose que

5 j'ignore. Je ne me mêle pas du travail effectué par l'équipe chargée de

6 collaborer à la Défense de M. Milosevic. Je vous parle de ce que je sais et

7 je le maintiens.

8 Q. Vous avez suffisamment répondu.

9 M. NICE : [interprétation] La Chambre ne sera surprise d'apprendre que

10 notre demande d'assistance portait de tels renseignements et que tout ceci

11 n'a pas reçu réponse.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous devez tous les deux faire des

13 pauses. Vous allez remarquer qu'il y a des chevauchements entre vous et le

14 témoin.

15 M. NICE : [interprétation] Oui.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons maintenant faire une

17 pause de 20 minutes.

18 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

19 --- L'audience est reprise à 10 heures 54.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur Nice.

21 M. NICE : [interprétation] Avant que de le faire, j'aimerais que M. Saxon

22 ait la permission de vous dire ce que nous avons constaté concernant les

23 pièces à conviction proposées au versement par l'accusé.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.

25 M. SAXON : [interprétation] Je serai très bref, Messieurs les Juges. Les

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1 articles de journaux publiés dans le journal Politika par Jovan Dulovic ne

2 sont pas attachés aux écritures numéro 55 de Vojislav Seselj, qui ont été

3 fournies à l'Accusation il y a quelques mois. Ces articles ne sont que

4 mentionnés dans le texte de la requête présentée sous le numéro 55. Il

5 s'agit que de parties d'articles qui vont des pages 10 à 44 des écritures

6 présentées sous le numéro 55.

7 En ce moment-ci, l'Accusation ne dispose pas de copies entières des

8 articles concernés. En mai 2002, en application de

9 l'Article 66(B), l'Accusation a publié d'autres articles de Jovan Dulovic,

10 mais il s'agit de différents articles publiés dans le courant de 1994 et

11 1995.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Saxon.

13 M. NICE : [interprétation]

14 Q. Monsieur Seselj, j'espère que si le temps nous le permet, nous pourrons

15 revenir sur le sujet de Srebrenica. Toutefois, il est un point sur lequel

16 j'entends vous poser des questions pour vous laisser y réfléchir, y penser

17 dans la journée qui vient ou les deux journées qui viennent, au courant

18 desquelles je me propose de vous poser des questions. Il s'agit de ce que

19 vous nous avez dit au sujet du procès contre Erdemovic datant de 1996.

20 Savez-vous qu'il y a eu une interview avec Erdemovic, et c'est un

21 journaliste répondant au nom de Janekovic qui s'est entretenu avec, et

22 c'est à ce journaliste qu'Erdemovic a fait une déposition ?

23 R. Pour autant que je puisse m'en souvenir, parce que cela s'est produit

24 il y a pas mal d'années.

25 Q. Et --

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1 R. L'interview accordée par Erdemovic à un journaliste a donné lieu à son

2 arrestation en Serbie, si mes souvenirs sont bons.

3 Q. Faisons ici une pause. Savez-vous que les notes de ce journaliste

4 Janekovic, au cours de l'interview, ont été confisquées à l'aéroport dans

5 ses bagages. Donc, savez-vous que les autorités ont saisi dans les bagages

6 de ce journaliste ou cette journaliste Janekovic, le 2 mars 1996, les notes

7 prises au cours de cette interview avec Erdemovic ?

8 R. Je ne le sais pas.

9 Q. Ce que je voulais vous demander est ceci : pourriez-vous nous indiquer,

10 s'il vous plaît, s'il y a une procédure publique, quelque chose qui a été

11 reconnu publiquement à propos d'Erdemovic ou de quelqu'un d'autre à propos

12 de Srebrenica avant cette date, la date du 2 mars 1996, lorsqu'on a appris

13 que la journaliste était à même de révéler ce qu'Erdemovic avait lui-même

14 révélé ?

15 R. Vous me posez des questions partant de la réponse négative que j'ai

16 fournie à la question précédente. Je ne sais pas si quelqu'un a saisi des

17 notes à un journaliste, lui a confisqué des notes. D'après mes souvenirs,

18 Erdemovic a été la première des personnes poursuivies en justice par les

19 autorités à cause de Srebrenica. Cela s'est passé à moins d'un an après le

20 crime perpétré à Srebrenica. J'étais dans l'opposition à l'époque, je

21 n'étais pas au pouvoir, et je ne peux avoir d'information plus détaillée.

22 Q. Monsieur Seselj, vous avez répondu à des questions portant sur tout.

23 Vous avez affirmé avoir des connaissances absolues à propos de pratiquement

24 tous les théâtres de conflits et à propos de toutes les procédures

25 judiciaires. Je vous donne ici une occasion, la meilleure que je puisse

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1 vous fournir, afin que vous nous disiez d'ici à la fin de votre déposition

2 s'il y a une procédure publique engagée par les autorités de Serbie à

3 propos d'Erdemovic ou de quelqu'un d'autre avant le 2 mars 1996. Je veux

4 votre aide sur ce point.

5 R. Je ne dispose pas de ces renseignements-là. Je ne sais pas si avant

6 mars 1996, il y a eu des personnes poursuivies en justice pour le crime de

7 Srebrenica.

8 Pour ce qui est de la remarque que vous avez formulée suivant laquelle

9 j'aurais affirmé que je savais tout, non. Ce n'est pas moi qui l'ai dit; ce

10 sont les Juges de la Chambre qui l'ont dit, et en plaisantant, je n'ai fait

11 que le confirmer. Je n'ai jamais dit que je savais tout. Il n'y a pas de

12 personne au monde qui puisse tout savoir. Il n'y a que Dieu qui puisse

13 savoir tout. Je ne puis en savoir que bien moins, mais bien plus que vous-

14 même, Monsieur Nice.

15 Q. J'ai quelques questions à vous poser à propos de l'attitude que vous

16 avez envers ce Tribunal. La pertinence de ces questions va se révéler plus

17 tard, mais d'abord ces questions : est-ce que vous reconnaissez de façon

18 générale le TPIY, pas cette Chambre-ci; ne faisons pas une affaire de

19 personne. Mais est-ce que vous estimez si le TPIY est une instance en bonne

20 et due forme, reconnue internationalement ?

21 R. Non, j'estime que ce Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie se

22 trouve être illégal. Il a été créé par une instance illégale, à savoir, le

23 conseil de Sécurité qui, de par la charte des Nations Unies, n'avait pas le

24 droit de le faire. Ce Tribunal n'a pas été créé pour établir la justice

25 mais pour établir la paix. C'est la première fois dans l'histoire qu'un

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1 tribunal est créé pour rétablir la paix et non pas pour donner justice ou

2 faire justice. En ma qualité d'homme de droit et en ma qualité de

3 professeur de droit constitutionnel, sur un plan théorique, je remets en

4 question le fondement sur le droit de la création de ce Tribunal.

5 Q. Ici, nous ne faisons pas de référence aux personnes qui constituent les

6 Juges de ce Tribunal, mais est-ce que vous confirmez ce que vous avez dit à

7 propos de la capacité, la légalité de ce Tribunal en tant qu'instance

8 judiciaire ? Est-ce que vous reconnaissez cette capacité judiciaire

9 généralement ?

10 R. J'estime que ce Tribunal n'est pas une instance judiciaire; c'est un

11 Tribunal qui constitue une institution politique anti-serbe, et j'estime

12 que ce Tribunal est orienté contre les intérêts du peuple serbe. Les

13 sources de financement de ce Tribunal compromettent profondément ce

14 Tribunal, parce que ce n'est pas financé par les Nations Unies mais

15 également par Soros, d'autres personnes privées et des états dans le monde

16 qui ont un intérêt particulier à le faire.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'elle est la pertinence de tout

18 ceci, Monsieur Nice ?

19 M. NICE : [interprétation]

20 Q. Monsieur Seselj, lorsque vous êtes entré dans ce prétoire, vous avez

21 prononcé une déclaration solennelle. Vu ce que vous venez de répondre à mes

22 deux dernières questions, quel poids faut-il accordé à ce que vous avez

23 promis de faire ?

24 R. J'ai pris l'engagement solennel devant l'opinion politique, devant

25 l'humanité, de dire la vérité sans pour autant prendre en considération le

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1 fait que ce Tribunal soit légal ou pas. Je m'astreins à dire la vérité, et

2 je contesterai, je continuerai à contester le bien-fondé sur le plan du

3 droit de la création de ce Tribunal.

4 Q. Par conséquent, il n'y a rien dans cette déclaration qui vous lie, qui

5 vous oblige envers le Tribunal ou envers cette Chambre. C'est un engagement

6 que vous prenez envers l'humanité; c'est cela ?

7 R. Ici, j'ai sous les yeux le texte de la déclaration solennelle que j'ai

8 prononcé. "J'ai déclaré solennellement que je dirai la vérité, toute la

9 vérité et rien que la vérité." Alors, je n'ai pas déclaré ici que je

10 reconnaîtrais ce Tribunal, que j'estime être illégal, que je reconnaîtrais

11 la façon dont il a été créé et que je reconnaîtrais son objectivité ou son

12 impartialité parce que j'estime qu'il n'est pas objectif, et que ce

13 Tribunal est particulièrement partial.

14 Q. Il se pose un problème pratique. Si je vous pose ces questions, elles

15 ne sont pas terminées, elles ne seront pas nombreuses pour ce qui est de

16 votre attitude à l'écart de ce Tribunal.

17 Le problème, c'est celui-ci. S'il devient souhaitable, dans le cours

18 de mon contre-interrogatoire de vous renvoyez à huis clos partiel, bien

19 entendu, à des témoignages de témoins protégés, pourriez-vous nous

20 expliquer ou nous garantir que vous allez respecter leur anonymat, que vous

21 n'allez pas donner leurs noms ?

22 R. Depuis que je suis venu ici, à l'unité de détention de La Haye, je n'ai

23 communiqué aucun nom de témoins protégés. Je respecte strictement cette

24 disposition-là parce que je ne peux pas vous fournir d'arguments pour qu'à

25 l'avenir vous ne me communiquiez pas des renseignements sur des témoins

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1 protégés, et me priviez de ce fait de la possibilité de contester la teneur

2 de leur témoignage. Je n'ai jamais communiqué ces noms à personne, mis à

3 part les membres de l'équipe chargée de ma défense, et je leur ai

4 légalement communiqué les documents confidentiels communiqués par le bureau

5 du Procureur à mon intention, et ces gens-là n'ont jamais publié à autrui

6 ou communiqué à autrui ces pièces-là.

7 Q. Il va peut-être falloir que je revienne à cette question plus tard.

8 J'ai encore quelques questions à vous poser concernant votre attitude avant

9 de passer à autre chose de façon à comprendre quelle est votre position.

10 Je n'ai pas une copie de ce que je vais dire, mais vous vous

11 souviendrez de vos dires. Est-ce que vous avez dit à la BBC que La Haye,

12 c'est le lieu d'un "complot anti-serbe" que vous devez révéler ?

13 R. Oui. A l'occasion du procès diligenté à mon encontre, je me propose de

14 démasquer ce complot anti-serbe en prouvant que tous les chefs d'accusation

15 contre moi étaient faux, que cela se fondait sur de faux témoignages, de

16 faux éléments de preuve, et que cela était motivé de façon politique. Votre

17 objectif était de m'éliminer de la vie politique, de me mettre à l'écart de

18 la vie politique parce qu'il y avait de fortes chances que je sois élu.

19 C'est la raison pour laquelle vous avez rédigé un acte d'accusation à mon

20 encontre. Vous avez d'abord rédigé cet acte d'accusation, puis vous avez

21 commencé à rassembler des éléments de preuve contre moi. Mais vous n'avez

22 encore rien contre moi, et c'est ce qu'il y a de pertinent à dire.

23 Q. Examinez ce document. Il n'a pas été traduit malheureusement, mais il

24 est très court. Peut-être pourrez-vous nous aider.

25 R. L'avez-vous en langue serbe, je vous prie.

Page 43793

1 Q. Cela vient de votre site Web. Donc, cela doit être dans votre langue.

2 R. Parfait.

3 Q. Il s'agit d'une liste qui énumère certains des documents, des livres

4 dont vous faites la publicité sur votre site Web. En fait, c'est le site du

5 Parti radical serbe; de votre parti.

6 R. Oui.

7 Q. Nous allons parcourir cette liste de publications de l'époque. Il y a

8 notamment un Théodore Meron, un diplomate israélien génocidaire ?

9 R. Oui, c'est mon livre intitulé Diplomate israélien génocidaire répondant

10 au nom de Théodore Meron, parce qu'il a été le ministre israélien des

11 Affaires étrangères qui a procédé à la perpétration d'un génocide à l'égard

12 du peuple palestinien. Donc, il ne peut pas être qualifié pour ce qui est

13 d'être président d'un Tribunal international, qui est censé juger autrui

14 pour des crimes similaires. Il a abusé de la fonction de président de ce

15 Tribunal pour tenir un discours à Srebrenica, à l'anniversaire des

16 événements à Srebrenica pour parler de génocide.

17 Q. Parfois, vous pourrez répondre très rapidement. Si vous estimez avoir

18 besoin de plus de temps, je ne vais pas nécessairement vous arrêter, mais

19 vous pouvez répondre de façon brève.

20 R. Monsieur Nice, si la réponse est trop brève, elle n'est pas complète.

21 Il n'est pas dans l'intérêt de la justice et de moi de fournir des réponses

22 qui ne sont pas complètes. Donc, vous voyez que les réponses que je vous

23 apporte confirment ou répondent par l'affirmative à vos questions. Je

24 m'efforce d'être concis et complet. Ne m'interrompez pas quand je vous

25 réponds.

Page 43794

1 Q. Est-ce que le second titre, c'est "Dans les mâchoires de Carla Del

2 Ponte la putain", est-ce que c'est ce genre d'ouvrages que publie votre

3 site Web ?

4 R. Oui. J'ai publié un livre intitulé "Dans les mâchoires de la pute Del

5 Ponte". Il s'agit de jeux de mots. "Kurva," cela veut dire prostituée, et

6 "Carla," c'est son prénom. Donc, la symbolique est évidente. J'estime que

7 sur un plan juridique, Carla Del Ponte est une prostituée, parce qu'elle ne

8 s'en tient pas aux principes juridiques; elle les piétine ou elle veut

9 juger le peuple serbe tout entier. Elle sélectionne les personnes qui

10 seront poursuivies au pénal devant ce Tribunal pour lesquelles a été créé

11 ce Tribunal.

12 Q. Fort bien. Document suivant, s'il vous plaît.

13 R. On ne va pas s'arrêter là, Monsieur Nice. J'espérais que vous alliez me

14 demander de vous expliquer tous les titres que j'ai donnés.

15 Q. Ce document émane de votre magazine. J'essaie de retrouver un extrait

16 qui a été traduit en anglais, dans la version serbe cela se trouve sur le

17 côté droit de la page. En février 2005, est-ce que vous avez publié dans

18 votre magazine, s'agissant de ce Tribunal, un article qui portait pour

19 titre, "Les criminels qui interdisent la visite de Vucic" ? Troisième

20 paragraphe, est-ce que vous dites ceci : "Aleksandar Vucic ne vient pas me

21 voir en sa qualité du Parti radical serbe, il est mon conseiller juridique

22 que j'ai accepté en tant que tel. Vous et tous les membres du Greffe du

23 Tribunal de La Haye --" est-ce que vous voulez nous lire la dernière phrase

24 en serbe ?

25 R. Pourquoi n'avez-vous pas tout lu, Monsieur Nice ? Vous lisez mieux que

Page 43795

1 moi. J'ai dit à la fin : "…vous autres membres du Greffe du Tribunal de La

2 Haye, vous pouvez seulement me tailler une pipe." C'est ce que dit ce

3 texte. Ce n'est pas un article émanant de moi. Ce sont des écritures que

4 j'ai envoyées au Greffe du Tribunal de La Haye, parce que celui-ci empêche

5 ma défense depuis deux ans et refuse d'enregistrer mes conseillers

6 juridiques et viole de façon flagrante mes droits de l'homme les plus

7 élémentaires.

8 Q. Je vous demande de lire le dernier paragraphe qui est assez court.

9 R. Je ne peux pas vous lire seulement le dernier paragraphe. Je peux vous

10 lire l'avant-dernier et le dernier ensemble parce que le dernier peut être

11 compris seulement si je vous donne lecture de l'avant-dernier.

12 Q. Bien, lisez les deux.

13 R. Je peux lire : "Mes conseillers juridiques ne sont pas mes conseils de

14 la Défense, c'est la raison pour laquelle ils n'ont pas à satisfaire aux

15 conditions prévues pour les conseils de la Défense par le Règlement. Ils ne

16 doivent que satisfaire aux conditions que je leur ai prescrites. Vous ne

17 faites qu'empêcher les préparatifs de ma défense ce qui fait qu'à la fin,

18 il faudra bien que vous mangiez toutes les crottes que vous avez déféquées.

19 "Je vous nique votre mère à tous, à commencer par Hans Holthuis, et

20 aux autres, y compris ce bâtard de van der Spoel."

21 C'est mon conseil de la Défense en attente qui n'a rien à voir avec

22 ma défense. Son objectif est de rendre impossible la défense qui doit être

23 la mienne.

24 Q. Encore deux choses et j'en aurai terminé. Il y a d'abord un extrait de

25 votre journal, de votre magazine, il s'agit du numéro d'avril 2005.

Page 43796

1 Veuillez l'examiner. M. l'Huissier pourra peut-être montrer les deux photos

2 en les plaçant sur le rétroprojecteur.

3 La première photo, c'est celle du Pape, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. On accuse le Pape d'être le principal coupable des crimes qu'on a tort

6 de vous attribuer. En quelques phrases, pourriez-vous nous donner une

7 explication ? Je veux comprendre, je vous demande d'être bref. Pourquoi

8 dites-vous que le Pape, aujourd'hui décédé, est responsable des crimes qui

9 vous sont attribués, dont on vous accuse ? Vous en avez parlé dans votre

10 déposition et je n'ai pas tout à fait suivi.

11 R. Le Pape Jean-Paul II, qui a été Pape jusqu'à il n'y a pas longtemps, a

12 persévéré dans la politique traditionnelle anti-serbe du Vatican. C'est lui

13 le principal coupable de tous les crimes de cette guerre, parce que c'est

14 sa politique qui a donné naissance à cette guerre. J'ai bon nombre

15 d'éléments de preuve à cet effet. Mes conseillers juridiques sont en train

16 de préparer une étude ample, parce que la substance de ma défense avance

17 une thèse qui dit que le principal coupable de tout ce qui m'est reproché,

18 c'est le Pape Jean-Paul II. Je vous rappelle le "Livre de souvenirs" de

19 l'ambassadeur américain auprès du Vatican au début des années 1990 pour ce

20 qui est de la politique du Pape, et pour ce qui est de sa politique visant

21 à démanteler la Yougoslavie, et c'est la thèse que je me propose de

22 défendre lorsque mon procès commencera, ce sera la thèse principale de ma

23 défense.

24 Q. Vous n'avez pas encore présenté d'éléments à l'appui de votre thèse

25 dans cette déposition-ci. Dites-nous si vous avez le moindre écrit, la

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1 moindre conversation interceptée, le moindre renseignement qui établisse un

2 lien direct avec le pape, aujourd'hui décédé, que vous associez à cette

3 politique ? Si vous les avez ces éléments produisez-les, s'il vous plaît.

4 R. J'ai un livre, "Livre de souvenirs" de l'ambassadeur américain au

5 Vatican dans le début des années 1990 qui a été même publié à Zagreb, et

6 mes conseillers juridiques sont en train de rédiger une étude très ample.

7 Cette étude sera terminée d'ici le Nouvel An, et je vous le communiquerai

8 en guise d'élément de défense en application de l'Article 67 du Règlement

9 de procédure et de preuve. C'est le Pape qui a été le premier à reconnaître

10 l'indépendance de la Croatie avant que n'importe quel Etat ne le fasse, et

11 c'est lui qui a ouvert la brèche pour que d'autres pays occidentaux

12 puissent s'y engouffrer.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous avez encore

14 combien de questions ?

15 M. NICE : [interprétation] Encore une seule et nous passerons à autre

16 chose, mais j'aimerais vous expliquer la portée de ces questions dans les

17 prochaines questions que je vais poser.

18 Monsieur l'Huissier, veuillez placer sur le rétroprojecteur la page

19 suivante de cet article. C'est une caricature représentant Mme Del Ponte.

20 Q. Une question. Vous avez dit que vous vouliez venir à ce Tribunal,

21 n'est-ce pas, Monsieur Seselj ?

22 R. Oui, je suis venu ici de mon plein gré et de façon consciente.

23 Q. Puisque vous vous êtes livré aux autorités --

24 R. Je ne me suis pas livré à des autorités quelconques. Dès que j'ai

25 appris qu'un acte d'accusation a été dressé contre moi, avant même que cela

Page 43798

1 ne soit dit en public, j'ai réservé un billet d'avion et je suis venu à La

2 Haye. Ensuite, à l'aéroport d'Amsterdam, on m'a arrêté. Je ne me suis pas

3 livré. J'ai pris un billet d'avion moi-même et je suis arrivé à Amsterdam.

4 Tout le reste a été fait par vous ainsi que par vos exécutants hollandais.

5 Je ne me suis livré nulle part.

6 Q. Puisque vous avez pris cette décision, pensez-vous qu'il soit approprié

7 d'avoir, dans un magazine qui est le vôtre, ce genre de caricature ?

8 R. Vous voudriez remettre en question la liberté de la presse en Serbie.

9 La caricature me plaît beaucoup. Ce n'est pas moi qui l'ai dessinée. Je ne

10 sais pas aussi bien dessiner, mais c'est très spirituel et cela correspond

11 à la substance des choses. Ils ont bien touché à la substance des choses.

12 Q. Fort bien. J'y reviendrai peut-être plus tard mais je voulais que vous

13 l'admettiez dès maintenant. Lorsque le Tribunal vous a demandé de vous

14 lever lorsque la Chambre entrait, vous avez dit d'accord, mais en disant

15 que : "Vu la menace formulée par la Chambre qui menaçait d'interrompre

16 votre déposition si vous ne vous leviez pas, vous avez dit que vous alliez

17 vous lever, mais uniquement devant la présente Chambre qui vous avait

18 menacé d'interrompre votre déposition si vous ne le faisiez pas."

19 Je vous ai montré quelques documents à peine, j'en suis sûr, parce qu'il y

20 en a beaucoup plus, mais est-ce que ceci ne montre pas la véritable

21 attitude que vous avez adoptée à l'égard de ce Tribunal ? Je parle des

22 livres que vous avez publiés, des choses que vous avez dites --

23 R. Lorsque M. Robinson m'a menacé d'interrompre mon témoignage, j'ai

24 déclaré devant tout un chacun que sous cette contrainte, je me lèverais.

25 S'agissant du procès qui sera diligenté à mon encontre, je ne me lèverai

Page 43799

1 jamais parce qu'il n'y a aucun acte juridique m'y obligeant, aucun document

2 juridique qui m'y obligerait. J'ai dit déjà dans le procès qui sera

3 diligenté contre moi que je ne prendrai pas de part à ces rites sataniques.

4 Pour ce qui est de mon attitude vis-à-vis de ce Tribunal, vous ne voulez

5 pas que je vous réponde.

6 Q. Ce que je laisse entendre, c'est que vous êtes résolu, que vous voulez

7 à tout prix vous servir de l'occasion qui vous est donnée en étant témoin

8 dans ce procès pour faire de la publicité aux réponses que vous avez

9 données aux questions posées par l'accusé. Vous allez faire n'importe quoi.

10 Vous allez prononcer la déclaration, vous vous lèverez si on vous le

11 demande en dépit de votre attitude réelle qui est révélée par certains des

12 documents que nous avons examinés. Est-ce que je n'ai pas raison ? Vous

13 êtes à tout prix déterminé et vous êtes résolu de vous servir de cette

14 occasion qui vous est donnée ?

15 R. Vous n'avez pas tout à fait raison, Monsieur Nice. Tout d'abord, j'ai

16 déclaré ici solennellement que je dirai la vérité et pendant toute la durée

17 de mon témoignage, je n'ai dit que la vérité et la vérité entière. Tout ce

18 que je savais.

19 Maintenant, pour ce qui est de mettre à profit toute opportunité pour

20 combattre sur un plan politique contre ce Tribunal, contre le Tribunal de

21 La Haye; oui, c'est exact. Mon attitude est négative et d'ici la fin de ma

22 vie, je défendrai cette attitude. Vous ne pouvez pas me faire changer

23 d'avis à cet effet. Tout ce que vous venez de dire n'illustre qu'une chose,

24 à savoir que mon attitude vis-à-vis de ce Tribunal est extrêmement

25 négative. Je conteste le Tribunal par des arguments juridiques, par des

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1 arguments politiques et, comme vous le voyez, par le biais de ce journal du

2 Parti radical serbe, qui expose au ridicule ce même Tribunal.

3 Q. En tirant profit de cette opportunité qui vous est donnée, vous faites

4 deux choses : vous vous adressez à votre opinion politique chez vous en

5 tant que dirigeant d'un parti qui a recueilli, je pense le plus grand

6 nombre de voix, n'est-ce pas ?

7 R. Monsieur Robinson, vous êtes en train d'autoriser des questions

8 directrices. M. Nice ne demande pas si je me sers de ce témoignage en guise

9 de tribune. Il n'attend pas que je le lui confirme, il ne fait que faire un

10 commentaire ici.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La personne qui contre-interroge

12 peut poser des questions directrices.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela, je ne le savais pas.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Il a le droit de le faire.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela, je ne le savais pas, Monsieur Robinson,

16 je ne le savais pas. A l'avenir, je ne protesterai pas pour ce qui est des

17 questions directrices.

18 Je suis venu témoigner ici suite à la demande de M. Milosevic, en sa

19 qualité d'accusé. Il m'a demandé de témoigner de ce que je savais qui

20 pourrait abonder dans le sens de sa défense. C'est la motivation qui est la

21 mienne. Tout le reste, ce sont des hypothèses que M. Nice ne saurait

22 prouver. Par exemple, il n'y a pas eu de transmission du tout hier. Je n'ai

23 pas dit que je ne témoignerai pas parce qu'il n'y a pas de rediffusion --

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voyons la question que veut vous

25 poser M. Nice.

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1 M. NICE : [interprétation]

2 Q. A mon avis, c'était là votre première intention. L'autre intention que

3 vous poursuivez, elle est en rapport avec l'accusé. C'est une idée générale

4 que je vais laisser entendre qui concerne la totalité de votre déposition.

5 Au cours des derniers jours, vous avez présenté des éléments qui nous

6 porteraient à croire que tous ceux qui sont en attente de procès dont

7 l'accusé et vous-même ne devraient pas être ici du tout, n'est-ce pas ?

8 R. Bon nombre de personnes ont été condamnées ici alors qu'innocentes et

9 d'autres personnes attendent d'être jugées et sont innocentes.

10 Régulièrement et à titre régulier, il s'agit de personnes du groupe

11 ethnique serbe.

12 Laissez-moi répondre, Monsieur Robinson, de façon complète, parce qu'une

13 réponse incomplète ne saurait être une réponse du tout. Je ne peux pas

14 appuyer ou défendre une question ou une réponse que je n'ai pas fournie à

15 titre complet.

16 Q. Je me permets de vous interrompre parce qu'en même temps, vous avez

17 déposé contre plusieurs personnes qui se sont trouvées ici, mais il se fait

18 que ces personnes ont témoigné contre l'accusé comme Erdemovic, Babic, ou

19 même Plavsic. Vous avez déposé contre quelqu'un comme Perisic, parce que

20 vous savez, bien entendu, qu'il a écrit des lettres en 1998 qui étaient

21 hostiles à l'accusé et vous avez fourni ces éléments pour certains contre

22 d'autres sans faire aucunement référence à des documents qui viendraient

23 appuyer votre thèse, n'est-ce pas ?

24 R. Cela n'est pas vrai. S'agissant du nom de Momcilo Perisic, je ne l'ai

25 mentionné qu'à deux reprises. J'ai dit qu'il a été révoqué en 1998 parce

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1 que soupçonné d'avoir commencé à travailler pour les services de

2 Renseignement américains. J'ai dit aussi que les volontaires du Parti

3 radical serbe avaient été placés sous son commandement à Mostar et qu'il

4 s'est exprimé de façon élogieuse à leur égard. Je n'ai rien dit de négatif.

5 J'ai dit quelque chose de très affirmatif. Il avait été un commandant très

6 capable et il a été révoqué partant des informations relevant du domaine du

7 renseignement mises à la disposition des autorités de Serbie. Je n'ai rien

8 de positif, ni de négatif à son égard. Je n'ai parlé que d'éléments de

9 faits que je possédais à son égard.

10 Pour ce qui est des autres personnes à l'étude des jugements rendus ici,

11 j'ai constaté que vous vous serviez souvent de criminels véritables en les

12 menaçant de grandes peines de détention, puis vous les mettez de votre

13 côté, vous faites des compromis pour ce qui est de prononcer des peines de

14 moindre importance, mais là vous ne me laissez pas répondre une fois de

15 plus --

16 Q. Je vais vous arrêter --

17 R. Vous ne me laissez pas répondre aux questions.

18 Q. Mais ma question, elle portait sur ceci. Les éléments de preuve, les

19 témoignages favorables ou défavorables présentés par des Serbes de la façon

20 que j'ai utilisés ont été donnés, tout à fait ou pratiquement tout à fait,

21 sans appui documentaire. C'est ce que vous avez appris de tierce main, par

22 autrui, n'est-ce pas, par des tiers ?

23 R. Ce n'est pas vrai. Mes connaissances sont des connaissances provenant

24 de façons, enfin, dont l'origine est variée. Des fois, j'ai vu des

25 documents. Des fois, j'ai été témoin oculaire d'événements. Des fois, j'ai

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1 été participant. Des fois, il s'agit d'un ouï-dire de source pertinente sur

2 ce qui s'était passé. Ce diapason de sources est très complexe et on ne

3 peut pas simplifier à outrance comme vous le faites vous-même. A chaque

4 fois que ma réponse ne vous plaît pas ou que vous vous doutez bien qu'elle

5 sera peu plaisante, vous m'interrompez. En fait, vous ne voulez pas en

6 réalité obtenir des réponses qui ne vous ne plairont pas.

7 Ce que j'affirme, c'est que vous avez instrumentalisé de vrais criminels en

8 les menaçant de hautes peines de détention, en leur proposant des peines

9 moins importantes pour qu'ils se fassent faux témoins dans d'autres procès.

10 Miroslav Deronjic, par exemple, n'a reçu que dix ans.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez répondu à la question.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. Avant de passer à un autre sujet, je vais vous offrir une autre

14 occasion, une autre possibilité de nous aider, de nous aider, nous et de

15 vous aider vous-même. Lorsqu'on en viendra aux allégations détaillées que

16 vous avez avancées vous-même contre des individus, je vais vous demander de

17 me préciser vos sources comme je l'ai fait pour les données du

18 renseignement qui étayent vos affirmations au sujet de Srebrenica lorsque

19 vous avez dit que c'était une mise en scène. Donc, je vais vous demander

20 des détails. Est-ce que vous me comprenez ? Je ne vais pas accepter des

21 déclarations en bloc ou générales. Vous me comprenez ?

22 R. Je comprends tout, Monsieur Nice, bien mieux que vous ne le comprenez

23 vous-même.

24 Q. Très bien. Je vais maintenant passer aux différentes affirmations que

25 vous avez faites et aux différentes déclarations qui viennent de vous et

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1 qui se situent pendant la période de ces conflits. Vous avez souligné le

2 fait que la presse a beaucoup repris vos déclarations et vous avez cherché

3 également à faire savoir que de temps à autre, pour des fins pratiques,

4 vous n'avez pas fait des déclarations tout à fait véridiques, alors est-ce

5 que vous pouvez nous expliquer un peu plus en détail quelle est la période

6 qui est concernée, et pour quelle raison avez-vous dit des choses qui

7 n'étaient pas exactes ou véridiques ?

8 R. Je ne l'ai pas de dit de cette manière-là. Je me souviens très bien de

9 ce que j'ai dit, à savoir que le fait d'exprimer des choses inexactes au

10 sujet desquelles l'opinion publique, dans son ensemble, sait que ce ne sont

11 pas des choses véridiques, mais que ce sont des points d'humour qui ont des

12 objectifs politiques, que là, il ne s'agit pas de dire des contrevérités ou

13 de mentir, faire preuve d'esprit, de l'humour, être sarcastique. Cela a été

14 une guerre de propagande que j'ai menée contre M. Milosevic à partir du

15 plan Vance-Owen jusqu'au début de l'année 1998. Dans le cadre de cette

16 guerre, de part et d'autre, il a y eu échange de toutes sortes de propos

17 injurieux, de condamnations, d'imputations ou d'attributions très graves,

18 non pas M. Milosevic en personne mais en partie. La police secrète a

19 cherché à mettre fin à l'activité du Parti radical serbe. Tous mes

20 collègues membres de mon parti et pas seulement moi, nous nous sommes

21 servis de tous ces instruments dans se servent vos maîtres en Occident.

22 Voyons de quoi ils se servent dans leur campagne de propagande, à commencer

23 par la déclaration mensongère que Saddam Hussein a des armes nucléaires,

24 alors qu'il s'est révélé en fin de compte qu'il n'en avait absolument pas.

25 Ce sont vos maîtres dans l'Occident qui m'ont enseigné l'art de la

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1 destruction massive, et je n'arrive toujours pas à la hauteur de vos

2 maîtres.

3 Q. C'est en 1993, puis jusqu'en 1998 que vous auriez exprimé des choses

4 inexactes ?

5 R. C'est la période de temps pendant laquelle le Parti radical serbe a

6 mené une guerre de propagande contre M. Milosevic, contre son parti

7 politique et son pouvoir. C'est une période qui va de la moitié de l'année

8 1993 jusqu'au début de l'année 1998.

9 Q. L'objectif de cette propagande était de prendre pour cible Milosevic

10 lui-même ?

11 R. Oui, lui-même et son parti, bien entendu.

12 Q. Vous avez déclaré des choses. Vous avez fait imprimer des choses qui

13 n'étaient pas vraies. Est-ce qu'il ne vous ait jamais de les corriger par

14 la suite ? Est-ce qu'il ne vous soit jamais arrivé de dire, bien, à

15 l'époque, tout le monde savait que ce que je disais n'était pas vrai ?

16 Puis, j'ai corrigé cela ou est-ce que vous publiez toujours des livres qui

17 contiennent les mêmes éléments de propagande et des contrevérités, Monsieur

18 Seselj ?

19 R. Tout d'abord, jamais je n'ai démenti aucune des déclarations que j'ai

20 faites en public. Cependant, en 1998, par exemple, voire aussi depuis ce

21 moment-là, en l'an 2000 et même avant que M. Milosevic ne soit renversé,

22 dans les entretiens que j'ai accordés à différentes chaînes télévisées, à

23 des radios, à des journaux, souvent il m'est arrivé d'expliquer, qu'à

24 l'époque, j'avais mené une guerre de propagande contre M. Milosevic, et que

25 c'est dans le cadre de cette guerre que j'ai fait des déclarations que j'ai

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1 faites. Même au sein du parlement, Vladan Batic, l'ex-ministre de la

2 Justice, a fait la même chose que vous faites. Il a fait un recueil des

3 déclarations que j'ai faites précédemment contre M. Milosevic et son

4 épouse, et il a commencé à me citer au sein du parlement. C'est après lui

5 que j'ai pris la parole, et c'est de la même manière que je le fais

6 aujourd'hui que j'ai expliqué ces attaques lancées précédemment. A l'époque

7 où M. Milosevic était au pouvoir, à l'époque où il était puissant, Vladan

8 Batic, il ne pouvait absolument pas prendre la parole en public. Il n'avait

9 aucune force. C'est au moment où M. Milosevic bénéficiait de l'appui de

10 l'Occident après les accords de Dayton, que j'ai mené un combat très

11 difficile, un combat politique contre lui et contre sa politique.

12 Q. Très bien. Lorsque nous examinons les documents, nous voyons qu'on y

13 trouve vos déclarations, et maintenant, nous avons votre explication à

14 l'esprit. Alors, est-ce qu'il y a quelqu'un contre qui vous auriez dit des

15 choses inexactes ?

16 R. Je vous ai dit que j'ai mené une guerre de propagande; je n'ai pas dit

17 des contrevérités. C'était mon devoir politique. Dire des mensonges, c'est

18 tout autre chose.

19 Si vous voulez affirmer que le président américain George Bush a

20 menti lorsqu'il a dit que l'Irak possédait les armes de destruction

21 massive, à ce moment-là, vous pouvez dire également que j'ai menti lorsque

22 j'ai attaqué M. Milosevic. Si vous osez dire que M. George Bush a menti,

23 vous ne pouvez pas non plus m'attaquer de la même façon. Vous ne pouvez pas

24 avoir deux poids, deux mesures. Vous devez traiter tous les protagonistes

25 politiques de la même façon. Oser dire que George Bush a menti, à partir de

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1 ce moment-là, j'admettrais que moi aussi j'ai menti.

2 Q. Je vous demanderais de parler plus calmement; vous en êtes capable. Il

3 est très difficile de bien comprendre vos réponses si vous parlez aussi

4 fort que maintenant.

5 Vous affirmez que vous êtes à la tête d'un parti démocratique; est-ce

6 exact ?

7 R. Je suis le président. Je n'ai jamais dit que j'étais un leader. Je suis

8 le président du Parti radical serbe qui est un parti démocratique. C'est

9 cela sa nature.

10 Q. Est-ce que vous pensez que le peuple a le pouvoir de faire des

11 décisions ? Est-ce que vous faites confiance à la démocratie ?

12 R. Oui. Je fais confiance à la démocratie, au droit du peuple de prendre

13 des décisions qui concernent son sort, son destin.

14 Q. Vous êtes un homme éduqué. Est-ce que vous pensez que vous avez un

15 devoir de vous appuyer sur vos connaissances pour agir en toute

16 responsabilité face à vos concitoyens ?

17 R. Je me suis toujours appuyé sur mes connaissances pour m'en servir de

18 manière responsable, voire même dans ce duel qui m'oppose à vous.

19 Q. Comment est-ce que cela correspond à votre détermination à dire des

20 choses qui sont fausses de manière flagrante dans le cadre d'une

21 propagande ?

22 R. Lorsque les choses sont de toute évidence des contrevérités, celui qui

23 les prononce ne peut pas être caractérisé comme un menteur. Dans la vie

24 politique, il y a quelque chose qui revient au duel politique. Donc, dans

25 une situation où les discours s'enflamment, il y a un échange de coups.

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1 Parfois, ce sont des coups bas. Je ne me suis pas privé d'en asséner de ce

2 genre non plus, mais uniquement dans des situations où la partie adverse

3 avait agi envers moi la première de cette manière-là.

4 Q. Ma dernière question dans le cadre de cette introduction aux questions

5 que je vais vous poser, est la suivante : Nenad Canak, c'est un homme

6 politique que vous connaissez bien ?

7 R. Nenad Canak, vous ne voulez pas entendre ma réponse sur Nenad Canak ?

8 Nenad Canak, c'est l'un des hommes qui ont le moins de moralité en Serbie.

9 On ne peut même pas dire que c'est un homme politique, car son parti

10 politique n'arrive jamais à dépasser le seuil lors des élections. C'est un

11 mercenaire, mercenaire des services étrangers. Il est payé pour mener une

12 politique anti-serbe et subversive.

13 Q. Nous avons une déclaration, la déclaration préalable faite par M.

14 Canak. Je vais demander que l'on place sur le rétroprojecteur.

15 R. Qui a fait cette déclaration ?

16 Q. Nenad Canak.

17 R. Vous avez dit que c'est moi qui ai fait une déclaration aux enquêteurs

18 de La Haye, alors que jamais il ne m'est arrivé de faire une déclaration

19 aux enquêteurs de La Haye. Depuis le moment où je suis arrivé à La Haye,

20 vos collègues évitent un entretien avec moi, une audition avec moi, alors

21 que j'insiste là-dessus puisqu'ils cherchent à l'éviter.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voyons ces déclarations.

23 M. NICE : [interprétation] Oui, le paragraphe 46, s'il vous plaît.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qu'on me montre en langue anglaise,

25 écoutez, je ne parle pas la langue anglaise. Je ne la connais pas.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les interprètes vont vous traduire.

2 M. NICE : [interprétation]

3 Q. Un paragraphe bref où l'on voit une remarque que vous faites au sujet

4 de vos propres hommes. Je donne lecture : "Seselj est devenu populaire et

5 puissant parce qu'il en est venu à avoir beaucoup d'argent."

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où est-ce ?

7 M. NICE : [interprétation] 46.

8 Q. "Il n'a jamais rejoint de coalitions; ce qui est une stratégie très

9 importante pour un parti fasciste. Seselj devait jouer le rôle de 'Messie'

10 pour que les gens le suivent. Seselj est un populiste, un menteur. Il a

11 toujours toutes les réponses prêtes. Il est convaincu, et il arrive à

12 persuader les gens avec ces arguments."

13 "A une occasion, Vuk Draskovic et Seselj étaient en train de se parler, et

14 Draskovic a posé une question à Seselj : Comment est-ce que tu peux mentir

15 à ce point ? Seselj a répondu : En Serbie, il y a un million de personnes

16 illettrées, donc je n'ai pas à m'inquiéter de mon avenir politique."

17 R. Nenad Canak et Vuk Draskovic sont tous les deux des menteurs, des

18 traîtres du peule serbe et des agents des services de Renseignement

19 occidentaux. C'est ainsi que j'aborde toutes les déclarations qu'ils font.

20 Bref, je n'ai jamais dit quoi que ce soit de ce genre, à savoir qu'en

21 Serbie, qu'il y a un million de personnes illettrées, et que je n'ai pas à

22 m'inquiéter de mon avenir politique. Cela, c'est leur mensonge. Ils l'ont

23 fabriqué de toutes pièces. Ce qui pose problème, en effet, c'est que vous,

24 au bureau du Procureur, vous prenez au pied de la lettre tout ce

25 qu'affirment les traîtres serbes en Serbie, et c'est là-dessus que vous

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1 fondez vos actes d'accusation inventés de toutes pièces ou mensongers. Vous

2 vous fondez sur les déclarations de Draskovic ou de Canak.

3 Lorsque j'ai demandé que l'on me communique les documents du Procureur sur

4 la Garde serbe de Draskovic, le Procureur me les a refusés, alors que mon

5 acte d'accusation s'est vu étendu, et on m'a attribué à moi les crimes de

6 Draskovic.

7 Q. Nous pouvons passer maintenant plus loin, au point 8. Il s'agit de Der

8 Spiegel, de l'année 1991.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que je dois en conclure en me

10 fondant sur votre réponse, que vous rejetez l'affirmation que vous ayez dit

11 cela ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le démens. Vous ne pouvez pas trouver

13 cela où que ce soit dans mes déclarations.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. La réponse n'a pas été claire

15 puisque vous avez dit que vous n'avez jamais publié quoi que ce soit de ce

16 genre. Je pense que la référence a été faite à une déclaration faite

17 oralement, verbalement.

18 M. NICE : [interprétation] Oui, c'est cela.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voulais être sûr si vous niez le

20 fait que vous ne l'ayez jamais prononcé oralement; c'est bien cela ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je nie n'avoir jamais dit quoi que ce soit de

22 comparable, et j'affirme que Nenad Canak et Vuk Draskovic sont tous les

23 deux à la fois des menteurs absolus et des agents étrangers.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai déjà expliqué une chose, Monsieur

25 Seselj, à savoir, il m'est utile si vous vous contentez de répondre à la

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1 question qui vous est posée, parce que si vous ne répondez pas à la

2 question, parfois, cela sème la confusion, et certainement cela sème la

3 confusion dans mon esprit. Peut-être que je n'ai pas la capacité

4 intellectuelle nécessaire pour interpréter vos réponses dans la manière

5 dont vous les faites, mais cela m'aiderait si vous vous contentez de

6 répondre tout simplement à la question qui vous est posée.

7 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, donnez-moi un instant,

8 s'il vous plaît.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Bonomy, je crois que mes réponses

10 sont plutôt simples, mais je voudrais qu'elles soient complètes. Car je ne

11 peux pas, dans le cadre du procès comme celui-ci, vous répondre par oui ou

12 non comme lors d'un jeu télévisé.

13 M. NICE : [interprétation]

14 Q. Je pense que le document a été distribué maintenant. Je pense qu'il

15 faudrait peut-être que j'aide M. l'Huissier à nous présenter le document.

16 Est-ce que vous pouvez me le remettre, s'il vous plaît.

17 Cela vient de Der Spiegel. Je pense que c'est un numéro de Der Spiegel de

18 1991, avant le moment où il y a eu une campagne quelle qu'elle soit contre

19 l'accusé.

20 Vous voyez le paragraphe que nous avons maintenant sous les yeux où il est

21 dit :

22 "Que feriez-vous si vous étiez président de la Serbie ?

23 "Je mobiliserais tous les Serbes, j'amputerais la Croatie lors d'une guerre

24 éclair, ensuite, j'informerais la communauté internationale des nouvelles

25 frontières serbes.

Page 43812

1 "Quelles seraient ces nouvelles frontières ?

2 "En plus des provinces de la Vojvodine et du Kosovo, les Républiques de

3 Bosnie-Herzégovine, Macédoine et Monténégro devraient être rattachées à la

4 Serbie tout comme les territoires de la Croatie qui sont habités par les

5 Serbes, avec une frontière dont le tracé serait celui de Karkobag-Karlovac-

6 Virovitica."

7 Telle a été votre position à l'époque. Telle a été la position de votre

8 parti politique; est-ce exact ?

9 R. Cela, c'est la position du Parti radical serbe exprimée avant la

10 guerre, dès le mois de juillet, donc avant que l'armée ne soit engagée dans

11 des opérations de combat. Si j'avais été au pouvoir, - hélas, je ne l'ai

12 pas été, - mais si je l'avais été, j'aurais amputé la Croatie, j'aurais

13 empêché toute guerre. Malheureusement, vu les dirigeants militaires et

14 politiques que nous avons eus, ils n'étaient pas de taille pour face à

15 cela; ce qui a donné lieu à l'ingérence des forces occidentales.

16 Finalement, nous avons perdu la guerre.

17 Q. Nous allons en parler. Nous allons parler de la Grande Serbie plus en

18 détail demain. Mais n'est-ce pas ceci la plateforme politique de votre

19 parti ? Est-ce que c'est bien la ligne Karlobag-Karlovac-Virovitica que

20 vous avez aussi un petit peu précisé dans votre déposition ? Vous avez

21 parlé de Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica; est-ce bien cette frontière-

22 là ?

23 R. Oui. Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica. C'est cela la frontière

24 ethnique occidentale serbe, et elle doit devenir la frontière de l'Etat

25 serbe. Il est certain qu'elle le deviendra un jour.

Page 43813

1 Q. M. le Juge Bonomy vous a posé une question au sujet de quelque chose

2 que je voudrais relever. Nous allons probablement y revenir si le temps

3 nous le permet. Le choix de cette frontière ou de cette ligne, est-ce qu'il

4 a quelque chose à voir avec la langue ?

5 R. Il a à voir avec la nation, donc avec la langue. La différence entre

6 les Serbes et les Croates est une différence de nature linguistique. Tous

7 les Stokaviens sont des Serbes, qu'ils soient orthodoxes, catholiques ou

8 musulmans. Tous les Cakaviens [phon] sont des Croates. Or, les Kajkaviens

9 [phon] de Croatie ont été jadis des Slovènes, mais ces Slovènes ont été

10 transformés en

11 Croates.

12 Q. Je vous prie de faire une pause. Vous vous appuyez sur des

13 connaissances que nous ne partageons peut-être pas tous ici. Nous n'en

14 avons pas parlé en détail devant cette Chambre.

15 Dans l'ex-Yougoslavie, il y a des dialectes, plusieurs dialectes. On

16 pourrait en distinguer trois principaux; le stokavien, le cakavien, le

17 cakavien qui est parlé en Istrie à l'ouest, et le kajkavien, le dialecte

18 kajkavien qui est parlé au nord et dans la région de Zagreb. C'est la

19 distinction entre ces dialectes et la séparation de ces dialectes des

20 autres qui votre affirmation que tous ceux qui parlent ces dialectes sont

21 des Serbes ?

22 R. Mais ce n'est pas exact. A la fin du XIXe et au début du XXe siècle, un

23 des plus grands linguistes serbes de tous les temps, un catholique de

24 Dubrovnik, Milan Resetar, a prouvé que tout ceci sont des langues serbes,

25 des dialectes serbes. Puis, le shtokavien se distingue entre plusieurs

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1 versions parlées en Serbie en Herzégovine et ailleurs.

2 Q. Nous y viendrons si nous avons du temps, mais vous devez être conscient

3 du fait que si vous agissez ici en tant qu'expert, si vous nous communiquez

4 des informations approfondies à cette rapidité-là, il sera difficile de

5 vous suivre. Je voulais simplement qu'on établisse que c'est effectivement

6 cette ligne de partage des dialectes qui a à voir avec la frontière

7 choisie.

8 R. Cette ligne se base sur les langues à peu près. Le cakavien, la langue

9 cakavienne a pratiquement disparue. Le kajkavien est toujours parlé, dans

10 ses trois comtés qui initialement faisaient partie de la Banovina croate

11 avant l'échec de l'Autriche. De Zagreb, de Krizevac et de Varazdin.

12 M. NICE : [interprétation] Si la Chambre juge que ce sujet est intéressant,

13 on y viendra et on viendra au livre qui pourrait nous permettre de vous

14 suivre. Nous avons la pièce à conviction 336 qui pourrait nous servir de

15 point de départ. Nous avons donc le livre qui contient une carte qui

16 pourrait nous aider, cela pourrait nous servir d'exemple, très bien.

17 Q. Alors, maintenant je vais examiner un autre document, à savoir un

18 document du 6 décembre, 1990 --

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic. L'ACCUSÉ :

21 [interprétation] M. Nice reprend sa pratique habituelle. Ce n'est pas M.

22 Seselj qui a commencé à parler des dialectes cakavien, kajkavien et

23 stokavien. C'est M. Nice tout d'abord qui a mentionné les trois dialectes

24 en avançant un certain nombre de thèses, de toute évidence en ignorant de

25 quoi il était en train de parler. Par la suite, il n'a pas autorisé le

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1 témoin à répondre aux questions qu'il lui posait. C'est lui qui a posé des

2 questions linguistiques. Par la suite, il n'a pas permis à M. Seselj d'y

3 apporter des réponses compétentes. Il ne savait même pas ce qu'il était en

4 train de lui demander.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice. Vous en tiendrez

6 compte.

7 M. NICE : [interprétation] Le témoin a confirmé les lignes, le tracé de la

8 frontière et c'est de manière la plus générale je pense pour le moment et

9 cela nous suffit.

10 Q. Nous allons passer à un autre document. L'entretien du 6 décembre 1990,

11 voilà ce que vous y dites : "Au sujet de la Croatie, nous, les Chetniks

12 serbes, nous disons sans arrêt au nouveau dirigeant oustachi, Franjo

13 Tudjman et aux nouvelles autorités oustachi de Croatie de ne pas jouer des

14 jeux avec le peuple serbe qui vient dans des zones de l'actuel Etat croate

15 improvisé. C'est le territoire serbe peuplé par le peuple serbe et nous

16 n'allons jamais accepter qu'il soit séparé de notre pays, de notre mère

17 patrie."

18 Tout d'abord, vous voyez cette déclaration, vous l'avez faite ?

19 R. Oui et je la réitère encore aujourd'hui. Peut-être qu'il faudra

20 beaucoup de temps pour que nous parvenions à tracer cette nouvelle ligne

21 serbe le long de notre frontière ethnique, comme je l'ai signalé, mais le

22 peuple serbe ne renoncera jamais à la libération de la République Srpska

23 Krajina de l'occupation croate et c'est notre devoir sacro-saint. Cette

24 occupation de la Krajina serbe doit prendre fin un jour. Nous allons

25 essayer d'employer des moyens pacifiques, nous allons y insister, mais si

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1 l'autre voie s'avère nécessaire ou indispensable, nous n'allons pas

2 l'éviter.

3 Q. Voyons ce que vous avez dit en 1990, et c'est un exemple de ce qui a

4 été diffusé dans le public, c'est pourquoi je le cite. En 1990, qui était

5 un Oustachi ? Etait-ce tout Croate qui n'acceptait pas d'être considéré

6 comme Serbe ou était-ce uniquement ceux qui apportaient leur soutien

7 activement à Tudjman ou à son parti ? C'est un terme que vous utilisé

8 fréquemment, qu'est-ce qu'il signifie à ce moment-là ?

9 R. Un Oustachi, c'est un cléro-fasciste croate. Les Croates, dans leur

10 passé, ont eu un mouvement fasciste très fort à caractère clérical, c'est

11 ce qu'on appelait le mouvement oustacha. Pendant la Deuxième guerre

12 mondiale, ils ont perpétré un génocide à l'égard du peuple serbe. Le

13 mouvement Oustacha a été renouvelé par Franjo Tudjman récemment. Les

14 Oustachi ce sont cléro-fascistes croates, ils ont trouvé un appui très fort

15 dans l'Eglise catholique et les dignitaires catholiques de haut rang, on

16 prit personnellement part aux massacres de la population serbe. L'un des

17 égorgeurs de grande renommée à Jasenovac était un membre du clergé

18 catholique, il s'appelait Filipovic Majstorovic.

19 Q. -- vous nous aider sur ce point.

20 R. Vous m'avez demandé de vous expliquer, je vous ai répondu à la question

21 de savoir ce que signifiait le mot d'Oustachi dans ma terminologie et dans

22 la terminologie utilisée par le Parti radical serbe.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'accord, mais M. Nice veut vous

24 poser une autre question.

25 M. NICE : [interprétation]

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1 Q. Si à l'époque où vous avez fourni cette interview, si vous aviez

2 rencontré une personne dans la partie qu'on appelle aujourd'hui la Croatie,

3 à l'est de cette ligne Karlobag dont vous avez parlé qui se trouve sur le

4 confins oriental et si cette personne avait simplement choisi de se décrire

5 comme étant Croate, et avait pensé d'elle-même que c'était un Croate, est-

6 ce que cela en ferait automatiquement un Oustachi ?

7 R. Non.

8 Q. Fort bien. Mais c'est ce que je veux savoir : imaginez ceci et pour que

9 nous sachions ce que vous voulez dire quand vous vous servez de ce terme,

10 si vous allez dans ce genre de village, dans cette ville, lorsque vous vous

11 servez du terme d'"Oustachi", la personne qui entend ce mot qu'est-ce

12 qu'elle doit penser d'elle-même ?

13 R. Ceux qui ont pris des positions qui sont celles de l'idéologie

14 oustachi, donc ceux qui acceptent l'idéologie oustachi sont des Oustachi.

15 Un Oustachi, c'est un terme idéologique. C'est comme les Nazis en

16 Allemagne, comme les Fascistes en Italie.

17 Q. Par exemple, si on arrive à Vukovar, ceux qui habitent à Vukovar ce qui

18 leur est arrivé, est-ce que c'est en fonction de l'identification qu'on

19 faisait d'eux en tant qu'Oustachi ou pas ? Si c'est le cas, comment avez-

20 vous reconnu les Oustachi parmi eux ?

21 R. Il y a eu des Oustachi à Vukovar et ces Oustachi, pendant la guerre à

22 Vukovar, ont tué des civils serbes. Cela ne signifie pas que tous les

23 Croates de Vukovar étaient des Oustachi, je ne l'ai jamais dit de la sorte.

24 M. NICE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Messieurs les

25 Juges.

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1 Q. Nous allons distribuer ce document mais dans l'intervalle, lorsque vous

2 avez parlé, vous-même, de vos études, vous avez parlé généralement du

3 pouvoir qu'a la propagande. Est-ce que vous comprenez la signification

4 qu'il faut accorder dans l'évolution des crimes pendant la guerre, de la

5 signification qu'il faut donner à la propagande pour ce qui est de la

6 montée en puissance de la criminalité pendant la guerre ?

7 R. Vous parlez de propagande à caractère criminel. Là, les choses sont,

8 tout à fait, explicites. Je n'ai jamais fait de la propagande de crimes à

9 commettre. Jamais, en aucune occasion et vous ne pouvez dire que mon

10 idéologie à moi, idéologie de la Grande Serbie en soi est génératrice de

11 crimes. Cela constituerait une thèse qui ne tiendrait absolument pas

12 debout.

13 Q. Est-ce que vous comprenez l'importance qu'il y a d'étiqueter l'ennemi

14 ou l'opposition d'une façon telle que cet ennemi, cette opposition va

15 devenir un objet de haine, de mépris, un processus qui est un processus de

16 déshumanisation. Vous le comprenez ?

17 R. Tout d'abord, vous placez les choses de façon erronée. Que signifie de

18 faire de quelqu'un la cible de la haine ?

19 Ceux qui, dans le régime à Tudjman, ont fait de soi-même la cible

20 d'une haine serbe, ils l'ont fait par des comportements anti-serbes de leur

21 part et on renouvelant de façon ouverte l'idéologie oustachi. Or, moi en

22 public, j'ai violemment critiqué ces comportements et ces qualifications

23 parce que si Franjo Tudjman, lui-même, à plusieurs reprises dit en public

24 que la République indépendante de Croatie de la Deuxième Guerre Mondiale

25 avait constitué l'expression des aspirations historiques du peuple croate,

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1 il s'est, par là même, déclaré en tant qu'Oustachi. Ce n'est pas moi qui

2 l'ai déclaré Oustachi et ce n'est qu'après cette déclaration que je me suis

3 attaqué à lui en le qualifiant d'Oustachi.

4 Q. Je vous arrête parce que vous n'avez pas tout à fait répondu à ma

5 question. Question de principe sans doute, très importante dans ce procès.

6 Mais vu votre réponse, je vais vous poser une question plus générale par

7 rapport à la propagande, pour revenir à la première après.

8 Est-ce que vous savez que, pendant la guerre, si on se sert de la

9 propagande pour imputer à son ennemi vos mauvaises intentions personnelles,

10 donc vous dites que le camp adverse est sur le point de nous tuer, c'est

11 pour pousser votre camp à aller tuer l'autre ? Est-ce que vous êtes

12 conscient de cet outil rudimentaire de la propagande utilisée à cette fin ?

13 Q. Vous êtes en train de laisser entendre des choses parce que vous êtes

14 partial. Vous essayez d'enlever la culpabilité du côté Croate pour

15 l'attribuer au côté Serbe. Tout ce qui s'est passé dans cette guerre et

16 avant cette guerre a régulièrement été initiée du côté Croate et tout fait

17 serbe n'a constitué qu'une réaction vis-à-vis de ce que les Croates ont

18 fait. Or vous, vous essayez de placer les choses à l'inverse. C'est là le

19 problème.

20 C'est ainsi, de cette façon-là, vous ne pouvez pas me faire parcourir votre

21 logique mentale parce que je ne suis pas un mouton pour vous suivre dans ce

22 type de logique. Je vais vous répondre, mais chaque fois que je réponds de

23 façon qui ne vous satisfait pas, vous m'interrompez. Vous m'interrompez,

24 vous vous voudriez que dans mes réponses, je ne fasse que confirmer ce que

25 vous dites.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Seselj. Monsieur Nice,

2 continuez.

3 M. NICE : [interprétation]

4 Q. Deux parties pour ce qui est du sujet général de la propagande que

5 j'aimerais soumettre au témoin, mais avant d'examiner l'extrait suivant, le

6 premier extrait vidéo, je vous pose cette question-ci. Vous avez eu des

7 hauts et des bas dans vos relations avec l'accusé au fil des ans. Est-ce

8 que ce faisant, il lui est arrivé d'essayer de vous limiter, de vous

9 retenir dans le genre de terminologie dont vous vous êtes servie ?

10 R. Qu'entendez-vous par "retenir" ? Je ne suis pas un cheval pour qu'il me

11 mette des rênes pour me retenir. Qu'est-ce que vous voulez dire par

12 retenir ?

13 Q. Je pense que la question était assez simple à comprendre. Est-ce qu'il

14 a dit, écrit, est-ce qu'il a vous dit quoi que ce soit pour vous arrêter,

15 pour vous empêcher de dire ou d'écrire le genre de choses que vous avez

16 dites ou écrites ?

17 R. Il m'a arrêté à plusieurs reprises.

18 Q. Est-ce que c'était pour vous empêcher de continuer de dire les choses

19 que vous avez dites à propos de certains groupes ethniques ou est-ce que

20 c'était pour d'autres raisons ?

21 R. La raison était celle de m'éloigner pour un certain temps de la vie

22 politique, mais à chaque arrestation, il a toujours bénéficié de l'appui

23 des partis pro-occidentaux en Serbie.

24 Q. Examinons, si c'est possible, un extrait vidéo du 21 avril 1991. Nous

25 sommes, je pense, à Jagodnjak. C'est sur le logiciel Sanction.

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1 M. NICE : [interprétation] Je demande à la régie de faire démarrer

2 l'extrait.

3 [Diffusion de cassette vidéo]

4 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

5 "Alors pour ce qui nous concerne, ils peuvent partir de la Yougoslavie

6 quand ils le voudront, mais nous voulons leur faire savoir qu'aucun pouce

7 de territoire serbe ne sera emporté par eux. Pas un seul morceau de la

8 Serbie où il y a les villages serbes, les églises serbes, les fosses

9 serbes, les tombes serbes parce que si nous permettions cela, nous serions

10 indignes de nos ancêtres célèbres et nous aurions à avoir honte devant

11 notre progéniture. Ils peuvent créer un Etat nouveau, les Croates, mais

12 ils peuvent aller à l'occident de Karlovac, Ogulin, Karlobag, Virovitica,

13 seulement là. Tout ce qui se trouve à l'est de cette ligne appartient aux

14 Serbes."

15 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

16 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie.

17 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ce discours ou de discours du même

18 genre que vous avez prononcés ?

19 R. Je m'admire moi-même pour l'intelligence que j'ai eue de dire tout cela

20 il y a 15 ans. Si j'avais été au pouvoir, ils n'auraient réussi à faire la

21 sécession d'aucun lopin de terre serbe. Ils ne pourraient faire sécession

22 que des comtés de Zagreb, Krizevci et Varazdin, le reste non.

23 Malheureusement, je n'ai pas été au pouvoir.

24 Q. Quel que soit l'état de l'histoire et l'effet que ceci peut avoir sur

25 ce procès. Au moment où vous faisiez ce genre de discours, la République de

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1 Croatie au sein de la RFY était une unité constitutive depuis de nombreuses

2 années, n'est-ce pas ? C'était peut-être quelque chose qui ne vous plaisait

3 pas en tant que fait, mais c'était une existence de fait depuis de

4 nombreuses années.

5 R. C'est une question que vous me posez ?

6 Q. Oui.

7 Q. Vous voulez que je vous réponde mais vous ne l'avez pas posé sous la

8 forme d'une question.

9 Il a existé une unité fédérale croate depuis la fin de la guerre jusqu'en

10 1991 mais cette unité fédérale qui s'appelait la Croatie était une unité

11 fédérale du peuple croate et des Serbes qui vivaient en Croatie. En

12 application de tous les textes constitutionnels jusqu'à l'arrivée de

13 Tudjman, les Serbes ont constitué un peuple constitutif. Ce qui signifiait

14 que le statut constitutionnel ne pouvait pas être modifié sans

15 l'approbation des Serbes et j'ai prévenu la chose. C'est avant la guerre.

16 C'était avant les combats à Borovo Selo. C'était en 1991. J'ai prévenu la

17 Croatie en disant qu'elle ne pouvait pas faire sécession en emportant des

18 terres serbes.

19 Q. Monsieur Seselj, ma question découlant de la question précédente est

20 celle-ci : si vous faites ce genre de déclarations en ce qui concerne le

21 territoire d'une identifiable de ce type, et vous venez d'en parler. Ce

22 faisant, faire ce genre de chose, c'est invité à la guerre, au bain de

23 sang, n'est-ce pas ? Parce que si vous voulez un changement aussi

24 spectaculaire dans la forme qu'a une unité, où les gens estiment que cette

25 unité est le reflet de leur nationalité, de leur identité, la seule façon

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1 de changer cela, c'est par la guerre, n'est-ce pas ?

2 R. Non. Vous n'avez absolument pas raison, et vous êtes en train de tout

3 placer sens dessus dessous. Tudjman et son pouvoir ont de plus ouvertement

4 fait preuve de leur intention de faire sécession vis-à-vis de la

5 Yougoslavie. Mon discours a été une réaction vis-à-vis de leurs intentions.

6 Il s'agissait d'un avertissement disant qu'il ne s'agissait pas de faire

7 faire sécession à la Croatie dans les frontières de ce moment-là. On ne

8 pouvait faire sécession que les bouts de territoires qui sont

9 incontestablement croates.

10 Dans le système juridique yougoslave le droit à la sécession des

11 unités fédérales n'a jamais existé. Cela a été interdit par la

12 constitution.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends tout à fait ce que vous

14 dites, Monsieur Seselj, mais permettez-moi de remarquer que ceci ne répond

15 pas à la question. Personne ne laisse entendre, M. Nice non plus, personne

16 ne dira qu'il n'est pas raisonnable de répondre aux ambitions croates en

17 affirmant son propre avis, à savoir qu'une telle tentative serait

18 anticonstitutionnelle, illégale, et si elle était entreprise, on devrait y

19 résister. Ce qui compte ici, c'est la façon, c'est le temps utilisé, ce

20 n'est pas l'idée qui sous-tend cette réalité, je pense.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon ton, Monsieur Bonomy, correspond à mon

22 tempérament. Je ne vais m'adapter à personne de ce point de vue-là. Mes

23 propos ont été précis, clairs, pointus et précisément adressés dans une

24 direction déterminée. Si vous voulez faire sécession, vous ne pourrez pas

25 le faire sans guerre. Les choses étaient claires à tout un chacun. La

Page 43824

1 sécession de la Slovénie pouvait se faire sans guerre. Je me suis attaqué à

2 la JNA pour être intervenu là-bas parce qu'il n'y a pas eu de territoires

3 contestés. La sécession de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine ne

4 pouvait pas se faire sans guerre. La sécession de la Macédoine pouvait se

5 faire sans guerre, et elle s'est faite sans guerre. Mais la sécession de la

6 Croatie et de la Bosnie ne pouvait pas se faire sans guerre. Et ceux qui

7 oeuvraient en faveur de la sécession, le savaient. Ils savaient que cela ne

8 pouvait pas se faire sans guerre et ont commencé à se préparer à la guerre.

9 Quelques mois avant cela, les services de Renseignement militaires a montré

10 des prises de vue vidéo, le début de l'armement des Croates. Cela s'est

11 fait trois mois avant. On avait compris clairement quels étaient les

12 préparatifs de la direction croate. La réponse devait être fulgurante. Ma

13 réponse n'a pas été une réponse des autorités de Serbie; cela a été la

14 réponse d'un politique de l'opposition en Serbie. Encore à l'époque, notre

15 parti n'était pas encore au parlement. En avril 1991, nous n'avions pas de

16 député au parlement. Le premier siège de député, nous ne l'avons eu qu'au

17 mois de --

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous voyez que vous répondez avec un

19 argument positif à l'appui de la position que vous adoptez. Mais n'oubliez

20 pas, - et je suppose que c'est la même chose en Serbie que ce ne l'est dans

21 les pays occidentaux. - Les gens ne lisent souvent que les gros titres, les

22 parties les plus saillantes d'un discours. Et souvent, c'est le ton utilisé

23 pour dire certaines choses qui peut être préoccupant.

24 M. NICE : [interprétation]

25 Q. Pouvons-nous --

Page 43825

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, le moment se prête

2 peut-être bien à une pause. Pause de 20 minutes.

3 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.

4 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

6 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, on m'a demandé de parler

7 des pièces à conviction. Les éléments que j'ai présentés jusqu'à présent au

8 témoin et qui se rapportent à ce qu'il a déclaré, il a accepté l'avoir

9 déclaré. Il nous a expliqué pourquoi il l'a dit en répondant à mes

10 questions. Il me semble qu'à cet effet, il n'est pas nécessaire de verser

11 ces documents au dossier puisque tout figure au compte rendu d'audience.

12 Bien entendu, je serais heureux de le faire si quelqu'un le souhaite.

13 La vidéo, c'est différent. Je voudrais que l'enregistrement vidéo soit

14 versé au dossier. Les choses vont évoluer lorsque nous passerons à d'autres

15 sujets dont a parlé ce témoin-ci, et qui se rapportent de plus près à des

16 faits figurant à l'acte d'accusation. Pour le moment, je crois qu'il n'est

17 pas nécessaire de verser tout ceci au dossier. Peut-être que Mme Dicklich

18 et le représentant du Greffe, nous pourrions nous pencher sur la question

19 pour voir comment on pourrait être résolu rapidement. Maintenant,

20 j'aimerais que nous passions au document suivant, qui sort peut-être de

21 l'ordre prévu, et je me réfère notamment à la date du 6 décembre 1990, à

22 savoir, à la pièce numéro 14.

23 Je m'excuse si jusqu'à présent je n'ai pas indiqué les intercalaires

24 auxquels je faisais référence, mais je le fais à présent. C'est

25 l'intercalaire 13. J'avais jusque là, oublié que vous aviez, vous aussi,

Page 43826

1 des intercalaires numérotés.

2 Q. Je vous demanderais, Monsieur Seselj, de vous référer à une page

3 surlignée qui constitue votre déclaration datant du 6 décembre 1990. En

4 langue anglaise, cela se trouve en page 29 [comme interprété] En version

5 anglaise, cela se trouve en page 11, et vers le bas de cette page, en

6 langue anglaise, page 9, disais-je, il est dit : "Les Croates n'ont pas à

7 redouter une vengeance serbe, mais les Croates doivent être punis, punis de

8 façon suivant laquelle, dans un monde civilisé, les peuples et les Etats

9 viennent à être punis de façon civilisée, à savoir, par la perte de

10 territoires."

11 Votre rhétorique à l'époque, en 1990, se fondait sur la nécessité pour les

12 Croates de perdre des territoires. Pourquoi l'avez-vous dit ? Pourquoi

13 avez-vous dit ce type de chose ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation][hors micro] Je tiens d'abord à vous rappeler

15 une déclaration du cardinal Richelieu en France. Il a dit : "Donnez-moi une

16 seule phrase de quelque texte que ce soit et je trouverai suffisamment

17 d'arguments pour faire condamner à mort son auteur."

18 Dans un texte, vous prélevez juste une phrase. Or, la réponse figure dans

19 le passage précédent du paragraphe. J'ai dit, et il est question des crimes

20 commis par les Croates pendant la Deuxième guerre mondiale. La journaliste

21 à la télévision, parce que là, c'était une présentation de ma part dans la

22 campagne présidentielle aux élections. Alors, la journaliste m'a demandé :

23 "Ce n'est tout de même pas le peuple serbe tout entier qui est coupable ?"

24 Alors, j'ai répondu : "Ecoutez, vous savez, les Allemands n'ont pas tous

25 été pour Hitler et pour les Nazis. Il y a eu des Allemands qui ont péri

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1 dans les camps à Hitler, qui ont été tués, et qui ont dû fuir et émigrer.

2 Ils ont été minoritaires. Le peuple allemand a été puni pour les crimes

3 commis par Hitler pendant la Deuxième guerre mondiale, indépendamment du

4 fait que tous les Allemands n'aient pas été nazis. Comment le peuple

5 allemand, a-t-il été puni ? La majorité était pour le régime nazi, et les

6 Allemands ont été punis en perdant d'énormes territoires, la Prusse, et bon

7 nombre d'autres territoires. Ensuite, elle a été divisée en trois Etats de

8 moindre taille : l'Allemagne de l'ouest, l'Allemagne de l'est, et

9 l'Autriche. Il a fallu qu'il se passe presque un demi-siècle pour que l'on

10 voit réunies les conditions d'une réunification de l'Allemagne, et la

11 question qui se pose, c'est de savoir quand est-ce que sa troisième partie

12 constitutive, à savoir l'Autriche, pourra réunir l'entité allemande.

13 Ensuite, les Allemands ont dû payer des dommages et intérêts. Ils ont été

14 placés sous le --"

15 Q. Monsieur Seselj, nous vous avons donné, bien entendu, le texte entier.

16 R. Oui, mais vous n'arrachez qu'une phrase de son contexte. Vous ne faites

17 qu'arracher la phrase à son contexte.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, à titre d'exception,

19 je vais autoriser une réponse extrêmement longue parce que cela est tout à

20 fait cohérent avec la théorie de l'Accusation et c'est une question très

21 sérieuse pour ce qui est de présenter des éléments de preuve concernant les

22 propos tenus par ce témoin concernant la perte de territoire au dépens de

23 la Croatie.

24 Continuez, Monsieur Seselj.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je lis ensuite : "Les Allemands ont été placés

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1 sous l'autorité des grandes puissantes, et si l'on voit, en proportion, le

2 nombre des Croates, les crimes perpétrés par ceux-ci étaient bien plus

3 grands. Ce peuple et l'Etat croate semblent avoir été récompensés de cela.

4 Ils ont obtenu des territoires que jamais, de par l'histoire, n'ont été des

5 territoires croates. Comme, par exemple, Dubrovnik, qui est une ville

6 traditionnellement serbe et où ont, pendant des siècles, vécus des Serbes

7 catholiques. Nous estimons que la question de la responsabilité du peuple

8 croate doit être réitérée. Nous n'avons, bien entendu, pas l'intention de

9 nous venger vis-à-vis des Croates en pratiquant de 'l'œil pour œil' ou

10 'dent pour dent.' Nous ne voulons pas faire tomber de tête croate pour

11 toute tête de Serbe. Nous, Serbes, nous sommes chevaleresques et nous

12 n'avons jamais entaché les mains de notre peuple du sang de civils

13 innocents, de femmes, d'enfants et de vieillards. Nous, Serbes, nous sommes

14 des combattants sur un champ de bataille, et lorsque nous vainquons un

15 adversaire, nous ne le malmenons plus, nous ne le persécutons pas. Nous

16 avons une attitude chevaleresque vis-à-vis de l'adversaire. C'est la raison

17 pour laquelle le peuple croate n'a pas à redouter de vengeance serbe de ce

18 caractère. Nous n'allons pas le faire. Nous allons rester chevaleresques et

19 dignes à l'avenir également. Mais les Croates doivent être punis. Ils

20 doivent être punis suivant des modalités qui sont celles qui prévalent dans

21 un monde civilisé s'agissant de peuples et d'Etats concernant des crimes

22 commis par leurs régimes en temps de guerre, et c'est par la perte de

23 territoires."

24 C'est là la position entière que j'ai formulée.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maintenant, résumez tout ceci.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis en train de débattre d'un sujet

2 historique. La Croatie, après la Deuxième guerre mondiale, a été

3 récompensée. Elle a obtenu bon nombre de territoires appartenant à

4 l'Italie; l'Istrie, Zadar, et le littoral de Zadar. Ils ont chassé 300 000

5 Italiens de là-bas au lieu de subir des conséquences pour ce qui est des

6 crimes oustachi commis. Les Oustachi croates ont tué un million de Serbes.

7 Il n'y a jamais eu de dommages et intérêts de payés. Les crimes ont été

8 occultés. Ceci se passe en 1992, à l'extérieur de tout contexte de guerre.

9 Ceci a été la position que j'ai formulée à cet égard.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a deux choses dans ce qui a été

12 lu. D'abord, que l'Etat croate, apparemment, d'après vous, a été

13 récompensée injustement en recevant plus de territoires après la guerre.

14 Mais cela ce n'est pas ce que vous dites dans la partie qui a été retenue.

15 Ce que vous dites là, c'est que les Croates doivent être punis de la façon,

16 d'après vous, dont ont puni les pays dans un monde civilisé pour les crimes

17 qui ont été commis. Je ne vois pas ce que vous dites après, à propos de

18 l'Allemagne. Vous semblez dire que tout a été planifié pour que ce soit

19 divisé en deux ou en trois. Comme vous le savez, cela a été le résultat

20 d'un développement historique. Mais vous dites de ces gens qu'ils doivent

21 être punis en perdant des territoires.

22 Est-ce que cela veut dire que vous incitiez ou que vous exhortiez le

23 gouvernement à saisir des territoires de Croatie, ou est-ce que vous

24 incitiez les gens à le faire ? A quoi pensiez-vous ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, je ne m'adresse pas du tout au

Page 43830

1 gouvernement ici. Je présente une opinion qui est la mienne, qui est une

2 opinion personnelle. J'estime que si l'Allemagne a été punie et elle a été

3 punie de façon planifiée, et ce que vous dites n'est pas vrai du tout, les

4 alliés ont planifié le partage de l'Allemagne avant la fin de la guerre, et

5 il y a eu planification du partage de l'Allemagne et de Berlin en trois

6 parties. Les alliés ont planifié la chose avant même la fin de la guerre.

7 Il y a eu trois zones d'occupation. L'Allemagne a perdu de gros

8 territoires. Elle a perdu la Silésie de l'est, elle a perdu la Prusse de

9 l'est, et elle a payé des dommages et intérêts, des dédommagements; pas

10 tout, mais elle a pas mal payé. Or, les Serbes qui ont péri de la main

11 oustachi croate, jamais ils n'ont touché de dommages et intérêts. Les

12 Croates ont été récompensés en recevant bien plus de territoires

13 qu'ethniquement ils ne pouvaient en posséder. Donc, à mon avis, ils

14 devaient, au contraire, être punis par la perte de certains territoires.

15 J'estime que cela a été une grande injustice que de créer une unité

16 fédérale croate, mais c'est une position personnelle. Cela n'a rien à voir

17 avec M. Milosevic. Je suis sorti d'une prison à Milosevic et j'ai fait

18 cette interview à la télévision. J'étais sorti de prison deux ou trois

19 jours avant et j'ai présenté ces opinions.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cette déclaration, elle est faite 48

21 ans après les événements qu'elle concerne.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quarante-huit ans ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le dirais même mille ans après l'événement

25 en question.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors, à quoi pensiez-vous -- si vous

2 aviez été au pouvoir au moment où vous avez prononcé ces mots, qu'est-ce

3 que vous auriez voulu faire ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je vous en prie. D'abord, à l'époque

5 où j'ai fait cette déclaration, mon parti était hors la loi. Les autorités

6 de M. Milosevic ont refusé l'enregistrement de mon parti.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi ne répondez-vous pas à ma

8 question. Si vous aviez été au pouvoir --

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne peut pas se faire aussi simplement que

10 vous avez l'intention de le faire, Monsieur Bonomy.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oubliez ce que j'ai dit. Si vous

12 n'êtes pas en mesure de répondre à la question, ne répondez pas du tout.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux répondre à votre question, mais je ne

14 peux pas vous laisser mettre une réponse dans ma bouche. Tudjman était déjà

15 grandement en pouvoir en Croatie. Il est arrivé au pouvoir au mois de mai

16 de cette année-là, six mois avant. Donc, ceci est une réponse à ce qui

17 s'est déjà produit en Croatie à l'époque.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ma question était simple : si vous

19 aviez été en pouvoir en Serbie à l'époque, qu'est-ce que vous auriez

20 proposé ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, ce n'est pas une question de

22 pouvoir en Serbie. Il était nécessaire d'être au pouvoir en Yougoslavie. En

23 cette année-là, j'ai publié, dans le journal Pogledi de Kragujevac, ma

24 vision du réaménagement de la Yougoslavie, et j'ai demandé une suppression

25 de toutes les unités fédérales et le partage de la Yougoslavie en 30

Page 43832

1 contés.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais vous expliquer. Je me suis

3 peut-être trompé, mais j'avais cru comprendre que vous aviez dit ceci

4 lorsque vous étiez candidat aux élections de la présidence en Yougoslavie.

5 Je pensais que c'était la Serbie, mais je me trompe peut-être.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. J'ai été candidat aux fonctions de

7 président de la Serbie, mais j'ai exposé des opinions politiques au sujet

8 des événements politiques de la Yougoslavie.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est dans ce contexte que je vous ai

10 posé la question. Si vous aviez été au pouvoir, parce que vous seriez sorti

11 vainqueur des élections, qu'est-ce que vous auriez fait en guise de suivi à

12 cette déclaration ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Si j'avais eu les fonctions de président de la

14 République de Serbie, je n'aurais rien pu faire du tout. Mais j'ai présenté

15 mes opinions sur une question tout à fait concrète, et on veut laisser

16 entendre ici que tout ce que j'ai dit ici, dans une émission assez longue,

17 ne constitue que mon programme présidentiel. J'ai expliqué, au début de

18 l'interview, que je présentais le programme de mon parti dans son ensemble

19 et non pas le programme qui est étroitement lié à la fonction de président.

20 Parce que de, par la constitution, les attributions du président de la

21 république sont si petites qu'il ne peut rien faire tout seul.

22 M. Milosevic, a sa fonction de président de la république, n'avait

23 pratiquement aucun pouvoir. Il avait beaucoup d'influence politique,

24 partant du fait que son parti était le plus nombreux au parlement, et il a

25 pu constituer un gouvernement. Penchez-vous sur la constitution de Serbie

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1 et vous verrez qu'il n'y a aucune attribution pour ce qui est du président

2 de la république. Partant de cette fonction-là, on est capable de rien

3 faire.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi. Je ne voulais pas, ici,

5 prendre en charge une partie de l'interrogatoire.

6 M. NICE : [interprétation] Je vais demander que ce document soit déposé

7 dans son entièreté puisque le témoin l'a souhaité. Mais je n'ai pas

8 d'autres questions.

9 Q. Voyons ce que vous avez dit le 18 juillet 1991.

10 Je précise que c'est l'intercalaire 12.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

12 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le Juge Kwon propose que nous

14 examinions la question des pièces une à la fois.

15 M. NICE : [interprétation] Une à la fois.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

17 M. NICE : [interprétation] Alors, autant revenir au document dont je vais

18 demander le versement. Je pense que, pour le moment, il ne s'agira que de

19 l'extrait vidéo du 21 avril 1991.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est versé au dossier.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 873.

22 M. NICE : [interprétation] Je demande le versement de ce document-ci.

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Interview dont il a été question, ce sera

24 la pièce 874.

25 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie. Examinons --

Page 43834

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que c'est la totalité de

2 l'interview ?

3 M. NICE : [interprétation] Oui, et puisqu'il y a eu cette question de la

4 contestation du contexte, autant verser la totalité de l'interview.

5 Q. Maintenant, si vous le voulez bien, prenons l'intercalaire 12. Je le

6 précise pour les interprètes. Interview accordée le 18 juillet 1991. Ceci

7 nous ramène à l'année 1991.

8 Ayez l'obligeance, Monsieur Seselj, de prendre la partie qui est

9 surlignée, page 4 en anglais, et page 5 en serbe.

10 Prenons le passage concerné. L'enthousiasme avec lequel on a laissé

11 partir la Slovénie vient du fait que c'était un Etat en puissance

12 monoethnique et monolingue, n'est-ce pas ? C'était commode.

13 R. Oui. Les Slovènes étaient une nation à part. Ils avaient leur langue à

14 part et ils vivaient sur un territoire compact sur le plan ethnique, mis à

15 part quelques rares exceptions.

16 Q. Les Serbes, bien entendu, vivaient sur tous les autres territoires, en

17 fonction de la définition qu'on leur donne, en tout cas, sur tous ces

18 territoires. Mais voyez ce que vous dites au bas de la page 4 : "Ce n'est

19 peut-être pas un pouvoir définitif, mais en ce qui vous concerne, Slovènes,

20 cela représente une force très sérieuse, insurmontable, vous savez. Vous

21 voyez, alors que pendant que les Serbes sont bien disposés envers vous,

22 vous pourrez marcher. Mais après, vous ne pourrez plus le faire. Plus tard,

23 nous allons transformer la Yougoslavie en Serboslavie, et à ce moment-là,

24 vous pourrez oublier l'idée de la sécession."

25 Pensez-vous qu'il soit nécessaire ici de fournir une interprétation ?

Page 43835

1 S'il est nécessaire de nous renvoyer à d'autres questions et à d'autres

2 réponses, faites-le. Mais voici ma question à moi : la promesse que vous

3 faites de transformer pratiquement tout ce qui était l'ex-Yougoslavie en

4 Serboslavie, comment pensez-vous que cette idée va être perçue par vos

5 lecteurs, par ceux qui vous écoutent ?

6 R. Mes auditeurs et mes lecteurs ont été également des Slovènes. Ceci

7 était une interview à la télévision slovène, à la différence de tous les

8 représentants officiels de la Serbie et de la Yougoslavie, j'ai appuyé le

9 séparatisme slovène. A un moment donné, il a semblé que les Slovènes

10 hésitaient pour ce qui était de faire sécession. J'abordais dans leur sens,

11 et je les appuie. Je les incite même. Vous verrez une autre réponse dans un

12 passage précédent, j'ai dit : "La Croatie ne pouvait pas faire sécession

13 aussi aisément, pas aussi aisément que la Slovénie." Les Slovènes ont fait

14 la plus grande des erreurs -- vous évitez d'entendre ma réponse. La réponse

15 figure au paragraphe précédent, qui ne fait que cinq ou six lignes.

16 Pourquoi être aussi impatient ? Vous voulez prendre des tous petits

17 éléments de réponse que j'ai apportés pour édifier la vision qui vous

18 convient. Non, cela ne peut pas se faire, Monsieur Nice. J'attire votre

19 attention sur un bref petit passage auparavant.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous le permettez, je veux bien en donner

21 lecture, Monsieur Robinson. Cela se trouve à deux ou trois lignes avant ce

22 passage.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant. Monsieur Nice, où se

24 trouve ce paragraphe dont vous parlez ?

25 M. NICE : [interprétation] Vers le milieu de la page en anglais.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela se trouve vers le milieu de la page. Il

2 n'y a que six lignes. Je dis : "La Croatie ne peut pas faire sécession

3 aussi aisément, pas aussi aisément que la Slovénie, en réalité. Et les

4 Slovènes ont fait la plus grande des erreurs d'avoir permis de se faire

5 outils entre les mains des Croates. Les Croates entravent sans cesse les

6 Slovènes en essayant de présenter leur situation de façon analogue à celle

7 de la Slovénie. Or, cela n'est pas la même chose, parce que ceux qui

8 entravent la Croatie n'entravent pas la Slovénie. Vous avez une opportunité

9 de faire sécession; pas les Croates, du moins pas dans les frontières

10 actuelles."

11 Pourquoi le dis-je ? Parce que les Croates envoient la JNA en Slovénie.

12 Stipe Mesic et Ante Markovic envoient l'armée en Slovénie, parce que ce que

13 ce sont les Croates qui entravent la sécession de la Slovénie. Ils veulent

14 faire un seul paquet et même paquet du cas de la Slovénie et de la Croatie

15 pour faire passer les choses plus aisément. J'encourage les Slovènes à

16 faire sécession. Je leur ai dit de ne pas prêter attention aux Croates, et

17 je leur ai dit : Vous, Slovènes, vous pouvez vous en aller tout de suite,

18 et allez-vous en. La Croatie ne pouvait pas en faire autant parce qu'il y a

19 beaucoup de Serbes sur ces territoires. C'est là la substance. Dans toute

20 mon interview, je n'ai fait qu'appuyer leur intention des Slovènes à faire

21 sécession.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, franchement, je

23 dois vous le dire. Je ne comprends pas en quoi ceci explique ce que vous

24 dites plus tard, à savoir "que plus tard, nous allons transformer la

25 Yougoslavie en Serboslavie." Vous avez essayé de replacer ceci dans le

Page 43837

1 contexte, mais franchement, je ne parviens toujours pas à comprendre le

2 lien qu'il y aurait entre le paragraphe que vous avez mentionné et cette

3 déclaration selon laquelle vous allez transformer la Yougoslavie en

4 Serboslavie. C'était la question posée par M. Nice.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai fait savoir aux Slovènes qu'ils

6 constituaient un territoire compact, qu'ils peuvent faire cession et qu'ils

7 ont le droit de le faire. C'est leur intérêt. Allez-vous en, mais n'hésitez

8 pas en traînant après vous la Croatie, parce que vous allez avoir de gros

9 problèmes. Sur les autres territoires, il y a partout des Serbes. Quand les

10 Slovènes sont partis, la Yougoslavie devient Serboslavie, parce qu'une

11 fois les Slovènes partis, les Serbes deviennent le peuple majoritaire sur

12 le territoire de l'ex-Yougoslavie.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que les Serbes étaient déjà à presque

15 la moitié. Les Slovènes étaient peut-être trois millions, deux millions

16 cinq. Que sais-je encore ? Avec le départ des Slovènes, il ne reste que des

17 territoires où il vit des Serbes à concentration plus ou moins grande. Mais

18 ils sont partout.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, poursuivez, Monsieur Nice.

20 M. NICE : [interprétation]

21 Q. C'est là-dessus que portait ma question. Si vous étiez une personne qui

22 prétendait être Croate ou qui, par erreur, se prétend Bosniaque, et s'il

23 vous écoute dans cette interview lorsque vous dites que vous allez faire

24 une Serboslavie, ne pensez-vous pas que cette personne va avoir peur qu'il

25 y ait une prise de contrôle du territoire par la Serbie ?

Page 43838

1 R. Tout d'abord, je précise que je suis démocrate. Je compte sur les

2 élections démocratiques libres. Au royaume de la Yougoslavie également où

3 les Serbes étaient le peuple majoritaire, les Serbes ont fait partie de

4 plusieurs partis et les autres faisaient partie d'un seul parti. Pourquoi

5 ferais-je alors peur aux autres ? J'ai encouragé ici les Slovènes à s'en

6 aller. Ici, ma position est explicite. Je dis que la Croatie n'a aucune

7 chance de faire sécession. Je me dis que si la Slovénie faisait sécession

8 rapidement, la Croatie ne pourrait plus le faire. C'est là l'élément-clé.

9 Si la Croatie et la Slovénie font bloc, cela constitue un problème

10 terrible. Si la Slovénie s'en va seule et que la Croatie reste, elle voit

11 cesser toutes ces chances de faire sécession. Elle doit chercher un

12 compromis au sein du reste de la Yougoslavie. C'est la logique de tout ce

13 qui est dit ici. Je le dis dans le paragraphe précédent. Je dis que les

14 Croates n'ont aucune chance de faire sécession. Je le dis de façon

15 explicite. Je leur dis : Si vous vous en allez, ils n'auront aucune chance.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends tout cela. Ce que vous

17 affirmez avoir dit, mais vous n'avez toujours pas répondu à la question

18 posée. Est-ce que ceci ne va pas instiller la peur chez ceux qui restent en

19 Yougoslavie, vu la façon et le ton dont vous servez pour présenter la

20 chose ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Premièrement, le peuple ce n'est pas un peuple

22 de vampires, ni d'épouvantails. Quelles sont les expériences historiques

23 qui généreraient la peur vis-à-vis des Serbes ? Pourquoi de la peur ? Vous

24 voyez, je crois personnellement qu'il est si beau d'être membre du peuple

25 serbe, que je n'ai pas l'intention d'obliger quiconque par la force d'être

Page 43839

1 Serbe s'il ne le veut pas. Mais ceux dont les ancêtres ont quitté les

2 racines serbes il y a plusieurs siècles, j'essaie de les convaincre de

3 regagner, de retourner vers leurs racines. Cela fait plus de 20 ans que je

4 m'efforce de le faire. Je laisserai mes textes. Lorsque je serai mort dans

5 quelques années, mes textes resteront en guise de témoignage de ces idées.

6 J'espère, qu'un beau jour, ils verront clair, parce qu'en quittant le

7 peuple serbe, en épousant le catholicisme ou l'Islam, ils ont toujours été

8 exploités par les ennemis des Serbes contre le peuple serbe. Jusqu'où cela

9 se fera-t-il ainsi ? Voyez-vous, cela se passe ainsi de nos jours encore.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Nice.

11 M. NICE : [interprétation] Je pense qu'il est utile de verser la totalité

12 de ce document, puisque le témoin voulait faire référence au contexte.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, j'insiste sur la nécessité

15 de verser au dossier la totalité de mes textes, les textes mentionnés par

16 M. Nice ici. Parce qu'ils ne pourraient être considérés ou pris en

17 considération de façon objective. Il faut qu'ils soient versés dans leur

18 intégralité au dossier. Si on le fait; faites-le intégralement.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous prendrons des décisions à

20 chaque fois.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] L'interview du 18 juin 1991 portera la

22 cote 875.

23 M. NICE : [interprétation]

24 Q. Avant de l'oublier et avant de passer l'examen du document suivant, je

25 dirai ceci : cette interview de mai 1991, c'était après les déclarations

Page 43840

1 d'indépendance et de la Slovénie et de la Croatie, lorsque vous manifestiez

2 votre intention de créer une Serboslavie.

3 C'était le 18 juillet.

4 R. Non. Cela ne s'est pas produit avant l'indépendance slovène. Les

5 Slovènes ont fait preuve de leur intention. L'armée est intervenue, puis

6 ils ont hésité. Mon interview survient dans cette phase d'hésitation chez

7 eux. C'est la raison pour laquelle c'est si suggestif. Allez-vous en.

8 Qu'attendez-vous ? Allez-vous en. Si vous ne partez pas maintenant, vous

9 ne pourrez jamais partir.

10 Q. Examinons le document suivant. Je le lis pour les interprètes. Ce sont

11 les actes A, intercalaires 15, 21, 22. Ce n'est peut-être pas tout à fait

12 dans le sens de la chronologie. Mais enfin. C'est un livre écrit par le

13 témoin, qui s'intitule, Politiques en tant que défis de conscience. Nous

14 allons les regarder dans l'ordre.

15 Le premier texte, vous le trouverez à la page 3, sur 13 en anglais. Vous ne

16 les avez pas toutes. C'est la page 3. C'est une interview ou plus

17 exactement une conférence de presse que vous avez tenue.

18 R. Je n'ai pas ces textes-là sous les yeux. C'est un autre texte qu'on m'a

19 donné à moi.

20 Q. Rendez-le nous. Monsieur l'Huissier, apparemment --

21 R. Vous ne m'avez pas donné le texte de la conférence de presse.

22 Q. Il y a une question qui dit ceci. J'ai dit conférence de presse, je me

23 suis peut-être trompé.

24 Question de ON : "Est-ce qu'on est déjà arrivé là comme vous l'avez dit

25 hier lors de la conférence de presse ?"

Page 43841

1 R. Ce n'est pas une conférence de presse; c'est une interview pour un

2 journal intitulé ON.

3 Q. "Si l'exécution de Serbes à main nue commencent à se faire, la seule

4 option qui demeure n'est-elle pas l'œil pour l'œil ?"

5 Est-ce que vous vous souvenez avoir tenu une conférence de presse où vous

6 auriez parlé d'actions, représailles, dent pour dent s'il y avait exécution

7 à la main nue de Serbes ?

8 R. Ici, il s'agit d'interview publiée le 24 mai 1991. Ici, il y a des

9 avertissements et des menaces. Il y avait une conférence de presse dont des

10 parties ont été publiées par la presse. Cela peut être retrouvé dans la

11 presse. La question ici est posée au sujet de la teneur de cette

12 conférence, où j'apporte une réponse tout à fait concrète. Vous voulez que

13 je la lise ?

14 Q. Oui, pourquoi pas ? Nous allons suivre.

15 R. Alors, j'ai répondu : "Oui, nous avons déjà déployé plusieurs groupes

16 de Chetniks à Zagreb et dans d'autres villes de la Croatie, groupes qui

17 sont formés pour des activités de sabotage et de terrorisme. Au cas où il y

18 aurait des massacres de la population civile serbe, les Chetniks frapperont

19 de toutes leurs forces sur Zagreb et autres lieux de concentration de la

20 population croate. Vous savez, quand il y a vengeance, la vengeance est

21 aveugle. Il y aura des victimes innocentes. Mais que peut-on y faire ? Aux

22 Croates d'abord d'y réfléchir; nous ne frapperons pas en premier. S'ils

23 frappent en premier, nous ne regarderons pas qui est-ce que nous frappons.

24 Si l'armée ne désarme pas d'urgence les Oustachi, nous frapperons. Cela,

25 c'est du bluff."

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1 Nous n'avions pas de groupes. Alors, je menace. Ne tuez pas, ne

2 m'assacrez pas les civils serbes, parce que si vous les massacrez, nous

3 allons devoir nous venger et la vengeance est aveugle. Les choses sont

4 claires. Donc, j'avertis et je préviens.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, baissez le ton.

6 Vous criez maintenant.

7 M. NICE : [interprétation]

8 Q. Par les faits, est-il exact de dire que vous aviez déployé des groupes

9 de Chetniks à Zagreb et dans toute la Croatie, et que ces groupes étaient

10 là pour mener des actions de représailles en guise de vengeance si vous

11 l'estimiez nécessaire ?

12 R. Non. Je vous dis, je vous précise, c'était du bluff. Je menace parce

13 que je fais face à un danger. Je dis : Ne faites pas cela parce que sinon,

14 il arrivera des choses graves. Je menace. La menace est forte, peut-être

15 trop forte. Cette menace dit : Faites en sorte à ce que cela n'arrive pas.

16 Mais cela a été du bluff. Nous n'avions pas déployé de groupes de Chetniks

17 là-bas.

18 Q. Voyons ce que vous dites à la page 6, à la page sur les 13 pages en

19 anglais. C'est l'extrait suivant de votre livre, me semble-t-il. Le journal

20 vous demande sous l'intitulé "Les jeunes vont emporter ce sceau de la

21 honte." Il y a une question qui est posée, à savoir : "Qu'en est-il de la

22 Bosnie ? Laissons de côté les autres." Là, vous avez dit : "La Bosnie sans

23 aucun doute est serbe. Si des intégristes musulmans n'apprécient pas cela,

24 il va falloir qu'ils fassent leurs valises et qu'ils s'en aillent."

25 La réaction du journal : "Mais la majorité de la population est musulmane."

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1 Puis, vous répondez : "Mais quoi alors ? S'ils deviennent des citoyens

2 loyaux de la Serbie, ils vont pouvoir bénéficier de tous leurs droits

3 civiques et des libertés de l'homme. Sinon, il va falloir qu'ils commencent

4 à faire leurs valise."

5 Je vous rappelle le volet kosovar des éléments de preuve. Vous avez pu

6 justifier des propositions disant que la population allait devoir partir,

7 en vous fondant sur l'argument consistant à dire que c'est relativement

8 récemment qu'ils sont venus au Kosovo d'Albanie. Alors, ici, vous dites que

9 les intégristes musulmans vont devoir faire leurs valises et partir. Est-ce

10 que vous êtes en train d'expulser votre propre population ? Que laissez-

11 vous entendre par cela ?

12 R. Non. Seuls les intégristes sont concernés. Vous savez quel danger

13 constitue les intégristes où que ce soit de par le monde, en particulier

14 les intégristes musulmans.

15 Q. Comment allez-vous les définir, Monsieur Seselj, et comment la personne

16 qui vous entend ici dire cela ?

17 R. Toute personne qui écoute cet entretien, ou plutôt qui le lit dans les

18 journaux, sait pertinemment si elle est intégriste ou pas. J'attire votre

19 attention sur le fait que bien avant ceci, on a publié la déclaration

20 islamiste d'Alija Izetbegovic. Dans cette déclaration, il dit de manière

21 explicite que la cohabitation entre les Musulmans et les chrétiens est

22 impossible. C'est cela ce danger concret.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, encore une fois, je

24 vais vous demander de parler moins fort. Ne criez pas.

25 M. NICE : [interprétation]

Page 43844

1 Q. Est-ce que cela veut dire que M. Izetbegovic aurait dû faire sa

2 valise ? Est-ce qu'il aurait dû partir ? C'est bien cela que vous êtes en

3 train de dire ? Où est-ce que vous allez l'exiler si tel est le cas ?

4 R. Monsieur Nice, vous êtes en train de raisonner comme un enfant. C'est

5 une menace généralisée qui s'adresse aux intégristes et exclusivement aux

6 intégristes. Cette menace ne remet pas en question l'égalité des Musulmans

7 dans cet état futur, à condition effectivement, que la Yougoslavie se

8 démantèle comme il en a été question auparavant. Puisque ma position est la

9 suivante : s'il y a démantèlement de la Yougoslavie, la Bosnie-Herzégovine

10 dans sa totalité doit rester au sein de l'Etat serbe. Telle est ma

11 position. Je le dis exclusivement ici que les Musulmans seront placés sur

12 un pied d'égalité totale, mais l'option intégrisme n'y trouve pas sa place.

13 Celui qui met en œuvre l'intégrisme, il va bien falloir qu'il se trouve un

14 terrain plus propice à cela. Car les intégristes en tant que l'option la

15 plus agressive de l'Islam, ils imposent la terreur partout dans le monde.

16 Q. Cela se situe en 1991. Les Musulmans intégristes n'étaient pas

17 nécessairement associés aux actes de violence illégaux initiés par des pays

18 étrangers. Où, à votre avis, étaient ces intégristes musulmans, et où

19 devaient-ils partir après avoir plié bagage, d'après votre déclaration ?

20 R. Ce que vous êtes en train de dire n'est absolument pas vrai.

21 L'intégrisme, à l'époque, était vraiment d'actualité sur le plan

22 international. Cela se situe dix ans après la mise en place d'un pouvoir

23 intégriste en Iran. Vous devez savoir à quel point l'Iran a été partie

24 prenante dans les affaires bosniennes, et quelle aide substantielle a été

25 fournie aux Musulmans de Bosnie par l'Iran. Cela c'est un premier point.

Page 43845

1 Deuxième point, c'est une décennie avant cela que j'ai commencé à combattre

2 l'intégrisme musulman. C'est la raison pour laquelle on a interdit mes

3 livres, on m'a arrêté, on m'a envoyé en prison; ce qui ne m'a pas empêché

4 de continuer mon combat.

5 Q. Je vous remercie. Je pense que j'ai donné au témoin suffisamment de

6 latitude pour répondre à cette question. Je vais maintenant vous demander

7 de placer la dernière feuille de papier sur l'écran.

8 Vous vous souviendrez que je vous ai demandé de définir un Oustachi. Alors,

9 le journal vous a demandé comment on pouvait trouver une solution à la tête

10 froide et sans arme. Vous avez répondu : "Comment devrait-on négocier avec

11 les Oustachi ?" Est-ce que vous ne voyez pas qu'aujourd'hui le peuple

12 croate se constitue entièrement que d'Oustachi. Il n'y a que très peu

13 d'exceptions."

14 R. Pourquoi vous ne donnez pas lecture de la suite ? Je rends hommage aux

15 habitants d'Istrie, de Rijeka et de Kvarner. Eux, ils se comporteraient

16 dignement dans cette situation. Aucun danger ne les menace du côté des

17 Serbes. Il faut toujours souligner leur exemple, car en Istrie, à Rijeka,

18 dans le Kvarner, il y avait une ambiance de tolérance. Il y a eu très peu

19 de cas de persécution des Serbes. Dans toutes les autres parties de la

20 Croatie, déjà l'aile droite de Tudjman a commencé à exercer la terreur sur

21 la population. Vous sortez cela du contexte historique.

22 Là, lorsque je fais des menaces, je les fais aux Oustachi. Je dis qu'on va

23 les exécuter. Je vous garantis qu'avec une division de 10 000 Chetniks, il

24 me suffirait de 48 heures pour atteindre Zagreb.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

Page 43846

1 Le microphone s'il vous plaît.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au début de la réponse, il a été dit qu'ils ne

3 se sont pas trouvés menacés d'un danger quel qu'il soit, mais ceci n'a

4 absolument pas été traduit, le début de la réponse de M. Seselj. Seule la

5 deuxième partie de sa réponse a été traduite, à savoir qu'il n'y a aucun

6 danger de confirmation qui les menace. Je ne comprends pas ce que cela veut

7 dire, d'ailleurs, jusqu'à Rijeka. De toute manière, c'est totalement

8 confus. Ce que l'on peut lire dans le compte rendu d'audience.

9 Il a commencé sa réponse par les mots : "Je rends hommage à tel et tel

10 citoyen," puis, il a continué avec des explications.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est seulement dans l'Istrie, à Rijeka et

12 dans le Kvarner sur le territoire de la Croatie de l'époque qu'il n'y a pas

13 eu de persécution organisée de la population serbe, or, c'est précisément

14 là que vivent les vrais Croates, c'est cela la région cakavienne. L'Istrie,

15 Rijeka, cette région-là --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Seselj.

17 M. NICE : [interprétation]

18 Q. Voyez-vous à la page précédente, nous avons vu que vous avez identifié

19 ceux qui allaient pouvoir rester, à savoir ceux qui allaient se montrer

20 loyaux à l'Etat serbe. Est-ce que les intégristes qui souhaitaient une

21 Bosnie indépendante seraient ceux qui auraient dû faire leurs valises et

22 partir ?

23 R. Non pas ceux qui souhaitent une Bosnie indépendante, mais, ceux qui

24 veulent y parvenir en ayant recours aux armes. Non, ils n'avaient pas à

25 faire leurs valises et à s'en aller. Ils auraient pu se retrouver en

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1 prison.

2 Q. Sur la même page, vous parlez des Bosniens qui allaient pouvoir rester

3 et je vous prie d'examiner le contexte. Ecoutez la suite, s'il vous plaît,

4 vous dites que tous les Croates sont des Oustachi, qu'il y a très peu

5 d'exception, puis, vous définissez les zones où d'après vous les gens

6 peuvent se considérer comme Croates. Comment est-ce qu'on peut accepter le

7 fait que ce que vous dites ici ne fait pas peur ? Que ceux qui écoutent les

8 propos proférés par un homme politique, des propos de ce genre, avec des

9 mesures que vous proposées ne trouveraient pas cela effrayant.

10 R. Ecoutez, vous pouvez comprendre ce que vous voulez mais vous ne pouvez

11 pas interpréter ou falsifier le contenu d'un texte. C'est sous forme de

12 question qu'il est formulé, je dis : Mais aujourd'hui n'avez-vous pas eu la

13 preuve que le peuple dans sa totalité est Oustachi, il y a peu d'exception

14 à cela. Ce n'est qu'une question rhétorique et je pose cette question en me

15 plaçant sous l'angle des événements qui sont en train de se dérouler déjà

16 en Croatie. Ce que vous voulez c'est sortir cet entretien complètement du

17 contexte de la situation générale telle qu'elle s'est présentée dans l'ex-

18 Yougoslavie à ce moment-là. Bien entendu, pour comprendre de manière

19 approfondie ce qui est dit ici, il faut lire l'entretien dans sa totalité.

20 Est-ce que quelqu'un va y voir un danger ? Est-ce que cela va faire peur à

21 quelqu'un ? Ecoutez, s'ils doivent avoir peur de quelque chose, c'est de ce

22 que fait Tudjman. Je réplique suite à ses activités concrètes. Il a le

23 pouvoir et il s'est engagé dans des persécutions --

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj.

25 M. NICE : [interprétation]

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1 Q. Avant de passer au document suivant, je vous ai déjà demandé si

2 l'accusé vous a empêché de parler de la manière dont vous le faisiez ? Est-

3 ce qu'il vous aurait imposé des limites quelle qu'elles soient ou des

4 contraintes à utiliser la rhétorique que vous avez utilisée ? Dites-nous la

5 chose suivante, d'après-vous son arrivée au pouvoir et le fait qu'il reste

6 au pouvoir, est-ce que c'était dû au soutien apporté par les nationalistes

7 ou ceux qui avaient une propension au nationalisme ?

8 R. Premièrement, je suis une sorte spéciale de nationaliste dans ce

9 contexte.

10 Deuxièmement, s'agissant de nationalistes serbes, il convient de tenir

11 compte de toutes leurs obédiences, groupements, toutes leurs positions

12 idéologiques, et cetera. Mis à part moi et les membres du Parti radical

13 serbe, encore aujourd'hui en Serbie, vous ne trouverez pas un groupe qui se

14 déclare nationaliste. Ceux qui ont été attaqués le plus publiquement en

15 tant que nationalistes, eux-mêmes affirmaient qu'ils ne l'ont jamais été

16 comme Dobrica Cosic, Vuk Draskovic et bien d'autres. Il vous faut bien

17 préciser ce que vous entendez par le terme nationaliste. Est-ce que cela

18 englobe tous les patriotes ? Est-ce que cela comprend ceux qui se déclarent

19 explicitement nationalistes serbes ? Voyez-vous, mis à part moi et les

20 membres de mon parti, vous ne trouverez personne qui se déclarera

21 nationaliste serbe.

22 Slobodan Milosevic quant à lui n'est pas venu au pouvoir grâce à mon

23 soutien. Car à l'époque où il a accédé au pouvoir, j'étais persécuté, mes

24 livres étaient interdits, j'étais sans travail, sans moyen. A l'époque qui

25 nous intéresse, j'étais le seul député de mon parti au parlement.

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1 Vous m'avez posé une question précédemment et il faut bien que je vous

2 réponde. Slobodan Milosevic, à ce moment, n'avait aucun moyen de m'empêcher

3 d'agir comme j'ai agi. Comment aurait-il pu m'empêcher de le faire ? De par

4 quelle attribution constitutionnelle qui lui aurait accordée par la loi ?

5 Quelle est la loi que j'aurais enfreinte en faisant ceci ? A l'époque où M.

6 Milosevic était au pouvoir aucun journal ne s'est vu interdire, un seul

7 livre l'a été, j'ai déjà dit lequel. Il y avait une liberté de la parole

8 totale.

9 Maintenant, vous pouvez me dire que ce qui vous déplaît --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Nice,

11 allez-y.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. Je vais peut-être faire une digression par rapport à ce que j'étais en

14 train de poser comme question -- avant de montrer un extrait vidéo,

15 Monsieur Seselj, cela se situe bien plus tard. C'est un extrait du film Vie

16 et mort de la Yougoslavie. Même si je ne peux pas le faire aujourd'hui, je

17 vais mettre cela à la disposition de la Chambre; l'entretien dans sa

18 totalité.

19 Il s'agit du printemps 1995. Dites-nous, lorsque vous vous êtes adressé au

20 journaliste qui faisait ce film, est-ce que vous avez fait au mieux pour

21 dire la vérité pour ce programme important ?

22 R. Non. Ce programme télévisé, je ne l'ai jamais considéré comme étant

23 quelque chose d'important ou de sérieux. Quant à la BBC, j'estimais que

24 c'était une chaîne ennemie et, à l'époque, je ne pensais vraiment pas qu'il

25 importait ce que j'allais leur dire. Quant au Parti radical serbe, ils leur

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1 a demandé 500 dollars en échange pour leur accorder l'entretien et s'est

2 allé dans la caisse du Parti radical serbe, cette somme-là.

3 Q. [aucune interprétation]

4 R. Ils ont reçu un reçu également, une confirmation d'avoir payé.

5 Q. Est-ce que vous voulez dire par là aussi -- je remercie, Mme Dicklich.

6 Ce que j'allais vous montrer ne faisait pas partie du film, cela faisait

7 partie d'un entretien assez long que nous avons sous forme d'enregistrement

8 vidéo. Nous allons montrer un petit extrait.

9 [Diffusion de cassette vidéo]

10 M. NICE : [interprétation] Il n'y a pas de son. Interruption. Est-ce qu'on

11 peut revenir au début ? 25 G, c'est le document 25 G.

12 [Diffusion de cassette vidéo]

13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

14 "Jusqu'à la tentative de ce putsch à Banja Luka, nous avons voulu

15 laisser une chance à Milosevic pour qu'il revienne à la politique

16 nationaliste et Karadzic a compté là-dessus également que Milosevic

17 reviendrait sur la ligne droite peut-être. N'oubliez pas que Milosevic a

18 toujours remporté les élections en se fondant sur un programme

19 nationaliste, sur rien d'autre."

20 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

21 M. NICE : [interprétation]

22 Q. Vous voyez, vous dites dans "La Vie et la mort de la Yougoslavie," que

23 Milosevic est toujours revenu à cette forme nationaliste; est-ce que cela

24 est vrai ? Nous avons vu comment vous vous êtes présenté dans les

25 entretiens ? Est-ce que c'était vrai ?

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1 R. Vous êtes en train de produire des faux, des falsifications devant la

2 Chambre. Vous le faites sans aucune gêne. Ce que je dis de manière claire,

3 c'est que c'était le long des lignes nationales et vous, vous me dites

4 "nationalistes". A l'école, on aurait dû vous apprendre la différence entre

5 nationale et nationaliste. Si on vous ne l'a pas appris à l'école, vous

6 êtes vraiment un cas perdu, Monsieur Nice.

7 M. NICE : [interprétation] Est-ce que la Chambre pourrait avoir la

8 gentillesse de contrôler ce témoin ? Mon travail et mon devoir ici est de

9 poser des questions. Je ne voudrais pas faire l'objet d'attaques vulgaires

10 et je ne voudrais pas continuer de tolérer cela.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Evitez ce genre de terminologie,

12 Monsieur Seselj.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, pourquoi vous n'intervenez

14 pas ? Vous avez entendu mes propos. J'ai parlé de lignes nationales et

15 immédiatement, par la suite, vous avez entendu M. Nice corriger cela pour

16 en faire nationaliste.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais il n'y a pas lieu d'insinuer et

18 d'attribuer des mobiles à l'Accusation. Répondez à la question, c'est tout.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La traduction que nous avons emploie

20 le terme "nationaliste," non pas "national" mais "nationaliste." Il faudra

21 peut-être vérifier cela pour voir si la traduction n'est pas erronée. Mais

22 ce n'est pas une attitude correcte de faire des hypothèses et des

23 affirmations au sujet du Procureur.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Vos traducteurs sont votre problème. Il

25 ressort clairement de ma déclaration que j'ai parlé "d'une ligne

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1 nationale," donc une ligne patriotique. Par la suite, M. Nice a modifié

2 cela pour parler de "nationaliste." Si vos traducteurs ne sont pas bons, il

3 faudra que vous résoudiez ce problème. Mais je ne veux pas --

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, je vous ai coupé la

5 parole.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est bien.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous voulez dire qu'il n'est pas

8 humain de commettre une erreur. C'est bien cela que vous êtes en train de

9 dire. Vous allez critiquer tous nos interprètes sur la base d'une erreur

10 qui existe ou peut-être, n'existe pas. Nous ne le savons pas encore.

11 Monsieur Nice, les interprètes sont donc en train de dire qu'ils donnent

12 lecture d'un texte écrit, traduit en anglais.

13 Il faudra vérifier par rapport à l'original. Est-ce que nous avons le texte

14 serbe ?

15 M. NICE : [interprétation] Nous n'avons pas le texte serbe.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, on ne peut pas vérifier.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais la vidéo est en Serbe.

18 L'INTERPRÈTE : Les interprètes anglais signalent que la bande-son était à

19 peine audible.

20 M. NICE : [interprétation] Est-ce qu'on peut réentendre ? Est-ce que cela

21 vous nous aider ?

22 [Diffusion de cassette vidéo]

23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

24 "Nous avons cru possible que Milosevic revienne à cette politique,

25 politique nationale et qu'il fallait lui offrir une chance. Tout cela a

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1 duré jusqu'au plan Vance-Owen ou plutôt jusqu'au putsch tenté à Banja Luka.

2 Et Karadzic a compté là-dessus aussi, que Milosevic reviendrait sur la

3 droite ligne. N'oubliez pas que c'est toujours sur la base d'une plateforme

4 nationale que Milosevic a emporté les élections."

5 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

6 M. NICE : [interprétation]

7 Q. Est-ce que c'est un exemple du fait que vous avez toujours dit la

8 vérité dans les entretiens ou est-ce que vous dites quelque chose qui n'est

9 pas vrai ?

10 R. Ecoutez, votre question est vraiment absurde, vraiment absurde. Vous

11 sortez une phrase et vous me demandez si je disais --

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, ce n'est pas une

13 question dénuée de sens parce que vous-même, dans l'interrogatoire

14 principal, vous avez fait une différence entre les situations où vous avez

15 fait des discours grandiloquents et des occasions où vous avez dit la

16 vérité. C'est vous qui avez préparé le terrain pour cette question.

17 M. NICE : [interprétation]

18 Q. Tout d'abord, est-ce que vous pouvez nous dire si c'est bien un exemple

19 d'un entretien où vous avez dit la vérité ou le contraire ?

20 R. Ecoutez, il faut que vous vous comportiez d'une manière correcte et non

21 pas de manière désobligeante, comme vous le dites. Une chose, c'est être

22 grandiloquent, une autre chose, ne pas dire la vérité. Il ressort

23 clairement ici que nationale signifie patriotique Encore aujourd'hui, je

24 pense réellement que M. Milosevic a remporté le plus de succès dans la

25 politique lorsqu'il a défendu cette ligne patriotique, c'est-à-dire

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1 nationale. La ligne qui visait à défendre, à protéger les intérêts

2 nationaux mais j'affirme encore aujourd'hui que M. Milosevic n'a jamais été

3 un nationaliste, alors que je l'ai été.

4 Mais la manière dont vous l'interprétez, cette manière-là est indécente.

5 Q. Revenons maintenant à l'endroit où on s'est arrêté. A l'intention des

6 interprètes, je précise que ce sont les intercalaires 16, 17 et 18. C'est

7 le document suivant.

8 La période qui m'intéresse encore, c'est la période des mois de mai, juin

9 et juillet 1991. La rhétorique dont vous vous serviez, les discours que

10 vous faisiez, est-ce que cela apportait un soutien à l'accusé dans son

11 accession au pouvoir ou son maintien au pouvoir ? Dites-nous, vous étiez

12 actif sur la scène politique locale.

13 R. Vous voulez dire en 1990 et 1991. L'une ou l'autre ?

14 Q. En 1991.

15 R. Aucun de mes discours n'avait pour objectif le maintien au pouvoir de

16 M. Milosevic. Cependant, tous mes discours ont été nationalistes et ils

17 avaient pour objectif de combattre la politique menée par des ennemis

18 serbes, mais soyez plus concret dans votre question pour que je puisse vous

19 apporter une réponse concrète.

20 Q. Voyons maintenant le texte intitulé, "Les fantasmagories Oustachi de

21 Horvat". Je vais procéder dans l'ordre. A l'attention des interprètes, je

22 suis à la page 3 sur 16. Je pense que c'est la page 64.

23 Vous avez dit la chose suivante : "Les panislamistes bosniens pouvaient-ils

24 mener une guerre contre les Serbes ? Récemment, nous leur avons dit, ne

25 permettez pas que la majorité musulmane devienne un instrument manié par la

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1 Croatie comme cela s'est passé pendant la Première guerre mondiale et

2 également pendant la Seconde guerre mondiale. Faites attention. Ne vous

3 immiscez pas dans le conflit serbo-croate." La dernière phrase : "Si les

4 Croates se servent de vous encore une fois, la vengeance serbe sera

5 terrible et, à la fin, vous vous retrouverez plus loin que l'Anatolie," en

6 Turquie. Qu'entendiez-vous par là ? Qu'est-ce cela signifie ?

7 R. Le texte parle de lui-même. On s'adresse aux panislamistes Bosniaques.

8 C'est clair comme de l'eau de roche. Pourquoi est-ce que je devrais avoir

9 des égards à l'égard des islamistes Bosniaques.

10 Q. Il faut les jeter dehors. C'est cela ? C'est ce que vous faites ?

11 R. Non. Il n'est pas dit qu'il faut les jeter dehors. Il est dit qu'ils ne

12 vont pas s'arrêter avant d'avoir atteint l'Anatolie. S'ils s'engagent dans

13 cette guerre, ils y seront battus. Ils seront les perdants. Je les mets en

14 garde. Je leur dis qu'il ne faut qu'ils acceptent que les Musulmans soient

15 utilisés aux fins des intérêts oustachi croates comme cela s'est passé

16 pendant la Seconde guerre mondiale. Vous savez qu'un grand nombre de

17 Musulmans pendant cette guerre-là ont été intégrés, enrôlés dans les unités

18 oustachi. Certains crimes à Jasenovac ont été commis par des Musulmans.

19 Hitler a constitué une division, une division appelée Handzar qui était

20 entièrement composée de panislamistes bosniaques.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous continuez dans la suite du texte

22 après avoir fait une référence aux panislamistes. Vous dites : "Récemment,

23 nous leur avons dit : Ne permettez pas que la majorité musulmane devienne

24 un instrument entre les mains de la Croatie…"

25 Est-ce que cela veut dire par là que "la majorité musulmane" est la

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1 même chose que les "panislamistes bosniaques;" est-ce que c'est la même

2 chose ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ce n'est pas la même chose, et ce n'est

4 pas ce qui est dit dans le texte. Dans votre interprétation, vous pouvez

5 apporter ou ajouter à ce texte ce que vous voulez. Mais le texte concerne

6 les panislamistes musulmans bosniaques. Je dis : C'est le conflit entre les

7 Serbes et les Croates qui est en cours. Ne vous y ingérez pas, ne

8 participez pas à ce conflit aux côtés des Croates. C'est absolument clair

9 ce qui ne figure pas dans le texte; vous voudriez maintenant que je

10 l'ajoute a posteriori.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, s'il vous plaît, calmez-vous.

12 Lorsque vous dites : "Récemment nous leur avons dit." Il semblerait que

13 c'est une citation qui suit, lorsque vous dites : "Ne permettez pas que la

14 majorité musulmane devienne un instrument entre les mains de la Croatie

15 comme cela s'est passé pendant la Première et la Seconde guerre mondiale."

16 A la fin, il est dit : "Si les Croates se servent de vous encore une fois,

17 la revanche serbe sera terrible, et vous finirez plus loin que l'Anatolie."

18 Pour le moment, l'interprétation que j'en fais, c'est que c'est la

19 majorité musulmane qui se retrouvera plus loin que l'Anatolie. Est-ce que

20 c'est une erreur ?

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, laissez le

23 témoin répondre à la question de Monsieur Bonomy.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] La question --

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, vous ne pouvez pas avoir

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1 d'objection aux questions posées par la Chambre.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais on l'a mal traduit.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'accord, très bien. Entendons.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il ne parle pas de la majorité musulmane. Il

5 n'utilise pas le terme majorité musulmane. La traduction correcte serait un

6 nombre considérable ou élevé de Musulmans. Nulle part, dans l'origine, nous

7 dit-on la "majorité" musulmane. Donc, il est dit : "N'acceptez pas que dans

8 leur grande partie, les Musulmans constituent un outil." Donc, il n'est pas

9 question de majorité musulmane.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Bonomy, je ne perds pas mon calme. A aucun

11 moment je ne l'ai perdu, et je réponds aux questions de manière tout à fait

12 sereine. Mais vous acceptez qu'on insinue des choses dans ce texte qui n'y

13 sont absolument pas. C'est un message aux panislamistes musulmans

14 bosniaques.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Milosevic vient de soulever un

16 point important, puisqu'il est possible que la traduction anglaise sur

17 laquelle je me base ne reflète pas correctement ce que vous avez dit. Peut-

18 être qu'une fois que nous aurons tiré cela au clair, on aura une idée bien

19 plus exacte de vos points de vue. Tenez compte du fait que lorsque je vous

20 ai cité cela, lorsque je vous ai parlé de la majorité musulmane, c'était

21 peut-être parce que j'ai eu une mauvaise impression de la substance de

22 votre déposition. Donc, excusez-moi de vouloir avoir la version correcte.

23 Maintenant, Monsieur Nice, y a-t-il un texte --

24 M. NICE : [aucune interprétation]

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Nulle part dans le texte on ne parle de la

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1 majorité musulmane. Même pendant la Seconde guerre mondiale, la majorité

2 des Musulmans ne se sont trouvés aux côtés des Oustachi.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'il vous plaît, essayons de procéder

4 dans l'ordre. Je vous prie de ne pas essayer d'éviter qu'on précise ce

5 point dans l'article.

6 Est-ce que vous pouvez me donner lecture de texte serbe qui est surligné

7 sur cette page, et qui commence par : "Est-ce que tous les panislamistes

8 musulmans devraient combattre…"

9 LE TÉMOIN : [interprétation] "Est-ce que les panislamistes bosniaques vont

10 faire la guerre contre nous les Serbes ? Récemment d'ailleurs, nous ne leur

11 avons pas, nous, adressé un message. Ne permettez pas que les Musulmans,

12 dans une grande partie, constituent une arme entre les mains criminelles

13 croates comme ceci s'est produit et comme ils l'ont été pendant la Première

14 et la Deuxième guerre mondiale. Tenez compte de cela, et ne vous immiscez

15 pas dans un conflit serbo-croate. Si les Croates se servent de vous encore

16 une fois, la vengeance serbe sera terrible, et vous ne pourrez pas vous

17 arrêter avant d'avoir atteint l'Anatolie."

18 Donc, tout ceci s'adresse aux panislamistes bosniaques. Je leur dis de ne

19 pas accepter qu'une grande partie des Musulmans, - je veux dire un grand

20 nombre de Musulmans - soient utilisés comme cela, et je ne parle pas de la

21 majorité musulmane.

22 Il faut savoir qu'un grand nombre de Musulmans se sont trouvés dans les

23 rangs du régime de Pavelic, mais ce n'était pas la majorité. Il y avait

24 beaucoup de Musulmans qui étaient hostiles au fascisme. Mais 10 000

25 Musulmans ont été recrutés dans une division SS. C'est un grand nombre;

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1 c'est vraiment un grand nombre. Mais pas la majorité.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Seselj.

3 Nous allons devoir lever l'audience pour aujourd'hui.

4 Demain, nous allons reprendre. A ce moment-là, je vais vous dire quelques

5 mots au sujet de la manière dont on mène un contre-interrogatoire. Je ne

6 voudrais pas que vous soyez dérangé par un contre-interrogatoire vigoureux

7 ou mené de manière vigoureuse.

8 Je présente mes excuses à la Chambre qui siège ici à partir de 14 heures

9 15.

10 Nous levons l'audience pour aujourd'hui.

11 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le mercredi

12 7 septembre 2005, à 9 heures 00.

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