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1 Le vendredi 3 février 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais demander au témoin de
7 prononcer la déclaration solennelle.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
10 LE TÉMOIN: EVE-ANN PRENTINCE [Assermentée]
11 [Le témoin répond par l'interprète]
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Madame. Vous pouvez vous
13 asseoir. J'ai cru comprendre que, quelquefois, il vous fallait vous lever,
14 bien sûr, vous pourrez le faire quand vous le souhaitez.
15 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
17 Interrogatoire principal par M. Milosevic :
18 Q. [interprétation] Madame Prentice, veuillez vous présenter.
19 R. Je m'appelle Eve-Ann Prentice, je suis journaliste, et je me suis
20 spécialisée dans la région des Balkan depuis au milieu des années 1980,
21 pour le Guardian, et pour le Times de Londres.
22 Q. Vous êtes une journaliste politique, une correspondante politique. D'où
23 vient cet intérêt en tant que journaliste pour la politique ?
24 R. Toujours j'ai voulu parler de la politique de l'Europe de l'est. Je
25 suppose qu'au départ, c'était parce que mon père était un homme politique
26 qui avait aussi travaillé en Pologne et, entre autres, pays d'Europe, donc,
27 en tant qu'enfant, j'ai voyagé dans la région. Mais, si je me suis
28 intéressée aux Balkans, c'est surtout vers les milieux des années 80. A ce
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1 moment-là je me suis dite que je voulais vraiment me spécialiser sur cette
2 région.
3 Q. Vers le milieu des années 80, lorsque vous avez commencé à vous
4 intéresser à cette région du monde, qu'est-ce que vous connaissiez de cette
5 région avant de commencer à voyager en RSFY ?
6 R. Je ne savais pas grand-chose avant d'y aller. J'avais bien lu certaines
7 choses à propos de la région. Ma première grosse surprise, je suppose,
8 c'est de voir cette solidarité -- ce groupe encore clandestin de solidarité
9 en Pologne et j'avais été en Roumanie au début des années 80, et j'avais
10 peut-être une idée reçue qui était que la Yougoslavie était peut-être un
11 pays socialiste du même genre. Ces pays-là, comment dire, c'étaient des
12 pays assez gris, et ma surprise a été de voir que la Yougoslavie avait
13 beaucoup plus de contacts avec le reste de l'Europe. La Tchécoslovaquie
14 était très isolée, la Pologne aussi, donc, ma première impression a été que
15 la Yougoslavie c'était un pays bien mieux intégré dans le reste de
16 l'Europe. Première impression.
17 Ensuite, j'y suis allée plus régulièrement et j'ai vu que la
18 situation n'était pas aussi simple que cela, il y avait bien des nuances à
19 cette première impression. Au fil des années dans la décennie de 1980, j'ai
20 vu qu'il y avait beaucoup de tendance politique ou de contrainte politique,
21 venant de l'extérieur comme de l'intérieur, et que politiquement ce pays
22 allait avoir une importance capitale pour toute la région, et c'est la
23 raison pour laquelle je voulais surtout parler de la Yougoslavie.
24 Q. Combien de fois êtes-vous allée sur le territoire de l'ex-Yougoslavie ?
25 Dites-le-nous rapidement, en quelque mot ?
26 R. J'ai été trop de fois que pour m'en souvenir. Peut-être 40 fois, 50
27 fois.
28 Q. Vous êtes journaliste, vous travaillez dans le média, en tant que tel;
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1 est-ce qu'il y a une raison professionnelle qui vous a poussée à vouloir
2 comparaître en tant que témoin dans ce procès ?
3 R. Bien sûr, on m'a posé la question, on me l'a demandé, mais ma
4 motivation principale c'est qu'à mon avis, il est bien connu. Au fil des
5 années 90 au fur et à mesure que ce conflit s'est développé en Yougoslavie,
6 j'étais vraiment atterrée de voir que, de façon générale, on avait une idée
7 -- une vision très manichéenne de la situation, si bien sûr une généralité
8 que je dis là, c'est généralisé la chose, mais cela s'est passé sans arrêt.
9 On présentait toujours la partie serbe comme étant la seule responsable, la
10 seule coupable alors que toutes les autres parties -- ce conflit était
11 présenté comme étant des victimes tout à fait innocentes, alors que pour
12 moi c'était clair, tout le monde a combattu du mieux qu'il a pu pour
13 obtenir certaines choses pour son propre peuple, et de tout côté de part et
14 d'autres, il y a eu des victimes innocentes, y compris chez les Serbes.
15 J'étais vraiment convaincue qu'on ne présentait pas ces conflits de façon
16 équitable et objective.
17 Q. A votre avis, est-ce qu'il y avait une différence ici -- différence il
18 y avait ? De quelle taille était-elle entre le portrait qu'on faisait de la
19 réalité dans les médias et dans le monde politique occidentale ? Est-ce
20 qu'il y avait une différence entre les deux ?
21 R. Oui. Les différences étaient nombreuses -- ces disparités étaient
22 nombreuses entre ce que présentait les hommes politiques occidentaux et ce
23 qui était véritablement la réalité sur le terrain. Les hommes politiques
24 occidentaux véhiculaient l'impression que chaque fois qu'on tuait des
25 civils c'était à coup sûr la faute des Serbes, chaque fois qu'il apparaît
26 clairement qu'une autre partie, par exemple, les Croates à Mostar,
27 lorsqu'ils ont détruit le vieux pont, le Stari Most, à ce moment-là, chaque
28 fois on n'a vraiment pas essayé de montrer que c'était les Croates qui
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1 avaient bombardé. En général, l'homme de la rue pense que ce sont les
2 Serbes qui ont détruit ce pont. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.
3 Donc, il y avait certaines propensions à présenter de façon manichéenne ce
4 conflit, le bien contre le mal. Ceci ne s'exacerbe -- n'a fait que
5 s'exacerber au fil des ans, à mon avis.
6 Q. A votre avis, pourquoi y a-t-il eu un tel hiatus entre la vérité et ce
7 qui a été présenté ?
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cette question n'est pas pertinente.
9 Essayez de poser à ce témoin des questions qui sont pertinentes au regard
10 de l'acte d'accusation.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Madame Prentice, quand êtes-vous allée au Kosovo-Metohija ?
14 R. La première fois que j'y suis allée, j'y suis allée quelquefois au
15 cours des années 80, ainsi qu'au début des années 90 et j'y suis retournée
16 pendant les bombardements de l'OTAN en 1999.
17 Q. Avez-vous l'impression qu'il y avait un lien entre la situation qui
18 prévalait au Kosovo-Metohija pendant les années 80 et le Kosovo que vous
19 avez trouvé lorsque vous y êtes allée en 1998-1999 pendant le conflit,
20 pendant l'invasion de l'OTAN sur la Yougoslavie ?
21 R. J'ai commencé à comprendre lorsque je suis allée sur les lieux avant
22 1999 que, de plus en plus, et surtout depuis le milieu de la fin 1990,
23 qu'il y avait, en fait, en cours une guerre terroriste. J'ai vu que les
24 Serbes du Kosovo, de plus en plus, se sentaient menacés par l'UCK qui, dès
25 la fin des années 1990, lançait des attaques terroristes sur les Serbes,
26 mais, même avant cela, j'ai compris qu'en fait, on pouvait établir beaucoup
27 de parallèles entre cette situation et l'Irlande du Nord parce qu'en fait,
28 c'était un conflit cyclique qui avait sa base -- ses origines dans
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1 l'histoire et ce cycle était forcé forcément entre occuper à se répéter. Il
2 y avait des conflits entre les terroristes de l'UCK et les forces
3 yougoslaves, et ce genre d'hostilité s'est surtout produit au niveau des
4 villages, de la compagne. Des civiles se trouvaient entraînés dans ces
5 hostilités -- dans ce conflit. Mais, à mon avis, cela se ressemblait
6 beaucoup à une guerre civile, alors que de plus en plus, la plupart des
7 médias présentaient cette situation comme une espèce d'invasion des
8 citoyens de l'Albanais de souche ordinaire.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas très bien
10 compris la dernière partie de votre réponse.
11 Vous dites : "Une invasion des citoyens, des habitants des Albanais de
12 souche ?"
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsqu'on a dépeint la situation au Kosovo,
14 fin des années 1990, on disait, en tous cas, beaucoup semblaient avoir la
15 pression. Je parle de l'homme de la rue, du lecteur des journaux pour
16 lesquels je travaillais, puis, on avait envahi le Kosovo. Même les gens
17 instruits savaient bien que le Kosovo, depuis des centaines d'années,
18 faisait partie de la Serbie, mais, malgré tout, même chez eux, il y avait
19 cette impression qu'il y avait une espèce d'invasion. Souvent, on n'a pas
20 essayé de démentir, de redresser la situation dans l'esprit des gens quand
21 on a parlé de cette impression.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
23 Monsieur Milosevic, je pense que M. Nice va bientôt intervenir pour vous
24 demander quelle est -- et nous demander quelle est la pertinence de toutes
25 ces questions. Je vous demande une fois de plus de poser des questions à ce
26 témoin sur les points qui sont importants ou qui ont un incidence sur les
27 chefs retenus à l'acte d'accusation M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ou
28 sur un point concret, pas sur des généralités.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mme Prentice est une des rares intellectuelles
2 occidentales à s'être rendues bien des fois au Kosovo-Metohija. Par
3 conséquent, ce qu'elle a pu y voir, les conclusions qu'elle a pu tirer sont
4 à mes yeux pertinentes.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais pertinentes au regard de quoi,
6 c'est bien la question qui se pose.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est important pour comprendre ce qui --
8 véritablement, s'est passé au Kosovo-Metohija, pour que se manifeste la
9 vérité, la vérité qu'on a cessé de dissimuler ici ou d'inverser.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Madame Prentice, est-ce que vous vous êtes occupée ou si vous avez
13 suivi la Conférence de Rambouillet ?
14 R. J'ai écrit des articles à propos de l'accord de Rambouillet. Je n'y
15 étais pas à Rambouillet moi-même, mais à l'époque j'étais correspondant
16 diplomatique pour le time et j'avais dans mes fonctions, celle d'analyser
17 l'accord de Rambouillet et d'écrire des articles à ce propos.
18 Q. Il vous aurait été impossible d'assister à la Conférence de Rambouillet
19 puisque cela n'a pas été une conférence, mais vous avez, bien sûr, lu les
20 accords de Rambouillet, et vous avez écrit à propos de ces accords. Quelles
21 sont vous conclusions en quelques mots ?
22 M. NICE : [interprétation] Non, je --
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Autre journée noire pour ce Tribunal,
24 nous avons un témoin qui nous a déjà dit qu'elle a été 40 ou 50 fois au
25 Kosovo, Pourtant nous n'avons pas encore entendu une seule question
26 concrète portant sur un seul événement concret au Kosovo. Dans le résumé en
27 application de l'article 65 ter, on nous dit qu'elle a une connaissance
28 personnelle des faits en cause, des événements dans le village de Meja, et
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1 en tout état de cause, si nous sommes ici pour entendre une opinion, un
2 avis général de sa part, ceci ne peut avoir de valeur que si on a une base
3 factuelle qui est portée à notre connaissance.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, que ce témoin
5 évoque des faits puisque vous dites qu'elle connaît des faits, c'est bien
6 ce que vous dites dans votre résumé en application du 65 ter.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, fort bien, Monsieur Robinson. Ne
8 vous en faites pas, nous allons bientôt parler des faits.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Madame Prentice, où est-ce que vous êtes allée en 1998 au Kosovo-
11 Metohija, et qu'est-ce que vous y avez vu - parlons de 1999 ?
12 R. En 1998, je suis allée à Kosovska Metrovica et à Pristina. Une visite
13 assez courte, mais j'y suis allée parce que je me trouvais à Belgrade.
14 Puis, j'avais entendu dire qu'on avait attaqué des enfants serbes en âge de
15 scolarité dans un café. Apparemment, c'est pour cela que je suis allée à
16 Kosovska Metrovica. J'ai voulu faire une petite recherche sur les lieux,
17 une enquête, et lorsque je suis arrivée, il y a eu une contre-attaque sur
18 ce qu'on m'a dit être des bastions de l'UCK qui se trouvaient installés
19 dans des maisons ordinaires et, apparemment, c'était l'UCK qui avait
20 attaqué ces enfants serbes dans un café. C'est bien là la quintessence de
21 la nature même de ce cycle de la violence dont je parlais auparavant.
22 Q. En 1999, où étiez-vous tout d'abord pendant la guerre ?
23 R. J'étais basée à départ, vers la mi-avril, puis, j'ai réussi à me rendre
24 au Kosovo deux fois. Une première fois, dans la première caserne de
25 [imperceptible], puis, je suis allée à Belgrade parce que je devais
26 renouveler mon visa pour quatre jours. Puis, j'ai passé encore deux
27 semaines -- les deux dernières semaines de mai et le tout début juin. Je
28 suis allée un peu partout au Kosovo, mis à part la région de Djakovica et
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1 de Pec. Donc, je me suis trouvée à Pristina, Kosovska Mitrovica, Gnjilane,
2 Prizren; pratiquement partout, mis à part la région de Djakovica.
3 Q. Avant de poursuivre, j'aimerais attirer votre attention sur le fait
4 qu'il n'y a pas eu d'interprétation en serbe. Ce qui veut dire que ceux qui
5 suivent ces débats sont dans l'impossibilité de suivre. Jusqu'à présent,
6 tout allait bien. Je recevais l'interprétation.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que la régie peut s'occuper
8 de la question ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. On va voir si cela marche maintenant
10 lorsque je vais recommencer.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. On peut qualifier ces visites de visites prolongées pendant la guerre.
13 Est-ce qu'au cours de ces visites, vous avez parlé à des civils albanais ?
14 Pas seulement Albanais, je parle de civils, en général, des gens de toute
15 origine ethnique.
16 R. Oui.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Apparemment, il n'y a pas
18 d'interprétation sur le canal serbe.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.
20 Essayez une fois encore.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. Est-ce que vous avez parlé à des civils albanais ?
23 R. Oui. J'ai recueilli l'avis de civils albanais, de Rom, de Turcs de
24 souche, des gens de toute origine au Kosovo-Metohija.
25 Q. Où est-ce que vous avez rencontré ces civils albanais, ou est-ce que
26 vous leur avez parlé ?
27 R. J'ai tiré partie de toutes les occasions qui m'étaient données. A
28 l'époque, en occident, on s'inquiétait surtout du sort réservé aux Albanais
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1 de souche au Kosovo. Il n'y avait beaucoup de journalistes occidentaux qui
2 avaient réussi à aller au Kosovo. Pour moi, c'était donc une priorité de
3 parler au plus grand nombre possible de civils. Pratiquement, chaque
4 village, chaque ville où il y a des gens où j'ai réussi à parler à des
5 gens, par exemple, à Kosovska Mitrovica, j'ai parlé à des retraités, pour
6 essayer de percevoir leur retraite. A Pristina, j'ai parlé à des gens qui
7 montaient dans des bus et à Pristina, à Prizren, des gens qui se trouvaient
8 chez eux, dans leurs maisons ou dans la rue. Je ne pourrais pas vous citer
9 toutes les fois que j'ai parlé à des civils.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le serbe est sur le canal 6,
11 Monsieur Milosevic.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Est-ce que les civils albanais, à qui vous avez parlé, ont dit avoir
14 peur ?
15 R. Certains m'ont dit qu'ils avaient peur de l'UCK. Quelqu'un m'a dit
16 avoir peur de la police serbe. Mais, dans l'écrasante majorité des cas,
17 j'ai eu l'impression qu'il y avait de très fortes pressions sur ces gens
18 pour qu'ils partent du Kosovo, pressions qui venaient surtout des
19 dirigeants de l'UCK et même d'Albanais venant d'Albanie qui entraient dans
20 cette province.
21 Q. Est-ce que je vous ai bien compris ? Avez-vous dit que même les
22 Albanais d'Albanie avaient peur du Kosovo ?
23 R. Non, excusez-moi. Je ne me suis pas bien exprimée. Le moyen, au Kosovo,
24 le civil moyen au Kosovo semblait être soumis à d'extrêmes pressions venant
25 de l'UCK et venant d'Albanais qui étaient venus de Kosovo en provenance
26 d'Albanie même. Ces gens étaient très surpris de voir ces gens qui étaient
27 venus au cours des 9 ou 12 mois qui avaient précédé.
28 Q. Avez-vous eu l'occasion de parler aux gens qui quittaient le Kosovo-
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1 Metohija ?
2 R. Oui. J'ai eu cette occasion-là. Il y avait des autocars qui, d'après ce
3 qui est arrivé, allaient vers la Macédoine et j'ai vraiment fait attention
4 à ne pas leur parler lorsqu'il y avait la police ou forces serbes dans les
5 parages. Je leur ai parlé lorsqu'il y avait un ou deux policiers dans les
6 parages. Puis ils ont dit qu'ils partaient pour fuir les bombes. Puis, je
7 suis revenue. Enfin, j'ai attendu dans les parages et j'ai trouvé des
8 moments où je pouvais leur parler, des moments où il n'y avait personne qui
9 pouvait -- dont la présence ne pouvait les inquiéter -- donc, rien qui
10 pouvait les inquiéter au sujet des forces serbes. J'ai réussi, avec le
11 collègue du Times irlandais, de leur parler vraiment pendant qu'on était
12 complètement seuls. A ce moment-là, la plupart d'entre eux nous ont dit
13 quelque chose que j'ai comprise, comme disant qu'ils allaient fuir le
14 bombardement. Ils voulaient s'enfuir à cause de cela. Une personne a dit :
15 "Non, non, je pars parce que j'ai peur de la police."
16 Nous avons dit aux autres : "Est-ce que c'est cela qui vous fait
17 peur ?" Mais je voulais simplement dire que personne d'autre à bord de ces
18 autocars n'a été d'accord avec lui.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous parlez Albanais ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Mais nous avions quelqu'un avec nous
21 qui parlait Albanais.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous aviez un interprète ou quelqu'un
23 qui parlait couramment Albanais ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Quelqu'un qui parlait couramment Albanais.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Connaît-il du Serbe ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends davantage de Serbes que
27 d'Albanais. Mais encore une fois, vraiment, je dépendais des personnes qui
28 parlaient couramment Serbe pour m'interpréter des entretiens plus
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1 complexes.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'étaient des collègues, en général ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Parfois, c'étaient des collègues. Parfois,
4 c'étaient des personnes que j'avais rencontrées dans la région, que je
5 connaissais d'avance. Il y a un juriste qui s'occupait des droits de
6 l'homme de personne, qui m'a traduit l'albanais. Cette personne qui m'a
7 traduit l'albanais, c'était un collègue d'Ibrahim Rugova. C'est quelqu'un
8 que j'avais rencontré dans la région.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. La personne qui vous a dit qu'elle avait peur de la police, est-ce que
12 c'est la même personne que vous avez mentionnée précédemment, ou c'est
13 quelqu'un d'autre qui lui aussi vous a dit qu'elle avait peur de la
14 police ?
15 R. C'est une seule et même personne.
16 Q. Mise à part cette personne qui vous a dit qu'elle avait peur de la
17 police, elle vous a dit cela dans votre entretien. Est-ce qu'il y a eu
18 d'autres Albanais qui vous ont dit qu'ils avaient peur de la police ou de
19 l'armée serbe, qui que ce soit d'autre ?
20 R. Non, personne d'autre ne m'a dit qu'ils avaient peur. Certes, j'ai vu
21 des gens qui, vraiment, en avaient ras-le-bol de toute cette situation, de
22 la manière dont elle a évolué. Il y avait des Albanais de souche de Prizren
23 qui nous ont dit qu'ils se félicitaient des bombardements et ils pensaient
24 que c'était un geste amical pour eux. C'était vers la fin des
25 bombardements. L'impression que j'ai eue -- ou plutôt, c'était plus qu'une
26 impression, ce qu'ils ont dit, c'est qu'en l'espace d'une semaine ou deux
27 semaines l'OTAN serait arrivé au Kosovo. J'insiste que précédemment, les
28 Albanais ordinaires, enfin, le commun des mortels, me disaient qu'ils
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1 avaient peur des bombardements.
2 Q. Quelles sont les raisons, d'après ce que vous avez pu en conclure ?
3 Pourquoi ces gens s'enfuyaient-ils du Kosovo ? Donc, d'après ce que ces
4 personnes vous ont dit directement, à vous personnellement.
5 R. Je suis arrivée, comme je l'ai dit, pendant les bombardements, après
6 les deux dernières semaines de mai. Je n'étais pas là au tout début.
7 L'impression dans son ensemble, ce que j'en ai pensé, c'est que pendant que
8 j'étais à Belgrade, lorsque je suivais les médias parlés des Albanais de
9 souche qui se trouvaient à la frontière de la Macédoine, de l'Albanie et du
10 Monténégro, l'impression que cela m'a donnée, c'est que la grande majorité
11 de ces gens avaient été expulsés de force par les forces serbes.
12 Lorsque je suis vraiment arrivée sur place, c'est que probablement
13 qu'avant que je n'y sois arrivée -- et cela, c'est grâce au fait que j'aie
14 pu parler à des journalistes qui connaissaient bien la situation au Kosovo
15 et qui étaient depuis le début de la campagne de l'OTAN, et bien il se peut
16 qu'il y ait eu des personnes qui ont été un peu incitées ou forcées à se
17 m'être à bord des autocars et à partir du Kosovo. Mais quand j'y suis
18 arrivée, la grosse majorité des Albanais de souche étaient tout d'abord, au
19 premier chef, effrayés par les bombardements et effrayés par l'UCK. J'ai
20 parlé à des Albanais de souche, et des membres de l'UCK sont arrivés à
21 côté. Ces gens à qui je parlais semblaient avoir très peur et ne voulaient
22 plus me parler.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment est-ce que vous saviez que
24 c'étaient des membres de l'UCK ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que c'est ce qu'ils nous ont dit. Ces
26 gens, comment dire, vraiment, ils semblaient exercer le contrôle de la
27 situation. Ils contrôlaient pleinement la situation. Par exemple, lorsque
28 je parlais à ces retraités à Kosovska Mitrovica, ils avaient envie de nous
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1 parler. Puis, il y avait des jeunes Albanais qui étaient très armés et qui
2 nous ont dit qu'ils étaient des membres de l'UCK. Ils sont arrivés et,
3 vraiment, ils n'appréciaient pas qu'on parle à ces gens-là. Je n'avais
4 aucune raison d'en douter lorsqu'ils nous ont dit qu'ils étaient membres de
5 l'UCK.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Dans ces entretiens que vous avez eus avec des civils albanais, est-ce
9 que vous n'avez jamais entendu dire quelque chose au sujet du comportement
10 ou de l'attitude de l'UCK, qui aurait pu expliquer les raisons de leur
11 départ, ou non ?
12 R. Oui. On nous a dit, et ce, nombre de fois, et c'étaient des Albanais
13 ordinaires, des civils, on leur avait dit que c'était leur obligation
14 patriotique de partir parce que le monde entier les regardait. C'était la
15 grande occasion qu'il devait saisir, l'occasion de faire en sorte que le
16 Kosovo devienne partie d'Albanie, en fin de compte; que l'OTAN était prêt à
17 arriver sur place, et que tous ceux qui n'allaient pas s'exiler
18 n'apportaient pas leur soutien à la cause albanaise.
19 Q. Résumons. Que disaient-ils ? En quoi consistait leur obligation
20 patriotique ? En quoi consistait-elle ?
21 R. On leur a dit -- ils ont dit qu'on leur avait dit que c'était le
22 message des leaders de l'UCK qu'ils devaient s'exiler, qu'ils devaient
23 partir du Kosovo, qu'on devait voir qu'ils partaient du Kosovo, que c'était
24 cela leur devoir patriotique.
25 Q. Au départ, lorsque vous avez énuméré les raisons pour lesquelles ils se
26 sont enfuis, vous avez dit qu'ils fuyaient avant tout, au premier chef, le
27 bombardement. Vous ai-je bien compris ?
28 R. Je ne crois pas que c'est au premier chef et en tout premier lieu. De
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1 manière générale, l'impression que j'avais avant que je n'arrive dans la
2 province, et cela, sur la base de ce que m'avaient dit les journalistes qui
3 étaient bien informés, et bien que certains Albanais de souche, en
4 particulier dans la région de Pristina, avaient fait l'objet de pressions
5 pour partir, et que cette pression avait été exercée par des Serbes. Quand
6 j'y suis arrivée, l'impression que j'ai eue, est que cela -- il y avait
7 beaucoup, beaucoup d'Albanais de souche encore au Kosovo quand j'y suis
8 arrivée, donc qu'ils avaient des réticences. En fait, ils avaient peur des
9 bombardements, ils avaient peur de l'UCK. En réalité, ils ne voulaient
10 vraiment pas quitter leur foyer mais ils voulaient se mettre en sécurité
11 loin des bombardements. En particulier, cela s'applique à ceux qui vivaient
12 près des installations qui étaient des cibles très recherchées, par exemple
13 les stations d'essence, des entrepôts ou des ponts.
14 C'était le commun des mortels qui, simplement, était pris en tenaille entre
15 toutes ces forces, les bombardements, l'UCK, les combats qui s'étaient
16 récemment produits entre les Serbes et l'UCK, donc tout cela. Ils se
17 sentaient victimes de tout cela.
18 Q. Si vous deviez établir une échelle de priorité pour ce qui est des
19 raisons pour lesquelles ces gens ont quitté le Kosovo ? Quelles seraient
20 les priorités sur cette liste de raisons, d'après ce que vous avez appris
21 dans les entretiens avec eux ou d'après ce que vous avez vu de vos propres
22 yeux ?
23 R. Pendant que j'étais sur place, en premier lieu, il m'a semblé que
24 c'étaient les craintes qu'ils éprouvaient devant les dirigeants de l'UCK.
25 Mais tout de suite après viendraient la peur de se faire tuer ou blesser
26 dans les bombardements. Je souligne encore une fois que cela concerne la
27 période où j'étais là.
28 Q. C'est précisément cette période-là qui m'intéresse. C'est là-dessus que
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1 je vous pose mes questions puisque vous déposez sur ce que vous avez pu
2 voir personnellement.
3 D'après ce que vous avez remarqué personnellement, est-ce que ces
4 craintes des bombardements étaient justifiées ou non ?
5 R. Sans aucun doute, je dirais qu'elles étaient justifiées. Vers le milieu
6 et la fin du mois de mai, les bombardements s'intensifiaient tous les
7 jours. Progressivement, on a affaibli les communications serbes et leurs
8 équipements antiaériens. Non seulement les bombardements semblaient être
9 intensifiés, mais les avions de l'OTAN pouvaient voler plus bas lorsqu'ils
10 larguaient les bombes. Par la suite, l'OTAN a dit qu'il cherchait à
11 minimiser les dégâts collatéraux, mais en fait, on voyait les avions voler
12 de plus en plus bas. Cela effrayait davantage la population civile. J'ai vu
13 de nombreuses fois -- enfin, bien sûr, personne n'échappait aux
14 bombardements, quelle que soit votre appartenance au Kosovo, on a vu
15 beaucoup de civils morts et blessés, de nombreuses maisons appartenant aux
16 particuliers qui ont été bombardées par l'OTAN et ce, sans cesse. Par
17 exemple, il y avait des pâtés de maisons près de l'entrepôt de Jugopetrol,
18 en bordure de Pristina, qui étaient touchés pratiquement toutes les nuits.
19 Ce n'était que des ruines au bout de deux semaines. Les gens essayaient de
20 se cacher dans les caves et même dans ces caves, on n'était pas à l'abri
21 des bombardements. On n'estimait pas qu'on était en sécurité.
22 On a vu des maisons qui ont été détruites à Kosovska Mitrovica, des
23 gens qui ont été blessés. A Gnjilane, nous sommes arrivés en ville au
24 moment où il y a eu une campagne de bombardements. La cantine de l'école a
25 été touchée. Les femmes qui travaillaient là ont été blessées.
26 Tout cela se passait tous les jours, donc la population civile était
27 très effrayée.
28 Q. Une petite digression, si vous le permettez. D'après ce que vous
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1 saviez, est-ce qu'il y avait des membres d'autres groupes ethniques qui
2 s'enfuyaient du Kosovo ? Pour dire autrement, qui quittaient le Kosovo ?
3 R. De première main, je ne l'ai pas observé. Je sais qu'il y avait des
4 Serbes qui ont essayé de partir, des Albanais de souche. J'ai vu un nombre
5 très restreint de Rom. La seule fois où j'ai vu un nombre plus important de
6 ces groupes minoritaires, c'était près de Prizren, après qu'il y ait eu le
7 bombardement du convoi où j'étais. Ces gens n'essayaient pas de partir à ce
8 moment-là, mais je pense -- enfin, ils étaient dans un village dans les
9 montagnes, ils n'étaient pas près des cibles importantes, donc il m'a été
10 difficile d'apprécier ce qu'il en était des autres minorités.
11 Q. Est-ce que vous avez vous-même pu observer quelque chose directement ?
12 Vous vous êtes trouvée sur place où ces civils ont été bombardés;
13 personnellement, est-ce que vous avez vécu une expérience directe des
14 bombardements ?
15 R. Je faisais partie d'un groupe de journalistes occidentaux près de
16 Prizren lorsque les deux voitures à bord desquelles on se déplaçait ont été
17 touchées par des bombes de l'OTAN. Notre chauffeur a été tué et nous avons
18 été légèrement blessés. Nous avons eu de la chance parce qu'il y avait un
19 berger -- il y avait cinq bombes qui sont tombées sur une petite route de
20 montagne et il a été très difficile de partir parce qu'il y avait un ravin
21 d'un côté, et puis il y avait un rocher de l'autre. Le berger l'a dit à un
22 groupe de membres de la JNA qui se retrouvait plus haut dans la montagne où
23 il se trouvait, où il gardait ses moutons. Il leur en a parlé. Ces soldats
24 sont venus nous sortir de là. C'était mon expérience la plus directe des
25 bombardements, lorsque notre chauffeur a été tué.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous vous rappelez la date ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 30 mai 1999.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'après vous, qu'est-ce qui était visé
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1 à ce moment-là ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] La route sur laquelle nous étions. C'était
3 vers la fin des bombardements de l'OTAN. Cette route, c'était l'une des
4 routes qui menaient de Prizren vers Djakovica. Ce ne sont que mes
5 spéculations, je suppose que c'était la route. Il y avait deux tunnels sur
6 la route, très près de nous, lorsqu'on a été touchés.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a eu combien d'avions ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Deux.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'ils vous ont survolés
10 plusieurs fois ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Au moins cinq fois.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Madame Prentice, est-ce que vous avez des connaissances plus
15 approfondies en la matière de l'aviation ?
16 R. Je suis pilote amateur, donc j'ai des notions générales. Donc, je sais
17 par exemple ce que veut dire l'altitude. J'ai des notions d'altitude. Par
18 exemple, lorsqu'on nous a attaqués, j'ai pu évaluer que l'avion de l'OTAN -
19 - les avions de l'OTAN n'étaient pas une altitude plus élevée que 1 000 ou
20 2 000 pieds lorsqu'ils ont largué leurs bombes. On n'était pas les seuls
21 civils sur la route. Il y avait d'autres personnes qui les ont vus. Il y
22 avait des personnes âgées qui allaient au marché de Prizren, donc ils ont
23 vu. Ils n'étaient pas si hauts. En tout cas, pas suffisamment hauts pour
24 qu'on ne puisse pas les voir. Ils auraient dû voir, eux, qu'il y avait des
25 gens sur la route lorsqu'ils ont largué les bombes.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ces gens se déplaçaient à pied ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, à pied.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vos véhicules, qu'étaient-ce ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient deux voitures de tourisme. Excusez-
2 moi, je ne me rappelle pas de quel type.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Vous étiez en compagnie de qui lorsque vous avez été touchés, lorsque
5 votre chauffeur a été tué ?
6 R. De Renzo Cianfanelli et de Corriere Della Sera. Il y avait des
7 cameramen portugais, un journaliste reporter d'un des journaux portugais
8 les plus importants, il y avait le chauffeur et un interprète.
9 Q. Vous avez dit qu'un berger s'est trouvé à proximité et qu'il vous a dit
10 qu'il y avait pas loin une Unité de notre armée, et que s'est-il passé ?
11 R. La voiture -- l'une de nos voitures s'est trouvée complètement détruite
12 par une des bombes et l'autre voiture n'était plus utilisable parce qu'elle
13 était couverte de débris, donc, on était vraiment bloqué -- piégé. Au bout
14 d'une demi-heure, on a vu deux voitures Jugo arriver sur place et il y
15 avait deux soldats de l'armée yougoslave qui nous ont remorqués, qui nous
16 ont tirés de ces différents endroits où on essayait de se mettre à l'abri
17 des bombes. On était soit dans le lit du petit ruisseau, deux autres
18 personnes dans le tunnel, un groupe vers la rivière, il y -- on ne savait
19 pas où était le cameraman de la télévision portugaise, et ces gens, donc
20 ces Yougoslaves étaient à bord des voitures Jugo, c'était des petites
21 voitures, ils nous ont emmenés de là, ils nous emmenés dans un village où
22 on a pu nettoyer nos blessures, panser nos écorchures, nos bleus. Ils
23 avaient un petit hôpital improvisé, un militaire -- enfin une sorte de
24 clinique -- d'infirmerie. Ils nous ont donné à manger et, 36 heures plus
25 tard, lorsque les bombardements se sont atténués, ils nous ont ramenés à
26 Pristina.
27 Donc, nous sommes arrivés à Pristina et là, on nous a demandé de faire une
28 conférence de presse, et la BCC avait été en contact très étroit avec le
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1 centre de presse serbe de Pristina parce qu'ils se sont demandés ce qui
2 nous était arrivé. Il est évident qu'on avait disparu et on nous a dit, en
3 fait, que l'information, qui avait été donnée par le temps de Bruxelles,
4 c'était qu'il n'y avait pas eu de bombardements dans cette zone et que,
5 probablement, on avait été attaqué par des forces serbes. On a tenu une
6 conférence de presse pour corriger la presse donnée.
7 Q. Etait-ce une impression seulement, ou si le temps diffusait
8 l'information selon laquelle il n'y avait pas eu de bombardements par les
9 avions de l'OTAN et que les forces serbes vous avaient attaqués. Ils ont
10 estimé que -- enfin pendant cinq ou six ans, vous avez été portés
11 disparus ?
12 R. Nous n'avons pas pu prendre contact avec nos journaux ou médias
13 respectifs ou qui que ce soit d'autre pendant 36 heures ou plus. Donc, nous
14 sommes disparus pendant cette période-là, et lorsque nous avons pris
15 contact avec eux, ils ont posé des questions. Lors des conférences de
16 presse tenues par l'OTAN à Bruxelles, lorsqu'ils posaient des questions,
17 l'OTAN a dit qu'il n'y avait pas eu de bombardements de l'OTAN dans la zone
18 où on nous a vus pour la dernière fois, donc, sur cette route qui mène vers
19 Prizren et que d'après ce qu'il supposait, on avait été touché par les
20 forces serbes.
21 Je ne peux pas parler au nom des proches des autres personnes. Quant à ma
22 famille à moi, mon père est membre de la Chambre des Lords, donc, il était
23 en contact avec toutes les personnes qu'il pouvait contacter au ministère
24 des Affaires étrangères parce que, de toute évidence, il a été très inquiet
25 lorsqu'il a vu que nous étions disparus. On lui a dit, non pas par
26 l'entremise -- pas à la conférence de presse, mais on lui a dit
27 qu'apparemment, on avait été touché par les forces serbes.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Prentice.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes arrivée à la conclusion
3 que vous étiez touchés par l'avion de l'OTAN -- par des avions de l'OTAN.
4 Qu'est-ce qui vous permet de savoir que c'était des avions de l'OTAN ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais de manière très claire, on l'a vu. Le
6 cameraman, qui a été soufflé vers la rivière, le cameraman portugais,
7 jusqu'à ce qu'il soit soufflé, il avait sa camera qui s'est cassé après.
8 Non seulement j'ai pu le voir de mes propres yeux, mais, par la suite, j'ai
9 regardé une vidéo qui a été ramenée à Pristina. Encore une fois, la
10 télévision portugaise a diffusé ces images et les avions étaient vraiment
11 bien visibles -- distinctement visibles. Je pouvais pratiquement lire les
12 chiffres sur la queue.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes capable de distinguer un
14 avion de l'OTAN de celui de l'avion serbe ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, à ce moment-là de la guerre, les avions
16 serbes ne volaient pas. C'était des avions de combat rouges, ils volaient
17 très bas, et ils étaient en train de larguer des bombes sur cette route qui
18 était un point stratégique, je pense cela semble évident. Enfin, je ne peux
19 pas imaginer pourquoi, enfin, toujours est-il que c'était inconcevable que
20 ce soit des avions serbes parce que les avions serbes ne décollaient pas, à
21 ce moment-là, dans cette partie du Kosovo.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Vous venez de dire qu'un journaliste portugais est parvenu à filmer ce
25 bombardement, et que cela a été diffusé à la télévision portugaise. Est-ce
26 que la BBC a fait de même ?
27 R. Non.
28 Q. Avez-vous une explication à ce fait ? Est-ce que vous vous êtes demandé
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1 pourquoi cela n'avait pas été le cas ?
2 R. J'ai eu personnellement l'impression que, dès qu'ils ont su que nous
3 étions saints et sauf le fait que nous avions été touchés par des avions de
4 l'OTAN et sauvés par des militaires serbes, ne justifie pas une couverture
5 supplémentaire de l'événement. La BBC a, effectivement, donné une
6 couverture de notre conférence de presse, le lendemain, lors de l'émission
7 Today, le matin après notre retour à Pristina, mais c'est tout ce qui a été
8 rapporté de cet incident.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Prentice, est-ce que le Times
10 en a parlé ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Donc, c'était, en fait, de
13 notoriété publique au Royaume Uni ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Moi-même j'ai écrit à ce sujet dans le
15 Times.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. Peut-on dire qu'en dehors du fait que vous étiez victime d'un
19 bombardement de l'OTAN, votre chauffeur a été tué, vous-même avez été
20 blessée. Peut-on dire que vous avez été victime dans une certaine mesure de
21 la propagande anti-serbe ? Oui ou non ?
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je ne comprends
23 pas du tout cette question. Où voulez-vous en venir ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que le témoin comprend très bien la
25 question puisqu'elle nous a dit de manière tout à fait claire --
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Vous ne pouvez pas poser cette
27 question.
28 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Madame Prentice, en tant que journaliste professionnelle, en tant
2 qu'intellectuelle, pouvez-vous nous dire si, selon vous, on pouvait parler
3 de l'existence ou de la non-existence pendant toute cette période d'une
4 propagande anti-serbe en occident ou à l'Ouest ?
5 R. Dès le début des années 1990, j'ai pris conscience du fait que
6 certaines expressions sont les -- être utilisées par les dirigeants
7 occidentaux pour écrire tous les conflits de l'ex-Yougoslavie. On parlait
8 des victimes innocentes qui étaient attaquées par les Serbes qui étaient
9 coupables, et il y avait deux expressions, en particulier, qui ont été
10 utilisées de manière très efficace dans ce sens. La première expression
11 c'était celle de "nettoyage ethnique," qui était employée pratiquement sans
12 exception lorsqu'on parlait des activités des Serbes et qui renvoyait --
13 c'était d'ailleurs l'objectif -- renvoyait immédiatement la nation des
14 camps Nazis et des camps d'extermination Nazi; et l'autre expression
15 c'était celle de "la Grande-Serbie" pour désigner les Serbes.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, mettons qu'il y
17 ait eu, effectivement, une campagne de propagande anti-serbe à l'ouest;
18 dans quelle mesure cela a-t-il un rapport avec l'acte d'accusation ?
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il faut que je vous dise, Monsieur Robinson,
20 que cet acte d'accusation dans son intégralité est justement un exemple de
21 cette propagande anti-serbe, mais, dans la version la plus kitsch du genre,
22 avec tout ce qui vient d'être dit, on voit que M. Nice et ses
23 collaborateurs ont établi un acte d'accusation sur la base d'émissions de
24 télévision et sur la base des racontars des ennemis des Serbes. C'est tout
25 ce qu'on trouve dans l'acte d'accusation du début à la fin.
26 Je suis en train d'interroger un témoin extrêmement compétent, l'une des
27 seules journalistes honnêtes et qui vient de Grande-Bretagne -- de sol
28 journaliste occidentale respectable -- de lui demander ce qu'elle sait.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce type d'observation est tout à fait
2 hors de propos.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, pourriez-vous
4 intervenir ?
5 M. KAY : [interprétation] Il s'agit d'une question de crédibilité. C'est ce
6 dont est en train de parler l'accusé. La Chambre a entendu l'essence de la
7 thèse de l'Accusation, qui a pris une position bien précise s'agissant des
8 bombardements de l'OTAN et de l'attitude du gouvernement serbe.
9 L'Accusation a présenté ses éléments de preuve en nous disant que le
10 gouvernement serbe avait un plan de perpétration de tous ces actes. La
11 Chambre a entendu des témoins internationaux, des hommes politiques, des
12 généraux tel que Wesley Clark, dont on peut dire du côté de la Défense que
13 c'était dans leur intérêt de justifier des actes qui avaient leurs actions
14 et qui ont pu présenter leur vision des choses de manière à manipuler
15 l'opinion publique pour la convaincre du bien fondé de leurs actions. Voilà
16 ce qui explique l'intervention de l'accusé, dans ce sens, il essaie avec ce
17 témoin qui est journaliste de traiter de cette question.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous parlez de crédibilité de l'acte
19 d'accusation dans son ensemble --
20 M. KAY : [interprétation] Oui, oui, à cause de la -- de cela, ainsi que de
21 la présentation des éléments de preuve par l'intermédiaire de plusieurs
22 témoins, donc on va toujours dans une certaine direction.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, Maître Kay, même si on estime,
24 on conclut que l'acte d'accusation, comme -- est complètement fantaisiste,
25 comme nous l'affirme l'accusé, la façon de le démontrer -- de démontrer son
26 inexactitude c'est d'enquêter sur les faits de trouver des éléments par
27 l'intermédiaire de témoins qui ont vécu ces faits eux-mêmes. Je comprends
28 très bien que l'Accusation a parfois eu un comportement semblable à celui
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1 qu'à la Défense au sujet, peut-être. Mais cela ne justifie en rien ce qui
2 se passe actuellement, et les Juges de la Chambre souhaitent obtenir des
3 faits et estimeraient beaucoup plus utile de voir l'accusé interroger le
4 témoin au sujet de son expérience personnelle sur le terrain.
5 Par exemple, nous n'avons pu savoir quelle était sa véritable expérience en
6 Albanie, où elle se trouvait à combien de reprises, est-ce qu'elle était la
7 frontière ? Est-ce qu'elle a vu les gens se déplacer ? Je ne dispose
8 d'aucune information de base sur ce point qui peut me permettre d'évaluer
9 de manière réaliste la déposition de ce témoin. Ce n'est pas de sa faute à
10 elle.
11 M. KAY : [interprétation] Oui, j'espère que c'est clair. Le témoin vient de
12 nous parler de son expérience personnelle, mais il est possible qu'il y est
13 plus de détail maintenant -- et le témoin vous ayant entendu, elle pourra
14 peut-être vous donner ces renseignements --
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puis, il faut savoir que le témoin
16 n'est là qu'aujourd'hui, il faut en être conscient et il faut utiliser le
17 temps qui nous est imparti de manière adéquate. Je ne pense pas que ce soit
18 ce que fasse l'accusé, et je pense que c'est très perturbant pour le
19 témoin.
20 M. KAY : [interprétation] [hors micro]
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] [hors micro]
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, les Juges de la
24 Chambre souhaitent se concerter.
25 [La Chambre de première instance se concerte]
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous allons vous
27 autoriser à poser votre question, mais il convient qu'après toutes ces
28 informations d'ordre générale vous passiez vitre aux faits et vous fassiez
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1 bonne usage du temps limité qui vous a été accordé.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, si le fait que le témoin
3 elle-même a été victime d'un bombardement et a vu son chauffeur tué -- si
4 cela est d'ordre général --
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passez à autre chose.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Madame Prentice, nous étions en train de parler de la propagande anti-
8 serbe. Qui était ceux qui en étaient les principaux auteurs ? Est-ce qu'il
9 s'agissait d'hommes politiques ou de journalistes ?
10 R. Ceux qui en étaient à l'origine, c'étaient les hommes politiques de
11 l'ouest et les généraux de l'Oustachi, mais je dirais aussi qu'il y a
12 beaucoup trop de journalistes qui ont apporté de l'eau au moulin à cette
13 campagne en ne s'interrogeant pas suffisamment sur les affirmations faites
14 par les hommes politiques occidentaux, et je crois d'ailleurs que certains
15 journalistes se sont rendus victimes de collusion dans les tentatives
16 entreprises pour présenter le conflit en Bosnie d'abord et au Kosovo
17 ensuite, de manière aussi manichéenne, avec d'un côté les coupables et de
18 l'autre les innocents, comme si d'un côté on avait des victimes
19 complètement désarmées, et de l'autre côté les Serbes, qui étaient armés et
20 qui avaient commis tous les meurtres et toutes les destructions.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous nous donner des exemples
22 de journalistes qui se soient rendus coupables de collusion pour ce qui est
23 du Kosovo ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux continuer à y réfléchir --
25 en attendant est-ce qu'on peut me poser d'autres questions ?
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Tout à fait.
27 M. MILOSEVIC : [interprétation]
28 Q. Justement sur ce point, je peux peut-être vous donner une assistance.
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1 Il est question, par exemple, lorsqu'un dirigeant occidental fait des
2 déclarations.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Faites attention à ne pas poser de
4 questions directrices au témoin.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais ce n'est pas une question directrice de
6 demander au témoin, par exemple, si elle se souvient d'un exemple où un
7 dirigeant occidental a déclaré que les Serbes avaient commis des crimes
8 contre l'humanité, alors que selon son opinion objective, cela n'est pas
9 vrai.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est des dirigeants occidentaux, on
11 peut penser, par exemple, au Président Clinton et à son porte-parole chargé
12 de la Défense, William Cohen, ils ont répété à plusieurs reprises, en
13 février et au début mars 1999, qu'ils disposaient d'éléments montrant qu'il
14 y avait 100 000 Albanais de souche dont on pensait qu'ils avaient été tués
15 à l'époque par les forces serbes au Kosovo, et que dès que l'OTAN pourrait
16 se rendre sur place et enquêter avec les Nations Unies, on pourrait en
17 apporter la preuve, et qu'on pouvait même presque parler de génocide dans
18 cette région. Au bout du compte, les Nations Unies, d'après ce que je sais
19 aujourd'hui, ont permis d'établir le décès de quelque 2 800 personnes, et
20 il ne s'agissait pas pour tous d'Albanais de souche. Certaines de ces
21 personnes sont décédées lors des bombardements apparemment.
22 Je dois dire que, si on a fait croire à l'opinion publique qu'il y avait eu
23 100 000 morts, cela a permis aux hommes politiques occidentaux d'obtenir le
24 soutien à la campagne qu'ils étaient en train de mener. Ce soutien a été
25 plus fort que si on avait su qu'il s'agissait en réalité de 2 800
26 personnes.
27 Permettez-moi de revenir à la question du journalisme. Un exemple : la
28 chaîne CNN et la BBC ont beaucoup parlé et ont accordé beaucoup de place à
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1 l'antenne à un événement au cours duquel on a vu un groupe de ce qui
2 semblait être des réfugiés qui passaient en Albanie. Je crois que c'était
3 au cours de la deuxième semaine de mai. Il s'agissait pour l'essentiel de
4 femmes et d'enfants. Ils ont longuement été interviewés par la BBC et par
5 CNN. Ces gens ont raconté que les hommes avaient été enlevés et tués. Le
6 lendemain
7 même, un nombre équivalent d'hommes qui venaient du même village sont
8 passés en Albanie au même endroit. Je crois que c'est la BBC et pas CNN
9 qui, à ce moment-là, leur a demandé s'ils venaient du même village que les
10 femmes et les enfants de la veille. Effectivement, c'était le cas. Mais au
11 lieu de dire à ce moment-là à l'antenne qu'en fait il n'y avait pas eu de
12 massacre, que les hommes de ce village n'avaient pas été massacrés, les
13 journalistes les ont ensuite décrits comme "des morts vivants."
14 Voilà le genre de choses auxquelles je pense.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Madame Prentice, vous nous avez dit que vous avez reçu l'aide de
18 militaires de l'armée yougoslave. Je ne veux pas vous interroger plus avant
19 sur ce point. Mais si on parle du comportement des militaires et de la
20 police, je voudrais savoir, autant que vous le sachiez, quelle était
21 l'attitude de l'armée et de la police envers les civils ?
22 R. Nous sommes restés quelque 36 heures dans un village, après la mort de
23 notre chauffeur. Ce village, il était habité en grande partie par des gens
24 d'origine turque, ainsi que quelques Rom. J'ai été très étonnée de voir la
25 manière dont se faisait la cohabitation des habitants du village et des
26 unités de l'armée yougoslave, une co-habitation tout à fait facile,
27 décontractée. Il y avait beaucoup d'entraide entre eux. Les villageois leur
28 donnaient des légumes, à ces membres des unités de l'armée yougoslave. Les
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1 soldats, quant à eux, leur donnaient des cigarettes et d'autres choses que
2 les habitants du village ne pouvaient pas se procurer facilement.
3 Nous avons été invités à plusieurs reprises chez les gens, dans leur
4 maison. On nous a servi du thé. On nous a laissé nous laver là parce que
5 l'Unité de l'armée yougoslave utilisait une ferme désaffectée où il n'y
6 avait pas de courant électrique, même s'il y avait là un émetteur radio --
7 enfin, il n'y avait pas d'électricité pour cuisiner. Si bien que les
8 habitants du village, très gentiment, nous ont laissé utiliser ce qui leur
9 servait de salles de bain, en fait c'étaient des installations extrêmement
10 rudimentaires. Il était manifeste qu'il n'y avait pas de militaires dans
11 ces maisons. Ils semblaient être tout à fait à l'aise et pas du tout gênés
12 de voir la JNA installée dans le village.
13 Cela représentait un contraste très fort avec ce que j'avais vu quand
14 j'étais encore à Belgrade ou ce que j'avais entendu dire au sujet de ce qui
15 se passait à Kosovo. C'était fort surprenant.
16 Q. Où est-ce que vous avez vu cela, à Belgrade, ce dont vous parlez ?
17 R. Pardon, j'ai vu quoi --
18 Q. Vous dites que ce que vous avez vu sur place de vos yeux était
19 contradictoire avec ce que vous aviez vu à Belgrade.
20 R. Oui, en fait, je parle de ce que j'ai vu à la télé en regardant CNN et
21 la BBC dans ma chambre de l'hôtel Hyatt, à Belgrade.
22 Q. Merci. Nous n'allons pas égrener les exemples d'autres journalistes. Je
23 me demande si vous pourriez répondre à la question suivante : est-ce que
24 votre rédaction, celle du Times de Londres, vous a demandé des informations
25 au sujet des relations entre l'armée, la police, les autorités et la
26 population civile albanaise ?
27 R. Ce qui paraissait dans le Times au sujet du conflit, cela venait de
28 journalistes qui, à mon exception, n'étaient pas au Kosovo et n'étaient pas
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1 non plus en Serbie. Ces journalistes se trouvaient en Albanie, en Macédoine
2 et au Monténégro. J'étais la seule à avoir vu les choses de mes yeux
3 puisque j'étais au Kosovo pour le Times. Bien entendu, au Times, on voulait
4 savoir ce qu'il advenait des Albanais de souche, des Albanais du Kosovo, et
5 puis aussi ce qu'il en était de la population non-serbe sur place.
6 Comme je me déplaçais, j'étais constamment en route tous les jours et
7 je me suis rendue dans la plupart des régions du Kosovo. Il m'est apparu
8 clair que les reportages que j'envoyais depuis le cœur du Kosovo
9 divergeaient quelque peu des papiers qui étaient envoyés par mes confrères
10 qui, eux, se trouvaient en Albanie, au Monténégro et en Macédoine.
11 Q. Est-ce qu'on vous a demandé de faire des articles sur ce que vous aviez
12 vu sur place, ce que vous aviez observé. Est-ce que vous avez fait des
13 papiers là-dessus ? Est-ce que cela a donné lieu à des articles qui ont été
14 publiés dans le Times ?
15 R. Oui. Effectivement, j'écrivais sur ce que je voyais. Effectivement, il
16 y a des articles. Cela a été publié dans le Times. A deux ou trois
17 reprises, j'ai écrit des articles au sujet des civils serbes qui avaient
18 essayé de se protéger des bombardements, qui s'étaient mis à l'abri. Je ne
19 sais pas si c'est suite à une décision de la rédaction, mais en tout cas,
20 cet article, il n'a pas été publié. Je ne peux m'empêcher de penser --
21 enfin, il est indéniable que régnait un vague sentiment selon lequel les
22 souffrances serbes éloignaient un petit peu la tension de l'essentiel de
23 tout ce qui se passait là et qu'on estimait être les souffrances des
24 Albanais de souche.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous écrivez toujours
26 pour le Times ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en tant que pigiste. A l'époque,
28 j'appartenais à la rédaction.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous des raisons de penser que
2 les autres, ceux qui écrivaient aussi des articles, mais qui n'étaient pas
3 au Kosovo, étaient induits en erreur ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que 90 % d'entre eux écrivaient leurs
5 articles de manière tout à fait sincère, qu'ils étaient victimes des
6 informations ou pas. Je ne sais pas. J'ai des raisons de penser qu'à
7 certains moments, il y a certaines contrevérités qui ont été publiées.
8 Ainsi, par exemple, on a écrit des articles au sujet de la mort d'un
9 certain groupe de personnes, alors qu'il n'y a pas eu de tels massacres.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'imagine que ces informations, vous
11 les tenez de seconde main, n'est-ce pas ? Je ne suis pas en train de vous
12 critiquer. Je vous pose une question factuelle.
13 LE TÉMOIN : Oui, c'était un fait.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] L'incident auquel je pense -- parce que je
16 n'étais pas là, mais il a été écrit qu'on avait entendu en Serbie le
17 survivant d'un massacre qui aurait eu lieu. Mon collègue, en l'occurrence,
18 qui parle couramment serbo-croate -- en fait ce qu'a dit cet homme, au lieu
19 de dire : "Mon pauvre père a été tué," c'était que "mon père meurt." En
20 fait, là, il y a eu un article ou des faits qui ont été rapportés de
21 manière erronée à cause d'une mauvaise interprétation. En tout cas, cela ne
22 collait pas.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Revenons à l'incident des femmes et
24 des enfants qui traversaient la frontière et qui affirmaient que les hommes
25 du village avaient été tués, et au fait qu'en réalité, on a ensuite vu ces
26 hommes bien vivants.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je les ai vus.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce sont deux reportages de la
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1 télévision dont vous avez parlé, n'est-ce pas, qui se contredisaient ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je les ai vu quitter le territoire. Ensuite,
3 j'ai vu ce qu'on en a montré à la télévision. J'ai vu l'arrivée, à la
4 télévision, des femmes et des enfants.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien entendu, je n'étais pas de l'autre côté.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez donc vu les femmes et les
8 enfants partir ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas les hommes.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez vu les femmes et les
11 enfants ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Hm-hm.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Madame Prentice, vous nous avez dit que tous vos confrères se
16 trouvaient en Albanie, en Macédoine, au Monténégro, que vous étiez la seule
17 correspondante de votre journal au Kosovo. Vos confrères qui se trouvaient
18 en Albanie, en Macédoine, au Monténégro, d'où tenaient-ils leurs
19 informations ?
20 En partant du principe et du présupposé que ce sont tous des journalistes
21 intègres qui écrivent des articles tout à fait sincères. Qui a pu leur
22 communiquer ces informations ?
23 R. Je ne peux pas l'affirmer avec certitude parce que je n'étais pas avec
24 eux, mais d'après les articles qu'ils ont écrit, il me semble clair que
25 leurs informations, ils les tenaient de ceux qui quittaient le Kosovo, qui
26 fuyaient le Kosovo. Donc, il s'agissait essentiellement d'Albanais du
27 Kosovo et de tous ceux qui traversaient la frontière. Les informations, ils
28 les tenaient également de réunions d'informations, de briefings de l'OTAN à
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1 Bruxelles, ainsi que d'informations fournies dans les capitales
2 occidentales par les gouvernements.
3 Q. Je crois que cela est maintenant suffisamment clair. D'après notre
4 conversation, j'en suis arrivé à la conclusion que vous êtes également
5 allée au village de Rekane. Il me semble que vous en avez parlé.
6 R. Effectivement. C'est dans ce village qu'était cantonnée l'unité de
7 l'armée yougoslave, là où se trouvaient en majorité des habitants qui
8 étaient Turcs de souche.
9 Q. Est-ce qu'il y avait des Albanais dans ce village ? Est-ce que la
10 plupart des habitants étaient d'origine turque ou Rom ? Est-ce qu'il y
11 avait des Albanais parmi les habitants ?
12 R. C'étaient surtout des habitants d'origine turque ou rom. Je ne pense
13 pas avoir vu d'Albanais de souche dans ce village de Rekane.
14 Q. M. Bonomy indique qu'il fallait établir de façon plus précise les
15 endroits où vous vous êtes trouvée au Kosovo-Metohija. Vous avez parlé de
16 plusieurs endroits aussi, d'Orahovac, Podujevo, n'est-ce pas ? Pristina,
17 Prizren, vous l'avez dit ?
18 R. Oui. Chaque jour, au moins moi-même, un ou deux autres journalistes, le
19 chauffeur, l'interprète, nous nous mettions en route. Si on avait entendu
20 dire qu'il y avait eu beaucoup de bombes ou de bombardements à tel ou tel
21 endroit pendant la nuit, nous y allions. Si nous étions à Prizren, ou du
22 moins si nous avions essayé d'aller à Prizren - c'est ce que nous faisions
23 lorsque notre convoi a été attaqué - c'était pour voir des gens qui avaient
24 survécu, de convois dont on avait beaucoup parlé, qui avaient été touchés
25 par l'OTAN. Apparemment, ces personnes avaient été emmenées à Prizren.
26 Voici quel était notre mode de fonctionnement. Le matin, on décidait
27 de la partie du Kosovo qui allait nous fournir le plus de matière à
28 nouvelles, à informations, qui nous permettrait de révéler ce qui se
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1 passait. Mais bien souvent -- vous savez, le Kosovo n'est pas bien grand.
2 C'est relatif. Cela veut dire qu'on a pu aller à plus d'un endroit.
3 Parfois, il était même possible d'aborder deux, voire trois facettes du
4 conflit en un jour. On était toujours en déplacement, occupés à interviewer
5 des gens.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'agissant des renseignements que vous
7 avez fournis sur ce qui avait poussé les gens à avoir peur. Est-ce que vous
8 avez passé beaucoup de temps parmi des groupes importants de réfugiés,
9 importants --
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, je vous ai parlé au début des gens
11 qui embarquaient des autocars ou des bus à Pristina. Tous les jours, il y
12 avait beaucoup de gens qui partaient. J'ai parlé aussi à des gens qui de
13 toute évidence, et qui étaient autour de Prizren. J'étais deux fois dans la
14 région de Prizren. J'ai parlé à des groupes importants de gens qui
15 partaient.
16 J'ai parlé aussi à des gens en moins grand nombre, où c'était des
17 petits groupes, mais, en tous cas, c'était des centaines, voire des
18 milliers de personnes chaque fois à Kosovska Mitrovica, les groupes étaient
19 bien plus petits. Je parle des gens qui essayaient de partir, mais il y
20 avait parmi ce gens aussi beaucoup de Serbes.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant la pause de 20 minutes, je
23 voudrais vous demander, Monsieur Milosevic, et à vous aussi, Monsieur Nice,
24 quelle devrait être le reste, tout d'abord pour M. Milosevic, de notre
25 rapport principal. Je pose la question parce que nous avons un témoin qui a
26 attend de poursuivre sa déposition. Si, effectivement, il ne lui sera pas
27 possible de comparaître aujourd'hui, je crois qu'il se sentirait mieux
28 qu'il serait mieux à son hôtel.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est ce que je vous ai dit hier. Je vais
2 essayer de terminer l'interrogatoire principal au cours du volet de
3 l'audience prochain, et M. Nice aura le temps de terminer le contre-
4 interrogatoire, cela devra être assez.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
6 M. NICE : [interprétation] Oui, je suis sûr que cela sera suffisant. Je
7 n'aurais même pas besoin de la moitié du temps pris par M. Milosevic.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pause de vingt minutes.
9 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.
10 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, poursuivez.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Madame Prentice, il y a un instant, vous nous avez expliqué que le plus
14 grand nombre de personnes, qui quittaient le Kosovo, que vous avez
15 rencontrées, à qui vous avez parlé ? C'étaient des gens qui montaient à
16 bord d'autocars à Pristina et à Prizren à diverses occasions ? Vous ai-je
17 bien comprise ?
18 R. Oui.
19 Q. Lorsque vous étiez sur place, lorsque vous avez parlé à ces groupes de
20 gens, lorsque vous les avez vus monter à bord de l'autocar et partir, est-
21 ce que vous avez remarqué si la police ou l'armée ou les deux avaient des
22 activités en rapport avec ces départs ?
23 R. Il y avait un petit nombre de policiers, je n'ai pas vu de soldats. Ces
24 policiers étaient à 15 ou 90 mètres [comme interprété] de ces autocars, ils
25 n'étaient pas tout prêts des autocars.
26 Q. Ces policiers que vous avez vus, est-ce qu'ils ont essayé d'affluer sur
27 ces Albanais qui étaient en grand groupe, qui allaient vers les autocars ?
28 Ou est-ce qu'ils ont donné à entendre ce genre de chose à ces gens ?
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1 R. Je n'ai rien vu de la sorte.
2 Q. Avez-vous vu quoi que ce soit qui pourrait donner à penser que la
3 police ou l'armée se soit mal comporté à l'égard de ces Albanais, à l'égard
4 de ceux qui partaient. Quoi que ce soit qui pourrait suggérer un
5 comportement répréhensible de la part de la police ou de l'armée ?
6 R. Je n'ai pas vu de comportement -- je n'ai pas observé de tel
7 comportement.
8 Q. Vous avez dit que les civils albanais avaient peur de l'UCK. Est-ce que
9 vous pourriez nous donner davantage d'explications. Lorsque vous avez parlé
10 aux civils albanais. Est-ce que vous avez appris pourquoi ces gens avaient
11 tellement peur de l'UCK ?
12 R. A plusieurs reprises, il m'a été donné de voir ou d'entendre de civils
13 albanais, qu'ils avaient été forcés et contraints à partir, ces pressions
14 sur eux pour qu'ils partent. Beaucoup de ces civils étaient, en fait, des
15 femmes, il y avait aussi beaucoup de personnes âgées. Ces gens ont dit que
16 toute la situation les préoccupait beaucoup parce qu'il y avait eu cette
17 guerre, il y avait les bombardements de l'OTAN, et ces gens disaient qu'ils
18 n'aimaient pas qu'on leur dise qu'ils devaient partir du Kosovo.
19 Je crois qu'un bon exemple de cette situation serait celui-ci. J'ai
20 beaucoup interviewé Ibrahim Rugova. Je vous l'ai dit, j'ai eu recours au
21 service pour qu'il me serve d'interprète. Jamais je n'ai vu Rugova en proie
22 à la peur ou accompagné de garde du corps que ce soit avant les
23 bombardements de l'OTAN, donc, dans les années 1980 et 1990, ou pendant ces
24 bombardements de l'OTAN. Fin 1999, je suis retournée au Kosovo. En ce
25 moment-là, il avait au moins 15 gardes du corps, très armés. Alors, je lui
26 ai demandé à lui comme je demandais aux civils : "Pourquoi est-ce que vous
27 avez peur ? Pourquoi est-ce que vous êtes accompagnés de tous ces gardes du
28 corps ?" Il m'a donné une espèce de réponse par l'expression corporelle
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1 qu'il a eu, il a haussé les épaules et cela voulait dire, mais c'est l'UCK.
2 Mais, en fait, je lui suggérais une réponse, mais j'y ai été
3 suffisamment sur place pour savoir ce qu'un haussement d'épaule, ce signe
4 corporel peut signifier. Il était, vous savez, Albanais de source.
5 Q. Est-ce que vous avez des informations expliquant comment l'UCK s'est
6 comporté envers les civils pendant des combats, des batailles, des
7 affrontements avec l'armée ou la police, quand il y avait des combats ?
8 R. J'ai fait beaucoup d'enquêtes, pas à l'époque, mais au cours des
9 semaines qui ont suivi les bombardements de l'OTAN. J'ai passé beaucoup de
10 temps à parler à un médecin de l'armée yougoslave. A ce moment-là, il était
11 devenu personne déplacée parce qu'il était originaire du Kosovo, mais il
12 avait dû fuir son foyer lorsque sa maison avait été attaquée par des
13 Albanais de source au moment où l'OTAN a pénétré au Kosovo.
14 Pendant quelques mois, j'ai passé toutes mes journées à lui poser des
15 questions sur la façon il avait travaillé, et ce, sur qu'il avait vu.
16 Puisqu'il avait été sur la ligne de front, et surtout dans la partie rurale
17 du Kosovo, dans les villages où se sont déroulés la plupart des combats
18 opposant la police des forces yougoslaves plus exactement et l'UCK.
19 Bien sûr, je ne peux pas vérifier ce qu'il me disait parce que je n'étais
20 pas sur les lieux, mais cela semblait bien collé parce qu'il m'a relaté
21 beaucoup d'incidents où lui il faisait partie des effectifs yougoslaves qui
22 avaient été envoyés dans divers villages pour essayer de contenir l'UCK --
23 les forces de l'UCK pour les combattre parce que l'UCK avait des QG dans
24 ces villages et a lui parlé, j'ai compris, ces affrontements se déroulaient
25 dans des villages où se trouvaient des civils. Le village était juste à
26 proximité des lieux de combat, et il était médecin, donc, sa vocation c'est
27 de sauver les vies, mais il m'a dit qu'il était toujours absolument atterré
28 de voir surtout des femmes sur qui on avait tiré. Disons que les forces
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1 yougoslaves se rendaient quelque part, essuyaient des tirs de l'UCK qui se
2 trouvait dans des maisons, dans des bâtiments, les femmes sortaient en
3 courant de l'endroit où on tirait, et il m'a dit qu'il avait vu beaucoup de
4 civils qui avaient été ainsi tués, surtout aussi des femmes âgées, et il
5 m'a dit que les soldats de l'armée yougoslave surtout les jeunes soldats et
6 les jeunes conscrits étaient vraiment désolés de voir qu'en fait, eux
7 pensaient avoir tiré sur des endroits où se cachaient des membres de l'UCK
8 alors que de l'endroit où sur lequel ils tiraient sortaient des civils, et
9 que ces civils avaient été soit blessés soit tués.
10 L'impression que j'ai eu c'est que l'UCK était prête à faire courir des
11 risques à des civils sur ces lieux où se déroulaient des combats.
12 Q. Vous avez été à Gnjilane. Est-ce que vous vous souvenez de l'époque où
13 vous êtes allée ? Quand est-ce que vous y êtes allée ?
14 R. Fin mai 1999.
15 Q. Donc, fin mai 1999, vous étiez à Gnjilane. Est-ce qu'il s'est passé
16 quelque chose lorsque vous étiez à Gnjilane ?
17 R. Il y a eu un bombardement de l'OTAN. Il y avait un grand complexe
18 industriel, des installations industrielles assez conséquentes qui
19 semblaient être la cible de cette attaque de l'OTAN, mais nous avons vu
20 beaucoup de civils qui ont été touchés au cours de cette attaque et
21 beaucoup de dégâts de maisons civiles. Il y avait une cantine. Les femmes
22 qui y travaillaient ont été tuées. Il y avait des travailleurs du bâtiment
23 qui ont été tués, nous les avons vus au cours de cette attaque.
24 Q. Avant ce bombardement, vous, vous êtes arrivée avant ce bombardement --
25 et vous étiez présente pendant le bombardement, n'est-ce pas ?
26 R. Au moment où nous sommes arrivés en ville, l'attaque aérienne -- le
27 bombardement se terminait, ce qui veut dire que nous n'avons pas été
28 présent pendant tout le temps de ce bombardement -- c'était vers la fin que
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1 nous sommes arrivés, et nous avons vu les effets immédiats juste après le
2 bombardement. Les gens étaient toujours dans les débris, dans les
3 décombres, des blessés.
4 Q. Avez-vous pu établir si, mis à part l'effet immédiat qu'a eu ce
5 bombardement, s'il y a eu d'autre dégât à Gnjilane ?
6 R. Non. Les seuls dégâts que nous avons constatés étaient très
7 manifestement le résultat du bombardement aérien. C'est une ville assez
8 petite, je crois que nous avons vu l'essentiel, la plupart des quartiers de
9 la ville.
10 Q. Si je vous pose cette question c'est parce qu'il y a certaines choses
11 dont on ne peut pas douter. Vous étiez là au cours des dix derniers jours
12 du moi de mai. Vous étiez à Gnjilane, vous avez vu les dégâts occasionnés.
13 Dans l'acte d'accusation, au paragraphe 63(i), on dit à partir du 6 avril,
14 il y a eu éviction systématique par la force de la population, on a
15 incendié des maisons, des lieux du culte.
16 Mis à part les dégâts causés par les bombes, est-ce que vous avez vu autre
17 chose qui permettrait de dire que ce qui est dit est effectivement vrai, à
18 savoir que les Serbes avaient incendié des maisons, des lieux du culte ?
19 R. Je n'ai pas vu de dégât de ce genre. Je n'ai pas vu de commerce qui
20 aurait été brûlé ou de monument ou de lieu du culte ou église ou mosquée,
21 pas du tout. Il y avait bien quelques commerces qui avaient été fermés,
22 mais ils n'étaient pas endommagés. Il y avait simplement un panneau qui
23 disait voilà le propriétaire est parti. J'ai vu ce genre d'indication sur
24 une demi-douzaine de commerces, mais je n'ai pas vu de dégât provoqué par
25 l'incendie, par le feu.
26 Q. Est-ce que vous avez été à Istok lorsqu'il y a eu des blessés dans la
27 prison de Dubrava ?
28 R. Je suis bien allée à Istok, mais j'y suis allée quelques heures plus
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1 tard, quelques heures après la survenue de cet incident. Les collègues avec
2 qui je me déplaçais étaient repartis à Pristina. Moi-même aussi, on avait
3 été faire une autre mission et on nous a dit qu'on avait bombardé la prison
4 d'Istok. Je vous ai dit que la plupart des journalistes, qui se trouvaient
5 à Pristina, étaient partis quelques heures auparavant.
6 Nous, nous y sommes arrivés, les journalistes, qui se trouvaient déjà
7 sur place, nous ont dit qu'ils avaient vu des avions de l'OTAN bombardent
8 la prison. Nous, ce que nous avons vu, ce sont des murs de la prison qui
9 avaient subi des dégâts considérables. Cela ressemblait vraiment à quelque
10 chose qui avait été bombardée non pas du sol, mais de l'air.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous vous souvenez du jour de
12 cette visite ? Quelle en était la date ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai écrit quelque part. J'ai cela sous la
14 main juste maintenant. Mais -- 20, le 22, le 23 mai --
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'était quel jour de la semaine ? Est-ce
16 que vous vous en souvenez ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, malheureusement pas. Vous savez, chaque
18 jour a fini par ressembler à un autre.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce qui m'intéresse c'est que vous
20 dites : "Oui, un bombardement ou ce genre d'événement."
21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est parce que tout ce qu'ils nous disaient,
22 c'était : "Il faut vraiment que vous alliez à Istok parce qu'il s'y est
23 passé quelque chose." Mais on ne savait pas ce qui s'était passé. Tout le
24 monde semblait être parti à Istok parce qu'il s'était passé quelque chose
25 et ce genre de chose s'est seulement produit.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que les prisonniers y étaient
27 encore ou est-ce qu'ils avaient été évacués ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ils étaient là.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, vous y étiez avant l'évacuation
2 des prisonniers ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Est-ce que vous vous trouviez à Nis pendant le bombardement de Nis ?
7 R. Oui. Mais je ne sais pas plus quand cela s'est passé. Je pense que
8 c'est le jour du bombardement de l'ambassade de Chine. C'est pour cela que
9 je m'en souviens. Je pense que c'était le 5 mai. Aussi, apparemment, l'OTAN
10 avait pris pour cible l'aéroport, mais il y avait beaucoup de bombes à
11 fragmentation qui avaient été larguées et qui avaient touché, à un marché
12 et dans une zone d'habitation. Il y avait beaucoup de rues pavées qui
13 n'avaient été détruites, mais on avait l'impression qu'il y avait eu, en
14 fait, des rafales tirées par une mitrailleuse lourde. En fait, c'était
15 l'effet des bombes à fragmentation. J'ai compté au moins 30 cadavres dans
16 les rues et il y en avait encore 30. Après une heure, nous sommes allés à
17 l'hôpital pour voir ce qui s'y passait. Il y avait quelques ambulanciers
18 qui avaient été tués. Dans le périmètre de l'hôpital, il y avait au moins
19 encore 30 personnes grièvement blessées à l'intérieur de l'hôpital.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je pensais effectivement que vous
21 vous trouviez là au cours de cette période. Mais est-ce que vous n'avez pas
22 dit que vous étiez là au cours de la deuxième quinzaine du mois de mai, au
23 début juin ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis allée au Kosovo pratiquement aussitôt.
25 Je crois que j'ai été au Kosovo à partir du 8, du 9 ou du 10 mai jusqu'au
26 15 au 16. De surcroît, je suis allée renouveler mon visa à Belgrade et je
27 suis repartie pour la deuxième quinzaine de mai et le début du mois de
28 juin, au Kosovo.
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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Donc, vous étiez à Prizren aussi bien dans la première quinzaine que
3 dans la deuxième quinzaine de mai ?
4 R. Oui. J'ai effectué deux visites. Lors de chacune de ces deux visites au
5 Kosovo, je suis allée à Prizren, effectivement.
6 Q. Chaque fois que vous êtes allée au Kosovo, vous allez à Prizren. En
7 effet, je l'ai noté. Vous avez dit que vous étiez là, le 10, le 12, le 30,
8 ces jours-là, vous étiez à Prizren ?
9 R. Oui, à peu près. Je ne me souviens plus si cela s'est passé le 10 ou le
10 12. C'étaient vers ces dates-là, en tout cas, et le 29 et le 30. Le 30,
11 j'en suis sûr parce que c'est ce jour-là que notre chauffeur a été tué et
12 nous étions arrivés à Prizren, la veille.
13 Q. Fort bien. Paragraphe 63(b). S'agissant de Prizren, on
14 dit : "Que le 25 mars," et je saute une partie pour ne pas perdre de temps.
15 On dit : "A partir 28 mars 1999, dans la ville de Prizren, les forces de la
16 RFY et de la Serbie sont allées de maison en maison, en ordonnant aux
17 Albanais du Kosovo de partir." On dit aussi ceci : "Les forces de la RFY et
18 de la Serbie ont battu et tué des hommes albanais du Kosovo et cetera…"
19 Lorsque vous vous êtes trouvée à Prizren, est-ce que vous avez vu
20 quelque chose qui serait de nature à confirmer ou infirmer ce genre
21 d'allégations, à savoir : "Qu'à partir du 28 mars, ces forces de la RFY et
22 de la Serbie sont allées de maison en maison à Prizren, en ordonnant aux
23 Albanais du Kosovo de partir, ou en les tuant, en les battant, donc, en
24 semant un climat de terreur." Puisque vous, vous avez été là plusieurs
25 jours, est-ce que tout ceci est vrai ?
26 R. En tout cas, pendant que je me suis trouvé à Prizren, j'ai pu me
27 déplacer dans des quartiers de la ville en toute liberté, notamment, là
28 dans les rues où habitaient des Albanais de souche. Il semblait y avoir
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1 beaucoup d'Albanais du Kosovo. La ville était loin d'être vidée de ces
2 Albanais de souche. Pas du tout. Au centre même, à proximité du pont, il
3 semblait y avoir plus de Serbes qui habitaient. Il y a beaucoup de rues qui
4 remontent au Moyen Age. Il y avait des familles albanaises qui étaient
5 assises dehors. C'était l'été, les fenêtres étaient ouvertes. J'avais
6 l'impression que la ville était un peu divisée, mais elle n'était pas vidée
7 de ces Albanais de souche. J'ai parlé à certaines personnes. Ce n'était pas
8 comme à Kosovska Mitrovica où il y avait apparemment beaucoup de personnes
9 âgées et des femmes. Là, à Prizren, il y avait des gens de tout âge. Les
10 hommes jeunes, en particulier, donnaient l'impression d'être très contents
11 de voir les bombardements de l'OTAN. Ils disent -- parce qu'à quelques
12 distances de là, il y avait des bombardements, il y avait eu des
13 bombardements intensifs autour du poste de police. A Prizren, j'en
14 demandais s'ils n'avaient pas peur parce que j'ai peur des bombes, je ne
15 suis pas correspondante de guerre. Il se fait simplement que je connaissais
16 la région, et si j'étais là, c'était bien pour cette raison là.
17 Mais les jeunes semblaient ravis des bombardements de l'OTAN, ils
18 disaient : "Bien sûr, bientôt dans deux semaines au maximum, l'OTAN sera
19 ici."
20 La situation que nous avons trouvée à Prizren.
21 Q. Est-ce que vous vous êtes trouvé avant à Orahovac ?
22 R. Oui, peu de temps.
23 Q. Ici, au paragraphe 63(a), qui concerne Orahovac, (i), on dit que : "Au
24 cours de ces expulsions forcées, que sur tout territoire les forces de la
25 RFY et de la Serbie ont incendié des villages, des lieux de culte, des
26 sites religieux appartenant aux Albanais du Kosovo. Donc, on parle d'actes
27 systématiques." Est-ce que vous avez pu voir quoi que ce soit de ce genre ?
28 R. Je n'en ai pas vu la trace du tout. Cela m'a frappé à la fin de 1999.
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1 J'ai parcouru le Kosovo dans tous les sens. Mais au début du mois de juin
2 en 1999, et cela m'a frappé, je ne pense pas avoir vu une seule mosquée qui
3 aurait été endommagée ou détruite. Fin 1999 à Noël, lorsque je suis
4 repartie, j'ai été frappée de voir, et cela m'a vraiment choquée de voir le
5 nombre d'églises orthodoxes qui avaient été détruites. Donc, je crois que
6 je n'aurais pas été aveugle à ce point que pour ne pas voir si des lieux de
7 cultes avaient été détruits au mois de mai. Ce qui est certain, c'est que
8 je n'ai constaté aucun dégât de ce genre, que ce soit là ou ailleurs
9 d'ailleurs au Kosovo.
10 Q. En ce qui concerne Pristina, même paragraphe, mais au paragraphe (g),
11 si j'ai bien compris, vous êtes retournée à Pristina ?
12 R. Oui, parce que c'était ma base.
13 Q. Ce que dit ce paragraphe c'est que : "A partir du 24 mars 1999 ou vers
14 cette date, la police serbe s'est rendue chez les Albanais du Kosovo, à
15 Pristina, et leur a ordonné de partir. Lors de ces expulsions forcées, un
16 certain nombre de personnes ont été tuées. Beaucoup de ceux qui ont ainsi
17 été contraint à partir se sont rendus directement à la gare, tandis que
18 d'autres cherchaient refuge dans des quartiers voisins."
19 Vous êtes allée plus d'une fois à Pristina pendant la guerre. Est-ce
20 que vous avez vu quoi que ce soit de ce genre à Pristina ?
21 R. Je n'étais pas à Pristina au début, il m'est donc impossible d'apporter
22 un commentaire en ce qui concerne le mois de mars, ni le mois d'avril, à
23 Pristina. Donc je suis arrivée à Pristina, il semblait qu'il y avait un bon
24 nombre d'habitants albanais qui s'y trouvaient encore. Quand on regardait
25 le nombre de bus ou d'autocars qui semblaient partir de l'endroit se
26 trouvant derrière le bureau de poste ou la poste s'était peut-être quelque
27 chose dans les alentours de six ou sept par jour. Mais je ne peux pas vous
28 dire ce qui s'est passé au début, je sais que j'ai des collègues qui s'y
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1 trouvaient dès le début, ils m'ont dit avoir vu des colonnes d'albanais du
2 Kosovo qui quittaient Pristina tout au début des bombardements. Mais ces
3 collègues n'ont pas pu me dire -- en tous cas, ils ne m'ont pas dit qu'ils
4 auraient qu'on avait frappé ces gens, qu'on les poussait, mais ces
5 collègues ne pouvaient pas nous expliquer pourquoi ces colonnes avaient été
6 constituées, pourquoi ces gens partaient. Mais, lorsque nous nous sommes
7 arrivés à Pristina, non, je n'ai pas vu de signes de contraintes ou
8 exercées sur des gens, de forces utilisées à l'encontre de gens.
9 Q. Paragraphe 16, on parle ici d'une entreprise criminelle commune, je ne
10 vais pas aborder ce sujet, mais il est dit que "L'objectif était de chasser
11 une partie importante de la population albanaise de Kosovo du territoire de
12 cette province afin de la maintenir sous le contrôle serbe."
13 Vous avez effectuées beaucoup de visites au Kosovo-Metohija, vous
14 vous êtes déplacée au Kosovo-Metohija. Est-ce que vous avez vu, ce faisant,
15 quoi que ce soit indiquant qu'on chassait la population albanaise du Kosovo
16 de ce territoire, quel qu'en soit la raison. Est-ce que vous avez vu quoi
17 que ce soit de ce genre ?
18 R. Je n'ai vu que ce que j'ai déjà décrit, je vous ai dit qu'il y a eu
19 des gens qui nous ont dit qu'ils allaient -- ils disaient qu'ils avaient
20 peurs de l'UCK et qu'on leur a dit que c'était leur devoir patriotique de
21 partir, mais je n'ai pas vu qui que ce soit partir parce qu'il y était
22 forcé par les forces serbes. Mais il faut dire que je ne me suis pas
23 trouvée partout, donc, je ne peux pas savoir si cela s'est produit ou non.
24 Q. Mais, au point 53, il est question d'une compagne systématique et
25 étendue de terreur contre la population civile albanaise de souche,
26 résidant au Kosovo-Metohija. Vous vous y êtes trouvée à plusieurs reprises,
27 donc, une compagne systématique et étendue, elle doit être quelque chose
28 qu'on remarque facilement. Si vous vous y êtes trouvée, vous l'auriez
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1 normalement vu vous-mêmes. Donc, lorsqu'on parle de cette compagne étendue
2 et systématique de terreur, est-ce que c'est quelque chose, que vous auriez
3 remarqué, systématique et généralisée ?
4 M. NICE : [interprétation] Comme la Chambre le sait, je n'ai pas soulevée
5 d'objection jusqu'à présent puisque si ce témoin souhaite dire des choses,
6 pourquoi ne pas lui donner la possibilité de le faire. Mais il semblerait
7 que cette dernière question vraiment semble aller dans le sens des
8 conclusions trop générales, c'est une perte de temps.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, mais j'étais en
10 train de me poser la même question. Quelle sera la valeur de ces points que
11 vous soulevez avec le témoin, eu égard à l'acte d'accusation. Je pense que
12 vous avez trop tendance à poser des questions trop générales au témoin.
13 Donc, elle ne peut vous dire que le fait qu'elle n'a pas remarqué, qu'elle
14 n'a pas vu ---
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais on a essayé de savoir quelle a été la
16 fréquence des séjours de Mme Prentice là-bas, et à quel intervalle, mais
17 une compagne systématique et généralisée de telle, c'est quelque chose qui
18 est facilement observable. Si elle s'est trouvée sur place, elle aurait
19 nécessairement vu si cette chose a existé. Nous avons vu ici Kirudja, qui
20 n'a passé que trois jours en Yougoslavie, il a déposé en détail au sujet de
21 ces trois jours. Il est venu ici pendant trois jours pour en parler, alors
22 que
23 Mme Prentice est allée sur place une quarantaine de fois.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne crois pas que ceci nous aide
25 vraiment.
26 M. MILOSEVIC : [interprétation]
27 Q. Vous avez dit que vous vous êtes rendue auprès des victimes de deux
28 grandes attaques. Ce sont des attaques de Meja et Korisa, de grandes
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1 attaques sur des colonnes de civils. L'avez-vous mentionné ?
2 R. Oui, je l'ai fait.
3 Q. Dites-nous que vous a raconté les victimes de ces attaques ? Vous êtes
4 allée les voir à l'hôpital ?
5 R. A l'hôpital de Prizren, parmi les survivants il y a en eu qui ont été
6 emmenés à l'hôpital de Prizren, et c'est précisément pourquoi nous nous
7 sommes rendus une deuxième fois à Prizren.
8 Ils avaient des brûlures graves, certains souffraient vraiment et
9 avaient des douleurs importantes. Ils disaient -- ils pleuraient les morts,
10 de leurs proches, de ceux qui n'ont pas survécu. Ils ont dit qu'ils ont
11 subi plusieurs bombardements, des bombardements à répétition, qu'ils ne
12 pouvaient pas comprendre pourquoi ces avions de l'OTAN les avaient
13 attaqués. Ils disaient qu'ils ne comprenaient pas pourquoi ces avions
14 n'avaient pas compris qu'il s'agissait d'une colonne de réfugiés civils,
15 les deux fois généralement ils étaient en deuil, ils pleuraient leurs
16 victimes, leur souffrance, ils souffraient.
17 Q. Très bien. Est-ce que vous avez parlé aux Serbes et aux non-Albanais
18 qui ont dû quitter le Kosovo ?
19 R. Excusez-moi, quelle est la période qui vous intéresse, parce que j'ai
20 eu l'occasion de parler à un grand nombre de Serbes ?
21 Q. Pendant la période où vous vous êtes trouvée au Kosovo, à n'importe
22 quel moment ?
23 R. Je me suis adressée à plusieurs centaines de Serbes et d'autres non-
24 Albanais kosovars, donc qui traversaient en masse la frontière de la
25 province pour se rendre en Serbie propre après que l'OTAN soit rentré au
26 Kosovo, et à un moment, il y a eu jusqu'à
27 200 000 personnes à traverser la frontière vers Vrajne, Kursumlija. Je dois
28 dire que j'ai passé deux ou trois mois dans cette région, je les ai
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1 rencontrés. Il s'agissait de gens de tout origine, mis à part les Albanais.
2 Enfin, il n'y avait pas d'Albanais de source parmi eux, mais c'étaient des
3 Rom, des Serbes et autres.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'était en quel mois ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était en juin et juillet, fin juin, juillet.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] 1999 ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] 1999.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez compris pour
9 quelles raisons ils sont partis ? Les entretiens avec eux vous ont compris
10 de le comprendre ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait parmi eux des gens que j'avais déjà
12 rencontrés précédemment. C'était assez surprenant. Deux personnes sont
13 venues me parler -- des personnes que j'avais rencontrées précédemment mais
14 leurs histoires c'est quelque chose que j'ai pu vérifier puisque je les
15 avais connus -- je les connaissais bien. Ils ont dit, eux, mais tous les
16 autres qui sont partis parce qu'ils avaient peur pour leur vie suite à
17 l'entrée de l'OTAN au Kosovo parce qu'il semblait que les forces de paix
18 n'étaient pas capables de les protéger des Albanais de source, en
19 particulier, de l'UCK, et ils ont dit que les Albanais venus d'Albanie
20 propre.
21 -- n'avaient qu'un baluchon avec les choses les plus essentielles, un
22 minimum de leurs affaires sur eux, donc, de toute évidence, ils étaient
23 partis vraiment de manière précipitée. De nombreux avaient des enfants. Ils
24 n'ont même pas apporté des vêtements de rechange pour leurs enfants, ils
25 sont partis d'une manière aussi précipitée. Donc il m'a semblé qu'ils sont
26 partis, effectivement, en ayant très peur, et leurs maisons avaient été
27 occupées par des Albanais de source.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'après ce que je viens de
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1 comprendre, cette raison n'a rien à voir avec le bombardement de l'OTAN.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Cet exode -- ce grand exode des Serbes,
3 donc, les gens qui étaient majoritairement des Serbes de Kosovo, s'est
4 produit après l'entrée de l'OTAN dans cette province.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Madame Prentice, nous n'avons que très peu de temps, je vais vous poser
7 mes questions d'une manière très brève, au sujet des autres localités où
8 vous vous y êtes trouvée pendant votre séjour là-bas, enfin, des autres
9 endroits sur le territoire de l'ex-Yougoslavie pendant les guerres
10 yougoslaves. A quel moment êtes-vous allée à Sarajevo ?
11 R. A Sarajevo, c'était à la fin de l'année 1994.
12 Q. En 1994, un événement s'est produit, à ce moment-là, particulièrement
13 frappant -- il y a eu une explosion le 5 février 1994, au marché sarajevien
14 de Markale. Est-ce que vous avez cherché, à savoir de qui s'est produit là-
15 bas, et qu'avez-vous appris au sujet de cet événement ?
16 R. Oui, je m'y suis intéressée parce que non seulement les médias
17 occidentaux en ont largement parlé enfin la presse plus précisément, mais
18 ceci a entraîné les raids aériens de l'OTAN sur la République serbe.
19 J'ai commencé à avoir quelques doutes. Je me suis demandée si on n'avait
20 pas tendance à reprocher automatique à cette attaque à l'artillerie serbe,
21 cette attaque sur le marché parce que, parmi mes contacts, il y avait un
22 journaliste, Paul Beaver, de Jane's Defence Weekly. C'est une publication
23 militaire très sérieuse, et j'ai commencé à me poser des questions. Je me
24 suis dite que ce n'était peut-être pas l'artillerie serbe qui a perpétré
25 cette attaque -- ce collègue m'a dit que grâce à une analyse très
26 approfondie qu'il a pu mener avec les experts aux munitions onusiens, il
27 semblait --
28 M. NICE : [interprétation] Je me demande si on va voir cette analyse ou le
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1 document pour pouvoir l'examiner parce qu'il s'agit d'informations très
2 importantes qui sont fournies ici de seconde main.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez le document sous la main ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne l'ai pas ici avec moi, mais on peut
5 facilement se le procurer. Lorsque vous parlez "du document," vous parlez
6 de la revue de Jane's Defence Weekly. C'est
7 J-a-n-e's Defence Weekly, le premier mot est un nom propre.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, vous pouvez lui poser des
9 questions à ce sujet, Monsieur Nice, plus tard.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Madame Prentice, quelles ont été vos conclusions suite à l'enquête que
12 vous avez menée sur cet événement ou cet incident du marché de Markale ?
13 M. NICE : [interprétation] Mais il faut bien qu'il y ait des limites,
14 Monsieur le Président. Les journalistes, bien sûr, peuvent faire du
15 journaliste d'enquêtes. Ils peuvent arriver à leur conclusion. Mais, enfin,
16 nous sommes ici au Tribunal. Ce sont des preuves qu'il s'agit ici. Je ne
17 pense pas que ceci puisse nous être utile.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, ce sont des
20 éléments par ouï-dire. Bien entendu, nous pouvons entendre ce genre de
21 témoignage, mais la question concerne le poids que nous lui accorderons.
22 Mais essayons de voir comment elle a mené son enquêteur. Ceci nous
23 permettrait de savoir quel est le poids à lui accorder ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
26 Q. Donc, dites-nous : quelles sont les informations que vous avez
27 réunies ?
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Comment elle a procédé
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1 pour recueillir ces informations ?
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Comment avez-vous appris ce que vous venez de nous dire ?
5 R. J'ai conduit un entretien avec Paul Beaver et j'ai parlé à plusieurs
6 diplomates occidentaux, y compris l'ambassadeur néerlandais -- excusez-moi.
7 C'était l'ambassadeur portugais, non pas néerlandais en Bosnie-Herzégovine,
8 qui est devenu par la suite l'attaché portugais à Belgrade. Il a enquêté
9 sur cette affaire et il a eu -- il s'est posé des questions au sujet de
10 l'incident, lui aussi. On lui a montré des documents. D'après ce qu'il m'a
11 dit, qui montrait, en fait, que l'expression n'était provoquée nullement
12 par une pièce d'artillerie, mais il a dit qu'il a vu des preuves, qu'il
13 s'agissait d'un engin explosif qui était placé sous un étal de marché.
14 J'ai aussi eu l'occasion de parler à des employés des Nations Unies
15 qui se sont trouvés sur place au marché de Markale quelques minutes après
16 l'événement et qui m'ont dit de manière officieuse, enfin, c'étaient des
17 membres français des forces de paix. Ils m'ont dit que les blessures
18 étaient exclusivement situées en bas et que ceci ne correspondait
19 absolument pas à l'explosion d'un projectile qui atterrit après avoir volé
20 une trajectoire dans l'air. J'ai aussi parlé à Lord Owen -- David Owen à ce
21 sujet. J'ai posé la question à mon père parce que j'avais de plus en plus
22 de doute, de suspicion au sujet de la manière dont cette explosion s'est
23 produite et aussi de la manière dont on a parlé. J'ai demandé à mon père
24 s'il pouvait la question à la Chambre des Lords. C'est ce qu'il a fait. Il
25 a cherché des informations techniques. Il a demandé que l'on présente des
26 preuves qui auraient été communiquées au gouvernement britannique. La
27 réponse qui a été apportée -- excusez-moi, j'ai essayé hier d'avoir cette
28 réponse. Jusqu'à présent, cette réponse n'a pas été apportée. Mais la seule
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1 que je puisse vous dire c'est que, finalement, la substance de la réponse
2 écrite apportée à mon père a été que, peu importait qui était l'auteur du
3 bombardement puisque ceci a permis que l'on lance les raids aériens contre
4 Pale.
5 C'est vraiment la substance de l'enquête que j'ai menée. Lorsque j'ai
6 posé la question à Lord Owen, il n'a ni affirmé, ni infirmé, ni confirmé --
7 infirmé qu'il avait des preuves que c'est le gouvernement musulman bosnien
8 qui était à l'origine de cela, que ce sont eux qui ont placé cette bombe
9 sous un étal de marché. Le fait même qu'il ne l'a pas rejeté et qu'il ne
10 l'a pas démenti, a nourri mes suspicions.
11 Q. La réponse officielle donnée à votre père que l'objectif justifie les
12 moyens et que peu importe qui était à l'origine de ce bombardement puisque
13 cela a permis les attaques sur Pale. Est-ce que cela étaye également vos
14 suspicions ?
15 R. Effectivement, il me semble que cela semble montrer que le gouvernement
16 britannique avait une sorte d'éléments de preuve; sinon, vraiment une
17 preuve ferme que le bombardement n'a pas été provoqué par l'artillerie
18 serbe.
19 Q. Très bien, Madame Prentice. Pendant votre séjour à Sarajevo, est-ce que
20 vous vous êtes rendue à la présidence de Bosnie-Herzégovine et, si oui,
21 pour quelle raison ?
22 R. J'étais avec un membre de la présidence. Oui. J'ai visité
23 -- je me suis rendue à la présidence pour interviewer Alija Izetbegovic.
24 Q. Mais quelle est la rencontre, que vous ayez eue à la présidence de
25 Bosnie-Herzégovine à Sarajevo, qui vous a particulièrement marqué et qui
26 s'est particulièrement gravée dans votre mémoire ?
27 R. C'est une réunion que j'ai eue en novembre 1994. Il y avait un autre
28 journaliste de Der Spiegel qui se trouvait à Sarajevo, à ce moment-là et en
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1 même temps que moi, sur place pour interviewer
2 M. Izetbegovic. Il y avait une personne qui avait l'air arabe et qui avait
3 l'air aussi d'avoir beaucoup d'importance. Je ne sais pas comment mieux
4 décrire la personne. C'est quelqu'un qui s'est montré juste avant que je ne
5 fusse censée commencer mon entretien. J'étais évidemment curieuse parce
6 qu'on avait l'impression que c'était quelqu'un de très, très important et
7 qui a pu entrer immédiatement au bureau de M. Izetbegovic. Donc, j'ai
8 demandé pour la suite qui était-ce ? Je n'avais aucun moyen de le savoir
9 qui était la personne ? Mais, tout d'abord, mon collègue, Dessa Trevisan,
10 m'a dit que le journaliste de Der Spiegel avait reconnu cette personne
11 comme étant Osama Bin Laden.
12 Par la suite, j'en ai parlé avec le correspondant de Der Spiegel et, bien
13 sûr, j'ai examiné les photos d'Osama bin Laden, mais je ne sais pas -- je
14 ne l'ai pas reconnu à ce moment-là. Je suppose que mon collègue de Der
15 Spiegel, du moins, elle qui est -- enfin, mais, en tant que journaliste,
16 bien entendu, je l'ai retenue. Je m'en souviens très bien. En particulier,
17 je m'en suis souvenue après le 11 septembre. Même à ce moment-là, à cette
18 époque, le nom Osama Bin Laden était connu.
19 Q. Mais, plus tard, en voyant les photos et en vous disant que vous l'avez
20 probablement rencontré, est-ce que vous êtes arrivé à la conclusion que
21 c'était lui ?
22 M. NICE : [interprétation] Je dirais que c'est une question légèrement
23 directrice. Mais, bien entendu, si Mme Prentice souhaite nous répondre --
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Elle nous a fait comprendre clairement
25 qu'elle ne le savait pas. Elle nous l'a dit déjà.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Posez une question, Monsieur
27 Milosevic, et essayons de terminer cet interrogatoire principal aussi vite
28 que possible.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, elle ne l'a pas
2 reconnu sur-le-champ, à ce moment-là, mais, par la suite, elle a pu arriver
3 à la conclusion que c'était lui. Je voulais que cela soit clair. Si c'est
4 une question directrice, qu'elle n'y réponde pas. C'est un point trop
5 sérieux pour qu'on l'occulte de cette manière-là.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Allons de l'avant.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Est-ce que vous pouvez nous citer le nom de votre collègue de Der
9 Spiegel. Qui est-ce ? Pouvez-vous nous le dire ?
10 R. Son nom était Flotel [sic], c'est une dame.
11 Q. C'est Renate Flotel ?
12 R. Oui. Renate Flotel.
13 Q. Plus tard, est-ce que vous avez enquêté sur la présence des intégristes
14 islamiques en Bosnie-Herzégovine ?
15 R. Je l'ai fait plus particulièrement après les atrocités du 11 septembre.
16 Ce que j'ai essayé, c'est d'avoir des entretiens avec autant de personnes
17 que possible, allant des hommes politiques occidentaux, passant par des
18 Serbes, des Croates, des Musulmans, que ce soit de Bosnie ou de Serbie,
19 pour savoir si, oui ou non, il y avait une présence islamique en Bosnie,
20 une présence de l'extérieure.
21 Après 1995, je me suis rendue encore plusieurs fois en Bosnie, et il
22 m'a semblé, et j'ai encore cette impression là, que ce n'est pas l'endroit
23 où règne la plus grande stabilité, en dépit des accords de Dayton. Il y
24 avait beaucoup de gens qui essayaient de savoir s'il y avait vraiment une
25 influence étrangère islamique en Bosnie, des gens qui sont venus me voir
26 pour me dire qu'ils avaient des preuves à cela. Il s'agit là aussi de M.
27 Toholj de République serbe. Lui aussi est venu me dire qu'il y avait Mahmud
28 Abu Abdul Aziz al Montasibe d'Arabie Saoudite, qui se trouvait en Bosnie et
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1 qu'il y avait un camp d'entraînement pour des soldats musulmans afin de
2 leur enseigner les règles de guerre islamiques ou musulmanes de Bosnie.
3 M. NICE : [interprétation] Le témoin se réfère à un document.M. LE JUGE
4 ROBINSON : [interprétation] Vous êtes en train de lire un document ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est un document où on trouve les noms
6 de ces personnes.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est quoi ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sont mes propres notes.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A quel moment avez-vous pris ces
10 notes ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] En 2002, quand j'ai enquêté là-dessus. C'est
12 juste un synopsis pour un futur livre que j'ai proposé sur ce sujet.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Je vous remercie.
14 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas pu, bien entendu, me pencher là-
15 dessus. J'aimerais savoir si je peux avoir ces notes.
16 L'INTERPRÈTE : Est-ce que M. Nice peut ajuster son microphone, s'il vous
17 plaît ?
18 M. NICE : [interprétation] Oui. Je m'excuse.
19 [La Chambre de première instance se concerte]
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Deux points. Deux points pratiques
21 de procédure. Est-ce qu'on ne devrait pas libérer l'autre témoin à présent
22 parce que nous ne pourrons pas l'entendre aujourd'hui, semble-t-il.
23 Monsieur Milosevic, un deuxième point. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous
24 expliquer la pertinence de ceci.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'estime que la participation de l'intégrisme
26 islamique à ce conflit et, en particulier, lorsqu'on établit un lien avec
27 la base idéologique et le livre d'Alija Izetbegovic, qui a été versé au
28 dossier ici, qu'il s'agit là des questions clés, eu égard au conflit en
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1 Bosnie-Herzégovine, le déclenchement de la guerre et de tous les malheurs
2 qui se sont produits après tout cela. Or, ici, il est question d'une très
3 forte présence de l'intégrisme islamique que l'Europe continuera de payer
4 cher à l'avenir, parce que s'il n'y en avait pas en Bosnie, il n'y en
5 aurait pas en --
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il appartient aux historiens d'en
7 parler. Je vous demande maintenant comment est-ce que ceci a à voir avec
8 les chefs d'accusation qui figurent à l'acte d'accusation.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ces allégations, ces chefs d'accusation
10 complètement erronés, c'est cela le lien. On inverse les thèses : l'auteur
11 et la victime, dans la plupart des cas, ont des rôles inversés.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci n'est pas --
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien entendu, cela ne veut pas dire --
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci n'est pas pertinent. Passez à
15 autre chose.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Madame, vous nous avez dit que vous êtes allée à Sarajevo, et Sarajevo
18 pendant la guerre a été considérée par l'occident comme une ville assiégée
19 par les Serbes. Est-ce que vous souscrivez à ceci ?
20 R. Quand je m'y trouvais moi-même à la fin 1994, ce n'était pas une ville
21 assiégée. J'étais en mesure, par exemple, de me déplacer assez facilement
22 entre Pale et la Republika Srpska, et puis d'aller dans tous les quartiers
23 de Sarajevo où je souhaitais me rendre.
24 Je ne veux pas dire que la paix régnait, non, pas du tout. La vie
25 n'était pas facile, mais il était tout à fait possible de se déplacer entre
26 les différents quartiers.
27 Q. Est-ce que vous avez pu vous faire une idée de la présence des forces
28 armées en Bosnie-Herzégovine, à Sarajevo, donc ? Est-ce que la ville était
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1 divisée ou assiégée ?
2 R. Selon moi, la ville était divisée.
3 Q. Avez-vous eu l'occasion d'assister aux premiers échanges de tirs à
4 Sarajevo ?
5 R. Mon Dieu, j'ai vu des échanges de tirs, j'en ai entendu à plusieurs
6 reprises. Par exemple, quand on était à l'Holiday Inn, il fallait être
7 extrêmement prudents quand on empruntait les rues principales. Quand
8 j'étais à la présidence, je résidais chez un membre bosnien de la
9 présidence. Cette maison se trouvait à côté de la présidence de Bosnie.
10 Pendant que je m'y trouvais, un obus a atterri tout à côté et cela a fait
11 trembler les murs de la maison.
12 Cela se trouvait dans une partie de Sarajevo avec de nombreux
13 bâtiments, de nombreuses tours et des rues extrêmement étroites. C'est
14 pratiquement impossible que cet obus, vienne d'autres positions que les
15 positions musulmanes.
16 Voilà à quel moment j'ai eu cette expérience des échanges de tirs, en
17 allant et en rentrant de l'aéroport, à partir de la présidence, et autour
18 de l'Holiday Inn.
19 Q. Merci, Madame.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Permettez-moi d'ajouter quelque chose à
21 l'explication que j'ai donnée sur la pertinence des intégristes musulmans.
22 Vous me demandez, Monsieur Robinson, si c'est pertinent. On dit que les
23 Serbes essayaient de mettre en place une grande Serbie, mais ce n'est pas
24 le cas. Ils essayaient de se défendre face aux tentatives de créer un état
25 intégriste dans lequel ils n'auraient plus été que des vassaux ou des
26 serfs, comme cela avait été le cas pendant plusieurs siècles sous la
27 domination turque. Cela paraît très clairement ici.
28 M. NICE : [interprétation] Ici, on essaie d'ajouter des éléments au
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1 dossier. Il ne s'agit nullement d'une réponse à la question de la
2 pertinence.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je maintiens ma décision.
4 M. MILOSEVIC : [interprétation]
5 Q. Est-ce que vous estimez que l'explosion qui a eu lieu à proximité de
6 l'endroit où vous vous teniez était due à votre présence ?
7 R. J'ai eu certains doutes.
8 M. NICE : [interprétation] Oui, bon, il ne faut quand même pas pousser trop
9 loin dans cette direction. L'accusé essaie de jouer aux avocats depuis
10 plusieurs années. Je me demande s'il peut réfléchir à la question de savoir
11 si la question qu'il vient de poser est directrice ou non.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Cette question est
13 effectivement directrice, Monsieur Milosevic.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que je peux vous dire, c'est que je ne joue
15 pas aux avocats, ni que ce n'est pas non plus une de mes ambitions dans la
16 vie, quelque chose dont je tirerais la moindre fierté.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez peu à
18 peu peaufiné une technique qui vous permet d'ouvrir vos questions en
19 suggérant d'autres options, mais cela n'empêche pas ces questions d'être
20 directrices.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. Est-ce que vous êtes allée à Pale, Madame Prentice ?
23 R. Oui.
24 Q. Quelle impression en avez-vous eu, suite à ce que vous avez vu sur
25 place ?
26 R. Je m'y suis rendue à plusieurs reprises, mais dans la période de la fin
27 1994, alors que j'ai passé plus de temps à Sarajevo, j'ai eu une impression
28 dominante de surprise parce que j'y voyais beaucoup de minorités non-Serbes
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1 que l'on abritait à Pale. Il s'agissait de personnes dont les logements
2 avaient été détruits à Sarajevo, ou qui avaient simplement décidé de fuir
3 la violence et le chaos qui régnait.
4 J'ai été surprise parce qu'à l'époque, même moi, j'avais l'impression, vu
5 tout ce qui a été dit dans les médias, vu la couverture des événements de
6 Sarajevo, j'avais donc l'impression que les non-Serbes seraient en péril à
7 cet endroit s'ils se mettaient à la merci des Serbes et de leurs forces.
8 Q. A Sarajevo, avez-vous rencontré certains des hommes politiques
9 britanniques ?
10 R. J'ai rencontré Robin Cook, qui alors était dans l'opposition, chargé de
11 toutes les questions concernant les affaires étrangères. Il était là pour
12 recueillir des informations à Sarajevo. Il a fait une conférence de presse
13 et je lui ai demandé s'il allait se rendre à Pale également. J'ai été
14 stupéfaite d'entendre de sa bouche que même si c'était possible, ce qui
15 n'était pas possible physiquement, même si c'était possible il ne le ferait
16 pas, parce que les Serbes -- en fait, ce qu'il a dit, c'est "Pourquoi est-
17 ce que j'irais voir ces monstres ?" Voilà exactement ce qu'il a dit. Cela
18 m'a complètement stupéfaite. Je lui ai expliqué que c'était possible
19 concrètement d'aller à Pale, que moi-même j'allais y retourner le même
20 jour, et que s'il était là, dans la région, pour recueillir des faits, il
21 était peut-être intéressant d'aller se faire une idée par soi-même de la
22 situation là-bas, de se rendre compte qu'il y avait à cet endroit des non-
23 Serbes qui avaient trouvé refuge. Or, il s'est refusé à faire cela.
24 Je lui ai écrit d'ailleurs plusieurs lettres dans les mois qui ont suivi,
25 dans lesquelles j'ai émis des protestations. J'expliquais qu'au cours d'une
26 telle mission destinée à recueillir les faits, il aurait dû essayer de voir
27 ce qui se passait de tous les côtés. Je n'ai jamais reçu de réponse à mes
28 lettres. Malheureusement, je dois reconnaître que j'ai encore une fois fait
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1 intervenir mon homme politique de père pour voir si lui, il pouvait obtenir
2 une réponse. Je crois qu'il n'a obtenu qu'une sorte de réponse type du
3 bureau de M. Cook, dans laquelle on lui disait : "Merci de votre lettre.
4 Nous examinons la question," mais jamais on n'a donné la moindre
5 explication.
6 Q. Merci, Madame Prentice. Je n'ai pas le temps de vous poser toutes les
7 questions que je voulais vous poser, mais il y en a encore une que je
8 souhaiterais aborder avec vous, à savoir, si vous avez eu des problèmes de
9 santé après le bombardement de Prizren, bombardement au cours duquel votre
10 chauffeur a été tué et au cours duquel s'est passé tout ce que vous nous
11 avez dit. Donc, avez-vous eu des problèmes de santé après ce bombardement ?
12 R. Oui. Dans les 15 jours qui ont suivi, je suis devenue aphone. J'étais
13 complètement aphone et je le suis restée à quelques journées d'exception.
14 Je le suis restée pendant six à neuf mois. Il faut savoir qu'en 1995,
15 j'avais subi un traitement puisque je souffrais d'un cancer, mais j'étais
16 guérie à ce moment-là.
17 Cependant, le cancer est revenu après.
18 J'avais certains doutes parce que je savais que -- je me suis dit qu'on
19 avait peut-être utilisé des munitions réalisées avec de l'uranium appauvri
20 pour bombarder la route où nous nous trouvions et où notre chauffeur a été
21 tué. J'ai demandé à subir des examens quand je suis retournée au Royaume-
22 Uni, mais il n'y avait aucun examen permettant d'établir qu'effectivement,
23 j'avais été touchée par les radiations venant d'une munition produite au
24 moyen d'uranium appauvri. Cependant, il a été impossible de prouver que
25 dans mon organisme se trouvaient des traces de métaux lourds, et cela s'est
26 établi par des rapports médicaux qui ouvrent cette possibilité.
27 Il a également été établi que mon système immunitaire avait été affecté par
28 ces métaux lourds. Bien entendu, quand ce genre de chose se produit, on
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1 peut assister à un retour du cancer.
2 Q. Merci, Madame Prentice. J'en ai terminé de l'interrogatoire principal.
3 La partie adverse va maintenant vous poser des questions.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay.
5 M. KAY : [interprétation] Nous souhaiterions évoquer trois des éléments.
6 Trois questions pour préciser un certain nombre de choses.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire la pause.
8 M. NICE : [interprétation] Si Me Kay intervient, je risque de manquer de
9 temps.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Écoutez-moi maintenant.
11 M. KAY : [interprétation] Cela ne nous prendra que quelques minutes.
12 Questions de M. Kay :
13 Q. [interprétation] Madame Prentice, vous nous avez parlé d'un incident où
14 vous avez évoqués des morts vivants. Est-ce que vous pourriez indiquer aux
15 Juges quelle était la localité où vous vous trouviez, ce jour-là et la
16 date ?
17 R. Oui. Il s'agissait d'Orahovac. Je ne me souviens pas de la date exacte.
18 Mais cela s'est passé pendant la première de ces deux visites. Ce devait
19 être donc, le 10, le 11 ou le 12 mai. Enfin, c'était vers cette période.
20 Q. Vous avez parlé de la déclaration Clinton-Cohen diffusée dans les
21 médias. Pouvez-vous nous dire où vous avez pris connaissance de ces
22 déclarations exactement ?
23 R. A la BBC. Dans l'émission Today, dans le journal Times, le Times, dans
24 les dépêches de l'agence Reuters, dans le Washington Post. Tout ceci a été
25 répété. Cette statistique, ces chiffres n'ont cessé d'être cités, répétés
26 et répétés.
27 Q. Vous expliquez que vous avez parlé à des gens qui montaient à bord
28 d'autocars. Vous avez expliqué que cela s'est passé à Pristina et à
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1 Prizren. Vous avez dit qu'ils leur arrivaient parfois de dire qu'on leur
2 avait demandé de partir, qu'on les avait encouragé à partir. Précision sur
3 ce point, je vous prie.
4 Q. Est-ce qu'on vous a dit qui demandait à ces gens de partir ou qui les
5 enjoignait de partir ?
6 R. Oui. On m'a dit que c'était l'UCK qui les incitait à partir et qu'on
7 leur disait que c'était leur devoir patriotique de partir, qu'il fallait
8 qu'ils s'en aillent afin de permettre de cimenter, de conforter l'attaque
9 alliée.
10 M. KAY : [interprétation] Merci.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pause de 20 minutes.
12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.
13 --- L'audience est reprise à 12 heures 41.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.
15 Contre-interrogatoire par M. Nice :
16 Q. [interprétation] Cet homme dont vous nous dites qu'il ressemblait à
17 Osama Bin Laden. Comment était-il vêtu ?
18 R. Il avait un couvre-chef et une espèce de tenue, vert olive.
19 Q. Donc, est-ce qu'il était habillé à l'occidental ?
20 R. Non, pas vraiment. Il avait une sorte de couvre-chef à la Ghadafi.
21 Q. Bien. Est-ce qu'il avait une cane ?
22 R. Je ne m'en souviens pas. Désolé.
23 Q. Les journalistes parfois rapportent ce qu'ils observent directement.
24 Or, dans votre cas, il est exact que vous n'avez vu personne mettre le feu
25 à une maison ?
26 R. Non.
27 Q. Vous n'avez jamais vu personne tuer quiconque ?
28 R. J'ai vu des gens être tués par des bombes.
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1 Q. Mais en dehors des bombardements, vous n'avez jamais vu personne tuer
2 quiconque ?
3 R. Non.
4 Q. Vous n'avez jamais vu quelqu'un sur le point d'être expulsé de leurs
5 maisons de leur ville ?
6 R. Non.
7 Q. Donc, vous dépendez, uniquement, de ce que vous, ont dit des tiers ?
8 R. Oui.
9 Q. Pour que les choses soient aussi claires que possible --
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, veuillez faire une
11 pause après les réponses et même chose pour le témoin.
12 M. NICE : [interprétation] Bien.
13 Q. Il faut savoir qu'en 1999, vous avez passé un total de deux jours au
14 Kosovo. Donc, au début mai et dix jours, à la fin mai.
15 R. Une semaine pendant notre première visite et deux semaines et demie,
16 ensuite.
17 Q. Donc, une semaine pour la première visite ?
18 R. Oui. Du 9, 10, 11 jusqu'au 15, 16. Quelque chose comme cela.
19 Q. Lors de vos deux visites au Kosovo, vous étiez accompagné par un
20 certain Schiffer, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. C'est un philosophe pro-serbe ?
23 R. Oui.
24 Q. Vous étiez accompagné également de deux représentants de la force
25 publique à qui vous avez payé des sommes d'argent importantes pour votre
26 protection. Apparemment, ils étaient membres du MUP.
27 R. Je ne sais pas s'ils étaient membres du MUP. Je les ai vu à plusieurs
28 reprises. Mais, ensuite, je ne crois pas qu'ils étaient membres du MUP.
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1 Q. Qui vous les a fournis ? Schiffer.
2 R. Oui. Schiffer.
3 Q. Vous n'avez jamais été au courant des dispositions qu'ils prenaient ?
4 En fait, c'était lui qui contrôlait votre visite.
5 R. C'est lui qui assurait les moyens de transport pendant la visite. Nous
6 avions le droit d'aller où nous le voulions. Il n'était pas nécessaire
7 qu'il soit avec nous tout le temps.
8 Q. J'y reviendrai plus tard. Donc, vous n'avez pas eu d'expériences
9 directes dont on parle ici, des éléments qui nous intéressent ici. Bien
10 entendu, il est arrivé que des gens vous parlent et qu'eux-mêmes aient
11 vécus ces événements ?
12 R. Oui.
13 Q. Revenons en 1993. En 1993, vous êtes allée en Bosnie, n'est-ce pas ?
14 R. En 1994.
15 Q. Mais qu'en est-il de vos observations du fait aux camps d'Omarska et de
16 Keraterm ?
17 R. Excusez-moi. De quelle référence, à Omarska ou à Keraterm s'agit-il ?
18 M. NICE : [interprétation] Voici un exemplaire d'un document que je
19 souhaiterais présenter au témoin et un autre qui devait mis sous le
20 rétroprojecteur. Première phrase sur le rétroprojecteur, nous n'avons pas
21 vraiment pas beaucoup de temps. Veuillez distribuer les autres exemplaires.
22 Examinons ce document pendant ce temps. Voilà.
23 Q. Il s'agit d'un article qui date du 13 mai 1993 qui a été écrit par
24 vous-même. Cela traite d'un prêtre catholique qui témoigne des horreurs, de
25 la torture dans les camps de détention serbe au nord de la Bosnie. Il parle
26 de la violence dans ces camps, de son départ forcé de la ville de Prijedor,
27 du fait qu'on l'a emmené au camp de Keraterm; est-ce que vous souvenez
28 avoir écrit cet article ?
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1 R. Je l'ai écrit à Londres. J'ai interviewé cet homme à Londres. Mais je
2 ne suis pas allée --
3 Q. Vous n'y êtes pas allée sur place ?
4 R. Non.
5 Q. Mais est-ce qu'on peut douter de ce que dit cet homme ?
6 R. Je l'ai interviewé longuement et j'ai signalé ce qu'il m'avait dit.
7 Q. Vous n'avez pas de raisons de douter de ces propres réponses ?
8 R. Non.
9 Q. Donc, voici ce que vous dites en 1993, du traitement réservé par les
10 Serbes à ceux qui se trouvent au camp Omarska, où les gens sont forcés à
11 entonner des chants Chetnik.
12 M. NICE : [interprétation] Passez à l'autre page, s'il vous plaît, Monsieur
13 l'Huissier.
14 Q. "On les frappe à coup de planches, à coup de matraques. On les soumet à
15 toute sorte de traitements."
16 R. Oui.
17 Q. Ensuite, à la fin, vous dites -- vous rapportez : "Que quelque 1 300
18 personnes sont mortes dans les camps serbes en Bosnie." Donc, ce que vous
19 avez en 1993 de la situation en Bosnie; c'est exact ou pas ?
20 R. Je me contentais de rapporter ce que cet homme avait déclaré.
21 Q. En 1993, vous êtes également allée au Kosovo, n'est-ce
22 pas ?
23 R. Je crois. J'y suis allée quelquefois, mais je ne me souviens pas de
24 combien de fois.
25 Q. Vous êtes allée au Kosovo et vous avez pu noter la présence des
26 autorités dans la rue, vous en souvenez-vous ?
27 R. Je me suis souviens être allée voir le président Rugova pour
28 l'interviewer et on a parlé de la présence policière dans les rues.
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1 Q. Donc, vous avez pu faire l'expérience de ce qu'on peut qualifier comme
2 étant les traits distinctifs d'un Etat policier. Vous avez dit, je vous
3 cite : "Il y avait des miliciens serbes à chaque coin de rue et un couvre-
4 feu imposé par eux-mêmes, faisaient que les rues étaient désertes après la
5 nuit. Arkan, dirigeant des groupes paramilitaires des Tigres possédait des
6 participations au Grand hôtel de Pristina et la terreur était présente
7 partout."
8 Voilà ce que vous racontez de ce que vous avez vu, vous-même, de ce vous
9 avez ressenti à Pristina, en 1993; est-ce que c'est exact ?
10 R. Cette atmosphère de terreur, elle découlait de la confrontation, des
11 tensions entre les deux parties en présence.
12 Q. Examinons votre livre que vous avez publié, en -- et qui s'intitule :
13 "One Woman's War," et nous allons examiner la page 144 qui a trait au
14 Kosovo.
15 M. NICE : [interprétation] Bas de la page, s'il vous plaît. Un peu plus
16 bas. Merci.
17 Q. Si vous parlez de Pristina, vous parlez des environs de la ville que
18 vous décrivez. Donc, vous parlez de 1999, ici. Ensuite, plus loin, vous
19 dites la chose suivante : "La dernière fois que je m'étais rendue dans la
20 capitale du Kosovo, c'était en 1993 au moment où les milices serbes étaient
21 présentes à tous les coins de rue et où un couvre-feu auto-imposé faisait
22 que toutes les rues étaient désertées après la tombée du jour. Arkan, qui
23 était dirigeant d'un groupe paramilitaire, avait des participations au
24 Grand hôtel et de la terreur régnait partout."
25 Vous parlez ensuite de deux hommes à l'hôtel, de la taille des portes, des
26 porte-clés grotesques, et cetera. Donc, vous parlez de la situation en 1999
27 mais vous ne parlez pas de 1993.
28 Est-ce qu'il n'y a pas un certain révisionnisme qui est en train de se
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1 mettre en place dans votre propre esprit ?
2 R. Je crois que ce qui ressort clairement de mon livre, c'est qu'au fil
3 des années 1990, je me suis rendue compte n'était pas aussi manichéenne et
4 simple que je l'avais vu. Quand je parle de 1993, je veux vraiment dire que
5 l'atmosphère --
6 Q. Je vous interromps. Nous n'avons pas de temps. Vous nous dites -- quand
7 vous avez écrit votre livre en l'an 2000, vous n'aviez aucune raison de
8 prendre le parti de l'OTAN ou de l'Occident. En fait, votre livre aurait
9 été plus intéressant si vous aviez pris le parti de celui qui avait le
10 dessous mais est-ce que ce n'est pas dans ce sens qu'on peut voir la
11 manière dont vous avez interprété les événements en l'an 2000 ?
12 R. Non. J'ai essayé de me souvenir de manière honnête de ce qui s'était
13 passé. En fait, mon livre aurait été plus vendeur s'il avait été favorable
14 à l'OTAN. En fait, je n'étais pas là pour défendre les intérêts de celui
15 qui a eu le dessous dans cette affaire. J'étais simplement en train de
16 défendre la cause de la vérité.
17 Q. Passons maintenant à 1999. Combien de temps êtes-vous restée au Kosovo
18 après être allée Serbie ? Combien de temps êtes-vous restée au Kosovo lors
19 de la première visite, combien de jours ?
20 R. Six jours.
21 Q. Passons maintenant à la page 139 de votre livre. Pendant ce temps --
22 R. Il est vrai.
23 Q. -- n'est-ce pas que les journalistes avaient beaucoup de mal à entrer
24 au Kosovo à l'époque ?
25 R. Oui.
26 Q. On empêchait aux journalistes, les journalistes de voir ce qu'ils
27 auraient pu voir ?
28 R. Oui. C'est pourquoi je voulais aller voir les choses de mes propres
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1 yeux.
2 Q. Vous avez essayé d'entrer dans le pays avec Dessa Trevisan, n'est-ce
3 pas, quelqu'un de très connu ?
4 R. Oui.
5 Q. Quelqu'un qui avait à peu près 70 ans.
6 R. Oui.
7 Q. Qui était opposé à l'accusé ?
8 R. Oui.
9 Q. Qui avait été expulsé du pays, une femme qui avait même été victime
10 d'une atteinte à sa vie en 1999 puisqu'à ce moment-là, on lui a tiré
11 dessus.
12 R. Non. On lui a tiré dessus avec un fusil à air comprimé. Je ne pense pas
13 que ce soit là une attaque véritablement qui l'ait mis en danger de perdre
14 la vie.
15 Q. Elle ne pouvait pas entrer dans le pays parce qu'il était notoire
16 qu'elle était une opposante à l'accusé; n'est-ce pas ?
17 R. Oui.
18 M. NICE : [interprétation] Page 139, oui, c'est celle que j'ai demandé
19 qu'on place sur le rétroprojecteur. En bas à droite, s'il vous plaît,
20 Monsieur l'Huissier.
21 Q. On peut lire la chose suivante : "Il y avait environ 27 000 albanais de
22 souche à Kosovska Mitrovica avant a la campagne de bombardement selon le
23 maire. La plupart étaient partis en avril, mais dans la première semaine, 5
24 000 étaient revenus. Est-ce qu'on peut lui parler, lui ai-je demandé ? Ils
25 vont avoir peur de dire quoi que ce soit parce qu'il y a des membres de
26 l'UCK parmi eux. Il a été impossible de dire si c'était exact ou non.
27 Finalement, les soldats albanais avec qui nous avons parlé en ville,
28 c'était ceux qui faisaient la queue pour recevoir leur retraite. Même à ce
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1 moment-là, nous étions suivis par un journaliste de la radio serbe muni
2 d'un magnétophone."
3 Donc on voit que les gens avaient peur des journalistes accrédités par les
4 Serbes ?
5 R. Sans doute, y avait-il un certain malaise, mais ce serait exagéré de
6 parler de peur.
7 Q. Page 140. Essayons de voir ce que vous disiez dans votre livre écrit en
8 l'an 2000. Vous dites : "A la mi-mai, les villes du Kosovo rouillaient de
9 personnes déplacées alors que la campagne était désertée. Il y avait un
10 grand nombre d'Albanais au Kosovska Mitrovica, Pristina et Prizren même
11 s'ils semblaient faire l'objet de pression pour qu'ils s'en aillent,
12 pression qui venait des Serbes et de l'UCK. L'UCK qui voulait que tous
13 Albanais se joignent à cet exode qui fascinait le monde entier. Des
14 milliers d'albanais ont fui ces villes pour échapper aux combats dans la
15 campagne," et cetera.
16 Ensuite, on parle encore de pression exercée sur les gens pour qu'ils s'en
17 aillent, et cetera; n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Page 141. Vous résumez la situation, ce que vous avez découvert, je
20 cite : "L'image présenté à l'Ouest, à cette époque, c'était que tous les
21 Albanais de souche avaient été victimes d'une campagne d'expulsion massive,
22 de viol et de meurtre. Il est certain que de tels actes ont été perpétrés.
23 Mais j'ai commencé à me faire une image plus subtile de la situation, à
24 partir de ce que j'ai vu dans ces villages, à partir des conversations que
25 j'ai eues avec des Albanais qui étaient restés sur place, et après de
26 conversations avec les soldats désemparés, les hommes de la milice qui
27 avaient participés au combat, au Kosovo."
28 Donc, ici, en fait, vous nous rapportez ce que des gens vous ont dit, c'est
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1 de l'ouï-dire de première main si on peut dire ?
2 R. Oui.
3 Q. Donc, votre résumé est le suivant, je cite : "Il y a eu des meurtres
4 massifs du fait de la police serbe et de forces paramilitaires en 1998. On
5 a vu démarrer une purge très violente contre les Albanais des deux souches,
6 au début 1999 et qui s'est intensifié avec la menace des frappes aériennes,
7 menaces qui se faisaient de plus en plus certaines."
8 Est-ce que vous maintenez ce que vous dites ici ?
9 R. Oui.
10 Q. Merci.
11 R. [aucune interprétation]
12 Q. [aucune interprétation]
13 R. [aucune interprétation]
14 Q. Vous avez parlé des deux journalistes. Premièrement : "Paul Watson, du
15 Los Angeles Times, le seul reporter occidental au Kosovo pendant la
16 campagne de bombardement de l'OTAN, a déclaré que la campagne destinée à
17 déraciner l'UCK une fois pour toutes, quel qu'en soient les conséquences
18 pour les Albanais innocents, a débuté au cours de la deuxième semaine de
19 mars, et s'est fini le 20 avril. C'est à ce moment-là qu'a eu lieu l'exode
20 massif et principal."
21 Ensuite, paragraphe suivant : "'On a enregistré un changement radical le 20
22 avril où les gens ont cessé d'être expulsé', m'a-t-il dit."
23 Donc, un autre journaliste, mais un journaliste sur lequel vous
24 fondez ce que vous écrivez.
25 R. Aucune.
26 Q. Est-ce que vous avez examiné les éléments de preuve présentés en
27 l'espèce, est-ce que vous avez examinés les éléments qui ont été présentés
28 en l'espèce en tant que journaliste ?
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1 R. Non.
2 Q. Parce que nous avons un témoin Patrick Ball a décrit les différentes
3 phases des départs et, notamment, il semblerait que ce soir le 22 et pas le
4 20 avril. Pourriez-vous nous dire, apparemment, quelle est la raison
5 d'après vous, pourquoi vous parlez plutôt du 20 avril ?
6 R. Je ne peux que me fier à ce que m'a dit Paul Watson, à ce que j'ai cité
7 parce que je n'étais pas sur place à l'époque.
8 Q. Fort bien. Par souci d'équité avant de passer au passage suivant, je
9 relève qu'à la fin de ce paragraphe vous dites ceci, autant lire la
10 totalité : "'Ceux qui haïssaient les Albanais se sont servis du chaos
11 provoqué par les frappes aériennes pour réagir exagérément.' Watson pense
12 aussi qu'il y a d'autres raisons, il n'y a pas qu'une raison à la fuite des
13 réfugiés. 'Beaucoup sont partis parce qu'ils ont été chassés, mais d'autres
14 aussi en aussi grand nombre sont partis pour échapper aux bombes de l'OTAN,
15 et certains sont partis à cause des combats entre l'UCK et l'armée
16 yougoslave'."
17 Je crois que nous n'avons -- nous pourrons en temps utile faire un
18 résumé de sa position.
19 Prenons maintenant la page 147. Vous vous souvenez, Madame Prentice,
20 avoir déclaré dans votre déposition, pour avoir signalé ce que vous avez
21 vu. Vous avez dit avoir parlé à des gens qui attendaient de monter dans des
22 autocars ?
23 R. Oui.
24 Q. Je suppose que vous n'avez pas vos notes prises à l'époque des
25 événements, n'est-ce pas, sur vous ?
26 R. Non. Je les ai, mais pas ici.
27 Q. Je vois. Mais vous aviez ces notes à votre portée lorsque vous avez,
28 bien entendu, préparé votre livre puisque vous vous êtes servi de ces
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1 notes.
2 R. Je pense, oui.
3 Q. Rappelez-vous, aujourd'hui vous avez expliqué que les gens avaient
4 manifestement peur de l'UCK ?
5 R. Oui, c'est ce qu'on nous a dit.
6 Q. Voyons ce que vous avez écrit à ce propos dans votre livre. Page de
7 droite, il y a une partie qu'on voit à l'écran pour le moment, remontons la
8 page. "Pour le moment, nous étions [imperceptible] parce que nous nous
9 avons décidé de se séparer, et j'allais essayer de garder Schiffer --" -
10 c'est votre guide philosophe serbe - "-- qui serait -- resterait occupé
11 d'un côté de la place alors qu'Elaine allait parler de l'autre côté de la
12 place aux Albanais. Puis, on allait renverser les rôles.
13 "Pour le moment, il y a plusieurs bus ayant pour destination la
14 'Macédoine' par un panneau sur l'avant du véhicule, ce sont arrêtés sur la
15 place. Les Albanais de souche automatiquement sont sortis de leur léthargie
16 pour se précipiter autour ce ces bus pour s'amasser, et les chauffeurs
17 assez renfrognais les ont regardé d'un air dédaigneux. Schiffer et Nebojsa
18 étaient à mes côtés, et lorsque j'ai essayé de trouver un Albanais qui
19 parlait anglais. 'Est-ce que vous aimeriez leur parler, je traduirais,' dit
20 Nebojsa avec un sourire. Il n'y a pas beaucoup de policiers si personne ne
21 les harcèle ces gens,' dit-il, Schiffer. C'est vrai, on n'a pas plus de
22 policiers ici que dans une rue londonienne. Mais je savais qu'il y avait
23 plus d'une façon de forcer des gens à partir, des gens dont on ne voulait
24 pas." Qu'est-ce que vous voulez dire en disant cela ?
25 R. Si les gens avaient le sentiment qu'il ne fallait pas nécessaire voir
26 quelqu'un -- pousser quelqu'un pour provoquer un malaise.
27 Q. Est-ce que vous impliquiez quelque chose en disant cela à propos de la
28 présence de votre garde serbe et la présence de Schiffer et Nebojsa ?
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1 R. Tout à fait. Parce que nous n'étions pas satisfaits de leur présence.
2 C'est la raison pour laquelle je suis revenue, et une deuxième fois aussi,
3 Elaine aussi, Elaine Lafferty. A ce moment-là, j'ai demandé à Ibrahim
4 Rugova de m'aider lorsque nous sommes revenus pour essayer de lui parler
5 pratiquement parce que nous n'étions satisfaits de la présence de ces deux
6 hommes.
7 Q. La présence même de ces deux compagnons pourrait déformer ce que les
8 gens vous disaient, effectivement pour qu'on essayait de chasser les gens
9 de l'endroit où ils vivaient ?
10 R. C'est pour cela que nous ne voulons pas qu'ils soient avec nous. C'est
11 la raison pour laquelle nous avons fini pouvoir parler à des gens en leur
12 présence.
13 Q. Poursuivons la lecture pour voir ce qu'ils ont dit d'après votre livre
14 : "Nebojsa a commencé à s'adresser à une jeune famille en serbe. J'ai
15 demandé : 'Pourquoi est-ce qu'ils s'en vont ?', en jouant son jeu ? La
16 famille a murmuré ou a prononcé quelque chose d'incohérent, ce qui a été
17 traduit par Nebojsa comme ceci : 'Ils essaient d'échapper aux bombes de
18 l'OTAN.'
19 "J'ai vu Elaine, qui était en train de parler très sérieusement avec
20 un couple, et en train de monter dans un des autocars. Schiffer l'a vu
21 aussi. Il a essayé de la faire venir et, finalement, il s'est déplacé pour
22 la rejoindre. J'ai remercié Nebojsa. J'ai fait comme si j'allais suivre
23 Schiffer, mais, en fait, j'ai essayé d'aller derrière un autre bus.
24 "'Est-ce qu'il y a quelqu'un qui parle anglais ?' Ai-je demandé en
25 faisant des va-et-vient pour parcourir cette file de personnes ? Un jeune
26 homme a demandé si j'étais de la télévision serbe. Aussitôt, je me suis
27 empressée de le rassurant en lui disant à lui et son frère que j'étais
28 journaliste britannique qui pour eux voulait dire que j'étais une amie de
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1 l'OTAN et de la communauté albanaise. 'Pourquoi est-ce que vous partez,'
2 ai-je demandé ? 'Parce que nous sommes forcés de le faire,' ont-ils dit.
3 'La police nous a dit qu'il nous fallait monter dans ces bus.' Ils m'ont
4 tourné le dos lorsqu'ils ont vu Nebojsa s'approcher l'air préoccupé.
5 "De retour à l'hôtel, Elaine m'a prise à part. Elle avait aussi parlé
6 à un homme qui parlait anglais qui lui a dit qu'il était forcé de partir.
7 Lorsque Schiffer s'était approché, il a insisté pour réinterroger cet homme
8 soi-disant dans l'intérêt d'Elaine. Mais, cette fois-ci, lorsque Schiffer a
9 insisté -- a dit -- a déclaré que l'homme avait décidé de partir pour
10 échapper aux bombes de l'OTAN, l'Albanais avait rétorqué : 'Non, si je pars
11 c'est à cause de la police.' Comme Elaine l'a dit, c'était là un acte de
12 bravoure de sa part.
13 "Commentaire : le problème que rencontre deux journalistes essayant
14 de dissimuler ou de parler de cette région où règne le secret et le complet
15 c'est de savoir qu'il est pratiquement impossible de déterminer qu'il dit
16 la vérité. Mon impression générale c'est que cet après-midi-là les Albanais
17 de source étaient soumis à une pression visant à leur faire quitter le
18 pays."
19 Alors, je dis que tout ce que vous dites dans votre livre, de ce que
20 vous ont rapporté des gens personnellement, vous utilisez le discours
21 direct ici dans beaucoup d'éléments de ce passage. Est-ce que vous ne
22 trouvez pas de ce que vous dites dans votre livre est différent de votre
23 déposition ici ?
24 R. Non, parce que je vous ai indiqué qu'il y avait une personne qui disait
25 que non, c'est la police qui nous force à partir. Vous y retrouvez cette
26 référence ici dans mon livre. Je l'ai répété à de nombreuses reprises dans
27 mon livre. De plus en plus, je me suis rendue compte que les Albanais de
28 source semblaient être soumis à des pressions énormes de la part de l'UCK
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1 pour partir. On m'a posé des questions pour savoir si j'ai vu des gens
2 soumis à des actes de force. J'ai répondu par la négative, et là, je n'ai
3 pas vu ce genre de cas non plus. Je vous ai déjà dit qu'il y avait --
4 Q. Nous venons de lire un passage, est-ce qu'il ne revient pas à dire
5 clairement que les réponses que vous ont données ces deux personnes lorsque
6 Nebojsa n'était pas dans les parages, ni Schiffer. C'est que c'était la
7 police qui leur avait dit de partir. Dans ce passage rien n'indique qu'en
8 fait c'était l'UCK qui les forçait à partir. C'est aussi simple que cela,
9 n'est-ce pas ?
10 R. Je suis convaincue et je sais que quelque part je le dis. Je dis que
11 les gens qui ont dit avoir été forcés à partir -- ils ont dit d'avoir été
12 par l'UCK.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il y a une seule audition ?
14 Est-ce qu'il y a eu une nouvelle édition de ce livre ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a simplement une mise à jour. Tout ceci
16 est resté identique. Il y a une simple mise à jour pour une édition en
17 livre de poche.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Parce que j'ai une autre numérotation
19 dans la copie que j'ai. Je n'ai pas retrouvé ce passage.
20 M. NICE : [interprétation] Quelle est la date de la publication ici dans
21 l'exemplaire que j'aie, je vois : "Droit d'auteur 2000, publication en
22 2001, à la maison d'édition Ducksback."
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est 2000, oui, vous avez raison.
24 M. NICE : [interprétation]
25 Q. C'est le deuxième passage pour lequel je souhaite un commentaire de
26 votre part. Apparemment, c'est l'autre, c'est ce journaliste digne de foi,
27 Paul Watson, qui relate l'assassinat de Kelmendi, avocat, juste avant le
28 début des bombardements de l'OTAN.
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1 M. NICE : [interprétation] Page de droite, bas de la page, Monsieur Nort.
2 Q. Voici ce que dit votre collègue, Paul Watson : "Plusieurs jours plus
3 tard, donc, après le début de la campagne de l'OTAN, la campagne de terreur
4 a connu un autre revirement sinistre dans ce qui a été le moment le plus
5 pénible pour moi dans cette guerre. A partir de ma chambre d'hôtel, au
6 quatrième étage, j'ai entendu un homme qui criait dans la rue. J'ai regardé
7 dans la rue et j'ai vu qu'il y avait des milliers de personnes qu'on
8 forçait, en fait, que les effectifs de l'armée yougoslave forçait à
9 parcourir les rues de la ville pour aller à la gare ferroviaire d'où ils
10 allaient être déportés en Macédoine."
11 Là, nous parlons de la différence entre l'expérience, l'observation
12 personnelle et ce qui ne l'est pas. Ici, Watson dit ce qu'il a vu. Aucune
13 raison de douter de ces dires, n'est-ce pas ?
14 R. Mais c'est bien la raison pour laquelle j'ai repris ce qu'il a dit dans
15 mon livre. Je vous l'ai déjà dit. Je n'avais pas d'autre moyen de savoir ce
16 qui s'était passé au cours des semaines, au cours des quelques jours qui
17 avaient précédé les bombardements de l'OTAN et dès au cours des jours qui
18 ont suivi le début de ce bombardement. Je vous l'ai déjà dit. Il fallait me
19 fier sur ce que d'autres ont dit. C'est la raison même de la présence de
20 ces commentaires dans mon livre. Je voulais précisément que le lecteur voie
21 les deux versants de la question de la problématique.
22 Q. Je ne m'en plains pas. Je ne m'en plains pas. Je voulais simplement que
23 vous répondiez à ma question. Nous essayons de voir si vos sources
24 d'information sont fiables, sont précises. Vous avez dit que vous avez vu,
25 bon, Schiffer n'était pas fiable, et celui-ci l'est plus. Alors, il dit :
26 "Voilà j'ai descendu quatre volets d'escalier pour arriver à l'entrée de
27 l'hôtel. Il dit : "J'étais tout à fait ébranlé lorsque j'ai vu une longue
28 colonne d'Albanais de source. Il y avait au moins 15 personnes de front
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1 sans doute étaient-ils 7 000, et ils sont passés en silence."
2 Vous connaissez Watson puisque vous le mentionnez comme source digne de foi
3 ici. Pourquoi est-ce qu'on douterait de ce qu'il dit ?
4 R. Aucune raison de le faire.
5 Q. Merci. Autre passage, page 159. Vous parlez des rumeurs expliquant
6 l'exode, page 158, je le précise pour ceux qu'ils veulent le lire.
7 Maintenant, prenons la page 159, le passage se poursuit à la page
8 suivante et j'aurai pratiquement terminé avec ce passage :
9 "Ce que les téléspectateurs occidentaux n'ont pas entendu, c'est la
10 version serbe des événements. L'UCK était devenue si forte en 1998 que les
11 Serbes ne pouvaient plus aller dans certaines parties du Kosovo, et
12 certaines familles serbes étaient pratiquement les otages du village dominé
13 par les Albanais. Les forces serbes, l'armée, la police, et les
14 paramilitaires, étaient soumis à d'énormes pressions de la part des Serbes
15 du Kosovo, et aussi de la part du régime de Belgrade, pour qu'ils passent à
16 l'action. Au printemps et en été 1998, ils ont décidé qu'ils en avaient
17 assez et ont commencé une campagne féroce destinée à éliminer l'UCK de la
18 province. Beaucoup ont péri dans ces combats, aussi bien des Serbes que des
19 Albanais."
20 Vous maintenez vos dires ?
21 R. Oui.
22 Q. Ici, c'est vous qui parlez quelquefois à partir d'informations
23 indirectes, parfois directes ?
24 R. Oui.
25 Q. Merci. Je poursuis la lecture : "Au début de la campagne de
26 bombardements de l'OTAN, les Serbes ont poursuivi cette campagne alimentée
27 par un poison inégalé jusqu'à présent, parce que maintenant ils accusaient
28 les Albanais d'avoir fait tomber les missiles de l'OTAN sur leur tête. Il
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1 est certain que des atrocités ont été commises. Beaucoup d'Albanais ont été
2 tués. Mais les Serbes à qui j'ai parlé insistaient pour dire que la plupart
3 de ceux qui avaient trouvé la mort étaient des combattants suspectés ou
4 réels de l'UCK." Vrai ou pas ?
5 R. Oui.
6 Q. "Si c'était vrai, c'est donner une situation tout à fait différente de
7 l'image qu'on a donnée d'un massacre généralisé visant à exterminer une
8 race. Il est aussi important de se souvenir que beaucoup des soldats
9 démobilisés à qui j'ai parlé étaient des conscrits, des civils ordinaires
10 qui avaient été appelés en temps de guerre et qui, souvent, critiquaient
11 autant le régime de Belgrade que l'Occident. Tous parlaient de descentes
12 dans des villages albanais ethniques pour détruire l'UCK. Ils ont dit
13 également qu'ils avaient entendu parler d'atrocités commises par des
14 paramilitaires agissant clandestinement, qui ne faisaient pas la différence
15 entre les membres armés de la guérilla et les civils, y compris les femmes
16 et les enfants, lorsqu'ils passaient au combat."
17 Donc, nous sommes ici en 1998. En 1998, vous avez des paramilitaires qui
18 attaquent et qui tuent des femmes et des enfants dans le cadre d'assauts de
19 ce qu'on pensait être des bastions de l'UCK. C'est vrai ?
20 R. Oui.
21 Q. Vous avez des informations fournies par Barovic, un avocat qui vous a
22 parlé après qu'il soit allé au Monténégro en juillet. Donc, nous sommes au
23 Monténégro. Ils lui ont dit : "Que les gens avaient été forcés de quitter
24 leur foyer par des hommes en uniforme, et puis que ces gens avaient été
25 frappés au moment de monter dans des bus ou rassembler, ou jeter dans des
26 voitures pour quitter le Kosovo." Cependant, dit Barovic : "Il n'avait pas
27 été témoin de campagnes systématiques d'assassinats." Vous maintenez vos
28 propos ?
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1 R. Oui.
2 Q. Dernier point, fruit de vos recherches. Peut-être en passant rapidement
3 une référence à la page 163 qui va peut-être intéresser les Juges pour
4 d'autres raisons, haut de la page 163. Oui. On pourra peut-être aussi
5 parler de la page 162 : "Des morceaux de tissus à la paraffine ont été
6 utilisés pour effacer les traces d'explosif qui auraient prouvé qu'on avait
7 utilisé des armes. Ces échantillons étaient souvent positifs. On tuait
8 souvent ces gens, à moins qu'ils ne soient âgés de moins de 14 ans, s'ils
9 étaient faits prisonniers."
10 Est-ce que c'est vrai qu'il y a des prisonniers qui risquaient d'être
11 abattus si le test à la paraffine s'avérait positif ?
12 R. Oui.
13 Q. Page 165. Là, c'est aussi le résultat de vos recherches par ouï-dire
14 direct sur ce sujet général. Bas de page. Ici, vous parlez d'un certain ex-
15 conscrit : "A partir de ce moment-là, tout a mal tourné. Nous savions qu'il
16 y allait avoir un bombardement, dit un ancien policier. Au Kosovo, nous
17 avions pratiquement tous des antennes paraboliques et nous avons pu voir ce
18 que le monde disait à propos de ce qui se passait au Kosovo. On a dit que
19 nous massacrions les gens, alors qu'en réalité c'étaient des combats avec
20 deux parties belligérantes. C'était insupportable, ces images. Personne
21 n'en parlait, de la mort des Serbes. Tout le monde parlait des Albanais
22 tués à Racak, mais personne n'a parlé des 250 Serbes qui auraient été
23 enlevés à Orahovac. C'était vraiment une espèce de jeu médiatique
24 totalement dégoûtant. A parler aux Serbes qui ont servi dans les forces
25 yougoslaves avant la campagne de l'OTAN, c'était très clair."
26 Je m'arrête un instant. Donc, c'est ce que vous pensez là. Vous ne parlez
27 plus de la source directe provenant de ce policier. Vous dites maintenant
28 qu'il apparaît clairement après avoir parlé aux Serbes qui ont servi dans
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1 les forces yougoslaves, avant la campagne, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. A combien de membres de ces forces avez-vous parlé pour parvenir à
4 cette synthèse que vous reprenez ici dans ce passage ?
5 R. Une douzaine.
6 Q. Est-ce que ces 12 personnes vous ont donné la même histoire ?
7 R. Oui.
8 Q. Voici ce que ces sources vous ont expliqué. Nous parlons ici de la
9 période qui a précédé mars 1999. Pour eux, l'assassinat des combattants
10 albanais de souche qui avaient été emprisonnés était quelque chose
11 d'acceptable. Il leur était impossible de comprendre pourquoi l'opinion
12 occidentale trouvait cela criminel. Pour eux, pour qu'il y ait massacre, il
13 faut qu'il y ait assassinat d'innocents, que ce soit des hommes, des femmes
14 ou des enfants : "Tout le monde nous a vus comme étant des monstres le
15 poignard à la bouche. Mais nous, nous avons notre code d'éthique. Nous
16 savons comment combattre. Quelles sont nos limites. Pour moi, cela ne peut
17 pas être un massacre."
18 Vous montrez ici la différence entre le concept qu'ils ont, eux, d'un
19 massacre, et la réponse qu'on peut avoir lorsque des gens sont faits
20 prisonniers.
21 R. J'ai interviewé des gens des deux côtés et j'indiquais ici que de part
22 et d'autre, lorsqu'il y a un affrontement direct entre groupes armés,
23 effectivement, on a tué des gens de part et d'autre. C'est exact.
24 Q. Oui. Je veux dissiper tout doute parce qu'il se peut que nous nous
25 appuyions sur les termes de votre déposition. Que disiez-vous ici, vous
26 basant sur ce qu'une vingtaine de soldats vous ont dit, soldats qui ont
27 participé à la période qui a précédé la campagne ? Ils disent que le fait
28 de tuer des combattants albanais qui ont été faits prisonniers, c'est
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1 quelque chose d'acceptable. Vous maintenez cela ?
2 R. Oui.
3 Q. Page 178. Page 178, disais-je. Ici, vous parlez du bombardement de la
4 RTS.
5 "Attaque aérienne massive qui a détruit le bâtiment où se trouvait la
6 télévision d'Etat RTS au centre de la ville. Au moins dix personnes ont
7 trouvé la mort; la plupart, les filles chargées du maquillage, ceux qui
8 étaient chargés du [imperceptible] et les techniciens. Les parents de ces
9 jeunes ont demandé, remplis d'amertume, pourquoi les chefs étaient tous
10 partis au moment où il y a eu cette explosion, pourquoi les enfants des
11 hauts placés avaient été avertis de ne pas rester là la nuit. Plus tard,
12 beaucoup ont pensé que le gouvernement avait été prévenu qu'il y aurait
13 cette attaque, mais n'avait pas informé les employés subalternes."
14 C'est le fruit de vos propres enquêtes ?
15 R. Oui.
16 Q. Donc, en Yougoslavie -- pas au cours de la période assez limitée où
17 vous avez été au Kosovo, mais autrement, vous êtes consciente de ce qu'on a
18 raconté à propos de la RTS, de l'évolution de cette problématique ?
19 R. Je ne vois pas trop bien ce que vous voulez dire.
20 Q. [aucune interprétation]
21 R. [aucune interprétation]
22 Q. Les journalistes en ont parlé, donc je suppose que vous avez suivi
23 l'affaire dans la mesure du possible. Vous avez un ancien directeur de
24 cette chaîne de l'Etat --
25 R. Oui, je suis au courant.
26 Q. Il a été condamné à dix ans d'emprisonnement parce qu'il n'avait pas
27 protégé les gens qu'il était censé protéger, pour ne pas avoir assurer la
28 sécurité. Plus récemment -- posons ce document sur le rétroprojecteur, oui,
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1 Miljanovic était membre du SPS, parti de l'accusé. Il y a quelques jours de
2 cela, Petkanic a fait une déclaration dans laquelle il est affirmé que :
3 "Bakocevic, le général de division, a présenté à Marko Milosevic ce qu'il a
4 dit, à savoir qu'on allait bombarder le bâtiment de la RTS et qu'il y
5 aurait des victimes, mais que la propagande qui s'en suivrait serait utile
6 à l'Etat." Ici, il y a une décision active d'autoriser que des gens soient
7 tués à la RTS.
8 R. J'ai lu beaucoup d'articles à ce propos.
9 Q. Ceci, bien sûr, est lié au fils de l'accusé.
10 Maintenant, revenons à votre propre bombardement. Il est certain qu'il y a
11 une certaine sympathie pour vous. Je reprends le compte rendu d'audience et
12 j'espère bien me souvenir de ce que vous avez dit. Vous avez dit que les
13 avions avaient une teinte particulière.
14 R. Oui, ils étaient de couleur rouge.
15 Q. Soit que vos souvenirs ne sont plus exacts, sont déformés, parce qu'il
16 n'y avait pas d'avions rouges de l'OTAN ni, non plus, pour la Serbie. Ce
17 n'est pas une couleur militaire que le rouge. Vous n'avez pas, d'après ce
18 qui m'a été dit et c'est une idée que je vous soumets, il n'y a pas
19 d'avions de couleur rouge.
20 R. Je sais bien que l'OTAN l'a dit. Tout ce que je peux vous dire, c'est
21 que sur les images filmées, et j'en ai une copie chez moi, une bonne partie
22 de l'avion était peinte en rouge.
23 Q. [aucune interprétation]
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ceci a confirmé ce que
25 vous-même vous avez vu, ou bien est-ce que c'est d'abord grâce à ce
26 reportage que vous avez pu vous souvenir de ce que vous avez vu ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que j'ai pensé dès le moment où j'ai
28 vu ces avions. Après, j'ai réussi, il n'y a pas très longtemps de cela, à
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1 avoir ces images, peut-être 18 mois, deux ans de cela.
2 M. NICE : [interprétation]
3 Q. Est-ce que c'est la télévision serbe qui a diffusé la première ces
4 images ?
5 R. Je ne sais pas. Je suis désolée, je pense que c'est la télévision
6 portugaise puisque c'était un reportage d'une équipe portugaise.
7 Q. Vous savez que des éléments de preuve ont été présentés par un certain
8 Djosan. Ce sont les documents de Djosan qui disent qu'il y a eu des vols de
9 l'armée serbe à 6 heures du matin le 30 avril. Je vais vous montrer la
10 pièce concernée dans un instant.
11 R. Non, je ne savais pas.
12 Q. Vous avez affirmé qu'il n'y avait pas de vol des forces serbes. Vous
13 vous fondez sur quoi pour le dire ?
14 R. Je ne suis pas -- je ne pourrais pas être tout à fait précise. Je pense
15 que je m'appuie sur les informations fournies par les Serbes, mais aussi,
16 j'ai écouté des briefings de l'OTAN. Je suis assez sûre qu'au cours des
17 dernières semaines de la campagne de l'OTAN, l'OTAN indiquait qu'elle avait
18 anéanti la Défense aérienne dans le sud de la Serbie et sur l'essentiel du
19 Kosovo.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A quel moment de la journée y a-t-il
21 eu cet incident ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Vers trois heures ou quatre heures de l'après-
23 midi.
24 M. NICE : [interprétation]
25 Q. Je n'ai pas le temps d'aborder cette question, mais vous savez que
26 l'OTAN fournit, publie une liste des cibles touchées. Apparemment, il n'y a
27 pas de de correspondance. Où ce bombardement ce serait-il passé ?
28 R. A peu près à huit kilomètres en dehors de Prizren, sur une route
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1 d'importance stratégique pour les Serbes. Le bombardement avait pris pour
2 cible cette route, et j'aurais beaucoup de mal à comprendre pourquoi les
3 forces serbes chercheraient à détruire une route dont elles ont besoin.
4 Q. Est-ce que c'était à l'ouest ou à l'est de Prizren ?
5 R. Pratiquement est, directement par rapport à Prizren.
6 M. NICE : [interprétation] Si nous trouvons des éléments à ce propos, nous
7 vous les soumettrons, mais jusqu'à présent, pas de résultat.
8 Q. Vous avez dit que ces avions volaient à très basse altitude. Les avions
9 de l'OTAN volaient à très haute altitude. Peut-être que les avions serbes
10 volaient bas pour ne pas être détectées. Est-ce que vous excluez la
11 possibilité que c'étaient des avions serbes ?
12 R. C'est pratiquement inconcevable. J'ai peine à imaginer -- et puis
13 effectivement, les avions de l'OTAN volaient à très haute altitude, mais
14 juste dans les dernières semaines, parce qu'ils avaient dit qu'ils avaient
15 dû anéantir l'essentiel de la Défense aérienne. Ils volaient beaucoup plus
16 bas, ces avions, pour minimiser ce qu'on a appelé les dégâts collatéraux,
17 qui étaient grands lorsque les avions devaient voler à très haute altitude.
18 L'OTAN a dit qu'elle avait commencé à avoir des vols en plus basse altitude
19 pour limiter les dégâts. Je ne vois pas pourquoi la Serbie voudrait
20 détruire ses propres artères d'approvisionnement.
21 Q. [aucune interprétation]
22 R. Parce qu'il y avait deux tunnels tout près de cette route, et c'était
23 cela qui avait été pris pour cible, parce que si on détruisait ces tunnels,
24 la route était impraticable.
25 M. NICE : [interprétation] S'agissant de preuves montrant qu'il y avait eu
26 des vols de la VJ -- le 30 avril, vous trouvez ceci à l'intercalaire 6, de
27 la pièce D321.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Vous parlez du pilonnage de Sarajevo, et vous dites que cela avait été
3 quelque chose qui avait été monté de toute pièce. Pourquoi dites-vous que
4 cela a été préparé, organisé ?
5 R. J'en avais le soupçon parce que déjà, j'avais des doutes quant à
6 l'incident de Markale --
7 Q. [aucune interprétation]
8 R. [aucune interprétation]
9 Q. Parlons, en quelques mots de Markale. Vous n'avez pas amené cet article
10 de Der Spiegel, Jane's Weekly n'a rien publié; c'est simplement quelque
11 chose qui aurait été fait par ce Jane's Weekly, c'est ce que vous aurait
12 dit un de ses collaborateurs ?
13 R. Oui. J'ai eu une très longue interview --
14 Q. Mais vous n'avez pas fourni l'analyse, impossible dès lors pour nous
15 d'en parler, n'est-ce pas, Madame ?
16 R. J'ai parlé à suffisamment d'experts, pas seulement des experts des
17 parties belligérantes en Bosnie, pour être convaincue personnellement --
18 Q. [aucune interprétation]
19 R. [aucune interprétation]
20 Q. -- mais je voulais vous poser une question. Ici, on parle d'éléments de
21 preuve, de preuves, pas de vos conclusions personnelles.
22 R. [aucune interprétation]
23 Q. Vous n'avez rien apporté qui montrerait à quoi reviennent les
24 affirmations de cet expert de Jane's Weekly, n'est-ce pas ?
25 R. Non. Avant de venir ici, j'ai demandé s'il fallait que j'apporte
26 quelque chose. On m'a dit que non. Si j'avais dû apporter tout ce que j'ai
27 -- en plus physiquement je ne peux plus porter de bagage moi-même. S'il
28 fallait que j'apporte tous les documents --
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1 Q. [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Laissez le témoin terminer.
3 M. NICE : [aucune interprétation]
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Si j'avais su quels sont les documents qui
5 auraient pu être utiles à la Chambre, bien entendu, je les aurais apportés.
6 Plus d'une fois j'ai posé la question. J'ai demandé s'il fallait que
7 j'apporte quelque chose au sujet des différents points. Il faut savoir que
8 j'ai un corpus très volumineux qui concerne tout le temps que j'ai passé au
9 Kosovo, et ce corpus ne tiendrait pas dans le coffre d'une voiture.
10 M. NICE : [interprétation]
11 Q. Permettez-moi d'insister que l'analyste de Jane's n'a pas publié ce
12 rapport lui-même.
13 R. Ecoutez, je ne sais pas si, oui ou non --
14 Q. Alors --
15 R. -- je ne sais pas.
16 Q. -- j'étais en train de dire que vous cherchez à affirmer -- à suggérer
17 que les deux organes, à savoir, le gouvernement britannique et également la
18 Chambre des Lords, n'ont pas eu les éléments de preuve ou plutôt qu'ils ont
19 cherché à dissimuler à ces éléments de preuve d'une très grande importance
20 sur un point qui intéresse tout le monde ?
21 R. Oui, tout à fait. Je cherche à dire que cela a été dissimulé ou
22 occulté.
23 Q. Mais par qui ?
24 R. Par les gouvernements occidentaux. Ceci est tout à fait clair à mon
25 sens d'après la réponse écrite qu'a reçue mon père.
26 Q. Mais vous ne l'avez pas apportée ici ?
27 R. J'ai demandé qu'un exemplaire de cette lettre soit envoyé à la Chambre
28 et au conseil de M. Milosevic. Je n'ai appris son existence que 36 heures
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1 avant de venir ici.
2 Q. J'ai d'autres questions à vous poser, mais je vais devoir en terminer
3 très rapidement. Alors, vous vous rendez compte qu'en répondant à mes
4 questions vous avez donné des réponses qui sont pratiquement à 100 %
5 favorables à cet accusé; n'est-ce pas ?
6 R. J'ai répondu aux questions que vous m'avez posées.
7 Q. Je vais vous dire que, lorsqu'on examine votre livre, lorsqu'on voit
8 que vous abordez les gens qui fuient, que là votre récit est différent, et
9 il n'est pas favorable à l'accusé.
10 R. J'ai répondu aux questions qui m'ont été posées au sujet du livre, et
11 j'espère que ceci montre que j'ai toujours essayé de représenter les
12 différentes situations en citant les gens qui se sont trouvées sur place,
13 là où je n'ai pas pu me rendre.
14 Q. Vous avez pris des rendez-vous, vous parlez -- page 25 du livre du
15 rendez-vous que vous avez essayé de prendre avec l'accusé, nous n'avons pas
16 le temps d'en parler, vous avez parlé d'une machine de propagande. Est-ce
17 que vous vous rappelez avoir dit cela ?
18 R. Oui.
19 Q. Je vais vous citer maintenant ce que l'on peut lire dans votre livre,
20 il disait : "Qu'ici cela montre le révisionnisme de cette personne qui est
21 incapable d'accepter l'hypothèse horrible selon laquelle tout le monde a
22 imposé des sévices à tout le monde, et que quelqu'un est massacré sans
23 arrêt et n'est jamais un massacreur."
24 Avec le recul et si vous êtes équitable, est-ce que vous ne pensez
25 pas que du fait de l'expérience que vous avez vécue d'être la cible ou
26 d'être victime d'un bombardement, vous n'avez pas élargi ceci à tout le
27 conflit ?
28 R. Je le répète, j'ai écrit que j'ai toujours dit que toutes les parties
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1 avaient connu des victimes, que toutes les parties dans ce conflit
2 s'étaient livrées à des exécutions horribles. Vous avez fait des citations
3 de mon livre, et c'est une position que j'ai adoptée bien avant que mon
4 chauffeur soit tué et je n'ai pas changé d'iota dans mon attitude, attitude
5 qui est limpide dans tout ce que j'écris depuis les premières hostilités
6 aujourd'hui l'ex-Yougoslavie.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne sais pas si
8 M. Milosevic va vouloir poser des questions supplémentaires, mais si c'est
9 le cas, je crois qu'il faut lui donner le temps de le faire.
10 M. NICE : [interprétation] Une question sur les faits, s'il vous plaît.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
12 M. NICE : [interprétation]
13 Q. Vous avez dit que Rekane est un village où on parle turque ?
14 R. Oui.
15 Q. C'est à proximité au sud-est de Prizren; n'est-ce pas ?
16 R. Oui, c'est tout prêt de Prizren.
17 Q. Vous dites : "[imperceptible]"; c'est parce que vous avez entendu
18 parler le turque, ou est-ce que parce qu'on l'a dit ?
19 R. Parce qu'il portait les vêtements de la minorité turque, parce qu'il
20 semblait parler turque, en tous cas il ne parlait pas albanais.
21 Q. Mais si c'était le bon village, vous savez qu'en fait Rekane c'est un
22 village de Gorani, et c'est là que les Musulmans de Bosnie parler B/C/S.
23 Vous n'avez pas saisi cela ?
24 R. Manifestement pas. On m'en a dit que c'était de turques et que --
25 Q. [aucune interprétation]
26 R. [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
28 Est-ce que vous avez des questions supplémentaires ? N'oubliez pas l'heure.
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1 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Une seule question portant sur des fait.
3 Nouvel interrogatoire par M. Milosevic :
4 Q. Madame Prentice, quand avez-vous été victime de ces bombardements ?
5 R. Je pense que c'est le 30 mai 1999.
6 Q. Donc, le 30 mai 1999. Est-ce que vous avez vu que M. Nice ne cessait de
7 vous poser des questions à propos du 30 avril. Vous vous en êtes rendue
8 compte ?
9 R. Oui. Effectivement, je ne m'étais pas rendue compte. C'était en mai, je
10 pense que c'était la dernière journée, c'était vraiment à la fin du mois de
11 mai.
12 Q. Merci.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Prentice, ainsi se termine
14 votre déposition. Je vous remercie d'être venue pour déposer, et vous serez
15 libre de partir lorsqu'on aura levée l'audience.
16 Les pièces à convictions.
17 M. NICE : [interprétation] Le livre. Je ne sais pas s'il faut en verser les
18 morceaux, ou le livre dans sa totalité. Je m'en remets à la Chambre. Il est
19 déjà en anglais, donc on n'aura pas besoin de le traduire.
20 [La Chambre de première instance se concerte]
21 M. NICE : [interprétation] L'article de 1993 lui aussi sur les camps
22 de prisonniers en Bosnie.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc le livre dans sa totalité
24 ou jute des extraits que vous avez cité.
25 Monsieur Milosevic, qu'en dites-vous ? Tout le livre ou juste des
26 passages qu'on a cités ?
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vu qu'on avait pas beaucoup de temps je n'ai
28 pas voulu poser de questions sur le livre, mais vu la manière sélective et
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1 unilatérale dont M. Nice a cité des portions de ce livre, je pense qu'il
2 faudra le verser dans sa totalité pour se faire une idée juste de ce que
3 l'auteur a écrit à l'époque.
4 M. NICE : [interprétation] Non, je ne vais pas tolérer ce genre de
5 remarques de la part de l'accusé. Je n'ai pas été partial, j'ai présenté
6 les deux faces de la médiale, malheureusement on n'a pas pu l'avoir par
7 avance pour l'examiner avec plus de détails.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Nous allons verser le
9 livre dans sa totalité.
10 M. NICE : [interprétation] Puis, l'article 1993 sur les camps.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, on me versera également.
12 M. NICE : [interprétation] Pour ce qui est du reste document au sujet de la
13 RTS, le témoin a des connaissances plus approfondies là-dessus, mais je ne
14 sais pas si je peux me procurer cela à moins que la Chambre ne souhaite
15 examiner plus en détail ce document ou ces documents.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais, Monsieur Robinson, je n'avais pas
17 l'impression que le témoin a accepté, admis les documents sur le RTS, cela
18 c'est complètement nébuleux, elle ne le sait pas, elle n'aurait pas pu
19 l'accepter.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, nous n'allons pas verser au
21 dossier ce texte-là.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, le livre qui est
23 intitulé : "One Woman's War" sera versé en tant que pièce 940.
24 L'article de 1993 sera versé en tant que pièce 941.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Nous reprendrons lundi à
26 9 heures.
27 [Le témoin se retire]
28 --- L'audience est levée à 13 heures 43 et reprendra le lundi 6 février
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1 2006, à 9 heures 00.
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