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1 Le mardi 7 février 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous allons vous
7 permettre d'en terminer de votre interrogatoire principal pour la partie
8 qui concerne la Bosnie. Ce que j'attends de vous c'est que vos questions
9 soient précises, ciblées et ne dites pas les réponses du témoin. Veuillez
10 ne pas poser de questions du type : "Est-ce que c'est comme ceci ou comme
11 ceci …" ou, dans le deuxième membre de votre question, vous suggérez au
12 témoin la réponse que vous attendez de lui.
13 On me fait savoir que l'intercalaire 28. Non, en fait, cette question
14 a été déjà tranchée et nous attendons de vous que vous en terminiez de
15 votre interrogatoire principal au bout de cette première séance d'audience.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, le Pr Kostic a occupé
17 les fonctions les plus élevées qui soient en Yougoslavie et je ne vois pas
18 très bien comment je serais censé faire des questions, lui poser des
19 questions directrices. Alors, qu'en fait, ce qu'il fait c'est me répondre
20 en me disant ce qu'il sait.
21 LE TÉMOIN: BRANKO KOSTIC [Reprise]
22 [Le témoin répond par l'interprète]
23 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]
24 Q. [interprétation] Professeur Kostic, dans son livre : "Odyssée
25 dans les Balkans," Lord Owen, page 182 de ce livre, qui a été versé au
26 dossier, parle de Mladic. Je souhaiterais citer un passage très bref. "En
27 juin 1991, lorsque la guerre entre les Serbes et les Croates a commencé,
28 Ratko Mladic était chef d'état-major du
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1 9e Corps d'armée qui était basé à Knin. Comme d'autres corps d'armée, ce
2 corps a été démantelé, s'est désintégrer parce que ces membres ont commencé
3 à se proclamer, soit Croate, soit Slovène et qu'ils ont quitté les rangs de
4 la JNA afin de rejoindre ceux de leurs armées nationales respectives.
5 Certains ont même quitté l'armée. D'autres sont partis à l'étranger. Ceux
6 qui sont restés sous les drapeaux de la JNA n'avaient plus aucune liberté.
7 Beaucoup ont été encerclés par l'armée croate dans leurs casernes. C'est
8 une des raisons pour lesquelles la JNA a réagi de manière aussi vigoureuse
9 dans des localités comme Vukovar et, à ce moment-là, s'est déclenchée une
10 guerre civile traditionnelle --"
11 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] [interprétation] Monsieur le
12 Président.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff.
14 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] L'accusé traite, une fois encore, du
15 volet croate de l'acte d'accusation. Alors qu'on lui a permis de poser des
16 questions que sur la Bosnie.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Tout à fait, Monsieur Milosevic,
18 veuillez passer à la Bosnie.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cette question et ce passage que je viens de
20 citer ou Lord Owen, représentant de la Communauté européenne, au cours de
21 tout ce processus de recherche de la paix, lui qui a présidé la conférence
22 de paix. Donc, nous avons un passage où il parle d'une guerre civile
23 traditionnelle. La question que je souhaiterais poser à M. Kostic aurait
24 trait aussi bien à la Bosnie qu'à la Croatie.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
26 Q. Y avait-il guerre civile à cet endroit ou au contraire, peut-on parler
27 d'une agression, d'une occupation de ce genre de phénomène ? Veuillez
28 répondre sur la base de ce que vous savez de la situation l'époque.
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1 R. Il est manifeste qu'aussi bien en Croatie et, malheureusement, plus
2 tard en Bosnie, on s'est trouvé confronter à une guerre civile les plus
3 typiques avec la particularité de voir cette guerre opposée de communautés
4 ethniques, les Serbes et les Croates. Donc, les Serbes et les Croates, en
5 Croatie, alors qu'en Bosnie, la chose a été encore plus violence puisque
6 tout le monde était en guerre contre tout le monde. Pendant un certain
7 temps, il y a eu une guerre entre une coalition de Musulmans et de Croates
8 contre les Serbes. Plus ultérieurement, les Croates et les Musulmans se
9 sont affrontés et cela, c'est l'exemple le plus classique que l'on puisse
10 imaginer d'une guerre civile.
11 Si vous m'y autorisez, je dispose d'un CD et quatre minutes des
12 extraits de ce CD vous en diront plus que ce que je peux vous dire parce
13 qu'il s'agit d'une intervention que j'ai faite à la télévision de Sarajevo
14 et qui a causé un véritable scandale au sein de la démocratie croate.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez répondu à la question, je
16 ne souhaite pas écouter ce CD.
17 Autres questions, Monsieur Milosevic.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Professeur Kostic, quels types d'efforts ont été déployés par la
20 présidence de la RSFY pour empêcher que le conflit ne s'étende à la Bosnie-
21 Herzégovine ?
22 R. A plusieurs reprises et déjà au cours du premier semestre de l'année
23 1991, nous avons procédé à une évaluation de la situation politique et de
24 la situation en matière de sécurité en Bosnie-Herzégovine et nous avons
25 donné des mises en garde indiquant que la situation ne cessait de s'aviver,
26 les tensions devenaient de plus en plus vives. Nous avons mis en garde les
27 dirigeants. Nous avons dit qu'à moins que les dirigeants des trois
28 communautés ethniques n'essaient de prendre ensemble un même chemin, il y
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1 aura immanquablement une guerre civile et que personne n'en sortirait
2 gagnant.
3 De plus, dans sa composition réduite, la présidence de la RSFY a organisé
4 une conférence sur la Yougoslavie, le 3 janvier, avec la participation de
5 diverses organisations, mouvements et personnes individuelles venant de
6 Yougoslavie. La plupart venaient de Bosnie. Malheureusement, les membres de
7 l'Action sociale démocratique, le SDA, le parti de M. Alija Izetbegovic,
8 ils n'ont pas participé à cette réunion, comme d'ailleurs ça a été le cas
9 pour les membres de l'Union démocratique croate de M. Tudjman.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous disposons des images qui
11 viennent de la séquence, qui viennent d'être mentionnées par M. Kostic ? Si
12 c'est près dans la cabine technique, on pourrait les visionner.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne dure que trois minutes et demie.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais qu'est-ce qu'on y voit dans
15 cette séquence, M. Kostic ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'une interview que j'ai accordée à
17 une émission qui s'appelle Club 92, à la télévision de Sarajevo ou 91 peut-
18 être, et c'était à la vieille du Noël catholique, après toutes les
19 discussions qui avaient eu lieu à la présidence, juste avant le début de la
20 guerre en Bosnie.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que cela ajoute quoique ce
22 soit à ce que vous venez de nous expliquer au sujet de la nature du
23 conflit ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, cela ajoute quelque chose à ce que je
25 viens de dire.
26 [La Chambre de première instance se concerte]
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, nous n'allons pas visionner ce
28 passage, passons à un autre thème, Monsieur Milosevic.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation]
2 Q. Que savez-vous et que pouvez-vous nous dire de ce qu'on a appelé
3 l'initiative de Belgrade ? Je souhaiterais attirer votre attention sur le
4 document qui figure à l'intercalaire numéro 72, dans lequel figure votre
5 livre et il y a également le texte de l'initiative de Belgrade à cet
6 endroit. Vous pouvez consulter ce document.
7 R. L'initiative de Belgrade a été signée en août 1991. Les représentants
8 du plus haut niveau de la Serbie ont participé à cette initiative, à son
9 développement, ainsi que vous, M. Momir Bulatovic qui vient de la
10 présidence de Monténégro. Il y avait M. Momcilo Krajisnik de Bosnie-
11 Herzégovine, mais il ne représentait le peuple serbe, il était là en que
12 président de l'assemblée de Bosnie.
13 On comptait d'autres participants à cette initiative de Belgrade. Cela on
14 peut s'en assure en consultant le document qui figure à l'intercalaire
15 précité.
16 L'objectif principal de l'initiative de Belgrade était de définir un
17 cadre permettant d'organiser tous ceux qui souhaitaient continuer à vivre
18 dans un Etat commun. L'initiative de Belgrade donc, c'était une porte
19 ouverte à tous ceux qui estimaient que c'était dans leur intérêt de
20 continuer à vivre ensemble dans un Etat unique et commun. Ils pouvaient
21 choisir de s'engager dans le cadre de ces principes, parce que -- des
22 élections macédoines par exemple -- enfin, le référendum n'avait pas encore
23 été organisé en Macédoine.
24 Q. Y a-t-il eu un projet de proposition sur la manière dont, un Etat futur
25 devait être organisé ?
26 R. Oui. Une proposition a été faite et son point central c'était que
27 l'Etat qui devait être créé à l'avenir devait avoir un parlement à deux
28 chambres. Dans une de ces chambres il y aurait les représentants des
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1 républiques, ceci en fonction d'une représentation proportionnelle, afin de
2 permettre et de garantir des droits égaux à toutes les républiques et à
3 toutes les entités figurant dans cet Etat futur, sans que quiconque puisse
4 se voir mis en minorité par les autres. Donc cela figure à l'intercalaire
5 84.
6 Q. On trouve là beaucoup de discours, beaucoup d'allocutions, y compris le
7 discours de Mesic et sa déposition ici, selon laquelle nous étions en
8 faveur d'une fédération extrêmement étroite. Le document 84 montre ce qui a
9 été proposé.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'initiative de Belgrade, se trouve
11 à l'intercalaire 9 de la pièce sur 272 de la pièce 338.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est exact, Monsieur Robinson, mais je n'ai
13 pas demandé son versement parce que c'est déjà une pièce. Je souhaitais
14 simplement que le témoin nous apporte ses observations sur ce point, il a
15 été l'un des hommes politiques de premier plan de la Yougoslavie à
16 l'époque.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, essayer de
18 rester concentré sur l'essentiel, c'est à vous de nous fournir cette
19 information. Ce n'est pas au Juge Kwon de le faire.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Intercalaire 84.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. Que voit-on au paragraphe 1 ?
23 R. "La Yougoslavie est un Etat commun comportant des peuples, des
24 républiques et des citoyens égaux.
25 Q. Inutile de lire tous les paragraphes. Lisez simplement le point 4.
26 R. "Les Républiques de Yougoslavie proclameront leur constitution de
27 manière indépendante. Mais toutes les institutions yougoslaves agiront dans
28 le cadre de leur compétence, conformément à la constitution de Yougoslavie.
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1 "Les Républiques de Yougoslavie établiront de manière indépendante
2 des relations internationales, et concluront des pactes et des traités
3 internationaux en dehors de domaines qui eux relèvent de la constitution de
4 la Yougoslavie. Ces relations ou ces pactes ou traités ne sauraient aller
5 au détriment de l'intérêt commun de la Yougoslavie, ni au détriment des
6 intérêts autres peuples, républiques de la Yougoslavie."
7 Q. Point 5.
8 R. "Les Républiques et les nations de la Yougoslavie peuvent quitter la
9 Yougoslavie conformément à la procédure figurant à la constitution et à la
10 législation de la Yougoslavie, à condition que les intérêts des autres
11 nations et des autres républiques ne soient pas remis en cause.
12 Q. Point 7.
13 R. "La Yougoslavie sera fondée sur le principe de l'égalité des peuples et
14 républiques yougoslaves. Les minorités nationales bénéficieront de la
15 reconnaissance de tous les droits des minorités, de tous les droits
16 humains, conformément aux traités internationaux pertinents."
17 Q. Point 9.
18 R. "L'économie de la marché, l'égalité de toutes les formes de propriété,
19 la liberté de circulation des personnes et des biens du capital, et cetera,
20 la liberté d'entreprendre sont les principes fondamentaux qui assoiront la
21 vie économique de la Yougoslavie.
22 Q. Au point 10.
23 R. Point 10 : "En Yougoslavie, les autorités de l'Etat seront organisées
24 sur le principe de la division du pouvoir sous forme d'une république
25 parlementaire multipartite, obéissant à l'Etat de droit et à la justice
26 sociale.
27 Q. Il s'agit des propositions destinées à organiser une relation interne
28 au sein de la Yougoslavie. Quel type de pouvoirs sont prévus, sont
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1 envisagés pour les instances de la Yougoslavie, les institutions de la
2 Yougoslavie qui figurent au point 3. Qu'est-ce qui était prévu ? Quel
3 devait être les éléments qui relevaient de l'Etat conjoint de l'état ?
4 R. Il était envisagé la chose suivante, au niveau de la Yougoslavie. La
5 législation en matière d'affaires bancaires, de politique relative à la
6 douane, à la politique monétaire, relations extérieures, tout cela était du
7 ressort de ce niveau-là, ainsi que le système fiscal, les relations
8 commerciales au sein du marché yougoslave, la science, la technologie et la
9 défense de la Yougoslavie, la position, la composition et l'emploi de
10 l'armée yougoslave, la représentation de la Yougoslavie à l'extérieur dans
11 le cas de ces relations internationales, et cetera.
12 Q. Qu'en est-il du point 5, libertés et droits des citoyens ?
13 R. Les libertés et les droits des citoyens prévus par les traités
14 internationaux, j'ai déjà dit que le parlement devait avoir deux Chambres.
15 Q. Donc on a une assemblée, un président de la république, un
16 gouvernement. Voilà quelles étaient les instances, les institutions qui
17 étaient prévues par cette proposition.
18 Pouvez-vous nous dire en quelque mot qui était Adil Zulfikarpasic ?
19 R. Le Dr Adil Zulfikarpasic c'était un homme respecté l'un des
20 intellectuels de plus grand renom que comptait la Yougoslavie, qui venait
21 de Sarajevo donc et qui a rejoint les rangs du parti du SDA de M. Alija
22 Izetbegovic au départ, et puis, qui soudain a décidé de se distancer
23 quelque peu du SDA et il a fondé son propre parti avec
24 M. Muhamed Filipovic, il s'agit d'un parti bosnien.
25 Q. Pourquoi ce revirement, cet éloignement du SDA ?
26 R. Bien, parce qu'au cours des premiers meetings du SDA auxquels il a
27 participé à la veille des premières élections multipartites, élections
28 parlementaires, il a eu l'impression que le parti se faisait de plus en
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1 plus extrémiste, intégriste au fil des jours dans la formulation de sa
2 politique, et d'ailleurs il a même écrit que certains de ses amis, certains
3 membres des partis libéraux allemands, qu'il souhaitait inviter à venir en
4 Bosnie-Herzégovine, bien, finalement, il a renoncé à ce projet, il a décidé
5 de ne pas les inviter quand il a vu à quel point les meetings en question
6 devenaient extrémistes.
7 Q. Oui, effectivement. Il a annulé les visites prévues de ses amis
8 étrangers quand il a vu le type d'iconographie du parti du SDA. D'ailleurs
9 il en parle longuement dans une de ces interviews dont nous n'allons pas
10 parler ici. Mais est-ce que vous disposez de l'interview qu'il a accordée
11 au magazine Nin ?
12 R. Un instant je vais essayer de la trouver.
13 Q. Si vous n'y parvenez pas, je vais simplement vous poser la question
14 suivante : savez-vous qu'étant donné qu'il était un des partisans
15 d'Izetbegovic et un de ses collaborateurs les plus proches pendant
16 longtemps, il est venu voir dans le cas de l'initiative de Belgrade ?
17 R. Je le sais.
18 Q. Vous savez que nous avons longuement discuté de tous ces sujets à ce
19 moment-là.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que l'on place sur le
21 rétroprojecteur un extrait de ce qu'il a dit ou écrit, afin de voir quels
22 sont certains des sujets qu'il a abordés avec moi. J'ai le document ici.
23 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] A quel intercalaire se trouve ce
24 document ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quel est le numéro de
26 l'intercalaire, Monsieur Milosevic ?
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] L'interview de Zulfikarpasic qui est beaucoup
28 trop longue, donc je ne l'ai pas fait figurer dans le classeur. Je ne vais
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1 en extraire qu'un bref passage. C'est une interview qui a été accordée à
2 l'hebdomadaire Nin, c'est une interview qui ne fait pas moins de 50 pages.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Veuillez simplement zoomer sur la partie qui a été surlignée. Je vais
5 vous demander de lire ce qu'il dit ici au sujet de mes propositions.
6 R. "Il proposait que le président de la présidence de Yougoslavie soit
7 choisi en fonction de l'ordre alphabétique et que la Bosnie-Herzégovine
8 soit celle qui donne -- qui fournisse le premier président. Milosevic me
9 dit qu'il est d'accord pour qu'un Musulman soit président du pays pendant
10 cinq ans, un président qui aura des compétences semblables à celles du
11 président français, c'est-à-dire que c'est un président qui sera en mesure
12 de désigner les dirigeants militaires, les diplomates," et cetera.
13 Q. Merci. On est en train de parler d'une époque à laquelle nous essayons
14 de trouver le moyen de reformer cette Yougoslavie, d'avoir ou d'entretenir
15 des relations si amicales que possible avec d'abord les Musulmans en
16 Bosnie-Herzégovine, et est-ce que vous pourriez imaginer une Grande-Serbie
17 dans laquelle Alija Izetbegovic serait président pendant cinq ans avec tous
18 les pouvoirs que nous venons d'évoquer ?
19 R. Oui, cela est un détail extrêmement important qui ne fait que confirmer
20 ce que j'ai dit dès le départ, à savoir que jamais il n'a existé cette
21 intention de mettre en place une Grande-Serbie.
22 Q. D'après l'initiative de Belgrade, cette nouvelle union yougoslave, est-
23 ce qu'elle aurait accueilli la Croatie, la Slovénie qui était partie et qui
24 aurait peut-être voulu revenir au sein de cette nouvelle union ?
25 R. Cette union était ouverte à tous même si l'adhésion n'était pas
26 immédiate. Si à un moment donné telle ou telle république estimait que
27 c'était là une union utile, elle pouvait rejoindre cette union. Il y a eu
28 des pourparlers entre M. Zulfikarpasic et vous-même à partir de
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1 l'initiative de Belgrade et ce furent des pourparlers connus. On en parle
2 comme de l'accord historique entre les Serbes et les Musulmans.
3 Q. Qui a accepté l'initiative de Belgrade et qui l'a rejetée ?
4 R. D'après ce qu'écrit lui-même M. Zulfikarpasic, il n'a pas pris
5 l'initiative tout seul de venir vous voir à Belgrade. M. Alija Izetbegovic
6 l'a autorisé à discuter d'un éventuel accord entre Serbes et Musulmans.
7 Alija lui avait dit que les Serbes ne les voyaient pas d'un bon œil et que
8 plutôt que ce soit Alija qui dirige ces pourparlers ce serait préférable
9 d'avoir M. Zulfikarpasic, et ce dernier a marqué son accord et il a accepté
10 l'accord élaboré à Belgrade. Il est rentré à Sarajevo, en à informer
11 Izetbegovic, et apparemment, ce jour-là ou le lendemain, M. Izetbegovic
12 devait se rendre en Amérique. Il donné son aval à cet accord. Mais il a dit
13 qu'il nous fallait attendre qu'il soit de retour des Etats-Unis, et
14 lorsqu'il est revenu des Etats-Unis il a dit que l'accord auquel était
15 parvenu M. Zulfikarpasic à Belgrade n'était plus valable.
16 Q. Nous avons vu ce document à l'intercalaire 84. Qu'en est-il de la
17 Commission de la présidence qui a préparé cet accord de Belgrade ? Vous
18 étiez vice-président, c'est un document du 5 septembre 1991 et il se trouve
19 à l'intercalaire 32.
20 R. Nous avons déjà commenté ce document, l'initiative de Belgrade et ce
21 document en date du 5 septembre. Ce dernier, c'est en fait un communiqué de
22 presse par lequel Stjepan Mesic intervient à la séance inaugurale à La
23 Haye.
24 Q. Est-ce que toute la présidence, qui avait à sa tête Mesic, a accepté ce
25 document ?
26 R. Oui. Je vous l'ai déjà dit.
27 Q. Oui, mais maintenant, nous voyons ceci sous un autre angle, parce que
28 vous avez parlé de ceci en rapport avec Mesic, cela, c'est une chose.
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1 Maintenant, nous discutons de l'initiative de Belgrade sous l'angle de la
2 situation qui prévalait en Bosnie-Herzégovine. Zulfikarpasic, à l'époque,
3 vous ne l'aviez pas mentionné en réponse à la question que je vous avais
4 posée auparavant. Mais maintenant, nous parlons de la Bosnie.
5 Je ne vais pas m'attarder sur ce point parce que je veux poser mes
6 questions le plus rapidement possible. Nous n'allons dès lors pas parler de
7 son point de vue à lui, de la description qui est faite de la situation
8 politique.
9 Zulfikaparsic, vous l'avez dit, parle du caractère extrémiste et
10 intégriste qui semble caractériser sans cesse davantage le SDA. Avant tous
11 ces événements qu'il mentionnait, il parle de ces grands rassemblements, de
12 ces meetings. Auparavant, est-ce qu'on avait eu déjà eu déjà des signes
13 clairs, du point de vue intégriste et fondamentaliste, d'Izetbegovic et de
14 ceux qui étaient les dirigeants musulmans en Bosnie-Herzégovine ?
15 R. Oui. C'était tout à fait évident. Tout d'abord, vous savez
16 qu'Izetbegovic est l'auteur de ce qu'on a appelé "La déclaration
17 islamique," qui, même si elle a été préparée en tant que programme
18 politique, elle prône un point de vue tout à fait extrémiste quant à la
19 façon d'organiser un Etat musulman. Il y a un passage dans cette
20 déclaration où M. Izetbegovic dit expressément que dans un tel Etat
21 islamique, il n'y a pas de place pour d'autres points de vue ou d'autres
22 options politiques ou religieuses. Izetbegovic l'a dit en public. Il a
23 déclaré que tout ce qui s'était en Bosnie pendant la guerre civile s'était
24 passé 20 ou 30 ans trop tôt, parce que 20 ou 30 ans plus tard, de façon
25 pacifique, de toute façon la Bosnie serait devenue un Etat où il y avait
26 une majorité démographique musulmane et il aurait été possible, à ce
27 moment-là, d'avoir un Etat musulman puisque les Musulmans étaient
28 majoritaires au sein de la population.
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1 Q. Est-ce qu'on avait des indications montrant que dans un tel Etat de
2 Bosnie indépendant, les Serbes ne seraient pas sur le même pied d'égalité ?
3 R. Oui, ces signes, on les voyait au quotidien. On a vu qu'on on a tenté
4 de prendre des décisions sur les questions les plus capitales qui allaient
5 vraiment avoir le plus d'incidence sur la Bosnie, en essayant de l'emporter
6 par les voix, par les votes de la part des Musulmans et des Croates contre
7 les Serbes, et sans leur présence au sein de la présidence de Bosnie-
8 Herzégovine. Le parlement de Bosnie-Herzégovine a pris des décisions
9 touchant aux questions les plus importantes pour les Serbes en Bosnie-
10 Herzégovine. La constitution de la Bosnie-Herzégovine, pas celle de la
11 Yougoslavie, mais la constitution de Bosnie-Herzégovine disait qu'il y
12 avait trois peuples constitutifs : les Croates, les Serbes et les
13 Musulmans, et qu'il était interdit à un de ces peuples constitutifs de
14 prendre une décision qui pourrait nuire à l'un ou l'autre des autres
15 groupes, notamment lorsqu'il s'agissait de questions ayant une incidence
16 sur la destinée même de ces peuples. Début 1992, la présidence de Bosnie
17 fonctionne sans qu'il y ait des représentants du peuple serbe, alors que
18 c'était un organe collectif, tout comme c'était le cas au niveau de la
19 RSFY.
20 Q. L'assemblée qui a pris une décision en matière de référendum après deux
21 heures du matin, alors que les Serbes étaient partis parce qu'ils voulaient
22 faire une brève interruption, est-ce que cette décision, elle a été prise
23 avec ou sans les représentants serbes ?
24 R. [aucune interprétation]
25 Q. Nous avons vu quelques images de ce que Lord Carrington a dit lorsqu'il
26 a signalé que c'était illégal. Est-ce que la présidence de la RSFY a montré
27 que c'était là une action illégale ?
28 R. Oui.
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1 Q. Qu'en pensaient la présidence fédérale et les autres organes ?
2 R. La présidence de la RSFY, mais aussi les autres institutions de l'Etat,
3 ont indiqué que si l'on essayait d'adopter des solutions, de prendre des
4 solutions sans que l'un des peuples constitutifs de la Bosnie soit présent,
5 on risquait de déboucher sur une guerre civile, et cela s'est avéré.
6 Q. Au sein de la présidence à l'époque, pensez-vous que les craintes des
7 Serbes étaient justifiées ? Les Serbes se disaient que s'il y avait une
8 Bosnie unifiée et indépendante, ils risquaient de tomber sur le joug d'un
9 groupe politique, qu'un de ces fondateurs, Adil Zulfikarpasic, a décrit
10 comme extrémiste et intégriste.
11 R. Les Serbes avaient raison d'avoir ces craintes. C'étaient surtout les
12 Serbes de Bosnie qui ont le plus vivement ressenti ces craintes, parce
13 qu'ils se souvenaient encore de ce qu'ils avaient subi au cours de la
14 Deuxième guerre mondiale. Dès le départ, ils ont eu du mal à croire que les
15 Croates et les Musulmans voulaient prendre des décisions aussi importantes
16 en l'absence des Serbes. Les Serbes avaient peur d'être mis en minorité.
17 C'était une crainte permanente, et ils se disaient que, peut-être, une
18 décision concernant leur statut se prendrait de la même façon. Ils avaient
19 peur de se trouver en minorité en Bosnie.
20 Q. Voyons quelques images qui nous montrent le Reis-Ul-Ulema, Mustafa
21 Ceric, ce qui nous donnera une idée de son avis.
22 [Diffusion de cassette vidéo]
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il manque un mot au compte rendu,
24 avant "Mustafa Ceric" ?
25 L'INTERPRÈTE : Reis-Ul-Ulema, c'est le représentant religieux le plus élevé
26 en Bosnie.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
28 [Diffusion de cassette vidéo]
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1 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]
2 "C'est l'ordre qui nous est donné par Dieu et c'est une obligation
3 humaine."
4 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Donc la Jihad, c'est un ordre donné par Dieu. C'est une obligation qu'a
7 l'homme. Voyons quelques autres images très rapidement. On va voir
8 Izetbegovic, ainsi qu'une formation de Mujahedin. L'image précise qu'il
9 s'agit de la région de Maglaj, Bosnie.
10 [Diffusion de la cassette vidéo]
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Fort bien. Ceci suffira. Dans ce genre de climat, que pouvaient penser
13 les Serbes de Bosnie ?
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on a une date ? Est-ce qu'on
15 a une idée de ce que signifient ces images ? Pour moi, c'est tout à fait
16 dépourvu de sens.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est une parade ou une inspection d'une
18 brigade de Mujahedin.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est une question que je posais au
20 témoin. Je lui demandais de m'indiquer, s'il le pouvait, où cela se passait
21 et à quel moment cela s'était passé ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas vu d'images à l'écran. Je n'ai
23 reçu que la bande son.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, c'était vraiment utile comme
25 moment de procédure.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passez à un autre sujet, Monsieur
27 Milosevic.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] D'accord.
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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Professeur, que savez-vous des efforts déployés par la communauté
3 internationale en faveur de la paix et de la coopération entre les
4 représentants des trois parties prenantes à la situation prévalant en
5 Bosnie-Herzégovine, ce qui a débouché sur le plan Cutileiro ? Que savez-
6 vous à ce propos ? Que savez-vous du plan Cutileiro ?
7 R. Je suis au courant parce que j'étais vice-président de la présidence
8 yougoslave, à l'époque. Voici ce que je sais : la communauté internationale
9 avait déclenché une initiative afin d'essayer d'enrayer l'escalade risquant
10 de mener à une guerre civile en Bosnie-Herzégovine et la présidence, même
11 si c'était en composition réduite, et les autorités de l'Etat et les
12 autorités politiques de Serbie-et-Monténégro, ont soutenu les efforts
13 déployés par la communauté internationale sans réserve.
14 Ce plan Cutileiro prévoyait une espèce de principe de répartition par
15 cantons en Bosnie-Herzégovine.
16 Q. Nous avons l'intercalaire 62, où se trouve une carte prévue par le plan
17 Cutileiro. On pourrait la poser sur le rétroprojecteur, et vous pourriez
18 m'indiquer quel était le principe directeur à la base de cette division en
19 cantons, à l'intention des gens qui suivent ce procès. De cette façon, ils
20 auront une meilleure idée de la chose.
21 Vous avez la carte. La légende est en cyrillique, mais vous avez, en
22 rayures horizontales, les Serbes; en couleur sombre, vous avez la zone
23 croate; et vous avez, en rayures diagonales, Sarajevo, canton séparé avec
24 un régime spécial; en blanc, vous avez les régions musulmanes; les Serbes,
25 en lignes horizontales.
26 R. Ce plan Cutileiro essayait de parvenir à une solution permettant de
27 mettre fin à la guerre civile.
28 Q. Ce plan, il est antérieur à la guerre civile.
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1 R. C'est vrai, mais l'idée fondamentale, c'était, dans ce plan, qu'il
2 fallait organiser la Bosnie-Herzégovine en tant qu'entité, mais à partir du
3 principe des cantons, de façon à ce que chaque communauté ethnique dispose
4 de son propre canton.
5 Q. Oui. C'est l'explication qui est donnée dans la légende aussi, ce
6 principe de répartition par cantons. Dites-moi, quand ces négociations se
7 sont terminées, est-ce que les trois parties ont accepté ce plan ?
8 R. Oui. Les trois parties prenantes ont accepté ce plan Cutileiro, y
9 compris M. Alija Izetbegovic. Cependant, dès que la Bosnie-Herzégovine est
10 devenue membre des Nations Unies, M. Izetbegovic s'est désisté et a retiré
11 sa signature du plan Cutileiro.
12 Q. Il l'a fait avant que la Bosnie-Herzégovine devienne un membre des
13 Nations Unies, mais peu importe. Que savez-vous à propos de ce
14 désistement ?
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous êtes au courant de ce
16 plan ? Parce que cela fait deux fois que l'accusé doit vous corriger sur
17 les détails le concernant. Est-ce que ce plan a vu le jour au moment où
18 vous étiez à la présidence ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, si ce n'est que nous dans la présidence -
20 -
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voudrais vous demander ceci. Quel
22 genre de participation directe avez-vous eu par rapport à ce plan, en tant
23 que membre de la présidence ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur Bonomy, je n'ai pas eu de
25 participation directe. Je n'ai pas travaillé à ce plan, parce que la
26 présidence fédérale n'a pas été engagée dans ce processus d'élaboration du
27 plan Cutileiro. En tant que vice-président de la présidence fédérale, à
28 l'époque, je sais que nous étions vraiment très, très intéressés à trouver
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1 une solution pacifique dans la crise en Bosnie. Le plan nous intéressait,
2 et je peux vous dire qu'à l'époque, M. Zimmerman, l'ambassadeur des Etats-
3 Unis, a convaincu M. Izetbegovic de ne pas accepter ce plan Cutileiro.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il me semble que le présent témoin est
5 vraiment très éloigné des détails concernant ce plan. Il faudrait vraiment
6 avoir un témoin qui est plus proche des événements et qui vienne déposer
7 ici, ou alors c'est une question de poids que la Chambre va accorder aux
8 dires du témoin.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Les trois parties en Bosnie ont participé à
10 l'élaboration du plan Cutileiro. Personne en dehors de la Bosnie-
11 Herzégovine et de Cutileiro et de ses associés n'y a participé. Ils se sont
12 mis d'accord, la carte a été publiée, une fois le plan adopté, tout le
13 monde était très content, parce qu'on croyait avoir ainsi résolu le
14 problème de la Bosnie, c'est un fait. Inutile de prévoir les modalités de
15 création, de l'élaboration parce que les négociations ont lieu à Lisbonne,
16 où étaient présents les trois représentants des trois partis --
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela ne suffit pas que vous déposiez
18 vous-même, même si apparemment c'est la décision que vous avez prise.
19 Manifestement ici, il y a très peu de chance que vous pourrez présenter par
20 le truchement de ce témoin, vous n'avez pas beaucoup de temps, or, vous
21 êtes en train de le perdre sur des points pour lesquels le témoin n'a pas
22 de connaissance personnelle ou directe.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Professeur --
25 [La Chambre de première instance se concerte]
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien. Monsieur Milosevic,
27 poursuivez. Effectivement, il s'agira de voir quel poids la Chambre peut
28 donner à la déposition de ce témoin au regard du plan Cutileiro, vu la
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1 participation qu'il a eu dans ce plan. Mais poursuivez.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Il y a un instant, vous avez vu une carte de la division par canton,
4 cela a été publié dans les médias. Est-ce que cette distribution cantonale
5 peut être un terrain fertile pour des prétentions territoriales,
6 d'expansion territoriale de la part de la Serbie ?
7 R. Pas du tout, vous le voyez. Quand vous regardez la partie la plus
8 importante, les zones avec des lignes horizontales, vous voyez que la
9 partie réservée aux Serbes en Bosnie occidentale est tout à fait coupée,
10 coupée de la Serbie. Entre ces deux parties, il a des territoires contrôlés
11 par les Croates et les Musulmans. En plan, c'est là aussi un canton
12 musulman. Donc même si vous regardez de façon superficielle cette
13 proposition de division en canton, ce qui a été accueilli avec beaucoup
14 d'enthousiasme par les Yougoslaves, vous verrez qu'il ne saurait être
15 question de prétention territoriale de la part de la Serbie.
16 Q. Est-ce que d'après ce plan Cutileiro, la Bosnie devait être un Etat
17 indépendant ?
18 R. Oui.
19 Q. Les Serbes ont accepté l'idée ?
20 R. Oui. Donc, c'est une idée d'un Etat indépendant pour autant qu'il y ait
21 cette répartition en canton.
22 Q. Passons à un autre sujet, dans quelle condition la JNA s'est-elle
23 retirée de la Bosnie-Herzégovine ?
24 R. En fait, cela a été les mêmes modalités de fonctionnement quand
25 Slovénie, et surtout en Croatie. En Bosnie-Herzégovine, étaient installés
26 beaucoup d'usines militaires. L'industrie militaire était très présente. Il
27 y avait aussi beaucoup de garnisons, de casernes qui étaient déployées dans
28 toute la Bosnie-Herzégovine pas temps de paix, dans les temps où il était
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1 important d'avoir un accord. C'était important pour l'armée yougoslave,
2 pour les soldats. Nous avions très peur que ce qui allait se passer, ce qui
3 s'était passé en Croatie risquait de se reproduire ici.
4 Q. Vous étiez vice-président, vous étiez aussi président au niveau de la
5 présidence réduite, vous avez en tant que tel, n'est-ce pas, rencontré
6 Izetbegovic le 26 avril 1992 ?
7 R. Oui.
8 Q. Où cette réunion a-t-elle eu lieu, quels ont été les participants, puis
9 nous reviendrons sur sa teneur ?
10 R. Réunion à Skopje le 26 avril 1992, représentant l'état-major du
11 commandant suprême, il y avait avec moi le général Blagoje Adzic, et
12 c'était Kiro Gligorov, qui nous accueillait à Skopje. A plusieurs fois,
13 j'ai essayé en vain de prendre contact avec
14 M. Izetbegovic et, finalement, cette réunion a eu lieu, à Skopje. Réunion
15 au cours de laquelle nous avons discuté de la façon dont on pouvait trouver
16 une solution à la question de la présence de la JNA en Bosnie-Herzégovine.
17 M. Izetbegovic nous a dit que la JNA pouvait rester encore cinq ans en
18 Bosnie-Herzégovine. Il a bien demandé que les chefs de ces unités, les
19 officiers et commandants de ces Unités en Bosnie-Herzégovine soient
20 Musulmans. Il voulait qu'il y ait des officiers musulmans faisant partie de
21 la JNA. En guise de boutade,
22 M. Blagoje Adzic a dit que : "Je pouvais être proposé comme chef des Bérets
23 verts."
24 C'était une espèce de boutade, bien entendu, mais nous savions qu'il
25 n'était pas possible de trouver une solution à la présence de JNA, tant
26 qu'il n'y avait pas de commandement civil suprême, donc une solution police
27 n'était pas trouvée. Cela voulait dire pour cela, il fallait que les
28 représentants des Serbes reviennent au sein de la présidence de Bosnie-
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1 Herzégovine.
2 Q. Fort bien. Prenons l'intercalaire 5. Apparemment ici, on a une bande
3 son, ceci -- ou plutôt c'est quelque chose qui a été copié d'un
4 magnétophone, la qualité n'est pas fort bonne, je le crains, mais cela se
5 trouve à l'intercalaire 5. C'est une transcription d'une discussion entre
6 Branko Kostic et Blagoje Adzic avec Alija Izetbegovic à Skopje, 26 avril
7 1992. La réunion ayant commencé à 13 heures.
8 Vous avez dit que Gligorov était celui qui vous accueillait. Il était
9 président, n'est-ce pas, auparavant, est-ce que la Macédoine avait décidé
10 de se retirer de la Yougoslavie, de veiller à ce que l'armée se retire de
11 Macédoine ?
12 R. Oui.
13 Q. Est-ce que l'armée s'est retirée ?
14 R. Oui, sans compter l'ancien sans compter un seul coup de feu.
15 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres questions qu'il fallait régler entre
16 Belgrade et Skopje, pour ce qui est du retrait de l'armée de Macédoine ?
17 R. Non, il n'y avait pas de question épineuse, j'ai insisté pour le dire,
18 ces rapports, ces contacts avec M. Gligorov ont été des plus fructueux,
19 nous avons organisé une réunion. Je parle ici d'Izetbegovic, de moi et de
20 Gligorov, c'était pour manifester notre bonne volonté et les bons rapports
21 que nous avions avec M. Gligorov.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kostic, à quelle date l'armée
23 s'est-elle retirée de Macédoine ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] A vrai dire je ne trouve pas la date là sur le
25 champ. Mais je pourrais vérifier cela dans ce gros volume de documents.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais à peu près, à quel moment ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais pas vous dire exactement, mais
28 je peux le retrouver pendant la pause dans ces documents. Je vous le
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1 dirais.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, vous
4 pourrez poursuivre.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Essayons de parcourir brièvement ce phonogramme, cette transcription de
7 la bande son. Première page, dernier paragraphe, vous dites : "Je pense que
8 c'est une bonne chose qu'on se réunisse à Skopje, en Macédoine, qu'hier
9 encore faisait partie intégrante de Yougoslavie, le statut de la
10 Yougoslavie ainsi que d'autres questions nous avons su bien les résoudre
11 ensemble sans qu'il y ait de conflit, sans qu'il y ait de bain de sang
12 d'une manière nous permettant de nous entretenir carrément."
13 R. C'est exact.
14 Q. Tout ceci s'est produit avant vos entretiens du 26 avril. Vous dites
15 ici que vous avez exprimé votre souhait d'avoir cette rencontre puisque la
16 Bosnie-Herzégovine venait d'être reconnue par un certain nombre de pays en
17 tant qu'un Etat indépendant et du fait aussi que la JNA s'y trouvait parce
18 qu'elle s'était trouvée sur place, parce que la majeure partie de
19 l'industrie militaire s'y trouvait également, l'industrie que nous avons
20 bâtie ensemble et que la question du statut politique des trois peuples
21 constitutifs de Bosnie-Herzégovine n'était toujours pas résolue et qu'une
22 guerre civile était en cours là-bas, et qu'il convenait d'amorcer des
23 entretiens que chacun pour sa part devait faire en sorte que la guerre se
24 termine là-bas et que la Bosnie-Herzégovine doit se --
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, le moment est
26 venu de poser votre question.
27 M. MILOSEVIC : [interprétation]
28 Q. Est-ce que c'est bien l'essentiel de votre proposition faite à
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1 Izetbegovic au nom de la présidence ?
2 R. Oui.
3 Q. Izetbegovic, lui, dit-il qu'on ne peut rien décider de manière
4 définitive parce qu'il n'a pas la compétence de le faire ?
5 R. Oui.
6 Q. Il a dit très clairement qu'il pouvait entamer des négociations mais
7 qu'il ne pouvait s'engager d'aucune manière, qu'il n'avait pas des
8 compétences de cela.
9 Q. C'est ce qu'il a dit qu'il ne pouvait pas s'engager.
10 R. Oui.
11 Q. Au paragraphe 3, il dit : "Une nouvelle situation se présente non
12 seulement par la proclamation de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine,
13 mais aussi une nouvelle situation au sujet de la proclamation de la
14 Yougoslavie."
15 R. C'est la deuxième page.
16 Q. Oui, c'est la deuxième page, là, où Izetbegovic prend la parole.
17 Ce sont deux faits qui font que la question de la JNA, ou plutôt d'une
18 partie de la JNA, donc là, il parle de la partie de la JNA qui est déployée
19 en Bosnie-Herzégovine. Est-ce que cela peut être contestable ?
20 R. Non, rien ne peut y être contestable.
21 Q. Donc il se trouve en Bosnie-Herzégovine -- doit être résolu pour éviter
22 qu'il y est recours à la violence et des mesures contraires à la loi. On
23 résolve les questions de manière concertée."
24 En d'autres termes, ce qu'il évoque c'est la nécessité d'éviter toute forme
25 de violence, car pour ce qui est de l'armée jusqu'à ce moment-là, il n'y
26 avait aucun conflit entre eux et l'armée.
27 R. Voire même département le déjeuner en la présence de
28 M. Gligorov, M. Izetbegovic nous a dit que partout où les Unités de la JNA
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1 se trouvaient la situation était calme et que là où elles étaient il n'y
2 avait pas de conflit interethnique.
3 Q. Voyons maintenant la chose suivante, il dit ici qu'il faut agir par
4 étape donc il faut que ceux qui ne sont pas citoyens de Bosnie-Herzégovine
5 quittent la Bosnie et se rendent dans leur république.
6 R. Oui.
7 Q. Etait-ce sa position ?
8 R. Oui.
9 Q. A la fin du premier paragraphe ne dit-il pas que ceux qui ne sont pas
10 citoyens de Bosnie-Herzégovine quittent la Bosnie-Herzégovine et se rendre
11 dans leur république. Est-ce que c'est bien écrit ici ?
12 R. Oui.
13 Q. Sautons au passage, on y reviendra. Est-ce que c'est en fait ce qui
14 s'est produit sur ordre de la présidence, tous les ressortissants de la
15 Serbie-et-Monténégro qui n'étaient pas citoyens de Bosnie-Herzégovine
16 devaient revenir en Serbie-et-Monténégro ?
17 R. Oui, le 4 mai --
18 Q. C'est huit jours après cette réunion ?
19 R. Le 4 mai, la présidence a pris cette décision.
20 Q. Oui, et le 26 avril, vous avez eu ces entretiens, et le 4 mai vous avez
21 pris la décision.
22 R. C'est le 19 mai, en Bosnie-Herzégovine la République fédérale de
23 Yougoslavie n'avait plus ne serait-ce qu'un seul soldat.
24 Q. Bien. Ce qui dit ici, c'est par conséquent au premier point ce sont des
25 citoyens de Bosnie-Herzégovine qui devraient constituer ses effectifs
26 désormais. Au point 2, ces forces armées doivent accepter l'autorité, le
27 pouvoir des autorités civiles, c'est-à-dire reconnaître le commandement
28 Suprême de la présidence de Bosnie-Herzégovine ou de tout autre organe
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1 constitué conformément aux négociations qui auront lieu à l'avenir.
2 Puis, il dit -- en bas -- il y a un grand paragraphe en bas de cette page,
3 il dit la composition ethnique de l'armée telle qu'elle se présente
4 maintenant est perturbée, donc, de l'armée populaire yougoslave en Bosnie-
5 Herzégovine, et de sa partie qui se trouve en Bosnie-Herzégovine pour ne
6 pas dire qu'il y a un problème grave. En fait, je ne jette pas le blâme à
7 l'armée pour cela. Nous y avons joué un rôle également parce que nous les
8 avons privés de l'arrivée des conscrits.
9 Est-ce que c'est l'endroit où Izetbegovic dit de manière catégorique, "Nous
10 avons privé ces Unités de l'arrivée des conscrits à la JNA." Qu'est-ce que
11 cela veut dire lorsque les Musulmans ont privé la JNA de conscrit ?
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Madame Uertz-Retzlaff.
13 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble
14 que cela fait un moment que M. Milosevic dépose. Il cite dans un grand
15 document et je ne pense pas que ce soit la manière à procéder. Il s'agit
16 d'un document qui est très volumineux de
17 M. Milosevic, extraits de petits paragraphes, et je ne suis -- moi-même je
18 ne suis pas en mesure de suivre d'où il cite, et d'ailleurs il ne pose
19 aucune question au témoin.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, c'est un
21 document long. Il vous faudra poser des questions précises, Diriger
22 l'attention du témoin sur des portions précises. Ne donnez pas lecture de
23 longs paragraphes, et ne faites pas de commentaire pendant que vous êtes en
24 train de donner lecture, parce que ce n'est pas vous qui déposez.
25 Quelle est la question que vous souhaitez poser au témoin ?
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur Robinson. Vous êtes
27 en train de dire que je n'ai pas le droit de citer un document.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez citer, mais ne faites
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1 pas de commentaire pendant que vous faites ces citations. Le Procureur
2 objecte à cela.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai une question au témoin, est-ce
4 que vous avez lu ce document ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je l'ai lu ? C'est à moi que vous
6 vous adressez ?
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai lu.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, c'est --
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce document découle des entretiens que j'ai
11 eus moi avec M. Izetbegovic.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voudrais que ce soit tout à fait
13 clair. Donc, il n'y a pas lieu de le parcourir ligne par ligne, nous
14 pouvons en prendre connaissance nous-mêmes. Ce qui m'étonne c'est que M.
15 Milosevic ne pose pas de question sur quel a été l'accord à l'issu de vos
16 entretiens avec M. Izetbegovic, et après on peut passer à autre chose. Nous
17 pouvons lire le document pour nous-mêmes.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous estimons, Monsieur Milosevic,
20 qu'on pourrait verser au dossier ce document dans son intégralité. Le
21 témoin a joué un rôle à la réalisation de ce document. Est-ce que vous avez
22 des questions précises à poser au témoin ?
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est une des questions-clés, Monsieur
24 Robinson, la question qui est de savoir pourquoi on a perturbé. Quelle
25 était la composition ethnique de l'armée et quelle est la raison
26 qu'Izetbegovic cite à cela ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux répondre aux questions ?
28 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Oui, je vous en prie.
2 R. Tout le monde le sait, et j'en ai parlé déjà. Parmi les différentes
3 équipes dirigeantes selon les différentes appartenances ethniques, ils ont
4 refusé d'envoyer leurs conscrits, et j'ai déjà dit hier qu'ils ont refusé
5 d'envoyer leurs conscrits dans les rangs de la JNA. Tout d'abord, c'étaient
6 les Slovènes, ensuite, les Croates et un petit plus tard, les Musulmans,
7 également. Je l'ai déjà dit. D'après moi, ce qui est surtout important ici,
8 c'est que M. Alija Izetbegovic en personne fait cette constatation. Il dit
9 que la composition ethnique de la JNA se trouve perturbée, ainsi que les
10 effectifs de la JNA en Bosnie-Herzégovine, parce que les dirigeants
11 musulmans n'y envoient plus leurs conscrits. Donc, c'est la conséquence
12 directe du fait qu'Alija Izetbegovic a constitué sa propre armée, l'armée
13 musulmane.
14 Q. L'avons-nous vu à l'image lorsque nous avons vu cet extrait ?
15 R. Oui, tout à fait, c'est ce qu'on a pu voir clairement dans cet extrait.
16 Q. Est-ce qu'il dit, de manière claire et explicite, qu'ils ont privé
17 l'armée de l'arrivée des conscrits ?
18 R. Oui.
19 Q. Est-ce qu'il dit qu'il ne reproche cela à l'armée, qu'il n'en blâme pas
20 l'armée ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce qu'il évoque la nécessité de rétablir la paix et de s'assurer
23 que les gens rentrent à leur foyer ?
24 R. Oui.
25 Q. Pouvez-vous citer, page 5, le deuxième paragraphe.
26 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
28 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Cela ne sert à rien de demander au
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1 témoin "est-ce que c'est bien cela ?" et que le témoin le confirme. Il
2 faudrait plutôt demander au témoin de quoi il se rappelle, en plus de ce
3 que nous voyons ici dans la transcription. Sinon, je ne vois pas à quoi
4 cela sert de continuer dans cette veine.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'Accusation n'a-t-elle pas fait de même
6 lorsque vous avez versé certains documents ?
7 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
8 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Mais lorsque nous avons un document,
9 nous citons un paragraphe, nous posons une question au sujet de cela et
10 puis nous posons des questions supplémentaires.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que cela revient au même.
12 C'est la méthode pratiquée par les deux parties, ici. Dans mon système, ce
13 n'est pas la pratique courante, mais nous l'utilisons ici.
14 Monsieur Milosevic, pourriez-vous poser des questions précises sur des
15 points qui se dégagent de cet entretien ?
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Monsieur Kostic, le deuxième paragraphe, page 5. Pourriez-vous vous y
18 reporter, s'il vous plaît ?
19 R. Donc, la tâche serait --
20 Q. Qu'est-ce qui est dit : "Qu'ils rentrent chez eux --"
21 R. Oui. "Les Serbes, aux foyers serbes; les Musulmans, aux foyers
22 musulmans; les Croates, aux foyers croates, que les gens rentrent chez eux,
23 que l'on fasse en sorte qu'ils soient en sécurité."
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous nous indiquer la page dans
25 la version anglaise, s'il vous plaît ? Nous ne pouvons pas suivre.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la page 5.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais c'est en B/C/S.
28 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quelle page s'agit-il ?
2 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Nous l'avons trouvé.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 4, troisième paragraphe à partir d'en bas.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Qui sont ces gens qui doivent rentrer chez eux, à leur foyer, et qui
7 ont été chassés ? Qui sont ces gens dont parle Alija Izetbegovic ?
8 R. M. Izetbegovic parle ici des trois peuples constitutifs de Bosnie, donc
9 il parle de Musulmans, de Serbes et de Croates.
10 Q. Est-ce qu'il en parle parce qu'ils sont des peuples constitutifs, ou
11 parce qu'ils se sont tous trouvés chassés de quelque part, donc s'ils
12 doivent rentrer quelque part ? Qu'en dit-il ?
13 R. Ce qui s'est passé là-bas, ce sont des conflits violents qui ont éclaté
14 et sans aucun doute, il y a eu des déplacements considérables des trois
15 peuples, des ressortissants des trois nations comme dans le cadre de toute
16 guerre civile.
17 Q. Très bien. Vous voyez ce long paragraphe au milieu de la page 6.
18 R. "L'idée est acceptable…"
19 Q. Oui, mais je dois le retrouver aussi. Oui, c'est la page 5. Le dernier
20 long paragraphe avant "Branko Kostic," dans la version anglaise. Pourriez-
21 vous, s'il vous plaît, nous donner lecture de ce qu'il dit ? "De réunir les
22 conditions," qu'est-il écrit ici ? "De réunir les conditions pour que des
23 centaines de milliers de personnes…" Pouvez-vous m'en donner lecture? Lisez
24 la suite, s'il vous plaît.
25 R. "De réunir les conditions pour que des centaines de milliers de
26 personnes ayant quitté leur foyer de part et d'autre, car en Bosnie-
27 Herzégovine, les victimes sont majoritairement la population serbe et
28 musulmane et un petit moins, la population croate. Donc, il y a beaucoup de
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1 réfugiés serbes et nombre de réfugiés musulmans ayant quitté leurs foyers.
2 Avant tout, il faut faire en sorte qu'ils puissent rentrer à leur foyer. Il
3 faut garantir leur sécurité. Seule une nouvelle force pourrait le faire,
4 une force qui ne serait ni purement serbe ni purement musulmane, mais qui
5 serait une force, en réalité, une sorte de force commune Bosnie-
6 Herzégovine, et qui serait bâtie ainsi, allant d'en haut vers en bas,
7 jusqu'aux soldats, les officiers, les commandants, l'armée, les missions
8 qu'elle se fixerait en tant qu'objectif."
9 Q. Ensuite, avant que le général Adzic ne prenne la parole, vous lui posez
10 une question. Puisqu'il a dit que l'armée ne devrait être ni purement
11 musulmane ni purement serbe, mais que ce devait être une force commune,
12 vous lui posez la question comme suit : "Mais comment imaginez-vous un
13 commandement conjoint sur cette armée, compte tenu du fait que vous n'avez
14 pas de représentants du peuple serbe au sein de la présidence de Bosnie-
15 Herzégovine ?" Que vous a-t-il répondu ? Que vous répond Alija
16 Izetbegovic ? Que dit-il au tout début ?
17 R. Il dit : "Aucune présidence en Bosnie-Herzégovine ne sera une
18 présidence équitable s'il n'y a pas là de Serbes pour représenter le peuple
19 serbe."
20 Q. Est-ce qu'ils ont tenu une assemblée sans les Serbes ? Est-ce qu'ils
21 ont organisé le référendum sans les Serbes ?
22 R. Oui. Ils ont même adressé une demande à la Communauté européenne pour
23 qu'elle reconnaisse la Bosnie-Herzégovine.
24 Q. Or, ici il est question de : "Tous les peuples constitutifs de Bosnie-
25 Herzégovine." Dans quel sens utilisent-ils ces termes, ici, au milieu de ce
26 paragraphe ?
27 R. Il dit : "Mais tout ce que je dis, je le dis sous prétexte que la
28 présidence sera l'expression du pouvoir de l'administration au nom de tous
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1 les peuples constitutifs de Bosnie-Herzégovine."
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais où lit-on ? Page 6 ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Ce que le témoin -- ce que
4 M. Kostic vient de citer, c'est : "Aucune présidence de Bosnie-Herzégovine
5 où les Serbes ne seront pas représentés ne sera une présidence équitable."
6 Plus loin, dans ce même paragraphe, même si cela a été saucissonné dans la
7 traduction, enfin, ce n'est pas compact comme dans l'original --
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Il dit ici, à présent, sans défaut, est le
9 suivant : "Ces deux sont absents. Il n'y a pas de représentants des Serbes
10 au sein de la présidence. Comment pourrait-on le résoudre; par la tenue de
11 nouvelles élections complémentaires, ou par le retour de ces personnes, ou
12 par la voix d'un accord qui, peut-être, émergera dans le cadre des
13 négociations à venir ? Car il a été prévu une nouvelle forme, pour ainsi
14 dire, de la présidence collégiale, un nouveau forum ou un nouvel organe.
15 Mais dans chacun de ces organes, ce qui est prévu, c'est la représentation
16 de tous."
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. Ensuite, au troisième paragraphe, que dit-il ?
19 R. Il dit : "J'ai dit à Cutileiro la dernière fois, s'il vous plaît,
20 réunissez toutes les parties, donnez une solution, quelle qu'elle soit,
21 nous l'accepterons."
22 Q. Qu'en pensez-vous ? Lui, il rédige un plan, Izetbegovic le signe, puis
23 il révoque sa signature et maintenant il vous dit : "Mais quel que ce soit
24 le plan qu'il aura conçu, nous l'accepterons."
25 R. Vous savez, dans notre peuple, on dit : "Il ne faut jamais dire du mal
26 des morts." Mais je dois dire vraiment que M. Izetbegovic n'était un
27 partenaire fiable en négociations, aux entretiens.
28 Q. Il est dit ici que l'absence des Serbes constitue un défaut, n'est-ce
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1 pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Ayez l'amabilité, s'il vous plaît, puisque je ne souhaite pas
4 maintenant m'y attarder trop, de nous dire seulement juste en quelques
5 mots. Page 12, Blagoje Adzic prend la parole et il dit -- en fait c'est le
6 premier grand paragraphe qui commence, là.
7 R. "Sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine…"
8 Q. Oui, "Il y a actuellement moins de 15 % des membres des forces armées à
9 l'extérieur du territoire de Bosnie-Herzégovine."
10 R. Ceci veut dire que l'armée populaire yougoslave --
11 Q. C'est Blagoje Adzic qui parle ?
12 R. Oui. "Cela veut dire que la JNA, pour ce qui est de son recomplètement,
13 tous les soldats qu'il faut sur le territoire de Bosnie-Herzégovine, plus
14 de 80 % de ces effectifs viennent de ce territoire. Même plus de 90 % de
15 ces effectifs sont constitués des Serbes, mais ce n'est pas notre erreur,
16 M. Izetbegovic, c'est votre erreur, l'erreur de vos dirigeants, car vous
17 avez interdit aux conscrits de se rendre dans les rangs de la JNA. Vous
18 avez interdit une mobilisation dans les rangs de la JNA et vous avez invité
19 les officiers d'active de passer de votre côté dans les rangs de la Défense
20 territoriale, ce qu'ils ont en train de faire, on pourrait dire, de manière
21 massive.
22 Q. [aucune interprétation]
23 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est la page 9 dans la version
24 anglaise, le premier paragraphe.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
26 M. MILOSEVIC : [interprétation]
27 Q. Que dit il par la suite, on saute un petit paragraphe, puis il dit :
28 "En outre, grâce à son rôle --
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1 R. Oui, "…le rôle de la JNA, sa destination et sa mission, la JNA a
2 néanmoins mené à bien ses missions pour l'essentiel qui constituait à
3 empêcher d'ouvrir un conflit interethnique. Là où il n'y avait pas d'Unités
4 de la JNA, là il y a eu engagement de différentes unités paramilitaires, il
5 y a eu des conflits catastrophiques, c'est Bosanski Brod, Kupres, Foca,
6 Bujeljina."
7 Q. Qu'est-ce qu'il dit, là où il n'y avait pas de JNA ?
8 R. Il dit qu'il y a eu de grands conflits interethniques. "Je peux vous
9 dire, même si la propagande, en particulier à Sarajevo, dit toute autre
10 chose, je vais vous dire qu'à Zvornik, très rapidement, toutes les
11 infrastructures de la vie normale ont été établies."
12 Q. Très bien. Izetbegovic dit que personne ne doit chasser personne
13 lorsqu'il s'agit du départ de la JNA de Bosnie-Herzégovine.
14 De quoi parle t-on aux pages 18, ou plutôt 17 et 18 ? Qui dit cela :
15 "Monsieur le président, il faut débloquer toutes les casernes, et toutes
16 les installations militaires." C'est Blagoje Adzic qui dit cela, n'est-ce
17 pas ?
18 R. Oui. Alija Izetbegovic demande s'il y a une caserne qui est assiégée.
19 Q. Alija Izetbegovic ne sait pas qu'il a des casernes assiégées en
20 Bosnie ?
21 R. Blagoje Adzic dit, "mais bien sûr qu'il y en a, c'est Derventa,
22 Travnik, Zenica."
23 Q. Tout ceci est assiégé ? Travnik, Zenica, tout ceci est assiégé,
24 bloqué ? Aujourd'hui, cet ordre est arrivé d'Efendic ou d'un certain Siber,
25 mais Alija Izetbegovic se justifie en disant : "Je l'ai lu dans les
26 journaux." Blagoje Adzic réagit en disant : "Celui qui souhaite la paix ne
27 devrait pas émettre de tels ordres. Nous pouvons nous concerter, nous
28 pouvons travailler de manière cordonnée, mais ce genre d'ordres unilatéraux
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1 avec ces directives que vous connaissez, je l'ai, là, sur moi, d'attaquer
2 les casernes, ce genre de chose, cela signifie la guerre."
3 En fait, un mois avant ces entretiens que nous avions eus à Skopje,
4 une directive est venue de la part des Unités paramilitaires musulmanes
5 visant à bloquer toutes les casernes de la JNA situées sur le territoire de
6 la JNA [comme interprété]. C'est de cela qu'il s'agit ici ?
7 Q. Izetbegovic [comme interprété] dit ici: "Lorsqu'il y a ce genre
8 d'ordres d'émis, si vous n'étiez pas d'accord, ces personnes devraient être
9 remplacées." Izetbegovic répond : "L'ordre a été retiré immédiatement, mais
10 il n'a pas été remplacé. Est-ce que les casernes ont bel et bien été sous
11 le siège par la suite ?
12 R. Je ne sais pas si on a révoqué cet ordre, peut-être bien que si, mais
13 toutes les casernes, elles sont néanmoins restées assiégées. A Sarajevo,
14 par exemple, dans la caserne du maréchal Tito, pendant plusieurs mois, nous
15 avons eu 300 jeunes hommes de 16, 17 ans. C'étaient des garçons qui étaient
16 des cadets d'une école militaire secondaire. Ils sont restés assiégés. On
17 n'avait aucun moyen de lever le blocus de cette caserne, le siège est
18 maintenu par des Unités paramilitaires musulmanes.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 20
20 minutes.
21 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
22 --- L'audience est reprise à 10 heures 55.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Veuillez, je vous prie, vous reporter et nous n'allons parler de cela
26 que quelques instants sans examiner la totalité du texte. Mais vers la fin,
27 vous faites référence à divers termes que vous pouvez expliciter si vous le
28 souhaitez. Donc, veuillez vous reporter à la page 36, vers la fin. Dernier
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1 passage avant l'intervention d'Alija Izetbegovic. "Si des pressions sont
2 exercées sur nous s'agissant de la JNA --"
3 R. "Si l'on souhaite faire pression sur nous, sur ce point, vous pouvez
4 être certain que nous de notre côté, nous respecterons nos deux
5 engagements. En d'autres termes, tous vos citoyens, vos concitoyens seront
6 envoyés de Serbie et de Monténégro vers la Bosnie-Herzégovine en quelques
7 jours seulement, si nécessaire."
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question, s'il vous plaît.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je n'ai pas fini de donner lecture de la
10 citation.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'il peut finir de lire le texte ?
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] "Nous allons également faire les gens qui
14 n'étaient pas de cette zone. Il faudra bien comprendre qu'il y a les Serbes
15 avec leur propre armée, les Musulmans et les Croates avec leur propre
16 armée, et on risque de déboucher sur une guerre civile où tout le monde
17 sera tué.
18 "Donc, je ne pense pas que ce soit la solution. La guerre civile
19 n'est jamais la solution. Il convient d'en parler."
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Veuillez nous dire comment la présidence de la RSFY agit et faire en
22 sorte que tous les citoyens la République fédérale retournent en
23 Yougoslavie.
24 R. Le président de la RSFY dans sa composition réduite du
25 4 mai 1992 a rendu une décision selon laquelle tous les soldats de la JNA
26 devaient sortir du territoire de Bosnie. La constitution du 27 avril, la
27 constitution de la République fédérale avait d'ores et déjà été adoptée.
28 Tous ceux qui étaient ressortissants de Serbie-et-Monténégro étaient censés
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1 partir, se retirer. Nous avons agi conformément à cette décision. Tous ces
2 soldats ont été retirés. Le 19 mai, il n'y avait plus aucun de nos soldats
3 sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.
4 Q. Professeur Kostic, nous n'avons pas eu le temps de passer en revue ce
5 compte rendu circonstancié. Je voudrais savoir si lors de cette réunion,
6 Alija Izetbegovic vous a dit quoique ce soit au sujet du comportement de
7 l'armée ou vous a dit quoique ce soit qui puisse être considéré comme se
8 rapportant à des actes répréhensibles commis par l'armée ?
9 R. Non. A aucun moment. A aucun moment, dès que je suis revenu de Skopje
10 parce qu'il faut savoir que ces pourparlers que nous avions eus, que nous
11 avions reportés à plusieurs reprises avaient suscité un grand intérêt dans
12 l'opinion publique. Donc, dès mon retour je me suis exprimé en public. J'ai
13 déclaré que j'étais très satisfait des négociations que nous avions eues
14 avec M. Izetbegovic à Skopje et qu'il avait même déclaré que l'armée
15 pouvait rester à la barre cinq ans aussi. C'était nécessaire.
16 Malheureusement, quelques jours plus tard, M. Izetbegovic a organisé une
17 réunion extraordinaire de sa présidence réduite si ce n'est pour dire,
18 présidence Croupion de Bosnie-Herzégovine et il a exigé que l'armée
19 populaire se retire immédiatement de Bosnie-Herzégovine.
20 Permettez-moi à ce sujet parce que -- d'ajouter quelque chose parce
21 qu'il faut que je réponde à la question de M. Bonomy s'agissant du moment
22 où la JNA s'est retirée de Macédoine. Ceci s'est fait dans le cadre d'un
23 accord avec les dirigeants de Macédoine. Le retrait de la JNA de Macédoine
24 s'est fait de manière successive, de manière graduelle, sans grand acte. La
25 JNA a été retirée de Macédoine dès mars et avril.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin.
27 M. MILOSEVIC : [interprétation]
28 Q. Vous nous avez déclaré que le 4 mai, la présidence avait rendu une
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1 décision portant retraite de Bosnie-Herzégovine. La présidence de Bosnie-
2 Herzégovine dénuée de son représentant serbe a rendu une décision. De quoi
3 s'agissait-il ?
4 R. Cette séance, elle a eu lieu pratiquement le même jour. Ils ont déclaré
5 que la JNA était une armée d'occupation. Ils se sont tournés vers l'opinion
6 publique internationale. On demandait même de bénéficier de l'aide de la
7 communauté internationale.
8 Q. Or, huit jours avant, il n'avait rien à redire au comportement de la
9 JNA. Mais le 4 mai lorsque vous avez proclamé la décision portant retrait
10 de l'armée de la Bosnie suite aux pourparlers que vous aviez eus avec lui
11 et, soudain, il a traité cette armée, d'armée d'agression ?
12 R. Oui.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais vous demander de vous
14 reporter au texte que l'on trouve en bas de la page 21, en anglais qui se
15 poursuit à la page 22. Il s'agit d'une intervention d'Izetbegovic. Il
16 semble à le lire que selon lui : "Des Unités paramilitaires du Parti
17 démocratique serbe contrôlaient un certain nombre de régions et
18 contrôlaient ces régions avec l'assentiment [phon] de l'armée populaire
19 yougoslave. Or, pour moi, cela a tout l'air d'une critique portée à
20 l'encontre de l'armée populaire yougoslave et de son comportement.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Pourriez-vous -- est-ce que je peux voir le
22 passage concerné en langue serbe ?
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Je vais retrouver le passage.
25 R. Pendant que je cherche le texte, permettez-moi de dire la chose
26 suivante, Monsieur Bonomy : en Bosnie se trouvait un essentiel de
27 l'appareil milataro [phon] industriel qui appartenait à toutes les
28 Républiques de Yougoslavie, et c'était contrôlé par des Unités musulmanes.
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1 La JNA n'est même pas entrée -- n'est même pas intervenue pour mettre un
2 terme au siège de ces installations militaires et s'en emparer. On a
3 entendu des accusations selon lesquelles la JNA avait laissé sur place des
4 armes à destination des Serbes. Je peux affirmer que la JNA a laissé des
5 armes destinées à toutes les communautés ethniques dans les zones dont la
6 JNA est partie, et ceci pour la simple raison que --
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est le passage où on fait
8 référence d'Unités paramilitaires du Parti démocratique serbe qui contrôle
9 toutes ces zones. Je crois que c'est là le passage qu'il convient de
10 commenter.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puis, la partie suivante. Je cite :
12 "Ils contrôlent ces régions avec le consentement de l'armée populaire
13 yougoslave." Or, d'après ce que vous nous avez dit Izetbegovic n'avait pas
14 à se plaindre du comportement de l'armée populaire, or, j'ai l'impression
15 que ceci a tout l'air au contraire d'une critique et d'un grief.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Avez-vous trouvé le passage concerné, Monsieur Kostic ?
18 R. Non.
19 Q. Page 33, deuxième paragraphe de l'intervention d'Alija Izetbegovic.
20 R. Oui, j'ai trouvé. "Donc qui attaque qui…" c'est cela ?
21 Q. Oui. C'est bien le texte cité par M. Bonomy.
22 R. "Je ne sais pas qui attaque qui, mais la conséquence et la lecture du
23 texte -- la conséquence est qu'à ce moment les Unités paramilitaires du
24 Parti démocratique serbe contrôlent toutes ces zones, et ils les contrôlent
25 avec le consentement de l'armée populaire yougoslave."
26 Ce que je peux vous dire, Monsieur Bonomy, c'est que la guerre civile en
27 Bosnie-Herzégovine c'est une guerre qui opposait trois communautés
28 ethniques, les Musulmans, les Serbes, et les Croates. Une Serbe qui avait
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1 pour enjeu les territoires.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, c'est beaucoup plus précis ma
3 question que je vous ai posée. Je vous ai demandé si ce qui dit Izetbegovic
4 ici cela se traduit par une plainte de sa part parce qu'il y a quelques
5 instants, vous nous avons dit qu'il n'avait rien à redire au comportement
6 de l'armée populaire yougoslave.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois dire que pour moi ce n'est pas de sa
8 part l'expression d'un grief, parce que la JNA n'a pas eu de conflit avec
9 les formations musulmanes ou les formations serbes. On sait très bien que
10 le Parti démocratique serbe avait des Unités armées et la Défense
11 territoriale sous son contrôle avant le retrait de la JNA de Bosnie. Donc,
12 pour moi, ce n'est nullement l'expression d'un grief au compte de la JNA.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
14 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuez, Monsieur Milosevic.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Qu'en était-il de l'attitude de la présidence de Bosnie-Herzégovine
18 envers la JNA un mois avant au moment de l'indépendance de la Bosnie-
19 Herzégovine, de sa proclamation ?
20 R. Un an avant, la présidence a fait appel aux formations de l'armée
21 musulmane et croate pour qu'elles assiègent les casernes de la JNA sur le
22 territoire de Bosnie-Herzégovine, et ceci a été effectivement le cas.
23 Q. Quelle était la composition de la présidence ?
24 R. La présidence de Bosnie-Herzégovine - je vais utiliser la terminologie
25 adéquate - se trouvait là dans une composition réduite, c'est-à-dire qu'on
26 y trouvait pas de représentant du peuple serbe.
27 Q. Donc, le 4 mai, vous avez rendu une décision selon laquelle toutes les
28 Unités de la JNA, qui était maintenant l'armée yougoslave, devaient quitter
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1 la Bosnie-Herzégovine. Est-ce que les formations armées de Bosnie-
2 Herzégovine ont autorisé l'armée à partir sans encombre ?
3 R. Bien, au contraire. Pendant cette période de retrait de la JNA, on a
4 assisté aux exactions les plus scandaleuses contre les membres de la JNA
5 sur le territoire de Bosnie-Herzégovine.
6 Q. Que savez-vous de l'attaque contre la colonne de la JNA dans la rue de
7 Dobrovoljacka en mai 1992, le 3 mai 1992 ?
8 R. A l'époque, le général Kukanjac avait arrêté M. Alija Izetbegovic alors
9 que celui-ci revenait de la conférence de Lisbonne. On l'a emmené à la
10 caserne de Lukavica, la caserne de la JNA, et au cours de ces négociations
11 il a été conclu et convenu que le siège, le bouclage du commandement de
12 l'armée qui était tenu par les forces musulmanes devrait être annulé pour
13 que le commandement puisse se retirer de Sarajevo. Alija Izetbegovic et le
14 général Kukanjac se trouvaient dans cette colonne. Je crois qu'il y avait
15 là également le représentant de la FORPRONU pour la Bosnie, mais les
16 formations paramilitaires musulmanes n'ont pas respecté l'accord. M.
17 Izetbegovic a été remis en liberté et il a pu rejoindre la présidence, et
18 ensuite, les Unités musulmanes ont coupé la colonne en deux sur la rue de
19 Dobrovoljacka, et d'après les informations dont je dispose, sous le
20 commandement d'Ejub Ganic, on a massacré les membres de la colonne alors
21 que la colonne n'était nullement en position de combat. Les SDS étaient à
22 bord de camions près à quitter Sarajevo, et plusieurs soldats, plusieurs
23 officiers de la JNA ont été tués à ce moment-là.
24 Q. Qu'en est-il du 15 mai, le jour où la JNA s'est retirée de Tuzla ?
25 R. A ce moment-là des crimes encore plus atroces ont eu lieu et faisant
26 encore plus de victimes dans les rangs de la JNA, et ceci, au cours du
27 retrait qui se déroulait après accord de la présidence, retrait de la
28 caserne de Tuzla, l'armée était prête à partir dans une colonne de camions,
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1 et les soldats qui étaient assis sur les bâches ne représentaient aucun
2 péril pour quiconque. Pourtant ils sont tombés dans un traquenard et ont
3 été massacrés par les forces musulmanes alors que les soldats en question
4 étaient en train de se retirer, ils n'ont pas pu résister de quelque
5 manière que ce soit. D'après celui qui était alors commandement de la
6 Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine, environ 160 militaires de la
7 JNA ont été tués à ce moment-là.
8 On a assisté à des actes de bestialité indescriptibles. Des soldats ont été
9 immolés, des hommes blessés ont été liquidés.
10 Q. Il s'agissait là de la décision du 4 mai. L'armée était en train de se
11 retirer, celle qui venait de Serbie et de Monténégro, mais à quel moment a
12 été formée l'armée de la Republika Srpska ?
13 R. L'armée de la Republika Srpska a été créée le 15 mai 1992, c'est-à-dire
14 un mois jour pour jour après la création de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
15 Q. L'armée musulmane, l'armée de Bosnie-Herzégovine, à quel moment a-t-
16 elle été établie ?
17 R. Le 15 avril.
18 Q. Donc, un jour après la création de cette armée-là, a été créée l'armée
19 de la Republika Srpska.
20 R. Oui.
21 Q. Donc une armée a été formée et ensuite une autre, un mois de plus tard.
22 Qu'est-il advenu des membres de la JNA en Bosnie-Herzégovine, est-ce qu'ils
23 ont rejoint les rangs d'armées nouvellement constituées ?
24 R. Oui, pour la plupart, les officiers et les hommes ont rejoint les rangs
25 d'une armée ou de l'autre. Par exemple, M. Ratko Mladic, qui était Serbe de
26 Bosnie, a rejoint les rangs de l'armée serbe de Bosnie-Herzégovine et il en
27 a été nommé que commandant. Là, je parle de l'armée de la Republika Srpska.
28 D'autres généraux, d'autres officiers gradés qui appartenaient
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1 également à l'armée populaire yougoslave ont rejoint les rangs de l'armée
2 musulmane, ou plutôt de l'armée de la coalition croato-musulmane, ou
3 l'armée musulmane de Bosnie-Herzégovine.
4 Sefer Halilovic, en est un exemple. Si je ne me trompe, il a été même
5 commandant de cette armée. Sefer Halilovic, Rasim Delic, Jovo Divjak, par
6 exemple, un Serbe qui a rejoint les rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine,
7 donc des soldats qui auparavant étaient soldats dans la JNA et qui ensuite,
8 occupaient les fonctions les plus hautes dans une armée ou l'autre.
9 Même au sein de la 3e Armée, par exemple, Nojko Marinovic était un
10 officier de haut rang dans la JNA. Ultérieurement, il est devenu commandant
11 de la défense de Dubrovnik, pour vous citer un autre exemple.
12 Q. Sachant que Mladic était de Bosnie-Herzégovine, que Sefer Halilovic
13 était commandant de l'armée musulmane, mais qu'il était de Serbie.
14 Nous n'allons pas nous attarder sur Alija Izetbegovic, mais veuillez me
15 dire cependant si ceci a eu des conséquences auxquelles a réagi la
16 présidence en dehors de ce dont vous nous avez parlé, à savoir, le massacre
17 de la colonne militaire dans la rue de Dobrovoljacka. Est-ce qu'il y a eu
18 des conséquences ?
19 R. Oui, il y a eu des retombées assez importantes, s'agissant des cadres.
20 La présidence a estimé que la façon dont l'accord de retrait de la JNA de
21 Sarajevo avait été mis en place, l'incident de la colonne, les victimes qui
22 étaient tombées et le fait qu'Alija avait quand même été libéré et qu'il
23 avait pu s'en aller sans accord et sans que la caserne du maréchal Tito ne
24 soit libérée alors qu'il s'y trouvait des cadets, donc nous, au sein de la
25 présidence, nous avons estimé, et sans entrer dans les détails des
26 responsables et des erreurs commises, nous avons estimé que c'était là
27 quelque chose qui ternissait l'image des officiers de haut rang, et la
28 présidence a décidé de remplacer le général Kukanjac.
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1 Blagoje Adzic a été informé de l'opération tout au cours de son déroulement
2 et il a soutenu le général Kukanjac. Il a lui-même démissionné et nous
3 avons accepté sa démission. Si bien que Blagoje Adzic, lui aussi a
4 démissionné. Il a fait valoir son droit à la retraite et est parti à la
5 retraite début mai, le 7 ou le 8 mai.
6 Q. Que savez-vous de l'intervention des forces armées de Croatie en
7 Bosnie-Herzégovine avant cette période et pendant ces mois-ci ?
8 R. J'ai déjà dit que l'objectif des dirigeants croates, c'était de faire
9 se propager l'incendie de la guerre aux territoires avoisinants - Bosnie-
10 Herzégovine, Monténégro, Serbie - pour que le conflit s'étende. Mais les
11 tentatives de faire se propager le conflit en Serbie-et-Monténégro n'ont
12 pas été couronnées de succès, mais en revanche, la Bosnie-Herzégovine s'est
13 bientôt embrasée, parce que la partie occidentale de la Bosnie était
14 essentiellement habitée de Croates. Avant la reconnaissance la Bosnie-
15 Herzégovine en tant qu'Etat indépendant, les gens vivaient d'une façon très
16 semblable à ce qui se passait en Croatie, c'est-à-dire qu'on utilisait la
17 monnaie croate, on utilisait l'emblème croate, et en Posavina, au nord de
18 la Bosnie, là où la population était à majorité croate de souche, les
19 dirigeants croates sont parvenus également à y faire se propager la guerre.
20 Nous avons dû intervenir, parce que l'armée croate y avait engagé son
21 armée. Nous avons dû intervenir parce que nous savons que sur le territoire
22 de Bosnie, on comptait environ 40 000 soldats croates, membres de l'armée
23 croate. Donc, je ne parle pas ici de Croates de Bosnie, mais de membres des
24 forces armées croates venant de la Croatie même.
25 Q. Bien. Professeur Kostic, au paragraphe 79 du volet de l'acte
26 d'accusation consacré à la Bosnie-Herzégovine, il est dit : "Le 15 mai
27 1992, dans sa résolution 752, le Conseil de sécurité de l'Organisation des
28 Nations Unies a exigé la fin immédiate de toute ingérence extérieure de la
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1 part des Unités de la JNA et le retrait de Bosnie-Herzégovine, leur
2 soumission à l'autorité du gouvernement de cette République ou leur
3 démantèlement et des armements."
4 Est-ce bien ce à quoi avait appelé la résolution 752 ?
5 R. Il ne s'agit que d'une partie de ce qui était préconisé dans la
6 résolution 752, le passage que vous venez de nous citer, puisqu'on oublie
7 de dire dans ce passage que dans cette même résolution, une conclusion
8 identique a été rendue concernant le retrait de l'armée croate en Bosnie-
9 Herzégovine. On a insisté sur la nécessité pour cette armée de se retirer
10 de Bosnie-Herzégovine. Il est également question de différentes unités
11 paramilitaires. Il y a quelque chose qui ne figure également pas ici, dans
12 le texte, c'est que dans le préambule de la résolution, on pouvait lire que
13 la présidence de la RSFY ou plutôt de la RFY avait déjà pris la décision de
14 retirer les Unités de la JNA de la Bosnie-Herzégovine.
15 Q. Effectivement, c'est ce qui est dit, la résolution 752 nous dit la chose
16 suivante : "Vu la proclamation faite à Belgrade le 4 mai 1992, qui est
17 évoquée dans le rapport du secrétaire général du 12 mai au sujet du retrait
18 de l'armée populaire yougoslave et de son personnel, des républiques autres
19 que la Serbie et le Monténégro, et la renonciation sur l'exercice de toute
20 autorité sur ceux qui resteraient sur le territoire."
21 Ensuite, point 3, paragraphe 3, cela se rapporte à ce que vous venez de
22 nous dire qui ne figure pas au paragraphe 79 de l'acte d'accusation qui
23 fait uniquement référence au retrait de la JNA, qui avait déjà décider de
24 partir, je cite : "Exige également que toute forme d'ingérence provenant de
25 l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine, y compris du fait d'Unités de l'armée
26 populaire yougoslave et d'éléments de l'armée croate, prenne fin
27 immédiatement. "
28 Au point 4, on lit la chose suivante : "Egalement que les Unités de la JNA
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1 et les éléments de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine, se retirent ou
2 soient placés sous l'autorité du gouvernement de Bosnie-Herzégovine."
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais voulez-vous nous dire quel est
4 le point sur lequel vous souhaitez attirer l'attention du témoin,
5 s'agissant des différences que vous voyez, vous, entre le paragraphe 79 et
6 la résolution ?
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. A l'époque, il est vrai, n'est-ce pas, que la JNA se retirait déjà de
9 Bosnie-Herzégovine, mais est-ce que la décision était prise de faire partir
10 l'armée croate de Bosnie-Herzégovine ?
11 R. Non.
12 Q. A quoi cela rime, de la part de la présidence de la RSFY, d'envoyer un
13 mémo à la mi-juin 1992, mémo au secrétaire général Boutros-Ghali, sur
14 l'intervention des forces croates en Bosnie-Herzégovine ?
15 Mémo qu'on trouve à l'intercalaire 56. Le texte a été publié dans les
16 médias dans son intégralité. Il date du 17 juin 1992, et sa traduction se
17 trouve ici. C'est un mémo venant de la présidence yougoslave et qui a trait
18 à l'intervention de la Croatie en Bosnie-Herzégovine.
19 R. Le mémo a été envoyé par la présidence la République fédérale de
20 Yougoslavie et son contenu correspond à un rapport préparé par le
21 secrétaire général des Nations unies. Il faut savoir que le 27 avril, la
22 JNA s'était retirée du territoire de Bosnie-Herzégovine. A cette date, nous
23 avions déjà créé la République fédérale de Yougoslavie et nous souhaitions
24 que dans notre environnement immédiat, et notamment en Bosnie-Herzégovine,
25 la paix soit établie et qu'on trouve une solution pacifique à la guerre.
26 Nous avons fait une évaluation de la situation et nous avons estimé
27 que l'on ne saurait trouver de solutions politiques et pacifiques au
28 conflit en Bosnie-Herzégovine si, sous le territoire de la Bosnie-
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1 Herzégovine, Etat reconnu au niveau international qui était devenu déjà
2 membre de Nations Unies, donc ce n'était pas possible si sur ce territoire,
3 on trouvait quelque 40 000 soldats appartenant à un Etat indépendant, en
4 l'occurrence, soldats de l'armée croate. Nous avons estimé qu'il fallait
5 que toutes les armées se retirent, non seulement la JNA, mais aussi l'armée
6 croate, et que c'est seulement à ce moment-là que les conditions seraient
7 réunies pour que les trois communautés ethniques trouvent une solution
8 pacifique au conflit de Bosnie-Herzégovine.
9 Q. Fort bien. Nous n'allons pas nous attarder sur ce point. Quels sont les
10 points essentiels qui sont soulevés dans ce mémo ? D'abord, on parle de
11 l'intervention militaire en Bosnie-Herzégovine, et quoi d'autre ?
12 R. Il faudrait que je trouve le document en question.
13 Q. Cela se trouve à l'intercalaire numéro 56.
14 R. Cela y est, j'ai trouvé. Il y une autre question -- donc vient d'abord,
15 effectivement, l'intervention militaire croate en Bosnie-Herzégovine, les
16 armes distribuées à la population musulmane et croate en Bosnie-
17 Herzégovine, alors qu'à l'époque, il y avait un embargo sur les armes, un
18 embargo qui avait été décrété par la communauté internationale et qui
19 valait pour la totalité du territoire de la Yougoslavie. Je crois que
20 certains dirigeants de pays de premier plan en ont pris note, ainsi
21 d'ailleurs que le secrétaire général des Nations Unies. Malgré cet embargo,
22 on assistait à des importations d'armes qui arrivaient en Bosnie-
23 Herzégovine et en Croatie.
24 Q. Bien.
25 R. Dans ce mémorandum il est également question de la formation de la
26 police, de la formation de l'armée, de l'infiltration de groupes de
27 sabotage, de groupes terroristes. Il est question également des souffrances
28 endurées par les civils et des victimes qui tombent parmi la population
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1 civile.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que le secrétaire général a
3 répondu à ce mémo ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Autant que je m'en souvienne, non. Il n'y
5 a pas eu de réponse. Je dois dire que nous leur avons adressé plusieurs
6 courriers, mais nous n'avions pas l'habitude de recevoir des réponses à nos
7 courriers.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Avant de passer à autre chose, on trouvera peut-être une partie
10 de la réponse, non pas à la lettre, mais à la situation en tant que telle
11 dans un rapport venant de Boutros-Ghali qui est en date du 30 mai 1992.
12 Mais avant de passer à ce document, j'aimerais que vous vous reportiez à la
13 page 2 de ce numéro du journal Politika, pour nous dire si l'on y voit la
14 liste détaillée des formations militaires présentes sur le territoire de
15 Bosnie-Herzégovine. On en compte huit, la 108e --
16 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent une référence et une lecture moins
17 rapide du document.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, les interprètes
19 vous demandent de parler moins vite, et ils vous demandent également une
20 référence, s'agissant du document.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis en train de lire un document qui figure
22 à l'intercalaire 56. C'est le mémo de la présidence de la Yougoslavie sur
23 l'engagement militaire en Bosnie-Herzégovine.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le paragraphe 4.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
26 Q. Il s'agit de la deuxième colonne, à la page 2. Est-ce que vous voulez
27 bien lire ?
28 R. "A. Bosnie du nord-est. Cinq ou six brigades de l'armée croate, la
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1 108e, la 124e, la 103e, la 139e, des éléments de la 101e, 109e et de la 131e
2 Brigades, 10 à 20 000 hommes en tout.
3 "B. Herzégovine occidentale, vallée de la Neretva, 10 brigades y sont
4 présentes, la 4e, la 115e, la 126e, la 142e, la 155e, la 156e, la 119e, la
5 114e, la 110e, la 116e Brigades de l'armée croate, en tout, 20 000 hommes.
6 "C. Secteur de Livno, de Duvno et de Sujica, trois brigades de
7 l'armée croate y sont présentes, la 106e, la 109e et des éléments de la 115e
8 ainsi que la 1re et la 4e Brigades de la Garde nationale croate ZNG, en tout
9 5 à 7 000 hommes.
10 "D. Territoire de l'Herzégovine orientale, trois brigades de l'armée
11 croate, la 113e, la 114e, la 158e ainsi que des Unités blindées Plavi Grom
12 et Pusinska Lisica. Les éléments de ces effectifs sont engagés dans la
13 région de Dubrovnik. Ces offensives sont en cours et il y a, notamment, des
14 pilonnages d'artillerie à Trebinje et Nevesinje."
15 Q. A Trebinje et Nevesinje, qu'est-ce qu'on avait comme population ?
16 R. C'étaient surtout des Serbes. Ce sont des villes d'Herzégovine où
17 habitent surtout, en majorité, des Serbes.
18 Q. Est-ce qu'on a vu ailleurs, auparavant, des références à des membres de
19 ces unités qui ont été faits prisonniers ? Est-ce qu'on a vu qui ils
20 étaient ? Est-ce qu'on a trouvé auparavant d'autres détails concernant des
21 individus qui ont été faits prisonniers, individus appartenant à certaines
22 brigades ?
23 R. Oui.
24 Q. Nous allons maintenant examiner ce rapport de Boutros Boutros-Ghali du
25 30 mai 1992. Vous connaissez la teneur de ce rapport ?
26 R. Oui.
27 Q. Est-ce que les éléments fondamentaux de ce rapport cadrent à ce que
28 vous saviez, vous, au sein de la présidence ?
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ici, nous parlons de l'intercalaire 83. Il
3 s'agit de la résolution du Conseil de sécurité 7512.
4 M. MILOSEVIC : [interprétation]
5 Q. Par conséquent, nous parlons ici du 30 mai. Je vais me contenter de
6 vous demander ceci. Est-ce que les éléments fondamentaux de ce rapport
7 coïncident avec ce que vous aviez en votre qualité de vice-président de la
8 présidence ?
9 R. Ce qui se trouve dans ce rapport du secrétaire général des Nations
10 Unies ne coïncide pas seulement avec ce que nous avions. En plus de cela,
11 cela coïncide et cela cadre bien dans une large mesure avec ce que nous
12 avons déclaré dans notre mémorandum.
13 Q. Je vais me borner à citer quelques points pour me dire s'il y a bien
14 coïncide et recoupement. Paragraphe 5 : "L'essentiel du personnel de la JNA
15 qui a été déployé en Bosnie-Herzégovine se compose de citoyens de cette
16 république et dès lors ces hommes n'étaient pas couverts par la décision
17 prise le 4 mai par les autorités de Belgrade. Décision qui consiste à
18 ordonner le retrait de la JNA de Bosnie-Herzégovine. La plupart de ces
19 hommes semblent avoir rejoints l'armée de ce qu'on a -- l'armée qu'on a
20 appelée -- ou l'armée soi-disant 'République serbe de Bosnie-Herzégovine.'
21 D'autres ont rejoint la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine, qui
22 elle se trouve sous le contrôle politique de la présidence de cette
23 république. Il se peut que d'autres aient rejoint d'autres forces
24 irrégulières opérant à cet endroit."
25 Est-ce que c'est là la même description que celle que vous venez de fournir
26 lorsque vous avez décrit l'évolution des événements dans le cadre du
27 retrait et dans le cadre de tout ce qui se passait à l'époque ?
28 R. Oui, c'est la même description que la mienne, et c'est ce que j'ai dit
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1 aussi à Alija Izetbegovic à Skopje quand je lui ai dit ce à quoi il pouvait
2 s'attendre au cours du retrait de la JNA de Bosnie-Herzégovine.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On ne parle pas, apparemment, d'Unités
4 de l'armée croate, ou est-ce qu'on parle plus tard ?
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au point 10, Monsieur Bonomy : on parle en ce
6 qui concerne, "Le retrait des éléments de l'armée croate actuellement en
7 Bosnie, d'après les informations dont dispose aujourd'hui New York il
8 semblerait que ce retrait n'a pas eu lieu. La FORPRONU a reçu des rapports
9 dignes de foi du personnel de l'armée croate en uniforme opérant dans le
10 cadre et en tant qu'élément de formation militaire en Bosnie-Herzégovine."
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais cela continue, je poursuis la lecture, on
13 dit les autorités croates disent constamment que les soldats croates ont
14 quitté l'armée croate, je parle ici des soldats qui se trouvent en Bosnie-
15 Herzégovine et que donc ne tombent pas sur leur autorité, mais "Les
16 observateurs internationaux ne doutent pas du fait qu'il y a des parties de
17 la Bosnie-Herzégovine qui se trouvent sous le contrôle d'Unités militaires
18 croates, que ce soit en tant que partie de la Défense territoriale locale,
19 en tant que groupe paramilitaire, ou en tant qu'élément de l'armée croate."
20 Vous voyez bien, c'est dit ici noir sur blanc. Point 8 : "L'incertitude
21 quant à la nature du pouvoir politique sur les forces serbes en Bosnie se
22 complique davantage la situation. La présidence de Bosnie-Herzégovine a
23 affiché une certaine réticence à l'idée de commencer des pourparlers sur
24 ces points avec les dirigeants de la 'République serbe de la Bosnie-
25 Herzégovine' et insiste plutôt pour avoir un contact direct -- des
26 pourparlers directs avec les autorités de Belgrade."
27 Ces autorités de Belgrade c'est vous et Izetbegovic parlant le 26 avril
28 avec les résultats qu'on connaît.
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1 On dit aussi : "Un haut représentant de la JNA le général Nedeljko Boskovic
2 a eu des discussions, même il est devenu clair que sa parole n'est pas un
3 ordre -- n'a pas valeur d'opérations de combat pour ce qui est du
4 commandant de l'armée de la 'République serbe de Bosnie-Herzégovine,'
5 général Mladic." Comme le montre le paragraphe 6(b), "Des forces
6 irrégulières serbes ont attaqué un convoi de la JNA qui se retirait de la
7 caserne de Sarajevo le 28 mai en vertu d'un accord négocié par le général
8 Boskovic. Il semblerait aussi que les lourds pilonnages de Sarajevo dans la
9 nuit du 28 au 29 mai ont été exécutés sur les ordres de général Mladic qui
10 a ainsi directement contrevenu aux instructions données par le général
11 Boskovic et les dirigeants de la JNA à Belgrade."
12 Etiez-vous au courant de ceci à savoir que des convois qui se retiraient
13 ont été stoppés, arrêtés ?
14 R. Oui.
15 Q. Pourquoi l'ont-ils été ?
16 R. On n'a pas simplement forcé les convois à s'arrêter, on a aussi rendu
17 les négociations avec les Musulmans difficiles encore -- plus difficiles
18 encore. C'est vrai aussi pour le débouclage des casernes de l'armée.
19 L'armée de la Fédération avait déjà été mise en place, bénéficiait d'un
20 matériel très conséquent, alors que du côté serbe la Défense territoriale
21 n'avait pas assez d'armes, d'armements. Ils tenaient beaucoup à récupérer
22 les armes de la JNA qui partait. Ce processus de déblocage des casernes a
23 été rendu très difficile, et on en a fit une condition on a dit qu'il
24 fallait que les officiers et les hommes se retirent en laissant leurs armes
25 sur place.
26 Ceci c'était classique, typique non seulement pour les Serbes mais aussi
27 pour les Croates. Lorsque la JNA se retirait, on dressait des barrages
28 routiers, il y avait arrivée massive de gens dans les rues pour empêcher
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1 que la JNA ne parte, ne se retire. Si la JNA voulait amener son matériel
2 elle devait écarter ces gens avec ces blindés. Je vous l'ai dit, le général
3 Boskovic a effectué une visite à Sarajevo, et il est venu me faire rapport
4 dans mon rapport, il m'a dit qu'il voulait essayer de libérer ces casernes
5 où, notamment, cette caserne où se trouvaient prisonniers 300 cadets.
6 Q. Fort bien. Je voudrais maintenant en dernier lieu voir le point 9 :
7 "Etant donné qu'il y a des doutes actuellement sur la capacité des
8 autorités à Belgrade d'influer sur le général Mladic, qui a quitté la JNA,
9 la FORPRONU s'efforce de lui faire appel directement et aussi par le
10 truchement des dirigeants politiques de la 'République serbe de Bosnie-
11 Herzégovine.' Du fait de ces efforts, le général Mladic s'est déclaré
12 d'accord pour cesser le bombardement de Sarajevo, le 30 mai. J'espère que
13 ces bombardements, ces pilonnages ne reprendront pas, mais il est aussi
14 clair que l'émergence du général Mladic et des forces se trouvant sous son
15 commandement en tant que protagoniste indépendant échappe au contrôle
16 apparemment échappe au contrôle de la JNA, et ce complique encore davantage
17 les questions soulevées au paragraphe 4 de la résolution 752 du Conseil de
18 Sécurité. Le président Izetbegovic a récemment indiqué à des officiers
19 hauts gradés de la FORPRONU à Sarajevo qu'il était prêt à négocier avec le
20 général Mladic, mais pas avec les dirigeants politiques de la 'République
21 serbe de Bosnie-Herzégovine.'"
22 Est-ce que vous êtes au courant de ce que dit ici Alija Izetbegovic qu'il
23 ne voulait pas discuter avec Radovan Karadzic qui était à l'époque le
24 président de ce qui était appelé alors la République serbe de Bosnie-
25 Herzégovine, mais qu'il était prêt à discuter directement avec le général
26 Mladic, entre d'autres termes il rejetait les contacts politiques ?
27 R. Je ne sais franchement pas, impossible de vous le dire.
28 Q. Nous avons ce rapport de Boutros Boutros-Ghali en date du 30 mai, est-
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1 ce que cela recoupe ce que vous saviez à la présidence ?
2 R. Oui, oui, je pense que c'est là une analyse objective de la situation
3 en Bosnie-Herzégovine, première chose.
4 Puis, plus tard, lorsque je m'étais déjà retiré de la présidence, on
5 a envisagé diverses solutions à Belgrade pour régler la crise alors que
6 ceci aurait dû se faire à Sarajevo.
7 Je vous l'ai déjà dit, nous avons dû retirer tous les éléments de la
8 JNA le 19 mai. Nous l'avons dit publiquement. Nous avons dit que nous
9 n'avions plus ni responsabilité ni pouvoir sur les forces armées qui
10 restaient alors en Bosnie-Herzégovine.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous n'avez fait
12 référence à ce rapport lors de la présentation des éléments à charge.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, c'est --
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous y avez fait rapport ?
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. C'est devenu la pièce D91.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que j'essayais de faire maintenant c'est
17 d'établir le rapport existant entre le mémorandum écrit par la présidence.
18 Ce dont M. Kostic a discuté avec
19 M. Izetbegovic et j'ai comparé ces deux éléments avec ce que le secrétaire
20 général dit dans son rapport.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A vos yeux, c'est un élément
22 important de votre défense s'agissant de la responsabilité individuelle que
23 vous encourez.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Écoutez, Monsieur Robinson. Hier, vous m'avez
25 dit que je devais donner des détails concrets. Vous voyez maintenant que M.
26 Kostic lorsqu'il était au sommet même de toute la structure de la SRFY, il
27 n'était même pas au courant de cet Etat. Alors que je n'étais que président
28 de Serbie, comment voulez-vous que je sois au courant de ces détails à
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1 moins, bien sûr, de mener une enquête de l'ampleur de celle menée par la
2 partie adverse ?
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suis sûr qu'on nous parlera de
4 l'importance que revêt ce rapport dans les conclusions, dans les mémoires
5 de clôture.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Paragraphe 7. On dit que l'entreprise criminelle commune, elle a existé
8 à partir du 1er août 1991 et ce jusqu'au 31 décembre 1995. Je vais
9 maintenant vous poser la question suivante. Le paragraphe 47 dit : "Que
10 pendant toute cette période couverte par l'acte d'accusation, la Bosnie-
11 Herzégovine était le théâtre d'un conflit armé international et était
12 partiellement occupé."
13 Quand a-t-elle été proclamée l'indépendance de la Bosnie ? Quand la Bosnie
14 a-t-elle été reconnue par certains pays de l'Union européenne ? A quel
15 moment s'est déroulé le référendum ?
16 R. Ce référendum, je pense qu'il a eu lieu le 29 février 1992 si je ne
17 m'abuse. Quant à l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, elle a été
18 proclamée et la reconnaissance s'est fait simultanément le 6 avril 1992.
19 Q. Le 6 avril, n'est-ce pas, le jour anniversaire du bombardement de
20 Belgrade par Hitler en 1941 ?
21 R. Si, si.
22 Q. Vous qui auriez participé à cette entreprise criminelle commune,
23 comment percevez-vous cette allégation selon laquelle il y avait un conflit
24 armé international et une occupation partielle en Bosnie-Herzégovine ?
25 Pendant huit mois avant la proclamation de l'indépendance de la Bosnie-
26 Herzégovine et avant que la guerre n'éclate dans cette république. Il se
27 peut que vous, vous qui auriez participé à cette entreprise criminelle
28 commune, vous avez une idée plus claire de la chose que l'observateur
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1 moyen.
2 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je pense que c'est une question à
3 laquelle les Juges doivent répondre par une question pour un témoin.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'étais sur le point de le dire au
5 témoin. Limitez-vous à parler dans faits susceptibles d'aider la Chambre à
6 répondre à la question de savoir s'il y avait un conflit armé
7 international. Vous n'êtes pas ici pour émettre des jugements mais libre à
8 vous de fournir des informations pertinentes à cet égard.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas avocat. Je ne suis pas juriste
10 après tout. Même si la Chambre me permettait de me livrer à une telle
11 évaluation, je ne pense pas que je la ferai. Mais au vu de tout ce dont
12 nous avons discuté jusqu'à présent s'agissant des événements de Bosnie-
13 Herzégovine. Je ne peux me souvenir que de toutes ces négociations, ces
14 discussions, des accords obtenus pour ce qui est du futur de la Bosnie-
15 Herzégovine, des discussions avec Izetbegovic pour ce qui est du retrait de
16 la JNA, de la Bosnie-Herzégovine. Je ne peux que me souvenir que du fait
17 qu'après le 19 mai, il n'y a plus eu un seul soldat de la JNA sur place.
18 Sont restées trois armées, trois peuples ou populations qui avaient chacune
19 ses dirigeants et qu'en dépit de toutes les tentatives pour parvenir à une
20 solution pacifique, une guerre féroce s'est déclenchée. Cela, c'est une
21 réponse partielle.
22 Je ne peux pas trouver d'explications mais peut-être que les auteurs
23 de cet acte d'accusation en auront une. Comment se fait-il que ce nombre
24 important de participants à cette entreprise criminelle commune à partir du
25 mois d'août 1991 jusqu'au mois de décembre 1995 ? Comment est-ce possible
26 d'en avoir autant ? Rappelez-vous, on mentionne aussi Veljko Kadijevic. Or
27 lui, il a donné sa démission le 8 janvier 1992 et il a été tout de suite
28 admis à l'hôpital. Le 8 mai 1992, Blagoje Adzic donne sa démission. Moi,
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1 vice-président de la présidence fédérale, j'ai transmis mes fonctions au
2 premier président de Yougoslavie élu le 15 juin. Je me suis, tout à fait,
3 retiré de la vie politique.
4 Ce ne sont là que quelques détails que j'aimerais vous rappeler.
5 L'Accusation pourra peut-être m'expliquer comment nous aurions participé à
6 cette entreprise criminelle commune et ce qu'elle était.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Mais ce qu'elle était cette entreprise criminelle. Vous n'êtes pas ici
9 traduit en justice pas plus que Kadijevic. Or ici, il est dit au paragraphe
10 28. "Les généraux Veljko Kadijevic et Blagoje Adzic qui ont dirigé et
11 supervisé les forces de la JNA en Bosnie-Herzégovine étaient en
12 communication et en consultation constante avec l'accusé."
13 Voici ma question : Kadijevic et Adzic, est-ce qu'ils ont dirigé les forces
14 de Bosnie ? Est-ce qu'ils ont supervisé ces forces au moment où la guerre a
15 éclaté ?
16 R. Veljko Kadijevic n'aurait pas pu le faire.
17 Q. Fort bien.
18 R. Il serait impossible pour Kadijevic d'avoir dirigé, de diriger les
19 forces dans Bosnie.
20 Q. Est-ce que c'est manifeste ? Enfin, la personne qui m'a consulté était
21 à la retraite lorsque la guerre a éclaté en Bosnie. Est-ce que j'ai
22 participé à tout ceci ? Est-ce que j'ai donné des instructions à quelqu'un
23 qui était à la retraite, qui était un retraité ?
24 R. Mais vous savez, il y a beaucoup de sornettes qu'on ne cesse de
25 répéter. Ici, on l'a déjà vu dans le volet croate de l'acte d'accusation.
26 Alors, je pense qu'il est inutile de revenir là-dessus d'autant qu'il est
27 évident que s'agissant des événements de Bosnie-Herzégovine, certains des
28 plus hauts gradés de la JNA avaient déjà donné leur démission ou étaient à
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1 la retraite.
2 Q. Oui. Mais, ici, on dit qu'il constitue un lien avec moi, ou qu'ils ont
3 un lien avec moi. Alors, d'après ce qui est écrit dans cette acte
4 d'accusation, je suis censé avoir exercer une influence sur la situation en
5 Bosnie en me servant de retraités comme Kadijevic et Adzic. On parle ici de
6 faits. Ce ne sont pas des questions de droit.
7 R. Je ne peux pas dire avec certitude si vous n'avez jamais eu des
8 contacts avec Kadijevic et Adzic, mais, si on voit ce qu'a dit le général
9 Vasiljevic, celui-ci était mieux au courant que moi de tous ces liens.
10 Vasiljevic a été un témoin de l'Accusation, et il a dit qu'il était
11 impossible d'influer sur le général Kadijevic, même quand il était actif,
12 lorsqu'il était le ministre fédéral de la Défense. Alors, comment auriez-
13 vous pu avoir de l'influence sur lui lorsqu'il était parti à la retraite et
14 qu'il a été hospitalisé ? Moi-même, je suis allé le voir à l'hôpital.
15 Comment auriez-vous pu, par son truchement, influer sur les événements de
16 Bosnie ?
17 Q. Je ne sais pas trop bien. Est-ce que vous avez lu le volet Bosnie de
18 l'acte d'accusation ?
19 R. Oui.
20 Q. Est-ce que vous avez vu dans quelle mesure il est le miroir, le pendant
21 du volet croate ?
22 R. C'est pratiquement un copier-coller. Il y a peut-être --
23 Q. Est-ce que vous avez vu une seule déclaration qui pourrait établir un
24 lien entre les activités du président de la Serbie et moi, en l'occurrence,
25 et ces événements ?
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Question bien trop général que
27 celle-là. Je vous ai demandé de poser des questions pointues, précises.
28 Celle-ci n'est pas autorisée.
Page 48153
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Je vais poser une question précise.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Que savez-vous des activités qui auraient été les miennes pour ce qui
4 est de la situation en Bosnie-Herzégovine ?
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est terrible, c'est aussi général
6 que la précédente. De nouveau, on va avoir toute une conférence de ce
7 professeur en guise de réponse. Il vous faut -- le témoin, ne répondez --
8 Monsieur le Témoin, ne répondez pas à cette question. Ecoutez-moi. M.
9 Milosevic doit être plus précis dans les questions qu'il vous pose. Il le
10 sait pertinemment.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Quels -- que connaissiez-vous des activités que j'aurais eu en rapport
13 avec la Bosnie-Herzégovine ?
14 R. Pendant que j'étais à la présidence, donc, jusqu'au 15 juin, vous avez
15 utilisé votre autorité politique pour préconiser une solution pacifique
16 pour soutenir le plan Cutileiro.
17 Q. Je n'ai plus de questions à poser.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai terminé mon interrogatoire principal,
19 voyez même plus tôt que prévu, de façon à ne pas parcourir les mêmes chefs
20 d'accusation ici dans le volet Bosnie que celles qu'on a déjà trouvé dans
21 le volet Croatie de l'acte d'accusation.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur
23 Milosevic.
24 Madame Uertz-Retzlaff, vous avez la parole.
25 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Une
26 question d'administration. Tout d'abord, s'agissant des intercalaires qui
27 ont été mentionnés, je suppose qu'ils seront tous versés au dossier. Mais
28 je voudrais soulever une exception pour ce qui est du deuxième séquence
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1 vidéo, où on a eu -- je ne sais pas -- cette exercice militaire important,
2 parce que nous n'avons aucune référence pour ce qui est de la date et de ce
3 qu'on est censé voir sur ces images. Il n'y a pas vraiment de finalité.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les autres documents seront versés,
6 mais la séquence vidéo ne le sera pas.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc, rien que la deuxième séquence vidéo.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] La déclaration du Reis-Ul-Ulema, qui dit que
10 c'est Dieu qui a donné l'ordre de mener la Djihad, ce sera versé au
11 dossier ?
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais est-ce que vous comprenez alors que ce
14 qu'il dit est en rapport avec le passage en revue des Brigades -- de la
15 Brigade des Moudjahiddines, revue que fait Izetbegovic ?
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous savez, on n'a rien vu dans
17 cette séquence. Ce n'était pas vraiment intelligible. Il était difficile de
18 trouver un sens.
19 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il n'y avait pas de traduction non
20 plus.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'était surtout des cris poussés, des cris
23 militants, religieux, poussés en arabe.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais comment voulez-vous qu'on le
25 sache ? Ce n'est pas vous qui déposez ici.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, je vais examiner cette séquence, et je
27 vais en demander après de nouveau le versement. Je pensais que vous
28 pourriez faire la différence entre l'arabe et d'autres langues.
Page 48155
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non. Le témoin ne l'a pas vu. Donc,
2 il n'a pas vu ces images.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne savais pas que l'écran du témoin ne
4 fonctionnait pas. Cela n'est pas sous mon contrôle. Je n'en ai pas la
5 maîtrise.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez commencer, Madame
7 Retzlaff.
8 Contre-interrogatoire par Mme Uertz-Retzlaff :
9 Q. [interprétation] Au cours de votre déposition, vous avez apporté de
10 nombreux commentaires sur plusieurs pages du volet croate de l'acte
11 d'accusation. Vous le connaissez bien, n'est-ce pas ?
12 R. Oui.
13 Q. Vous savez qu'il y est question des crimes commis de -- entre le 1er
14 août 1991, jus-- et le mois de juin 1992; c'est exact ?
15 R. Oui.
16 Q. Par conséquent, Monsieur Kostic, vous savez que les chiffres relatifs
17 au recensement de la population que vous nous avez cités, donc en comparant
18 les chiffres pour 1991 et ceux pour l'an 2001, que ces chiffres ne peuvent
19 pas être utiles à cette Chambre. Vous savez parfaitement qu'ils ne peuvent
20 pas l'être.
21 R. Non. Cela, je ne le sais pas. Pourquoi ils ne seraient pas utiles ? Les
22 chiffres que j'ai cités ici portant sur la population et sa composition
23 ethnique peuvent être fort utiles à la Chambre. Nous n'avons peut-être pas
24 le même avis là-dessus, mais ne me soufflez pas les mots que je ne souhaite
25 pas prononcer dans ma réponse.
26 Q. Monsieur Kostic, cette information comprend les chiffres qui sont le
27 résultat des opérations Tempête et Eclair, des offensives menées par les
28 Croates, et c'est ceci qui provoque donc cette grande différence dans les
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1 chiffres pour la population serbe. C'est un fait, n'est-ce pas ? Cela s'est
2 produit en 1995 ?
3 R. Dans ma déposition, nous avons parlé de l'ambiance qui a prévalu en
4 Croatie sur les parties de cette république peuplée majoritairement par une
5 population serbe. Il me semble que nous sommes parvenus à bien expliquer
6 les raisons et la manière dont ces conflits armés ont éclaté en Croatie. Si
7 vous m'y autorisez, je souhaite poursuivre.
8 Q. Permettez-moi de vous interrompre, Monsieur Kostic. Ces chiffres que
9 vous avez fournis à la Chambre tiennent compte des modifications de la
10 population en 1995 ?
11 R. Mais, bien entendu, qu'ils comprennent toutes les modifications
12 intervenues entre 1991 et 2001. C'est le résultat définitif de tout ce qui
13 s'était produit en Croatie.
14 Q. Monsieur Kostic, vous avez déjà dit au sujet des paragraphes 7 et 10 de
15 l'acte d'accusation important sur la Croatie, que vous savez que vous y
16 êtes mentionné en tant que membre de l'entreprise criminelle commune et
17 vous êtes considéré comme étant l'un des responsables des crimes commis en
18 Croatie et partiellement en Bosnie. Vous en êtes conscient, n'est-ce pas ?
19 R. Je n'ai jamais dit que j'étais responsable ne serait-ce que d'un seul
20 crime et je m'attends à entendre de votre part, aujourd'hui, de quel crime
21 il s'agit. Or, je n'ai jamais dit que je me sentais responsable du moindre
22 crime.
23 Q. Non, telle n'a pas été ma question. Pourriez-vous, s'il vous plaît,
24 écouter attentivement mes questions. Ma question était la suivante : vous
25 êtes mentionné dans cet acte d'accusation en tant que l'un des responsables
26 de ces crimes, en ayant été membre de l'entreprise criminelle commune.
27 C'est ce que vous avez dit vous-même.
28 R. Permettez-moi de constater qu'il y a une différence entre ce que vous
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1 venez de dire et votre première question. A aucun moment n'ai-je déclaré
2 que je me sentais responsable ou coupable des crimes qui me sont reprochés
3 à l'acte d'accusation. J'ai dit que pendant cette période, j'étais vice-
4 président de la présidence de la RSFY. J'ai dit, de même, dans le cadre de
5 ma déposition, que toutes les décisions que nous avons adoptées en notre
6 qualité de présidence de la RSFY, que ce soit au complet ou dans sa version
7 restreinte, et bien que toutes ces décisions visaient à l'adoption d'une
8 solution pacifique. Je vous en prie, si c'est cela qui vous intéresse en
9 particulier --
10 Q. Monsieur Kostic, je vais vous interrompre là. J'ai toujours
11 l'impression que vous n'avez pas compris ma question.
12 Compte tenu des actions de la JNA, M. Milosevic l'a dit lui-même,
13 47771, page du compte rendu d'audience du 1er février, au début de
14 l'interrogatoire principal. Il est dit : "Tous ces événements mentionnés
15 ici à l'acte d'accusation se sont produits jusqu'au milieu de l'année 1992.
16 Ici, nous avons un témoin qui a été vice-président de la présidence, en
17 d'autres termes, de l'organe qui était le commandement suprême de l'armée
18 qui aurait commis certaines choses. Donc, ceci ne signifie absolument pas
19 que les crimes se sont produits, les crimes cités à l'acte d'accusation,
20 mais ceci montre qui avait les attributions, le pouvoir, l'autorité à
21 l'époque."
22 Simplement, Monsieur Kostic, M. Milosevic dit, au fond, que si la JNA a
23 commis des crimes, ceci ne relève pas de sa responsabilité à lui, mais de
24 la vôtre, Monsieur Kostic, n'est-ce pas ?
25 R. Pour ce qui est de la période de laquelle nous avons parlé, j'étais
26 vice-président de la présidence. C'était le commandement Suprême et en tant
27 que commandement Suprême, nous avions des compétences sur la JNA.
28 Q. Mais vous, vous étiez la personne responsable pour les crimes commis ?
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1 R. S'il y a eu des crimes commis, alors je pourrais endosser la
2 responsabilité de cela, mais je n'ai pas dit, je n'ai pas accepté des
3 allégations, quelles qu'elles soient, qui figurent à l'acte d'accusation.
4 Je n'ai pas accepté la moindre accusation disant que la JNA a commis ces
5 crimes.
6 Q. [aucune interprétation]
7 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, je
8 souhaiterais que l'on examine l'atlas. C'est la pièce 336. Est-ce qu'on
9 placer cette pièce sur le rétroprojecteur ?
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La page, s'il vous plaît ?
11 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Page 23.
12 Q. Monsieur Kostic, vous connaissez l'endroit qui s'appelle Sarvas ?
13 R. Je ne m'y suis pas rendu, mais j'ai entendu le nom de cette localité,
14 Sarvas. Je connais ce nom précisément eu égard à cette époque-là.
15 Q. Disant que cela se situe au sud d'Osijek,
16 Mme UERTZ-RETZLAFF : [aucune interprétation]
17 Q. Monsieur le Témoin, le voyez-vous ? C'est au sud-est d'Osijek, c'est
18 près d'Aljmas, Erdut et Dalj, en Slavonie orientale, c'est bien cela ?
19 R. Oui.
20 Q. Vous savez qu'à Dalj et à Sarvas, il y a eu des escarmouches ?
21 R. Oui.
22 Q. Nous avons examiné une pièce de la Défense, la pièce 333, intercalaire
23 6 [comme interprété] du 8 août 1991. C'était une réunion de la présidence
24 consacrée à cela, c'est bien cela ? Il y est dit qu'une commission devrait
25 être mise sur pied pour surveiller le cessez-le-feu, et qu'il devrait
26 enquêter sur ce qui s'est produit à Sarvas et à Dalj, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. Le 13 août, la présidence s'est de nouveau occupée des événements de
Page 48159
1 Dalj, Sarvas et Lovinac. Vous en souvenez-vous ?
2 R. Je sais qu'on en a parlé, qu'on s'est occupé de cela, mais je ne me
3 souviens plus des détails.
4 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, en fait c'est
5 la pièce 330, intercalaire 11. Il s'agit du projet du PV de cette réunion
6 de la présidence du 13 août.
7 Q. Je ne pense pas que je doive vous présenter cela M. Kostic, puisque
8 vous connaissez cela. Un seul point m'intéressera puisqu'il est dit ici --
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que Mme Uertz-Retzlaff, doit présenter
12 ce document au témoin. Elle ne peut pas lui parler d'un document qui date
13 d'il y a 15 ans en se contentant d'affirmer laconiquement qu'il doit s'en
14 souvenir.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'avions pas de projets de procès-
16 verbaux, à la présidence. Nous avions des procès-verbaux. Je ne vois pas de
17 quoi il s'agit ici.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On va présenter ce document au
19 témoin, on va le lui remettre.
20 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je voulais m'en occuper brièvement,
21 parce que le témoin s'en souvient.
22 Q. [aucune interprétation]
23 R. [aucune interprétation]
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez un exemplaire pour
25 l'accusé ?
26 Mme UERTZ-RETZLAFF : [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] S'il vous plait, remettez un
28 exemplaire à l'accusé.
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1 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]
2 Q. C'est la 133e réunion de la présidence qui s'est donc réunie le 13
3 août, dans le préambule. Il est question de l'ordre du jour, il est dit que
4 vous étiez présent, à cette réunion.
5 Au point 1, si vous vous reportez à la deuxième page, on voit le point 1,
6 et à la fin du point 1, il est dit la chose suivante : "La présidence de la
7 RSFY a décidé de s'adresser au Conseil exécutif fédéral pour lui demander
8 de mettre sur pied cette Commission d'experts afin d'enquêter sur les faits
9 ayant à voir avec les événements de Sarvas, Lovinac et Dalj en Croatie, et
10 de faire un rapport la dessus." Est-ce que vous vous en souvenez ?
11 R. Réellement, je dois dire que je ne me souviens pas des détails, mais
12 ici on voit qu'on s'est mis d'accord que Vasil Tupurkovski et Bogic
13 Bogicevic aient des entretiens avec les autorités de la République de
14 Slovénie.
15 Q. Mais je vous pose ma question au sujet de la commission qui devait
16 enquêter sur les événements de Dalj, Sarvas et Lovinac. Est-ce que vous
17 vous souvenez de cela, maintenant que vous lisez le texte ?
18 R. Cette commission, en particulier, très concrètement, je ne m'en
19 souviens pas. Je dois dire qu'on a créé plusieurs de ces commissions. Il y
20 avait une Commission d'Etat dont j'ai été président, et ce n'est pas celle-
21 ci, et M. Mesic a quitté la session de la présidence à cette occasion,
22 précisément en guise de protestation parce que j'ai été nommé à la tête de
23 cette commission. Mais celle-ci, vraiment, je ne m'en souviens pas.
24 Q. Témoin, vous vous souvenez qu'il y a eu des échanges de feu, des
25 conflits qui ont éclaté à Dalj, Sarvas, et Lovinac ?
26 R. Oui. Je m'en souviens. Il y en a eu à d'autres endroits également, à
27 bien d'autres endroits, mais ici aussi.
28 Q. Nous avons entendu des dépositions de témoins portant sur les
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1 événements de ces trois endroits.
2 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je souhaite citer la portion d'une
3 déposition du témoin C-57, donc d'un témoin protégé. Il s'agit de la pièce
4 607, intercalaire 1. C'est une pièce qui a été versée sous pli scellé. Je
5 préfère ne pas transmettre cette pièce au témoin. Je me contenterai de
6 donner lecture des portions qui n'ont pas été versées sous pli scellé. Est-
7 ce que ceci est acceptable ?
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, faisons ainsi.
9 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]
10 Q. Monsieur Kostic, au paragraphe 29 de sa déposition, ce témoin parle de
11 la prise d'Aljmas et de la destruction de l'église catholique d'Aljmas. Je
12 ne peux pas vous donner lecture du paragraphe intégral puisque je ne peux
13 lire que les portions qu'on peut divulguer au public. Il est dit : "Début
14 septembre," puis, je saute une partie que je ne peux pas évoquer un public,
15 il parle d'une unité qui a reçu pour mission d'attaquer Sarvas. C'est ce
16 qu'a mentionné le témoin au paragraphe 29. Il a parlé également d'attaques
17 sur Aljmas. Au paragraphe 30, il dit : "Aljmas a été totalement désertée,
18 si ce n'est par quelques personnes âgées et quelques couples." Au
19 paragraphe 31, ce témoin dit, que l'église d'Aljmas a été piégée par les
20 volontaires d'Arkan, puis il parle de la prise de Sarvas au paragraphe 34.
21 Il dit : "J'ai vu que le village était totalement vide et entièrement
22 détruit par les chars et le feu d'artillerie. J'ai supposé que c'était le
23 cas parce que les chars avaient tiré sur le village tout au long de la
24 journée." Enfin, au paragraphe 88, le témoin nous a dit qu'au printemps
25 1992, les Serbes de Slavonie occidentale ont commencé à s'installer dans la
26 région où j'étais basé. Ils se sont installés dans les maisons croates
27 d'Aljmas, de Sarvas et d'Erdut, et les villages ont été rebaptisés pour que
28 leur nom soit écrit en cyrillique sur des panneaux à l'entrée des villages.
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1 Aljmas a rebaptisé Papuk Dolina, et Sarvas a été appelé Jelinovo." Est-ce
2 que vous vous rappelez de cela ?
3 R. Attendez, c'est dérisoire, assez risible. Est-ce que je me rappelle
4 d'Aljmas et Sarvas de la manière dont vous me posez la question ? Mais
5 pourquoi n'avez-vous pas enquêté là-dessus pour savoir qui a tiré là-bas ?
6 Qui a détruit ? Par exemple, l'église catholique, comment voulez-vous que
7 je le sache, moi ? Il s'agit là de détails. Je ne peux que vous dire --
8 Q. Monsieur Kostic, arrêtez. Ma question était simple. Est-ce que vous
9 vous rappelez Sarvas, puisque j'estime que vous devriez vous en souvenir,
10 puisque vous avez écrit des choses sur Sarvas dans votre livre, n'est-ce
11 pas ?
12 R. Oui, j'ai écrit sur Sarvas. Je vous dirai ce que j'ai écrit là-dessus
13 dans mon livre. Vous n'avez pas besoin de me poser des questions comme
14 cela. Vous auriez pu me demander directement ce que j'ai écrit là-dessus.
15 Q. Oui. Je vous en prie.
16 R. Dans mon livre, j'ai écrit sur Sarvas. Voyez-vous, il y a eu beaucoup
17 de trêves de conclues. Tant de fois on a négocié de cessez-le-feu, et j'ai
18 dit dans mon livre que ces trêves ont toujours été violées de la part des
19 Unités paramilitaires croates. Souvent, j'ai eu l'occasion de m'exprimer
20 par la voix des médias, la télévision. J'ai écrit beaucoup de choses là-
21 dessus dans mon livre.
22 Q. Monsieur Kostic --
23 R. [aucune interprétation]
24 Q. Ma question ne concerne que Sarvas. Vous n'avez pas besoin de répéter
25 tout ce que vous avez dit pendant l'interrogatoire principal. Concentrez-
26 vous sur ce que vous avez écrit là-dessus dans votre livre. J'ai votre
27 livre, ici.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Je vous en prie. Faites comme
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1 vous le demande l'Accusation. Sinon, on peut placer le livre sur le
2 rétroprojecteur.
3 D'ailleurs, pourquoi vous ne le faites pas ?
4 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Placez le livre sur le
5 rétroprojecteur.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, le moment est venu de
7 suspendre l'audience. Nous allons faire une suspension de 20 minutes.
8 --- L'audience est suspendue à 12 heures 19.
9 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant de savoir ce que le témoin a
11 écrit eu égard à Sarvas, permettez-moi de simplement tirer au clair la
12 question des pièces à conviction. Nous avons versé au dossier les
13 intercalaires 32, 5, et 56, 62, 64, 81 et 83, dont c'est servi l'accusé
14 avaient déjà été versés précédemment au dossier en tant que pièce à
15 conviction, par conséquent nous n'allons pas les reverser.
16 Madame Uertz-Retzlaff.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avez-vous mentionné l'intercalaire 5 ? C'est le
20 phonogramme de la rencontre entre Izetbegovic et Kostic.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si. Si, je l'ai mentionné. On le
22 voit au compte rendu d'audience.
23 Madame Uertz-Retzlaff.
24 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Q. Monsieur Kostic, vous avez reçu à présent un extrait de votre livre,
26 "1991 contre l'oubli", page 101. Je pense que tout le monde a la traduction
27 à présent, et il est dit ici sur cette page : "Pour la première fois où
28 j'ai rencontré le général Zivota Panic, et le commandant de la 1ère Armée, et
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1 un groupe de ses collaborateurs proches lors de l'inauguration de la foire
2 de l'agriculture de Novi Sad, le 4 septembre 1991, la radio et la
3 télévision parlaient tous les jours des paramilitaires croates de Sarvas en
4 train de menacer des membres l'armée populaire yougoslave qui étaient
5 placés en tant que zone tampon là-bas afin d'empêcher des conflits
6 internationaux. A cette occasion, je leur ai demandé : est-ce que Sarvas
7 est fortifié à un tel point que vous nous pourriez pas le prendre et
8 chasser -- expulser ceux qui vous menacent tous les jours ? Ils ont répondu
9 en disant qu'elles pourraient le nettoyer en une seule après-midi, mais
10 qu'ils n'avaient pas le droit de le faire à cause du cessez-le-feu qui
11 avait été signé et parce qu'il y avait un ordre stricte du Grand état-major
12 leur imposant le respect du cessez-le-feu. Si j'étais vous, je leur aurais
13 dit : je tolérerais que l'ennemi viole le cessez-le-feu une fois, peut-être
14 deux ou trois fois, mais après cela, je leur imposerais de se calmer. Je
15 n'attendrais pas une autorisation si les vies de nos soldats étaient
16 menacées.
17 "Le semaine d'après, les paramilitaires croates ont été chassés de Sarvas,
18 mais je n'ai jamais appris si notre conversation a eu un impact sur eux
19 pour qu'ils entreprennent cette action…"
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous répéter votre question ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette photocopie représente fidèlement ce qui
22 a été écrit dans mon livre.
23 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Nous voudrions verser au dossier
24 cette portion du livre. Le livre est déjà l'intercalaire 72, mais M.
25 Milosevic n'a fourni que des portions de ce livre. Est-ce qu'on lui garde
26 la cote 72 ?
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, comme partie de l'intercalaire
28 72.
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1 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui. Merci.
2 Q. Donc, Monsieur Kostic --
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A l'intercalaire 72 je n'ai rien moi.
4 Vous me dites que nous avons déjà des extraits du livre.
5 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Uniquement des parties qui ont été
6 traduites dans le prétoire. Ce sont les seules parties qui sont versées.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Madame Uertz-Retzlaff.
8 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]
9 Q. Monsieur Kostic, comme nous le voyons dans ce livre, vous étiez au
10 courant de ces événements dans la région de Sarvas, et en tant que membre
11 de la présidence vous étiez tenu de le savoir, n'est-ce pas ?
12 R. Non, je ne savais pas ce qui se passait à Sarvas car, si je l'avais su,
13 je n'aurais pas posé la question au général Panic là-dessus. Je ne lui
14 aurais pas demandé ce qui se passait à Sarvas, je ne lui aurais pas dit
15 pourquoi acceptez-vous que les Unités paramilitaires croates mettent en
16 péril les Unités de l'armée populaire yougoslave qui est la seule force
17 armée conforme à la constitution ? Si j'avais connu des détails sur Sarvas,
18 si je les avais suspect, à ce moment-là, je n'aurais pas posé la question
19 au général Panic.
20 Ce que nous venons d'entendre et de lire ici appelle un autre commentaire :
21 si une trêve a été conclue et si l'une des parties en présence ne respecte
22 pas cette trêve, si elle viole une, par deux, trois, quatre fois, dans ce
23 cas-là, les unités régulières de l'armée n'ont pas à attendre une
24 autorisation quelle qu'elle soit, de qui que ce soit. Il faut qu'elles se
25 défendent, elle doive, elles peuvent lancer des activités de leurs propres
26 chefs afin de se protéger.
27 L'un des remarques que vous auriez pu lire dans le livre que vous êtes en
28 train de citer même si je ne suis qu'un commandant de réserve dont je
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1 l'étais dans les rangs de la JNA, donc, je ne suis pas hautement qualifié
2 ni un expert en la matière.
3 Q. S'il vous plaît, pourriez-vous vous contenter de me donner des réponses
4 brèves. Je vous ai demandé si vous étiez au courant des événements dans la
5 région d'après le passage qu'on vient de lire vous l'avez été, et vous
6 m'avez dit que ce n'était pas le cas. Vous avez répondu à ma question.
7 R. Est-ce que vous pourriez m'autoriser à terminer ma phrase ? Vous
8 m'interrompez.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, elle peut vous interrompre si
10 vous ne répondez pas à la question, en dernière instance il appartient à la
11 Chambre d'apprécier tout cela.
12 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]
13 Q. A en juger d'après votre livre, on aurait l'impression que vous vouliez
14 qu'on attaque Sarvas.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais savoir où vous trouvez
16 cela, puisque le témoin nous a dit plusieurs fois pendant son
17 interrogatoire principal que c'était lui le membre de l'équipe dirigeante
18 qui estimait que l'armée devrait lever le siège des différentes casernes où
19 leurs camarades étaient piégés, bloqués. Il me semblait que c'était tout à
20 fait raisonnable de sa part. Alors, pourquoi dites-vous que d'après ce
21 qu'on lit ici, on a l'impression qu'ils voulaient attaquer les civils.
22 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Mais je n'ai pas dit qu'ils voulaient
23 attaquer des civils. Excusez-moi. Je suis désolée mais j'ai dit qu'on a
24 l'impression d'après ce qu'on lit qu'ils voulaient qu'on attaque Sarvas.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais où est-ce que vous le trouvez ?
26 On a l'impression que c'étaient des paramilitaires qu'ils voulaient faire
27 attaquer. Ils voulaient qu'on les attaque pour lever le blocus dont ils
28 étaient à l'origine.
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1 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est la phrase et je cite : "Si
2 j'étais vous, je lèverais…" C'était cela la phrase que j'ai citée.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais uniquement après qu'ils aient
4 violés le cessez-le-feu par trois fois, Madame Uertz-Retzlaff.
5 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Très bien. Je vais aller de l'avant.
6 Alors, mes collègues m'ont dit lorsque j'ai parlé de la pièce de la Défense
7 D333, intercalaire 22, à savoir, la session de la présidence du 8 août
8 1991, mes collègues m'ont dit que cette pièce n'a pas été versée au
9 dossier. M. Milosevic n'a pas demandé son versement. Excusez-moi, non.
10 C'est l'intercalaire 26. Non, j'ai fait une erreur. Donc, l'Accusation
11 souhaite verser cela au dossier. On pourrait peut-être montrer ce document
12 au témoin. Je poserais une question de plus à ce sujet par la suite.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Oui. Peut-on remettre le
14 document au témoin ?
15 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] On devrait remettre la version en
16 caractère cyrillique au témoin. Nous allons placer le document sur le
17 rétroprojecteur.
18 Q. Monsieur Kostic, c'est le point 4 de ce document que nous allons
19 examiner. Il y est dit : "A 13 heures aujourd'hui, les membres de la
20 Commission de la présidence de la RSFY et trois représentants chacun,
21 représentant le gouvernement de la République de Croatie. Le peuple serbe
22 de Slavonie, Baranja et Srem occidentale --"
23 R. Excusez-moi, mais je ne l'ai pas.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est l'intercalaire 26.
25 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]
26 Q. L'intercalaire 26, oui.
27 R. Oui. Je l'ai.
28 Q. Donc, j'étais en train de donner lecture du point 4 de ce document. Il
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1 est question de la commission et je disais qu'il y a pris part, et il est
2 dit : "…se rendront dans les villages de Dalj et Sarvas afin de résoudre
3 les questions urgentes qui se posent là-bas. Un groupe de travail constitué
4 par le Conseil exécutif fédéral et des représentants de l'assemblée
5 municipale d'Osijek prendront part à ces travaux également."
6 Puis, au point suivant, il est dit : "Les personnes qui ont été placées en
7 détention, à en juger d'après les listes précédemment remises à la
8 commission doivent être libérées au plus tard à 18 heures aujourd'hui. Les
9 activités visant à identifier les personnes portées disparues doivent
10 continuer."
11 Monsieur Kostic, à en juger d'après ce qu'on lit ici, c'est la présidence
12 qui s'est occupée de la situation. Il s'agit d'un conflit armé, qui a causé
13 des victimes, de toute part, enfin, dans les rangs de toutes les parties,
14 des victimes et des personnes détenues. C'est ce qui s'est passé ?
15 R. La seule chose que je vois dans le document que vous avez cité c'est
16 qu'on a lancé une initiative à savoir d'enquêter sur la situation mais je
17 ne me souviens pas de rapport pondu par cette commission. Je ne me souviens
18 pas non plus de la teneur d'un éventuel rapport qui aurait été pondu. Mais
19 un point, c'est le mois d'août. C'est cette période transitoire où il y a
20 eu un blocus total dans les travaux de la présidence. La présidence ne
21 pouvait plus se réunir. Donc, ce groupe de travail qui a été nommé, je ne
22 peux rien vous dire à son sujet. La seule chose que je puisse vous dire
23 c'est que je peux supposer que cette commission a existé dans le cadre de
24 cette commission fédérale, du gouvernement fédéral mais je ne me souviens
25 pas qu'on ait reçu un rapport pondu par cette commission au sein de la
26 présidence donc, sur le fruit de son travail.
27 Q. Mais --
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic ?
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je intervenir pour vous aider sur ce
2 point ?
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que souhaitez-vous dire ?
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce serait probablement beaucoup plus clair si
5 on donnait lecture du premier paragraphe dans lequel on voit qui étaient
6 les membres de cette présidence dirigée par Vasil Tupurkosvki et Bogic
7 Bogicevic. Si on se rendait compte de la nature des membres de cette
8 commission, on verrait de ce dont il s'agit, cette Commission de travail de
9 la présidence.
10 En premier lieu, il convient de déterminer de qui il s'agit et en
11 deuxième lieu, de quoi il s'agit ?
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
13 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Cela, on peut le voir clairement à la
14 lecture du document. Inutile d'entrer dans tous ces détails.
15 Ultérieurement, quand on parlera des crimes commis, je reviendrai sur cette
16 commission. Il est inutile de s'appesantir sur ce point, tout de suite.
17 Q. Monsieur Kostic, en tant que membre de la présidence, ultérieurement et
18 d'autant plus en tant membre de vice-président de la présidence Croupion,
19 de ce que vous appelez la présidence réduite. Vous faisiez d'une instance
20 qui contrôlait, dirigeait les actions de la JNA, n'est-ce pas ?
21 R. Oui. La présidence était un commandement Suprême collectif.
22 Q. Donc, je parle effectivement d'une instance collective, pour autant de
23 vous-même et uniquement de "vous."
24 Pendant le mandat que vous avez occupé à la présidence de la JNA
25 agissait sous vos ordres.
26 R. Oui.
27 Q. Pendant le --
28 R. Permettez-moi d'ajouter quelque chose. La division des compétences
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1 entre la présidence, le commandement Suprême, l'état-major, et cetera,
2 était déterminée de façon extrêmement précise.
3 Q. Vous en avez déjà parlé. Inutile de le répéter.
4 Au cours de votre deuxième journée de déposition, vous avez parlé de
5 la pièce D333, intercalaire 69. La déclaration du 6 juillet de Kadijevic, 6
6 juillet 1991, sur la paix, le fait que la paix et pas la guerre est dans
7 l'intérêt de tous. Vous avez confirmé avec
8 M. Milosevic n'a jamais fait quoique ce soit de son propre chef mais
9 qu'elle dépendait des décisions des organes fédéraux compétents et en
10 particulier de la présidence, n'est-ce pas ?
11 R. Au cours de mon témoignage, j'ai dit que la JNA a fait preuve de
12 beaucoup de retenues et qu'elle respectait le commandement Suprême incarné
13 par la présidence. Mais je vous ai également parlé des divisions de la
14 répartition des différentes attributions. La présidence, en tant que
15 commandement Suprême, n'avait, par exemple, pas compétence pour donner des
16 ordres. Ce n'était pas l'instance qui était chargée de déterminer comment
17 procéder au déploiement des Unités de la JNA sur le terrain. Cela relevait
18 de la compétence des professionnels, des organes professionnels, l'état-
19 major, en l'occurrence.
20 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] On vient de me rappeler que nous
21 souhaitions demander le versement de l'intercalaire 69.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il en sera ainsi.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais on me dit que l'intercalaire
24 26.
25 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Intercalaire 26 versé au dossier, le
27 69 y figure déjà.
28 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Kostic, vous étiez membre, vous faisiez partie du commandement
2 suprême de la JNA, ce qui signifie que vous seriez considéré comme
3 responsable si la Chambre, si le Tribunal déterminait que la JNA et ses
4 forces qui lui étaient subordonnées ont commis des crimes en Croatie, en
5 juin 1992, plutôt -- et jusqu'en juin 1992 en Bosnie.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, est-ce que
7 vous n'êtes pas précisément en train de faire ce que vous avez déconseillé
8 à M. Milosevic de faire lui même ? Posez des questions sur des sujets qui
9 en fait relèvent uniquement de la Chambre auxquelles la Chambre doit
10 répondre.
11 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je vais reformuler, je -- je
12 n'attendais pas du témoin qu'il rende des conclusions. Bien.
13 Vu les circonstances issues de ce procès, vous concerne au premier chef,
14 n'est-ce pas, un grand intérêt pour vous ?
15 R. Ce qui m'intéresse c'est que la vérité se manifeste, or, vous n'avez
16 pas déployé beaucoup d'effort pour que cette vérité se manifeste. La vérité
17 vraie, et je suis venu ici pour aider les Juges de la Chambre à établir la
18 vérité, à établir les faits.
19 Q. Ce que je vous dis, Monsieur Kostic, c'est que si l'on établit la
20 véracité des crimes, vous, vous en ressentiriez les conséquences, cela
21 aurait un impact sur votre responsabilité. Donc vous n'êtes pas venu ici
22 pour aider les Juges de la Chambre à établir la vérité, vous êtes venu ici
23 pour vous disculper M. Milosevic, également.
24 R. Ce n'est pas exact, ce n'est pas vrai.
25 Q. Vous avez évoqué les événements de Pakrac et Plitvica. La Chambre a
26 entendu des témoins lui expliquer ce qui s'est passé à Pakrac. Est-ce que
27 vous conviendrez avec moi que le récit des événements de Plitvice et Pakrac
28 qui nous a été fait, notamment, par les Croates diffère grandement de votre
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1 façon à vous de relater les événements, en conviendrez-vous avez moi ?
2 R. Bien, je ne saurais dire ou réside la différence. Je peux simplement
3 dire que pour ce qui est des détails, Pakrac, Plitvice, Sarvas et d'autres
4 lieux de Croatie qui étaient des foyers de la crise, je ne connais pas tous
5 les détails, vous pouvez insister, revenir là-dessus autant que vous le
6 souhaitez, pour que je vous donne ces détails, je ne peux le faire. Donc
7 c'est ce que j'ai dit. Ce n'est pas d'une manière méprisante, personne du
8 tout, même si j'étais quand même un suprême je ne suis pas forcément en
9 mesure de connaître tous les détails. J'ai fait presque une boutade en
10 disant qu'on pourrait presque s'attendre à ce que vous accusiez M. Blair de
11 tout ce qui s'est passé hier soir à Londres, de tous les crimes qui ont été
12 commis dans cette métropole.
13 Q. Je vous interromps. On n'est pas en train de parler de
14 M. Blair ici. J'étais en train d'établir avec vous que beaucoup de
15 personnes ont fait des récits très différents des événements de Plitvice et
16 Pakrac, et que vous, vous n'êtes pas en mesure de nous en parler vraiment
17 parce que vous n'étiez pas sur place ?
18 R. C'est exact, je n'étais pas sur place.
19 Q. Mais savez-vous pour ce qui est des événements qui ont eu lieu à
20 Pakrac, M. Jovic a ordonné à la JNA d'intervenir sans avoir demandé de
21 réunion de la présidence, et sans avoir obtenu de décision de la
22 présidence, est-ce que vous le savez ?
23 R. Il faut que je dise que je n'ai pas connaissance du fait que M. Jovic
24 ait fait ce que vous venez de me dire. S'il l'a fait comme cela de son
25 propre chef, la question qui se pose est de savoir s'il avait besoin qu'une
26 décision soit rendue par la présidence ou si cette décision existait déjà.
27 Q. Je vous interromps, Monsieur le Témoin, je vous ai posé une question
28 des plus simple, je veux simplement demander si vous saviez que M. Jovic
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1 avait ordonné à la JNA d'intervenir sans pour autant demander de réunion de
2 la présidence, et votre réponse c'est que vous ne le savez pas. Cela me
3 suffit.
4 R. Je ne sais pas.
5 Q. Vous savez que d'autre part, il a ordonné à la JNA d'intervenir le 9
6 mars 1991, lors de manifestation de Belgrade, vous le savez, oui ou non ?
7 R. A l'époque je ne siégeais pas à la présidence, mais j'ai été informé
8 également de ces événements et à ma connaissance,
9 M. Jovic a consulté les membres de la présidence. Il a obtenu leur aval
10 pour faire intervenir l'armée, d'après ce que je sais. Il ne peut-être pas
11 s'agit d'une séance plénière au sens propre du terme, mais il n'a pas peut-
12 être pas eu lieu dans la salle des plénières, mais le temps pressait, on
13 voyait se dessiner le danger du déclenchement d'une guerre civile à
14 Belgrade. Donc, il est possible qu'il ait été consulté par téléphone, le 9
15 mars, les autres membres de la présidence pour recevoir leur consigne.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Au moment des événements de Plitvice
17 et Pakrac, est-ce que vous étiez membre de la présidence ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Vu l'avalanche de dates évoquées ici, il
19 faudrait que je me souvienne de la date des événements de Pakrac, je ne
20 peux pas vous répondre précisément.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous diriez ---
22 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] On est en train de parler de mars
23 1991, le témoin n'était pas à la présidence. Je lui ai simplement demandé
24 s'il connaissait les décisions, en fait il connaît la décision la plus
25 tardive.
26 Q. En cas d'urgence, le poste de président de la présidence de la RSFY est
27 un poste assez important, il peut de son propre chef demander
28 l'intervention de la JNA, n'est-ce pas ?
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1 R. Non. Si on compare la fonction du président de la présidence aux
2 fonctions des autres membres de la présidence, en cas de risque de guerre
3 imminente, cette position n'est pas différente par rapport à ce qui se fait
4 habituellement. Ce qui est différent, c'est que la présidence peut se
5 réunir collégialement, même si elle ne dispose pas d'une majorité des deux
6 tiers, et elle peut rendre une décision qui soit valable quelle que soit la
7 manière, quelle que soit la personne représentée au sein de la présidence.
8 Mais le président de la présidence n'a pas de pouvoir et d'habilitation
9 supplémentaire à ce qui existe en temps normal, lorsqu'il y a menace de
10 guerre imminente, que ce soit en tant que président de la collégialité, en
11 tant que chef d'Etat ou en tant que chef du commandement Suprême.
12 Q. Monsieur Kostic, M. Borislav Jovic est venu déposer ici, je renvoie les
13 Juges à l'intercalaire 1, au paragraphe 60 de la pièce 513, dans laquelle
14 il est question de Pakrac.
15 Q. Où il est dit que M. Jovic a ordonné à la JNA d'intervenir sans
16 attendre des décisions de la présidence, et sans lui demander son aval. Ma
17 seule question est la suivante : pendant le temps d'urgence, le président
18 avait un poste d'importance, un poste influent, et pouvait prendre des
19 initiatives, n'est-ce pas ?
20 R. Mais j'ai déjà répondu à votre question. A ma connaissance en cas de
21 situation sortant de l'ordinaire le président de la présidence ne dispose
22 pas d'attributions différentes de celles qui sont les siennes en situation
23 habituelle. Puis, ce qui s'est passé à Pakrac ce n'était pas une situation
24 sortant de l'ordinaire, une situation d'urgence. C'est ce qui s'est passé
25 après le 31 octobre ou après octobre 1991 qui a été considéré comme
26 situation d'urgence.
27 Q. Vous avez déclaré qu'à Plitvice et Pakrac il y avait des postes de
28 police réguliers qui étaient tenus par les Serbes et qui relevaient de la
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1 puissance publique croate. Cela se trouve au paragraphe ou à la page 47661
2 du compte rendu d'audience du 25 janvier 2006. Vous vous en souvenez ?
3 R. Je ne me souviens pas avoir dit précisément qu'il y avait uniquement
4 des forces de police serbes à Pakrac et à Plitvice, mais j'ai dit que là où
5 la majorité de la population était serbe, il y avait effectivement des
6 postes de police dans le cadre des effectifs de la police croate, et là, où
7 il y avait une majorité serbe dans la population, il y avait dans ces
8 postes de police des employés qui étaient de la région et qui étaient
9 surtout Serbes. Je ne me souviens pas si j'ai dit que c'était le cas à
10 Pakrac ou à Plitvice et quelle était la situation exacte qui prévalait là.
11 Je n'affirme pas l'avoir dit auparavant.
12 Q. Vous savez ce qui s'est passé à Knin en août 1999, et vous avez dit que
13 c'était la révolution des grumes ou des troncs, excusez-moi. J'ai dit 1999.
14 Il s'agissait de 1990. Vous savez que Milan Martic et sa police n'avait pas
15 accepté les autorités croates et il avait coupé tout lien avec le MUP
16 croate, n'est-ce pas ?
17 R. Je ne peux vraiment pas vous donner davantage de détail, parce que cela
18 se passait tout simplement en 1990, à ce moment-là, je ne faisais partie de
19 la présidence de la RSFY. Ce que je sais c'est que les Unités de la Police
20 croate et des Unités spéciales du MUP de Croatie ont essayé de pénétrer
21 dans la région de Knin et dans d'autres régions où il y avait une majorité
22 d'habitants serbes pour prendre le contrôle des postes de police et à toute
23 fin utile désarmer les policiers qui étaient surtout des Serbes.
24 Q. Je vous ai, en fait, demandé si au moment de ces événements, les postes
25 de police locaux avaient coupé les liens qu'ils avaient avec le MUP de
26 Croatie. Vous avez une réponse à cette question, n'est-ce pas ?
27 R. Non, franchement pas. Je ne sais pas s'ils ont coupé les liens qu'ils
28 avaient. Ce que je sais c'est qu'ils ont essayé d'empêcher que des Unités
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1 spéciales croates -- des Unités de ces forces croates arrivent -- entrent
2 dans ces régions et pour prendre le pouvoir. Je ne sais pas qui a coupé des
3 liens.
4 Q. Monsieur Kostic, des témoins sont venus dire que, par exemple, Milan
5 Martic avait refusé le nouvel uniforme, le nouveau drapeau, avait refusé
6 les nouvelles autorités du MUP en Croatie en 1990 au moment de la
7 révolution qu'on a appelé La révolution des troncs. Vous n'êtes vraiment
8 pas au courant; c'est ce que vous dites ?
9 R. Je ne sais pas si Milan Martic a refusé cet uniforme mais je vous ai
10 déjà dit auparavant et je peux le confirmer ici une fois de plus en réponse
11 à votre question. La population serbe de cette région c'est tout simplement
12 soulevée parce qu'elle avait peur de ce qui risquait de lui arriver. Ils
13 ont décidé ces Serbes dans ces régions de s'organiser et ils ont dit
14 publiquement qu'ils refusaient de reconnaître la loi croate, la
15 constitution croate qui provenait du refus du rejet de la législation
16 yougoslave, des lois yougoslave. Ces gens ont dit qu'ils allaient appliquer
17 et respecter la législation yougoslave. Je vous ai dit ce que M. Mesic a
18 fait en tant que président de la présidence.
19 Q. Inutile de faire un long discours. Monsieur Kostic, ni la constitution
20 de la RSFY ni la constitution croate n'avaient prévu qu'il y ait une force
21 parallèle créée par les Serbes qui aurait fonctionné en dehors des
22 compétences qui revenaient normalement aux Organes de Police de république.
23 Il n'y avait pas de fautement[phon] légal ni juridique à l'établissement
24 d'une force de police serbe séparée.
25 R. Ce n'était pas des forces de police des effectifs séparés. Ce n'était
26 pas des forces de l'ordre séparé. Quand on dit "autorité croate" cela veut
27 dire le MUP et la police croate et ces autorités ont simplement renié,
28 rejeté les lois yougoslaves en vigueur. Ce qui à son tour à pousser la
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1 population serbe à rejeter ces nouvelles lois croates. Vous ne devriez pas
2 continuer à m'interrompre. Je vous ai dit que M. Mesic a, sans cesse,
3 qualifié ces gens qui vivaient dans ces régions de Chetniks, de bandits, de
4 renégats, et j'étais assis à ses côtés, je devais écouter ce qu'il disait.
5 Q. Ecoutez, cela ne vous plait peut-être pas d'avoir mes questions mais
6 vous êtes censé vous conformer et vous n'avez pas le droit de dire ce que
7 vous voulez.
8 Je vais vous demander ceci.
9 R. Mais je ne peux pas dire ce que vous voulez que je dise.
10 Q. Vous êtes seulement censé répondre à mes questions, ni plus, ni moins.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Répondez simplement aux questions
12 qui vous sont posées le plus précisément possible.
13 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]
14 Q. Revenons à Plitvice. Est-ce que quelqu'un a été tué ? Savez-vous si un
15 Croate a effectivement été tué ?
16 R. Non, je ne connais pas ce détail. Je sais que chaque fois qu'il y a eu
17 ce genre d'incident cela a fait des victimes, que ce soit des Serbes ou des
18 Croates. Mais là, non, je ne connais pas ce détail.
19 Q. Page du compte rendu d'audience D47617, 25 janvier, vous avez dit qu'en
20 mars 1991, les dirigeants militaires, les chefs militaires avaient suggéré
21 à la présidence fédérale de mettre en place un état d'urgence, quatre
22 membres de la présidence étaient pour et quatre contre. Il y a une question
23 de suivi de la part de
24 M. Milosevic, mais j'ai eu plusieurs questions de suivi et on a parlé de
25 cette situation d'impasse avec quatre voix contre et quatre voix pour. Vous
26 vous en souvenez ?
27 R. Oui.
28 Q. Est-ce que vous vous êtes peut-être trompé ? Est-ce qu'en fait le
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1 décompte des voix au sein de la présidence n'était pas quatre contre trois,
2 quatre voix qui étaient contre la mise en place d'un état d'urgence et
3 uniquement trois voix qui s'étaient prononcées en faveur de l'état
4 d'urgence…
5 R. Je vous remercierais de me rafraîchir la mémoire, parce que
6 d'après les souvenirs que j'en ai, il y avait quatre voix pour et quatre
7 voix contre. Après tout, ce fut une réunion qui dura trois jours. De temps
8 à autre, au cours de ces trois journées, on est passé aux voix à plusieurs
9 reprises.
10 Q. M. Borisav Jovic est déjà venu déposer ici. Il était membre de la
11 présidence, précisément en mars 1991. Il en était le président, n'est-ce
12 pas ?
13 R. Oui. Oui.
14 Q. Il a tenu un journal des événements. Il l'a publié en 1995 sous le
15 titre : "Les derniers jours de la SRFY." Vous connaissez ce livre ?
16 R. Oui.
17 Q. Vous l'avez lu ?
18 R. Pas tout, mais j'en ai lu quelques extraits en rapport avec la période
19 que j'ai passée à la présidence. Là, oui, je l'ai lu avec soin.
20 Q. Il nous l'a dit ici même. Il ne s'est pas appuyé sur des souvenirs,
21 mais sur les notes qu'il avait recueillies chaque jour et sur des notes
22 officielles, des notes de service, d'autres documents, des procès-verbaux.
23 Vous êtes au courant de cela ?
24 R. À ce propos, tout ce que je peux vous dire, c'est l'impression que j'en
25 ai eue. J'ai lu cet ouvrage de M. Jovic avec beaucoup d'attention, surtout
26 la partie consacrée à la période que nous avons passée ensemble à la
27 présidence.
28 Cette lecture m'a amené à conclure qu'après tout, M. Jovic n'avait
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1 pas vraiment tenu un journal de façon précise. Il s'est contenté de prendre
2 des notes, ici et là. Un exemple : dans ce livre que vous mentionnez, il
3 parle du 15 ou du 14 juillet, je ne me souviens plus maintenant de la date
4 précise, et il dit que la déclaration de retirer la JNA de la Slovénie
5 avait été adoptée ce jour-là. Or, il est de notoriété publique que cette
6 décision, elle a été prise le 18 juillet. Ce petit détail me fait déduire
7 que M. Jovic n'était pas vraiment très précis dans les notes qu'il prenait.
8 Q. Revenons à ce qu'il a dit dans ce livre. S'agissant de la réunion de la
9 présidence, cette longue réunion qui a commencé le 12 mars 1991 et a duré
10 trois jours.
11 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pièce 596, intercalaire 2. On y
12 trouve la rubrique du 12 mars 1991 qui vient du livre qu'il a écrit.
13 Q. Ce document est long. Je vais simplement vous demander de vous
14 rapporter à certains points. J'ai la version en anglais. Page 2, M.
15 Kadijevic intervient à propos de la situation. Voici ce qu'il dit : "Tout
16 d'abord, il faut qu'une décision immédiate soit prise imposant un Etat
17 d'urgence sur tout le territoire de RSFY et il faut que toutes les lois
18 habituelles qui sont en conflit avec la constitution de la RSFY soit
19 suspendues.
20 Il faut prendre une décision pour amener les effectifs armés à un
21 état de préparation au combat."
22 Il dit aussi qu'une : "Décision doit être adoptée, ou plus
23 exactement, que le système de Défense nationale qui a été perturbé soit
24 rétabli dans son cadre constitutionnel."
25 C'est un processus qui a été suggéré par M. Kadijevic à la présidence
26 à l'époque. Est-ce que ceci correspond bien à vos souvenirs ?
27 R. Je n'étais pas présent à cette réunion parce que je ne faisais pas
28 partie de la présidence. Il m'est donc impossible de vous en parler, de
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1 vous donner des détails. Je sais fort bien que cette réunion, cette séance
2 a duré trois jours. Elle a commencé le 12 et s'est terminée le 15.
3 Le premier jour, Veljko Kadijevic a fait une proposition à la présidence,
4 mais cette proposition n'a pas été acceptée. Il y a une suspension des
5 travaux. Je peux vous en parler parce que j'ai vu un film qui a été diffusé
6 à plusieurs reprises, c'est pour cela que je suis au courant de ces choses-
7 là; sinon, je ne le saurais pas.
8 Q. Est-ce que vous savez que M. Jovic a marqué son accord à cette
9 proposition ?
10 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Page 257.
11 Q. Est-ce que vous savez que M. Jovic a marqué son accord sur cette
12 proposition qui était faite ?
13 R. Oui.
14 Q. M. Mesic l'a rejetée ?
15 R. Oui.
16 Q. M. Tupurkovski l'a rejetée ?
17 R. Oui.
18 Q. M. Bogicevic l'a rejetée ?
19 R. Il l'a refusé. Oui.
20 Q. Riza Sapundzija l'a rejetée ? C'était le représentant du Kosovo-
21 Metohija.
22 R. Alors, ce détail-là, qui a à voir avec M. Riza Sapundzija, je ne le
23 connais pas vraiment. Je pense que M. Riza Sapundzija a eu l'occasion, deux
24 ou trois fois lors de cette réunion qui a duré trois jours, de se prononcer
25 et de voter. Là, je ne sais pas.
26 C'était la première réunion du 12 mars. Je ne sais pas vraiment pas.
27 Je ne sais pas quel a été son avis. Je sais que durant ces trois jours,
28 lors d'un de ces votes, si je me souviens bien d'après le film, que M. Riza
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1 Sapundzija a voté non une fois, mais je ne sais pas à quel moment. Est-ce
2 que c'était le premier, deuxième, troisième de la session ?
3 Q. Je voudrais donner lecture de ce texte de M. Jovic. C'est la page 258
4 en anglais. C'est M. Nenad Bucin qui s'exprime. C'est le membre qui
5 représente le Monténégro.
6 R. Oui.
7 Q. Vous l'avez ? Il dit : "Je ne remets pas en question l'estimation de
8 Veljko. Si je devais faire une analyse, mes conclusions seraient
9 probablement sombres. En prenant la parole, là je dois dire que je me pose
10 des questions au sujet de toutes les déclarations précédentes. Notre
11 impasse totale et incapacité - je dirais même manque de détermination et de
12 volonté - d'arriver à des décisions même dans des situations moins
13 délicates que celles-ci, à mon avis, la seule possibilité qu'il reste,
14 c'est de reconnaître que nous, en tant que présidence, nous ne sommes plus
15 en position de diriger le pays."
16 Donc, il n'accepte pas que l'on déclare une situation d'exception.
17 R. Ce n'est pas comme cela que je comprends M. Bucin. Je n'étais pas
18 présent lors de cette réunion, mais de ce que j'ai vu --
19 Q. Attendez un instant. Avant que vous n'exprimiez votre avis, deux pages
20 plus loin, page 261 de la version anglaise, c'est le moment où M. Bucin
21 reprend la parole. Un peu plus loin dans le texte, vous verrez encore une
22 fois M. Bucin. Il propose comme suit : "Par la suite, il a proposé que
23 notre solution soit la suivante, à savoir, ne pas l'imposer, ne pas le
24 déclarer, mais d'annoncer la possibilité de prendre des mesures d'urgence
25 et de ne pas élever le niveau de préparation au combat, mais plutôt
26 annoncer que j'ai été surpris."
27 M. Jovic dit par la suite : "J'ai été surpris par son explication
28 disant qu'il n'avait pas de mandat qui lui aurait été donné par la sa
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1 république pour adopter toute autre décision." Littéralement il a dit la
2 chose suivante : "Nous devons annoncer la possibilité de prendre des
3 mesures d'urgence et annoncer la nécessité d'ordonner le niveau le plus
4 élevé de préparation au combat. Je ne voudrais pas aller au-delà ce soir.
5 Je n'ai pas le mandat de le faire, ma république ne m'a pas habilité à le
6 faire."
7 Q. Nous voyons que M. Bucin n'était pas d'accord pour qu'on déclare l'état
8 d'exception, parce que sa république ne lui a pas permis de le faire. Vous
9 vous en souvenez ? Vous étiez au Monténégro.
10 R. A ce moment-là, j'étais membre de la délégation monténégrine au
11 parlement fédéral. Je dois dire que vous insistez beaucoup sur cette
12 réunion et sur les avis des différents participants à cette réunion. Je n'y
13 ai pas été moi-même. D'après ce que j'en sais, vous l'expliquez d'une
14 manière, et je l'explique d'une autre manière. Peut-être est-ce que je fais
15 une erreur là-dessus, mais pour autant que je le sache, d'après le film de
16 cette réunion que j'ai vu, et je l'ai vu à plusieurs reprises, pendant
17 toute la durée de la réunion, M. Bucin a fait preuve d'un esprit
18 constructif. Ce que vous lisez, c'est peut-être sa tentative de trouver une
19 solution de compromis et de sortir la présidence de l'impasse.
20 Je fais peut-être une erreur et je présente mes excuses également à M.
21 Bucin, si je fais une erreur. Il allait dans le sens de l'acceptation de la
22 proposition du Grand état-major du commandement Suprême. Mais comme il y
23 avait cette impasse, comme la présidence ne pouvait pas fonctionner,
24 travailler, comme elle ne pouvait pas prendre de décisions qui
25 empêcheraient que cette tragédie ne dégénère et que la Yougoslavie ne
26 continue de se démanteler, c'est précisément pour cela que M. Bucin a
27 présenté sa démission à son poste à la présidence.
28 Je fais peut-être une erreur dans cette interprétation. Je n'étais pas
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1 présent, donc, je ne sais pas si mon interprétation est la bonne.
2 Q. Monsieur Kostic, les dirigeants monténégrins ont explicitement ordonné
3 M. Bucin de ne pas accepter cette proposition. Le savez-vous ? Je veux
4 dire, vous êtes de Monténégro, vous en faisiez partie à l'époque. Est-ce
5 que vous le savez ?
6 R. Cela je ne le sais pas. Dans ma déposition, j'ai dit, par ailleurs, que
7 le mandat à la présidence de la RSFY pour quelques républiques que ce
8 soient n'avaient pas une nature impérative ou catégorique. Personne des
9 dirigeants du Monténégro --
10 Q. Monsieur Kostic, tout simplement --
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Permettez-lui de terminer.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Aucun membre de la direction du Monténégro
13 n'aurait pu donner l'ordre à M. Bucin de rejeter une telle décision du
14 commandement Suprême. Seule l'assemblée monténégrine, qu'il avait nommée à
15 la présidence de la RSFY, aurait pu lui donner cette instruction. Pour
16 autant que je le sache, cependant, l'assemblée monténégrine, qui était la
17 seule en avoir la compétence, elle n'a pas donné ce genre d'ordre à M.
18 Bucin et n'a pas pris ce genre de décision à l'intention de M. Bucin.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Madame Uertz-Retzlaff.
20 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]
21 Q. Je souhaite continuer avec l'examen du livre de M. Jovic. Pour la
22 journée du 13 mars 1991, M. Jovic dit la chose suivante, il se réfère à une
23 réunion où étaient présents le général Kadijevic et Slobodan Milosevic, et
24 c'est pendant cette réunion, qu'il dit : "Veljko nous a dit littéralement,
25 à la présence du général Adzic, nous allons présenter la situation comme
26 s'il y avait un coup militaire indépendamment du fait que cette décision
27 proposée était adoptée ou non. Si elle est adoptée, alors ceci nous
28 couvrira pour la mobilisation uniquement pendant les premières 48 heures,
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1 mais si elle est rejetée, nous allons de notre propre chef lancer la
2 mobilisation. Dans ce cas-là, cependant, il y a un danger, à savoir que la
3 présidence révoquera les dirigeants militaires. C'est la raison pour
4 laquelle nous avons besoin d'une décision."
5 Plus tard, lorsqu'on lui demande ce qu'il en entend par un coup militaire,
6 il répond : "Révoquer et renverser le gouvernement et la présidence. Ils ne
7 toucheront pas à l'assemblée, mais ils ne lui permettront pas non plus de
8 se réunir. Ils ne jugeront pas les autorités des républiques et tous les
9 autres s'ils apportent leur appui au coup. Sinon, ils seront renversés eux
10 aussi."
11 Monsieur Kostic, c'est là qu'il parle du coup d'Etat militaire et du
12 renversement des dirigeants des républiques, s'ils n'apportent pas leur
13 soutien à cela. Cela veut dire que la Serbie et le Monténégro, s'ils
14 changent d'avis, peuvent rester au pouvoir, mais pas les autres.
15 R. Je ne pense pas que votre conclusion est correcte. S'il y avait eu un
16 coup d'Etat, ceci signifierait renversement et le placement en détention ou
17 le fait d'isoler tous les membres de la présidence venus de toutes les
18 républiques, donc aussi de Serbie-et-Monténégro. On ne pourrait pas faire
19 de distinction là-dedans. Maintenant, je ne vois pas comment je pourrais
20 interpréter l'avis de M. Jovic ou de tout autre membre de la présidence. Je
21 ne peux dire que la chose suivante : si un coup d'Etat militaire allait
22 avoir lieu, ceci n'aurait pu contourner aucune instance de pouvoir dans
23 aucune république. Dans ma déposition, je pense avoir même dit que lancer
24 un coup militaire aurait pu être plus efficace pour résoudre la crise
25 yougoslave, tout comme ceci s'était produit en Grèce, sept ans plus tard,
26 la junte militaire a ramené la démocratie sans qu'il y ait eu de victime
27 dans un pays démocratique, la Grèce.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est la page, s'il vous plaît,
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1 pour le compte rendu d'audience ?
2 Mme UERTZ-RETZLAFF : [aucune interprétation]
3 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
4 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Page 264.
5 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
6 Mme UERTZ-RETZLAFF : [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une question : vous voulez savoir si
8 M. Bucin s'est abstenu lors du vote ?
9 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui. Il n'a pas déclaré cela. :
10 [aucune interprétation]
11 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]
12 Q. Ce que je voudrais vous présenter -- vous avez dit qu'il y a eu un
13 équilibre des forces quatre à quatre, mais si on examine le livre de M.
14 Jovic, il dit dans l'entrée pour le 14 mars 1991, que la situation n'était
15 pas quatre à quatre, que cela l'a étonné, il dit : "Riza Sapundzija a
16 changé d'avis et la situation était trois à cinq." C'est ce que dit M.
17 Jovic dans son livre, page 264.
18 M. Jovic était présent à cette réunion et il a dit qu'il n'y avait
19 pas d'impasse, donc, il y avait une majorité claire contre la déclaration
20 d'une situation d'urgence, d'exception.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est ce que vous affirmez à
22 l'attention du témoin.
23 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui
24 Q. C'est bien de cette manière-là que la situation s'est présentée, n'est-
25 ce pas ?
26 R. Mais j'ai laissé cette possibilité dans ma réponse précédente. J'ai dit
27 que je ne savais pas exactement quelle a été la position de M. Riza
28 Sapundzija. J'ai dit que je ne savais pas s'il a modifié son -- s'il a
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1 changé d'avis. Cela a duré trois jours, cette réunion. Donc j'ai laissé
2 cette possibilité ouverte, peut-être que
3 M. Jovic a raison, il était le président de la présidence, il était présent
4 lors de la réunion, je n'y ai pas été.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ceci signifie que
6 M. Bucin a voté.
7 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, il n'a pas apporté son appui à
8 la proposition.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais pourquoi ne lisez-vous pas la
10 phrase suivante, "lorsque nous avons terminé le vote, nous avons conclu que
11 la décision n'avait pas été adoptée."
12 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Juge --
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je vous en prie, mais le moment est
14 venu de lever l'audience.
15 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Du moins ce que j'ai compris, c'est
16 qu'on n'a pas donné la possibilité à M. Bucin de voter, ou plutôt qu'il
17 n'avait pas l'autorisation de voter puisqu'il n'avait pas eu l'aval du
18 président monténégrin.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais, n'est-ce pas au milieu des
20 négociations, mais on y reviendra.
21 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons lever l'audience, nous
23 reprendrons demain matin à 9 heures.
24 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le 8 février 2006, à 9
25 heures 00.
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