Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 24 février 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je crois

6 comprendre que vous vouliez intervenir en l'absence du témoin.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur Robinson. Rien à voir avec le

8 témoin. Il y a quelques minutes, j'ai reçu votre décision. Je vois que vous

9 avez pris une décision hier qui rejetait ma demande de traitement.

10 J'aimerais vous dire ceci : pour moi, c'est là une décision des plus

11 injustes, en effet, vous infirmez --

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'accepterais pas de commentaires

13 de votre part. Si c'est cela que vous voulez dire, bien, nous allons faire

14 rentrer le témoin.

15 Faisons entrer le témoin.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] D'accord, mais je voulais consigner à la

17 procédure que je voulais faire une demande à la Chambre d'appel…

18 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

19 LE TÉMOIN: JAMES BISSETT [Reprise]

20 [Le témoin répond par l'interprète]

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, poursuivez

23 l'interrogatoire de ce témoin.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Robinson.

25 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]

26 Q. [interprétation] Monsieur Bissett, hier vous avez dit que votre

27 collègue américain, l'ambassadeur Zimmerman, vous a dit que

28 M. Baker avait dit au premier ministre de Yougoslavie, Ante Markovic, qu'il

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1 ne lui semblerait pas inapproprié d'avoir recours à l'armée en Slovénie.

2 Est-ce que c'est bien comme cela que cela s'est passé ? Est-ce que c'est

3 exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que vous savez que le gouvernement fédéral a, effectivement,

6 envoyé la police et l'armée fédérale en Slovénie ?

7 R. Oui.

8 Q. Cette armée a été sous la tutelle de qui, des autorités fédérales ou

9 des autorités de la Serbie ?

10 R. Elle devait rendre des comptes aux autorités fédérales.

11 Q. Hier, vous avez répondu à quelques questions à propos de la façon dont

12 les événements en Yougoslavie ont été déformés au cours de ces années par

13 les médias. Au vu de ce que vous savez, pourquoi à votre avis y a-t-il eu

14 autant d'informations erronées s'agissant de ce qui se passait en

15 Yougoslavie à l'époque ? Pourquoi une telle déformation ?

16 R. Je l'ai dit dès le début. Hier, on avait l'impression que les médias du

17 monde entier ou ceux qui ont une couverture mondiale estimaient que c'était

18 la Serbie qui était responsable de la désintégration de la Yougoslavie et

19 que s'il y avait eu sécession de la Slovénie et de la Croatie, c'est parce

20 qu'elles avaient peur du plan que tramait la Serbie en vue de créer une

21 Grande-Serbie. C'est une impression qui a été renforcée lorsque les médias

22 ont interprété l'intervention, la tentative déployée par la JNA de réprimer

23 -- ou la sécession de Slovénie comme étant justement une attaque de la

24 pauvre Slovénie par une armée fédérale dominée par les Serbes.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais ne revenez pas sur quelque

26 chose que vous avez déjà abordée. Tirez meilleure partie du temps que vous

27 avez. Trois fois ici, l'ambassadeur a dû dire : "Comme je l'ai dit hier…"

28 Alors, passons à autres choses, s'il vous plaît.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Hier, vous avez parlé du rôle joué par l'Allemagne. Avez-vous des

3 informations montrant comment l'Allemagne a soutenu la Croatie et comment

4 avez-vous vu le rôle qu'aurait joué l'Allemagne s'agissant du maintien de

5 la paix et des relations géopolitiques ?

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'on est ici en train de

7 faire un cours d'histoire ? Quelle est l'utilité d'une telle question ?

8 N'y répondez pas, Monsieur le Témoin.

9 Posez une autre question, Monsieur Milosevic.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'est pas une leçon, un cours

11 d'histoire. C'est simplement une question de suivi après les documents que

12 j'ai reçus de la partie d'en face. Je parle ici des câbles ou des

13 télégrammes de l'ambassadeur Bissett.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que vous demandez, le rôle

15 qu'aurait joué l'Allemagne s'agissant du maintien de la paix ou des

16 relations géopolitiques, c'est quelque chose qui n'intéresse nullement la

17 Chambre de première instance.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] D'accord, Monsieur Robinson. Alors, dites-moi

19 ce qui vous est utile et ce qui ne l'est pas.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Dans un de ces télégrammes, Monsieur Bissett, vous dites : "Que je vous

22 ai dit que la reconnaissance de Genscher est un exemple de la lourdeur qui

23 caractérise l'intervention allemande."

24 Est-ce que vous êtes au courant de ces menaces émanant de l'Allemagne et de

25 son ministre des Affaires étrangères, à l'époque ?

26 R. Je sais que Genscher, qui était alors ministre des Affaires étrangères,

27 avait menacé de reconnaissance unilatérale de la Slovénie et de la Croatie

28 en tant qu'Etats indépendants. C'était de notoriété publique. On savait que

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1 l'Allemagne faisait pression sur les autres membres de l'union ou de la

2 Communauté européenne pour que soient reconnus ces pays qui avaient fait

3 sécession. C'était bien connu. Ce n'était pas un secret. Genscher, en

4 personne, n'a jamais essayé de le dissimuler.

5 Q. Que savez-vous de l'évolution qui aurait caractérisé les positions

6 d'autres pays, surtout des pays de la Communauté européenne --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

8 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois avoir été parfaitement

10 clair. Vous venez de gaspiller 15 minutes sans poser une question qui soit

11 en rapport quel qu'il soit avec un des chefs d'accusation. Si vous

12 poursuivez de la sorte, je vais mettre fin à votre interrogatoire

13 principal. Vous perdez le temps de la Chambre, le temps de l'ambassadeur.

14 Cessez de le faire, s'il vous plaît. Posez à ce témoin des questions

15 portant sur des éléments importants s'agissant de l'acte d'accusation. Nous

16 avons maintenant entendu suffisamment d'éléments de contexte.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais ce n'est pas vraiment du contexte dans

18 l'acte d'accusation et dans tous les éléments présentés par la partie

19 adverse. Il semble y avoir un leitmotiv et ce fil conducteur c'est que --

20 c'est la propagande de Belgrade qui a semé la peur parmi les Serbes de

21 Croatie. Or, il se fait que l'ambassadeur a passé ces années à Belgrade et

22 c'est là-dessus que portent mes questions parce que certains affirment que

23 les Serbes se sont servis des souffrances qu'ils ont subies au fil des

24 siècles pour justifier les crimes qu'ils ont commis au XXe siècle. Je veux

25 lui poser des questions à propos de ce qu'il sait.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais est-ce qu'il n'a pas apporté

27 son commentaire dès hier ? Il l'a fait dès hier.

28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne pense pas qu'il l'a fait de façon

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1 complète. Enfin, si vous estimez que c'est déjà ce qu'il a fait hier, je ne

2 vais pas insister. Je suppose que M. l'Ambassadeur Bissett est lui-même en

3 mesure de savoir si le bref commentaire qu'il vous a fourni hier, est

4 suffisant.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, je voulais intervenir.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui maintenant, vous avez le droit

7 de faire un bref commentaire.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, auparavant, hier, vous avez dit

9 : "Que la reconnaissance prématurée de la Slovénie et de la Croatie de la

10 part de l'Union européenne s'était faite sous le coup de pressions

11 importantes exercées par l'Allemagne, notamment à Maastricht, en 1991.

12 C'était la garantie que la désintégration de la Yougoslavie n'allait pas

13 être quelque chose qui se faisait dans la paix. L'intervention occidentale

14 a exacerbé et a compliqué ce qui était une problématique grave dans les

15 Balkans.".

16 Tout a été dit. Inutile de le répéter. Pourquoi ceci s'est passé ? Ce n'est

17 pas important dans le cadre de ce procès. C'est le fait que ceci se soit

18 passé qui est important.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous autorise à répondre en

20 quelques mots.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas que le fait qu'il y a eu un

22 génocide, en 1941. Ce n'est pas uniquement à cause de cela, de ce fait

23 historique que les Serbes en Croatie avaient peur de ce qui faisait après

24 la victoire du parti de M. Tudjman aux élections. Des Serbes ont été

25 licenciés des fonctions qu'ils occupaient dans la fonction publique. Il y a

26 eu vraiment harcèlement des Serbes. Beaucoup ont perdu leurs logements,

27 leurs appartements. Même avant 1993, je pense que quelque 300 000 Serbes

28 avaient quitté la Croatie. Donc, ils avaient de bonnes raisons d'avoir

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1 peur, mis à part ce facteur historique.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Savez-vous que le soutien que la Serbie a apporté aux Serbes de Krajina

5 et aux Serbes de Bosnie-Herzégovine a été interprété ici et l'est toujours

6 comme étant une volonté de ma part, une tentative que j'aurai déployé pour

7 créer une Grande-Serbie. Vous le savez ?

8 R. Oui.

9 Q. Mais vous, qu'est-ce que vous savez à ce propos ? Est-ce

10 qu'effectivement, j'avais - moi ou les dirigeants de Serbie - comme

11 objectif de créer une Grande-Serbie ? D'après ce que nous avons entendu ici

12 dans ce prétoire, ceci aurait pu être une raison pour laquelle la

13 Yougoslavie avait été désintégrée -- démantelée ?

14 R. L'idée qu'il y aurait une entreprise criminelle de votre part ou

15 d'autre c'est vraiment de la science fiction. Je pense que ce rapport se

16 passe de commentaires. Effectivement, vous avez essayé de participer à ces

17 négociations pour parvenir à un accord, mettant fin aux actes de violence

18 et aux hostilités. Il y a eu beaucoup d'initiatives que vous avez prises -

19 vous et la communauté internationale - et si vous n'aviez pas été là, tout

20 ceci aurait échoué. Il y a eu le plan Vance-Owen, le plan Stoltenberg et ce

21 n'est pas à cause de vous ou à cause des Serbes que cela a échoué, mais à

22 cause d'autres. S'agissant de Dayton, si vous n'aviez pas été là, cela ne

23 fait pas l'ombre d'un doute, il n'y aurait pas eu d'accord à Dayton. Or,

24 ceci a permis de ramener la paix dans cette région. Alors, l'idée d'une

25 Grande-Serbie que vous auriez voulu établir, c'est de la fiction.

26 Q. Nous avons votre télégramme, nous l'avons examiné hier, à la fin du

27 paragraphe 9, vous donnez mon explication, vous la citez, l'explication de

28 ce que je prônais, de l'objectif qui était le mien vu les problèmes que

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1 rencontraient les Serbes en Croatie. Vous avez dit ceci : "Cependant, je

2 soutiens parfaitement l'autonomie dans les régions de Croatie où les Serbes

3 représentent de façon prédominante la population, donc c'est le cas en

4 Krajina."

5 Nous en avons discuté. Nous avons expliqué quel était mon objectif à

6 l'époque. Est-ce que je voulais l'autonomie au cas où il y aurait eu

7 sécession de la Croatie ?

8 R. J'ai du mal à trouver le bon document. Je m'en excuse.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'intercalaire 1.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] L'intercalaire 1.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. C'est le premier intercalaire, Monsieur Bissett.

13 R. Oui. J'ai trouvé l'endroit. Si je me souviens bien, c'était que s'il y

14 avait sécession de la Croatie, cela pourrait se faire de façon légale pour

15 autant qu'on donnait certaines garanties aux Serbes de Krajina, qu'on

16 pourrait leur garantir une certaine forme d'autonomie et la protection de

17 leurs droits civiques et humains.

18 Q. Merci, Monsieur Bissett.

19 Au moment des faits, vous suiviez les événements, ce que je faisais -

20 - ce que faisaient les autorités serbes, est-ce qu'il y a eu un seul indice

21 vous montrant que nous aurions eu des ambitions, des prétentions

22 territoriales à l'encontre de ces républiques ?

23 R. Non.

24 Q. Est-ce qu'il y avait des indications allant dans le sens inverse

25 montrant que nous n'avions pas d'ambitions de prétentions territoriales ?

26 R. Il y a eu toute sorte de propositions pour amener la paix. Il y avait

27 une idée que la Serbie pourrait regagner un certain territoire, mais, pour

28 moi, il me semblait très clair s'il y avait une préoccupation c'était celle

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1 de garantir les droits de la population serbe dans ces régions, là où ils

2 étaient majoritaires et vivaient depuis des centaines d'années. C'était

3 vrai aussi plus tard pour les Serbes de Bosnie.

4 Q. De tout ce que je vous ai dit de cette conversation du

5 2 septembre qu'on retrouve en partie dans le paragraphe 10 de votre

6 télégramme, pourquoi est-ce que l'Unité de la Yougoslavie a été détruite ?

7 Vous parlez de l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie qui allait se

8 réaliser ?

9 R. C'est certain c'est parce qu'il y a eu une décision de faire sécession

10 de la part de la Slovénie et de la Croatie. C'est pour cela qu'il y a eu

11 destruction de la Yougoslavie; c'est certain.

12 Ce qui est malheureux dans cette sécession, c'est que la constitution

13 fédérale prévoyait ce cas de figure, mais, uniquement, si les peuples

14 constitutifs en étaient d'accord. Or, ici, cela n'a pas été le cas. Cela ne

15 comptait pas beaucoup en Slovénie, mais c'était très important en Croatie

16 parce qu'en vertu de la constitution le peuple serbe était un peuple

17 constitutif. S'il y avait eu tentative de sécession, il fallait que cela se

18 passe avec l'accord de ce peuple constitutif. Aussi bien la séparation de

19 la Slovénie que celle de la Croatie, pour moi, ce sont des événements qui

20 sont illégaux au regard de la constitution yougoslave. Cette sécession fut

21 une sécession violente aussi bien en Croatie et en Slovénie. A mes yeux,

22 ceci rend la chose encore plus grave.

23 Q. Même à l'époque, est-ce que vous aviez suffisamment de lucidité ou de

24 voir assez clairement le caractère violent de cette sécession ?

25 R. Oui, dès mars 1991, il y avait eu un conflit armé qui s'était déclenché

26 dans certaines régions de Croatie. On avait assisté à des affrontements

27 déjà dans certaines régions de Croatie.

28 Q. Avez-vous eu la possibilité de déterminer quel était le rôle joué par

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1 l'armée populaire yougoslave et ce qu'elle recherchait dans ce type de

2 situation, c'est-à-dire en cas de conflit ?

3 R. L'armée nationale yougoslave était -- tendait, bien entendu, à la

4 préservation de la Yougoslavie et l'une de ses obligations, bien entendu,

5 c'était de s'opposer à toute sécession armée.

6 Q. Monsieur Bissett, s'agissant des événements que vous avez pu voir vous-

7 même et d'après l'acte d'accusation portant sur la Croatie et sur la Bosnie

8 vous savez qu'il est dit que les membres de la présidence de la RSFY

9 opposés à la sécession où les membres de l'armée, les dirigeants serbes de

10 la Krajina et de la Bosnie ont été présentés comme des participants à une

11 entreprise criminelle commune. Ces efforts entrepris pour préserver la

12 Yougoslavie, est-ce que pour vous ils constitueraient une entreprise

13 criminelle commune, ou est-ce que cela relevait d'une obligation dictée par

14 la constitution ? Comment voyez-vous les choses ?

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin n'a pas à faire

16 d'observation sur ce point. Il s'agit là de question juridique.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Je ne vais poser au témoin aucune

18 question d'ordre juridique.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Monsieur Bissett, vous vous trouviez en Yougoslavie vous faisiez votre

21 travail au moment de l'adoption du plan Vance. Qui était censé être protégé

22 par les forces des Nations Unies, et de qui, et pourquoi ?

23 R. Ces forces étaient censées protéger la population serbe dans les zones

24 serbes de la Croatie dans la Krajina.

25 Q. Avant l'arrivée des Nations Unies qui était censé protéger ces

26 populations ?

27 R. Si je me souviens bien, c'étaient les observateurs de la Communauté

28 européenne qui étaient là avant l'adoption du plan Vance.

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1 Q. Vous souvenez-vous si le plan Vance et son adoption ont donné lieu à

2 des difficultés ?

3 R. Oui, je crois qu'au début il y a eu des problèmes. Si je me souviens

4 bien, le Corps diplomatique à Belgrade était très satisfait d'apprendre que

5 le plan a été adopté parce que c'était la première fois qu'on faisait

6 vraiment un effort pour mettre un terme à ce qui allait devenir un bain de

7 sang, mais le premier ministre Babic au dernier moment a décidé de refuser

8 de signer, en faisant marche arrière.

9 Q. Si vous repensez à cette époque, vous souvenez-vous de ma réaction à

10 moi ?

11 R. Je me souviens que vous étiez mécontent de voir que Babic avait refusé

12 de signer et qu'il avait changé d'idée. Je me souviens que vous étiez

13 mécontent de ce fait. Cela a donné lieu à un article à la une de Politika

14 dans laquelle Babic était mis en cause. Suite à vos pressions, je crois que

15 vous avez exercées sur lui, il a fini par signer et le plan a été adopté.

16 Q. Avez-vous sous les yeux l'article que vous venez de mentionner à

17 l'instant ? C'est le document numéro 2. Ce n'est pas l'intercalaire 2,

18 c'est juste sous le numéro 2. C'est la pièce 352, intercalaire 79. Une

19 pièce qui a déjà été versée au dossier. J'aimerais vous poser quelques

20 questions au sujet de cette lettre.

21 Vous souvenez-vous de ce que j'ai écrit ?

22 R. Je ne me souviens pas ce que vous avez écrit mais j'ai le document sous

23 les yeux maintenant, oui.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'Huissier peut-il placer la page 5 du

25 document en question sur le rétroprojecteur ?

26 M. MILOSEVIC : [interprétation]

27 Q. Est-ce que cette lettre fait référence à qui que ce soit d'autre que

28 Babic, et veuillez vous reporter à la page 6 de la traduction parce que

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1 bien entendu vous êtes en train de lire la traduction en anglais ? La

2 dernière partie surlignée : "La Serbie ne cessera d'aider le peuple de la

3 Krajina."

4 R. Oui, je vois.

5 Q. Vous souvenez-vous non pas en lisant ce document, mais vous souvenez-

6 vous de manière générale si dans cette lettre il est fait référence à qui

7 que ce soit qu'à Babic, Babic qui à l'époque avait rejeté le plan qu'il

8 avait en premier lieu accepté ?

9 R. Non, je ne me souviens pas que ce soit le cas.

10 Q. Maintenant je vous demande de vous reporter au paragraphe précédemment.

11 Qui est-il dit, veuillez en donner lecture. "Il est devenu manifeste," et

12 cetera.

13 R. "Il est devenu manifeste depuis assez que vous créez auprès des

14 citoyens de la Krajina l'impression selon laquelle vous prenez vos

15 décisions et vous adoptez les positions que vous adoptez suite à un accord

16 avec les dirigeants serbes. Je veux que les citoyens de la Krajina sachent

17 que ceci n'est pas vrai."

18 Q. Si on repense à cette époque et aux événements qui ont suivi, savez-

19 vous à combien de reprises cela s'est produit ? A combien de reprises des

20 événements ont été mis en rapport avec les dirigeants de la Serbie alors

21 que ce n'était pas le cas ?

22 R. Non, je ne me souviens d'autres exactions qui étaient mises au compte

23 de vous-même et de ceux qui vous entouraient, des dirigeants, alors que ce

24 n'était pas vrai.

25 Q. Si vous êtes en train de dire que d'autres disaient publiquement qu'ils

26 s'étaient entretenus avec vous et vous aviez dit telle et telle chose.

27 R. Non, je ne me rappelle pas de cas de figures de ce type.

28 Q. C'est ce que je vous ai demandé. Je vous ai demandé si vous vous en

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1 souveniez. Si vous ne vous en souvenez pas nous pourrons passer à autre

2 chose. Ce n'est pas ce qui est le plus important. Au paragraphe 11 de votre

3 télégramme, vous dites que, lorsque vous êtes entretenu avec moi, vous

4 souhaitiez avoir des informations sur la situation en Bosnie-Herzégovine,

5 et que je vous ai parlé des risques que cela impliquait; le risque

6 impliquerait une sécession éventuelle. Vous souvenez-vous de cette partie

7 de notre conversation ? Vous en parlez brièvement au paragraphe 11.

8 R. Oui, je m'en souviens parce que tout le monde craignait - je parle des

9 membres du Corps diplomatique et d'autres - tout le monde craignait que les

10 combats ne se généralisent et ne…

11 se propagent en Bosnie. Nous souhaitions savoir ce qui se passerait si la

12 Bosnie déclarait son indépendance.

13 Q. Quelle a été l'évaluation réalisée que nous avons évoquée dans notre

14 conversation ? Estimez-vous que cette évaluation de la situation était la

15 bonne ?

16 R. Oui. Oui, je m'en souviens et je pense que cela a simplement confirmé

17 ce que pensaient la plupart des observateurs de l'époque, à savoir que, si

18 la Bosnie tentait d'obtenir son indépendance sans avoir obtenu l'accord de

19 la population serbe et croate, cela déboucherait sur un bain de sang.

20 Q. Au paragraphe 11, vous dites quelque chose qui va dans ce sens, je cite

21 : "La solution pour la Bosnie-Herzégovine c'était de participer à un type

22 d'union, ou de Fédération avec la Serbie et le Monténégro." Vous souvenez-

23 vous si à l'époque mes déclarations ou mes actions, les actions de mon

24 gouvernement en Serbie ont confirmé ceci à savoir que c'était pour nous une

25 solution désirable ?

26 R. Oui. Je crois qu'il y a eu au moins un ou deux efforts d'entrepris pour

27 trouver un accord avec le président de la Bosnie afin d'éviter un bain de

28 sang et pour maintenir la Bosnie-Herzégovine au sein de la Fédération.

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1 Q. Vous souvenez-vous de ces tentatives, ou savez-vous simplement que ces

2 tentatives ont été faites, ces efforts, je ne vais pas les énumérer -- et

3 vous dites qu'il y en a eu plusieurs ?

4 R. Je ne me souviens pas des détails, mais je sais qu'il y a une

5 initiative en août 1991 avec la Serbie et le Monténégro. Je ne sais pas si

6 la Macédoine était là, mais vous aviez invité le président Izetbegovic à

7 essayer de trouver un arrangement qui ferait intervenir la Bosnie-

8 Herzégovine et qui l'intégrerait dans une "new"

9 Fédération. Je crois que des efforts assez conséquents ont été déployés à

10 Lisbonne au cours du mois de mars 1992 quand Cutileiro, le ministère des

11 Affaires étrangères portugais, a fait en sorte que les trois parties

12 constituantes de la Bosnie, les Serbes, les Croates et les Musulmans

13 signent un accord qui aurait entraîné une sorte de cantonisation [phon] de

14 la Bosnie et cette tentative a été considéré en tout cas par moi-même et

15 par beaucoup de mes collègues au sein du corps diplomatique comme une

16 véritable réussite, une véritable percée, et un dernier effort, un ultime

17 effort pour empêcher que la violence n'embrase la Bosnie.

18 Q. J'aimerais que vous -- avoir le bénéfice de vos observations au sujet

19 de ce que vous avez écrit au paragraphe 12, je cite : "Il a déclaré que la

20 majorité des Musulmans en Bosnie-Herzégovine comprenaient qu'ils devaient

21 arriver à un accord avec les Serbes pour que les deux communautés puissent

22 vivre en harmonie."

23 Il a déclaré : "Qu'une petite minorité des Musulmans de Bosnie-Herzégovine

24 rêvaient de créer un Etat musulman en Europe, mais ils doutaient que

25 quiconque ou que beaucoup d'entre eux prennent cela au sérieux."

26 Est-ce que vous souvenez de cette partie de notre conversation et de ce qui

27 s'en est suivi ?

28 R. Oui, je m'en souviens. Je me souviens bien sûr qu'à l'époque il y avait

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1 des milliers de personnes en Bosnie, des Serbes, des Musulmans et des

2 Croates qui descendaient dans la rue pour manifester en faveur de la paix

3 parce qu'ils avaient peur que la guerre n'éclate, et ce que vous avez dit a

4 finalement -- s'est finalement révélé exact, même si ce n'est pas une

5 petite minorité des Musulmans qui a voté pour l'indépendance, et je pense

6 qu'au moment où vous m'avez donné cette information, cela n'a fait que

7 confirmer ce que je pensais à savoir que la plupart des gens en Bosnie-

8 Herzégovine ne souhaitaient pas que la violence se déclenche et qu'il y ait

9 un bain de sang et que la plupart des gens avaient peur de ce qui allait se

10 passer.

11 Q. Au paragraphe 14 de votre télégramme, vous dites que je vous ai dit que

12 j'avais espéré que ce serait les Yougoslaves, eux-mêmes qui pourraient être

13 en mesure de résoudre leurs difficultés sans intervention extérieure. A

14 votre connaissance et en puisant dans votre expérience, pouvez-vous nous

15 dire si ceci -- s'il y a là confirmation de ces espoirs ou s'ils sont

16 infirmés ?

17 R. Je suis désolé, je ne comprends pas votre question.

18 Q. Au paragraphe 14, je vais vous donner lecture de ce passage, du passage

19 de ce paragraphe. Nous étions en train de parler des médiateurs étrangers

20 qui devraient intervenir et il est dit ici : "Ceci étant, il était

21 essentiel que ces médiateurs aient une bonne connaissance de la situation

22 et soient surtout impartiaux."

23 Donc, je vous demande maintenant si ces médiateurs étrangers qui sont

24 intervenus dans la crise yougoslave avaient les connaissances nécessaires

25 et l'impartialité requise ?

26 R. Je crois déjà avoir dit hier que je pensais que la Communauté

27 européenne et ses médiateurs avaient commencé avec un parti pris contre la

28 Serbie, et certes ils envoyaient des observateurs pour empêcher les combats

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1 de se déclencher entre les Serbes et les Croates en Croatie, ils savaient

2 bien, comme tout le monde le savait à l'époque que l'armée croate avait à

3 l'époque occupé la totalité de l'Herzégovine occidentale, mais personne n'a

4 rien dit à ce sujet et les sanctions quand elles ont été appliquées, elles

5 ont été appliquées à la Serbie, elles n'ont pas également été appliquées à

6 la Croatie. Donc je pense qu'il y a eu parti pris dès le début, parce que

7 l'on pensait que la Serbie était responsable du démantèlement -- ou plutôt

8 du déclenchement des actes de violence.

9 Q. Monsieur Bissett, dans le document numéro 1, qui est une pièce en

10 l'espèce enfin peu importe ce détail, mais en tout cas nous avons là un

11 rapport du secrétaire général en date du 30 mai 1992. Enfin, plutôt, est-ce

12 que ce que vous venez de dire il y a quelques instants au sujet du parti

13 pris, du manque de l'impartialité ? Est-ce que c'est quelque chose dont

14 avait connaissance les Nations Unies ? Est-ce qu'elles se rendaient compte

15 que c'était cela la solution de la communauté internationale ?

16 R. Bien. Je --

17 M. NICE : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait, avant d'entendre le

18 témoin, faire en sorte que le document soit placé sur le rétroprojecteur ?

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Rétroprojecteur, s'il vous

20 plaît, pour ce document.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] En mars 1991, il était de notoriété

22 publique, c'était rapporté par les médias. On savait que l'armée croate se

23 trouvait en Herzégovine occidentale. Dans le document que vous me

24 fournissez et que j'ai pu parcourir, on voit que nous avons là un rapport

25 du secrétaire général. Il est indiqué très clairement que les Croates ne se

26 sont pas retirés.

27 M. MILOSEVIC : [interprétation]

28 Q. Est-ce qu'il est dit ici que la JNA, quant à elle, s'est retirée du

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1 territoire ?

2 R. Oui, effectivement.

3 Q. Mais comment pouvez-vous expliquer dans ces conditions la chose

4 suivante : L'armée croate n'a pas quitté l'Herzégovine qui n'existait pas

5 avant alors qu'il n'y était pas avant, alors que la JNA qui était là depuis

6 plus de 70 ans est partie. Donc, c'est un fait. On met en œuvre des

7 sanctions contre la République de Yougoslavie ou plutôt contre la Serbie-

8 et-Monténégro, alors qu'on ne dit absolument rien s'agissant de ce qui se

9 passe de l'autre côté, une situation fort différente. Est-ce que vous avez

10 une explication sur ce point aujourd'hui ? Ou est-ce que déjà, à l'époque,

11 vous aviez une explication à ce phénomène ?

12 R. Je n'ai pas d'explication. Je pense simplement que ceci prouve qu'il y

13 avait partialité de la part de certaines organisations internationales qui

14 essayaient de rétablir la paix en Yougoslavie.

15 Q. Au paragraphe 16 de votre télégramme, vous dites : "J'ai

16 interrogé Milosevic. Je lui ai demandé s'il pensait sincèrement que l'on

17 pourrait trouver une solution à ces terribles combats entre les communautés

18 ethniques dont on trouvait les racines dans l'histoire et dans le sang. Il

19 a répondu de manière optimiste en disant qu'une fois que le problème de la

20 minorité serbe en Croatie aurait trouvé une solution, il était dans

21 l'intérêt de la Croatie d'aller dans ce sens. D'ailleurs, et il a donc

22 estimé qu'à ce moment-là, on pourrait voir des négociations raisonnables et

23 efficaces, débutées."

24 Avec le recul, est-ce que c'était la voie à suivre pour résoudre les

25 difficultés rencontrées ?

26 R. Oui, effectivement. Tout à fait. Je pense comme je l'ai dit d'ailleurs,

27 hier, que si on avait pu trouver une solution aux problèmes de la minorité

28 serbe en Croatie, à ce moment-là, on aurait pu prévenir le déclenchement de

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1 la tragédie qui a affecté ensuite la Yougoslavie.

2 Q. Qu'en est-il des efforts entrepris par les autorités serbes et par moi-

3 même ? Est-ce que les mesures prises montrent que nous avions effectivement

4 une prise de position de ce type ? Ce que je vous avais expliqué dans ce

5 télégramme.

6 R. Oui, je pense qu'il est clair que vous-même et les dirigeants serbes

7 allaient dans ce sens, c'est-à-dire, à moins qu'on trouve une solution aux

8 problèmes des minorités en Croatie, on ne pourrait pas trouver de solutions

9 aux autres problèmes.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous posez

11 tellement de questions orientées qu'on a vraiment du mal à continuer à vous

12 suivre avec intérêt. Voilà une question extrêmement orientée et vous avez

13 obtenu exactement la réponse qui était déjà contenue dans la question.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne vois pas pourquoi il s'agit d'une

15 question orientée. Ici, je me contente de citer ce qu'a écrit l'ambassadeur

16 Bissett dans son télégramme et je lui demande si la position que j'avais

17 prise allait dans le sens de ce qui est écrit dans ce télégramme. Ce n'est

18 pas -- l'ambassadeur n'est pas un enfant. Je n'ai pas à lui poser des

19 questions orientées pour obtenir les réponses que je souhaite entendre.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais la question à poser aurait dû

21 être la suivante : "Qu'est-ce que cela nous montre ? Qu'est-ce que cela

22 nous prouve ?" Voilà, c'est tout.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Nous étions en train de parler des négociations et des minorités serbes

25 et la sécurité, elle a pu être obtenue grâce à la mise en place du plan

26 Vance. Cela, c'était la première chose dont nous parlions. La sécurité des

27 minorités serbes. Maintenant, qu'en était-il des négociations ?

28 R. Vous parlez des négociations visant à résoudre les difficultés

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1 rencontrées par les minorités serbes en Croatie, n'est-ce pas ?

2 Q. Oui. Est-ce que ces négociations ont eu lieu ?

3 R. Oui. Elles ont eu lieu. Il y a eu des négociations. Malheureusement,

4 elles n'ont pas abouti à long terme.

5 Q. Selon vous, qu'est-ce qui explique l'écher de ces négociations ?

6 R. Pour ce qui est de l'échec des négociations, de l'interprétation de ce

7 qui s'est passé, je ne peux vous donner que mon avis personnel. Je pense

8 que le plan Vance-Owen ainsi que ceux qui ont suivi. Ensuite, le plan

9 Vance-Stoltenberg, ces plans n'ont pas abouti ou abouti à un échec à cause,

10 en premier lieu, d'une ingérence extérieure, l'ingérence des Américains.

11 Q. A ce sujet et au sujet du plan Cutileiro, évoquons maintenant la crise

12 de Bosnie. Donc, en sus des ces efforts entrepris, de ces accords entre

13 Serbes et Musulmans, est-ce que vous savez quelles étaient les relations ou

14 la prise de position des Serbes en Bosnie, s'agissant de ces efforts de

15 paix et s'agissant du plan qui était connu sous le nom de plan Cutileiro ?

16 R. Oui, je m'en souviens très bien parce que cela semblait être l'ultime

17 effort, l'ultime et dernier effort pour essayer d'éviter le bain de sang.

18 Cutileiro avait réuni Izetbegovic, Boban et Karadzic, ces trois dirigeants,

19 ils avaient été réunis à Lisbonne, ils ont trouvé une solution

20 satisfaisante à la crise. Les trois dirigeants concernés ont signé ce

21 document. On a pensé qu'on pouvait s'en réjouir à l'époque parce que cela

22 semblait être une solution satisfaisante à la crise et à une crise

23 extrêmement complexe.

24 Q. Était-ce un point de vue qui prévalait au sein du corps diplomatique à

25 l'époque, dans votre entourage ? Ou était-ce uniquement votre opinion à

26 vous ?

27 R. Non. C'était quelque chose que reconnaissait la majeure partie du corps

28 diplomatique. On estimait que, si le problème bosniaque pouvait être

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1 résolu, alors, le différend entre les Croates et les Serbes serait réglé.

2 Donc, si un référendum allait être organisé en Bosnie, si on allait

3 accorder l'indépendance à Izetbegovic, je pense que tout le monde savait

4 que ceci signifiait la guerre.

5 Q. Vous venez de dire, les trois dirigeants, Karadzic, Izetbegovic et

6 Boban ont signé le plan Cutileiro. Que s'est-il passé ensuite ? En savez-

7 vous quelque chose, personnellement, directement de la suite des

8 événements ?

9 R. Oui, je le sais. Mon voisin, l'ambassadeur américain,

10 M. Zimmerman, a pris l'avion pour aller à Sarajevo, puis, il a eu un

11 entretien avec M. Izetbegovic. Suite à cet entretien, M. Izetbegovic est

12 revenu sur l'aval, sur sa signature au plan Cutileiro.

13 M. Zimmerman a écrit dans son livre que, lorsqu'il est arrivé à Sarajevo

14 pour en parler avec Izetbegovic, Izetbegovic lui a fait part de ses regrets

15 de l'avoir signé. M. Zimmerman a dit par la suite : "Bien, si vous ne

16 souhaitez pas signer, pourquoi vous ne retirez pas votre signature,

17 pourquoi vous n'organisez pas le référendum, comme envisagé ? Si vous le

18 faites, les Etats-Unis reconnaîtra immédiatement votre indépendance."

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous écrit ce livre, Monsieur

20 l'Ambassadeur ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est un livre de

22 M. Zimmerman.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je demandais --

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous devez être l'un des rares --

26 très rares à ne pas l'avoir fait.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'envisage pas de le faire, de rédiger un

28 livre.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur Bissett, le rôle joué par Zimmerman, ce rôle dont il parle

3 dans son livre, enfin, qu'il se satisfait de mentionner, est-ce que c'était

4 quelque chose que vous saviez à l'époque, non seulement vous mais aussi les

5 autres membres du corps diplomatique, enfin du moins pour ce qui est des

6 diplomates occidentaux ?

7 R. Nous ne savions pas ce qui s'était dit entre M. Zimmerman et M.

8 Izetbegovic. Nous supposions que quelque chose s'était produit. Nous avons

9 pensé que quelque chose s'était produite pour que

10 M. Izetbegovic change d'avis. M. Zimmerman ne m'en a jamais parlé

11 directement. Il s'est contenté de dire que M. Izetbegovic n'était pas

12 satisfait du plan.

13 Q. Vous venez de mentionner le référendum. Qu'en saviez-vous de ce

14 référendum portant sur l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine ?

15 R. Ce que j'en savais, c'est que s'il avait lieu, très probablement, la

16 population serbe le boycotterait, qu'elle estimerait que ce référendum est

17 illégal et que, si on le tenait, qu'Izetbegovic allait l'emporter, que

18 l'indépendance allait être accordée et qu'une guerre civile s'ensuivrait.

19 Q. S'il vous plaît, pourriez-vous examiner votre deuxième dépêche,

20 télégramme, en date du 21 mars 1991. L'avez-vous retrouvé, Monsieur

21 Bissett ?

22 R. Oui.

23 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît, examiner la page 4. C'est le point 4 qui

24 m'intéresse, les deux dernières phrases du point 4. Laissez cela de côté.

25 Je vais vous lire le point 99 du volet croate de l'acte d'accusation. Il

26 est dit ici : "En mars 1991, la présidence collégiale de la RSFY s'est

27 trouvée dans une impasse - "deadlock", comme on dit ici - qu'il y a eu des

28 membres de la présidence qui ont présenté leur démission," puis, il est dit

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1 : "Le président de la République a déclaré le 16 mars 1991, donc, Slobodan

2 Milosevic, en sa qualité de président de la République a déclaré que la

3 Yougoslavie appartenait au passé, et que désormais, la Serbie n'était plus

4 liée par les décisions de la présidence fédérale."

5 Vous avez ce discours que j'ai fait en anglais dans les documents qui sont

6 devant vous. Est-ce que vous pouvez trouver cela ? C'est l'intercalaire 51

7 figurant dans les pièces à conviction remises eu égard à Branko Kostic.

8 R. Oui, je l'ai trouvé.

9 Q. Est-ce que vous pouvez voir la page 2 du texte en anglais ?

10 Précisément, cette formulation disant que : "La Serbie n'était plus liée

11 désormais par les décisions de la présidence fédérale." Ici, il est dit :

12 "A la lumière de la nouvelle situation, je tiens à faire une annonce.

13 Aucune décision de la présidence ne serait reconnue par --"

14 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit qu'elle n'a pas entendu.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. "-- toute décision de cet ordre serait non légitime compte tenu des

17 circonstances." S'agit-il d'une non légitimité compte tenu des

18 circonstances, ou est-ce que l'on dit "désormais" ? Vous en souvenez-vous

19 puisque vous avez eu des entretiens à ce sujet avec moi ? Ces circonstance

20 dont il est question ici, les circonstances du moment, elles ont duré

21 combien de temps ?

22 R. Cela n'a pas duré très longtemps. Quelques jours, si je m'en souviens

23 bien.

24 Q. Ici, vous dites dans ce télégramme, page 4, à la fin du point 4, vous

25 dites : "Milosevic a ajouté l'assemblée serbe peut ou ne doit pas

26 nécessairement accepter la démission de Jovic. Cependant, à la date du 21

27 mars, il devrait y avoir un représentant serbe au sein de la présidence

28 fédérale."

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1 Par conséquent, en tant que diplomate étranger, vous étiez à la tête de la

2 mission diplomatique de votre pays. Est-ce que vous aviez une raison

3 quelconque de considérer que la Serbie n'allait plus reconnaître les

4 décisions de la présidence ? Comme on dit ici : "La Serbie ne serait plus

5 liée désormais par les décisions, et cetera."

6 Est-ce que vous aviez un élément quelconque permettant de penser cela ?

7 R. A l'issue de la réunion que j'ai eue avec vous, vous m'avez permis de

8 comprendre clairement la situation, qu'à la date du

9 21 mars, la Serbie serait de retour au sein de la présidence. Je tiens à

10 ajouter qu'avant cet entretien que nous avons eu, il y avait la plus grande

11 confusion qui régnait, qui entourait la démission de Jovic, et aussi le

12 discours que vous avez fait à la télévision. C'était un moment de grande

13 perturbation. Il y avait beaucoup de tensions. Nombre de diplomates, y

14 compris moi-même, ne savaient pas très bien ce que signifiait la démission

15 de Jovic. C'était des moments difficiles. C'était une crise qui s'est

16 installée. Il a semblé qu'un effort peut-être allait être déployé au

17 dernier moment pour essayer d'empêcher la Croatie et la Slovénie d'opérer

18 leur sécession. Il y a eu beaucoup de mauvaises interprétations des choses,

19 ou plutôt on a mal compris et mal interprété le discours que vous avez fait

20 à la télévision. C'est avec un certain soulagement qu'après l'entretien que

21 j'ai eu avec vous, on a pu expliquer que la Serbie ne s'était retirée que

22 temporairement pour voir si oui ou non la démission de Jovic devait être

23 acceptée, mais que quoiqu'il en soit, vous alliez vous retrouver dans les

24 rangs de la présidence le 21. C'est ce qui s'est passé.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Entre-temps, ce passage se trouve page 3

26 et non pas à la page 4 du télégramme.

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Dans la version que j'ai de cette dépêche,

28 c'est le point 4, page 4. Il est possible que dans votre document, il n'en

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1 soit pas ainsi.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. J'espère que nous avons maintenant précisé cela, que c'est clair.

4 Essayons de voir ce qu'il en est du premier élément tel que visé au point

5 99 de l'acte d'accusation où il est dit : "Slobodan Milosevic a déclaré que

6 la Yougoslavie appartenait au passé."

7 Maintenant, pourriez-vous nous donner lecture de la première page de cette

8 traduction anglaise. Qu'est-il écrit sous le sous-titre des journaux. Je

9 donne lecture : "Quant à la Serbie, elle a toujours prôné la Yougoslavie,

10 le maintien de la Yougoslavie."

11 Est-ce que vous pouvez trouver cela ? C'est la première page de la

12 traduction.

13 R. Oui.

14 Q. "Elle n'a jamais cherché à le cacher. Elle a toujours prôné la

15 Yougoslavie, n'a jamais cherché à s'en cacher. C'est avec une véritable

16 conviction et fière de cela qu'elle l'affirme aujourd'hui haut et fort."

17 A la fin du passage suivant, je dis : "La Yougoslavie existe bel et bien.

18 Elle ne peut pas cesser d'exister par des gestes unilatéraux et par une

19 politique du fait accompli, parce que les intérêts véritables, les libertés

20 acquises et l'héritage démocratique ainsi que la force des peuples qui y

21 vivent, constitue une garantie de sa survie et de son épanouissement."

22 A l'époque, quand vous vous êtes trouvé sur place, vous avez eu l'occasion

23 de m'entendre faire cette déclaration. Vous m'avez compris. Est-ce que ceci

24 ne fait aucun doute ?

25 R. Non. Je pense que vous avez été très clair dans votre discours, que ce

26 retrait n'était que temporaire, que la Yougoslavie existait toujours et

27 qu'elle bénéficiait du soutien plein et entier de la Serbie.

28 Q. Par conséquent, pensez-vous qu'on soit en droit de tirer la conclusion

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1 que l'on lit ici, à savoir que j'ai déclaré que la Yougoslavie appartenait

2 au passé ?

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, le témoin ne peut pas répondre

4 à cela, Monsieur Milosevic. Vous le savez très bien.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur Robinson. Je vais

6 reformuler ma question.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Est-ce qu'il ressort de ce que j'ai dit à ce moment-là, à l'époque,

9 vous étiez ambassadeur du Canada à Belgrade ? Est-ce que vous ou l'un

10 quelconque de vos confrères, est-ce que vous auriez pu avoir à l'esprit que

11 c'était un moyen d'agir, un instrument ou un moyen d'agir contre la

12 Yougoslavie, ou était-ce une déclaration annonçant la fin de la

13 Yougoslavie ? Est-ce qu'il y avait quoi que ce soit qui vous aurait permis

14 de penser cela ?

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez formuler un commentaire

16 à ce sujet.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Je pense avoir très bien compris

18 votre intention, à savoir que vous apportiez toujours votre soutien à

19 l'idée de la Yougoslavie.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Je vous en remercie. C'est le paragraphe 103 que je vais examiner à

22 présent. Il s'agit du même acte d'accusation, volet croate, où il est dit :

23 "Slobodan Milosevic a lancé les appels en faveur de l'union de tous les

24 Serbes dans un seul Etat."

25 Je passe : "Qu'il est question là de coïncidences -- que cela -- quelles

26 sont les régions, et que ceci coïncide avec ceux qui faisaient la campagne

27 pour la création d'une Grande-Serbie."

28 Dites-moi, lorsqu'on lit la première page de la traduction du

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1 discours que j'ai fait à l'époque, qu'est-ce qu'on y trouve ? Enfin, je

2 pense qu'on pourrait donner lecture de tout le paragraphe pour ne pas tirer

3 des choses hors du contexte, pour qu'on ne nous reproche pas, de

4 précisément, de citer -- de sortir les choses du contexte. C'est le

5 paragraphe où je dis : "Avec le fait qu'on a entravé les travaux de la

6 présidence." Est-ce que vous trouvez cela ?

7 R. Oui.

8 Q. "De la part de ceux qui mènent une politique de la -- divisante à la

9 désintégration du pays. Le plan de décomposer, démanteler la Yougoslavie

10 entre dans son stade final. Ce plan est mis en œuvre au détriment des

11 intérêts vitaux du peuple serbe à la fois en Serbie et en Yougoslavie."

12 Maintenant, on en vient au point que je tiens à souligner. C'est

13 précisément ce point-là qui m'intéresse. Il est dit : "A la place d'une

14 Fédération démocratique qui devrait garantir au peuple serbe ainsi qu'aux

15 autres peuples une vie sereine dans la paix, dans un Etat commun" - en

16 serbe, j'ai dit : "Dans un seul et même Etat, sur un pied d'égalité, ces

17 forces de la coalition anti-serbe ont prévu de démanteler la Yougoslavie,

18 ont conçu un plan à cet effet, et à présent, essaient de le mettre sur

19 pied. La Yougoslavie existe bel et bien, et ne saurait être déclarée nulle

20 et non avenue par des actes unilatéraux et par une politique du fait

21 accompli à cause des intérêts, et cetera." Nous avons maintenant lu tout le

22 paragraphe.

23 Est-ce qu'on lance un appel ici à tous les Serbes de se réunir au sein d'un

24 seul Etat, ou est-ce qu'il est plutôt question d'une Fédération

25 démocratique, comme on lit ici : "Fédération démocratique qui devrait

26 garantir au peuple serbe et aux autres peuples une vie pacifique dans un

27 Etat commun ou dans un seul Etat, sur un pied d'égalité ?" Est-ce qu'on

28 peut dire qu'ici, on lance un appel ? Comme c'est dit dans ce paragraphe de

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1 l'acte d'accusation, Slobodan Milosevic lance des appels en faveur de

2 l'union de tous les Serbes dans un seul Etat; est-ce que l'on peut

3 comprendre cela ainsi ?

4 R. Non.

5 Q. D'après vous, la Yougoslavie était-ce un Etat qui réunissait tous les

6 Croates, tous les Serbes, tous les Musulmans, Slaves du sud ainsi que tous

7 les Macédoniens et tous les Slovènes, était-ce bien l'Etat dont nous

8 parlons ?

9 R. Oui.

10 Q. Merci.

11 Un instant, s'il vous plaît. Je n'arrive pas à retrouver un passage

12 qui m'intéresse.

13 Oui. Examinons le début du paragraphe 5 de ce même télégramme. Vous

14 parlez de ma vision, de la solution du problème kosovar. C'est de cela

15 qu'il est question. Est-ce que vous pouvez le retrouver ?

16 R. Oui.

17 Q. "Milosevic a élaboré un certain nombre de points lors du déjeuner avec

18 l'ambassadeur ou réservé aux ambassadeurs, y compris la tradition

19 démocratique serbe depuis 1918, disant que les pressions démographiques

20 kosovars pourraient trouver une solution dans le progrès économique. Entre-

21 temps, que le gouvernement serbe n'accepterait pas qu'une partie de la

22 Serbie soit annexée à l'Albanie…"

23 Je cite uniquement pour qu'on ait des propos exacts. Mais ma question

24 est la suivante : Dit-on ici : "Pourraient être résolues par telle ou telle

25 chose ?"

26 R. Elles pourraient être résolues par la voie du progrès économique.

27 Q. Il ne me reste plus que quelques questions à vous poser. Je vais

28 m'intéresser à présent à un article dont nous nous sommes déjà servis. Il

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1 s'agit du livre publié par la fondation Lord Byron, qui se consacre aux

2 études balkaniques. C'est un article que vous avez rédigé vous-même.

3 Il s'agit du Kosovo, page 56, deuxième paragraphe, à commencer par le

4 bas.

5 Je vous en prie, pourriez-vous nous donner lecture de ce paragraphe qui

6 provient de votre article ?

7 R. "Compte tenu de ce qui s'est passé en Slovénie, en Croatie et en

8 Bosnie, il n'est pas étonnant que les Albanais kosovars se sont rendus

9 compte quelle est la façon la plus efficace d'accéder à l'indépendance.

10 Bien que c'était en ayant recours à la violence, cela a été la recette

11 garantissant le succès avant, et il y avait toutes les raisons de

12 s'attendre à ce que cela remarche. D'ailleurs, compte tenu des excellentes

13 relations publiques ou plutôt -- compte tenu de l'excellente campagne qui

14 était menée contre le président Milosevic et les Serbes, et les violations

15 très importantes des droits de l'homme au Kosovo étaient inévitables que le

16 Kosovo soit l'élément suivant quitterait la Yougoslavie."

17 Q. Dites-nous : qu'en savez-vous de l'accord de Rambouillet ?

18 R. J'ai estimé que l'accord de Rambouillet était une tentative de la part

19 des Etats-Unis. Tout d'abord, de forcer la Yougoslavie à accepter des

20 termes qui n'étaient pas raisonnables, des conditions qui n'étaient pas

21 raisonnables et je suis également convaincu que lorsque la partie serbe a

22 accepté les premières conditions donc, les premières dispositions des

23 accords de Rambouillet. Après cela, les Américains, au dernier moment, ont

24 ajouté l'annexe B à l'accord. C'était l'annexe qui invitait les forces de

25 l'OTAN à se déployer dans toute la Yougoslavie, non seulement au Kosovo, et

26 aussi, invitait à organiser un référendum sur l'indépendance dans un délai

27 de trois ans. Je pense que nul n'ignore que cette annexe a été ajoutée en

28 sachant qu'aucun président de Serbie ne pourrait accepter ces conditions-là

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1 et c'était à mon sens une tentative délibérée de déclencher les

2 bombardements de la Yougoslavie. Je ne suis pas le seul à être de cet avis.

3 Lord Gilbert, qui, je pense, était le secrétaire permanent du ministère de

4 la Défense britannique, s'est adressé à la Chambre basse britannique, en

5 juillet 2000, et il a

6 dit : "Il est vrai que le Rambouillet constituait une provocation et que

7 ceci allait permettre à l'OTAN de se servir de la force et d'essayer de

8 résoudre le problème kosovar ainsi. M. Rubin, qui est un homme politique

9 des Etats-Unis, dans un article qu'il a rédigé -- qu'il a publié dans The

10 Observer - je ne connais pas la date - a reconnu que tel était bien le cas.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 20

12 minutes, Monsieur Milosevic.

13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

14 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Après Rambouillet a commencé l'agression de la Yougoslavie, ce qu'on a

18 qualifié de bombardement, vous connaissez la situation de l'intérieur.

19 Lorsque vous avez pris la parole en public, aussi est-ce que vous avez cru

20 -- pensé que c'était là un crime de guerre ou pas ?

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quoi comme crime de guerre ? La

22 qualification de crime de guerre n'est pas une question à laquelle peut

23 répondre le témoin. Vous semblez être à la recherche des questions que vous

24 voulez poser. Si vous en avez terminé, arrêtez-vous.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai presque terminé mon interrogatoire

26 principal, mais je ne suis pas du tout à la recherche de questions.

27 Je vais reformule celle-ci.

28 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 48801

1 Q. Monsieur Bissett, l'attaque qui a suivi aussitôt, Rambouillet, comment

2 l'avez-vous perçu ?

3 R. Je crois que je vous ai déjà dit comment j'avais réagi. A mon avis,

4 c'était une violation du droit international et de la charte des Nations

5 Unies. Pour moi, personnellement, c'était tout à fait choquant. C'était la

6 violation de tout ce que l'OTAN avait représenté depuis sa création,

7 c'était une organisation de défense, l'article premier de son traité disait

8 qu'il ne fallait jamais recourir à la force pour régler un conflit ou un

9 contentieux international à moins qu'il n'y est menace de recours à la

10 force. Par ailleurs, voici quelle a été ma réaction.

11 Q. Vous avez écrit un article dans ce livre publié par la fondation Lord

12 Byron pour les études des Balkans. Je vous demande d'examiner l'avant-

13 dernier paragraphe qui se trouve à la page 57.

14 Vous l'avez trouvé ?

15 R. Oui.

16 Q. Qu'est-ce que vous y aviez dit ?

17 R. Vous voulez que je lise ce paragraphe ?

18 Q. Oui, s'il vous plaît.

19 R. "Le président Clinton a dit au peuple américain que cette guerre elle

20 se faisait pour des raisons humanitaires et pour limiter les combats afin

21 que le reste des Balkans ne soit pas mis en péril ou déstabilisé." Il a dit

22 que ces bombardements étaient nécessaires pour mettre fin aux atrocités qui

23 ont été commises là-bas. C'était la justification de la violation de la

24 souveraineté yougoslave. Les ministres canadiens de la Défense nationale et

25 des Affaires étrangères ont aussi assuré leurs citoyens que cette guerre

26 elle se faisait pour mettre fin au nettoyage ethnique. On savait déjà que

27 la grande majorité des Albanais du Kosovo avaient été forcé à quitter le

28 Kosovo après le bombardement, pas avant. Néanmoins, ces ministres n'étaient

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1 pas les seuls à annoncer la guerre comment étant le début d'une nouvelle

2 ère de diplomatie différente."

3 Q. Fort bien. Les dirigeants de l'OTAN l'ont dit publiquement. Ceci avait

4 pour finalité de mettre fin à ce nettoyage ethnique. Vous dites ici que

5 c'est un fait notoire, que c'est après le bombardement -- ou les

6 bombardements - c'est dit ici en italique - que c'est après les

7 bombardements qu'il y a eu ces départs du Kosovo. Vous voyez comment vous,

8 vous évaluez comment ces explications fournies par les chefs de l'OTAN ?

9 Une dernière chose, à votre avis, quelle a été la raison véritable de ce

10 bombardement de la Serbie par l'OTAN ?

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci ne nous intéresse pas, Monsieur

12 Milosevic. Je vais voir s'il vous est possible de poser une de ces

13 questions au témoin.

14 Les dirigeants de l'OTAN ont dit publiquement que ceci avait pour finalité

15 de mettre fin au nettoyage ethnique. Vous voulez poser une question à ce

16 propos, Monsieur Milosevic ?

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai posé cette question. Ils l'ont bien dit.

18 M. Bissett dit clairement que cette vague de réfugiés est intervenue après

19 les bombardements, pas avant ceci. Qu'est-ce qui se passait en réalité ?

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, répondez, Monsieur le Témoin.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai dit souvent. Si l'OTAN a bombardé la

22 Yougoslavie, ce n'est pas du tout à cause de ce qui se serait passé au

23 Kosovo, mais c'était une occasion qui était donnée à l'OTAN, à la veille de

24 son 50e anniversaire, de démontrer surtout à l'attention des pays

25 européens, que l'OTAN, c'était une organisation encore viable et

26 nécessaire. L'OTAN avait été critiquée, attaquée. On se demandait pourquoi

27 cette force militaire puissante continuait d'exister, alors que depuis

28 longtemps les armées du Pacte de Varsovie étaient rentrées chez elle. La

Page 48803

1 situation qui prévalait au Kosovo était une occasion idéale qui se

2 présentait à l'OTAN. Elle pouvait ainsi démontrer qu'elle restait utile

3 comme force. C'est un sentiment personnel que beaucoup d'autres partagent,

4 mais c'est un avis personnel.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela voudrait dire que l'OTAN est

6 une organisation très cynique et opportuniste.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait. Ceci a peut-être été prouvé

8 lorsqu'il y a eu cette célébration du 50e anniversaire, lorsque le

9 président Clinton a annoncé que l'OTAN aurait désormais un rôle tout à fait

10 nouveau qu'il lui permettrait d'agir, d'intervenir en dehors de sa zone, de

11 la zone qui lui avait été accordée. En d'autres termes, l'OTAN avait

12 désormais l'autorisation d'agir, d'intervenir là où elle le voulait. Ceci

13 n'était pas dit dans le traité initial. Il aurait fallu, pour apporter

14 cette nouvelle composante, il aura fallu renégocier les termes mêmes de

15 l'accord. Il aurait fallu que ceci soit accepté et signé par tous les

16 membres. Enfin, là aussi c'est mon avis personnel.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes diplomate de carrière.

18 Vous l'étiez tout du moins, n'est-ce pas ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Prenez la page qui suit, page 58, de votre article, dernier paragraphe,

22 puisque vous avez parlé de Clinton. Qu'est-ce que vous avez écrit ici ?

23 R. "L'attaque dirigée par les Etats-Unis sur la Yougoslavie servait à

24 améliorer l'image que donnait dans l'opinion publique le président Clinton

25 et pour restaurer la crédibilité de l'OTAN, dont l'existence, depuis la fin

26 de la Guerre froide, était en danger. C'était vraiment là la motivation

27 véritable de cette guerre de l'OTAN. Dans l'histoire des Balkans, c'est

28 quelque chose de bien connu. L'intervention occidentale traditionnellement

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1 dans les Balkans s'est avérée désastreuse. Que ce soit à partir du Congrès

2 de Berlin jusqu'au deux guerres mondiales, ces puissances occidentales ont

3 toujours agi dans les Balkans pour des raisons de politique personnelles.

4 Ceci s'est révélé une fois de plus au Kosovo, parce ceci n'avait pas

5 vraiment beaucoup d'importance pour les questions qui affectaient

6 véritablement les populations des Balkans."

7 Q. Suit alors dans le prochain paragraphe une explication. Vous dites que

8 : "Il y a une image --" Veuillez la lire.

9 R. "A cause de cette diabolisation qu'on avait déjà faite dans les médias

10 occidentaux de Slobodan Milosevic, il n'était pas difficile de lui faire

11 porter la responsabilité de toutes ces atrocités, exactions commises au

12 Kosovo. Avant le bombardement, il n'y avait pas plus de 2 000 pertes pour

13 ce qui est des Serbes et des Albanais du Kosovo, ce qui ne justifie

14 aucunement une intervention militaire. Mais l'OTAN en avait besoin pour

15 mener sa guerre."

16 Q. L'OTAN a proclamé que le bombardement de la Yougoslavie, et surtout de

17 la Serbie, avait été une grande victoire. Etes-vous de cet avis ?

18 R. Non, non. Pour moi, cela n'a pas été une grande victoire. Au contraire,

19 cela a posé un précédent des plus dangereux. Il semblerait aujourd'hui que

20 l'OTAN s'était arrogée un droit d'intervention où que ce soit au mépris du

21 droit international et au mépris des Nations Unies. C'est navrant quand on

22 voit que cette organisation avait pour vocation de défendre la démocratie

23 et la liberté, et n'avait pas été créée pour régler des conflits

24 internationaux par la violence.

25 Q. Dites-nous, que pensez-vous de la Résolution 1244 qui a mis fin à la

26 guerre ?

27 R. Je me suis dit que cette résolution était une solution satisfaisante au

28 problème. Malheureusement, elle ne semble pas avoir été totalement

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1 respectée. Cette Résolution 1244 garantissait la protection des droits

2 civiques de tous les habitants du Kosovo quelle que soit leur appartenance

3 ethnique. Cela a eu pour premier résultat le nettoyage ethnique de ceux qui

4 n'étaient pas Albanais dans la population du Kosovo. Ceci s'est fait sous

5 les yeux de quelque 30 ou 40 000 soldats de l'OTAN.

6 La Résolution 1244 garantissait la protection des lieux de culte au Kosovo,

7 pourtant, plus de 130 églises orthodoxes ont été plastiquées, brûlées,

8 détruites.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, ces éléments de

10 preuve portent sur une période qui n'est pas visée par l'acte d'accusation.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] A mon avis, la totalité du contexte est

12 parfaitement pertinente. Si on veut avoir une idée complète de la

13 situation, on ne peut pas laisser ceci de côté.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Monsieur Bissett, vous avez été sur place, puis par la suite, vous avez

16 suivi tout ce qui s'est produit en ex-Yougoslavie au cours des années 1990.

17 Comment expliquer ce bain de sang, ce nettoyage ethnique, ces actes de

18 violence qui ont été commis par toutes les parties dans cette région ? Est-

19 ce que vous en avez parlé ? Est-ce que vous en avez discuté ?

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je pense que

21 maintenant nous sommes en train de nous retrouver dans cette période où

22 nous avons de moins en moins de rendement, parce qu'ici, ces questions du

23 bain de sang, du nettoyage ethnique, ne nous sont pas vraiment utiles.

24 Si vous n'avez pas d'autres questions, nous allons passer au contre-

25 interrogatoire.

26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si vous ne permettez pas au témoin de répondre

27 à cette question-ci, je vais en poser une autre.

28 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 48806

1 Q. Vu tout ce dont vous avez été témoin au cours de ces années, lorsque le

2 conflit a démarré sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, puis au cours où

3 vous avez suivi tout ceci de plus loin, qui, à votre avis, est le premier

4 responsable de ces crimes ?

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Ce n'est pas autorisé

6 comme question. C'est nous qui allons trancher cette question au vu des

7 éléments dont nous avons été saisis. Maintenant, vous commencez vraiment à

8 faire des généralités. Je pense que vous avez terminé votre interrogatoire

9 principal.

10 Monsieur Nice, vous avez la parole pour commencer votre

11 contre-interrogatoire.

12 Je pense qu'il faudra verser au dossier un intercalaire. L'intercalaire

13 numéro 3 est versé au dossier.

14 Contre-interrogatoire par M. Nice :

15 Q. [interprétation] Vous avez d'abord été en fonction à l'ambassade à

16 Trinidad et Tobago ?

17 R. C'était au Haut commissariat du Commonwealth.

18 Q. Vous êtes rentré au Canada, et pendant deux ans, à peu près, vous avez

19 été à Belgrade. Vous avez été envoyé à Belgrade par le premier ministre

20 Mulroney ?

21 R. Oui.

22 Q. A la fin de votre mission -- de votre mandat, est-ce que vous avez

23 demandé au ministre des Affaires étrangères, qui s'appelait, n'est-ce pas,

24 Mme Barbara McDougall, pour rester ?

25 R. Oui.

26 Q. Vous avez demandé à rester plus longtemps, sans doute avec

27 l'assentiment de Mulroney ?

28 R. Exact.

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1 Q. Vous avez surtout été basé à Belgrade au cours des deux années que vous

2 y avez passées ?

3 R. Exact. J'avais d'autres responsabilités. Je vous l'ai dit, j'étais

4 aussi ambassadeur pour la Bulgarie et l'Albanie, ce qui veut dire que j'ai

5 eu des déplacements assez fréquents dans ces deux pays.

6 Q. En tant qu'ambassadeur ou ancien ambassadeur, vous pouvez vous attendre

7 à ce qu'on accorde un certain poids à ce que vous dites ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que ces attentes s'accompagnent de l'obligation de vérifier ce

10 que vous dites ?

11 R. Bien entendu.

12 Q. Entre 1992 et 1999, vous avez peu publié. Ce qui a véritablement

13 déclenché vos activités d'écrivain, ce sont les bombardements, parce que

14 vous êtes là - et vous l'avez répété aujourd'hui clairement - vous vous

15 êtes tout à fait opposé à ces bombardements.

16 R. Oui.

17 Q. Depuis, vous avez beaucoup publié.

18 R. J'ai écrit plusieurs articles, effectivement. Je n'ai pas écrit de

19 livre.

20 Q. Vous avez exprimé votre avis non seulement à propos du rôle joué par

21 l'OTAN. Vous l'avez répété ici. La première fois que vous avez été prévu

22 comme témoin ici, la Chambre avait commis d'office un conseil. A ce moment-

23 là, vous avez envoyé une lettre, et vous avez dit que c'était un tribunal

24 politique davantage qu'un organe judiciaire oeuvrant dans l'intérêt de la

25 justice. Vous avez dit que ce Tribunal avait déjà décidé que l'accusé était

26 coupable, et qu'en fait, ici, ce Tribunal avait tous les attributs de

27 simulacre de procès staliniste.

28 Est-ce que vous êtes toujours de cet avis ?

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1 R. Non, non. Je ne suis plus d'accord avec tout cela. Je réagissais au

2 fait que M. Milosevic n'allait pas être autorisé à se défendre lui-même. Je

3 trouvais que c'était une erreur.

4 Q. C'est pour cela que je vous ai demandé si vous vérifiiez les faits que

5 vous avanciez. Est-ce que ceci est venu à l'appui de votre affirmation

6 selon laquelle ce Tribunal est un tribunal politique ? Le fait que ces

7 trois Juges aient pris une certaine décision dans l'exercice de leurs

8 fonctions, est-ce que cela en fait un tribunal politique ?

9 R. Je n'ai pas été le seul à critiquer cette décision.

10 Q. Je pense que ma question était suffisamment simple pour vous permettre

11 d'y répondre. Le fait qu'un tribunal, qu'une Chambre de première instance

12 et que ses Juges prennent une décision sur laquelle vous n'êtes pas

13 d'accord, est-ce que cela en fait un tribunal politique ?

14 R. Oui. Pour moi, c'était ainsi un tribunal politique, et ceci confortait

15 ce que j'avais déjà dit auparavant à propos de ce Tribunal.

16 Q. Nous allons revenir à cela dans un instant. Nous voulons comprendre

17 précisément la fermeté de vos convictions. Vous étiez un ancien

18 ambassadeur. Vous aviez la possibilité de consulter des hommes politiques,

19 des chefs politiques et des diplomates à l'époque. Vous avez aujourd'hui un

20 site Internet, et vous assimilez Mme Del Ponte au procureur préféré, favori

21 de Hitler, Roland Feisler, qui a présidé aux procès de ceux qui avaient

22 participé au complot du

23 20 juillet. Est-ce que vous trouvez que c'est responsable de votre part que

24 de disséminer au monde entier ce genre d'information ?

25 R. C'est ce que j'ai dit. Certains penseront peut-être que c'est

26 irresponsable, mais ce ne sera pas nécessairement l'avis de tout le monde.

27 Q. Ce qui nous préoccupe ici, vous le comprenez parfaitement, Monsieur

28 Bissett, ce qui nous occupe, c'est dix ans d'histoire où nous voyons la

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1 conséquence de la vie tout à fait extravagante de certains. Est-ce que si

2 vous faites cette comparaison pour

3 Mme Del Ponte, Procureure du Tribunal ? Est-ce qu'à votre avis, c'est là

4 l'attitude d'un homme responsable ?

5 R. Ce n'est ce que j'ai dit; j'ai dit qu'il y avait des divergences de

6 points de vue.

7 Q. Vous n'avez pas simplement contenté le -- vous ne vous êtes pas

8 contenté d'attaquer le Procureur actuel. Nous avons repris quelques

9 éléments qui se trouvent sur votre site Web. Pendant la pause, je

10 demanderai à ceux qui vont recevoir ce document d'examiner ceci, et je vous

11 demanderai de confirmer que ce sont bien là les points de vue que vous avez

12 rendus publics.

13 La note de bas de page le montre, sauf quand on le dit expressément. Ce

14 sont des citations reprises de votre site Internet et aussi la première

15 lettre que vous avez envoyée. Première page, vous dites à propos de ce

16 Tribunal, qu'il a perdu toute crédibilité vu son parti pris en faveur de

17 ces mécènes de l'OTAN, que c'est devenu un organe politique de l'OTAN. Il a

18 décidé de délivrer un acte d'accusation à l'égard de Milosevic au milieu de

19 la campagne de bombardements, que c'était une tentative manifeste de se

20 gagner le soutien du public pour ces bombardements car qui ne soutiendrait

21 pas une action punitive engagée contre une nation qui a à sa tête un

22 criminel de guerre ?

23 Page 2, vous parlez de l'ancien Procureur, Mme le Juge Louise Arbour.

24 Premier point, vous prononcez diverses allégations à l'égard de l'ancien

25 Procureur. Puis vous dites ceci : "Il ne semble pas faire de doute que ceci

26 a été orchestré pour renforcer le soutien qui faiblissait dans l'opinion

27 publique en faveur de ces bombardements. Après tout, qui soutiendrait un

28 pays dont le chef est accusé de crimes de guerre. Mme Louise Arbour n'a pu

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1 être nommée Procureure qu'avec l'aval de Mme Madeleine Albright."

2 Vous dites publiquement qu'il y a corruption de la part d'une personne qui

3 aujourd'hui est commissaire aux Nations-Unis. Alors, dites-nous : qu'est-ce

4 que vous avez comme preuve à l'appui de cette allégation que vous avez

5 faite publiquement ?

6 R. Des juristes internationaux m'avaient dit que ce Tribunal avait pour

7 politique de ne pas rendre public les actes d'accusation qu'il établissait.

8 Pourtant après le bombardement du Kosovo, après le début de ces

9 bombardements, Mme Arbour, ancien Procureur, a rendu public l'acte

10 d'accusation du président Milosevic. On l'a vu au Kosovo devant ce qu'on a

11 présenté comme étant des charniers. On l'a vu parler à des Kosovars qui

12 étaient présentés comme étant des victimes de crimes. Je pense que c'était,

13 tout à fait, inapproprié. Ce Tribunal, il a été créé après que des

14 pressions ont été exercées par les Etats-Unis sur le Conseil de Sécurité et

15 Mme Albright a eu un entretien avec Louise Arbour. C'est elle qui l'a

16 interrogé. Donc, j'avais de bonnes raisons de supposer qu'il a fallu l'aval

17 de

18 Mme Madeleine Albright pour qu'elle soit nommée.

19 Q. Est-ce que vous avez pris la peine de faire une recherche pour voir

20 quelle est la procédure ici, en ce Tribunal, pour ce qui est de la

21 préparation et de la publication d'un acte d'accusation ?

22 R. Non.

23 Q. Ces éléments, dont vous disposiez, suffisent à votre avis pour rendre

24 public ce genre d'allégations sur un site Web ?

25 R. Manifestement, puisque je l'ai publié sur mon site Internet.

26 Q. Dites-moi ceci : est-ce que vous avez essayé de contacter Mme Louise

27 Arbour pour vérifier vos allégations avec elle, pour lui demander s'il y

28 avait de bonnes raisons de présenter ces éléments ?

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1 R. Non.

2 Q. Prenons un autre exemple de votre processus qui vous permet de prendre

3 des décisions et je reviendrai à autres choses.

4 Dans cette même --

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous pourriez demander à M. Nice et

8 à l'ambassadeur Bissett de faire des pauses parce qu'ils parlent la même

9 langue et j'ai beaucoup de mal à suivre ? Les interprètes ont beaucoup de

10 difficultés.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je vais demander aux deux

12 témoins de faire des pauses.

13 M. NICE : [interprétation] Si j'ai posé des problèmes aux interprètes, je

14 m'en excuse.

15 Q. À la même page, vous parlez de Racak. Une seule chose m'intéresse. Ce

16 ne sont pas vos conclusions mais c'est plutôt la façon dont vous raisonnez.

17 "Ce qui est au cœur même de l'acte d'accusation, c'est ce 'Massacre

18 de Racak', 'de tristes notoriétés'." Vous le dites ici : "Apparemment,

19 comme vous le dites ici, Mme Madeleine Albright que cela avait été

20 l'élément qui avait déclenché cette guerre."

21 "Vous parlez du rapport, des experts en médecine légale qui ont

22 examiné les corps de victimes et vous dites que rien ne prouvait que ces

23 corps qu'on avait découvert dans cette ravine, que M. Walker avait

24 découvert que cela aurait été des corps exécutés à bout portant."

25 Puis, vous dites ceci : "Il semblerait que les victimes aient été de

26 membres armés de l'UCK qui ont été tués au cours de combats qui se sont

27 déroulés ou qui s'étaient déroulés la veille dans les collines

28 environnantes et qu'on avait placé ces corps dans cette ravine pour mettre

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1 en scène un massacre. Ceci montre que certains des éléments présentés par

2 les Etats-Unis à ce Tribunal ont été montés de toutes pièces."

3 Est-ce que vous êtes toujours de cet avis ?

4 R. Oui. C'est toujours ce que je pense à propos de Racak.

5 Q. Tiens. Je vais vous demander ceci. Est-ce que vous avez parlé à ceux

6 qui ont survécu à cette ravine de Racak ?

7 R. Non.

8 Q. Est-ce que vous avez parlé à quelqu'un d'autre du village de Racak qui

9 aurait survécu ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce que vous avez essayé de voir ce que sont venus dire ces témoins

12 ici dans ce prétoire ?

13 R. J'ai vu ce qui s'est dit ici, en partie.

14 Q. Est-ce que vous avez examiné tout ceci ?

15 R. Pas de façon approfondie.

16 Q. Est-ce que vous avez regardé avec attention ce qu'ont dit les

17 observateurs internationaux, européens qui ont parlé de ce qui s'était

18 passé à Racak ?

19 R. Oui.

20 Q. Quoi, par exemple ?

21 R. Ce qu'a dit Maisonneuve.

22 Q. [aucune interprétation]

23 R. [aucune interprétation]

24 Q. Vous avez ignoré tout ceci ?

25 R. Non, pas du tout.

26 Q. Est-ce que vous avez examiné les preuves de médecine légale qui ont été

27 présentés ici ?

28 R. J'ai, en tout cas, lu certains des rapports des médecins légistes.

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1 Q. Alors, dites-moi ceci : si des gens sont tués dans cette ravine - "si,"

2 c'est une hypothèse - s'il y a une exécution par des gens qui se trouvent

3 au-dessus de la ravine et qui tirent sur des gens avec des rafales, est-ce

4 qu'on peut s'attendre à trouver les balles ou les douilles dans la ravine

5 ou sur le bord ?

6 R. Dans les corps des victimes.

7 Q. Donc, dans la ravine alors, est-ce qu'on -- s'il y a exécution, où est-

8 ce qu'on trouvera les douilles ?

9 R. Sur le bord.

10 Q. Savez-vous où on a trouvé ces balles -- ces douilles ?

11 R. J'ai vu ce qu'ont dit des journalistes allemands qui se trouvaient sur

12 les lieux le lendemain de ce présumé massacre. Ils ont dit qu'il n'y avait

13 pas eu trace de douilles.

14 Q. Est-ce que vous avez suivi ces débats suffisamment prêts pour savoir

15 qu'en fait, on a trouvé précisément à ces endroits, ces douilles et ces

16 balles ?

17 R. Non.

18 Q. Est-ce que ceci vous aurait fait changer d'avis ?

19 R. Je pense que si les preuves médico-légales montrent qu'on a tiré à bout

20 portant et que les douilles se trouvaient sur le bord, et qu'il n'y avait

21 pas de preuves que ceci avait été monté de toutes pièce, je changerai sans

22 doute d'avis.

23 Q. Pourtant vous avez publié des choses qui sont favorables aux Serbes.

24 Nous y reviendrons peut-être. Vous croyez tout ce qui leur est favorable.

25 Vous ne vous occupez pas du détail.

26 R. Je ne publie pas tout ce qui est favorable aux Serbes, mais je

27 reconnais volontiers que la plupart de mes écrits ont été faits parce que

28 je trouve qu'on a trop démonisé les Serbes en tant que peuple et qu'ici, en

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1 fait, on fait un procès d'intention. On impute une responsabilité

2 collective au peuple serbe qui a du coup, du mal à se relever de la guerre.

3 Je ne suis pas ici pour défendre les actions de l'OTAN. Je veux défendre

4 les Serbes et le peuple serbe parce qu'à mon avis, il n'a pas pu le faire

5 lui-même. Ils ont été vraiment démonisés par l'opinion publique

6 internationale.

7 Q. Au cours de ces deux années que vous avez passées à Belgrade, vous êtes

8 de temps en temps allé en Macédoine ou en Albanie et c'est à ce moment-là

9 que vous vous êtes trouvé une sympathie pour les Serbes ?

10 R. Non.

11 Q. C'était avant ?

12 R. Non. C'était après les accusations portées par les médias et par

13 d'autres selon lesquelles, c'étaient les Serbes qui étaient responsables de

14 la désintégration de la Yougoslavie et de tous les crimes qui ont été

15 ensuite commis après le conflit. C'est à ce moment-là que j'ai ressenti

16 l'obligation de mettre en évidence le fait que ce n'était pas les Serbes ni

17 la Serbie qui avait entraîné le démantèlement de la Yougoslavie.

18 Q. C'est votre avis à vous --

19 R. [aucune interprétation]

20 Q. -- bien, vous comprenez qu'il y a beaucoup de gens qui ne sont pas

21 d'accord. Mais votre opinion, elle se repose sur quoi, sur une poignée de

22 réunions avec l'accusé ?

23 R. Non. Pas seulement sur les faits.

24 Q. Non, j'allais faire une liste. Premièrement vous avez rencontré

25 quelquefois l'accusé, deux ou trois fois ?

26 R. Quatre ou cinq. Oui, à quatre ou cinq reprises, j'ai rencontré M.

27 Milosevic, le président Milosevic.

28 Q. Vous vous êtes basé sur des sources d'information publiques auxquelles

Page 48816

1 vous avez eu accès à Belgrade ?

2 R. Oui, des documents publics.

3 Q. Les contacts de vos collaborateurs ainsi que des discussions avec les

4 autres membres de la communauté diplomatique de l'époque ?

5 R. Oui.

6 Q. D'autre part, vous avez fait les lectures de documents publics ?

7 R. Oui --

8 Q. [aucune interprétation]

9 R. -- mais ce n'était pas des documents publics auxquels j'ai eu accès à

10 Belgrade.

11 Q. Oui, je comprends bien que vous avez eu accès à d'autres éléments,

12 d'autres documents. Cependant il semble, n'hésitez pas à me corriger, si je

13 me trompe, il me semble que jamais vous vous êtes rendu sur des lieux où

14 ont été commises des actions incriminées, n'est-ce pas ?

15 R. Non.

16 Q. D'après ce que vous avez dit jusqu'à présent, vous n'avez jamais parlé

17 aux survivants des exactions mises en cause ?

18 R. Non.

19 Q. Vous nous avez beaucoup parlé de 1991, avant votre arrivée en 1989,

20 nous savons par le président Kucan de Slovénie que lors d'une réunion du

21 comité central du 30 janvier 1989, enfin, bref, ce monsieur a déposé ici et

22 déclaré que l'accusé avait déclaré qu'il faudrait changer un certain nombre

23 de choses qui ne pouvaient se faire par le biais des institutions parce que

24 les gens n'aiment pas cela et parce que cela prendrait trop de temps, mais

25 qu'il faudrait changer les choses de manière non institutionnelle. Ce qui

26 signifie que lors de cette réunion il a manifesté la volonté d'utiliser des

27 moyens non institutionnels pour arriver à ses fins. Est-ce que ce cadre

28 avec ce que vous savez et avec l'opinion que vous avez de cet homme ?

Page 48817

1 R. Ecoutez, je ne --

2 Q. [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, veuillez reformuler

4 cette question qui n'est pas des plus limpides.

5 M. NICE : [interprétation] Oui.

6 Q. Est-ce que selon vous il était prêt à agir en dehors du cadre de la

7 législation, en dehors du cadre des institutions lorsqu'il estimait que

8 cela était nécessaire ?

9 R. Vous parlez de qui ?

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il parle de

11 M. Milosevic.

12 M. NICE : [interprétation] Oui.

13 Q. -- M. Milosevic.

14 R. Je ne peux pas répondre. Je ne sais pas s'il était prêt à agir ainsi.

15 Q. Examinons un peu la chose.

16 M. NICE : [interprétation] Je signale aux Juges qu'il s'agit de la pièce

17 447, intercalaire 2.

18 Q. Vous avez connaissance des modifications apportées à la constitution en

19 89 au Kosovo, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Quel est, selon vous, le rôle joué par ceci dans l'évolution de la

22 situation ?

23 R. Je pense que c'est très important, tout comme pour la mort Tito et les

24 difficultés rencontrées, à ce moment-là, pour maintenir en place la

25 Fédération. La Serbie s'est trouvée également confrontée au fait que deux

26 de ses provinces la Vojvodine et le Kosovo avaient le droit de veto dans le

27 processus législatif, ce qui était très gênant.

28 Q. Interrompons-nous ici un instant. Voilà une constitution qui

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1 fonctionnait bien depuis une vingtaine d'année. Pourquoi est-ce que vous

2 répondez en répondant en faveur des intérêts serbes opposés aux intérêts de

3 ceux de la province de Vojvodine et du Kosovo qui depuis longtemps

4 s'étaient vues privées de leur droit constitutionnel ? Pourquoi est-ce que

5 vous optez pour le côté serbe, pour les intérêts des Serbes et pas pour les

6 autres ?

7 R. Parce que je suis ici pour représenter l'accusé, pas l'Accusation. Je

8 pense que c'est clair.

9 Q. Très intéressant cette réponse. Je suis ici pour vous poser des

10 questions au nom du bureau du Procureur, mais je suis surtout ici pour

11 établir la vérité. La question que je vous pose c'est pourquoi vous

12 répondez pour manifester votre faveur envers les intérêts des Serbes plutôt

13 que ceux de la Vojvodine et du Kosovo ?

14 R. Parce qu'il est très difficile de comprendre pourquoi on a enlevé son

15 autonomie à la Vojvodine et au Kosovo. Il y a beaucoup de confusion sur ce

16 point. Cela été fait pour permettre à la Serbie d'arriver à son objectif

17 commun avec les autres républiques. Il est clair que Tito a créé les

18 régions autonomes de la Vojvodine et du Kosovo pour faire en sorte et pour

19 s'assurer que la Serbie ne puisse prendre le dessus sur les autres

20 républiques vu sa puissance et vu le nombre d'habitants que la Serbie

21 comptaient.

22 Q. Quand est-ce que cela a eu pour conséquence si, aux termes de la

23 constitution, le Kosovo et la Vojvodine avaient eu les mêmes droits que les

24 républiques ? Pourquoi les priver de ses droits, de manière que vous, vous

25 estimez peut-être justifié, pourquoi ?

26 R. Je n'ai pas dit que c'était justifié. J'ai essayé de vous expliquer

27 pourquoi on les a privé de leur droit de veto.

28 Q. [aucune interprétation]

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1 R. Permettez-moi d'ajouter, que du temps de Tito et du temps où son parti

2 maintenait la cohésion de la Yougoslavie, la question des droits

3 particuliers ou de l'absence de certains droits n'avait pas l'importance

4 que cela a ensuite eu après sa mort, oui, les gens ont continué, ils ont

5 continué à disposer des mêmes droits, et cela a eu pour conséquence qu'ils

6 ont perdu leur droit de veto. Je ne pense pas que les habitants de

7 Vojvodine et du Kosovo aient perdu d'autres droits.

8 Q. [aucune interprétation]

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Bissett, pouvez-vous nous

10 citer une loi, des lois que la Serbie a essayé de faire voter ou des

11 actions qu'elle a essayé d'entreprendre et qui se sont vues opposer un

12 veto, ou pouvez-vous nous indiquer des événements qui indiquent que ce

13 droit de veto a été utilisé de manière irresponsable ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne peux pas répondre dans ce sens,

15 mais je pense que la Serbie a commencé à voir l'impression, comme cela

16 s'était passé -- à cause de ce qui se passait en Croatie et en Slovénie qui

17 indiquaient souhaitaient quitter la Fédération, les Serbes ont commencé à

18 se sentir impuissant au sein de leur propre Fédération à cause du droit de

19 veto de la Vojvodine, et surtout du Kosovo --

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] -- je n'ai pas d'exemple précis.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 M. NICE : [interprétation]

24 Q. Avez-vous suivi la procédure en l'espèce et les témoins qui nous ont

25 expliqué qu'on a vu des gens, des groupes de gens aller à Vojvodine, au

26 Kosovo et Monténégro pour aider à reverser les dirigeants de l'époque, les

27 dirigeants locaux ? Avez-vous eu connaissance de cela ?

28 R. Non.

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1 Q. Savez-vous que suite à la modification du statut du Kosovo dans la

2 constitution, le Kosovo a notamment été privé de son tribunal

3 constitutionnel et de son Académie des sciences ? Est-ce que cela vous le

4 savez ?

5 R. Je ne savais pas qu'ils avaient été privés de cela.

6 Q. Parce que, bien entendu, perdre son propre tribunal constitutionnel

7 c'est quelque chose de grave, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que vous savez qu'à l'époque il a été dit que les modifications

10 apportées au statut constitutionnel du Kosovo ont été le résultat du

11 recours à la force et d'un votre truqué ?

12 R. Je sais que ce sont des accusations qui en effet ont été portées.

13 Q. Bien entendu, on ne l'a jamais su parce que le tribunal, qui aurait pu

14 se prononcer sur la question, avait été annulé. On avait vu son existence

15 arrivée à son terme même si elle a pu se prononcer de manière

16 interlocutoire.

17 R. Je ne le savais pas.

18 Q. Parce que si vous aviez pu en apprendre un peu plus sur ces éléments --

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Nice est en train de donner des

22 contrevérités au témoin, lui pose des questions qui sont complètement

23 faussées. S'agissant des modifications apportées à la constitution, il lui

24 parle d'actes de violence, et cetera. Tout ceci est inventé de toutes

25 pièces. Vous avez entendu des témoins ici, vous avez les documents, les

26 notes sténographiques de ces réunions. On peut voir que les assemblées de

27 Vojvodine et du Kosovo sont intervenues dans ces modifications de la

28 constitution. Comment peut-il poser ce type de questions alors qu'il

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1 affirme des choses qui sont complètement fausses.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, sur quoi faites-vous

3 reposer vos questions ?

4 M. NICE : [interprétation] Je pose ces questions suite à des documents que

5 nous avons examinés et qui ont trait aux modifications de la constitution.

6 D'autre part, nous avons examiné des documents qui montrent que les

7 constatations à cette modification de la constitution fait l'objet d'un

8 jugement interlocutoire, mais que cela n'a pas pu arriver à son terme parce

9 que le tribunal constitutionnel a été aboli. Il y a aussi les éléments

10 suivants, c'est-à-dire, on sait qu'il y avait des chars qui sont arrivés

11 autour du bâtiment et qui venaient de Rugova, qui sont arrivés au moment du

12 vote. Il y a d'autres -- il y a tout ce qui s'est passé à Merovci, puis les

13 rumeurs que le témoin connaît très bien.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vois pas en quoi cette

15 question est inacceptable. La Chambre, au bout du compte, se prononcera et

16 décidera quel point de vue adopté sur toutes ces questions.

17 M. NICE : [interprétation]

18 Q. Poursuivons. Parlons de la fin des années 1990. Ante Markovic était

19 premier ministre. Le connaissiez-vous ?

20 R. Oui.

21 Q. L'avez-vous rencontré à plusieurs reprises ?

22 R. Non, pas souvent.

23 Q. C'est un homme résolument tourné vers l'occident, n'est-ce pas, un

24 démocrate ?

25 R. Oui.

26 Q. Il avait réussi à maîtriser l'inflation et il avait mis en place des

27 réformes économiques, que si elles avaient pu être appliquées auraient pu

28 permettre à la Yougoslavie de traverser sa crise sans dommage.

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1 R. Les points de vue sont divergents sur la question. Beaucoup ont estimé

2 que les réformes économiques qu'il a mises en place n'ont fait que jeter de

3 l'huile sur le feu et mécontenter encore plus l'opinion publique à cause de

4 l'inflation. Certains ont pensé que ces mesures étaient trop strictes et

5 qu'on les a mises en place beaucoup trop rapidement, vu la situation, vu

6 cette période de transition entre une économie socialiste et une économie

7 de marché.

8 Q. Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui adoptaient le point de vue

9 opposé ?

10 R. Oui.

11 Q. Voyez-vous, M. Markovic nous a dit qu'on lui avait déclaré, quant à

12 lui, que l'accusé avait dit qu'il ne fallait pas que ce programme

13 économique soit mis en œuvre, parce qu'à ce moment-là, on aurait du mal à

14 s'en débarrasser. Vous vous êtes entretenu avec l'accusé, vous-même --

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Que veulent dire ces questions ? Markovic lui a

18 dit que quelqu'un lui avait dit que l'accusé avait dit. Je lui ai dit qu'il

19 m'a dit, qu'il a dit et que j'ai dit, et cetera. Maintenant, on pose la

20 question à l'ambassadeur --

21 à M. l'ambassadeur sur ce que Markovic a dit qu'on lui avait dit sur ce que

22 moi-même j'avais dit. Non, mais c'est n'importe quoi.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez formuler cette question,

24 Monsieur Nice, de manière plus compréhensible.

25 M. NICE : [interprétation] Je vais la reformuler ou la

26 déformuler, si vous le voulez.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il n'a pas --

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Il convient de nous présenter

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1 une question intelligible.

2 M. NICE : [interprétation]

3 Q. M. Markovic nous a dit que l'on disait que l'accusé ne voulait pas que

4 les réformes économiques de Markovic soient appliquées, parce que sinon, il

5 serait difficile de se défaire de Markovic. La question que j'ai à vous

6 poser, c'est de savoir si l'accusé, quand il vous a parlé, a manifesté ce

7 type de sentiment envers Markovic. Est-ce qu'il a dit qu'il ne voulait pas

8 de Markovic, et si c'est le cas, est-ce qu'il vous a expliqué pourquoi ?

9 R. Non. Je ne me souviens pas lui avoir exprimé de tels propos, dire qu'il

10 ne voulait pas de Markovic, mais je sais qu'il a manifesté son opposition

11 aux réformes de Markovic.

12 Q. A l'époque, cela ne fait aucun doute, l'accusé était encore un

13 communiste bon teint, n'est-ce pas ?

14 R. Je ne sais pas si c'était un communiste bon teint, mais je ne sais pas

15 si je l'ai moi-même décrit de cette manière. Il faut savoir que tous ces

16 dirigeants, c'étaient des anciens communistes qui n'étaient pas habitués à

17 la manière dont on fonctionne à l'ouest. Justement, c'était cela le

18 problème.

19 Q. Savez-vous que suite au 14e Congrès du Parti communiste en janvier

20 1990, le Parti communiste a travaillé avec un quorum qui était

21 considérablement réduit; le savez-vous ?

22 R. Quel Parti communiste ?

23 Q. Le Parti communiste de l'ex-Yougoslavie, avec le retrait de la Slovénie

24 et de la Croatie.

25 R. Oui, je crois, qu'à ce moment-là, on peut dire que la Ligue des

26 Communistes a expiré. Enfin, cela a été démantelé.

27 Q. Est-ce que --

28 R. Elle s'est dissoute.

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1 Q. Est-ce que vous vous souvenez du fait, qu'avec la démocratisation de la

2 Slovénie et de la Croatie, les élections multipartites ont eu lieu d'abord

3 en Slovénie et en Croatie, et c'est en Serbie qu'elles se sont déroulées le

4 plus tard ?

5 R. Je ne le savais pas.

6 Q. Saviez-vous que - parce que là, je suis en train de vous parler de

7 l'époque où vous étiez sur place, et cela se rapporte avec ce que nous a

8 dit Ante Markovic quand il est venu déposer. - Saviez-vous que l'on s'est

9 emparé des réserves fédérales de la Banque de Serbie, et que cet argent a

10 dû être ensuite remboursé, n'est-ce pas ?

11 R. Je m'en souviens.

12 Q. Quand j'ai dit précédemment que l'accusé était prêt à agir de manière

13 anticonstitutionnelle ou contraire aux institutions, est-ce qu'on peut dire

14 que c'est le genre d'actions qu'il était prêt à entreprendre pour arriver à

15 ses fins ?

16 R. J'ignore dans quelles circonstances les réserves ont disparu ou qu'on

17 s'en est emparé. Peut-être M. Milosevic pourrait-il nous donner des

18 explications, je ne peux pas le faire.

19 Q. J'aimerais avoir vos lumières sur la chose suivante avant de passer à

20 autre chose. M. Markovic, en effet, lorsqu'il est venu, nous a dit que

21 c'est après la crise du Kosovo, à la fin 1989 et au début de l'année 1990,

22 c'est après cela que l'accusé a souhaité envoyer l'armée au Kosovo, que la

23 Slovénie s'y est opposée lors du vote et que c'est à ce moment-là que les

24 choses ont commencé à s'aggraver. Est-ce que vous reconnaissez que la

25 Slovénie a refusé de permettre à l'accusé d'envoyer l'armée au Kosovo --

26 dans l'intérêt du Kosovo ?

27 R. Je n'en n'étais pas -- je ne le savais pas.

28 Q. Nous allons nous pencher sur la notion de modèles de Confédération plus

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1 tard. Vous avez dit - je parle sous votre contrôle - vous avez dit que les

2 institutions fédérales ne pouvaient travailler correctement, parce que la

3 Slovénie et la Croatie s'étaient proclamées indépendantes ou qu'elles

4 allaient vers l'indépendance. Est-ce que c'est ce que vous avez déclaré ?

5 R. Je ne pense pas. Je ne pense pas que l'autorité fédérale --

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Nice demande à

9 M. l'ambassadeur s'il savait que j'avais envoyé une sorte d'armée au

10 Kosovo. J'ai besoin de savoir cela pour mes questions supplémentaires. Je

11 voudrais bien qu'on me dise quel type d'armée je suis censé avoir envoyé au

12 Kosovo. M. Bissett n'a jamais entendu parler de cela. Moi non plus,

13 d'ailleurs. J'aimerais bien qu'on me dise quelle armée je suis censé avoir

14 envoyé au Kosovo, quel type d'armée aurais-je pu avoir envoyé au Kosovo ?

15 Parce que j'imagine que c'était quand même l'époque de Markovic, non ?

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vais pas exiger de M. Nice

17 qu'il réponde, mais s'il le souhaite, il peut le faire.

18 M. NICE : [interprétation] J'y reviendrai de manière plus circonstanciée

19 plus tard. Il a déjà été prouvé, ou des éléments de preuve nous ont été

20 présentés selon lesquels l'accusé souhaitait avoir des pouvoirs spéciaux

21 s'agissant du Kosovo, et qu'il s'y est vu opposer la volonté croate et

22 Slovène. Kucan, en particulier, s'y est opposé. Ce que je dis ressort de ce

23 qu'il a lui-même déclaré dans le cadre du procès.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, Monsieur Nice.

25 [La Chambre de première instance se concerte]

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, veuillez nous

27 communiquer les pages du compte rendu d'audience de la déposition

28 concernée.

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1 M. NICE : [interprétation] Je vais trouver cela. Je dispose des autres

2 références. Si je n'ai pas cette référence-là, je m'efforcerai de la

3 trouver et j'y reviendrai plus tard peut-être. Je vous donnerai cette

4 référence dans un instant. Je pense que cette page T30878 ou dans ces eaux-

5 là.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien --

7 M. NICE : [interprétation] Je vais essayer d'être plus précis.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, parce que moi, cela me serait

9 extrêmement utile -- cela pourrait permettre à l'accusé de se préparer à

10 ses questions supplémentaires.

11 M. NICE : [interprétation] Je trouverai les autres références également.

12 M. KAY : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous donner les dates, ce qui

13 permet de trouver les passages concernés plus facilement ?

14 M. NICE : [interprétation] Malheureusement, non. Je vais trouver tout cela,

15 ne vous inquiétez pas.

16 Q. Parlons maintenant des institutions fédérales et de ce que vous nous

17 avez dit à ce sujet. Mesic nous a notamment dit que c'est l'accusé qui a

18 mis en place les conditions propres à la désintégration, parce que Mesic

19 n'a plus accès à ces -- n'a plus la possibilité d'exercer les fonctions de

20 président de la RSFY.

21 Pages 31 307 à 31 314 du compte rendu d'audience de sa déposition.

22 Vous étiez présent à Belgrade à ce moment-là. Vous étiez très attentif à ce

23 qui se passait. N'est-il pas exact, d'après ce que vous avez entendu au

24 sein de la communauté diplomatique, que Mesic n'était pas en mesure de

25 remplir ses fonctions même après son élection ?

26 R. Oui, en effet. La Serbie était très préoccupée de voir Mesic devenir

27 président à une époque où sa propre république essayait de faire sécession

28 de la Fédération. Tout cela, cette évolution de la situation, paraissait

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1 quelque peu ironique, mais c'était la manière dont la constitution

2 fonctionnait, était organisée. Je sais que certains s'opposaient à ce qu'il

3 rentre en fonction, et je pense que sa crédibilité en tant que président

4 était très compromise. Ceci est indéniable.

5 Q. Veuillez, s'il vous plaît, réponde à ma question. Il est exact, n'est-

6 ce pas, que suite à ces éléments que vous venez d'identifier, il devenait

7 très dangereux pour lui, très difficile de remplir ces fonctions ?

8 R. Je ne peux pas dire que j'ai connaissance du fait qu'on l'ait empêché

9 d'assister à des réunions, que cela aurait été périlleux pour lui.

10 Q. Passons maintenant à un point plus précis et de manière plus détaillée

11 à un sujet que vous avez adopté au moyen du document qui figure à

12 l'intercalaire numéro 1 des pièces fournies par l'accusé, un câble qui date

13 de septembre 1991. Avant de nous pencher sur le document lui-même - ce

14 n'est pas nécessaire. Une question : les propositions de La Haye, les

15 propositions de Carrington allaient dans le sens d'un système confédéral,

16 n'est-ce pas, d'une Confédération ?

17 R. Excusez-moi, je ne me souviens pas de la nature de ces propositions.

18 Q. Je ne veux pas vous faire perdre votre temps ni le nôtre. Donc,

19 résumons. Vous ne vous souvenez pas des propositions de Carrington, des

20 propositions Vance, du plan Vance-Owen, du plan Cutileiro ?

21 R. Si. Le plan Vance-Owen ou les propositions faites dans le cadre de ces

22 négociations avaient pour objectif d'obtenir un cessez-le-feu, de faire

23 cesser les combats et de permettre de résoudre le conflit. Mais je ne me

24 souviens pas s'il s'agissait d'un projet qui avait une teneur fédérale ou

25 confédérale.

26 Q. Bien --

27 R. A dire vrai, je ne sais pas vraiment si je pourrais vous dire la

28 différence.

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1 Q. Vous venez quand même du Canada. Quelle est la nature de votre

2 constitution ?

3 R. Nous pensons vivre dans une Confédération. En fait, je pense que nous

4 fonctionnons comme une Fédération.

5 Q. Monsieur Bissett, s'il y a bien le ressortissant d'un pays que l'on

6 peut interroger sur ce point, c'est vraiment quelqu'un qui vient de votre

7 pays, un Canadien. Mais bon, passons à autre chose. Voyons si vous pouvez

8 nous aider à comprendre la chose suivante : de 1991 jusqu'à la Conférence

9 de La Haye, est-ce que si on avait adopté un système de Confédération,

10 quelque chose de plus souple qu'une Fédération, est-ce que cela aurait

11 peut-être permis de résoudre la question yougoslave ?

12 R. Oui. Je crois que ce concept, cette idée d'un système fédéral plus

13 souple, moins rigide, c'est quelque chose qui a souvent été mis sur le

14 tapis.

15 Q. Est-ce que selon vous l'accusé a tout le temps été favorable ?

16 R. Je ne crois qu'il était favorable à cette option, mais il se peut que

17 je me trompe.

18 Q. Est-ce que, selon vous, est-ce que vous avez des éléments indiquant

19 qu'à tout moment il s'est opposé au départ de la Slovénie et de la

20 Croatie ?

21 R. Il faudrait que j'apporte une petite nuance à cela. Il est indéniable

22 qu'il cherchait à maintenir la cohésion de la Yougoslavie. Il était, bien

23 entendu, contrarié pour le départ de la Slovénie. Il pense avoir été mis

24 devant un fait accompli. Mais je pense, et j'ai dit que c'était quelque

25 chose d'extrêmement important pour lui comme tout président de la Serbie.

26 Il était très préoccupé par la situation des minorités serbes en Croatie.

27 Il pensait nécessaire de protéger ces minorités.

28 Q. Comment vous a-t-il fait savoir pour la première fois qu'il était

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1 d'accord pour que la Slovénie se sépare de la Yougoslavie ?

2 R. Il ne l'a jamais dit.

3 Q. Comment l'avez-vous déduit ?

4 R. Je l'ai déduit du fait que quand la Slovénie est partie, quand on a

5 fait revenir l'armée de ce territoire, tout le monde a bien compris que la

6 Slovénie suivrait son propre chemin. Etant donné qu'il n'y avait pas de

7 questions de minorité qui se posaient en Slovénie, cela ne devait pas

8 entraîner beaucoup de difficultés.

9 Q. Les hommes politiques ont l'habitude parfois de dire une chose en

10 public alors qu'ils pensent quelque chose de complètement différent, n'est-

11 ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. S'agissant des diplomates, lorsque les hommes politiques s'adressent

14 aux diplomates, c'est pratiquement comme s'ils s'adressaient à l'opinion,

15 puisque l'homme politique ne peut pas savoir quelle sera la destination

16 finale de l'information.

17 R. Oui, je suppose que c'est exact.

18 Q. Examinons un paragraphe de l'intercalaire 1 qui n'a pas encore été

19 examiné. Je pense que c'est l'intercalaire 17, page 8. Il s'agit du mois de

20 septembre. C'est le paragraphe 17, page 8.

21 Est-ce que Monsieur Nort, vous pourriez placer ceci sur le

22 rétroprojecteur pour qu'on puisse le voir ?

23 Vous dites : "Il a esquissé sa propre vision de ce à quoi devrait

24 ressembler l'accord futur, une union fédérée de la Serbie, du Monténégro,

25 la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, avec une sorte d'association avec les

26 Régions autonomes serbes de Croatie, liée de manière souple aux Etats

27 souverains de Slovénie et de Croatie pour des questions d'échange," et

28 cetera.

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1 Est-ce que ceci ressemble à un plan confédéral ?

2 R. Oui.

3 Q. J'ai droit de dire, que vous ne le saviez pas et les Juges devront se

4 déterminer là-dessus par la suite, mais si je ne me trompe pas, ceci a été

5 rejeté en tant que proposition à la Conférence de La Haye, donc, c'est le

6 plan confédéral qui a été rejeté. L'accusé a annoncé un système confédéral

7 en disant que c'était l'option qu'il préférait, mais, en octobre, il l'a

8 rejeté. Premièrement, est-ce qu'il vous l'a jamais expliqué quelles ont été

9 les raisons pour lesquelles il l'a rejetée ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce qu'il a jamais expliqué par écrit pourquoi il l'a rejeté ?

12 R. Non.

13 Q. Est-ce que vous avez suivi ce procès sur les plans qui concerne donc

14 son rejet ?

15 R. Non.

16 Q. Revenons maintenant au mois de juin. Nous avons la transcription d'un

17 extrait vidé, il s'agit de la pièce 447, intercalaire 6, c'est le mois de

18 juin, le 25 juin 1990, il s'agit d'un discours qui a été prononcé au

19 parlement par l'accusé ici présent et par l'un des témoins qui a comparu

20 ici, le président Kucan, la page de la transcription 20 8883.

21 Vous voyez, il y est dit : "S'il devait y avoir une réorganisation de

22 l'Etat yougoslave, c'est-à-dire, si la Yougoslavie devait devenir une

23 Confédération, ceci reposerait toutes les questions constitutionnelles. Une

24 Confédération n'est pas un Etat. Il s'agit d'une union d'Etats

25 indépendants; par conséquence, une Confédération ne serait pas quelque

26 chose de réel, même si tous les protagonistes politiques yougoslaves

27 l'acceptaient, d'après le tracé actuel des frontières administratives entre

28 les républiques. Dans ce cas, à savoir, si la Yougoslavie fédérale était

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1 rejetée, la question des frontières de la Serbie se reposeraient, cela

2 deviendrait une question politique."

3 Ce que je vous soumets c'est qu'à l'époque l'accusé faisait une distinction

4 entre la Fédération et la Confédération dans les termes suivants, il disait

5 dans le cas d'une figure d'une Confédération, la question des frontières

6 serbes sera posée. Est-ce qu'il l'a dit clairement ?

7 R. N'oui [phon].

8 Q. Bien entendu, vous ne vous êtes jamais posé cette question-là ?

9 R. Non, je n'ai jamais vu cela avant.

10 Q. Non.

11 R. [aucune interprétation]

12 Q. Je vais maintenant attirer votre attention sur quelque chose qu'a dit

13 Milan Kucan, référence 20 890, 91, 93, et 20 923. Il s'agit d'une réunion

14 de la présidence en janvier 1991, les pouvoirs, les représentants des

15 autorités des différentes républiques sont présents, la Yougoslavie et la

16 Croatie font savoir qu'ils sont favorables à une Confédération des Etats,

17 et qui sont tout à fait prêt à accepter une idée de Confédération, mais que

18 l'accusé s'y est opposé, à ce moment-là.

19 Est-ce que vous saviez que la Slovénie et la Croatie étaient favorables à

20 la Confédération et que cet accusé s'y est opposé à ce genre de réunion ?

21 R. Non, je n'étais pas au courant de cela.

22 Q. Je vous remercie. Nous avons entendu l'accusé dire que tout plan de

23 diviser les Serbes, de les répartir dans les différents Etats ne serait pas

24 accepté. Est-ce qu'il vous en jamais parlez en ces termes clairement ?

25 R. Non, pas directement, même si sa position a toujours été claire, à

26 savoir que les Serbes de Bosnie et les Serbes de Croatie devaient

27 bénéficier d'une protection, mais ce n'est pas dans ce contexte-ci qui

28 l'est dit.

Page 48833

1 Q. J'ai un autre élément qui a été présenté en tant que pièce ici ou

2 élément de témoignage et je voudrais que vous en parliez. Nous avons ici

3 Milan Babic qui s'exprime, pages du compte rendu d'audience, 13 013, 12,

4 19, 13 802 jusqu'à 805, mais il explique que cet accusé a dit que tous les

5 Serbes avaient le droit de rester dans un seul et même Etat et que, vers

6 les mois d'avril ou mai, lorsqu'il a parlé ou discuté de la proposition

7 slovène et croate visant une Confédération, qu'il a dit que cela ne gênait

8 pas qu'ils quittent la Yougoslavie à condition que les Serbes aient la

9 possibilité de rester dans un seul Etat.

10 Est-ce qu'il vous a parlé clairement dans ces termes de cette

11 manière-là lors de l'une ou l'autre de vos réunions qu'en réalité ce qui ne

12 le gênait pas du tout c'était que la Slovénie et la Croatie quittent l'ex-

13 Yougoslavie ?

14 R. Non.

15 Q. Je voudrais qu'on examine la pièce 613, intercalaire 34. Je ne pense

16 pas, un instant, s'il vous plaît.

17 [Le conseil de l'Accusation instance se concerte]

18 M. NICE : [interprétation]

19 Q. Ecoutez ce petit contretemps technique. C'est une erreur de ma

20 part. Il s'agit de l'intercalaire 9 de la pièce 613, s'il vous plaît.

21 Vous n'avez jamais vous-même pu -- vous n'avez jamais pu entendre ou

22 voir les transcriptions des conversations téléphoniques interceptées et je

23 m'attendrais pas à ce que vous ayez eu cette possibilité à moins que vous

24 ayez recherché cela, en particulier, et que vous l'ayez entendu pendant le

25 procès. Il s'agit d'une conversation par téléphone interceptée, en date du

26 17 juin 1991, et je vous invite à examiner la page 2. Nous avons un

27 exemplaire. Il s'agit d'une conversation entre l'accusé et Karadzic. Le

28 passage qui nous intéresse est le suivant :

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1 "Karadzic : Koljevic, comment va-t-il ? Je n'ai pas eu l'occasion de lui

2 parler. Pas très satisfait que nous allions à Banja Luka.

3 Je suppose qu'il y a des informations du chef du Grand état-major qui

4 ne laisseront pas la Croatie et la Slovénie le faire.

5 L'accusé : Pourquoi je prépare cet amendement de leur donner la

6 possibilité de le faire.

7 Karadzic : Ceci serait présenté lors de la session de l'assemblée."

8 Q. C'est exact. Plus loin, il est dit : "S'il s'échappe, s'il ne s'échappe

9 pas, ils vont sortir de toute façon et s'ils évitent cette déclaration,

10 bien, il n'a pas un Etat."

11 Intercalaire 15, pièce 613. Nous parlons de la date du

12 1er juillet 1991, et c'est en bas de la première page.

13 M. NICE : [interprétation] Bien entendu, il appartient à la Chambre de

14 trancher en dernière instance.

15 Q. Il est dit la chose suivante :

16 "L'accusé dit la chose suivante : Ils n'ont rien de plus à faire à présent

17 la balle est dans notre camp. Il est temps pour vous de vous mettre en

18 branle. Gligorov et cet homme peuvent faire tout ce qu'ils veulent, ils ne

19 vont pas… c'est clair. Nous ne pouvons pas en débattre en détail,

20 maintenant qu'ils vont se séparer.

21 C'est clair.

22 C'est clair, et il faudrait leur donner la possibilité de se séparer.

23 Oui.

24 Puis, la page suivante : [aucune interprétation]

25 Karadzic : Oui.

26 Rien de plus.

27 Karadzic : O.k. Ils ne peuvent pas attendre cet homme davantage que

28 cela parce qu'ils sont pressés, n'est-ce pas ?

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1 L'accusé : Mais qui attendent-ils ?

2 Le premier attendu, c'est notre homme.

3 Karadzic : Bosnie.

4 L'accusé : Bien, il faut qu'ils l'attendent, non. Au sujet de la

5 Slovénie, je les laisserais partir immédiatement.

6 Oui.

7 Laissez-les partir immédiatement et les autres par la suite -- à

8 partir du moment où ils auront réglé les questions de frontières avec nous.

9 Je ne peux pas laisser votre homme parce que votre homme

10 --"

11 L'INTERPRÈTE : Inaudible pour l'interprète.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. Dans tous les échanges que vous avez pu avoir avec l'accusé au milieu

14 de l'année 1991, est-ce qu'il ne vous a jamais dit, est-ce qu'il ne vous a

15 jamais révélé qu'en fait il se félicitait de la désintégration à condition

16 que ceci corresponde à ses visions ou à ses intérêts ?

17 R. Non.

18 Q. S'agissant de ces éléments que je viens de vous soumettre, bien

19 entendu, il appartient à la Chambre de -- se déterminer là-dessus, mais

20 est-ce que ceci ne change pas votre point de vue ?

21 R. Non, pas nécessairement. Je pense que cela dépend de ce qu'il entendait

22 par Yougoslavie à ce moment-là. Je pense que lorsqu'il me parlait, bien, on

23 estimait que la séparation de la Slovénie et de la Croatie était quelque

24 chose de fait. Certainement, il n'avait pas d'objection contre la

25 séparation de la Macédoine. Je pense que ce qui le préoccupait avant tout

26 c'était de préserver le Monténégro et la Serbie ensemble.

27 Q. Il nous faudrait revenir à l'intercalaire 1 des pièces de l'accusé. Le

28 paragraphe que nous avons déjà examiné. Vous avez dit que vous étiez

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1 d'accord avec moi pour accepter que cet accusé vous ait fait savoir qu'il

2 favorisait -- qu'il privilégiait un système confédéral ?

3 R. Oui.

4 Q. Une Confédération souple. Voyez-vous, Monsieur Bissett, il est possible

5 que les hommes politiques ne dévoilent pas toujours leurs véritables

6 intentions ?

7 R. Oui, c'est possible.

8 Q. Je vous remercie.

9 Il est possible que vous ayez été berné ?

10 R. Oui, c'est possible.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, est-ce que vous pouvez

12 m'expliquer quelle est la différence entre ces communications et le

13 paragraphe 17 ?

14 M. NICE : [interprétation] Ces communications ne le montrent clairement et

15 la Chambre a déjà entendu beaucoup d'éléments là-dessus, à savoir que

16 l'accusé était prêt à ce que la Slovénie et la Croatie partent dans ces

17 conditions-là, ou d'après ces -- ou si ces conditions-là étaient

18 satisfaites.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas ce que dit le paragraphe

20 17, Monsieur Nice ?

21 M. NICE : [interprétation] Non, le paragraphe 17 dit que s'il réjouit à

22 l'avance de la mise sur pied d'un système confédéral.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais je pensais que c'était le 17.

24 M. NICE : [interprétation] Il est dit une -- que sa propre vision -- qu'il

25 a précisé quelle était sa propre vision, à savoir qu'il devrait y avoir une

26 union fédérée entre la Serbie et le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine et

27 la Macédoine.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais on dirait que la Slovénie et la

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1 Croatie seraient des Etats indépendants, un peu comme en Union européenne,

2 pour une question des échanges. Je ne vois pas quelle est la différence

3 entre ceci et la communication.

4 M. NICE : [interprétation]

5 Q. Est-ce qu'on peut parler maintenant de la Conférence de La Haye, du

6 plan Carrington et de voir si vous étiez au courant des mesures qui ont été

7 prises, ou s'il y en a eu. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres documents

8 que je souhaiterais examiner.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, il faudra faire une

10 suspension de 20 minutes.

11 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.

12 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

14 L'INTERPRÈTE : Le microphone, s'il vous plaît.

15 M. NICE : [interprétation] On va distribuer ce document.

16 Q. Est-ce que vous vous souvenez d'un homme du nom de Bob Djurdjevic. Je

17 pense que c'était un homme d'affaire serbe aisé et il a pu avoir des

18 contacts avec de nombreuses personnes y compris, vous-même. Il a eu des

19 échanges avec ces individus au sujet de la situation à l'époque. Mme Tromp

20 me dit que c'est peut-être Djuretic, le nom de famille. Ici, c'est noté

21 comme Djurdjevic. Donc, c'est quelqu'un que vous avez rencontré,

22 probablement, les 21, 22, 23 septembre et cet homme a pris note de la

23 conversation qu'il a eue avec vous. Est-ce que vous vous souvenez l'avoir

24 vu et ceci fait partie de son journal qui s'étend sur 800 pages ?

25 R. Oui, je me souviens vaguement de cet entretien.

26 Q. Je ne vais utiliser beaucoup de temps pour en parler. Mais, il donne

27 quelques détails personnels sur vous. Il mentionne Winnipeg. Vous avez

28 conseillé : "Sur la censure des médias, la liberté de la presse, et cetera"

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1 - puis, vous avez dit à un moment, en fait - "il

2 dit que vous aurez déclaré quelque chose au sujet de la télévision de

3 Belgrade et Budapest, des corps qui auraient été vus à télévision." Vous

4 souvenez-vous de cela ?

5 R. Je ne me souviens pas avoir dit cela.

6 Q. Mais la page suivante, il reprend certaines choses que vous auriez

7 dites au sujet de Tudjman et les minorités qu'il aurait dû reconnaître le

8 génocide et à porter des assurance aux Serbes. Vous dites que ce n'est pas

9 étonnant qu'il y ait eu une éruption de violences dans la Krajina.

10 Puis, le paragraphe suivant, vous dites : "Il avait peur surtout qu'il y a

11 une escalade de la violence et que les actes de violences se sont aggravés

12 à Bosnie." Milosevic aurait dit : "Qu'il n'était pas nécessairement

13 favorable à l'annexion des régions serbes de Croatie, que peut-être, ce

14 serait bon pour une partie de la Slavonie" ou plutôt, il aurait dit : "Que

15 pour une partie de la Slavonie et la Krajina, ce serait bien d'avoir un

16 statut d'autonomie."

17 Donc, est-ce que, d'après vous, ce serait une note qui reprend exactement

18 ces propos ? Est-ce que seule une partie de la Slavonie devait faire

19 l'objet de l'annexion ? Est-ce qu'il aurait dit quelque chose dans ce

20 sens ? Est-ce que vous vous souvenez de cela, que Milosevic a dit cela, à

21 vous ?

22 R. Non, jamais. Jamais, il ne m'a jamais dit ce genre de chose.

23 Q. Parce que ceci signifierait qu'il y a une distinction entre les plans

24 qu'il avait à l'époque pour la Croatie, à savoir, pour différentes régions

25 de la Croatie.

26 R. Non.

27 Q. Le reste de ce texte que vous avez pu voir, est-ce que cela vous semble

28 exact ?

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1 R. Non, pas nécessairement. Je ne peux pas.

2 Q. Bon, très bien. Je voulais juste vous le soumette pour que vous

3 puissiez nous parler de la véracité de ce texte.

4 R. Mais cet homme a également sa page Web.

5 Q. Est-ce vrai ?

6 R. Oui.

7 R. [aucune interprétation]

8 Q. [aucune interprétation]

9 R. Dans de nombreux domaines, il n'est pas très crédible. Enfin, ce qu'il

10 dit sur sa page Web. Donc, j'ai bien peur qu'il en soit ainsi ici,

11 également.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le témoin est en train de dire, me

13 semble-t-il, Monsieur Nice que ceci ne serait pas exact. C'est plutôt cela

14 qu'il est en train de dire et non pas qu'il n'est pas en mesure d'en

15 témoigner.

16 M. NICE : [interprétation] Très bien. Je voulais simplement lui donner

17 l'occasion d'en parler.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] je dois dire clairement que je n'ai jamais eu

19 de conversations avec le président Milosevic dans laquelle il aurait fait

20 ce genre de remarque.

21 M. NICE : [interprétation]

22 Q. Très bien. Alors, maintenant, la fin de l'année 1991, la Conférence de

23 La Haye, le processus qui se déroule à La Haye, vous avez dit que vous ne

24 vous souveniez nullement la nature de l'accord au-delà de ce que nous avons

25 déjà évoqué. Toutefois, je ne pense pas que vous ayez lu le livre de

26 Bulatovic ?

27 R. Non. Je ne l'ai pas lu.

28 Q. Je pense qu'il viendrait déposer ici. Mais il a écrit un livre et il

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1 dit dans son livre : "Alors qu'on allait accepter les propositions de La

2 Haye, il a reçu un message pendant une interruption que l'accusé lui

3 faisait qu'il ne devait pas accepter la proposition, que Bulatovic n'a pas

4 eu la possibilité de convaincre son propre parlement de changer d'avis

5 parce qu'ils étaient en train de discuter de sa ratification. Donc,

6 quoiqu'il en soit, il a décidé de voter contre la volonté de l'accusé."

7 Donc, est-ce que vous avez appris de la part de l'accusé ou de qui que ce

8 soit d'autres de l'ex-Yougoslavie, à l'époque, qu'en acceptant l'accord de

9 La Haye, Bulatovic agissait contre la volonté de l'accusé ?

10 R. Non. Je ne le savais pas.

11 Q. Aux pages 85 et 86 de son livre, il est question du rejet de la part

12 des militaires du plan parce que la proposition confédérale mettrait fin à

13 la RSFY et mettrait fin à la JNA. La JNA, en fait, était considérée comme

14 une septième république, n'est-ce pas, de la RSFY ?

15 R. Oui.

16 Q. Qu'il n'ait pas de droits de vote, de droits politiques, en fait, il

17 constituait un groupe d'intérêt très important. Bulatovic explique que

18 l'armée l'a fait savoir très clairement. C'est ce qu'il dit dans son livre

19 que, si nécessaire, la JNA s'opposerait aux dirigeants civils qui -- ceux

20 qui violeraient la constitution. Qui violerait la constitution en acceptant

21 la proposition de La Haye ? Au fond, ce qui s'est passé, c'est que l'armée

22 a annoncé qu'elle a fait un coup d'Etat. C'est cela qui a forcé l'accusé à

23 voter contre les propositions de La Haye. Donc, est-ce que vous en avez

24 entendu parler ?

25 R. Non. Je ne le savais pas. Je dois dire qu'il y a eu des rumeurs qui ont

26 couru pendant toute cette période disant que l'armée allait peut-être

27 monter un coup d'Etat parce que c'était une des institutions principales de

28 la Fédération yougoslave et elle perdrait beaucoup s'il y avait

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1 l'effondrement de la Yougoslavie. Donc, il y avait toujours plein de

2 rumeurs qui couraient, qu'un jour ou l'autre, la JNA allait faire un coup

3 d'Etat, mais je n'étais pas précisément au courant de cela.

4 Q. [aucune interprétation]

5 R. [aucune interprétation]

6 Q. Donc, je ne vais pas insister sur ceci. Mais revenons maintenant,

7 brièvement au mois de mars 1991. Vous en avez déjà parlé un petit peu. Avec

8 le retrait de Jovic de la présidence, avec le discours prononcé par

9 l'accusé à la télévision. Nous en avons déjà parlé. Donc, encore une fois,

10 si vous examinez le livre de Jovic. Il est venu déposer ici. Est-ce que

11 vous l'avez lu ?

12 R. Non.

13 Q. Avez-vous suivi sa déposition ici ?

14 R. Non.

15 Q. Donc, à la lumière de votre dernière réponse, j'aimerais que vous

16 réagissiez. Il dit, tout d'abord donc, pour ce qui est du début du mois de

17 mars 1991, je pense que vous avez, vous-même, parlé des manifestations qui

18 a eu lieu. Vous vous en souvenez ?

19 R. Oui.

20 Q. Donc, que ces manifestations se sont amorcées de manière pacifique par

21 des gens qui étaient acquis à cause du manque de liberté de la presse,

22 n'est-ce pas ?

23 R. C'était un des --

24 Q. Oui.

25 R. C'était une des raisons, oui.

26 Q. C'étaient des manifestations pacifiques qui ne justifiaient pas qu'on

27 déclare l'Etat d'urgence et qu'on ait recours aux chars, que l'on voit des

28 chars ?

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1 R. Je ne pourrais pas être d'accord avec cela.

2 Q. C'est devenu quelque chose de violent. Cela a dégénéré ?

3 R. C'était une manifestation très violente.

4 Q. Et --

5 R. J'en ai été témoin moi-même.

6 Q. Comment est-ce que cela s'est transformé de manifestations pacifiques

7 en quelque chose de violent ? Est-ce que vous pouvez nous en parler ?

8 R. Non. Je dois dire que la foule était très violente, qu'elle brisait des

9 vitres --

10 Q. Elle est devenue très violente ?

11 R. Quand je l'ai vue, elle était --

12 Q. Oui ?

13 R. Ils avaient des bâtons et ils avaient des pieux et il n'y a aucun doute

14 qu'ils avaient l'intention de causer des problèmes.

15 Q. Mais, initialement, ils étaient pacifiques ?

16 R. Non.

17 Q. Réellement ?

18 R. Non.

19 Q. Puis, des chars ont été envoyés dans les rues -- et dans le passage

20 suivant, il est question de la semaine qui se situe après la démission de

21 Jovic de la présidence et il explique qu'il y avait un plan, qu'il y allait

22 y avoir un coup d'état militaire s'ils se retiraient de son poste de

23 président et que l'armée prendrait le pouvoir. Mais ce qui s'est passé

24 c'est que l'armée n'a pas eu le courage ou n'a pas apprécié ce qui s'est

25 produit. Finalement, il n'y a pas eu de coup. Est-ce que vous vous souvenez

26 que cela a été dit clairement à l'époque ?

27 R. Non.

28 Q. Mais à la lumière de ce qui a été dit au sujet des intérêts de l'armée

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1 et les possibilités de coup, ce n'est pas -- cela ne manque pas de

2 réalisme, n'est-ce pas ?

3 R. Non, ce ne manque pas de réalisme, mais je n'étais pas au courant de

4 cela.

5 Q. Très bien.

6 M. NICE : [interprétation] Il en est question dans la pièce 596,

7 intercalaire 2, et intercalaire 1, et nous en avons déjà entendu parler

8 ici.

9 Q. Alors, très rapidement, je voudrais avancer vers l'année 1992. Il y

10 avait deux plans pour lesquels vous avez dit que l'accusé les a acceptés,

11 les plans Vance et Cutileiro, les deux, si vous vous souvenez des détails

12 de ces plans prévoyaient une séparation le long des lignes ethniques ?

13 R. Non, je ne pense pas que d'après le plan Cutileiro on allait opérer une

14 division selon l'appartenance ethnique. Il allait y avoir trois unités

15 géographiques en Bosnie, mais la population pourrait rester mixte.

16 Q. Mais ces entités elles auraient une population mixte ?

17 R. Oui.

18 Q. Donc, on a créé des zones -- les ZPNU, qui ne divisaient pas la

19 Croatie, mais qui précisaient -- qui traçaient à l'intérieur de la Croatie

20 des zones à domination serbe, qui pouvaient devenir consolider par la suite

21 et pouvaient rejoindre d'autres zones à domination serbe, n'est-ce pas ?

22 R. Oui, c'est une hypothèse. Je pense qu'on pourrait interpréter cela de

23 cette manière-là.

24 Q. Vous avez dit précédemment que tous les accords, en fait, allaient

25 permettre à un agrandissement du territoire serbe ?

26 R. Je ne pense pas que tous les accords permettaient l'agrandissement du

27 territoire serbe. Je pense que j'ai dit que tous les plans permettaient

28 d'assurer une protection des populations majoritaires serbes de Croatie.

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1 Q. [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que vous avez dit que cela

3 allait permettre le changement des tracées -- des frontières de Serbie.

4 Ceci ne signifie pas nécessairement qu'on allait étendre la Serbie.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas avoir dit cela. Ceci ne

6 constituait une partie de la Serbie. Ils étaient en train de parler de la

7 Croatie. Ces zones c'étaient des zones à majorité serbe depuis des siècles.

8 M. NICE : [interprétation]

9 Q. Le plan Cutileiro prévoit trois zones distinctes à domination -- à

10 dominance ethnique. Le plan Vance-Owen est moins attrayant parce qu'il

11 divise la zone sans assurer une continuité aux zones serbes et croates,

12 n'est-ce pas ?

13 R. Oui. Mais le plan Cutileiro concernait la Bosnie; le plan Vance-Owen a

14 été conçu pour mettre fin au combat et pour donner des garanties à la

15 population serbe et aux zones majoritairement serbes, les assurant d'une

16 protection. A l'époque même, conformément à la loi fédérale yougoslave, ils

17 y avaient droit et -- ou plutôt, à l'époque, ils ne reconnaissaient pas la

18 législation croate.

19 Q. Vous faites peut-être une confusion entre les plans Vance-Owen et

20 Vance ?

21 R. C'est possible.

22 Q. Si vous ne connaissez pas précisément les termes de ces plans, je ne

23 vais pas vous interroger là-dessus davantage.

24 Je voudrais juste aborder brièvement quelques points. Vous avez parlé de :

25 ou plutôt vous avez exprimé des opinions plutôt fortes au sujet des accords

26 de Rambouillet et de Paris, et je pense que les personnes présentes ou

27 plutôt que la Chambre a fait savoir clairement que les décisions politiques

28 ne l'intéressent pas, qu'il nous faut nous pencher sur l'acte d'accusation

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1 en l'espèce. Mais puisqu'il s'agit du processus qui a donné lieu à cela,

2 qui a précédé. Est-ce que vous pouvez nous répondre sur -- à quelques

3 questions là-dessus.

4 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas si nous avons examiné ce qui a

5 été publié dans la presse. Il nous faut présenter les traductions de deux

6 lettres, le texte intégral de deux lettres.

7 Q. Monsieur Bissett, nous avons ici une lettre qui a été rédigée par le

8 ministre des Affaires étrangères Cook, et également par le ministre

9 français des Affaires étrangères Vedrine, et il est dit ici : "Nous avons

10 terminé les négociations sur Kosovo à Paris. Nous envoyons un exemplaire de

11 la déclaration des co-présidents," et cetera.

12 "La délégation kosovar a signé l'accord de Rambouillet dans son

13 intégralité et il n'est toujours pas trop tard pour que vous l'acceptiez.

14 Les intermédiaires sont prêts à répondre à toute indication venant de votre

15 part disant que vous êtes prêt à l'accepter. L'accord reste sur la table.

16 Nous vous encourageons vivement à saisir l'occasion qui est offerte par

17 l'accord de Rambouillet afin d'atteindre la paix au Kosovo et de tourner la

18 page dans les relations entre la république fédérale et la communauté

19 internationale. Vous verrez aussi qu'il y a une mise en garde très, très

20 sérieuse dans la déclaration pour ce qui est de toute sorte d'offensives

21 militaires éventuelles au Kosovo. Des mouvements importants de vos forces

22 de sécurité sont très préoccupants. Nous vous rappelons vos obligations."

23 C'est l'offre de dernière minute qui a été faite par ces deux ministres des

24 Affaires étrangères. Vous vous souvenez qu'on ait fait cette offre -- cette

25 proposition ?

26 R. Non, je ne m'en souviens pas.

27 Q. Parce que je dois soumettre que tout ce qui a à voir avec les

28 négociations ne nous préoccupe pas ici. Quel qu'ait été les choses bien ou

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1 mal faites, de toute façon, c'était une proposition sincère. Vous ne

2 contesterez pas cela ?

3 R. La proposition était de signer l'accord.

4 Q. Oui.

5 R. Mais il l'avait déjà rejeté à cause de l'annexe B.

6 Q. Alors maintenant j'ai également une lettre qui a été publiée par la

7 presse. Nous l'avons dans la traduction anglaise et est-ce que l'on peut

8 placer sur le rétroprojecteur ce texte.

9 Ces pourparlers de Paris dont vous dites qu'ils sont ajournés n'ont

10 pas du tout eu lieu. Donc c'est le paragraphe qui m'intéresse. J'aimerais

11 pouvoir aborder ce détail mais je n'en n'ai pas le temps. Je prends la page

12 suivante.

13 Auparavant, Monsieur l'Huissier, les anglophones pourront lire le

14 texte en anglais, mais je vais demander aux interprètes de nous aider en se

15 servant de l'article même que je vous demande de poser sur le

16 rétroprojecteur, pour éviter tout problème de traduction.

17 Oui. Est-ce que les interprètes sont en mesure de voir ce paragraphe ? Il

18 nous faut voir la fin du paragraphe. Je ne sais pas si on dit "stolse"

19 [phon], dernier paragraphe, est-ce que les interprètes peuvent aussi suivre

20 la traduction en anglais que je vais lire pour faire une comparaison.

21 En anglais, voici ce qui est dit : "En ce qui concerne vos menaces

22 d'intervention militaire de l'OTAN, vos gens devraient avoir honte car vous

23 vous préparez à avoir recours à la force contre une petite nation

24 européenne uniquement parce qu'elle protège son territoire du séparatisme,

25 protège ses citoyens du terrorisme, sa dignité historique des rats qui ne

26 savent rien de l'histoire, ni de la dignité."

27 Je voudrais si c'est une bonne traduction que celle en anglais du mot

28 "rats" ?

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1 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que ce mot ne se trouve pas dans

2 l'original. On parle plutôt de scélérats ou de brigands.

3 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie.

4 Q. Est-ce que vous acceptez l'idée selon laquelle il a rejeté en ces

5 termes très forts cette proposition ?

6 R. Oui, parce que je vous l'ai dit, lui ou un autre président de Serbie

7 n'aurait pu accepter cette annexe B, surtout le fait d'autoriser la

8 présence de forces de l'OTAN sur le territoire d'un Etat souverain. Vous

9 savez, la Serbie avait accepté toutes les résolutions de l'ONU pour ce qui

10 est du Kosovo. Elle avait accepté la présence d'observateurs de l'OSCE sur

11 ce territoire. Si je me souviens bien, la Serbie avait accepté chacun des

12 dix éléments présentés, chacune des dix sections à Rambouillet. C'est

13 l'annexe B qui avait été rajoutée à la dernière minute, qui a forcé la

14 délégation russe à partir, car cela avait été quelque chose de surprenant.

15 Elle avait été prise par un effet de surprise. C'est ce qui a déclenché le

16 tout.

17 Q. Jusqu'à la dernière minute, c'était possible, n'est-ce

18 pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Revenons à la déclaration que vous avez publiée. J'ai oublié de vous

21 demander de l'examiner pendant la pause, et sans doute, ne l'avez-vous pas

22 emportée. Je voulais vous poser quelques questions sur deux sujets

23 différents, puis nous en aurons terminé.

24 Prenez d'abord la page 4. Il y a le troisième point. Est-ce que ceci vous

25 concerne ? Je pense que oui. Dans votre site Internet, vous dites que les

26 chefs de l'OTAN ne se sont pas rendus compte, qu'en soutenant les

27 extrémistes albanais, ce fléau du racisme albanais allait déferler dans les

28 Balkans. Je ne pense pas ici que vous faites référence au racisme des

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1 Serbes, ou je n'en suis pas sûr pour ce qui est du reste du racisme des

2 Croates. Est-ce que ce n'est pas un sujet ou un terme assez malencontreux ?

3 R. Peut-être l'est-ce, mais c'est un terme que j'ai utilisé.

4 Q. La page 6. Premier point, après deux lignes, vous dites ceci à propos

5 de la lutte au Kosovo : "C'est vrai, les forces de sécurité yougoslaves se

6 sont servies de méthodes extrêmes assez impitoyables pour réprimer une

7 rébellion armée." Qu'est-ce que vous savez de ces méthodes impitoyables ?

8 R. C'était bien connu. Les médias le disaient. Les villages accusés

9 d'accueillir des terroristes de l'UCK ont été pilonnés, occupés par des

10 effectifs serbes. Il y a eu déplacement de personnes. Apparemment, 200 000

11 personnes, d'après les Nations Unies, ont été déplacées à cause des

12 combats.

13 Q. Vous reconnaissez que ces villages ont été pilonnés ?

14 R. Oui, bien sûr.

15 Q. Pas seulement en 1999 mais aussi auparavant en 1998 ?

16 R. Cela, je ne le sais pas pour ce qui est de 1998, parce que les combats

17 ont commencé en 1998. Je pense qu'ils se situent surtout en 1999.

18 Q. Vous poursuivez en disant ceci : "Il est possible d'arguer du fait

19 qu'il faut remercier la Yougoslavie de ne pas avoir pulvérisé les villages

20 de l'UCK en larguant des tonnes de bombes à une altitude de 15 000 pieds."

21 Pensez-vous que c'est comme cela qu'il fallait essayer de résister à ce

22 terrorisme ?

23 R. Non. C'était sarcastique de ma part --

24 Q. Très bien.

25 R. -- parce que ce que faisaient les Américains, ce qu'ils font toujours

26 en Iraq, c'est ce qu'ils ont fait en Yougoslavie.

27 Q. Question de détail, vers le bas de la page, avant-dernier point, vous

28 dites ceci : "Milosevic n'avait pas de raison de voir l'OTAN d'un œil

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1 favorable. Avant le Kosovo, le plus gros nettoyage ethnique avait eu lieu

2 en Croatie. Des centaines de milliers de Serbes qui vivaient là depuis des

3 siècles ont été nettoyés de la Croatie à l'aide des frappes aériennes de

4 l'OTAN."

5 Pourriez-vous nous expliquer ceci ? Avez-vous eu l'impression qu'au cours

6 des opérations Eclair ou Tempête il y avait eu des frappes aériennes de

7 l'OTAN ?

8 R. En tout cas, pour l'opération de Tempête.

9 Q. Pourriez-vous accepter que ceci n'est pas exact ?

10 R. Si vous me pouvez le contraire.

11 Q. Merci.

12 R. Apparemment, on a interruption des transmissions serbes. Il y a eu des

13 frappes aériennes sur certains de leurs moyens de transmission. C'est un

14 peu ironique. On accuse les Serbes de nettoyage ethnique. Mais si vous

15 voyez l'histoire, il reste très peu de Serbes à Sarajevo. Il en reste très

16 peu en Croatie, et il n'y en pratiquement plus au Kosovo. Il y a encore

17 plus de 300 000 réfugiés en Serbie. Il est très peu probable qu'ils ne

18 puissent jamais rentrer chez eux.

19 Q. Nous connaissons les conséquences de ces guerres. Ce qui nous intéresse

20 ici, c'est de savoir, si au cours de ces conflits, il y a eu des

21 infractions qui ont été commises. Prenons, si vous le voulez bien la page

22 9, bas de page. Je ne vais pas ici vous poser des questions à propos des

23 commentaires que vous faites à propos de ce Tribunal. Vous dites ceci :

24 "Milosevic était le produit d'une élite de l'ère communiste, poussé

25 uniquement par la soif du pouvoir et de privilèges, pas par l'intérêt ou

26 les intérêts de son peuple." Exact ?

27 R. Je dis, qu'à l'exception de M. Izetbegovic qui, je crois, n'a jamais

28 été membre de parti, ils venaient toujours de cette même classe, tous, les

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1 dirigeants. Avec l'effondrement de l'idéologie communiste, les dirigeants,

2 y compris M. Milosevic, ont eu tendance à se servir des différences

3 ethniques et religieuses pour rester au pouvoir, pour garder le pouvoir. Si

4 l'on voit ce qu'ils ont fait, ce qu'ils voulaient surtout, c'était de

5 conserver le pouvoir qu'ils avaient, le prestige qu'ils avaient ainsi que

6 leurs privilèges.

7 Q. Je pense que vous ne seriez être plus clair. Ce que vous dites ici à

8 propos de Milosevic, vous l'avez peut-être dit à propos d'autres, mais

9 c'est que lui était uniquement poussé, guidé par sa soif de pouvoir et de

10 privilèges et pas par les intérêts de son peuple et de sa nation. C'est

11 bien ce que vous avez publié, n'est-ce pas ? Vous êtes toujours de cet

12 avis ?

13 R. Cela se trouve où ?

14 Q. Deuxième point à partir du bas.

15 R. Je vois.

16 Q. Vous dites qu'il devrait être traduit en justice. Là, je ne vous pose

17 pas cette question car c'est sans doute une question de droit.

18 R. Sans doute que j'ai été un petit peu exagéré en disant "uniquement."

19 Q. Page suivante, dernier passage que nous avons de ce que vous avez écrit

20 à propos de l'hiver 1996 et de 1997, les manifestations contre Milosevic à

21 Belgrade. Est-ce que c'est à propos des élections ?

22 R. Oui. Il s'agit des élections de 1996, 1997.

23 Q. Ce sont les élections truquées, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Quelqu'un a pu prouver que ces élections avaient été truquées, il a

26 essayé de résister, mais finalement, il a fini par céder, n'est-ce pas ? Je

27 pense que c'est à peu près cela. Peu importe, poursuivons. "Les gens

28 comprennent aujourd'hui que ce qui ne l'intéressait ce n'était pas

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1 véritablement une Grande-Serbie, mais la préservation et l'extension de son

2 propre pouvoir, de son prestige, et qu'il était prêt à les vendre à tout

3 moment à propos de n'importe quoi pour conserver ce pouvoir et ce

4 prestige."

5 C'est ce que vous pensiez, n'est-ce pas ?

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Au cours de quelle année ?

7 M. NICE : [interprétation] C'est intéressant, parce que c'est ce que

8 j'allais dire au témoin.

9 Q. Ceci a été publié avant la crise du Kosovo, en 1997, dans un journal

10 appelé le Hamilton Spectator.

11 R. Je ne pense pas l'avoir publié. C'était un entretien, une interview.

12 Q. Excusez-moi, vous avez tout à fait raison. Je crois que votre avis ne

13 serait être plus clair, et vous n'étiez pas contaminé, dirais-je, à ce

14 moment-là par la réaction que vous avez eue au moment des bombardements de

15 l'OTAN en 1999.

16 R. Non, on n'avait rien à voir avec les bombardements --

17 Q. Non, pas tout à fait.

18 R. -- il faut replacer ceci dans son contexte. Celui qui m'interrogeait me

19 posait des questions à propos du concept qu'avait M. Milosevic pour savoir

20 s'il voulait créer une Grande-Serbie.

21 Q. Tout à fait.

22 R. J'ai dit que non. Il n'avait pas d'intérêt à le faire.

23 Q. Tout à fait.

24 R. Beaucoup de Serbes ont même pensé, ai-je, dit que

25 M. Milosevic les avait vendus. C'était -- les avait négligés dans tous les

26 plans de paix, en tout cas, Dayton.

27 Q. Mais --

28 R. Beaucoup de Serbes de Bosnie ou de Croatie ne pensent pas qu'il a

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1 vraiment répondu à toutes leurs attentes.

2 Q. Vous ne répondez pas à ma question. Vous étiez ancien -- vous avez été

3 ambassadeur. Vos paroles ont du poids. Vous êtes ici en 1997. C'est un

4 président en fonction. Le Kosovo, cela ne s'était pas encore passé. Vous

5 dites que: "Il veut maintenir son pouvoir, son prestige, qu'il veut même

6 l'accroître et qu'il est prêt à les vendre si cela lui convient pour garder

7 ce pouvoir."

8 Est-ce exact ?

9 R. Je ne sais pas si c'est exact. Je dois vous dire clairement, je ne suis

10 pas un ami personnel de M. Milosevic. Je pense qu'il a fait de son mieux en

11 tant que président pour trouver une solution aux problèmes des Balkans par

12 la paix, par la négociation. S'il n'avait pas été là, aucun de ces plans de

13 paix n'aurait marché. Certains n'ont pas marché. S'il n'avait pas fait

14 pression sur Karadzic, sur les Serbes de Croatie, ces plans de paix ne se

15 seraient pas réalisés, n'auraient pas vu le jour. A mon avis, cela montrait

16 que cet homme ne s'intéressait pas du tout à une Grande-Serbie. Ses actes

17 ont prouvé le contraire. Ce qu'il voulait, c'était conserver le pouvoir,

18 jouir du prestige qui est conféré à un président.

19 Q. Je reviens pour ma dernière question à votre site. Il y a encore un

20 article qui se demande si effectivement 8 000 personnes ont été tuées à

21 Srebrenica ? Vous faites un lien entre ce chiffre qui a été avancé et la

22 corruption générale qui caractérise ce Tribunal. Est-ce que vous savez que

23 la Republika Srpska a fait des concessions sur le nombre de tués à

24 Srebrenica ?

25 R. Oui.

26 Q. Pensez-vous qu'il serait temps de retirer cet article de votre site ?

27 R. Pas encore. Je le ferais si j'avais des preuves concluantes montrant

28 qu'il y a 8 000 personnes qui ont été exécutées. J'ai suivi ceci de près,

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1 de très près. Au départ, c'est un représentant de la Croix-Rouge

2 internationale venu de Srebrenica, qui a avancé ce chiffre. Après la prise

3 par les forces serbes, il a été interrogé par le New York Times. Il a dit

4 qu'il y avait 8 000 hommes ou jeunes hommes portés manquants. Le

5 journaliste a compris cela comme signifiant qu'ils avaient tous été

6 exécutés. Depuis, ce chiffre, il est resté dans les médias.

7 Q. La concession de la RS ne change rien à la chose ?

8 R. Non, je pense que cette concession on l'a fait sous la contrainte.

9 Q. Je vous remercie.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez des

11 questions supplémentaires ? Monsieur Nice, les pièces ?

12 M. NICE : [interprétation] Oui. Je voudrais verser au dossier les

13 déclarations du témoin qui apparaissent à son site Web. J'ai oublié de les

14 lui présenter pendant la pause. Cela aurait été préférable.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit juste de citations, d'extraits

16 de citations qui figurent sur son site Web.

17 M. NICE : [interprétation] Oui, tout à fait. Cela a été rassemblé de

18 manière thématique.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'allons accepter le

21 versement au dossier que des passages qui sont en rapport avec le témoin,

22 enfin dont le témoin nous a parlé.

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce 955.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

26 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai entendu le témoin dire que tous ces

27 éléments avaient été pris hors de leur contexte. Quand le témoin nous dit

28 que ces éléments sont pris hors contexte, je ne pense pas qu'il soit juste

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1 de les verser au dossier comme cela, en dehors de tout contexte. M. Nice,

2 lors de la déposition du dernier témoin, a protesté, estimant qu'il n'était

3 pas acceptable que l'on produise simplement les extraits de certaines

4 pièces. Alors ici, nous avons la même chose, puisque le témoin dit lui-même

5 que les passages en question ont été présentés hors de leur contexte.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez tout à fait loisir de replacer

7 ces éléments dans leur contexte maintenant.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne peux pas parce que je ne sais pas d'où

9 viennent ces passages. Nous avons des éléments d'information, des passages

10 qui viennent du site Web de M. Bissett. Je ne peux pas les retrouver.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'a pas rejeté tout en bloc. Il y

12 a peut-être certains éléments sur lesquels il a exprimé une certaine

13 réserve. Je pense qu'il a reconnu cela. Ces documents peuvent être versés

14 au dossier. S'il y a quelque chose qui vous, vous pose problème, vous

15 pouvez l'aborder maintenant au cours de l'interrogatoire supplémentaire.

16 Passons maintenant aux questions supplémentaires à poser au témoin.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] En premier lieu, je vais tout de suite

18 contester quelque chose, quelque chose que soit le témoin a oublié, soit

19 qu'il ne connaisse pas. En tout cas, il s'agissait des manifestations qui

20 ont eu lieu en 1996 et en 1997. Le témoin a convenu qu'il s'agissait là

21 d'une remise du pouvoir.

22 Nouvel interrogatoire par M. Milosevic :

23 Q. [interprétation] Je vais poser tout de suite la question au témoin.

24 Monsieur Bissett, savez-vous que ces manifestations elles ont été

25 organisées, mises en scène dans le cadre des élections locales qui avaient

26 lieu en même temps ?

27 R. Non. Je n'avais pas très bien compris à quelles élections on faisait

28 référence. J'ai accepté l'explication de M. Nice, et je suis parti du

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1 principe qu'il s'agissait des élections que vous avez perdues et dont il

2 dit qu'on estime que ce sont des élections truquées.

3 Q. Vous avez donné votre assentiment parce que vous pensiez qu'il faisait

4 état d'un fait, n'est-ce pas ?

5 R. Oui, c'est exact.

6 Q. Est-il possible, qu'étant donné qu'il s'agit là de questions

7 extrêmement claires, transparentes, est-il exact que l'on ne peut pas

8 qualifier ces élections autrement, parce qu'à l'époque, il y a eu des

9 élections fédérales, et la coalition que je dirigeais a gagné ces

10 élections, alors qu'ici, on était en train de parler d'élections locales

11 dans un grand nombre de villes où ont été organisées des manifestations

12 pour protester contre des élections que l'on estimait truquées? Est-ce que

13 vous pensez que ceci peut être vrai ? Je dis publiquement ici, à la

14 télévision, que les élections fédérales ou à quelques jours près - enfin,

15 ces élections que j'ai gagnées à la tête de ma coalition - n'ont pas été

16 contestées. Ce qui a été contesté, ce sont les élections qui ont eu lieu

17 dans un certain nombre de villes, 20, 30, 40. Peu importe le chiffre.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est votre question, Monsieur

19 Milosevic ?

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Ma question est la suivante : est-ce que vous reconnaissez qu'il existe

22 la possibilité, Monsieur Bissett, que ces manifestations elles aient été

23 mises en scène, mises en place -- organisées dans le cadre -- dans le

24 contexte des élections locales ? Est-ce que cela n'aurait pas été

25 possible ?

26 R. Oui, c'est possible. Malheureusement, je ne peux pas parler des

27 élections. Je n'étais pas sur place et je n'y ai participé d'une aucune

28 manière.

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1 Q. Fort bien. Je vous demande cela parce que quand M. Nice vous a posé la

2 question --

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passons à autre chose, Monsieur

4 Milosevic, le témoin a répondu.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Monsieur Bissett, acceptez-vous la possibilité que M. Nice, en vous

8 posant ces questions, a émis des contrevérités ?

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, cette question n'a aucun sens.

10 S'il y a des éléments précis que vous souhaitez soumettre au témoin et dont

11 vous dites qu'il s'agit de contrevérités ou de faits déformés, présentez-

12 lui ces éléments-là.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. M. Nice a cité les déclarations de certains témoins à charge, en

16 parlant des modifications de la constitution de ces amendements qui ont été

17 adoptés en 1989. Il nous a cité les déclarations de certains témoins, ou il

18 a paraphrasé ces déclarations. Je vais me livrer aussi à une paraphrase

19 parce que je n'ai pas les documents sous les yeux. Je ne peux pas donner

20 verbatim ce que les gens ont dit. Vukasin Vukanovic, qui était alors

21 président du Kosovo-Metohija, c'est lui qui présidait la réunion de

22 l'assemblée du Kosovo-Metohija au moment où les amendements ont été

23 adoptés. Il a amené les notes sténographiques de cette réunion et il nous a

24 montré que la procédure d'adoption des amendements était totalement

25 constitutionnelle. Il a déclaré qu'il n'y avait aux alentours aucun char,

26 aucune violence. Est-ce que vous admettez la possibilité de ce qu'il est

27 dit est conforme à la vérité ?

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin n'a pas d'information

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1 personnelle sur ce point.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous auriez dû le dire à M. Nice quand il a

3 posé au témoin des questions au sujet de la constitution de 1989 et des

4 amendements qui, selon lui, ont été adoptés en recourant à la force, en

5 faisant intervenir les chars, et cetera. A ce moment-là, vous auriez dû -

6 je m'attendais à ce que vous le fassiez - vous auriez dû lui dire que le

7 témoin ne pouvait répondre. Maintenant, je demande au témoin s'il admet la

8 possibilité que celui qui a présidé cette assemblée a dit la vérité. Il a

9 même amené les notes sténographiques de cette réunion. Voilà la vérité.

10 Parce que

11 M. Bissett a dit que c'était possible ou qu'il n'en savait rien, comme si

12 cela s'était passé alors que c'est faux.

13 Alors que nous avons un témoin compétent qui a présenté des documents qu'il

14 a amenés pour nous montrer comment cela s'était réellement passé.

15 Maintenant, je demande au témoin s'il reconnaît la possibilité que les

16 déclarations du président du Kosovo-Metohija et de son assemblée, s'il y

17 avait la possibilité que ce que ce monsieur a dit est vrai, M. Jokanovic.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Etes-vous en mesure de répondre à

19 cette question ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il est possible que ce soit le cas, mais

21 je ne le sais pas dans un sens ni dans l'autre.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Passons à autre chose.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Monsieur Bissett, s'agissant de l'armée et de l'envoi de l'armée en

25 Slovénie par Ante Markovic, vous dites que Zimmerman vous en a parlé,

26 n'est-ce pas ?

27 R. Je me souviens que pendant la visite du ministre des Affaires

28 étrangères américain, James Baker, Zimmerman m'a dit, à ce moment-là, en

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1 juin 1992, que l'on essayait d'entreprendre un ultime effort pour empêcher

2 le démantèlement de la Yougoslavie. Il avait eu une réunion marathon avec

3 tous les dirigeants des républiques. Il avait commencé dès le matin avec

4 Ante Markovic, premier ministre fédéral. Il avait fini avec Markovic.

5 Zimmerman m'a dit que l'objectif des Etats-Unis, leur politique, c'était

6 toujours que la Yougoslavie reste intacte et unie. M. Baker a dit à

7 Markovic que si la Slovénie avait des actions violentes -- marquées par la

8 violence pour se détacher, si à ce moment-là on envoyait l'armée, les

9 Etats-Unis ne critiquaient pas une telle décision.

10 Q. Vous souvenez-vous que c'est Markovic qui a fait aller l'armée en

11 Slovénie ?

12 R. Je ne sais pas, je ne suis pas sûr. Je ne sais pas exactement qui a

13 ordonné que l'armée se rende en Slovénie. En tout cas, elle est allée en

14 Slovénie pour restaurer l'ordre pour reprendre le contrôle des postes-

15 frontières, le long de la frontière, des postes qui avaient été saisis par

16 la Garde nationale slovène.

17 M. NICE : [interprétation] Je n'écoutais pas. Je n'ai pas entendu si le

18 témoin a parlé de juin 1992 ou d'une autre année parce qu'à l'écran, on

19 voit la date de juin 1992. C'est peut-être une erreur.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. C'était où exactement ? Est-ce

21 que vous pourriez préciser la question ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'était en juin 1991.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Je vous pose la question, parce que M. Nice a repris des propos d'Ante

25 Markovic quand il est venu déposer ici, en disant que j'aurais, soi-disant,

26 demandé à ce qu'on envoie l'armée au Kosovo. Avez-vous des éléments

27 d'information qui datent de l'époque et qui vous indiqueraient que je

28 souhaitais envoyer l'armée au Kosovo, et est-ce que cela était nécessaire

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1 d'ailleurs, surtout si l'on réfléchit que l'armée était déjà présente au

2 Kosovo ?

3 R. Maintenant, on parle du Kosovo et plus de la Slovénie.

4 Q. On parle de la chose suivante : M. Nice a cité les propos du premier

5 ministre fédéral de l'époque, Ante Markovic, qui aurait dit que j'avais

6 demandé qu'on envoie l'armée au Kosovo. A l'époque, savez-vous si on a

7 envoyé l'armée au Kosovo ? Parce que cette armée elle se trouvait au Kosovo

8 tout comme elle se trouvait dans les autres régions de la Yougoslavie ?

9 R. Oui, bien entendu. L'armée a toujours été présente au Kosovo. Je ne

10 peux pas vous dire qui a ordonné d'envoyer l'armée au Kosovo ou s'il y a eu

11 des ordres dans ce sens. Il est indéniable qu'il y avait des formations

12 militaires, des formations de l'armée au Kosovo.

13 Q. En rapport avec la déposition Markovic, il vous a interrogé sur ce

14 point. Vous avez répondu que vous l'ignoriez, vous ne saviez pas si cela

15 s'était passé. C'est pour cela que je vous ai posé la question que je viens

16 de vous poser.

17 Maintenant, j'en ai une autre à vous poser.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, attention. Si

19 vous souhaitez mes conseils, je ne pense pas que ce témoin soit un témoin

20 qu'il convient de réinterroger de manière circonstanciée. Vous avez les

21 éléments de preuve que vous souhaitiez obtenir de ce témoin. Cela découle

22 de l'interrogatoire principal. Il est possible que cela se retourne contre

23 vous maintenant.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je reviens sur un certain nombre de points qui

25 ont été présentés par M. Nice comme étant des faits avérés alors ce ne sont

26 pas des faits. Un exemple :

27 Q. Monsieur Bissett, maintenant, je m'adresse à vous. M. Nice nous a cité

28 les propos d'un témoin, Milan Babic. Vous en souvenez-vous ?

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1 R. Oui.

2 Q. Vous souvenez-vous avoir lu ici une citation de ma lettre adressée à

3 Milan Babic ce matin ? Vous l'avez lue. Il s'agit d'un texte où je déclare

4 publiquement qu'il est en train de leurrer la population de la Krajina,

5 leur faisant croire qu'il est en train de se mettre d'accord sur de leur

6 sort avec Belgrade, et que j'informe les citoyens de la Krajina du fait que

7 ceci n'est pas exact ?

8 R. Oui, effet, je m'en souviens.

9 Q. Je m'adresse à la population par le biais de la presse. Je dis qu'il

10 est en train de mentir en disant qu'il est en train de négocier avec nous.

11 Puisqu'il a cité Babic qui a déposé au sujet de quelque chose dont nous

12 aurions parlé nous deux. Est-ce que vous estimez, par conséquent, qu'il est

13 acceptable qu'il cite Babic sur mes points de vue sur, par exemple,

14 lettres, et cetera ? Est-ce que les propos de Babic vont être véridiques ?

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous ne pouvez

16 pas demander au témoin s'il considère telle ou telle chose au sujet de la

17 citation des propos de Babic par M. Nice. Ce n'est pas l'objectif des

18 questions supplémentaires.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais, Monsieur Robinson, vous auriez dû mettre

20 en garde M. Nice lorsqu'il a posé ces questions au sujet de ce que Babic a

21 dit. Le témoin que c'était possible. Tout est possible.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous interrompre. Si j'avais

23 des raisons de mettre en garde M. Nice, je l'aurais fait. Vous ne comprenez

24 pas comment fonctionne un système contradictoire. Je vous ai dit de ne plus

25 poser ce genre de question à ce témoin. D'ailleurs, je vous ai invité à ne

26 plus lui poser de questions supplémentaires, du tout. Laissez les éléments

27 tels quels. Les éléments que vous avez obtenus pendant l'interrogatoire

28 principal.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais nous avons eu ici les lettres de Vedrine

2 et de Cook adressées et nous avons eu ma réponse. C'est ce que M. Nice a

3 montré au témoin. Il lui a posé des questions là-dessus. Il faut à présent

4 que moi aussi, je lui pose des questions portant sur ceci. Vous l'avez en

5 langue anglaise. Dans leur lettre, il est dit : "Qu'ils ont terminé les

6 entretiens portant sur le Kosovo, qu'ils les ont terminé à Paris." Par la

7 suite, il est dit : "La délégation kosovar a signé l'accord dans sa

8 totalité. Il n'est pas toujours trop tard pour que vous l'acceptiez, vous

9 aussi. Les intermédiaires sont prêts à répondre à toute indication venant

10 de votre part disant que vous êtes prêt à cela. Donc, qu'on est prêt à

11 accepter l'accord signé."

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Par conséquent, Monsieur Bissett, n'est-il pas clair ici que tout

14 simplement, ils insistent, ils insistent encore une fois, pour que nous, on

15 signe l'accord sans qu'il y ait aucune modification dans cet accord ?

16 R. C'est comme cela que je l'interprète. Oui.

17 Q. Quelle est ma réponse ? Je vous envoie la réponse

18 suivante : "M. le ministre, les entretiens de Paris au sujet desquels vous

19 dites que vous les avez terminé n'ont même pas eu lieu. Les délégations du

20 gouvernement de la République de Serbie et des représentants du Mouvement

21 séparatiste kosovar, séparatistes et terroristes n'ont jamais eu l'occasion

22 de faire un échange de vue. Ils ne sont jamais entretenus."

23 Puis, deux paragraphes plus loin. Cet autre document que vous avez

24 appelé, accord de Rambouillet, n'est pas l'accord de Rambouillet car ni à

25 Rambouillet, ni à Paris, ceux qui sont venus négocier ne l'ont fait. Il n'y

26 a pas d'entretiens entre eux. Par conséquent, il n'a pas pu avoir de

27 documents communs qui auraient pu, soit accepté soit rejeté.

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous n'êtes pas ici pour

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1 déposer. Quelle est votre question ?

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Puisque M. Nice vous a dit : "Voici, une nouvelle occasion leur a été

4 offerte pour accepter les accords de Rambouillet, mais savez-vous que les

5 entretiens n'ont absolument pas eu lieu et que tout ce qui a été dit dans

6 ce document est resté inchanger pour qu'on l'accepte.

7 M. NICE : [interprétation] Il s'agit de questions très directrices. Si

8 l'accusé souhaite verser au dossier ces lettres. Je l'accepterai, mais il

9 semblerait que le témoin n'a aucun souvenir de la situation.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De toute manière, la question était

11 trop directrice.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense, effectivement, qu'il faudrait verser

13 ceci au dossier et c'est ce que je demande. Je pense qu'il s'agit d'une

14 lettre très sincère.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Voyez les paragraphes, avant-dernier, dernier : "Messieurs les

17 ministres des Affaires étrangères, vous représentez deux pays européens. En

18 tant que tels, vous êtes des diplomates de premier rang. En cette qualité,

19 vous avez le droit d'agir en tant qu'intermédiaire, de négocier, de vous

20 mettre au service du bien, d'agir de bonne foi, de prôner la paix en Europe

21 et dans le monde, et une amélioration des relations entre les peuples. Mais

22 vous n'avez pas le droit de lancer des menaces à d'autres pays ou à leurs

23 citoyens ni de vous immiscer dans les affaires intérieures. Nous maintenons

24 notre détermination très ferme de régler les problèmes du Kosovo-Metohija

25 par des moyens pacifiques, par la voie des négociations. Les négociations

26 n'ont eu lieu ni à Rambouillet, ni à Paris, mais ceci ne signifie pas qu'il

27 faut y renoncer."

28 Donc, est-ce que ceci n'appelle pas à avaliser les négociations qui n'ont

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1 jamais eu lieu ?

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'appartient pas au témoin de

3 faire des commentaires là-dessus. Nous allons prendre connaissance de ce

4 texte et nous allons prendre une décision.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. M. Nice vous a cité le paragraphe 17 de votre dépêche, de votre

7 télégramme. Il s'en est servi comme d'un exemple prouvant que je ne vous ai

8 pas dit qu'on n'était pas hostile à la sécession de la Slovénie et de la

9 Croatie.

10 Je vous invite à lire maintenant le paragraphe 17. Il est dit ici :

11 "Sa vision du règlement futur. Une union fédérée de la Serbie, du

12 Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine avec une forme

13 d'association avec les Régions autonomes serbes de Croatie liée --

14 rattachée ou liée de manière souple --" Est-ce que vous pouvez nous donner

15 lecture de la suite du texte ? Le voyez-vous ? Est-ce que vous voyez ce

16 passage, Monsieur Bissett ?

17 R. Oui.

18 Q. Donc, "…de manière souple…" avec quoi ?

19 R. "…ils étaient souverains de la Slovénie et la Croatie…"

20 Q. "…afin de promouvoir les échanges, le commerce…"

21 R. [aucune interprétation]

22 Q. [aucune interprétation]

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce qu'il est question d'Etats souverains ici ?

25 R. Oui.

26 Q. Mais peut-on contester que je vous ai dit que c'était une des visions

27 possibles ? Mais quelle est la différence entre ceci et la situation où je

28 vous ai dit exactement la même chose ? Il dit que je n'ai pas été sincère à

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1 votre égard. Mais est-ce que vous voyez une différence entre les deux ?

2 R. Non. Je ne vois vraiment de différences substantielles.

3 Q. Il vous a dit que par le document de La Haye, en réalité, on a proposé

4 une Confédération également. Mais est-ce que vous savez qu'à l'article 1er

5 du document de La Haye, on disait : "Que les six Républiques de la

6 Fédération sont devenues des Etats indépendants." Si vous ne vous souvenez

7 pas de cela, je ne vais plus vous poser de questions là-dessus. Donc, à

8 partir du moment où on aurait six Etats indépendants, mais quelle serait la

9 différence entre leurs relations, par exemple, entre elles-mêmes, entre la

10 Croatie et la Serbie, par opposition aux relations qu'à la Serbie avec la

11 Bulgarie si les six républiques deviennent les six Etats indépendants ?

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez répondre.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a aucune différence.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Fort bien. M. Nice vous a interrogé ici pour connaître votre avis ou

16 plutôt il vous a posé des questions au sujet de ce que vous pensez de ce

17 Tribunal ? Ceci provient de la conférence de presse de Jamie Shea, qui

18 était le porte-parole de l'OTAN,

19 le 17 mars 1999. Lors de cette conférence de presse, il dit : "Le temps est

20 l'ami du Tribunal."

21 M. NICE : [interprétation] S'agit-il bien de questions supplémentaires, que

22 nous entendons ici ?

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, comment est-ce

24 que cela découle des questions de l'Accusation ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais de la question qui essaie de savoir

26 pourquoi Monsieur Bissett a dit que ce Tribunal était un tribunal

27 politique.

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, très bien.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur Bissett, ce Tribunal s'est-il mis à jouer le rôle de couvrir -

3 - d'une certaine manière de justifier l'agression lancée par l'OTAN contre

4 la Yougoslavie ? Est-ce que ce Tribunal doit lui permettre cela ?

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je ne vais pas vous autoriser à

6 poser cette question.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. M. Nice vous a interrogé au sujet de mes intentions éventuelles visant

10 à éliminer Markovic. Mais voyez la page 5 de votre dépêche. Le tout début

11 de cette page, vous dites ici : "Il a affirmé que le premier ministre

12 Markovic était en train de détruire le pays, que l'économie était en train

13 de s'effondrer et que l'on ne doit pas resserrer ainsi la politique

14 monétaire. Toutes les républiques pensent la même chose que lui là-dessus."

15 Par la suite, vous dites : "Milosevic a été le président de l'une des

16 banques les plus importantes yougoslaves et celle qui fonctionnait le mieux

17 et, maintenant, nous sommes tous forcés à soutenir les banques les plus

18 faibles."

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'intercalaire 3, page 4.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Est-ce que je critiquais la politique économique de Markovic ou je

22 disais qu'il fallait l'évincer, mais enfin je disais qu'il était en train

23 de mettre sur pied une politique monétaire restrictive et que c'était la

24 seule mesure qu'il appliquait ? N'était-ce pas plutôt que ceci que j'ai

25 critiqué ? Est-ce que j'ai évoqué des questions politiques ?

26 R. Non. Nous n'avons parlé que de sa politique monétaire et de l'attitude

27 et des mesures qu'il entendait prendre afin de résoudre les problèmes

28 économiques de la Serbie ou de la Yougoslavie.

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1 Q. Au sujet de la préservation de la Yougoslavie, je vous invite à

2 examiner le point 3 de votre dépêche, votre télégramme, quatre lignes à

3 partir du début. Vous dites : "Milosevic faisait tout ce qui était en son

4 pouvoir afin de maintenir la Yougoslavie unie mais s'il y avait des parties

5 qui voulaient se séparer, il fallait qu'ils procèdent de manière légale."

6 Donc, quelle est la différence entre ceci et lorsqu'il a évoqué ma

7 conversation avec Karadzic ? Mais tout un chacun a le droit de faire une

8 sécession, mais tout dépend de la manière. Que voit-on par la suite ? "Bien

9 il faut organiser des élections pluripartites, le nouveau parlement fédéral

10 doit adopter une nouvelle constitution en fournissant un mécanisme

11 permettant la sécession. Milosevic veut qu'il y ait des politiques

12 monétaires, fiscales, étrangères, et cetera, union douanière."

13 C'est cette Fédération-là que Milosevic veut, mais est-ce une Fédération

14 centralisée, qui a un même système monétaire -- fiscal, les douanes et la

15 politique étrangère ? Enfin, vous, vous êtes un diplomate de carrière; est-

16 ce que c'est une Fédération centralisée ou n'est-ce un minimum, ce que j'ai

17 évoqué à votre intention ?

18 R. Il y a beaucoup de types variables de Fédération. En fait, c'est une

19 Fédération, par exemple, que nous avons au Canada, alors qu'officiellement,

20 cela s'appelle une Confédération. La répartition des pouvoirs varie d'une

21 Fédération à l'autre. Il est important de constater que, dans la Fédération

22 yougoslave, le gouvernement central avait très peu de pouvoirs puisqu'en

23 matière d'affaires étrangères, de politiques monétaires, et cetera, et pour

24 ce qui concernait l'armée, certes, c'était le gouvernement central qui

25 prenait les décisions, mais les républiques avaient beaucoup de pouvoirs

26 quant à elles. Ceci, je pense, explique le désir de certaines de ces

27 républiques de faire sécession. Mais votre version de la Fédération semble

28 assez classique, d'après ce que je sais des Fédérations, mais ce n'est pas

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1 un thème dans lequel je suis véritablement un expert.

2 Q. Très bien. Je vois que le temps qui m'est imparti s'est écoulé. Merci.

3 Je n'ai plus de questions.

4 Attendez juste un instant. Encore une très brève question.

5 Il a parlé du plan de Cutileiro et il nous a dit que c'était un plan de

6 division nationale. Est-ce que, quand vous avez entendu cela, vous avez

7 compris que M. Nice a accusé M. Cutileiro -- ou m'a accusé, moi qui n'ai

8 même pas participé à la conférence. Est-ce que vous estimez qu'il

9 s'agissait d'un plan -- d'un bon plan ou pas ? Répondez juste à la dernière

10 partie de la question.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, juste le dernier volet de la

12 question.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je pense que c'était un plan excellent

14 parce que cela aurait pu permettre d'empêcher que le sang ne soit versé,

15 d'empêcher les actes de violence qui ont eu lieu lorsque le référendum a

16 été organisé et l'indépendance proclamé.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Sur cette note de réserve de

18 votre part, Monsieur Milosevic, nous allons nous interrompre, mais il faut

19 déjà verser au dossier un certain nombre de documents ?

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Deux lettres.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que soit consigné au compte rendu

22 d'audience le fait que j'ai parlé de "scélérats," et que cela ne saurait

23 être traduit par le terme de "rats" en anglais, "rats."

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Nous en prenons bien note,

25 Monsieur Milosevic.

26 Les documents, c'est-à-dire, les réponses des ministres Cook et Vedrine

27 seront des pièces à décharge. Quelles sont les cotes ?

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] La première lettre du 23 mars 1999

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1 portera la cote D336.

2 La deuxième lettre du 23 mars 1999, qui a été publiée dans Politika portera

3 la cote D337.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

5 [Le témoin se retire]

6 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le lundi 27 février

7 2006, à 9 heures 00.

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