Affaire n° : IT-97-24-A

DEVANT LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT EN APPEL

Devant :
M. le Juge Theodor Meron, Juge de la mise en état en appel

Assisté de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
26 avril 2004

LE PROCUREUR

c/

MILOMIR STAKIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE LA DÉFENSE AUX FINS DE PROROGATION DE DÉLAI

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Le Substitut du Procureur :

M. Norman Farrell

Les Conseils de la Défense :

M. Branko D. Lukic
M. John R. Ostojic

 

1. L’appelant, Milomir Stakic, demande une prorogation de délai pour le dépôt de son mémoire en réplique dans le cadre du présent appel1. Selon l’article 113 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), le mémoire en réplique de l’appelant aurait dû être déposé le 23 avril 2003, soit 15 jours après le dépôt du mémoire en réponse de l’Accusation. L’appelant demande à disposer de 28 jours supplémentaires, c’est-à-dire jusqu’au 20 mai 2004.

2. À l’appui de sa requête, l’appelant fait valoir que le mémoire en réponse de l’Accusation n’a été signifié à son conseil que 5 jours après avoir été déposé. Il fait valoir en outre que la copie reçue était incomplète et que, au moment où il a formé sa requête, la partie manquante dudit mémoire n’avait toujours pas été reçue. Enfin, l’appelant affirme qu’en raison du fait que le mémoire en réponse est plus long que ne le prévoit le Règlement du Tribunal2 et aborde des questions complexes et importantes, son conseil a besoin de plus de temps pour répondre convenablement aux arguments de l’Accusation.

3. L’article 127 B) du Règlement autorise la Chambre d’appel à faire droit à une requête aux fins de prorogation de délai si celle-ci présente des motifs convaincants. En l’espèce, l’opportunité d’une telle décision peut se discuter. L’appelant a en effet raison d’affirmer, et le Greffe du Tribunal l’a reconnu, que la copie du mémoire en réponse de l’Accusation qui a été déposée n’a été transmise au conseil de l’appelant que 5 jours après la date de dépôt, en raison de jours fériés à l’ONU. Ce retard peut justifier l’octroi d’un délai supplémentaire à la Défense, toutefois pas aussi long que celui qui est demandé par l’appelant.

4. En revanche, l’argument par lequel l’appelant affirme que son conseil a reçu une copie incomplète du mémoire en réponse et que la demande adressée par le conseil au Greffe afin qu’il soit remédié à cette situation est restée sans réponse, ne constitue pas un motif convaincant. Des explications qui nous ont été données par le Greffe, nous déduisons que la partie du mémoire en réponse que l’appelant n’a pas reçue se résume à deux pages. Cette omission est due à une transmission défectueuse de la télécopie et non à un quelconque défaut de diligence de la part du Greffe. Le passage non reçu par la Défense ne représente qu’une toute petite partie de la totalité du mémoire en réponse, et le fait que la Défense ne l’ait pas reçu dans les temps n’a pu l’empêcher de préparer une réplique dans une mesure telle que cela justifierait une prorogation de délai. De plus, le Greffe nous a signalé n’avoir reçu aucune des demandes concernant les pages manquantes que le conseil de l’appelant affirme avoir faites. Si l’on interprète les faits de la façon la plus favorable à l’appelant, il semblerait que les communications électroniques envoyées par le conseil de la Défense au Greffe ne soient pas parvenues à ce dernier. S’il est vrai que le problème n’est peut-être pas imputable au conseil de la Défense, il faut toutefois que celui-ci, s’il cherche à tenir le Greffe responsable du mauvais fonctionnement de son télécopieur, accepte en retour la responsabilité de ne pas s’être assuré que ses propres communications avaient bien été reçues par le Greffe. Le grief formulé par la Défense selon lequel elle n’a pas reçu une partie du mémoire en réponse et selon lequel le Greffe aurait omis de remédier au problème ne justifie pas de lui accorder une prorogation de délai.

5. C’est la complexité incontestée des questions se posant dans le cadre du présent appel qui fait finalement pencher la balance en faveur de la prorogation de délai demandée. La nature ardue de ces questions ressort du fait que l’Accusation a été autorisée, à sa demande, à dépasser le nombre de pages habituel pour présenter ses arguments dans son mémoire en réponse3. La complexité du mémoire en réponse de l’Accusation qui en résulte constitue une raison valable pour accéder à la demande de l’appelant, afin que celui-ci puisse répondre convenablement aux arguments présentés par l’Accusation4. Il serait à la fois dans l’intérêt de la Chambre d’appel et dans celui de l’Accusation que l’appelant dépose un mémoire en

réplique soigneusement rédigé et détaillé5. L’octroi de la prorogation de délai demandée par l’appelant ne retardera pas l’examen du présent appel et ne portera pas préjudice à la partie adverse. Dans ces circonstances, cette prorogation de délai est justifiée et il devrait être fait droit à la requête.

6. Il reste encore un point à examiner. L’appelant a indiqué que sa requête était confidentielle. Il n’en a pas donné la raison, et celle-ci ne ressort pas non plus de la requête. Une pièce doit être déposée à titre confidentiel seulement si elle renferme des informations qui, en cas de divulgation, pourraient porter préjudice à une partie ou un témoin, faire craindre pour leur sécurité ou leur causer de graves ennuis, ou si le simple fait de déposer cette pièce est susceptible d’avoir les mêmes conséquences. Dans le cas présent, le fait que l’appelant demande une prorogation de délai ne suscite aucune de ces préoccupations. Les indications contenues dans la requête de l’appelant, dont la plupart sont reprises dans la présente décision, ne risquent pas non plus d’être la cause d’un préjudice, d’un danger ou d’ennuis.

7. Les procédures menées devant le Tribunal, écrites comme orales, sont publiques. La transparence de ces procédures est importante afin de garantir leur intégrité et le respect du public pour l’action judiciaire. Il ne peut être dérogé à ce principe de transparence que lorsque des informations sensibles sont concernées et que leur divulgation entraînerait des conséquences qui, ainsi qu’expliqué ci-dessus, risqueraient d’entraver la procédure elle-même. En qualifiant sans raison légitime de confidentielles des pièces ordinaires, une partie enfreint cette règle importante du Tribunal. Le conseil est blâmé pour avoir indûment qualifié sa requête de confidentielle. Le Greffe est prié de rendre le document public.

Par ces motifs, nous FAISONS DROIT à la requête de l’appelant et DISONS que l’appelant a jusqu’au 20 mai 2004 pour déposer son mémoire en réplique. Nous ENJOIGNONS également au Greffe d’indiquer que la requête urgente de l’appelant Milomir Stakic aux fins de prorogation du délai de dépôt d’un mémoire en réplique à l’appui de son appel (Appellant Milomir Stakic’s Urgent Motion to Enlarge Time for Filing of a Reply Brief in Support of His Appeal), déposée à titre confidentiel le 20 avril 2004, est un document public.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 26 avril 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Juge de la mise en état en appel
_________
Theodor Meron

[Sceau du Tribunal]


1. Appellant Milomir Stakic’s Urgent Motion to Enlarge Time for Filing of a Reply Brief in Support of His Appeal, pièce déposée à titre confidentiel le 20 avril 2004.
2. Le mémoire en réponse de l’Accusation contient 130 pages, et dépasse ainsi de 30 pages le nombre de pages autorisé par la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes, IT/184 Rev. 1, 5 mars 2002. L’autorisation de dépasser le nombre limite de pages a été accordée par nous-même, en tant que Juge de la mise en état en appel, en réponse à une requête de l’Accusation aux fins de dépassement n’ayant pas été contestée. Voir Décision relative à la requête urgente de l’Accusation aux fins de dépassement du nombre de pages autorisé, 5 avril 2004.
3. Voir Décision relative à la requête urgente de l’Accusation aux fins de dépassement du nombre de pages autorisé, 5 avril 2004.
4. Voir, par exemple, Le Procureur c/ Tihomir Blaskic, affaire n° IT-95-14-A, Decision on Appellant’s Request for Extension of Page Limits and Filing Deadline, 24 juillet 2003 (où il avait été conclu qu’une prorogation de délai pour le dépôt d’un mémoire en réponse est justifiée lorsque le mémoire auquel il est répondu est long et complexe).
5. Voir Le Procureur c/ Radislav Krstic, affaire n° IT-98-33-A, Décision relative à la requête extrêmement urgente de l’Accusation aux fins de prorogation de délai, 14 octobre 2003 (accordant à l’Accusation une prorogation de délai pour la présentation de ses moyens en duplique parce que, entre autres raisons, permettre à l’Accusation de présenter ses moyens de manière structurée servait à la fois les intérêts de la Chambre d’appel et ceux de la Défense).