Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 8 mai 2002.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 14 heures 20.)

4 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

5 Je souhaite que l'on commence et je demande à la Greffière d'audience de

6 citer l'affaire.

7 Mme Dahuron: Bonjour. Affaire IT-97-24-T, le Procureur contre Milomir

8 Stakic.

9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

10 Les parties peuvent-elles se présenter, s'il vous plaît?

11 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur Koumjian, M. Waidyaratne, Mme

12 Karper.

13 M. le Président (interprétation) : La défense peut-elle se présenter, s'il

14 vous plaît?

15 La Défense (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président.

16 Monsieur Lukic, M. John Ostojic avec M. Danilo Cirkovic.

17 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

18 Je souhaite savoir si l'accusé se sent en mesure de suivre l'audience.

19 M. Stakic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

20 vous présente mes excuses pour hier. Je dois dire que cela ne relevait pas

21 de moi, ces problèmes qui sont survenus. Je me sens plutôt mieux

22 aujourd'hui, même si je suis un peu épuisé et affaibli, mais je n'éprouve

23 pas le besoin de m'absenter.

24 Je vous présente encore une fois mes excuses pour hier je vous remercie de

25 votre compréhension.

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1 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Au cas où il y aurait

2 un problème, je vous prie de nous le faire savoir sur-le-champ.

3 Encore une fois, Monsieur Murselovic, bonjour.

4 L'accusation peut commencer, peut poursuivre son interrogatoire principal.

5 Je vous en prie.

6 (Interrogatoire principal du témoin, M. Muharem Murselovic, par M.

7 Waidyaratne.)

8 M.Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

9 Monsieur Murselovic, lundi à la fin de l'audience vous étiez en train de

10 décrire des événements qui se sont produits en 1992 pendant votre

11 détention au camp d'Omarska. Vous avez dit qu'il vous est arrivé d'être

12 détenu dans une zone que l'on appelait la "pista"?

13 M. Murselovic (interprétation): Oui.

14 Question: Pendant que vous étiez détenu dans cette zone ou ailleurs, par

15 exemple dans la "pièce de Mujo" et tout particulièrement sur la "pista",

16 vous est-il arrivé de voir un camion jaune arriver dans le camp?

17 Réponse: Oui. C'était tôt dans la matinée. Habituellement, il arrivait

18 jusqu'à ce qu'on appelait la Maison blanche.

19 Je me trouvais à une distance d'une vingtaine de mètres à peu près, et

20 c'est là qu'il y avait des corps, des cadavres qui gisaient sur l'herbe.

21 Généralement, lorsque ce camion arrivait, on le chargeait, on chargeait

22 ces corps et il y en avait peut-être 5, 6, voire 7, même 12 ou 13,

23 parfois. Et on voyait cela presque tous les jours, on a vu cela plusieurs

24 fois.

25 Le matin, on chargeait ces corps à bord de cette camionnette jaune qui

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1 avait, devant, une cabine et la deuxième partie de ce camion était prévue

2 pour charger du poids. Et parfois, ce chargement prenait deux à trois

3 minutes, pas plus, et la camionnette partait et revenait. Elle revenait

4 peut-être une demi-heure plus tard; une demi-heure, 40 minutes peut-être.

5 Et nous nous sommes dit que la camionnette partait à un endroit qui

6 n'était pas loin, qui était plutôt près du camp. Elle revenait vide, sans

7 ces corps.

8 Question: Monsieur Murselovic, vous avez évoqué des corps, des cadavres.

9 Savez-vous qui étaient ces personnes qui étaient mortes?

10 Réponse: J'ai dit que c'était à une vingtaine de mètres de distance, 25,

11 même 30, par rapport à l'endroit où je me trouvais. Je ne pouvais pas

12 reconnaître les corps. Mais je connais pas mal de personnes qui étaient

13 détenues avec moi dans cette "pièce de Mujo" et qui sont mortes et qui ont

14 été sorties au cours de la journée ou au moment où elles sont décédées.

15 Parce que vous savez, ces gens sont morts parmi nous. Ils ont succombé aux

16 blessures suite aux passages à tabac pendant les interrogatoires. Voilà.

17 Donc, là, j'ai vu quelques morts. Certains sont même décédés parmi nous,

18 dans cette pièce.

19 Question: Donc c'étaient des corps des détenus?

20 Réponse: Oui, des détenus, des civils. On voyait très bien l'uniforme. Ce

21 camion qui les emportait… Je ne pouvais pas reconnaître les corps mais on

22 voyait que c'étaient des détenus et qu'ils portaient des vêtements civils.

23 Question: Avez-vous su, à un moment donné, qui était la personne qui

24 conduisait ce camion?

25 Réponse: Je ne l'ai pas appris. On en parlait mais franchement, je dois

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1 dire que je n'ai pas retenu son nom. Il paraît que c'était un ouvrier qui

2 travaillait dans les mines, que c'est lui qui conduisait le camion; je ne

3 le connaissais pas et je n'ai pas connu son nom -sincèrement, je dois dire

4 que je n'ai pas cherché à le connaître-, mais je l'ai vu.

5 Question: Monsieur Murselovic, je souhaite aborder un autre sujet.

6 Pourriez-vous dire à la Chambre à quel moment vous êtes sorti du camp

7 d'Omarska?

8 Réponse: Vers le début du mois d'août 1992. Après avoir passé plus de 60

9 jours, 65 jours d'après mon compte, eh bien, ils ont commencé à appeler

10 des gens par leur nom. Alors, moi et un autre groupe -j'en ai déjà parlé-,

11 nous avons été séparés dans un garage, puis on nous a ramenés. En fait, on

12 ne nous a pas ramenés mais on est revenus tout seul. On voyait qu'il se

13 préparait quelque chose, mais on ne savait pas quoi. Donc, on appelait des

14 gens tous les jours. Ils disaient: "premier groupe", "deuxième groupe",

15 "troisième groupe" et nous, on ne savait pas ce que cela voulait dire.

16 Ensuite , je crois que c'était du 5 au 6 août, des autocars sont arrivés.

17 Tout d'abord, on nous a appelés, nous qui étions dans ce garage. Puis

18 d'autres autocars sont arrivés et d'après nos estimations, il y en avait

19 au moins une dizaine, une douzaine. On nous a fait monter à bord de ces

20 autocars.

21 Les gardes du camp ne nous ont rien dit quant à notre destination. On ne

22 savait pas du tout où l'on allait partir. Puis, ils sont tous venus sur

23 place, ils ont regardé les détenus monter. Dans le car où je suis monté,

24 on était un peu plus de 100. Tout d'abord, on était, dans les deux

25 premiers autocars, environ 160, 170 du garage, puis ils ont fait venir en

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1 plus une vingtaine de jeunes hommes, des hommes, des civils comme nous. Et

2 enfin, on était un peu plus de 100 dans chacun de ces autocars et on est

3 partis.

4 Ils nous ont ordonné de nous allonger au sol. Personne n'avait le droit de

5 s'installer dans les sièges, il fallait rester allongés et on était tous

6 allongés par terre. On n'avait pas le droit de redresser la tête, de telle

7 sorte que la tête dépasse et qu'elle puisse arriver au niveau de la

8 fenêtre de l'autocar.

9 Question: Quelle était la destination de l'autocar? Vous avez appris, à un

10 moment donné, où on vous emmenait?

11 Réponse: Eh bien, il y avait des gens qui essayaient de voir par où

12 passaient les autocars et on a compris que l'on allait vers Banja Luka

13 plus tard, il faut savoir que cela a pris un certain temps. On nous a fait

14 monter vers 9 ou 10 heures du matin et on est restés sur place pendant

15 deux heures environ, peut-être le temps que tout le monde monte, puis les

16 autocars sont partis en destination de Banja Luka.

17 Je dois dire qu'en étant allongés comme cela par terre, on avait

18 l'impression et on a vu que l'on allait vers Banja Luka. On connaît bien

19 la route, ce n'est pas loin de Prijedor. On était très nombreux, on était

20 entassés les uns sur les autres. En fait, on était donc par terre à plat

21 ventre, mais il y avait deux couches de corps, en fait.

22 On est donc partis vers Banja Luka. On a vu qu'à un moment, on a dépassé

23 Banja Luka et l'un de nous a commencé à se demander où on allait

24 finalement, mais on ne l'a pas su jusqu'à 10 heures du soir, et ce voyage

25 a duré longtemps. On ne savait pas que l'on allait arriver à Manjaca. Mais

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1 Manjaca, on connaissait car il est arrivé à chacun d'entre nous d'y aller.

2 C'était un terrain d'entraînement de la JNA, de l'armée fédérale

3 yougoslave; on y est allés souvent pour des exercices militaires.

4 Je dois dire qu'on est arrivés vers 10 heures du soir, peut-être 11 heures

5 du soir. Il faisait nuit. Alors, pendant tout ce temps, l'autocar était

6 fermé. Il y avait des gardes devant parce qu'il nous a fallu libérer les

7 deux premières rangées de siège devant en tête du véhicule, et l'autocar

8 s'est arrêté à plusieurs reprises. Souvent, il s'est arrêté, les gardes

9 descendaient.

10 Vous savez, nous, on ne pouvait pas bien voir les villages par lesquels on

11 passait. Il y avait des civils qui venaient devant l'autocar et qui nous

12 lançaient des pierres par la porte, et il y en a eu même qui sont passés

13 par nos corps. C'était un autocar qui avait trois portes; c'était un

14 autocar qui appartenait à l'entreprise de transport en commun et comme

15 nous nous étions allongés au sol, eh bien, les gardes, ils marchaient sur

16 nous en nous piétinant, ils marchaient sur notre dos en se déplaçant à

17 l'intérieur de l'autocar.

18 Ils disaient: "Oh, tiens, ils puent, ces Balija!". Ils nous injuriaient.

19 Il leur est même arrivé de nous demander de chanter des chansons, des

20 chansons serbes, tout en restant dans cette position. Il fallait chanter

21 des chansons serbes, par exemple la chanson: "qui ose le dire, qui ose

22 mentir, de Topola à Ravnagora, partout on voit des patrouilles du général

23 Draza". Ce sont des chansons Chetniks, serbes; vous savez, ce genre de

24 chansons.

25 Et puis, avant qu'on ne parte, on nous a donné de la nourriture pourrie,

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1 des pois secs, des haricots secs pourris. La plupart des détenus, ils

2 n'ont pas pu se retenir, donc il y avait des excréments qui sortaient; ils

3 n'ont pas pu se retenir et cela coulait le long de leurs pantalons, dans

4 les chaussures. C'était vraiment nauséabond et c'était extrêmement

5 désagréable.

6 Le chauffage était mis alors qu'on était le 5 août, donc la chaleur était

7 insupportable. Moi-même, j'ai quelques petits problèmes de diabète, vous

8 savez, donc je cherchais, ne serait-ce qu'à toucher la vitre avec ma

9 langue pour pouvoir humidifier un petit peu ma bouche. Ce voyage, à mon

10 avis, était l'une des journées les plus difficiles que j'ai eues, avec la

11 journée que j'ai passée dans le garage, sur l'ensemble de la période que

12 j'ai passée au camp.

13 Vers 22 heures ou 23 heures, on est arrivés. On ne nous a pas laissé

14 descendre de l'autocar, on nous a laissé enfermés, bien enfermés à

15 l'intérieur de l'autocar et c'est comme cela que l'on a passé la nuit

16 jusqu'au lendemain matin vers 6 heures.

17 C'était épouvantable. Il faisait très chaud, on n'avait pas d'eau. On

18 était sales, et on était sales avec ces excréments aussi. Certaines

19 personnes qui se trouvaient dans mon autocar, ainsi que dans l'autre

20 autocar, ont été descendues. Quant à mon autocar, un homme a dû descendre.

21 L'un, un homme âgé, Pero Crnalic, que je connaissais bien, c'était un

22 homme âgé, on l'a fait descendre et on a commencé à le rouer de coups

23 immédiatement. Il me semble que je l'ai déjà dit. Plus tard, on l'a remis

24 mort dans l'autocar.

25 Question: Monsieur Murselovic, dans le compte-rendu il est dit que c'est

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1 Edo Crnalic.

2 Réponse: C'est Dedo Crnalic; c'est cela, son vrai nom. Dedo, c'est plutôt

3 un surnom chez nous, que l'on emploie pour un homme âgé, un grand-père.

4 Mais cela existe également comme nom propre, comme un prénom. Donc, il

5 s'appelait Dedo Crnalic.

6 Question: Vous rappelez-vous d'autres personnes qui auraient été sorties

7 de l'autocar et passées à tabac?

8 Réponse: Cette nuit-là, un homme a dû descendre de l'autre autocar -il

9 s'appelait Nezir Krak, c'est aussi un homme que je connaissais-, et il y

10 en a eu plusieurs autres qui ont dû descendre des autres autocars.

11 Puis le lendemain, quand on est descendus, il y a eu plusieurs personnes

12 de tuées, dont un jeune homme, j'essaie de me rappeler son nom; un de mes

13 voisins. Il travaillait à l'institut d'urbanisme, dans la salle de

14 photocopieuses. On l'appelait "Djuzin", c'était ça son surnom parce que sa

15 sœur s'appelait Djuza, donc on l'appelait Djuzin; la plupart d'entre nous

16 l'appelions ainsi. Je ne me rappelle pas son vrai nom, là.

17 L'un des gardes… Vous savez, au moment où l'on nous a alignés, quand on

18 est descendus de l'autocar, ils se sont approchés de lui; ils étaient cinq

19 ou six, et ils l'ont tué. Ils l'ont littéralement achevé à coups de bâton

20 jusqu'à ce qu'il perde connaissance et jusqu'à ce qu'il meure. Il n'est

21 pas entré au camp de Manjaca.

22 Question: Nezir Krak, lui aussi, a-t-il été roué de coups et tué?

23 Réponse: De même, durant cette nuit, on l'a fait descendre comme on a fait

24 descendre Dedo, et il a été tué. Je pense qu'il y a eu 6, 7, peut-être 8

25 personnes qui ont été tuées de cette façon-là, la nuit où on est arrivés à

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1 Manjaca.

2 Question: Est-il exact de dire que cela s'est passé à l'entrée du camp de

3 Manjaca?

4 Réponse: C'est avant l'entrée; c'est là que les autocars ont été garés

5 pour la nuit.

6 Question: Pendant combien de temps êtes-vous resté au camp de Manjaca?

7 Jusqu'au 14 novembre 1992? Est-ce la date exacte?

8 Réponse: C'est exact. Du 14 au 15 et ce, grâce à l'intervention de la

9 Croix-Rouge internationale. Nous qui étions des détenus les plus âgés

10 -cela, c'est quelque chose qu'ils ont pu établir grâce à leur ordinateur-,

11 eux, ils sont intervenus pour qu'on sorte. Et les plus âgés avaient plus

12 de 43 ou 45 ans.

13 On est sortis du camp. A l'époque, la Croix-Rouge était déjà là pour nous

14 escorter, même s'il y avait des gardes aussi. Donc, on est sortis dans des

15 conditions normales, en étant normalement installés sur nos sièges;

16 c'étaient des conditions plus normales, des conditions tout à fait

17 civilisées.

18 On est passés par Banja Luka, par Gradiska, par la zone qu'on appelait

19 UNPA, une localité qui s'appelait Jordani, et on est arrivés en Croatie à

20 Karlovac. C'était dans la nuit… Non. C'était du 14 au 15 novembre 1992.

21 Question: Monsieur Murselovic, avez-vous été grièvement blessé pendant

22 votre détention au camp d'Omarska? Et si oui, pouvez-vous préciser de

23 quelle manière?

24 Réponse: Je dois dire que j'ai été blessé, et je dois dire que j'espère

25 qu'elles n'affecteront pas durablement ma santé. On m'a cassé des côtes.

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1 Parfois, je sens quelques difficultés à ce niveau-là. Puis, j'ai eu

2 d'autres blessures également mais je dois dire que je ne ressens aucune

3 séquelle, pour le moment.

4 Ce qui est bien plus grave que ces blessures, c'étaient des humiliations,

5 c'étaient des relations inhumaines que nous avons dû subir, nous, les

6 citoyens de cette ville, des gens honnêtes, des artisans, des

7 intellectuels, des hommes d'affaires. Les blessures à l'âme sont bien plus

8 profondes que des blessures corporelles que nous ayons pu subir.

9 Question: Monsieur Murselovic, je souhaite également savoir si vous avez

10 perdu des biens à Prijedor, si il y a eu des biens vous appartenant qui

11 ont été endommagés durant le conflit de 1992?

12 Réponse: Eh bien, écoutez, comme tous les autres habitants de Prijedor,

13 j'ai subi des pertes considérables. Mes biens ont été ruinés; un bâtiment

14 a été complètement détruit, celui que j'avais commencé à construire, donc

15 ces dommages matériels sont élevés. Mais je trouve qu'il serait tout à

16 fait inadéquat et déplacé de parler de pertes matérielles lorsqu'on a, en

17 même temps, perdu ses meilleurs amis, ses collègues, des gens avec qui on

18 a grandi.

19 Pour ce qui me concerne, personnellement, j'étais aisé. Je dois dire que

20 ce serait tout à fait déplacé d'évoquer des pertes matérielles. Dans ce

21 camp, j'ai perdu mes meilleurs amis, des dizaines de copains, de camarades

22 de classe; c'étaient des intellectuels, des hommes en vue qui étaient tout

23 à l'honneur de cette ville. C'est ça, la perte la plus importante que je

24 dois déplorer.

25 Question: Monsieur Murselovic, pouvez-vous nous dire quelles sont les

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1 fonctions que vous exercez aujourd'hui au sein de la municipalité de

2 Prijedor? Et comment avez-vous commencé à occuper ce poste?

3 Réponse: Comme vous le savez et comme je l'ai déjà précisé, j'étais député

4 à l'assemblée municipale pendant la première composition pluripartite de

5 celle-ci en 1990. Par la suite, lors des premières élections après la

6 guerre, en 1997, j'ai été réélu à l'assemblée. Et dans cette nouvelle

7 composition de l'assemblée, j'ai été élu vice-président de l'assemblée

8 municipale. Lors des troisièmes élections locales qui se sont tenues en

9 l'an 2 000, j'ai été réélu encore une fois député donc; et je suis devenu

10 à ce moment-là, par l'écrasante majorité des voix, président de

11 l'assemblée.

12 J'ai recueilli à la fois des voix serbes et des voix bosniennes. De même,

13 lors des élections générales qui se sont tenues en 2000, j'ai été élu

14 député à l'assemblée populaire de la Republika Srpska. Et j'occupe

15 toujours ce poste. Je suis à la fois le président de l'assemblée

16 municipale de Prijedor et député pour la première circonscription à

17 l'assemblée de la Republika Srpska.

18 Cela fait près de quatre ans que je vis à Prijedor et je ne rencontre pas

19 de problèmes particuliers. La situation a considérablement changé, je suis

20 installé en permanence à Prijedor et je n'ai jamais fait l'objet de

21 provocations, je n'ai jamais été mis dans des situations désagréables.

22 Nous souhaitons que des gens reviennent, que l'on recrée les conditions

23 permettant une vie normale à tout le monde: aux Bosniens, aux Croates, aux

24 Serbes.

25 Et si je puis me permettre, eh bien, aujourd'hui, je peux dire qu'il n'y a

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1 pas de problème particulier même si… encore que la situation économique

2 est très difficile, le chômage est très important; donc la vie économique

3 est plutôt dramatique, mauvaise. Mais sur le plan de la sécurité, je peux

4 dire qu'il n'y a pas de problème particulier. La présence de la communauté

5 internationale est très sensible à Prijedor.

6 Question: Monsieur Murselovic, vous êtes toujours membre du parti, du même

7 parti, n'est-ce pas?

8 Réponse: Ce petit parti dont vous parlez a cessé d'exister en 1996, 1997,

9 et je suis devenu membre d'un parti qui s'appelait le "Parti pour la

10 Bosnie-Herzégovine". D'une certaine façon, il s'agit d'un parti plutôt

11 multiethnique. Ce parti est représenté sur tout le territoire de la

12 Bosnie-Herzégovine, et je représente ce parti au niveau de l'assemblée

13 nationale de la Republika Srpska.

14 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président. J'ai ainsi

15 terminé l'interrogatoire du témoin.

16 M. le Président (interprétation): Je souhaite demander au conseil de la

17 défense de commencer immédiatement le contre-interrogatoire.

18 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Muharem Murselovic, par Me Lukic.)

19 M. Lukic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

20 Bonjour, Monsieur Murselovic. Je m'appelle Branko Lukic, je travaille avec

21 M. Ostojic et nous représentons le docteur Stakic.

22 Vous avez donné des explications très fournies aux questions posées par le

23 Procureur, et nous souhaitons que vous nous aidiez à préciser certains

24 points.

25 M. Murselovic (interprétation): Je vais faire de mon mieux.

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1 Question: Merci. Nous aurons un problème car nous parlons la même langue.

2 Je vous demande une fois que j'aurais posé ma question de faire une petite

3 pause pour permettre aux interprètes de terminer leurs phrases. Merci.

4 A la page 2 de votre déposition, datée du mois de janvier 2002 -c'est-à-

5 dire donc de cette année-ci-, dans le premier paragraphe dans la version

6 BCS, à la première page, paragraphe 2, en anglais, vous avez dit: "Il y a

7 quelques années, j'ai fait une déposition auprès du TPIY, et je souhaite

8 maintenant donner un supplément d'informations et rajouter d'autres

9 explications". Est-ce que vous vous souvenez l'avoir dit?

10 Réponse: Oui, je m'en souviens.

11 Question: Qu'est-ce qui, d'après vous, n'était pas clair dans la

12 déposition que vous aviez faite le 14 décembre 1997?

13 Réponse: Je ne sais pas ce qui n'était pas clair à l'époque. Je crois que

14 l'on m'avait demandé de rajouter quelques éléments car on pensait que

15 j'allais être témoin pour l'affaire concernant Kovacevic; et c'est peut-

16 être pour cela que l'on m'a demandé de faire cette déposition en 1997. Il

17 n'y avait pas d'autre raison spécifique pour cela.

18 Est-ce que vous pouvez peut-être être un peu plus précis dans vos

19 questions?

20 Question: Eh bien, voilà quelque chose de plutôt spécifique: vous avez été

21 arrêté le 23 mai 1992, c'était un samedi soir. Est-ce que l'on vous a posé

22 une question au sujet des armes à ce moment-là?

23 Réponse: Alors, je suis déjà rentré dans pas mal de détails en ce qui

24 concerne la façon dont j'ai été arrêté. A ce moment-là, en ce qui concerne

25 les armes, j'avais mon arme de service que je portais habituellement. Et

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1 les deux policiers se posaient la question de savoir s'il fallait me

2 retirer cette arme, oui ou non.

3 Ensuite, nous avons commencé à avancer dans la rue. Il n'y a pas eu de

4 problème, on ne m'a pas demandé de revenir; je me suis présenté au

5 commissariat de police.

6 Question: Le 30 mai 1992, vous avez rendu votre arme à Ranko Vujasinovic?

7 Réponse: Oui, il m'a demandé de le faire. Je suis rentré chez moi… Je

8 n'aime pas les armes; j'en avais tout simplement parce que j'étais

9 quelqu'un d'assez aisé, donc j'avais besoin de me protéger. Alors, ils

10 m'ont attendu, ils ont attendu que je rende l'arme et que je rende aussi

11 le permis de port d'arme, et cela a été donné à Ranko Vujasinovic.

12 Question: Est-ce que, à Prijedor, ce jour-là, il y a eu des coups de feu

13 tirés?

14 Réponse: Oui, il y en a eu.

15 Question: Est-ce que c'était le jour où Prijedor a été attaquée?

16 Réponse: Je ne sais pas à quoi vous faites référence lorsque vous dites

17 "attaquée".

18 Le 30 avril, Prijedor a été attaquée et c'est à ce moment-là que le SDS a

19 attaqué Prijedor; c'était une prise de pouvoir armée. Que je sache,

20 c'était une attaque contre les institutions juridiques, les autorités

21 légales, contre les citoyens et contre toute la ville, le but étant de

22 mettre en place une situation anormale. C'était cela, l'attaque contre

23 Prijedor.

24 Mais je dois dire qu'en ce qui concerne le 30 mai, il y avait eu des coups

25 de feu qui ont été tirés; je ne sais pas exactement ce qui s'est passé.

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1 Par la suite, grâce à ce que j'ai vu, ce que j'ai entendu dire et grâce

2 aux contacts que j'ai pu avoir au camp, j'ai appris qu'il y avait eu une

3 tentative… Je ne sais pas comment le dire, en fait, mais disons que

4 c'étaient les Bosniens, les Croates qui avaient tenté de rétablir la

5 situation à Prijedor, pour que la situation redevienne comme avant.

6 Je dois dire que je ne puis pas vraiment vous expliquer mieux la

7 situation. Je pense que c'était une tentative extrêmement habile, rusée,

8 car à Prijedor, à l'époque, il y avait énormément d'armements lourds; à

9 Prijedor même, il y avait des chars, les gens étaient armés et je ne vois

10 pas vraiment comment un petit groupe de gens, quel que soit leur courage

11 et peut-être leur folie, comment ils ont pu s'en prendre à une ville avec

12 une population d'au moins 50.000… J'avais du mal à y croire; cela me

13 paraissait un peu naïf. Mais bon, par la suite, j'ai appris ce qui s'est

14 passé.

15 Question: Vous avez dit que vous étiez propriétaire de deux restaurants,

16 un restaurant et une buvette?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Vous avez dit que Milomir Stakic se rendait de temps à autre

19 chez vous, dans ces restaurants?

20 Réponse: Oui. De temps à autre, pendant la guerre et immédiatement après,

21 je l'ai vu avec Cehajic à la buvette, mais il n'est pas venu trop souvent.

22 Je n'ai pas vraiment prêté d'attention. Mais je m'en souviens très bien,

23 c'est toujours dans mon esprit que lui et M. Cehajic se tenaient près de

24 la porte d'entrée, côté gauche. Ils étaient debout, ils prenaient leur

25 petit déjeuner, donc c'était tôt le matin. C'était assez naturel parce

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1 qu'ils travaillaient ensemble.

2 Question: Est-ce que Milomir Stakic savait que vous étiez bosnien?

3 Réponse: Oui, bien sûr. Les noms sont différents; il suffit de connaître

4 le nom de quelqu'un pour savoir de quelle ethnie il est. Bien sûr, il

5 savait que j'étais bosnien.

6 Question: A la page 2, paragraphe 4, de la version BCS de votre déposition

7 –je crois que c'est la même page et le même paragraphe dans la version

8 anglaise-, vous avez dit la chose suivante: "Je crois que Cehajic

9 s'impliquait plus dans le travail effectué par le conseil exécutif que

10 n'aurait dû le faire un président de l'assemblée, la raison pour cela

11 étant que Kovacevic, probablement, n'accomplissait pas correctement ses

12 tâches".

13 Est-ce vrai? C'est ce que vous avez dit?

14 Réponse: Oui, c'est ce que j'ai dit. Et d'ailleurs, je n'ai pas changé

15 d'avis depuis. Je crois que quand il s'agit de tentative d'obstruction,

16 par exemple ne pas participer à des réunions, l'incapacité d'accomplir ses

17 fonctions, je crois que dans ces cas-là, étant donné qu'un comité, un

18 conseil exécutif doit faire certaines choses pour préparer l'assemblée,

19 car il s'agit d'un comité exécutif…

20 Ceci dit, nous, les députés, nous pensions que le docteur Kovacevic,

21 président du comité exécutif… enfin, disons qu'il avait une attitude assez

22 relâchée en ce qui concerne son travail. J'étais député, membre de

23 l'assemblée; j'ai reçu des rapports qui me disaient qu'il n'avait pas

24 participé à certaines réunions du comité exécutif.

25 Cehajic occupait le poste le plus haut en ce qui concerne les

Page 2781

1 responsabilités. Il a été obligé d'essayer d'harmoniser le travail

2 effectué, il a fallu trouver le moyen de résoudre le problème. Mais à mon

3 avis, ce n'était peut-être pas ce qu'il aurait dû faire. Plutôt que de

4 s'investir là-dedans lui-même, il aurait mieux fait d'essayer de faire en

5 sorte que Kovacevic fasse correctement son travail, mais c'étaient leurs

6 affaires. Ceci dit, c'est bien quelque chose dont nous avons parlé.

7 Question: Pouvez-vous nous donner quelques exemples spécifiques de

8 l'implication de Cehajic dans le travail effectué par le conseil exécutif?

9 Réponse: Je n'étais pas moi-même membre de ce conseil exécutif.

10 En tant que député de l'assemblée, j'aurais effectivement pu participer à

11 des réunions de cet organe exécutif mais je ne l'ai pas fait et

12 d'ailleurs, je n'étais pas obligé de le faire. Donc je ne sais pas

13 exactement, mais l'impression générale que j'avais était que M. Kovacevic

14 ne s'intéressait pas suffisamment à ce qu'il aurait dû effectuer comme

15 travail. C'est ce qu'on disait, c'étaient les bruits de couloir de

16 l'assemblée.

17 Je ne sais pas quelle a été la position officielle. Je sais que Cehajic

18 voulait que l'assemblée fonctionne au mieux mais il y avait une

19 obstruction en ce qui concerne le travail de l'assemblée, et cela a duré

20 beaucoup trop longtemps. Des réunions n'avaient pas lieu de façon

21 régulière et Cehajic, en tant que fonctionnaire le plus haut placé de cet

22 organe, voulait que cela fonctionne bien. Je ne sais pas s'il avait

23 vraiment la possibilité de modifier les choses.

24 Question: Qu'en était-il du président de l'assemblée municipale? Avait-il

25 le droit d'accomplir les fonctions du président du comité exécutif?

Page 2782

1 Réponse: Dans ce type de situation, et étant donné la structure générale,

2 le président de l'assemblée municipale représentait le pouvoir législatif

3 et le pouvoir exécutif. Il y a le maire de l'assemblée et le président de

4 l'assemblée municipale. Donc il représentait les pouvoirs législatif et

5 exécutif, et ces pouvoirs dépassaient les pouvoirs de l'administration

6 municipale, cette dernière étant sous ses ordres d'une certaine façon. Ce

7 n'était pas seulement son droit mais son devoir, c'est une obligation pour

8 lui de suivre de près le travail effectué par ce comité exécutif. Et ce

9 comité exécutif était responsable devant l'assemblée municipale.

10 Question: Voulez-vous bien dire à la Chambre, ainsi qu'à moi-même, quel

11 texte réglementaire stipule cela?

12 Réponse: Cela se trouvait dans la législation en vigueur à l'époque. Il y

13 a des dispositions, une loi qui s'appelait, qui s'appelle maintenant la

14 "loi sur l'administration municipale", mais qui n'était pas en vigueur à

15 l'époque. Et en ce qui concerne les fonctions du chef de la municipalité

16 et du président de l'assemblée municipale, il n'y avait pas de division de

17 pouvoir.

18 Maintenant, avec la nouvelle loi qui a été promulguée en 2000,

19 conformément à cette nouvelle loi, il y a une division très stricte entre

20 les devoirs de l'organe législatif et de l'organe exécutif. Conformément à

21 cette nouvelle loi, je ne suis plus président de la municipalité, je suis

22 président de l'assemblée municipale et il y a quelqu'un d'autre qui est

23 chef de la municipalité. Et il est responsable de toute l'administration

24 municipale de façon générale. Et c'est lui qui peut embaucher et licencier

25 des fonctionnaires.

Page 2783

1 De par le passé, c'était au président de la municipalité de le faire. Ces

2 deux fonctions maintenant sont divisées, il y a une séparation de pouvoir

3 qui n'existait pas auparavant. Grâce à la mise en place de ces nouvelles

4 dispositions, je crois que nous avons réussi à nous rapprocher du modèle

5 du gouvernement occidental.

6 Et d'ailleurs, je souhaite rajouter encore quelque chose: en tant que

7 président de la municipalité, ma position maintenant n'est plus supérieure

8 à qui que ce soit dans l'administration municipale. Il y a des organes

9 subordonnés à mes fonctions, et je suis responsable de ces organes.

10 Mais, en ce qui concerne l'administration municipale, cela n'a rien à voir

11 avec moi; je ne suis pas le supérieur de qui que ce soit dans cette

12 dernière, ce dernier organe. Voilà donc les différences entre maintenant

13 et avant.

14 Question: Soyons encore plus clair: est-ce qu'il y avait une loi en ce qui

15 concerne le gouvernement local, en 1991, 1992?

16 Réponse: Je ne sais pas comment s'appelait cette loi, mais il y a

17 maintenant une administration locale, un gouvernement local. De par le

18 passé, les choses n'étaient pas telles qu'elles sont actuellement.

19 Question: En ce qui concerne l'assemblée municipale, est-ce que son

20 travail a été régi par un statut de la municipalité de Prijedor?

21 Réponse: Oui, bien sûr qu'il y avait non seulement des statuts mais un

22 règlement intérieur aussi de l'assemblée municipale.

23 Question: Est-ce que, conformément au statut, la situation telle que vous

24 l'avez décrite, est bien cela? C'est-à-dire que le président de la

25 municipalité était supérieur au président de l'administration municipale?

Page 2784

1 Réponse: Je crois que c'était le cas. Vous me posez une question en ce qui

2 concerne quelque chose qui avait été promulgué bien avant que je ne

3 devienne membre du gouvernement local. Mais, effectivement, je sais qu'il

4 était notre supérieur.

5 Question: Est-ce que M. Cehajic était président de la municipalité ou

6 président de l'assemblée municipale?

7 Réponse: Je vais vous le dire encore une fois, il était président de la

8 municipalité. Le président de l'assemblée municipale de Prijedor est le

9 président de l'administration municipale en général. Et maintenant, il y a

10 séparation de pouvoir des fonctions. Maintenant, il y a le président de

11 l'assemblée ou du parlement local si vous voulez: le terme "assemblée"

12 fait référence généralement à un organe collectif.

13 Question: Le nom officiel est "assemblée municipale"?

14 Réponse: Oui. Vous avez raison, je suis président de l'assemblée

15 municipale de Prijedor, c'est le titre de mon poste actuel. Je suis

16 président de l'assemblée, l'assemblée étant constituée d'une série de

17 partis politiques, l'assemblée prend des décisions et je préside les

18 séances de l'assemblée.

19 Question: Pouvons-nous conclure que M. Cehajic était aussi président de

20 l'assemblée municipale, c'était cela son titre officiel? Ou était-il

21 président de la municipalité?

22 Réponse: Eh bien, il était président de la municipalité. Il était

23 président de l'assemblée municipale de Prijedor et de la municipalité de

24 Prijedor; c'est ce que j'essaie de vous dire, c'était la même chose à

25 l'époque.

Page 2785

1 Question: Voulez-vous bien me donner le titre de son poste?

2 Réponse: Il était président de l'assemblée municipale.

3 M. le Président (interprétation): Soyons clairs, voulez-vous bien Monsieur

4 le Témoin, répéter votre question? Il y a un problème avec le compte-rendu

5 en anglais.

6 M. Murselovic (interprétation): M. Cehajic était président de la

7 municipalité, c'est-à-dire de l'assemblée municipale de Prijedor, il était

8 président de l'assemblée municipale de Prijedor.

9 M. Lukic (interprétation): Sommes-nous d'accord pour dire que ses devoirs,

10 son autorité étaient stipulés dans les statuts de l'assemblée municipale

11 de Prijedor et décrits dans le règlement intérieur de l'assemblée de

12 Prijedor?

13 M. Murselovic (interprétation): Oui.

14 Question: Est-ce que c'était possible pour vous de remplir les fonctions

15 qui n'étaient pas envisagées en tant que telles par les statuts et les

16 règlements intérieurs de l'assemblée municipale de Prijedor?

17 Réponse: Comme je vous l'ai déjà dit, sa responsabilité était de

18 surveiller les travaux effectués par l'administration et ses organes,

19 c'était sa responsabilité. Il devait coordonner les travaux effectués par

20 les différents services de la municipalité. Je l'ai déjà dit, mais je vais

21 le dire encore une fois: à notre avis, M. Kovacevic aurait dû s'impliquer

22 plus et déployer plus d'efforts dans son travail, c'est ce que nous

23 disions entre nous. Mais il travaillait conformément aux statuts et aux

24 règlements intérieurs.

25 Question: Merci.

Page 2786

1 Toujours à la même page, page 2, paragraphe 6, vous avez dit la chose

2 suivante: "L'assemblée municipale de Prijedor est actuellement organisée

3 de façon différente par rapport à la situation de 1992".

4 Avant la guerre, l'assemblée avait des pouvoirs exécutif et législatif. A

5 l'époque, le président de l'assemblée était aussi le responsable de

6 l'administration. Maintenant, cela veut dire que l'assemblée avait des

7 pouvoirs, de l'autorité exécutive et législative.

8 Savez-vous que, conformément à la loi en force de l'ex-Yougoslavie, il

9 était formellement interdit à quelque organe officiel que ce soit d'avoir

10 les deux pouvoirs, exécutif et législatif? Conformément à la législation

11 de l'ex-Yougoslavie, les trois éléments du gouvernement étaient clairement

12 définis avec séparation des pouvoirs juridique, exécutif et législatif.

13 Réponse: Permettez-moi de vous dire quelque chose: tout était possible en

14 ex-Yougoslavie, conformément à ces lois. Je sais que la séparation des

15 pouvoirs habituels est effectivement exécutive, législative et judiciaire;

16 c'est ce que l'on trouve dans les démocraties occidentales et dans mon

17 pays actuellement. Mais, avant, avant la situation qui existe depuis 2002,

18 donc avant les élections et avant la préparation d'un certain nombre de

19 rapports par les instances internationales en Bosnie-Herzégovine, il y

20 avait le président de la municipalité et le président de l'assemblée

21 municipale. Mais le président de la municipalité était responsable et pour

22 le fonctionnement de l'administration municipale et pour la présidence de

23 l'assemblée municipale. C'est ce qu'il y avait de par le passé.

24 Cependant, aujourd'hui, nous avons une séparation de pouvoir tout à fait

25 normale; c'est-à-dire exécutif, législatif et judiciaire. Mais encore une

Page 2787

1 fois, ce n'était pas ce que nous avions avant 2002. Le président de la

2 municipalité présidait également l'assemblée et il était responsable de

3 l'administration municipale. Je pense que c'est quelque chose qui est

4 assez connu par ceux qui s'y connaissent un peu, et c'est quelque chose

5 qui a changé en 2002.

6 Il y a maintenant le bureau du président de l'assemblée municipale qui

7 représente les pouvoirs législatifs. Et il y a le chef de la municipalité

8 qui représente les pouvoirs exécutifs et qui est responsable en dernier

9 lieu pour l'administration. Il y a une véritable séparation. Bien sûr, il

10 y a aussi le troisième pouvoir judiciaire, c'est le troisième composant du

11 Gouvernement, mais c'est autre chose. Je crois que la situation est très

12 claire.

13 M. Lukic (interprétation): Monsieur le Témoin, je pense également que les

14 choses sont claires, mais elles ne sont pas telles que vous essayez de les

15 décrire malheureusement.

16 M. le Président (interprétation): Pas de commentaire, s'il vous plaît,

17 juste des questions.

18 M. Lukic (interprétation): Oui, merci, Monsieur le Président.

19 L'assemblée municipale… Est-ce que cette assemblée revêtait une autorité

20 exécutive avant 1992? Et est-ce que ce pouvoir était incorporé dans le

21 conseil exécutif de l'assemblée municipale?

22 M. Murselovic (interprétation): Oui, c'était le cas, mais ce conseil

23 exécutif représentait l'autorité exécutive.

24 Ce que vous dites est vrai, mais le président de la municipalité était

25 également le président des deux, c'est-à-dire de l'organe législatif...

Page 2788

1 (L'interprète demande que les orateurs ralentissent.)

2 M. le Président (interprétation): Oui. Dans l'intérêt de l'interprétation,

3 nous voulons que vous ralentissiez, nous voulons vous comprendre dans une

4 langue que nous comprenons. Donc je vous demanderai, s'il vous plaît, de

5 ralentir. Merci.

6 M. Lukic (interprétation): Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire le

7 nom du document statutaire qui fournit les éléments que vous nous décrivez

8 aujourd'hui, ou est-ce que vous ne connaissez pas le titre de ce document?

9 M. Murselovic (interprétation): Oui, bien évidemment, ceci est inclus dans

10 le statut et le règlement intérieur de la municipalité.

11 Question: Je vous remercie.

12 L'assemblée municipale était responsable devant qui, devant quels organes,

13 pour son travail?

14 Réponse: Que voulez-vous dire?

15 Question: Est-ce que l'assemblée municipale était responsable devant un

16 organe quelconque pour son travail?

17 Réponse: Ecoutez, l'assemblée municipale est responsable devant

18 l'électorat, tout d'abord. Sa responsabilité vient du fait que ses membres

19 ont été élus à cet effet, à savoir passer des lois, faire des amendements,

20 etc., etc.

21 Question: Qu'en est-il du conseil exécutif? Devant qui étaient-ils

22 responsables? Au président de l'assemblée municipale ou l'assemblée

23 municipale?

24 Réponse: Responsables devant le président de l'assemblée, et l'assemblée

25 municipale en général.

Page 2789

1 Question: Est-ce que, d'après vous, c'était également inscrit dans les

2 statuts de l'assemblée municipale de Prijedor?

3 Réponse: Oui, je crois en effet que c'est le cas, même aujourd'hui.

4 Question: J'ai essayé d'avoir une réponse de la sorte il y a quelques

5 instants. Est-ce que vous pouvez maintenant nous dire au moins une partie

6 de l'autorité exécutive qui pouvait être revêtue par le président de

7 l'assemblée municipale, par le président de la municipalité?

8 Réponse: Par exemple, il pouvait licencier les employés de la

9 municipalité, il pouvait influencer l'organisation générale de la

10 municipalité, opérer des changements; il signait des documents à cet effet

11 en tant que président de la municipalité. Il était également à même… Ou

12 plutôt, il pouvait contrôler le fonctionnement général de l'autorité

13 exécutive puisque c'était la municipalité elle-même qui avait élu cette

14 autorité exécutive. Ce qui fait que tous ces rapports étaient soumis à

15 l'assemblée municipale et à son président.

16 M. Lukic (interprétation): Est-ce que l'huissier peut présenter au témoin

17 la pièce n°D3, s'il vous plaît? Ce sont les statuts de la municipalité de

18 Prijedor.

19 M. le Président (interprétation): C'est un projet de statut.

20 (Intervention de l'huissier.)

21 M. Lukic (interprétation): Est-ce que vous pouvez montrer au témoin

22 l'article 40?

23 (Intervention de l'huissier.)

24 Monsieur Murselovic, pouvez-vous, s'il vous plaît, donner lecture de

25 l'article 40 du statut?

Page 2790

1 M. Murselovic (interprétation): "Article 40.

2 Le président de l'assemblée municipale représentera l'assemblée.

3 Le président de l'assemblée convoquera et organisera les séances de

4 l'assemblée, et présidera ces séances.

5 Le président de l'assemblée peut initier débat sur les questions qui

6 tombent dans la compétence de l'assemblée.

7 Le président de l'assemblée peut soumettre des propositions pour la mise

8 en vigueur générale, les rapports, les informations et les analyses ainsi

9 que d'autres documents adressés à l'assemblée, aux organes de travail de

10 l'assemblée.

11 Le président entendra les déclarations solennelles des fonctionnaires élus

12 ou désignés par l'assemblée, autrement prescrits par le statut.

13 Le président de l'assemblée aura d'autres tâches, tel que cela est défini

14 par les statuts".

15 Question: Est-ce que vous pouvez voir, ici ou ailleurs dans les statuts…

16 Est-ce que vous voyez que le président de l'assemblée municipale détient

17 un pouvoir exécutif quelconque?

18 Réponse: Je ne le sais pas. Je ne vois pas si ce sont les statuts

19 officiels de la municipalité de Prijedor.

20 "Juin 1991. Document de travail"…

21 (Le témoin lit les statuts. Il tourne les pages.)

22 M. Lukic (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que ce serait le

23 moment opportun de prendre une pause, pour que l'on donne l'occasion au

24 témoin de parcourir le document pour qu'il puisse retrouver et voir s'il y

25 a un pouvoir exécutif entre les mains du président de l'assemblée

Page 2791

1 municipale?

2 M. le Président (interprétation): Effectivement. Peut-être que le témoin

3 aura le temps, pendant la pause, de lire ce projet de texte sur les

4 statuts? Je fais cette proposition à la lumière du fait que nous savons

5 que ce document peut être lu uniquement dans son ensemble, et il n'y a pas

6 beaucoup de sens à se concentrer sur un seul article. Et effectivement, il

7 n'est pas nécessaire de poser des questions spécifiques là-dessus

8 maintenant.

9 M. Lukic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je vais donc

10 continuer.

11 Monsieur Murselovic, je vous demanderai de vous tourner vers l'article 53.

12 Nous avons parlé des responsabilités du conseil exécutif. Pouvez-vous,

13 s'il vous plaît, donner lecture de l'article 53?

14 M. Murselovic (interprétation): "L'organe exécutif de la municipalité sera

15 le comité exécutif dans le cadre des droits et fonctions de la

16 municipalité. Le comité exécutif sera responsable devant l'assemblée

17 municipale pour la proposition et la mise en oeuvre de la politique des

18 décisions et autres réglementations, et les mises en vigueur d'ordre

19 général ainsi que pour la gestion et la coordination du travail des

20 organes administratifs municipaux et les organisations. Le comité exécutif

21 exercera ses droits et exécutera ses fonctions sur cette base, en accord

22 avec la constitution des statuts et la loi".

23 Question: Est-il dit que le président du conseil exécutif est responsable

24 devant le président de l'assemblée?

25 Réponse: Non, cela n'est pas spécifié ici même. Mais il est dit qu'au sein

Page 2792

1 de l'assemblée, le conseil exécutif est formé, est formé au sein de

2 l'assemblée.

3 Question: D'après vous, le président de l'assemblée municipale pouvait, le

4 président, décider indépendamment sur les questions relatives à

5 l'assemblée municipale?

6 Réponse: Non, probablement non. C'est la raison pour laquelle il avait un

7 vice-président et dans un sens, c'est la raison pour laquelle il était

8 responsable devant l'assemblée. Maintenant, s'il pouvait le faire tout

9 seul, je ne suis pas sûr.

10 Question: Maintenant, pour une décision de l'assemblée municipale, est-ce

11 que cela exigerait un vote majoritaire au sein de l'assemblée pour que la

12 décision soit acceptée?

13 Réponse: Oui. Il y a certaines décisions qui peuvent être adoptées sur une

14 base de deux tiers du vote et d'autres par majorité, et ceci est spécifié

15 dans les statuts.

16 Question: Merci. Vous, en tant que président de l'assemblée municipale,

17 devez-vous signer une décision à propos de laquelle vous avez voté contre,

18 si c'est la décision de l'assemblée municipale?

19 Réponse: En tant que président, si l'assemblée adoptait une décision sur

20 une base de vote majoritaire, indépendamment de mes points de vue, je dois

21 signer un tel document. Si quelque chose, bien évidemment, n'est pas

22 contraire au droit, ou contraire à la constitution.

23 Question: En d'autres termes, vous avez le droit de refuser de signer une

24 décision adoptée par l'assemblée?

25 Réponse: En pratique, cela se passe très rarement. Les décisions qui sont

Page 2793

1 adoptées par l'assemblée, c'est mon devoir de signer de telles décisions.

2 Ceci est stipulé dans les statuts.

3 Question: Savez-vous qui était le supérieur pour les services

4 professionnels de l'assemblée?

5 Réponse: Pour ce qui est des services professionnels, c'était le président

6 de l'assemblée qui était l'organe supérieur, si vous voulez.

7 Question: Je vous demanderai de donner lecture des articles 50 à 51, s'il

8 vous plaît, des statuts?

9 Réponse: "Le secrétaire de l'assemblée assistera le président de

10 l'assemblée dans la préparation et dans l'organisation des sessions de

11 l'assemblée. Le secrétaire sera nommé pour une période de quatre ans et

12 pourra être nommé pour deux mandats successifs au plus".

13 Je dois dire que le secrétaire est toujours responsable pour le travail

14 des services des assemblées, mais le président ... Enfin, aujourd'hui, le

15 secrétaire est responsable devant le président.

16 Les services de l'assemblée... En fait, le secrétaire a des

17 responsabilités en ce qui concerne l'administration, mais les services des

18 assemblées ont la responsabilité du président, le président qui signe

19 toutes les décisions de l'assemblée.

20 Si vous me permettez, vous m'avez demandé quelque chose. Est-ce que je

21 peux vous lire l'article 56? Sur la base d'une décision de l'assemblée, le

22 travail et l'organisation du conseil exécutif est établi, ce qui veut dire

23 que c'est l'assemblée qui organise le travail du conseil exécutif.

24 Question: Pouvons-nous être d'accord que ce n'est pas quelque chose dont

25 s'occupe le président de l'assemblée?

Page 2794

1 Réponse: Le président de l'assemblée, en tout état de cause, préside à

2 l'assemblée et c'est la personne qui détient la responsabilité la plus

3 élevée. Il signe les documents relatifs à l'organisation et au travail du

4 conseil exécutif.

5 Question: Combien de voix ou votes a le président de l'assemblée?

6 Réponse: Un seul vote, une seule voix.

7 Question: Est-ce que vous pouvez mieux l'expliquer? Vous ne l'expliquez

8 pas vraiment. Avec une voix, est-ce qu'il a le droit de voter une fois ou

9 est-ce qu'il a le droit de voter plusieurs fois?

10 Réponse: Il n'a le droit de voter qu'une seule fois, tout comme les autres

11 membres de l'assemblée.

12 Question: Merci. Combien de personnes sont employées dans les services de

13 l'assemblée, dans cette assemblée, plus ou moins?

14 Réponse: Approximativement quatre ou cinq personnes.

15 Question: Quel est le nombre d'employés de l'assemblée?

16 Réponse: 150 employés.

17 Question: A la page 2, paragraphe 7, pas des statuts mais de votre

18 déposition, vous dites qu'avant 1992, l'assemblée avait son mot à dire

19 pour qui était le chef de la police locale?

20 Réponse: Oui.

21 Question: "Mais pour son travail au jour le jour, c'était principalement…

22 elle était plutôt responsable pour son travail régional et vis-à-vis de sa

23 hiérarchie". Vous souvenez-vous avoir dit cela dans votre déposition?

24 Réponse: Oui, c'est toujours mon opinion. La police, c'était le

25 secrétariat municipal pour les affaires intérieures; cela s'appelait le

Page 2795

1 SUP, secrétariat pour les affaires intérieures, ce qui veut dire que

2 c'était un organe municipal C'était l'organisation à l'époque, même si les

3 choses avaient tendance à changer. A cette époque, on faisait référence à

4 cet organe comme le SUP.

5 Question: En d'autres termes, le SUP faisait partie de l'assemblée

6 municipale?

7 M. Murselovic (interprétation): Non.

8 M. Lukic (interprétation): Alors, comment expliquez vous cela? Vous venez

9 de dire que c'était un des secrétariats?

10 M. le Président (interprétation): Je veux que vous cessiez de faire des

11 commentaires, s'il vous plaît.

12 M. Lukic (interprétation): D'après vous, est-ce que le SUP était un des

13 secrétariats de l'assemblée municipale?

14 M. Murselovic (interprétation): A l'époque, c'était un des secrétariats de

15 l'assemblée municipale.

16 Question: Vous avez dit que la municipalité avait une administration

17 régionale. Est-ce que le terme "municipalité" est plus large que le terme

18 "régional"?

19 Réponse: Je ne sais pas comment cela a été écrit ici, mais j'aimerais

20 clarifier ce point.

21 L'attitude vis-à-vis de la police, et entre la municipalité et la police,

22 changeait fréquemment. Aujourd'hui, on se réfère à cet organe en tant que

23 le MUP, le ministère des affaires intérieures. Et dans ce cas, le

24 ministère est responsable pour toute l'organisation de la police. Si on se

25 réfère à cette organisation comme le SUP, cela veut dire que c'est un des

Page 2796

1 secrétariats de l'assemblée municipale. A cette époque-là, l'assemblée

2 municipale, d'une certaine façon, nommait Hasan Talundzic comme chef de

3 police, ce qui veut dire que la municipalité le désignait comme chef de

4 police de la municipalité de Prijedor.

5 Question: Savez-vous quand les SUP, les secrétariats de l'intérieur, quand

6 est-ce qu'ils ont été transformés en MUP, c'est-à-dire des ministères de

7 l'intérieur?

8 Réponse: Je ne pourrais pas vous dire exactement quand cela s'est fait.

9 Question: Est-ce que l'on peut dire que c'était en 1990?

10 Réponse: Non. Je ne peux pas vous dire exactement quand cela s'est passé,

11 quand l'organisation a été établie. Je sais que le chef de la police a été

12 nommé, d'une façon ou d'une autre, par la municipalité en 1990 lorsque les

13 élections ont eu lieu.

14 Question: Lorsque la désignation SUP a été transformée en MUP, est-ce que

15 quelque chose a changé en termes d'organisation de cet organe, ou est-ce

16 que c'était tout simplement une question de changement de nom,

17 d'appellation?

18 Réponse: Je pense que lorsque le nom a changé… Je pense que les liens avec

19 le ministère de l'Intérieur sont devenus plus forts, en termes

20 d'organisation et en terme de responsabilité devant le ministère de

21 l'Intérieur. Mais en tout état de cause, ils étaient responsables pour la

22 situation dans la municipalité, la sécurité, le licenciement et l'embauche

23 des employés. Je ne sais pas exactement quelle était l'organisation au

24 sein même de la police.

25 Question: Connaissez-vous quelque chose sur l'organisation de la police?

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1 Réponse: Non. Mais lorsque nous utilisions le terme MUP, il y a une

2 association avec des liens plus forts avec le ministère de l'intérieur.

3 Question: Lorsque le nom SUP a été transformé en MUP, les changements

4 structurels ont-ils eu lieu au sein de cette organisation? Il y a eu des

5 changements structurels au sein de cette structure; est-ce que vous êtes

6 au courant?

7 Réponse: Non, je ne le suis pas.

8 M. Lukic (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que c'est le bon

9 moment pour nous arrêter? Car cela fait une heure et demie depuis que nous

10 avons commencé.

11 M. le Président (interprétation): Oui, en effet.

12 Avant de prendre la pause, avant de rentrer dans les détails –et bien

13 évidemment, j'ai compris votre point-, j'aimerais vous inviter à poser des

14 questions uniquement sur la connaissance que détient le témoin, et ne pas

15 essayer de commencer un examen judiciaire de ce témoin. Car nous devons

16 trouver des faits et non pas de la théorie.

17 M. Lukic (interprétation): Monsieur le Président, avant-hier, le témoin a

18 en longueur décrit l'organisation du MUP.

19 M. le Président (interprétation): Oui, je vous ai compris, Monsieur Lukic,

20 mais gardez cela à l'esprit.

21 M. Lukic (interprétation): Oui, mais nous devons questionner les points de

22 vue du témoin sur cette organisation.

23 M. Koumjian (interprétation): Pensez-vous que nous aurons le temps de

24 recevoir le prochain témoin? J'ai des doutes. Dans ce cas-là, on peut très

25 bien lui dire qu'il ne viendra pas aujourd'hui.

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1 M. Lukic (interprétation): Ce témoin est très éloquent et un bon orateur,

2 et je pense qu'il a beaucoup à dire sur chaque question. Et si nous

3 procédons de cette manière, nous pensons que cela prendra toute la journée

4 pour le contre-interrogatoire.

5 M. le Président (interprétation): Je pense que dans l'intérêt du témoin

6 qui attend… Je pense qu'il vaut mieux l'excuser car les Juges ont

7 également des questions pour ce témoin-ci.

8 Très bien. Nous reprendrons donc à 16 heures 10.

9 (L'audience, suspendue à 15 heures 47, est reprise à 16 heures 15.)

10 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

11 Avant de reprendre, je souhaite savoir si M. Murselovic et la défense

12 peuvent faire le nécessaire afin que nous puissions savoir où s'arrête la

13 question et où commence la réponse, pour que nous puissions retrouver cela

14 sur nos écrans. Sinon, nous ne pouvons pas suivre l'interrogatoire de la

15 manière la plus appropriée.

16 Je demanderai à la défense de tenir compte de la différence qui existe

17 entre un témoin ordinaire et un témoin expert. D'autres moyens existent,

18 n'est-ce pas, afin d'établir ce que cherche apparemment à établir la

19 défense.

20 S'interroger sur la législation municipale telle qu'elle a existé sur

21 papier, essayer de montrer quelles ont été les différences, c'est

22 possible, mais les questions qui peuvent être adressées à ce témoin sont

23 uniquement des questions concrètes et non des questions juridiques.

24 M. Lukic (interprétation): Monsieur le Président, je cite les propos du

25 témoin et je fonde mes questions là-dessus, soit sur des propos du témoin

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1 qui figurent dans sa déclaration écrite, soit sur ses réponses qui ont été

2 données lors de l'interrogatoire principal.

3 Donc, je pense que nous avons à préciser un certain nombre de points qui

4 concernent la législation.

5 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.

6 M. Lukic (interprétation): Merci.

7 Monsieur Murselovic, en page 2, paragraphe 7 de la version en BCS

8 -également page 2, paragraphe 7 en version anglaise- de votre déclaration

9 qui date de l'an 2002, vous dites la chose suivante: "L'assemblée avait

10 son mot à dire lorsqu'il s'agissait de la nomination du chef de la police

11 locale."

12 Vous vous référez ici au chef du poste de sécurité publique de Prijedor?

13 M. Murselovic (interprétation): Oui.

14 Question: Savez-vous qu'entre les trois partis nationaux -le SDS, le SDA

15 et le HDZ-, il y avait un accord, un accord sur la constitution du pouvoir

16 et le partage du pouvoir, ainsi que la répartition des postes à tous les

17 niveaux?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire. Cet accord

20 prévoyait, pour le niveau municipal, que le parti ayant le plus grand

21 nombre de députés propose son candidat au poste de président de

22 l'assemblée municipale, et que ce parti allait proposer son candidat pour

23 le poste du chef de la police, autrement dit pour le chef du poste de

24 sécurité publique.

25 Savez-vous que le SDA de Prijedor, autrement dit le parti de l'action

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1 démocratique de Prijedor, sur la base de cet accord, a proposé M. Hasan

2 Talundzic au poste de chef de police?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Savez-vous qui a nommé M. Talundzic à ce poste, au poste de chef

5 de la police?

6 Réponse: Je ne sais pas qui l'a nommé 10 ans plus tard, ou plutôt 12 ans

7 plus tard, mais il me semble que c'était un accord entre les partis et que

8 d'après cet accord, le poste devait revenir au parti de l'action

9 démocratique.

10 Question: Savez-vous que seul le ministre compétent, autrement dit le

11 ministre de l'intérieur, était habilité à signer la nomination de M.

12 Talundzic à ce poste, au poste de chef de la police locale?

13 Réponse: Je ne connais pas ce détail que vous venez de donner. Il est

14 peut-être exact, je vous fais confiance, mais les partis avaient passé un

15 accord et selon cet accord, le poste de chef de la police locale devait

16 revenir au parti qui était le SDA. Autrement dit, la municipalité a été

17 consultée d'une manière ou d'une autre sur ce sujet.

18 Question: Lors de ces entretiens et des négociations portant sur le

19 partage du pouvoir, y a-t-il eu participation d'autres partis, en plus des

20 trois principaux partis politiques?

21 Réponse: Non.

22 Question: Les autres partis étaient-ils représentés au sein de l'assemblée

23 municipale de Prijedor?

24 Réponse: Pour autant que je sache, non. Mais ces trois partis, le SDA, le

25 SDS et un petit parti qui était en fait le HDZ, donc l'union démocratique

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1 croate, qui n'a eu que deux sièges à Prijedor mais qui a pu néanmoins

2 prendre part au pouvoir… Donc ce que je sais, c'est qu'il y a eu un accord

3 entre ces trois partis politiques.

4 Eux avaient en tout 60 députés à eux trois et ils avaient donc la majorité

5 leur permettant de prendre des décisions et de les mettre en oeuvre. On ne

6 nous a pas consultés, nous, les autres députés. C'est comme cela que cela

7 se passait.

8 Question: Je me réfère à la même page, la page 2. Au dernier paragraphe en

9 version BCS, vous déclarez, je cite: "Lors d'une réunion, Cehajic…", puis,

10 je passe, "…a proposé qu'il n'y ait pas de licenciements de policiers

11 serbes, mais qu'au moment de leur départ à la retraite, des Musulmans

12 soient nommés à leur poste".

13 Est-ce exact? Avez-vous déclaré cela?

14 Réponse: Si vous me le permettez, je souhaite préciser ces propos.

15 Monsieur Cehajic, en tant que président de l'assemblée, parlait d'une

16 différence qui existait entre la proportion de la population d'un groupe

17 ethnique et la participation des représentants de ce groupe ethnique au

18 sein de la police. Donc, il disait combien il y avait de personnes membres

19 de chacun de ces groupes ethniques et il évoquait la participation

20 proportionnelle de ce groupe ethnique aux effectifs de la police. Et pour

21 ce qui est de toutes les municipalités, toutes les communes, en fait,

22 faisant partie de Prijedor, il y avait une différence.

23 Il avait mentionné les commune de Bosanski Novi, Bosanska Dubica, Prijedor

24 et d'autres. Et au sujet de celles-ci, il a dit quel était le pourcentage

25 des Bosniens, des Serbes, etc., en fonction du dernier recensement, et il

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1 donnait également les chiffres du nombre d'employés de ce groupe ethnique

2 dans la police.

3 De toute évidence, il y avait un fossé entre l'importance de ce groupe

4 ethnique et le nombre de postes qu'ils détenaient. Alors, M. Cehajic a

5 demandé que l'on mette cela en conformité; autrement dit, que l'on

6 rétablisse un certain équilibre, que l'on essaye d'y parvenir, si

7 possible, et c'était tout à fait naturel et compréhensible.

8 Il a dit: "Nous ne demandons pas qu'il y ait, sur-le-champ et ad hoc, des

9 licenciements d'employés serbes qui, d'après leur nombre, sont beaucoup

10 plus nombreux que la population serbe ne l'est sur le territoire de la

11 municipalité. Mais nous souhaitons que ce soit un processus durable et

12 qu'au moment où il y aura besoin d'embaucher de nouveaux policiers, eh

13 bien, que ces policiers viennent des rangs musulmans, bosniens ou croates

14 pour que l'on rétablisse l'équilibre".

15 Voilà. C'était cela, sa proposition. Cela a été très mal accueilli sur les

16 bancs de l'assemblée; il y a eu des protestations, des huées, etc.

17 Question: Vous rappelez-vous la date de cette session de l'assemblée?

18 Réponse: Il me semble que c'était en 1991.

19 Question: Savez-vous que l'assemblée municipale n'est pas compétente en la

20 matière, qu'elle n'est pas du tout habilitée à prendre des décisions sur

21 ces points?

22 Réponse: Ecoutez, l'assemblée municipale a été saisie de cette question.

23 Mais je ne suis pas d'accord avec vous. Il n'est pas vrai que l'assemblée

24 n'est pas habilitée à débattre de ces questions-là. C'est une question

25 politique; l'assemblée municipale est tout à fait apte à débattre des

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1 rôles d'un tel ou tel peuple si elle a l'impression que sa participation

2 au pouvoir n'est pas adéquate. Il était tout à fait naturel que

3 l'assemblée municipale, à partir du moment où elle a proposé son candidat

4 au poste du chef de la police, que, d'une certaine manière, elle veille à

5 ce que les choses se passent bien.

6 Elle nommait non seulement le chef, mais aussi ses assistants. Elle devait

7 donc veiller à ce qu'il n'y ait pas une telle disproportion dans la

8 représentation des différents peuples, des différents groupes ethniques,

9 notamment au sein de ce secrétariat municipal qui répondait devant

10 l'assemblée, parce que tout ce qui concerne la sécurité sur le territoire

11 de la municipalité le concernait. Donc, il assistait l'assemblée dans son

12 travail à lui fournir des informations, des renseignements, etc.

13 Question: Le MUP de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine qui

14 existait à l'époque, était-ce un organe indépendant?

15 Réponse: Qu'entendez-vous par là: était-il indépendant ou non?

16 Question: Le MUP répondait-il devant qui que ce soit, en dehors de la

17 hiérarchie du ministère de l'intérieur?

18 Réponse: Je pense que si c'est l'assemblée municipale qui nommait les

19 chefs, c'était en coordination proche. Mais vous l'avez dit vous-même, que

20 c'est au niveau local que les partis politiques s'étaient mis d'accord sur

21 la nomination du chef de la police, de ses adjoints, etc. Dans ce

22 contexte-là, il me semble naturel que l'assemblée soit au courant du fait

23 qu'un groupe ethnique ne doit pas bénéficier des postes en discriminant

24 les autres. Donc, il me semble naturel que l'assemblée veille à ce qu'il y

25 ait un équilibre.

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1 Mais au sein d'une hiérarchie, c'est le ministère de la République qui

2 était, à cette époque-là, la République socialiste de Bosnie; eh bien, ce

3 ministère travaillait en coordination et, d'une certaine manière, était

4 supérieur, placé dans une position de supériorité par rapport aux SUP de

5 Prijedor.

6 Question: Il va falloir que l'on revienne sur un point. Ce sont les partis

7 politiques qui proposaient leur candidat, donc, au poste de chef de la

8 police de Prijedor, ou bien est-ce l'assemblée municipale de Prijedor qui

9 le faisait?

10 Réponse: En l'occurrence, comme vous l'avez dit vous-même, ce sont les

11 partis politiques qui donnaient leurs propositions à l'assemblée

12 municipale.

13 Question: Par conséquent, cette proposition était donnée à l'assemblée

14 municipale de Prijedor, ou bien était-ce une proposition dont était saisi

15 le ministère de l'intérieur de la République socialiste de Bosnie-

16 Herzégovine?

17 Réponse: Comme vous employez un terme que nous devons préciser, accord ou

18 approbation, c'est un acte formel qui est fait par un organe donné. Mais

19 un accord, lorsqu'on parle d'accord sur un candidat, eh bien, c'est une

20 proposition qui émane d'une communauté locale.

21 Et encore aujourd'hui, vous savez, des situations ou des ministères

22 donnent leur approbation au sujet d'un individu, au sujet de son CV, etc.,

23 mais la proposition concernant ce candidat est consentie sur un niveau

24 local.

25 Question: Lorsque je parle de niveau local, je parle de partis politiques;

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1 vous êtes d'accord avec moi?

2 Réponse: Oui, absolument. Cela se passe au niveau local et cela s'est fait

3 entre les partis politiques principaux qui détenaient la majorité dans la

4 municipalité de Prijedor.

5 Question: Faites-vous une différence entre le fait de proposer un candidat

6 et le fait de négocier ou de débattre au sujet d'un candidat et la

7 nomination de celui-ci?

8 Réponse: Bien sûr, que je fais une différence.

9 Question: Qui pouvait nommer quelqu'un, nommer un candidat?

10 Réponse: C'est le ministère qui donnait son approbation.

11 Question: Et qui le nommait?

12 Réponse: Eh bien, écoutez, je ne me souviens pas très bien. Mais à partir

13 du moment où ils se sont mis d'accord sur le fait que c'est le SDA qui

14 devait avoir ce poste, donc ça devait être un Bosnien. Et à partir du

15 moment où l'on a donné tous les noms des chefs au niveau de la

16 municipalité et lorsque nous avons choisi tous ces candidats, il me semble

17 que cela a été proposé et que nous avons donné notre avis au sujet de ce

18 candidat également.

19 Question: En page 3 de votre déclaration de l'an 2002, premier paragraphe,

20 vous dites, je cite: " Talundzic n'a pas pu faire grand-chose parce que la

21 plupart des policiers qui étaient placés sous ses ordres étaient de

22 nationalité serbe. Ils ne souhaitaient pas collaborer avec lui."

23 Vous rappelez-vous avoir dit cela?

24 Réponse: Oui, c'est exact.

25 Question: Et comment êtes-vous au courant de ces problèmes?

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1 Réponse: Parce que ce n'était un secret pour personne. On en parlait, on

2 disait que M. Talundzic ne pouvait pas vraiment agir sur ce qui se passait

3 dans la police. Auparavant, il n'a jamais eu de poste au sein de la

4 police, lui-même.

5 Question: Au niveau de l'assemblée municipale, est-ce que cela a été

6 débattu?

7 Réponse: Non.

8 Question: Vous avez eu l'occasion d'en parler avec M. Talundzic?

9 Réponse: Eh bien, il m'est arrivé souvent de le croiser ou de le voir, et

10 il s'est plaint en disant qu'un certain nombre de personnes qui étaient

11 placées sous son autorité faisaient preuve d'insubordination.

12 Question: Le ministère de l'Intérieur de la République socialiste de

13 Bosnie-Herzégovine répondait devant qui? Le savez-vous? Mis à part sa

14 propre ligne de commandement?

15 Réponse: Je ne sais pas à qui il répondait; cela ne faisait pas partie de

16 mon domaine. Vraisemblablement, c'est au niveau de la République

17 socialiste, au niveau de son gouvernement qu'il devait avoir son

18 supérieur.

19 Question: Donc, il répondait au gouvernement?

20 Réponse: Oui, comme partout ailleurs, dans tous les autres pays.

21 Question: Savez-vous à qui soumettait ces rapports le ministère de

22 l'Intérieur, mis à part le Gouvernement devant qui il répondait?

23 Réponse: Je ne le sais pas.

24 Question: Savez-vous que le ministère de l'Intérieur avait ses propres

25 textes, le règlement intérieur qui précisait la ligne de commandement et

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1 les relations au sein du service?

2 Réponse: Bien sûr que cela a existé, autrement je ne vois pas comment cela

3 aurait pu fonctionner.

4 Question: Avez-vous jamais eu l'occasion de lire un texte de loi qui

5 traite de cela?

6 Réponse: Non.

7 Question: En page 3, deuxième paragraphe de la version en BCS, autrement

8 dit en page 2, l'avant-dernier paragraphe de la version anglaise, vous

9 avez déclaré -et je cite: "Je ne sais pas qui est responsable de la

10 nomination de nouveaux policiers. Je ne sais pas non plus si l'assemblée y

11 a joué un rôle quelconque. Je crois que le poste de sécurité publique de

12 Prijedor était compétent pour ce qui est de la nomination des jeunes

13 policiers".

14 Vous rappelez-vous ces propos?

15 Réponse: Eh bien, oui, je ne vois pas d'où ils auraient pu les amener, ils

16 avaient un service qui était chargé vraisemblablement de cela, de recevoir

17 de nouveaux agents et tout cela, c'étaient des gens qui vivaient, qui

18 travaillaient à Prijedor. Et selon les besoins du service,

19 vraisemblablement ils ont suivi un entraînement où ils ont été envoyés à

20 l'école afin de pouvoir être embauchés à la police par la suite.

21 Question: Vous ne savez pas qu'au sein du ministère de l'Intérieur de la

22 République socialiste de Bosnie-Herzégovine, personne, mis à part le

23 ministre en personne, ne pouvait signer une lettre d'embauche qu'il

24 s'agisse des agents de ménage jusqu'aux collaborateurs les plus proches du

25 ministre?

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1 Réponse: Cela, je ne le sais pas.

2 Question: Savez-vous qu'il s'agit d'une règle qui est toujours valable en

3 Bosnie-Herzégovine?

4 Réponse: Cela non plus je ne le sais pas, mais je sais qu'ils ont été

5 répartis autrement selon les services. Ils ont des centres de sécurité

6 publique et Prijedor n'est plus du tout un centre, n'a pas le statut de

7 centre, mais c'est une antenne du centre de Banja Luka; donc l'assemblée

8 municipale n'est plus compétente en la matière de la police. Aujourd'hui,

9 c'est le centre de sécurité publique de Banja Luka qui est compétent pour

10 Prijedor, et il y a 5 centres de ce genre uniquement au niveau de l'Etat.

11 Donc il s'agit d'une centralisation pour ce qui est de ce segment des

12 services publiques ou de l'administration plutôt.

13 M. Lukic (interprétation): Savez-vous qu'au niveau de la Fédération de

14 Bosnie-Herzégovine ce principe est toujours en vigueur, le même qui était

15 valable avant la guerre en Bosnie-Herzégovine?

16 M. Murselovic (interprétation): Je dois vous dire que je ne suis pas au

17 courant de cela, mais figurez-vous que le ministre lui-même ne connaît

18 vraisemblablement pas ces gens au moment de leur embauche, qu'il s'agisse

19 d'agents de police ou de service de nettoyage, mais ce serait étonnant que

20 ce soit lui qui les choisisse. Et pour des postes peu importants, eh bien,

21 les propositions viennent vraisemblablement d'en bas, de la base comme on

22 l'appelle, d'une ville ou d'un centre, d'un MUP ou plutôt d'un

23 secrétariat, etc.

24 Peu importe finalement si c'est le ministre qui signe en dernière instance

25 puisque ce sera une personne qui travaillera dans sa propre ville. C'est

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1 purement et simplement une formalité le fait que c'est le ministre qui le

2 signe, c'est une manière de centraliser l'administration de l'Etat. Mais

3 pour des postes qui ont si peu d'importance, eh bien, les propositions

4 venaient très vraisemblablement des personnes qui étaient compétentes en

5 la matière au niveau local.

6 M. Waidyaratne (interprétation): Objection. Le témoin a très clairement

7 répondu en disant qu'il ne savait pas comment se faisait cette signature,

8 comment étaient signées ces choses-là. Donc je soulève une objection, je

9 demanderai qu'elle soit consignée en compte rendu d'audience.

10 M. le Président (interprétation): Je demanderai à la défense de ne poser

11 des questions qu'au sujet desquelles le témoin peut répondre directement

12 d'après ses connaissances. Il ne faudrait pas qu'il y ait des

13 spéculations.

14 M. Lukic (interprétation): Monsieur le Président, la défense serait

15 heureuse de pouvoir entendre une réponse simple par un "oui" ou un "non",

16 et cela nous permettrait de changer de sujet. Cependant, le témoin se

17 lance sans arrêt dans des explications.

18 M. le Président (interprétation): Si je me souviens bien, si je ne m'abuse

19 pas le témoin vous a dit au départ: "Je ne le sais pas", et vous avez

20 continué à poser vos questions. Poursuivez, s'il vous plaît.

21 M. Lukic (interprétation): Monsieur Murselovic, avez-vous pris part aux

22 négociations portant sur le partage du pouvoir?

23 M. Murselovic (interprétation): Non, jamais.

24 Question: Merci.

25 Vous avez dit que vous étiez député à l'assemblée municipale de Prijedor

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1 et que vous représentiez le parti de l'initiative privée?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Pouvez-vous nous dire quel était le programme de ce parti, si

4 vous vous en souvenez?

5 Réponse: Eh bien, il s'agissait d'un parti qui regroupait des hommes

6 d'affaires privés, des personnes travaillant dans la restauration, des

7 commerçants, ceux qui avait des entreprises de transport public. Voilà.

8 Donc, c'étaient des personnes qui ont créé un parti. Il y avait aussi des

9 indépendants et qui souhaitaient protéger les intérêts de ses membres dans

10 un nouveau système multipartite. Nous pensions que grâce à un système

11 multipartite, nous pourrions faire notre contribution au travail de

12 l'assemblée et, de cette façon, protéger au mieux nos propres intérêts.

13 Alors, qu'est-ce que je veux dire quand je veux dire "protéger nos

14 intérêts"?

15 Eh bien, jusque-là, dans le régime socialiste, la propriété était la

16 propriété d'Etat, la propriété sociale. Il existait bon nombre de règles,

17 de réglementations; il y avait un système de contributions et en ce qui

18 concerne notre statut… disons qu'en fonction de notre statut, les

19 contributions, les impôts et les taxes, ce que nous devions payer, étaient

20 plus importants que tout ce qui était payé par les entreprises d'Etat, les

21 entreprises sociales.

22 Nous pensions que dans le système multipartite, nous pourrions essayer de

23 nous défendre pour mieux protéger nos intérêts. Nous étions les mieux

24 placés pour connaître notre situation et notre statut, nous savions où se

25 trouvaient les dangers pour nous du point de vue économique et social. Et

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1 c'était cela, le programme de ce parti.

2 Jusqu'en 1990 à Prijedor, il y avait à peu près 2.000 entrepreneurs

3 indépendants et au moins 1.000 personnes qui étaient employées par ces

4 entrepreneurs indépendants et cette catégorie de la population était notre

5 cible, si vous voulez. Nous étions là pour représenter le petit capital et

6 nous avons voulu protéger nos intérêts. Car dans la plupart des cas, des

7 entreprises d'Etat, des entreprises sociales étaient majoritaires et

8 jouaient le rôle prédominant de tous les points de vue.

9 Il y avait la question des impôts et des taxes qui étaient plus élevés

10 pour nous. Et en ce qui concerne le nombre d'employés, là aussi c'était

11 limité pour nous, c'était seulement à partir de 1984 que nous avons pu

12 employer plus de cinq personnes. Nous voulions participer aussi à la prise

13 de décision et ainsi protéger les intérêts des entrepreneurs privés.

14 Question: Dans votre parti, quelle a été votre position vis-à-vis du

15 marché? Est-ce que dans votre programme, vous aviez une vision d'un marché

16 yougoslave unifié ou est-ce que vous pensiez autrement?

17 Réponse: Eh bien, c'était un parti qui existait au niveau de la Bosnie-

18 Herzégovine et j'avoue que je ne me rappelle pas absolument tous les

19 détails de notre programme.

20 Parlez-vous d'un marché yougoslave? Eh bien, je dirais de toute façon que

21 si vous me posez la question personnellement, je dirais, en tant qu'homme

22 d'affaires, que le marché qui m'intéresse, c'est un marché plus grand,

23 plus large.

24 Au restaurant, j'avais des personnes qui venaient de la Serbie, de la

25 Macédoine, la Slovénie, etc., donc toutes les parties de l'ex-Yougoslavie,

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1 et c'est quelque chose qui doit continuer à exister, c'est à dire: un

2 espace économique plus large doit exister. C'était comme cela que notre

3 économie a évolué dans l'ex-Yougoslavie.

4 Question: Dans votre programme, dans le programme de votre parti, savez-

5 vous s'il y avait aussi une lutte pour un marché yougoslave unifié?

6 Réponse: Je ne me rappelle pas si cela faisait partie de notre programme.

7 Mais lorsque le parti a été créé en 1989, avant les élections

8 multipartites, pluripartites, personne n'avait envisagé la possibilité de

9 la disparition de la Yougoslavie, c'est-à-dire sans cet espace économique

10 unifié.

11 Question: Vous étiez propriétaire de deux restaurants. Nous pouvons donc

12 dire que vous faisiez partie de la couche aisée de la population de

13 Prijedor, que vous étiez…, vous aviez l'estime des autres citoyens, vous

14 étiez un membre important de la communauté avant la guerre. Et vous aviez

15 dit que vous aviez acquis vos bien grâce à votre travail et que c'était

16 quelque chose qui existait depuis des générations.

17 Pouvez-vous nous dire s'il y avait d'autres personnes dans une situation

18 semblable? Et si oui, est-ce que vous vous rappelez leurs noms?

19 Réponse: Oui. Il y avait pas mal d'individus qui comme moi, détenaient des

20 biens. Je me rappelle pas mal de noms de personnes qui avaient la

21 propriété.

22 Question: Pouvez-vous nous citer quelques noms?

23 Réponse: Senadin Ramadanovic qui avait une pâtisserie, c'est quelque chose

24 qui existait depuis des générations. Et puis il y avait un restaurateur,

25 Ziko Crnalic; il avait un grand restaurant. Il y avait d'autres personnes

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1 aussi qui avaient d'autres activités. Il y avait les trois frères

2 Kapetanovic. Il y avait un restaurateur, Nedjo Delic -c'était son nom-, il

3 venait d'ailleurs en Europe et il a toujours un restaurant, même

4 maintenant, et en fait c'est une des personnes les plus aisées et les plus

5 connues de la ville. Tout était relatif bien sûr; je ne dirais pas que

6 c'est comparable à quelqu'un d'aisé ou de riche en Occident.

7 Il y avait des personnes qui avaient plus ou moins de réussite. Il y avait

8 un restaurateur, un autre restaurateur… Bien sûr, je les connaissais bien.

9 Il s'appelait Luka Sanicanin, c'était un Croate; il avait un restaurant de

10 poissons. Et puis, il y avait d'autres personnes de différentes origines

11 ethniques. Il n'y en a plus beaucoup maintenant, du moins du côté des

12 Bosniens. Alors, ils avaient constitué leurs biens, leurs propriétés grâce

13 à de longues années de travail. Certains avaient déjà travaillé à

14 l'étranger, en Allemagne, en Autriche; ils sont revenus dans le pays avec

15 un certain capital. Et puis, il y a quelqu'un d'autre dans la même

16 catégorie, Nedjo Delic, qui avait un restaurant.

17 A l'époque, j'étais plus jeune que les autres mais mon père, qui est

18 décédé entre temps, travaillait dans cette zone depuis plus de 40 ans, 50

19 ans et, en fait, j'ai tout hérité de sa part. J'étais le fils unique, j'ai

20 suivi la vocation et j'ai décidé, dès que j'ai terminé mes études

21 scolaires, de faire la même chose. Enfin, c'était peu habituel, que

22 j'aurais pu faire d'autres études.

23 Question: Y avait-il des personnes connues et respectées à Prijedor, qui

24 travaillaient dans des entreprises d'Etat comme, par exemple, des

25 ingénieurs et des médecins?

Page 2814

1 Réponse: Oui, bien sûr. Mais vous savez que les ingénieurs et les

2 personnes avec un bon niveau d'éducation, sous le régime socialiste,

3 bénéficiaient d'appartements d'Etat et ils bénéficiaient d'une situation

4 de sécurité. A l'époque, ce n'était pas possible d'ouvrir un cabinet de

5 médecine privé.

6 Question: Donnez-nous quelques noms, si vous pouvez.

7 Réponse: Je peux vous donner quelques noms, des médecins: Eso Sadikovic

8 qui était médecin spécialiste et directeur d'un hôpital; Mahmunjin Osman,

9 voilà quelqu'un d'autre. Je vous cite les noms de ceux que je connaissais,

10 tout simplement.

11 Parmi ceux qui avaient un bon niveau d'éducation, il y en avait beaucoup

12 d'autres aussi. Il y avait des médecins, des professeurs, mais ils étaient

13 employés dans le secteur social. Quant à leur statut, disons que bon, ils

14 étaient dans… Nous étions dans le système socialiste, donc ils avaient des

15 appartements assez confortables, ils n'étaient pas trop débordés par le

16 travail.

17 Il y en avait très peu, relativement peu qui s'intéressaient à des

18 activités privées. Certaines activités, comme je vous l'ai déjà dit,

19 n'étaient pas légales. Par exemple, un médecin ne pouvait pas ouvrir un

20 cabinet indépendant, privé. Un directeur ne pouvait pas mettre en place

21 une entreprise, une usine, car il était limité à n'employer que cinq

22 personnes. Et bien sûr, ces personnes avaient une vision plus large, des

23 horizons plus larges. En fait, ce qui était ouvert sous le nom d'usine

24 était une entreprise artisanale.

25 Question: Connaissiez-vous des personnes qui faisaient de la politique

Page 2815

1 sous le régime socialiste?

2 Réponse: Bien sûr. Il y avait Miro Turnisek qui était président de

3 l'assemblée pour une certaine période, il était aussi président du comité

4 pendant… Il avait un mandat. C'était aussi un bon ingénieur, directeur

5 d'une grande usine.

6 Mira Cikota, qui faisait partie de l'usine Kras de Zagreb; c'était

7 quelqu'un qui était extrêmement respecté par les autres, il avait de très

8 bons contacts avec d'autres personnes dans les anciennes Républiques

9 yougoslaves. C'était quelqu'un qui venait régulièrement à mon restaurant

10 et heureusement, en tant que Croate, il a survécu et d'ailleurs, il vit

11 maintenant à Rijeka. Il a survécu au camp de Manjaca. Il a épousé une

12 Serbe. Il était pour la Yougoslavie de tous les points de vue, donc il a

13 épousé une Serbe; c'est un très bon mariage, ils ont deux enfants et il se

14 rend de temps à autre à Prijedor.

15 Et puis, il y avait des dirigeants d'entreprises, par exemple de la mine

16 de charbon et d'autres établissements.

17 Question: Dans la déposition que vous avez signée en 1997, je ne trouve

18 pas le numéro de page 557, sixième paragraphe, page 2 en anglais, sixième

19 paragraphe.

20 Vous avez dit que les hommes politiques les plus importants à Prijedor

21 étaient Miskovic; le président du SDS, Savanovic, qui était président du

22 Club des membres du comité SDS; et Srdjo Srdic qui était membre de

23 l'assemblée de la République de Bosnie-Herzégovine.

24 Réponse: Est-ce que j'ai mentionné d'autres noms?

25 M. Lukic (interprétation): Oui. Mais vous avez dit que c'étaient les plus

Page 2816

1 influents; n'est-ce pas?

2 M. Murselovic (interprétation): Il est difficile à dire...

3 M. le Président (interprétation): Je voudrais demander à la défense de

4 citer le paragraphe en entier.

5 M. Lukic (interprétation): "Les hommes politiques les plus importants

6 étaient les suivants: Simo Miskovic, président du SDS; Dragan Savanovic,

7 président du Club du SDS; député Srdjo Srdic, député à l'assemblée de

8 Bosnie-Herzégovine à Sarajevo; Milomir Stakic, vice-président de

9 l'assemblée municipale; Kovacevic, président du conseil exécutif. Je

10 considère que les trois premiers étaient les hommes politiques les plus

11 puissants à Prijedor".

12 M. Murselovic (interprétation): Eh bien, si vous voulez entendre ma

13 remarque…

14 Question: Je voudrais tout simplement avoir la confirmation que c'est ce

15 que vous avez dit.

16 Réponse: Oui, c'est effectivement ce que j'ai dit, et je n'ai pas changé

17 d'avis par rapport à ce que j'ai dit. C'est-à-dire que c'étaient les plus

18 importants, ces trois-là. Il y avait aussi M. Timarac qui, entre-temps,

19 est décédé. Il est originaire d'Omarska.

20 Donc, je n'avais pas mentionné tous les noms. Il y en a beaucoup d'autres

21 que je n'ai pas mentionnés. J'ai mentionné ceux que je voyais tous les

22 jours.

23 Par exemple, j'étais surpris d'entendre que Srdjo Srdic était quelqu'un de

24 très sociable; c'était un acteur et chanteur, c'était son violon d'Ingres,

25 son activité de loisir. Il y avait aussi Miskovic, que je vois

Page 2817

1 régulièrement à Prijedor aujourd'hui; c'était le président d'un parti

2 politique, donc c'était le chef du parti. J'ai parlé aussi du président du

3 conseil exécutif. Donc c'était dans ce contexte-là que j'ai indiqué ces

4 noms.

5 Il y avait aussi le docteur Milomir Stakic qui était beaucoup plus jeune

6 que les autres. Il avait été élu en tant que vice-président de l'assemblée

7 municipale. Pour être tout à fait franc, je ne le connaissais pas avant

8 1990.

9 Mais voilà, ce sont des personnes qui, à mon avis, sont toujours très

10 importantes en ce qui concerne le travail du SDS. Ces personnes avaient

11 une grande responsabilité en ce qui concerne ce qui se passait avec le

12 SDS, à l'époque.

13 M. Lukic (interprétation): A la page 580, troisième paragraphe dans la

14 version BCS -page 3, paragraphe 4 de la version anglaise de votre

15 déclaration-, vous dites la chose suivante: "L'assemblée municipale a dû

16 régler les problèmes quotidiens de la municipalité. Des décisions en ce

17 qui concerne des niveaux régionaux et républicains n'étaient pas du

18 ressort de l'assemblée".

19 Est-ce bien ce que vous avez dit?

20 M. le Président (interprétation): S'il y a une citation, veuillez faire la

21 citation et donner la citation dans son contexte. Et je vois que la phrase

22 suivante donne déjà une partie de la réponse.

23 M. Lukic (interprétation): Voulez-vous que je lise tout le paragraphe?

24 M. le Président (interprétation): Oui, s'il vous plaît.

25 M. Lukic (interprétation): Monsieur le Témoin, je vais lire tout le

Page 2818

1 paragraphe: "Quelque temps avant la guerre, l'assemblée municipale n'a pas

2 pu fonctionner correctement. Le SDS faisait obstruction à son travail.

3 L'assemblée municipale a dû prendre des décisions en ce qui concerne des

4 problèmes de la vie quotidienne, de la municipalité. Les décisions en ce

5 qui concerne les questions concernant le niveau régional ou républicain

6 n'étaient pas du ressort de cette assemblée.

7 Cependant, le SDS a demandé à l'assemblée de décider que la BH devrait

8 rester à l'intérieur de la République de Yougoslavie. Cette demande a été

9 rejetée et, à ce moment-là, tous les membres du SDS ont quitté l'audience

10 de l'assemblée.

11 Le Président Cehajic a mis fin à l'audience, à la séance, même si les

12 partis de l'opposition ont essayé de le convaincre de continuer la réunion

13 sans la présence du SDS. Les problèmes locaux, donc, n'ont pas pu être

14 traités.".

15 Est-ce que c'est ce que vous avez dit?

16 M. Murselovic (interprétation): Oui, je l'ai dit, et je n'ai pas changé

17 d'avis depuis. Je serais toujours prêt à signer cela.

18 Cette assemblée municipale est une assemblée locale, et il y a eu des

19 tentatives de faire en sorte que cette assemblée prenne des décisions très

20 importantes. Alors, la possibilité qu'il y ait une reconnaissance

21 internationale de la Bosnie-Herzégovine était quelque chose qui était en

22 discussion.

23 Et lorsque cela a été discuté dans les médias, par exemple, ainsi que

24 beaucoup d'autres questions -car, entre-temps, certaines républiques

25 avaient exprimé leur désir de quitter l'ancienne Yougoslavie-, donc,

Page 2819

1 lorsqu'il y a eu des pourparlers au niveau des présidents des anciennes

2 républiques et lorsque le public a vu qu'il y avait des allées et venues

3 entre Belgrade, Ljubljana, etc., dans le contexte, dans cette situation

4 générale où l'on voyait très clairement que toute la Yougoslavie subissait

5 une pression énorme, demander à une assemblée locale de prendre une

6 décision en ce qui concerne la municipalité de Prijedor et le fait qu'elle

7 reste à l'intérieur de la Yougoslavie, c'était quelque chose qui nous

8 paraissait ridicule. Parce que, bien sûr, ce n'était pas une décision qui

9 aurait pu être prise par une petite municipalité telle que celle de

10 Prijedor.

11 Et lorsque certains députés ont dit qu'ils n'étaient pas prêts à en

12 discuter et à voter la question -car il y a eu un vote, même si plus de la

13 moitié des députés ont dit qu'ils ne pouvaient pas voter là-dessus et

14 qu'ils ne pouvaient même pas discuter de cela-, à ce moment-là, les

15 députés serbes ont quitté l'assemblée.

16 Monsieur Cehajic a fait de son mieux, vraiment, pour que les sessions de

17 l'assemblée continuent et que pour l'assemblée fonctionne correctement. Il

18 a levé la séance. A ce moment-là, il a dit: "Nous allons lever la séance

19 parce que, comme vous voyez, le Parti démocrate serbe a quitté la salle".

20 Et je me rappelle, je me suis levé, j'ai pris la parole et j'ai dit:

21 "Monsieur le Président, nous avons un quorum, nous pouvons continuer à

22 traiter l'ordre du jour de cette session. Nous n'avons même pas abordé

23 l'ordre du jour. Nous avons un quorum et, à mon avis, nous pouvons

24 continuer".

25 Nous étions presque 60 personnes présentes dans l'assemblée, donc plus que

Page 2820

1 la moitié. Et pour des raisons que je ne comprenais pas, que je ne

2 connaissais, Cehajic a néanmoins levé la séance.

3 Question: Je suis désolé, il faut que je revienne en arrière, à ce que

4 nous avons déjà dit.

5 Monsieur Cehajic, en ce qui concerne la comparaison entre les membres

6 bosniens, croates et serbes dans les forces de police, est-ce que Cehajic

7 a pu donner des ordres? Est-ce qu'il a pu ordonner que quelque chose soit

8 fait?

9 Réponse: Je ne pense pas qu'il ait pu faire quelque chose. Je crois qu'il

10 a agi en bonne foi. Je pense qu'il a vu que c'était nécessaire qu'il y ait

11 un équilibre établi dans un proche avenir.

12 Question: Le conseil exécutif dans la municipalité de Prijedor avait huit

13 membres: il y avait le président, le vice-président, et encore six membres

14 qui étaient des secrétaires ou des responsables de différents

15 départements?

16 Réponse: Des secrétariats.

17 Question: Le président du conseil exécutif pouvait-il donner des ordres à

18 n'importe quel secrétaire ou responsable?

19 Je vais vous donner un exemple spécifique: le président du conseil

20 exécutif pouvait-il donner l'ordre au chef du cadastre d'émettre un permis

21 de construire à quelqu'un, ou ne pouvait-il rien faire dans ce domaine?

22 Est-ce que l'on peut dire qu'il ne pouvait pas intervenir dans le travail

23 quotidien des différents départements?

24 Réponse: Je crois que tout ceci est spécifié dans les statuts. Le

25 président du conseil exécutif était là pour coordonner le travail effectué

Page 2821

1 par les secrétariats. Mais en ce qui concerne les décisions prises, elles

2 étaient toujours prises, en fin de compte, par le secrétaire du

3 département qui, ensuite, signait la décision.

4 M. Lukic (interprétation): Monsieur Cehajic, en tant que président de

5 l'assemblée municipale, pouvait-il donner des ordres aux secrétaires ou

6 aux responsables des départements?

7 M. Murselovic (interprétation): En fait, il y avait une question que vous

8 aviez posée avant la pause.

9 Vous faites référence à ces statuts, à ce texte qui est un peu ancien. Et

10 je crois que lorsque vous avez cité des articles, vous avez oublié de les

11 placer dans le contexte. Donc, avec votre permission, je souhaite faire la

12 lecture de certains articles qui, à mon avis, sont un très bon exemple du

13 type de coordination qui existait entre le président de l'assemblée

14 municipale, le président du conseil exécutif et les secrétaires ou les

15 responsables des différents secrétariats ou de départements.

16 Article 49: "Le président de l'assemblée municipale, avec le vice-

17 président de l'assemblée et le secrétaire de l'assemblée, prendra en

18 compte des questions de coordination et de calendrier du travail des

19 organes de travail de l'assemblée, veillera à la mise en oeuvre de la

20 politique établie et les conclusions de l'assemblée, assurera la

21 coopération de l'assemblée avec les organisations et collectivités, avec

22 l'assemblée de la Bosnie-Herzégovine etc., ceci avec la coopération inter

23 municipale.

24 Le président et le vice-président du comité exécutif et d'autres

25 responsables de l'assemblée municipale, au besoin, pourront prendre part

Page 2822

1 dans la discussion des autres questions."

2 Maintenant, venons aux secrétaires de l'assemblée: "Le secrétaire de

3 l'assemblée assistera le président de l'assemblée dans la préparation et

4 l'organisation des séances de l'assemblée et ainsi que d'autres tâches

5 prescrites par les statuts qui lui sont confiées par le président de

6 l'assemblée."

7 Donc, il y a un lien direct de supériorité avec le président de

8 l'assemblée, le secrétaire de l'assemblée.

9 M. le Président (interprétation): Veuillez ralentir. Merci.

10 M. Murselovic (interprétation): Donc, voilà. Ceci était par le biais

11 d'introduction, pour ce qui est de l'administration. Mais vous m'avez

12 également posé la question que le président de la municipalité n'était pas

13 dans une hiérarchie supérieure à l'administration municipale. Je pense

14 qu'il y avait un malentendu concernant ce sujet et d'autres travaux

15 administratifs

16 M. le Président (interprétation): Est-ce que le témoin peut nous dire quel

17 article il est en train de lire? Ce serait utile pour le compte rendu

18 d'audience ainsi que pour les interprètes. Si le témoin pouvait citer le

19 paragraphe ou l'article qu'il est en train de citer, s'il vous plaît…

20 Et les document? Les cabines les ont?

21 L'interprète: Oui, Monsieur le Président.

22 M. le Président (interprétation) : Très bien.

23 M. Murselovic (interprétation): Article 60 et article 62 qui dit la suite:

24 "L'assemblée et le comité exécutif superviseront le travail des organes

25 municipaux d'administration et des organisations administratives".

Page 2823

1 Je poursuis, je vais à l'article 61: "Les organes municipaux

2 d'administration et les organisations administratives entreprendront leurs

3 fonctions indépendamment et seront responsables pour leur travail devant

4 l'assemblée et devant le comité exécutif".

5 Article 62. Un point très important, encore une fois: la supervision du

6 travail des organes municipaux, d'administration et des organisations

7 administratives tel que cela est donné dans l'article 62, c'est

8 l'assemblée et le comité exécutif qui supervise le travail de ces organes.

9 Article 63: "Pour exécuter des tâches administratives et autres, et quand

10 le domaine des droits et devoirs des municipalités, un secrétariat pour

11 l'administration sera établi en tant qu'organe individuel qui entreprend

12 des tâches spécialisées et administratives, etc.".

13 Deuxième alinéa: "ou alternativement, dans les municipalités ou cela est

14 nécessaire à cause du travail administratif, les secrétariats municipaux

15 et les administrations municipales peuvent être établis en tant qu'organes

16 individuels de l'administration pour l'exécution des tâches

17 administratives et spécialisées dans un ou plusieurs domaines de

18 l'administration".

19 Il y avait un autre élément que je voulais soulever, à savoir que

20 l'assemblée municipale supervisait le travail de tous les organes en

21 question, et cette supervision était partagée avec le conseil exécutif.

22 M. Lukic (interprétation): Vous venez de donner lecture de plusieurs

23 articles des statuts. Avez-vous trouvé, dans ces dispositions, que le

24 président de l'assemblée municipale avait des fonctions et compétences

25 spécifiques? Est-ce que c'était le cas, ou ce n'était que l'assemblée

Page 2824

1 municipale qui était revêtue de telles compétences?

2 M. Murselovic (interprétation): Je vais vous dire quelque chose sur le

3 secrétaire: "Le secrétaire est responsable pour son travail devant… ";

4 c'est l'article 50. "Le secrétaire de l'assemblée assistera la présidence

5 de l'assemblée dans la préparation et l'organisation des séances de

6 l'assemblée et de l'exécution des tâches prescrites dans ces statuts et

7 confiées au président. L'assemblée supervise le travail et le président,

8 bien évidemment, est le président de l'assemblée".

9 M. Lukic (interprétation): Par rapport à qui on a établi qu'il n'a qu'une

10 voix? Par rapport aux autres députés?

11 M. Murselovic (interprétation): Oui, tout à fait.

12 M. le Président (interprétation): Essayez de ne pas chevaucher et parler

13 en même temps, s'il vous plaît.

14 M. Lukic (interprétation): L'assemblée municipale, est-ce qu'elle emploie

15 des individus qui sont directement responsables devant le gouvernement ? A

16 l'époque, c'était le gouvernement de la République socialiste de Bosnie-

17 Herzégovine, par exemple, du département d'inspection, tout comme

18 l'administration du cadastre, etc., des organes semblables?

19 M. Murselovic (interprétation): L'organe en question… Il est vrai que cet

20 organe était directement lié à la municipalité en tant que secrétariat

21 municipal pour le cadastre et les relations en termes de propriété. Nous

22 l'appelions tout simplement le cadastre, et c'était un organe qui était un

23 des secrétariats de la municipalité de l'assemblée municipale de Prijedor.

24 C'était un organe indépendant et le secrétaire de ce secrétariat était

25 désigné par l'assemblée, donc il était responsable devant l'assemblée.

Page 2825

1 Mais il y avait une chaîne verticale de responsabilités, ce qui fait qu'il

2 était également responsable devant un ministère ou un organe équivalent au

3 niveau de la République. Maintenant, dans la Republika Srpska, nous avons

4 une direction pour les relations de propriété de cadastre, donc vous avez

5 un tel organe qui existe encore à Prijedor. Certaine quantité de travail

6 est faite par la municipalité, mais ils n'ont pas un lien direct avec la

7 municipalité. Il faut dire que c'est un lien peu commun, il est vrai; les

8 tentatives sont aujourd'hui faites pour qu'il rentre de nouveau dans la

9 juridiction de l'assemblée municipale.

10 Et si vous me permettez, je voudrais ajouter que c'est une tentative de

11 centraliser et de réduire le pouvoir de l'assemblée municipale. Je vous

12 parle de la situation telle qu'elle existe aujourd'hui.

13 Question: Maintenant, pour ce qui est de ce service du cadastre, pensez-

14 vous que ce n'était pas le cas en 1991?

15 Réponse: Non. Non.

16 Question: Maintenant, pour ce qui est des sociétés locales situées dans la

17 municipalité de Prijedor, il y avait un certain nombre d'entreprises et

18 d'institutions publiques telles qu'une branche du fonds de santé publique,

19 fonds pour les retraites, fonds pour l'emploi public, fonds pour le

20 service de comptabilité sociale, les sociétés des PTT, distribution

21 électrique, une société chargée de la maintenance routière et les

22 communications publiques, une branche des chemins de fer yougoslave, et de

23 nombreux autres telles sociétés.

24 Etes-vous au courant de l'existence de ces organisations sur le territoire

25 de la municipalité de Prijedor, à l'époque?

Page 2826

1 Réponse: Oui, bien évidemment.

2 Question: Savez-vous si ces sociétés étaient financées par le budget de la

3 municipalité ou par une autre source?

4 Réponse: Les chemins de fer avaient leurs propres sources de financement;

5 les PTT et les institutions d'emploi également. Ces sociétés, ces

6 institutions, pour la plupart, n'étaient pas financées par le budget

7 municipal.

8 Question: Pouvez-vous nous dire: les directeurs de ces sociétés, les

9 responsables de ces institutions, à qui répondaient-ils? A l'assemblée

10 municipale, à un secrétariat bien particulier ou à un organe républicain,

11 ou encore à l'organe qui les avait fondés, tel que le Gouvernement de la

12 Bosnie-Herzégovine?

13 Réponse: Maintenant, pour ce qui est de ce secteur, pour ce qui est des

14 institutions économiques et publiques, c'étaient des entités étatiques. Et

15 ils coordonnaient leur travail avec l'assemblée municipale. Qu'ils soient

16 financés à partir du budget ou pas, ce n'était pas quelque chose d'une

17 grande importance. Ces organisations, tel que le bureau d'emploi, étaient

18 obligées de soumettre les données nécessaires, à savoir le nombre de

19 personnes au chômage, la répartition mensuelle concernant l'emploi.

20 Ces organes devaient fournir ses données au conseil exécutif qui, à son

21 tour, fournissait cette information à l'assemblée municipale. Et certaines

22 de ces entités -par exemple, la distribution électrique-, en termes de

23 leur organisation, elles étaient liées parfois à la municipalité. Il y

24 avait une société "Elektrodistribucjia Prijedor"; ça s'appelait

25 "Elektrodistribucjia Banja Luka", avec sa filiale à Prijedor.

Page 2827

1 En tout état de cause, la coopération entre ces institutions étatiques ou

2 publiques était faite par le conseil exécutif.

3 Question: Ces organisations et institutions devaient fournir des rapports

4 au conseil exécutif. Est-ce que le conseil exécutif avait une influence

5 quelconque sur l'élection de ces fonctionnaires? Est-ce qu'il a pu les

6 démettre de leurs fonctions?

7 Réponse: Ecoutez, je ne sais pas s'il pouvait les révoquer. Mais vous

8 devez savoir que, dans un système à parti unique, tout ceci était dirigé

9 par la Ligue des communistes et les organes étatiques supérieurs.

10 Question: Est-ce qu'il y avait un système à parti unique en 1991, 1992?

11 Réponse: Non, ce n'était pas un système à parti unique à l'époque. Vous me

12 demandez des questions sur une période où rien ne fonctionnait vraiment.

13 Vous me demandez comment cela marchait dans un tel contexte.

14 En 1991, je peux dire très honnêtement que rien ne fonctionnait, qu'il y

15 avait des obstructions partout. Rien ne semblait fonctionner.

16 M. Lukic (interprétation): Tout ce que j'essaie de faire, c'est d'obtenir

17 une réponse de vous, de savoir si vous êtes au courant des lois et de la

18 situation telle qu'elle existait en pratique, par rapport aux

19 responsabilités des personnes qui étaient à la tête de tels organes ou

20 organisations. Qui était là pour les nommer? Si vous n'êtes pas sûr ou si

21 vous ne le savez pas, on traitera d'une autre question.

22 M. Murselovic (interprétation): Je dois ajouter quelque chose: certaines

23 organisations telles que le centre pour le travail social, les jardins

24 d'enfants, la presse, aujourd'hui, ils sont organisés de façon différente

25 mais certains sont encore liés avec la municipalité; la nomination, les

Page 2828

1 accords, les rapports sont soumis à la municipalité, si ils ont été fondés

2 par la municipalité.

3 M. le Président (interprétation): Je pense que c'est un moment pour

4 s'arrêter. Nous allons reprendre à 18 heures.

5 (L'audience, suspendue à 17 heures 33, est reprise à 18 heures 10.)

6 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

7 Avant de reprendre, je souhaite demander à la défense et au témoin de se

8 concentrer sur le vif du sujet afin que nous puissions mener à son terme

9 ce témoignage à la fin de notre audience d'aujourd'hui à 19 heures

10 précises. Je vous prie de faire le nécessaire.

11 M. Lukic (interprétation): Je ferai ce qui est en mon pouvoir, Monsieur le

12 Président.

13 M. le Président (interprétation): Je me suis adressé à la fois à vous et

14 au témoin.

15 M. Lukic (interprétation): Très bien, mais je n'ai parcouru que la moitié

16 de mes questions, jusqu'à présent.

17 J'ai mis moins d'une heure afin de poser les mêmes questions, la même

18 série de questions à un autre témoin.

19 M. le Président (interprétation): La Chambre ne considère pas que cela

20 constitue un véritable danger. Veuillez poursuivre.

21 M. Lukic (interprétation): Merci.

22 Savez-vous que du temps de l'ex-Yougoslavie, les forces armées étaient

23 constituées de l'armée populaire yougoslave, la JNA, de la Défense

24 territoriale, du MUP et de la défense civile, que l'ensemble de ce système

25 relevait d'une loi fédérale sur la défense populaire?

Page 2829

1 M. Murselovic (interprétation): Pour autant que je sache, c'était le cas.

2 Question: Savez-vous que les unités de la Défense territoriale, en cas de

3 danger imminent de guerre, devaient se placer sous les ordres, ou plutôt

4 agir dans le cadre du système de la JNA, qu'elles devenaient parties

5 intégrantes des forces armées de la JNA?

6 Réponse: Je ne suis pas au courant de cela.

7 Question: Savez-vous qu'en plus des cellules municipales de Défense

8 territoriale, il y avait aussi des cellules au niveau régional et au

9 niveau des républiques?

10 Réponse: Eh bien, vaguement; j'étais au courant du fait que la Défense

11 territoriale existait au niveau de la république et que ce système

12 englobait toutes les unités de Défense territoriale des régions.

13 Question: Savez-vous, un exemple: si le commandant d'une cellule ou d'un

14 quartier général de Défense territoriale devait répondre devant le

15 président de la municipalité ou devant celui qui commandait la Défense

16 territoriale au niveau de la République? Est-ce que c'était valable pour

17 la défense civile?

18 Réponse: Je ne suis pas au courant de cela.

19 Question: Le commandant de la caserne de Prijedor était-il responsable

20 devant les autorités municipales ou devant les services ou les supérieurs

21 au sein de la JNA?

22 Réponse: Eh bien, je suppose qu'ils étaient subordonnés à la JNA mais tout

23 ce qui s'est produit en 1992 à Prijedor, donc au printemps 1992, montre

24 qu'il y a eu une coordination très étroite entre la Défense territoriale

25 et la JNA.

Page 2830

1 Question: En page 19, ligne 22 de la transcription, en date du lundi, vous

2 dites, je cite: "Au cours de la deuxième moitié de l'année 1992, la guerre

3 battait son plein en Croatie. Des soldats serbes quittaient Prijedor pour

4 aller se battre là-bas. C'est la municipalité de Prijedor qui les

5 mobilisait pour qu'ils aillent se battre en Croatie."

6 Qui était le président de l'assemblée municipale, à ce moment-là?

7 Réponse: A ce moment-là, le président de l'assemblée municipale était M.

8 Ceharic, mais il a dit explicitement qu'il n'était pas nécessaire que les

9 Croates et les Musulmans bosniens se laissent mobiliser et qu'ils aillent

10 combattre en Croatie.

11 Question: M. Muhamed Ceharic a-t-il lancé la mobilisation?

12 Réponse: Non.

13 Question: Il semble que nous avons ici une erreur de traduction.

14 Monsieur Murselovic, ils ont traduit comme si vous aviez répondu par

15 l'affirmative.

16 Réponse: Qu'est-ce?

17 Question: M. Muhamed Ceharic a-t-il décrété la mobilisation?

18 Réponse: Non, M. Muhamed Ceharic n'a pas décrété la mobilisation et il

19 était explicitement hostile à ce que l'on aille combattre sur le

20 territoire de la République de Croatie.

21 Question: Savez-vous que lors d'un rassemblement de protestation qui s'est

22 tenu à Prijedor, M. Medunjanin a déclaré que la mobilisation a été

23 décrétée au niveau de la République et qu'il s'est fait siffler à ce

24 moment-là; cela a été entendu lors de ce rassemblement de protestation?

25 Réponse: Je ne sais pas cela. La seule chose que je sais, c'est que M.

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1 Ceharic ainsi que M. Medunjanin n'étaient pas favorables à ce que les

2 Musulmans de Bosnie, ou qui que ce soit d'autre, aillent combattre en

3 Croatie ou attaquent la Croatie. Car à l'époque, le climat était tel que

4 les médias montraient des soldats tirer sur la population civile. Des gens

5 triomphaient au moment où une maison particulière, par exemple, était

6 touchée. Et puis, ils montraient également ce genre de photographies. Il

7 faut savoir que les journalistes y ont grandement pris part avec des

8 reportages qu'ils ramenaient de Croatie.

9 Quant à moi, eh bien, moi ainsi que la grosse majorité des Musulmans et

10 des Croates ainsi que tous les citoyens honnêtes, n'étions pas favorables

11 à ce que l'on aille en Croatie. On était hostile à ce que l'on vise des

12 cibles civiles ou à ce que l'on détruise des bâtiments civils comme on a

13 pu le voir dans le "Vijesnik", le journal de Kozarac. Et comme on a pu le

14 voir sur plein d'images, les journalistes, les gens montaient à bord de

15 chars et puis disaient, "vas-y", "essaie de tirer sur cette maison

16 blanche" ou "tire sur telle ou telle autre maison", "regarde, cette

17 maison-là vient de s'écrouler"; toute personne normalement constituée

18 serait hostile à cela.

19 Question: Pouvez-vous nous dire quelles étaient les fonctions de M.

20 Medunjanin à l'époque? Etait-il employé au sein du secrétariat de la

21 défense populaire?

22 Réponse: Il a été élu secrétaire du secrétariat chargé de la défense

23 populaire et de la défense civile.

24 Question: Au niveau municipal?

25 Réponse: C'est cela, oui.

Page 2832

1 Question: Est-ce M. Medunjanin qui a décrété la mobilisation, ou bien cela

2 s'est-il fait au niveau de la République?

3 Réponse: Je pense que ce n'est pas lui qui l'a fait; je ne sais pas qui a

4 décrété la mobilisation.

5 Question: Savez-vous quels sont les pouvoirs du secrétariat municipal

6 chargé de la défense?

7 Réponse: Eh bien, en termes généraux, le secrétariat municipal, quelle que

8 soit la municipalité où il se situe, est chargé de tenir les registres

9 concernant les hommes en âge de combattre. Il doit rassembler toutes les

10 informations au sujet de ces hommes, tout en coopérant de manière très

11 étroite avec la JNA; du moins, c'était le cas du temps de l'ex-

12 Yougoslavie, d'après le système qui était en vigueur à l'époque. Et le

13 secrétariat, en coordination avec l'armée, envoie ces hommes faire leur

14 service militaire, tient également les listes qui regroupent les noms des

15 personnes ayant fait leur service militaire et ensuite, souvent au bout

16 d'un certain moment, en cas de besoin, appelle ces hommes à suivre un

17 entraînement ou des exercices au sein des unités régulières.

18 Ce sont des exercices militaires. On appelait ces hommes à constituer des

19 unités de réserve. C'étaient des exercices de tirs ou autres, tout

20 simplement pour qu'ils se maintiennent en forme et pour qu'ils gardent

21 contact avec l'armée.

22 Bref, c'est un organe qui est chargé de tenir tous les renseignements

23 concernant les jeunes appelés et par la suite, au sujet de tous ceux qui

24 ont terminé leur service militaire obligatoire, et qui est chargé de

25 suivre leur parcours militaire, de savoir dans quelle unité ils ont fait

Page 2833

1 leur service militaire et par la suite, il peut les appeler à faire des

2 exercices si besoin est.

3 M. Lukic (interprétation): Merci.

4 Savez-vous qui a été habilité à décréter la mobilisation?

5 M. Murselovic (interprétation): Je ne le sais pas.

6 M. le Président (interprétation): C'est la troisième fois que vous posez

7 la même question, et c'est la troisième fois que le témoin vous dit: "Je

8 ne le sais pas". Passez à autre chose.

9 M. Lukic (interprétation): L'assemblée municipale était-elle habilitée à

10 décréter une mobilisation ou à l'empêcher?

11 M. Murselovic (interprétation): Ce que j'essaie de vous dire, c'est que la

12 situation était plutôt confuse. Quant à moi, personnellement, eh bien, je

13 trouvais inconcevable que des gens aillent se battre là-bas, en République

14 de Croatie, et qu'en même temps on nous présente des atrocités sur ce qui

15 se passait là-bas, que l'on nous montre comment on détruit des cibles

16 civiles, comment on porte atteinte à toute vie civile. Et pour la première

17 fois, c'est la première fois que j'ai entendu dire que des soldats se

18 rendaient quelque part pour nettoyer le terrain.

19 Si j'avais été plus jeune, je n'aurais pas accepté ce genre de mission

20 pour aller me battre dans ce genre de circonstances contre mes frères

21 d'hier, des voisins, et que sous les hospices de la JNA et dans le cadre

22 de la JNA de cette armée fédérale, on fasse ce genre de choses. Il

23 s'agissait de l'effondrement de la Yougoslavie, à l'époque; la situation

24 n'était pas du tout claire. Mais moi-même, je n'aurais pas pris part à ce

25 genre de guerre en Croatie si j'y avais été appelé.

Page 2834

1 Question: Monsieur Mahmut Cehajic, en tant que Président de l'assemblée

2 municipale et en tant que Président du conseil de la défense populaire,

3 pouvait-il donner l'ordre aux unités de la JNA de quitter le territoire de

4 la municipalité de Prijedor?

5 Réponse: Je ne le sais pas. Je pense qu'il n'avait pas ce pouvoir-là. La

6 seule chose que je sais, c'est qu'il a pris la parole publiquement et il a

7 déclaré que les Musulmans de Bosnie et les Croates ne devaient pas se

8 rendre en Croatie pour participer à cette guerre, et je pense qu'il a eu

9 raison de le dire.

10 Question: Monsieur Mahmut Cehajic, en tant que Président de l'assemblée

11 municipale et en tant que Président du conseil de la défense populaire,

12 était-il habilité à donner des ordres à Arsic et à Zeljaja? Est-il leur

13 supérieur? Par exemple, pouvait-il émettre des ordres en ce qui concerne

14 la composition des unités militaires?

15 M. Murselovic (interprétation): Je ne le sais pas, mais je pense que non.

16 M. Lukic (interprétation): Monsieur Mahmut Cehajic, en tant que Président

17 de l'assemblée municipale et en tant que Président du conseil de défense

18 populaire, pouvait-il nommer ou désigner un poste quelconque et que ce

19 soit au sein de l'armée?

20 M. Waidyaratne (interprétation): Il me semble qu'il ressort de nombreuses

21 réponses de ce témoin que le témoin ne sait pas quels étaient les pouvoirs

22 de M.Cehajic et qu'il n'était pas au courant de ce qui s'est passé.

23 Je soulève une objection au sujet de cette série de questions.

24 M. le Président (interprétation): Objection acceptée.

25 M. Lukic (interprétation): En page 3 de votre déclaration de 1997 vous

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1 avez déclaré, et je cite: "Après la prise du pouvoir dans la municipalité,

2 un couvre-feu a été instauré. Il commençait à 22 heures jusqu'au lendemain

3 matin à 6 heures. Je ne peux pas dire qu'il se limitait uniquement aux

4 non-Serbes puisque je ne sortais pas le soir.".

5 Est-ce exact?

6 M. Murselovic (interprétation): Il est exact que tout de suite après la

7 prise de pouvoir, la cellule de crise a entrepris un certain nombre de

8 mesures. Entre autres, elle a instauré ce couvre-feu. Comme vous venez de

9 le dire, ce couvre-feu durait de 22 heures précises jusqu'au lendemain

10 matin; je ne sais pas exactement si c'était 5 ou 6 heures du matin, il me

11 semble que c'était 6 heures. Et pendant cette période, je ne sortais pas,

12 je ne circulais pas dehors et je ne peux pas vous dire si d'autres Croates

13 ou Bosniens sortaient. A moins, qu'ils aient eu des armes ou qu'ils aient

14 des contacts avec la police ou l'armée, je crois qu'ils ne sortaient pas.

15 Question: A la page 4 de votre déclaration signée en 1997, dans le

16 paragraphe 5, vous dites : "Après la prise de pouvoir, cette situation

17 dans la ville a été extrêmement tendue. Des soldats revenaient du front en

18 Croatie. Il y avait beaucoup de propagande à la radio. Je ne puis pas dire

19 que la propagande visait directement les non-Serbes, mais on a dit que

20 c'était la faute du SDA que les Musulmans n'ont pas combattus, ne se sont

21 pas battus contre les Oustachi. C'était cela?

22 Réponse: Oui. En général, oui.

23 Question: Est-ce qu'il n'y avait qu'une seule cellule de crise à Prijedor?

24 Réponse: Je crois qu'il n'y en avait qu'une seule.

25 Question: Vous avez dit que la cellule de crise avait lancé un ultimatum

Page 2836

1 en ce qui concerne les tueries à Hambarine. Est-ce que vous vous rappelez

2 le texte de l'ultimatum?

3 Réponse: On m'a dit que suite à l'incident qui s'est produit à Hambarine

4 -je pense que c'était le 21 ou le 22 mai, la deuxième moitié du mois de

5 mai, de toute façon-, il y a eu des coups de feu tirés au point de

6 contrôle à Hambarine, qui est un village bosnien où se trouvaient à peu

7 près 10.000 Bosniens. Cela faisait 12?000, avec les Croates; c'était la

8 situation avant la guerre.

9 Il s'est produit un incident. Il y avait des soldats serbes qui avaient

10 trop bu et qui ont traversé le point de contrôle à Hambarine. A un moment

11 donné, un ou deux soldats ont été tués; ils se trouvaient dans un

12 véhicule. Alors, en ce qui concerne ce qui s'est passé avec les coups de

13 feu tirés, les ripostes, j'avoue que je ne me rappelle pas tout le détail

14 après une période de plus de 10 ans, mais je puis vous dire avec certitude

15 que la cellule de crise a réagi à cet incident comme elle réagissait par

16 rapport à pas mal de choses qui se passaient à Prijedor, et la cellule de

17 crise a émis une déclaration qui disait que les coupables devaient se

18 rendre. Un nom a été mentionné: Aziz Aliskovic –je crois que c'était cela-

19 qui, disait-on, était le commandant ou un des commandants bosniens à

20 Hambarine. Personnellement, je ne le connais pas.

21 La cellule de crise a donné un ordre, et ceci a été repris dans la presse

22 et radiodiffusé à la radio. Cela a été répété à plusieurs reprises: les

23 coupables, côté bosnien, devaient absolument se rendre.

24 Question: Merci.

25 Etes-vous au courant de l'existence d'une cellule de crise à Hambarine?

Page 2837

1 Réponse: Je n'en ai jamais entendu parler. Tout ce que je sais, c'est

2 qu'il y avait quelques membres du TO à Hambarine qui, si vous voulez,

3 montaient la garde de leurs maisons, de leur village. Je ne sais pas à

4 quelle organisation ils appartenaient, je ne sais pas comment ils étaient

5 organisés, mais c'est une sorte de défense civile qui s'auto organisait;

6 c'est-à-dire, c'était quelque chose qui avait été mis en place et organisé

7 par les villageois.

8 Question: Savez-vous combien de membres appartenaient à cette défense

9 civile?

10 Réponse: Je ne sais pas.

11 Question: Etiez-vous au courant de l'existence d'une cellule de crise qui

12 appartenait au SDA?

13 Réponse: Je n'ai jamais entendu dire que le SDA avait sa propre cellule de

14 crise.

15 Question: Vous n'avez pas entendu parler des cellules de crise qui étaient

16 organisées au sein des sociétés locales?

17 Réponse: Je ne sais pas si les sociétés, les entreprises avaient leur

18 propre cellule de crise. Cependant, chaque entreprise d'Etat, chaque

19 entreprise publique avait un secteur qui s'occupait de la défense civile

20 ou… enfin, je ne sais pas quel était le nom officiel mais là-dedans, il y

21 avait des gens qui étaient censés protéger l'entreprise, la société.

22 Mais, à l'époque, les entreprises, les sociétés locales n'avaient plus

23 d'employés croates ni bosniens. Ces personnes ne travaillaient plus depuis

24 le 30 avril, depuis la prise du pouvoir; les Bosniens et les Croates

25 n'avaient plus d'emploi, ils ne participaient plus à ce genre d'activités.

Page 2838

1 Donc, je ne sais pas ce qu'il y aurait eu comme cellule de crise au niveau

2 des entreprises locales.

3 Question: Alors, en ce qui concerne ceux qui ont été licenciés des

4 entreprises, s'agissait-il des chefs, enfin les responsables, ou c'étaient

5 les Bosniens et les Croates?

6 Réponse: Au début, c'étaient les leaders qui ont été licenciés

7 immédiatement après la prise de pouvoir.

8 Question: Et en ce qui concerne les autres employés, ils ont continué de

9 travailler jusqu'au conflit de Hambarine?

10 Réponse: Je crois qu'on les a renvoyés chez eux. Et s'il y en avait qui

11 restaient sur le lieu du travail, je suis sûr que, courant mai, ils ont

12 fini par être renvoyés. En fait, tous ont été renvoyés. Je sais qu'ils

13 devaient montrer leurs cartes d'identité, ils ont été renvoyés chez eux.

14 J'étais là jusqu'au 30 mai et j'ai entendu pas mal de gens se plaindre

15 parce qu'ils n'avaient plus accès à leur lieu de travail. Ceci dit, il y

16 en avait beaucoup qui se rendaient au travail. Enfin, c'était une période

17 où régnait la confusion. Ceci dit, une grande majorité a été renvoyée chez

18 elle et a été interdit d'accéder à leur entreprise.

19 Question: Savez-vous s'il y avait une cellule de crise au niveau de la

20 République de la Bosnie-Herzégovine, dès le printemps de 1991?

21 Réponse: Je n'en sais rien. Je ne sais pas s'il y avait une cellule de

22 crise qui portait un tel nom au niveau de la République de la Bosnie-

23 Herzégovine. Je sais qu'il y avait une organisation républicaine de la

24 protection de la Défense territoriale. Il n'y avait pas de force armée

25 organisée sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine à l'époque, en dehors

Page 2839

1 de la Défense territoriale.

2 Question: Alors, en Bosnie-Herzégovine, on parle du principe du caractère

3 constitutionnel du peuple. Etes-vous au courant?

4 Réponse: Oui, tout à fait.

5 Question: Ce principe de la constitutionnalité s'appliquait-il avant la

6 guerre en Bosnie-Herzégovine?

7 Réponse: En principe, oui. Cependant, on n'utilisait pas de tels termes

8 pour en parler. Je me rappelle une déclaration faite par le cabinet de la

9 Ligue communiste de la Bosnie-Herzégovine qui disait que la Bosnie-

10 Herzégovine n'était pas une entité croate, musulmane ou serbe, mais qui

11 regroupait les trois en même temps; l'idée étant de vouloir montrer que

12 tous les groupes ethniques étaient égaux en ce qui concerne l'idée de la

13 constitutionnalité, c'est-à-dire du caractère constitutif des peuples qui,

14 en partie, s'est vue imposé par le haut représentant mais qui, aussi, a

15 été promulguée par le gouvernement , dans une certaine mesure au moins.

16 Tous les peuples qui constituent la Bosnie-Herzégovine sont égaux du point

17 de vue de leurs droits, c'est-à-dire en tant que groupes ethniques. Ils

18 font partie constituante du territoire de la Bosnie-Herzégovine. Et ceci

19 est repris dans la Constitution de la République de la Bosnie-Herzégovine,

20 ce qui n'était pas le cas auparavant lorsqu'il y avait les entités. Je

21 considère que ce développement est quelque chose d'extrêmement positif et

22 très important pour l'avenir de la Bosnie-Herzégovine.

23 Question: Savez-vous qu'en ce qui concerne l'attaque du 22 mai à

24 Hambarine… savez-vous qu'il y a eu un retrait le 19 mai, un retrait de la

25 JNA?

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1 Réponse: Je ne connais pas la date exacte du retrait de la JNA. Les

2 soldats ont restitué leurs armes à la communauté serbe, aux membres du

3 groupe ethnique serbe qui étaient membres de la JNA. Donc, ils ont donné

4 leurs armes aux Serbes. Et avant la guerre, avant ma détention au camp,

5 j'ai identifié la JNA avec l'armée serbe.

6 En ce qui concerne le 19, je ne sais pas si le retrait a eu lieu le 19 ou

7 une semaine plus tard, ou même avant.

8 Question: Qu'en est-il des Musulmans ou plutôt, des Bosniens et des

9 Croates qui ont répondu à l'appel, à la mobilisation? Est-ce qu'on les a

10 envoyés en Croatie?

11 Réponse: Je dois vous dire qu'un tout petit nombre d'individus ont répondu

12 et se sont rendus en Croatie pour la guerre. Très peu¸ pas plus de 1 ou

13 2%.

14 Question: Est-ce qu'on leur a donné des armes?

15 Réponse: Probablement oui, mais je ne sais pas quel était leur statut. Je

16 sais que pas mal de ceux qui ont participé, à l'origine, à l'armée serbe

17 et qui portaient des armes ont été enlevés; donc il y a eu un nombre

18 encore plus réduit qui était concerné, mais je ne puis pas vous dire

19 exactement combien.

20 Et puis, il y a autre chose que j'aimerais rajouter: la grande majorité de

21 ces Croates et Bosniens qui ont participé, qui étaient membres de l'armée

22 serbe, ont subi une purification ethnique, eux et leur famille, dans le

23 contexte de Prijedor. Et surtout en 1995. Il y avait plus de 60.000

24 Croates et Bosniens à Prijedor avant la guerre, et de ces 60.000, il n'en

25 restait, après, que moins de 1.000.

Page 2841

1 Question: Savez-vous que les gens ont quitté Prijedor dans des véhicules

2 de Santurs et Autotransport qui ont traversé la Croatie pour aller en

3 Europe, avant la guerre?

4 Réponse: Après la prise de pouvoir le 30 avril par les Serbes, et à partir

5 du moment où les gens ont commencé à se sentir peu sûrs, étant donné qu'il

6 y avait tous les jours des rafales de plus en plus fréquentes, les gens

7 avaient peur; ils avaient peur surtout pour leurs femmes et leurs enfants.

8 Donc, ils ont commencé à quitter la ville dans des convois de bus, de

9 cars. Mais il était déjà possible de quitter la ville.

10 Je crois que plus de 90% sont partis par Banja Luka. Ils sont passés à

11 Belgrade où ils ont pu trouver des avions à Belgrade qui étaient prêts à

12 quitter le pays. Les gens avaient peur pour leur avenir, surtout ceux qui

13 avaient des enfants et des femmes, des épouses. Mais même avant, quelques

14 personnes sont parties parce qu'elles ressentaient de plus en plus cette

15 insécurité.

16 Mais je dois vous dire qu'en général, cette période était marquée par peu

17 de sécurité. Pendant la nuit, par exemple, surtout lorsque les soldats

18 revenaient du front, en Croatie, ces soldats intimidaient les gens en

19 permanence. Très souvent, ils tiraient des coups de feu. Et partout dans

20 les rues, on voyait des cartouches vides, et surtout aux sorties et

21 entrées de la ville.

22 Il y a eu un certain nombre d'incidents: on descendait les gens des bus,

23 des cars, et on les tuait. Il y a eu beaucoup de ces incidents qui n'ont

24 jamais été élucidés et tout ceci a contribué à un sentiment de peur. Les

25 Serbes ont essayé de tout justifier. La cellule de crise faisait des

Page 2842

1 déclarations publiques, très souvent après de tels incidents, et disait

2 que c'était nécessaire de protéger la population serbe et qu'il fallait

3 empêcher les Serbes de réagir, de répondre aux attaques dont ils étaient

4 l'objet.

5 Comme je l'ai dit, les temps étaient peu sûrs. Il y avait la route

6 Prijedor/Bosanska Dubica qui a connu pas mal d'incidents. Par exemple, il

7 y avait la fois où plusieurs personnes ont été sorties d'un bus et tuées.

8 Il y avait un entrepreneur à Aziz Aliskovic, quelqu'un d'assez connu qui a

9 été sorti de sa voiture et tué. En général, la population croate et

10 bosnienne était intimidée tout le temps.

11 Question: A la page 16, ligne 4 du compte-rendu de votre témoignage, vous

12 avez dit en parlant du président de l'assemblée municipale, et c'est

13 quelque chose que vous avez dit aussi aujourd'hui: "cette personne

14 pourrait embaucher et licencier des officiels". Est-ce que vous pouvez

15 peut-être nous trouver la disposition pertinente?

16 Réponse: C'est ce qui se passait en pratique, le président de l'assemblée

17 municipale était la personne qui signait les décisions pertinentes en ce

18 qui concerne l'embauche, l'engagement de nouveaux officiels et comme vous

19 l'avez dit, j'essaie de le dire, vous êtes tout le temps en train de dire

20 que le président de la municipalité n'avait pas d'autorité exécutive et

21 vous dites maintenant qu'il n'avait pas le droit de dire ce que je viens

22 de dire que vous avez dit. Mais il y a un moment où vous avez dit que le

23 président de la municipalité, dans ces circonstances peu usuelles, est

24 devenu une sorte de président d'un organe qui était responsable de toute

25 la situation à Prijedor, je ne sais pas exactement ce que vous voulez

Page 2843

1 dire.

2 Vous voulez bien me rafraîchir l'esprit? Le président de la municipalité

3 est devenu quoi, avant le mois de mai 1992? Vous avez dit quoi,

4 exactement?

5 Question: Le président de l'assemblée municipale est toujours le président

6 de l'assemblée municipale?

7 Réponse: Oui. Mais vous avez dit qu'à l'époque, il avait pris une autre

8 fonction.

9 Question: A la même page, vous avez dit qu'il était responsable également

10 du budget, des propositions budgétaires et de l'approbation du budget.

11 Est-ce que vous pouvez me citer la disposition concernée pour cette

12 situation?

13 Réponse: Je crois que c'était couvert par les règles, le règlement de

14 l'assemblée municipale. Ce que je voulais dire était la chose suivante:

15 l'approbation du budget et la responsabilité de la mise en oeuvre du

16 budget incombaient au président de la municipalité, ce qui n'est plus le

17 cas aujourd'hui.

18 Question: Mais de toute façon, il y a un règlement pertinent qui couvre

19 cela, n'est-ce pas?

20 Réponse: Oui. Oui, il approuve le budget.

21 Question: A la page 25, ligne 15 du compte-rendu de votre témoignage, vous

22 dites: " Après la prise de pouvoir, la fonction du président de la cellule

23 de crise devait aller à Milomir Stakic."

24 A la page 27, ligne 17, vous dites: "Milomir Stakic était président de la

25 cellule de crise; en même temps, il était président de la municipalité."

Page 2844

1 Est-ce que Milomir Stakic occupait les deux fonctions simultanément?

2 Réponse: Comme je l'ai déjà dit lors de ma déposition ici, M. Milomir

3 Stakic, avant la décision en ce qui concerne la mise en place de la

4 municipalité serbe de Prijedor qui n'était pas au mois de février 1992,

5 était vice-président de l'assemblée. Lors de cette session à laquelle je

6 n'ai pas participé, mais je présume qu'il y avait les députés du parti

7 démocrate serbe qui étaient là, qui ont pris une décision et qui disaient

8 qu'un gouvernement parallèle devait être mis en place et qu'ils ont appelé

9 la municipalité serbe de Prijedor. Ensuite, cela a été annoncé

10 publiquement dans les médias. Et comme cela a déjà été dit, Milomir Stakic

11 était président de l'assemblée de cette municipalité. A l'époque, on a dit

12 également que le docteur Kovacevic était président du conseil exécutif et

13 d'ailleurs, il l'était. Le président du tribunal était Untel, voilà.

14 Donc tous ces postes, toutes ces fonctions qui étaient détenues par des

15 Serbes n'ont pas changé. Les changements concernaient les postes occupés

16 par des Musulmans, des Bosniens ou des Croates. Et la municipalité serbe

17 de Prijedor, à mon avis, était une institution tout à fait ridicule;

18 enfin, c'était quelque chose qui m'a presque fait rire, à l'époque. Et

19 jusqu'à la prise de pouvoir, le 30 avril, cette idée était sous-jacente,

20 si vous voulez.

21 Mais lorsque cela s'est produit, le SDS ainsi que l'armée -car toutes ces

22 personnes étaient armées-, ont pris le pouvoir le 30 avril, et Milomir

23 Stakic est devenu président de la cellule de crise et le président de

24 l'assemblée. Physiquement, il occupait le bureau du président de

25 l'assemblée municipale de Prijedor.

Page 2845

1 Comme je vous l'ai déjà dit, j'y suis allé moi-même pour voir car tout

2 cela, pour moi, était très peu clair; cela prêtait à une certaine

3 confusion. Je sais qu'il y avait un partage de pouvoir entre le SDS et le

4 SDA, mais ils ne pouvaient plus supporter de voir le SDS jouer un rôle là-

5 dedans, et c'est pour cela qu'ils ont pris le pouvoir. Normalement, il y

6 avait eu un partage des pouvoirs jusque-là.

7 Question: Est-ce que vous pouvez répondre à ma question? Savez-vous -et si

8 oui, comment?- que Milomir Stakic était en même temps président de la

9 municipalité et président de la cellule de crise? Comment est-ce que vous

10 le savez?

11 M. Murselovic (interprétation): Il était l'auteur de beaucoup de

12 communications et de communiqués publics disséminés par les médias. Il

13 existe des documents pour le confirmer.

14 Je peux vous dire que Stakic était président de la cellule de crise, et

15 physiquement, il occupait le bureau du président de l'assemblée

16 municipale. Et c'est là où je l'ai vu, c'est là où je lui ai parlé.

17 M. Lukic (interprétation): Savez-vous que l'assemblée municipale de

18 Prijedor a organisé, a convoqué une session le 16 mai et le 20 mai 1992?

19 M. Murselovic (interprétation): Autant que je le sache, lors de la prise

20 du pouvoir par les Serbes, l'assemblée n'a plus siégé. Je pense que je

21 l'aurais su, en tant que député.

22 (L'interprète n'a pas entendu la fin de la question, étant donné la

23 vitesse des orateurs.)

24 M. le Président (interprétation): Voulez-vous bien répéter?

25 M. Lukic (interprétation): Savez-vous que l'assemblée municipale serbe de

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1 Prijedor s'est réunie les 16 et 20 mai?

2 M. Murselovic (interprétation): Je sais que l'assemblée municipale de

3 Prijedor ne s'est pas réunie en session. Moi, en tant que député, j'aurais

4 dû le savoir. En ce qui concerne l'assemblée serbe, je ne sais pas, je ne

5 sais pas; cela ne m'intéressait jamais.

6 M. Lukic (interprétation): Messieurs les Juges, il me faudrait au moins

7 une demi-heure de plus pour terminer le contre-interrogatoire. Je vais

8 essayer d'accélérer. D'ailleurs, j'ai déjà supprimé au moins deux tiers de

9 ce que je voulais dire.

10 M. le Président (interprétation): Eh bien, je crois qu'il serait

11 préférable de revenir là-dessus demain, car il se pourrait très bien qu'il

12 y ait d'autres questions de la part du Procureur. Il y a bon nombre de

13 questions que les deux parties souhaitent poser à notre témoin

14 d'aujourd'hui, des questions très importantes. Donc je vous demande votre

15 aide aussi pour la journée de demain.

16 Je vais imposer un délai pour le contre-interrogatoire de demain, je vais

17 vous le dire demain. Donc je vous invite, lors de la préparation du

18 contre-interrogatoire, à vous concentrer sur les questions les plus

19 importantes et à éviter toute répétition.

20 Et puis, il y avait autre chose?

21 M. Koumjian (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

22 Je ne voudrais pas que vous oubliez qu'il y a encore deux témoins qui sont

23 ici. Je pense que pour un des témoins, il nous faudrait une journée

24 complète avec interrogatoire et contre-interrogatoire. Et les questions

25 des Juges également.

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1 Je sais que normalement, nous n'allons pas avoir une audience le vendredi.

2 Nous aimerions pouvoir envoyer le témoin chez lui, mais apparemment, ce ne

3 sera pas possible. Je voulais tout simplement le dire à la Chambre. Nous

4 avons été peut-être un peu trop optimistes en ce qui concerne les trois

5 témoins pour la semaine.

6 M. le Président (interprétation): Malheureusement, vendredi, il n'y a pas

7 de prétoire disponible. Donc nous allons reprendre demain. Je pense qu'il

8 nous faudrait au moins une heure et demie et après, j'espère que nous

9 allons pouvoir passer au témoin suivant.

10 Je ne sais pas si vous avez déjà pu vous pencher sur la question des faits

11 admis, et l'on réexaminera les questions posées aujourd'hui.

12 Je dirai qu'à mon avis, on aurait pu économiser pas mal de notre temps si

13 l'on avait déjà réussi à dresser la liste des faits admis; ce qui aurait

14 pu permettre d'éliminer certaines questions des deux côtés.

15 Je me demande si l'on peut dire aux juristes de la Chambre… Si vous avez

16 déjà fait des progrès en ce qui concerne la liste des faits admis.

17 Nous allons lever l'audience pour aujourd'hui et nous allons reprendre

18 demain, comme prévu, à 14 heures 15.

19 (L'audience est levée à 19 heures 03.)

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