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1 (Lundi 8 juillet 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 10.)
3 (Audience publique.)
4 (Questions relatives à la procédure.)
5 M. le Président (interprétation): Bonjour. Je vais demander qu'on donne le
6 numéro de l'affaire.
7 Mme Dahuron (interprétation): Bonjour. Affaire IT-97-24-T, le Procureur
8 contre Milomir Stakic.
9 M. le Président (interprétation): Je vais maintenant demander aux parties
10 de se présenter.
11 M. Koumjian (interprétation): Bonjour, je m'appelle Nicholas Koumjian. Je
12 suis ici en compagnie de M. Kapila Waidyaratne et de Mme Ruth Karper,
13 notre assistante.
14 M. le Président (interprétation): Merci. La défense?
15 M. Lukic (interprétation): Bonjour. Branko Lukic pour la défense.
16 M. le Président (interprétation): Avant de commencer l'audition du témoin
17 d'aujourd'hui, je souhaiterais annoncer la décision suivante: il s'agit
18 d'une ordonnance à l'intention du Greffe de Tribunal afin de fournir des
19 documents à partir du 5 juillet.
20 La Chambre de première instance n°2 du Tribunal pénal international pour
21 la poursuite des personnes responsables de violations graves du droit
22 international et humanitaire commis sur le territoire de l'ex-Yougoslavie
23 depuis 1991 a été saisie d'une requête déposée par le Bureau du Procureur
24 le 2 juillet 2002, demandant une subpoena, une injonction de produire, à
25 l'intention du quartier pénitentiaire des Nations Unies, ceci afin de
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1 fournir les documents originaux sous la forme de reçus de demandes de
2 dossiers médicaux, de lettres signées ou écrites à la main par M. Milomir
3 Stakic depuis sa détention, mais qui ne font pas partie des documents qui
4 sont communiqués au conseil de la défense ou que le conseil de la défense
5 communique à l'accusé. Ceci implique également les enquêteurs de l'équipe
6 de la défense.
7 Deuxièmement, les documents originaux tels que le permis de conduire, le
8 passeport ou des documents semblables qui étaient en possession du docteur
9 Milomir Stakic lorsqu'il est arrivé au quartier pénitentiaire.
10 Notant que le conseil de la défense du docteur Stakic, qui sera ci-après
11 présenté sous le terme de la défense, a contesté l'authenticité des
12 signatures dont il est affirmé que ce sont celles du docteur Stakic et qui
13 apparaissent sur un certain nombre de documents versés au dossier par
14 l'accusation en l'espèce;
15 notant l'ordonnance du 28 juin 2002 délivrée par la Chambre de première
16 instance à l'intention de l'accusation afin de nommer un expert chargé
17 d'analyser l'écriture de l'accusé afin de déterminer si les signatures qui
18 apparaissent sur les documents signés sont celles du docteur Stakic comme
19 l'affirme l'accusation;
20 notant que la défense a indiqué en audience publique que le docteur Stakic
21 avait choisi d'invoquer son droit qui est celui de ne pas fournir un
22 échantillon de son écriture à l'accusation;
23 notant que l'accusation, dans sa requête, affirme que des documents
24 permettant comparaison seraient utiles afin d'analyser les signatures qui
25 apparaissent sur les documents signés;
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1 notant, d'autre part, l'argument de l'accusation selon laquelle le
2 quartier pénitentiaire ne saurait présenter les documents requis
3 simplement sur une demande de l'accusation;
4 notant cependant que l'accusation n'a pas insisté sur la délivrance d'une
5 injonction de produire, mais a plutôt accepté une ordonnance de la Chambre
6 en estimant que cela suffirait;
7 notant l'Article 97 du Règlement de procédure et de preuve qui stipule que
8 toutes les communications entre un conseil et son client sont considérées
9 comme protégées par le secret professionnel et ne peuvent donc être
10 divulguées lors du procès à moins, premièrement, que le client ne consente
11 à leur divulgation ou, deuxièmement, que le client n'en ait volontairement
12 divulgué le contenu à un tiers et que ce tiers n'en fasse état au procès;
13 notant le principe général de la proportionnalité qui stipule qu'une
14 mesure prise dans le cadre du droit public international est
15 proportionnelle uniquement lorsqu'elle est appropriée; deuxièmement,
16 lorsqu'elle est nécessaire et troisièmement, lorsque la portée de cette
17 mesure et sa nature ont un caractère raisonnable vu l'objectif recherché;
18 deuxièmement, notant que les mesures de procédure ne doivent jamais d'être
19 d'un caractère excessif et enfin, notant que s'il est suffisant d'avoir
20 recours à une mesure souple dirons-nous, celle-ci peut être appliquée;
21 notant l'Article 54 du Règlement de procédure et de preuve aux termes
22 duquel un Juge ou une Chambre de première instance peuvent délivrer les
23 ordonnances, les convocations, les injonctions à comparaître ou à
24 produire, les mandats et les ordres de transfert qui peuvent se révéler
25 nécessaires dans le but de l'enquête ou pour la préparation ou la conduite
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1 du procès, ayant entendu les parties sur cette question en audience lors
2 des 3 et du 4 juillet 2002,
3 notant que la défense du docteur Stakic ne s'oppose pas à ce que la partie
4 de la requête de l'accusation, paragraphe 2, dans laquelle l'accusation
5 demande une ordonnance aux fins que le quartier pénitentiaire fournisse
6 des documents originaux tels qu'un permis de conduire, un passeport ou des
7 documents similaires qui étaient en possession du docteur Milomir Stakic
8 lorsqu'il est arrivé au quartier pénitentiaire;
9 notant cependant que la défense du docteur Stakic a argumenté que,
10 s'agissant des documents demandés au paragraphe 1 de la requête de
11 l'accusation, l'injonction de produire est d'une portée trop grande car
12 ces documents sont protégés par diverses règles, dont la règle qui prévoit
13 la confidentialité des relations entre le client et son avocat;
14 notant d'autre part que, s'agissant des documents, la défense du docteur
15 Stakic affirme que l'accusation n'a pas prouvé que la délivrance d'une
16 telle ordonnance était nécessaire, étant prévue par le Règlement;
17 notant d'autre part que les parties ont consenti à cette procédure telle
18 qu'elle est décrite ci-après, en fonction de laquelle un Juge ad litem de
19 la Chambre de première instance n°2 n'étant pas un Juge en l'espèce,
20 procéderait à un examen de ces documents avant que ceux-ci ne soient
21 communiqués à l'accusation;
22 considérant qu'il est de l'opinion de la Chambre de première instance que,
23 suite à la décision de la Chambre de première instance dans l'affaire
24 Delalic et consorts -où il a été estimé qu'un accusé ne peut être
25 contraint, aux termes du Statut, à fournir un échantillon de son écriture
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1 afin d'apporter son assistance à l'accusation dans le cadre de l'enquête
2 sur les crimes qui lui sont reprochés-, l'accusé, lorsqu'il ne fournit pas
3 à l'accusation un échantillon de son écriture, a fait usage du droit
4 légitime qui est le sien de garder le silence au cours du procès;
5 considérant que, afin que l'expert en graphologie soit en mesure de mener
6 à bien la tâche qui lui est confiée d'analyser les signatures sur les
7 documents signés, cet expert doit avoir accès à un nombre suffisamment
8 important de documents et de signatures de la main du docteur Stakic;
9 considérant que la Chambre de première instance est parfaitement
10 consciente de la nécessité de respecter la confidentialité, des relations
11 entre le client et son avocat; est-ce que cela est prévu à l'Article 97 du
12 Règlement?
13 Considérant, d'autre part, que dans le cadre de l'application du principe
14 de proportionnalité, en particulier lorsque celui-ci est entendu au sens
15 le plus strict qui se puisse imaginer, la Chambre de première instance
16 considère que là où s'agissant des documents demandés, il semble que le
17 droit de l'accusé à la préservation de son intimité lorsqu'il s'agit, par
18 exemple, de lettres envoyées à son médecin, de journaux intimes, etc., eh
19 bien, que dans ce cas, les documents seront exclus de la procédure qui est
20 indiquée ci-après;
21 considérant que le Greffe du Tribunal étant responsable de la gestion du
22 quartier pénitentiaire est un autre organe neutre et, de ce fait, ne
23 saurait avoir accès et prendre possession des documents requis sur simple
24 demande de l'accusation;
25 considérant cependant qu'une injonction de produire ne semble pas
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1 appropriée, nécessaire, dans les circonstances qui existent ici;
2 considérant que sur la base de ce qui précède la Chambre de première
3 instance estime que la communication des documents donnés est nécessaire
4 pour le procès, au sens de l'Article 54 du Règlement de procédure et de
5 preuve et, en conséquence, que les documents requis doivent ou peuvent
6 faire l'objet d'une ordonnance de la Chambre.
7 En vertu de l'Article 54 du Règlement de procédure et de preuve, la
8 Chambre ordonne au quartier pénitentiaire d'identifier tous documents qui
9 sont déjà en sa possession, c'est-à-dire des documents qui… et cela exclut
10 tous les documents qui se trouveraient dans la cellule du docteur Stakic.
11 Ces documents comprennent des dossiers originaux ou des documents qui se
12 présentent sous la forme de reçus, de demandes ou de lettres signées ou
13 écrites par M. Milomir Stakic, autres que les documents qui font l'objet
14 d'une communication entre le docteur Stakic et un membre quelconque de
15 l'équipe de sa défense.
16 Deuxièmement, des documents originaux tels que le permis de conduire,
17 passeport et documents semblables qui étaient en possession du docteur
18 Milomir Stakic lorsqu'il est arrivé au quartier pénitentiaire, la Chambre
19 ordonne au quartier pénitentiaire de placer ces documents dans un
20 réceptacle quelconque et qui sera ensuite scellé, qui sera ensuite
21 transféré dans les locaux du Tribunal international, c'est-à-dire les
22 Chambres.
23 D'autre part, la Chambre demande que ce réceptacle soit ouvert uniquement
24 en présence du Juge Per Lindholm, qui sera ci-après désigné sous le terme
25 de "juge désigné", et en présence du conseil du docteur Stakic qui
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1 observeront la procédure suivante: le juge désigné procédera à un examen
2 des documents sur la base des critères qui ont été évoqués plus haut,
3 c'est-à-dire en tenant compte du secret de la communication entre le
4 client et son avocat et du principe de la proportionnalité en excluant
5 certains documents en fonction de ces critères.
6 A tout moment, la défense du docteur Stakic pourra présenter son objection
7 au sujet d'un document, au sujet d'une partie de ce document en disant que
8 ce document ne devrait pas être communiqué à l'accusation. Si c'est
9 nécessaire, on pourra expurger certaines parties de ces documents.
10 Troisièmement, le Juge désigné sera l'arbitre final et ce ne sera donc pas
11 la Chambre lorsqu'il s'agira de la procédure d'examen. Cependant, bien
12 entendu, il sera toujours possible d'avoir recours aux solutions prévues
13 par le Règlement de procédure et de preuve.
14 Quatrièmement, à la fin de cette procédure, les documents exclus seront
15 replacés dans le réceptacle qui sera de nouveau scellé et qui sera
16 transféré immédiatement au quartier pénitentiaire. Tous les documents
17 restants seront communiqués à l'accusation afin qu'elle puisse les
18 communiquer à l'expert graphologue.
19 J'espère que cette ordonnance pourra rapidement être mise en œuvre et que
20 l'expert pourra très vite disposer des échantillons d'écriture.
21 En examinant maintenant des documents, je vois que, s'agissant de la liste
22 4 du Bureau du Procureur, on nous a dit qu'on recevrait bientôt une
23 nouvelle liste 4, une liste mise à jour.
24 M. Koumjian (interprétation): Oui, nous l'avons. Mais ça ne sera pas notre
25 dernière liste. Si vous le souhaitez, nous pourrons appeler la liste
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1 suivante la liste 5, cela nous irait tout à fait. Mais nous avons la liste
2 des documents qui ont été signés, je crois, ou nous le pensons, par le
3 docteur Stakic et qui ne sont pas sur les autres listes 1, 2 ou 3.
4 M. le Président (interprétation): Merci. Il s'agit simplement d'avoir une
5 idée des documents dont il faudra ultérieurement donner lecture dans le
6 prétoire.
7 Et puis, nous avions un autre document qui devait être traduit. Vous vous
8 souviendrez que nous avons vu un entretien qui avait été enregistré sur
9 vidéo, ceci a été traduit en anglais et en BCS. On nous a promis que nous
10 recevrions une interprétation de la totalité du document.
11 M. Koumjian (interprétation): Vous parlez de la traduction en français?
12 M. le Président (interprétation): Non, non, non, ceci s'est produit il y a
13 deux semaines. Nous avons vu un entretien, une interview, une partie en
14 BCS, une partie en anglais.
15 M. Koumjian (interprétation): Je ne vois pas très bien de quelle vidéo il
16 s'agit. Il y avait une vidéo?
17 M. le Président (interprétation): Oui, une vidéo.
18 M. Koumjian (interprétation): Ce n'est pas celle que nous avons passée
19 vendredi?
20 M. le Président (interprétation): Non, non, il faudra sans doute y revenir
21 dès que nous aurons les cotes des pièces.
22 M. Koumjian (interprétation): Il est possible… enfin, je n'étais pas dans
23 le prétoire lorsque cela a été présenté, mais je me demande s'il est
24 possible que cela soit un extrait de la vidéo qui a été présentée
25 vendredi.
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1 M. le Président (interprétation): Non, c'était quelque chose de différent.
2 Il faudra y revenir. Moi, je pensais que c'était parfaitement clair et
3 qu'on savait parfaitement de quelle pièce il s'agissait.
4 Et puis, les fameuses photocopies couleurs toujours portées disparues,
5 qu'en est-il?
6 M. Koumjian (interprétation): Nous ne les avons pas encore reçues, mais le
7 travail continue et j'espère que demain nous les aurons.
8 M. le Président (interprétation): Et enfin, dernière chose, demain vous
9 allez recevoir une ordonnance portant calendrier qui concernera la période
10 allant jusqu'au 13 décembre.
11 J'espère que nous n'aurons pas besoin de tout ce temps-là, mais vous
12 verrez sur ce document tous les jours d'audience dont nous aurons besoin
13 jusqu'au 19 septembre. Et puis, donc, nous savons que le prétoire n°2,
14 pourra éventuellement être utilisé par notre affaire, si besoin est
15 jusqu'à la fin de l'année.
16 Est-ce qu'il y a d'autres observations? Non.
17 Bien. Maintenant, nous allons tout de suite passer au témoin et, pendant
18 qu'on la fait entrer, je voudrais demander si c'est un témoin protégé et
19 de quelles mesures de protection elle bénéficie.
20 M. Waidyaratne (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
21 les Juges.
22 C'est un témoin qui bénéficie d'un pseudonyme et de la distorsion des
23 traits du visage. Voilà les mesures de protection qui lui ont été
24 accordées.
25 M. le Président (interprétation): Devrions-nous commencer à huis clos pour
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1 présenter son nom, etc.?
2 M. Waidyaratne (interprétation): Oui, cela conviendrait, Monsieur le
3 Président. Encore que nous pourrions commencer à huis clos partiel, en
4 fait.
5 M. le Président (interprétation): Huis clos partiel? Je ne vois pas
6 d'objection.
7 Quel sera le pseudonyme du témoin? Quel est le pseudonyme qui est prévu
8 maintenant?
9 Mme Dahuron (interprétation): Il s'agira du Témoin V.
10 M. le Président (interprétation): Témoin V.
11 (Le Témoin V est introduit dans le prétoire.)
12 (Audience à huis clos partiel à 9 heures 23.)
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7 (Audience publique avec mesures de protection à 9 heures 35.)
8 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais vous
9 donner ce document qui porte les noms du témoin, qui devra être scellé et
10 qui sera plus tard versé au dossier.
11 M. le Président (interprétation): Quelle est la cote de cette pièce?
12 Mme Dahuron (interprétation): S188, portant la mention "confidentiel".
13 M. le Président (interprétation): Versé au dossier comme pièce à
14 conviction S188, confidentiel.
15 (Intervention de l'huissier.)
16 M. Waidyaratne (interprétation): Madame le Témoin, je devrai vous parler
17 du mois d'avril 1992. Où étiez-vous en avril 1992?
18 Témoin V (interprétation): Je me suis rendue avec mon fils, le plus jeune,
19 chez ma fille Medija qui venait de se marier et venait d'avoir un enfant.
20 Question: Où habitait-elle, à ce moment?
21 Réponse: Brekovica.
22 Question: Est-ce que c'est à Bosanska Krupa?
23 Réponse: Oui, dans les environs, dans un village, le village de Brekovica.
24 Question: En avril, vous résidiez chez votre fille dans ce village?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: A ce moment-là, au début mai, avez-vous entendu parler de la
2 prise du pouvoir par les Serbes dans la municipalité de Prijedor?
3 Réponse: Oui. Des amis de ma fille, un ami de ma fille Medija m'avait
4 parlé de la prise du pouvoir par les Serbes et j'ai pris peur. J'ai appelé
5 mon frère qui travaillait à l'usine de Celpak. Je lui ai téléphoné, je lui
6 ai demandé comment allait ma mère, ce à quoi il m'a répondu que je ne
7 devais pas me faire de souci car elle allait bien. J'ai commencé à
8 paniquer, je voulais rentrer chez moi, mais je suis restée là. Pendant un
9 mois, il n'y avait plus de bus via Bosanska Krupa pour se rendre à Kljuc.
10 Un mois plus tard, je suis rentrée chez moi avec mon fils, le plus jeune
11 de mes fils.
12 Question: Vous avez dit que vous avez paniqué, vous avez appelé votre
13 frère qui travaillait à Celpak et vous avez posé des questions au sujet de
14 ce qu'il était advenu de votre mère. Est-ce que vous avez demandé ce qui
15 se passait au village de Carakovo?
16 Réponse: Je n'étais pas censée le faire, car je savais plus ou moins ce
17 qui se passait et je ne devais donc pas poser la question. J'ai juste posé
18 la question au sujet de ma maman, ce à quoi on m'a répondu qu'elle allait
19 bien.
20 Question: Vous avez appelé votre frère une deuxième fois?
21 Réponse: Oui, une deuxième fois, mais je n'ai pas pu l'avoir. C'est un
22 Serbe qui a répondu; il m'a dit que mon frère était là. J'ai demandé à
23 avoir des personnes provenant de Carakovo; il m'a répondu qu'il n'y avait
24 personne de Carakovo dans les environs.
25 Question: Vous avez donc appelé votre frère qui travaillait à l'usine de
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1 Celpak, est-ce correct?
2 Réponse: Oui, c'est correct.
3 Question: Vous avez dit qu'après un mois, vous êtes rentrée?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Vous êtes donc rentrée à Carakovo le 7 mai 1992?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Lorsque vous avez appelé votre frère la deuxième fois, la
8 personne qui a répondu au téléphone a dit qu'il n'y avait personne à
9 Carakovo. Est-ce que vous avez demandé ce qu'ils étaient devenus?
10 Réponse: Non, je l'ai juste remercié, après quoi j'ai raccroché; je n'ai
11 pas posé de questions. J'ai vu beaucoup de gens de Krupa qui étaient
12 arrivés là-bas, qui nous avaient dit que Krupa était tombée aux mains des
13 Serbes, et ces personnes m'ont expliqué ce qui s'était passé; donc j'avais
14 une idée de ce qui se passait à Prijedor.
15 Question: Vous avez dit, donc, que vous étiez rentrée à Carakovo avec le
16 plus jeune de vos fils. Quel âge avait-il?
17 Réponse: Il avait, je pense, 12 ans.
18 Question: Madame le Témoin, pour parler de Carakovo, vous avez vécu de
19 nombreuses années là-bas?
20 Réponse: J'y suis née et j'y ai habité longtemps.
21 Question: Vous connaissiez bien le village?
22 Réponse: Oui, c'est là que je suis née, que j'ai grandi. Mes parents aussi
23 étaient nés à Carakovo.
24 Question: Combien y avait-il de maisons, approximativement, à Carakovo?
25 Réponse: Entre 8 et 900.
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1 Question: Quel était le groupe ethnique majoritaire vivant à Carakovo?
2 Réponse: Musulman. Il s'agissait de cinq villages d'affilée qui étaient
3 exclusivement musulmans, à l'exception de deux maisons croates à Carakovo.
4 Question: Vous avez parlé de cinq villages musulmans. Quels étaient ces
5 villages?
6 Réponse: Zekovi. Et il y avait d'autres villages.
7 Question: Après votre retour à Carakovo, vous avez vécu avec votre famille
8 dans votre maison?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Est-ce que vous vous déplaciez? Est-ce que vous vous êtes rendue
11 à la ville de Prijedor?
12 Réponse: Un jour, je me suis rendue à Prijedor. Je ne pouvais pas
13 emprunter la route principale, la route Sanski Most/Prijedor. Nous devions
14 passer par Gomjenica et, pour la première fois, j'ai constaté l'existence
15 d'un point de contrôle au village de Gomjenica. Nous avons été arrêtés par
16 des soldats serbes qui nous ont demandé la raison pour laquelle nous nous
17 rendions à Prijedor; nous allions y faire des courses. Ils nous ont dit
18 que nous avions une heure pour les faire, et nous devions repasser par le
19 même poste de contrôle; c'est ce que nous avons fait. Nous sommes passés
20 par le même poste de contrôle et je suis rentrée chez moi le jour même.
21 Après huit jours, je suis allée toucher la pension de ma mère et ils nous
22 ont dit de passer par Tukovi. A Tukovi, j'ai pu voir un char d'assaut
23 camouflé à l'aide de feuilles et le canon pointé vers Carakovo et
24 Hambarine. Nous avons commencé à prendre peur et nous sommes allés à la
25 poste. Ils ont refusé de nous donner, là-bas, l'argent car on nous a
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1 prétendu que cet argent était destiné à l'armée serbe et à ses achats de
2 carburant. Ensuite, nous sommes rentrés chez nous et depuis ce jour-là,
3 ils venaient chercher quelque chose: du carburant, des véhicules, du
4 bétail…
5 Question: Je voudrais vous interrompre, Madame le Témoin, et vous poser
6 des questions supplémentaires.
7 Vous parlez d'un poste de contrôle à Gomionica. Quelle est la distance
8 entre Gomionica et Carakovo?
9 Réponse: A peu près deux kilomètres. Il y a un pont qui traverse la Sana
10 pour se rendre à Prijedor.
11 Question: Vous avez parlé d'un autre poste de contrôle à Tukovi; vous avez
12 pu voir un char d'assaut. Quelle était sa distance par rapport à Carakovo?
13 Réponse: Un kilomètre et demi. Car entre Prijedor et Carakovo, il y avait
14 un kilomètre et demi à deux kilomètres, et c'était là que le char d'assaut
15 était stationné.
16 Question: C'était sur la route principale Sanski Most-Prijedor?
17 Réponse: Oui, oui. Près de la Sana, sur la droite.
18 Question: Vous avez parlé d'hommes en uniforme. Avez-vous reconnu ces
19 uniformes? Pouvez-vous les décrire, les expliquer?
20 Réponse: Des uniformes portant des camouflages. J'ai également reconnu les
21 hommes qui occupaient le poste de contrôle à Carakovo et sur la route de
22 Sanski…, la route de Prijedor.
23 Question: Vous souvenez-vous des noms de ces hommes?
24 Réponse: Drago Tintar et Mico Jurisic étaient au poste qui se trouvait
25 près du char d'assaut.
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1 Question: Etaient-ils originaires de la région?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Où?
4 Réponse: Drago Tintar venait de Tukovi. Et je pense que Jurisic devait
5 vivre quelque part à Prijedor, mais je le connaissais pour l'avoir vu sur
6 la ligne de bus Carakovo-Prijedor.
7 Question: Madame le Témoin, pour parler de ce point de contrôle, est-ce
8 que la population était libre de ses mouvements?
9 Réponse: Pas vraiment, car on arrêtait les gens à ce poste de contrôle. On
10 posait des questions au sujet de ce qu'on allait faire à Prijedor; on nous
11 disait que Prijedor n'était plus à nous, que l'on n'avait rien à y faire,
12 que l'on ne voulait pas faire la guerre avec nous. Voilà ce qu'on nous
13 disait.
14 Question: Pouviez-vous vous procurer des aliments et d'autres produits
15 essentiels à la ville de Prijedor?
16 Réponse: C'était difficile. En juin, oui, mais en juillet ce n'était plus
17 possible car, une fois que vous aviez été identifié comme Musulman, vous
18 ne pouviez plus rien acheter.
19 Question: Madame le Témoin, vous avez parlé de deux postes de contrôle, à
20 Gomjenica et à Tukovi. Et avez-vous pu en voir d'autres dans les environs
21 de Carakovo?
22 Réponse: Oui. Lorsque je suis rentrée de Brekovica pour entrer à Carakovo
23 en mai, lorsque je rentrais chez moi, j'ai constaté l'existence d'un poste
24 de contrôle à Sanski Most. Les militaires arrêtaient les camions, les
25 fouillaient et les laissaient passer par la route de Sanski Most pour se
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1 rendre à Prijedor. C'est la première fois que j'avais vu un point de
2 contrôle, en plus des deux autres que j'avais vus auparavant.
3 Les militaires étaient en uniforme; il s'agissait de soldats serbes, je ne
4 voyais pas de Musulmans et j'ai commencé à prendre peur. Je ne savais pas
5 ce qui allait m'arriver, mais ils ont juste examiné mes papiers et m'ont
6 dit: "Ah, vous venez de Prijedor", et ils m'ont laissé passer.
7 Question: Madame le Témoin, je voudrais maintenant vous parler d'autre
8 chose. Après la prise du pouvoir par les Serbes en avril 1992, dans les
9 mois qui ont suivi, avez-vous pu écouter la radio de Prijedor?
10 Réponse: Oui, l'électricité était coupée, mais certaines personnes
11 écoutaient encore la radio. Nous avons entendu les nouvelles au sujet de
12 Mirza Mudjadzic et Hilmija Hopovac; il s'agit d'appels qui leur étaient
13 lancés à se rendre. Je ne connaissais pas ces personnes, mais toute la
14 journée on les invitait à se rendre, à remettre leurs armes, on appelait
15 également à remettre les fusils de chasse que les gens avaient. Ces armes
16 avaient déjà été remises. Les armes avaient déjà été remises à des points
17 de collecte précis, mais les appels à la remise des armes continuaient.
18 Les gens ont commencé à prendre peur et les gens ont commencé à s'enfuir
19 vers les bois et, le soir, les Serbes entraient dans le village.
20 Question: Madame le Témoin, je voudrais vous interrompre ici car je
21 voudrais adopter une approche plus progressive.
22 Vous aviez parlé de Hilmija Hopovac et de Mirza Mujadzic, vous avez dit
23 que vous ne les connaissiez pas, mais savez-vous quelle était leur
24 fonction à cette époque? Et savez-vous pourquoi on les avait invités à se
25 rendre de la sorte?
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1 Réponse: J'ai entendu dire qu'ils étaient les fondateurs du SDA, du parti.
2 Je ne sais pas si c'est vrai, mais c'est la raison pour laquelle cet appel
3 leur était lancé.
4 Question: Savez-vous si Hopovac et Mujadzic occupaient un poste au sein du
5 SDA?
6 Réponse: Non, pas vraiment.
7 Question: Vous avez dit qu'il y avait un appel à remettre les armes. Est-
8 ce que des habitants de votre village ont remis des armes?
9 Réponse: Il y avait des personnes qui avaient des fusils de chasse qui les
10 ont remis, ainsi que des revolvers qu'ils avaient tout à fait légalement
11 dans la mesure où ils avaient un permis de port d'arme. Moi, je n'avais
12 pas d'arme, je n'avais rien à remettre.
13 Question: Merci. Je sais que vous n'aviez pas d'arme, mais est-ce que vous
14 saviez que les autres ont remis leur fusil de chasse?
15 Réponse: Oui, tout à fait. Mes voisins qui en avaient les ont remis.
16 Question: Au mois de juin 1992, avez-vous passé une partie de votre temps
17 dans le village?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Aviez-vous vu des soldats serbes dans le village?
20 Réponse: Oui, tous les jours ils se rendaient au village et demandaient
21 quelque chose: du carburant, des voitures, tout ce que nous avions. Du
22 bétail, des animaux, ils les tuaient pour les manger. Ils recherchaient
23 également des gens. Par exemple, les femmes savaient ce qui se passait et
24 certaines disaient: "Ah, mon mari travaille en Autriche, en Slovénie!".
25 Mais comme il s'agissait de voisins, parfois ils savaient… à ce moment-là
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1 ils maltraitaient les femmes, ils les insultaient car ils savaient qu'ils
2 étaient là.
3 Question: Avez-vous reconnu certains de ces soldats à l'époque?
4 Réponse: Oui, Dragutin et Jurisic surtout, et il y en avait d'autres des
5 plus jeunes et des plus âgés que je ne connaissais pas, mais eux, je les
6 ai reconnus. Drago Tintor, je le connaissais, il se rendait au (expurgé) je
7 parlais avec lui.
8 Question: Portaient-ils des uniformes et des armes?
9 Réponse: Oui. Ils portaient des fusils automatiques, des uniformes. Et
10 Drago, lorsqu'il est venu chercher l'un de mes voisins…
11 Question: Je me permets de vous interrompre. Veuillez répondre à ma
12 question: au cours du mois de juin 1992, est-ce que les habitants d'autres
13 villages se sont rendus dans votre village?
14 Réponse: La population fuyait du village de Hambarine pour se rendre dans
15 notre village, car les Serbes avaient déjà pris le pouvoir dans ce village
16 et ils s'enfuyaient à Rizvanovici, vers d'autres villages, et également
17 chez nous.
18 Question: Les personnes qui venaient de Hambarine, s'agissait-il de femmes
19 et d'enfants?
20 Réponse: Des femmes, des enfants, des personnes âgées, des malades; ceux
21 qui pouvaient fuir s'enfuyaient et ceux qui ne pouvaient pas rester;
22 certains se sont enfuis dans la campagne. Et certains étaient emmenés dans
23 des camps. Certains étaient arrêtés et emmenés dans des camps.
24 Question: Vous avez parlé des personnes qui venaient des autres villages,
25 et certains ont été pris et emmenés dans des camps, les hommes ont été
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1 emmenés et pris dans les camps?
2 Réponse: On disait que certains, les jeunes se cachaient dans les champs,
3 dans les bois mais ceux qui réussissaient à s'enfuir s'enfuyaient vers
4 notre village.
5 Question: Vous disiez que les Serbes avaient pris leur village. Est-ce que
6 les fuyards ont expliqué ce que les Serbes ont fait dans le village?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Est-ce que c'était après l'attaque sur le village de Hambarine?
9 Réponse: Lorsque l'attaque s'est produite, les femmes ont pris la fuite.
10 On a commencé à bombarder Carakovo et Hambarine le même jour et, ce jour-
11 là, ils sont arrivés également de Hambarine et les femmes se sont enfuies.
12 Et, un mois plus tard, ils ont également attaqué Carakovo.
13 Question: J'y reviendrai plus tard. Combien de temps les habitants de
14 Hambarine sont-ils restés dans votre village?
15 Réponse: Nous sommes restés jusqu'à la chute de ce Carakovo.
16 Question: Est-ce que vous vous rappelez le 23 juillet 1992?
17 Réponse: Oui.
18 Question: C'est le jour de l'attaque par les Serbes du village de
19 Carakovo? Est-ce que c'est correct?
20 Réponse: Oui. Oui. Une journée terrible, triste. Je m'en souviens. A 9
21 heures du matin, je me suis rendue chez mon voisin pour apporter de la
22 nourriture car ses enfants restaient chez moi, c'était à deux kilomètres
23 de chez moi. Ce voisin m'a dit qu'une attaque serait lancée contre
24 Carakovo car il avait entendu les tanks. Il m'a dit: "Je vais à la
25 maison". Les enfants étaient là, ma mère est là, et il y avait des femmes
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1 qui restaient chez moi également mais je ne suis pas parvenue à arriver
2 chez moi à temps. Ils avaient…
3 Question: Excusez-moi de vous interrompre, mais je voudrais connaître le
4 nom de votre voisin qui savait que le village allait subir une attaque?
5 Réponse: Adem Hopovac.
6 M. Waidyaratne (interprétation): A quelle distance sa maison se situe-t-
7 elle de votre maison? Est-ce qu'il était chez lui lorsque vous êtes venue
8 le trouver?
9 Témoin V (interprétation): Il restait chez sa sœur à Carakovo et j'ai pu
10 lui trouver de la nourriture. Il a pu arriver là-bas et c'est là qu'il a
11 pu voir ces chars d'assaut qui se dirigeaient vers Carakovo. Il m'a dit:
12 "L'armée vient, qu'allons nous faire?", et je lui ai dit: "Adem, je rentre
13 chez moi, nos enfants sont seuls". Et j'avais également une amie ainsi que
14 son fils et un voisin avec moi.
15 Et derrière sa maison se trouvaient des champs de maïs et nous avons couru
16 à travers ces champs. Ensuite, on a commencé à tirer, on a vu des éclairs
17 sortir des tanks et je n'ai pu rentrer chez moi.
18 Et ensuite, nous avons traversé les bois, nous avons été près de l'école
19 et les soldats se sont arrêtés là. Il y avait un jeune homme derrière moi,
20 ce collègue qui était avec moi les a remarqués. J'ai pu sortir des bois à
21 moins d'un mètre.
22 Ensuite, il m'a attrapé par les épaules et m'a tirée vers l'arrière et
23 nous sommes rentrés dans les bois, et nous avons à nouveau traversé les
24 champs de maïs. Il y avait un grand champ ensuite; nous sommes restés là
25 jusqu'à à peu près 5 heures.
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1 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'on peut expurger la page 18,
2 ligne 25?
3 Vous pouvez poursuivre.
4 M. Waidyaratne (interprétation): Lorsque vous vous cachiez dans les champs
5 de maïs, est-ce que vous avez pu voir les soldats serbes?
6 Réponse: Je ne les ai pas vus, mais j'ai entendu des tirs; j'ai entendu
7 les chars, j'ai entendu les cris des femmes, des enfants, je les ai
8 entendus pleurer. Et ensuite, j'ai vu des maisons qui étaient en flamme et
9 cela tout de suite. Nous étions toujours dans les champs, nous pensions
10 que ça allait s'arrêter, mais non, les hurlements se sont poursuivis. Ils
11 hurlaient et ils entraient, ils couraient dans les bois comme s'ils
12 étaient à la chasse. Et la maison de Adem Hopovac, ou de Mujo Hopovac,
13 était en feu; donc nous avons essayé de retourner à la maison d'Adem pour
14 aller ensuite vers la maison de son voisin, de Danica.
15 Les tirs se sont quelque peu calmés. Lorsque nous sommes arrivés à la
16 maison de Danica, on a trouvé son mari et il expliquait que, lorsqu'ils
17 avaient fouillé la maison, ils l'avaient trouvé; il lui avait dit d'aller
18 nulle part, qu'ils allaient revenir.
19 S'agissant de la maison de Adem Hopovac, c'est-à-dire la maison de son
20 fils, eh bien, ils ont tout pris, on leur a tout pris, tout ce qu'ils
21 avaient: magnétoscope, machine à laver, tout.
22 Lorsque j'y suis arrivée, moi, je les ai vus charger des choses dans des
23 véhicules. Certains allaient vers Prijedor, d'autres vers Raskovica.
24 J'ai demandé au mari de Danica de me donner une cigarette pour que je
25 puisse fumer. Donc j'ai vu des femmes qui partaient. Elles étaient
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1 désespérées et elles avaient dit qu'on avait brûlé leur grange.
2 Et ensuite, Husein, sa femme est venue mais j'oublie les noms.
3 Question: Jasmin?
4 Réponse: Oui, Jasmin Sijacic. Oui, donc les femmes, les enfants sont
5 partis vers Prijedor. Leurs maris avaient été tués derrière leur maison et
6 puis, nous nous sommes mis en chemin lentement. Les tirs se sont calmés,
7 tout ça, et puis on a commencé à aller vers ma maison. Lorsque je suis
8 arrivée à ma maison…
9 Question: Est-ce que vous avez été prévenus par les Serbes avant l'attaque
10 contre votre village?
11 Réponse: Oui, oui, ils avaient lancé des avertissements au sujet des
12 armes; ils avaient dit qu'il fallait leur remettre nos armes et cela, jour
13 et nuit. Tous les jours, ils répétaient cela.
14 Question: Mais je voudrais savoir une chose, pour que ce soit bien clair,
15 parce que je crois que vous n'avez pas bien compris ma question. Avant
16 l'attaque, avant l'arrivée des chars, est-ce qu'ils vous ont avertis de
17 cette attaque?
18 Réponse: Eh bien, ils étaient menaçants, ils menaçaient, ils disaient que
19 les gens allaient être mobilisés et qu'il allait falloir se présenter pour
20 la mobilisation. Ils n'ont cessé de le faire, mais les nôtres n'ont pas
21 osé se présenter pour aller lutter en Croatie. Ils menaçaient Mujadzic et
22 Hopovac; ils les appelaient par leurs noms: Mujadzic et Hopovac. Ils
23 disaient que ces gens qui s'appelaient Mujadzic et Hopovac allaient être
24 tués. Mais bon, on n'a pas vraiment fait attention à tout cela parce qu'on
25 pensait que cela ne se produirait pas vraiment.
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1 Question: Madame le Témoin, vous nous dites avoir entendu la femme de
2 Husein Sijacic, Jasmin Sijacic; c'est-à-dire que son mari avait été tué.
3 Je voudrais savoir si vous avez vu des hommes être arrêtés, être emmenés?
4 Réponse: Moi, j'ai uniquement vu les gens qui partaient en groupe, des
5 femmes, des enfants, en autocar; on les emmenait quelque part, mais je ne
6 sais pas où on les a emmenés.
7 Question: Est-ce que vous connaissiez une dénommée Rubija Redzic?
8 Réponse: Oui, cette femme a été tuée devant sa maison, ce jour-là. Ce
9 jour-là.
10 Question: Veuillez nous expliquer exactement ce que vous avez vu.
11 Réponse: Rubija Redzic gisait morte devant sa maison; les Serbes l'avaient
12 tuée, ce jour-là. Moi, je passais par là, je venais de la maison de Adem
13 Hopovac; je passais devant la maison de Rubija parce que j'allais chez moi
14 et je l'ai vue, là, morte. Ensuite, j'ai entendu dire que les Serbes
15 étaient venus et qu'ils l'avaient tuée devant sa maison. Elle n'a pas
16 réussi à s'échapper, elle n'a pas réussi à aller se cacher. Donc elle
17 gisait là, morte, devant sa propre maison. Fehim aussi a été tué devant sa
18 maison.
19 Question: J'y viendrai, j'y viendrai. On va procéder par ordre.
20 Est-ce que vous avez vu des blessures sur le corps de Rubija?
21 Réponse: Elle gisait sur le ventre, elle était toute ensanglantée ici.
22 Oui, c'est là que je l'ai vue.
23 Question: Vous nous avez montré l'endroit. Etait-ce que c'était sur la
24 tête que vous avez vu du sang ou une blessure?
25 Réponse: Oui, sur la tête, là-haut; c'est là qu'il y avait du sang.
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1 Question: Est-ce que Rubija habitait au village?
2 Réponse: Oui, oui, oui, c'était une villageoise, elle y vivait.
3 Question: Quelle était son appartenance ethnique?
4 Réponse: Musulmane.
5 Question: Alors c'était le nom, c'était Karupovic?
6 Réponse: Karupovic, oui.
7 Question: Etait-il également du village?
8 Réponse: Oui, il était également né au village. Tout d'abord, j'ai vu Adem
9 Hopovac. Adem a également été tué.
10 Question: J'y viendrai.
11 Qu'est-ce que vous avez vu? Quand est-ce que vous avez vu Fehim et qu'est-
12 ce qu'il lui est arrivé?
13 Réponse: Fehim était couché sur le dos devant sa propre maison. Il avait
14 été touché par une balle en pleine poitrine et il était couché comme cela.
15 Donc on voyait qu'il avait des trous de balles dans sa poitrine, dans ses
16 mains et également dans le front. Il était donc couché sur le dos devant
17 sa propre maison.
18 Question: Vous l'avez donc vu mort devant sa propre maison?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Il était également musulman de religion?
21 Réponse: Oui, c'était également un Musulman. Il est né là-bas.
22 Question: Est-ce que vous savez quel était à peu près l'âge de Fehim et de
23 Rubija?
24 Réponse: Rubija était née en 1937, parce que j'ai parlé à ses enfants. Et
25 Fehim était né en 1940.
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1 Question: Vous nous avez dit que vous avez également vu Adem Hopovac?
2 Réponse: Oui. Oui, oui, oui, Adem était également étendu près de sa
3 maison, sur le ventre. A nouveau, il était blessé au bas, au dos, et il
4 avait les jambes écartées. C'est la première fois que j'ai vu un homme
5 mort et j'ai eu peur, j'ai paniqué et de là, je suis rentrée chez moi.
6 Question: Avez-vous vu des blessures sur Adem?
7 Réponse: Oui, oui, j'ai vu des blessures au dos. Il avait été touché par
8 une balle dans le dos, il était couché sur le ventre et une balle avait
9 traversé sa chemise. Ses jambes étaient écartées et sa tête était un peu
10 tournée sur le côté.
11 Question: Quel était l'âge d'Adem et quelle était son appartenance?
12 Réponse: Musulman. Il avait à peu près 60 ans, il était retraité.
13 Question: Après que vous ayez vu Adem mort, vous êtes retournée chez vous.
14 Est-ce que vous êtes arrivée chez vous?
15 Réponse: Oui. Ensuite, je me suis rendue chez moi.
16 Question: Est-ce que j'ai raison de dire, donc, que le fils d'Adem y
17 était?
18 Réponse: Oui, le fils d'Adem était chez moi. Il avait 25 ans.
19 Question: Est-ce que vous avez dit au fils d'Adem ce qui était arrivé à
20 son père?
21 Réponse: Oui, oui, je l'ai informé. Quand il m'a vue, il a commencé à
22 pleurer, il m'a dit: "Mais tu es encore en vie! Est-ce que tu es encore en
23 vie?", j'ai dit "oui", j'ai dit: "Malheureusement, ton père a été tué et
24 sa mère était dans le village de Zecovi." Il m'a dit: "Est-ce que vous
25 auriez la gentillesse de m'accompagner pour aller voir ma mère pour lui
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1 dire que mon père s'est fait tuer." Et alors, on s'est rendus à Zecovi,
2 nous sommes arrivés à Zecovi.
3 Sa mère était cardiaque, elle était très heureuse de le voir. Elle a dit:
4 "Ah, fils! Pourquoi es-tu venu? Est-ce que tu as faim?". Et puis, elle a
5 trouvé un morceau de pain.
6 Question: Est-ce que vous avez donné une information à la femme d'Adem
7 pour l'informer que Adem avait été tué?
8 Réponse: Nous ne lui avons pas dit directement, mais nous avons dit à la
9 femme chez qui elle vivait, nous avons dit: "Hata, occupe-toi de la femme
10 d'Adem, Adem a été tué." Et comme la femme d'Adem était malade et comme
11 cette personne, chez qui elle vivait, était une personne âgée nous lui
12 avons dit: "Essayez de venir chez moi, à Carakovo", et je suis ensuite
13 partie avec le fils…
14 Question: Non, nous y viendrons.
15 A quelle distance se trouvait cet endroit de Zecovi de votre village de
16 Carakovo?
17 Réponse: A peu près à un kilomètre. Un kilomètre entre le village de
18 Carakovo et le village de Zecovi.
19 Question: Après que vous ayez donné l'information à la femme d'Adem, vous
20 êtes retournée, et vous êtes retournée à votre maison à Carakovo?
21 Est-ce que le moment serait peut-être bienvenu de faire une interruption?
22 M. le Président (interprétation): Jusqu'à 10 heures 30.
23 M. Waidyaratne (interprétation): Vous êtes partie de la maison d'Adem à
24 Zecovi et, en quittant cette maison, est-ce que vous êtes passée près d'un
25 endroit que l'on appelle un marais?
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1 Témoin V (interprétation): Oui, oui. Oui, mais on y coupe également
2 l'herbe, mais c'est l'endroit qu'on appelle "Bare".
3 Question: Est-ce que vous avez vu des personnes tuées ou des corps à cet
4 endroit?
5 Réponse: Oui, j'ai vu huis huit corps de personnes qui avaient été tuées
6 -je ne peux pas me souvenir de toutes-, ces corps gisaient là. Je suis
7 passée près des corps, j'ai reconnu Asim Redzic et j'ai eu peur. Je suis
8 rentrée chez moi, je suis allé voir mes frères et j'ai dit à mes frères:
9 "Il y a beaucoup de morts à Bare. Asim en fait partie, et peut-être que
10 les autres ne sont pas de notre village". Et mes frères et moi, nous nous
11 y sommes rendus, nous avons reconnu toutes les personnes qui s'y
12 trouvaient: Hopovac Huse, Suvad, son jeune fils Malovcic Fadil, son cousin
13 également, Velid Hopovac, Nijaz son frère, Redzic Asim et Redzic Nijaz, je
14 crois.
15 Question: Oui, je reviendrai aux noms tout à l'heure.
16 Avez-vous vu le corps de Asim Redzic?
17 Réponse: Oui. Oui, j'ai reconnu son corps.
18 Question: Les blessures qu'il avait souffertes, les blessures qui lui
19 avaient été infligées?
20 Réponse: Oui, il était également blessé à la tête. Il était couché sur le
21 dos. Quand je me suis approché de lui, j'ai constaté que sa chemise était
22 percée de beaucoup d'impacts de balles et qu'il avait été touché à la
23 poitrine.
24 Question: Le nom de la personne Nijaz Redzic, c'était également une
25 personne qui était morte dont vous avez vu le corps?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Asim Redzic et Nijaz Redzic, quel était leur âge à peu près?
3 Réponse: Asim avait à peu près 60 ans, 61 ans presque, et Nijaz était un
4 homme plus jeune, il avait à peu près 38 ans.
5 Question: Est-ce que vous avez également parlé de quelqu'un de Huse
6 Hopovac et de son fils? Et Huse Hopovac, quel était son âge et quel était
7 l'âge de son fils?
8 Réponse: Huse était né en 1940, et son fils Suad est né en 1974. Il a été
9 à l'école avec mes enfants.
10 Question: Vous avez également mentionné un autre nom, Fadil Malovcic.
11 Réponse: Oui, Malovcic.
12 Question: La personne que vous avez vue était son neveu. Est-ce que je me
13 trompe?
14 Réponse: En effet, c'était Malovcic.
15 Question: Prénom? Ca ne fait rien, ça ne fait rien. Nous avançons.
16 Vous avez également parlé de quelqu'un qui s'appelait Nijaz Hopovac.
17 Réponse: Oui, effectivement.
18 Question: Et l'autre personne était son frère, le saviez-vous?
19 Réponse: Oui, son frère.
20 Question: Etait-ce Mirhad?
21 Réponse: Oui, Mirhad. C'était bien lui.
22 Question: Etait-il jeune?
23 Réponse: Oui, oui, des gens assez jeunes. Je pense que Nijaz Hopovac était
24 né en 1955 et son frère avait à peu près trois ans de moins que lui.
25 Question: Fadil Malovcic et son neveu… Quel était l'âge de son neveu? Est-
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1 ce que c'était un jeune garçon?
2 Réponse: Il était né en 1974 et il a également été à l'école avec ma
3 fille. Fadil, je crois, était né en 1961, dans ces alentours-là.
4 Question: Alors, lorsque ces corps ont été apportés par vos frères, est-ce
5 que les Serbes étaient encore là? Est-ce que vous avez entendu les tirs
6 des soldats serbes?
7 Réponse: Tous les jours, à toute heure, ils étaient là. Mais quand le soir
8 tombait, au moment de la tombée de la nuit, ils ont pris une charrette et
9 ils sont passés dans la forêt parce qu'il s'y trouve un cimetière et les
10 autres étaient restés pour creuser les tombes. Parce que, si on creusait
11 les tombes dans les champs, on risquait de vous voir et de vous tuer.
12 Question: Et vous avez donc enterré toutes les personnes?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Est-ce que vous avez entendu parler d'une personne, Husein
15 Malovcic; ce qui est arrivé à ces personnes que vous aviez retrouvées
16 mortes?
17 Réponse: Oui. Quand je suis allée à Travnik, Husein est venu avec nous. On
18 est sorti un jour devant la caserne. Il était devant, il pleurait et il
19 disait: "Tous nos enfants sont partis".
20 Des militaires en uniforme sont arrivés et il en a reconnu certains.
21 Vasiljevic, c'était son nom de famille; je ne sais plus comment il
22 s'appelait de son prénom. Et il a dit à Husein qu'ils n'allaient les
23 prendre que pour les interroger et qu'ils pourraient rentrer ensuite chez
24 eux.
25 Son fils Fadil, d'ailleurs, n'avait même pas de chaussures. Il était pieds
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1 nus et il a voulu retourner pour mettre ses chaussures. Il a dit: "Non,
2 non, viens, Fadil". Parce que c'étaient des collègues, ils se
3 connaissaient. Il a dit: "Tu n'auras pas besoin de chaussures".
4 Et puis, ils les ont emmenés dans le bois; derrière la maison, à peu près
5 trois cents mètres derrière la maison de Husein, il y a une forêt. Ils ont
6 commencé à les battre, à les pousser. Le frère de Nijaz était paralysé, il
7 ne pouvait pas…, il n'arrivait pas à bien marcher et à chaque fois qu'un
8 soldat le frappait, il tombait.
9 Pour aller à Bare, il fallait marcher pendant à peu près une heure et
10 c'est là qu'ils ont été tués.
11 Question: Est-ce qu'il est correct que Husein Malovcic était le père de
12 Fadil Malovcic? Est-ce que c'est correct?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Pendant les deux jours qui ont suivi le 23 juillet 1992, est-ce
15 que vous avez vu des Serbes dans votre village?
16 Réponse: Oui, j'ai vu des Serbes à toute heure du jour, tous les jours. Le
17 soir, nous ne dormions pas dans nos maisons. Ils avaient exigé que l'on
18 laisse les lumières allumées, mais il n'y avait pas d'électricité et à ce
19 moment-là, ils pouvaient voir qu'il y avait des gens dans les maisons.
20 Ils arrivaient le soir, ils emmenaient les gens et ils les tuaient, ils
21 les torturaient, ils les maltraitaient. Ils les emmenaient dans la forêt.
22 Tôt le matin, nous revenions dans nos maisons pour préparer quelque chose
23 à manger. On les voyait passer avec des fusils, parfois sur des charrettes
24 tirées par des chevaux. Parfois, ils passaient à pied; parfois, ils
25 utilisaient des systèmes de transport de troupes.
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1 Question: Quand vous avez vu des soldats serbes pendant ces jours-là, est-
2 ce qu'ils ont pris quelque chose dans votre maison, chez votre sœur?
3 Réponse: Oui. Ils sont venus un jour chez ma sœur pour chercher une
4 voiture. Elle leur a donné de l'or. Ils voulaient un tracteur. Ils ont
5 pris tous les outils, tout ce qu'il y avait; ils sont revenus le soir et
6 ils ont tué tout le monde qui était dans la maison. Je ne les ai pas vus,
7 mais j'ai parlé à mon gendre. Il avait du sang sur les mains, il pleurait.
8 Mon grand-père était derrière la porte. Il a eu une crise cardiaque. Ils
9 ont découpé son corps.
10 La maison suivante se trouvait à peu près à deux cents mètres. Plus de
11 cent femmes et enfants dormaient dans ma maison à ce moment-là, également
12 des personnes âgées. Il fallait tout le temps baisser la tête, rester près
13 du sol parce qu'il y avait des balles qui volaient partout. Le matin, je
14 n'en pouvais plus et je suis allée à l'autre maison où il y avait d'autres
15 personnes.
16 J'ai trouvé le collègue de mon frère au check-point et j'ai dit: "Bon
17 après-midi".
18 Question: Avant d'en arriver là, je voudrais encore vous poser quelques
19 questions sur certains autres événements. Nous y arriverons tout à
20 l'heure.
21 Nous parlions des deux jours; donc, c'était à peu près le 25 ou le 26
22 juillet. Vous nous dites que les Serbes étaient venus dans votre village
23 et avaient tout pris. Est-ce qu'ils ont pris le tracteur dans votre
24 maison?
25 Réponse: Non, ils ont pris le tracteur de ma sœur.
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1 Question: Est-ce qu'ils ont pris de l'argent aussi à votre sœur?
2 Réponse: Oui, ils ont pris de l'argent et également de l'or.
3 Question: Est-ce qu'il s'agissait de soldats serbes?
4 Réponse: Ils portaient tous des uniformes; des soldats, des civils, on ne
5 pouvait pas reconnaître.
6 Question: Est-ce que vous reconnaissez quelqu'un du nom de Besim Music,
7 que vous avez emmené à l'hôpital?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Que lui est-il arrivé ?
10 Réponse: Le 23, il était devant sa propre maison. Il était en train de
11 traiter du maïs quand des soldats serbes sont arrivés. Ils l'ont mis dans
12 une voiture, ils l'ont battu dans la voiture, ils lui ont cassé tous les
13 os. Ils l'ont ensuite jeté de la voiture, peut-être à trente mètres de là,
14 à trente mètres de la maison; ils l'ont éjecté de la voiture. Il gémissait
15 et on entendait ses cris des bois où se trouvaient les nôtres.
16 On l'a amené sur une charrette tirée par des chevaux à un endroit où l'on
17 pouvait l'aider. Il a passé un ou deux jours avec nous, on a pansé ses
18 blessures, son corps était entièrement tuméfié. Ils lui ont tiré une balle
19 pas directement dans la tête mais près de la tête, et il avait la peau
20 déchirée de partout. Ses jambes étaient également dans le même état et ses
21 bras aussi. Et nous ne pouvions pas continuer comme cela. Mes frères m'ont
22 demandé de l'amener à un médecin.
23 Question: Vous l'avez amené à l'hôpital le 25 février 1992 sur une
24 charrette tirée par des chevaux, est-ce que c'est bien cela?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: A quel hôpital l'avez-vous amené?
2 Réponse: Il y a un hôpital à Prijedor.
3 Question: Est-ce que vous savez ce qui est arrivé à sa femme Badema? Est-
4 ce que vous l'avez vue?
5 Réponse: Je ne l'ai pas vue, mais la voisine qui a enterré son fils dans
6 son jardin l'a vue. Elle avait été insultée et on lui avait dit de montrer
7 les cachettes qui étaient utilisées par les Bérets verts. Elle a crié,
8 elle a pleuré, elle a dit qu'elle ne savait pas où ça se trouvait. Ils
9 l'ont emmenée dans la forêt où ils l'ont tuée. Et Ramiz, il a été enterré
10 par ses parents et le corps de Badema est resté là parce qu'il n'y avait
11 personne pour l'enterrer, personne ne pouvait l'enterrer, donc elle n'a
12 pas été enterrée.
13 Question: A cette époque, est-ce que vous connaissiez des personnes du nom
14 de Ermin Sijercic et Huse Salihovic?
15 Réponse: Oui, oui. J'ai vu leurs corps, leurs corps morts. Ils ont été
16 amenés au cimetière près de ma ville. Le père de Nemsi Tetic(phon) les a
17 trouvés dans un champ. Ils ont creusé les tombes et ils ont amené les
18 corps, les corps qui étaient ouverts; la poitrine était ouverte, leurs
19 visages étaient défigurés. Il y avait du sang sur leur peau, ils étaient
20 criblés de balles. Nous les avons enterrés à Rezace.
21 Question: Quelle était l'appartenance ethnique de ces personnes?
22 Réponse: Musulmane.
23 Question: C'était après l'attaque du 23 juillet 1992?
24 Réponse: C'est le 24 que nous les avons enterrés. Son père est venu de la
25 forêt, a vu leurs corps qui gisaient dans le champ.
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1 M. Waidyaratne (interprétation): Je pense que le moment est bien choisi
2 pour faire une pause.
3 M. le Président (interprétation): Nous reprendrons à 11 heures.
4 (L'audience, suspendue à 10 heures 29, est reprise à 11 heures 05.)
5 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir. Vous pouvez
6 poursuivre.
7 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
8 Ce matin, avant la pause, vous avez dit avoir vu les corps de Huse
9 Salihovic et Ermin Sijacic?
10 Témoin V (interprétation): Oui.
11 Question: Est-ce que vous avez vu le corps de Nazif Dizdarevic également?
12 Réponse: Je n'ai pas vu son corps, mais j'ai vu son fils qui l'enterrait.
13 Il avait du sang sur les mains. Je lui ai parlé, il m'a dit qu'il l'avait
14 trouvé dans la cuisine de la maison, derrière la porte. Il avait été
15 découpé, il avait été déchiqueté par les balles. Il l'a enterré dans le
16 jardin, à l'extérieur de la maison. Le corps avait été ausculté par le
17 comité national qui l'avait étudié.
18 Question: Nazif Dizdarevic vivait à cette époque à Zecovi?
19 Réponse: Non, Carakovo.
20 Question: Donc vous avez vu le moment où l'on enterrait le corps de
21 Dizdarevic. Est-ce que c'était le 26 juillet 1992?
22 Réponse: Oui, le 27 juillet 1992.
23 Question: Le 27 juillet 1992?
24 Réponse: Oui, oui effectivement.
25 Question: Pour revenir à cette période de juillet 1992, après l'attaque
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1 contre votre village Carakovo, est-ce qu'il y a des gens qui se sont
2 réfugiés chez vous?
3 Réponse: Oui de Hambarine et de Zecovi, de partout des gens se sont
4 réfugiés chez moi. Parfois, nous dormions à l'intérieur mais la plupart du
5 temps dans les bois, parce que les soldats serbes venaient chez moi chaque
6 soir, et lorsqu'ils trouvaient des gens à l'intérieur de la maison, ils
7 les tuaient. Lorsqu'ils trouvaient des familles dans le village de Zecovi
8 ils les tuaient. Nous avons pris peur et nous avons pris la fuite et nous
9 nous sommes cachés.
10 Question: Le 28 juillet 1992, est-ce qu'en compagnie de deux autres
11 personnes vous vous êtes rendues dans le centre de Carakovo pour parler à
12 des soldats?
13 Réponse: Oui. J'ai rencontré un collègue de mon frère de l'usine de Celpak
14 qui était en uniforme et portait un fusil également, il m'a reconnue et je
15 l'ai salué.
16 Je lui ai dit: "Je suis venue pour vous demander quoi faire, car je ne
17 savais pas où aller avec les deux autres personnes qui restaient chez
18 moi." Il m'a dit: "Nous étions là. Tant que nous sommes là, de mercredi à
19 samedi, vous devez rester ici. Et ensuite, après, c'est l'armée serbe qui
20 viendra, je ne pourrais pas vous donner de garantie, il faudra faire
21 quelque chose."
22 Je suis rentrée chez moi et j'ai dit aux gens qui habitaient là ce que
23 l'on m'avait dit. Je ne voulais plus rester là, je me disais: "Pourquoi
24 ai-je besoin de cette maison dans une telle situation?". Je vais là-bas me
25 rendre, ensuite les autres voisins nous ont dit que nous devions prendre
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1 un drapeau blanc et nous regrouper. Et 100 personnes se sont regroupées.
2 Nous avons été regroupés dans une maison après que l'on nous ait arrêtés.
3 On nous a maltraités pendant trois heures. On nous demandait: "Mais où
4 allez-vous? Rentrez chez vous!". Et nous, nous gardions le silence, nous
5 baissions le regard. Et nous n'avons reçu ni eau ni nourriture pendant ces
6 trois heures.
7 Un homme âgé a pris de l'eau dans l'abreuvoir pour donner aux enfants,
8 mais on ne le lui a pas autorisé. Et un ami d'un village avoisinant était
9 là également, ses deux fils avaient été tués, il les avait enterrés.
10 Elle était assise devant nous, elle était avec deux enfants. Son mari
11 avait été tué. Et un Serbe était venu chez nous, et il a dit: "Faites vos
12 lits!". Alors elle a gémi et quelqu'un de ma famille, qui s'appelait (expurgé)
13 s'est adressé à lui et dit: "Bon, écoutez, je vais faire le nécessaire. Et
14 laisse cette femme tranquille." Et il l'a insultée. Et ensuite, une autre
15 patrouille est venue et elle a dit: "Allons-y!".
16 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, on a fait
17 référence à un nom.
18 M. le Président (interprétation): Il faut expurger le nom qui se trouve à
19 la ligne 15.
20 M. Waidyaratne (interprétation): Pour bien comprendre certains aspects, en
21 compagnie d'autres avec un drapeau blanc, vous vous êtes rendus au centre
22 de Carakovo, au Dom en fait?
23 Témoin V (interprétation): Oui.
24 Question: Et c'est là que s'est passé ce que vous nous avez dit, et c'est
25 là que les soldats ont eu la conduite que vous avez décrite?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: La majorité des personnes qui se trouvaient là étaient les
3 femmes, les enfants, les personnes âgées?
4 Réponse: Oui, oui, également des personnes âgées.
5 Question: Avant cela, les hommes en âge de porter les armes ont été
6 arrêtés et emmenés. Est-ce correct?
7 Réponse: Oui, certains avaient été emmenés. Et certains ne se sont pas
8 rendus, se sont cachés dans les bois.
9 Question: Vous êtes restés dans le Dom quelques heures au centre du
10 village. Est-ce que l'on vous a demandé de vous rendre dans un autre
11 endroit appelé Sige?
12 Réponse: Après les mauvais traitements et après avoir été retenus pendant
13 plusieurs heures, nous avons été emmenés à Zegar par des soldats en arme.
14 Question: Zegar, qu'est-ce que c'est? Est-ce que c'est le nom d'un
15 endroit? Pourriez-vous nous expliquer?
16 Réponse: C'est une partie de Carakovo.
17 Question: Il y a un pont qui s'appelle le pont de Zegar. Est-ce correct?
18 Réponse: Oui, oui, effectivement c'est dans les environs du pont que nous
19 avons été emmenés.
20 Question: Lorsque vous avez été emmenés, escortés par les soldats serbes,
21 est-ce que c'étaient des soldats serbes qui vous ont emmenés?
22 Réponse: Oui, ce sont des soldats serbes qui nous ont emmenés. Nous
23 marchions deux par deux, nous avions les yeux qui regardaient vers
24 l'avant. On ne nous autorisait pas à regarder sur les côtés ou ailleurs,
25 car il y avait des soldats serbes partout. Et donc, on nous a emmenés à
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1 Zegar.
2 Question: Quelle est la distance entre Zegar et le centre Carakovo?
3 Réponse: En fait, c'est à Carakovo, c'est à un kilomètre du Dom.
4 Question: Lorsque vous vous êtes rendus à Zegar, avez-vous vu un groupe
5 d'hommes jeunes qui avaient été emmenés? Et qu'avez-vous pu observer?
6 Réponse: C'était un groupe de Musulmans qui avaient été arrêtés là. Ils
7 avaient été mis torse nu, on leur avait dit de mettre les mains derrière
8 le dos et ils restaient là. Ils avaient été arrêtés, mais je ne savais pas
9 ce qui se passait, pourquoi on les retenait.
10 Question: Avez-vous vu quelque chose sur le sol, là où ce groupe se
11 trouvait?
12 Réponse: Oui, leurs vêtements, leurs vestes, leurs chemises, leurs papiers
13 d'identité, tout était par terre. Mais nous ne pouvions pas, on ne nous
14 laissait pas les ramasser. Lorsque nous nous sommes rendus à la maison, il
15 y avait des soldats qui regardaient à travers la fenêtre pour s'assurer
16 que personne ne ramasse ces objets.
17 Question: A ce moment, est-ce que des bus sont arrivés?
18 Réponse: Oui, les bus se sont mis à arriver et les gens ont été mis dans
19 les bus: 150 personnes par bus, les femmes, les enfants, cinq bus les uns
20 après les autres. Moi, j'ai été placée dans les derniers bus en compagnie
21 de ma famille.
22 Question: S'agissait-il de bus de "Autotransport" de Prijedor? Qui les
23 conduisait?
24 Réponse: Des soldats serbes; je ne sais pas qui, parce que je ne les ai
25 pas reconnus.
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1 Question: Lorsque… Avant de monter dans le bus… Au moment de monter dans
2 le bus, avez-vous vu un dénommé Hasib Simbegovic?
3 Réponse: Oui, c'était mon voisin. Il nous a accompagnés au Dom, à Zegar
4 également. Il était derrière moi, il était derrière moi. Je suis entrée
5 et, au moment où il a mis le pied pour monter dans le bus, son manteau est
6 tombé. Et parmi les différents soldats, Dragan Tintar l'a attrapé et lui a
7 dit: "Où vas-tu Hasib? Tu ne peux pas partir. Tu n'as pas l'autorisation
8 de partir."
9 Le bus était encore là et il l'a attrapé, il l'a repoussé et l'a fait
10 marcher vers le pont à quelques mètres. Il a dégainé, il a tiré en
11 direction de Hasib qui est tombé. Après quoi, le bus a démarré, est parti.
12 Question: Avez-vous vu la personne tirer?
13 Réponse: Il a tiré, il l'a atteint ici et au front. Et il est tombé en
14 arrière.
15 Question: Dragan Tintar était-il un soldat serbe?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Portait-il un uniforme?
18 Réponse: Il était en tenue de camouflage.
19 Question: Etait-il originaire de Tukovi?
20 Réponse: Oui, il était originaire de Tukovi.
21 Question: Après que vous êtes montés dans le bus, où avez-vous été
22 emmenés?
23 Réponse: A Trnopolje. C'est là que nous avons trouvé...
24 Question: Excusez-moi de vous interrompre. Avant de parler de Trnopolje,
25 je voudrais vous poser une autre question.
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1 Vous avez dit que Tintar portait un uniforme. De quelle couleur?
2 Réponse: C'était une tenue de camouflage, la tenue de camouflage
3 habituelle.
4 Question: Madame le Témoin, pour revenir au voyage à Trnopolje, vous avez
5 tous été emmenés à Trnopolje le même jour?
6 Réponse: Oui, certains étaient restés en arrière, ceux qui n'étaient pas
7 partis ce jour-là, mais ces cinq bus se sont rendus à Trnopolje.
8 Question: Combien de temps êtes-vous restés à Trnopolje?
9 Réponse: Nous avons passé une seule nuit là-bas et ensuite, nous nous
10 sommes rendus à Travnik.
11 Question: Vous a-t-on nourris?
12 Réponse: Non.
13 Question: Avez-vous pu dormir à l'intérieur?
14 Réponse: Non. C'était un centre, un bâtiment scolaire. Je ne connaissais
15 pas très bien Trnopolje. C'est là que nous avons été amassés. Il y avait
16 des gens qui dormaient à l'extérieur, il y avait des barbelés et il
17 fallait payer le pain, mais on ne nous l'a pas donné ce jour-là, donc nous
18 nous sommes contentés de dormir là-bas. Certains avaient un toit; certains
19 dormaient à la belle étoile et d'autres étaient à l'intérieur.
20 Question: Après, vous avez été emmenés à un autre endroit, après cette
21 nuit à Trnopolje?
22 Réponse: Oui. Ils sont venus et ils nous ont dit: "Les camions vous
23 attendent et ils vont vous emmener vers votre pays", nous a dit un soldat
24 serbe. L'un a dit: "Il n'y a pas de carburant, il faut donner de l'argent
25 pour acheter du carburant." Mais à un moment donné, nous avons entendu un
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1 camion arriver.
2 On nous a regroupés dans une pièce. On a d'ailleurs rempli cette pièce au
3 maximum de gens. Nous avons été poussés à coups de poings et de pieds, et
4 deux bus et trois camions sont arrivés et nous sommes restés. Ils nous ont
5 dit: "Il va falloir passer la nuit-là, il n'y a plus de moyen de transport
6 pour vous."
7 Après vingt minutes, un autre camion est arrivé et ceux qui étaient dans
8 l'autre pièce ont été emmenés dans ce bus. Le bus est ensuite parti. Les
9 bus étaient… Les fenêtres des bus étaient couvertes, donc nous ne pouvions
10 pas savoir où nous allions. Les enfants demandaient de l'eau, bien
11 entendu, et il y avait deux voitures qui nous suivaient et je ne sais pas
12 de quoi il s'agissait. Pour nous donner de l'eau, les soldats faisaient la
13 collecte, demandaient de l'argent et de l'or et, si l'on avait rien, ils
14 giflaient les enfants et pointaient leurs armes vers la tête des enfants
15 et ceux qui avaient de l'argent leur en donnaient. Nous avons été arrêtés
16 à deux reprises, nous avons subi des mauvais traitements.
17 Ensuite, nous sommes arrivés à Vlasic. Nous sommes descendus du bus là-
18 bas. On nous a fait marcher à peu près cinq cents mètres. Il faisait noir,
19 il était 9 heures du soir. Et je les ai vus en uniforme avec des barbes,
20 le long de la route, et ils nous ont dit: "Ecoutez, voilà. Voilà c'est
21 votre pays maintenant. C'est ce que vous avez cherché." Il y avait notre
22 propre armée et nos propres uniformes qui nous attendaient là-bas et on
23 nous a emmenés vers les casernes de Travnik.
24 M. Waidyaratne (interprétation): Je vous remercie. Monsieur le Président,
25 cela met un terme à l'interrogatoire principal.
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1 (Contre-interrogatoire du Témoin V par Me Lukic.)
2 M. Lukic (interprétation): Bonjour, Madame V. Je vais vous parler,
3 m'adresser à vous de la sorte pour des raisons de protection des témoins
4 comme le Juge Schomburg l'a expliqué. Nous parlons la même langue et cela
5 peut poser des problèmes. Donc, au moment où vous répondrez, je vous
6 demanderai de marquer un temps de pause après ma question pour que
7 l'interprétation puisse se faire sans heurt.
8 Madame, combien de fois avez-vous été mariée?
9 Témoin V (interprétation): Une seule fois.
10 M. Lukic (interprétation): Est-ce que nous pouvons passer au huis clos car
11 j'ai des noms à mentionner?
12 (Audience à huis clos partiel 11 heures 22.)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 M. le Président (interprétation): Séance publique.
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1 (Audience publique avec mesures de protection à 11 heures 23.)
2 C'est confirmé, vous pouvez donc poursuivre, Maître Lukic.
3 M. Lukic (interprétation): En vous posant des questions, je mentionnerai
4 des lignes et des pages de votre déposition. Simplement, il ne faut pas
5 vous inquiéter, c'est pour que les Juges sachent, puissent suivre, et
6 sachent ce dont on parle.
7 Dans votre déclaration de 2002, dans la version BCS page 2 paragraphe 3,
8 et dans la version anglaise page 2 paragraphe 3, vous avez dit ce qui suit
9 -je cite-: "Vers le 4 ou 5 mai, Prijedor est tombée. J'étais à Brekovica.
10 Je rendais visite à l'une de mes filles à ce moment-là. Le plus jeune de
11 mes fils était également en ma compagnie. Mes deux autres enfants se
12 trouvaient à Carakovo à cette époque en compagnie de ma mère. J'ai pu
13 converser avec mon frère à une reprise, lequel m'a indiqué que les choses
14 allaient bien à Carakovo". (Fin de citation.)
15 Est-ce que c'est bien correct?
16 Témoin V (interprétation): Oui.
17 Question: Est-ce que votre frère vous avait dit autre chose au sujet de la
18 situation?
19 Réponse: Non, parce que c'était une conversation téléphonique. Je lui ai
20 demandé des nouvelles de ma mère, il m'a dit: "Ne t'en fais pas, maman va
21 bien". Et nous savions de quoi il s'agissait car j'avais entendu le
22 témoignage de gens qui venaient de Krupa; je savais ce qui s'était passé à
23 Krupa.
24 Question: Lorsque vous êtes arrivée à Carakovo, la situation était-elle
25 encore stable là-bas?
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1 Réponse: Il y avait pas mal de tensions. Les gens ne travaillaient pas,
2 ils avaient peur de la mobilisation, ils ne savaient pas quoi faire, ils
3 ne savaient pas à quoi répondre ou réagir. Ils ne voulaient pas tuer qui
4 que ce soit.
5 Question: Y avait-il des conflits armés, à l'époque, à Carakovo?
6 Réponse: Non.
7 Question: A l'époque, la population locale a-t-elle organisé des
8 patrouilles de nuit?
9 Réponse: Oui, il y avait des patrouilles de nuit.
10 Question: Dans votre déclaration de 2000 -dans la versions BCS à la page
11 2, paragraphe 4 et dans la version anglaise, page 2, paragraphe 4-, vous
12 dites ce qui suit: "Le 7 mai, mon beau-fils s'est rendu à Bihac. Là-bas,
13 il a entendu qu'il y avait un bus vers Prijedor via Banja Luka ou Kljuc".
14 C'est juste?
15 Réponse: C'est juste.
16 Question: Donc il a suggéré d'aller via Kljuc parce qu'il pensait que
17 c'était plus sûr?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Ça veut dire que les autobus fonctionnaient?
20 Réponse: Non. On a interrompu le service, mais une ligne a été rétablie
21 pour desservir Banja Luka et Kljuc. J'ai essayé de me rendre à Kljuc, mais
22 il n'y avait pas de bus entre Prijedor et Bihac.
23 Question: Combien y avait-il de passagers dans le bus? Vous vous en
24 souvenez? Le bus était-il plein, vide, à moitié vide?
25 Réponse: Il n'y avait pas beaucoup de gens qui se rendaient à Kljuc.
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1 Question: Est-ce que vous savez si c'était un ticket, un billet de bus
2 ordinaire ou si c'était un billet plus cher?
3 Réponse: C'était plus cher. Mon fils a dû me prêter de l'argent parce que
4 je n'avais pas de quoi acheter le billet.
5 Question: Quand vous êtes montée dans le bus, est-ce qu'on vous a demandé
6 un permis ou un document de ce style?
7 Réponse: Ma carte d'identité. Ça, c'est quand j'ai pris le bus de Kljuc à
8 Prijedor. Et à Sanski Most, on m'a demandé ma carte d'identité. Je crois
9 que c'est à un endroit qui s'appelle Milimbirt(phon) que ça s'est passé;
10 c'est un endroit qui se trouve près de Sanski Most.
11 Question: Est-ce que tout le monde a dû donner sa carte d'identité?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Je parle toujours d'extraits de votre déclaration que vous avez
14 faite en l'an 2000. Page 2, paragraphe 5 en BCS; en anglais, page 2,
15 paragraphe 5, ligne 3, vous dites la chose suivante -je cite-: "A ce
16 moment-là, les Serbes cherchaient des hommes dans mon village pour les
17 mobiliser afin de se battre dans le cadre de la guerre en Croatie".
18 Réponse: Oui.
19 Question: "Et un jour, nos jeunes ont été mobilisés dans les forces de
20 réserve".
21 Réponse: Oui.
22 Question: Est-ce que ceci se passe avant ou après le 7 mai 1992?
23 Réponse: Avant, avant. Parce que je crois qu'en avril, déjà, mes frères
24 avaient été mobilisés. Ils sont partis pendant trois jours et ensuite, ils
25 sont revenus.
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1 (L'interprète n'a pas saisi la fin de la réponse du témoin.)
2 Question: L'interprète n'a pas entendu la dernière phrase que vous avez
3 prononcée; je vais donc vous lire ce qui figure au compte rendu
4 d'audience. Vous avez dit que vos frères étaient partis, qu'ils étaient
5 partis pendant trois jours et qu'ensuite, ils étaient revenus?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Avez-vous ajouté quelque chose ensuite?
8 Réponse: Ils ne se sont pas… Ils n'ont pas répondu, ils n'ont plus répondu
9 aux appels de mobilisation ensuite.
10 Question: Merci. Savez-vous comment la mobilisation a été organisée? Est-
11 ce que l'on a envoyé des convocations auxquelles devaient répondre les
12 personnes concernées?
13 Réponse: La première fois qu'ils ont reçu une convocation, ils ont répondu
14 à cette convocation. La deuxième fois, ça s'est passé par l'intermédiaire
15 de la radio. Tout le monde était censé se présenter pour être mobilisé
16 mais eux, ils n'ont pas répondu à cet appel à la mobilisation.
17 Question: Au début de votre déclaration faite en l'an 2000 -version BCS,
18 page 2, paragraphe 2, ligne 2; anglais, page 2, paragraphe 2-, vous dites
19 la chose suivante -je cite-: "En 1990, j'ai commencé à remarquer que, dans
20 ma région, les gens commençaient à parler de la guerre.". Est-ce bien
21 exact?
22 Réponse: En 1999?
23 M. Lukic (interprétation): En 1990.
24 Témoin V (interprétation): Ah, oui, oui. Oui, je travaillais dans (expurgé)
25 et un ami qui s'appelle…Ah, j'ai oublié son nom de famille.
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1 M. le Président (interprétation): Peut-on passer à huis clos partiel?
2 (Audience à huis clos partiel à 11 heures 33.)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (Audience publique avec mesures de protection à 11 heures 35.)
22 Nous sommes maintenant en audience publique.
23 M. Lukic (interprétation): Pouvez-vous nous dire à quelle distance votre
24 village se trouvait du centre de Prijedor?
25 Témoin V (interprétation): A exactement neuf kilomètres de ma maison.
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1 Question: Sur la route de Prijedor, quels villages deviez-vous traverser
2 ou plutôt, quelle était l'appartenance ethnique des villages que vous
3 deviez traverser pour arriver jusqu'à Prijedor?
4 Réponse: Eh bien, quand je sors de mon village, il n'y a que des Musulmans
5 qui habitent par là. Je veux dire que, jusqu'à Tukovi, il n'y avait pas de
6 Serbes. Tukovi, c'était un village qui était mixte; il y avait à la fois
7 des Serbes et des Musulmans.
8 Question: Dans votre déclaration faite en l'an 2000, à la page 3,
9 paragraphe 2 en BCS, et à la page 3, paragraphe 1 dans la version
10 anglaise, vous parlez de points de contrôle?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Vous dites la chose suivante -je cite-: "J'ai vu ces trois
13 points de contrôle de près. J'ai été en mesure de voir le premier et le
14 deuxième point de contrôle chaque fois que j'allais dans la ville de
15 Prijedor. Le troisième, je ne pouvais pas le voir depuis chez moi, mais
16 très souvent je suis passée tout près."
17 Est-ce bien exact?
18 Réponse: Eh bien, j'ai vu ces points de contrôle lorsque je passais par
19 ces points de contrôle, lorsque j'allais à Prijedor et lorsque je
20 revenais.
21 Question: Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous dire combien de fois vous
22 êtes allée à Prijedor ou avec quelle fréquence vous alliez à Prijedor?
23 Réponse: J'y suis allée le troisième ou le quatrième jour lorsque cela
24 s'avérait nécessaire, si, par exemple, un voisin venait me voir en me
25 disant "on a besoin de quelque chose". Je ne sais pas. Moi, vraiment, je
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1 ne soupçonnais pas les Serbes et j'avais le courage d'aller acheter ce
2 qu'ils nous laissaient acheter; ce qu'ils ne voulaient pas nous laisser
3 acheter, eh bien, je ne l'achetais pas.
4 Question: En fait, ce que vous voulez nous dire, c'est que vous y êtes
5 allée tous les trois ou quatre jours; c'est cela?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Il y avait des points des contrôles où l'on contrôlait les
8 passages. Mais, à part cela, est-ce qu'il était possible de se déplacer
9 librement?
10 Réponse: Ils nous disaient qu'il ne fallait pas aller à Prijedor, qu'il
11 fallait revenir au bout d'une heure. Donc, ce qu'on faisait, c'est qu'on
12 entrait, on achetait ce dont on avait besoin et ensuite on rentrait chez
13 soi.
14 Question: Pour aller à Prijedor, est-ce que vous aviez besoin d'un permis?
15 Réponse: Au début, ils n'ont rien demandé de tel. Plus tard, ils ne
16 laissaient passer personne aux points de contrôle si l'on n'avait pas de
17 permis, et il fallait aller au MUP pour obtenir un permis, un laissez-
18 passer. Il y avait une de mes voisines dont le mari était dans l'armée
19 serbe et il m'a obtenu un de ces permis. Donc je suis allée à Prijedor une
20 seule fois en utilisant ce permis. Je n'y suis pas allée plus souvent.
21 Question: Vous avez dit qu'au début on ne demandait pas ce genre de
22 permis, de laissez-passer. Combien de temps cela a duré, cette période-là?
23 Réponse: Je ne sais pas, à peu près une dizaine de jours. Ensuite, ils ont
24 commencé à demander un laissez-passer.
25 Question: Comment alliez-vous à Prijedor?
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1 Réponse: A pied.
2 Question: Est-ce qu'il vous est arrivé de vous y rendre en voiture?
3 Réponse: Non. Une fois on y est allé en charrette à cheval, ils nous ont
4 laissés passer pour aller à Zegar. Mais ensuite, au niveau du pont de
5 Prijedor, ils ont commencé à nous soumettre à de mauvais traitements; ils
6 voulaient qu'on rebrousse chemin, etc. Et puis, quelqu'un est venu avec
7 une sorte d'insigne et il a dit: "Mais laissez-les passer!"
8 Et les gens qui avaient de l'argent ont dit qu'il fallait qu'on prenne de
9 l'argent serbe. Enfin, ceux qui avaient de l'argent ont été contraints de
10 changer cet argent pour avoir de l'argent serbe. Je ne sais pas exactement
11 comment on appelait cet argent. En tout cas, il a fallu échanger l'argent
12 qu'on avait. On a acheté ce dont on avait besoin.
13 Question: Est-ce que, à ce moment-là, on a changé de monnaie? Essayez de
14 nous expliquer de quoi il retourne? C'était quoi, cet argent serbe?
15 Réponse: C'est difficile à expliquer. Il y avait des espèces de milliards,
16 je crois que c'était écrit "Banja Luka" dessus.
17 Question: Sur les billets, c'était écrit "Banja Luka"?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Si bien que les dinars yougoslaves n'étaient plus utilisés?
20 Réponse: Si. On les utilisait aussi, mais, le plus souvent, il fallait
21 utiliser leur argent. Moi, je n'avais pas d'argent, donc je n'ai pas pu le
22 changer. Mais ceux qui avaient de l'argent, ils avaient besoin d'utiliser
23 cet autre argent et donc ils ont dû changer tout ce qu'ils avaient.
24 Question: Merci.
25 En dehors de vos déplacements à Prijedor, est-ce que vous êtes allée
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1 ailleurs en mai 1992 et au mois de juin aussi?
2 Réponse: Non, non. A part Prijedor et le village où j'étais, je ne suis
3 allée nulle part.
4 Question: Est-ce qu'il vous est arrivé d'aller à Ljubija?
5 Réponse: Oui, un jour. Je suis allée là-bas avec une amie qui était de
6 Ljubija; elle est allée y voir sa mère.
7 Question: Comment se fait-il que vous-même et les autres habitants de
8 votre village ayez décidé d'aller vous réfugier dans votre maison à vous?
9 Réponse: Eh bien, c'est parce que ma maison se trouvait à environ deux
10 kilomètres de la route goudronnée. Ils sont venus chez moi. Ils sont venus
11 chez moi, ils ont demandé s'ils pouvaient rester chez moi parce que ma
12 maison était un peu plus grande que les autres, on pouvait donc y loger
13 plus de monde qu'ailleurs; c'est pourquoi on a décidé de rester chez moi.
14 Mais je crois vous avoir dit qu'on y a passé simplement deux ou trois
15 nuits et ensuite, on est partis.
16 Question: Aujourd'hui, vous nous avez expliqué -et vous l'avez d'ailleurs
17 dit dans votre déclaration-, vous avez donc dit que votre village avait
18 été attaqué le 23 juillet 1992?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Est-ce que votre village se situe à côté des bois de Kurevo?
21 Réponse: Oui, pas très loin.
22 Question: Est-ce que, dans votre village, il y avait des personnes qui
23 étaient armées, juste avant l'attaque?
24 Réponse: Vraiment, je n'en sais rien. Je ne peux pas vous répondre.
25 Question: Est-ce qu'il y avait des personnes armées dans les bois de
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1 Kurevo?
2 Réponse: Ça, je n'en sais rien. Je n'ai vu personne et je ne peux pas vous
3 le dire.
4 Question: Est-ce que vous avez entendu dire par des tiers qu'il y avait
5 des groupes armés dans les bois de Kurevo?
6 Réponse: A ce moment-là, moi, je me battais, je luttais pour rester en vie
7 avec mes enfants et ma mère, ma mère qui est de 1920. On a fui parce qu'on
8 avait peur. Moi, ça ne m'intéressait pas de savoir qui était armé et qui
9 n'était pas armé. Moi, tout ce que je voulais, c'est qu'ils ne nous
10 fassent pas de mal.
11 Question: Qui vous a dit pour la première fois -comme vous le dites dans
12 votre déclaration faite en l'an 2001, page 3, paragraphe 1 de la version
13 en BCS; page 2, paragraphe 6 de la version en anglais-, qui vous a donc
14 dit que dans les bois de Kurevo il y avait des Bérets verts armés?
15 Réponse: Je l'ai entendu à la radio. L'armée serbe a demandé aux Bérets
16 verts de se rendre, de se constituer prisonniers. Ils ont fait cela à la
17 radio.
18 Question: Dans votre déclaration faite en l'an 2000, page 4 paragraphe 4
19 de la version en BCS, page 4 paragraphe 4 de la version en anglais, vous
20 dites que vous avez entendu dire qu'il y avait 5.000 soldats serbes dans
21 votre village pendant l'attaque?
22 Réponse: Oui, effectivement, c'est ce que j'ai entendu dire.
23 Question: Vous avez ajouté que c'étaient des soldats qui portaient des
24 cagoules afin que vous ne puissiez pas les reconnaître?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Qui vous a dit cela?
2 Réponse: Je l'ai entendu à dire à Travnik car il y avait des gens qui
3 étaient arrivés là-bas parce qu'il y avait des gens qui ne cessaient
4 d'arriver de Kljuc. Ils hurlaient, ils criaient en disant que la situation
5 était grave dans le village, et ils ont dit: "Mais nous, on n'a pas eu de
6 problème, on les a tous chassés, on les a tous tués sans problème".
7 Question: Est-ce que vous, vous avez vu ces soldats cagoulés?
8 Réponse: Je les ai vus quand j'ai couru depuis le champ de maïs jusqu'à la
9 maison qui se trouvait à côté du bâtiment de l'école. J'ai vu des soldats
10 qui portaient des cagoules et qui avaient des fusils. J'ai entendu des
11 cris et je n'ai rien pu voir de plus depuis le champ où je me cachais.
12 Question: Mais je voulais savoir, en dehors de ces tenues de camouflage,
13 est-ce qu'ils avaient d'autres cagoules ou moyens d'empêcher qu'on les
14 reconnaisse?
15 Réponse: Mes voisins ont dit qu'ils avaient des masques, et Husein en a
16 reconnu un qui avait fait sortir des gens de sa maison. Il avait des
17 peintures sur la figure, mais il l'a reconnu à la voix parce qu'il était
18 déjà venu chez lui précédemment.
19 Question: Quand Husein vous l'a-t-il dit?
20 Réponse: Quand on s'est revus à Travnik.
21 Question: Dans votre déclaration faite en l'an 2000, vous dites -et vous
22 l'avez d'ailleurs répété aujourd'hui même dans ce prétoire-, vous dites au
23 bas de la page 5 en BCS, et à la page 5 paragraphe 3 en anglais, plutôt
24 paragraphe 5, vous parlez donc de ce qui s'est passé le 25 juillet 1992
25 lorsque vous avez emmené Besim Music, ainsi qu'un autre homme dénommé
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1 "Ramo" de Hambarine que vous avez trouvé au point de contrôle. Vous dites,
2 donc, que vous les avez emmenés à l'hôpital de Prijedor et qu'ensuite,
3 vous êtes retournée à Carakovo. Est-ce que c'est bien exact?
4 Réponse: Oui, oui, c'est exact.
5 Question: Comment avez-vous emmené ces deux personnes à l'hôpital?
6 Réponse: D'abord, je suis allée voir la patrouille au point de contrôle.
7 J'ai dit que j'avais avec moi des gens qui étaient blessés. J'ai demandé
8 si je pouvais les emmener à l'hôpital. Ils m'ont répondu que oui, mais que
9 je devais aussi emmener Ramo qui se trouvait à environ cinq cents mètres
10 de là. Ils ont mis Besim sur une charrette, une charrette à cheval. Moi,
11 je n'avais jamais conduit ce genre de véhicule, donc je ne savais pas trop
12 bien quoi faire.
13 Je suis allée voir Ramo. Sa femme était à côté de lui. Il avait le bras
14 démis. Il était assis là avec sa femme. Il est monté dans la charrette
15 avec sa femme et, quand je suis arrivée à Zegar, ils n'ont rien fait du
16 tout à cet endroit.
17 Il y a un soldat qui est venu jusqu'à nous. Il était en uniforme et il a
18 dit: "Où est-ce que vous allez avec tout ce monde? Vous nous avez tiré
19 dessus depuis le bois". Lui, il était toujours conscient. Il a dit: "Mais
20 ma femme n'a rien fait du tout, elle n'a rien fait non plus elle. Ils
21 m'ont passé à tabac chez moi, ils m'ont mis dans une charrette, ils ont
22 tiré, ils ont abattu des gens en leur tirant à bout portant dans la tête,
23 etc. Ils m'ont jeté, ils m'ont chassé".
24 Il était blessé. Donc, en fait, on est allés à l'hôpital. Là, il y avait
25 une femme, un médecin qui était là. Elle s'est occupée des blessés. On a
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1 demandé aux blessés quels étaient leurs noms. Moi, j'ai dit: "C'est Besim
2 Music et Ramo, j'ignore son nom de famille". Et le médecin m'a dit: "C'est
3 lui".
4 Moi, je ne comprenais pas ce qu'elle voulait dire. En fait, ils
5 cherchaient un certain Besim Music qui était soi-disant un dirigeant du
6 SDA, mais c'était quelqu'un d'autre. Le médecin l'a examiné, a dit qu'il
7 avait beaucoup de tension et qu'il allait bientôt avoir une crise
8 cardiaque. Nous avons gardé le silence et ils ont dit qu'ils allaient le
9 garder à l'hôpital mais qu'il ne serait pas possible de venir lui rendre
10 visite.
11 Une fois qu'on est sorties de l'hôpital, moi-même ainsi que ma sœur, un
12 homme est sorti. Il portait un uniforme noir. Il avait un sac et une
13 chemise. Il a dit: "C'est vous qui avez amené ces deux hommes ici?". On a
14 répondu: "Oui". Il a dit: "Alors, surtout ne bougez pas, je reviens".
15 Ensuite, il est revenu et il nous a dit: "Vous pouvez partir, mais
16 remerciez Dieu que ce ne soit pas le Besim que nous cherchions, parce que,
17 sinon, on ne vous laisserait jamais partir".
18 Je suis remontée dans la charrette et ma cousine a dit: "On va essayer de
19 trouver quelque chose pour les enfants". Et un soldat est arrivé, il a
20 insulté nos mères musulmanes et il nous a dit: "Mais qu'est-ce que vous
21 foutez ici?". Moi, je suis partie en courant, ma sœur est restée à cet
22 endroit-là. Je me suis éloignée, je me suis arrêtée cinq cents mètres plus
23 loin sur la route et j'ai attendu ma sœur.
24 Et je lui ai dit: "Mais qu'est-ce qui se passe?", et elle a répondu: "Il a
25 dit: 'Ne touche pas à cette femme'". Je suis allée à la charrette et
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1 ensuite, on est partis, on est arrivés au point de contrôle de Carakovo
2 jusqu'à Zegar. Là, on nous a arrêtés, on nous a demandés ce qu'on avait
3 dans la charrette. J'ai vu Drago Tintor qui était là, à table, il a dit:
4 "Mais laissez-les passer!". Et ensuite, je suis retournée chez moi.
5 Question: Vous nous avez dit qu'après l'attaque, le courant a été coupé
6 dans votre village?
7 Réponse: Oui, même avant l'attaque on n'avait pas de courant.
8 Question: Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire si le courant était
9 coupé de temps à autre ou bien, s'il n'y avait absolument pas
10 d'électricité.
11 Réponse: Il n'y avait pas d'électricité?
12 Question: Quand le courant a-t-il été coupé? A partir de quel moment?
13 Réponse: Quand je suis venue de Brekovica, en mai, il n'y avait pas de
14 courant.
15 Question: Est-ce que vous savez si, à Prijedor, il y avait de
16 l'électricité?
17 Réponse: Oui, à Prijedor, il y avait du courant. Et d'ailleurs, ça pouvait
18 se voir.
19 Question: On pouvait voir ça tout le temps?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Est-ce que dans les villages serbes il y avait de l'électricité?
22 Réponse: Oui, parce que de l'autre côté de la rivière on voyait de la
23 Sana; il y avait des villages serbes et l'on pouvait voir très clairement
24 que, eux, ils avaient du courant.
25 Question: Vous avez dit que vous alliez tous les trois ou quatre jours,
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1 vous alliez à Prijedor. Mais je voudrais savoir si, en dehors de ces
2 visites, vous étiez en mesure de vous procurer de la nourriture d'une
3 autre manière? Est-ce que vous aviez un jardin, est-ce que vous aviez un
4 champ?
5 Réponse: Non, pas beaucoup. Ils nous ont donné du carburant pour pouvoir
6 faire la récolte, mais on n'a pas mangé un seul grain de maïs.
7 Question: Quand vous avez parlé des négociations avec le soldat au point
8 de contrôle, le point de contrôle où vous vous êtes rendue avec deux
9 femmes, Jasmina et Fatija Karupovic. Comment cela s'est-il passé? Qui a
10 pris l'initiative d'aller leur parler?
11 Réponse: C'est nous-mêmes qui l'avons décidé. Moi, j'en avais assez de
12 rester chez moi sans rien à manger, sans électricité. Chaque jour on était
13 là à attendre la mort, donc j'en ai eu marre et j'ai décidé de me rendre
14 sur place.
15 Je leur ai demandé, aux deux autres, si elles allaient venir avec moi. Il
16 y avait au point de contrôle quelqu'un que je connaissais, on s'est dit
17 bonjour et il avait honte d'être là, et il nous a dit: "On n'a pas le
18 choix, on doit être là."
19 Question: Est-ce qu'il y avait quelqu'un d'autre à côté de lui au point de
20 contrôle?
21 Réponse: Oui, un peu plus bas. Lui, il me parlait. Il y avait des soldats
22 serbes partout au Dom, partout en ville, ça tirait de partout. Moi, je ne
23 savais pas ce qui se passait, on ne voyait rien du tout.
24 Ils ont pris certains des nôtres dans la forêt, ils les ont emmenés à cet
25 endroit pour les tuer. Ce n'est que plus tard, quand je suis arrivée à
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1 Travnik, que j'ai appris ce qui s'était passé à cet endroit.
2 Question: Quelqu'un vous a-t-il attaquée où vous a-t-il blessée?
3 Réponse: Non, non, personne.
4 Question: Avez-vous vu quelqu'un qui était blessé ou tué à ce point de
5 contrôle?
6 Réponse: Non, pas à ce moment-là.
7 Question: Qu'est-ce que les soldats ont dit? Qui les a autorisés à
8 négocier, à traiter avec vous?
9 Réponse: Je n'ai pas posé de questions quant à l'autorisation qu'ils
10 avaient. Je suis simplement allée les voir. J'ai dit "bon après-midi, bon
11 après-midi". Ils m'ont aussi reconnue parce que, normalement, ils venaient
12 à ma maison quand on était en train de construire ma maison avec mon plus
13 jeune frère. Je lui ai dit: "Frère, dis-moi qu'est-ce qui se passe,
14 qu'est-ce qui va nous arriver?".
15 Question: Est-ce qu'il a consulté quelqu'un? Et est-ce que c'est ensuite
16 qu'il vous a offert ou proposé de venir pour une interrogation?
17 Réponse: Il m'a dit: "Viens." Mais j'ai dit: "Mais il y a beaucoup de
18 femmes et d'enfants dans ma maison qui sont venus ici. Tu vas nous tuer
19 parce qu'on ne peut pas rester dans la maison." Un ami qui vivait à 200,
20 300 mètres de ma maison avait été tué la nuit d'avant et maintenant, ça
21 allait être le tour de ma maison.
22 Il m'a dit: "Vous pouvez tous partir. Prenez un drapeau blanc et venez
23 ici. Il faut faire quelque chose, maintenant.". Je ne sais plus quel jour
24 de la semaine on était, mais il a dit: "On sera encore là pendant un ou
25 deux jours et après, il n'y aura plus de garanties parce que l'armée de
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1 Serbie sera arrivée, à ce moment-là, et Dieu seul sait ce qui t'arrivera à
2 ce moment-là. Mais comme ça, au moins, on peut t'offrir un peu de
3 protection."; c'est ce qu'il m'a dit.
4 Question: Est-ce qu'il a donc offert de vous emmener pour une
5 interrogation?
6 Réponse: Non. Et je ne l'ai plus jamais vu. Je suis simplement rentrée
7 chez moi et j'ai raconté ça aux gens qui vivaient dans ma maison. Je leur
8 ai dit: "Je vais partir maintenant et si vous voulez, vous pouvez venir
9 avec moi. La maison m'est égale.".
10 J'ai pris ma famille et tous les autres m'ont suivie, tous ceux qui
11 étaient là.
12 Question: Est-ce qu'il vous a promis de vous ramener au village?
13 Réponse: Non, il n'a jamais dit quelque chose de ce genre et je ne l'ai
14 jamais revu.
15 Question: Le soldat portait-il des insignes? Est-ce que qu'on pouvait
16 reconnaître son grade?
17 Réponse: Non. Il portait simplement une tenue de camouflage et un fusil.
18 Question: Y a-t-il eu des villageois qui se sont opposés à l'accord que
19 vous aviez…, auquel vous étiez arrivés?
20 Réponse: Non. Tout le monde était d'accord, personne ne pouvait se
21 permettre de rester.
22 Question: Quand les gens d'Hambarine sont venus, en juin –vous en avez
23 parlé à la page 1936 du rapport-, vous avez dit que le groupe était
24 essentiellement composé de femmes et d'enfants et de personnes âgées?
25 Réponse: Oui. Et de personnes âgées.
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1 Question: Est-ce qu'ils vous ont dit que des gens armés d'Hambarine
2 s'étaient retirés dans la forêt? Est-ce que certains d'entre eux sont
3 revenus, par la suite?
4 Réponse: Non. Ceux qui sont partis avec nous sont également revenus à
5 Travnik.
6 Question: A la page 26 -je crois que c'est la ligne 22-, vous nous dites
7 que vous êtes partie avec votre fils. En fait, vous dites "avec le fils
8 d'Adem Hopovac qui avait été tué"; c'est bien cela?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Vous dites que vous êtes allée voir la femme d'Adem Hopovac?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Elle vous a demandé pourquoi vous êtes venue?
13 Réponse: Oui, effectivement. Elle a demandé: "Fils, pourquoi es-tu venu?
14 As-tu faim?".
15 Question: Est-ce qu'elle savait ce qui se passait à Carakovo?
16 Réponse: Elle savait…
17 (L'interprète n'a pas compris le reste de la réponse.)
18 Question: Pourriez-vous répéter votre réponse? Les interprètes n'ont pas
19 réussi à suivre.
20 Réponse: La femme d'Adem Hopovac savait ce qui se passait parce qu'il y
21 avait du nettoyage ethnique à Zecovi, le même jour.
22 Question: Vous lui avez proposé de venir avec vous à Carakovo?
23 Réponse: Effectivement, oui.
24 Question: A la page 28, deuxième ligne du transcript d'aujourd'hui, vous
25 parlez de huit corps, huit cadavres?
Page 5769
1 Réponse: Effectivement.
2 Question: Vous en avez informé un homme et la nécessité qu'il y avait
3 d'identifier ces corps?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Vous avez mentionné la chose suivante: "Peut-être ne sont-ils
6 pas de notre village."?
7 Réponse: Oui, effectivement.
8 Question: Est-ce que cela signifie qu'autour de votre village, il y avait
9 des personnes qui n'étaient pas originaires de ce village?
10 Réponse: Moi, je pensais que c'étaient des gens de Hambarine parce qu'il y
11 avait des hommes de Hambarine qui étaient chez nous aussi; il n'y avait
12 pas simplement les femmes et les enfants. Je n'étais pas si proche au
13 départ mais ensuite, quand je suis retournée avec ces gens, je les ai
14 reconnus.
15 Question: Les soldats serbes sont-ils venus dans votre village le jour ou
16 la nuit?
17 Réponse: Les deux: le jour et la nuit. Pendant la nuit, ils venaient à
18 l'endroit où il y avait le point de contrôle; ils buvaient, ils étaient
19 ivres, ils tiraient des coups de feu pendant la nuit et puis nous, on
20 fuyait dans la forêt.
21 Pendant la journée, ils venaient et ils volaient; ils prenaient tout ce
22 qu'ils trouvaient et ils pillaient les maisons parce qu'ils savaient qu'il
23 n'y avait personne dans les maisons.
24 Question: Savez-vous, ou peut-être avez-vous entendu cela à Travnik ou où
25 que ce soit où vous vous soyez trouvée à ce moment-là, est-ce que vous
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1 saviez que dans les forêts de Kurevo il y a eu également des combats en
2 1993?
3 Réponse: Oui, j'ai entendu dire qu'il y avait eu des gens qui étaient
4 venus après que nous soyons partis, qu'il y avait des jeunes musulmans qui
5 étaient restés. Je ne sais pas s'il y en avait ou s'il n'y en avait pas,
6 là, je ne peux pas me prononcer.
7 Question: A la page 39, ligne 15 du transcript d'aujourd'hui, vous vous
8 êtes référée à un incident où Tintar a tué Hasib?
9 Réponse: Oui, effectivement.
10 Question: Quelle a été la distance entre Hasib et vous quand Tintar l'a
11 tué?
12 Réponse: Nous nous trouvions du côté gauche de la route et le pont se
13 trouve à droite de la route. Donc, c'est juste de l'autre côté de la
14 route; c'était à peu près six à huit mètres, six mètres.
15 Question: Dans votre déclaration de 2000 -à la page 6, paragraphe 7
16 version BCS, version anglaise page 6 paragraphe 5-, vous nous dites qu'ils
17 étaient à 100 mètres?
18 Réponse: Non, non, je vous dis: j'étais d'un côté de la route et eux, il y
19 avait le pont de l'autre côté de la route. Les hommes voulaient aller dans
20 le bus et Drago Tintar l'a pris, l'a pris par la main et a dit: "Viens par
21 ici". Donc la route fait à peu près six mètres, le pont encore deux
22 mètres. Donc ce n'est pas simplement que moi je pouvais le voir, mais tout
23 le monde dans le bus pouvait le voir.
24 Question: Alors ce qui se trouve dans votre déclaration n'est pas correct?
25 Ce que vous avez dit aujourd'hui est correct?
Page 5771
1 Réponse: Oui, oui, c'est ce que je vous dis.
2 M. Lukic (interprétation): Ceci termine mon contre-interrogatoire. Merci,
3 Madame, d'avoir répondu à mes questions.
4 M. le Président (interprétation): Y a-t-il des questions supplémentaires?
5 M. Waidyaratne (interprétation): Non.
6 M. le Président (interprétation): Merci, Madame le Témoin, d'être venue,
7 de nous avoir fourni cette information.
8 Y a-t-il des questions supplémentaires de la part des autres Juges? Ce
9 n'est pas le cas.
10 Nous vous remercions pour aujourd'hui. Merci d'être venue.
11 Témoin V (interprétation): Merci à vous, Monsieur le Président.
12 M. le Président (interprétation): La séance est levée jusqu'à 12 heures
13 45. Je demanderai aux parties d'être préparées à voir les documents dans
14 la liste 2, 3 et 4.
15 (Le Témoin V est reconduit hors du prétoire.)
16 (L'audience, suspendue à 12 heures 15, est reprise à 12 heures 48.)
17 (Questions relatives à la procédure.)
18 M. le Président (interprétation): Pendant la pause, j'ai entendu une
19 rumeur: que ceci terminait la présentation des moyens à charge. Est-ce
20 bien correct?
21 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection.
22 M. Koumjian (interprétation): Nous avions prévu que ce témoin prendrait
23 plus d'une journée et c'était une heure et demie.
24 M. le Président (interprétation): En fait, c'était extrêmement précis.
25 M. Waidyaratne (interprétation): Très précis.
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1 M. le Président (interprétation): Puis-je demander si maintenant,
2 sérieusement…, si nous ne pouvons pas procéder de la sorte, ce que, vous,
3 vous prévoyez pour demain?
4 M. Koumjian (interprétation): Nous n'avons pas de témoin pour demain. On
5 pourrait… On ne peut pas en appeler, puisqu'ils vivent ailleurs. Il n'y en
6 a pas de ce pays. Peut-être une exception: le démographe. Lui, on pourrait
7 peut-être l'appeler demain, mais je ne sais pas si l'avocat de la défense
8 est prêt à procéder au contre-interrogatoire.
9 M. le Président (interprétation): Qu'en est-il de M. Inayat?
10 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Inayat est ici, mais nous n'avons
11 pas encore soumis tous les documents.
12 La chose que je pourrais faire pour demain, c'est vérifier s'il y a encore
13 d'autres documents que nous souhaitons présenter. Je ne sais pas si la
14 Cour souhaite procéder à la lecture de ces documents demain, mais je ne
15 pense pas qu'il serait bon que M. Inayat présente un témoignage partiel
16 puisqu'il devra, de toute façon, se prononcer sur tous les documents.
17 Si vous souhaitez qu'il soit présent demain pour témoigner, Monsieur le
18 Président, et par la suite aussi c'est possible. Maître Ostojic avait
19 également commencé le contre-interrogatoire; il n'est pas là, cette
20 semaine.
21 M. le Président (interprétation): Non, il n'est pas là de la semaine. Mais
22 je suis désolé, nous devons avancer. On ne peut pas à nouveau interrompre
23 la procédure pendant une journée entière; c'est pourquoi je demanderai au
24 Procureur de faire ce qui est possible, tout son possible pour que les
25 experts et les témoins soient présents à La Haye.
Page 5773
1 M. Koumjian (interprétation): Oui. En fait, le seul expert, le seul
2 rapport d'expert qui a été préparé et qui a été publié, c'est le
3 démographe. Et en fait, j'ai demandé qu'il y ait une révision et que l'on
4 réévalue les données. Les données sont maintenant beaucoup plus précises,
5 en particulier le nombre de personnes tuées, manquantes et exhumées.
6 La raison pour laquelle ce rapport n'est pas prêt, c'est que nous avions
7 prévu que nous aurions la transmission électronique des données manquantes
8 sur les personnes manquantes; on avait dit qu'on l'aurait pour la fin du
9 mois de juin, mais nous ne l'avons pas encore reçue, c'est pourquoi il y a
10 un retard.
11 Mais je peux vérifier avec cet expert pour voir si elle est là demain.
12 Maître Lukic pourrait alors la contre-interroger. Je pourrais voir si elle
13 est disponible.
14 On me dit que ce rapport n'a pas encore été communiqué; Mme Karper me dit
15 que cela n'a pas été communiqué.
16 M. le Président (interprétation): Si le rapport n'est pas encore
17 communiqué, alors je n'ose même pas demander à la défense si elle est
18 prête.
19 M. Lukic (interprétation): Je dois admettre que nous ne sommes pas
20 préparés, Monsieur le Président.
21 M. Koumjian (interprétation): Pour des raisons tout à fait
22 compréhensibles.
23 M. le Président (interprétation): Ainsi, il faut que nous procédions étape
24 par étape. Et je voudrais demander à l'accusation d'être prête pour que
25 nous puissions entendre M. Inayat.
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1 Et l'étape suivante serait l'introduction des documents dont l'accusation
2 estime qu'ils sont pertinents et qu'elle souhaite présenter dès que
3 possible. C'est pourquoi nous devrions, demain matin, commencer par cela
4 même.
5 Mais avant d'en arriver à la journée de demain, nous devons voir les
6 documents dont nous disposons ici et quels sont les documents qui nous
7 manquent.
8 Tout d'abord, je vous rappelle que le témoin, Minke Cehajic, nous avait
9 dit qu'elle nous enverrait un fax, une lettre par fax; et ce fax est
10 effectivement arrivé, comme on l'a dit dans le prétoire. Est-ce que ce
11 document a maintenant été préparé?
12 M. Koumjian (interprétation): Oui, nous avons le document, mais je ne sais
13 pas s'il a déjà été traduit. Nous pouvons le vérifier.
14 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous vérifier cela pour demain?
15 M. Koumjian (interprétation): Et également ce matin, Monsieur le
16 Président, vous avez mentionné la liste 4. Nous l'avons fait distribuer.
17 Nous l'avons ici et l'on pourrait peut-être, effectivement, lui donner une
18 cote.
19 M. le Président (interprétation): Oui. Vous pouvez distribuer cette liste.
20 Et je pense que ce serait pour remplacer la liste que nous avions
21 commencée… qui avait… S172, donc.
22 (Intervention de l'huissier.)
23 Non, S172 à S179. Ce sont les cotes qui sont mentionnées.
24 Je ne pense pas que nous ayons besoin d'une nouvelle cote. Nous pouvons
25 simplement changer la première page de la liste 4.
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1 Mme Dahuron (interprétation): La liste 4 initiale n'était pas marquée,
2 n'avait pas de cote. Est-ce que l'on pourrait, alors, lui attribuer…
3 M. le Président (interprétation): Mais nous avons des dossiers spéciaux
4 qui portent le titre "liste 4". Ensuite, nous avons les documents de 172 à
5 179. C'est simplement une sorte de feuille de couverture.
6 M. Koumjian (interprétation): Question mineure: on m'a donné un tableau,
7 un diagramme qui montre la façon dont le prétoire se présente. On avait 97
8 mètres carrés. Est-ce que… J'avais demandé que l'on dise la taille de la
9 salle parce que certains ont comparé ce prétoire à la taille de la
10 cellule, l'endroit où ils étaient détenus. Est-ce que l'on pourrait
11 effectivement être d'accord qu'il y a un emplacement à peu près de 97
12 mètres carrés disponibles?
13 M. le Président (interprétation): Oui, est-ce que je peux demander à
14 l'huissier de transmettre cela effectivement à l'avocat de la défense?
15 (Intervention de l'huissier.)
16 Et le donner ensuite aux Juges?
17 (Intervention de l'huissier.)
18 Pourriez-vous remettre une copie aux parties et aux Juges et nous aurions
19 ainsi… nous pourrions verser cela comme pièce officielle au dossier, et ce
20 serait la pièce 189.
21 Mme Dahuron (interprétation): Pièce S189.
22 M. Koumjian (interprétation): Mais il me semblait que j'avais reçu cela de
23 la part de… Ce n'est pas de vous, Monsieur le Président, c'est de la part
24 du Greffier.
25 M. le Président (interprétation): Avant de passer aux autres documents…
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1 M. Koumjian (interprétation): Nous avons les copies couleur que vous aviez
2 demandées.
3 M. le Président (interprétation): Toutes les copies couleur?
4 M. Koumjian (interprétation): Oui, apparemment. Nous le pensons.
5 M. le Président (interprétation): Pourrait-on les distribuer, s'il vous
6 plaît?
7 (Intervention de l'huissier.)
8 Et je vous demanderai qu'on leur donne la cote, les cotes que l'on a déjà
9 utilisées pour ces documents, mais que l'on mette simplement "-1". Donc
10 "-1".
11 En ce qui concerne les documents, les traductions manquantes que j'ai
12 mentionnées ce matin, c'était le document S151A. Il s'agissait d'une bande
13 vidéo du témoin Sejmenovic, M. Sejmenovic, et nous avions simplement un
14 mélange d'anglais et de BCS et une traduction approximative. C'était donc
15 un élément manquant et je suppose… Oui?
16 M. Koumjian (interprétation): Oui, cela a été soumis aussi au CLSS pour
17 que la traduction soit révisée.
18 M. le Président (interprétation): En ce qui concerne le document 157,
19 transcript -dont le compte rendu de séance serait apprécié-, il s'agissait
20 d'une conférence de presse.
21 M. Koumjian (interprétation): Nous obtiendrons les transcripts.
22 M. le Président (interprétation): Ensuite, il nous faut la traduction du
23 document S44B. Il s'agissait d'une lettre d'un témoin. Je crois que
24 c'était le Témoin A. C'est bien cela? Elle date du 9 mai.
25 M. Koumjian (interprétation): Je pense qu'il s'agissait de M. Murselovic.
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1 C'était une lettre de licenciement. Il avait un exemplaire et nous avions
2 également la S45 qui a été traduite. Et je crois que, en fait, on avait
3 des questions quant à la façon dont il avait eu son exemplaire; il a dit
4 que les deux versions se trouvaient recto verso quand il a fait la
5 première photocopie. Mais, pour autant que je sache, le S44 est la même
6 chose que le S45, cela a été traduit.
7 M. le Président (interprétation): Merci pour ces précisions.
8 Il nous reste une requête déposée par la défense. Cela remplace une
9 requête qui avait précédemment été déposée aux termes de l'ancien Article
10 95. Nous avions demandé aujourd'hui au Bureau du Procureur de préparer une
11 intervention à ce sujet.
12 M. Koumjian (interprétation): J'ai préparé un projet de texte qui n'a pas
13 encore été déposé parce que c'est à la révision. Mais cela va être… le
14 document va être déposé. Cela ne devrait pas prendre beaucoup de temps.
15 M. le Président (interprétation): Passons maintenant à l'exercice suivant
16 pour lequel j'ai besoin de l'aide du Bureau du Procureur, notamment pour
17 savoir quels sont les documents en question. Les documents, donc, dont le
18 Bureau du Procureur estime qu'ils sont très importants et qu'il convient
19 d'en donner lecture. Est-ce qu'il reste de tels documents? Je pense que le
20 document S59 et les suivants ont déjà été lus, mais il n'en va pas de même
21 du document S81 si la liste du Greffe est exacte.
22 Mme Dahuron (interprétation): Il s'agit de la pièce à conviction qui porte
23 la cote 257, au terme de l'Article 65ter.
24 M. Koumjian (interprétation): Il s'agit là, effectivement, Monsieur le
25 Président, d'une pièce que nous considérons comme extrêmement importante.
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1 Monsieur le Président, nous n'en avons pas donné lecture parce que nous ne
2 disposions pas de cette pièce précédemment.
3 M. le Président (interprétation): Je vais demander à la Greffière
4 d'audience de donner lecture dudit document.
5 Mme Dahuron (interprétation): "Notes manuscrites: Simo Markovic,
6 République serbe de Bosnie-Herzégovine.
7 Mention manuscrite 49: Région autonome de la Krajina.
8 Mention manuscrite P?50: municipalité de Prijedor, cellule de crise.
9 Numéro 02-111-237/92. Date: 23 juin 1992.
10 En vertu des articles 3 et 7 de la décision relative à l'organisation et
11 au travail de la cellule de crise de la municipalité de Prijedor, la
12 cellule de crise de la municipalité de Prijedor, lors d'une séance qui a
13 lieu le 23 juin 1992, a pris la décision suivante.
14 1) Il est interdit d'employer des fonds provenant des comptes des
15 entreprises économiques et des commerces indépendants dont les
16 propriétaires ont été tués, ont déménagé ou ont été arrêtés pour
17 insurrection armée.
18 2) Par la présente, le secrétariat municipal chargé de l'économie est
19 autorisé à employer de manière temporaire les comptes postaux des
20 personnes auxquelles il est fait référence au paragraphe précédent, et
21 ceci sous forme de prêt.
22 3) Le SDK de Prijedor, à savoir le service de comptabilité publique et le
23 secrétariat municipal chargé de l'économie seront chargés de l'exécution
24 de la présente décision.
25 4) La présente décision entre en vigueur le jour de son adoption.
Page 5779
1 Destinataires:
2 1/ SDK de Prijedor.
3 2/ Secrétariat municipal chargé de l'économie.
4 3/ Archives.
5 Notes manuscrites: Pour le Président de la cellule de crise, Milomir
6 Stakic.
7 Signature et cachet".
8 M. le Président (interprétation): Merci.
9 Ce qui m'amène à formuler une requête qui avait déjà été présentée pour
10 avoir une idée des relations qui existent entre les documents présentés
11 par le Bureau du Procureur.
12 Je serai très reconnaissant au Bureau du Procureur, à cet égard, de nous
13 fournir une sorte de synthèse qui pourrait nous montrer lesquels de ces
14 documents qui nous ont été présentés, quels documents ont été publiés au
15 journal officiel? Journal officiel qui a été versé au dossier sous les
16 cotes S181 et S180.
17 M. Koumjian (interprétation): J'ai déjà demandé à quelqu'un de préparer ce
18 document.
19 M. le Président (interprétation): Et qu'en est-il de S90? D'après la liste
20 que j'ai sous les yeux, ce document n'a pas encore été lu à voix haute?
21 Ceci, le fait que l'on n'en ait pas encore donné lecture, fait qu'à
22 l'époque nous lisions les documents qui portaient au moins une signature.
23 Or, ici, nous n'en avons pas.
24 Donc il convient de donner lecture de ce document sachant que sur ce que
25 l'on peut qualifier d'original, il n'y a pas de signature.
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1 Il s'agissait du document qui, aux termes de l'Article 65ter portait la
2 cote 365.
3 Mme Dahuron (interprétation): "Procès-verbal de la session du conseil
4 chargé de la défense nationale de l'assemblée municipale de Prijedor qui
5 s'est tenue à 12 heures, le 29 septembre 1992, dans les bureaux de
6 l'assemblée de la municipalité de Prijedor. La séance était présidée par
7 le docteur Milomir Stakic, président du conseil.
8 Lors de la séance étaient présents: Dr Milomir Stakic, Dragan Savanovic,
9 Dr Milan Kovacevic, Radmilo Zeljaja, Bosko Mandic, Slavko Budimir, Ranko
10 Travar, Simo Drjlaca, et Milenko Raljic.
11 Le compte rendu de la réunion a été réalisé par Spiro Marmat.
12 Ordre du jour de la réunion.
13 1) Discussion au sujet du procès-verbal de la séance précédente du conseil
14 chargé de la défense nationale.
15 2) Rapport sur les activités à venir s'agissant du centre de réception
16 ouvert de Trnopolje.
17 3) Faire en sorte qu'il y ait un nombre suffisant d'enseignants pour que
18 les écoles puissent fonctionner correctement.
19 1/ Discussion sur le procès-verbal de la séance précédente du conseil
20 chargé de la Défense nationale. A l'issue de la discussion, on est arrivés
21 à la conclusion suivante:
22 1) Le compte rendu de la séance précédente du conseil chargé de la défense
23 nationale a été approuvé.
24 2) Rapport sur les activités à venir du centre de réception ouvert de
25 Trnopolje. A l'issue de la discussion on en est arrivés aux conclusions
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1 suivantes:
2 1/ Le conseil chargé de la défense nationale se chargera de toutes les
3 obligations fondamentales ayant relatives à l'arrivée de toutes les
4 personnes provenant du centre de réception ouvert de Trnopolje en vertu de
5 la liste qui a été convenue par la Croix-Rouge municipale et la Croix-
6 Rouge internationale.
7 2/ Le poste de sécurité publique de Prijedor assurera une escorte aux
8 convois et le secrétariat chargé de l'économie et des services sociaux
9 fournira des véhicules et du carburant.
10 3/ La Croix-Rouge municipale se verra donner le conseil de fermer le
11 centre de réception ouvert de Trnopolje, dès que le départ de toutes les
12 personnes immatriculées de ce centre de réception feront que ce centre
13 n'est plus nécessaire.
14 4/ Garantir qu'il y a un nombre suffisant d'enseignants pour un bon
15 fonctionnement ou un fonctionnement normal des écoles. Suite aux
16 discussions, on en est arrivés aux conclusions suivantes:
17 1) Il a été recommandé au commandement de l'armée de convenir d'un certain
18 nombre de points à remplir avec les directeurs des écoles sur la base de
19 demandes écrites, afin d'exempter du service militaire tous les
20 enseignants qui sont essentiels pour assurer le fonctionnement normal des
21 écoles.
22 Il a également été conclu:
23 1/ Que les 3.000 litres de pétrole (essence ordinaire) qui sont arrivés
24 doivent être distribués au commandement des bataillons afin de répondre
25 aux besoins des soldats. Les besoins en carburant des bataillons seront
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1 déterminés par les commandements du groupe tactique. Le président a clos
2 la séance a 13 heures 30.
3 Compte rendu réalisé par Spiro Marmat, président du conseil chargé de la
4 Défense nationale. Le Dr Milomir Stakic.
5 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, on ne le voit pas à
6 la traduction, mais quand on regarde l'original, on constate qu'il y a
7 "Stakic", "Dr Milomir, SR". Et nous avons déjà entendu des témoins nous
8 expliquer ce que signifie cette mention.
9 M. le Président (interprétation): Merci pour cette observation. Nous
10 pouvons maintenant passer au document suivant qui portait la cote 65ter
11 455, et qui est maintenant le document S92.
12 Avez-vous un exemplaire supplémentaire?
13 (Intervention de l'huissier.)
14 Mme Dahuron (interprétation): "Addendum aux instructions relatives à la
15 mise en place, à la composition et aux missions des cellules de crise de
16 la zone de Prijedor, de la municipalité de Prijedor.
17 I. Les sous-cellules de crise auxquelles il est fait référence au point 11
18 des instructions relatives à la mise en place à la composition et omission
19 des cellules de crise locales dans la municipalité de Prijedor sont
20 composées de:
21 1) Président de la cellule de crise locale.
22 2) Vice-président de la cellule de crise locale.
23 3) Asistant au président chargé de la protection civile.
24 4) Assistant au président chargé du travail politique et de l'information.
25 5) Assistant du président chargé de la logistique.
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1 En dehors de la mise en place de groupes de travail, de commissions et
2 d'autres instances de travail chargées d'accomplir des missions
3 spécifiques, les cellules de crise locales auront également pour mission
4 de désigner les fonctionnaires suivants, les personnes suivantes:
5 1) Personnes chargées de l'approvisionnement,
6 2) officiers chargés de l'intendance,
7 3) officiers chargés du transport et du soutien technique,
8 4) officiers chargés des achats et officiers chargés de la santé.
9 Le travail de ces personnes sera dirigé, coordonné et géré directement par
10 l'assistant du président en matière de logistique.
11 II. Les dispositions des instructions relatives à la mise en place, à la
12 composition, aux missions des cellules de crise locales dans la
13 municipalité de Prijedor s'appliqueront également au travail des cellules
14 de crise locales en fonction de leurs zones de compétence, de leurs
15 domaines de compétence.
16 Entre barre obliques, "sic", S-I-C.
17 Président de la cellule de crise de la municipalité de Prijedor, Milomir
18 Stakic.
19 Cachet."
20 M. Koumjian (interprétation): Comme vous vous y attendez, Monsieur le
21 Président, je vais faire la même remarque s'agissant de ce document, sauf
22 que ce document est un document en cyrillique dans la version originale,
23 alors que le précédent était en alphabet latin.
24 Une fois encore, à côté du nom de Milomir Stakic, on voit la mention "SR".
25 M. le Président (interprétation): Merci de cette observation. Je vais
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1 maintenant passer au document suivant qui portait la cote 65ter440.
2 Est-ce que le Bureau du Procureur dispose de la cassette audio originale?
3 M. Koumjian (interprétation): Oui, je crois.
4 Je vous informe que nous avons confisqué neuf cassettes audio au cours de
5 nos perquisitions, et c'est une de ces cassettes.
6 M. le Président (interprétation): Bien entendu, il convient toujours de
7 faire référence au document le plus original possible. Il faudra donc que
8 l'on passe cette cassette. Est-ce que ça pourra se faire demain?
9 M. Koumjian (interprétation): Oui.
10 D'autre part, nous disposons de la réponse à la requête présentée par la
11 défense de M. Stakic. Et, aux fins d'exclusion des éléments de preuves
12 présentés par M. Sejmenovic, ceci a déjà été distribué.
13 M. le Président (interprétation): Je vous demanderai d'en donner lecture
14 pour que nous disposions immédiatement de la traduction française.
15 M. Koumjian (interprétation): Ce document a été déposé de manière
16 confidentielle car il y a une partie qui est confidentielle.
17 M. le Président (interprétation): Bien. Dans ces conditions, nous allons
18 passer à huis clos partiel.
19 M. Koumjian (interprétation): "Réponse de l'accusation à la requête de la
20 défense de Milomir Stakic aux fins d'éliminer des éléments de preuve qui
21 n'avaient pas été auparavant communiqués par le Bureau du Procureur".
22 Est-ce que les cabines sont prêtes? Est-ce que vous avez les documents?
23 (Les interprètes signalent qu'ils n'ont pas encore le document.)
24 (Audience à huis clos partiel à 13 heures 23.)
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24 (La séance est levée à 13 heures 48.)
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