Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 22 juillet 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)

3 (Audience publique.)

4 M. le Président (interprétation): Bonjour, Mesdames et Messieurs.

5 Madame la Greffière d'audience, pouvez-vous citer l'affaire, s'il vous

6 plaît?

7 Mme Dahuron (interprétation): Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-97-24-T,

8 le Procureur contre Milomir Stakic.

9 M. le Président (interprétation): Pouvons-nous avoir les comparutions pour

10 le compte rendu d'audience? Pour l'accusation?

11 M. Waidyaratne (interprétation): Kapila Waidyaratne, Nicholas Koumjian et

12 Ruth Karper.

13 M. le Président (interprétation): Merci. Et la défense?

14 M. Lukic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Branko Lukic et

15 John Ostojic pour la défense.

16 (Questions relatives à la procédure.)

17 M. le Président (interprétation): Merci.

18 Avant de commencer, quelques points que je souhaiterais soulever. Tout

19 d'abord, Madame Ruth Karper, je m'excuse, car vous avez raison: le

20 document dont j'avais besoin avait été porté à ma connaissance. J'avais

21 tort de me baser uniquement sur la synthèse du Bureau du Procureur, ce qui

22 a porté à confusion. Et nous devions considérer le témoin comme un témoin

23 qu'on entend dans le prétoire.

24 Deuxièmement, vous avez certainement entendu des rumeurs de corridor ou

25 d'ailleurs, à savoir qu'il y avait une conférence de mise en état qui

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1 s'est tenue vendredi dernier, dans l'affaire le Procureur contre M. Mrdja.

2 Dans le cadre de cette conférence de mise en état, il y a eu des

3 discussions pour savoir quand cette affaire contre M. Mrdja serait

4 entendue. Vous savez qu'il s'agit d'un Acte d'accusation relativement

5 nouveau, et M. Mrdja a été arrêté récemment et, ex officio, cette Chambre

6 ou la Chambre d'instance de la conférence de mise en état est arrivée à la

7 conclusion que, de manière générale, la condition préalable de l'Article

8 48, c'est-à-dire les jonctions d'audience, pourrait être remplie, mais

9 nous ne sommes pas arrivés à des conclusions, nous n'allons pas en

10 discuter à ce stade, car nous pensons que cette jonction d'instance irait

11 à l'encontre à la fois des droits du docteur Stakic et de M. Mrdja.

12 Néanmoins, nous devons prendre en compte le fait que toutes les affaires

13 doivent faire l'objet d'audiences aussi rapidement que possible. Par

14 conséquent, durant cette conférence de mise en état, nous avons essayé de

15 savoir s'il ne serait pas possible d'entendre l'affaire "le Procureur

16 contre Mrdja" durant la pause dans l'affaire Stakic, étant donné que la

17 défense de l'affaire Stakic avait souhaité une pause d'environ trois mois.

18 Durant cette conférence de mise en état, on a pensé que les comparutions

19 de l'accusation prendraient un maximum de quatre semaines et que, par

20 conséquent, il serait possible de faire ceci durant la pause de l'affaire

21 Stakic.

22 Cependant, il est évident qu'il y a encore d'autres problèmes à surmonter,

23 comme par exemple trouver une salle d'audience disponible, de façon à

24 pouvoir inclure ceci dans notre calendrier.

25 Est-ce que le Secrétaire général des Nations Unies va également nommer la

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1 même Chambre d'audience pour cette affaire, etc., etc.? Mais je considère

2 qu'il est nécessaire de vous informer dès à présent ce qui est prévu.

3 Je voudrais savoir s'il y a des commentaires des parties en ce qui

4 concerne ces informations?

5 M. Lukic (interprétation): Nous n'avons pas de commentaire, mais nous

6 sommes tout à fait disposés à prendre une pause plus longue que prévu.

7 M. le Président (interprétation): Si j'ai compris, vous ne voulez pas

8 encourager une jonction d'instance?

9 M. Lukic (interprétation): Non, nous préférerions avoir une affaire

10 séparée.

11 M. le Président (interprétation): Nous pensions cela également. Je pense

12 donc que c'est tout à fait approprié.

13 M. Koumjian (interprétation): Je n'ai rien à ajouter ce matin.

14 Je crois que M. le Président, ainsi que la défense, et Me Lukic le savent,

15 nous devons soumettre par écrit notre état de préparation pour pouvoir

16 commencer d'ici le 1er octobre, pour l'affaire Mrdja, et nous ne l'avons

17 pas encore fait. Mais je crois, Monsieur le Président, qu'il y a d'autres

18 questions qu'il faut régler, notamment l'Article 68, et combien de temps

19 il nous faudra pour faire des recherches en vertu de l'Article 68. Tout

20 ceci n'a pas encore été résolu.

21 M. le Président (interprétation): Non, vous avez raison. Comme je l'ai

22 mentionné précédemment, il y a différents obstacles qu'il faudra

23 surmonter. Mais nous ne voudrions pas que vous entendiez des rumeurs de

24 couloir ou émanant du quartier pénitentiaire au sujet de cette nouvelle

25 affaire. C'est la raison pour laquelle nous voulions vous faire part de

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1 ces observations.

2 En ce qui concerne l'affaire Mrdja, je voudrais vraiment inviter M.

3 Koumjian à porter à notre attention tous les problèmes qu'il pourrait

4 rencontrer, car il est nécessaire d'utiliser toutes les dates que nous

5 avons à notre disposition de façon à pouvoir entendre l'affaire. Sinon

6 nous allons reporter l'affaire à 2005 ou 2006, ce qui n'est pas une

7 perspective réaliste.

8 Madame Mme Korner (interprétation): Jeudi dernier, avant d'aborder

9 d'autres questions, nous a dit que, vous-même, Monsieur Koumjian, vous

10 discuteriez certains points qui ont trait aux signatures. Est-ce qu'il y a

11 encore un problème?

12 M. Koumjian (interprétation): J'aurais peut-être plus d'informations

13 durant le cours de la matinée. Donc je préférerais attendre de recevoir

14 ces informations avant de prendre la parole. Merci.

15 M. le Président (interprétation): Merci. Et puis, nous avons un quatrième

16 avis de l'accusation, pour l'admission à des comptes rendus d'audience et

17 des vidéos en vertu de l'Article 92bis.

18 Est-ce que la défense a déjà préparé une réponse à cette requête?

19 M. Ostojic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

20 Juges.

21 Il s'agit de la cinquième requête d'admission des comptes rendus

22 d'audience conformément à l'Article 92bis. Je suis prêt. Mais ici il

23 s'agit de la quatrième requête. Je ne suis en fait pas préparé pour

24 aborder ceci. Je ne sais pas si les vidéos de la Cour sont mentionnées et

25 je n'ai reçu que ce matin le cinquième avis de l'accusation pour

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1 l'admission de ces comptes rendus.

2 M. le Président (interprétation): Vous êtes toujours mieux traité par le

3 Bureau du Procureur que les Juges. Nous n'avons pas encore reçu ceci

4 jusqu'à présent.

5 M. Ostojic (interprétation): En ce qui concerne cette cinquième requête,

6 nous avons compris que ce témoin devrait comparaître ici et, sur la base

7 de cela, nous pensons ce qui suit: ils ont cité les mêmes raisons qu'ils

8 ont citées lors de la précédente affaire, c'est-à-dire l'affaire Talic, à

9 savoir que le témoin avait des problèmes d'audition; ils ont eu peur que

10 ce soit un problème pour la déposition dans l'affaire Talic. Et bien que

11 le contre-interrogatoire soit très limité, nous avons pu en fait procéder

12 à des questions en matière de contre-interrogatoire aussi bien au niveau

13 des conseils de la défense que des Juges qui étaient présents.

14 Nous pensons donc que le droit du contre-interrogatoire d'un témoin est

15 impératif. Même s'il y a, à un certain moment, mentionné dans l'Article

16 92bis que le témoin pourrait avoir des problèmes, nous pensons qu'il est

17 important pour la défense d'avoir également ces éléments spécifiques qui

18 sont dans l'Acte d'accusation révisé, la quatrième version. Nous avons

19 également eu des expériences parallèles et similaires durant cette

20 période.

21 Je vous remercie, Monsieur le Président.

22 M. le Président (interprétation): D'accord, merci.

23 M. Koumjian (interprétation): Il s'agit des informations que nous avons

24 reçues de l'épouse du témoin. Je ne sais pas si l'enquêteur a pu parler au

25 témoin. Je crois qu'il y a eu beaucoup de mal à parler à ce témoin. Même

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1 si nous présumons que le témoin n'avait pas de problème médical, ceci ne

2 signifie pas nécessairement que le témoin ne tombe pas sous la règle ou

3 sous l'Article 92bis.

4 Si la défense considère qu'il n'est pas approprié d'utiliser l'Article

5 92bis ou si la défense pense que l'on ne devrait pas faire comparaître le

6 témoin ici, je pense en fait qu'il s'agit d'un témoin de faits reprochés.

7 Nous pensons qu'il est approprié, en vertu de l'Article 92bis, de le faire

8 comparaître ici ou d'utiliser cet Article 92bis.

9 M. le Président (interprétation): Merci. Nous déciderons de ceci aussi

10 rapidement que possible. Etant donné que nous n'avons pas beaucoup de

11 temps, nous devrons en discuter avant les vacances judiciaires. Je vais

12 demander à la défense de formuler des commentaires sur la quatrième

13 requête, l'admission des comptes rendus d'audience et des vidéos

14 conformément à l'Article 92bis, si possible dès la deuxième pause des

15 séances d'aujourd'hui.

16 Y a-t-il d'autres commentaires?

17 Je ne vois aucun autre point que nous devrions soulever. Donc nous pouvons

18 peut-être passer au témoin d'aujourd'hui qui porte le numéro…

19 L'accusation, pouvez-vous nous faire savoir quel est le numéro du témoin?

20 (Le banc de l'accusation se consulte.)

21 M. Koumjian (interprétation): Il s'agit du n°27.

22 M. le Président (interprétation): 27.

23 M. Koumjian (interprétation): Comme demandé, il y aura en fait une

24 déformation de l'image et l'utilisation d'un pseudonyme.

25 M. le Président (interprétation): D'accord. Pseudonyme et déformation des

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1 traits du visage.

2 Madame la Greffière d'audience, est-ce que ce sera le pseudonyme W, n'est-

3 ce pas?

4 M. Waidyaratne (interprétation): Oui, c'est exact.

5 M. le Président (interprétation): D'accord, il s'agit en fait du Témoin U,

6 s'il vous plaît.

7 M. Waidyaratne (interprétation): Merci.

8 M. le Président (interprétation): Est-ce que l'on peut envisager que la

9 comparution du témoin n'aura lieu qu'aujourd'hui?

10 M. Waidyaratne (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

11 M. le Président (interprétation): Merci. Et le témoin de demain est

12 également prêt?

13 M. Koumjian (interprétation): Oui.

14 M. le Président (interprétation): (Hors micro)

15 Bonjour, Monsieur le Témoin.

16 (Audience publique avec mesures de protection.)

17 (Le Témoin U est introduit dans le prétoire.)

18 Est-ce que vous m'entendez dans une langue que vous comprenez?

19 Est-ce que vous m'entendez?

20 Témoin U (interprétation): Oui.

21 M. le Président (interprétation): Pouvons-nous entendre la déclaration

22 solennelle de ce témoin?

23 Témoin U (interprétation): Je déclare que je dirai la vérité, toute la

24 vérité et rien que la vérité.

25 M. le Président (interprétation): Merci. Veuillez vous asseoir.

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1 Vous comprenez que nous allons vous donner le pseudonyme de Témoin U et

2 que nous n'allons donc pas utiliser votre nom; c'est pour votre propre

3 protection. Donc ne pensez pas que nous manquons de courtoisie.

4 Le Bureau du Procureur peut procéder à l'interrogatoire principal.

5 (Interrogatoire principal du Témoin U par M. Waidyaratne.)

6 M. Waidyaratne (interprétation): Merci.

7 Est-ce que je peux demander à M. le Président et MM. les Juges de passer

8 en audience à huis clos partiel, étant donné qu'il s'agit d'informations

9 personnelles sur le témoin?

10 M. le Président (interprétation): Audience à huis clos partiel, s'il vous

11 plaît.

12 (Huis clos partiel.)

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22 (Audience publique avec mesures de protection à 9 heures 35.)

23 M. Waidyaratne (interprétation): Merci. Puis-je continuer? Merci.

24 Bien, s'agissant de Kamicani, pouvez-vous nous dire en quelques mots

25 quelle distance sépare Kamicani de Prijedor?

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1 Témoin U (interprétation): De 13 à 14 kilomètres, à peu près.

2 Question: Et quand on va à Prijedor depuis Kamicani, on traverse la ville

3 de Kozarac. C'est bien exact?

4 Réponse: Oui, oui, on passe à côté.

5 Question: Et qu'en est-il de Kozarusa?

6 Réponse: Oui, on passe également à côté de Kozarusa.

7 Question: Quelle est la distance qui sépare Kamicani de Kozarac?

8 Réponse: Je dirais deux kilomètres.

9 Question: Et la population de Kamicani était constituée à majorité de quel

10 groupe ethnique?

11 Réponse: Ce sont les Musulmans qui étaient les plus nombreux, les

12 Bosniens.

13 Question: Et est-ce que vous saviez à peu près combien d'habitants

14 musulmans comptait Kamicani?

15 Réponse: Je dirais qu'ils représentaient 90% de la population. C'était le

16 groupe dominant.

17 Question: Et est-ce qu'à Kamicani il y avait une mosquée?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Et où se trouvait-elle?

20 Réponse: Elle se trouvait à environ un kilomètre de Kozarac quand on vient

21 de Kozarac, et environ un kilomètre du bâtiment communal, entre les deux.

22 Question: Et quand avez-vous arrêté de travailler?

23 Réponse: Une semaine avant l'attaque contre Kozarac ou contre Kamicani.

24 Question: Quand Kamicani a-t-elle été attaquée, autant que vous vous en

25 souveniez?

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1 Réponse: Le 26 mai, vers 2 heures. Non, en fait, c'était le 24 mai, et le

2 26, c'est le jour où l'attaque a pris fin.

3 Question: Vous avez donc arrêté de travailler une semaine avant le 24 mai

4 1992. Mais pourquoi avez-vous cessé de travailler?

5 Réponse: Je n'étais plus en mesure de circuler et de me livrer à mes

6 activités dans la municipalité de Prijedor.

7 Question: Vous nous dites que vous n'étiez pas en mesure de vous déplacer,

8 pouvez-vous nous expliquer pourquoi, ce qui s'est passé, ce qui vous

9 empêchait de vous déplacer?

10 Réponse: Après la prise de contrôle de la municipalité de Prijedor par les

11 autorités serbes et pendant la dernière période de cette prise de

12 contrôle, on a mis en place des mesures de sécurité, on a mis en place des

13 points de contrôle, si bien qu'à un moment donné, il n'était plus possible

14 même de passer ces points de contrôle.

15 Question: Monsieur le Témoin, vous nous dites qu'il y avait des mesures de

16 sécurité, des contrôles, des points de contrôle, est-ce que ces points de

17 contrôle étaient tenus par des Serbes?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Vous nous avez dit que Kamicani avait été attaquée, avait été

20 pilonnée le 24 mai 1992. Auparavant, vous souvenez-vous de négociations,

21 de discussions qui auraient eu lieu? Des discussions, des négociations

22 dont vous auriez connaissance?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Quand cela s'est-il passé? Et qu'est-ce qui s'est passé

25 exactement?

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1 Réponse: Bien, à vrai dire, j'ai participé à ces négociations, j'ai appris

2 par mes voisins qu'il y avait des gens qui venaient, des gens qui avaient

3 participé aux négociations à Prijedor, après la prise de contrôle de

4 Prijedor par les autorités serbes. Cela signifie que des gens de la région

5 de Kozarac avaient été choisis pour aller négocier avec les autorités

6 nouvellement installées, ces nouvelles autorités qui s'étaient elles-mêmes

7 imposées. On a donc choisi un certain nombre de gens pour rencontrer les

8 autorités, pour discuter de la situation.

9 Question: Et est-ce que ces gens sont revenus, est-ce qu'ils ont dit ce

10 qui s'était passé?

11 Réponse: Oui, ils sont allés là-bas, ils sont allés au bâtiment communal

12 de Kamicani et sont sans doute allés dans d'autres communes locales

13 également. Ils ont parlé des discussions qu'ils avaient eues avec les

14 autorités de Prijedor.

15 Question: Que vous ont-ils dit? Et qui vous a dit cela?

16 Réponse: Moi, je ne sais pas exactement combien de personnes comptait le

17 groupe de négociateurs. Mais en tout cas, parmi eux, il y avait le Dr

18 Jusuf Pasic, Asim Fazlic également. Je connaissais ces deux personnes. Il

19 est possible qu'il y ait eu d'autres personnes dans ce groupe, mais je ne

20 les connaissais pas. En tout cas, ce jour-là, je n'ai pas vu d'autres

21 personnes.

22 Question: Est-ce que les autorités serbes ont formulé des exigences dont

23 vous aurez informé ces personnes qui sont revenues après les négociations?

24 Question: C'est ce que j'ai compris à l'époque. En tout cas, c'est ce qu'a

25 dit Jusuf Pasic mot pour mot. Il a parlé des négociations, il a parlé de

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1 l'objet des négociations, mais la salle était bondée. Tout le monde

2 écoutait, et il est possible que Jusuf Pasic ait un peu simplifié les

3 choses. En tout cas, c'est ce qu'il a dit.

4 Il a dit la chose suivante: "En tant que négociateurs -et là je parle des

5 gens qui sont allés à Prijedor pour négocier-, nous sommes dans une

6 position d'infériorité dans ces négociations. Il faut que vous le

7 compreniez!" Quand il disait "vous", il nous parlait à nous, nous qui

8 écoutions. Et il a dit: "Ils", en parlant des autorités de la municipalité

9 de Prijedor: "Ils constituent une force d'occupation". C'est ce qu'il a

10 dit. "Et ce sont eux qui nous disent ce qu'il faut faire. Ils ne nous

11 demandent pas, ils ne nous ont pas demandé ce qu'il fallait faire. Ils ne

12 nous ont pas demandé nos propositions, c'est quelque chose que vous devez

13 comprendre. Voilà comment se présente la situation."

14 Voilà donc ce qu'il nous a rapporté. Et cela s'est terminé ainsi, sur

15 cette information. Quant à savoir si, ultérieurement, il y a eu d'autres

16 groupes de négociation, si on a pris de nouveaux contacts avec les

17 autorités de Prijedor, je ne saurais vous le dire. Mais c'est sans doute

18 que l'issue de ces négociations, cela a été justement cette attaque des

19 forces serbes qui a eu lieu les 24 et 25 mai 1992.

20 Question: Est-ce qu'à ce moment-là, on a parlé de rendre les armes? Est-ce

21 qu'on a parlé de loyauté envers les autorités serbes? Est-ce qu'il a été

22 fait mention de ce genre de chose?

23 Réponse: Oui, c'était un des thèmes de la discussion. Ils ont demandé que

24 les forces de réserve de la Défense territoriale de l'ex-Yougoslavie, de

25 l'ex-JNA, qui étaient actives dans la zone de Kozarac, ils ont demandé

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1 donc que ces forces, ces unités leur donnent leurs armes, et qu'aussi bien

2 que les policiers d'active que de réserve rendent également leurs armes.

3 Ceci pour que les nouvelles autorités serbes puissent occuper les postes

4 de police et occuper les postes vacants, ainsi constitués dans la zone de

5 Kozarac. Et la conséquence de cela, c'est ce que les policiers musulmans

6 ne devaient plus porter d'arme et ne pouvaient plus remplir leurs

7 fonctions quotidiennes; ce qui aurait mis un terme à leurs activités.

8 Quant à ce qui aurait dû suivre, on ne peut que spéculer!

9 Question: Monsieur le Témoin, est-ce que vous aviez des armes, vous?

10 Réponse: Pas moi.

11 Question: Et est-ce que vous étiez membre de la Défense territoriale?

12 Réponse: Non.

13 Question: Après ces discussions, après ce que vous venez de nous relater,

14 que s'est-il passé le 24 mai 1992 et où vous trouviez-vous?

15 Réponse: Le 24 mai 1992, c'était un dimanche. Vers 14 heures, à peu près,

16 je me trouvais vers Kamicani; je me trouvais dans le hameau de Forici, à

17 peu près.

18 J'ai parlé avec quelqu'un qui habitait dans ce hameau, j'étais en train de

19 lui parler plutôt et, soudain, il y a eu des tirs, des explosions

20 assourdissantes. Je ne savais pas à ce moment-là d'où venaient les tirs,

21 mais je sais qu'il y a eu des détonations très puissantes au moment où je

22 me trouvais là, avant que je ne coure me mettre à l'abri. Et dans l'air,

23 il y avait des débris qui volaient, si bien que je suis allé me réfugier

24 dans un garage.

25 Question: Est-ce que vous avez vu des explosions? Est-ce que vous avez vu

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1 des obus atteindre leur cible, alors que vous vous trouviez dans ce

2 garage?

3 Réponse: Oui. A partir du moment où l'attaque a commencé. Ensuite, je suis

4 allé dans le garage où il n'y avait pas de porte. L'attaque a duré un

5 certain temps. J'ai pu voir où tombaient les obus, ils tombaient sur les

6 maisons, partout, avec des explosions très fortes.

7 C'était la première fois que j'assistais à un spectacle de ce genre,

8 j'étais terrifié, et c'est sans doute pour cela que j'hésitais à regarder

9 ce qui se passait. Et je n'ai donc pas été en mesure d'observer avec

10 beaucoup de clarté ce qui était en train de se passer.

11 Question: Est-ce que vous avez pu voir que des maisons ont été endommagées

12 par les bombardements?

13 Réponse: Oui, oui, les maisons qui se trouvaient en face de l'endroit où

14 je me trouvais, je les ai vues. A peu près à 200 mètres, j'ai vu un obus

15 tomber sur le toit d'une maison, la maison s'est effondrée, le toit a pris

16 feu. Je n'ai pas vu comment tout cela s'est terminé, ce qu'est devenue la

17 maison, mais en tout cas, j'ai vu l'obus tomber sur la maison.

18 Question: Monsieur le Témoin, au moment où vous vous trouviez dans le

19 garage, est-ce qu'on y a amené un homme blessé?

20 Réponse: Oui. A partir du moment où je suis arrivé, moi-même, dans le

21 garage, il est également arrivé des gens du coin. Ils sont restés dans le

22 garage avec moi, nous sommes restés dans le garage, au moins une heure ou

23 deux. Il y avait là trois jeunes hommes, et puis des personnes âgées qui

24 habitaient l'endroit.

25 Et puis, un peu plus loin, je ne sais pas si c'était en haut de la rue ou

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1 en bas de la rue. Je crois que quelqu'un était blessé; en tout cas, on a

2 amené un homme blessé au garage.

3 Question: Et est-ce que vous avez vu ce qui lui est arrivé?

4 Réponse: Oui, eh bien, je pense qu'il passait devant le garage où je me

5 trouvais, ils ont vu qu'il y avait des gens à l'intérieur, si bien qu'ils

6 ont amené le blessé à l'intérieur du garage pour qu'on puisse essayer de

7 le soigner.

8 Question: Et est-ce que vous-même et une autre personne avez emmené cet

9 homme blessé à Kozarac?

10 Réponse: Oui. Nous avons essayé de lui apporter les soins que nous

11 pouvions, mais nous n'étions pas médecins ni l'un ni l'autre. Et puis,

12 nous avions peur, nous ne savions absolument pas ce qu'il fallait faire.

13 Si bien que nous nous sommes dit qu'il fallait emmener cet homme à

14 l'hôpital de Kozarac.

15 Question: Et est-ce que vous avez emmené ce blessé à Kozarac à l'hôpital?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Et de quelle manière?

18 Réponse: A côté du garage… Bon, il y avait d'autres personnes dans le

19 garage, il y avait des gens qui habitaient le coin. Donc, à côté du

20 garage, il y avait un camion qui appartenait ou qui était conduit par

21 quelqu'un du village. On a donc placé le blessé à l'arrière du camion et

22 c'est dans ce camion que l'on est allé à Kozarac.

23 Question: Et sur le trajet vous menant à Kozarac, avez-vous vu des maisons

24 endommagées?

25 Réponse: Oui. En chemin, j'étais assis à l'arrière, à côté du blessé.

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1 C'était un petit camion. On avait abaissé la bâche, mais elle battait dans

2 le vent. Je tenais le blessé sur mes genoux, mais comme la bâche bougeait,

3 il m'arrivait de voir des poteaux électriques; j'ai pu voir des poteaux

4 électriques touchés par des obus et qui étaient couchés par terre. J'ai vu

5 des maisons qui étaient criblées d'éclats d'obus. J'ai également vu des

6 troncs d'arbres qui étaient couchés sur la route, sans doute suite aux

7 pilonnages. Voilà le genre de choses que j'ai vues, tout cela en me

8 rendant à l'hôpital.

9 Voilà comment se présentait la situation, mais je n'ai pas regardé à

10 l'extérieur constamment. Mais lorsque la bâche était soulevée par le vent,

11 j'ai pu voir ce qui se passait des deux côtés de la route. Je n'ai pas

12 regardé à l'extérieur constamment, mais c'est ce que j'ai vu.

13 Question: Et pouvez-vous, s'il vous plaît, nous dire quelle route vous

14 avez empruntée pour vous rendre à l'hôpital de Kozarac?

15 Réponse: La route de Banja Luka à Kozarac, c'est la nouvelle route. Au

16 lieu de tourner vers Kamicani, on a bifurquer pour emprunter la vieille

17 route qui, elle aussi, va à Kozarac et Prijedor, et ensuite à Banja Luka.

18 Question: Une fois que vous êtes arrivés à l'hôpital, est-ce que vous avez

19 pu constater ce qu'il advenait de ces blessés que vous aviez emmenés à

20 l'hôpital?

21 Réponse: Quand on s'est arrêtés, on a constaté que des membres du

22 personnel hospitalier s'étaient déjà rassemblés. Il y avait des gens que

23 je connaissais de vue. Ils étaient à l'entrée de l'hôpital, ils nous ont

24 aidés à descendre le blessé du camion. On leur a remis ce blessé. Mais

25 l'un d'entre eux a dit : "Il est fini". Ce qu'il voulait dire par là,

Page 6217

1 c'est que l'homme était mort.

2 Je dois vous dire que j'étais terrifié à ce moment-là. Je ne me suis pas

3 plus renseigné au sujet de ce blessé. Je n'ai pas vérifié si,

4 effectivement, il était décédé ou pas. Je vous rapporte simplement cette

5 remarque que j'ai entendue. C'est la première chose que j'ai entendue.

6 D'ailleurs, c'est la seule chose que j'ai apprise au sujet du sort de cet

7 homme.

8 Ensuite, c'est-à-dire après avoir sorti ce malheureux du camion, les

9 pilonnages ont continué. Les pilonnages se rapprochaient de l'hôpital et

10 de la zone entourant l'hôpital, alors que nous nous trouvions encore sur

11 place. Et à ce moment-là d'ailleurs, les tirs se sont même intensifiés, si

12 bien qu'il a fallu que nous nous réfugiions au sous-sol de l'hôpital.

13 Question: Est-ce que les bâtiments de l'hôpital ont été endommagés? Est-ce

14 que vous avez pu constater que des obus ont endommagé les bâtiments de

15 l'hôpital?

16 Réponse: Pendant le pilonnage, on a essayé à plusieurs reprises de quitter

17 le sous-sol; on voulait poursuivre notre chemin. Il était impossible,

18 depuis la cave, de voir ce qui se passait, mais on entendait bien que les

19 explosions étaient très proches de l'hôpital. L'hôpital lui-même était

20 touché, des vitres se sont brisées. Il y avait des vitres qui se brisaient

21 partout, y compris dans les escaliers qui descendaient jusqu'à la cave.

22 Mais on a réussi, à un moment donné, à quitter la cave, le sous-sol,

23 lorsque les tirs se sont arrêtés pendant une très brève période. Et on a

24 vu à ce moment-là que le camion dans lequel on avait emmené le blessé à

25 l'hôpital était touché. Si bien qu'il n'était pas possible d'utiliser ce

Page 6218

1 véhicule pour retourner chez nous. On a profité de cette interruption

2 bienvenue dans les bombardements pour sortir. Et j'ai pu constater qu'il y

3 avait d'énormes dégâts, y compris sur l'hôpital, sur les bâtiments de

4 l'hôpital, les vitres de l'hôpital, le camion, mais on a réussi à quitter

5 l'hôpital, et on est rentrés chez nous.

6 Question: Monsieur, connaissez-vous le nom de cette personne blessée que

7 vous avez emmenée à l'hôpital, qui a succombé à ses blessures par la

8 suite?

9 Réponse: Oui, c'est quelqu'un qui habitait dans ce hameau, dans le hameau

10 où nous nous trouvions; son nom de famille est Foric et son prénom, eh

11 bien, je ne connais pas son prénom. Je sais qu'il était surnommé "Ile", ce

12 qui indique qu'il aurait pu s'appeler Ilijaz, mais je ne suis pas sûr de

13 cela.

14 Question: Comment était-il vêtu à l'époque? Portait-il des vêtements

15 civils?

16 Réponse: Oui, il portait un jean, une chemise, un tee-shirt sous sa

17 chemise.

18 Question: Vous avez dit que vous êtes revenu à Kamicani?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Et vous êtes resté à Kamicani pendant combien de temps après

21 cela?

22 Réponse: Eh bien, je pense que j'y suis resté à peu près deux heures à

23 l'hôpital. Tout cela, si on tient donc compte de cela, on pourrait dire

24 que je suis rentré chez moi vers cinq heures ou six heures.

25 Question: Et vous êtes resté combien de temps à Kamicani?

Page 6219

1 Réponse: Jusqu'au 26 mai, dans l'après-midi, de cette journée-là du 26

2 mai.

3 Question: Et a-t-on pilonné Kamicani au cours de cette période-là, à

4 savoir entre le 24 et le 26? Pourriez-vous nous dire ce que vous avez pu

5 remarquer?

6 Réponse: A partir du moment où le pilonnage a commencé jusqu'au moment où

7 je suis sorti du village, on peut dire que l'on a pilonné de façon

8 permanente, mais par intervalles, c'est-à-dire qu'il y avait des pauses.

9 Question: Le 26 mai 1992, est-ce que votre famille, les membres de votre

10 famille ont quitté la maison de Kamicani?

11 Réponse: Oui, c'est exact. A cause de ce pilonnage et des tirs qui

12 s'approchaient, on pouvait les déceler au son que l'on entendait. Il

13 s'agissait des armes de l'infanterie. Eh bien, quand on s'est rendu compte

14 de cela, quand on les a vus s'approcher, quand on a vu les maisons brûler

15 en direction de Banja Luka, eh bien, à un moment donné, nous avons décidé

16 de quitter nos foyers.

17 Question: Quand vous parlez de votre famille, pouvez-vous nous dire quels

18 étaient ces membres de votre famille qui ont quitté votre maison?

19 Réponse: Eh bien, c'étaient les membres de ma famille ainsi qu'un certain

20 nombre de voisins qui étaient avec nous. On était ensemble. Plus

21 précisément, on s'est cachés dans une cave et nous sommes partis tous

22 ensemble. Nous avons quitté la maison tous ensemble.

23 Question: Vous dites que vous étiez en train de vous cacher dans la cave.

24 En réalité, vous voulez dire que vous étiez dans la cave pour vous

25 protéger des tirs, du pilonnage?

Page 6220

1 Réponse: Oui, pour quelle autre raison seraient-ils restés dans une cave!

2 Question: Et vous, Monsieur le Témoin, qu'avez-vous fait?

3 Réponse: Eh bien, à ce moment-là, c'est-à-dire à partir du moment où nous

4 avons décidé qu'il nous fallait quitter nos foyers, on en a parlé

5 rapidement. On a pris la décision pour ainsi dire à l'improviste et nous

6 nous sommes décidés à partir vers Trnopolje, c'est-à-dire vers le sud par

7 rapport à notre maison.

8 Moi, en revanche, j'ai décidé de me diriger vers Kozarac et vers la partie

9 boisée, car je me suis dit qu'à cause des collines et de ce terrain boisé,

10 il était plus facile de me cacher, car les tirs s'approchaient de façon

11 imminente.

12 Nous nous sommes donc séparés dans la maison. Moi, je me suis dirigé vers

13 le nord alors qu'eux ils sont partis vers le sud, je suis donc parti dans

14 la direction opposée. Au bout de 10 ou 15 minutes de marche, j'ai compris

15 que j'avais fait une erreur. Je me suis demandé pourquoi moi j'irais dans

16 un endroit sûr, alors que ma famille, ma femme, mon enfant allaient

17 prendre une tout autre direction, et c'est là que j'ai décidé qu'il

18 fallait faire demi-tour et partir avec eux, et qu'on allait partager le

19 même sort, tout simplement.

20 Question: Est-ce qu'il y avait des personnes armées avec vous à l'époque?

21 Est-ce que qui que ce soit portait une arme?

22 Réponse: Non, non, il n'y avait pas d'arme du tout. Nous n'en avions pas.

23 Question: Et ensuite, vous dites que vous avez décidé d'aller chercher

24 votre famille, d'aller rejoindre votre famille. Est-ce que vous avez fait

25 cela, est-ce que vous les avez retrouvés?

Page 6221

1 Réponse: Oui, j'avais donc pris la direction opposée par rapport à la

2 direction prise par les membres de ma famille et j'ai décidé de mon propre

3 gré, tout seul, de faire demi-tour et de les suivre. Donc, sur la route,

4 près de chez moi, se trouvait un camion qui était la propriété, qui

5 appartenait à l'entreprise pour laquelle je travaillais. J'ai donc pris la

6 décision de prendre ce camion pour les emmener quelque part en tenant

7 compte de la direction de l'attaque. J'ai donc conduit le camion à travers

8 mon village, en suivant la colonne qui était partie. Il n'y avait

9 pratiquement plus personne dans les maisons: mes voisins avaient tous

10 quitté leur maison. Je ne pouvais plus voir personne. Le village était

11 vide.

12 En ce qui concerne la route que j'ai prise, eh bien, j'ai toujours regardé

13 vers la gauche, pour essayer de les voir, pour leur montrer, pour qu'ils

14 voient que j'étais là, pour qu'ils puissent monter dans le camion et que

15 nous puissions quitter le territoire le plus rapidement possible.

16 Cependant, sur la route, en effet, j'ai donc pris la même direction

17 qu'eux. Sans doute ai-je conduit très vite -c'était vrai d'ailleurs. J'ai

18 regardé donc à gauche et à droite, mais plutôt à gauche, eh bien, je suis

19 arrivé au niveau d'un blindé, d'un véhicule blindé, un Pinzgauer, un

20 camion Pinzgauer bâché. C'était au fait un camion militaire; il y avait

21 des soldats armés à l'intérieur, assis des deux côtés, à l'arrière, et ils

22 avaient pris la même direction que moi. Je suis donc arrivé au même niveau

23 qu'eux, au même niveau que le camion. A ce moment-là, ils se sont arrêtés,

24 ils sont tous sortis du camion. Ils ont braqué leurs fusils sur moi. Je me

25 suis arrêté et je suis sorti du camion.

Page 6222

1 Question: Est-ce que vous avez reconnu ces soldats? Est-ce qu'il

2 s'agissait de soldats serbes? Comment étaient-ils habillés?

3 Réponse: Eh bien, ces soldats portaient l'uniforme habituel de la JNA, que

4 je connaissais bien sûr. Ils ne portaient pas d'insigne, à part qu'ils

5 avaient des casques. Et à la place de l'étoile rouge, eh bien, ils

6 l'avaient tout simplement couverte par un scotch, par un bout de scotch

7 noir pour qu'on ne les voie pas. Il y en avait un qui portait le couvre-

8 chef vraiment de l'armée yougoslave, avec une étoile rouge sur le couvre-

9 chef.

10 Question: Vous a-t-on passé à tabac, vous a-t-on interrogé?

11 Réponse: Non non, je n'ai pas été battu. La première chose qu'ils m'ont

12 dite, quand je me suis arrêté, eh bien, ils m'ont injurié, ils m'ont

13 traité de tous les noms, ils m'ont dit qu'il fallait que je jette mon

14 arme, alors que j'étais debout et que c'était évident que je n'avais pas

15 d'arme. Ils m'ont dit qu'il fallait que je jette mon arme; j'ai été obligé

16 de leur répondre que je n'étais pas armé, tout simplement. Ils pouvaient

17 le voir.

18 Ensuite, ils m'ont demandé où je partais, où je voulais arriver, etc. A un

19 moment donné, je leur ai répondu, je leur ai dit où et pourquoi je

20 partais, quel était mon but. Et nous avons donc discuté, mais pendant

21 toute cette période-là, pendant toute la conversation, leurs fusils

22 étaient braqués sur moi. Ils se trouvaient à quatre ou cinq mètres de moi,

23 devant moi; je leur ai dit que j'allais sauver ma famille, si jamais, si

24 j'y arrivais.

25 Il y en avait un parmi eux, qui avait ce couvre-chef avec l'étoile rouge,

Page 6223

1 il était un peu plus calme; il s'est approché de moi, et sans m'injurier,

2 il m'a demandé où j'étais parti. J'ai répété la même chose, je lui ai

3 répété ce que j'avais déjà dit aux autres. Pendant que nous parlions, à ma

4 gauche, j'ai vu les gens passer à l'arrière-plan, derrière les soldats, on

5 les voyait avancer. Et c'est là que je leur ai montré quelle était la

6 raison de ma présence. Et ils se sont retournés, ils les ont vus.

7 Effectivement, ils ont compris. Je leur ai donc expliqué que j'étais parti

8 les chercher, à leur rencontre. Et donc mon père, ma mère étaient là. Il y

9 avait juste une partie des gens qui étaient là. C'étaient des personnes

10 plutôt âgées. Donc, ils avançaient plus lentement. Et c'est que j'avais de

11 la chance de les avoir rencontrés tout de même parce qu'ils ne pouvaient

12 pas avancer rapidement. C'est là qu'ils ont dit qu'il fallait les faire

13 monter dans le camion; et il y en avait d'autres qui sont montés aussi,

14 des villageois qui s'abritaient dans les villages environnants. Ils sont

15 montés dans le camion. Et donc je les ai conduits en direction de Kozarac,

16 c'est-à-dire au carrefour qui mène à Kozarac.

17 Question: Donc vous, vous étiez le chauffeur du camion et les autres sont

18 montés dans le camion. Est-ce que vous étiez escortés par un autre camion?

19 Est-ce qu'il y avait un autre camion qui vous suivait, à part le camion

20 que vous conduisiez, vous?

21 Réponse: Oui, justement, les militaires qui étaient dans leur camion à

22 eux, eh bien, ils avaient pris la même direction. Donc soit ils étaient

23 devant ou derrière moi. Car, pendant que ces gens montaient dans mon

24 camion, eh bien, il y a eu d'autres villageois qui se sont joints à nous

25 sur des tracteurs, etc. Et on ressemblait plutôt à un convoi: plusieurs

Page 6224

1 véhicules avec le véhicule militaire chargé des soldats serbes.

2 Question: Où vous a-t-on emmenés à la fin?

3 Réponse: A la fin, nous nous sommes arrêtés devant l'école de Trnopolje.

4 Question: Monsieur, quand vous parlez de cette école de Trnopolje,

5 pourriez-vous nous décrire ce bâtiment et préciser s'il s'agit bien de la

6 journée du 26 mai 1992?

7 Réponse: Oui, moi, je ne vous ai raconté que la fin, mais tout ceci a duré

8 plus longuement que cela. Donc, le 26 effectivement, il s'agissait de la

9 journée du 26, mais plus tard dans la nuit, vers 10 ou 11 heures du soir.

10 Question: Pourriez-vous décrire cet endroit, les bâtiments de l'école

11 ainsi que les autres bâtiments se trouvant à Trnopolje? Très brièvement.

12 Réponse: C'était l'école élémentaire avec la cour de récréation. Derrière,

13 il y avait le terrain de foot. Devant, il y avait un fond de commerce et

14 le foyer culturel de la municipalité. C'est comme cela qu'on l'appelait.

15 Question: Y avait-il une salle de cinéma aussi?

16 Réponse: Oui, c'était une salle de cinéma, enfin... polyvalente, une salle

17 polyvalente. On pouvait y regarder un film, mais aussi il y avait d'autres

18 associations qui utilisaient la salle.

19 Question: Donc ce que vous appelez le centre culturel municipal, c'était

20 en réalité la salle de cinéma aussi? C'était une grande salle aussi?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Monsieur, au moment où vous êtes arrivé à Trnopolje, qu'est-ce

23 que vous y avez vu à part ces bâtiments que vous venez de décrire?

24 Réponse: Puisque nous y sommes arrivés dans la nuit, eh bien, je suis

25 entré pas dans l'enceinte de l'école, mais entre le bâtiment du foyer

Page 6225

1 municipal et le fond de commerce et l'école, dans l'espace qui était au

2 milieu. Et donc les autres bus chargés d'hommes, femmes, enfants sont

3 arrivés à ce même endroit; et nous nous sommes arrêtés.

4 Moi, je ne suis pas entré dans la cour de récréation de l'école. Je ne

5 savais pas, à l'époque, ce qu'il y avait là-dedans. J'étais devant le

6 bâtiment. Au bout d'un certain temps, le bus s'est vidé; moi, je suis

7 resté. D'autres camions ou tracteurs nous ont rejoints et nous avons

8 attendu le matin à cet endroit-là.

9 Le lendemain matin, j'ai pu voir pour la première fois les gens couchés à

10 même le sol, dans la cour. J'ai vu les enfants pleurer. Et ensuite, j'ai

11 vu aussi que l'école était pleine de gens, la cour de récréation était

12 pleine. Alors que nous, à ce moment-là, nous étions devant ce complexe. Il

13 s'agissait de villageois de la municipalité de Kozarac, de Kamicani, etc.

14 Je connaissais la plupart d'entre eux évidemment.

15 Question: Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez pu voir quelqu'un qui

16 avait une quelconque autorité, qui exerçait le contrôle de cet endroit, à

17 part les villageois de la région?

18 Réponse: Mais évidemment, ce n'est pas moi qui ai choisi d'aller là-bas;

19 c'est-à-dire que nous avons été dirigés par l'armée et ils étaient à peu

20 près partout: le long de la route, sur des carrefours, partout il y avait

21 des soldats armés et ce sont eux qui nous ont dirigés vers Trnopolje. Le

22 lendemain, quand il s'est fait jour, j'ai pu voir… Il y avait des tirs

23 d'infanterie que l'on pouvait entendre au cours de la nuit, déjà au cours

24 de la première nuit. Et le lendemain, j'ai pu voir qu'il y avait des

25 sentinelles avec des gardiens. On pouvait voir les soldats vêtus

Page 6226

1 d'uniformes militaires qui étaient là, et on n'avait pas le choix. On ne

2 pouvait pas dire: "Moi, je m'en vais". Ce n'était pas possible. On ne

3 pouvait pas partir, pas librement.

4 Question: Est-ce que vous avez appris qui était à la tête du camp?

5 Réponse: Oui, le commandant du camp était le commandant Slobodan

6 Kuruzovic, pendant toute la période que j'y ai passée.

7 Question: Y avait-il des gardes vêtus d'uniforme?

8 Réponse: Oui, oui, bien évidemment.

9 Question: Monsieur le Président, est-ce que le moment est opportun pour la

10 pause?

11 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

12 M. le Président (interprétation): Nous faisons une pause jusqu'à 11 heures

13 moins 5.

14 (L'audience, suspendue à 11 heures 25, est reprise à 11 heures 08.)

15 (Questions relatives à la procédure.)

16 M. le Président (interprétation): Nous vous présentons nos excuses pour ce

17 retard dû à des problèmes survenus dans une autre affaire. J'ai entendu

18 dire que vous vouliez parler aux Juges de la Chambre au sujet des

19 signatures.

20 M. Koumjian (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

21 Comme vous le savez, la Chambre considère qu'il est crucial en l'espèce

22 d'identifier les signatures figurant dans un grand nombre de documents

23 présenté par le Bureau du Procureur et, surtout, en ce qui concerne les

24 documents pour lesquels nous considérons qu'ils ont été signés par le Dr

25 Stakic. Dans tous les documents qui font l'objet de cette dispute, pour la

Page 6227

1 plupart de ces documents, la défense a authentifié des documents: trois

2 documents qui ont été signés en caractères cyrilliques. Ceux qui font

3 objet d'une contestation ont été écrits et la signature figure en

4 caractères latins; ils sont signés comme "S. Milomir".

5 Je crois que M. Lukic considère qu'il n'est vraiment pas probable qu'il

6 ait pu signer uniquement ces documents par son prénom. Donc nous avons

7 demandé aux Juges de la Chambre de demander la saisie des documents qui

8 ont été écrits par l'accusé pendant son séjour en quartier pénitentiaire

9 depuis son arrestation. Effectivement, vous l'avez fait. Vous avez émis

10 cette ordonnance le 5 juillet, je crois.

11 Dans cette ordonnance, on exclut le matériel qui provient de la cellule de

12 l'accusé. Quand nous avons demandé cette ordonnance, nous savions qu'au

13 moment de l'arrestation, le Dr Stakic possédait un certain nombre de

14 documents qui ont été soumis au Bureau du Procureur et au Greffe. Quand

15 nous avons reçu les documents en retour du Juge Lindholm, eh bien, il n'y

16 avait pas ces documents; ils n'y figuraient pas. Donc j'ai demandé à mes

17 enquêteurs de retrouver ces documents et j'ai reçu l'information que ces

18 documents étaient photocopiés par le Bureau du Procureur et, ensuite,

19 qu'ils ont été fournis au bureau de l'aide juridictionnelle.

20 Nous avons reçu une information de Melinda Taylor nous indiquant que ces

21 documents étaient donnés au quartier pénitentiaire et que, apparemment,

22 parmi ces documents, il y avait son passeport, son permis de conduire qui

23 ont été retenus et d'autres documents qui ont été donnés à l'accusé. Nous

24 croyons qu'il les a dans sa cellule, mais nous disons cela parce que nous

25 pensons qu'on lui a fourni ces documents. On lui a retourné ces documents.

Page 6228

1 Il y a aussi un autre document, un document concernant les douanes en

2 Yougoslavie ou en Serbie et, là, il y a une figure, en bas, à droite du

3 document 204, qui apparemment est exactement la même signature que celle

4 qui est discutée aussi sur le document 205, un document qui a quelque

5 chose à voir avec le billet d'avion. Eh bien, là, on voit exactement la

6 même signature "S. Milomir".

7 Ensuite, à la page 208 où l'on voit deux reçus pour une location, eh bien,

8 on voit encore la signature du locataire qui figure en bas du document;

9 c'est la même signature que celle figurant sur ce document de la cellule

10 de crise "S. Milomir".

11 Ensuite, à la page 209, un autre document qui vient de l'aéroport de

12 Belgrade, eh bien, à nouveau, on voit cette signature "S. Milomir", la

13 signature que conteste le conseil de la défense.

14 A la dernière page, à la toute dernière page, à la page 721, là où il est

15 écrit "prilog", vous allez voir à nouveau cette signature. C'est très

16 important, car ce sont les signatures qui ont été recueillies au moment de

17 l'arrestation de l'accusé.

18 Je ne crois pas que, dans le système de mon pays, il y a une

19 confidentialité, un sceau de confidentialité concernant les documents qui

20 se trouvent dans la cellule car, dans le cas contraire, il n'y aurait pas

21 de sécurité dans de tels établissements. Donc nous avons deux requêtes

22 alternatives.

23 Tout d'abord, nous demandons à la défense d'accepter -ils ne sont pas

24 obligés de le faire et ceci ne va pas être retenu contre eux- de nous

25 fournir ces documents et, ensuite, nous demandons que vous, Messieurs les

Page 6229

1 Juges, vous fassiez une ordonnance pour le quartier pénitentiaire, pour

2 que nous leur fournissions donc la copie des documents que nous cherchons

3 pour que nous voyions s'ils sont en mesure de les retrouver. Donc je vous

4 demande cela pour pouvoir fournir les photocopies à l'expert en

5 graphologie.

6 M. le Président (interprétation): Oui, en effet, mais l'expert en

7 graphologie a besoin des originaux, mais pas des photocopies. Mais, si

8 vous ai bien compris, ces documents ont donc été fournis au Bureau du

9 Procureur, le Bureau du Procureur en a fait des photocopies et, ensuite,

10 vous a remis les originaux?

11 M. Koumjian (interprétation): Oui, c'est exactement ce que j'ai compris.

12 M. le Président (interprétation): Ceci n'apparaît pas comme une pratique

13 tout à fait professionnelle, mais nous nous voyons dans l'obligation de

14 résoudre ce problème. Evidemment, ce n'est pas une obligation, mais je me

15 souviens quand on a discuté de ce caractère confidentiel des documents, M.

16 Lukic était présent. S'il le veut bien, il pourrait nous aider et nous

17 dire s'il s'agit des originaux ou des photocopies.

18 M. Ostojic (interprétation): Avec la permission de la Cour, je voudrais en

19 parler, car j'ai parlé à M. Koumjian et, peut-être qu'il pourrait nous

20 fournir des précisions. Il ne s'agissait pas, en fait, de documents que la

21 défense avait en sa possession ou qui avaient été fournis au Bureau du

22 Procureur ou suite à une ordonnance du Tribunal.

23 Je voudrais avoir une précision à ce sujet. Il s'agit de documents, en

24 fait, qui, selon nous,…

25 Et j'ai une objection à ce sujet: ceci a été fourni ex parte, sans que les

Page 6230

1 avocats ou les conseils de la défense aient des informations sur ces

2 documents. Ils étaient donc… Ils ont ensuite fait l'objet d'un examen par

3 M. Koumjian.

4 Mais la question du Tribunal est de savoir si nous étions présents lorsque

5 les originaux ou les photocopies ont été fournis au Bureau du Procureur;

6 il semble que la réponse de M. Koumjian soit un non univoque. Mais c'est

7 la première fois que nous recevons les copies de ces documents, nous

8 n'avons jamais eu en notre possession les originaux.

9 M. le Président (interprétation): Eh bien, je crois que la défense ne peut

10 agir que de manière unifiée et il semble que Me Lukic était présent. Il

11 s'agirait de savoir si, oui ou non, ces documents étaient dans l'enveloppe

12 qui a été reçue, qui émanait du quartier pénitentiaire et qui a été

13 ouverte en sa présence ou en la présence du Juge Lindholm.

14 M. Lukic (interprétation): Non, Monsieur le Président, ces documents

15 n'étaient pas dans l'enveloppe qui a été ouverte en ma présence.

16 M. le Président (interprétation): Dans ce cas-là, ceci signifie qu'il y a

17 peut-être une requête supplémentaire du Bureau du Procureur.

18 M. Koumjian (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

19 M. le Président (interprétation): Et, si j'ai bien compris, c'est une

20 requête du Bureau du Procureur pour qu'il y ait une perquisition et une

21 saisie dans la cellule de détention du Dr Stakic, mais qui ne concerne que

22 les originaux des documents dont nous avons les photocopies.

23 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, vous avez tout à fait

24 raison.

25 M. le Président (interprétation): Nous levons l'audience jusqu'à 11 heures

Page 6231

1 30.

2 (L'audience, suspendue à 11 heures 19, est reprise à 11 heures 36.)

3 M. le Président (interprétation): La défense a pris connaissance de la

4 requête du Bureau du Procureur. Vous avez bien sûr maintenant le droit de

5 répondre à cette requête.

6 M. Ostojic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

7 En ce qui concerne cette demande, tout d'abord pour le compte rendu

8 d'audience, nous voudrions dire que nous allons l'incorporer à nos

9 arguments que nous avons présentés devant cette Chambre d'audience au

10 niveau de la première demande de sub poena et la demande supplémentaire

11 devrait être également rejetée de la même manière.

12 De plus, nous pensons qu'il y a deux questions pertinentes qui devraient

13 être traitées en ce qui concerne cette requête supplémentaire.

14 Tout d'abord, nous pensons que cette demande va bien au-delà de la

15 pertinence et de la nécessité. Le Bureau du Procureur n'a pas uniquement

16 la charge de la preuve dans cette affaire, mais dans chacune des

17 questions, nous pensons qu'ils devront présenter au moins les preuves

18 prima facie pour savoir pourquoi ces documents sont recevables. Ces

19 documents ont été photocopiés, n'ont jamais été fournis à la défense, même

20 si nous pensons que les règles auraient permis, les auraient incités à

21 fournir ces documents devant ces instances. Mais lorsque ce point a été

22 soulevé, le Bureau du Procureur aurait dû nous avertir immédiatement,

23 aurait dû nous donner immédiatement des exemplaires de ces documents et,

24 plutôt que maintenant, au cours des dernières minutes, nous aurions

25 immédiatement consulté notre client en ce qui concerne cela.

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1 Nous n'avons pas eu de procédure juste, d'après nous. De plus, nous

2 pensons que ce que le Bureau du Procureur fait à l'heure actuelle, c'est

3 essayer de changer la jurisprudence de la Cour d'appel, qui a été

4 mentionnée durant une objection précédente; il s'agissait en fait de

5 l'affaire Delalic et Celebici. C'est-à-dire que, pour des documents

6 manuscrits, ceci est interdit, mais il s'agit de savoir que, plutôt que de

7 demander à un accusé d'avoir un échantillon de sa signature, le Bureau du

8 Procureur, en fait, attend, est posté dans les buissons, permet à l'accusé

9 d'écrire des lettres à sa famille, correspond avec d'autres membres,

10 d'autres amis de la communauté et, au milieu d'une procédure, au milieu de

11 l'affaire, demande des échantillons de signature.

12 Le Bureau savait ce dont il avait besoin, tel que ceci est mentionné dans

13 le mémoire de pré-audience qu'il avait soumis. Nous pensons que ceci est

14 une tentative de rentrer par la porte de derrière et d'essayer de passer

15 outre les décisions des autorités qui ont fait l'objet d'une décision de

16 la Cour d'appel.

17 Pour ces deux raisons, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous

18 demandons que cette requête de fourniture de documents supplémentaires

19 soit rejetée en bloc.

20 M. le Président (interprétation): Merci.

21 Il est vrai que cette Chambre d'instance a été surprise par cette requête.

22 Néanmoins, nous devons nous assurer de faire ce qui s'impose sans pour

23 autant aller à l'encontre du principe de proportionnalité. Par conséquent,

24 attendu les raisons qui ont été prononcées le 5 juillet 2002, et prenant

25 en compte les arguments présentés par le Bureau du Procureur et par la

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1 défense ce jour, cette Chambre d'instance ordonne que, seulement à des

2 fins de récupérer les originaux des documents qui nous ont été remis il y

3 a quelques minutes de cela, une perquisition dans la cellule de détention

4 du docteur Stakic soit réalisée, mais ceci ne devrait pas être réalisé

5 avant que le docteur Stakic ne retourne dans sa cellule de détention.

6 D'autre part, le docteur Stakic n'aura pas la possibilité de rentrer dans

7 cette cellule de détention avant que cette ordonnance entre en vigueur.

8 Cette perquisition devra être réalisée ou sera réalisée en présence de

9 témoins, en la personne des agents du quartier pénitentiaire des Nations

10 Unies. Cette perquisition devra être réalisée, comme je l'ai déjà

11 mentionné, immédiatement et n'a pour objectif que de retrouver les

12 originaux de ces documents. Une fois que ces documents auront été trouvés,

13 encore une fois, ces documents devront être glissés dans une enveloppe qui

14 devra être scellée et, de manière similaire, il faudra pratiquer un calque

15 par rapport à notre décision du 5 juillet 2002. Et le Juge Lindholm devra

16 procéder à l'examen en présence du conseil du docteur Stakic.

17 Nous pensons que le Procureur, en nous présentant ces échantillons de

18 signature, a établi qu'il est nécessaire de disposer des originaux, de la

19 version originale de ces documents.

20 En ce qui concerne l'opinion de la défense, l'objectif n'est pas de

21 prendre des échantillons de l'écriture manuscrite, mais en fait de

22 retrouver des documents ou de prendre des documents pour des raisons

23 totalement différentes, des documents qui ont été rédigés de par le passé.

24 Lorsque nous avons déjà discuté du projet de décision du 5 juillet 2002,

25 nous avons essayé d'observer un équilibre entre les intérêts des

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1 différentes parties; nous sommes arrivés à la conclusion qu'en effet, il

2 n'y aurait pas d'obstacle à l'obtention de ces documents qui n'ont pas été

3 préparés dans l'objectif de prendre un échantillon de l'écriture

4 manuscrite durant le procès.

5 Par conséquent, nous pensons que le Bureau du Procureur sera en mesure de

6 réaliser cette perquisition aujourd'hui.

7 M. Koumjian (interprétation): Oui, bien sûr, ceci est évident.

8 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, est-ce que vous voudriez que

9 l'on verse ce document comme pièce à conviction de l'accusation? Il s'agit

10 de huit pages et je pense que ce serait préférable: ce sera plus clair.

11 M. le Président (interprétation): Simplement pour cet exercice, je pense

12 qu'il est nécessaire de verser ces huit pages comme pièce à conviction au

13 dossier.

14 Y a-t-il des objections de la défense? Il s'agit maintenant des

15 photocopies que nous avons devant nous.

16 M. Ostojic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Il n'y a pas

17 d'objection à verser ces pièces au dossier, mais j'ai en fait une question

18 d'ordre pratique.

19 En ce qui concerne l'ordonnance de cette Chambre d'instance, si vous me le

20 permettez, avec tout le respect que je dois à cette Chambre d'instance,

21 nous comprenons très bien cette décision et nous la respectons, même si

22 nous ne sommes pas d'accord. Mais d'un point de vue pratique -et c'est là

23 où nous ne sommes pas d'accord avec la Chambre d'audience-, nos droits de

24 se pourvoir en appel potentiel doivent être discutés, doivent être bien

25 compris et doivent être discutés avec le client et l'équipe. Et si cette

Page 6235

1 Chambre d'instance pouvait modifier cette décision, nous leur en serions

2 très reconnaissants.

3 Je suis tout à fait d'accord avec l'esprit de cette décision et nous

4 sommes d'accord pour que cette perquisition ait lieu, mais que les

5 documents ne soient pas remis au Bureau du Procureur pour un examen avant

6 que nous soyons arrivés à une conclusion dans les sept jours, de façon à

7 avoir un appel interlocutoire.

8 Nous ne voulons pas intervenir par rapport à la décision. Cependant nous

9 pensons que nous avons certains droits que nous aimerions établir dans les

10 délais qui s'imposent. La Chambre d'instance pouvait, en fait, modifier sa

11 décision de façon à ce que la perquisition ait lieu avec un agent autorisé

12 comme, par exemple, un membre du quartier pénitentiaire, c'est-à-dire

13 aujourd'hui également, si j'ai bien compris la décision; et de nous donner

14 le temps de répondre si nous avons des objections en ce qui concerne

15 l'étape suivante, à savoir la présentations de ces documents aux Juges et

16 également que les conseils de la défense et de l'accusation puissent

17 également consulter ces documents ensemble.

18 M. le Président (interprétation): Je voudrais répondre immédiatement à

19 ceci, car ceci a déjà été résolu et vous pourrez voir ceci dans la

20 décision. J'ai dit que ceci devait être appliqué de manière analogue à la

21 précédente et nous avons mentionné que tous les remèdes disponibles en

22 vertu des Articles restent inchangés. Et pour les besoins de cette

23 perquisition et saisie d'aujourd'hui, ceci signifie, au vu de ce que nous

24 avons entendu des deux parties, que cette enveloppe sous- scellés devra

25 être remise immédiatement au Juge Lindholm et ne sera pas ouverte avant

Page 6236

1 que vous ayez le droit en vertu des Articles concernés de demander une

2 certification d'appel. Je pense que cela vous convient.

3 M. Ostojic (interprétation): Oui. Merci, Monsieur le Président.

4 M. le Président (interprétation): Penchons-nous maintenant sur les

5 documents.

6 Le document qui se finit par 203 et 204, il s'agira de la pièce 220, S220.

7 Pour ce qui est du document 235, il s'agira du document S221.

8 Est-ce que je me trompe ou est-ce que qu'il n'y a pas de documents 206 ou

9 207?

10 M. Koumjian (interprétation): Vous ne vous trompez nullement.

11 M. le Président (interprétation): Pour ce qui est de 208, ce sera la pièce

12 S222; 209, ce sera la pièce S223; et pour ce qui est 212, il s'agira de la

13 pièce S224. Quant à la pièce où l'on trouve le numéro 198, cela deviendra

14 la pièce S225. Pour 721, il s'agira de la pièce S226.

15 M. Koumjian (interprétation): Je pense, en fait, qu'il s'agit de 7211

16 s'agissant du dernier document que vous venez d'évoquer. Je crois qu'il y

17 a un chiffre qui a disparu à la photocopie peut-être.

18 M. le Président (interprétation): Oui, mais vous conviendrez avec moi

19 qu'on n'arrive pas très bien à lire de ce qu'il en est sur la photocopie.

20 M. Koumjian (interprétation): Je souhaite expliquer cependant à

21 l'intention de la défense qu'il y a des numéros de référence qui manquent,

22 parce que nous avons ici un exemplaire ou des exemplaires plutôt, des

23 documents qui nous paraissent intéressants concernant leur signature. Si

24 Maître Ostojic et vous, Maître Lukic, souhaitez accéder aux autres

25 documents, nous pouvons bien entendu les fournir, mais là il s'agissait

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1 uniquement d'une sélection.

2 M. le Président (interprétation): Bien. Le nécessaire sera fait. Je pense

3 qu'il faut informer le quartier pénitentiaire de la procédure à suivre et

4 de tout ce qu'il convient de préparer.

5 M. Koumjian (interprétation): Justement, à ce titre, je vais vous demander

6 de m'excuser et M. Waidyaratne s'occupera du témoin.

7 M. le Président (interprétation): Oui. Merci.

8 Nous allons maintenant faire entrer le témoin, à moins qu'il n'y ait autre

9 chose à évoquer?

10 M. Ostojic (interprétation): La seule autre chose, c'est que nous

11 acceptons l'offre du Bureau du Procureur de nous fournir une liasse

12 complète des documents qu'ils ont pris dans la cellule de notre client. Et

13 même si nous sommes pratiquement à la fin de la présentation des moyens à

14 charge, c'est quelque chose que nous trouvons extrêmement utile.

15 M. le Président (interprétation): C'est tout naturel et, puisque l'offre

16 vous avez été faite, eh bien, vous pouvez l'accepter.

17 Est-ce que vous pourrez en terminer dans l'heure et demie qui suit?

18 M. Waidyaratne (interprétation): Je vais m'efforcer de le faire.

19 M. le Président (interprétation): Nous allons vous accorder le temps

20 nécessaire, étant donné que nous avons fait déjà fait quelques pauses, une

21 pause plus longue et une pause un peu moins longue. Allez-y.

22 (Le Témoin U est introduit dans le prétoire.)

23 M. Waidyaratne (interprétation): Je vais essayer.

24 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, veuillez accepter

25 nos excuses pour cette interruption inattendue, qu'il n'était pas possible

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1 de prévoir. Nous allons maintenant poursuivre votre interrogatoire.

2 (Suite de l'interrogatoire principal du Témoin U par M. Waidyaratne.)

3 M. Waidyaratne (interprétation): Je souhaite passer à huis clos partiel:

4 dans certaines réponses, le Témoin pourrait donner des détails qui

5 peuvent mener à son identification.

6 Je vais demander une séance à huis clos partiel.

7 M. Ostojic (interprétation): Nous n'avons pas d'objection.

8 M. le Président (interprétation): Huis clos partiel, s'il vous plaît.

9 M. Waidyaratne (interprétation): Merci.

10 M. le Président (interprétation): Huis clos partiel confirmé.

11 (Audience à huis clos partiel à 11 heures 52.)

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12 Pages 6239 à 6249 – expurgées – audience à huis clos partiel.

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8 (Audience publique avec mesures de protection à 10 heures 26.)

9 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Témoin, vous venez de dire

10 que même la mosquée du village a été endommagée ou détruite. Est-ce que

11 vous l'avez vue?

12 Témoin U (interprétation): Oui, car on est passés par là, on est passés à

13 côté de la mosquée.

14 Question: Et qu'est-ce que vous avez vu?

15 Réponse: Eh bien, même la mosquée a été incendiée, il n'y avait pas de

16 carreaux, il n'y avait pas de fenêtres, le minaret a été détruit. C'est

17 tombé du côté ouest de la mosquée.

18 Question: Donc là, nous parlons de la mosquée de Kamicani, n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Et vous êtes restés combien de temps à Trnopolje?

21 Réponse: Jusqu'à la dissolution du camp, c'était le 1er octobre.

22 Question: Comment vous vous êtes nourris pendant votre séjour dans le

23 camp?

24 Réponse: Tout au début, alors que nous étions déjà dans le camp, il y

25 avait un véhicule appartenant à la Croix-Rouge, une voiture utilisée en

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1 tout cas par les membres de la Croix-Rouge locale.

2 Question: Donc il s'agit là de personnes originaires de Prijedor? Eh bien,

3 au cours de la journée, ils apportaient du pain coupé en tranches et nous,

4 on était alignés et chacun recevait deux tranches de pain. Mais ceci n'a

5 pas duré longtemps et cela s'est arrêté.

6 Entre-temps ou plutôt après cela, dans les villages environnants, il y

7 avait encore des habitants qui n'avaient pas encore été chassés à

8 proximité de Trnopolje. Donc il y avait toujours des femmes qui venaient

9 nous apporter de la nourriture et donc, pendant que ces femmes étaient

10 encore dans le village, eh bien, on pouvait recevoir de la nourriture de

11 leurs mains; donc des gens qu'on connaissait ou, s'il y avait une famille

12 qui avait de la nourriture, on nous en apportait.

13 Question: Est-ce que vous avez reçu des soins médicaux ou des médicaments

14 pendant votre séjour dans le camp?

15 Réponse: C'est vrai qu'il y avait des médecins, des Bosniens qui se

16 trouvaient dans une pièce dans la commune locale de Trnopolje. Ils

17 disposaient d'une pièce et moi, je suis allé et on pouvait y aller et tous

18 les détenus pouvaient s'y rendre.

19 Je ne sais pas comment ils ont soigné les autres personnes, je ne sais pas

20 quels étaient les médicaments dont ils disposaient, mais moi, je peux vous

21 dire alors que je souffrais des reins, j'éprouvais des douleurs très

22 aiguës, car mes reins, j'avais une inflammation des voies urinaires et les

23 médecins m'ont dit qu'ils comprenaient bien de quoi il s'agissait, qu'ils

24 savaient très bien ce que j'avais, mais qu'ils ne pouvaient rien faire,

25 car ils ne disposaient pas des médicaments. Ils ne pouvaient pas m'aider

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1 tout simplement. Tout ce qu'ils m'ont dit, c'est que ce n'était pas

2 mortel. Et ils m'ont donné quelque chose pour me soulager un peu.

3 Question: Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez vu des personnes

4 blessées, ou bien est-ce que vous avez été témoin de passages à tabac dans

5 le camp pendant que vous y étiez?

6 Réponse: Pendant mon séjour dans le camp, c'était assez long, eh bien, il

7 y avait des gens qui ont subi des interrogatoires; c'est ce qu'ils

8 appelaient les interrogatoires, car chaque fois que quelqu'un partait pour

9 subir un interrogatoire, il revenait battu, ensanglanté. Alors, je ne sais

10 pas qu'elles étaient ces questions qu'on leur a posées, je n'étais pas au

11 courant de cela, mais on pouvait bien voir que ces personnes étaient

12 blessées et qu'elles se sont soignées pendant des jours et des jours avec

13 les moyens de fortune.

14 Question: Est-ce que vous avez vu qui que ce soit en train de se faire

15 tuer ou bien mourir dans le camp?

16 Réponse: Dans l'enceinte même du camp, j'ai vu ou mourir un homme, c'est

17 vrai. J'ai entendu dire, et d'ailleurs je le sais, je sais que plusieurs

18 personnes sont mortes mais celui-ci, cette personne-là dont je vous parle,

19 eh bien, je l'ai vue. Je ne connais pas son nom, mais cela s'est produit

20 pendant mon séjour, à peu près à la moitié de mon séjour. On a fait venir

21 des gens de Hambarine et de Prijedor et, comme nous dormions à

22 l'extérieur, eh bien, ces gens étaient juste à côté de l'endroit où j'ai

23 été parce qu'ils ont dormi comme nous, à l'extérieur. Donc il s'agissait

24 là d'une personne âgée qui, je ne sais pas pour quelle raison, devait se

25 rendre aux toilettes; c'était des faux besoins, parce qu'elle n'avait en

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1 réalité pas besoin. Et cela a duré deux ou trois jours. Il est mort après

2 deux ou trois jours de la dysenterie ou autre chose. On a dit que c'était

3 ça, que c'était la dysenterie.

4 Question: A-t-il reçu des soins médicaux ou des médicaments?

5 Réponse: Pour autant que j'aie pu le voir, j'étais tout près de lui, je

6 n'ai jamais vu de médecin à son chevet, je n'ai pas vu de médicaments non

7 plus. Mais sans doute, aurait-il survécu si on l'avait soigné.

8 Question: Le moment est-il opportun pour faire une pause? Ou bien, si cela

9 convient à tout le monde, je peux continuer pendant 10 à 15 minutes, ce

10 qui me permettrait de terminer mon interrogatoire principal. Merci,

11 Monsieur le Président.

12 Est-ce que vous avez vu des gens dont on appelle des noms et qu'on fait

13 sortir du camp, qu'on amène quelque part à l'extérieur?

14 Réponse: Oui, j'ai vu, au cours de mon séjour dans le camp, des policiers,

15 des policiers serbes, entrer dans l'enceinte du camp; ils étaient deux,

16 ils sont restés une quinzaine, une vingtaine de minutes dans l'enceinte du

17 camp. On n'avait pas l'impression qu'ils étaient particulièrement

18 intéressés par qui que ce soit. Et à un moment donné, peu de temps après,

19 ils se sont approchés d'un groupe de personnes qui dormaient, des gens qui

20 dormaient à l'extérieur, près du bâtiment. Et donc un homme appartenant à

21 ce groupe-là s'est approché des policiers; je les connaissais. Là, les

22 policiers lui ont donné une cigarette, il l'a allumée. Je n'ai pas entendu

23 la teneur de leur conversation, mais, d'après les gestes qu'ils faisaient,

24 j'avais l'impression qu'ils se connaissaient. S'il avait eu une dent

25 contre lui, j'imagine qu'il ne lui aurait pas donné une cigarette; il

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1 l'aurait passé à tabac.

2 Donc, pendant qu'il fumait encore sa cigarette, eh bien, il est retourné

3 vers le groupe et, ensuite, il est revenu le voir avec cinq autres

4 personnes qui faisaient partie du même groupe. Et là, je les ai vus à

5 nouveau discuter. Ils étaient six donc. Et après cet entretien assez bref,

6 ils sont allés derrière le bâtiment qui faisait office de salle de cinéma.

7 C'est là que je les ai vus avec leur main derrière leur tête; je les ai

8 vus se diriger vers la sortie du camp. Ils étaient au nombre de six.

9 Cela me paraissait étrange, aussi bien pour moi que pour les autres qui

10 étaient en train de regarder, car au début, on les voit discuter

11 amicalement et puis, deux minutes plus tard, on les voit avec leurs mains

12 derrière leur tête. Ensuite, ils sont partis quelque part. Un quart

13 d'heure, 20 minutes ou une demi-heure plus tard, au maximum, on a entendu

14 des rafales, on a entendu des tirs, des armes automatiques. Je ne l'ai pas

15 vu, j'ai juste entendu ces rafales. Donc moi, je n'ai pas pu savoir ce qui

16 s'est vraiment passé. Mais après ces tirs, après ces rafales, on a entendu

17 des tirs individuels et on a pu les compter.

18 Ces tirs étaient au nombre de six, mais, là encore, on ne savait pas ce

19 qui s'était passé; on l'a appris quelques jours plus tard. Un groupe de

20 détenus est allé enterrer ces gens dont je viens de parler, ce qui veut

21 dire qu'ils se sont fait tuer juste à l'extérieur du camp ce jour-là.

22 Question: Vous dites que vous connaissiez cet homme qui a reçu une

23 cigarette, à qui on a donné une cigarette. Est-ce que vous vous souvenez

24 de son nom?

25 Réponse: Oui, Zilhad Foric était son nom.

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1 Question: Est-ce qu'il y en avait d'autres que vous avez reconnus parmi ce

2 groupe?

3 Réponse: Oui, il y avait son frère, -je ne connais pas son prénom-, ainsi

4 que ses deux voisins dont le nom de famille était aussi Foric.

5 Mais je connais le nom de leur père, mais je ne connais leur prénom. Je

6 connais le prénom d'un de leurs frères qui a survécu, qui est encore

7 vivant. Donc c'est deux-là je ne les connaissais pas personnellement, mais

8 je savais qu'ils étaient originaires de ce même village, le village de

9 Forici, et lors de cette occasion, lors de cet incident on a amené trois

10 frères d'un coup, donc le père s'appelait Rasim, il y en avait un qui

11 s'appelait Zilhad et, si le prénom de l'autre frère me vient à l'esprit,

12 eh bien, je vous le dirai.

13 Question: Donc ces six personnes avaient pour nom de famille Foric?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Monsieur le Témoin, pendant que vous étiez dans le camp, étiez-

16 vous en mesure de sortir et d'entrer dans le camp librement?

17 Réponse: Non, nous ne pouvions pas sortir et entrer dans le camp

18 librement. De l'autre côté, pour trouver de l'eau, il fallait se rendre à

19 l'extérieur du camp; donc il fallait traverser la route et les gardes qui

20 se trouvaient à l'extérieur, enfin à l'entrée du camp ou à la sortie du

21 camp, nous laissaient sortir deux par deux pour aller chercher de l'eau.

22 Et c'est à ces occasions-là qu'on a pu quitter le camp; et au mois d'août,

23 peut-être vers la fin du mois d'août, quand on ne pouvait plus recevoir de

24 la nourriture puisque ces femmes qui nous apportaient de la nourriture

25 auparavant avaient été chassées de chez elles et n'habitaient plus à

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1 proximité. Et c'est là, dépendant de la volonté des gardiens, qu'on

2 pouvait éventuellement sortir pour aller trouver des pommes de terre ou

3 des vivres dans des jardins ou dans des greniers. C'est comme cela qu'on a

4 pu sortir de l'enceinte du camp.

5 Question: Qu'en est-il des femmes détenues dans le camp? Est-ce que vous

6 avez vu qu'on fasse sortir ces femmes du camp ou bien qu'on les maltraite?

7 Réponse: En ce qui concerne les femmes dans le camp, depuis le début

8 jusqu'à peu près le mois d'août, on les faisait venir, d'ailleurs pas

9 seulement les femmes, mais les femmes et les enfants chassés des villages

10 environnants. On les a donc placées dans la salle de cinéma et dans cet

11 espace se trouvant derrière le camp; elles séjournaient à cet endroit

12 pendant cinq, six, sept jours, suite à quoi on les déportait par le chemin

13 de fer, c'est-à-dire dans les wagons. Elles partaient en direction que je

14 ne connaissais pas.

15 En ce qui concerne les mauvais traitements éventuels infligés aux femmes,

16 eh bien, je n'en ai pas vu au cours de mon séjour, pas des mes propres

17 yeux. Mais une fois, une nuit, quand on a fait venir les villageois des

18 villages environnants, il y a eu des soldats qui sont venus -d'ailleurs ce

19 n'étaient pas des gardiens, c'étaient des soldats appartenant à une unité

20 de guerre, de combat, qui ont participé sur le territoire de Kozarac-; ils

21 sont donc venus pendant la nuit. Ils ont fait sortir du camp des femmes et

22 des jeunes filles, ils les ont amenées avec eux. Il y en a qui sont

23 retournées le lendemain, au cours de la journée, et d'autres qui sont

24 revenues plus tard. Elles ont sans doute été violées.

25 Mais tout ce que je sais, moi, c'est que le jour suivant, le commandant du

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1 camp était dans l'enceinte du camp. Je parle de Kuruzovic, du commandant

2 Kuruzovic; il y avait un groupe de femmes autour de lui. Moi, je me suis

3 approché du groupe à la fin de la conversation; je l'ai juste entendu

4 dire: "Je vais vérifier cela. Ceci ne devrait plus se reproduire!" Et bien

5 évidemment, j'ai demandé de quoi il en était, de quoi ils ont parlé avec

6 lui, c'étaient des mères, des sœurs, des jeunes filles, des femmes qu'on

7 avait amenées et qui avaient été violées. Elles se sont donc plaintes

8 auprès du commandant et j'ai trouvé qu'elles avaient vraiment du courage

9 de lui poser cette question-là.

10 Question: Monsieur le Témoin, vous êtes parti de Trnopolje le 1er octobre

11 1992?

12 Réponse: Oui.

13 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Ceci

14 conclut notre interrogatoire principal.

15 M. le Président (interprétation): Merci. Nous allons lever l'audience

16 jusqu'à 13 heures 05.

17 (L'audience, suspendue à 12 heures 45, est reprise 13 heures 10.)

18 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, pour le besoin d'un

19 procès juste, c'est maintenant la défense qui va vous poser des questions

20 supplémentaires; donc répondez de la même manière que vous avez répondu

21 aux questions du Procureur. Merci. Ceci, pour votre compréhension.

22 La défense, vous pouvez commencer.

23 (Contre-interrogatoire du Témoin U par Me Ostojic.)

24 M. Ostojic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

25 Monsieur le Témoin.

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1 Je m'appelle John Ostojic et, avec Branko Lukic, nous représentons le Dr

2 Milomir Stakic.

3 Je vais vous poser une série de questions cet après-midi, comme le

4 Président vous l'a mentionné, et je voudrais que vous y répondiez en toute

5 honnêteté. Vous êtes toujours sous serment.

6 Monsieur le Témoin, est-ce que vous me comprenez?

7 Témoin U (interprétation): Oui.

8 M. Ostojic (interprétation): Dans le village, et dans les environs de ce

9 village, je voudrais savoir si vous aviez le même prénom et nom de famille

10 que quelqu'un d'autre?

11 Témoin U (interprétation): Oui.

12 M. le Président (interprétation): Vous voulez passer en audience à huis

13 clos partiel?

14 M. Ostojic (interprétation): Oui, s'il vous plaît.

15 M. le Président (interprétation): Pouvons-nous passer en audience à huis

16 clos partiel, s'il vous plaît? C'est confirmé, veuillez continuer.

17 (Audience à huis clos partiel à 13 heures 12.)

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8 (Audience publique avec mesures de protection à 13 heures 34.)

9 Veuillez reprendre la liste s'il vous plaît, Monsieur l'Huissier.

10 (Intervention de l'huissier.)

11 M. Ostojic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

12 Monsieur le Témoin, vous avez déposé au sujet des points de contrôle qui

13 vous empêchaient d'aller dans la zone de Prijedor, vous vous en

14 souviendrez sans doute. Ma question est la suivante: avant avril 1992,

15 avez-vous eu connaissance de l'existence de points de contrôle musulmans

16 qui auraient été érigés dans la municipalité de Prijedor?

17 Réponse: Avant avril, non.

18 Question: Et pendant le moi d'avril 1992, avez-vous eu connaissance de la

19 mise en place de points de contrôle, quels qu'ils soient?

20 Réponse: Dans la zone de Kozarac, la Défense territoriale était active et,

21 je crois qu'en mai, on a mis en place des points de contrôle à Kozarac

22 même, non seulement je le pense, mais je le sais. Il s'agit de la route

23 qui mène à Kozarac.

24 Question: Nous reviendrons au mois de mai plus tard, mais s'agissant

25 d'avril, savez-vous si, oui ou non, la Défense territoriale, dont vous

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1 venez de parler, qui existait à Kozarac, avait installé des points de

2 contrôle? Je parle d'avril 1992?

3 Réponse: Je ne peux pas l'affirmer avec certitude.

4 M. Ostojic (interprétation): Monsieur le Président, nous avons un petit

5 problème avec l'interprétation de la réponse -fournie à la page 63, ligne

6 18- du témoin. Nous ne sommes pas tout à fait d'accord avec

7 l'interprétation donnée. Peut-être pourrions-nous communiquer à la Chambre

8 et aux interprètes la réponse que nous croyons avoir entendue.

9 M. le Président (interprétation): Le mieux est sans doute de reposer la

10 question et on verra à ce moment-là ce que sera la traduction.

11 M. Ostojic (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que vous me dites

12 que vous ne pouvez pas, d'une manière ou d'une autre, dire si oui ou non,

13 en avril 1992, on a mis en place des points de contrôle musulmans? C'est

14 bien cela que vous nous avez dit?

15 Réponse: Je ne peux pas répondre. Enfin ce n'est pas que je ne peux pas

16 répondre, mais je ne sais pas. La réponse n'est ni oui ni non.

17 M. Ostojic (interprétation): Parlons maintenant du mois de mai 1992. Il me

18 semble que vous avez dit savoir, et avec certitude, qu'il y avait des

19 points de contrôle dans la région de Kozarac.

20 Comment se fait-il que vous ayez appris qu'il existait des points de

21 contrôle qui étaient tenus à Kozarac, en mai 1992, exclusivement par des

22 habitants musulmans ou bien par des membres de la Défense territoriale

23 musulmane.

24 M. Waidyaratne (interprétation): Je me permets d'intervenir, Monsieur le

25 Président, afin d'apporter une précision, car je me demande si

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1 véritablement le témoin a dit qu'il existait des points de contrôle

2 exclusivement musulmans. Je ne vois aucune référence à des points de

3 contrôles musulmans, ni dans les questions ni dans les réponses.

4 M. le Président (interprétation): C'est tout à fait juste. Veuillez, s'il

5 vous plaît, reformuler la question.

6 M. Ostojic (interprétation): Monsieur, en mai 1992, à Kozarac, combien y

7 avait-il de points de contrôle à votre reconnaissance?

8 Témoin U (interprétation): Il y en a un.

9 Question: Où se trouvait ce point de contrôle?

10 Réponse: Il se trouvait sur la route qui quitte Kozarac, c'est-à-dire la

11 route secondaire qui mène à la route principale Prijedor-Banja Luka, pas

12 très loin de la scierie, à environ 200 mètres. Mais ça, c'était en mai,

13 avant les événements qui se sont déroulés à partir du 24 mai.

14 Question: Nous viendrons en temps utile aux événements du 24, mais avant

15 cela, ce point de contrôle dont vous venez de nous parler, par qui était-

16 il tenu?

17 Réponse: Ce point de contrôle était tenu par les membres de la Défense

18 territoriale de Prijedor, c'est-à-dire les gens de la région de Kozarac

19 qui, officiellement, étaient membres de la défense territoriale de

20 Prijedor.

21 Question: Veuillez m'aider à comprendre la situation: est-ce que vous nous

22 affirmez qu'il existait une Défense territoriale distincte qui s'appelait

23 "la Défense territoriale de Kozarac" et qui était distincte d'une autre

24 défense territoriale qui s'appellerait "la Défense territoriale de

25 Prijedor"? Est-ce que c'est ce que vous êtes en train de nous dire? Est-ce

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1 que c'était la situation à l'époque?

2 Réponse: Non, moi, ce que je vous dis, c'est que la Défense territoriale…

3 Et quand je parle de Défense territoriale, je parle des personnes qui

4 étaient membres de force de réserve de l'armée yougoslave et qui étaient

5 dans la région de Kozarac, et dont le commandement se trouvait quelque

6 part à Prijedor. Voilà ce dont je parle.

7 Question: Quelle était la composition ethnique de la Défense territoriale

8 à laquelle vous faite référence? Et je parle donc des gens qui étaient

9 présents au point de contrôle situé près de la route de sortie de Kozarac.

10 Réponse: Pour ce qui est des gens que je connaissais au sein de la Défense

11 territoriale, eh bien, c'étaient des gens qui venaient de plusieurs

12 groupes ethniques et il y avait aussi des Musulmans.

13 Question: Mais, Monsieur, n'avez-vous pas dit que la majorité des membres

14 étaient Musulmans?

15 Réponse: Oui, c'est ce que j'ai dit.

16 Question: Mais je pense qu'il y a un petit problème d'interprétation parce

17 que c'est effectivement ce que vous avez dit. Vous nous dites que la

18 majorité était musulmane sur ce point de contrôle? Est-ce que vous pouvez

19 nous donner des chiffres précis?

20 Réponse: Il y a peut-être un malentendu. Moi, je vous parlais des membres

21 de la Défense territoriale que je connaissais à Kozarac, mais moi, je ne

22 parlais pas… Quand j'ai répondu il y a quelques instants, je ne parlais

23 pas de ce point de contrôle.

24 Question: Procédons par ordre et point par point.

25 S'agissant des membres de la Défense territoriale que vous connaissez, je

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1 crois que vous avez dit que la majorité d'entre eux étaient Musulmans.

2 Est-ce que vous pouvez nous donner un chiffre, nous dire combien ils

3 étaient?

4 Réponse: Vous voulez mon évaluation, vous voulez que je vous donne un

5 chiffre, mais je ne veux pas faire d'erreur. Je peux uniquement vous

6 parler des personnes que je connaissais personnellement, qui étaient

7 membres de la Défense territoriale civile. Mais pour ce qui est de la

8 composition globale de cette force, je ne peux rien affirmer, je ne sais

9 pas.

10 Question: Savez-vous quels autres groupes ethniques étaient représentés au

11 sein de la Défense territoriale civile dont vous venez de parler et dont

12 vous avez dit savoir que la majorité des membres était des Musulmans?

13 Réponse: Votre question était donc de savoir qui d'autre il y avait, à

14 part les Musulmans?

15 Question: Correct.

16 Réponse: Et quels autres groupes ethniques étaient représentés, si j'ai

17 bien compris votre question?

18 Question: C'est bien cela.

19 Réponse: Eh bien, comme je vous l'ai dit, ils étaient tous représentés. Il

20 y avait des gens que je connaissais, je connaissais leur nom, je

21 connaissais leur prénom, qui étaient membres de la Défense territoriale et

22 qui étaient serbes. Et que je voyais parfois en uniforme, l'uniforme de la

23 Défense territoriale. Mais vous donner des chiffres, je ne peux pas, je ne

24 peux vous parler uniquement que de personnes particulières.

25 Question: Le temps est compté, mais j'ai cependant quelques questions à

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1 vous poser pour que ceci soit bien clair: est-ce que vous êtes en train de

2 nous dire qu'en mai 1992, la Défense territoriale était composée de

3 Musulmans, de Serbes et de Croates?

4 Réponse: En mai 1992, je ne sais pas quelle était la composition en fin de

5 compte, mais la Défense territoriale avait une composition mixte. Il y a

6 différentes formations. Il y avait en fait des personnes de différents

7 groupes ethniques qui étaient membres de la Défense territoriale.

8 M. Ostojic (interprétation): Monsieur le Président, je ne sais pas si

9 c'est le moment de faire la pause, parce que je crois que le temps en

10 audience se termine à 13 heures 45. J'ai bien sûr d'autres questions à

11 poser, mais je ne sais pas si je peux prendre une heure supplémentaire.

12 J'aurai besoin d'une heure et demie et de deux heures supplémentaires.

13 M. le Président (interprétation): Je m'excuse, nous devons peut-être faire

14 la pause maintenant et nous pourrons reprendre une série d'autres

15 questions, car vous m'avez dit que vous avez besoin d'une heure et demie

16 ou de deux heures.

17 M. Ostojic (interprétation): Oui, mais au maximum.

18 M. le Président (interprétation): Eh bien, dans ce cas-là, ceci conclut la

19 54e journée d'audience.

20 Je vais demander à M. le Témoin de revenir demain pour répondre à d'autres

21 questions de la défense et peut-être à des questions supplémentaires de la

22 part des Juges.

23 Je vous remercie d'avoir comparu aujourd'hui et nous reprendrons

24 l'audience demain à 14 heures 15.

25 (L'audience est levée à 13 heures 50.)