Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 1er août 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)

3 (Audience publique.)

4 (Le témoin, M. Nusret Sivac, est déjà dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Bonjour. Peut-on demander à la Greffière

6 d'audience de nous donner le numéro de l'affaire, s'il vous plaît?

7 Mme Anoya (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

8 Juges. Il s'agit de l'affaire IT-97-24-T, le Procureur contre Milomir

9 Stakic.

10 M. le Président (interprétation): Merci. Et les comparutions, s'il vous

11 plaît?

12 M. Koumjian (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Nicholas

13 Koumjian, Michael McViker et Lise-Lotte Karlsson pour le Bureau du

14 Procureur.

15 M. le Président (interprétation): Merci. Et la défense?

16 M. Lukic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

17 Juges. Je m'appelle Branko Lukic et je suis assisté de Danilo Cirkovic.

18 M. le Président (interprétation): Nous allons continuer le contre-

19 interrogatoire du témoin jusqu'à 9 heures 40.

20 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Sivac, par Me Lukic.)

21 M. Lukic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

22 Bonjour, Monsieur le Témoin.

23 M. Sivac (interprétation): Bonjour.

24 M. Lukic (interprétation): Je voudrais vous parler de l'année 1991, du

25 mois de septembre 1991.

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1 Savez-vous que le SDA, qui était au pouvoir à Prijedor, n'autorisait pas à

2 la Commission de recrutement d'inspecter la liste des commissions

3 militaires?

4 M. Sivac (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

5 vais préciser tout cela.

6 En 1991, le Parti démocratique Serbe, le SDS, qui opérait aux côtés du

7 parti dûment élu à la municipalité de Prijedor recommandait aux conscrits

8 militaires serbes de se porter volontaires, comme ils le disaient, mais de

9 ne pas établir de rapport au secrétariat national de la Défense; au

10 contraire, ils devaient, en fait, se présenter à la caserne de Prijedor,

11 s'habiller en uniforme et aller combattre en Croatie.

12 Les plus hautes instances gouvernementales, à savoir les instances de la

13 République de Bosnie-Herzégovine et d'autres institutions publiques,

14 expliquaient que les Bosniens -c'est-à-dire les Musulmans- ainsi que

15 d'autres ethnies, ne devaient pas faire l'objet de la propagande serbe et

16 ne devaient pas se présenter aux casernes, porter l'uniforme et aller

17 combattre en Croatie.

18 Et, pour arriver au comble de l'absurdité, le chef du secrétariat de la

19 Défense nationale, Becir Medunjanin, avait été nommé de manière tout à

20 fait régulière. Il était également membre du Parti de l'action

21 démocratique, le SDS.

22 Mais le commandement militaire a tiré parti de cela, c'est-à-dire le

23 commandement militaire de Prijedor qui était dirigé par Vladimir Lasic et

24 par Milo Zeljaja, a essayé de rentrer par la force dans le secrétariat de

25 la Défense nationale et de se saisir d'une liste recensant tous les hommes

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1 mobilisables dans la municipalité de Prijedor.

2 En d'autres termes, Becir Medunjanin, en tant que secrétaire du

3 département militaire de Prijedor, avait tout à fait raison. Il se

4 conformait à des instructions de hautes instances de Sarajevo et il avait

5 tout à fait raison de pas donner à Lasic et à Zeljaja ainsi qu'à ses

6 associés le droit de prendre par la force, de se saisir par la force de la

7 liste des hommes mobilisables de la municipalité de Prijedor.

8 Mais je vais préciser tout cela; je vais vous expliquer pourquoi ils

9 avaient besoin de ces listes d'hommes mobilisables.

10 Un peu plus tard, en 1992, lorsque le Parti démocratique serbe, avec

11 l'aide de l'armée et de la police, a pris le contrôle de Prijedor, ils se

12 sont servi de cette liste pour accuser tous ceux qui ne s'étaient pas

13 présentés et qui n'avaient pas répondu aux avis de mobilisation, qui

14 n'avaient pas fait leur l'idéologie serbe et qui n'avaient pas pris les

15 armes en Slavonie, à Lipik, à Pakrac et dans d'autres parties de Bosnie-

16 Herzégovine.

17 Tous ceux qui avaient refusé de rejoindre les rangs de l'armée serbe, qui

18 étaient soit musulmans soit croates, se voyaient accusés principalement de

19 cela; c'était une des principales raisons qui les avaient menés à être

20 détenus dans les camps d'Omarska et de Keraterm.

21 Je vais vous donner un exemple: Stjepan Maric, un ingénieur croate qui

22 était le directeur du centre de mathématiques électroniques des mines de

23 Ljubija. Bien qu'étant un Croate, il a été mobilisé d'office en tant

24 qu'expert dans les systèmes de lance-roquettes et il a été mobilisé pour

25 aller combattre en Croatie. Il a passé un certain temps en Croatie, mais

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1 il a réussi à se sauver, à s'échapper. Il ne voulait pas tuer ses propres

2 concitoyens, c'est-à-dire les Croates. Stjepan Maric était l'une des

3 premières personnes qui a été détenue au camp d'Omarska et il a été tué en

4 juillet 1992 bien que, pendant une certaine période, il ait servi pour

5 l'armée de la Republika Srpska.

6 Question: Peut-on en déduire que votre réponse est oui, à ma question?

7 Réponse: Oui. Les autorités légalement élues n'ont pas permis aux unités

8 paramilitaires menées par Zeljaja et Lasic d'obtenir ces listes.

9 Question: Est-ce que cela veut dire qu'en 1991, en septembre 1991, la JNA

10 était une formation paramilitaire?

11 Réponse: Non, mais elle devenait monolithe, mononationale. Et au sein de

12 la JNA, il y avait un grand nombre d'unités paramilitaires qui étaient

13 quand même dirigées sous leur contrôle. Ils les armaient, ils leur

14 fournissaient les uniformes. Je ne vais pas entrer dans le détail

15 maintenant.

16 Question: La chaîne de télévision pour laquelle vous travaillez depuis le

17 début du mois de septembre 1991 vous a-t-elle dit, lorsque vous faisiez

18 des reportages sur la JNA, d'utiliser le terme "l'ancienne JNA"?

19 Réponse: Oui. Les Bosniens et les Croates le faisaient parce que la JNA,

20 c'était l'armée populaire yougoslave depuis 1991, a perdu toute son

21 essence; elle est devenue mononationale, monoethnique et elle a commencé à

22 massacrer son propre peuple.

23 Question: D'après vous, les Serbes de Bosnie peuvent-ils effectuer une

24 agression contre la Bosnie?

25 Réponse: Les Serbes de la Bosnie ont été les auteurs de l'agression contre

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1 la Bosnie grâce à l'aide de leurs frères de l'autre rive de la Drina.

2 La Bosnie a été tuée et détruite par les Serbes de Bosnie, pas uniquement

3 par eux, mais par des unités régulières de Serbie. Donc sur le territoire

4 de Prijedor, on pouvait trouver les unités du Corps de Knin, d'Uzice et

5 d'autres unités d'élite qui étaient venues là pour détruire la Bosnie-

6 Herzégovine.

7 Question: Savez-vous qui était à leur tête?

8 Réponse: Leur commandant en chef se trouve à Scheveningen, c'est Slobodan

9 Milosevic, quant aux exécutants de sa politique en Bosnie-Herzégovine, ce

10 sont ceux que l'on recherche avec le plus grand zèle maintenant, c'est

11 Mlado Radic et Radovan Karadzic.

12 Question: Lorsque vous évoquez le pourcentage des citoyens qui se sont

13 présentés au référendum pour voter pour l'indépendance de la Bosnie-

14 Herzégovine, savez-vous quel est le taux de Serbes qui ont participé à ce

15 référendum?

16 Réponse: Je ne le sais pas exactement, mais j'ai fait un reportage sur le

17 référendum. D'après les déclarations des membres des commissions

18 électorales que j'ai visitées moi-même, et je n'en ai visité que quelques-

19 unes, un grand nombre de Serbes a voté pour l'indépendance de la Bosnie-

20 Herzégovine.

21 Quant au nombre, je ne peux… on ne peut pas dire le nombre exact, puisque

22 chacun a le droit de voter secrètement, le vote est tenu secret.

23 Question: Savez-vous si les villages croates de la région de Ljubija

24 étaient armés? De combien d'armes disposaient-ils et ces armes

25 provenaient-elles de Croatie?

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1 Réponse: Les villages de la région de Ljubija, du village croate de

2 l'arrière-pays de Ljubija où le HDZ était au pouvoir, étaient armés, mais

3 faiblement.

4 J'ai déjà eu l'occasion de le dire une fois: les Musulmans et Croates dans

5 la municipalité de Prijedor n'avaient aucune chance. Et même sur le

6 territoire un peu plus large de Banja Luka, puisque le campement militaire

7 le plus important en Europe se trouvait là. Tous les systèmes de roquette

8 y étaient concentrés. Il y avait un grand nombre de soldats de l'ancienne

9 JNA qui s'étaient retirés de la Slovénie et de la Croatie, étaient là avec

10 leurs unités, donc les Musulmans et les Croates n'avaient aucune chance

11 là-bas.

12 Les armes dont disposaient les Croates dans l'arrière-pays de Ljubija et

13 Kozarac ne représentaient rien par rapport à ce dont disposaient l'armée

14 serbe et la police serbe.

15 Question: Merci. Savez-vous qu'au mois de mars 1992, les habitants de

16 Donja Puharska ont commencé à former des patrouilles de nuit?

17 Réponse: Suite à la décision du comité exécutif de l'assemblée municipale,

18 légalement élu à l'époque, les citoyens de Prijedor dans les enclaves qui

19 étaient habitées par une majorité de Musulmans, voyaient des soldats

20 serbes ivres et à moitié sauvages, entrer, faire irruption dans leur

21 village.

22 Ils étaient stationnés, comme je vous l'avais déjà dit, dans la région.

23 Donc dans la nuit, ils entraient dans les quartiers qui étaient habités

24 par les Musulmans et par les Croates. Ils tiraient, ils menaçaient, ils

25 lançaient des provocations. Et lors d'une des réunions de l'assemblée

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1 municipale, on avait pris une décision, si mes souvenirs sont bons, de

2 former dans ces communautés locales habitées par les Musulmans et les

3 Croates, donc de créer des patrouilles et des points de contrôle avec deux

4 ou trois hommes pour prévenir quelqu'un qui se trouvait justement dans la

5 caserne au moment où des soldats ivres faisaient irruption.

6 Question: Donc la réponse à ma question est oui, n'est-ce pas?

7 Réponse: Oui. Mais ces points de contrôle n'avaient pas de militants; leur

8 unique mission était de contrôler les entrées dans des enclaves

9 musulmanes.

10 Question: En mars 1992, le chaos, l'anarchie, la contrebande et la

11 corruption régnaient-ils dans la municipalité?

12 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai déjà évoqué la

13 situation politique dans la municipalité de Prijedor en 1992; cette même

14 situation régnait en 1991. L'assemblée municipale de Prijedor comportait

15 une trentaine de députés du SDA, 28 du SDS, alors que les autres

16 appartenaient à d'autres partis.

17 Aucune décision n'aurait pu être prise, aucune décision vitale pour les

18 citoyens de Prijedor parce que, à toute prise de décision, les députés du

19 SDS faisaient obstruction. Et ils avaient une influence directe, de ce

20 fait, sur le fait qu'aucune décision n'a pu être prise; même les décrets,

21 les décisions fondamentales pour la vie normale à Prijedor.

22 Les députés serbes, en faisant obstruction de telle manière, voulaient

23 juste gagner du temps. Ils voulaient qu'il n'y ait aucune amélioration

24 dans la vie de la municipalité de Prijedor et, paradoxalement, ils

25 faisaient en sorte qu'une municipalité, une armée serbe parallèle soit

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1 créée. Et en avril, vers la fin du mois d'avril, lorsqu'ils ont pris le

2 pouvoir, ils accusaient le SDA et les autres parties d'être les

3 responsables de la mauvaise situation qui régnait dans la municipalité de

4 Prijedor.

5 Je souhaiterais ajouter une chose: après l'arrivée au pouvoir des partis

6 nationaux, les fonctions les plus importantes ont été réparties

7 uniquement, alors que les entreprises publiques, les dirigeants, les

8 postes dirigeants n'ont pas été répartis. Et l'une des raisons en était

9 que la partie serbe faisait obstruction de manière systématique. 95% de

10 ces postes étaient occupés par des Serbes qui avaient appartenu au système

11 précédent. Et, comme je l'ai déjà dit, il n'était pas important d'être

12 membre du SDS. Ils travaillaient tous ensemble dans le but de transformer

13 Prijedor en une ville serbe et de faire disparaître ceux qui appartenaient

14 à d'autres groupes ethniques.

15 Question: La cellule de crise, avec à sa tête Medunjanin, et avec Iljiaz

16 Memic, Osman Didovic, Muta Tadic, a-t-elle été créée?

17 Réponse: Après avoir vu, observé ce qui se passait dans d'autres zones du

18 territoire de la municipalité de Prijedor, et lorsqu'ils ont remarqué

19 qu'ils avaient été abandonnés par le SDA et le Q.G. à Prijedor, des

20 citoyens de Kozarac ont créé une cellule de crise, mais que pour une

21 courte période de temps. Ils avaient acheté un peu d'armes, ils ont tenté

22 de s'organiser entre eux, ils en ont reçu quelques-unes. Mais le peuple de

23 Kozarac n'a jamais eu l'intention -et ceci apparaît dans leur toutes leurs

24 décisions-, n'a jamais eu l'intention d'attaquer qui que ce soit. Et

25 pourtant, Kozarac était entouré de villages serbes. Ils voulaient juste

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1 défendre leurs foyers, leur ville, si la police et les soldats serbes

2 attaquent la ville de Kozarac.

3 Question: A Ljubija en mai 1992, Branko Bjekic a été remplacé, commandant

4 de police à Lubljia croate, par Fikret Sarajlic qui avait été licencié à

5 Prijedor. Et Drago Tokmadzic lui a porté assistance, ainsi que Ismet

6 Taric, Aziz Aliskovic et Velid Krupic. Ils ont repris le poste de poste de

7 police de Ljubija. Est-ce exact?

8 Réponse: Oui, mais c'était bref; pendant une courte période de temps. Ils

9 n'ont pas accepté que Simo Drljaca et les extrémistes du SDS qui avaient

10 repris le poste de police de Prijedor… ne voulaient pas que ces gens-là

11 soient leurs commandants.

12 Je souhaite ajouter que tous les membres de la cellule de crise de Kozarac

13 et les policiers, avec Fikret Sarajlic à leur tête, qui avaient repris le

14 poste de police à Ljubija, ils ont tous été tués à Omarska.

15 Question: Votre neveu Adnan portait des colis à Slavko Ecimovic, à Kurevo,

16 ou il les envoyait par l'intermédiaire de Hamed Cuk et Slavko Ecimovic.

17 Est-ce exact?

18 Réponse: Oui, mon neveu Adnan était un ami d'école de Slavko Ecimovic, ils

19 allaient ensemble au lycée. C'était son témoin de mariage. Slavko Ecimovic

20 était le témoin de mariage de mon neveu Adnan.

21 M. Lukic (interprétation): D'après vous, combien y avait-il de détenus à

22 Trnopolje?

23 M. Sivac (interprétation): Lorsque je suis arrivé, il y avait environ

24 5.000 personnes. L'école primaire était bondée, l'école primaire qui se

25 trouvait au sein du camp. Le foyer de la coopération où il y avait une

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1 salle de cinéma était bondé également, ainsi que d'autres salles annexes.

2 Je ne souhaiterais pas m'attarder là-dessus, je pense que ce n'est pas

3 très important. Mais le plus grand nombre de détenus de Trnopolje…

4 M. le Président (interprétation): Il me semble que nous avons quelques

5 problèmes techniques. On entend un bruit.

6 M. Sivac (interprétation): C'est bon, maintenant.

7 Le plus grand nombre de détenus à Trnopolje se trouvaient à l'extérieur,

8 dans des baraques qu'ils avaient fabriquées eux-mêmes grâce aux

9 couvertures, un peu, de paille. C'était improvisé. Donc quand il pleuvait

10 ou quand il faisait trop chaud, ils se réfugiaient là-dedans.

11 M. Lukic (interprétation): Savez-vous si les compagnies de Kurevo étaient

12 divisés en quatre groupes?

13 A la tête du premier groupe se trouvait Kajmo Alagic et son groupe était

14 responsable de Ljubija. Le capitaine Sead Halilovic faisait partie de ce

15 groupe. Le deuxième groupe, à la tête duquel se trouvait Slavko Ecimovic,

16 était responsable de Zagar, de Polje, de Tukovo et de Prijedor.

17 Le troisième groupe, que commandait Asmir Muhic, lieutenant, contrôlait la

18 région de Rizvanovici, de Hambarine et de Biscani.

19 Le quatrième groupe, commandé par Izet Mesic, alias "Hadzija", et Nedad

20 Babic, était stationné sur le territoire de Skela, Rasovci et Puharska.

21 Etiez vous au courant de tout cela?

22 M. Sivac (interprétation): J'ai quelque problème technique avec mon

23 casque… Mais maintenant, ça va.

24 Maître Lukic, ce que vous venez de me dire, ce sont des informations qui

25 ne sont basées sur aucun document. Ces informations proviennent de

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1 "Kozarski Vijesnik", donc d'un journal, et elles ont été écrites par Rade

2 Mutic et Zivko Ecim un an après la prise de pouvoir.

3 Donc ce que vous venez de nous dire a été rédigé par Rade Mutic et Zivko

4 Ecim. Quant à la pertinence de ces informations, c'est à vous d'en juger.

5 Je dispose également d'une copie de "Kozarski Vijesnik", de l'exemplaire

6 de "Kozarski Vijesnik" où apparaissent ces informations. Je peux vous

7 l'offrir, si vous voulez.

8 M. Lukic (interprétation): (Hors micro.)

9 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)

10 M. Sivac (interprétation): Un micro fonctionne… Et à présent, j'en ai

11 deux. C'est bon.

12 M. le Président (interprétation): Quelquefois, c'est intentionnel;

13 quelquefois, on ne branche qu'un micro puisque, tout à l'heure, on avait

14 une liaison avec Banja Luka.

15 Donc je souhaiterais juste revenir sur un point. Vous venez de nous dire:

16 "Si vous voulez, j'ai une copie de 'Kozarski Vjesnik', de l'exemplaire où

17 cela apparaît; je peux vous l'offrir". Je vous prie donc de le faire, de

18 nous le donner cet après-midi, après la pause.

19 M. Sivac (interprétation): Je peux vous le donner cet après-midi, donc les

20 extraits de "Kozarski Vijesnik"; je les ai dans ma Chambre.

21 M. le Président (interprétation): Oui, je vous prie de nous le donner.

22 M. Lukic (interprétation): Selon les informations dont je dispose, le

23 journal de Mirza qui a participé, donc, à l'attaque contre Prijedor, a

24 servi de base pour ces informations.

25 M. Koumjian (interprétation): Je soulève une objection: il n'y a pas de

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1 question posée au témoin.

2 M. le Président (interprétation): Objection retenue.

3 M. Lukic (interprétation): Avez-vous lu, avez-vous eu l'occasion de lire

4 le journal de Mirza, l'un des participants à l'attaque dirigée contre

5 Prijedor?

6 M. Sivac (interprétation): Mirzet D. est une personne que je connais de

7 longue date, c'est de Prijedor. Il a participé à la libération de Prijedor

8 avec Slavko Ecimovic. Il faisait partie de son groupe.

9 Ses impressions… Il m'a relaté ses impressions, liées à cet événement et

10 je les ai utilisées pour mon livre, lorsque j'ai rédigé mon livre. Mais je

11 souhaiterais vous demander: d'où détenez-vous l'exemplaire de mon livre?

12 M. Lukic (interprétation): Ce n'est pas à moi de témoigner.

13 M. Sivac (interprétation): Mais je soulève une objection si l'on commence

14 à parler de mon livre. Mon livre n'est pas un document, il n'a aucune

15 valeur d'archive, il a été écrit pour le public, et Me Lukic a paraphrasé

16 quelques extraits de mon livre. Je ne pense pas que ce soit pertinent.

17 Toutes les questions que vous m'avez posées ont été tirées de mon livre,

18 sur la base des extraits de mon livre.

19 Il ne s'agit pas d'une soirée littéraire ici, ce n'est pas une discussion

20 littéraire, et vous n'êtes pas critique littéraire, vous n'êtes pas

21 historien pour porter des jugements sur ce qui figure dans mon livre.

22 Dans une procédure régulière, je peux même répondre de certaines parties

23 de mon livre, même en Republika Srpska, s'il le désire devant un tribunal

24 civil. Si jamais il y a quoi que ce soit de litigieux, je suis prêt à

25 répondre là-dessus. Mais ce livre ne doit pas être une forme, une base

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1 quelconque pour dresser un acte d'accusation contre votre client. Devant

2 cette Chambre, je ne peux que confirmer les déclarations que j'avais

3 faites auprès des enquêteurs du Bureau du Procureur. Quant au livre, c'est

4 un autre chapitre.

5 M. le Président (interprétation): Je souhaiterais demander aux parties de

6 ne pas discuter de littérature. Nous avons un témoin devant nous. Et notre

7 objectif est d'entendre de sa bouche ce qu'était son expérience d'après le

8 meilleur de ses souvenirs et ne pas évoquer des sources de seconde main.

9 M. Lukic (interprétation): L'ouï-dire est permis devant le Tribunal, la

10 défense souhaiterait exclure cette sorte de témoignage. Nous allons

11 renoncer à cette ligne de questionnement.

12 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas une question d'ouï-dire. Le

13 témoin a dû répondre à une série de questions et, sur ces questions, il a

14 répondu de manière appropriée. Et je voudrais que l'on revienne à ce qu'on

15 appelle "ouï-dire", mais des sources secondaires. Sinon, il suffit de lire

16 le livre de ce témoin et il ne serait pas nécessaire à procéder à un

17 contre-interrogatoire viva voce.

18 M. Lukic (interprétation): C'est exactement ce que j'ai fait. Je n'ai

19 jamais mentionné son livre; j'ai utilisé son livre pour essayer d'établir

20 des présomptions sur ce que le témoin savait ou ne savait pas. Et s'il ne

21 le sait pas, il peut nous le dire. Mais je dois disposer de certaines

22 sources pour la connaissance du témoin.

23 M. le Président (interprétation): Vous avez raison mais, malheureusement,

24 je reviens à la partie où vous aviez dit: "Est-ce que vous avez lu tel ou

25 tel livre?". Et c'est ce genre de question que je n'admettrai pas.

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1 M. Lukic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

2 Savez-vous qui, le 23 mai 1992, a envoyé un message aux habitants de

3 Hambarine de façon à ce qu'ils remettent leurs armes?

4 M. Sivac (interprétation): Pour autant que je me souvienne, il s'agissait

5 d'un ultimatum qui avait été lu par des journalistes de la Radio Prijedor

6 pour le compte de la cellule de crise de la municipalité de Prijedor, la

7 cellule de crise serbe de la municipalité de Prijedor.

8 M. le Président (interprétation): Je voudrais déjà vous demander de nous

9 arrêter car il est déjà 9 heures 42 et nous devons nous préparer.

10 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, j'ai reçu de

11 mauvaises nouvelles. En fait, la liaison satellite ne fonctionne pas et je

12 propose que l'on continue jusqu'à ce que la liaison revienne.

13 M. le Président (interprétation): Il est bon de savoir que le Bureau du

14 Procureur a toujours des informations mises à jour. Donc faites-le-nous

15 savoir dès que la liaison est rétablie, car nous avions déjà entendu un

16 signal de Banja Luka.

17 M. Koumjian (interprétation): Je ne sais pas si la régie a des

18 informations différentes, et mon contact à Banja Luka me le dira.

19 Mme Anoya (interprétation): La régie a la même information que vous et on

20 essaie de régler le problème.

21 M. Lukic (interprétation): Puis-je continuer?

22 (Le Président acquiesce de la tête.)

23 Est-ce que vous avez dit que Milan Mutic a demandé que l'on remette ces

24 armes?

25 M. Sivac (interprétation): Oui. A un moment, je sais que l'ultimatum pour

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1 que la population de Hambarine remette ses armes avait été émis

2 directement par Milan Mutic, le directeur de "Kozarski Vjesnik", qui avant

3 portait l'uniforme de l'armée yougoslave et était un haut gradé de

4 l'armée. C'était un officier de réserve de l'école de Bileca, et c'était

5 également quelqu'un qui avait été formé pour reprendre en charge les

6 médias et pour utiliser ces médias en période de guerre de façon à émettre

7 ce genre d'ultimatum.

8 Question: Et en ce qui concerne les hauts dirigeants du SDS, où étaient-

9 ils, ainsi que leur famille, lorsque le conflit a éclaté?

10 M. Sivac (interprétation): Je ne peux pas vous entendre... Ah si,

11 maintenant, je vous entends!

12 Monsieur Lukic, je voudrais tout d'abord faire une introduction.

13 Dans la préparation d'autres affaires, j'ai eu la possibilité d'obtenir

14 certains documents au sujet de Prijedor. Et, dans une émission

15 radiophonique de "Radio Prijedor" qui commémorait le 3e Anniversaire de la

16 Libération de Prijedor –c'est ainsi que les Serbes ont appelé cet

17 événement-, le 30 mai a été décrété jour férié dans la ville; c'est le

18 jour, en fait, où le nettoyage ethnique a commencé. Le leader du Parti

19 démocratique, Miskovic, a dit que lorsqu'ils avaient lancé l'action le 30

20 avril pour la prise de pouvoir, Mirza Mujadzic s'était rendu aux casernes

21 et avait discuté avec Miskovic, avec Zeljaja également et avec d'autres

22 personnes, pour savoir comment ils allaient prendre le contrôle. Et Simo

23 Miskovic a dit que la chose la plus importante était de reprendre le

24 pouvoir sans que des coups de feu soient échangés; il a dit que les

25 problèmes n'avaient été soulevés lorsqu'ils avaient essayé de savoir où

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1 ils allaient prendre leur dîner après cette réunion.

2 Après la prise de contrôle, et sous l'instruction de ses amis du SDS, ils

3 se sont rendus dans les environs de Hambarine et dans la région de

4 Carakovo où ils ont passé un certain temps.

5 Et il est vrai que le Dr Mirza Mujadzic, à l'époque où c'était encore

6 possible, avait envoyé sa famille quelque part à l'extérieur de Prijedor?

7 M. Lukic (interprétation): Merci?

8 M. Koumjian (interprétation): Je crois que la question qui a été posée

9 était, en fait, le dirigeant du SDA, mais je vois sur le compte rendu

10 d'audience qu'il est mentionné "le SDS" et non le SDA.

11 M. Lukic (interprétation): C'est exact, Monsieur le Président.

12 M. le Président (interprétation): Je vous remercie pour cette précision,

13 Monsieur Koumjian.

14 M. Lukic (interprétation): Vous avez dit que vous avez été passé à tabac

15 dans le camp d'Omarska; est-ce exact?

16 M. Sivac (interprétation): Pas uniquement moi, mais tous les autres

17 codétenus.

18 Question: Qu'est-il advenu de vos lunettes lorsqu'on vous passait à tabac?

19 Réponse: Je ne portais pas de lunettes, à Omarska.

20 Question: Quel est le niveau de votre hypermétropie?

21 Réponse: Je crois que c'est +5, à l'heure actuelle.

22 Question: Et en 1992?

23 Réponse: A l'époque, c'était +0,75. J'avais des lunettes, mais je ne les

24 utilisais que de temps en temps, car j'avais peur. Mais, de manière

25 générale, je ne les utilisais pas car je n'en avais pas vraiment besoin, à

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1 l'époque.

2 Question: Suivez-vous les affaires qui ont été portées à la connaissance

3 du Tribunal, et notamment celles qui ont trait à Prijedor?

4 Réponse: Dans le pays où je vis, tout ce que je peux suivre auprès de

5 l'agence de presse est l'affaire Milosevic, et seulement l'affaire

6 Milosevic, qui est vraiment le centre de tous les intérêts. Il n'y a pas

7 d'information sur les autres affaires.

8 Question: Est-ce que vous préparez un film documentaire? Car je présume

9 que vous voyez de nombreux documents à ce que sujet, n'est-ce pas?

10 Réponse: Eh bien, je collecte encore, je glane encore certains documents,

11 mais je ne me suis pas encore lancé dans le tournage de ce film. Mais j'ai

12 déjà enregistré certaines choses; je me suis rendu dans des camps de

13 réfugiés en Bosnie, c'est-à-dire dans des emplacements où les personnes de

14 Prijedor se trouvent encore et j'ai parlé à des habitants de Prijedor qui

15 vivent à l'étranger. J'ai préparé certains épisodes et peut-être qu'un

16 jour ou l'autre, je présenterai ce film documentaire.

17 Question: Savez-vous à quelle époque le Dr Stakic a commencé à faire

18 pousser sa barbe?

19 Réponse: Ça, c'est vraiment une question très personnelle. Je ne sais pas

20 quand il a commencé à faire pousser sa barbe.

21 M. Lukic (interprétation): Mais vous avez dit qu'il avait commencé à faire

22 pousser sa barbe et à prendre du poids et qu'il apparaissait plus âgé.

23 Est-ce que vous savez quand ceci s'est passé?

24 M. Sivac (interprétation): Non, non, c'est le premier jour où j'ai comparu

25 ici pour l'identification.

Page 6792

1 M. le Président (interprétation): Je crois qu'il est vrai que cette

2 question ne peut pas faire l'objet d'une réponse de la part du témoin. Je

3 lui demande de ne plus faire d'autres commentaires.

4 M. Lukic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Sivac. Je m'excuse

5 si vous pensez que certaines de mes questions étaient désagréables. Je

6 vous remercie.

7 Ceci constitue la fin de mon contre-interrogatoire et je vous souhaite un

8 bon retour dans votre ville.

9 M. Sivac (interprétation): Je vous remercie, Maître Lukic, pour votre

10 contre-interrogatoire tout à fait en bon et due forme; vous êtes un

11 professionnel. Et je vous souhaite beaucoup de réussite dans la défense de

12 votre client. Merci.

13 M. le Président (interprétation): Avez-vous des questions supplémentaires

14 à poser?

15 M. Koumjian (interprétation): Non, Monsieur le Président.

16 M. le Président (interprétation): Je viens d'apprendre que la liaison est

17 totalement rompue; nous devons donc continuer. Qu'en est-il de cette vidéo

18 que vous nous avez préparée, Monsieur Koumjian?

19 M. Koumjian (interprétation): J'ai demandé quel était l'état d'avancement

20 du transcript. Je pense que nous avons certainement maintenant un

21 transcript de cette vidéo. Nous l'avons en BCS, mais je ne pense pas que

22 nous ayons une traduction en anglais.

23 Mais si, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous souhaitez faire

24 une pause maintenant de 15 minutes, je pourrais vérifier. On pourra peut-

25 être faire une pause un peu plus longue car, en fait, la qualité sonore,

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1 comme vous, Monsieur le Président et Messieurs les Juges, l'avez entendu

2 la première fois, est encore pire que la première partie de la vidéo que

3 vous avez visionnée, c'est-à-dire celle de l'entretien avec le Dr Stakic.

4 Donc je ne sais pas si les interprètes veulent visionner ceci. Et si vous

5 voulez également la visionner ici, vous, Monsieur le Président, Messieurs

6 les Juges.

7 M. le Président (interprétation): Quel est l'objectif? Combien y a-t-il de

8 séquences que vous voulez visionner?

9 M. Koumjian (interprétation): Il y a trois séquences, en fait, et ceci

10 représente un total de 15 minutes. Et en fait, je ne pense pas qu'on

11 puisse le présenter devant le témoin. Le témoin a peut-être des

12 commentaires, mais c'est un rapport de M. Mutic, je pense; M. Sivac a déjà

13 mentionné cela. Cela va sans dire.

14 (Questions de M. le Président au témoin, M. Nusret Sivac.)

15 M. le Président (interprétation): Mais je crois que ça pourrait très utile

16 que le témoin nous donne des commentaires, car il a énormément

17 d'expérience dans ce domaine.

18 Mais, avant le début de la pause, j'ai une question. Malheureusement, je

19 n'ai pas le compte rendu d'audience d'hier sous les yeux mais, de mémoire,

20 je crois que vous avez mentionné un document; je crois qu'il s'agissait du

21 document portant la cote S243 sur la destruction de différents bâtiments,

22 et qu'il y a certains documents qui ont été falsifiés, plusieurs documents

23 qui ont été falsifiés.

24 Et il semble que beaucoup de personnes soient au courant de ces documents

25 qui ont été falsifiés ou qui ont été modifiés à un stade ultérieur. On ne

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1 vous a pas posé de questions à ce sujet et je voudrais que vous nous

2 expliquiez un peu cela.

3 Est-ce qu'il s'agit d'une rumeur ou est-ce que vous êtes au courant de la

4 falsification de documents de ce type? Et si tel est le cas, qui est

5 l'auteur de ces falsifications et à quelles fins?

6 En fait, la toile de fond de cette question est la suivante: nous devons

7 nous fier à plusieurs documents et nous ne pouvons pas nous fier à des

8 documents dont l'authenticité est remise en question. Par conséquent,

9 j'aimerais que vous nous expliquiez si vous avez plus de renseignements

10 personnels sur ces prétendues falsifications de documents.

11 M. Sivac (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les

12 connaissances dont je dispose sont une chose, mais il y a également les

13 personnes qui sont actuellement au pouvoir dans la municipalité de

14 Prijedor et qui connaissent cela. A savoir qu'une grande quantité de

15 registres du cadastre, d'autres registres qui recensent les biens

16 immobiliers de la municipalité de Prijedor… Et ces documents ont été

17 falsifiés, ont été modifiés. Et tous les documents qui ont été publiés par

18 les autorités de la municipalité de Prijedor doivent faire l'objet, en

19 fait, d'un examen très poussé.

20 Lorsque le SDS a pris le pouvoir, la première chose qu'ils ont fait, c'est

21 qu'ils se sont saisi des registres du cadastre et des autres listes de

22 biens immobiliers, et de falsifier ces registres en ce qui concerne leurs

23 propriétaires par exemple. Et, maintenant, les personnes essaient de re-

24 modifier le nom des propriétaires de ces biens immobiliers et elles

25 rencontrent énormément de problèmes.

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1 Ce serait donc ma réponse à votre question. Donc je vous demanderai peut-

2 être de comparer ces documents avec les documents que vous obtiendrez

3 peut-être à Sarajevo.

4 Question: Donc, si je comprends bien votre question, c'est qu'en fait, ces

5 registres du cadastre et ces autres études de géomètres, par exemple, sont

6 les listes ou les registres que vous aviez à l'esprit lorsque vous avez

7 parlé de la falsification de documents ou de registres. Est-ce que vous

8 savez si d'autres documents ou même des articles de journaux tel que le

9 "Kozarski Vjesnik", ou s'il y a des ordres écrits qui émanaient des

10 différentes autorités de la municipalité qui étaient intitulés ou qui

11 avaient comme en-tête "présidence de guerre ou cellule de crise", est-ce

12 que vous savez si ces documents ont également fait l'objet de

13 falsification?

14 Réponse: Je n'ai pas d'information à ce sujet, mais je voudrais attirer

15 votre attention sur un numéro du "Kozarski Vjesnik". Je ne sais pas si on

16 vous a déjà parlé de cela. Dans ce numéro, vous avez une carte. Je crois

17 qu'il s'agit du numéro… d'un numéro de mars ou d'avril 1992 du "Kozarski

18 Vjesnik". Et sur cette carte, vous avez la municipalité de Prijedor qui

19 est divisée en deux parties, la partie serbe et la partie musulmane. Et,

20 dans la légende, on voit que les Serbes détiennent 70% du territoire de la

21 municipalité de Prijedor.

22 Déjà, à l'époque, ils avaient, en fait, pris le contrôle de la plupart des

23 sociétés, également d'une grande partie du Parc national de Kozara,

24 d'exploitations agricoles publiques également. Et ils disaient que ces

25 sociétés devraient en fait appartenir à des ressortissants serbes. Et les

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1 Musulmans n'avaient rien reçu.

2 Ils n'avaient reçu, en fait, que de petits villages où les Musulmans,

3 c'est-à-dire les Bosniens, et les Croates constituaient la majorité de la

4 population.

5 Question: Merci. Comme nous l'avons déjà mentionné, nous aimerions que

6 vous nous apportiez, cet après-midi, ce numéro de "Kozarski Vjesnik" que

7 vous avez déjà mentionné. Et je vais vous poser une question

8 supplémentaire.

9 Réponse: Oui, Monsieur le Président.

10 Question: Dans le cadre de votre recherche, est-ce que vous avez eu la

11 possibilité de prendre connaissance du n°1, en 1992 du Journal officiel de

12 Prijedor?

13 Réponse: Non, Monsieur le Président. Cependant, grâce à des contacts

14 personnels que j'avais, j'ai essayé d'obtenir des documents qui me

15 permettraient de rédiger un nouvel ouvrage ou de faire un film. Mais ce

16 qui m'intéressait par-dessus tout, c'était le procès-verbal ou plutôt les

17 archives provenant des camps d'Omarska et de Keraterm où les détenus

18 avaient fait l'objet d'enquêtes et avaient été interrogés.

19 Grâce à mes amis qui vivent sur place –et, pour assurer leur sécurité, je

20 me garderai de mentionner leur nom-, j'ai essayé d'obtenir plusieurs de

21 ces éléments d'archives. Mais, en dépit de tous mes efforts, on m'a dit

22 que les documents portant sur les enquêtes menées dans ces camps d'Omarska

23 et de Keraterm avaient été brûlés aussitôt après la fermeture des camps,

24 ce qui veut dire que les archives ont été détruites.

25 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

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1 Monsieur le juge Fassi Fihri, vous avez des questions que vous voulez

2 poser au témoin? Non?

3 Juge Vassylenko?

4 (Questions de M. le Juge Vassylenko au témoin, M. Nusret Sivac.)

5 M. Vassylenko (interprétation): Vous avez dit, à propos du mois de

6 novembre 1994 -à la page 9 de la version en anglais- que les Serbes, lors

7 des réunions serbes de Maricka, un village utilisé par les Chetniks comme

8 base et d'où étaient originaires la plupart des gardes d'Omarska, que dans

9 ce village on voyait des gens apparaître qui portaient des casquettes

10 d'uniforme avec des cocardes et d'autres insignes chetniks.

11 Pourriez-vous expliquer pourquoi ce village ou cette ville est devenue une

12 base pour des Chetniks et pourquoi il y a eu des réunions serbes?

13 M. Sivac (interprétation): Vous faisiez référence, Monsieur le Juge, à un

14 meeting qui s'est organisé dans le village de Maricka, devant une des plus

15 anciennes églises orthodoxes de la région. Ceci s'est passé au mois d'août

16 1990, à l'occasion d'un jour férié serbe important; c'était la fête de

17 Saint-Ilica (phon.). Et ce n'est pas par hasard que Maricka a été

18 sélectionnée.

19 Plus d'un mois avant cet événement, j'étais en train de filmer dans un

20 village voisin, celui de Nisivici; je filmais une cérémonie -et je ne sais

21 pas s'il est possible de traduire ce terme- mais il y avait eu les

22 fondements d'une église détruite au cours de la Seconde Guerre mondiale

23 qui avaient été consacrés. Cette église avait été détruite par des

24 partisans, mais elle avait été une base chetnik pendant la Seconde Guerre

25 mondiale. 50 ans plus tard, les autorités de Prijedor ont permis qu'une

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1 église soit rebâtie sur ces fondations.

2 Et dès ce moment, plusieurs mois avant cet événement, il apparaît déjà

3 clairement… Il y avait des étals improvisés tout autour de l'église; on y

4 vendait des emblèmes chetniks, des chants chetniks étaient diffusés par

5 les haut-parleurs de façon très sonore et bruyante. Et tout ceci se

6 faisait sans qu'on essaie aucunement de dissimuler les intentions.

7 Je vous l'ai dit, par tradition, cette région a toujours voué un véritable

8 culte à l'idéologie de Draza Mihaljovic et de ses adeptes. Et pendant 50

9 ans, on essayait de maintenir les grandes lignes esquissées par ce

10 dirigeant, Draza Mihaljovic; on voulait nettoyer toute cette région des

11 Croates et des Musulmans. Il voulait que cette région soit uniquement,

12 exclusivement serbe.

13 Je l'ai dit dans un de mes textes, les masques portés par ces gens sont

14 tombés, à l'époque. Des choses oubliées depuis longtemps ont resurgi. Les

15 symboles du mouvement chetnik, la tocarde notamment, sont réapparus. Ils

16 sont devenus, à nouveau, des endroits où la criminalité pouvait sévir. Et

17 ce que je pensais s'est avéré.

18 Je vous le répète, Monsieur le Juge, Maricka n'a pas été choisi par

19 hasard. C'était un des lieux où avaient été alimentées en secret des

20 rancœurs anciennes, où des plans avaient été tramés visant à tuer tous les

21 non-Serbes. Et, comme ceci a été dit plus tard par le général Mladic dans

22 un entretien après la conquête de Srebrenica: "Après de nombreuses années,

23 nous pouvons prendre notre revanche contre les Turcs". C'est comme cela

24 qu'ils nous ont appelé, ils voulaient se venger de la rébellion et de tout

25 ce qui s'était passé.

Page 6799

1 Question: Avez-vous des connaissances s'agissant des rapports entretenus

2 par l'accusé M. Stakic et d'autres dirigeants de la Republika Sprska?

3 Réponse: Je n'en ai pas de preuve. Je n'ai pas de document qui puisse

4 étayer ces thèses, mais vu le poste qu'il occupait, il devait forcément

5 avoir des contacts avec ces personnes. N'était-ce pas la politique de

6 Radovan Karadzic et de ses associés politiques qu'il a promptement,

7 diligemment mise en place à Prijedor et appliquée à Prijedor?

8 Question: Vous parlez de cette participation allemande à la Commission des

9 experts des Nations Unies s'agissant du projet de Prijedor, tout ceci en

10 mars 1994. Et, dans ce cadre, vous mentionnez le nom de Ranko Curcija.

11 Apparemment, ce monsieur est un membre de la cellule de crise, selon vous,

12 et vous avez dit qu'il était également président du Parti radical chetnik.

13 Pourriez-vous nous en dire davantage à propos de ce parti radical serbe de

14 la municipalité de Prijedor et de ses activités?

15 Réponse: Monsieur le Juge, cet homme s'appelle Ranko Curcija. C'était un

16 moniteur dans une école de conduite automobile. Il a été pendant très peu

17 de temps en 1992, il était à la tête du parti radical de Prijedor, pour

18 autant que je sache. Et lui était adepte de la politique prônée par son

19 idole, Seselj auquel il a réservé un accueil très chaleureux dans la

20 municipalité de Prijedor.

21 Il y a eu un grand meeting de ce parti radical à Prijedor dans le théâtre

22 amateur, et y participaient leurs dirigeants, Vojislav Seselj en personne.

23 Il a conservé ce poste de dirigeant du Parti radical -et là, je parle de

24 Curcija- que pendant peu de temps, parce que le président du Parti radical

25 a expliqué que Curcija était un Serbe qui avait épousé une Croate.

Page 6800

1 Il était inconcevable, a-t-il dit, que le Parti radical ait à sa tête une

2 personne qui avait épousé une Croate, qui vivait avec cette femme. Ranko

3 Curcija a donc été remplacé et, si je ne m'abuse, il a été envoyé en guise

4 de punition au combat. Et ce poste de Président du Parti radical a été

5 ensuite occupé par un de mes collègues qui était journaliste et banquier,

6 il s'appelait Branko Maksimovic; c'était le correspondant de "Politika",

7 un journal de Belgrade.

8 Question: Est-ce que vous connaissez d'autres personnes de la municipalité

9 de Prijedor qui ont participé aux activités du parti?

10 Réponse: Oui, plus ou moins. Branko Maksimovic avait des adjoints, dont

11 Kaminko Rasinovic surnommé le "colonel Bukovnic". Il y avait également

12 Slavko Gavranovic. Il a fait des études à l'université, mais il n'a jamais

13 terminé, il n'a jamais été diplômé. Je pense qu'il a été étudiant pendant

14 plus de 30 ans et il se trouvait parmi les hauts dirigeants du Parti

15 radical serbe. Il y a aussi les frères Sovin parmi ses adjoints. Je ne

16 reprendrai pas leur prénom. Ils étaient d'une vieille famille chetnik et,

17 en fait, ils sont arrivés à Prijedor, de la région de Drvar. Il y en avait

18 d'autres, dont je ne me souviens plus des noms.

19 M. Vassylenko (interprétation): Je vous remercie.

20 M. le Président (interprétation): Je m'adresse à ceux qui sont

21 responsables de la visioconférence de Banja Luka. Est-ce qu'on a une mise

22 à jour?

23 M. Koumjian (interprétation): Pas vraiment, Monsieur le Président.

24 Cependant, j'ai appris qu'apparemment, nos ordinateurs sont toujours en

25 panne aujourd'hui. La transcription de la vidéo n'est pas encore terminée

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1 et je pense qu'il faut encore un certain temps pour la terminer.

2 Je ne pense pas qu'il serait nécessaire d'avoir le témoin qui soit présent

3 à l'audience parce que ce n'est pas lui qui a filmé. Nous avons le

4 journaliste, il a indiqué qu'il avait reconnu le journaliste qui

5 intervenait, M. Mutic.

6 Mme Anoya (interprétation): Apparemment, la liaison satellite ne

7 fonctionne marche toujours pas, Monsieur le Président.

8 M. le Président (interprétation): Je vais demander malgré tout s'il est

9 possible de voir ces trois séquences, disons, après une pause d'une demi-

10 heure. Le Bureau du Procureur pourra fournir ces séquences aux interprètes

11 qui pourront les visionner à l'avance. Nous aurons déjà, comme ça, un

12 début d'impression. Nous voulons éviter une situation qui serait telle que

13 les parties diraient, par la suite, qu'il faut revoir cette cassette en

14 présence du témoin.

15 M. Lukic (interprétation): Vous me permettez d'intervenir?

16 M. le Président (interprétation): Oui.

17 M. Lukic (interprétation): Monsieur Stakic n'est pas bien. Il avait déjà

18 un peu de fièvre hier, ça continue aujourd'hui. Il avait compris que ce

19 témoin devait quitter La Haye et il savait que la liaison vidéo avait déjà

20 été préparée. Mais si cette liaison vidéo ne réussit pas aujourd'hui, si

21 vous nous l'autorisez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous

22 aimerions avoir une audience qui soit la plus courte possible. De cette

23 façon, M. Stakic pourra peut-être récupérer.

24 M. le Président (interprétation): Dois-je comprendre que vous n'avez pas

25 l'intention de demander à ce témoin de revenir à la barre pour fournir un

Page 6802

1 commentaire sur cette vidéo?

2 M. Lukic (interprétation): Non, nous n'en avons pas l'intention, Monsieur

3 le Président.

4 M. le Président (interprétation): Merci.

5 Il ne me reste plus qu'à vous demander ceci: Monsieur le Témoin, je vais

6 vous demander de nous fournir les articles mentionnés à un représentant du

7 Bureau du Procureur. Par la suite, ce document pourra être transmis à la

8 partie adverse, à la défense et aux Juges.

9 Ceci étant, je tiens à vous remercier, Monsieur Sivac, de vos efforts.

10 Vous avez vraiment tout fait pour répondre aux questions pourtant

11 difficiles que vous ont posées les parties, et je crois que vous nous avez

12 permis de mieux comprendre la situation vue sous votre angle, votre façon

13 de voir les événements qui se sont produits, à l'époque, à Prijedor. Je

14 l'ai déjà dit, c'est là la seule base qui nous permet de mener à bien

15 notre mandat qui consiste à nous approcher le plus possible de la vérité,

16 de la véracité des événements qui se sont produits en 1992 à Prijedor.

17 Je vous remercie, vous pouvez disposer. Monsieur l'huissier va vous

18 accompagner.

19 M. Sivac (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

20 J'avais l'impression que j'ennuyais déjà tout le monde.

21 M. le Président (interprétation): C'est là une fausse impression.

22 (Le témoin, M. Sivac, est reconduit hors du prétoire.)

23 (Questions relatives à la procédure.)

24 Il faut d'abord voir ce qu'il en est de la santé de l'accusé. Ce Tribunal

25 a, parmi son personnel, une infirmière; je vais lui demander de contacter

Page 6803

1 le Dr Stakic au cours de la pause. Nous voulons savoir si l'accusé est en

2 mesure de suivre les débats.

3 Il faut que la ligne soit établie avec Banja Luka et il faut donc

4 attendre. Nous connaissons les coûts que représentent de telles liaisons

5 et il est préférable de pas répéter l'opération à une date ultérieure.

6 Attendons, dès lors, jusqu'à ce que la communication soit possible.

7 Je vais demander -soit au Greffe, soit au Bureau du Procureur, c'est en

8 fonction de l'instance qui aura les informations en premier lieu-, je vais

9 donc demander d'informer les autres participants dès qu'il sera possible

10 d'avoir la communication.

11 Que faut-il établir? Parlons-en. Ce sera très bref. Nous n'avons pas

12 encore statué quant au versement au dossier de la vidéo présentée par M.

13 Sivac. Apparemment, si j'ai bien compris, la totalité de cette vidéo doit

14 être versée au dossier; c'est du moins l'avis du Bureau du Procureur.

15 M. Koumjian (interprétation): Elle a été diffusée au prétoire. Je ne sais

16 pas si toute la vidéo doit être versée au dossier parce qu'il y a toute

17 une partie qui est sans intérêt. Par exemple, il y a un voyage d'un groupe

18 en Scandinavie, des champs… Donc peut-être qu'il faut se limiter aux 15

19 minutes où il y a l'entretien avec M. Stakic.

20 M. le Président (interprétation): Peut-être allons-nous nous borner à

21 verser au dossier, s'il n'y a pas d'objection, cette partie d'une minute

22 08. Pas d'objection?

23 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection.

24 M. le Président (interprétation): Ce sera donc un document qui sera versé

25 au dossier sous la cote P240.

Page 6804

1 Je me tourne vers les parties. Avez-vous reçu la décision rendue par la

2 Chambre suite à la requête déposée par la défense pour exclure certains

3 éléments de preuve?

4 M. Lukic (interprétation): Nous avons reçu cette décision, mais nous

5 n'avons pas eu le temps de la lire car nous étions occupés à préparer la

6 déposition de ce témoin. Si j'ai bien compris, les documents ont été admis

7 au dossier. Nous allons vous demander l'autorisation d'interjeter appel.

8 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous allez vouloir le faire?

9 M. Lukic (interprétation): Oui.

10 M. le Président (interprétation): Nous avons discuté de la question. Nous

11 pensions que ce serait peut-être là la conclusion à laquelle vous alliez

12 aboutir. Nous en avons discuté au préalable et, en application de

13 l'Article, il y a bien sûr aussi le droit de réponse de l'accusation avant

14 que je ne parle de cela.

15 M. Koumjian (interprétation): Merci, Monsieur le Président, mais je n'ai

16 rien à dire.

17 M. le Président (interprétation): En application de l'Article 73,

18 paragraphe B, dans la version du 1er mai 2002, la certification est

19 autorisée car la décision concerne une question qui risque d'avoir un

20 impact significatif sur l'issue du procès et sur la poursuite de la

21 procédure. Il est important que la Chambre de première instance puisse

22 travailler sur la base de ces photocopies, de ces documents. Ceci aura

23 sans doute une incidence également sur le rapport d'expert graphologue

24 demandé pour authentifier ou se prononcer sur l'authenticité de certains

25 documents.

Page 6805

1 Effectivement, s'il y a une décision prise immédiatement par la Chambre

2 d'appel, ceci permettra peut-être d'accélérer la tenue de la procédure.

3 M. Lukic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

4 M. le Président (interprétation): Nous allons obtenir des informations sur

5 l'état de santé de M. Stakic et, par la suite, nous allons essayer de

6 savoir ce qui se passe à Banja Luka.

7 L'audience est suspendue; elle reprendra jusqu'à nouvel ordre. Et je

8 demanderai à tout le monde d'être prêt à reprendre l'audience.

9 (L'audience, suspendue à 10 heures 26, est reprise à 11 heures 03.)

10 (Audience à huis clos.)

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12 Pages 6806 à 6845 – expurgées – audience à huis clos partiel.

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9 (L'audience est levée à 12 heures 55.)

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