Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 27 janvier 2003.)

2 (L'audience est ouverte à 14 heures 23.)

3 (Audience publique.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

6 Je vous souhaite une bonne après-midi. Est-ce que l'on peut entendre

7 l'affaire, s'il vous plaît?

8 Mme Dahuron (interprétation): Bonjour. Il s'agit de l'Affaire IT-97-24-T,

9 le Procureur contre Milomir Stakic.

10 M. le Président (interprétation): Merci. Est-ce qu'on peut avoir la

11 présentation des parties, s'il vous plaît?

12 M. Koumjian (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur et

13 Madame les Juges.

14 Nicholas Koumjian, Ann Sutherland et Ruth Karper du côté du Procureur.

15 M. le Président (interprétation): Et la défense?

16 M. Lukic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur et

17 Madame les Juges. Branko Lukic et Danilo Cirkovic pour la défense.

18 M. le Président (interprétation): Est-ce que je peux demander combien de

19 témoins nous allons entendre cette semaine? Est-ce que vous le savez déjà

20 maintenant?

21 M. Lukic (interprétation): Pour l'instant, nous avons trois témoins,

22 Monsieur le Président.

23 M. le Président (interprétation): Très bien.

24 M. Lukic (interprétation): Nous pensons que le deuxième témoin aura besoin

25 peut-être de deux jours. Cela dépendra du contre-interrogatoire et des

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1 questions qui seront posées par le Président et Mme et M. les Juges, ce

2 qui représenterait à peu près, au total, quatre jours.

3 M. le Président (interprétation): Quatre jours, donc. Voyons. Nous devons

4 revenir à cette question des témoins tout de suite. Je dois vous dire que

5 j'ai appris il y a dix minutes qu'il y avait une autre réunion

6 extraordinaire qui devait se tenir mercredi à 14 heures. Est-ce que cela

7 poserait problème que l'on échange en fait le matin pour l'après-midi?

8 M. Lukic (interprétation): Cela ne pose aucun problème et même nous

9 serions prêts à ne pas travailler ce jour-là.

10 M. le Président (interprétation): Je ne partage pas la dernière partie de

11 votre observation.

12 M. Koumjian (interprétation): Cela ne nous pose aucun problème, Monsieur

13 le Président.

14 M. le Président (interprétation): Je vous informerai, dès que je le

15 pourrai, de ce que nous pourrons organiser la semaine prochaine.

16 (Note de l'interprète: Pardonnez-moi, lorsque le Président a parlé de

17 l'échange le matin et l'après-midi, il s'agissait d'échanger avec le Juge

18 Orie.)

19 Je vais saisir cette occasion pour poser encore un certain nombre de

20 questions ouvertes parce que, lorsqu'il y a des difficultés, il faut en

21 parler immédiatement et ne pas mettre la tête dans le sable, également de

22 façon que les parties puissent savoir comment la procédure va évoluer. Par

23 conséquent, la première question que j'aimerais poser à la défense est la

24 suivante. J'ai déjà posé la question, à savoir comme nous allons gérer et

25 entendre 34 témoins en sus de deux experts, alors que nous n'avons que 33

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1 jours pour les entendre. Avez-vous déjà tenu compte du 92bis, à savoir la

2 demande qui est faite pour prendre des dépositions, afin d'éviter toute

3 difficulté et problème avec ces témoins qui ne seraient pas disposés à

4 venir à La Haye, mais qui seraient prêts à venir témoigner au contraire,

5 et avec lesquels on pourrait peut-être travailler par le biais d'une

6 liaison vidéo.

7 M. Lukic (interprétation): Nous savons déjà maintenant que deux de nos

8 témoins vont demander à avoir ce lien satellite. Il y en a un qui ne peut

9 pas prendre l'avion et un autre dont un des membres de la famille est très

10 malade et il doit rester à son chevet. Par conséquent, pour ces deux

11 témoins-là, il serait bien d'avoir cette liaison vidéo.

12 En ce qui concerne 92bis…

13 M. le Président (interprétation): Procédons étape par étape, s'il vous

14 plaît. Puis-je vous demander si vous avez déjà évoqué cette question avec

15 le Greffe. Il faut organiser cette liaison vidéo avec les ressources

16 humaines et il faut pouvoir.

17 Madame la Greffière, corrigez-moi si je me trompe, mais je crois qu'il

18 faut à peu près trois à quatre semaines pour préparer ce genre de

19 transmission.

20 M. Lukic (interprétation): Nous n'en avons pas encore parlé, Monsieur le

21 Président. Nous allons certainement en parler aujourd'hui ou demain au

22 plus tard.

23 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Les 92bis?

24 M. Lukic (interprétation): Nous sommes en train de passer en revue les

25 témoins et nous aurons certainement des témoins 92b et ils ne se

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1 déplaceront pas.

2 M. le Président (interprétation): Nous recherchons pour l'instant quelle

3 requête -cela peut être relatif, une requête même courte- et sur quelle

4 base on pourra en parler, les parties pourront en parler entre elles avant

5 qu'une demande soit déposée. S'il y a des obstacles du côté du Procureur,

6 ce ne sera peut-être pas nécessaire en fait de déposer une demande. Alors

7 si le Bureau du Procureur est d'accord tout de suite, à ce moment-là, la

8 requête pourra être très courte. Je sais que tout un chacun a une charge

9 très lourde, Maître Lukic.

10 Qu'en est-il des dépositions, Maître Lukic?

11 M. Lukic (interprétation): Nous en saurons davantage dans trois semaines

12 et, par conséquent, je ne peux pas vous dire grand-chose aujourd'hui sur

13 les dépositions.

14 M. le Président (interprétation): Vous devriez tenir compte du fait que ce

15 serait tout à fait avantageux et permettrait de réduire les coûts si les

16 dépositions pouvaient être faites en même temps que nous avons la

17 transmission vidéo, en Bosnie-Herzégovine, quel que soit l'endroit en

18 Bosnie-Herzégovine. Sachez qu'il y a ce problème de transmission vidéo et

19 qu'il serait bien de prendre les dépositions en utilisant le même canal.

20 Il serait bon peut-être, de traiter les deux questions en même temps.

21 M. Lukic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, pour vos

22 conseils.

23 M. le Président (interprétation): Nous avions, ou peut-être qu'il vaudrait

24 mieux dire dans ce cas-ci, nous n'avons pas abordé ce point précédemment

25 avec mes collègues. Mais en passant en revue le compte rendu d'audience

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1 des deux dernières semaines, j'avais l'impression que nous avons rencontré

2 les difficultés suivantes.

3 Premièrement, comment gérer la question des communications tardives. Il

4 apparaît, sur le compte rendu d'audience, en page 10.616. Il ne s'agit pas

5 en fait de répéter les mêmes termes, mais que la défense n'était

6 absolument, n'a pas trouvé drôle du tout que le Bureau du Procureur avait

7 l'occasion de présenter leur affaire, de poser des questions, de soumettre

8 leurs preuves et de continuer à défendre leur cas. Il apparaît également

9 que vous n'auriez pas demandé au Dr Mujadzic et plus tard monsieur, etc.

10 Donc il faudrait que les choses soient claires, et la manière de traiter

11 cette question est le résultat apparemment des communications tardives et

12 de ces 6 déclarations.

13 Tout d'abord, c'est une question de principe. Et, évidemment, si l'on suit

14 les règles logiques, on ne peut entendre, encore une fois, c'est-à-dire

15 procéder à nouveau au contre-interrogatoire du témoin seulement lorsque

16 l'affaire du Procureur est rouverte. On ne peut pas procéder à un contre-

17 interrogatoire d'un témoin du Bureau du Procureur, s'il s'agit en fait

18 d'une affaire de la défense.

19 Donc, ceci est la question la plus importante. Mais on pouvait poser la

20 question pour soumettre et proposer d'autres preuves. Car, ici, le

21 scénario était quelque peu différent du scénario des 5 autres déclarations

22 dans l'affaire qui nous était présentée.

23 Je fais référence ici, aux différentes questions qui ont été consignées

24 par écrit par la défense et il y avait de nouvelles questions qui étaient

25 les suivantes et qui étaient liées à la déclaration communiquée

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1 tardivement et communiquée au mois d'août. C'était la déclaration de M.

2 Srdjo Sdric.

3 Autrement dit, cela ne portait aucun préjudice dans la mesure où le témoin

4 Sivac avait déjà été entendu à ce moment-là. Ici, l'intention était de

5 fournir la possibilité d'un contre-interrogatoire à nouveau et d'éviter,

6 au cours de la réplique et de la duplique, que… nous aurions été obligés

7 en fait de notifier au témoin Sivac qu'il soit réentendu à nouveau devant

8 la Chambre d'appel. Il aurait été obligé de revenir en fait au tribunal

9 et, par conséquent, nous aurions été obligés de l'entendre immédiatement.

10 Si les différentes questions qui ont été posées sur la base d'un contre

11 interrogatoire supplémentaire du témoin, ceci serait fondé sur les 5

12 autres déclarations et, à ce moment-là, évidemment, nous commencerions

13 comme nous l'avons indiqué… nous, à ce moment-là, aurions réouvert la

14 présentation des éléments à charge et nous aurions procédé au contre-

15 interrogatoire. Mais cela ne pose aucun obstacle du tout.

16 Par conséquent, il n'y a pas d'obstacle du tout, et on n'a pas la

17 possibilité d'empêcher le Procureur de procéder à nouveau à un contre-

18 interrogatoire, comme c'est l'habitude; où les Juges peuvent poser des

19 questions supplémentaires au témoin lorsqu'il est appelé à la barre pour

20 la deuxième fois, dans le but en fait de procéder à un deuxième contre-

21 interrogatoire.

22 Par conséquent, la distinction établie entre les deux est la suivante: si

23 la demande émane, est basée sur des questions qui sont liées aux 5

24 déclarations qui ont été prises avant la présentation et qui auraient dues

25 être mises à la disposition de la défense et des Juges, alors et si toutes

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1 les conditions sont requises, on peut adopter un statu-quo. J'espère qu'en

2 l'espèce, il n'y aura plus de malentendu, ce qui obligerait la défense à

3 demander, en particulier, avoir un deuxième contre-interrogatoire.

4 M. Lukic (interprétation): Comme vous avez dit, en fait, que le but de la

5 procédure lorsqu'on rappelle des témoins, c'est justement de traiter

6 quelque chose qui a été omis, du côté du Procureur, par conséquent, il n'y

7 a rien à traiter ici. Il savait les déclarations, il connaissait les

8 faits, ils auraient pu poser toutes les questions qu'ils souhaitaient au

9 témoin immédiatement. Il n'y a donc rien à traiter de leur côté.

10 Les questions ont été posées sans que la défense n'ait eu ces questions

11 consignées par écrit au préalable, ce qui avait été demandé par la

12 défense. Et la défense devait, à ce moment-là, soumettre ces questions par

13 écrit, et le Procureur n'a pas été obligé… le bureau du Procureur n'a pas

14 été obligé de faire la même chose. Je ne sais pas pourquoi, il y a une

15 telle différence ou une telle différence existe.

16 Par conséquent, si la preuve en fait du Procureur ne peut pas être

17 présentée lors de la présentation des éléments à décharge, par conséquent,

18 la défense devrait être autorisée à remédier aux dommages qui ont été

19 apportés à la défense. Et moi, je serais d'accord, si quelqu'un peut

20 établir qu'il y a eu des dommages d'aucune sorte qu'a eus à subir la

21 défense à cause de communications tardives basées sur ces déclarations.

22 C'est pour cela que la défense ne souhaite pas que les témoins reviennent,

23 de façon à ce que le Bureau du Procureur puisse, à ce moment-là, présenter

24 les éléments à charge alors qu'en fait c'est la présentation des éléments

25 à décharge.

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1 M. le Président (interprétation): Avant de donner la parole au Bureau du

2 Procureur, il faut, je crois, que nous insistions sur la différence entre

3 ces 5 déclarations qui ont été mises à disposition dès le début de la

4 présentation de cette affaire.

5 Nous avons demandé que la série de question ne soit posée, à savoir si

6 nous savions ou si un préjudice aurait pu naître à la suite de ces

7 communications tardives. Et ce n'est que sur cet élément-là que l'on

8 allait décider, si oui ou non, on allait demander au Procureur de rappeler

9 ce témoin.

10 Ce qui n'était pas le cas des 6 déclarations qui n'étaient pas disponibles

11 lorsque nous avons entendu M. Sivac.

12 Par conséquent, c'est le premier seuil. Il s'agit de montrer que l'on a

13 des bonnes raisons, il faut entendre le témoin à nouveau. Ensuite, on peut

14 y remédier en procédant à nouveau au contre-interrogatoire, mais en même

15 temps les mêmes règles s'appliquent.

16 Que se passe-t-il après le contre-interrogatoire? Le domaine qui sera

17 couvert par la défense restera le même. Le Bureau du Procureur a le droit

18 d'interroger à nouveau, et ainsi que les Juges peuvent couvrir le même

19 domaine et poser des questions au témoin, lorsque le témoin revient.

20 S'il s'agit de ce deuxième exemple, c'est-à-direque l'on se base sur ces 5

21 déclarations, la Chambre de première instance ne permettra pas que l'on

22 ajoute de nouvelles preuves parce qu'il s'agira à ce moment-là, en fait,

23 de la réplique. Il ne devrait pas se produire à ce moment-là. Cela est

24 simplement dû à la différence que nous avons due établir sur la base de ce

25 que vous nous avez montré lorsque vous avez demandé que le contre-

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1 interrogatoire du témoin soit rendu possible à nouveau. Et dans ce cas,

2 c'était tout à fait différent.

3 Par conséquent, nous avons évité une troisième comparution de cette

4 personne et nous avons procédé comme nous l'avons indiqué. Mais je pense

5 que vous comprenez fort bien pourquoi.

6 Nous allons donner la parole au Bureau du Procureur.

7 M. Koumjian (interprétation): Je ne souhaite pas répéter ce que le

8 Président vient de dire. En ce qui concerne, en fait, M. Sivac, les

9 questions qui ont été consignées par écrit par la défense ont été traitées

10 dans les domaines qui étaient en dehors des cinq déclarations qui

11 représentaient de M. Sivac. Et aucune de ces questions ne portait sur les

12 cinq interviews du Procureur qui ont été communiquées après la déposition

13 de M. Sivac.

14 Les questions portaient en fait sur la sixième interview qui s'est

15 produite après son témoignage, et d'autres preuves que la défense a

16 obtenues par la suite après son témoignage.

17 Par conséquent, les questions du Procureur traitaient de sujets ou de

18 thèmes qu'ils ont appris par la suite et, dans l'affaire Brdjanin, mais je

19 crois que cela ne représentait pas la totalité.

20 Toutes les questions portaient sur des articles de journaux qui ont été

21 évoqués ici dans le prétoire et qui ont fait partie du premier

22 interrogatoire lorsque le témoin a déposé pour la première fois. Il avait

23 précisé qu'il avait lu ces articles et que le Tribunal lui avait demandé

24 de les produire, parce que nous avions montré une vidéo ce jour-là qui n'a

25 jamais été montrée, en somme. C'était une façon en fait de rouvrir

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1 l'affaire.

2 La question était restée en suspens la dernière fois qu'il est venu et

3 nous n'avions pas eu le temps en fait de retrouver les articles de

4 journaux à l'époque et de le porter à l'attention du Tribunal.

5 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. J'espère que,

6 maintenant, c'est clair pour la défense: savoir comment le Tribunal va

7 procéder à l'avenir, s'il s'agit en fait d'une telle demande.

8 La question tourne autour du fondement de ces questions. Et bien sûr, le

9 but, lorsqu'on fait une telle demande portant sur un certain nombre de

10 questions, n'est pas de demander toutes les questions qui vont être posées

11 mais seulement sur la base d'une seule question, pour comprendre si le

12 seuil a été dépassé ou pas. A ce moment-là, nous pouvons procéder au

13 contre-interrogatoire à nouveau. Mais s'il se fonde en fait simplement sur

14 les cinq derniers témoignages, nous procéderons au contre-interrogatoire

15 immédiatement.

16 Ensuite, un autre domaine. Cela remonte à vendredi dernier. La défense

17 s'est plainte et a dit que différents éléments des déclarations

18 précédentes ou des extraits ou des passages des comptes rendus d'audience

19 ont été présentés au témoin, et que ceci ne serait pas conforme aux

20 Règlements antérieurs.

21 Après avoir examiné les comptes rendus précédents, je pense qu'il est tout

22 à fait clair qu'à partir de ces comptes rendus, pour les deux parties et

23 pour les Juges dans l'affaire, il est possible de confronter les témoins

24 avec toutes sortes de moyens de preuve qui ont été versés au dossier,

25 indépendamment s'il s'agit d'une vidéo, d'une pièce à conviction ou d'un

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1 témoignage précédent dans notre compte rendu.

2 Ce qui a été demandé jusqu'ici et ce qui va être demandé désormais reste

3 le même. C'est-à-dire qu'il faut citer précisément, sans omission, citer

4 dans le contexte donné et qu'il faut donc présenter, dire le numéro de la

5 page du compte rendu pour que tout le monde puisse voir qu'il s'agit d'une

6 allégation du compte rendu, précise.

7 Et, par la suite, lorsque nous devons déterminer la valeur probante des

8 moyens de preuve, cela nous facilitera le fait qu'il faut trouver cette

9 pièce à conviction.

10 Donc on peut lire le témoignage précédent d'un témoin, on peut le lire à

11 un autre témoin. Donc, là, il n'y a aucun problème. Il s'agit simplement

12 de la question de la langue utilisée.

13 J'ai demandé à la défense de reformuler la question parce qu'il ne serait

14 pas correct de, par exemple -maintenant je ne cite pas de compte rendu, je

15 ne veux que vous donner un exemple-, il ne serait pas correct de citer de

16 manière suivante "si un autre témoin avait dit cela, est-ce que vous

17 l'auriez appelé menteur?" Cela n'est pas correct parce que ce n'est pas la

18 façon dont les questions sont à poser au témoin et concernant un autre

19 témoignage. Donc ce n'est pas la façon appropriée de poser ces questions.

20 Cette confrontation avec le témoin, il faut que ce soit seulement une

21 sorte de rafraîchissement de sa mémoire, et cela pourrait nous aider par

22 la suite à retrouver la vérité.

23 Nous apprécierons toujours au cas où il existerait une incohérence claire

24 et nette entre un témoignage d'un témoin, et, déjà au cours du contre-

25 interrogatoire du Bureau du Procureur, ces incohérences peuvent être

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1 accentuées, soulignées et être clarifiées parce que pour les Juges il est

2 impossible d'omettre de manière consciencieuse une question au témoin,

3 s'il y a une incohérence nette entre les deux témoignages d'un témoin,

4 deux déclarations d'un témoin.

5 Donc nous devons trouver une façon optimale pour retrouver la vérité et,

6 si cela représente un moyen utile, on peut utiliser cette manière, c'est-

7 à-dire de présenter au témoin les témoignages précédents.

8 Ensuite, il s'agit des déclarations et jusqu'ici on a décidé que ce qu'il

9 ne faut pas permettre, c'est de poser soudainement au témoin une question

10 de la manière suivante: comment commenteriez-vous cela? Donc il faut

11 présenter une raison, c'est-à-dire des fondements valables pour le faire.

12 Par exemple, la question peut être: le témoignage précédent qui a été

13 communiqué selon l'Article 65ter et 68. Mais pour une question comme cela,

14 il faut avoir un fondement valable et si cela existe, dans ce cas-là, il

15 n'y a pas de doute que cette question, donc, peut être posée si le

16 vocabulaire utilisé dans cette question est correct.

17 On peut lire cela dans le Règlement, mais il y a toute une série

18 d'exemples qui sont à notre disposition et je voudrais me référer au

19 compte rendu daté du 23 janvier 2003. C'est parce qu'il y a une petite

20 partie où il s'agit du caractère confidentiel de cette partie -je cite-:

21 "Mme Korner a soulevé une objection concernant la forme de la question. La

22 question était: ce que vous diriez ce qu'elle considérait comme incorrect,

23 mais la défense a le droit de poser une question comme cela."

24 C'est quelque chose que j'ai cité du compte rendu. Donc il est clair quel

25 était le point de vue des Juges de cette Chambre de première instance au

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1 sujet de ces questions.

2 M. Lukic (interprétation): Ici, je peux dire que je suis cent pour cent

3 certain que la défense a été privée de ce droit pendant la présentation

4 des moyens à charge parce que, maintenant, on introduit cela dans la

5 procédure au moment où la défense ne peut plus utiliser ce droit parce

6 qu'il n'y a plus de moyens de preuve à charge. Si c'est la décision de

7 cette Chambre, nous demandons l'autorisation de déposer la plainte à

8 l'encontre de cette décision.

9 M. le Président (interprétation): Comme je l'ai déjà souligné au début, il

10 ne s'agit pas de la décision de la Chambre mais d'une explication, donc

11 des exemples de comptes rendus qu'on peut trouver.

12 Vous vous souvenez certainement, c'était au mois d'avril déjà ou même dans

13 la première semaine du mois de mai, lorsque nous avons parlé de cela dans

14 le cadre d'une réunion et lorsqu'on a débattu des questions directives et

15 des questions qui induisent en erreur. Il y avait des questions comme

16 cela, c'est-à-dire s'il n'y a pas de fondement valable pour poser ces

17 questions indépendamment du fait qu'il s'agit d'une déclaration précédente

18 ou de comptes rendus précédents.

19 Mais à cette réunion, c'était au mois d'avril et au mois de mai 2002, et

20 on a souligné qu'il n'y avait aucun problème de confronter le témoin avec

21 ces (sic) témoignages s'il y a un fondement valable pour poser les

22 questions en ce sens, c'est-à-dire les questions concernant les

23 déclarations précédentes de témoins.

24 Il ne s'agit pas donc de décisions de la Chambre, c'est un résumé

25 simplement de ce qu'il était dit dans cette affaire.

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1 M. Lukic (interprétation): Monsieur le Président, la défense avait le

2 droit de présenter au témoin seulement ses propres déclarations

3 antérieures et on ne nous a jamais permis de confronter le témoin avec la

4 déclaration d'un autre témoin. Nous ne pouvons pas pendant la présentation

5 des moyens de preuve à charge… à décharge, donc le Procureur peut utiliser

6 ce droit.

7 M. le Président (interprétation): Je pense que ma déclaration a été

8 claire, que cette décision a été déjà rendue au mois d'avril et au mois de

9 mai 2002. Maintenant, je n'ai dit qu'un résumé de cela. Est-ce que le

10 Procureur veut dire quelque chose?

11 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, nous n'avons pas

12 d'argument à soulever, avec le respect dû à mon collègue et dû à la

13 Chambre, puisque nous n'avons pas beaucoup parlé là-dessus, c'est-à-dire

14 ce qui s'était passé il y a quelques mois. Nous ne pouvons que citer

15 quelques exemples. Je pense que le compte rendu parle de lui-même. Je

16 pense que le compte rendu est complet et qu'il représente… donc…

17 M. le Président (interprétation): Il y a encore un thème. Les Juges sont

18 surpris, évidemment surpris parce qu'ils doivent faire face aux trois

19 documents supplémentaires qui n'ont pas été présentés selon l'Article

20 65ter,

21 ce qui devait être pertinent pour cette affaire.

22 La défense a dit qu'elle s'occuperait de cette question. Pouvez-vous, s'il

23 vous plaît, expliquer, quelle est la raison pour laquelle vous soulevez,

24 quelle est la nature de votre plainte?

25 M. Lukic (interprétation): Avec l'autorisation de la Chambre, est-ce qu'on

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1 peut reporter cela pour demain parce que c'est M. Ostojic qui s'occupe de

2 cela et, moi, je n'ai pas suivi cela de près.

3 M. le Président (interprétation): Il serait peut-être utile d'expliquer

4 pourquoi cette communication tardive s'est produite concernant ces trois

5 documents.

6 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, je n'étais pas

7 présent, mais je dois dire que l'Article 65ter nous impose l'obligation de

8 communiquer tous les documents à la défense au cours de la présentation

9 des moyens de preuve à décharge. Certaines parties sont devenues

10 pertinentes, mais nous n'étions pas conscients de cela avant, nous

11 n'étions pas conscients de cela avant que la défense n'ait présenté ses

12 moyens des preuves à décharge. C'est seulement après, cette présentation,

13 nous devons présenter des éléments de preuve supplémentaires qui

14 deviennent pertinents.

15 Aujourd'hui, nous pouvons dire que nous avons l'intention de les

16 présenter, mais avant nous n'étions pas conscients de cela. Nous pensons

17 que le Règlement nous impose cette obligation de communication des

18 documents, au moment où ces documents sont devenus pertinents. Il est

19 évident qu'au cours de la présentation des moyens de preuves à décharge,

20 ces documents sont devenus pertinents, mais nous n'avions pas pu prévenir

21 cela avant.

22 M. le Président (interprétation): Je voudrais entendre les commentaires de

23 M. Ostojic demain.

24 M. Lukic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

25 M. le Président (interprétation): Maintenant, c'est pour les deux parties

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1 qui se sont plaintes de l'application de l'Article91. Si je me souviens

2 bien, c'était Mme Korner qui s'est plainte après le témoignage d'un témoin

3 d'origine de Grande-Bretagne. Et la semaine dernière, nous avons eu de

4 semblables plaintes de la part de la défense. C'est pour cela qu'il semble

5 qu'il faut dire quelques observations en général, malheureusement.

6 L'Article 91A ne donne pas de directions à suivre lorsqu'il s'agit de

7 l'avertissement du témoin qu'il faut qu'il dise la vérité.

8 Malheureusement, dans différents systèmes juridiques, il est du devoir des

9 Juges d'avertir le témoin sur les conséquences qui pourraient lui être

10 imposées du fait de ne pas dire la vérité au début de sa déposition, et

11 cela concerne tous les témoins.

12 Je ne sais pas pourquoi dans l'Article91, pourquoi il est dit qu'on peut…

13 il faut dire qu'on doit, c'est-à-dire que le témoin doit être informé des

14 conséquences de cela. La défense a essayé de dire que les déclarations

15 fondées sur l'application de l'Article91, de s'expliquer là-dessus, c'est-

16 à-dire que les témoins qui ne veulent pas venir à La Haye.

17 Je pense que cela ne doit pas devenir une pratique, ici, et qu'il ne faut

18 pas dire que le témoin n'aura pas de traitement correct dans ce Tribunal,

19 à propos du fait qu'on a entendu des plaintes du Procureur. Il faut qu'il

20 soit clair que le seul intérêt des Juges, c'est d'entendre les témoins qui

21 disent la vérité et rien que la vérité.

22 Il ne faut pas avoir une telle approche, c'est-à-dire que le témoin de

23 l'autre partie soit considéré comme menteur. Je ne veux pas répéter cela,

24 parce que cela figure déjà dans le compte rendu, parce que je ne veux

25 encore aggraver la situation. Je veux éviter cette situation, mais il est

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1 incontestable que c'est de notre devoir de nous occuper du fait que le

2 témoin doit nous dire la vérité et, lorsque le témoin change en quelques

3 minutes sa déposition, bien sûr que ça représente une raison suffisante

4 pour qu'on l'avertisse de la sorte.

5 Ce qui a été dit, surtout ce que le dernier témoin a dit, représente un

6 bon exemple que le témoin ne considère pas cela comme un obstacle pour

7 déposer, mais qu'il faut qu'il se concentre pour nous présenter les faits

8 concernant une longue période allant de 1992. Et compte tenu de cette

9 période, il faut qu'il nous dise ce qu'il considère comme vérité.

10 Nous pensons que sa mémoire peut l'amener, le mener dans une fausse

11 direction, et que la personne peut essayer d'oublier quelque chose pour

12 oublier tous ces crimes et pour essayer de continuer à vivre; et c'est

13 pour cela qu'il n'a pas l'intention peut-être de mentir, mais il ne peut

14 pas nous dire ce qui c'était passé alors.

15 Nous sommes conscients de cela, et du fait qu'il est difficile pour

16 différentes raisons pour les deux parties de faire amener les témoins à La

17 Haye, mais, ce qui nous intéresse, ce sont seulement les témoins qu'ils

18 essayent de nous dire la vérité.

19 Nous ne sommes pas intéressés à entendre d'autres témoins qui ne sont pas

20 comme ceci, mais il faut partir de la supposition qu'en principe le

21 témoin, lorsqu'il est devant le Tribunal, il essaye de dire la vérité.

22 J'ai pensé que l'une des conséquences de cela, pourrait être le fait que

23 le témoin n'a pas l'impression que cela est contre lui ou contre elle ou

24 contre un groupe de témoins. Et pour que cela soit possible, parce que

25 dans le texte il est dit "peut-être", cela peut être possible dans toutes

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1 les affaires au début du témoignage d'un témoin.

2 Mais je pense qu'il… Ici, c'est tard, parce que cette norme-là n'a pas été

3 utilisée depuis le début et c'est pour cela qu'il faut que nous décidions

4 à l'avenir, dans les cas individuels, selon le besoin et en application de

5 l'Article 91.

6 Je prie les deux parties de ne pas donner l'impression -je cite-: "que

7 leurs témoins peuvent avoir un autre traitement par rapport au traitement

8 du témoin de l'autre partie, et que cela ne peut pas être un obstacle ou

9 la raison pour laquelle un témoin ne peut pas venir ici. Tous les témoins

10 sont bien venus, et surtout les témoins qui veulent dire la vérité.

11 M. Lukic (interprétation): Monsieur le Président, en suivant mon système,

12 il faut avertir le témoin des conséquences de ne pas dire la vérité, mais

13 si nous faisons cela au milieu du témoignage, nous ne pouvons pas nous

14 attendre à ce que le témoin continue de la même manière.

15 Ce ne sont pas mes paroles, ce sont les paroles de mes témoins et de ce

16 qu'ils ont écrit dans les questionnaires qui leur ont été communiqués de

17 la section pour la protection des victimes et des témoins.

18 Deuxièmement, lorsqu'on a parlé du fait, si l'autre partie peut poser des

19 questions d'un témoin à un autre témoin, à la page 2.995, au cours du

20 témoignage de M. Kapetanovic, à la ligne 2, j'ai dit: "Nous ne pouvons pas

21 comparer les déclarations de témoins, Monsieur le Président" Et vous avez

22 répondu: "Vous pouvez reformuler votre question".

23 Nous ne pouvions pas, au cours de la présentation de moyens de preuves à

24 charge, comparer les déclarations de différents témoins, seulement

25 comparer les déclarations d'un même témoin; cela, on pouvait le faire.

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1 Nous ne voulons pas que nos témoins soient exposés à quelque chose que

2 nous ne puissions pas faire avec les témoins du Procureur.

3 M. le Président (interprétation): Je pense que ce que vous avez cité est

4 clair, et maintenant nous pouvons passer à l'Article 91.

5 M. Lukic (interprétation): Nous sommes d'accord qu'il faut avertir le

6 témoin, avant le début de son témoignage, mais non chaque fois, lorsque

7 vous pensez différemment par rapport à ce que le témoin du Procureur a

8 dit.

9 Nos témoins voyant cela comme une sorte de menace, ils ont peur. Quelques-

10 uns d'entre eux ont vécu dans la même région à l'époque et il est très

11 difficile de les convaincre de venir ici. Pour nous, c'est difficile de le

12 faire: nous avons eu au moins 1.000 interviews et, à la fin, on a eu 90

13 témoins. Aujourd'hui, on a au total 50 témoins, mais nous n'aurions pas

14 ces témoins si on continuait à faire circuler ces rumeurs.

15 La télévision, la presse ne communiquent que des nouvelles de nature

16 sensationnelle, et la presse parle toujours des faits ou des

17 avertissements des témoins, c'est-à-dire si les témoins mentent, ils

18 seront punis.

19 Les témoins ne veulent pas avoir peur ni être intimidés, et les témoins

20 ont le sentiment qu'ils ne sont pas traités la même manière, de manière

21 correcte, que c'est les cas avec les témoins du Procureur.

22 C'est mon opinion.

23 M. le Président (interprétation): Dans ce cas-là, je pense que les deux

24 parties doivent informer les témoins d'une manière correcte et il ne faut

25 pas donner… qu'ils leur disent que, dans le passé, les témoins du

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1 Procureur ont été avertis de la même manière.

2 Les témoins du Procureur, on nous a dit une vingtaine de fois qu'ils ont

3 menti. Mais si vous dites quelque chose comme cela dans le prétoire, il

4 n'y a aucun doute que cela sera transmis. J'espère que vous avez relu le

5 compte rendu à la page 11168 parce que le problème n'était pas le problème

6 que vous avez mentionné à la page 11069 en vous référant à la page 88,

7 ligne 19. Le témoin, en trois minutes, a donné des témoignages tout à fait

8 différents et cela est une raison suffisante pour l'avertir.

9 Je pense que vous devriez être d'accord avec cela, et je dois encore une

10 fois évoquer que les deux parties doivent savoir que leurs déclarations ne

11 doivent pas servir de base de rumeurs et servir l'impression donnée aux

12 témoins qu'ils n'auront pas le… qu'ils ne seront pas traités de manière

13 correcte.

14 Les témoins savent que dans tous les systèmes juridiques du monde entier,

15 lorsqu'ils sont convoqués au tribunal, ils doivent dire la vérité et rien

16 que la vérité. Et je pense qu'au cours de ces efforts pour présenter la

17 vérité, il est difficile d'appliquer l'Article 91 parce que nous n'avons

18 pas de moyens pour réagir immédiatement après que nous avons constaté que

19 le témoin n'avait pas répondu précisément à la question; par exemple si le

20 témoin n'avait pas, le deuxième jour, n'avait pas corrigé son témoignage

21 précédent. Et c'est la raison pour laquelle il faut émettre cet

22 avertissement.

23 Cela concerne les deux parties, c'est-à-dire que s'il faut que le témoin

24 corrige son témoignage, cela représente seulement l'application de

25 l'Article 91.

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1 C'est pour cela que nous pouvons être contents du témoignage, par exemple,

2 de notre dernier témoin. C'était le même cas lors de la présentation de

3 moyens de preuve à charge lorsque j'ai averti un même témoin deux ou trois

4 fois, et le résultat était positif.

5 Donc nous devons appliquer l'Article 91 et lorsque cet Article dit "peut-

6 être", nous devons appliquer notre pouvoir discrétionnaire. Et, si c'est

7 nécessaire, nous allons le faire parce que nous devons montrer, à la

8 différence des systèmes juridiques internes, nationaux, nous devons être

9 retenus quelquefois à cause des raisons que vous avez évoquées et qui ont

10 été évoquées par le Procureur également dans le passé. Et c'est pour cela

11 que cette explication est l'explication par rapport à l'application de

12 l'Article 91.

13 Est-ce que vous avez des commentaires à soulever?

14 M. Lukic (interprétation): Eh bien, j'ose espérer, Monsieur le Président,

15 que mes témoins ne vous donneront pas de raison de les avertir à l'avenir.

16 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

17 Est-ce que l'accusation a des commentaires à ajouter?

18 M. Koumjian (interprétation): Non merci, Monsieur Président.

19 M. le Président (interprétation): Enfin, pour conclure, je dirai qu'il ne

20 faut pas qu'il y ait d'incompréhension de votre part. Il nous semblait

21 nécessaire de vous rappeler, une fois encore, à vous, parties en présence,

22 du fait que vous avez toujours le droit, et parfois même l'obligation, de

23 soulever des objections relativement à la façon dont une autre partie pose

24 la question.

25 Cela vous revient, mais nous vous demandons d'exercer ce droit de façon

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1 appropriée: levez-vous, formulez votre objection et une fois que vous vous

2 serez dressé sur vos deux jambes, je ne manquerai pas de vous donner la

3 possibilité d'intervenir et de présenter vos motifs d'objection. Mais je

4 vous demanderai de bien vouloir éviter d'intervenir sans que les Juges

5 vous en aient donné le droit. Cela a un effet tout à fait préjudiciable

6 sur le témoignage du témoin, sur le témoin lui-même et, il s'agit après

7 tout, d'une simple question de politesse.

8 Il convient d'attendre que la partie adverse ait terminé sa phrase avant

9 de se lever pour faire objection. Je vous demanderai, par ailleurs, de

10 toujours me corriger, si je commets une erreur. Peut-être qu'il arrivera

11 que je ne m'aperçoive pas qu'une partie s'est levée. Il faut toujours

12 respecter l'ordre des intervenants. Le premier à s'être levé, sera le

13 premier à prendre la parole, bien entendu. Y-a-t-il des commentaires?

14 M. Lukic (interprétation): Nous essaierons de nous en tenir à vos

15 avertissements, Monsieur le Juge.

16 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas un avertissement. Je

17 voulais simplement que les choses soient claires et je voudrais qu'à

18 l'avenir les choses se passent au mieux, dans un climat de courtoisie, non

19 seulement vis-à-vis des parties mais également des témoins.

20 Il ne convient pas que ceux-ci soient interrompus.

21 Y-a-t-il d'autres questions, que les parties souhaiteraient soulever, des

22 problèmes d'ordre général?

23 Je suis bien conscient du fait que nous devons encore en revenir à cette

24 question des trois documents, mais y-a-t-il, outre cette dernière

25 question, autre chose?

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1 Cela n'est apparemment pas le cas. Alors il faut, encore une fois, en

2 revenir à la question de la préparation des témoins et des mesures de

3 protection qui vont peut-être être demandées.

4 M. Lukic (interprétation): Non, Monsieur le Président. Nous ne demandons

5 pas que des mesures de protection soient appliquées à ce témoin. Ce témoin

6 a, par le passé, bénéficié de mesures de protection mais ces mesures ne

7 s'avèrent plus nécessaires aujourd'hui.

8 M. le Président (interprétation): Est-ce que cela pose un problème? Est-ce

9 qu'il n'y a pas un problème qui se pose, notamment au niveau du compte

10 rendu d'audience?

11 Qu'en est-il de l'application des mesures de protection, eu égard au

12 compte rendu?

13 M. Lukic (interprétation): Peut-être que… Vous pouvez poser la question au

14 témoin. Peut-être qu'il souhaitera que le compte rendu soit rendu public.

15 M. le Président (interprétation): Est-ce que l'accusation est en accord

16 avec cela?

17 M. Koumjian (interprétation): Je me demande s'il nous faudra de toute

18 façon faire référence à ce compte rendu. Nous disposons l'un et l'autre du

19 compte rendu auquel il va être fait référence. Je pense donc… Je ne crois

20 pas que cela pose de problème particulier.

21 M. le Président (interprétation): Maître Lukic, merci de nous avertir à

22 l'avance. Du moment où vous souhaiterez faire référence à ce compte rendu,

23 dans ce cas, nous passerons immédiatement à huis clos partiel.

24 Nous débattrons de cette question avec le témoin, et si le témoin

25 manifeste son accord, alors nous n'aurons pas besoin de nous tourner vers

Page 11210

1 des décisions qui ont pu être prises par la Chambre de première instance

2 antérieure. Je pense que c'est la meilleure façon de procéder.

3 Pas d'autre commentaire, je pense à émettre sur ce sujet?

4 Cela étant dit, je vais demander à M. l'huissier de bien vouloir faire

5 entrer le témoin dans le prétoire. Merci.

6 (Le témoin, M. Goran Dragojevic, est introduit dans le prétoire.)

7 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur Dragojevic. Est-ce que

8 vous m'entendez dans une langue que vous comprenez?

9 M. Dragojevic (interprétation): Bonjour. Oui, je vous entends.

10 M. le Président (interprétation): Je vais vous demander de bien vouloir

11 prononcer la déclaration solennelle.

12 M. Dragojevic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Vous pouvez prendre

15 place.

16 Comme vous le savez, vous êtes ici en tant que témoin de la défense. Je

17 vais donc commencer par donner la parole à Me Lukic.

18 (Interrogatoire principal du témoin, M. Goran Kapetanovic, par Me Lukic.)

19 M. Lukic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

20 Bonjour, Monsieur Dragojevic.

21 M. Dragojevic (interprétation) : Bonjour.

22 Question: Afin que cela soit porté au compte rendu, merci de décliner

23 votre identité.

24 Réponse: Je m'appelle Dragojevic, mon prénom est Goran. Je suis né le 18

25 avril 1957 à Prijedor.

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1 Question: Où demeurez-vous à l'heure actuelle?

2 Réponse: Je réside à l'heure actuelle à Prijedor, dans la rue Zmaj Jovan

3 Jovanovica, au n°12.

4 Question: Quelle était votre profession en 1992? Quelle était votre

5 occupation pendant les mois du printemps 1992?

6 Réponse: J'étais conducteur d'ambulance et je travaillais au centre

7 hospitalier général de Prijedor.

8 Question: Quand avez-vous commencé à occuper ce poste?

9 Réponse: J'ai pris ce poste de chauffeur d'ambulance en 1980 et c'est à ce

10 poste que j'ai travaillé.

11 Question: J'aimerais maintenant vous poser une question relative aux

12 événements qui ont précédé le mois d'avril 1992. En 1991 et 1992, est-ce

13 que des personnes ont commencé à quitter la municipalité de Prijedor?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Que pouvez-vous nous dire de ces événements? A quel point vous

16 souvenez-vous de cette période?

17 Réponse: Les gens ont commencé à quitter la municipalité de Prijedor, en

18 fait, ils se rassemblaient devant le "Patrija", le magasin, et devant

19 l'hôtel "Balkan" et de là, ils quittaient Prijedor à bord de bus.

20 Question: Qui étaient les passagers qui voyageaient à bord de ces autobus?

21 Quel âge avaient ces personnes? S'agissaient-ils d'hommes, de femmes?

22 Quelle était leur appartenance ethnique? Pouvez-vous nous en dire un petit

23 peu plus.

24 Réponse: Eh bien, à cette période les personnes qui se rassemblaient

25 devant le "Patrija" étaient pour la plupart des Musulmans. Il s'agissait

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1 de personnes âgées, des femmes pour la plupart accompagnées d'enfants

2 également. On les reconnaissait assez facilement, il suffisait de regarder

3 la façon dont elles étaient vêtues: les femmes portaient ces jupes très

4 caractéristiques qui ressemblent à des pantalons bouffants et les

5 personnes âgées portaient des chapeaux eux aussi très caractéristiques,

6 très reconnaissables.

7 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire comment on appelle ce

8 chapeau?

9 Repose: Il s'agit d'un fez.

10 Question: Est-ce que c'est un chapeau de style français?

11 Réponse: Non, c'est un fez… de type français, si vous voulez.

12 Question: En 1991 avez-vous été mobilisé?

13 Réponse: En 1991, j'ai emmené mon ambulance à Slavonia. J'étais donc

14 chauffeur de cette ambulance, je peux donc répondre à votre question par

15 l'affirmative. Et peu de temps après, je suis revenu.

16 Question: Est-ce que vous avez été ensuite démobilisé?

17 Réponse: C'est exact. Un ou deux mois plus tard, j'ai été démobilisé et

18 j'ai repris les fonctions que j'exerçais avant ma mobilisation.

19 Question: Vous dites que vous êtes revenu, où êtes-vous revenu et où avez-

20 vous repris votre travail?

21 Réponse: Je suis revenu à l'hôpital, l'hôpital général de Prijedor. C'est

22 là que j'avais travaillé comme ambulancier jusque-là.

23 Question: Jusqu'à la fin du mois de mai 1992 ou plutôt à la fin du mois de

24 mai 1992, avez-vous été mobilisé une fois encore?

25 Réponse: Non.

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1 Question: Donc, pendant toute cette période de temps, vous avez travaillé

2 comme ambulancier civil d'une ambulance civile, n'est-ce pas?

3 Réponse: c'est exact.

4 Question: Savez-vous que le 30 avril 1992, il y a un événement très

5 particulier à Prijedor?

6 Réponse: Oui. En effet, j'étais citoyen de Prijedor et, bien sûr, j'étais

7 conscience de ce qui passait. Il y a eu prise de Prijedor.

8 Question: Après la prise de Prijedor, en quoi la situation a-t-elle

9 changé, eu égard à ce qu'elle pouvait être quelques jours auparavant?

10 Réponse: La situation n'a pas vraiment changé, rien de frappant. La seule

11 chose qui était différente, c'était le degré de tension qui régnait, la

12 tension était palpable. On pouvait vraiment sentir que chacun se sentait

13 plus tendu, on était beaucoup plus tendu à ce moment-là qu'auparavant.

14 Question: Est-ce qu'il y a eu juste après la prise de Prijedor un meurtre

15 ou des actes qui ont donné lieu à la mort d'hommes?

16 Réponse: Oui, quelque temps plus tard, du fait de la profession que

17 j'exerçais et du fait que je me retrouvais souvent dans un situation où je

18 pouvais observer ce qui se passait, une situation où je pouvais voir les

19 blessés, il fallait que je les emmène à l'hôpital. Donc quelque temps

20 après j'ai entendu dire qu'un jeune homme avait été blessé à Prijedor de

21 l'autre côté de "Bijelo Dugme", à côté du pont volant. Et en ville, des

22 rumeurs ont circulé: on disait que ce jeune homme avait été blessé, enfin

23 pas blessé, en fait abattu par le fils de Mihalem Ceric qui, ensuite, a

24 pris la fuite. La police s'est lancée à sa poursuite mais ne l'a pas

25 retrouvé.

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1 Question: Pourriez-vous nous donner le nom de ce jeune homme qui est mort?

2 Réponse: Il s'appelait Dzapa Prodin.

3 Question: Quelle était son appartenance ethnique?

4 Réponse: C'était un Serbe.

5 Question: Vous vous souvenez des vêtements qu'il portait lorsqu'il a été

6 abattu?

7 Réponse: Je ne me souviens pas des vêtements qu'il portait à ce moment-là,

8 mais j'ai entendu dire qu'il était membre de la police de réserve.

9 D'autres personnes m'ont dit que ce sont les vêtements de sa fonction

10 qu'il portait lorsqu'il a été abattu.

11 Question: Vous avez évoqué le nom de l'homme qui a abattu ce policier de

12 réserve. Est-ce que vous pourriez nous donner l'appartenance ethnique de

13 celui qui a abattu ce Prodin Dzapa?

14 Réponse: C'était un Musulman, il résidait à Urije.

15 Question: Est-ce que vous avez entendu parler de l'existence d'une cellule

16 de crise dans la municipalité de Prijedor et, le cas échéant, comment

17 avez-vous appris l'existence de cette entité?

18 Réponse: Oui, j'ai entendu parler de la cellule de crise et j'ai appris

19 son existence de la façon suivante. Les ambulanciers, avant de faire le

20 plein d'essence, devaient se rendre à la cellule de crise. C'était le cas

21 pour nous tous. Et nous devions donc obtenir de la cellule de crise un

22 certificat sur lequel apparaissait la quantité d'essence à laquelle nous

23 avions droit, lorsque nous faisions le plein à la station d'essence.

24 Question: Et où vous rendiez-vous pour obtenir ce genre de certificat? Qui

25 délivrait ces certificats?

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1 Réponse: Nous nous rendions au siège de la cellule de crise à Cirkin

2 Polje. Il y avait là une maison et, si je me souviens bien -tout cela

3 s'est passé il y a un certain temps-, si je me souviens bien, il y avait

4 M. Kuruzovic qui se trouvait là et il y avait également son équipe qui

5 était donc responsable de délivrer ces certificats. Moi, je ne me souviens

6 plus des personnes qui composaient cette équipe, malheureusement. Nous

7 utilisions ces certificats pour nous rendre ensuite à la station d'essence

8 pour y faire le plein.

9 Question: Pourriez-vous nous dire quand vous avez dû aller au bureau de la

10 cellule de crise pour obtenir un certificat pour la première fois? C'était

11 au mois de mai, mais quand exactement?

12 Réponse: C'était vers la fin du mois de mai, juste avant que je ne sois

13 blessé, donc aux alentours du 25 mai.

14 Question: Est-ce que vous savez qu'il y a eu des combats autour de Kozarac

15 autour du mois de mai 1992, ou vers le mois de mai 1992?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Comment avez-vous appris qu'il y avait eu ces combats? Et, par

18 ailleurs, pourriez-vous nous dire quel est le rôle que vous avez joué en

19 tant qu'ambulancier à cette époque?

20 Réponse: Etant donné que j'étais ambulancier, j'ai dû un jour me rendre à

21 Susici, un village qui se trouve juste avant Kozarac. Mon collègue et moi-

22 même, nous nous sommes rendus sur place -avec une ambulance, bien sûr-, et

23 de là, nous avons transporté des personnes âgées et des enfants. C'est la

24 mission qui nous avait été confiée et c'est ce que nous avons fait. Nous

25 devions transporter les personnes âgées et les enfants si le besoin s'en

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1 faisait sentir.

2 Lorsque je suis arrivé là-bas, j'ai dû faire cinq ou six allers-retours en

3 tout de Susici, jusqu'à la ville de Susici, jusqu'à l'hôpital. Je me

4 rappelle très bien que j'ai transporté M. Revko Kapetanovic; je l'ai

5 transporté ainsi que sa mère âgée et que sa femme. Je les ai emmenés à

6 l'hôpital. Puis, de l'hôpital, je l'ai emmené chez son beau-frère qui se

7 trouvait à Pecani. Monsieur Kapetanovic travaillait à l'hôpital. En fait,

8 il travaillait dans les services de l'administration de l'hôpital, c'était

9 lui qui était chef comptable.

10 Je ne pourrais pas vous donner le nom d'autres personnes que j'ai

11 transportées à ce moment-là, mais elles étaient assez nombreuses et, pour

12 la plupart, il s'agissait de personnes âgées mais il y avait également

13 quelques enfants. J'ai emmené toutes ces personnes en ville, et soit je

14 les ai laissées chez des parents ou des proches, soit je les ai laissées

15 en face du centre pour la jeunesse, le Mladost.

16 M. Lukic (interprétation): Qui vous a dit que vous deviez vous arrêter à

17 Susici, que vous ne pouviez pas à aller au-delà de ce point avec votre

18 ambulance?

19 M Dragojevic (interprétation): Lorsque nous nous sommes rendus sur place,

20 nous y avons trouvé l'armée qui s'y trouvait déjà et les forces armées ne

21 nous laissaient pas aller plus loin, ou en tout cas ils n'ont pas laissé

22 passer l'ambulance. Ils nous ont dit que la zone n'était pas sûre et qu'il

23 n'était pas bon que nous essayions d'aller au-delà. Ils nous ont dit qu'il

24 fallait que nous nous mettions sur le bas-côté et que nous attendions les

25 instructions supplémentaires.

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1 M. le Président (interprétation): Est-ce que j'interviendrais dans vos

2 questions si je demande au témoin de m'indiquer de quelle région il

3 s'agit?

4 M. Lukic (interprétation): Je vous en prie, Monsieur le Président.

5 M. le Président (interprétation): Puis-je demander à Mme la Greffière de

6 mettre sur le rétroprojecteur le document en question qui porte la cote

7 S14?

8 Mme Dahuron (interprétation): Donc pièce portant la cote S14.

9 (Intervention de l'huissier.)

10 M. le Président (interprétation): S14. Si vous voulez avoir l'obligeance

11 de bien vouloir la mettre sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît. Merci.

12 Si vous pouvez continuer à diriger le témoin avec vos questions, Maître

13 Lukic?

14 M. Lukic (interprétation): Pourriez-vous, s'il vous plaît, vous tourner

15 vers la carte et nous indiquer l'emplacement exact de Susici?

16 (Le témoin s'exécute.)

17 M. Dragojevic (interprétation): C'est ici.

18 Question: Dans quelle direction se trouve Kozarac?

19 Réponse: A droite, vers la droite.

20 M. Lukic (interprétation): Par conséquent, ce jour-là, vous ne pouviez en

21 quittant Prijedor qu'aller jusqu'à Susici?

22 M. Dragojevic (interprétation): C'est exact, on ne pouvait pas aller plus

23 loin.

24 M. le Président (interprétation): J'aimerais que les choses soient

25 claires, je ne vois pas Susici sur la carte. C'est entre Kozarac et…

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1 M. Lukic (interprétation): Est-ce que vous pouvez lire le nom de Susici

2 sur la carte ou est-ce que vous indiquez l'emplacement parce que vous

3 connaissez l'endroit?

4 M. Dragojevic (interprétation): C'est à moi que vous posez la question?

5 M. le Président (interprétation): Oui, absolument.

6 M. Dragojevic (interprétation): J'étais le conducteur, donc je suis passé

7 à plusieurs reprises à Susici. C'est un village qui se situe entre Kozarac

8 et Kozarusa, c'est à peu près à trois ou quatre kilomètres de la station

9 d'essence que se trouve au croisement à Kozarac.

10 M. Lukic (interprétation): Par conséquent, en quittant Prijedor Susici,

11 c'est avant d'arriver à la station d'essence?

12 M. Dragojevic (interprétation): Oui. Il y a peut-être 3 kilomètres entre

13 Susici et la station essence elle-même.

14 M. Lukic (interprétation): Ce serait un bon moment pour faire une pause

15 Monsieur le Président?

16 M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant suspendre la

17 séance jusqu'à 16 heures 15, merci.

18 (L'audience, suspendue à 15 heures 45, est reprise à 16 heures 21.)

19 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

20 M. Lukic (interprétation): Monsieur Dragojevic, êtes-vous prêt à

21 poursuivre?

22 M. Dragojevic (interprétation): Oui.

23 M. Lukic (interprétation): Vous avez indiqué Susici sur la carte, nous

24 avons pu le voir et c'est à cet endroit-là que vous vous êtes rendu

25 lorsque les gens quittaient Kozarac?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Le jour qui a précédé le conflit à Kozarac, avez-vous conduit un

3 patient à Kozarac? Quel chemin avez-vous emprunté et pourquoi?

4 Réponse: Oui, ça n'était pas seulement le jour précédent le conflit, mais

5 quelques jours précédents le conflit et les combats. Je me souviens très

6 bien que la veille des combats à Kozarac, je conduisais une femme enceinte

7 et je l'ai emmenée au centre de Kozarac, près de la mosquée. Je l'y ai

8 déposée et elle est rentrée chez elle; un infirmier m'accompagnait.

9 Est-ce que vous souhaitez que je vous donne le nom de cet infirmier?

10 Question: Oui, si vous voulez bien.

11 Réponse: Non, je ne vois pas pourquoi cela devrait poser un problème. Le

12 nom de cet infirmier était Irfan Kurtovic.

13 Question: Quelle est son appartenance ethnique?

14 Réponse: Il est Musulman.

15 Question: En avez-vous terminé avec votre réponse précédente?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Ceci vous a peut-être échappé, mais je vous ai demandé quel

18 chemin vous aviez suivi pour vous rendre à Kozarac, et pourquoi?

19 Réponse: J'ai pris la même route que celle qu'on emprunte pour aller à

20 Banja Luka et au croisement, près de la station d'essence, j'ai tourné

21 pour me rendre au centre de Kozarac et j'ai poursuivi ma route en

22 direction de Markovic, jusqu'à la mosquée. La mosquée était à gauche,

23 juste avant de quitter Kozarac; c'est à cet endroit-là que cette jeune

24 femme enceinte est descendue de la voiture.

25 Avant d'y arriver, nous avons été arrêtés à deux reprises. La première

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1 fois, près de la scierie, nous avons été arrêtés. Une patrouille nous a

2 demandé de nous mettre sur le bas-côté. Ces personnes étaient armées et

3 cet infirmier qui m'accompagnait m'a dit que je n'avais rien à craindre,

4 car ces personnes-là n'étaient que des gardes. Ils nous ont arrêtés et

5 nous ont demandé ce que nous transportions. Lorsque je leur ai indiqué que

6 nous ne transportions qu'une femme enceinte, ils nous ont permis de

7 poursuivre notre route.

8 Lorsque nous sommes arrivés au centre de Kozarac, nous avons été arrêtés

9 par une patrouille, à savoir un groupe de personnes, et ces personnes ont

10 posé les mêmes questions et je leur ai donné la même réponse. Ils nous ont

11 permis de poursuivre notre route. Cette jeune femme est donc descendue de

12 voiture à cet endroit-là, j'ai fait demi-tour et je suis retourné à

13 l'hôpital de Prijedor.

14 Question: Après les combats à Kozarac, il a l'attaque sur Prijedor. Où

15 étiez-vous le 30 mai au matin, le 30 mai 1992?

16 Réponse: Ce matin-là, j'étais à l'hôpital. J'étais ambulancier et je

17 faisais mon travail, comme à l'accoutumée.

18 Question: Quand avez-vous reçu un appel téléphonique ce matin-là et que

19 vous a-t-on dit?

20 Réponse: Ce matin-là, j'ai reçu un appel à 5 heures moins 20. Ils m'ont

21 appelé et ils m'ont dit qu'il y avait une intervention d'urgence. J'étais

22 dans la pièce que j'occupais lorsque je travaillais à l'hôpital et on m'a

23 demandé de me rendre à l'hôtel à Prijedor rapidement. Je me suis donc

24 habillé. Ils m'ont dit que des patients attendaient là et qu'ils

25 attendaient qu'on les emmène à l'hôpital en ambulance.

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1 Question: Quel genre de voiture conduisiez-vous à ce moment-là, en tant

2 qu'ambulancier? Quelle voiture conduisiez-vous?

3 Réponse: Je conduisais une Karavan Lada, c'était une ambulance. Et c'est

4 vrai qu'il y avait le signe de la Croix-Rouge qui était très voyant sur la

5 voiture. Moi-même, je portais un habit blanc, une blouse blanche, et je

6 portais un brassard sur mon bras gauche qui était extrêmement visible et

7 qui portait le signe de la Croix-Rouge; ce qui était tout à fait normal

8 pour un ambulancier.

9 Question: Lorsqu'on vous a demandé d'aller chercher le patient ou les

10 patients, quelqu'un vous a-t-il indiqué quelle était l'origine ethnique de

11 ces personnes et qui vous alliez conduire, ou est-ce qu'on vous simplement

12 dit que vous alliez chercher des patients?

13 Réponse: Non, personne ne nous a informés de leur origine ethnique, et

14 personne n'a parlé du type des blessures qu'ils avaient subies non plus.

15 En général, on ne vous donne jamais ce type d'informations, parce que

16 travaillant dans le monde médical, tous les patients sont égaux et traités

17 de la même façon. Je n'étais pas censé savoir, lorsque j'allais chercher

18 quelqu'un, de quelles nationalités ils étaient. De toute façon, pour moi,

19 cela n'avait pas d'importance.

20 Question: Quelle heure était-il, à ce moment-là? Etait-ce le lever du jour

21 ou faisait-il encore nuit?

22 Réponse: On m'a appelé à 5 heures moins 20 du matin, je me suis habillé et

23 je me suis préparé. Cela m'a pris à peu près 10 minutes. Le jour s'était

24 levé et la visibilité était assez bonne.

25 Question: Que s'est-il passé en chemin, lorsque vous étiez en route pour

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1 aller chercher ce patient ou ces patients?

2 Réponse: Il s'est passé quelque chose d'épouvantable; peut-être une des

3 choses les plus épouvantables que j'ai jamais vécue. Je n'aimerais pas que

4 ce genre de chose arrive à quelqu'un, jamais.

5 Donc j'avais quitté l'hôpital, je me dirigeais en direction de l'hôtel et

6 j'étais censé passer sous la rocade d'autoroute pour arriver à ma

7 destination; c'était la destination que l'on m'avait donnée, où j'étais

8 censé me rendre. En me dirigeant vers la rocade, j'ai remarqué un groupe

9 de personnes qui a attiré mon attention. Il devait y avoir environ 14 à 16

10 personnes dans ce groupe; ils traversaient la rue.

11 J'ai poursuivi ma route et je ne me doutais de rien. Lorsque je me suis

12 rapproché de ce groupe de personnes, j'ai vu que ces personnes étaient

13 armées. Il y a des personnes que je connaissais, des personnes que j'avais

14 connues auparavant, que j'avais connues dans ma jeunesse. Et sans me

15 douter de rien, j'ai poursuivi ma route.

16 Au moment où je les ai dépassées en voiture, je les avais dépassées de 50

17 centimètres à peu près, j'ai entendu des tirs. On utilisait des armes à

18 feu, c'était un barrage de fusils. Et j'ai… le bruit résonne encore à mes

19 oreilles. J'ai senti une douleur dans le bras droit, dans le bras gauche,

20 dans la jambe gauche et dans l'estomac. Je conduisais peut-être à 40

21 kilomètres à l'heure, et le véhicule s'est arrêté sous la rocade. C'était

22 un petit peu l'effet de l'inertie, et j'entendais toujours le bruit des

23 mitrailleuses, j'entendais des balles qui atteignaient la voiture.

24 J'étais plus jeune à l'époque et j'étais physiquement beaucoup plus fort,

25 je pesais peut-être 120 kilos à l'époque. J'ai donc essayé de rallumer le

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1 moteur. Il se trouve que je suis conducteur professionnel, j'ai essayé de

2 redémarrer la voiture pour la déplacer de l'endroit où elle était.

3 Je pensais que quelqu'un allait venir à la rescousse si je pouvais

4 seulement m'échapper de cet endroit-là et repartir. Donc, avec le pied

5 gauche et le bras gauche, j'ai réussi à faire redémarrer le moteur, j'ai

6 appuyé sur la pédale d'embrayage et je me suis dirigé vers la poste

7 centrale de Prijedor.

8 On traverse la rue principale lorsqu'on vient de la rocade d'autoroute, on

9 traverse la rue principale et on se retrouve dans le centre. Après

10 quelques instants, je me suis perdu. Je saignais abondamment, j'avais des

11 taches de sang sur ma blouse blanche, je ne sentais plus du tout mon bras

12 droit et il en va de même pour ma jambe gauche. Je n'ai rien remarqué

13 d'anormal, mais je voyais des taches de sang et j'éprouvais une douleur

14 aiguë.

15 Encore une fois, j'ai essayé de faire démarrer la voiture. J'ai réussi à

16 la déplacer sur 100 mètres et ensuite, elle s'est arrêtée; la voiture

17 s'est arrêtée net et je ne pouvais plus la faire démarrer. Je suis resté

18 là, tout seul, étendu sur le siège.

19 Après un long moment, quelqu'un est venu et un jeune homme m'a trouvé

20 gisant-là et il m'a emmené à l'hôpital. Mais il a pris le chemin le plus

21 long pour aller à l'hôpital parce que, comme il me l'a expliqué plus tard,

22 je m'évanouissais à intervalles réguliers. Ce jeune homme m'a emmené à

23 l'hôpital et j'ai reçu les premiers soins; on m'a ensuite envoyé à Banja

24 Luka. Le même jour j'ai été transporté de Banja Luka à Belgrade en avion.

25 J'étais très gravement blessé.

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1 Question: A quelle vitesse rouliez-vous lorsque vous êtes arrivé à la

2 rocade?

3 Réponse: J'étais en ville et je roulais environ à 40 kilomètres à l'heure.

4 Question: Vous avez dit que vous avez reconnu certains des assaillants.

5 Avez-vous remarqué si eux vous ont reconnu?

6 Réponse: Oui, je les ai vus de près et je les ai reconnus sans aucun

7 doute. Parmi les assaillants, il y avait trois personnes que je

8 connaissais assez bien. Parmi ces trois personnes, il y avait une personne

9 que je connaissais vraiment très bien. Cette personne me connaissait

10 également très bien, pour la bonne et simple raison que je lui avais

11 offert tellement de verres par le passé que c'eût été impossible pour lui

12 de ne pas me reconnaître. Prijedor est sa ville natale et Prijedor est

13 également ma ville natale.

14 Question: A quelle distance du véhicule se trouvait le groupe de personnes

15 qui a tiré sur la voiture sous la rocade d'autoroute? Est-ce qu'ils

16 tiraient sur vous alors que vous approchiez, ou est-ce qu'ils ont tiré sur

17 la voiture une fois que vous aviez déjà dépassé le groupe?

18 Réponse: J'avais tout juste dépassé le groupe et ils tiraient de très

19 près, ils tiraient de côté, comme en attestent mes blessures. Je venais de

20 les dépasser, la partie avant du véhicule venait de dépasser le groupe et

21 je l'ai dépassé; c'est au moment où je l'ai dépassé qu'ils m'ont tiré

22 dessus. Ils ont tiré sur la place du passager avant de mon véhicule. Ils

23 se tenaient debout à ma droite, peut-être à 1,5 mètre à 2 mètres de

24 distance et, à ma gauche, ils étaient éloignés à ce qui correspond à peu

25 près à une rangée de voitures et ils se tenaient sur le trottoir d'en

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1 face, derrière les colonnes de la rocade.

2 Question: Avant d'arriver à cette arcade, vous avez dit que vous aviez vu

3 des personnes traverser la route. De quel côté venaient-elles? De quel

4 bâtiment venaient-elles?

5 Réponse: Je les ai vues au moment où je me dirigeais sous la rocade. Ils

6 allaient de gauche à droite. Et à gauche de cette route, il y a des

7 escaliers qui mènent à la gare d'autobus et à la gare ferroviaire. Et à

8 droite, il y a un autre escalier qui mène à Puharska et c'est ce qu'on

9 appelle en fait la "petite rocade".

10 Ce qui s'est vraiment produit, en fait, c'est que lorsque j'ai traversé la

11 route, j'ai coupé leur colonne en deux.

12 Question: Est-ce que cela veut dire qu'à ce moment, ils avaient déjà

13 arrêté les gens qui étaient responsables de la guerre ferroviaire?

14 Réponse: Moi, personnellement, je ne peux pas vous dire cela, mais je

15 pense que cela s'est produit parce qu'il n'y avait pas d'autre moyen

16 d'arriver à cette rocade à partir de la gare ferroviaire. Donc ils

17 devaient passer par la gare ferroviaire.

18 Question: Dans quelle direction ces assaillants se déplaçaient-ils?

19 Réponse: Ceux que j'ai vus, c'était à gauche vers le côté droit; c'est

20 comme cela qu'ils se trouvaient. Il y en avait à gauche et à droite, il y

21 en avait qui traversaient la rue. Cela veut dire qu'ils se trouvaient donc

22 disposés sur cette ligne.

23 Question: Après avoir pris la rocade, quelle sorte de communication les

24 assaillants ont-ils coupée?

25 Réponse: Il s'agit de la communication principale, de la voie principale

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1 pour rentrer en ville, et de Banja Luka et de Bosanska Dubica, de Bosanski

2 Novi… de l'armée, c'est-à-dire de l'hôpital de Urije où se trouvait la

3 police. Donc cette voie de communication menait à tous ces endroits. Il y

4 avait donc à Urije les effectifs de la police de réserve.

5 Question: Donc après avoir pris cet endroit, les assaillants contre

6 Prijedor ont réussi à couper la ville, à séparer la ville de la caserne et

7 de l'endroit où se trouvait la police de réserve?

8 Réponse: Oui, cela s'est produit comme cela. Il est certain que cela

9 n'était pas leur objectif de prendre cela… Pour empêcher que l'aide

10 n'arrive en ville, aux défenseurs de la ville; c'était leur objectif.

11 Question: Vous avez expliqué comment étaient ces tirs de feu, mais cela ne

12 pouvait pas être enregistré dans le compte rendu parce que vous avez

13 improvisé cela en imitant le son de ces tirs. Mais s'agissait-il de tirs

14 d'armes automatiques?.

15 Réponse: Oui, il s'agissait d'armes automatiques. Cependant, il y avait

16 différentes sortes d'armes automatiques. Et selon mes blessures et selon

17 les images qui ont été prises par la suite, il était clair que les

18 assaillants avaient des fusils à pompe, des armes semi-automatiques et des

19 armes automatiques parce que, dans mon corps, il y avait une multitude de

20 balles et d'éclats.

21 M. Koumjian (interprétation): S'il vous plaît, il faut clarifier cela

22 parce qu'il me semble que j'ai entendu l'interprète dire… il a dit "les

23 deux". C'est dans le compte rendu.

24 M. le Président (interprétation): Merci de nous apporter cette

25 clarification.

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1 M. Lukic (interprétation): Est-ce que c'était un homme qui a tiré dans

2 votre direction ou il s'agissait de plusieurs personnes?

3 M. Dragojevic (interprétation): Il y avait plusieurs personnes qui ont

4 tiré dans ma direction. J'ai vu plusieurs hommes dans ce groupe et, dans

5 ce groupe, il y avait des personnes que je connaissais. Et mes blessures,

6 j'ai eu 32 blessures, donc il était clair qu'il y avait plusieurs tireurs

7 qui tiraient dans ma direction. Donc il y avait plusieurs blessures par

8 balles.

9 Question: Maintenant, nous parlons de vos blessures. Pouvez-vous nous dire

10 quels étaient les endroits où vous avez reçu ces balles, les parties de

11 votre corps?

12 Réponse: J'étais blessé dans la jambe supérieure droite, donc l'os a été

13 coupé de 7 centimètres; ensuite, c'était l'avant-bras droit qui a été

14 blessé; ensuite, le bras droit avec la clavicule où il y a même

15 aujourd'hui des pièces de métal qui sont là-dedans; également, ces pièces

16 de métal se trouvent dans ma jambe droite, il y a une plaque métallique et

17 18 vis pour que je puisse marcher.

18 J'ai été blessé également dans la jambe droite, par balles. Ensuite, dans

19 l'avant-bras gauche, par balles aussi. Dans la partie thoracique, j'ai

20 aussi reçu une balle et également à l'estomac. Et dans le cou, j'ai eu

21 aussi une blessure par balles.

22 Question: Est-ce que, plus tard, vous avez entendu parler du nombre de

23 gens blessés ou tués à Prijedor, ce jour-là, par ces assaillants?

24 Réponse: Oui, pendant que j'étais à l'hôpital à Belgrade et après que je

25 sois rentré, j'ai entendu parler qu'il y avait 18 jeunes hommes qui ont

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1 été tués ce jour-là et qu'il y avait des blessés, légèrement blessés ou

2 gravement blessés, moi y compris. Il y avait approximativement 36 blessés.

3 M. Lukic (interprétation): Je prie M. l'huissier de montrer au témoin la

4 pièce à conviction portant la cote… et c'est le Bureau du Procureur qui

5 lui a accordé la cote 452, en application de l'Article 65ter. Je m'excuse,

6 il s'agit de la pièce à conviction de la défense selon l'Article 65ter

7 portant la cote 152.

8 M. le Président (interprétation): C'est la cote provisoire D53. C'est la

9 cote provisoire donnée à cette pièce à conviction.

10 M. Lukic (interprétation): Monsieur Dragojevic, vous avez sous vos yeux

11 une liste de noms. Pouvez-vous nous lire le titre de cette liste?

12 M. Dragojevic (interprétation): "Assaillants contre Prijedor".

13 Question: Est-ce que parmi ces noms, vous reconnaissez là l'une des

14 personnes que vous aviez reconnues ce matin-là comme assaillant, quelqu'un

15 qui vous a attaqué, vous et votre ambulance?

16 Question: Est-ce que vous pourriez d'abord nous dire le numéro et après le

17 nom qui est à côté?

18 Réponse: Sous le n°11: Babic Nedjad.

19 Question: Pouvez-vous nous dire depuis combien de temps vous connaissez

20 cette personne?

21 Réponse: Je le connais depuis longtemps parce que ce jeune homme avait

22 grandi avec moi à Prijedor. Et il était avec une autre personne, il était

23 en tête de ce groupe qui se trouvait sous la rocade.

24 Sous le n°17: Halvadzic Sead. Il faisait également partie de ce groupe.

25 Jukic Benjamin… Je m'excuse. C'est le n°77: Jukic Benjamin.

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1 Sous le n°100, Cajic Edo, Edin. Il était connu parce qu'il fabriquait des

2 tables de billard. Il était aussi responsable du commandement, il se

3 trouvait à la deuxième place de ce groupe.

4 Le n°93, c'est Agan Sikiric. Il était professeur, enseignant. Je le

5 connais très bien et il se trouvait dans ce groupe.

6 Question: Ici, nous ne pouvons pas voir son nom: Sikiric.

7 Réponse: Non, mais je sais très bien que son surnom était "Agan" et qu'il

8 était enseignant à Hambarine.

9 Question: Vous connaissez d'autres personnes dont les noms figurent sur

10 cette liste, mais vous ne pouvez pas les identifier en tant qu'assaillants

11 ce matin-là, qui vous ont attaqué?

12 Réponse: Oui, c'est certain. Ici sur cette liste, j'ai vu un nom sous le

13 n°73: Kadiric, de Rizvanovici, surnom "Politicki". Il avait un surnom

14 "Politicki". (Note de l'interprète: en français, c'est "Politique".) C'est

15 mon collègue de l'hôpital qui était ambulancier comme moi. Je sais que, en

16 1990, avant les élections, il plaisantait et il disait qu'il serait homme

17 politique, et c'est pour cela qu'il a eu ce surnom "homme politique" ou

18 "Politicki".

19 M. Lukic (interprétation): Je vous remercie. Nous n'avons plus besoin de

20 cette liste pour le moment.

21 (Intervention de l'huissier.)

22 M. le Président (interprétation): Si j'ai bien compris, vous avez

23 l'intention de verser ce document au dossier.

24 M. Lukic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

25 M. le Président (interprétation): Est-ce que je peux entendre des

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1 objections, s'il y en a, du Procureur?

2 M. Koumjian (interprétation): Mon commentaire concerne la valeur probable

3 de ce document. L'avocat n'a pas dit cela, mais je vois que le Bureau du

4 Procureur a reçu de du poste de police de Prijedor ce document et je pense

5 qu'il y a de décisions précédentes dans lesquelles il existe quelques

6 observations concernant l'authenticité des documents qui ont été versés au

7 dossier.

8 M. le Président (interprétation): Selon la pratique, tout ce qui a été

9 communiqué aux parties avant le début des débats ne concerne pas la valeur

10 probable de ces documents et c'est seulement pour mieux comprendre ce

11 document, ce document est versé au dossier sous la cote D53 A et B,

12 respectivement.

13 M. Lukic (interprétation): Après avoir été blessé, est-ce que votre

14 capacité de travail a été examinée? Est-ce que vous avez été déclaré

15 invalide et quel est le pourcentage de votre invalidité?

16 M. Dragojevic (interprétation): Oui, je suis invalide à 90%, invalide

17 permanent et, en tant que tel, je suis parti en retraite parce que je

18 n'étais pas capable de continuer à travailler.

19 Question: Vous avez été convoqué en tant que témoin à décharge il y a

20 quelques semaines, et à l'époque vous ne pouviez pas vous rendre ici.

21 Quelle était la raison de cette impossibilité de venir?

22 Réponse: La raison principale était parce qu'à l'époque j'ai eu un

23 infarctus et une pneumonie par la suite. A cause de toutes ces opérations

24 que j'ai dû subir -il y en a eu au total 16-, et à cause d'une grande

25 quantité de sang que j'ai dû recevoir après chaque opération, le système

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1 d'autodéfense de mon organisme a été abîmé et le cœur ne pouvait plus

2 fonctionner comme avant.

3 Question: Maintenant, je voudrais revenir à l'époque avant votre blessure,

4 mais après la prise de pouvoir à Prijedor.

5 Est-ce qu'après la prise de pouvoir, vos collègues venaient travailler?

6 Réponse: Non, beaucoup de collègues ne venaient plus travailler.

7 Question: Ont-ils été licenciés ou tout simplement ne venaient-ils plus au

8 travail?

9 Réponse: Il y avait des collègues qui ne venaient plus au travail déjà

10 depuis 1991. La raison principale pour laquelle on m'a fait revenir de

11 Slavonie, c'était parce que l'hôpital a demandé à l'armée de me faire

12 revenir; il y avait des ambulanciers qui ne voulaient plus travailler.

13 C'est ainsi que, moi, j'ai été démobilisé en 1991 au mois d'octobre ou

14 novembre. Je ne me souviens plus parce que c'était il y a longtemps, mais

15 je suis resté en Slavonie pendant une brève période.

16 En 1992, il y avait certains collègues qui ont quitté leur poste de

17 travail, mais parmi eux il y avait même des Serbes qui ne voulaient plus

18 travailler. Il s'agissait pour la plupart de gens dont les familles

19 étaient soit à l'étranger, soit ces familles étaient parties, étaient

20 parties avant les conflits.

21 Question: Vos collègues qui ne voulaient plus travailler en tant

22 qu'ambulancier, et c'était la raison pour laquelle vous avez été

23 démobilisé, est-ce que vous connaissez leur appartenance ethnique?

24 Réponse: C'étaient les Musulmans. Et si cela est nécessaire, je peux citer

25 leurs noms, certains parmi eux: Kadiric, Blazevic, Delkic, Crnalic. Ce

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1 sont les personnes qui travaillaient avec moi pendant de longues années,

2 et tout d'un coup ils ont arrêté de venir au travail.

3 Question: Vous avez dit qu'il y avait également des Serbes qui ne venaient

4 plus au travail. Pouvez-vous donner quelques noms de ces Serbes?

5 Réponse: Parmi ces Serbes, il y avait un collègue, un de mes voisins qui

6 n'était pas ambulancier mais qui travaillé avec moi à l'hôpital, il

7 s'appelle Djakovic Vid; il a quitté également son poste de travail. Vinko

8 Latinovic aussi ne venait plus travailler.

9 Question: Et ceux qui continuaient à venir au travail après la prise de

10 pouvoir, est-ce qu'ils ont continué à travailler dans des conditions

11 normales?

12 Réponse: Pendant cette période, ils venaient au travail et il y avait des

13 roulements, mais il n'y avait pas de fonctionnement normal dans notre

14 service. Il y avait des gardes qui ont été établies, il y avait des gardes

15 dans les quartiers et beaucoup de gens travaillaient par exemple 48 heures

16 quelquefois à l'hôpital. Et selon l'ordre émanant du directeur ou d'un

17 supérieur, nous avons dû les conduire chez eux, mais même nous nous ne

18 pouvions pas passer par tous les quartiers. Donc nous les laissions à un

19 endroit qui était le plus proche de leur domicile pour qu'ils puissent se

20 rendre à pied. Les personnes qui habitaient tout près de l'hôpital,

21 c'étaient eux qui ont supporté le plus ce fardeau de travail parce qu'ils

22 pouvaient plus facilement se rendre chez ceux, se changer et continuer à

23 travailler après un court repos.

24 Question: Vous dites qu'il s'agissait de circonstances extraordinaires

25 dans lesquelles vous travailliez, et c'est pour cela que des gens devaient

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1 travailler en continuité pendant 48 heures et la direction de l'hôpital

2 avait le même problème.

3 Est-ce que vous savez si à l'hôpital a été formé une cellule de crise?

4 Réponse: Oui. Juste avant la fin du mois de mai, j'ai entendu parler de la

5 formation d'une cellule de crise dans mon service qui avait pour objectif

6 principal de permettre, le meilleur fonctionnement de tous les services:

7 c'est-à-dire du service technique, service médical, etc. Et à cause de

8 tous ces événements qui précédaient, donc ces barrières qui ont été

9 érigées, ces gardes, ces conditions extraordinaires, je ne peux pas me

10 souvenir qui était dans cette société cellule de crise parmi… c'est-à-dire

11 qui, parmi le personnel de cet établissement médical, de l'hôpital.

12 Question (interprétation): Vous avez déclaré que la cellule de crise au

13 sein de l'hôpital avait été mise sur pied à la fin mai, c'est-à-dire

14 quelques jours avant d'être blessé, n'est-ce pas ?

15 Réponse: C'est exact, c'est précisément ainsi que les choses se sont

16 produites. Peut-être a-t-elle été mise sur pied le 24 ou le 25. Je n'ai

17 pas de souvenir de la date précise, mais je sais en revanche que la

18 cellule de crise a été mise sur pied et que sa mission était de rendre

19 plus aisé le fonctionnement de tous les services de l'hôpital. Et je sais

20 qu'ils ont même changé le rythme de rotation des équipes de garde parce

21 qu'il y avait un manque d'hommes à ce moment-là et, pour que les choses

22 soient plus faciles, ils ont dû réorganiser le système de roulement des

23 équipes de garde.

24 Question: Avez-vous entendu dire que des cellules de crise avaient été

25 mises sur pied dans d'autres établissements?

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1 Réponse: Oui, des histoires circulaient quant à la création de cellules de

2 crise dans le but de rendre plus facile le fonctionnement d'un certain

3 nombre d'entreprises, afin que ces entreprises puissent avoir un meilleur

4 fonctionnement que ce soit au niveau des services ou de leur

5 administration.

6 Question: Quand êtes-vous rentré de Belgrade, après votre hospitalisation?

7 Réponse: Je suis rentré chez moi 18 mois plus tard. Pendant cette période

8 de temps, j'ai été envoyé dans différents centres de rééducation et j'ai

9 également fait un séjour dans l'académie médicale militaire de Belgrade.

10 Question: Est-ce que cela veut dire qu'à partir du moment où vous avez été

11 blessé et jusqu'à votre retour, vous avez passé 18 mois hors de Prijedor?

12 Réponse: C'est exact, je suis resté absent pendant 18 mois.

13 Question: Est-ce qu'après la fin de la guerre à Prijedor vous avez jamais

14 rencontré un homme appelé: Dragan Tomas? Le cas échéant, pouvez-vous nous

15 dire quand et dans quelles circonstances vous avez rencontré cet homme?

16 Réponse: Excusez-moi pouvez-vous me répéter le nom de cette personne?

17 Question: Dragan Tomas.

18 Réponse: Oui, j'ai rencontré cet homme l'année dernière et il se trouve

19 que je le connais assez bien parce qu'il travaillait au cimetière et nous

20 l'appelions le "Fossoyeur". C'est un surnom; en fait, on l'utilisait un

21 peu pour rire. Je crois qu'au début de l'année dernière -je ne me rappelle

22 plus exactement-, il est venu à Prijedor. Il se rendait dans certains

23 cafés, et des cafés que je fréquente moi aussi, comme d'autres personnes à

24 Prijedor d'ailleurs.

25 Question: Il y a autre chose que je souhaiterais vous demander:

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1 connaissez-vous le Dr Stakic? Et, si c'est le cas, est-ce que vous pouvez

2 nous dire quand, pour la première fois, vous avez entendu parler de lui?

3 Réponse: Je connais le Dr Stakic. Je le connais depuis un certain temps,

4 depuis avant 1990.

5 Question: Est-ce que vous le connaissez personnellement depuis avant 1990,

6 ou est-ce que vous avez seulement ou récemment entendu parler de lui?

7 Réponse: Non, je ne le connaissais pas personnellement, j'avais parlé de

8 lui par mes collègues de travail. Ce sont, comme vous le savez, les

9 docteurs qui signent les ordres de transport qui sont destinés aux

10 ambulanciers. Et j'ai entendu dire qu'il y avait un Dr Stakic qui

11 travaillait à Omarska, au centre sanitaire. Et tout cela, c'était avant

12 1990.

13 Comme je résidais à Prijedor dans les années 90, j'ai entendu parler de

14 lui lorsqu'il y a eu les élections. Par la suite, j'ai entendu dire qu'il

15 était devenu le vice-président de l'assemblée municipale de Prijedor.

16 Question: Est-ce que des rumeurs circulaient, eu égard à sa désignation en

17 tant que vice-président de l'assemblée municipale?

18 Réponse: Oui, et j'ai entendu ces rumeurs qui circulaient. On disait

19 notamment qu'un "petit homme", et je ne souhaite insulter ici personne,

20 venant d'un "petit village" pouvait occuper la position de vice-président

21 de l'assemblée municipale.

22 Et nous, les personnes originaires de Prijedor, étions exclues de ce

23 poste. Alors tout le monde se demandait comment il se faisait qu'aucune

24 des personnes originaires de Prijedor n'avait été choisie comme vice-

25 président de Prijedor.

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1 Mais j'ai aussi entendu dire autre chose. A cette époque-là, on disait que

2 le Dr Stakic, qui était donc médecin, avait été désigné comme vice-

3 président grâce à des connaissances dans les milieux politiques.

4 On disait que la coalition qui était au pouvoir à ce moment-là, la

5 coalition SDS, et le parti du Dr Stakic lui avaient donc confié ce poste

6 de vice-président. Son parti n'avait pas sa base à Prijedor, le parti du

7 Dr Stakic avait sa base à Omarska; il s'appelait "le parti radical quelque

8 chose", je n'ai plus le nom précis à l'esprit, mais ce n'est pas le parti

9 radical qui existait à cette même époque à Prijedor, le parti radical de

10 M. Seselj et d'autres.

11 Le Dr Stakic était membre d'un autre parti radical. Je suis au courant du

12 SDS, parce qu'à cette époque-là j'étais moi-même membre dudit parti. Je ne

13 prenais part à aucune des réunions, aucun des événements qui étaient

14 organisés par ce parti. Chacun savait le but visé par les élections: ces

15 élections voulaient précipiter la chute du système "monopartite". Il

16 s'agissait de permettre à chacun de choisir librement quel était le parti

17 de son choix et de l'élire. Et moi je me proposais de choisir le SDS. Je

18 connaissais bien son programme politique et c'est ce parti que je

19 souhaitais désigner par mon vote. Donc on disait à l'époque que le SDS

20 avait accordé à ce parti radical le poste de vice-président, alors même

21 que le SDS était, d'après les résultats des urnes, en droit d'occuper ce

22 poste.

23 Je sais également qu'à cette même époque dont nous parlons, nombre

24 d'habitants de Prijedor étaient furieux, furieux que quelqu'un comme lui,

25 venant d'un petit village, un homme dont personne ne savait rien vraiment,

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1 soit nommé à ce poste important au sein de l'assemblée municipale. Pour ma

2 part, je ne trouve pas que ce soit une position tellement importante, ce

3 n'est pas vraiment un poste où on prend les décisions importantes. Mais

4 c'est tout de même ce type de commentaires que l'on entendait.

5 Question: Et qu'en est-il des autres personnes qui occupaient des

6 positions importantes? Etaient-elles toutes de Prijedor?

7 Réponse: Plus des 90% de ces personnes étaient originaires de Prijedor. Le

8 président de l'assemblée municipale était M. Cehajic et la femme de M.

9 Cehajic est médecin. Pour autant que je m'en souvienne, feu le Dr Mico qui

10 était également originaire de Prijedor avait le poste de président du

11 conseil exécutif. Les autres personnes qui occupaient des postes

12 importants étaient également originaires de Prijedor.

13 Question: Quand avez-vous rencontré le Dr Stakic pour la première fois?

14 Réponse: Je l'ai rencontré pour la première fois lorsque je me suis rendu

15 dans le service de médecine du travail, le service du Dr Cavic (phon),

16 parce que c'est elle qui me suivait et qui me prescrivait les antalgiques

17 dont j'avais besoin et elle me prescrivait un certain nombre d'autres

18 traitements. C'est en cette occasion que j'ai rencontré le Dr Stakic.

19 Question: Pour que tout soit clair dans le compte rendu d'audience, est-ce

20 que vous avez bien parlé de l'Académie médicale militaire de Belgrade,

21 est-ce que vous avez bien dit: "Lorsque je suis rentré de l'académie

22 militaire de Belgrade"?

23 Réponse: Oui, c'est ce que j'ai dit.

24 Question: Pourriez-vous nous préciser quand exactement vous êtes rentré de

25 Belgrade, quel mois de quelle année?

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1 Réponse: Je ne me souviens plus du mois, mais je sais que je suis rentré

2 en 1994.

3 Question: Eh bien, je vous remercie.

4 Est-ce qu'il vous arrivait d'apercevoir le Dr Stakic dans des cafés, dans

5 des bars? Et le cas échéant, pourriez-vous nous dire qui d'autre se

6 trouvait là en ces occasions? Qui l'accompagnait? Qui l'entourait? Est-ce

7 que vous vous en souvenez?

8 Réponse: Il m'arrivait de voir le Dr Stakic dans un café qui s'appelle

9 "Kod Pale". Je le voyais également dans le café que l'on appelle "Top" où

10 l'on joue au billard. Moi, je fréquentais souvent ces cafés -vous savez il

11 n'y en avait pas tellement qui étaient ouverts à l'époque. Bien sûr,

12 beaucoup de gens fréquentaient ces cafés et je l'y voyais aussi.

13 Je voyais également feu le Dr Mico. Je l'y ai vu à de nombreuses reprises.

14 Il ne jouait jamais au billard, il restait là tout comme moi. Il aimait

15 bien plaisanter avec les gens, se moquer un peu d'eux. Je parle de ceux

16 qui jouaient au billard. Le Dr Stakic faisait partie de ce groupe-là. Un

17 certain nombre de personnes m'ont dit que c'était un excellent joueur de

18 billard. Et dans ce même café, je voyais d'autres personnes de Prijedor.

19 Vous savez, je voyais toutes sortes de personnes dans ces cafés. Je ne

20 vois pas exactement ce que vous voulez savoir. Est-ce que vous pensez à

21 des personnes en particulier?

22 Question: Je vais essayer d'être plus précis. Lorsque vous passiez du

23 temps dans ces cafés, est-ce qu'il vous arrivait d'y voir Simo Drljaca?

24 Réponse: Oui. Simo entrait dans ces établissements eux, avec toute une

25 suite. C'était un groupe auquel il appartenait. Il prenait un verre et les

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1 gens de sa suite constituaient en fait son escorte officielle.Comment

2 dire, ils s'arrêtaient pour prendre un verre et ensuite ils partaient. Et

3 jamais ils ne se mêlaient aux autres ou à ceux qui jouaient au billard.

4 Question: Est-ce que vous avez jamais vu Simo Drljaca dans ce café en

5 train de s'entretenir avec le Dr Stakic? Je ne parle pas du fait qu'ils ne

6 jouaient peut-être pas au billard ensemble.

7 Réponse: Non, moi, je vous parle de ce que j'ai pu observer. Non, ils

8 n'avaient pas de contacts. J'ai même entendu des rumeurs selon lesquelles

9 ils ne s'entendaient en fait pas très bien, et que c'était le cas depuis

10 déjà un certain temps.

11 Je ne sais pas exactement comment vous expliquer les choses. Rappelez-vous

12 ce que je vous ai dit tout à l'heure, quant au fait qu'on disait qu'un

13 petit homme d'un petit village était nommé au poste de vice-président de

14 l'assemblée alors qu'il n'était même pas originaire de Prijedor. Peut-être

15 que c'est là la raison de la mésentente qui existait entre eux?

16 Moi, je sais qu'ils n'étaient pas en termes très amicaux. Simo avait sa

17 propre bande, et c'est avec les membres de ce groupe qu'il passait son

18 temps; c'étaient les gens qui l'entouraient habituellement.

19 M. Lukic (interprétation): Je vous remercie infiniment, Monsieur

20 Dragojevic. J'en ai terminé de mon interrogatoire principal. C'est

21 maintenant l'accusation qui va vous poser des questions et ce sera ensuite

22 le tour des Juges.

23 M. le Président (interprétation): Eh bien, il serait peut-être opportun de

24 faire la pause à présent. Elle reprendra à 18 heures 50.

25 (L'audience, suspendue à 17 heures 35, est reprise à 17 heures 55.)

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1 M. le Président (interprétation): Veillez vous asseoir.

2 Monsieur Dragohevic, merci d'avoir répondu aux questions qui vous ont été

3 posée par la défense. Je ne doute pas qu'il a été extrêmement difficile

4 pour vous de revenir sur ces événements et de rouvrir ces blessures. Nous

5 sommes bien conscients de ce que représente ceci pour vous et ne manquez

6 pas de nous faire savoir si vous vous sentez mal à l'aise ou si vous

7 ressentez le besoin de prendre une pause. Ce serait tout à fait

8 compréhensible.

9 Je vais à présent vous demander de bien vouloir répondre aux questions qui

10 vont vous être posées par le représentant du Bureau du Procureur. Je vous

11 vous remercie.

12 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Goran Dragojevic, par M. Koumjian.)

13 M. Koumjian (interprétation): Bonsoir Monsieur.

14 M. Dragojevic (interprétation): Bonsoir.

15 Question: Monsieur, est-ce que je vous ai bien compris? Sur la base de

16 votre expérience d'ambulancier, une profession que vous avez exercée

17 pendant de nombreuses années, si vous n'aviez pas reçu un traitement au

18 moment où vous l'avez reçu, est-ce que les blessures qui vous ont été

19 infligées auraient entraîné votre mort?

20 M. Dragojevic (interprétation): En effet. Si l'on ne m'avait pas donné des

21 soins au moment opportun et si l'on m'avait emmené dans un hôpital moins

22 bien équipé que celui de Prijedor, je suis persuadé que j'aurais succombé

23 à mes blessures.

24 M. Koumjian (interprétation): En 1992, et je vous demande de vous reporter

25 aux événements qui se sont produit avant la prise de pouvoir de Prijedor.

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1 En 1992, combien d'ambulanciers y avait-il dans la municipalité de

2 Prijedor pour autant que vous vous en souveniez?

3 M. Dragojevic (interprétation): Avant 1990, je sais combien d'ambulanciers

4 il y avait à l'hôpital. Et puis, il y avait un autre service d'ambulances

5 au dispensaire. Il y avait également un centre à Ljubija; là aussi, il y

6 avait des ambulanciers qui emmenaient des gens de Ljubija à Prijedor. Et

7 si quelqu'un avait besoin d'être emmené à Zaghreb ou à Ljubijana ou un

8 autre centre que Prijedor, alors c'était à nous d'intervenir. A Kozarac,

9 il y avait également un certain nombre d'ambulanciers: les équipes étaient

10 constituées de 12, 24 et 48 ambulanciers, donc environ 12 chauffeurs

11 d'ambulances à proprement parler.

12 M. Koumjian (interprétation): Je vous remercie. Vous avez mentionné

13 Ljubija. Est-ce que vous vous souvenez des noms des personnes qui

14 travaillaient à Ljubija?

15 Réponse: Je me souviens de Vinko, je me souviens aussi d'un autre homme,

16 mais j'ai un petit peu de mal à me rappeler son nom pour le moment. Je me

17 rappelle de Vinko, cela c'est certain.

18 M. Koumjian (interprétation): Cet autre homme dont vous parlez, cet autre

19 chauffeur de Ljubija, était-il Musulman?

20 Réponse: En effet. Il y avait quatre chauffeurs d'ambulance, là-bas,

21 quatre ou plus, mais il y avait quatre ambulanciers qui constituaient

22 cette équipe.

23 Question: Je vous remercie. Peut-être que si ce nom vous revient, vous

24 pourrez me le communiquer.

25 Je vous demande de vous reporter la date du 30 avril 1992, la date de la

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1 prise de Prijedor. Où vous trouviez-vous ce soir-là? Est-ce que vous avez

2 pris part à un événement quelconque?

3 Réponse: Non. J'étais chez moi ce soir-là, je m'en souviens très bien, je

4 faisais partie de l'équipe de jour qui travaillait jusqu'à 19 heures.

5 Après le travail, je suis rentré chez moi, j'ai pris un café avec un de

6 mes collègues qui avait également travaillé dans mon équipe; c'était un

7 infirmier, Irfan Kurtovic.

8 Question: Quand avez-vous appris que Prijedor avait été prise en cette

9 date du 30 avril?

10 Réponse: J'ai appris la nouvelle le lendemain matin, lorsque je me suis

11 levé et que je me suis rendu à l'hôpital. C'est à ce moment-là que j'ai

12 entendu ce qui s'était passé.

13 Question: Et je suppose que ce jour-là vous avez écouté la radio, enfin je

14 pense que vous avez écouté la radio pour savoir quelles étaient les

15 dernières nouvelles?

16 Réponse: Non. Je ne peux pas être particulièrement précis, mais je n'ai

17 pas écouté la radio. Mais pour ce qui est des autres moyens de

18 communication, ce que je peux dire, c'est que moi j'aime bien regarder les

19 matchs de foot et que j'aime bien lire le quotidien sportif. Mais c'est

20 vraiment le seul lien que j'ai avec les moyens de communication; lorsque

21 j'étais plus jeune, j'aimais beaucoup le sport et c'est tout ce qui

22 m'intéresse vraiment.

23 Question: Je vous remercie.

24 Alors dites-nous comment vous avez appris la nouvelle de la prise de

25 Prijedor, est-ce que ce sont des collègues tout simplement qui vous ont

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1 appris ce qui c'était passé?

2 Réponse: Lorsque je suis arrivé à l'hôpital, il faut savoir que ma maison

3 se trouve à une centaine de mètres de l'hôpital et que je me trouvais à

4 l'hôpital très fréquemment à cette époque-là, je travaillais deux ou trois

5 jours d'affilés, je ne rentrais chez moi que pour me changer, pour prendre

6 une douche, pour manger un morceau, et ensuite je retournais à l'hôpital.

7 Donc je ne faisais pas ces… je n'avais pas des tours de garde de 12, 24 et

8 48 heures comme les autres ambulanciers; j'avais un rythme différent.

9 Question: Je vous remercie. Je voudrais maintenant vous poser la question

10 suivante: qui vous a fait part de la prise de Prijedor?

11 Réponse: Ce sont les infirmiers, les collègues, les autres membres du

12 personnel de l'hôpital. Nous prenions notre première tasse de café du

13 matin et ils m'ont dit que Prijedor avait été prise. Donc je n'ai pas

14 appris cela de mes collègues ambulanciers, mais plutôt des autres

15 personnes qui travaillent également à l'hôpital.

16 Question: Ces personnes vous ont-elles dit qui avait pris Prijedor?

17 Réponse: Mais j'ai déjà répondu à cette question; je crois l'avoir déjà

18 fait. Mes collègues infirmiers m'ont fait part de la nouvelle et puis les

19 gardes de l'hôpital en parlent également. C'est ainsi que j'ai eu vent de

20 la chose.

21 Question: Oui, je comprends, mais ces personnes vous ont dit que Prijedor

22 avait été prise par qui? Par l'armée croate? Que vous ont-ils dit quant à

23 l'armée qui avait pris Prijedor?

24 Réponse: Ils m'ont dit que c'était le SDS qui avait pris la ville et qui

25 avait pris le contrôle de l'assemblée municipale.

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1 Question: En tant que membre du SDS, est-ce que vous aviez reçu une arme

2 avant la prise de contrôle de la ville par le SDS?

3 Réponse: Non, jamais de la vie. Jamais je n'ai porté une arme.

4 Question: Vous avez évoqué que vous connaissiez le Dr Stakic parce que

5 vous étiez un ambulancier et qu'il était, lui, membre du corps médical.

6 Est-ce qu'il était habituel, à Prijedor, que les membres de la communauté

7 médicale se connaissent entre eux? Est-ce que cette communauté était

8 suffisamment petite pour que les membres qui la composaient se connaissent

9 tous?

10 Réponse: Oui, c'était assez normal. Prijedor est une ville de taille assez

11 réduite et les gens se connaissent. C'est comme ça que j'ai pu reconnaître

12 toutes ces personnes qui m'ont tiré dessus. Je les connaissais parce que

13 je vivais à Prijedor depuis 33 ans. Quand cet incident s'est produit,

14 j'avais 33 ans et je vivais à Prijedor depuis ce temps-là.

15 Et puis par le travail, j'ai eu l'occasion de rencontrer tous les médecin.

16 Peut-être pas tous ceux qui travaillaient dans le service de jour ou tout

17 ceux qui travaillaient dans les villages environnants. Je connaissais ceux

18 qui travaillaient au dispensaire, je connaissais les médecins qui

19 composaient le service de médecine du travail, je connaissais ceux qui

20 travaillaient à l'hôpital même. C'était tout à fait normal.

21 Question: Sur la base de vos observations, est-ce que vous pourriez

22 affirmer que les médecins se connaissaient entre eux? Est-ce qu'il n'était

23 pas probable que les médecins de Prijedor connaissent le Dr Stakic de la

24 même façon que lui-même aurait connu les médecins de la ville de Prijedor?

25 Réponse: Est-ce qu'il les connaissait personnellement? Je ne sais pas.

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1 C'est à lui de répondre à cette question. Est-ce qu'il avait des contacts

2 avec ces médecins, il faut également lui poser la question. Mais pour

3 autant que je sache, il n'était pas de son devoir d'avoir des contacts

4 avec ces médecins. Est-ce qu'il en avait ou pas, je ne saurais vous le

5 dire.

6 Question: Mais pourtant vous venez de nous dire qu'il était tout à fait

7 habituel -je ne me trompe pas, n'est-ce pas-, qu'il était habituel que les

8 membres de la communauté médicale se connaissent et que vous, un

9 ambulancier de Prijedor, vous connaissiez le Dr Stakic. Et pourtant, vous

10 nous dites que le Dr Stakic, médecin d'Omarska, ne se trouvait pas dans la

11 même situation?

12 Réponse: C'est vrai, j'ai entendu parler du Dr Stakic et j'ai compris que

13 c'était un médecin qui travaillait à Omarska. Mais je ne l'ai rencontré

14 que lorsque je suis rentré de Belgrade. C'est à cette occasion que l'ai vu

15 pour la première fois; je l'ai vu ce jour-là comme je vous vois ce soir.

16 Je savais qu'il y avait un Dr Stakic auparavant, de la même façon que

17 j'avais entendu parler du Dr Kurjak, ce médecin très célèbre qui

18 travaillait à Zagreb, mais jamais je n'ai rencontré personnellement le Dre

19 Kurjak. C'est ça que je veux dire. J'ai seulement rencontré le Dr Stakic

20 lors de mon retour de Belgrade où j'avais fait un séjour à l'académie

21 médicale militaire.

22 Et puis, il y a autre chose que je voudrais vous dire. Cela ne veut pas

23 dire que le Dr Stakic connaissait tout le corps médical de l'hôpital. Il a

24 peut-être eu des contacts personnels avec certains d'entre eux mais peut-

25 être pas.

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1 Question: Vous étiez ambulancier… Non, pardon, je ne vais pas vous poser

2 cette question. Je passe à autre chose.

3 Vous avez déclaré que vous vous étiez rendu à Kozarac après l'attaque dont

4 ce village avait été victime. C'est bien cela, n'est-ce pas?

5 Réponse: Non. Je vous ai déjà dit que je m'étais rendu à Susici pendant

6 que des combats avaient cours à Kozarac. Alors est-ce qu'il s'agissait

7 d'une attaque ou pas? Je n'en sais rien, je n'ai aucun moyen de vous le

8 préciser. Je ne me trouvais pas à Kozarac.

9 Je vous ai dit que ce jour-là, je me suis rendu à Susici. C'est là que je

10 me suis arrêté, c'est là que j'ai arrêté l'ambulance. Et je précise qu'il

11 y avait avec moi Mladen Bogdanovic, un autre chauffeur; il était lui aussi

12 à bord d'une ambulance ce jour-là.

13 Moi, je me suis trouvé à Kozarac avant le conflit.

14 Question: Vous vous êtes rendu sur place après ce que vous avez appelé "le

15 conflit"; vous êtes passé par Kozarusa, n'est-ce pas?

16 Réponse: Ce jour-là, je suis allé jusqu'à Sucisi depuis Prijedor, et je

17 peux vous dire exactement où se trouve Sucisi. C'est sur la gauche et, sur

18 la droite, il y avait de petits abris, des abribus si vous voulez. C'est

19 là que les gens pouvaient attendre l'arrivée de l'autobus. Juste avant

20 cela, il y a un pont. Dès que j'ai franchi le pont, je me suis arrêté au

21 niveau de l'arrêt de bus et…

22 Question: Excusez-moi de vous interrompre, mais est-ce que vous pouvez me

23 dire si vous avez traversé Kozarusa?

24 Réponse: J'ai traversé tout ce qui se trouve avant Kozarac, il a bien

25 fallu que je traverse tout ce qui se trouvait entre Prijedor et Susici.

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1 Question: Est-ce que vous avez traversé Kozarusa? Et comprenez-moi, tout

2 le monde ne connaît pas la région aussi bien que vous.

3 Réponse: Oui. Oui.

4 Question: Et ce jour-là, vous avez transporté à bord de votre ambulance

5 des personnes âgées -d'après ce que vous avez dit-, des femmes. Vous les

6 avez emmenées à Prijedor; c'est bien cela?

7 Réponse: Oui. J'ai transporté des personnes de là jusqu'à l'hôpital. Il y

8 a également des personnes qui se sont déplacées à pied, elles étaient

9 absolument épuisées. Il faisait très chaud, donc je les ai prises à bord

10 de l'ambulance et je les ai emmenées à l'hôpital afin qu'elles puissent

11 voir un médecin. Les personnes qui ne voulaient pas se rendre à l'hôpital,

12 je les ai emmenées chez leurs proches au centre-ville, chez leurs amis. Et

13 pour certaines de ces personnes, je les ai simplement laissées devant le

14 gymnase. Et M. Kapetanovic, je l'ai personnellement emmené chez son

15 frère... chez son beau-frère.

16 Question: Savez-vous ce qui est arrivé aux personnes qui ont quitté le

17 gymnase?

18 Réponse: Non, je ne sais pas ce qui leur est arrivé.

19 Question: Pouvez-vous nous dire, si vous vous en souvenez, quel jour ceci

20 s'est produit? J'aimerais simplement… pour que vous puissiez vous

21 rafraîchir la mémoire, que le 24 mai était un dimanche.

22 Réponse: Je ne me souviens pas de la date exacte, mais je peux vous dire

23 que c'était soit le 24 soit le 25. Il faut comprendre qu'après tout ce que

24 j'ai enduré, quelques dates m'ont échappé, mais je peux vous donner une

25 estimation ou je peux vous dire à peu près à quel moment cela s'est

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1 produit.

2 Question: C'est tout à fait compréhensible. Est-ce après, Monsieur… alors

3 était-ce après le bombardement de Kozarac, après que vous l'ayez vu ou

4 après que vous l'ayez entendu?

5 Réponse: Par la suite, j'ai entendu des coups de feu et je ne sais pas si

6 c'est Kozarac qui était bombardé à ce moment, parce que je ne me suis pas

7 rendu à Kozarac après cela et, peu de temps après, j'ai été blessé.

8 Question: Lorsque vous vous êtes rendu à Susici… Pardonnez-moi ma

9 prononciation. Donc vous êtes passé par Kozarusa. Avez-vous pu constater

10 les effets de ces bombardements ou de l'incendie des maisons?

11 Réponse: Au bord de la route, je n'ai rien vu. Et lorsque nous sommes

12 arrivés à Susici, l'armée nous a arrêtés parce que, pour des raisons de

13 sécurité, nous ne pouvions pas aller plus loin. C'est là que nous avons

14 emmené les personnes que nous transportions, c'est-à-dire soit à Prijedor

15 soit à l'hôpital.

16 Question: Le jour où vous vous êtes rendu à Susici, était-ce après une

17 période de garde de 48 heures? Est-ce que vous aviez travaillé la veille

18 ou pas?

19 Réponse: Je vais vous expliquer. Avant tous ces conflits et comme je vous

20 l'ai déjà dit, il y avait très peu de conducteurs ou d'ambulanciers dans

21 les hôpitaux. C'est pour cela que j'ai été démobilisé et je rentrais de

22 Slavonie.

23 Je travaillais en permanence dans l'hôpital avec deux autres collègues;

24 nous dormions à l'hôpital même et je rentrais chez moi de temps en temps:

25 soit pour prendre un bain, soit pour manger un morceau. Et une demi-heure

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1 plus tard, je retournais à l'hôpital pour reprendre mon travail. C'est

2 vrai que j'habitais tout près de l'hôpital; c'est la raison pour laquelle

3 je pouvais rentrer chez moi. Mais cela étant dit, je peux vous dire

4 également que j'étais quasiment en permanence à l'hôpital.

5 Question: Merci. Etant donné que vous étiez quasiment en permanence à

6 l'hôpital, est-ce exact de dire que lorsque vous avez évoqué les personnes

7 que vous avez transportées de la région de Kozarac à Susici, que vous nous

8 avez dit, vous nous avez parlé de toutes les personnes que vous avez

9 transportées, de la région, sur… au cours de ces jours-là le 24, le 25, le

10 26 mai 1992. Est-ce exact?

11 Réponse: Je suis désolé, mais je n'ai pas compris votre question. Quelle

12 question m'avez-vous posée? Est-il vrai que j'ai transporté ces personnes-

13 là? Oui, tout à fait, je les ai transportées à l'hôpital. Il y en a un

14 certain nombre que j'ai déposé à l'hôpital de Pecani, et les autres

15 personnes, je les ai déposées devant le gymnase.

16 Question: Les personnes que vous avez transportées étaient-elles blessées?

17 Réponse: Non. Puis-je continuer? Ces personnes étaient des personnes âgées

18 qui avaient marché de Kozarac à Susici. Il y avait des femmes qui

19 portaient des enfants. Et ces personnes-là étaient épuisées et avaient

20 besoin de soins médicaux et ne pouvaient plus marcher. Et nos supérieurs

21 nous avaient demandé de transporter toutes ces personnes et de les emmener

22 à l'hôpital pour qu'elles puissent se faire un bilan médical. Si elles

23 souhaitaient se rendre chez leurs parents proches, à ce moment-là, nous

24 devions les déposer chez leurs parents proches.

25 Question: Merci. Au cours de cette période, avez-vous jamais transporté

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1 des personnes blessées de la région de Brdo de Hambarine ou du village

2 avoisinant?

3 Réponse: Non. Les jours précédents, je n'ai transporté aucune personne

4 blessée, soit de Brdo ou de toute autre région. Les jours précédents, je

5 vous ai dit que j'ai accompagné une femme enceinte et que j'étais

6 accompagné d'un infirmier.

7 Question: Très bien. Je vais vous arrêter car vous nous avez déjà dit cela

8 et vous avez déjà dit que vous aviez transporté une femme enceinte. Et on

9 vous avait demandé d'aider toute personne quelle que soit son origine

10 ethnique. Et si vous avez reçu l'autorisation.

11 Je vais d'abord vous poser la question: est-ce que vous connaissez un

12 médecin du nom de Idriz Mrdjanic qui était de Prijedor et qui travaillait

13 à Kozarac au moment où le bombardement a commencé?

14 Réponse: Je ne connaissais pas le docteur personnellement. J'avais entendu

15 dire qu'il y avait beaucoup de médecins à cet endroit-là, mais je ne le

16 connaissais pas personnellement.

17 Question: Saviez-vous que le Dr Mrdjanic avait demandé au colonel Zeljaja

18 d'autoriser l'évacuation des enfants mourants à Kozarac?

19 Réponse: Non.

20 Question: Si vous aviez été mis au courant à l'époque, vous auriez emmené

21 ces enfants à l'hôpital, n'est-ce pas?

22 Réponse: S'ils avaient été à Susici, bien sûr que je les aurais emmenés;

23 je les aurais tous emmenés.

24 Question: Donc vous nous avez dit après que le Dr Stakic avait été nommé

25 vice-président de la municipalité. D'aucuns tenaient des propos un petit

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1 peu insultants à l'égard de cette nomination. On utilisait des termes

2 comme: "Comment se fait-il qu'un aussi petit homme venant d'un petit

3 village soit nommé à un poste aussi élevé?". Etes-vous d'accord que ce

4 sont des propos quelque peu insultants?

5 Réponse: Oui, c'étaient des propos insultants. Néanmoins, à ce moment-là,

6 en ce qui concerne les personnes que nous évoquons, ils étaient tout à

7 fait en droit de s'exprimer. Et ils étaient désolés que quelqu'un d'un

8 petit village soit nommé à un poste élevé au sein de la municipalité. Et

9 il y avait… On savait à l'époque pourquoi le Dr Stakic est venu: c'était

10 parce que le SDS, son parti, lui a attribué ce poste au sein de

11 l'assemblée municipale. C'est en tout cas les rumeurs qui circulaient à ce

12 moment-là.

13 Question: Cet homme que l'on décrivait comme étant "un petit homme d'un

14 petit village" est devenu le président de l'assemblée municipale serbe de

15 Prijedor; est-ce exact? Non seulement une fois mais deux fois, n'est-ce

16 pas?

17 M. Dragojevic (interprétation): Je ne sais pas. Je ne sais pas ce qu'il

18 s'est passé après mon départ du centre médical militaire de Belgrade.

19 Lorsque j'ai quitté la ville, il était vice-président de l'assemblée

20 municipale.

21 M. Koumjian (interprétation): Je n'ai plus de question, Monsieur le

22 Président.

23 (Questions au témoin, M. Goran Dragojevic, de M. le Président.)

24 M. le Président (interprétation): Merci. Juste quelques questions… une

25 question secondaire qui porte sur votre témoignage à la page 24, lignes 15

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1 et suivantes. C'est simplement dans le but d'informer les parties que

2 j'évoque ce point-là avec vous, vous n'avez pas besoin de vous tourner

3 vers le compte rendu d'audience.

4 Lorsque, lors de votre précédent interrogatoire, en cours de votre

5 interrogatoire, vous avez évoqué à un moment donné que "vous vous êtes

6 rendu à la cellule de crise à Cirkin Polje, il y avait une maison. Et pour

7 autant que je m'en souvienne -parce que cela s'est passé il y a un certain

8 nombre d'années-, il y avait M. Kurozovic, qui se trouvait présent ainsi

9 que son personnel, qui avait pour responsabilité d'établir des

10 certificats".

11 Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, -vous avez dit que c'était un

12 jour du mois de mai- si cet établissement se trouvait dans un bâtiment? Où

13 se situait la cellule de crise Cirkin Polje?

14 M. Dragojevic (interprétation): Le bâtiment était près de l'endroit où

15 j'habitais. C'était une maison de ville, mais elle avait été aménagée en

16 entrepôt et, à l'avant du bâtiment, il y avait un bureau, et des visiteurs

17 et des clients entraient dans ce bureau. Et nous faisions de même toutes

18 les fois que nous nous y rendions pour aller chercher des certificats,

19 pour pouvoir aller à la station d'essence.

20 Question: J'ai toujours du mal à me représenter ce bâtiment. Pouvez-vous

21 nous donner les dimensions de ce bâtiment, s'il vous plaît? Combien

22 d'étages comporte-t-il? Combien de pièces y a-t-il dans ce bâtiment, à peu

23 près?

24 Réponse: C'est un bâtiment qui avait un rez-de-chaussée et un premier

25 étage. Combien de pièces il y avait, je ne peux pas vous dire. Je ne m'y

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1 suis rendu qu'en visite officielle et je n'entrais que dans la première

2 pièce. Je prenais mon certificat, je signais le reçu et je savais qu'avec

3 ce certificat, je pouvais obtenir de l'essence. A ce moment-là, nous

4 manquions d'essence. Je pense que c'était à eux de contrôler l'utilisation

5 de l'essence.

6 Je n'étais pas le seul à m'y rendre en tant qu'ambulancier; il y avait

7 également les sapeurs-pompiers, les chauffeurs et des civils qui avaient

8 besoin d'essence. Peut-être qu'ils voulaient se rendre à Banja Luka,

9 qu'ils avaient un projet ou quelque chose. Mais il y avait d'autres

10 personnes qui s'y rendaient. Je n'étais pas le seul à y aller.

11 C'était une maison familiale. Je connaissais même le propriétaire de cette

12 maison. Son nom de famille est Sabljic. C'était autrefois sa maison.

13 Question: A ce moment-là, la maison portait-elle une marque particulière?

14 Est-ce que tout le monde savait que c'était le bâtiment de la cellule de

15 crise? Y avait-il des emblèmes, des insignes qui avaient été apposés sur

16 la façade de la maison?

17 Réponse: Je n'ai rien remarqué de particulier, mais comme je connais bien

18 la région, puisque j'y ai vécu, j'ai vécu tout près, on m'a dit que la

19 cellule de crise s'y trouvait et que je pouvais m'y rendre pour obtenir

20 mes certificats.

21 Question: Vous souvenez-vous -et je sais que cela remonte maintenant à une

22 dizaine d'années- qui vous a dit, autrement dit, concrètement, qui vous a

23 dit: "Ce bâtiment est le bâtiment de la cellule de crise"?

24 Réponse: Mon supérieur, la personne qui avait la charge de toutes les

25 ambulances, m'a demandé de me rendre à Cirkin Polje et je dois vous dire

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1 que c'est la maison de Sabljic et la société s'appelait Merkator. Elle

2 était basée en Slovénie et c'est là qu'ils achetaient des champignons chez

3 les agriculteurs. C'est pour cela qu'on connaissait cette maison, puisque

4 cette société avec son siège dans cette maison. Et c'est également dans

5 cette même maison que la cellule de crise remettait les certificats qui

6 permettaient d'obtenir des bons d'essence.

7 Question: Donc vous dites bien dans votre témoignage que la cellule de

8 crise remettait des bons d'essence. Est-ce exact?

9 Réponse: Le seul but de ma visite était d'obtenir ces bons d'essence;

10 c'était le seul but de ma visite à cet endroit-là.

11 Question: Pardonnez-moi de répéter la question. J'ai parfaitement compris

12 qu'en ce qui vous concernait, c'était le seul objet de votre visite. Mais

13 qu'en est-il des autres personnes qui avaient peut-être besoin d'autres

14 types de certificats ou de bons qui devaient être remis par la cellule de

15 crise?

16 Réponse: Je ne pourrai absolument pas répondre à cela, je ne sais vraiment

17 pas.

18 Question: Encore une fois, peut-être que ma question n'était peut-être pas

19 si claire, pouvait-on lire au-dessus de la porte d'entrée, sur la porte

20 d'entrée ou à tout autre endroit du bâtiment les mots "cellule de crise".

21 Réponse: Oui, je crois que, pour ce qui est de l'entrée principale, oui.

22 Il y avait un panneau qui, si je me souviens bien, était en carton et qui

23 indiquait que c'était le bâtiment de la cellule de crise. Et en approchant

24 de la porte d'entrée, il y avait immédiatement quelqu'un qui ouvrait la

25 porte et qui vous demandait pourquoi vous étiez là. Et je répondais

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1 immédiatement que j'étais là pour obtenir un bon d'essence et cela prenait

2 assez peu de temps. Quelqu'un allait me chercher ce bon et je me rendais

3 directement à la station d'essence.

4 Moi-même et les deux autres collègues qui travaillaient avec moi, nous

5 allions chercher nos bons d'essence à cet endroit-là.

6 Question: Et sur ce bon d'essence, est-ce qu'il était indiqué qu'il avait

7 été établi par la cellule de crise?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Si vous vous en souvenez, quand vous êtes-vous rendu dans ce

10 bâtiment pour la première fois?

11 Réponse: Je pense que la toute première fois devait se situer aux environs

12 du 23 et, par la suite, je me suis rendu peut-être deux ou trois fois

13 parce que nous emmenions les patients… nous transportions les patients de

14 l'hôpital à Banja Luka.

15 Question: Donc vous aviez bien dit le 23, il s'agit du 23 mai 1992.

16 Simplement pour nous assurer que ce que nous avons dans le compte rendu

17 d'audience est exact.

18 M. Dragojevic (interprétation): Oui, c'est exact.

19 M. le Président (interprétation): Je n'ai plus d'autre question.

20 (Questions au témoin, M. Goran Dragojevic, de Mme la Juge Argibay.)

21 Mme Argibay (interprétation): Bonsoir, Monsieur. Je n'ai qu'une seule

22 question à vous poser. Vous nous avez dit qu'une personne serbe avait été

23 tuée et vous nous avez également dit que l'assassin était le fils d'un

24 Musulman. Ceci se trouve à la page 24, ligne 10. Information pour les

25 parties.

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1 Ce meurtrier a-t-il jamais été traduit en justice ou accusé ou quelque

2 chose de la sorte?

3 M. Dragojevic (interprétation): Je ne sais pas si un Acte d'accusation a

4 été rédigé. Je ne sais pas. Ce sont des questions très juridiques et je ne

5 suis pas très informé là-dessus.

6 Mais, à ma connaissance, il n'a jamais été emmené au poste de police,

7 jamais au SUP.

8 Mme Argibay (interprétation): Lorsqu'il y avait d'autres incidents de

9 telle nature -je ne parle pas forcément de massacres, mais des personnes

10 qui avaient été menacées ou quelque chose comme ça-, les auteurs n'ont

11 jamais été emmenés au poste de police ou quelque chose?

12 M. Dragojevic (interprétation): Très honnêtement, je ne sais pas. Je ne

13 suis pas au courant. Quels que soient ces… enfin, je ne sais pas comment

14 les appeler, s'il faut les appeler des documents, mais je sais que de

15 telles personnes n'ont jamais été emmenées au poste et les personnes qui

16 m'ont attaqué n'ont jamais été emmenées non plus.

17 Mme Argibay (interprétation): Merci beaucoup.

18 M. le Président (interprétation): Maître Lukic.

19 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Goran Dragojevic,

20 par Me Lukic.)

21 M. Lukic (interprétation): Je n'ai qu'une seule question. J'ai oublié une

22 question, et c'est la Juge Argibay qui m'a remis en mémoire cette

23 question.

24 Avez-vous récemment rencontré les auteurs qui ont attenté à votre vie?

25 M. Dragojevic (interprétation): Oui. Il y a quelques mois, il y a peut-

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1 être deux mois, j'ai croisé l'un d'entre eux dans le centre. C'était un

2 des auteurs de cette agression. C'était une des personnes qui m'avaient

3 tiré dessus et il se promenait en toute liberté.

4 M. Lukic (interprétation): Je n'ai plus de question, Monsieur le

5 Président.

6 M. le Président (interprétation): Il me reste à vous remercier au nom de

7 la Chambre de Première instance et des parties, vous remercier d'être venu

8 à La Haye pour nous remettre votre témoignage. Je sais que c'est une

9 épreuve difficile pour vous puisque vous devez vous remémorer ce qui s'est

10 passé et qui a encore une incidence sur votre vie de tous les jours. Et

11 c'est à nous de vous aider et de faire en sorte que de tels actes ne se

12 produisent plus à l'avenir.

13 Ceux qui sont les auteurs de ces crimes devront en répondre et quelque

14 chose comme l'impunité n'existe pas dans le monde dans lequel nous vivons

15 et les personnes qui ont commis tout cela doivent en porter la

16 responsabilité et la responsabilité de ce qu'ils vous ont fait.

17 Donc encore une fois, j'aimerais vous remercier beaucoup et vous souhaiter

18 un bon voyage et j'espère que vous rentrerez sain et sauf chez vous.

19 Je vais maintenant demander à l'huissier de vous accompagner.

20 M. Dragojevic (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président,

21 Madame et Monsieur les Juges.

22 (Le témoin, M. Goran Dragojevic, est reconduit hors du prétoire.)

23 (Questions relatives à la procédure.)

24 M. le Président (interprétation): Je veux d'abord vous dire que j'ai la

25 confirmation pour la journée de mercredi et nous allons donc nous réunir

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1 le matin et non pas l'après-midi. Je vous informerai dès que possible et,

2 autrement dit, demain matin, lorsque l'autre Chambre aura confirmé ceci.

3 A la suite de la séance de vendredi, la question n'a pas encore été

4 résolue, portant sur la demande de la Chambre concernant la pièce S157. Je

5 crois les deux parties ont eu la possibilité de regarder ces documents. Si

6 quelqu'un souhaite soulever des objections, ces documents doivent être

7 versés au dossier sous la cote S157-2-3-4.

8 Y a-t-il des objections?

9 M. Lukic (interprétation): Aucune.

10 M. le Président (interprétation): Maître Koumjian?

11 M. Koumjian (interprétation): Non, Monsieur le Président.

12 M. le Président (interprétation): Par conséquent, ils sont versés au

13 dossier et portent le chiffre que je viens d'indiquer.

14 Y a-t-il d'autres points pour aujourd'hui? Pas à ma connaissance. Donc

15 nous allons suspendre la séance pour aujourd'hui et reprendre la séance

16 demain à 14 heures 15.

17 (L'audience est levée à 18 heures 44.)

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