LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
Affaire n IT-03-69
LE PROCUREUR DU TRIBUNAL
CONTRE
JOVICA STANISIC
ET
FRANKO SIMATOVIC
ACTE D’ACCUSATION
Le Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 18 du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le « Statut du Tribunal »), accuse :
JOVICA STANISIC
et
FRANKO SIMATOVIC
de CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ et de VIOLATIONS DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, comme exposé ci-après :
LES ACCUSÉS
1. Jovica STANISIC est né le 30 juillet 1950 à Ratkovo, province autonome de Voïvodine, République de Serbie. Il est entré en 1975 au service de la sûreté de l’État (Drzavna bezbednost ou « DB ») du Ministère de l’intérieur (Ministarstvo Unutrasnjih Poslova ou « MUP ») de la République de Serbie. Il a exercé les fonctions de directeur adjoint de la DB en 1991 et a dirigé de fait le service jusqu’à sa nomination officielle au poste de directeur ou chef de la DB, poste qu’il a occupé du 31 décembre 1991 au 27 octobre 1998.
2. Franko SIMATOVIC, alias « Frenki », est né le 1er avril 1950 à Belgrade, République de Serbie. Il est entré à la DB en 1978 et y a occupé divers postes jusqu’en 2001. Pendant la période visée par le présent acte d’accusation, il a travaillé d’abord dans le service de contre-espionnage avant d’être muté dans l’Administration, nouvellement créée, du renseignement (ou Deuxième Administration) de la DB : là, il a dirigé la division des opérations spéciales de la DB.
EXPOSÉ DES FAITS
3. Dès mai 1991 au plus tard, et à d’autres époques visées par le présent acte d’accusation, des unités secrètes ont été créées sans autorisation légale par la DB de Serbie ou avec l’aide de celle-ci, aux fins d’entreprendre des actions militaires spéciales en République de Croatie (la « Croatie ») et en Bosnie-Herzégovine (la « BiH »). Ces unités (les « unités spéciales de la DB de la République de Serbie ») comprenaient, sans s’y limiter, les groupes connus sous les appellations suivantes : les Bérets rouges, les Tigres d’Arkan ou Hommes d’Arkan ou Arkanovci, la « Police de Martic », la milice de ce qu’il est convenu d’appeler la Région autonome serbe - Srpska autonomna oblast - (« SAO ») de Slavonie, Baranja et Srijem/Srem occidental (« SBSO »), les JSO (Jedinice specijalne operacije) et les JATD (Jedinice za antiteroristièka dejstva).
4. En avril 1991 ou vers cette date, Franko SIMATOVIC, sous l’autorité de Jovica STANISIC, a travaillé à la création d’un centre d’entraînement d’unités armées à Golubic, près de Knin, dans la SAO de Krajina, D’autres centres d’entraînement ont été créés par la suite et financés par la DB de la République de Serbie. Les volontaires et les appelés formés dans ces centres étaient incorporés dans les unités spéciales de la DB de la République de Serbie ou bien en Croatie où ils relevaient de la Défense territoriale (la « TO »), notamment la TO de ce qu’il est convenu d’appeler la région de SAO SBSO, la « Police de Martic » ou les « Marticevci », la « Police de la SAO de Krajina » ou la « Milice de la SAO de Krajina » (la « Police de Martic »), la TO ou encore en BiH oů ils étaient subordonnés à l’Armée serbe de Bosnie ou Vojska Republike Srpske (la « VRS »), à la TO ou aux unités locales du SDS.
5. Franko SIMATOVIC était responsable de ces unités spéciales de la DB de la République de Serbie et supervisait leur engagement dans certaines opérations en Croatie et en BiH.
6. D’avril 1991 à la fin 1991, des forces serbes en Croatie – notamment celles de la TO et de la Police de Martic qui étaient dirigées, organisées, entraînées, approvisionnées et financées en partie par les soins de Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC –, avec l’appui de l’Armée populaire yougoslave (la « JNA ») et de forces paramilitaires, ont attaqué et pris des villes et villages de la SAO de Krajina et de la SAO SBSO.
7. De mars 1992 jusqu’en 1995, des unités spéciales de la DB de la République de Serbie - organisées, entraînées et financées en partie par les soins de Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC -, avec l’appui de forces serbes de BiH, ont attaqué et pris des villes et villages de nombreuses municipalités de BiH, notamment Bijeljina, Bosanski Samac, Doboj, Mrkonjic Grad, Sanski Most et Zvornik.
RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE
Article 7 1) du Statut du Tribunal
8. Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC sont individuellement pénalement responsables des crimes qui, sanctionnés aux articles 3 et 5 du Statut du Tribunal, sont énumérés dans le présent acte d’accusation, crimes qu’ils ont planifiés, ordonnés, commis, ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter. Par le terme « commettre », le Procureur n’entend pas suggérer que les accusés aient exécuté les crimes qui leur sont imputés personnellement. Dans le présent acte d’accusation, on entend par « commettre » la participation des accusés à une entreprise criminelle commune.
9. Cette entreprise criminelle commune avait pour but de forcer, au moyen de persécutions, de meurtres, d’expulsions et d’actes inhumains (transferts forcés), la majorité des non-Serbes (essentiellement des Croates, des Musulmans de Bosnie et des Croates de Bosnie) à évacuer à jamais de vastes portions du territoire de la Croatie et de la BiH. Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC ont participé à l’entreprise criminelle commune en qualité de coauteurs ou de complices, ainsi qu’il est exposé ci-après.
10. Les crimes énumérés dans le présent acte d’accusation s’inscrivaient dans le cadre de l’entreprise criminelle commune, et Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC étaient animés de l’intention nécessaire pour commettre chacun de ces crimes, à savoir l’intention de violer les droits élémentaires et fondamentaux des Croates, des Musulmans de Bosnie, des Croates de Bosnie et d’autres non-Serbes pour des raisons religieuses, raciales ou politiques (chef 1, persécutions,) ; l’intention de tuer ou d’infliger des blessures graves, au mépris total de la vie humaine (chefs 2 et 3, meurtres) ; la participation délibérée et en toute connaissance de cause à l’expulsion, ou le recours à la contrainte pour déporter ou transférer de force une ou plusieurs personnes dans un autre État ou un autre lieu, pour des motifs que le droit international ne reconnaît pas et/ou l’intention délibérée de forcer des personnes à quitter leur région pour des motifs que le droit international ne reconnaît pas (chefs 4 et 5, expulsions et actes inhumains [transferts forcés]) À défaut, les crimes énumérés dans le présent acte d’accusation étaient la conséquence naturelle et prévisible de la réalisation de l’objectif assigné à l’entreprise criminelle commune. Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC avaient conscience que de tels crimes pouvaient en découler.
11. L’entreprise criminelle commune susmentionnée a vu le jour avant le 1er août 1991 et s’est poursuivie au moins jusqu’au 31 décembre 1995.
12. Nombre d’individus ont participé à cette entreprise criminelle commune. Chaque participant, par ses actes ou omissions, a contribué à la réalisation de l’objectif assigné à l’entreprise. Parmi les individus qui ont pris part à cette entreprise criminelle commune, œuvrant ainsi à sa réalisation, se trouvaient notamment les accusés Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC, Slobodan MILOSEVIC, Veljko KADIJEVIC, Blagoje ADZIC, Ratko MLADIC, Radmilo BOGDANOVIC, Radovan STOJIČIC (alias « Badza »), Mihalj KERTES, Milan MARTIC, Radovan KARADZIC, Biljana PLAVSIC, Zeljko RAZNATOVIC (alias « Arkan »), Vojislav SESELJ et d’autres membres de la JNA rebaptisée ultérieurement Armée de la République fédérale de Yougoslavie (« VJ »), de la VRS et de l’armée de la République de la Krajina serbe (« VRSK »), de la TO serbe de Croatie, BiH, Serbie et Monténégro, de la police locale et du MUP serbe, y compris la DB de Serbie et la Police de Martic, ainsi que des membres des unités paramilitaires serbes, monténégrines et serbes de Bosnie.
13. Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC, agissant seuls et de concert avec d’autres participants à l’entreprise criminelle commune, ont pris part à celle-ci de la façon suivante :
ils ont participé à la formation, au financement, à l’approvisionnement et au soutien des unités spéciales de la DB de la République de Serbie ;
ils ont dirigé des fonctionnaires et agents de la DB qui ont participé à la commission des crimes recensés dans le présent acte d’accusation ;
ils ont fourni des armes, des fonds, une formation, un soutien logistique et d’autres formes d’assistance ou de soutien appréciables aux unités spéciales de la DB de la République de Serbie qui ont participé à la commission de crimes en Croatie et en BiH entre le 1er août 1991 et le 31 décembre 1995.
14. Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC ont délibérément et sciemment participé à l’entreprise criminelle commune, en ayant conscience de ses conséquences prévisibles. À ce titre, ils sont individuellement pénalement responsables de ces crimes au regard de l’article 7 1) du Statut du Tribunal, de même qu’ils sont responsables, au regard du même article, d’avoir planifié, ordonné ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter ces crimes.
ALLÉGATIONS JURIDIQUES GÉNÉRALES
15. Tous les actes et omissions rapportés dans le présent acte d’accusation sont survenus sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.
16. À toutes les époques concernées par le présent acte d’accusation, la Croatie et la BiH étaient le théâtre d’un conflit armé.
17. À toutes les époques concernées par le présent acte d’accusation, Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC étaient tenus de se conformer aux lois ou coutumes régissant les conflits armés, notamment aux Conventions de Genève de 1949 et à leurs Protocoles additionnels.
18. Tous les actes et omissions qualifiés de crimes contre l’humanité dans le présent acte d’accusation s’inscrivaient dans le cadre d’une offensive généralisée ou systématique dirigée contre les Croates, les Musulmans de Bosnie, les Croates de Bosnie et autres populations civiles non serbes dans de vastes portions de la Croatie et de la BiH.
ACCUSATIONS
CHEF 1
PERSÉCUTIONS
19. Du 1er avril 1991 environ jusqu’au 31 décembre 1995, Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC, agissant seuls ou de concert avec des participants à l’entreprise criminelle commune, ont planifié, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter la persécution de Croates, Musulmans de Bosnie, Croates de Bosnie et autres populations non serbes de la SAO de Krajina, de la SAO SBSO et de certains territoires de la BiH, notamment les municipalités de Bijeljina, Bosanski Samac, Doboj, Mrkonjic Grad, Sanski Most et Zvornik.
20. Durant toute cette période, les forces serbes, composées d’unités spéciales de la DB de la République de Serbie, agissant seules ou de concert avec d’autres forces serbes, notamment le MUP serbe, la JNA (divisée par la suite en VJ, VRS et VRSK), des unités de la TO locale, de la Republika Srpska, de la police ainsi que d’autres unités paramilitaires, ont pris le contrôle de villes et de villages dans les territoires susmentionnés. Après s’être assuré la maîtrise du terrain, les forces serbes, en collaboration avec les autorités locales serbes, ont mis en place un système de persécutions destiné à chasser de ces territoires les Croates, les Musulmans de Bosnie, les Croates de Bosnie et d’autres populations non serbes.
21. Ces persécutions ont été inspirées par des motifs discriminatoires liés à l’appartenance politique, à la race ou à la religion et elles ont pris diverses formes :
a) le meurtre de Croates, Musulmans de Bosnie, Croates de Bosnie et autres civils non serbes, ainsi qu’il est indiqué aux paragraphes 23 à 58 du présent acte d’accusation ;
b) le transfert forcé et l’expulsion de Croates, Musulmans de Bosnie, Croates de Bosnie et autres civils non serbes, ainsi qu’il est indiqué aux paragraphes 59 et 60 du présent acte d’accusation.
22. Par ces actes et omissions, Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC, agissant seuls ou de concert avec des participants à l’entreprise criminelle commune, ont planifié, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter les crimes suivants :
CHEF 1 : PERSÉCUTIONS POUR DES RAISONS POLITIQUES, RACIALES OU RELIGIEUSES, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par les articles 5 h) et 7 1) du Statut du Tribunal.
CHEFS 2 et 3
MEURTRE
23. De mai 1991 environ au 31 décembre 1995, Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC, agissant seuls ou de concert avec d’autres membres de l’entreprise criminelle commune, ont planifié, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter l’assassinat et le meurtre intentionnel de non-Serbes, principalement des Croates et des Musulmans et Croates de Bosnie. Ont trouvé ainsi la mort des Croates, des Musulmans et Croates de Bosnie et d’autres non-Serbes dans les villes et villages où ils habitaient, pendant et après la prise de la SAO de Krajina, de la SAO SBSO et de territoires de BiH comprenant, sans s’y limiter, les municipalités de Bijeljina, Bosanski Samac, Doboj, Mrkonjic Grad, Sanski Most et Zvornik.
SAO de KRAJINA
24. À partir du 7 octobre 1991 ou vers cette date, des membres de la Police de Martic et d’autres forces serbes, en particulier de la JNA et de la TO serbe locale, s’étaient retrouvés maîtres de la région de Hrvastka Kostajnica. La plupart des civils croates avaient fui leurs maisons pendant l’attaque de septembre 1991. Environ 120 citoyens croates, principalement des femmes, des personnes âgées ou infirmes, étaient restés dans les villages de Dubica, Cerovljani et Bacin. Le 20 octobre 1991 au matin, des membres de la Police de Martic et d’autres forces serbes ont pris dans une rafle 53 civils à Dubica et les ont détenus dans la caserne de pompiers du village. Au cours de la journée et de la nuit, 10 d’entre eux ont été libérés parce qu’ils étaient serbes ou étaient en relation avec des Serbes. Le 21 octobre 1991, des membres de la Police de Martic et les autres forces serbes décrites plus haut ont emmené les 43 prisonniers croates restants en un endroit situé à proximité du village de Bacin. De plus, les membres de la Police de Martic et d’autres forces serbes ont emmené là au moins 13 civils non serbes de Bacin et de Cerovljani. Les 56 non-Serbes y ont tous été exécutés. Les membres de la Police de Martic et les autres forces serbes mentionnées plus haut ont emmené, à peu près au même moment, 30 autres civils de Bacin et 24 autres des villages de Dubica et de Cerovljani en un endroit inconnu, où ils les ont tués.
25. Du début du mois d’août 1991 au 12 novembre 1991, les villages croates de Saborsko, Poljanak et Lipovaca ont été attaqués par des membres de la Police de Martic et d’autres forces serbes, notamment de la JNA et de la TO. A peine entrées dans les villages, les forces assaillantes ont tué tous les habitants non serbes restés sur place qu’elles ont trouvés.
26. Le 28 octobre 1991, des unités de la TO locale sont entrées dans Lipovaèa et ont tué huit civils.
27. Le 7 novembre 1991, des unités de la JNA et de la TO, notamment une unité spéciale de la JNA de Nis, sont entrées dans le hameau de Vukovici, près de Poljanak, et ont exécuté neuf civils.
28. Le 12 novembre 1991, des membres de la Police de Martic et d’autres forces serbes, notamment des unités de la JNA et de la TO, sont entrés dans le village de Saborsko, où ils ont tué au moins 20 civils croates. Le village a ensuite été rasé.
29. En novembre 1991, des membres de la Police de Martic et d’autres forces serbes, notamment des unités de la JNA et de la TO, ont attaqué le village de Skabrnja, près de Zadar. Le 18 novembre 1991, des membres de la Police de Martic et d’autres forces serbes sont entrés dans Skabrnja. Allant de maison en maison, ils ont tué au moins 38 civils non serbes à leur domicile ou dans la rue.
30. Le 19 novembre 1991, les forces serbes ont attaqué Nadin, village proche de Skabrnja mentionné plus haut, et tué sept civils non serbes.
31. Tous les civils croates qui étaient restés à Skabrnja sont morts entre le 18 novembre 1991 et février 1992. Les forces serbes ont tué 26 personnes parmi les civils croates âgés ou infirmes restés sur place.
32. Le 21 décembre 1991, des membres de la Police de Martic et d’autres forces serbes ont pénétré dans le village de Bruska et le hameau de Marinovic, oů ils ont tué dix civils, dont neuf Croates.
HÔPITAL DE VUKOVAR
33. Le 20 novembre 1991 ou vers cette date, les forces serbes, dont des unités de la JNA et de la TO de la SBSO, ont, après avoir pris le contrôle de la ville, chassé de l’hôpital de Vukovar environ 255 Croates et autres non-Serbes. Les victimes ont été transportées à la caserne de la JNA, puis à la ferme Ovcara, située à cinq kilomètres environ au sud de Vukovar. Là, des membres des forces serbes ont battu et torturé les victimes pendant des heures. Le soir du 20 novembre 1991, les soldats ont transporté les victimes par groupes de 10 à 20 personnes jusqu’à un lieu d’exécution éloigné, situé entre la ferme Ovèara et Grabovo, où ils les ont abattues. Leurs corps ont été jetés dans un charnier.
SAO SBSO
34. En septembre et octobre 1991, les forces de la TO serbe et la milice de la SAO SBSO ont arrêté des civils croates qu’elles ont gardés dans un centre de détention installé dans le bâtiment de la police à Dalj. Le 21 septembre 1991, Goran Hadzic et Zeljko Raznatovic se sont rendus au centre de détention et ont ordonné la mise en liberté de deux des détenus. Des membres de la TO de la SAO SBSO, sous la direction de Zeljko Raznatovic, ont abattu 11 détenus et jeté leurs corps dans un charnier dans le village de Celije.
35. Le 4 octobre 1991, des membres de la TO de la SAO SBSO, sous la direction de Zeljko Raznatovic, ont pénétré dans le centre de détention installé dans le bâtiment de la police de Dalj et ouvert le feu sur 28 détenus civils croates. Les dépouilles ont ensuite été sorties du bâtiment et jetées à proximité dans le Danube.
36. Le 9 novembre 1991, des membres de la TO de la SAO SBSO, sous la direction de Zeljko Raznatovic, et des membres de la milice de la SAO SBSO ont arręté ŕ Erdut, Dalj Planina et Erdut Planina des civils d’origine hongroise et croate, qu’ils ont emmenés au centre de formation de la TO d’Erdut, où 12 d’entre eux ont été abattus le lendemain. Plusieurs jours plus tard, des membres de la Sûreté nationale serbe (la « SNB ») de la SAO SBSO, en collaboration avec plusieurs membres des Tigres d’Arkan, ont arrêté et exécuté trois civils, dont deux membres de la famille des premières victimes hongroises, qui s’étaient enquis du sort de leurs proches. Parmi les douze premières victimes, huit ont été enterrées dans le village de Celija et une à Daljski Atar. Les trois autres dépouilles ont été jetées dans un puits à Borovo. Le 3 juin 1992, des membres de la SNB, en collaboration avec des membres des Tigres d’Arkan, ont arrêté Marija Senasi (née en 1937), apparentée à l’une des premières victimes hongroises, qui avait continué à s’enquérir du sort de ses proches, puis l’ont assassinée et ont jeté son corps dans un puits abandonné de Dalj Planina.
37. Le 11 novembre 1991, des membres de la TO de la SAO SBSO, sous le commandement de Zeljko Raznatovic, ont arreté sept civils non serbes dans le village de Klisa. Deux des détenus, qui avaient des proches serbes, ont été libérés. Les cinq autres civils ont été emmenés au centre de formation de la TO d’Erdut. Après leur interrogatoire, les victimes ont été tuées et jetées dans un charnier situé dans le village de Celije.
38. Entre le 18 et le 20 novembre 1991, après la fin des opérations militaires à Vukovar et alentour, la JNA a expulsé des milliers d’habitants croates et d’autres habitants non serbes en République de Serbie. Goran Hadzic ayant demandé que soient gardés les non-Serbes soupçonnés d’avoir participé aux opérations militaires, la JNA a conduit, le 20 novembre 1991 ou vers cette date, un grand nombre d’habitants de Vukovar aux centres de détention de Dalj. Là, des membres de la TO serbe ont sélectionné les personnes soupçonnées d’avoir participé à la défense de Vukovar. Les détenus sélectionnés ont été interrogés, battus et torturés. Au moins 34 d’entre eux ont été exécutés.
39. Le 10 décembre 1991, des membres de la TO de la SAO SBSO, sous la direction de Zeljko Raznatovic, et des membres de la milice de la SAO SBSO ont arręté cinq villageois non serbes d’Erdut. Les victimes ont été emmenées puis tuées au centre de formation de la TO d’Erdut. Trois des dépouilles ont ensuite été jetées dans un puits à Daljski Atar.
40. Du 22 décembre 1991 au 25 décembre 1991, des membres de la TO de la SAO SBSO, sous la direction de Zeljko Raznatovic, et des membres de la milice de la SAO SBSO ont arrêté à Erdut sept civils d’origine hongroise et croate qu’ils ont emmenés au centre de formation de la TO d’Erdut. Ils ont été abattus le 26 décembre 1991. Six des dépouilles ont été enterrées à Daljski Atar.
41. Le 21 février 1992, des membres de la TO de la SAO SBSO, sous la direction de Zeljko Raznatovic, et des membres de la milice de la SAO SBSO ont arreté à Erdut quatre civils non serbes. Toutes les victimes ont été interrogées puis tuées au centre de formation de la Défense territoriale d’Erdut. Leurs dépouilles ont été jetées dans un charnier à Daljski Atar.
BIJELJINA
42. Le 31 mars 1992 ou vers cette date, Zeljko Raznatovic, des membres des Tigres d’Arkan, d’autres forces serbes et des unités spéciales de la DB de Serbie ont, à la demande de dirigeants locaux serbes de Bijeljina, attaqué et pris le contrôle de la ville de Bijeljina.
43. Dans les premiers jours d’avril 1992, des membres des Tigres d’Arkan et les autres unités spéciales de la DB de Serbie ont terrorisé la population civile en tuant des civils non serbes.
BOSANSKI SAMAC
44. Le 11 avril 1992 ou vers cette date, des unités spéciales de la DB de la République de Serbie sont arrivées à Bosanski Samac en provenance de la République de Serbie, à la demande de dirigeants locaux serbes de Bosnie. Ces unités spéciales comptaient dans leurs rangs Dragan Djordevic, alias « Crni », Srecko Radovanovic, alias « Debeli » et Slobodan Miljkovic, alias « Lugar ».
45. Le 17 avril 1992, des forces serbes, dont les unités spéciales de la DB de la République de Serbie et les forces locales formées par des membres de ces unités spéciales, ont attaqué et pris le contrôle de la ville de Bosanski Samac.
46. À partir du 17 avril 1992, date à laquelle la ville de Bosanski Samac a été attaquée, les forces serbes, dont des unités spéciales de la DB de la République de Serbie, ont incarcéré des civils non serbes dans les bâtiments du quartier général de la police (« SUP ») et de la TO ou à proximité. Entre le 17 avril 1992 et le 31 juillet 1992, des membres des unités spéciales de la DB de la République de Serbie ont, à plusieurs reprises, frappé les détenus non serbes.
47. Le 27 avril 1992 ou vers cette date, Slobodan Miljkovic a frappé plusieurs personnes détenues dans le bâtiment de la TO et a tué Anto Brandic, alias « Dikan », en le frappant à maintes reprises à l’aide d’un gourdin avant de l’abattre.
48. Le 6 mai 1992 ou vers cette date, quelque 50 Croates et Musulmans de Bosnie détenus dans le bâtiment de la TO de Bosanski Samac ont été emmenés dans un bâtiment d’une exploitation agricole située à proximité du village de Crkvina (« Crkvina »). Le 7 mai 1992 ou vers cette date, Slobodan Miljkovic, Dragan Djordevic ainsi que d’autres membres des unités spéciales de la DB de la République de Serbie se sont rendus à Crkvina. Ils ont frappé les détenus non serbes et ont abattu au moins 16 détenus civils non serbes.
DOBOJ
49. Au début de l’année 1992, un centre de formation pour les forces locales serbes a été créé par les unités spéciales de la DB de la République de Serbie au mont Ozren dans la municipalité de Doboj.
50. Dans la nuit du 2 mai 1992 ou vers cette date, la prise de Doboj a commencé lorsque les forces serbes, dont des unités spéciales de la DB de la République de Serbie, ont attaqué et pris le contrôle de la ville non défendue. Au cours des semaines qui ont suivi, les forces serbes ont attaqué plusieurs villes et villages de la municipalité.
51. À partir de l’attaque qu’elles ont lancée dans la nuit du 2 mai 1992, les forces serbes, dont des unités spéciales de la DB de la République de Serbie, ont incarcéré des civils non serbes en plusieurs endroits à Doboj. Des membres des unités spéciales de la DB de la République de Serbie ont pénétré dans ces centres de détention et ont tué des détenus.
52. Le 12 juillet 1992 ou vers cette date, les forces serbes, dont des unités spéciales de la DB de la République de Serbie, ont utilisé les détenus non serbes comme boucliers humains et 27 civils environ ont trouvé la mort.
MRKONJIC GRAD
53. Le 4 octobre 1995 ou vers cette date, alors qu’il se trouvait dans la municipalité de Mrkonjic Grad, Zeljko Raznatovic a abattu un détenu non serbe.
SANSKI MOST
54. En septembre 1995, Zeljko Raznatovic et des membres des Tigres d’Arkan sont arrivés à Sanski Most à la demande de dirigeants locaux serbes de Bosnie.
55. Le 20 septembre 1995 ou vers cette date, des membres des Tigres d’Arkan ont pris en différents endroits 12 hommes non serbes à Sanski Most et les ont transportés en camion jusqu’à un endroit situé dans le village de Trnova, à cinq kilomètres environ de Sanski Most. Là, 11 non-Serbes ont été exécutés et le douzième a été grièvement blessé par balle.
56. Le 21 septembre 1995 ou vers cette date, un groupe de civils non serbes a été emmené de force à Sasina. À Sasina, ces civils ont été sortis des véhicules au pied de la colline du côté ouest, à proximité de l’église du village. Là, des membres des Tigres d’Arkan ont ouvert le feu sur le groupe, tuant environ 65 détenus non serbes.
ZVORNIK
57. Le 8 avril 1992 ou vers cette date, les forces serbes, comptant entre autres dans leurs rangs Zeljko Raznatovic, des membres des Tigres d’Arkan et d’autres unités spéciales de la DB de Serbie, ont attaqué et pris le contrôle de Zvornik. Au cours de cette attaque, environ 20 civils non serbes ont été tués à Zvornik.
58. Par ces actes et omissions, Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC, agissant seuls ou de concert avec d’autres membres de l’entreprise criminelle commune, ont planifié, ordonné, commis, ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter les crimes suivants :
CHEF 2 : ASSASSINAT, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 a) et 7 1) du Statut du Tribunal.
CHEF 3 : MEURTRE, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) a) commun aux Conventions de Genève de 1949 et sanctionnée par les articles 3 et 7 1) du Statut du Tribunal.
CHEFS 4 ET 5
EXPULSION ET ACTES INHUMAINS (TRANFERTS FORCÉS)
59. De mai 1991 environ au 31 décembre 1995, Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC, agissant seuls ou de concert avec d’autres membres de l’entreprise criminelle commune, ont planifié, ordonné, commis, ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter le transfert forcé ou l’expulsion illégale de milliers de Croates, de Musulmans et Croates de Bosnie et d’autres civils non serbes hors de leur domicile légal de la SAO de Krajina, de la SAO SBSO et des territoires de BiH, notamment dans les municipalités de Bijeljina, Bosanski Samac, Doboj, Mrkonjic Grad, Sanski Most et Zvornik, vers d’autres pays ou d’autres régions situées en dehors des municipalités où ils habitaient.
60. Par ces actes et omissions, Jovica STANISIC et Franko SIMATOVIC, agissant seuls ou de concert avec d’autres membres de l’entreprise criminelle commune, ont planifié, ordonné, commis, ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter :
CHEF 4 : EXPULSION, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 d) et 7 1) du Statut du Tribunal.
CHEF 5 : ACTES INHUMAINS (TRANSFERT FORCÉ), un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 i) et 7 1) du Statut du Tribunal.
Le Procureur
______________
Carla Del Ponte
Fait le 1er mai 2003
La Haye (Pays-Bas)