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1 Le jeudi 5 mai 2011
2 [Jugement de la Règle 98 bis]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes dans le
7 prétoire et autour du prétoire.
8 Madame la Greffière, veuillez citer le numéro de l'affaire, s'il vous
9 plaît.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.
11 Bonjour à tous. Ceci est l'affaire IT-03-69-T, le Procureur contre Jovica
12 Stanisic et Franko Simatovic.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
14 Avant que la Chambre ne rende sa décision, je voudrais commencer par
15 m'adresser à vous, Monsieur Stanisic. Nous avons reçu une requête de la
16 part de Me Jordash demander de l'autoriser à être absent du prétoire
17 aujourd'hui, pour que vous soyez représenté par d'autres membres de votre
18 équipe de la Défense. Alors la Chambre rencontre certaines difficultés pour
19 ce qui est de permettre à des conseils non officiellement désignés de vous
20 représenter.
21 Mais est-ce que vous donneriez votre accord à cette situation qui pourrait
22 se présenter aujourd'hui, à savoir que vous ne seriez pas représenté ?
23 L'ACCUSÉ STANISIC : [interprétation] Je suis d'accord, Monsieur le
24 Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. La Chambre constate donc que
26 M. Scott et Mme Verwiel sont présents dans le prétoire; par conséquent, si
27 jamais la nécessité de communiquer se présente alors que le conseil
28 principal n'est pas dans le prétoire, veuillez vous adresser à moi.
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1 Deuxièmement, au regard du programme de l'audience d'aujourd'hui, qui
2 normalement est constaté au rendu de cette décision relative à la demande
3 d'acquittement soumise par la Défense Simatovic, et compte tenu des
4 circonstances ainsi que de l'accord donné par M. Stanisic concernant le
5 fait qu'il ne serait pas représenté, bien qu'il ne soit pas seul dans le
6 prétoire, la Chambre va poursuivre.
7 M. MARTIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je poursuis donc avec le
9 sujet qui nous occupe aujourd'hui, à savoir cette décision relative à la
10 demande orale d'acquittement de la Défense Simatovic en application de
11 l'article 98 bis. Comme je l'ai annoncé la Chambre va à présent rendre sa
12 décision, relative à la demande orale d'acquittement de la Défense
13 Simatovic en application de l'article 98 bis.
14 La Chambre relève d'amblée que la Défense Stanisic n'a présenté
15 aucune argumentation en application du même article 98 bis. La présente
16 décision s'applique, par conséquent, au seul accusé Franko Simatovic;
17 cependant, compte tenu des rôles et de la participation des deux accusés
18 dans le cadre de l'entreprise criminelle commune, ou ECC, tels qu'ils sont
19 allégués dans l'acte d'accusation et compte tenu des liens étroits ayant
20 selon l'Accusation existés entre les accusés, la Chambre sera
21 nécessairement amenée à se référer par moment à des éléments de preuve
22 relatifs à Jovica Stanisic.
23 La Chambre a entendu les arguments de la Défense Simatovic le 7 avril
24 2011, et la réponse de l'Accusation le 11 avril 2011. L'ensemble des
25 arguments présentés oralement tant par la Défense Simatovic que par
26 l'Accusation ont été pris en considération dans l'élaboration par la
27 Chambre de sa décision.
28 La Chambre va commencer par donner un bref résumé des arguments
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1 présentés la Défense Simatovic a demandé à la Chambre d'acquitter l'accusé
2 Franko Simatovic de tous les chefs de l'acte d'accusation. Son
3 argumentation est consignée aux pages 11 300 à 11 353 du compte rendu
4 d'audience en langue anglaise. La Défense a argué que l'Accusation n'avait
5 pas réussi à démontrer l'existence d'un groupe de personnes agissant de
6 concert avec un objectif commun, ni que M. Simatovic aurait été l'une de
7 ces personnes. Selon la Défense, l'Accusation n'aurait pas non plus
8 démontré l'existence d'un objectif commun aux participants allégués de
9 l'ECC. Elle n'aurait pas davantage apporté de preuve quant aux intentions
10 des supposés participants à l'entreprise criminelle commune ni démontré que
11 M. Simatovic aurait partagé ces intentions.
12 Concernant la participation alléguée de Simatovic et concernant ce
13 dont il aurait été au courant, la Défense soutient que l'Accusation n'a
14 présenté, et je cite :
15 "Aucune preuve concrète des actes ou omissions de Simatovic, eu égard
16 aux allégations figurant dans l'acte."
17 L'INTERPRÈTE : L'Accusation, se reprend l'interprète, fin de citation.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Elle affirme en outre qu'aucune preuve
19 n'a été avancée de la connaissance qu'aurait eue Simatovic de l'un
20 quelconque des crimes imputés dans l'acte d'accusation. Concernant le rôle
21 joué par le service serbe de la Sûreté d'Etat ou service de la DB serbe,
22 tel qu'il est allégué dans l'acte d'accusation, dans la mise en place
23 d'unités spéciales, y compris celle des Skorpions et celle des Tigres
24 d'Arkan, la Défense avançait qu'aucune preuve n'existait démontrant que ces
25 unités se fussent trouver sous le contrôle de la DB de la République de
26 Serbie, à quel que moment que ce soit, pendant la période considérée dans
27 l'acte d'accusation. Le 12 avril 2011, la Défense a précisé ce qu'elle
28 entendait par "aucune preuve," à savoir que l'Accusation n'avait fourni
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1 aucune preuve, ce qui même envisagé et évalué sous l'angle le plus
2 favorable, pourrait malgré tout donner lieu à une condamnation.
3 L'Accusation a avancé que la demande en acquittement de la Défense
4 Simatovic ne devait pas être accueillie. Ses arguments sont consignés,
5 pages 11355 à 11436 incluse du compte rendu d'audience en langue anglaise.
6 L'Accusation a affirmé avoir présenté des éléments de preuve pertinents,
7 probants et cohérents au regard de chacun des chefs d'accusation retenus
8 dans l'acte d'accusation, et qu'elle s'était acquittée de la charge de la
9 preuve à ce stade du procès. Tout au long de sa réponse, l'Accusation a
10 porté à l'attention de la Chambre les moyens de preuve précis, qui selon
11 elle démontrent l'existence de l'ECC allégué ainsi que la contribution
12 significative de l'accusé Simatovic à ladite ECC. Ce faisant, l'Accusation
13 s'est également efforcée de mettre en avant les liens étroits entre M.
14 Stanisic et M. Simatovic, et elle a avancé que les deux accusés, je cite
15 "devaient avoir partagé leurs informations, discuter de leur plan, et
16 fonctionner en tant qu'une seule et même unité de cohérence."
17 L'article 98 bis du Règlement de preuve et de procédure du Tribunal dispose
18 comme suit, je cite :
19 "A la fin de la présentation des moyens à charge, la Chambre de première
20 instance doit par décision orale et après avoir entendu les arguments oraux
21 des parties, prononcer l'acquittement de tout chef d'accusation pour lequel
22 il n'y a pas d'élément de preuve susceptible de justifier une
23 condamnation."
24 En vertu de la jurisprudence du Tribunal, la Chambre est saisie de la
25 question de savoir s'il existe des éléments de preuve sur la base desquels
26 tout Juge du fait raisonnable pourrait conclure au-delà de tout doute
27 raisonnable à la culpabilité de l'accusé. Par conséquent, si, eu égard à un
28 chef d'accusation donné, une Chambre de première instance raisonnable
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1 pourrait être convaincue au-delà de tout doute raisonnable de la
2 culpabilité de l'accusé sur la base des moyens de preuve avancés, en
3 rapport avec le chef d'accusation en question, ce dernier devra être
4 maintenu. Les éléments de preuve avancés doivent être suffisants pour
5 chaque élément des crimes allégués et pour un des modes de responsabilité
6 retenu dans l'acte d'accusation. Ce critère ne saurait être satisfait en
7 l'absence d'élément de preuve. En revanche, à partir du moment où
8 l'Accusation a présenté des moyens de preuve, ces derniers, à moins qu'on
9 ne puisse leur accorder aucun crédit, ont vocation à être soumis à une
10 vérification du critère précédent. A ce stade, il convient d'envisager les
11 moyens de preuve sous l'angle le plus favorable à l'Accusation. Par
12 conséquent, la Chambre n'examinera pas les questions de crédibilité ni de
13 fiabilité à moins d'être en présence de la déposition d'un témoin manquant
14 à ce point de crédibilité et de fiabilité, qu'aucune Chambre de première
15 instance raisonnable ne pourrait le ou la considérer comme crédible ou
16 fiable.
17 La Chambre se propose à présent de donner un bref résumé des parties
18 pertinentes de l'acte d'accusation.
19 L'acte d'accusation comporte cinq chefs d'accusation alléguant des crimes
20 commis pendant la période s'étendant au moins du 1er avril 1991 au 31
21 décembre 1995. Les territoires visés par l'acte d'accusation incluent la
22 Région autonome slave de Slavonie, Baranja et Srem occidental ou RAS de
23 Slavonie, Baranja et Srem occidental et la Région autonome serbe de
24 Krajina. Toutes deux étant situé en Croatie. Je me suis trompé en lisant,
25 excusez-moi. Les territoires visés par l'acte d'accusation incluent la
26 Région autonome serbe de Krajina ou RAS de Krajina et la Région autonome
27 serbe de Slavonie, Baranja et Srem occidental ou RAS de Slavonie, Baranja
28 et Srem occidental, toutes deux situées en Croatie, ainsi que les
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1 municipalités suivantes de la Bosnie-Herzégovine : Bijeljina, Bosanski
2 Samac, Doboj, Sanski Most, Trnovo et Zvornik.
3 D'après l'acte d'accusation, M. Simatovic a occupé différents postes au
4 sein de la DB serbe, et il était le commandant de l'unité des opérations
5 spéciales de la DB pendant la période considérée dans l'acte d'accusation,
6 et ce, sous l'autorité de M. Stanisic.
7 Le premier chef d'accusation impute à l'accusé des persécutions en tant que
8 crime contre l'humanité. Les second et troisième chefs d'accusation lui
9 impute respectivement le meurtre en tant que crime contre l'humanité, et le
10 meurtre en tant que violation des lois et coutumes de la guerre, tel que
11 reconnu par l'article commun (3)(1)(a) des conventions de Genève de 1949.
12 Les deux derniers chefs d'accusation imputent à l'accusé respectivement
13 l'expulsion et les actes inhumains de transfert forcé en tant que crime
14 contre l'humanité.
15 L'acte d'accusation avance que l'accusé et d'autres que lui ont participé à
16 une entreprise criminelle commune dont l'objectif était de chasser
17 définitivement la majorité des non-Serbes de vastes parties du territoire
18 de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine, étant concernée, une population
19 constituée principalement de Croates, de Musulmans de Bosnie et de Croates
20 de Bosnie. Il est allégué que cet objectif a été mis en œuvre par la
21 commission des crimes retenus dans les chefs d'accusation 1 à 5.
22 D'après l'acte d'accusation, la participation de l'accusé à l'entreprise
23 criminelle commune comprenait le fait de diriger et d'organiser le
24 financement, l'entraînement, le soutien logistique et d'autres formes tout
25 à fait significatives d'assistance ou de soutien aux unités spéciales de la
26 DB de la République de Serbie, ainsi qu'à d'autres forces serbes impliquées
27 dans la commission de crimes en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, pendant
28 la période considérée dans l'acte d'accusation. Par ailleurs, l'acte
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1 d'accusation tient l'accusé pour pénalement responsable des actes et
2 omissions de crimes qu'il aurait planifiés, ordonnés et ou de toute autre
3 manière aidé et encouragé à planifier, préparer et ou exécuter.
4 Dans les qualifications juridiques auxquelles elle recourt, la Chambre fait
5 sienne et applique la jurisprudence du présent Tribunal en matière de
6 définition des éléments constitutifs des différents crimes et modes de
7 responsabilité retenus à charge en l'espèce. Dans la présente décision, la
8 Chambre pourra aborder des points de droit de façon plus spécifique, mais
9 uniquement lorsque ce sera nécessaire pour expliquer ses conclusions.
10 Le volume des éléments de preuve dont la Chambre a été saisie, et la nature
11 même d'une audience en application de l'article 98 bis, ne permettent pas
12 un examen exhaustif des moyens de preuve dans le cadre de la présente
13 décision. La Chambre n'en a pas moins tenu compte de l'ensemble des
14 éléments de preuve. Les éléments en particulier auxquels la Chambre sera
15 amenée à se référer aujourd'hui dans la présente décision, ne représentent
16 par conséquent qu'un échantillon.
17 Pour chacun des crimes imputés, la Chambre a vérifié si les éléments de
18 preuve ont concerné bien tous les éléments constitutifs. De même, la
19 Chambre a vérifié si les éléments de preuve permettaient de satisfaire
20 toutes les exigences des modes de responsabilité pénale retenus contre
21 l'accusé Simatovic.
22 Enfin, la Chambre, pour chacun des crimes imputés, a vérifié si, en
23 accordant aux éléments à charge leur plus grand crédit, tout juge du fait
24 raisonnable pourrait être emmené à conclure au-delà de tout doute
25 raisonnable, à la fois, que le crime en question a bien été commis et que
26 l'accusé Simatovic en est pénalement responsable.
27 La Chambre va tout d'abord se pencher sur les faits incriminés tels
28 qu'allégués aux chefs d'accusation 1 à 5 et déterminera si elle se trouve,
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1 pour chacun des éléments constitutifs des crimes en question, en présence
2 d'éléments à charge suffisants pour conclure au maintien du chef
3 d'accusation correspondant. Elle abordera ensuite la question de la
4 responsabilité pénale individuelle de l'accusé Simatovic.
5 La Chambre passe à présent aux éléments constitutifs généraux et aux
6 conditions de compétence devant être établis en vertu des articles 3 et 5
7 du statut du Tribunal. La Défense n'a pas contesté ces arguments dans son
8 argumentation en application de l'article 98 bis. La Chambre relève que
9 dans l'acte d'accusation, le Procureur avance que pendant toute la période
10 considérée dans l'acte d'accusation la Croatie et la Bosnie-Herzégovine
11 connaissaient une situation de conflit armé. Après examen des éléments dont
12 elle a été saisie, la Chambre estime que ces derniers appuient cette
13 affirmation de l'Accusation selon laquelle une situation de conflit armé
14 existait pendant toute la période considérée dans l'acte d'accusation.
15 Dans son examen des éléments constitutifs généraux de violation des lois et
16 coutumes de la guerre, la Chambre s'est penchée sur plusieurs cas de
17 meurtre. Elle se réfèrera brièvement aux moyens de preuve correspondants au
18 moment d'aborder chacun des chefs d'accusation. La Chambre considère que
19 les éléments dont elle a été saisie, y compris les cas évoqués à l'instant,
20 sont de nature à montrer que les victimes de ces crimes ne participaient
21 pas directement aux hostilités au moment où les infractions en question ont
22 été commises et que les meurtres étaient étroitement liés au conflit armé.
23 De façon similaire, dans son examen des éléments généraux constitutifs de
24 crimes contre l'humanité, la Chambre s'est penchée sur des cas où des
25 meurtres, des expulsions, et des transferts forcés avaient été allégués,
26 pour lesquels les moyens de preuve correspondant seront également abordés
27 dans quelques instants. Dans les éléments dont la Chambre a été saisie
28 quant à la nature et au nombre de ces incidents, que le nombre des
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1 personnes, prises pour cible ainsi que leur âge et leur appartenance
2 ethnique, indique que ces incidents faisaient partie d'attaque généralisée
3 et systématique dirigée contre des populations civiles des territoires
4 visés par l'acte d'accusation, et que leurs auteurs ne pouvaient ignorer
5 que leurs actes faisaient partie d'une attaque de cette nature. Les
6 exigences formulées dans les chapeaux des articles 3 et 5 sont donc
7 satisfaites.
8 La Chambre souhaite à présent passer à l'examen individuel des chefs
9 d'accusation énumérés dans l'acte d'accusation.
10 Concernant les chefs d'accusation 2 et 3, il existe des éléments de preuve
11 de nature à prouver la commission de meurtres pendant la période considérée
12 dans l'acte d'accusation et sur le territoire visé par ce dernier. Par
13 exemple, concernant la RAS de Krajina, le Témoin Ante Marinovic, un Croate
14 du hameau de Marinovici à Bruska, a déposé. Il a indiqué que, dans la
15 soirée du 21 décembre 1991, il se trouvait à son domicile avec son père,
16 son frère, son oncle, ainsi qu'un voisin serbe répondant au nom de Sveto
17 Draca, et qu'ils jouaient aux cartes. Vers 20 heures ou 20 heures 30, trois
18 soldats en uniforme de camouflage et portant un signe de la milicija de
19 Krajina ont pénétré dans sa maison puis ordonné aux hommes de se lever et
20 de sortir. Les soldats les ont alignés le long d'un mur extérieur à la
21 maison et ont tiré sur le témoin, son père et son frère. Après avoir perdu
22 conscience, au moment où il s'écroulait, le témoin est revenu à lui pour
23 trouver les corps sans vie de son père et de son frère allongés à ses
24 côtés. Le témoin avait été touché par cette balle. Il a parcouru à pied une
25 distance d'environ cinq kilomètres pour atteindre la maison de parents
26 vivant à Bijeljina. De Bijeljina, il a été transporté par ambulance jusqu'à
27 un hôpital de campagne à Benkovac, puis soigné à l'hôpital de Knin. Outre
28 les personnes tuées autour de sa maison, six autres Croates ont été tués à
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1 Bruska le 21 décembre 1991, qui portaient tous le patronyme de Marinovic.
2 C'est ce que le témoin a appris à l'hôpital de Knin de la part de la mère
3 d'un autre témoin, Mme Jasna Denona, née Marinovic, qui elle aussi avait
4 survécu à l'attaque.
5 Concernant la région de SAO SBWS serbe de Slavonie, Baranja, et Srem
6 occidental, le Témoin Luka Sutalo a déposé et indiqué que, le 25 août 1991,
7 il a été incarcéré au poste de police de Dalj. Sutalo a indiqué que,
8 pendant son incarcération, les passages à tabac et transferts de
9 prisonniers dans et hors de la prison étaient fréquents. Il a indiqué que
10 la majorité des prisonniers appartenaient aux groupes ethniques croate et
11 hongrois et qu'un détenu était un Bosnien vivant en Croatie. Sutalo a vu
12 Arkan à la prison, et ce, plusieurs fois. A l'une de ces occasions, il a vu
13 Arkan observer le tabassage de plusieurs prisonniers par trois hommes en
14 uniforme de camouflage, qui les ont battus au moyen de chaises métalliques
15 jusqu'à ce que ces chaises se brisent. Le 22 septembre 1991, Sutalo a été
16 libéré par Goran Hadzic et deux autres hommes, tous trois portant des
17 uniformes de camouflage. Un autre prisonnier, Slavko Palinkas, a été libéré
18 une demi-heure après Sutalo. Une fois sorti de la prison, Sutalo a vu Arkan
19 en compagnie d'une trentaine ou d'une quarantaine d'hommes, qui ont salué
20 Hadzic avec les honneurs. Lorsque Palinkas est revenu plus tard ce jour-là
21 avec des cigarettes destinées aux autres prisonniers, un policier lui a dit
22 qu'il ne restait plus aucun prisonnier et qu'ils avaient déjà eu leurs
23 dernières cigarettes. Le lendemain matin, 23 septembre 1991, une femme
24 croate a dit à Sutalo que les autres prisonniers avaient été abattus une
25 heure environ après la libération de Sutalo. Les cadavres de 11 hommes qui
26 avaient été emprisonnés avec Sutalo ont été découverts dans une fosse
27 commune à Celija, non loin de Vinkovci. La Chambre s'appuie également sur
28 la déposition de JF-015 s'agissant de ces crimes.
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1 Eu égard à la Bosnie-Herzégovine, le Témoin JF-008 a déclaré dans sa
2 déposition que, le 2 juin 1992, lui-même ainsi que des villageois de
3 Dragalovci ont été regroupés par les soldats bosno-serbes et policiers
4 bosno-serbes pour être emmenés jusqu'à la prison du district de Doboj. A la
5 fin du mois de juin 1992, le témoin ainsi que d'autres prisonniers ont été
6 transférés dans la prison de Vila, sise dans une discothèque à Percin, non
7 loin de Doboj. La discothèque se trouvait tout près de la ligne de
8 séparation avec l'armée de Bosnie-Herzégovine. 312 à 320 personnes,
9 majoritairement des Musulmans et des Croates de Bosnie, étaient enfermées
10 dans cette discothèque, gardée par des policiers de Doboj. Pendant sa
11 détention dans la discothèque, le Témoin JF-008 a vu un groupe d'une
12 vingtaine de soldats portant des uniformes de camouflage et des bérets
13 rouges entraîner tous les jours une centaine de membres des unités locales.
14 Le 12 juillet 1992, trois soldats en uniforme de camouflage vert et portant
15 des bérets rouges ont pénétré dans cette prison pour contraindre une
16 cinquante de prisonniers à sortir. Le témoin ne faisait pas partie des
17 prisonniers contraints à sortir, mais d'autres prisonniers qui, eux,
18 avaient été obligés de sortir lui ont dit cela plus tard. Le témoin a
19 appris que l'un des soldats qui portait un béret rouge a placé un pistolet
20 contre la tête du prisonnier, Ante Kalem, qu'il a abattu d'un coup de feu à
21 titre d'avertissement pour les autres prisonniers. Les autres prisonniers
22 ont été transférés sur la ligne de combat où ils ont servi de boucliers
23 humains. Ils ont été nombreux à être tués au moment où ils ont été pris
24 dans un tir croisé et la moitié seulement sont rentrés dans la discothèque
25 de Percin.
26 La Chambre a également recueilli des éléments de preuve portant sur le
27 meurtre de six hommes musulmans à Trnovo en juillet 1995, par des membres
28 de l'Unité des Skorpions. Ces six hommes avaient été capturés à Srebrenica.
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1 La Chambre fait référence ici à la déposition du Témoin JF-024 ainsi que la
2 pièce à conviction P2161, qui est une vidéo où l'on voit six hommes en
3 train de se faire abattre par balle par des membres de l'Unité des
4 Skorpions.
5 La Chambre considère que les éléments de preuve qui lui ont été présentés,
6 et notamment les exemples que je viens de citer, concernent tous les
7 éléments qualifiant le meurtre en tant que violation des lois ou coutumes
8 de la guerre et qualifiant le meurtre en tant que crime contre l'humanité.
9 En particulier, la Chambre fait remarquer que les victimes de crimes qui
10 viennent d'être décrites étaient majoritairement d'appartenance ethnique
11 croate, musulmane de Bosnie, croate de Bosnie, ou non-Serbe. A ce stade,
12 par conséquent, les éléments de preuve suffisent pour confirmer les chefs
13 d'accusation 2 et 3. Comme cela a été dit, la Chambre abordera plus tard la
14 question de savoir si les éléments de preuve suffisent pour confirmer la
15 responsabilité pénale individuelle de Simatovic, eu égard au crime de
16 meurtre.
17 S'agissant des chefs d'accusation 4 et 5, des éléments de preuve ont été
18 présentés et qui démontrent l'existence d'expulsion contrainte et de
19 transfert sous la contrainte de Croates, de Musulmans de Bosnie, de Croates
20 de Bosnie, et d'autres non-Serbes au sein de la Région autonome serbe de
21 Krajina, de la Région autonome serbe de Slavonie, Baranja, et Srem
22 occidentale, ainsi que de la Bosnie-Herzégovine pendant la période couverte
23 par l'acte d'accusation. Par exemple, eu égard à la RAS de Krajina, le
24 Témoin Bosko Brkic a déclaré qu'il vivait avec sa famille à Skabrnja au
25 moment, où le 18 novembre 1991, le village a été attaqué par les forces
26 serbes sous la conduite de la JNA. Huit membres de la famille du témoin ont
27 trouvé la mort suite à cette attaque et à l'occupation du village qui s'en
28 est suivi.
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1 Le témoin a décrit que le jour de l'attaque lui-même et d'autres villageois
2 s'étaient cachés dans tous les endroits où ils pouvaient trouver un peu de
3 sécurité, qu'il avait vu des chars de la JNA à une distance d'environ 100
4 mètres. La nuit suivante, le témoin et une centaine de villageois se sont
5 enfuis vers Prkos dans la municipalité de Zadar. Alors qu'il avait quitté
6 le village, le témoin a entendu que certains villageois avaient été
7 exécutés. Zorka Brkic, la tante du témoin, a décrit au témoin comment son
8 mari, son fils, et sa belle-fille avaient été alignés contre un mur et
9 abattus par balle par des hommes portant l'uniforme de la JNA. Si la
10 majorité des villageois avaient fui Skabrnja, le témoin était au courant du
11 fait que six personnes étaient restées dans le village après le 19 novembre
12 1991. Au nombre de ces personnes se trouvaient les parents âgés du témoin
13 qui étaient restés car le père du témoin était confiné dans une chaise
14 roulante et incapable de partir. Ils ont dit au témoin que tous les jours
15 des Chetniks, selon le mot utilisé par ceux qui lui ont raconté cela,
16 menaçaient de les tuer. Le 11 mars 1992, les parents du témoin ont été
17 trouvés morts par deux villageois, qui plus tard avaient également fui le
18 village. Les parents du témoin avaient été abattus par balle. Le témoin a
19 déclaré que dans les mois qui ont suivi cette attaque, le village a été
20 pillé et incendié, et qu'au 1er décembre 1992, c'était un village
21 totalement détruit.
22 La Chambre a également dressé constat judiciaire de faits déjà jugés dans
23 l'affaire Martic qui avait un rapport, entre autres, avec les bombardements
24 intensifs de Skabrnja le matin du 18 novembre 1991; avec les tirs provenant
25 de chars de la JNA et visant des maisons appartenant à des particuliers,
26 l'école de l'Assomption de la Vierge, et l'école de Skabrnja; et également
27 avec le meurtre avec de civils le 18 novembre 1991, par des membres des
28 unités paramilitaires locales qui ont participé à l'attaque de Skabrnja au
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1 côté d'autres forces de la Région autonome serbe de Krajina.
2 Le Témoin Slobodan Lazarevic a déclaré dans sa déposition qu'en octobre ou
3 novembre 1991, la JNA avait attaqué la ville de Cetingrad. Ce témoin
4 explique que la JNA avait envisagé deux possibilités pour cette attaque, la
5 première consistant à encercler la ville puis utiliser des bombes à
6 saturation pour "nettoyer la ville." La deuxième possibilité étant de
7 bombarder la ville de telle façon à ne laisser qu'un corridor par lequel
8 les villages pourraient partir. Lazarevic a déclaré dans sa déposition que
9 c'était la deuxième option qui avait été choisie. Et que dès le début de
10 l'attaque, les réfugiés de Cetingrad ont commencé à arriver à Velika
11 Kladusa en Bosnie-Herzégovine.
12 Eu égard à la Région autonome serbe de Slavonie, Baranja, et Srem
13 occidental, la Chambre a entendu des témoins qui ont déclaré qu'Arkan et
14 ses hommes étaient arrivés à Erdut à la fin du mois de septembre ou au
15 début du mois d'octobre 1991. L'un de ces témoins a témoigné de
16 l'arrestation des membres de sa famille et de voisins le 9 novembre 1991,
17 par des soldats serbes portant trois types d'uniforme, l'uniforme de la
18 JNA, celui de la police de Krajina, et celui des hommes d'Arkan. Par la
19 suite ce témoin a appris que les personnes arrêtées étaient aux mains
20 d'Arkan. Le témoin n'a pas revu les personnes arrêtées.
21 Au cours des mois suivants, un membre de la famille du témoin a été battus
22 très brutalement à deux reprises par un homme portant un uniforme de
23 camouflage. Par ailleurs, des soldats ont pillé la maison familiale et
24 peint le symbole cyrillique serbe sur les murs intérieurs de la maison.
25 Après la disparition de ce membre de la famille du témoin, ce dernier a eu
26 très peur et a décidé de quitter Erdut. Alors qu'il se préparait à partir,
27 un témoin serbe lui a proposé de l'aider à condition que le témoin signe un
28 document selon lequel il laissait l'intégralité de la propriété familiale à
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1 ce voisin et à son épouse. Le témoin n'a pas eu d'autre possibilité que de
2 signer ce document puisque personne n'était là pour lui porter assistance.
3 Le témoin a quitté Erdut et le secteur contrôlé par les Serbes.
4 Le Témoin Stana Albert a déclaré qu'elle habitait avec sa mère âgée de 91
5 ans dans le village d'Erdut au moment où les forces serbes ont pénétré dans
6 le village le 1er août 1991. Le 9 avril 1992, le témoin, sa mère, et
7 d'autres villageois ont été chassés d'Erdut par les forces serbes. Ce jour-
8 là, un homme portant des vêtements civils et un autre homme, armé et
9 portant un uniforme ont pénétré dans la maison du témoin. L'homme en civil
10 a placé un couteau sur la gorge du témoin et un fusil contre sa tempe alors
11 que l'autre homme fouillait la maison de fond en comble pour finir par
12 découvrir les économies du témoin. Le témoin et sa mère ont été contraints
13 de sortir de la maison pour monter à bord d'un autobus. Le témoin a reconnu
14 le chauffeur de l'autobus comme étant un Serbe répondant au nom de Jovan
15 Teodorovic. Il y avait un soldat armé et une trentaine d'autres villageois
16 à bord de l'autobus. L'autobus s'est rendu à Sarvas dans la municipalité
17 d'Osijek, non loin de la ligne de séparation entre les Serbes et les
18 Croates. Il faisait nuit au moment où les villageois ont reçu l'ordre de
19 descendre de l'autobus pour se diriger à pied vers les soldats croates. A
20 ce moment-là, le bombardement a commencé. Puisqu'une partie de la route
21 était minée, les villageois ont été contraints de progresser à pied dans un
22 fossé longeant la route. Une vieille femme est tombée car elle ne pouvait
23 plus marcher. Le témoin a entendu dire que son cadavre a été retrouvé le
24 lendemain. Les soldats croates sont venus à l'aide des villageois, et le
25 témoin a réussi finalement à se rendre à Osijek où elle a trouvé refuge
26 auprès de membres de sa famille. En avril 1998, ce témoin est rentré à son
27 domicile à Erdut.
28 Le Témoin C-1175 a déclaré dans sa déposition qu'après la chute de Vukovar
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1 en novembre 1991, la JNA avait amené un grand nombre de réfugiés à Dalj à
2 bord d'autobus et de camions. Les femmes, qui avaient été amenées jusqu'à
3 Dalj, ont été amenées au siège de la Croix-Rouge où elles ont reçu des
4 informations. Elles ont été enregistrées, avant d'être transférées jusqu'au
5 cinéma de Dalj où elles devaient passer la nuit. Le lendemain elles ont été
6 envoyées à bord d'autobus jusqu'en Serbie. Certains hommes ont été emmenés
7 pour leur part jusqu'au cinéma de Dalj à partir duquel ils ont été
8 transférés hors de la région. D'autres hommes, toutefois, ont été emmenés
9 jusqu'à la prison de la Défense territoriale.
10 Eu égard à la Bosnie-Herzégovine, un témoin a déclaré dans sa déposition
11 qu'après la chute de Zvornik en 1992, le village de Kozluk avait été
12 totalement cerné par les forces serbes. Des barrages avaient été érigés
13 autour du village par les groupes paramilitaires et par les Serbes de la
14 région. Le 26 juin 1992, un grand nombre de chars et d'autres véhicules
15 militaires sont arrivés à Kozluk. Les villageois musulmans ont reçu l'ordre
16 de se regrouper devant le centre culturel où on leur a indiqué qu'ils
17 devaient quitter Kozluk dans un laps de temps d'une heure. Des soldats
18 serbes se trouvaient devant chaque maison, et le témoin a estimé qu'il y
19 avait environ 3 000 soldats dans le village représentant l'armée, des
20 unités paramilitaires, la Défense territoriale, ainsi que la police locale.
21 Les soldats tiraient en l'air et hurlaient à l'encontre des villageois
22 musulmans et ils ont mis le feu aux maisons et aux étables. Ils ont poussé
23 les villageois vers le centre du village, et certains villageois ont été
24 blessés. Au centre culturel, les villageois ont été contraints de signer
25 des déclarations selon lesquelles ils abandonnaient leurs propriétés. Les
26 villageois ont ensuite pris place à bord d'un certain nombre d'autobus et
27 de camions qui se sont rendus en convois jusqu'à Loznica en Serbie, sous
28 escortes policière et militaire à bord de véhicules. Le témoin a déclaré,
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1 dans sa déposition, que plus de 1 800 personnes avaient été chassées de
2 Kozluk et du village voisin de Skocic. A partir de Loznica, le convoi a
3 poursuivi sa route jusqu'à Ruma en Serbie, où les Musulmans ont pris place
4 à bord d'un train pour être transférés dans un camp de réfugiés à Subotica.
5 Les Juges de la Chambre ont examiné les éléments de preuve présentés et
6 estimé que ces éléments, y compris les exemples qui viennent d'être cités,
7 concernaient tous les éléments des crimes contre l'humanité que sont
8 l'expulsion forcée ainsi que des actes inhumains dont fait partie le
9 transfert sous la contrainte. Encore une fois, la Chambre fait remarquer
10 que les victimes des crimes décrits étaient en majorité des Croates, des
11 Croates de Bosnie, des Musulmans de Bosnie, et d'autres personnes
12 d'appartenance ethnique non serbe. La Chambre a conclu qu'à ce stade les
13 éléments de preuve suffisaient pour confirmer ces crimes ainsi que les
14 chefs 4 et 5. La Chambre va maintenant traiter de la question de savoir si
15 ces éléments de preuve suffisent pour confirmer la responsabilité pénale
16 individuelle de Simatovic eu égard aux crimes d'expulsion et d'actes
17 inhumains, et notamment de transfert sous la contrainte.
18 Les crimes de meurtres, d'expulsions et de transferts sous la contrainte
19 qui viennent d'être évoqués constituent également les actes sous-jacents
20 qui permettent de confirmer le crime de persécution tel qu'allégué au chef
21 d'accusation numéro 1 dans l'acte d'accusation. La Chambre considère que
22 les éléments de preuve sont suffisants pour confirmer tous les éléments
23 qualificatifs du crime de persécution, y compris selon le critère de
24 l'existence d'une intention discriminatoire dans les actes sous-tendant ce
25 crime, de sorte que le chef d'accusation numéro 1 est retenu.
26 A titre de remarque générale, la Chambre souligne qu'elle n'a fourni que
27 quelques exemples des éléments de preuve reçus par elle eu égard aux crimes
28 commis dans les territoires de la Région autonome serbe de Krajina, de la
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1 Région autonome serbe de Slavonie, Baranja et Srem occidental, ainsi qu'en
2 Bosnie-Herzégovine entre 1991 et 1995. L'Accusation a présenté suffisamment
3 d'éléments de preuve pour indiquer que les unités qui ont participé à la
4 commission des crimes retenus incluaient la milicija de Krajina, les Unités
5 de Police commandées par Milan Martic, les Skorpions, les hommes d'Arkan,
6 et les Bérets rouges. La Chambre reviendra sur le lien présumé entre ces
7 unités et l'accusé durant l'audience d'aujourd'hui.
8 Ayant découvert des éléments de preuve suffisants au titre des critères
9 évoqués dans l'article 98 bis du Règlement de procédure et de preuve pour
10 confirmer les crimes retenus dans l'acte d'accusation, et ce, dans chacun
11 des chefs d'accusation, la Chambre va maintenant évoquer la responsabilité
12 de Simatovic eu égard à ces crimes.
13 La Chambre examinera les éléments de preuve sous l'aspect du mode de
14 responsabilité de la participation à l'entreprise criminelle commune. Comme
15 établi dans la jurisprudence du Tribunal, les éléments de ce mode de
16 responsabilité sont les suivants : pluralité de personnes, objectif commun
17 qui équivaut ou implique la commission d'un crime comme établi dans le
18 Statut, et participation de l'accusé à la réalisation de l'objectif. La
19 contribution d'un accusé n'a pas besoin d'être substantielle ou
20 indispensable pour la réalisation de l'objectif commun. Mais elle devrait
21 au moins être significative par rapport aux crimes qui font partie de
22 l'objectif commun.
23 Pour qu'il y ait mens rea il faut que les participants à l'entreprise
24 criminelle commune aient partagé l'intention d'atteindre l'objectif commun
25 par la commission du crime sanctionné par le Statut -- ou des crimes. La
26 jurisprudence y fait référence comme la première catégorie de l'entreprise
27 criminelle commune, et l'Accusation a reproché à l'accusé cette forme de
28 responsabilité eu égard aux chefs 1 à 5 de l'acte d'accusation. A titre
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1 subsidiaire, eu égard aux crimes de persécution et de meurtre et/ou
2 assassinat, l'Accusation a également reproché à l'accusé la troisième
3 catégorie de l'entreprise criminelle commune. La mens rea nécessaire eu
4 égard à cette accusation est que le crime en résultant ou les crimes en
5 résultant sont une conséquence naturelle et prévisible de l'exécution de
6 l'entreprise criminelle commune et que l'accusé en était conscience et y a
7 participé en connaissance de cause.
8 La Chambre considère qu'il y a suffisamment d'éléments de preuve de
9 l'existence d'une entreprise criminelle commune entre l'accusé et les
10 autres personnes dont les noms figurent dans l'acte d'accusation. Eu égard
11 aux deux premiers éléments d'une entreprise criminelle commune, la Chambre
12 a examiné les preuves suivant lesquelles les participants présumés à
13 l'entreprise criminelle commune se sont mis d'accord et/ou ont discuté, ou
14 d'une autre façon manifesté l'existence d'un objectif commun, ou d'une
15 autre façon manifesté son existence, ce qui consiste à commettre les crimes
16 allégués on en implique la commission. La Chambre a également examiné les
17 éléments de preuve relatifs à la commission de ces crimes dans les zones
18 couvertes par l'acte d'accusation pendant les périodes retenues par l'acte
19 d'accusation. La Chambre a ainsi considéré que ces éléments de preuve
20 permettaient, pris de façon individuelle ou conjointement avec d'autres
21 éléments de preuve, de conclure à l'existence de l'entreprise criminelle
22 commune.
23 La Chambre a entendu des éléments de preuve, qui figurent à la pièce P940,
24 suivant lesquels à partir du mois d'octobre 1991, Karadzic, membre allégué
25 de l'entreprise criminelle commune, a dit ouvertement que la séparation de
26 la Bosnie-Herzégovine de la Serbie devait être empêchée par, et je cite :
27 "l'extinction des Musulmans de Bosnie, si nécessaire." L'Accusation a fait
28 état de preuve d'une conversation téléphonique en janvier 1992 entre
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1 Stanisic et Karadzic. Il s'agit de la pièce P690. Lors de cette
2 conversation téléphonique, les propos tenus par Karadzic sont que les
3 Croates et les Serbes pourraient, et je cite : "Résoudre toutes les
4 questions litigieuses en un mois ou deux," en faisant preuve, et je cite à
5 nouveau : "De souplesse et de bonne volonté." Sinon, les Croates… et je
6 cite à nouveau : "S'en sortiraient avec 30 années de torture. Avec les
7 Casques bleus, les désaccords, et ce genre de choses." Stanisic répond à
8 cela, et je cite à nouveau : "Et avec des massacres." Karadzic confirme
9 cela.
10 La Chambre a été saisie d'éléments de preuve de la part d'un témoin à
11 charge au fait de la situation, qui a dessiné une carte pour montrer
12 quelles zones de la Région autonome serbe de la Slavonie, Baranja et Srem
13 occidental seraient placées ou devaient être placées sous contrôle serbe.
14 Les éléments de preuve de ce témoin indiquent qu'à propos de l'année 1991,
15 que l'objectif sous-jacent était, et je cite à nouveau : "D'opérer la
16 jonction" entre les territoires serbes et que cet objectif devait être
17 atteint en chassant la population croate des villages de la Région autonome
18 serbe de la Krajina et de la Région autonome serbe de la Slavonie, Baranja
19 et du Srem occidental. J'en ai pour preuve les éléments de preuve apportés
20 par les Témoins JF-032 et JF-039.
21 Des éléments de preuve ont été entendus par la Chambre à propos d'une
22 réunion tenue les 13 et 14 décembre 1993 à Belgrade, qui fait l'objet de la
23 pièce P2532, réunion à laquelle ont assisté, entre autres, Slobodan
24 Milosevic, Radovan Karadzic, Momcilo Perisic, Momcilo Krajisnik, Ratko
25 Mladic, Radovan Stojicic, également connus sous le nom de Badza, et
26 l'accusé Stanisic. Lors de cette réunion, Karadzic a évoqué l'objectif
27 stratégique, qui était, et je cite : "De séparer des Musulmans et des
28 Croates" dans des zones, et je cite à nouveau : "En Croatie et en Bosnie-
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1 Herzégovine" pour que… et je cite à nouveau : "L'unification avec la Serbie
2 soit possible dans ces zones." Il semble que Stanisic ait présidé cette
3 réunion et y ait fait des observations à propos du déploiement des unités
4 pour que l'objectif mentionné ci-dessus puisse être atteint.
5 Le 5 juillet 1994, Stanisic a envoyé une lettre aux membres du ministère de
6 l'Intérieur, le MUP de la Republika Srpska Krajina, qui fait l'objet de la
7 pièce P2667, dans laquelle il écrit, et je cite à nouveau :
8 "Nous abordons maintenant la phase décisive du combat afin de parvenir aux
9 objectifs communs pour tous les territoires serbes, et ce, de façon plus
10 déterminée et plus préparée que jamais auparavant."
11 Une année plus tard, Martic écrivait un télégramme semblable à Stanisic,
12 qui figure à la pièce P995, à propos des efforts conjoints pour… je cite à
13 nouveau : "La création d'un état serbe unifié."
14 La Chambre a d'ores et déjà tiré des conclusions à propos des différents
15 chefs de l'acte d'accusation au titre du critère d'examen pour l'article 98
16 bis. Tel qu'indiqué précédemment, il a été prouvé que de nombreux crimes
17 ont été commis pendant la période retenue par l'acte d'accusation par les
18 force serbes. Ces crimes visaient le départ permanent, l'expulsion
19 permanente des non-Serbes dans les régions de la Région autonome serbe de
20 Krajina, de la Région autonome serbe de la Slavonie, Baranja et Srem
21 occidental, et de la Bosnie-Herzégovine, et ce sont déroulés dans le
22 contexte d'une attaque généralisée et systématique contre les populations
23 croates, Croates de Bosnie, Musulmans de Bosnie, et autres populations non-
24 Serbes.
25 De surcroît, la Chambre a tenu compte des éléments de preuve apportés par
26 les Témoins experts Radic et Tabeau, eu égard aux vastes déplacements et
27 aux transferts de population à l'intérieur de ces régions à partir de
28 l'année 1991. D'après l'experte Anna-Maria Radic, en 1991 seulement,
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1 environ 220 000 Croates ont été déplacés des territoires croates. Le Témoin
2 Ewa Tabeau a témoigné à propos des transferts de population qui se sont
3 produits en Republika Srpska et dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine. A
4 titre d'exemple, elle a indiqué que la population musulmane dans les
5 municipalités de la Republika Srpska de Bijeljina, Bosanski Samac, Zvornik,
6 Doboj, et Sanski Most a diminué, et s'élevait à 81 693 en 1991 pour
7 atteindre le niveau de 2 038 en 1997, ce qui accuse ou indique une
8 diminution de la population musulmane de 95.3 %. Parallèlement, à la même
9 époque, le nombre de Serbes dans ces municipalités a augmenté de façon
10 considérable.
11 La Chambre considère que tous les éléments de preuve sont suffisants pour
12 conclure à l'existence d'un plan criminel commun ou à l'objectif qui était
13 de chasser de façon permanente les Musulmans et les Croates et les autres
14 non-Serbes de zones en Croatie et en Bosnie-Herzégovine par le truchement
15 de la commission de meurtre, expulsion, transferts forcé et persécution.
16 La Chambre va maintenant s'intéresser à la participation de Simatovic lors
17 de la mise en œuvre de cet objectif criminel.
18 Eu égard à la Région autonome serbe de la Krajina, la Chambre a entendu des
19 éléments de preuve relatifs à la mise en place d'une unité pour les
20 opérations spéciales de la DB serbe en 1991. L'Accusation a présenté des
21 éléments de preuve suivant lesquels en mars 1991, Slobodan Milosevic, et je
22 cite : "A ordonné la mobilisation de forces de police de réserve" et que
23 des préparatifs étaient en cours afin de créer de nouvelles forces de la
24 police à même de défendre, et je cite à nouveau : "Les intérêts du peuple
25 serbe à l'extérieur de la Serbie." Je fais ainsi référence à la pièce P975.
26 La Chambre a pris en considération ces éléments de preuve dans le contexte
27 d'autres éléments de preuve présentés par l'Accusation. Le 4 mai 1991, une
28 unité pour les opérations spéciales de la DB serbe a été mise sur pied,
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1 apparemment pour cet objectif. La Chambre fait référence à la pièce P61 où
2 l'accusé Simatovic commémorait l'anniversaire de l'unité en présence de
3 membres allégués de l'entreprise criminelle commune, Slobodan Milosevic,
4 l'accusé Stanisic, et d'autres, et prononce un discours et décrit
5 l'objectif de l'unité ainsi que son modus operandi. Simatovic a décrit
6 comment l'unité opérait dans le secret le plus absolu, et avait pour
7 mission, et je cite : "De protéger la sécurité nationale lorsque
8 l'existence du peuple serbe était directement menacée dans toute sa zone
9 d'appartenance ethnique." Simatovic a indiqué qu'à partir du 12 octobre,
10 l'unité, pour les opérations spéciales - et je cite à nouveau : "A fourni
11 un appui important lors de la libération de toutes les zones de la
12 République de la Krajina serbe." La Chambre note que cela inclut la zone de
13 Kostajnica. Simatovic a de surcroît rappelé comment sous l'égide de cette
14 unité pour les opérations spéciales, 26 camps d'entraînement ont été mis en
15 place en 1991 pour former et je cite à nouveau : "Des Unités de la Police
16 spéciale de la VRS et de la Région autonome serbe de la Krajina." Le
17 premier de ces camps d'entraînement, qui est énuméré par l'accusé Simatovic
18 dans son discours, a été établi à Golubic.
19 La Chambre a été saisie d'éléments de preuve suivant lesquels de nombreux
20 hommes finiront par être formés à Golubic. en règle générale, entre 100 et
21 300 recrues étaient présentes au camp de Golubic, à tout moment donné, et
22 un total compris entre 3 000 et 5 000 hommes sont passés par ce camp. Je
23 vous renvoie à la pièce P1000. L'Accusation a présenté des éléments de
24 preuve suivant lesquels ce camp d'entraînement était financé par la DB
25 serbe, et que les accusés Stanisic et Simatovic, en leur capacité de
26 représentants officiels de la DB serbe, s'assuraient que les camps
27 d'entraînement recevaient les moyens matériels et financiers nécessaires.
28 Je vous renvois ici à la pièce P978. Des éléments de preuve ont été
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1 également présentés pour indiquer qu'à partir de la mi-1991, des Unités de
2 la Police spéciale placée sous le commandement de Milan Martic est connue
3 sous le nom de police de Martic ou milicija Krajina, ont commencé à suivre
4 un entraînement militaire et à recevoir uniformes et matériel ainsi
5 qu'équipement au camp d'entraînement de Golubic. Cela figure notamment dans
6 la pièce P998.
7 Eu égard au camp de Golubic, un témoin est venu déposer et a indiqué que
8 Milan Martic lui avait dit que Simatovic, que l'on connaissait également
9 sous le nom de Frenki allait s'occuper de tout, à savoir de l'argent, des
10 vêtements, des véhicules, et cetera, et il a précisé que Simatovic se
11 chargeait "de verser les soldes pour toute personne ou les salaires pour
12 toute personne qui avait quoi que ce soit à voir avec Golubic."
13 Le texte que je viens de prononcer est deux citations.
14 D'autres témoins ont également indiqué que Milan Martic rendait directement
15 compte à l'accusé Stanisic.
16 La Chambre a entendu des éléments de preuve indiquant qu'en août 1991, un
17 groupe trié sur le volet connu sous le nom des "28 premiers" qui avait été
18 formé à Golubic, s'est entendu dire par Simatovic qu'ils allaient devenir
19 un peloton antiterroriste, qui serait, et je cite, "les protecteurs de la
20 Serbie, et le ferait en agissant ou en faisant office de formateur dans les
21 camps, et en se lançant dans des opérations antiterroristes. Je vous
22 renvois aux pièces P998 et P1000. Des éléments de preuve ont également été
23 présentés pour indiquer que par la suite, cette unité fut placée sous le
24 commandement direct de Stanisic et Simatovic, et que certains de ces
25 premiers membres étaient Zivojin Ivanovic, Raja Bozovic, Dragoljub
26 Filipovic, Riki Subotic, Orlovic, ainsi que Zoran Rajic. Des éléments de
27 preuve ont également été avancés pour indiquer que ces membres originaux de
28 l'unité allaient par la suite former de nombreuses autres personnes, et ont
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1 assumé des rôles prépondérants dans différentes unités que l'on retrouve
2 dans les éléments de preuve sous différents noms tels que les Knindzas, les
3 Bérets rouges, les JATD et la JSO. Lors de cette phase du procès, les
4 éléments de preuve permettent de conclure que l'unité pour les opérations
5 spéciales, qui au départ était connue sous le nom des hommes de Frenki, et
6 par la suite devenue, connue sous le nom des Bérets rouges ou des JATD.
7 J'aurais dû indiquer en fait que les éléments de preuve permettent de
8 comprendre que dans un premier temps, cette unité a été connue sous le nom
9 des hommes de Frenki, et que par la suite, cette unité a été connue sous le
10 nom des Bérets rouges ou des JATD.
11 A la fin de l'année 1995 ou au début de l'année 1996, cette unité a
12 continué à être opérationnelle sous le nom de la JSO, qui est l'acronyme
13 pour unité pour les opérations spéciales. Les éléments de preuve permettent
14 de conclure que cette unité était placée sous le commandement global de
15 l'accusé Simatovic, qui à son tour était placé sous la supervision directe
16 de l'accusé Stanisic.
17 Plusieurs témoins ont apporté des éléments de preuve pour étayer la
18 conclusion que la DB serbe a joué un rôle important dans les événements qui
19 se sont déroulés dans la Région autonome serbe de la Krajina. Ils ont
20 décrit l'existence de deux structures du commandement spécial qui
21 existaient dans la Région autonome serbe de la Krajina à l'époque et qui
22 étaient toutes les deux dirigées par Milosevic. Dans l'une de ces
23 structures de commandement, Stanisic, en tant que chef de la DB serbe
24 commandait les unités de police de la Krajina, les unités spéciales de la
25 DB et des unités des volontaires. Il y avait une autre ligne de
26 commandement qui passait par la JNA.
27 Eu égard à la Région autonome serbe de la Slavonie, Baranja et du Srem
28 occidental, la Chambre a entendu des éléments de preuve indiquant que
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1 Stanisic et Simatovic étaient déjà présents dans cette zone avant que les
2 crimes reprochés ne se déroulent notamment dans la zone de Vukovar. A cet
3 égard, la Chambre fait référence à la déposition des Témoins JF-32 et JF-
4 33, elle a également entendu comment à la fin de l'année 1991, et au début
5 du mois -- et au début de l'année 1992, les Bérets rouges auxquels il est
6 également fait référence dans ce contexte comme les JATD ont mis sur pied
7 deux camps d'entraînement à Ilok, ainsi qu'au château de Tito, dans la zone
8 de la Région autonome serbe de la Slavonie, Baranja, et du Srem occidental.
9 Je vous renvois à la pièce P61. Des éléments de preuve permettent de
10 conclure que les JATD ou les Bérets rouges à Ilok et au château de Tito
11 étaient placés sous le contrôle global de Franko Simatovic. Il a été prouvé
12 que les membres des JATD du château de Tito sont venus à Grabovac, en mai
13 1992, ont pris un certain nombre de civils de Grabovac qu'ils ont fait
14 monter à bord de leur camionnette et que ces personnes ont ensuite disparu.
15 La Chambre a également entendu des éléments de preuve suivants lesquels des
16 protagonistes importants qui ont joué un rôle dans les crimes commis dans
17 la Région autonome serbe de la Slavonie, Baranja et Srem occidental, tel
18 que Radislav Kostic, Ilija Kojic, Radovan Stojicic rendaient compte à
19 Jovica Stanisic.
20 La Chambre a déjà entendu ou a déjà fait référence à des éléments de preuve
21 relatifs à la participation des hommes d'Arkan, eu égard aux crimes commis
22 à Dalj et Erdut. Elle a entendu comment dès le mois de mai 1991, Arkan
23 rendait directement compte à Jovica Stanisic. Les éléments de preuve
24 montrent comment entre 91 et 95, une relation a été entretenue entre Arkan
25 et la DB serbe. Des éléments de preuve relatifs aux événements de l'année
26 1995 indiquent qu'il existait une coordination directe et étroite entre
27 Simatovic et Arkan eu égard au déploiement des hommes d'Arkan. Eu égard à
28 la Bosnie-Herzégovine, la Chambre a été saisie d'éléments de preuve suivant
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1 lesquels les membres des Bérets rouges qui avaient été formés dans les
2 camps d'entraînement d'Ilok et du mont Ozren ont commis certains des crimes
3 reprochés à Doboj et à Bosanski Samac. Il a été prouvé que ces membres des
4 Bérets rouges répondaient ou rendaient directement compte à Franko
5 Simatovic et que Simatovic leur a personnellement donné des instructions à
6 leur camp d'entraînement en 1992 alors qu'ils portaient un béret rouge. Je
7 vous renvoie à la déposition du Témoin JF-047.
8 Eu égard aux crimes commis par les Skorpions à Trnovo en 1995, l'Accusation
9 a présenté des éléments de preuve suivant lesquels l'Unité des Skorpions
10 avait reçu des munitions et du ravitaillement par le camp d'entraînement
11 d'Ilok et qu'ils avaient reçu leurs salaires par le truchement des membres
12 de l'entreprise criminelle commune. Je fais référence se faisant à la pièce
13 P2146. Dejan Sliskovic a témoigné que le commandant de l'Unité des
14 Skorpions était subordonné aux membres des Bérets rouges, Zoran Rajic et
15 que Rajic, qui a été décrit par un témoin comme le bras droit de Simatovic,
16 rendait compte en dernier ressort à Jovica Stanisic.
17 A cet égard, la Chambre a également été saisie d'éléments de preuve à
18 propos d'une réunion qui eut lieu en 1995 au MUP serbe à Belgrade lors de
19 cette réunion il a été indiqué que les hommes d'Arkan, les Skorpions et une
20 autre unité devrait être envoyée pour prêter main-forte à la VRS à Trnovo
21 en juin 1995. D'après les éléments de preuve il semble que les hommes
22 d'Arkan ont effectivement été envoyés pour aider dans le cadre de cette
23 opération en juin 1995 près du front de Treskavica et Trnovo et que
24 l'accusé Simatovic avait personnellement demandé à Arkan de le faire. La
25 Chambre fait référence aux pièces P1642 et P1626 et aux éléments de preuve
26 apportés par le témoin à cet égard.
27 En dernier lieu, la Chambre a également entendu des éléments de preuve
28 suivant lesquels les trois unités mentionnées ci-dessus se trouvaient sur
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1 le front de Trnovo et y représentait le MUP serbe et que l'opération avait
2 été dirigée par quelqu'un qui rendait compte directement à Stanisic. Voir
3 pour preuve la pièce P1698. Un témoin a indiqué qu'après le massacre de
4 Trnovo, il a vu Franko Simatovic au QG des Skorpions à Djeletovci.
5 En donnant aux éléments de preuve leur plus grand crédit, la Chambre
6 conclut que les éléments de preuve sont suffisants pour déterminer la
7 participation de l'accusé Simatovic à l'entreprise criminelle commune, qui
8 inclut la canalisation et l'organisation du financement, la formation,
9 l'entraînement, l'appui logistique et d'autres formes d'insistance
10 importantes ou de soutien apporté aux unités spéciales de la DB serbe et à
11 d'autres forces serbes qui ont participé à la commission des crimes
12 reprochés. Comme mentionné précédemment, cela incluait la Milicija Krajina,
13 et les unités de police commandées par Milan Martic, les Skorpions, les
14 hommes d'Arkan, ainsi que les Bérets rouges, auquel il est fait référence à
15 plusieurs reprises comme les hommes de Frenki, les JATD, et la JSO. Les
16 éléments de preuve permettent de conclure que Simatovic a opéré une
17 coordination étroite avec l'accusé Stanisic à ce sujet. La Chambre conclut
18 que la participation de Simatovic à l'entreprise criminelle commune
19 constituait une contribution importante aux crimes répertoriés dans les
20 chefs 1 à 5. De surcroît. La Chambre conclut que les éléments de preuve
21 sont suffisants pour déterminer que l'accusé Simatovic avait l'intention
22 que ces crimes soient commis.
23 En conclusion, la Chambre considère qu'il existe contre l'accusé Simatovic
24 des charges suffisantes pour l'ensemble des chefs d'accusation. La requête
25 -- il est donc pas fait droit à la demande d'acquittement.
26 Cela conclut la décision rendue par la Chambre, eu égard à la requête orale
27 présentée par la Défense de Simatovic aux fins d'acquittement conformément
28 à l'article 98 bis.
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1 Je suppose qu'il n'y a pas d'autres questions de procédure qui devront être
2 soulevées urgemment, et de ce fait, l'audience va être levée. Nous
3 reprendrons nos audiences mardi, 14 juin, le numéro du prétoire vous sera
4 communiqué, lorsque les déclarations liminaires de la Défense seront
5 présentées.
6 --- L'audience du Jugement de la Règle 98 bis est levée à 10 heures 20 et
7 reprendra le jeudi 14 juin 2011.
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