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1 Le jeudi 30 mai 2013
2 [Jugement]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 16 heures 04.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience,
7 veuillez citer l'affaire, je vous prie.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Mesdames, Monsieur le Juge.
9 Il s'agit de l'affaire IT-03-69-T, le Procureur contre Jovica Stanisic et
10 Franko Simatovic.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière
12 d'audience.
13 Aux fins de cette audience, la Chambre siège aujourd'hui pour le prononcé
14 du jugement dans l'affaire Procureur contre Jovica Stanisic et Franko
15 Simatovic.
16 Aux fins de cette audience, la Chambre résumera brièvement ses
17 conclusions. Je souligne qu'il ne s'agit ici que d'un résumé des
18 conclusions de la Chambre. Pour lesquelles on se rapportera au jugement
19 écrit qui seul fait foi, des exemplaires du jugement seront distribués à la
20 fin de l'audience.
21 Cette affaire porte sur des crimes dont il est allégué qu'ils ont été
22 commis entre le 1er avril 1991, et le 31 décembre 1995 contre des Croates,
23 des Musulmans de Bosnie, et des Croates de Bosnie, ainsi que d'autres
24 civils non-serbes dans de vastes zones du territoire de la Croatie et de la
25 Bosnie-Herzégovine. Les secteurs concernés en Croatie étaient le District
26 autonome serbe de Krajina, ou SAO de Krajina, et le District autonome serbe
27 de Slavonie, Baranja, et du Srem occidental, ou SAO SBSO. Les crimes
28 reprochés comprennent la persécution, le meurtre, l'assassinat,
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1 l'expulsion, et le transfert forcé.
2 Jovica Stanisic et Franko Simatovic sont traduits en justice au titre
3 de leur participation alléguée à une entreprise criminelle commune. Le but
4 allégué de cette entreprise était de chasser par la force et à jamais la
5 majorité des non-Serbes de vastes de zones de la Croatie et de la Bosnie-
6 Herzégovine. Selon le Procureur, les participants à l'entreprise criminelle
7 commune se sont efforcés de parvenir à ce but par la commission des crimes
8 de persécution, de meurtre, d'assassinat, d'expulsion et de transfert
9 forcé. A titre subsidiaire, l'objectif criminel commun comprenait les
10 crimes d'expulsion et de transfert forcé et les crimes de persécution, de
11 meurtre, et d'assassinat étaient raisonnablement prévisibles pour chacun
12 des deux accusés en tant que conséquence possible de la mise en œuvre de
13 l'entreprise criminelle commune.
14 Outre les deux accusés, le Procureur affirme que les participants à
15 l'entreprise criminelle commune comprenaient également des membres de la
16 direction politique et militaire des Serbes, tel que Slobodan Milosevic,
17 Radovan Stojicic, Milan Martic, Goran Hadzic, Milan Babic, Radovan
18 Karadzic, Momcilo Krajisnik, Biljana Plavsic, et Zeljko Raznatovic,
19 également connu sous le nom d'Arkan.
20 L'Accusation affirme que par leurs actes ou leurs omissions Jovica
21 Stanisic et Franko Simatovic ont contribué à la réalisation de l'objectif
22 de l'entreprise criminelle commune. Selon l'acte d'accusation, les accusés
23 partageaient l'intention de réaliser l'objectif criminel commun.
24 Outre les chefs d'accusation leur imputant la commission de crime
25 dans le cadre d'une entreprise criminelle commune au titre de leur
26 responsabilité pénale individuelle, les accusés se voient également
27 reprocher d'avoir planifié, ordonné, et/ou d'avoir aidé et encouragé à
28 planifier, préparer, et/ou exécuter les crimes allégués.
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1 L'Accusation affirme qu'à partir de 1991, Jovica Stanisic était le
2 chef du service de la Sûreté de l'Etat, de la République de Serbie, ou DB,
3 et que Franko Simatovic opérait sous son autorité directe en qualité de
4 fonctionnaire de la DB pendant toute la période couverte par l'acte
5 d'accusation.
6 D'après l'acte d'accusation, Jovica Stanisic et Franko Simatovic ont
7 participé à l'entreprise criminelle commune du fait des rapports qu'ils
8 entretenaient, entre autres, avec une Unité spéciale de la DB de Serbie
9 connue sous le nom d'Unité à but spécial ou Bérets rouges. Aux fins du
10 présent résumé, je me réfèrerais à cette Unité comme étant "l'unité." La
11 participation de Jovica Stanisic et de Franko Simatovic comprenait en outre
12 les rapports qu'ils entretenaient avec les Skorpions et avec la Garde de
13 Volontaires serbes, également connu sous le nom des hommes d'Arkan. Aux
14 fins du présent résumé, je me réfèrerai à la Garde volontaire serbe comme
15 étant la SDG.
16 Il est allégué que les accusés ont secrètement constitué ces groupes
17 en Unités spéciales de la DB dans le but de mener des opérations militaires
18 en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. D'après le Procureur, les accusés ont
19 dirigé la participation de ces Unités à certaines opérations menées dans
20 des Etats. Les accusés se voient également reprocher d'avoir ravitaillé,
21 financé, et soutenu ces Unités.
22 En outre, selon le Procureur les rapports que les accusés
23 entretenaient avec d'autres forces serbes, et notamment la police de la SAO
24 de Krajina, relevaient également de leur participation à l'entreprise
25 criminelle commune.
26 Le Procureur affirme également que pendant toute la période couverte
27 par l'acte d'accusation les principaux participants à l'entreprise
28 criminelle commune ont bénéficié de canons de communication les uns avec
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1 les autres par l'entremise des accusés.
2 Pendant le procès, 95 témoins des faits et témoins experts ont été
3 entendus par la Chambre et près de 5 000 pièces à conviction ont été versés
4 au dossier. Nombre de témoins ont déposé en bénéficiant de mesures de
5 protection destinées à préserver leur sécurité ou celle de leurs familles.
6 Tel a été le cas de 54 des 133 témoins dont la Chambre a admis la
7 déposition. La Chambre a également fait droit à des requêtes de la Serbie
8 aux fins de mesures de protection ou de ces intérêts de sécurité nationale
9 qui consistaient pour l'essentiel en l'expurgation de certains passages de
10 pièces à conviction.
11 La Chambre passe à présent au résumé de ces conclusions.
12 Conformément à un accord intervenu entre les parties, la Chambre a conclu
13 qu'un conflit armé existait sur les territoires de la Croatie et de la
14 Bosnie-Herzégovine, et que ce conflit a duré pendant toute la période
15 couverte par l'acte d'accusation.
16 Compte tenu des nombreuses années pendant lesquelles les crimes reprochés
17 ont été commis sur l'ensemble des territoires couverts par l'acte
18 d'accusation, et du fait qu'à des rares exceptions près, aucune des
19 victimes de ces crimes n'était Serbe, la Chambre a conclu au-delà de tout
20 doute raisonnable qu'il existait une attaque généralisée dirigée contre la
21 population civile non-serbe dans la SAO de Krajina, la SAO SBSO et de
22 municipalités de Bosnie-Herzégovine visées par l'acte d'accusation.
23 La Chambre a examiné les éléments de preuve relatifs à un grand nombre de
24 faits précis d'expulsion et de transfert forcé. Par exemple, deux témoins
25 ont déposé au sujet d'événements survenus le 9 avril 1992, au cours
26 desquels des membres de la SDG et d'autres hommes en arme ont rassemblé un
27 groupe d'au moins 90 Croates et Hongrois d'Erdut principalement constitué
28 de personnes âgées qu'ils ont fait monter à bord d'autocars à destination
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1 de Sarvas. A Sarvas, ces personnes ont reçu l'ordre de marcher en direction
2 de la ville d'Osijek, sous contrôle croate, ce qu'elles ont fait. La
3 Chambre a conclu au-delà de tout doute raisonnable que les auteurs de ces
4 actes ont commis le crime d'expulsion en tant que crime contre l'humanité.
5 La Chambre dispose aussi d'éléments de preuve relatifs au départ de 80 000
6 à 100 000 Croates et autres civils non-serbes de la SAO de Krajina, en 1991
7 et 1992. La Chambre a conclu que la fuite de ces personnes était due à la
8 situation prévalant dans la région qui résultait elle-même de la
9 combinaison des facteurs suivants : Les attaques contre les villages et
10 villes ayant une population croate; les meurtres; l'utilisation de bouclier
11 humain; la détention; les sévices; le travail forcé; les violences
12 sexuelles et d'autres formes de harcèlement des Croates; ainsi que le
13 pillage et la destruction de biens.
14 La Chambre fait observer que les menaces de violence, la contrainte, la
15 détention, les pressions psychologiques, et d'autres circonstances
16 comparables peuvent créer un climat tel que les personnes n'ont d'autre
17 choix que de partir. Compte tenu de cela, la Chambre a conclu que ceux qui
18 ont quitté la SAO de Krajina à cause des circonstances qui prévalaient ont
19 été déplacés par la force. Se fondant sur ce qui précède, la Chambre a
20 conclu que des membres de la police de la SAO de Krajina, de la Défense
21 territoriale de la SAO de Krajina et de l'armée populaire yougoslave ou JNA
22 entre autres forces ont commis le crime d'expulsion en tant que crime
23 contre l'humanité lorsqu'ils se sont livrés aux actes de violence et de
24 harcèlement susmentionnés.
25 La Chambre a également conclu que la SDG, l'Unité, la police de SAO de
26 Krajina et d'autres forces ont commis le crime d'expulsion et de transfert
27 forcé en nombre d'endroits de Croatie et de Bosnie-Herzégovine pendant
28 toute la période couverte par l'acte d'accusation.
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1 La Chambre a en outre examiné des faits jugés et des éléments de preuve
2 relatifs à de nombreux cas de meurtre. Par exemple, la Chambre a conclu que
3 le 20 octobre 1991 ou vers cette date, des membres de la police de la SAO
4 de Krajina ont rassemblé des civils locaux principalement croates, et les
5 ont amenés à la caserne de pompier de Hrvatska Dubica. Le lendemain, à
6 Krecane, près de Bacin, les membres de la police de la SAO de Krajina ont
7 tué en leur tirant dessus 39 détenus croates, parmi lesquels se trouvaient
8 de nombreuses personnes âgées. La Chambre a conclu que les membres de la
9 police de la SAO de Krajina ont commis le crime d'assassinat en tant que
10 crime contre l'humanité et le crime de meurtre en tant que violation des
11 lois et coutumes de la guerre. La Chambre a en outre conclu que la SDG,
12 l'Unité, les Skorpions, la police de la SAO Krajina, et d'autres forces ont
13 commis de nombreux meurtres à l'encontre des Croates, des Musulmans, et
14 d'autres non-Serbes en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.
15 Après avoir examiné les éléments de preuve relatifs au meurtre, aux
16 expulsions et au transfert forcé, et partant de ces conclusions en la
17 matière, la Chambre a conclu que ces actes avaient été commis avec une
18 intention discriminatoire. Par conséquent, la Chambre a conclu qu'ils
19 constituaient des persécutions en tant que crime contre l'humanité.
20 L'acte d'accusation reproche aux accusés les crimes de meurtre, assassinat,
21 expulsion, transfert forcé, et persécution au titre de la responsabilité
22 pénale individuelle. En se fondant sur la participation alléguée des
23 accusés à une entreprise criminelle commune dont l'objectif était de
24 chasser par la force et à jamais la majorité des non-Serbes de vastes zones
25 de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine. La Chambre passe à présent à la
26 question de savoir si les crimes en question peuvent être imputées aux
27 accusés.
28 La Chambre a conclu qu'à partir du 31 décembre 1991, et pendant toute la
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1 période couverte par l'acte d'accusation, Jovica Stanisic étai le chef de
2 la DB de Serbe, et Franko Simatovic était employé par la Deuxième
3 Administration de la DB.
4 La Chambre dispose d'un grand nombre d'éléments de preuve relatifs au rôle
5 des accusés à l'égard de l'Unité, d'autres Unités spéciales alléguées de la
6 DB de Serbie, et d'autres forces serbes émanant souvent d'anciens membres
7 des formations concernées ou de la documentation officielle de la DB.
8 Concernant en premier lieu, l'Unité, également connu sous le nom de Béret
9 rouge, puis celui de la JATD, la Chambre a conclu qu'entre mai et août
10 1991, Jovica Stanisic et Franko Simatovic ont créé une Unité de la DB de
11 Serbie, constituée de 25 à 30 membres. A partir de fin avril ou début mai
12 1991 et jusqu'en juillet 1991, Franko Simatovic a coopéré à la mise en
13 place et au fonctionnement d'un camp d'entraînement à Golubic, où
14 l'entraînement a débuté en mai 1991. Suite à des réunions tenues à Belgrade
15 entre Milan Martic et Jovica Stanisic, et entre Franko Simatovic et le
16 capitaine Dragan, ce même capitaine Dragan et Dragan Filipovic ont assuré
17 l'entraînement au camp de Golubic en qualité d'instructeurs aux côtés de
18 Zivojin Ivanovic entre autres. Après avoir terminé leur formation,
19 plusieurs recrues du camp de Golubic sont elles-mêmes devenues des
20 instructeurs.
21 La Chambre a conclu que l'entraînement au camp de Golubic était de
22 caractère militaire et comprenait le maniement des armes et la formation à
23 l'embuscade, tout comme la formation au traitement des prisonniers de
24 guerre et au traitement des civils dans les conflits armés. Entre avril et
25 août 1991, ce sont au total 350 à 700 membres de la police de la SAO de
26 Krajina et de la Défense territoriale de la SAO de Krajina qui ont été
27 entraînés à Golubic. Les hommes ainsi entraînés ont créé des Unités
28 supplémentaires et entraîné d'autres personnes en SAO de Krajina. Ils ont
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1 également participé, aux côtés de Franko Simatovic, du capitaine Dragan et
2 de Zivojin Ivanovic, aux opérations menées en SAO de Krajina entre juin et
3 août 1991.
4 La Chambre a conclu que le camp de Golubic était le premier d'une série de
5 camps similaires dans lesquels l'Unité entraînait les nouvelles recrues et
6 d'autres forces serbes. L'Unité a également déployé ses membres dans le
7 cadre de différentes opérations de caractère militaire avec le soutien et
8 sous le contrôle des accusés. A partir de la fin de 1991, ces camps
9 comprenaient également le camp de Lezimir à Fruska Gora d'où l'Unité s'est
10 déployée dans les opérations en SBSO au mois de septembre 1991. En 1992,
11 ces camps comprenaient aussi celui de Pajzos à Ilok, d'où les membres de
12 l'Unité ont été déployés pour participer à la prise de Bosanski Samac en
13 mai 1992, ainsi que ceux du mont Ozren et de Vila, d'où les membres de
14 l'Unité étaient déployés pour participer aux opérations menées à Doboj
15 d'avril à juillet 1992. La Chambre a conclu que les membres de l'Unité ont
16 commis les crimes de meurtre, d'assassinat, d'expulsion et de transfert
17 forcé dans la municipalité de Bosanski Samac et les crimes d'expulsion et
18 de transfert forcé dans la municipalité de Doboj en 1992.
19 En 1993, les activités d'entraînement de l'Unité se sont poursuivies dans
20 le camp de Tara ainsi que dans les camps de Skelani et de Bratunac à partir
21 desquels l'Unité a pris part à des opérations de nettoyage menées dans le
22 secteur de Skelani en mars et avril 1993 et dans le secteur de Bratunac au
23 début de 1993. L'entraînement de l'Unité s'est poursuivi en 1995 dans les
24 camps de Bilje, de Sova et de Pajzos.
25 En 1997, les accusés ont assisté à une cérémonie commémorant la création de
26 l'Unité au cours de laquelle Franko Simatovic a loué celle-ci pour ce
27 qu'elle avait accompli afin de, selon ses propres termes, protéger la
28 sécurité nationale lorsque l'existence du peuple serbe en tant que groupe
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1 ethnique est directement menacée sur l'ensemble du territoire qu'il occupe.
2 A cette occasion, Jovica Stanisic a décerné des médailles à plusieurs
3 membres de l'Unité.
4 La Chambre a donc conclu que les accusés ont dirigé et organisé la mise en
5 place de l'Unité, organisé sa participation à une série d'opérations en
6 Croatie et en Bosnie-Herzégovine et ont dirigé et organisé son financement,
7 son soutien logistique et d'autres formes appréciables d'assistance ou de
8 soutien pendant toute la période couverte par l'acte d'accusation. A partir
9 de septembre 1991 au plus tard, les accusés avaient la main haute sur
10 l'Unité et contrôlaient ses activités de déploiement et d'entraînement par
11 l'intermédiaire de membres dirigeants de celle-ci. A partir d'août 1993,
12 l'Unité a formellement intégré les structures de la DB de Serbie en étant
13 officialisée sous le nom de JATD.
14 En ce qui concerne les autres Unités spéciales alléguées de la DB, la
15 Chambre a estimé que les liens entre ces formations et les accusés étaient
16 moins tangibles. Par exemple, la Chambre n'a pas été en mesure de conclure
17 que les accusés ont dirigé ou organisé la mise en place de la SDG ou des
18 Skorpions, ni qu'ils les ont dirigés dans quelque opération que ce soit. De
19 plus, la Chambre n'est parvenue qu'à un nombre limité de conclusions quant
20 à un soutien fourni par les accusés à ces deux formations.
21 La Chambre a conclu que les accusés, entre autres, ont dirigé et organisé
22 la mise en place de la police de la SAO de Krajina en coopération avec
23 Milan Martic. Ils ont, en outre, contribué au financement de la police de
24 la SAO de Krajina en 1990 et 1991 et ont organisé un soutien logistique
25 sous la forme d'armes et d'équipement de communication entre décembre 1990
26 et mai ou juin 1991. La Chambre a également conclu que la police de SAO de
27 Krajina a commis des meurtres en1991 et des expulsions en 1991 et 1992 en
28 SAO de Krajina.
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1 Il est allégué que pendant toute la période couverte par l'acte
2 d'accusation et par l'entremise des accusés, les principaux membres de
3 l'entreprise criminelle commune ont bénéficié de "canaux de communication"
4 les uns avec les autres à Belgrade, dans certaines régions et localement.
5 La Chambre a examiné ces allégations. En se fondant sur les éléments de
6 preuve dont elle dispose, la Chambre a conclu que les accusés avaient des
7 contacts directs et fréquents avec un grand nombre de membres allégués de
8 l'entreprise criminelle commune. Elle a, en outre, conclu qu'à l'occasion,
9 Jovica Stanisic jouait le rôle d'intermédiaire au moins lors des contacts
10 entre Slobodan Milosevic et Milan Martic, ainsi qu'entre Slobodan Milosevic
11 et Radovan Karadzic. Toutefois, les éléments de preuve ont également
12 indiqué que Slobodan Milosevic, Milan Martic, Radovan Karadzic et Milan
13 Babic avaient régulièrement des contacts directs. La majorité, le Juge
14 Picard étant en désaccord, n'a pas considéré que Jovica Stanisic ait fait
15 office d'intermédiaire. De surcroît, la Chambre n'a pas été en mesure de
16 conclure que Franko Simatovic avait fait office d'intermédiaire entre les
17 principaux membres de l'entreprise criminelle commune.
18 En dernier, lieu, la Chambre a examiné la question de savoir si les accusés
19 partageaient l'intention de l'entreprise criminelle commune alléguée de
20 chasser de force et à jamais la majorité de la population non serbe de
21 larges zones du territoire de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine par la
22 commission de meurtres et/ou assassinats, d'expulsions, de transferts
23 forcés et de persécutions. Dans un premier temps, la Chambre a examiné des
24 éléments de preuve directs qui indiquaient que les deux accusés
25 partageaient une telle intention. Il s'agissait entre autres d'éléments de
26 preuve relatifs aux actions entreprises et mots prononcés et à cet égard,
27 la Chambre a accordé une attention toute particulière aux éléments de
28 preuve signalés par l'Accusation dans son mémoire de clôture. La Chambre
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1 s'est ensuite interrogée pour savoir si une déduction, quelle qu'elle fut,
2 pouvait être tirée des actions des accusés eu égard à leur intention.
3 En ce qui concerne Jovica Stanisic, l'Accusation a donné quelques exemples
4 de mots prononcés et d'actions entreprises par lui qui, de l'avis de
5 l'Accusation, indiqueraient qu'il partageait l'intention. Par exemple,
6 selon la déposition d'un témoin en septembre 1991, Jovica Stanisic est
7 arrivé dans le bâtiment du gouvernement de la SAO SBSO à Dalj en vociférant
8 et en admonestant les gens parce que Vukovar ne s'était toujours pas
9 rendue. Jovica Stanisic a ensuite convoqué une réunion à laquelle ont
10 assisté, notamment Goran Hadzic, des représentants de la JNA, et des
11 commandants de la Défense territoriale. A la suite de cette réunion, Jovica
12 Stanisic est retourné à Belgrade. La Chambre a noté qu'elle n'avait pas
13 reçu d'élément de preuve au sujet des termes de discussion lors de la
14 réunion convoquée par Jovica Stanisic. La majorité, le Juge Picard étant en
15 désaccord, a considéré que l'action entreprise par Jovica Stanisic eu égard
16 à Vukovar pouvait raisonnablement être interprété comme correspondant à un
17 appui visant le succès de la prise militaire de Vukovar.
18 Après avoir examiné ceci et d'autres éléments de preuve directs concernant
19 l'intention de Jovica Stanisic, la majorité, le Juge Picard, étant en
20 désaccord, n'a pas été d'avis qu'il permet d'établir l'intention de Jovic
21 Stanisic de contribuer à la réalisation de l'objectif criminel commun par
22 la commission de crimes.
23 A défaut d'élément de preuve direct, la Chambre a examiné si l'intention
24 pouvait être déduite des actions de Jovica Stanisic durant la période
25 retenue par l'acte d'accusation. A cet égard, la Chambre a particulièrement
26 pris en considération les actions de l'accusé par rapport à l'Unité, à la
27 police de SAO de Krajina, la SDG, ainsi que les Skorpions.
28 En ce qui concerne l'Unité, la Chambre a d'abord appelé ces conclusions
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1 suivant lesquelles cette formation avait commis des crimes de meurtre,
2 et/ou assassinat, expulsion, et transfert forcé dans un premier temps à
3 Bosanski Samac puis les crimes d'expulsion et de transfert forcé à Doboj en
4 1992. En outre, la Chambre a conclu que les accusés avaient organisé la
5 participation de l'Unité aux opérations dans ces municipalités. Toutefois,
6 les éléments de preuve n'ont pas établi que les accusés avaient
7 personnellement dirigé l'Unité pendant ces opérations ou qu'ils avaient
8 donné des ordres ou des instructions pour que soient commis les crimes
9 mentionnés ci-dessus. Néanmoins, compte tenu de leur rôle vis-à-vis de
10 l'Unité et de la portée des crimes, la Chambre a conclu que les accusés
11 avaient dû savoir que des membres de l'Unité avaient commis des crimes à
12 Bosanski Samac et qu'ils auraient pu raisonnablement prévoir que des
13 membres de l'Unité commettraient des crimes à Doboj. De plus, la Chambre a
14 procédé à l'examen de la participation de l'Unité organisée par les accusés
15 à d'autres opérations. Il s'agissait notamment d'activités de
16 reconnaissance et d'opérations effectuées en réponse à des attaques
17 militaires des forces adverses. A l'exception des opérations de Doboj et de
18 Bosanski Samac, la Chambre n'a pas conclu que des membres de l'Unité
19 avaient commis des crimes au cours des opérations auxquelles ils ont
20 participé.
21 En conclusion, la majorité, le Juge Picard étant en désaccord, n'a pas
22 considéré que la seule déduction que l'on puisse raisonnablement faire au
23 vu des actions de Jovica Stanisic eu égard à l'Unité fût qu'il partageait
24 l'intention de contribuer à la réalisation de l'entreprise criminelle
25 commune. De même, en ce qui concerne les actions entreprises par Jovica
26 Stanisic pour l'entraînement des forces serbes, la majorité, le Juge
27 Picard, étant en désaccord, n'a pas considéré que la seule déduction que
28 l'on puisse raisonnablement faire au vu des éléments de preuve était qu'il
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1 partageait l'intention de contribuer à la réalisation de l'entreprise
2 criminelle commune.
3 En ce qui concerne la police de SAO de Krajina, la Chambre a conclu que les
4 membres de cette formation avait commis des meurtres dans la SAO de Krajina
5 en 1991 ainsi que des actes d'expulsion de quelque 80 000 à 100 000 Croates
6 dans la même zone en 1991 et 1992. De surcroît, la Chambre a conclu que les
7 accusés avaient été étroitement associés à la formation de la police de la
8 SAO de Krajina, et au soutien logistique et financier accordé. Les accusés
9 ont également étroitement coopéré avec Milan Martic qui exerçait une
10 autorité sur cette formation et dont l'intention d'expulser les non-Serbes
11 devait être connue des accusés.
12 La Chambre a conclu qu'à partir du mois d'avril 1991, Jovica Stanisic a
13 continué à apporter son soutien à la police de la SAO de Krajina et a
14 coopéré avec Milan Martin, et qui prenait ainsi le risque que la police de
15 la SAO de Krajina commettrait des crimes lors de l'établissement du
16 maintien et du contrôle serbe sur de larges zones de la Croatie. Cependant,
17 la Chambre a conclu que le fait de commettre et d'accepter un tel risque ne
18 suffit pas pour établir la première forme de responsabilité de l'entreprise
19 criminelle commune. La majorité, le Juge Picard, étant en désaccord, n'a
20 pas considéré que la seule déduction que l'on puisse raisonnablement faire
21 au vu des actions de Jovica Stanisic eu égard à la police de la SAO de
22 Krajina était qu'il partageait l'intention de l'entreprise criminelle
23 commune alléguée.
24 La majorité, le Juge Picard, étant en désaccord, est parvenu à la même
25 conclusion en ce qui concerne les actions de Jovica Stanisic eu égard à la
26 SDG et aux Skorpions.
27 En aboutissant aux conclusions susmentionnées, la majorité, le Juge Picard,
28 étant en désaccord, a envisagé qu'il était raisonnable et possible qu'en ce
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1 qui concerne l'Unité, notamment l'entraînement des autres forces serbes, la
2 police de la SAO de Krajina, la SDG, et les Skorpions, l'intention de
3 Jovica Stanisic se limitait à l'établissement et au maintien du contrôle
4 serbe sur de larges zones de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine.
5 Compte tenu de ce qui précède, la majorité, le Juge Picard, étant en
6 désaccord, ne pouvait pas conclure que la seule déduction que l'on puisse
7 raisonnablement faire au vu des éléments de preuve relatifs aux actions
8 entreprises par Jovica Stanisic était qu'il partageait l'intention de
9 contribuer à la réalisation de l'objectif criminel commun consistant à
10 chasser par la force et à jamais la majorité des non-Serbes de vastes zones
11 de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine par la commission de meurtre,
12 et/ou assassinat, d'expulsion, de transfert forcé, et de persécution à
13 partir au moins du mois d'avril 1991 jusqu'en 1995.
14 En ce qui concerne Franko Simatovic, la Chambre a d'abord procédé à
15 l'examen des éléments de preuve relatifs aux actions précises qu'il a
16 entreprises ou les mots qu'il a prononcés. A cet égard, la Chambre a conclu
17 que Franko Simatovic a participé à la discussion portant sur les objectifs
18 de l'attaque de Lovinac et l'un des objectifs consistait à faire partir un
19 nombre si important que possible de personnes de cette région afin de
20 constituer un territoire purement serbe. Selon la Chambre, les éléments de
21 preuve ont indiqué que Franko Simatovic était au moins informé de
22 l'intention de Milan Martic, et l'a peut-être partagée, afin de chasser de
23 forces les civils croates du village de Lovinac en juin 1991, même si les
24 éléments de preuve n'ont pas déterminé si les personnes sont en fait
25 parties de Lovinac pendant l'attaque ou immédiatement après.
26 Eu égard aux opérations de Vukovar, la Chambre a conclu que Franko
27 Simatovic était présent à une réunion, avant la chute de Vukovar, il y a eu
28 une commémoration après la chute de Vukovar. Étant donné que la Chambre ne
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1 sait rien au sujet des termes abordés pendant cette réunion, et compte tenu
2 du fait que les membres de l'Unité ont pas participé à l'attaque, la
3 majorité, le Juge Picard, étant en désaccord, a envisagé qu'il était
4 raisonnable d'interpréter que l'intention de Franko Simatovic se limitait à
5 apporter un soutien pour le succès de la prise militaire de Vukovar.
6 La Chambre a aussi analysé les éléments de preuve relatifs aux actions
7 entreprises par Franko Simatovic dans le cadre d'autres opérations
8 militaires. Ces éléments de preuve indiquent que ces opérations avaient été
9 des actions militaires dirigées contre les forces adverses, et non que des
10 crimes avaient été commis pendant lesdites opérations.
11 Compte tenu de ce qui précède, la majorité, le Juge Picard étant en
12 désaccord, n'a pas été en mesure de conclure sur la base des éléments de
13 preuve relatifs aux actions de Franko Simatovic qui partageait l'intention
14 de contribuer à la réalisation de l'objectif criminel commun visant à
15 chasser de force et à jamais la majorité des non-Serbes de vastes zones de
16 la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine par la commission de meurtre et/ou
17 assassinat, d'expulsion, de transfert forcé et de persécution à partir du
18 mois d'avril 1991 et jusqu'à en 1995.
19 La Chambre a ensuite les autres formes de responsabilité pénale retenue par
20 l'Accusation.
21 La Chambre a conclu que l'Accusation n'avait pas prouvé au-delà de tout
22 doute raisonnable que les accusés avaient planifié ou ordonné les crimes
23 reprochés dans l'acte d'accusation.
24 En ce qui concerne les allégations de responsabilité pour avoir aidé et
25 encouragé les crimes retenus dans l'acte d'accusation, la Chambre s'est
26 essentiellement demandé si les actes des accusés envers certaines
27 formations notamment l'Unité avaient constitué une aide et un encouragement
28 pour tout crime quel qu'il fut.
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1 A cet égard, et comme il est exposé ci-dessus, la Chambre a conclu que les
2 accusés avaient dirigé et organisé la formation de l'Unité entre le mois de
3 mai et août 1991, et qu'à partir au moins du mois de septembre 1991, les
4 accusés commandaient l'Unité, et en avaient contrôlé le déploiement et les
5 activités d'entraînement parce qu'ils dirigeaient les membres de l'Unité
6 qui agissaient au nom des accusés et leur étaient immédiatement
7 subordonnés.
8 De plus, la Chambre a rappelé ces conclusions suivant lesquelles les
9 accusés avaient organisé la participation de l'Unité lors des opérations de
10 Bosanski Samac et Doboj, en 1992, l'entraînement de ses membres dans les
11 camps de Doboj et Pajzos ainsi que leur financement. La Chambre a conclu
12 que par ces contributions, les accusés l'aidaient à la perpétration des
13 crimes à Bosanski Samac et Doboj.
14 La majorité, le Juge Picard étant en désaccord, a considéré que la
15 contribution des accusés aux opérations de Bosanski Samac et Doboj ne
16 visait pas précisément la commission des crimes de meurtre, et/ou
17 assassinat, expulsion, transfert forcé ou persécution. Cela permet plutôt
18 d'aboutir à la conclusion raisonnable que c'était de viser précisément
19 l'établissement et le maintien du contrôle serbe sur ces zones. En
20 conséquence, la majorité, le Juge Picard étant en désaccord, n'a pas été en
21 mesure de conclure que l'aide apportée à l'Unité par les accusés a aidé et
22 encouragé la commission des crimes à Doboj et Bosanski Samac.
23 La Chambre a constaté l'existence de certains liens entre les accusés et
24 d'autres groupes comme la police de la SAO de Krajina, même si ces liens
25 étaient moins étroits qu'avec l'Unité. Les contributions des accusés envers
26 ces autres groupes étaient de nature similaire et relevaient du
27 financement, de l'approvisionnement, de l'organisation, de la
28 participation, de l'appui et de l'entraînement.
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1 Toutefois, la Chambre a rappelé à propos de ces événements où les membres
2 de ces autres groupes ont commis des crimes que les accusés n'ont pas joué
3 de rôle plus précis que l'apport de leur aide.
4 Rappelant sa conclusion suivant laquelle le type d'aide fournie à l'Unité
5 ne suffisait pas pour considérer que les accusés étaient tenus pénalement
6 responsables pour avoir aidé et encouragé, la majorité, le Juge Picard
7 étant en désaccord n'a pas été en mesure de conclure que les accusés
8 avaient aidé et encouragé les crimes commis par la SDG, la police de la SAO
9 de Krajina, les Skorpions et d'autres groupes.
10 Monsieur Stanisic, veuillez vous lever.
11 Pour les raisons résumées ci-dessus, sur la base de l'ensemble des éléments
12 du dossier, des arguments des parties, du Statut et du Règlement de preuve
13 et de procédure, et sur la base de ses propres constatations et
14 conclusions, la Chambre de première instance à la majorité, le Juge Picard
15 étant en désaccord, vous déclare non coupable et en conséquence vous
16 acquitte de tous les chefs d'accusation qui vous sont reprochés dans l'acte
17 d'accusation. La Chambre ordonne votre libération immédiate du quartier
18 pénitentiaire des Nations Unies, des qu'auront été prises les dispositions
19 nécessaires.
20 Veuillez vous asseoir.
21 Monsieur Simatovic, veuillez vous lever.
22 Pour des raisons résumées ci-dessus, sur la base de l'ensemble des éléments
23 du dossier, les arguments des parties, du Statut et du Règlement de preuve
24 et procédure, et sur la base de ses propres constatations et conclusions,
25 la Chambre de première instance à la majorité, le Juge Picard étant en
26 désaccord vous déclare non coupable, et en conséquence vous acquitte de
27 tous les chefs d'accusation qui vous sont reprochés dans l'acte
28 d'accusation. La Chambre ordonne votre libération immédiate du quartier
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1 pénitentiaire des Nations Unies dès qu'auront été prises les dispositions
2 nécessaires.
3 Veuillez vous asseoir.
4 Une opinion dissidente du Juge Picard et mon opinion individuelle sont
5 jointes au jugement.
6 Ce prononcé de jugement maintenant terminé, des exemplaires du jugement
7 seront mis à la disposition du public.
8 L'audience est levée.
9 --- L'audience est levée à 16 heures 50.
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