Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi, 6 juillet 2015

  2   [Audience publique]

  3   [Audience d'appel]

  4   [Les intimés sont absents]

  5   --- L'audience est ouverte à 10 heures 03.

  6   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  7   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Affaire

  9   numéro IT-03-69-A, le Procureur contre Jovica Stanisic et Franko Simatovic.

 10   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

 11   Puis-je avoir la présentation des parties, s'il vous plaît, à commencer par

 12   l'Accusation.

 13   Mme JARVIS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président et Messieurs

 14   les Juges. Michelle Jarvis, comparaissant aujourd'hui pour l'Accusation,

 15   ainsi que M. Mathias Marcussen, Mme Goy et Mme Harbour, et Colin Nawrot,

 16   notre commis à l'affaire. Merci.

 17   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Avant de demander la présentation de la Défense, je note aux fins du compte

 19   rendu d'audience que, conformément aux conditions de l'ordonnance portant

 20   calendrier pour l'audience en appel rendue par la Chambre d'appel le 12

 21   juin 2015, M. Simatovic a déposé une notification le 19 juin 2015,

 22   précisant qu'il ne va pas exercer son droit d'assister à l'audience

 23   aujourd'hui.

 24   M. Stanisic a également informé de façon informelle les Juges de cette

 25   Chambre par l'intermédiaire d'un courriel le 1er juillet 2015 qu'il

 26   n'assistera pas à cette audience.

 27   Puis-je avoir la présentation de la Défense représentant les intérêts de M.

 28   Stanisic.


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  1   M. JORDASH : [interprétation] Je m'appelle Wayne Jordash, accompagné de M.

  2   Scott Martin, Mme Bracq, M. Parker et M. Crowe.

  3   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

  4   Le conseil de M. Simatovic maintenant, je vous prie.

  5   M. PETROVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle

  6   Vladimir Petrovic, avocat, et je représente les intérêts de Franko

  7   Simatovic aujourd'hui.

  8   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

  9   Cette affaire porte sur les événements qui se sont déroulés entre le mois

 10   d'avril 1991 et le 31 décembre 1991 [comme interprété] dans la Région

 11   autonome serbe de Krajina, la SOA de Krajina, la Région autonome serbe de

 12   Slavonie, de la Baranja, et du Srem occidental en Croatie, ainsi que dans

 13   les municipalités de Bijeljina, Bosanski Samac, Doboj, Sanski Most, Trnovo,

 14   et Zvornik en Bosnie-Herzégovine.

 15   M. Stanisic et M. Simatovic ont été accusés de meurtres en tant que

 16   violation de lois ou coutumes de la guerre, et de meurtres, expulsions et

 17   autres actes inhumains (transfert forcé), ainsi que de persécutions en tant

 18   que crimes contre l'humanité dans le contexte de ces événements.

 19   L'Accusation a accusé les accusés d'avoir commis ces crimes en vertu de

 20   l'article 7(1) du Statut du Tribunal par le biais de leur participation à

 21   une entreprise criminelle commune, l'objectif commun allégué de cet

 22   objectif était le déplacement forcé et permanent d'une majorité de non-

 23   Serbes de régions importantes de Croatie et de Bosnie-Herzégovine.

 24   En outre, M. Stanisic et M. Simatovic ont été accusés en vertu de l'article

 25   7(1) du Statut du Tribunal d'avoir planifié, ordonné, et/ou d'avoir aidé et

 26   encouragé la planification, la préparation et/ou l'exécution des crimes

 27   allégués dans l'acte d'accusation.

 28   Le 30 mai 2013, la première Chambre d'appel [comme interprété] du Tribunal


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  1   a rendu son jugement. La Chambre de première instance a constaté que de

  2   nombreux crimes allégués dans l'acte d'accusation avaient été commis par

  3   différentes forces serbes dans les localités mentionnées en Croatie et

  4   Bosnie-Herzégovine. Cependant, la Chambre de première instance, Mme le Juge

  5   Picard étant en désaccord, ont constaté que ni Stanisic ni Simatovic

  6   n'était responsable pour la commission de ces crimes en vertu de la

  7   responsabilité dans le cadre de l'entreprise criminelle commune, puisqu'il

  8   n'a pas été établi au-delà de tout doute raisonnable qu'ils possédaient

  9   l'élément moral nécessaire pour être jugés responsables dans le cadre de

 10   l'entreprise criminelle commune.

 11   La Chambre de première instance a constaté qu'il n'a pas été prouvé au-delà

 12   de tout doute raisonnable que M. Stanisic et M. Simatovic ont planifié ou

 13   ordonné ces crimes. En outre, la Chambre de première instance, Mme le Juge

 14   Picard étant en désaccord, ont constaté que ni M. Stanisic ni M. Simatovic

 15   n'était responsable de complicité par aide et encouragement de ces crimes

 16   en tant qu'élément constitutif de l'actus reus de l'aide et

 17   l'encouragement, qui n'ont pas été établis au-delà de tout doute

 18   raisonnable.

 19   En conséquence, la Chambre de première instance, Mme la Juge Picard

 20   étant en désaccord, ont constaté que M. Stanisic et M. Simatovic n'étaient

 21   déclarés coupables d'aucun chef dans l'acte d'accusation.

 22   L'Accusation conteste le jugement rendu par la Chambre de première

 23   instance en présentant trois moyens d'appels.

 24   Dans son premier moyen d'appel, l'Accusation fait valoir que la

 25   Chambre de première instance a commis une erreur de droit et de fait en

 26   constatant que l'élément moral de M. Stanisic et M. Simatovic pour établir

 27   leur responsabilité en vertu de l'entreprise criminelle commune n'a pas été

 28   établi. L'Accusation a demandé à ce que la Chambre d'appel : infirme les


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  1   acquittements de M. Stanisic et de M. Simatovic; applique les critères

  2   juridiques corrects aux éléments de preuve et constate que tous les

  3   éléments constitutifs de la responsabilité en vertu de l'entreprise

  4   criminelle commune soient établis en tenant compte des actes et omissions

  5   tels que constatés par la Chambre de première instance et exposés dans son

  6   troisième moyen d'appel; troisièmement, condamne M. Stanisic et M.

  7   Simatovic en vertu de l'article 7(1) du Statut en se fondant sur leur

  8   participation dans l'entreprise criminelle commune alléguée dans l'acte

  9   d'accusation pour les crimes énumérés aux chefs 1 à 5; et prononce une

 10   peine en conséquence.

 11   Dans son deuxième moyen d'appel, l'Accusation fait valoir que la

 12   Chambre de première instance a commis une erreur de droit et de fait en

 13   constatant que l'actus reus de complicité par aide et encouragement n'a pas

 14   été établi concernant le comportement soit de M. Stanisic ou de M.

 15   Simatovic par rapport aux crimes commis dans les municipalités de Bosanski

 16   Samac, à Doboj, ainsi que dans la SAO de Krajina.

 17   L'Accusation demande à ce que la Chambre d'appel : premièrement,

 18   infirme les acquittements de M. Stanisic et de M. Simatovic; deuxièmement,

 19   applique les critères corrects aux éléments de preuve et constate que tous

 20   les éléments constitutifs de la complicité par aide ou encouragement soient

 21   établis en tenant compte de leurs actes et omissions tels que constatés par

 22   la Chambre de première instance et exposés dans leur troisième moyen

 23   d'appel; troisièmement, elle condamne M. Stanisic et M. Simatovic en vertu

 24   de l'article 7(1) du Statut pour avoir aidé et encouragé les crimes

 25   énumérés aux chefs 1 à 5; et les condamne en conséquence.

 26   A titre subsidiaire, pour ce qui est des premier et deuxième moyens

 27   d'appel, l'Accusation demande à la Chambre d'appel de constater que les

 28   erreurs alléguées soient établies et demande à ce qu'elle, je cite,


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  1   "renvoie l'affaire devant des Juges du Tribunal" pour que soient appliqués

  2   les critères juridiques corrects au dossier pour déterminer la

  3   responsabilité de M. Stanisic et de M. Simatovic telle qu'alléguée dans

  4   l'acte d'accusation.

  5   Dans son troisième moyen d'appel, en partie, l'Accusation fait valoir

  6   que la Chambre de première instance a commis une erreur de fait en ne

  7   constatant pas que M. Stanisic a contribué de façon importante à la mise en

  8   œuvre de l'entreprise criminelle commune dans la SBSO de la SAO et dans les

  9   municipalités de Bijeljina et de Zvornik, et que M. Stanisic et M.

 10   Simatovic ont contribué de façon importante à la mise en œuvre de

 11   l'entreprise criminelle commune dans la municipalité de Sanski Most.

 12   L'Accusation demande à la Chambre d'appel : premièrement, d'appliquer

 13   le critère juridique correct aux éléments de preuve et qu'on constate que

 14   M. Stanisic et M. Simatovic ont contribué de façon importante respective

 15   aux crimes tels qu'allégués et tienne compte de ces constatations lorsque

 16   la Chambre condamne M. Stanisic et M. Simatovic pour leur participation à

 17   l'entreprise criminelle commune telle qu'alléguée dans le premier moyen

 18   d'appel; et les condamne en conséquence.

 19   Ensuite, pour ce qui est du restant du moyen d'appel, l'Accusation

 20   fait valoir qu'à titre subsidiaire, la Chambre de première instance a

 21   commis une erreur de fait en ne constatant pas que M. Stanisic a contribué

 22   de façon importante à un ou plusieurs des crimes commis dans la SBSO de la

 23   SAO et dans les municipalités de Bijeljina et de Zvornik, que M. Stanisic

 24   et M. Simatovic ont contribué de façon importante à un ou plusieurs crimes

 25   commis dans la municipalité de Sanski Most et que, par conséquent, ils ont

 26   aidé et encouragé ces crimes. L'Accusation demande à ce que la Chambre

 27   d'appel : premièrement, applique les critères juridiques corrects aux

 28   éléments de preuve et constate que M. Stanisic et M. Simatovic ont


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  1   contribué de façon importante respectivement tels qu'allégués; tienne

  2   compte de ces constatations lors du prononcé de l'appel contre M. Stanisic

  3   et M. Simatovic en qualité de personnes ayant aidé et encouragé les crimes

  4   dans le deuxième moyen d'appel; et les condamne en conséquence.

  5   M. Stanisic et M. Simatovic répliquent que l'appel de l'Accusation

  6   doit être renvoyé dans sa totalité et que toute condamnation en appel

  7   violerait leur droit à un procès équitable d'avoir un examen de leur

  8   condamnation.

  9   En outre, M. Simatovic fait valoir que dans le cas où la Chambre

 10   d'appel fait droit à l'appel de l'Accusation, elle devrait renvoyer

 11   l'affaire devant les Juges du Tribunal.

 12   Alors, je vais vous expliquer comment nous allons procéder

 13   aujourd'hui.

 14   Je souhaite vous rappeler qu'un appel n'est pas un procès de novo et

 15   que les parties doivent s'abstenir de répéter les éléments de leur thèse

 16   tels que présentés lors du procès. Les arguments doivent être circonscrits

 17   à des erreurs de droit alléguées qui invalident le jugement de première

 18   instance ou des erreurs alléguées de fait qui donnent lieu à un déni de

 19   justice.

 20   Pendant toute la durée de cette audience, les conseils peuvent faire

 21   valoir des moyens d'appel qu'ils jugent utiles; cependant, j'enjoins les

 22   conseils de ne pas répéter littéralement ou de nous présenter un argument

 23   important des arguments déjà présentés dans leurs mémoires. La Chambre

 24   d'appel connaît ces mémoires déjà présentés.

 25   En outre, nous avons demandé aux parties de fournir des références

 26   précises aux documents étayant leurs arguments oraux. Les Juges, bien

 27   évidemment, peuvent interrompre les parties à tout moment pour poser des

 28   questions ou peuvent poser des questions suite aux arguments présentés par


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  1   les parties ou à la fin de l'audience.

  2   Je souhaite rappeler aux parties de faire particulièrement attention

  3   de ne pas révéler des éléments d'information qui permettraient d'identifier

  4   un témoin protégé ou des informations confidentielles.

  5   Et finalement, je souhaite porter à votre attention le calendrier qui

  6   figure dans l'ordonnance modifiant l'ordonnance portant calendrier pour

  7   cette audience en appel rendue le 30 juin 2015.

  8   L'audience se déroulera comme suit : nous allons entendre les

  9   arguments de l'Accusation pendant une heure et 30 minutes; nous aurons

 10   ensuite une pause de déjeuner pendant une heure et 20 minutes; ensuite,

 11   nous entendrons le conseil de M. Stanisic qui répondra pendant une heure;

 12   ensuite, une pause de 20 minutes; et nous reprendrons avec la réponse du

 13   conseil de M. Simatovic pendant une heure; nous aurons ensuite une pause de

 14   20 minutes; et l'Accusation aura 30 minutes pour répliquer.

 15   J'invite maintenant l'Accusation à présenter ses arguments. Vous avez

 16   une heure et 30 minutes.

 17   C'est à vous.

 18   Mme JARVIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 19   Juges.

 20   L'Accusation a pris une mesure importante, à savoir d'appeler les

 21   acquittements des accusés parce que le jugement de première instance

 22   contient des erreurs graves. Ces erreurs entravent la justice et la

 23   responsabilité en l'espèce et, à l'avenir, pourraient faire dérailler le

 24   droit pénal international de façon très inquiétante.

 25   Au cœur du problème se trouve un manquement très important de la part

 26   de la majorité des Juges de prononcer un jugement sur les points essentiels

 27   de l'espèce. Les accusés étaient des membres présumés d'une entreprise

 28   criminelle commune dont l'objectif commun était de déplacer la majorité de


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  1   la population non-serbe de régions importantes de Croatie et de Bosnie-

  2   Herzégovine entre 1991 et 1995. En d'autres termes, une entreprise

  3   criminelle commune sous la forme d'un nettoyage ethnique. Mais les éléments

  4   de preuve concernant cet objectif criminel commun présenté par l'Accusation

  5   lors du procès ne figurent pas dans l'analyse faite dans la majorité et, en

  6   particulier, s'agissant de l'évaluation de l'intention partagée des

  7   accusés. Dans cette affaire qui porte sur l'entreprise criminelle commune,

  8   le jugement ne contient aucune constatation sur un quelconque objectif

  9   commun, sa nature, sa durée, qui étaient les membres de l'entreprise

 10   criminelle commune, quelles étaient les unités ou structures utilisées pour

 11   mettre en œuvre leur objectif criminel.

 12   Sans analyser l'intention des accusés à travers le prisme de cet

 13   objectif criminel commun et, ce qui est encore plus important, à travers le

 14   prisme de ce que les accusés connaissaient de cet objectif criminel, la

 15   majorité s'est privée du compas dont elle avait besoin pour la guider dans

 16   ses conclusions.

 17   Je vais commencer nos arguments aujourd'hui en expliquant la gravité du

 18   problème concernant la méthodologie de la Chambre de première instance et

 19   l'issue à laquelle elle est parvenue et pourquoi il est tellement

 20   important, Madame, Messieurs les Juges, de corriger cela.

 21   M. Marcussen abordera ensuite plus en détail notre premier moyen d'appel

 22   concernant l'entreprise criminelle commune. Il expliquera comment,

 23   nonobstant quelques références en passant à l'objectif criminel commun de

 24   façon abstraite, la majorité a omis d'appliquer comme il se doit l'objectif

 25   criminel commun et d'analyser l'intention partagée des accusés. C'est la

 26   raison pour laquelle la majorité a commis une erreur. Il va démontrer

 27   comment, s'ils ne s'étaient pas trompés, ils auraient tenu compte du

 28   caractère systématique des crimes, l'intention des autres membres de


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  1   l'entreprise criminelle commune et, ce qui est plus important, la

  2   connaissance des accusés de l'objectif criminel commun.

  3   Il va montrer comment la majorité a évalué les contributions soutenues des

  4   accusés à cela à la lumière de leurs connaissances de cet objectif criminel

  5   commun, et la déduction de leur intention partagée était donc inévitable.

  6   S'agissant du moyen d'appel numéro 2, un argument alternatif sur la

  7   complicité par aide et encouragement, nous allons nous reposer sur des

  8   arguments qui figurent dans notre mémoire en appel. Je souhaite ajouter que

  9   nous savons aujourd'hui que la complicité par aide et encouragement, les

 10   acquittements sur ce point en l'espèce sont viciés par la condition de la

 11   visée spécifique qui a été rejetée.

 12   Comme l'a déterminé la Chambre d'appel dans l'affaire Sainovic,

 13   paragraphe 1 649 de l'arrêt, et confirmé dans l'affaire Popovic, arrêt

 14   paragraphe 1 758, la visée spécifique ne constitue pas un élément

 15   constitutif de la complicité par aide et encouragement en vertu du droit

 16   international coutumier.

 17   S'agissant du chef 1 [comme interprété] de notre appel, nous allons

 18   présenter d'autres arguments aujourd'hui, mais nous allons nous reposer

 19   essentiellement sur les arguments qui figurent dans notre mémoire sur ce

 20   point.

 21   Après les arguments présentés sur les moyens d'appel numéro 1 par M.

 22   Marcussen, je vais conclure nos arguments en parlant de la question du

 23   recours.

 24   Et si vous êtes d'accord, Madame, Messieurs les Juges, pour dire que

 25   les problèmes dans ce jugement doivent être réglés, puisque cela doit être

 26   fait de façon équitable et convenable, pourquoi le jugement est-il erroné ?

 27   Nous allons commencer, Madame, Messieurs les Juges, par vous expliquer ce

 28   qui ne va pas concernant le jugement rendu par la majorité. L'Accusation a


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  1   pris de sérieuses mesures pour faire appel de ces acquittements.

  2   Mais, Madame, Messieurs les Juges, cette affaire porte sur une

  3   compagne ethnique qui a été lancée contre la population non-serbe de

  4   Croatie et de Bosnie-Herzégovine entre 1991 et 1995. La Chambre avait à se

  5   prononcer sur les questions fondamentales de savoir comment le nettoyage

  6   ethnique a été mené, qui était derrière cela et, ce qui est encore plus

  7   important, le rôle joué par M. Stanisic et M. Simatovic et les unités

  8   spéciales qu'ils dirigeaient et qu'ils soutenaient. Des réponses

  9   satisfaisantes à ces questions ne figurent pas dans le jugement.

 10   Les éléments de preuve ont montré que ces deux individus fort

 11   influents et très informés - Stanisic, à la tête du service de Sûreté de

 12   l'Etat, et Simatovic, qui était son bras droit et son homme de confiance -

 13   étaient très impliqués dans ce mécanisme par lequel la campagne de

 14   nettoyage ethnique a été réalisée. Ils étaient partout. Ils ont créé,

 15   formé, financé, armé, étayé, assisté et étaient liés d'une manière ou d'une

 16   autre à toutes ces formations qui faisaient partie intégrante du processus

 17   de nettoyage ethnique, ce qui comprenait notamment des groupes tristement

 18   célèbres tels que les Tigres d'Arkan, également connus sous le nom de la

 19   SDG, et effectivement leur propre unité, les Bérets rouges.

 20   Les éléments de preuve montrent que les accusés étaient impliqués

 21   dans les formations qui commettaient les crimes, tout d'abord en Croatie -

 22   dans la Région autonome serbe de Krajina, la Région autonome en Croatie

 23   orientale, également la SBSO de la SAO - et ensuite en Bosnie-Herzégovine.

 24   Leur participation suivait de près ces hauts lieux du nettoyage ethnique au

 25   fur et à mesure que la compagne se déroulait pendant plus de quatre ans.

 26   En Krajina, ils ont formé du personnel qu'ils ont ensuite engagé dans

 27   ce nettoyage ethnique. Etant au courant de ces crimes, ils ont appliqué ce

 28   même modèle de formation à la SBSO de la SAO en Bosnie-Herzégovine où un


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  1   nettoyage ethnique analogue s'est déroulé. Ils étaient au courant du

  2   nettoyage ethnique et de ce programme de personnes avec lequel ils

  3   travaillaient étroitement : Martic, Babic, Hadzic, Karadzic, Mladic,

  4   Milosevic, Arkan. Ils étaient au courant des crimes qui étaient

  5   systématiquement commis dans ces trois régions à la recherche de cet

  6   objectif et ont continué à fournir leur aide encore, encore et encore.

  7   Pourquoi la majorité a-t-elle estimé que les accusés n'étaient pas

  8   responsables en tant que membres de l'entreprise criminelle commune ?

  9   Dans notre mémoire en appel, nous avons identifié de multiples

 10   erreurs juridiques et factuelles. Celles-ci comprennent l'analyse

 11   parcellaire de la Chambre de première instance qui n'a pas permis de

 12   comprendre la cohérence des éléments de preuve indirects fournis par

 13   l'Accusation. Nous maintenons nos arguments sur toutes les erreurs que nous

 14   évoquons dans notre mémoire en appel.

 15   Mais aujourd'hui, je souhaite me consacrer sur le manquement de la

 16   majorité des Juges à appliquer l'objectif criminel commun s'agissant de

 17   l'analyse à travers le prisme de l'intention partagée des accusés.

 18   Le verdict rendu dans cette affaire portant sur l'entreprise

 19   criminelle commune repose sur une déduction faite par une majorité de

 20   Juges, que les accusés avaient peut-être simplement l'intention de mener

 21   des actions militaires légales et qu'il était possible de façon raisonnable

 22   de considérer qu'ils n'ont cherché à aider à établir un contrôle

 23   territorial serbe juridique. Confer les paragraphes du jugement en première

 24   instance 2 326, 2 330, 2 332 et 2 334. C'est une conclusion à laquelle la

 25   majorité n'aurait pas pu parvenir si elle avait analysé les contributions

 26   et les déclarations des accusés à travers le prisme de cet objectif

 27   criminel commun.

 28   Elle s'est penchée sur les événements de façon abstraite. La Chambre


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  1   a présenté une situation par le biais de laquelle l'objectif du contrôle

  2   territorial pouvait être distinct des crimes commis. Mais l'objectif des

  3   forces serbes, leur objectif commun, n'était jamais limité à la prise de

  4   contrôle du territoire par des moyens militaires légaux. Il s'agissait de

  5   prendre et de maintenir le contrôle sur un territoire que revendiquaient

  6   les Serbes en procédant à un nettoyage ethnique de la population non-serbe

  7   qui y vivait.

  8   Les dirigeants serbes avaient l'intention de prendre et de maintenir

  9   le contrôle du territoire qu'ils convoitaient pour leur Etat serbe habité,

 10   comme c'était le cas, par un nombre important de non-Serbes en changeant de

 11   façon permanente la répartition démographique. Les membres de l'entreprise

 12   criminelle commune avaient l'intention de recomposer sur un plan ethnique

 13   l'ensemble de la population pour garantir une majorité écrasante des Serbes

 14   dont ils avaient besoin pour continuer à asseoir leur contrôle. Et pour ce

 15   faire, toute personne impliquée devait être au courant des crimes de

 16   transfert forcé, d'expulsion et d'autres crimes violents nécessaires pour

 17   terroriser ou sinon contraindre la population non-serbe à partir. Personne

 18   d'impliqué dans ces opérations de contrôle territorial qui ont donné lieu à

 19   des expulsions massives et autres crimes violents n'aurait pu avoir pour

 20   intention une simple activité militaire légale. Ceci est divorcé de la

 21   réalité.

 22   Effectivement, si c'était vraiment le cas, que les accusés avaient

 23   simplement à l'esprit une activité militaire légale et n'avaient pas

 24   l'intention de procéder à un nettoyage ethnique, cela reviendrait à un

 25   contrôle territorial. Nous nous attendrions dans ce cas à ce que l'accusé

 26   réfute les crimes et le déplacement de la population non-serbe. En lieu et

 27   place de cela, ils ont continué à soutenir la mise en oeuvre de

 28   l'entreprise criminelle commune pendant un certain nombre d'années par le


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  1   biais de leur contribution aux forces serbes qui commettaient ces crimes.

  2   Leur manquement à l'application d'un objectif criminel commun par le

  3   prisme qui aurait dû être le cas révèle que la majorité n'était au courant

  4   que d'un risque -- qu'il y avait risque de crimes qui auraient pu se

  5   produire.

  6   Mais qu'il y avait un véritable contrôle territorial et que les

  7   crimes étaient raisonnablement prévisibles aux accusés. Confer le jugement

  8   en première instance, paragraphes 2 323, 2 332, 2 333. Madame, Messieurs

  9   les Juges, c'est le caractère même de cet objectif criminel commun qui rend

 10   les crimes tels qu'ils sont; c'est pas le risque qui est pris en compte.

 11   Pour illustrer l'incidence de ce manquement à l'analyse d'un objectif

 12   criminel commun, je vais vous citer un exemple hypothétique assez simple.

 13   Les accusés conduisent deux hommes armés à une banque et ensuite les

 14   déposent. Un des accusés conduit le véhicule, bien sûr, ceci n'a rien

 15   d'illégal. Mais si vous appliquez l'analyse qui est celle de la majorité,

 16   vous concluez que l'accusé était au courant du risque que des crimes qui

 17   auraient pu être commis, un risque que ces hommes armés allaient cambrioler

 18   la banque, mais la majorité fait valoir qu'il existe cette possibilité que

 19   c'est tout à fait raisonnable que les accusés avaient peut-être intention

 20   de commettre quelque chose qui était légal en les transportant jusqu'à la

 21   banque et ne partageaient pas donc l'intention de commettre ce cambriolage

 22   de la banque.

 23   Si nous ajoutons que les accusés étaient au courant de cet objectif

 24   et qu'il fallait se rendre à la banque et qu'il y avait un cambriolage qui

 25   allait se dérouler, la déduction de l'intention des accusés était tout à

 26   fait différente. Certainement, Madame, Messieurs les Juges, si les accusés

 27   ont conduit ces hommes armés dans différentes banques pendant l'année

 28   suivante en sachant qu'ils allaient commettre un cambriolage, et comme ça


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  1   avait été le cas dans les occasions précédentes, les conclusions sont

  2   inévitables que l'accusé agissait conjointement et avait l'intention de

  3   commettre ces crimes.

  4   Et seulement si on ne regarde pas la situation par l'optique de

  5   l'objectif criminel commun que nous pouvons arriver à la conclusion que les

  6   accusés ne pouvaient avoir que l'intention d'un objectif légal.

  7   Ce qui m'amène au problème-clé pour ce qui est de l'analyse de

  8   l'intention partagée par la majorité dans cette affaire. Non seulement la

  9   majorité des Juges ne s'est pas prononcée sur l'existence de l'objectif

 10   criminel commun mais elle n'a pas également considéré dans son analyse de

 11   l'intention partagée si les accusés étaient au courant ou savaient qu'il

 12   existait l'objectif criminel commun, si les accusés savaient que la prise

 13   du contrôle et le maintien du contrôle sur le territoire serbe en Croatie

 14   et en Bosnie-Herzégovine allait provoquer inévitablement la commission des

 15   crimes qui nécessitaient l'expulsion de la population non-serbe.

 16   C'est la question fondamentale qui n'a pas été décidée lors du

 17   processus de la détermination de la responsabilité pénale des accusés pour

 18   les crimes qui lui sont imputés. Les accusés qui savaient que le contrôle

 19   du territoire entraînerait inévitablement la commission des crimes, ensuite

 20   contribuer de façon répétée à la réalisation de l'objectif criminel commun

 21   nous fournissent une base convaincante pour arriver à la conclusion qu'ils

 22   partageaient l'intention pour ce qui est de la réalisation de l'objectif

 23   criminel commun, ce qui a été ignoré dans l'analyse dans la majorité.

 24   Pour résumer, Madame, Messieurs les Juges, les questions essentielles

 25   liées dans cette affaire concernant l'objectif criminel commun, ensuite la

 26   connaissance des accusés pour ce qui est de cet objectif, et l'incidence de

 27   cela sur leur intention partagée n'avait pas été considérée ou résolue.

 28   C'est pour cela que nous avançons qu'une erreur de droit a été commise


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  1   puisqu'il n'y avait pas de l'opinion motivée et que cela n'a pas été décidé

  2   par rapport à cela.

  3   Donc je fais référence, Madame, Messieurs les Juges, par exemple, à l'arrêt

  4   Kvocka, paragraphe 23, où il est souligné qu'il est demandé à une Chambre

  5   de première instance d'arriver à des conclusions sur "les faits qui sont

  6   essentiels pour déterminer la culpabilité pour ce qui est d'un chef

  7   d'accusation concret," et si cela n'est pas fait, cela représente une

  8   erreur de droit. Ensuite dans l'arrêt Gotovina, paragraphe 12, où il est

  9   confirmé que s'il y a une absence d'opinion motivée, on peut arriver à la

 10   conclusion que "des questions pertinentes, conclusions pour ce qui est des

 11   faits ou des arguments n'avaient pas été abordés."

 12   Donc la majorité ne s'est pas posée de questions essentielles concernant

 13   l'objectif criminel commun, la majorité n'a pas examinée des pièces à

 14   conviction cruciales, ce qui aggrave l'erreur de droit et la Chambre n'a

 15   pas donné l'opinion motivée. Par exemple, comme M. Marcussen va expliquer

 16   plus tard, la majorité ne fait pas de référence au scénario des crimes

 17   commis en Croatie et en Bosnie-Herzégovine dans son analyse de l'intention

 18   partagée ou comment les actions des accusés et les formations qu'ils

 19   dirigeaient rentrent dans ce contexte et dans le contexte du soutien de ce

 20   scénario des crimes. Donc la Chambre de première instance n'a pas abordé

 21   des moyens de preuve principaux concernant l'intention des membres de

 22   l'entreprise criminelle commune pour montrer leur objectif qui était de

 23   maintenir le contrôle sur le territoire saisi par le nettoyage ethnique.

 24   Pourquoi c'est important de réparer cela, d'abord il y a deux raisons pour

 25   cela, et ces erreurs commises par la majorité des Juges dans le jugement

 26   doivent être corrigées. D'abord, pour sauvegarder la direction du

 27   développement future du droit pénal international. Dans cette affaire, il y

 28   a beaucoup des décisions précédentes qui posent problèmes mais je vais


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  1   souligner seulement deux.

  2   Pour ce qui est de la responsabilité des membres de l'entreprise criminelle

  3   commune, si l'approche de la majorité reste le même à l'avenir, cela peut

  4   saper le cadre de la doctrine de cette entreprise criminelle commune, parce

  5   que l'une des caractéristiques essentielles de cette entreprise criminelle

  6   commune est que si l'on regarde la conduite qui a l'air seulement d'être

  7   légale, lorsqu'on l'observe séparément, on se rend compte que cette

  8   conduite devient criminelle lorsque l'on observe dans le contexte et dans

  9   le contexte des plans criminels qui sont révélés. Dans mon exemple de hold-

 10   up hypothétique de la banque, il s'agit apparemment d'un acte légal de

 11   conduire jusqu'à la banque, mais si on observe cela dans le contexte il

 12   s'agit de la contribution à l'exécution du plan de commettre le hold-up de

 13   la banque.

 14   La doctrine de l'entreprise criminelle commune est importante vu la nature

 15   des crimes commis la plupart du temps dans des situations de guerre, où

 16   souvent il y a des plans criminels à grande échelle avec des participants

 17   multiples, dont beaucoup contribuent à la commission des crimes, de façon

 18   perçue séparément, n'apparaissent pas comme étant criminels. Mais

 19   l'approche de la majorité dans cette affaire, donc, met en question la

 20   raison de l'existence de la responsabilité pour la participation à

 21   l'entreprise criminelle commune.

 22   Au lieu de regarder comment les contributions des accusés ont facilité la

 23   mise en œuvre de l'objectif criminel commun dans sa totalité, la majorité

 24   s'est seulement concentrée sur le fait de savoir s'il y avait un lien

 25   direct entre les agissements des accusés et des crimes précis. Et au lieu

 26   d'évaluer le rôle de l'unité des accusés et le rôle joué dans la

 27   réalisation de l'objectif criminel commun, la majorité s'est concentrée de

 28   façon très stricte et étroite sur des occasions où les membres de l'unité


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  1   ont commis directement des crimes.

  2   Et en adoptant cette approche, la majorité donc a fait transposer une sorte

  3   de zone protectrice importante pour ce qui est des responsables hauts

  4   placés. Et plus la position était élevée, plus leur conduite s'éloignait de

  5   la commission directe des crimes. Et c'est seulement si on regarde que

  6   souvent des actes neutres pris dans le contexte semblent avoir le rôle pour

  7   ce qui est de l'objectif criminel est révélé.

  8   Et le Juge Picard a dit dans son opinion dissidente dans cette affaire en

  9   citant le Juge Jackson que : L'approche dans la majorité mène à la place de

 10   cela dans le domaine où "le droit s'applique seulement sur peu d'hommes et

 11   --"

 12   Bon, pour ce qui est des cas impliquant les actions militaires, l'approche

 13   de la majorité également pose des problèmes pour ce qui est du droit pénal

 14   international puisque pour ce qui est des répercussions de cela sur les

 15   activités de combat ou militaire, un scénario fréquent apparaît dans les

 16   affaires pour ce qui est du droit pénal international.

 17   Nous acceptons, bien sûr, que les activités militaires qui sont tout à fait

 18   légales, en conformité avec le droit pénal humanitaire international, ne

 19   peuvent pas être rendues illégales dans le cadre du droit pénal

 20   international. Pas toutes les activités militaires ne sont légales pour ce

 21   qui est du droit de international humanitaire. Dans cette affaire,

 22   lorsqu'on analyse cela dans le contexte de tous les moyens de preuve

 23   concernant leur objectif criminel commun, il est clair que les opérations

 24   concernant la prise du pouvoir et le contrôle du pouvoir étaient menées

 25   dans le processus de nettoyage ethnique. Et ces opérations étaient dirigées

 26   contre les civils non-serbes.

 27   La majorité ne s'est pas penchée sur les liens entre les questions

 28   militaires ou les actions de combat comme étant des actions possiblement


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  1   légales. Paragraphes 2 327 jusqu'à 2 330. Dans le contexte de scénario de

  2   crimes répétés et systématiques par rapport aux opérations militaires,

  3   cette conclusion n'est pas raisonnable. Si cela n'est pas corrigé, cette

  4   approche pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour ce qui est du

  5   droit pénal international. Mais encore, le plus important pour ce qui est

  6   de la justice rendue aux victimes et pour ce qui est de la responsabilité

  7   de ces deux accusés, Madame, Messieurs les Juges, la raison la plus

  8   importante pour prendre des mesures pour corriger ces erreurs dans cette

  9   affaire est d'assurer qu'un processus de justice soit assuré pour les

 10   victimes. Et là, je parle des manquements sérieux pour ce qui est des

 11   questions essentielles qui sont les questions-clés dans cette affaire. La

 12   décision n'a pas été rendue par rapport à ces questions-clés. Cela, donc,

 13   n'a pas permis aux victimes de voir quel était le rôle que ces deux accusés

 14   ont joué dans les crimes qui leur sont imputés.

 15   La tragédie provoquée par les membres de l'entreprise criminelle

 16   commune dans la Région autonome serbe de Krajina, en Slavonie, Baranja et

 17   Srem occidental, ainsi qu'en Bosnie-Herzégovine entre 1991 et 1995 était

 18   immense. Plus de 100 000 gens ont été terrorisés, déracinés de leurs

 19   domiciles et de leurs communautés et expulsés de façon violente. Les

 20   événements ont dévasté des dizaines de villes et de villages partout dans

 21   la zone des républiques serbes autoproclamées en Croatie et en Bosnie-

 22   Herzégovine pendant une période de plus de quatre ans. La Chambre de

 23   première instance avait versé des documents concernant plus de 270 meurtres

 24   commis par les forces serbes concernant les incidents qui sont retenus dans

 25   l'acte d'accusation.

 26   M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]

 27   Mme JARVIS : [aucune interprétation] 

 28   M. LE JUGE AFANDE : Oui, bonjour, Madame le Procureur. -- à une banque sans


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  1   que ces personnes commettent -- je ne vois pas très bien le parallèle entre

  2   cet exemple et puis le cas d'espèce.

  3   Si vous pouvez clarifier ça. Merci.

  4   Mme JARVIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

  5   En effet, théoriquement parlant, cela serait possible de voir que des gens

  6   soient conduits de façon légale jusqu'à la banque et qu'ils ne commettent

  7   pas le hold-up de la banque. Bien sûr, le fait que deux hommes, dans un

  8   exemple hypothétique, soient armés est un fait suffisant pour savoir qu'il

  9   y a un risque ou une possibilité que dans de telles circonstances on puisse

 10   penser qu'ils se rendent à la banque pour commettre un hold-up, mais cela

 11   n'est pas certain. Mais je pense que cet exemple nous amène à la conclusion

 12   que dans ce contexte on ne peut pas considérer comme certain que ces deux

 13   hommes vont commettre le hold-up; mais il y a des indices dans de telles

 14   circonstances qui nous suggèrent que c'est une possibilité, que c'est un

 15   risque, et qu'on peut prévoir cela de façon raisonnable, et c'est

 16   exactement le cadre d'analyse qu'on voit dans le jugement de première

 17   instance.

 18   Nous voyons que la majorité de la Chambre regarde s'il y a des

 19   indices qui suggèrent qu'un risque existe, un risque de commission des

 20   crimes, et ensuite ils examinent les faits concernant certaines opérations

 21   - Doboj est un bon exemple - où les accusés étaient au courant du fait que

 22   des crimes avaient été commis, et donc il y avait un risque que des crimes

 23   allaient être commis puisque juste avant cette opération des crimes avaient

 24   été commis.

 25   Nous voyons là l'incidence de l'analyse erronée de l'objectif

 26   criminel commun. Puisque si la Chambre de première instance avait considéré

 27   que l'objectif criminel commun existait, si la Chambre était partie de

 28   cette thèse, à savoir que l'objectif des opérations était le contrôle et le


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  1   maintien du territoire par le nettoyage ethnique, alors il n'y aurait peut-

  2   être pas de risque de commission de crimes. Il s'agirait plutôt d'une

  3   certitude que des crimes allaient être commis. Et c'était l'objectif de

  4   l'envoi des unités sur ce territoire, l'objectif des opérations pour

  5   prendre contrôle du territoire pour changer la composition ethnique de ce

  6   territoire.

  7   Mais peut-être que nous pouvons développer encore davantage cet

  8   exemple pour ce qui est du hold-up de la banque pour que cela soit utile à

  9   vous. Supposons qu'au lieu de conduire les accusés à la banque -- à savoir,

 10   les accusés qui conduisent en voiture deux hommes armés à la banque, les

 11   accusés ont entraîné les deux hommes armés à comment utiliser les armes à

 12   feu et comment mettre l'argent dans des sacs. Donc, entraîner quelqu'un à

 13   comment utiliser une arme à feu, ce n'est pas en soi illégal. Mais si on

 14   considère cela séparément, vous pouvez arriver à la conclusion que les

 15   accusés avaient l'intention de commettre le hold-up de la banque. Et si

 16   vous ajoutez le moyen de preuve concernant l'objectif criminel commun,

 17   concernant le plan de commettre le hold-up de la banque, évidemment, cette

 18   conduite et cet entraînement de ces deux hommes pour utiliser des armes à

 19   feu représentent une contribution à la réalisation de ce hold-up. Et

 20   certainement, si cela se reproduit encore une fois et encore une fois, les

 21   accusés, dans ce cas-là, savent que ce résultat est inévitable, à savoir

 22   leur objectif criminel commun.

 23   Et c'est pour cela que nous savons que dans cette situation les

 24   accusés auraient dû savoir que leur objectif criminel commun existait. M.

 25   Marcussen va développer cela plus plus tard, que parmi les gens bien

 26   informés dans ces trois localités où la campagne de nettoyage ethnique

 27   s'est déroulée, ils continuent à contribuer à la réalisation de cet

 28   objectif, de les équiper pour pouvoir prendre le contrôle du territoire en


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  1   procédant à des opérations. Ils savaient que des crimes étaient commis et

  2   ils savaient que leur objectif était de mener les opérations pour contrôler

  3   le territoire. Et dans ce contexte, on arrive à la conclusion inévitable, à

  4   savoir qu'ils avaient l'intention de commettre ces crimes.

  5   J'espère que je vous ai été utile, Monsieur le Juge.

  6   M. LE JUGE AFANDE : [hors micro]

  7   M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, comme Mme

  8   Jarvis l'a expliqué, les Juges de la Chambre de première instance ont

  9   commis une erreur de droit en ne se prononçant pas sur un aspect central de

 10   la thèse de l'Accusation, c'est-à-dire l'existence et la nature de

 11   l'objectif criminel commun, et plus important encore, les Juges de la

 12   Chambre ne se sont pas prononcés sur la connaissance qu'avaient les accusés

 13   de cet objectif criminel commun.

 14   Alors, pourquoi était-ce nécessaire que la Chambre de première instance en

 15   l'espèce détermine si un objectif criminel commun avait existé et si les

 16   accusés étaient au courant des actions qui y contribuaient ? Eh bien, cela

 17   était nécessaire parce que si l'accusé avait été au courant de l'existence

 18   de l'objectif criminel commun et avait contribué de façon répétée à son

 19   exécution, la seule déduction possible raisonnable était de dire que

 20   l'accusé avait partagé l'intention que ces crimes soient commis, crimes de

 21   l'objectif criminel commun. Mais au lieu de se pencher sur les actes de

 22   l'accusé à la lumière de l'objectif criminel commun, les Juges de la

 23   Chambre se sont penchés sur différents morceaux des éléments de preuve

 24   séparément et isolément. Ils se sont penchés sur les déclarations de

 25   l'accusé sans tenir compte du contexte dans lequel elles ont été

 26   prononcées. Elle s'est penchée sur la formation de l'accusé des forces

 27   serbes séparément et elle s'est penchée sur le soutien apporté à Milan

 28   Martic et, en SAO de Krajina, à la police qui avait commis les crimes de


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  1   masse en Krajina, et ce, séparément. Et elle s'est penchée sur les crimes

  2   de l'unité de l'accusé séparément. Mais la majorité des Juges ne s'est

  3   jamais penchée sur les déclarations de l'accusé et sur les actes ensemble

  4   et n'a pas mis tout cela dans le contexte de l'objectif criminel commun.

  5   Les Juges de la Chambre de première instance ne se sont pas également

  6   penchés sur les éléments de preuve significatifs qui auraient exigé une

  7   analyse des conclusions pour bien comprendre les déclarations de l'accusé

  8   et ses actes dans ce contexte. Par exemple, les Juges de la Chambre n'ont

  9   pas tenu compte d'éléments de preuve au dossier prouvant les objectifs

 10   stratégiques des dirigeants serbes de Bosnie, notamment le nettoyage

 11   ethnique du territoire proclamé serbe. Nulle part dans le jugement ces

 12   éléments de preuve ne sont repris.

 13   En conséquence, les Juges de la Chambre de première instance n'ont

 14   pas apporté de conclusions sur des questions qui étaient essentielles pour

 15   déterminer que l'accusé était coupable, et son analyse a été manifestement

 16   inadéquate.

 17   Dans son analyse sur l'intention partagée, par exemple, la majorité a fait

 18   référence à "un objectif criminel commun allégué." Est-ce que cela voulait

 19   dire que la majorité, dans le but de son analyse, était partie du fait que

 20   l'on pouvait arguer de l'existence de cet objectif criminel commun ?

 21   Eh bien, si cela était le cas, cela voudrait dire que la majorité a accepté

 22   que le plan des dirigeants serbes consistait à prendre le contrôle et à

 23   maintenir le contrôle du territoire serbe proclamé en Croatie et en Bosnie-

 24   Herzégovine et du nettoyage ethnique de la population non-serbe; en

 25   conséquence, toutes les opérations de prise dans l'acte d'accusation

 26   impliquaient de façon inhérente un nettoyage ethnique de la population non-

 27   serbe. Cela étant, les Juges de la Chambre ont conclu que l'accusé n'était

 28   au courant que d'un risque de crime, pas d'une certitude de crime ayant


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  1   lieu, et que l'accusé aurait pu avoir l'intention uniquement d'une activité

  2   militaire légitime.

  3   Alors, il y a deux façons uniquement pour les Juges de la Chambre d'arriver

  4   à ces conclusions. La première hypothèse c'est que la majorité n'a pas

  5   donné un crédit plein et entier à l'objectif criminel commun, parce que si

  6   elle l'avait fait, elle aurait dû partir du principe que le crime faisait

  7   partie inhérente des prises et qu'en conséquence, il était sûr que les

  8   crimes allaient être commis et que ce n'était pas uniquement un risque.

  9   La seule autre façon pour les Juges d'arriver à une telle conclusion est

 10   d'arriver à la conclusion que l'accusé n'était pas au courant du fait que

 11   le nettoyage ethnique faisait partie intégrante des opérations de prise de

 12   contrôle; autrement dit, les Juges de la Chambre de première instance

 13   auraient conclu que les accusés n'étaient pas au courant de l'existence de

 14   l'objectif criminel commun.

 15   Les deux possibilités sont erronées. La majorité a omis de décider sur deux

 16   points essentiels en l'espèce. Si la majorité n'a pas conclu qu'il y a eu

 17   l'existence de l'objectif criminel commun, elle aurait dû faire des

 18   conclusions au sujet de son existence. Cependant, il n'y a pas de

 19   conclusions au sujet de l'existence de l'objectif criminel commun dans le

 20   jugement.

 21   Si la majorité était arrivée à la conclusion que les accusés n'étaient pas

 22   au courant de l'existence de l'objectif criminel commun, la majorité aurait

 23   dû faire des conclusions à cet effet. Cependant, ceci n'existe pas dans le

 24   jugement, il n'y a pas de conclusions au sujet de leur connaissance de

 25   l'existence de l'objectif criminel commun. Donc la Chambre n'a pas donné de

 26   jugement raisonnable.

 27   Si la Chambre de première instance n'avait pas fait d'erreur, elle serait

 28   arrivée à la conclusion que Stanisic et Simatovic avaient l'intention de


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  1   commettre les crimes qui font partie de l'entreprise criminelle commune, à

  2   savoir : un modèle cohérent de la commission des crimes contre la

  3   population non-serbe dans chacune des zones; la connaissance des accusés du

  4   modèle des crimes et de l'intention des autres membres de l'entreprise

  5   criminelle commune; et ensuite, leur contribution continue sur plusieurs

  6   années à mettre en œuvre leur région dominée par les Serbes en commettant

  7   des crimes.

  8   La seule conclusion logique à laquelle ils auraient dû arriver, c'est que

  9   les accusés avaient l'intention d'utiliser les crimes pour aboutir au

 10   contrôle territorial. Tout d'abord, on peut examiner les crimes et leur

 11   modèle.

 12   La Chambre est arrivée à la conclusion qu'il y a eu une attaque à grande

 13   échelle de caractère discriminatoire sur la population civile habitant

 14   toutes les zones couvertes par l'acte d'accusation; jugement, 971 et 1251.

 15   Les conclusions de la Chambre dans le volume I trouvent que ces attaques

 16   ont suivi un modèle de commission qui a été répété dans chacune des zones

 17   cibles. Dans la SAO Krajina, la population non-serbe a fui à cause des

 18   attaques sur les villages et sur les villes qui avaient une population

 19   croate complète ou importante. Les meurtres, l'utilisation en tant que

 20   bouclier humain, la détention, passages à tabac, travaux forcés, abus

 21   sexuels et autres formes de harcèlement, la destruction et pillage des

 22   biens, tous ces crimes ont été commis par la JNA, par la TO de la SAO

 23   Krajina, par la police de la SAO Krajina, y compris Milan Martic, par les

 24   unités paramilitaires serbes, mais aussi par les autorités serbes du cru;

 25   paragraphes 401 et 404 [comme interprété].

 26   Ces crimes ont suivi le même modèle dans la SAO SBSO. Des milliers de non-

 27   Serbes ont fui la région à cause des transferts par la force des autres, la

 28   détention, pillage, restriction de la circulation et de la liberté, travaux


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  1   forcés, passages à tabac, meurtres, menace et harcèlement perpétrés par la

  2   JNA, par les volontaires serbes, par les autorités locales, les

  3   paramilitaires, la SNB, la police, la TO et la Garde volontaire d'Arkan.

  4   Vous allez trouve cela au paragraphe 578.

  5   Et puis, ce même modèle de la commission de crimes a été suivi dans les

  6   municipalités qui se trouvent couvertes par l'acte d'accusation, les

  7   municipalité de Bosnie-Herzégovine, en commençant par Bijeljina. A Bosanski

  8   Samac, de nombreuses personnes ont quitté la ville, et c'était le résultat

  9   de l'attaque menée par différentes forces serbes, y compris la JNA,

 10   l'unité, la police serbe et la TO. L'attaque et la prise de contrôle ont

 11   compris différents crimes, à savoir les gens étaient chassés de chez eux.

 12   Les non-Serbes ont été arrêtés de façon arbitraire, placés en détention,

 13   passés à tabac, ont subi du harcèlement sexuel et ils ont été menacés, y

 14   compris par l'unité et par les autorités serbes du cru. Et là, je fais

 15   référence au fait 254 [comme interprété] qui se trouve dans le volume IV et

 16   dans le jugement au paragraphe 584, note de bas de page 1207, ainsi que les

 17   paragraphes du jugement 654, 684, 685 et 1 081.

 18   La Chambre de première instance a accepté le fait jugé suivant :

 19   "Un modèle clairement reconnaissable de l'activité criminelle qui nous

 20   permet d'arriver à une seule conclusion raisonnable, à savoir que ces

 21   crimes ont été commis avec l'objectif de mettre en œuvre le plan

 22   stratégique des dirigeants des Serbes de Bosnie visant à prendre le

 23   contrôle du territoire réclamé par les Serbes de Bosnie à l'intérieur de la

 24   Bosnie-Herzégovine avec l'objectif de chasser de façon permanente la

 25   plupart de la population non-serbe de ce territoire", c'est quelque chose

 26   que vous aller trouver dans le fait jugé numéro 231 [comme interprété].

 27   Donc la conclusion à laquelle ils auraient dû arriver sur la base de ce

 28   modèle de conduite répété dans toute la zone couverte par un acte


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  1   d'accusation et que les crimes faisaient partie intégrante de la mise en

  2   œuvre et du maintien du contrôle serbe, les accusés savaient que ces crimes

  3   qui étaient en train d'être commis faisaient partie intégrante de

  4   l'objectif commun de créer ces territoires serbes. L'échelle de ces crimes,

  5   des crimes commis et le modèle clair des crimes commis en Croatie et en

  6   Bosnie-Herzégovine rend inconcevable la possibilité que les accusés

  7   n'étaient pas au courant de cela.

  8   Stanisic et Simatovic avaient les fonctions qui exigeaient qu'ils

  9   soient très bien informés, la Chambre est arrivé aux conversations

 10   suivantes. L'accusé savait à partir du mois d'avril 1991 que Milan Martic

 11   avait l'intention de déporter la population non-serbe de Krajina. Ils

 12   savaient que la police de la SAO Krajina a commis de nombreux meurtres et a

 13   persécuté, a expulsé entre 80 et 100 000 Croates et autres civils non-

 14   serbes. C'est quelque chose que vous allez trouver dans le jugement aux

 15   paragraphes 2 331 et 2 332.

 16   Ensuite, les accusés savaient que leur unité avait commis des crimes

 17   à Bosanski Samac au mois d'avril 1992, ils ont envoyé cette même unité à

 18   Doboj au début du mois de mai 1992 où cette unité a également commis des

 19   crimes. Jugement, au paragraphe 2 323. Ensuite, les accusés étaient au

 20   courant des crimes commis par Arkan et par la Garde volontaire serbe dans

 21   la SBSO entre le mois de septembre 1991 et le mois d'avril 1992 et à

 22   Bijeljina et à Zvornik entre le mois d'avril et le mois de septembre 1992.

 23   Le paragraphe du jugement 2 333.

 24   Simatovic et les autres opérationnels de la DB étaient présents

 25   partout dans la zone couverte par l'acte d'accusation, c'est quelque chose

 26   qui est illustré dans le mémoire d'appel de l'Accusation annexe A. Les

 27   accusés étaient parmi les personnes les mieux informées des événements sur

 28   le terrain.


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  1   Les accusés étaient "en contact direct et fréquent" avec les membres

  2   de l'entreprise criminelle commune, tels que Hadzic, Karadzic, Martic, et

  3   Babic, qui étaient les dirigeants serbes en Croatie et en Bosnie-

  4   Herzégovine; c'est quelque chose qui figure au paragraphe 2 302. Vous allez

  5   vous rappeler, Messieurs et Madame les Juges, que la Chambre a accepté le

  6   fait jugé qui dit que l'objectif des dirigeants serbes était "de créer un

  7   Etat dans lequel il n'y aurait pas de place pour les non-Serbes", fait jugé

  8   142, dans le volume 1.

  9   Par rapport aux positions et contacts des accusés, ils auraient été

 10   au courant du discours emblématique prononcé par Karadzic dans l'assemblée

 11   de la Republika Srpska le 14 octobre 1991 où il a menacé d'extermination

 12   les Musulmans de Bosnie s'ils choisissaient l'indépendance; paragraphe

 13   [comme interprété] 940.

 14   Stanisic a encore regardé Karadzic prévoir la mort de plusieurs

 15   centaines de plusieurs milliers des personnes, la destruction totale de

 16   plusieurs centaines de villes, et les déplacements massifs de la

 17   population. Stanisic était d'accord avec ce que Karadzic a dit. Et là, je

 18   vous demande de vous référer au mémoire en appel du Procureur paragraphe 26

 19   ainsi qu'à la pièce à conviction P1483.

 20   Stanisic a fait preuve de la même intention quand, quelques semaines

 21   plus tard, il a dit à Karadzic qu'ils pourraient "les exterminer

 22   complètement", il s'agissait d'une conversation qui portait sur les

 23   Croates; pièce à conviction P690.

 24   Il ne peut pas y avoir de doute aussi que les accusés étaient au

 25   courant des six objectifs stratégiques des dirigeants serbes de Bosnie, qui

 26   comprenait aussi le nettoyage ethnique. Stanisic a pris part à la réunion

 27   qui a eu lieu à Belgrade le 13 et le 14 décembre 1993 et, parmi d'autres,

 28   Milosevic, Mrksic, Karadzic, Krajisnik, et Mladic ont été présents, et ils


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  1   ont discuté de la mise en œuvre de six objectifs stratégiques; pièce à

  2   conviction P2532 pages 1 et 2, et jugement paragraphe 2 310.

  3   Pour conclure, il ne peut pas y avoir de doute que l'accusé savait

  4   que la création et le maintien des régions dominées par les Serbes

  5   comprenaient ou présupposaient le nettoyage ethnique de la population non-

  6   serbe de ces régions-là.

  7   En sachant que le nettoyage ethnique de la population non-serbe

  8   faisait partie intégrante de la création des régions serbes en Croatie et

  9   en Bosnie-Herzégovine, les accusés ont continué à contribuer à cet

 10   objectif. Par exemple, bien que déjà au mois d'avril 1991 ils savaient que

 11   Martic avait l'intention de déporter la population non-serbe, les accusés

 12   ont continué à aider Martic, appuyer Martic ainsi que la police de la SAO

 13   Krajina et de la TO Krajina au cours de l'année suivante. Ils ont aidé

 14   Martic de façon importante à mettre en œuvre la police de la Krajina,

 15   Simatovic a pris part dans l'opération de Lovinac au mois de juin 1991, en

 16   sachant quel était l'objectif criminel de l'attaque. Les accusés ont

 17   organisé la participation de l'unité dans les opérations de Glina et de

 18   Struga, et au cours de ces opérations la population non-serbe a été

 19   expulsée.

 20   Les accusés ont continué à organiser l'entraînement pour la police et

 21   la TO de la SAO Krajina, et les accusés ont continué à armer et à fournir

 22   en équipement et en hommes la TO de la Krajina jusqu'en avril 1992. En

 23   sachant que les unités qu'ils ont entraînées dans la SAO Krajina ont commis

 24   des crimes, ils ont continué à entraîner des unités de la SBSO et aussi le

 25   long des frontières de la SBSO avec la Serbie, et ceci au mois de septembre

 26   1991. Et tout en étant au courant des crimes commis en Krajina depuis le

 27   mois d'avril 1991, ils ont aussi déployé l'unité pour participer aux

 28   opérations de la SBSO au mois de septembre 1991.


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  1   Les accusés ont aussi financé Arkan et sa Garde volontaire en 1994 et 1995,

  2   y compris pendant la période où il y a eu des meurtres en masse de la

  3   population non-serbe à Sanski Most en 1995. Ils savaient aussi qu'Arkan et

  4   ses hommes ont commis des crimes dans la SBSO en 1991 à Bijeljina et à

  5   Zvornik en 1992.

  6   Ils ont déployé leur unité à Bosanski Samac au mois d'avril 1992 et à

  7   nouveau à Doboj quelques semaines plus tard. Dans les deux villes, les

  8   membres de l'unité étaient les bourreaux les plus redoutables de la

  9   population non-serbe, la population civile. Ils ont aussi déployé l'unité à

 10   Bratunac et à Skelani, cela faisait partie de l'opération Udar, attaques,

 11   frappes au mois d'avril 1993, et "selon toute probabilité" ils savaient que

 12   Mladic et Mrksic avaient l'intention d'y commettre le nettoyage ethnique et

 13   ils savaient quel était l'historique des crimes commis par cette même unité

 14   à Bosanski Samac et à Doboj.

 15   Il découle clairement des conclusions de la Chambre de première instance

 16   que les accusés ont contribué à répétition de la mise en place de la

 17   population serbe sur des grandes parties de la Croatie et de Bosnie-

 18   Herzégovine en sachant qu'en le faisant ils contribuaient au nettoyage

 19   ethnique de ces zones. La seule conclusion qui découle d'une telle

 20   connaissance et participation et que les accusés étaient au courant et

 21   partageaient l'intention de l'objectif criminel commun.

 22   Je voudrais ajouter que nous allons montrer un transparent quand nous

 23   parlons de contributions où on fait des références nombreuses au jugement

 24   et vous allez trouver cela -- j'aurais dû peut-être le dire depuis le

 25   début. Je ne l'ai pas fait clairement, mais je vais vous fournir, après ma

 26   présentation orale, des exemplaires de ces transparents, et comme ça vous

 27   allez avoir tous les transparents. Et Mme Jarvis va utiliser ces

 28   transparents plus tard.


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  1   Madame, Messieurs les Juges, les Juges de la première Chambre sont arrivés

  2   à la conclusion que les accusés ont pris part, et de façon volontaire, à la

  3   perpétration de l'intention criminelle commune. Si vous accordez le moyen 3

  4   de notre appel, d'autres contributions importantes doivent être ajoutées, à

  5   savoir : l'aide importante que les accusés ont fournie pour créer et armer

  6   les forces serbes dans la SBSO, l'armement de la TO de Zvornik, le

  7   déploiement des volontaires d'Arkan dans la SBSO, à Bijeljina, Zvornik et à

  8   Sanski Most où ils ont commis de nombreux crimes.

  9   Madame, Messieurs les Juges, si les Juges de première instance avaient

 10   réfléchi aux connaissances des accusés de l'existence de l'objectif

 11   criminel commun, ils seraient arrivés à la conclusion que les accusés ont

 12   partagé l'intention criminelle commune. Si vous n'êtes pas d'accord avec

 13   cette erreur juridique, il s'agit certainement à ce moment-là d'une erreur

 14   de fait. Aucun juge de fait raisonnable n'aurait pu conclure que les

 15   accusés ne partageaient pas l'intention de l'objectif criminel commun au vu

 16   des éléments de preuve du dossier en l'espèce.

 17   Un exemple très clair de cette erreur de fait est la constatation de

 18   la majorité qui précise que l'accusé savait qu'il y avait un risque de

 19   commission de crimes par la police de Martic dans la Krajina et la police

 20   de Krajina dans la SAO. Confer cette erreur au paragraphe 2 333 [comme

 21   interprété]. La Chambre de première instance a conclu :

 22   "En continuant à soutenir la police de Krajina de la SAO et à

 23   coopérer avec Milan Martic à partir du mois d'avril 1991, l'accusé a pris

 24   le risque que la police de Krajina de la SAO pouvait commettre des crimes

 25   lors de l'établissement et du maintien du contrôle serbe dans de grandes

 26   régions de Croatie."

 27   La majorité a constaté que ceci ne suffirait pas à réunir les

 28   conditions du critère de l'intention en vertu de l'entreprise criminelle


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  1   commune numéro I. La Chambre a donc conclu qu'il y avait une autre

  2   déduction raisonnable, à savoir que les accusés avaient l'intention

  3   seulement d'aider les autorités de la Région autonome de Krajina pour

  4   établir et maintenir le contrôle territorial. Mais la Chambre de première

  5   instance a rendu ses conclusions, à savoir que les accusés connaissaient

  6   les intentions de Martic qui visaient à expulser la population et savaient

  7   également que Milan Martic et la police dans la Région autonome de la

  8   Krajina étaient en train d'expulser et de maltraiter un nombre important de

  9   non-Serbes. Les accusés n'ont pas pris le risque à savoir que des crimes

 10   seraient commis. Ils étaient sûrs que des crimes seraient commis.

 11   La conclusion de la majorité à savoir qu'il y avait seulement un

 12   risque de crimes était manifestement déraisonnable. Compte tenu de l'appui

 13   répété et important apporté à Milan Martic et à la police de la Krajina, la

 14   seule conclusion possible était que les accusés avaient l'intention de

 15   commettre ces crimes.

 16   Madame, Messieurs les Juges, pour conclure, la Chambre de première

 17   instance a déduit l'intention des accusés sans tenir compte de la question

 18   pertinente, à savoir si les accusés étaient au courant de l'objectif

 19   criminel commun, savaient que des crimes faisaient partie intégrante de la

 20   réalisation du contrôle territorial en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, ce

 21   qui constitue le cœur de cette affaire. Ne pas aborder cette question a

 22   également conduit à ce manquement à l'analyse des éléments de preuve

 23   manifestement pertinents s'agissant de l'existence de cette entreprise

 24   criminelle commune et, ainsi, de tenir compte de l'intention des accusés.

 25   En ne rendant pas des conclusions sur ces faits qui sont essentiels à

 26   la déclaration de culpabilité et en ne présentant pas une analyse

 27   suffisante sur les éléments de preuve, la Chambre de première instance n'a

 28   pas fourni d'opinion motivée. La Chambre de première instance a, par


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  1   conséquent, commis une erreur de droit.

  2   Comme je l'ai dit, Madame, Messieurs les Juges, si vous n'êtes pas

  3   d'accord avec cette erreur de droit, l'Accusation a certainement démontré

  4   que la Chambre de première instance a commis une erreur de fait et de

  5   droit. Quoi qu'il en soit, l'analyse sur l'intention en l'espèce est bien

  6   évidemment erronée, et ceci doit être corrigé.

  7   Mme Jarvis va maintenant, Madame, Messieurs les Juges, aborder la

  8   question du recours qui convient en l'espèce.

  9   Mme JARVIS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 10   comme on a déjà démontré dans nos arguments, dans le jugement il y a

 11   beaucoup d'erreurs de fait qu'il faut corriger. Donc cela nous amène à la

 12   question quelle est la solution et ce qui devrait être fait.

 13   Si le résultat de la réparation des erreurs de fait et de droit est donc

 14   l'annulation des jugements d'acquittement puisqu'ils sont invalides, la

 15   Chambre d'appel a le pouvoir de prononcer des jugements de condamnation à

 16   leur place. Ce pouvoir a été, de façon répétée, confirmé et exercé par la

 17   Chambre d'appel, le plus récemment dans l'affaire Popovic et consorts,

 18   concernant les crimes commis par M. Pandurevic.

 19   Nous acceptons que dans cette affaire la situation est différente, à savoir

 20   que la Chambre d'appel devrait donc remplacer les jugements d'acquittement

 21   par des jugements de condamnation. Mais le principe n'est pas différent par

 22   rapport au principe appliqué lorsqu'on remplace les convictions par des

 23   acquittements partiels.

 24   La Chambre d'appel a conclu qu'elle ne viole pas les droits des

 25   accusés lorsqu'elle prononce des condamnations sans que les accusés aient

 26   le droit d'interjeter appel. Les accusés n'ont pas présenté des nouveaux

 27   arguments par rapport à cela.

 28   Donc, il n'y a aucun doute que la Chambre d'appel a le droit dans


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  1   cette affaire pour corriger les erreurs et pour faire des conclusions

  2   nécessaires à ce qu'elle puisse prononcer des condamnations.

  3   Il y a deux raisons pour lesquelles l'exercice de ce pouvoir doit

  4   être fait.

  5   Comme je l'ai déjà dit, d'abord la Chambre d'appel veut en fait se

  6   pencher sur des conclusions concernant des corrections des erreurs dans

  7   d'autres affaires. En particulier, dans l'affaire Bizimungu, où la Chambre

  8   d'appel du Tribunal pour le Rwanda a conclu qu'il n'y avait pas d'opinion

  9   motivée concernant certaines conclusions juridiques concernant certaines

 10   parties de la base de crime, parce qu'elle n'a pas abordé "les questions

 11   les plus fondamentales dans cette affaire." 

 12   C'est l'arrêt Bizimungu, paragraphe 19.

 13   La Chambre d'appel a analysé, donc, le dossier pour voir si les

 14   convictions peuvent être confirmées en appel.

 15   Deuxièmement, nous ne devrions pas nécessairement supposer que la

 16   nature des conclusions factuelles dans cette affaire serait

 17   inacceptablement [phon] compliquée. Dans l'affaire Bizimungu, la Chambre

 18   d'appel était en mesure d'arriver à des conclusions pour ce qui est de

 19   l'élément moral qui manquait, incluant l'élément moral pour le crime du

 20   génocide, parce qu'elle nie les actes criminels sous-jacents dans le

 21   contexte de la campagne systématique de crimes au Rwanda à l'époque, ce qui

 22   a --

 23   Et essentiellement, il faut faire la même chose dans cette affaire.

 24   Dans cette affaire, il faut regarder les actes et les déclarations des

 25   accusés dans le contexte approprié, dans le contexte de la campagne

 26   criminelle à grande échelle de nettoyage ethnique dans les trois parties

 27   ciblées en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.

 28   Ensuite, il faut se pencher sur le scénario des crimes commis dans


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  1   ces trois régions, ce que les accusés savaient par rapport à cela, avec qui

  2   ils ont coopéré pendant ces quatre ans, ce qu'ils ont fait et ce qu'ils

  3   n'ont pas fait.

  4   Le monde entier suivait ce qui se passait et a compris, évidemment,

  5   ce qui se passait en Croatie et en Bosnie-Herzégovine pendant la période

  6   couverte par l'acte d'accusation au point que le terme "nettoyage ethnique"

  7   soit devenu un terme du vocabulaire contemporain. Les victimes dans les

  8   villages qui étaient systématiquement attaqués, nettoyés et rasés, ils

  9   savaient ce qui se passait dans ces villages. Il est inconcevable que les

 10   deux accusés dans cette affaire n'aient pas compris ce qui se passait à

 11   l'époque.

 12   De plus, comme M. Marcussen et moi-même avons expliqué en exposant

 13   nos arguments aujourd'hui, les problèmes dans l'analyse de la majorité des

 14   Juges pour ce qui est de l'intention partagée ont leur origine dans deux

 15   omissions-clés : d'abord, la majorité n'a pas rendu de conclusions

 16   concernant l'existence de objectif criminel commun pour ce qui est du

 17   nettoyage ethnique; et, deuxièmement, la majorité n'a pas considéré les

 18   contributions des accusés répétées pour ce qui est de leurs connaissances

 19   de l'objectif criminel commun.

 20   Donc, pour corriger ces deux omissions, il est nécessaire de se

 21   pencher sur ces faits. Et bien que la Chambre de première instance ait omis

 22   de considérer ces deux facteurs cruciaux dans son analyse pour ce qui est

 23   de l'intention partagée, la Chambre de première instance est arrivée à des

 24   conclusions sous-jacentes à un autre endroit dans le jugement que c'est

 25   pertinent pour ce qui est de ces questions.

 26   Pour vous donner une idée par rapport à cela, nous avons un

 27   transparent contenant les références de mon explication. La Chambre de

 28   première instance a accepté qu'il y ait eu une compagne d'expulsion massive


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  1   en Krajina d'avril 1991 à avril 1992. Elle a accepté que Milan Martic, le

  2   dirigeant politique serbo-croate en Krajina, avait eu l'intention

  3   d'expulser les non-Serbes et a utilisé des instruments sous son contrôle,

  4   la police de Krajina et la Défense territoriale, pour commettre ces crimes

  5   afin d'atteindre son objectif. Elle a accepté que Stanisic et Simatovic

  6   avaient soutenu et aidé ces instruments de façon cohérente et répétée

  7   pendant plus d'un an en sachant que Milan Martic avait l'intention de

  8   commettre les crimes.

  9   La Chambre de première instance a également accepté de façon expresse que

 10   les attaques sur des villes particulières en SAO de Krajina et en SAO SBSO

 11   avaient "l'objectif de forcer la population locale de partir afin d'établir

 12   un territoire purement serbe." La Chambre de première instance a conclu en

 13   outre qu'il y avait une attaque discriminatoire et de grande échelle contre

 14   la population civile non-serbe dans les trois zones géographiques, la SAO

 15   de Krajina, la SAO SBSO et les municipalités visées dans l'acte

 16   d'accusation en Bosnie-Herzégovine.

 17   Madame, Messieurs les Juges, étant donné que les accusés savaient que ces

 18   crimes faisaient partie intégrante du processus de prise de contrôle et de

 19   maintien du contrôle territorial et qu'ils savaient que des crimes en masse

 20   étaient en train d'être commis afin de poursuivre l'objectif criminel

 21   commun, la seule déduction raisonnable possible que l'on puisse tirer de

 22   cela de leur aide continue pendant plusieurs années c'est qu'ils

 23   partageaient l'intention qui sous-tendait l'objectif criminel commun.

 24   De même, les preuves nécessaires pour fournir une réparation au moyen

 25   d'appel alternatif de l'Accusation sur l'aide et l'encouragement ne doivent

 26   pas être très larges; en particulier, le critère de visée spécifique, si on

 27   le retire de l'équation, les Juges de la Chambre de première instance, dans

 28   leurs conclusions, fournissent un fondement important pour la condamnation


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  1   pour aide et encouragement.

  2   Dans l'affaire Bizimungu, la Chambre d'appel du TPIR, suite aux

  3   plaidoiries, a demandé un argument supplémentaire par écrit. Elle a donné

  4   l'occasion aux parties de donner davantage d'informations pour aider la

  5   Chambre à apporter ses conclusions. Je vous renvoie là au paragraphe 24 de

  6   l'arrêt. Vous devriez envisager la même possibilité pour les parties en

  7   l'espèce.

  8   Mais au bout du compte, Madame, Messieurs les Juges, c'est à vous de

  9   vous prononcer. Si vous estimez que cette affaire ne doit pas faire l'objet

 10   d'une révision de la part de la Chambre d'appel, vous devriez renvoyer

 11   l'affaire à une autre Chambre. Il ne s'agirait pas d'un nouveau procès mais

 12   d'un renvoi pour se prononcer à nouveau sur les accusations qui ont été

 13   portées contre les deux accusés à partir des éléments de preuve qui

 14   existent déjà.

 15   Donc, c'est à vous de déterminer ces paramètres de renvoi, mais il

 16   serait important de tenir compte du fait que ces instructions de renvoi

 17   contiennent des informations précises sur la nature des erreurs commises

 18   par la Chambre de première instance et la procédure idoine à suivre. En

 19   particulier, ces instructions devraient inclure des éléments à prendre en

 20   considération comme, par exemple : les pièces du puzzle manquantes pour

 21   l'analyse de l'entreprise criminelle commune de la Chambre de première

 22   instance - à savoir si l'objectif criminel commun allégué existait, sa

 23   nature, son ampleur; les membres-clés de l'entreprise criminelle commune;

 24   les instruments utilisés par l'entreprise criminelle commune pour commettre

 25   ces crimes; et plus important encore, ce que l'accusé savait sur l'objectif

 26   criminel commun, les crimes impliqués, les instruments utilisés et les

 27   crimes commis pour le poursuivre.

 28   Alors, si les Juges de la Chambre décident de ne pas se plier à ces


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  1   options proposées, eh bien, il faudrait un nouveau procès. Mais il ne

  2   s'agirait pas de la voie de recours la plus appropriée d'après nous. Le

  3   problème, en fait, n'est pas le dossier en l'espèce. C'est de ne pas s'être

  4   prononcé de façon adéquate sur les éléments de preuve qui ont déjà été

  5   portés au dossier. Les intérêts de la justice ne penchent pas en faveur

  6   d'un nouveau procès.

  7   En conclusion, les erreurs fatales dans l'analyse de la majorité des

  8   Juges de la Chambre de première instance doivent être remédiées. Ne rien

  9   faire n'est pas une option en l'espèce, car il y a eu un manquement

 10   fondamental de se prononcer sur des questions pertinentes de la part de la

 11   Chambre de première instance, ce qui veut dire que la communauté des

 12   victimes et la communauté internationale ne voient pas leur promesse de

 13   justice remplie. Alors, il s'agit d'une affaire d'entreprise criminelle

 14   commune, et pour refléter de façon adéquate la culpabilité des accusés, il

 15   faudrait les condamner dans ce cadre-là.

 16   La Chambre d'appel doit trouver une façon pour que la justice soit

 17   rendue de façon définitive.

 18   Je vous remercie, Madame, Messieurs les Juges.

 19   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

 20   Juge Agius.

 21   [La Chambre d'appel se concerte]

 22   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Le Juge Agius voudrait vous poser une

 23   question. Allez-y, je vous en prie.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Madame Jarvis. Bonjour.

 25   Après avoir suivi attentivement vos derniers arguments à propos des voies

 26   de recours que vous demandez, et plus particulièrement s'agissant de votre

 27   dernier argument, j'ai l'impression que vous exprimez un certain

 28   scepticisme quant à un nouveau procès pour les raisons que vous avez


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  1   évoquées il y a quelques instants. Vous avez également parlé d'autres voies

  2   de recours. Et s'agissant d'un nouveau procès, vous avez déclaré qu'à vos

  3   yeux il ne s'agissait pas de la meilleure solution.

  4   Alors, ma question est la suivante : quelle serait la meilleure

  5   solution pour vous ?

  6   Mme JARVIS : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, d'après nous, la

  7   Chambre d'appel devrait corriger les erreurs par elle-même et prononcé les

  8   condamnations idoines. Voilà notre point de vue.

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 10   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Est-ce qu'il y a d'autres questions de

 11   la part de nos collègues ?

 12   Si ce n'est pas le cas, nous allons faire une pause, et nous reprendrons à

 13   13 heures. Nous allons commencer par le conseil de la Défense de M.

 14   Stanisic, et puis nous suivrons avec le conseil de la Défense de M.

 15   Simatovic.

 16   Donc, nous allons faire une pause d'une heure 30.

 17   --- L'audience est suspendue à 11 heures 30.

 18   --- L'audience est reprise à 13 heures.

 19   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous reprenons notre audience. Je vais

 20   inviter le conseil de M. Stanisic à répondre pendant une heure.

 21   M. JORDASH : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges. Bonjour à

 22   vous.

 23   Le 30 mai 2013, plus de dix ans après son arrestation, Jovica Stanisic a

 24   été acquitté de tous les chefs retenus contre lui. Même s'il a toujours nié

 25   toute implication dans les crimes, il a compris et comprend aujourd'hui que

 26   le fait d'occuper un poste haut placé au sein du gouvernement de Serbie à

 27   l'époque, à la lumière de terribles crimes, signifiait que des questions

 28   devaient être posées et qu'il fallait y trouver les réponses, la justice


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  1   doit être rendue et doit être perçue comme avoir été rendu.

  2   Cependant, la justice est souvent lente et pesante et qui a un prix,

  3   en particulier lorsque c'est long et pesant et que cela est lourd pour

  4   l'Accusation qui surcharge les actes d'accusation d'allégations qui font

  5   valoir des allégations éclatantes qu'un seul individu est aux commandes et

  6   qu'il est aux commandes de chaque structure politique et militaire et, par

  7   conséquent, responsable de tous les crimes sur des milliers de kilomètres

  8   carrés et en lien avec cela, il y a des allégations sans discernement, à

  9   savoir que chaque membre des forces serbes est un criminel agissant pour

 10   réaliser une campagne de violence contre les civils.

 11   Pendant plus de dix ans, M. Stanisic a dû faire face à ces

 12   allégations et sur lui a pesé la menace d'une peine d'emprisonnement à vie.

 13   Ce procès lui a coûté cher, cela a sapé son droit à la liberté, sa vie de

 14   famille et sa santé. Il a été déclaré inapte à être jugé. Il a fallu

 15   modifier les procès pour tenir compte de son mauvais état de santé, le

 16   procès étant limité à deux, trois jours par semaine, avec des pauses de 75

 17   minutes. D'aucuns diraient tel est le prix à payer pour faire établir sa

 18   responsabilité. Soyons clairs, il occupait un poste élevé, la Chambre de

 19   première instance a constaté qu'il aurait pu être impliqué dans des crimes,

 20   et peut-être qu'il a eu de la chance. Pourquoi devrait-il se plaindre ?

 21   Cependant, la Chambre de première instance a tenu compte

 22   d'allégations qui couvraient l'ensemble de la Croatie et de la Bosnie-

 23   Herzégovine sur plus de cinq ans. La majorité de la Chambre n'a cessé de

 24   constater qu'il y avait un doute raisonnable concernant sa culpabilité.

 25   Dans le cas où cela a un quelconque sens, alors cela signifie également que

 26   nous reconnaissons que M. Stanisic a payé un prix lourd suite au procès qui

 27   a mené à son acquittement.

 28   Cette administration de la justice, ainsi que le prix sous toutes ces


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  1   formes, qui devrait peser lourdement sur l'Accusation au moment où elle

  2   définit les paramètres de son appel. La juridiction d'appel est limitée, et

  3   ce, à dessein. Son but n'est pas de permettre à l'une des parties

  4   mécontente de croquer encore dans la pomme. Il ne s'agit pas de pouvoir

  5   plaider à nouveau ni de régurgiter les arguments présentés lors du procès

  6   dans l'espoir qu'il sera possible de convaincre d'autres Juges du

  7   contraire.

  8   Comme nous l'avons fait valoir dans notre réponse et nous continuons

  9   à faire valoir au cours de cette heure, cet appelant a adopté une autre

 10   approche. Plutôt que de présenter un appel prudent qui est conforme aux

 11   critères d'examen en appel, les arguments de l'appelant s'écartent des

 12   axiomes principaux d'arguments présentés en appel et tiennent suffisamment

 13   compte du respect de la procédure qui, finalement -- mais ne respectent pas

 14   la procédure interne, ne soutient pas l'administration de la justice.

 15   Quand bien même les arguments de l'appelant seraient fondés, cette

 16   approche soulève le doute et est controversée.

 17   Son droit fondamental humain doit lui permettre de revoir sa

 18   condamnation, ainsi que la peine imposée, et ce, devant une juridiction ou

 19   une instance supérieure. Ce principe s'inscrit, entre autres, à l'article

 20   14(5) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

 21   Néanmoins, l'Accusation demande à la Chambre de prononcer une déclaration

 22   de culpabilité en appel pour la première fois, bien qu'il n'y a aucun

 23   examen des faits par une instance supérieure des intimés condamnés devant

 24   ce Tribunal, que l'appelant vous demande avec insistance d'avaliser sur la

 25   première fois et la dernière fois qu'une déclaration de culpabilité serait

 26   prononcée de la sorte.

 27   Compte tenu du fait que cela signifierait également que l'Accusation

 28   pourrait ainsi croquer à deux fois dans la pomme, ceci constituerait le


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  1   comble de l'ironie.

  2   Nous faisons valoir que la Chambre d'appel est tenue d'appliquer les

  3   pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l'article 25(2), et ce,

  4   conformément aux droits fondamentaux de l'homme, notamment le droit d'avoir

  5   toute condamnation faire l'objet d'un examen par une instance supérieure.

  6   Comme le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a clairement

  7   indiqué, c'est un commentaire général sur le sujet, et je cite :

  8   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française, il s'agit d'une

  9   traduction libre.

 10   M. JORDASH : [interprétation] "Article 14, paragraphe 5, est violé, non

 11   seulement si la décision par la chambre de première instance est

 12   définitive, mais également lorsqu'une condamnation est imposée par une

 13   chambre d'appel, un tribunal d'appel ou une chambre en dernière instance

 14   suite à un acquittement d'un tribunal d'instance en vertu du droit national

 15   lorsque ceci ne peut pas faire l'objet d'un examen par une instance

 16   supérieure, le cas --"

 17   L'INTERPRÈTE : Inaudible.

 18   M. JORDASH : [interprétation] "…contre l'Espagne."

 19   Rien dans cet article 25 ne ressemble de près ou de loin au respect

 20   des droits fondamentaux de l'homme. Ceci n'a pas été aboli, à supposer même

 21   que le Conseil de sécurité aurait été compétent pour abolir une telle

 22   protection fondamentale. Effectivement, c'est tout à fait le contraire.

 23   L'article 25 précise clairement que l'Accusation en appel doit démontrer

 24   deux choses pour pouvoir obtenir des mesures. En appel en vertu de

 25   l'article 25(1)(A), le Procureur doit montrer que la Chambre de première

 26   instance n'a pas commis d'erreurs de droit, mais a commis des erreurs qui

 27   invalident le jugement. Au terme de l'article 25(1)(B), il existe un seuil

 28   supérieur, et l'Accusation doit démontrer qu'il y a eu erreurs de fait de


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  1   la part de la Chambre de première instance et que cette erreur est d'une

  2   telle importance qu'elle a conduite à un déni de justice.

  3   Il s'agit donc d'un seuil extrêmement élevé. Et malgré cela, comme

  4   chaque élément en l'espèce, l'Accusation adopte la position qui, d'après

  5   nous, est incroyablement ambitieuse, à savoir que les mesures sollicitées

  6   dans le cadre de cet appel constituent le remplacement d'un acquittement

  7   par une condamnation sans aucune perspective d'examen et l'imposition d'une

  8   peine d'emprisonnement à vie, encore une fois, sans examen.

  9   Aucune explication n'est fournie quant à savoir comment l'article

 10   25(2), associé à l'article 25(1) dans le contexte du Statut dans son

 11   ensemble, serait susceptible de produire un résultat qui, d'après le Comité

 12   des droits de l'homme, est en des termes très peu ambigus, considéré comme

 13   illégal. Cent soixante huit Etats de par le monde ont l'obligation

 14   d'adhérer à ce critère minimum. L'appelant ne fournit aucune raison, une

 15   institution du TPIY, pourquoi elle n'a pas de protection, et l'avancement

 16   en matières des droits de l'homme qui s'inscrit dans les travaux du Comité

 17   des droits de l'homme des Nations Unies.

 18   Cet argument est un argument de compétence. L'article 25 peut être

 19   considéré ou interprété à la lumière du respect d'un droit fondamental, et

 20   cela doit être le cas ici.

 21   La Chambre de première instance [comme interprété] ne peut pas simplement

 22   le dire et appliquer le contraire. Mais nous ne tournons pas le dos à ce

 23   point essentiel : si la Chambre de première instance constate qu'il y a

 24   quelque part un bien-fondé prima facie dans les motifs en appel présentés

 25   par l'Accusation éparpillés aux quatre vents, la Chambre ne peut pas en

 26   même temps, en tant qu'institution judiciaire, imposée une condamnation et

 27   une peine sans que l'Accusation ait même expliqué pourquoi elle a la

 28   compétence pour le faire.


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  1   En outre, les intimés ont eu une heure pour s'adresser à la Chambre.

  2   Si vous trouvez qu'il y a quelque chose d'intéressant au niveau du

  3   réchauffé présenté par l'Accusation, nous faisons valoir au nom de

  4   Stanisic, que nous n'avons pas suffisamment de temps et nous n'avons pas

  5   été notifiés suffisamment pour pouvoir présenter notre appel - ce qui

  6   pourrait au vu des Juges de la Chambre éventuellement conduire à une

  7   condamnation et à une peine.

  8   Outre ces questions d'ordre juridique, nous allons maintenant aborder

  9   la question de discussion plus détaillée et de défendre une tentative

 10   visant à envoyer l'appelant en prison à vie, l'Accusation ayant le dernier

 11   mot aujourd'hui.

 12   Nous allons laisser de côté ces questions juridiques, et maintenant

 13   avoir une discussion sur l'approche qui convient concernant les critères en

 14   appel.

 15   Cet appel, conformément aux arguments présentés par l'appelant aux

 16   moyens 1 et 2, invoque des erreurs de droit. Nous n'allons pas plus avant

 17   aborder la question du moyen d'appel numéro 3 et des erreurs alléguées de

 18   fait, à moins que vous le souhaitiez. Ils sont tellement sans fondement que

 19   nous n'allons pas y consacrer davantage de temps.

 20   Cependant, les moyens 1 et 2 risquent d'obscurcir les vrais

 21   problèmes, et nous devons aider les Juges de la Chambre d'appel à révéler

 22   la stratégie inhérente à cela.

 23    Comme le sait sans doute l'appelant, lorsque la Chambre d'appel

 24   constate qu'il y a erreur de droit, la Chambre l'applique aux constatations

 25   factuelles. Ce n'est que dans le cas où il n'y a pas de constatation

 26   factuelle pertinente que la Chambre d'appel examine le dossier. Il ne

 27   suffit pas à l'appelant de démontrer qu'il y a eu erreur de droit.

 28   L'appelant doit démontrer qu'il y a eu des constatations factuelles


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  1   pertinentes qu'elles souhaitent éviter que les conclusions ne permettent

  2   pas de dire qu'un juge de fait raisonnable aurait pu parvenir à ces

  3   constatations qui ont donné lieu à un déni de justice.

  4   Ceci est essentiel au niveau de cet appel. Dans la branche du moyen

  5   d'appel (1)(A), l'appelant fait valoir que l'erreur manifeste juridique de

  6   la majorité consiste à ne pas avoir prononcé un jugement sur ou n'avoir pas

  7   fourni une opinion motivée sur l'existence objective de l'objectif criminel

  8   commun et la contribution des accusés à cet objectif commun, il s'agit

  9   d'une erreur qui invalide le jugement. Il fait également valoir que la

 10   Chambre de première instance n'a pas abordé la question de l'objectif

 11   criminel commun comme il se doit, illustrer par son évaluation des actions

 12   de l'accusé et sa contribution à certains crimes mais pas en tant que

 13   contributions à l'objectif criminel commun.

 14   Il doit être clair aux yeux des Juges de la Chambre et de l'appelant, que

 15   même si ceci est sans fondement, cette erreur juridique ne peut pas rendre

 16   chaque constatation factuelle favorable à l'accusé. Dans le meilleur des

 17   cas, cela n'aurait pu avoir une incidence que sur certaines constatations,

 18   comme certaines évaluations de l'intention partagée, mais ne peut pas

 19   donner lieu à des constatations factuelles qui aborderaient la question du

 20   comportement des membres de l'entreprise criminelle commune ou de leurs

 21   instruments et, de ce, agissant légalement, y compris M. Stanisic, et leur

 22   interaction entre eux.

 23   Par exemple, l'appelant accepte au paragraphe 23 de l'appel que la Chambre

 24   de première instance a conclu que les accusés avaient contribué à certains

 25   crimes. L'appelant ne souhaite pas admettre que la Chambre, qui faisait ces

 26   évaluations, a abordé la question des moyens criminels de l'entreprise

 27   criminelle commune et non pas seulement d'événements criminels

 28   particuliers. Mais acceptent que de telles constatations ont été faites. Il


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  1   s'agit d'un aveu essentiel. Cela signifie que la Chambre de première

  2   instance avait les cubes qu'il convenait de mettre en avant pour fournir

  3   une opinion motivée sur la responsabilité dans le cadre de l'entreprise

  4   criminelle commune; ceci ne peut pas simplement être mis de côté.

  5   Ce qui signifie que si la Chambre de première instance n'a pas prononcé de

  6   jugement sur l'objectif criminel commun, il y a une multitude de

  7   conclusions qui n'ont pas été abordées.

  8   Comme la Chambre d'appel a clairement indiqué dans l'affaire Krajisnik,

  9   c'est l'objectif commun qui fait qu'une pluralité de personnes devient un

 10   groupe ou une entreprise, et c'est cette pluralité qui a quelque chose de

 11   commun avec l'objectif. Ces personnes dans le cadre d'une entreprise

 12   criminelle commune dont il faut prouver que ces personnes ont agi ensemble

 13   de concert à la mise en œuvre d'un objectif criminel commun si ces

 14   personnes doivent partager la responsabilité des crimes commis dans le

 15   cadre de l'entreprise criminelle commune.

 16   Vous le comprendrez certainement, Madame, Messieurs les Juges, que

 17   l'évaluation de l'importance de la contribution des accusés est

 18   essentielle. Tout d'abord, la contribution essentielle d'un accusé lorsque

 19   l'accusé commet ces crimes dans le cadre de l'objectif commun, ceci est

 20   assimilable à l'actus reus individuel de chaque accusé. La contribution est

 21   importante. Et un juge du fait peut en déduire que l'accusé disposait de le

 22   mens rea requis pour les crimes en question.

 23   Ceci ne doit pas être confondu avec le fait que l'appelant a dû commettre

 24   un crime eu égard à l'objectif commun. Nous acceptons qu'il peut y avoir un

 25   individu qui a contribué à l'objectif commun même s'il ne s'agit pas d'un

 26   comportement criminel. Cependant, cette contribution doit avoir été

 27   favorisée par des moyens criminels.

 28   En l'espèce, la Chambre de première instance a suivi précisément ces


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  1   exigences. Elle a évalué la contribution de Stanisic à chacun des moyens

  2   criminels et pas, comme le suggère l'appelant, à des crimes spécifiques, et

  3   a utilisé ces constatations de fait lorsque cela a été nécessaire pour

  4   déduire qu'il n'avait pas partagé d'intention criminelle en vue de réaliser

  5   l'objectif criminel commun ou toute responsabilité pour entreprise

  6   criminelle commune de catégorie une.

  7   Ayant conclu qu'une déduction raisonnable existait selon laquelle pendant

  8   la période couverte par l'acte d'accusation, cinq ans, il avait agi de

  9   façon systématique pour atteindre des objectifs militaires, et pas les

 10   moyens criminels, la majorité des Juges de la Chambre avait pour devoir de

 11   l'acquitter.

 12   Dans ces circonstances, les constatations factuelles que l'appelant accepte

 13   ont été portées sur la contribution de l'intimé à des crimes et cela doit

 14   rester le cas, et plusieurs constatations liées telle que la contribution

 15   des hommes de la DB, les contributions aux membres de l'entreprise

 16   criminelle commune à des  crimes, l'occurrence et le schéma des crimes, les

 17   interactions avec plusieurs auteurs, les interactions avec ceux qui ont

 18   participé à une activité légitime, et cetera, et cetera doivent également

 19   être maintenues.

 20   Si l'appelant veut contester ces faits, il peut le faire, mais il doit

 21   démontrer un manque d'éléments raisonnables et un déni de justice qui en

 22   découle.

 23   Si l'appelant est capable d'identifier des erreurs de fait dans ces

 24   calculs, alors il doit les argumenter. Et pas les écarter.

 25   Bien sûr, l'appelant se rend compte, étant donné la façon systématique et

 26   tout à fait raisonnable du raisonnement de la majorité des Juges de la

 27   Chambre de première instance dans l'évaluation de l'entreprise criminelle

 28   commune et la faiblesse des constatations factuelles suggérant que Stanisic


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  1   interagissait avec les auteurs allégués de l'entreprise criminelle commune

  2   pour commettre les crimes, leur argument ne tient pas la route.

  3   De même dans le moyen 1(B), l'appelant essaie de faire valoir que la

  4   Chambre de première instance avait commis une erreur en n'appliquant pas de

  5   critère juridique aux éléments de preuve. Tout d'abord, envisager des

  6   morceaux d'éléments de preuve, et deuxièmement, appliquer le critère au-

  7   delà de tout doute raisonnable à des parties séparées d'éléments de preuve.

  8   Nous allons les examiner l'un après l'autre. Dans les paragraphes 3, 4, et

  9   6, le jugement reprend en détail les crimes de meurtre, de persécution,

 10   d'expulsion, de transfert forcé. Les auteurs, leurs interactions pour

 11   commettre le crime, l'activité militaire et l'interaction avec l'activité

 12   militaire légitime, et le rôle de Stanisic et l'interaction dans tous ces

 13   événements.

 14   Si le moyen 1(B) est fondé, il revient à la Chambre d'appel de renvoyer

 15   l'affaire à la Chambre de première instance pour qu'elle examine toutes ces

 16   constatations factuelles à la lumière du critère juridique adéquat et

 17   appliquer le critère correct de la charge de la preuve aux constatations

 18   factuelles qui ont déjà été constatées.

 19   De même, s'agissant du moyen numéro 2, l'appelant affirme une erreur

 20   de droit alléguée s'agissant de l'exigence de la visée spécifique. Bon, à

 21   la lumière de cela, il n'y a rien qui permette de supposer que cette

 22   erreur, si elle a eu lieu, était une erreur qui a eu une incidence sur les

 23   constatations factuelles portant sur le comportement de l'accusé, l'aide et

 24   l'éloignement et la proximité dans leur évaluation. Là encore, la Chambre

 25   de première instance n'aurait qu'à appliquer l'approche nécessaire aux

 26   critères de preuve s'agissant des constatations factuelles qui ont déjà été

 27   tirées.

 28   Après avoir apprécié la nature détaillée du jugement et ces culs-de-


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  1   sac juridiques, même si l'appelant peut démontrer ces erreurs de droit, la

  2   constatation factuelle qui sous-tend tout cela -- les conclusions sont

  3   multiples et raisonnables, mais l'appelant change son fusil d'épaule.

  4   Alors, il faudrait montrer un transparent à ce stade-ci, et là vous

  5   aurez un résumé de l'approche que l'appelant a adoptée pour interjeter

  6   appel. Nous allons donner deux, trois exemples de cette approche en quatre

  7   temps.

  8   Alors, première étape, l'appelant prend quelques constatations

  9   factuelles triées sur le volet qui servent son objectif pour recommencer

 10   l'examen. Et comme nous allons le voir dans quelques instants, l'appelant

 11   se concentre sur la détermination de la présence de Stanisic ou de ses

 12   associés dans les zones de guerre.

 13   Deuxième étape, l'appelant écarte certaines constatations factuelles

 14   gênantes sans essayer de démontrer que la Chambre de première instance

 15   avait commis une erreur de fait ou de droit. Cela lui permet de faire en

 16   sorte que ses faits favoris soient sortis du contexte et puissent être

 17   remontés dans la troisième étape.

 18   Et c'est cette troisième étape qui vient à présent. A la place de ces

 19   constatations factuelles gênantes qui ne lui seyent guère, l'appelant, en

 20   utilisant les conclusions de sa première étape, reconstruit le tout pour

 21   reproduire de nouvelles constatations factuelles qu'il voudrait que la

 22   Chambre de première instance tire. Et, bien sûr, il n'y a pas de tentative

 23   d'équilibre ou d'explication. Ces éléments sont choisis simplement parce

 24   que l'intimé pourrait paraître coupable et qu'un doute pourrait être jeté

 25   sur les décisions raisonnées prises à la majorité des juges.

 26   Alors, un appelant a beaucoup de choses à expliquer pour pouvoir

 27   parachuter 260 éléments de preuve du dossier d'instance dans un appel, et

 28   c'est ce qu'il essaye de faire. 


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  1   L'exigence selon laquelle il faut établir une priorité dans les

  2   constatations en fonction des preuves concorde avec la notion d'une Chambre

  3   de première instance ayant comme fonction essentielle de constater les

  4   faits. Bien sûr, la Chambre d'appel est bien au courant de cela et ne va

  5   pas commencer à perturber ces constatations de fait qui avaient été tirées

  6   par la Chambre de première instance.

  7   Etape numéro 4. Dans cette étape, l'appelant décore sa demande de

  8   nouvelle considération avec une garniture de culpabilité. Il a reconstruit

  9   toutes ces constatations factuelles, les éléments de preuve. Sa dernière

 10   étape, dans sa méthodologie, est d'encourager la Chambre de premier appel

 11   d'attribuer cette culpabilité par association de plusieurs façons en

 12   utilisant une présomption de culpabilité fourre-tout qui commence par la

 13   critère absurde suggérant que toute action de n'importe quel membre du

 14   corps politique ou militaire serbe a dû avoir lieu pour commettre le crime

 15   et qu'il y avait une campagne de violence contre les civils.

 16   Ce matin, nous avons entendu dire à plusieurs occasions de la part de

 17   l'appelant que nous devrions partir du postulat que ces opérations visaient

 18   à prendre le contrôle territorial et qu'il s'agissait en fait de nettoyage

 19   ethnique. L'appelant a déclaré également ce matin que la Chambre devait

 20   partir du principe que les crimes faisaient partie inhérente de l'opération

 21   de prise. Et c'est la seule façon de faire tenir la route à son

 22   argumentation pour l'appelant, une présomption de culpabilité. Conclure que

 23   les crimes étaient une composante inhérente de toutes les opérations est

 24   des constatations ou des conclusions que la Chambre de première instance

 25   n'a pas tirées. En fait, la Chambre de première instance a fait le

 26   contraire dans l'intégralité du jugement.

 27   L'exemple du hold-up d'une banque est totalement contraire et ne

 28   démontre qu'une seule chose : la présomption de culpabilité de


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  1   l'Accusation. Le conducteur conduit la voiture à la banque pour qu'il y ait

  2   hold-up, alors qu'en espèce la majorité des Juges de la Chambre avait

  3   conclu que le conducteur avait conduit les hommes à la banque pour retirer

  4   de l'argent de façon tout à fait légale et que ce sont d'autres personnes

  5   qui ont volé la banque par la suite. Là, il y a un distinguo à effectuer,

  6   qui est reflété dans les constatations factuelles, mais qui ne se fonde pas

  7   sur une présomption de culpabilité. Le seul fait était le vol de la banque.

  8   Et cette allégation a été rejetée à juste titre par la majorité après

  9   soumission d'éléments de preuve détaillés. La Défense de M. Stanisic s'est

 10   exprimée et a avancé que Stanisic participait dans une activité de guerre

 11   légitime. Il y a eu des témoins et on a conclu que la présomption de

 12   l'Accusation était erronée.

 13   Maintenant, passons à certains détails de cette révision de novo

 14   demandée par l'appelant. Cette révision de novo place cette Chambre ou

 15   tente de placer cette Chambre dans la position peu envieuse de se prononcer

 16   sur des questions essentielles de culpabilité, si l'approche est acceptée,

 17   sans donner le bénéfice d'un point de vue équilibré sur 4 843 éléments de

 18   preuve et plusieurs années de procès. La majorité des Juges a conclu qu'une

 19   campagne de violence contre des civils était la seule chose qui avait eu

 20   lieu. Le jugement parle de lui-même. Des opérations de défense, des

 21   opérations pour saisir un territoire sans crimes sont décrites.

 22   Un examen de la stratégie en quatre étapes de l'appelant nous apprend

 23   beaucoup de choses.

 24   Aux paragraphes 51 et 52 - c'est le transparent numéro 2 - du mémoire

 25   en appel, nous voyons dans quelle mesure cette révision de novo essaye

 26   d'attendre son objectif. L'appelant veut revoir toute l'affaire. Mais vu

 27   l'autorité de l'accusé sur la SDB, aucune Chambre, aucun juge raisonnable

 28   ne pourrait conclure que le déploiement systématique d'avoirs de la SDB


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  1   pour mettre en œuvre l'objectif criminel commun a eu lieu sans que l'accusé

  2   n'en ait eu connaissance ou sans sa volonté.

  3   Alors, ce n'est pas ce que la majorité des Juges a conclu. Il n'y a

  4   pas eu d'emploi systématique afin de mettre en œuvre un objectif criminel

  5   commun.

  6   Pour détricoter l'étape numéro 1 de l'Accusation, regardons Golubic.

  7   Golubic était le premier camp d'entraînement que l'Accusation a suggéré

  8   comme étant le début ou une partie du début de l'entreprise criminelle

  9   commune.

 10   Alors, ce remaniement en quatre étapes de l'Accusation, qu'implique-

 11   t-il ? Eh bien, aux paragraphes 51 et 52 de l'appel, justement, la Chambre

 12   d'appel est encouragée à se pencher sur l'annexe A qui contient des

 13   conclusions d'après l'appelant prouvant que la Sûreté d'Etat serbe avait

 14   des avoirs de la DB dans toutes les zones de guerre. Alors dire "avoirs",

 15   c'est utiliser un terme qui a bien plus mauvaise réputation que employés ou

 16   associés de la DB. Mais ce n'est qu'une tentative de la part de l'appelant

 17   de transformer ce qui existe pour pouvoir revoir les faits, et c'est sur

 18   ces fondements, c'est sur cette pierre angulaire que l'appelant veut

 19   construire sa nouvelle thèse.

 20   Alors, par exemple, l'annexe A contient des constations factuelles portant

 21   sur le camp d'entraînement en Croatie, à Golubic. L'annexe A énumère

 22   plusieurs paragraphes du jugement qui reprennent les constatations de la

 23   Chambre selon lesquelles les employés ou des associés de la Sûreté de

 24   l'Etat avaient créé, financé, et géré Golubic.

 25   L'appelant se fonde sur des constatations - aux paragraphes 1 366, 1 367 et

 26   1 421 du jugement - qui nous montrent que les interactions de l'accusé avec

 27   les auteurs des crimes, tels que Martic et le capitaine Dragan, ainsi que

 28   l'établissement de l'unité.


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  1   Mais l'appelant n'essaie pas d'aborder ces constatations. Au

  2   contraire, nous passerons à l'étape numéro 2 de la stratégie de l'appelant,

  3   et l'annexe A ne fait que répéter les constatations factuelles qui

  4   établissent la présence des avoirs de la DB, rien de plus.

  5   Bien sûr, au point 2, si on ne tient pas des constatations factuelles, et

  6   de cette poursuite collective de l'objectif commun avec l'intention

  7   criminelle qui définit le fait d'appartenir à une pluralité de membres à

  8   l'appartenance criminelle commune, après avoir établi que les agents de la

  9   DB étaient physiquement présents à Golubic, autour de Golubic, l'appelant

 10   demande à ce que soient rejetées les constatations factuelles de la Chambre

 11   de première instance et de fournir des éléments de preuve irréfutables. Ils

 12   ne portent pas à l'attention de la Chambre d'appel à une série de

 13   constatations au paragraphe 2 197 qui montrent que la formation avait un

 14   caractère militaire et comprenait des armes et la formation aux embuscades

 15   ainsi que le traitement des prisonniers de guerre, le traitement de civils

 16   dans le cadre de conflit armé.

 17   Bien sûr que ces constatations ont posé lourdement sur les

 18   délibérations de la majorité, et ont pesé lourdement sur les constations

 19   rendues par la majorité, à savoir que ce camp et que l'interaction de

 20   Stanisic avec celui-ci ne lui permettait pas de déduire qu'il contribuait à

 21   la réalisation de l'objectif criminel commun. Bien sûr, si un camp

 22   d'entraînement est établi et qu'il faut obéir aux lois de la guerre, c'est

 23   une constatation qui est fort importante, mais pas d'après la stratégique

 24   qui consiste à re-plaider sa thèse.

 25   Au point 3, il s'agit de rassembler ces constatations étroites et

 26   limitées. Et comme ils commencent à reconstruire ces constatations

 27   factuelles, et trient sur le volet des éléments de preuve pris au dossier,

 28   et cela fait ressembler la participation de Stanisic à une contribution à


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  1   un objectif criminel commun. Au paragraphe 61 de l'appel, l'appelant fait

  2   valoir que Stanisic et Martic s'étaient mis d'accord sur la création d'un

  3   camp d'entraînement, que Martic avait mis en place, que le QG de Martic

  4   était à Golubic, et que l'accusé a également servi d'intermédiaire "pour le

  5   déploiement de l'entreprise criminelle commune et du capitaine Dragan."

  6   Au paragraphe 62, l'appelant réitère la création de l'unité à Golubic

  7   tel qu'il est allégué, "appuyait les structures de sécurité parallèles et

  8   d'autres forces serbes", qui, comme il est allégué, faisaient partie de

  9   l'objectif criminel commun. On nous rappelle ensuite que les membres de

 10   l'unité ont été formés à Golubic et ont de surcroît formé d'autres unités

 11   qui ont participé aux attaques contre les non-Serbes dans la Krajina, en

 12   faisant valoir que Stanisic était responsable des crimes commis au cours de

 13   ces attaques, et cetera.

 14   Donc, l'appelant souhaite construire une nouvelle maison en utilisant

 15   les structures qui leur plaisent, en ne tenant pas compte du reste, sans

 16   démontrer pourquoi certaines de ces structures et pourquoi les fenêtres et

 17   les portes ne peuvent pas être utilisées à nouveau, parce que cela ne sert

 18   pas les intérêts de l'Accusation. Donc, nous passons au point 4, le coup de

 19   grâce.

 20   Après avoir reconstitué les constatations factuelles et les éléments

 21   de preuve au dossier, l'appelant semble maintenant avoir agi et contribué à

 22   la réalisation de l'objectif criminel commun. L'appelant ensuite est

 23   parachuté dans cette présomption de culpabilité qui englobe tous les

 24   éléments et toutes les actions menées par les forces serbes dans le but de

 25   contribuer à la réalisation de ces crimes. Comme nous l'avons clairement

 26   indiqué dans notre réponse et notre mémoire en clôture, il n'y a pas un

 27   seul témoin à charge ou à décharge qui a fourni des éléments de preuve qui

 28   auraient permis à un juge de fait raisonnable de conclure que Golubic a été


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  1   créé pour contribuer à la réalisation d'un objectif criminel commun.

  2   Ensuite au point III, nous passons de Golubic, comme l'a constaté la

  3   Chambre de première instance, nous passons à des membres de l'entreprise

  4   criminelle commune, notamment les accusés qui ont créé, utilisé des groupes

  5   armés en Croatie pour contribuer à la réalisation d'un objectif criminel

  6   commun, des structures parallèles qui contribuaient les événements associés

  7   aux forces serbes, lançant ainsi une campagne systématique de nettoyage

  8   ethnique sur l'ensemble du territoire croate, et donc c'est la quadrature

  9   du cercle.

 10   J'enjoins les Juges de la Chambre de bien vouloir regarder le

 11   transparent numéro 4, une autre illustration de ce point 4, l'opération

 12   Udar à Skelani. Je ne vais pas y consacrer du temps maintenant, mais il

 13   s'agit exactement de la même chose, si nous avions le temps nécessaire,

 14   nous aurions pu analyser chaque affirmation faite par l'appelant pour

 15   démontrer ce processus en quatre étapes.

 16   Pourquoi y a-t-il eu une telle approche ? Pourquoi avoir tellement

 17   contesté ces contestations factuelles ? Parce que la majorité ne s'est pas

 18   trompée, qu'inversement à l'acte d'accusation trop généralisé de

 19   l'appelant, tente de marquer une distinction juridique et factuelle qui

 20   sont requises. Peut-être que cela ne leur plait pas, ne plait pas à

 21   l'Accusation, mais ceux-ci ont été faits de façon détaillée et concise.

 22   Les points 3 et 4 du jugement vont bien au-delà, et par rapport à la

 23   définition des crimes et des moyens criminels, les auteurs et le caractère

 24   de leur interaction dans le but de favoriser la guerre et les crimes, et

 25   les activités légales. Ceci a permis aux Juges de la Chambre d'analyser le

 26   fait de savoir si oui non il existait un plan criminel qui était

 27   assimilable ou impliquait la commission des crimes allégués et d'analyser

 28   avec beaucoup de précision si une pluralité de personnes ont agi de concert


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  1   dans le but de la réalisation d'un objectif criminel commun.

  2   Le paragraphe 6 du jugement adopte la même approche difficile, le

  3   troisième objectif est l'entreprise criminelle commune, la participation

  4   des accusés au plan criminel commun ou alternativement à la poursuite

  5   d'activité légale. Ces constatations factuelles ont permis à la Chambre

  6   d'apprécier si oui ou non l'intention des accusés était identique à ceux

  7   qui commettaient ces crimes, et si une intention partagée de commettre les

  8   crimes englobait l'ensemble de l'objectif criminel commun allégué.

  9   A la lumière de ces détails analysés de près, dans le paragraphe que

 10   je viens de citer, la proposition de l'appelant, à savoir que la majorité

 11   ne disposait pas des documents nécessaires pour leur permettre d'apprécier

 12   l'intention des accusés est tout à fait sans fondement, et leur tentative

 13   consistant à écarter les constatations factuelles sont une démonstration

 14   manifeste de cela.

 15   Les constations factuelles de la majorité sont énumérées au paragraphe 2

 16   335 du jugement, et sont les illustrations de cette appréciation détaillée

 17   des crimes et des interactions entre les auteurs et du caractère

 18   systématique des crimes, et cetera.

 19   Le paragraphe 2 335 résume :

 20   "Le manque de participation de Stanisic au moyen criminel; deuxièmement,

 21   contribution permanente aux activités militaires contre les forces croates,

 22   non pas des civils; les forces de Bosnie et les forces musulmanes de

 23   Bosnie, et non pas des civils; et son activité au cours des cinq années

 24   couvertes par l'acte d'accusation pour contribuer à la réalisation de la

 25   prise de contrôle du territoire, et non pas le déplacement forcé ou

 26   l'expulsion de civils."

 27   Nous faisons valoir que non seulement il y avait suffisamment de doute

 28   raisonnable concernant l'intention de partager qu'aucun juge du fait


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  1   raisonnable n'aurait pu conclure différemment. Après avoir élaboré ces

  2   constatations détaillées qui, bien sûr, évoquent la notion de la

  3   contribution, les moyens criminels, la Chambre de première instance ne

  4   devaient pas revenir sur ces constatations factuelles que j'ai décrites

  5   dans le détail parce qu'il s'agissait de rédiger l'objectif criminel qui

  6   était celui des appelants, et nous faisons valoir que c'était important

  7   pour un dossier historique, mais non pas parce qu'il s'agissait d'une

  8   condition requise en l'espèce.

  9   Comme le montre le transparent numéro 5, la position adéquate sur la

 10   position de la majorité est comme suit. Le bureau du Procureur a allégué

 11   que Stanisic avait une intention partagée qui devait être analysée de la

 12   façon suivante. Si l'on renvoie au mémoire en appel de l'Accusation,

 13   l'Accusation a dit à la Chambre de première instance que : Vous pouvez

 14   déduire l'intention partagée à partir de l'armement et de la formation

 15   complexe et massive et du déploiement répété des unités spéciales; ainsi

 16   que de ces différents programmes, et d'exemples distincts des actions aux

 17   propos prononcés qui démontrent de façon irréfutable qu'il disposait de

 18   cette intention.

 19   Paragraphes 2 306 et 2 317 du jugement et paragraphes 3 à 4 et 6.9 du

 20   jugement, plutôt que d'adopter une approche parcellaire aux éléments de

 21   preuve, la Chambre de première instance a fait précisément ce que

 22   l'Accusation lui a demandé de faire au cours du procès. Et d'alléguer

 23   maintenant des erreurs de fait et de droit alors qu'eux-mêmes ont imposé

 24   cette approche aux Juges de la Chambre est plus que curieux. Une stratégie

 25   en quatre étapes qui ne fait fi des constatations factuelles de la Chambre

 26   de première instance ne peut que conduire à un seul résultat : le renvoi

 27   sans appel du moyen 1 et du rejet des éléments infondés.

 28   Je vais maintenant passer au moyen 2, qui constitue la complicité par aide


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  1   et encouragement. Nous souhaitons maintenant prendre un petit peu de recul

  2   et assumer pendant quelques instants que les conclusions dans l'affaire

  3   Sainovic, à savoir que la visée  spécifique ne constitue pas un élément

  4   constitutif de l'actus reus de la complicité par aide et encouragement.

  5   Alors la question qui se pose, c'est de savoir comment les erreurs de droit

  6   de la Chambre de première instance a une quelconque incidence sur

  7   l'acquittement de Stanisic.

  8   Comme le montrent les conclusions et constatations factuelles de cette

  9   Chambre, cela porte sur une erreur de droit. Cela ne permet certainement

 10   d'invalider les acquittements, et ne permet pas, en tout cas, à l'appelant

 11   d'être engagé dans un processus à quatre étapes pour replaider à nouveau et

 12   d'avoir un procès à nouveau. Ceci est clair.

 13   L'appelant accepte que la Chambre de première instance a adopté l'approche

 14   suivante au paragraphe 1 264 du jugement : premièrement, il définit la loi

 15   comme elle le comprenait d'après l'affaire Perisic, et ensuite a adopté

 16   l'attitude suivante. La Chambre de première instance a considéré que la

 17   visée spécifique était une étape en direction permettant de comprendre les

 18   agissements de l'intimé qui avait contribué de façon importante aux crimes;

 19   conclusions, la Chambre de première instance l'exprime au paragraphe 6, "La

 20   responsabilité de l'accusé", à savoir que les faits importants sur les

 21   crimes n'ont pas été établis.

 22   Pour pouvoir comprendre ou apprécier ce moyen d'appel, l'Accusation doit

 23   démontrer que la Chambre de première instance aurait pu, au vu des

 24   constatations factuelles, parvenir qu'à une seule conclusion, et ce,

 25   raisonnablement, que les agissement des accusés avaient sciemment eu un

 26   effet important sur les crimes. Si nous lisons le jugement en première

 27   instance de façon juste, il s'agit d'une charge beaucoup trop lourde que

 28   l'appelant doit rejeter.


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  1   Les paragraphes 2 359 à 2 361 du jugement clairement indiquent que

  2   l'analyse menée à la lumière de la visée spécifique était précisément

  3   l'analyse requise pour comprendre les faits importants et la mens rea de la

  4   complicité par aide et encouragement. Par exemple, au paragraphe 2 360, la

  5   Chambre énumère les facteurs dont elle a pris compte lorsqu'elle a parvenu

  6   à la conclusion que les agissements de Stanisic ne visaient pas précisément

  7   les crimes.

  8   L'analyse de la Chambre englobe tous les facteurs qui auraient pu être

  9   examinés comme faisant partie de la visée spécifique, mais sans l'ombre

 10   d'un doute, en vertu de la jurisprudence de ce Tribunal, aurait dû être

 11   pris en compte par tout juge du fait raisonnable lorsqu'il s'agit de rendre

 12   une décision sur l'effet important, à savoir si oui ou non il était

 13   important d'aborder la visée spécifique comme un élément analytique

 14   distinct.

 15   L'appelant continue de rejeter ce facteur essentiel dans son appel.

 16   Plus précisément eu égard aux crimes commis à Bosanski Samac, Doboj, et

 17   dans la SAO de Krajina, ceci comprenait des questions qui portaient sur le

 18   fait d'établir des liens entre l'accusé et les crimes, y compris toute une

 19   série de questions portant sur la proximité et la distance. Le type et la

 20   portée de l'aide, le fait que l'accusé avait toujours agi en respectant la

 21   loi, le commandement et le contrôle de l'unité, la formation des unités, le

 22   droit de la guerre, le manque de présence physique sur les lieux du crime

 23   lors de la commission des crimes, le fait de donner des commandements

 24   légaux aux unités, et cetera.

 25   Ayant adopté cette approche analytique holistique en béton, d'après nous,

 26   la Chambre de première instance est arrivée à deux constatations au

 27   paragraphe 2 361 qui sont fatales à la majorité de l'appel interjeté par

 28   l'Accusation, moyen numéro 2 : "La majorité rappelle ses conclusions sur


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  1   l'élément moral dont était animé l'accusé, voir chapitres 6.9 et 6.10", et

  2   c'est le point le plus important que l'Accusation ne peut surmonter : "Sa

  3   conclusion selon laquelle le type d'assistance apportée à l'unité, le

  4   groupe le plus étroitement lié à l'accusé, est insuffisante pour déduire

  5   une responsabilité pénale pour aide et encouragement."

  6   Alors, nous mettons l'accent sur "le type d'assistance". La Chambre de

  7   première instance ne disait rien d'autre ici sur la visée spécifique. Elle

  8   a conclu dans les termes les plus clairs possibles que les actes commis par

  9   l'accusé étaient simplement insuffisants, trop éloignés dans le temps, dans

 10   l'espace, et pour l'effet causal pour avoir nécessité les exigences d'une

 11   commission de crimes; c'est-à-dire non seulement les actes n'étaient pas

 12   dirigés en particulier sur le fautif, mais le lien entre ces actes et

 13   l'élément criminel n'étaient pas suffisamment forts pour arriver à un effet

 14   substantiel de ces actes criminels.

 15   L'analyse de la majorité portant sur les faits pertinents et l'élément

 16   moral est tout à fait raisonnable. Malheureusement, au lieu de confronter

 17   les constatations factuelles dans leur totalité, l'appelant essaie d'éluder

 18   ces questions grâce à cette approche en quatre étapes.

 19   Dans le moyen 2(B), au paragraphe 158, l'appelant énumère les facteurs qui,

 20   d'après lui, auraient dû être décisifs pour établir un effet substantiel à

 21   Bosanski Samac et à Doboj. D'après l'appelant, étant donné qu'il y a eu

 22   formation de l'unité, prestation à d'autres et financement pendant la

 23   commission des crimes, aucun juge du fait raisonnable n'aurait pu conclure

 24   que ces contributions n'avaient pas eu d'effet substantiel sur la

 25   commission des crimes. Et d'après l'appelant, inutile de se pencher sur

 26   autre chose.

 27   Alors, comme nous le faisons remarquer dans notre réponse aux

 28   paragraphes 124 à 128, la jurisprudence qui prévaut, bien avant la décision


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  1   Perisic, est celle de Furundzija, Aleksovski également, Blagojevic et

  2   Simic. Toute cette jurisprudence suggère qu'afin d'évaluer de façon

  3   adéquate l'élément matériel et l'élément moral pour aide et encouragement,

  4   plusieurs facteurs sont importants et qui ramènent à la proximité et à

  5   l'éloignement. La jurisprudence ne permet à l'évidence pas à l'appelant

  6   d'ignorer et de balayer de la main tout facteur à l'exception du simple

  7   fait d'avoir créé et prêté une unité.

  8   Etape numéro 2 à présent. Est-ce que certaines constatations

  9   factuelles ont été écartées ? Eh bien, l'Accusation a laissé de côté la

 10   plupart des constatations factuelles, y compris les ordres légitimes; le

 11   manque de commandement et de contrôle sur l'unité pendant la commission des

 12   crimes, par exemple, au paragraphe 2 335 du jugement; aussi les paragraphes

 13   1 369, 2 197 [comme interprété] et 2 329; le manque de connaissance des

 14   crimes, paragraphe 2 323 du jugement; le manque de présence sur les lieux

 15   du crime, paragraphe 2 360. Et ce que nous avons souligné dans la réponse,

 16   c'était que l'appelant avait ignoré toutes ces conclusions. Et nous avons

 17   reçu une réponse pour le moins étrange :

 18   "Les constatations de la Chambre prouvent que Stanisic et Simatovic

 19   avaient fourni à l'unité une structure, une aptitude, des ressources et un

 20   équipement pour participer aux prises de Bosanski Samac et de Doboj et

 21   qu'en conséquence, ils ont aidé et encouragé et que cela a été établi."

 22   L'appelant semble croire que l'argument est plus fort si on le

 23   martèle, mais pas du tout.

 24   Comme le décrit le paragraphe 2 323, la Chambre de première instance

 25   a conclu que :

 26   "Etant donné le rôle vis-à-vis de l'unité repris ci-dessus et

 27   l'étendue des crimes, la Chambre de première instance conclut que l'accusé

 28   doit avoir eu connaissance du fait que des membres de l'unité avaient


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  1   commis des crimes à Bosanski Samac."

  2   En conséquence, étant donné qu'il savait que les membres de l'unité

  3   avaient commis les crimes à Bosanski Samac, l'accusé a organisé

  4   l'implication de l'unité aux opérations de Doboj. Même si la composition de

  5   l'unité avait différé entre Bosanski Samac et les opérations de Doboj, la

  6   Chambre de première instance estime qu'après les crimes de Bosanski Samac,

  7   il aurait pu être raisonnablement prévisible à l'accusé que les membres de

  8   l'unité commettraient les crimes à Doboj."

  9   En d'autres mots, la majorité a conclu que Stanisic n'avait pas

 10   connaissance des crimes qui avaient lieu à Bosanski Samac jusqu'à leur

 11   commission et qu'ils ne lui étaient pas prévisibles.

 12   S'agissant de Doboj, on aurait pu raisonnablement prévoir à Doboj que

 13   des crimes pouvaient être commis. En d'autres mots, Stanisic n'avait pas

 14   connaissance que ses actions, lorsqu'il a prêté l'unité, aideraient à la

 15   commission des crimes et il n'était pas non plus au courant des éléments

 16   essentiels des crimes, notamment l'intention des auteurs principaux. Alors,

 17   si on applique la charge de la preuve et le critère de la preuve, la

 18   majorité n'a pas pu être convaincue au-delà de tout doute raisonnable.

 19   Et, bien sûr, si vous regardez ces conclusions, ces conclusions sont

 20   plus que raisonnables. Sur cinq ans, les conclusions montrent clairement

 21   que l'unité avait agi de façon légitime à l'exception de deux opérations :

 22   Bosanski Samac et Doboj. Après la commission des crimes et leur

 23   identification à Bosanski Samac, différents membres de l'unité, c'est-à-

 24   dire ceux qui n'avaient pas commis de crimes, ont été déployés à Doboj.

 25   Pour nous, la majorité a été en fait trop généreuse vis-à-vis de la

 26   thèse de l'Accusation. Si des hommes différents ont été envoyés à une

 27   opération ultérieure à Doboj, pourquoi la Chambre a-t-elle conclu qu'il

 28   aurait pu être raisonnablement prévisible que ces hommes différents


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  1   agiraient comme les premiers ?

  2   Les Juges de la Chambre n'ont pas pu voir une déduction raisonnable,

  3   qui n'a pas été exclue à la place, c'est-à-dire que Stanisic avait refusé

  4   d'envoyer le même groupe d'hommes à Doboj à cause de leurs crimes

  5   précédemment commis à Bosanski Samac. Nous ne le saurons jamais, mais

  6   l'Accusation n'a pas envisagé cette thèse-là lors du procès.

  7   Et cela m'amène à la troisième stratégie, la troisième étape dans le

  8   remaniement du procès, la mise en commun. S'agissant de Bosanski Samac et

  9   de la conclusion reprise au paragraphe 2 326 du jugement, il est dit que

 10   Stanisic n'a eu connaissance des crimes de l'unité que par la suite, mais

 11   l'appelant essaie de reconstruire une nouvelle conclusion portant sur

 12   l'élément moral.

 13   Aux paragraphes 164 et 165 [comme interprété] du mémoire, l'appelant

 14   affirme que Stanisic savait que l'unité allait commettre les crimes à

 15   Bosanski Samac, pas parce que cela avait eu lieu auparavant, pas parce

 16   qu'il y avait eu une propension à commettre ces crimes, pas parce qu'elle

 17   avait reçu des ordres de commettre ces crimes et pas parce que Stanisic

 18   agissait de façon criminelle d'un point général, mais "à cause de la

 19   participation de l'unité à des opérations préalables en Croatie où des

 20   crimes similaires avaient été commis" et parce que les opérations en

 21   Croatie étaient semblables aux opérations de Bosnie.

 22   Concernant Doboj, étant donné que la Chambre a conclu que l'accusé doit

 23   avoir eu connaissance du fait que les membres de l'unité avaient commis des

 24   crimes à Bosanski Samac et que, sachant cela, il a organisé la

 25   participation de l'unité aux opérations de Doboj, et que Stanisic était en

 26   contact avec Karadzic avant les prises de Bosanski Samac et de Doboj et

 27   qu'il aurait dû être au courant des plaidoyers répétés et publics de

 28   Karadzic pour la séparation ethnique des Musulmans de Bosnie et des Serbes


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  1   de Bosnie par l'utilisation de la violence, il aurait dû savoir que la mise

  2   en place, le financement et le prêt de l'unité aux opérations à Doboj

  3   résulteraient dans la commission de crimes et que cela aiderait à ces

  4   crimes.

  5   Là, les appelants sont en train d'établir un lien de culpabilité avec

  6   les crimes de Bosanski Samac. Mais les premiers crimes qui ont été commis

  7   ont eu lieu à des milliers de kilomètres, pas par des membres de l'unité,

  8   mais par d'autres personnes. Donc il y a vraiment un lien très ténu, encore

  9   moins que ténu d'ailleurs, qui existe, et la Chambre de première instance

 10   aurait dû se fonder là-dessus.

 11   Alors, s'agissant de Doboj, d'après la logique de l'appelant, si on

 12   crée une unité pendant la guerre et que certains membres de cette unité

 13   commettent des crimes, l'unité doit être démantelée après le premier

 14   événement. Ou autrement, si d'autres membres de l'unité commettent des

 15   crimes, cela revient automatiquement à un effet substantiel et à une

 16   connaissance obligatoire. Sérieusement ? Quelques membres de l'unité ont

 17   commis des crimes, et l'unité, d'après leur logique, ne peut plus opérer

 18   sans déduction automatique d'un effet substantiel.

 19   Passons à l'étape numéro 4 dans cette nouvelle méthodologie de

 20   l'appelant. Ayant choisi les constatations qui lui plaisaient, ayant écarté

 21   le reste et reconstruit le tout de la façon qui lui convenait le mieux,

 22   l'appelant conclut en cherchant à éviter la plupart des éléments de preuve

 23   des arguments de la Défense. La stratégie des appelants, là encore, revient

 24   à leur présomption qui prévalait, présomption de culpabilité reprise au

 25   paragraphe 107 de l'appel. Stanisic et Simatovic "ont créé, déployé,

 26   entraîné, financé, fourni et soutenu plusieurs groupes armés et ont

 27   continué à les soutenir sachant qu'ils avaient participé à une campagne

 28   systématique massive de violence contre les non-Serbes." C'est cette


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  1   présomption qui mène les appelants à affirmer aux paragraphes 83 et 84 de

  2   la réplique que :

  3   "Si les Juges de la Chambre avaient étudié les interactions de

  4   Stanisic et Simatovic avec les groupes d'auteurs, ils auraient conclu

  5   qu'ils étaient proches des crimes."

  6   Malgré le fait que ces interactions ont toujours eu lieu dans la poursuite

  7   d'objectifs légitimes.

  8   Donc, pour conclure, aucun juge du fait raisonnable n'aurait tiré ces

  9   conclusions, conclusions que l'appelant demande de tirer à présent. Comme

 10   les Juges de la Chambre de première instance l'ont conclu et malgré l'écart

 11   systématique de la part des appelants de ce fait, plusieurs opérations ont

 12   été totalement légitimes. Malheureusement, d'autres opérations ont été

 13   criminelles. Et plusieurs opérations étaient un mélange des deux. Mais on

 14   ne peut pas laver tous ces détails tout simplement parce que l'appelant

 15   veut établir un lien entre l'accusé et une entreprise criminelle commune.

 16   Alors, si vous me le permettez, j'aimerais encore une minute, Madame,

 17   Messieurs les Juges.

 18   En d'autres mots, les constatations de la majorité selon lesquelles

 19   le crime n'était pas une composante inhérente des opérations mais était une

 20   caractéristique malheureuse de certains d'entre eux devraient être mises de

 21   côté. Le fait que l'unité s'est conduite dans le but de poursuivre des

 22   objectifs militaires n'a pas été remis en question mais devrait être

 23   ignoré. La logique que les interactions systématiques de l'unité avec les

 24   forces qui commettaient des crimes ne les aient pas entachés ni persuadés à

 25   adopter le même comportement devrait être ignorée. Leur propension à agir

 26   de façon légitime d'après le comportement criminel d'autres devrait être

 27   utilisé contre eux. Si cela n'est pas une culpabilité par rapprochement, je

 28   ne vois vraiment pas ce que cela peut être.


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  1   Et, en fait, dans quelle mesure est-ce que les Juges de la Chambre de

  2   première instance ont agi différemment que dans d'autres affaires qui ont

  3   traité du schéma des crimes dans ces trois régions ? L'appel de

  4   l'Accusation ne tient la route que si l'on adopte l'approche suivante :

  5   d'abord, il y a eu un objectif criminel, rien d'autre ne se passait;

  6   deuxièmement, l'accusé savait que l'entreprise criminelle commune avait

  7   lieu et que l'objectif commun était poursuivi; et (3), qu'il avait

  8   contribué de façon systématique à cet objectif commun. Et qu'il faut

  9   ignorer, balayer de la main, deux années de plaidoirie et des centaines de

 10   décisions prises à la majorité.

 11   Et nous estimons, Messieurs les Juges, que l'appel devrait être

 12   rejeté.

 13   Merci.

 14   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

 15   Nous allons faire une pause de 20 minutes et nous reprendrons avec la

 16   réponse du conseil de M. Simatovic.

 17   --- L'audience est suspendue à 14 heures 03.

 18   --- L'audience est reprise à 14 heures 24.

 19   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous allons reprendre nos travaux.

 20   Avant de donner la parole au conseil de Défense de M. Simatovic, est-ce que

 21   je peux poser une question à l'Accusation, pour savoir si l'Accusation a

 22   besoin de faire une pause avant sa réplique ou si nous pouvons continuer

 23   après la réponse du conseil de Défense de M. Simatovic pour passer

 24   directement à la réplique de l'Accusation ?

 25   Mme JARVIS : [interprétation] Monsieur le Président, nous préférons faire

 26   la pause après la réponse de M. Simatovic, si cela vous convient.

 27   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

 28   Maintenant, je donne la parole à M. le conseil de Défense de M. Simatovic.


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  1   Vous avez la parole et vous avez une heure à votre disposition.

  2   M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Tout d'abord, il faut que je dise que la Défense de Franko Simatovic

  4   considère l'appel du Procureur tout à fait non fondé. La Défense estime que

  5   la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle Simatovic a

  6   été acquitté sur tous les chefs d'accusation énumérés dans l'acte

  7   d'accusation est fondée et légale. Tout autre opinion et point de vue

  8   concernant le rôle, la position, et la responsabilité de Franko Simatovic

  9   concernant les événements qui lui sont imputés serait non fondé et non

 10   légal.

 11   La Défense ici souligne en particulier qu'elle maintient sa réponse à

 12   l'appel ou sa réplique à l'appel déposée le 5 novembre 2013, pour ce qui

 13   est de toutes les allégations factuelles et juridiques énoncées lors de ce

 14   procès.

 15   D'abord, je souhaite donner quelques remarques d'introduction  pour ce qui

 16   est des explications en détail pourquoi ce jugement doit être retenu. Avant

 17   tout, d'abord des remarques d'introduction. Bien que Simatovic ait été

 18   acquitté sur tous les moyens, acquitté de tous les chefs d'accusation, il y

 19   a une série de conclusions de la Chambre de première instance portant sur

 20   des éléments concrets de la responsabilité pénale des inculpés avec

 21   lesquels la Défense n'est pas d'accord et qui auraient été l'objet de

 22   contestation de la Défense dans le cas où Franko Simatovic ait été

 23   condamné.

 24   Puisque la Chambre de première instance dans sa conclusion finale a

 25   rendu un jugement correct et équitable, la Défense n'avait pas l'occasion

 26   de contester certaines conclusions juridiques et factuelles avec lesquelles

 27   elle n'est pas d'accord. Par prudence, la Défense veut souligner que si la

 28   Chambre d'appel fait droit à n'importe quelle partie de l'appel du


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  1   Procureur, Simatovic pourrait se trouver dans la situation dans laquelle

  2   son droit à bénéficier d'un procès équitable et son droit d'interjeter

  3   appel serait considérablement limité et dans certains aspects même

  4   complètement exclus.

  5   Si la Chambre d'appel considère que l'appel du Procureur est fondé en

  6   partie ou dans sa totalité, et nous croyons que cette Chambre d'appel ne

  7   trouvera pas que cet appel soit fondé, la seule conclusion que la Chambre

  8   d'appel pourrait tirer est de renvoyer l'affaire à une autre Chambre de

  9   première instance du Tribunal pour la révision du procès en appliquant des

 10   critères juridiques appropriés puisque c'est la seule façon de protéger les

 11   droits de l'inculpé, Simatovic, pour bénéficier d'un procès équitable, et

 12   pour bénéficier du droit d'interjeter appel puisque, dans ce cas-là, si un

 13   nouveau jugement est un jugement de condamnation, Simatovic aura la

 14   possibilité d'interjeter appel et de contester les conclusions qu'il

 15   considère comme non fondées.

 16   L'Accusation, dans son premier moyen d'appel, requiert l'intervention

 17   de la Chambre d'appel pour modifier ou corriger le critère juridique

 18   appliqué concernant la participation à l'entreprise criminelle commune.

 19   Dans le deuxième moyen d'appel, même si cela n'est pas explicitement

 20   écrit dans le mémoire d'appel de l'appelant, le Procureur demande que la

 21   Chambre d'appel applique la loi complètement différente -- ou la

 22   jurisprudence concernant la visée spécifique, que cela soit modifié par une

 23   nouvelle loi ou une nouvelle jurisprudence qui a été établie après que le

 24   jugement d'acquittement ait été prononcé concernant Simatovic.

 25   Le Procureur demande tout cela en s'appuyant sur les faits établis

 26   dans certaines parties du jugement de première instance. Cette situation

 27   est particulièrement délicate et essentiellement différente par rapport à

 28   toutes les autres situations où devant la Chambre d'appel du Tribunal pour


Page 71

  1   l'ex-Yougoslavie on discutait sur le fait s'il y a ou s'il n'y a pas de

  2   limite pour ce qui est du droit de la Chambre d'appel de modifier un

  3   jugement d'acquittement et de rendre un jugement de condamnation.

  4   Il y a au moins deux circonstances qui sont particulièrement

  5   importantes. Il n'y a aucun cas où un inculpé est acquitté de la part d'une

  6   Chambre de première instance sur tous chefs d'accusation et ensuite

  7   condamné de la part de la Chambre d'appel pour ce qui est de tous les

  8   moyens d'appel ou certains moyens d'appel du Procureur.

  9   Ensuite, il n'y a aucun cas où un inculpé qui a été acquitté de la

 10   part de la Chambre de première instance de tous les chefs d'accusation

 11   énumérés dans l'acte d'accusation a été condamné seulement parce qu'entre-

 12   temps le droit applicable a été modifié ou la jurisprudence qui est

 13   appliquée devant ce Tribunal a été modifiée.

 14   Si la Chambre d'appel modifie la jurisprudence qui est énoncée dans la

 15   décision concernant l'appel Sainovic et consorts pour ce qui est la visée

 16   spécifique, ce serait un cas unique de voir que quelqu'un qui est acquitté

 17   sur la base du point de vue d'une Chambre d'appel d'une certaine

 18   composition soit acquitté [comme interprété] sur la base du point de vue de

 19   la même Chambre d'appel mais dans une autre composition.

 20   Dans ce cas-là, il ne s'agit pas de la discussion pour savoir si la Chambre

 21   d'appel peut augmenter la peine prononcée à une personne condamnée ni du

 22   cas pour savoir si une Chambre d'appel, sur la base des mêmes faits, peut

 23   prononcer une condamnation sur la base d'un autre chef d'accusation avec

 24   une incidence de tout cela sur la peine prononcée ou une incidence moindre.

 25   Il s'agirait d'un précédent où les inculpés seraient, pour ainsi dire,

 26   victimes d'une discussion du point de vue théorique et juridique. Cette

 27   discussion ou ce traité est important pour ce qui est du domaine théorique

 28   et juridique et pour ce qui est de l'avenir du droit pénal international.


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  1   Mais Franko Simatovic ne doit pas être victime de cette discussion.

  2   Dans cette situation particulière, qui diffère considérablement de toutes

  3   les situations où la Chambre d'appel a traité de ce dilemme dans d'autres

  4   procès précédents, la Défense considère que si la Chambre d'appel ne

  5   confirme pas le jugement de la Chambre de première instance - mais elle

  6   devrait le faire - ou qu'à titre de solution finale ne décide pas de

  7   renvoyer l'affaire à une autre Chambre de première instance pour une

  8   révision du procès, il est certain qu'il s'agirait de violation grave du

  9   principe fondamental d'équité qui est reconnu dans le droit international

 10   et dans de nombreux droits nationaux.

 11   La convention internationale relative aux droits civils et politiques

 12   en tant que source fondamentale du droit international, dans l'article 14,

 13   alinéa 5, dispose que toute personne condamnée d'avoir commis un crime a le

 14   droit que sa condamnation soit réexaminée par une instance judiciaire

 15   supérieure conformément à la loi. Dans le rapport du secrétaire général des

 16   Nations Unies à l'occasion de la création du Tribunal international, dans

 17   le paragraphe 116, il est dit que le droit d'interjeter appel représente un

 18   élément fondamental des droits civils et politiques établis par la

 19   conversation internationale relative aux droits civils et politiques.

 20   Si la Chambre d'appel fait droit à l'un des moyens d'appel du

 21   Procureur, et la Défense est persuadée qu'il n'y a aucune raison pour

 22   qu'elle procède ainsi, donc la seule solution est de renvoyer l'affaire à

 23   une nouvelle Chambre de première instance, et dans le cas d'une

 24   condamnation éventuelle, que l'appel soit considéré par la Chambre d'appel.

 25   Si la Chambre d'appel fait droit à l'un des moyens d'appel du Procureur et

 26   s'il y a un dilemme comment procéder, ce dilemme doit être résolu au profit

 27   de l'inculpé. Et si la Chambre d'appel a un dilemme dans le contexte des

 28   intérêts juridiques légitimes différents qui peuvent exister dans cette


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  1   affaire, ce dilemme doit être résolu au profit des inculpés, Stanisic et

  2   Simatovic.

  3   Comme il a été déjà dit, le Procureur, même à titre subsidiaire, pour ce

  4   qui est des moyens d'appel 1 et 2, demande que la Chambre d'appel désigne

  5   une Chambre d'appel du Tribunal, une Chambre nouvelle qui appliquerait le

  6   critère juridique pour lequel le Procureur considère qu'il soit correct.

  7   Cette Défense, d'ailleurs, considère que pour ce qui est de la notion de

  8   visée spécifique, comme cela a été indiqué dans le jugement et dans l'arrêt

  9   dans l'affaire Perisic, c'est tout à fait correct. Elle s'appuie sur la

 10   pratique la meilleure des tribunaux internationaux dont on a parlé plus

 11   tard, et nous avons déjà parlé de cela en détail dans notre réplique.

 12   Pour ce qui est du premier moyen d'appel du Procureur, le Procureur affirme

 13   que la Chambre de première instance a commis une erreur puisqu'elle n'a pas

 14   constaté que Simatovic avait partagé l'intention pour ce qui est de la

 15   réalisation de l'objectif criminel commun de l'entreprise criminelle

 16   commune. C'est parce que la Chambre de première instance n'a pas fourni une

 17   opinion motivée pour ce qui est des éléments de l'entreprise criminelle

 18   commune parce que le critère juridique erroné a été impliqué et qu'une

 19   erreur a été également faite pour ce qui est des faits selon lesquels

 20   Simatovic ne partageait pas l'intention commune.

 21   Le Procureur, dans son appel, fait valoir que la Chambre de première

 22   instance a acquitté Simatovic de sa responsabilité en tant que membre de

 23   l'entreprise criminelle commune puisqu'il ne partageait pas l'intention de

 24   réaliser l'objectif criminel commun, et la Chambre de première instance n'a

 25   pas constaté si cet objectif criminel existait ou pas. Le Procureur

 26   considère que, d'abord, il faudrait établir si l'élément matériel de

 27   l'entreprise criminelle commune existait et, seulement après cela, si

 28   l'élément moral ou mental du côté de l'inculpé existait.


Page 74

  1   La Défense souligne qu'il n'y a aucune règle concernant l'ordre de

  2   détermination des éléments de l'entreprise criminelle commune. La Défense

  3   fait remarquer que la Chambre de première instance a procédé à une analyse

  4   détaillée pour constater qu'il n'y avait pas d'élément mental de

  5   l'entreprise criminelle commune concernant Simatovic. Si la Chambre de

  6   première instance a conclu qu'il n'y avait que la préméditation comme

  7   élément nécessaire pour l'existence de l'entreprise criminelle commune, il

  8   n'y a aucune raison juridique pour que la Chambre de première instance

  9   continue à déterminer s'il y a ou s'il n'y a pas d'élément matériel de

 10   l'entreprise criminelle commune.

 11   Il est clair que la seule solution dans une telle situation où il n'y a pas

 12   d'élément mental est de rendre le jugement d'acquittement.

 13   La Défense, également, fait remarquer que la Chambre de première instance a

 14   considéré tous les éléments de l'entreprise criminelle commune qui sont

 15   énumérés dans l'acte d'accusation. La Chambre de première instance a

 16   considéré la base de crimes, toutes les formations armées ainsi que les

 17   relations des inculpés envers ces formations. L'analyse faite par la

 18   Chambre de première instance n'a pas amené à la conclusion disant que

 19   l'entreprise criminelle commune existait et que Simatovic y participait.

 20   Par rapport à la situation factuelle identique ou similaire où il y a

 21   une entreprise criminelle commune et où il y a d'autres personnes qui y

 22   participent, la Chambre de première instance n'avait pas pour obligation de

 23   se prononcer là-dessus. Aussi, il importe de mentionner le point de vue du

 24   Procureur selon lequel la Chambre de première instance a commis une erreur

 25   parce qu'elle n'a pas analysé un aspect important pour ce qui est de

 26   l'entreprise criminelle commune, à savoir la question concernant la

 27   création de la Grande-Serbie. Discuter cette question par rapport à

 28   Simatovic qui, à l'époque qui est couverte par l'acte d'accusation, était


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  1   fonctionnaire de la Sûreté de l'Etat de la Serbie ayant un rang inférieur

  2   et n'ayant disposé d'aucune possibilité d'influencer sur les objectifs

  3   historiques et politiques des responsables politiques ou militaires, n'a

  4   aucun sens.

  5   L'Accusation, donc, fait savoir que la Chambre de première instance n'a pas

  6   pris en considération toutes les preuves que l'Accusation considère comme

  7   importantes, bien qu'il n'y ait aucune contestation concernant le point de

  8   vue selon lequel la Chambre de première instance n'a pas pour obligation de

  9   se prononcer sur toutes les preuves qui sont versées dans le dossier de

 10   l'affaire. L'Accusation se plaint notamment du fait que pour ce qui est de

 11   45 preuves énumérées à l'annexe B, ces preuves ne sont pas citées de la

 12   part de la Chambre de première instance, et il est évident que ces preuves

 13   sont importantes. Donc cette approche n'est pas fondée. Et par rapport à

 14   ces 45 preuves extrêmement importantes, même 13 que le Procureur ne

 15   mentionne pas du tout dans son mémoire en clôture.

 16   La Défense conclut que la Chambre de première instance est arrivée à

 17   la conclusion correcte selon laquelle il n'y avait pas l'élément mental

 18   chez Simatovic qui est nécessaire pour la participation à l'entreprise

 19   criminelle commune, a analysé tous les autres éléments d'importance pour ce

 20   qui est de l'existence de l'entreprise criminelle commune et a développé

 21   ses arguments. Par conséquent, cette branche du moyen d'appel 1(A) est tout

 22   à fait non fondée et la Chambre d'appel doit la rejeter.

 23   Dans la branche du moyen d'appel 1(B), le Procureur se plaint que la

 24   Chambre de première instance a appliqué le critère juridique erroné pour ce

 25   qui est de l'évaluation des preuves, en particulier pour ce qui est de

 26   l'élément moral des accusés, et elle s'est appuyée sur des fragments des

 27   pièces à conviction et non pas à la totalité de ces convictions [comme

 28   interprété].


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  1   Comme cela a été déjà dit, la Chambre de première instance n'a pas

  2   pour obligation de se prononcer sur toutes les 3 226 pièces à conviction

  3   versées au dossier, vu que c'est impossible du point de vue technique et

  4   juridique et bien que la Chambre de première instance n'ait pas pour

  5   obligation et ne puisse pas se prononcer sur toutes les allégations et

  6   toutes les preuves.

  7   Quand il s'agit de mens rea de Simatovic, toutes les allégations du

  8   Procureur dans son mémoire en clôture ont été examinées, et la Chambre

  9   d'appel s'est prononcée là-dessus.

 10   Le Procureur, dans son mémoire en clôture, essaie de prouver la

 11   préméditation de Simatovic en présentant des allégations concernant les

 12   événements à Lovinac, sa participation dans l'opération à Vukovar et Udar.

 13   Chacune de ces assertions que le Procureur a proposées comme étant des

 14   pièces à conviction a été examinée et considérée, ainsi que d'autres pièces

 15   à conviction présentées par le Procureur dans son mémoire en clôture. Mais

 16   pour ce qui est de Simatovic et de la conclusion finale de la Chambre de

 17   première instance, c'est qu'il n'y a pas d'élément moral pour ce qui est de

 18   l'entreprise criminelle commune.

 19   La Chambre de première instance a analysé et utilisé cette approche

 20   méthodologique et logique pour ce qui est de toutes les activités de

 21   Simatovic et elle constate qu'aucune de ces activités, ni prise

 22   individuellement ni dans leur totalité, ne remplit le critère juridique

 23   requis pour le jugement de condamnation.

 24   La Défense fait remarquer ici que bien que la branche du moyen

 25   d'appel 1(B) concerne les deux accusés, aucun argument présenté par le

 26   Procureur ne concerne Simatovic, et donc il faut le rejeter dans sa

 27   totalité. Tout ce que le Procureur indique dans cette branche de moyen

 28   d'appel est la tentative d'imposer une interprétation différente des


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  1   preuves, mais il ne dit pas où gît l'erreur pour ce qui est de la

  2   conclusion de la Chambre d'appel.

  3   Dans la section (D) de son mémoire en appel, le Procureur souhaite

  4   aider les Juges de la Chambre en récapitulant les moyens de preuve

  5   présentés devant la Chambre de première instance. Ce qui est dit dans la

  6   section (D) dépasse l'acte d'appel du Procureur. Dans son premier moyen

  7   d'appel, le Procureur se plaint des conclusions de la Chambre de première

  8   instance quand il s'agit d'établir l'intention de l'entreprise criminelle

  9   commune comme l'élément moral de l'accusé. Dans la section (D), cependant,

 10   le Procureur expose les faits sans dire clairement où a erré la Chambre de

 11   première instance. La section (D) du premier moyen d'appel est un mélange

 12   des conclusions de la Chambre de première instance, de citations de

 13   différents moyens de preuve et puis aussi les conclusions du Procureur qui

 14   ont pour but, comme il dit, d'aider les Juges de la Chambre d'appel pour

 15   corriger l'erreur de droit commise, comme il dit, par la Chambre de

 16   première instance.

 17   Dans cette partie - dans la section (D) - nous trouvons toute une

 18   série des conclusions de la Chambre de première instance que la Défense

 19   aurait contestées si la Chambre avait prononcé un jugement portant

 20   condamnation. La Défense considère que cela ne représente rien d'autre

 21   qu'une réouverture des moyens de preuve du Procureur.

 22   Le premier moyen d'appel du Procureur dit que le Procureur s'est

 23   trompé en commettant une erreur de droit et de fait quand il a dit que

 24   l'accusé avait disposé de l'élément moral en ce qui concerne sa

 25   responsabilité dans l'entreprise criminelle commune. Donc il s'agit de

 26   l'élément moral.

 27   Cependant, dans la section (D), ce que fait le Procureur, c'est de

 28   nous présenter son interprétation des conclusions de la Chambre de première


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  1   instance plus une explication supplémentaire des moyens de preuve

  2   présentés.

  3   C'est pour cela que la Défense considère qu'il faut rejeter

  4   absolument tout ce qui se trouve dans la section (D) du mémoire de

  5   l'appelant. La section (D) doit être rejetée en bloc. Pourquoi ? Parce

  6   qu'ici, ce que fait le Procureur, c'est de rouvrir sa présentation des

  7   moyens de preuve sans pour autant dire où exactement aurait erré la Chambre

  8   de première instance. La Défense considère qu'ici, le Procureur souhaite

  9   remplacer les conclusions de la Chambre de première instance par ses

 10   propres conclusions, et c'est quelque chose qui suffit pour rejeter en bloc

 11   la section (D) du mémoire de l'appelant selon la jurisprudence de ce

 12   Tribunal.

 13   La Défense accentue que dans sa réplique au mémoire de l'appelant,

 14   elle ne peut pas présenter à nouveau ses moyens de preuve et elle ne peut

 15   pas non plus analyser les conclusions de la Chambre de première instance

 16   parce que cela ne rentre pas tout simplement dans le cadre de réplique. La

 17   Défense a donné ses positions dans sa réplique et ne peut pas à présent les

 18   répéter.

 19   En ce qui concerne le sous-moyen (C), la Défense considère que la

 20   Chambre de première instance n'a pas erré quand elle a établi qu'il n'y

 21   avait pas de préméditation de Simatovic en ce qui concerne l'entreprise

 22   criminelle commune.

 23   Le Procureur suggère que la Chambre de première instance a commis une

 24   erreur de fait quand elle a conclu que Stanisic et Simatovic n'ont pas

 25   partagé l'objectif criminel commun quand il s'agissait de déplacer de façon

 26   permanente la population non-serbe de grandes parties de Croatie et de

 27   Bosnie. Le Procureur dit que Stanisic et Simatovic ont créé, ont déplacé,

 28   ont entraîné, ont financé, ont appuyé et aidé un grand nombre de groupes


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  1   armés et ont continué à le faire en sachant que ces groupes participent

  2   dans le déplacement de la population.

  3   Il est clair que cette position généralisée du bureau du Procureur

  4   n'a pas finalement de base et d'appui dans les moyens de preuve. Et le

  5   Procureur demande à la Chambre d'appel d'examiner la totalité des moyens de

  6   preuve en considérant que la Chambre de première instance a omis de le

  7   faire. Cependant, c'est justement le mémoire de l'appelant, quand on

  8   regarde dans son ensemble et surtout quand il s'agit de Simatovic, eh bien,

  9   c'est justement de là que donc découlent les liens entre l'accusé et les

 10   événements qui se sont déroulés en 1991 à Lovinac, en 1992 à Bosanski Samac

 11   et à Doboj, et en 1995 à Sanski Most. De plus, le Procureur dit que

 12   Simatovic n'a eu qu'un seul contact avec un seul membre de l'entreprise

 13   criminelle commune, prétendu membre, Milan Martic, et ceci en 1991.

 14   Donc, il est clair que le Procureur est conscient du fait qu'il n'y a

 15   pas eu suffisamment de preuve qui prouve ces activités criminelles

 16   prétendues de Simatovic, alors même que le Procureur dit que la Chambre de

 17   première instance n'a pas examiné la totalité des moyens de preuve.

 18   Justement, ceci prouve que la thèse de la responsabilité de Simatovic ne

 19   tient pas debout.

 20   De plus, le Procureur énumère des activités de Simatovic où il aurait

 21   participé dans la campagne d'extermination massive de la population non-

 22   serbe. Donc, le Procureur va dire que Simatovic a créé de nombreux groupes

 23   armés sans dire pour autant quels sont exactement ce groupe et quels sont

 24   les moyens de preuve qui prouvent justement sa participation à la création

 25   de ce groupe. Le Procureur dit ensuite que Simatovic a déployé de nombreux

 26   groupes armés, sans pour autant dire quels sont ces groupes et où est-ce

 27   qu'il les a déployés et quand.

 28   Donc, le Procureur, en même temps, n'isole pas les preuves concrètes


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  1   qui corroborent cela. De plus, le Procureur dit que Simatovic a entraîné

  2   des groupes armés, mais en oubliant que la Chambre de première instance, se

  3   basant sur des moyens de preuve matériels, a établi que Simatovic, pendant

  4   toute la période pertinente pour l'acte d'accusation, était un homme

  5   travaillant dans le 2e Groupe d'information dans la DB et que ce n'était

  6   pas un instructeur militaire ou de police.

  7   De plus, le Procureur dit que Simatovic a financé de nombreux groupes

  8   armés. En même temps, le Procureur n'a pas vraiment montré, mis le doigt

  9   sur la preuve qui prouverait que Simatovic pouvait financer qui que ce

 10   soit. Ce qui est vraiment pas clair, c'est de savoir si le Procureur dit

 11   que Simatovic a financé lui-même ce groupe, ou bien est-ce qu'il a utilisé

 12   les moyens financiers de la SDB pour les financer. Il est clair que pour

 13   les deux, Simatovic n'avait pas de capacité de position pour le faire. Et

 14   donc, cette position du Procureur n'a aucun sens.

 15   Simatovic, de par sa position, de par sa fonction au sein de

 16   l'hiérarchie de la SDB ne pouvait financer personne. Tout ce que nous avons

 17   dit concernant le financement en vaut aussi pour les autres appuis

 18   prétendument fournis par Simatovic aux groupes armés.

 19   En ce qui concerne le lien entre Simatovic et Milan Martic,

 20   participant à l'entreprise criminelle commune, l'entreprise ici ne souhaite

 21   pas discuter de l'éventuelle existence de mens rea chez Martic, mais la

 22   Défense est convaincue que le Procureur n'a présenté aucun moyen de preuve

 23   ou n'a montré aucun moyen de preuve qui montrerait que Simatovic avait

 24   partagé la même intention que Martic.

 25   Simatovic a été à Knin pendant une période très brève en 1991 à

 26   l'époque où les crimes n'avaient pas encore été commis, surtout pas les

 27   crimes qui figurent dans l'acte d'accusation, où il y a eu des activités

 28   sporadiques, des actions sporadiques et ceci pour contrôler ce territoire


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  1   et pour se défendre par rapport aux attaques des forces croates. Donc, il

  2   n'est absolument pas clair quel est l'élément de preuve qui a été présenté

  3   qui démontre que Simatovic a partagé avec Martic cette intention criminelle

  4   de déporter la population non-serbe de la SAO Krajina, surtout quand on

  5   sait que de telles opérations criminelles n'ont pas existé à l'époque. A

  6   l'époque où vous avez une fluctuation naturelle de la population et qui

  7   quitte les zones de combat pour aller vers des zones paisibles, eh bien, il

  8   faut faire une différence claire entre les preuves qui démontreraient que

  9   Simatovic était au courant de l'intention de chasser la population non-

 10   serbe et qu'il la partageait avec Martic. Et nous n'avons pas trouvé de

 11   tels éléments de preuve.

 12   Les raisons que le Procureur a essayé de présenter dans son mémoire

 13   de l'appelant, eh bien, ce sont des raisons qui ne sont pas logiques, qui

 14   ne sont pas fondées dans les éléments de preuve en l'espèce.

 15   Le Procureur, par exemple, dit que Simatovic était un collaborateur

 16   proche de Martic et il se fonde sur le jugement de première instance.

 17   Cependant, le Procureur oublie que le jugement montre clairement qu'il

 18   n'existait pas d'éléments de preuve indiquant que Martic avait discuté de

 19   son intention de déporter les non-Serbes. De plus, dans les paragraphes que

 20   cite le Procureur, on ne parle que de Stanisic, pas de Simatovic. Donc, on

 21   a à aucun moment mis le doigt sur cette prétendue collaboration étroite

 22   entre Martic et Simatovic. Il est clair qu'il n'existe pas d'éléments de

 23   preuve qui témoigneraient de cela.

 24   Le seul élément de preuve portant sur une éventuelle participation de

 25   Simatovic dans des opérations de Krajina, le Procureur trouve, et il se

 26   trompe dans la déposition de Babic, il s'agit de sa déposition sur son

 27   plaidoyer de culpabilité quand la Défense n'a pas pu le contre-interroger.

 28   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Veuillez ralentir, s'il vous plaît.


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  1   Veuillez ralentir. Parce que nous n'avons pas entendu l'interprétation.

  2   L'INTERPRÈTE : L'interprète s'excuse. Elle a oublié d'allumer le micro.

  3   Oui. Le problème a été résolu, Monsieur le Président. Le micro n'a pas été

  4   allumé.

  5   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Vous pouvez continuer.

  6   M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  7   C'est que surtout ou pas fondé, c'est l'affirmation du Procureur qui

  8   affirme qu'il existe un rapport en continu entre les accusés et Arkan et

  9   ses gardes de volontaires serbes, et ce, c'est depuis le début de l'année

 10   1991 jusqu'en 1995. Il n'y a pas de preuve et il semble que le Procureur

 11   lui-même n'est pas sûr de l'existence d'un quelconque lien entre Simatovic

 12   et Arkan, pas avant 1995.

 13   Nous avons déjà dit que nous ne sommes pas d'accord avec certaines

 14   conclusions de la Chambre de première instance. Une des conclusions porte

 15   sur la prétendue participation de Simatovic dans le déploiement d'Arkan de

 16   sa Garde de volontaires serbes en 1995 à Treskavica. Dans la réplique de la

 17   Défense, nous avons parlé de cela en détail, et nous avons attiré

 18   l'attention des Juges sur la preuve qui montre clairement qu'à l'époque de

 19   cette opération Simatovic n'était absolument pas présent sur le territoire

 20   de l'ex-Yougoslavie; au contraire, il se trouvait en Grèce.

 21   Il n'existe pas de preuve qui prouverait au-delà de tout doute

 22   raisonnable que Simatovic ait participé ou qu'il ait eu un rôle quelconque

 23   quand il s'agissait d'envoyer Arkan et ses volontaires à Sanski Most en

 24   1995, et nous avons parlé de cela en détail aussi.

 25   Pour ce qui est du deuxième moyen d'appel du Procureur, il s'agit en fait

 26   de l'affirmation selon laquelle la Chambre de première instance a commis

 27   une erreur pour ce qui est du droit applicable en considérant qu'il était

 28   nécessaire d'établir que les actes de la personne qui aide et encourage


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  1   visent spécifiquement à faciliter la commission des crimes; et dans ce cas

  2   concret, lorsqu'il s'agit des crimes commis à Bosanska Samac, à Doboj et

  3   dans la Région autonome serbe de Krajina.

  4   Pour ce qui est du sous-moyen d'appel 2(A), la Défense a exposé ses points

  5   de vue en détail dans son mémoire en réplique. La Défense a dit pourquoi

  6   elle considère que la condition concernant la visée spécifique, comme

  7   présentée dans ce jugement, est établie dans la jurisprudence de ce

  8   Tribunal et d'autres tribunaux internationaux, ainsi que dans le droit

  9   international coutumier. La Défense considère qu'il n'y a aucune raison

 10   pour que la Chambre d'appel confirme le point de vue énoncé par la même

 11   Chambre d'appel dans l'arrêt Perisic. La Défense, pourtant, veut développer

 12   son point de vue dans le cas où cette Chambre d'appel arrive à la

 13   conclusion que le point de vue énoncé dans l'arrêt Perisic ne soit pas

 14   adéquat.

 15   La Défense fait remarquer, et c'est très lié à une question de

 16   principe, que quand il s'agit de ce deuxième moyen d'appel concernant la

 17   visée spécifique, dans la décision de la Chambre d'appel pour ce qui est du

 18   jugement concernant la peine prononcée dans l'affaire Dragan Nikolic, il

 19   est dit que le principe de l'application de lex mitior, d'une loi moins

 20   sévère, peut être appliqué concernant d'éventuelles modifications du Statut

 21   du Tribunal international, ce qui dans ce cas concret concernerait les

 22   modifications concernant le type de sanctions et la durée des peines

 23   d'emprisonnement qui peuvent être prononcées.

 24   La loi pénale matérielle qui est appliquée devant ce Tribunal

 25   international est le Statut du Tribunal international. Etant donné que dans

 26   le Statut il n'y a que quelques éléments constitutifs des infractions

 27   pénales qui sont énumérées dans seulement quatre articles, et seulement

 28   dans un article sont définies les formes de responsabilité, dans la


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  1   jurisprudence de ce Tribunal international sont définies les infractions

  2   pénales, les formes de responsabilité, et cela représente la loi pénale

  3   matérielle comme cela est compris dans les pays où existe le système de

  4   droit civil.

  5   Si la jurisprudence est modifiée, et je me permets de dire si la loi pénale

  6   a changé lors du procès, selon le principe lex mitior, concernant

  7   Simatovic, il faut appliquer la règle juridique qui est la plus favorable

  8   pour Simatovic. Si lors du procès concernant Simatovic il y a deux notions

  9   de la visée spécifique et si ces deux notions ont le même poids juridique -

 10   et dans ce cas-là c'est vrai puisque ces deux notions ont été présentées

 11   par la même Chambre d'appel - alors, concernant Simatovic, il faut

 12   appliquer la notion plus favorable de visée spécifique comme énoncée dans

 13   le jugement de première instance.

 14   Ici, la Défense fait référence brièvement à l'opinion de la Grande Chambre

 15   de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Scoppola contre

 16   Italie, c'est la deuxième affaire, où dans le paragraphe 109, la cour

 17   confirme le principe selon lequel dans les cas où il y a des différences

 18   entre les lois pénales à l'époque où le crime est commis par rapport aux

 19   lois adoptées ultérieurement mais qui étaient adoptées avant le prononcé du

 20   jugement définitif, les tribunaux sont obligés d'appliquer la loi dont les

 21   dispositions sont les plus favorables pour l'inculpé.

 22   Et pour ce qui est du Statut de Rome de la Cour pénale internationale,

 23   l'article 24(2) dit qu'il faut appliquer la loi qui est plus favorable pour

 24   l'inculpé, pour l'accusé, si cela est modifié avant le prononcé du

 25   jugement.

 26   La Défense, pour ce qui est du deuxième moyen d'appel (B) et le troisième

 27   moyen d'appel, veut donc souligner la chose suivante. L'Accusation affirme

 28   que la Chambre d'appel, à titre complémentaire ou subsidiaire, pour ce qui


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  1   est des raisons énoncées dans le moyen d'appel 2(A), a commis une erreur

  2   pour ce qui est des faits, que selon le Procureur aucune Chambre de

  3   première instance raisonnable n'aurait conclu que Stanisic et Simatovic

  4   auraient été des personnes qui ont aidé et encouragé la commission des

  5   crimes perpétrés dans les municipalités de Bosanski Samac et Doboj et sur

  6   le territoire de la Région autonome de serbe de Krajina, même dans la

  7   situation où l'élément de visée spécifique aurait été adopté comme élément

  8   constitutif de l'élément matériel pour ce qui est de l'aide et de

  9   l'encouragement.

 10   De plus, le Procureur dit qu'aucune Chambre de première instance

 11   raisonnable n'aurait conclu qu'il y ait eu la contribution des accusés pour

 12   ce qui est de la commission des crimes à Bosanski Samac et à Doboj et sur

 13   le territoire de la Région autonome serbe de Krajina, qui n'était pas

 14   spécifiquement visée à faciliter la commission des crimes. La Défense, dans

 15   son exposé oral, affirme que les points de vue du Procureur concernant

 16   cette question sont absolument inacceptables et non fondés et que la

 17   Chambre de première instance a conclu de façon correcte que Simatovic

 18   n'était pas responsable pour ce qui est de l'aide et de l'encouragement de

 19   la commission des crimes à Bosanski Samac, Doboj et dans la Krajina.

 20   La Défense réitère que dans les cas où, sur la base des preuves

 21   circonstancielles, on arrive à la conclusion pour établir un fait sur

 22   lequel s'appuie un jugement de condamnation, cette conclusion devrait être

 23   la seule conclusion raisonnable à tirer.

 24   Pour ce qui est des événements survenus à Bosanski Samac, la Défense

 25   a fait valoir qu'il est évident et non ambigu que dans la municipalité de

 26   Bosanski Samac une nouvelle municipalité était organisée pour organiser le

 27   peuple serbe pour la défense sur ce territoire. Et sur ce territoire,

 28   c'était le 17e Groupe tactique de la JNA qui avait le rôle dominant, qui


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  1   était très bien armé, qui avait des pièces d'armes lourdes et légères.

  2   Et les responsables de Bosanski Samac ont établi des contacts directs

  3   avec le commandement de l'armée de l'air yougoslave à Belgrade, plus

  4   précisément avec le général Bajic. Il est évident, donc, que mis à part

  5   cette organisation d'une nouvelle municipalité de Bosanski Samac, un simple

  6   agent de l'administration du renseignement du département de la Sûreté de

  7   l'Etat, qui en plus se trouve dans son bureau à Belgrade, ne peut avoir

  8   aucune incidence importante sur les événements survenus à Bosanski Samac,

  9   et encore moins avoir une incidence sur la direction prise par ces

 10   événements.

 11   La seule conclusion raisonnable qu'on puisse tirer de cela est que

 12   Franko Simatovic ne pouvait pas et n'avait pas de pouvoir pour aider et

 13   encourager à la commission des crimes à Bosanski Samac pendant la période

 14   couverte par l'acte d'accusation puisqu'il n'y était pas physiquement

 15   présent.

 16   Pour ce qui est de Doboj, il est évident que l'intention du Procureur

 17   est d'établir un lien entre les événements survenus à Doboj et les unités

 18   de la Sûreté de l'Etat de la République de Serbie par l'intermédiaire de

 19   Radojica Raja Bozovic. De nombreuses preuves présentées lors du procès

 20   montrent sans aucun doute que Radojica Raja Bozovic était membre du MUP de

 21   la Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine pendant la période couverte par

 22   l'acte d'accusation. Dans les documents du MUP de la Republika Srpska de

 23   Bosnie-Herzégovine pour les mois d'avril et mai 1992, Bozovic est indiqué

 24   comme étant membre de ce ministère et qu'il touchait le salaire de ce

 25   ministère. Il y a également d'autres preuves nombreuses qui démontrent cela

 26   de façon directe.

 27   Pour ce qui est de l'entraînement des unités spéciales à Ozren, au-

 28   dessus de Doboj, c'est un certain Slobodan Katanic qui commandait cet


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  1   entraînement, membre du MUP BiH. Le crime commis à Doboj, comme retenu

  2   contre les inculpés dans l'acte d'accusation, est lié à la date du 12

  3   juillet 1992, et il est évident d'après les preuves versées au dossier que

  4   Bozovic n'a pas pu y participer. A savoir, Bozovic, pendant la période du

  5   26 juin 1992 au 23 juillet 1992, était hospitalisé à l'hôpital général à

  6   Doboj puisqu'il était blessé. Et après être sorti de l'hôpital, il a été

  7   affecté à d'autres tâches.

  8   Etant donné que Radojica Bozovic est le seul lien avec l'accusé et

  9   étant donné que le Procureur s'appuie sur ce lien pour conclure qu'il était

 10   impliqué à la commission des crimes à Doboj, et vu toutes ces preuves

 11   directes, la seule conclusion raisonnable serait la conclusion qui a été

 12   tirée par la Chambre de première instance, à savoir que Franko Simatovic

 13   n'avait rien à voir avec les événements et crimes perpétrés à Doboj.

 14   Ensuite, le Procureur fait savoir à la Chambre d'appel que la TO et

 15   la police de la Région autonome serbe de Krajina avaient commis des

 16   meurtres, déportations et persécutions de civils non-serbes dans la Région

 17   autonome serbe de Krajina entre avril 1991 et fin 1994. Bien que la Chambre

 18   de première instance ait établi qu'il y avait des liens entre l'accusé et

 19   certains groupes, comme la police de la Région autonome serbe de Krajina et

 20   la TO de Krajina, la Chambre de première instance a constaté de façon

 21   correcte que ces liens, à savoir ces preuves, ne sont pas suffisants pour

 22   en tirer la conclusion que Franko Simatovic et l'autre accusé ont aidé et

 23   encouragé la commission des crimes perpétrés de la part de la police de la

 24   Région autonome serbe de Krajina et TO Krajina.

 25   La Chambre de première instance a constaté de façon explicite que des

 26   liens entre Franko Simatovic et certains groupes dans la Krajina ne sont

 27   pas suffisants pour tirer la seule conclusion raisonnable selon laquelle

 28   Simatovic a aidé et encouragé les crimes perpétrés par ces groupes. Même si


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  1   toutes les conclusions de la Chambre de première instance avec lesquelles

  2   la Défense n'est pas tout à fait d'accord soient absolument exactes, la

  3   seule explication raisonnable alternative des agissements de Simatovic

  4   serait qu'il s'agissait des liens qui avaient pour but de soutenir des

  5   efforts de guerre des Serbes dans la Krajina, à savoir des efforts pour

  6   prendre le contrôle du territoire, et non pas pour aider à la commission

  7   des crimes.

  8   Pour que les choses soient encore plus claires. Même si nous ne

  9   sommes pas d'accord avec certaines des conclusions sur les faits faites par

 10   les Juges de la Chambre de première instance, même si ces conclusions

 11   n'étaient pas erronées, on ne pouvait pas en arriver à la conclusion que

 12   ces liens étaient établis pour commettre un crime et pas dans un autre but.

 13   Le Procureur devait proposer des éléments de preuve démontrant que

 14   les activités de Simatovic dans la Krajina dans la période très limitée

 15   entre le mois d'avril 1991 et jusqu'en août 1991 avaient pour seul but

 16   d'aider et d'appuyer la commission des crimes qui sont imputés dans l'acte

 17   d'accusation. Puisqu'il n'y a pas de telles preuves, il est clair que le

 18   Procureur va appliquer le test de responsabilité de la façon la plus large

 19   possible.

 20   Il est clair que Simatovic a séjourné à Knin pendant une période de

 21   deux mois et demi entre le mois de mai 1991 et le mois d'août 1991, mais

 22   son activité ne représentait pas une aide directe à la commission des

 23   crimes. C'est très important de le dire. Il est aussi important de dire que

 24   pendant la période où Simatovic a séjourné à Knin, il n'y a pas eu de

 25   crimes de commis, et Simatovic ne pouvait pas être au courant, donc, de la

 26   commission de tels crimes.

 27   Les preuves montrent clairement que Milan Martic, en 1990, avait déjà

 28   organisé la milice de la SAO Krajina et il avait pris la décision de


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  1   comment la financer et comment l'entraîner. Nous ne devons pas oublier que

  2   cette milice a été payée jusqu'en décembre 1990 depuis Zagreb, et par la

  3   suite par les entreprises actives dans la SAO Krajina. C'est Martic qui a

  4   décidé de la répartition des moyens trouvés. C'est Martic qui a aussi

  5   décidé du financement venu de l'étranger. Il existe aussi des éléments de

  6   preuve qui indiquent que le ministère de la Défense de la République de

  7   Serbie a financé la TO de la SAO Krajina en passant par différentes

  8   administrations à Knin et banques commerciales. Donc, tous ces accords

  9   portant sur le financement se sont faits entre le gouvernement de la SAO

 10   Krajina et Slobodan Milosevic et le ministre des Affaires intérieures,

 11   Zoran Sokolovic. Simatovic n'avait rien à voir avec tout cela. Parce que,

 12   d'après son rôle, il est bien au-dessous dans la hiérarchie de l'Etat.

 13   Simatovic ne fait pas partie du cercle des gens qui prennent des

 14   décisions concernant la politique de l'Etat, quel que soit son aspect, dont

 15   le financement. Il n'avait tout simplement pas de pouvoir dans le cadre de

 16   la DB de Serbie ou à un autre niveau pour prendre de telles décisions.

 17   La position de Simatovic était telle qu'il ne pouvait absolument pas

 18   disposer des moyens financiers qui permettraient de financer les forces des

 19   Serbes dans la SAO Krajina.

 20   Le Procureur dit que Simatovic a pris part personnellement dans

 21   certaines activités dans lesquelles Martic a agi avec l'intention de

 22   commettre des crimes. On met en exergue tout particulièrement Lovinac. La

 23   Défense affirme que Simatovic n'avait rien à voir avec l'attaque sur

 24   Lovinac. A l'époque, il se trouvait à Lika, à côté du plus grand dépôt de

 25   la JNA. Ce dépôt a été bloqué par les forces croates, et il n'y avait que

 26   la JNA qui pouvait décider de casser ce blocus. Les forces du Corps de Knin

 27   ont cassé ce blocus, ils ont débloqué le dépôt, et Mladic a écrit en détail

 28   sur cette action dans ses cahiers. Suite à ces activités de combat, la


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  1   population de Lovinac a quitté Lovinac. Dans les cahiers de Mladic, qui

  2   représentent un élément de preuve en l'espèce, on ne mentionne nulle part

  3   Simatovic. La seule conclusion à laquelle on peut arriver à la lecture de

  4   ces cahiers, c'est que cette attaque a été faite et est l'œuvre de la JNA

  5   intégralement pour des raisons tout à fait légitimes.

  6   La Défense dit aussi que Simatovic n'avait rien à voir avec les

  7   activités à Glina et à Struga en été 1991, et nous en avons parlé dans

  8   notre réplique.

  9   Eh bien, il nous reste à aborder la question de l'aide de Simatovic à

 10   Sanski Most et sa participation éventuelle dans l'entreprise criminelle

 11   commune.

 12   Le Procureur dit que la seule conclusion raisonnable tient à dire que

 13   les accusés ont financé et déployé Arkan à Sanski Most en 1991. Les membres

 14   de l'entreprise commune ont utilisé Arkan et la SDG pour nettoyer Sanski

 15   Most de la population non-serbe. Le Procureur dit aussi que la SDG a commis

 16   de nombreux crimes contre la population civile non-serbe dans la SBSO,

 17   Bijeljina et Zvornik, avec l'aide de la SDB de Serbie. Et les accusés

 18   devaient, d'après le Procureur, être au courant de cela.

 19   Nous devons dire que le Procureur n'a pas fait appel de la conclusion

 20   de la Chambre disant que Simatovic n'a pas été responsable des crimes

 21   commis par la SDG avant 1995 dans la SBSO, Bijeljina et Zvornik, mais

 22   demande que la Chambre d'appel proclame Simatovic responsable d'avoir aidé

 23   et soutenu les crimes commis à Sanski Most. Pourquoi ? Parce qu'il devait

 24   être au courant de la possibilité que la Garde des volontaires serbe

 25   commette les crimes de meurtres et d'expulsions.

 26   La Défense, au jour d'aujourd'hui, n'a pas compris d'où Simatovic

 27   tient ses connaissances préalables. Il n'existe aucun moyen de preuve,

 28   aucun élément de preuve qui ferait le lien entre Simatovic et les


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  1   événements de Sanski Most.

  2   Il a été en revanche prouvé que Arkan et la Garde des volontaires

  3   serbe a été envoyé à Banja Luka comme membre de la RSK sous le commandement

  4   direct du 11e Corps d'armée. Le témoin Pejlovic, qui était le premier

  5   remplaçant d'Arkan au niveau de sa Garde de volontaires, dans sa déposition

  6   devant la Chambre de première instance, a prouvé cela dans sa déposition.

  7   De plus, Arkan, sur le territoire de Sanski Most, est venu, appelé par le

  8   sommet de la Republika Srpska et avec un accord avec les officiers de haut

  9   rang de la RSK, et il s'est placé sous le commandement direct du général

 10   Talic qui était à l'époque le commandant du 1er Corps d'armée de la VRS et

 11   qui était le commandant de la Défense de Banja Luka et de Sanski Most.

 12   Donc, dans ce contexte, quand la Défense, d'un côté, met tous les

 13   éléments de preuve et de l'autre côté, la position, les niveaux de

 14   responsabilité de Simatovic au niveau de la SDB, il n'est absolument pas

 15   clair sur quelle base se fonde le Procureur pour dire que Simatovic avait

 16   la possibilité et le pouvoir d'organiser et de payer les soins médicaux

 17   pour les membres des volontaires serbes.

 18   Il en va de même pour l'opération Araignée, où on dit que Simatovic,

 19   avec Stanisic, a fait en sorte que les volontaires serbes puissent prendre

 20   part à l'opération. Et là, le Procureur parle de Simatovic, alors qu'il

 21   n'est pas clair de quelle façon il ait pu prendre part à cette opération.

 22   Il n'existe aucun moyen de preuve qui montrerait que Simatovic a

 23   fourni des munitions et des uniformes, et tout ceci par rapport à la

 24   position de Simatovic à l'époque dans la DB.

 25   Donc, la Défense arrive à la conclusion que des nombreux moyens de

 26   preuve montrent que Simatovic, de par sa position, de par sa profession, de

 27   par la portée de ses activités, ne pouvait même pas proposer l'aide

 28   financière et ne parlons pas de fournir l'aide financière à personne, et


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  1   surtout pas à la SDG.

  2   Donc, la Défense arrive à la conclusion que la Chambre d'appel doit

  3   rejeter les trois moyens d'appel du Procureur et demande à la Chambre

  4   d'appel de confirmer le jugement d'acquittement, car c'est le seul jugement

  5   possible compte tenu la situation de droit et de faits en l'espèce.

  6   Je vous remercie, Madame le Juge, Messieurs les Juges.

  7   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie, Maître Petrovic.

  8   Nous allons à présent prendre la pause. C'est une pause qui va durer 20

  9   minutes, et nous allons reprendre nos travaux à 4 heures moins quart.

 10   --- L'audience est suspendue à 15 heures 23.

 11   --- L'audience est reprise à 15 heures 44.

 12   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous allons reprendre l'audience et

 13   donner parole à l'Accusation pour quelle puisse répondre.

 14   Mme JARVIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame,

 15   Monsieur les Juges. J'ai quatre points en guise de réponse, et je vais

 16   tenter d'être brève.

 17   Le premier point concerne les arguments présentés par le conseil de M.

 18   Stanisic, à savoir que l'Accusation, dans son appel, cherche à échafauder

 19   une nouvelle maison sans regarder si les portes et fenêtres existantes

 20   peuvent être utilisées.

 21   Nous acceptons que les portes et les fenêtres de la maison échafaudée par

 22   la Chambre de première instance sont bien construites. Mais la Chambre de

 23   première instance a construit sa maison, échafaudé sa maison sans

 24   fondation, et c'est le problème qu'il nous cause, à savoir l'objectif

 25   criminel commun, l'analyse portant là-dessus et l'analyse de la

 26   connaissance de l'accusé dudit objectif criminel commun. Et sans ces

 27   fondations, la maison échafaudée par la Chambre de première instance ne

 28   peut pas être une maison construite de façon solide.


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  1   La Défense a tenté d'aborder ces deux problèmes lors de leurs

  2   arguments, mais rien dans ce qu'ils ont dit ne nous permet de comprendre à

  3   quel endroit se trouve l'analyse manquante dans le jugement, l'analyse

  4   manquante sur l'objectif criminel commun et la connaissance des accusés

  5   concernant cet objectif commun. Les fondations de la maison ne sont

  6   toujours pas là.

  7   Madame, Messieurs les Juges, nous admettons que la Chambre de

  8   première instance a fait de nombreuses constatations au niveau du jugement

  9   qui sont fondées. Outre ce que nous mettons en cause au moyen d'appel

 10   numéro 3 et le manque d'objectif criminel commun, nous acceptons les

 11   constatations factuelles déterminées par la Chambre, comme nous l'avons dit

 12   dans notre appel et présentés aujourd'hui lors de nos arguments. Mais nous

 13   souhaitons, Madame, Messieurs les Juges, que vous puissiez trouver une

 14   solution aux problèmes des fondations manquantes et que vous les ajoutiez

 15   pour que la maison puisse être construite correctement. Cela étaye notre

 16   position, à savoir cette affaire n'est pas si difficile que cela à

 17   résoudre.

 18   Le conseil de M. Stanisic a conclu ses arguments en disant que le

 19   bureau du Procureur ne peut présenter son appel si elle peut établir trois

 20   éléments, à savoir qu'il y avait un objectif commun lorsque les crimes sont

 21   inhérents au contrôle territorial, si nous admettons que l'accusé était au

 22   courant de cela et que les accusés y ont contribué de façon constante.

 23   Nous sommes d'accord avec ces trois propositions-là. Mais le problème

 24   qui se pose, c'est que malgré tous les éléments présentés par l'Accusation

 25   lors du procès au sujet de l'objectif commun, de la connaissance de

 26   l'accusé et des contributions des accusés, la Chambre de première instance

 27   n'a pas tenu compte de cela lorsqu'elle a procédé à son analyse, son

 28   intention partagée.


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  1   Le conseil de M. Stanisic fait valoir que l'Accusation demande à

  2   vous, Madame, Messieurs les Juges, de présupposer sa culpabilité. Pour ce

  3   qui est de notre exemple théorique du hold-up de la banque, le conseil a

  4   démontré qu'il y a une présomption de culpabilité inhérente dans nos

  5   arguments et nous vous demandons de dire qu'un chauffeur qui s'est rendu à

  6   la banque de façon légale et que les personnes qui ont contribué au

  7   cambriolage sont coupables. Mais ceci ne permet pas de comprendre la

  8   pertinence de cet exemple hypothétique, la pertinence de l'objectif

  9   criminel commun et de l'analyse qui est déterminante sur l'intention, chose

 10   que la Chambre de première instance n'a pas faite lorsqu'elle a analysé les

 11   éléments dans leur ensemble.

 12   Vous ne devez pas assumer qu'il y a objectif criminel commun ou que

 13   l'accusé avait connaissance de cet objectif. M. Marcussen, dans ses

 14   arguments, a levé un argument de la Défense cité dans le mémoire, à savoir

 15   la Chambre de première instance a peut-être présupposé qu'il y avait

 16   objectif criminel commun. Là où nous vous voulons en venir, c'est que si

 17   vous vous penchez là-dessus comme étant quelque chose de possible et si

 18   vous analysez ceci en profondeur, vous constaterez ceci n'étayait pas

 19   l'objectif criminel commun. Et dans le cas où c'eut été le cas, ce n'aurait

 20   pas été la bonne façon de procéder dans le cadre d'une entreprise

 21   criminelle commune.

 22   La Chambre de première instance devait analyser les éléments de

 23   preuve présentés par l'Accusation sur l'objectif criminel commun, parce que

 24   ces éléments de preuve ont un lien entre l'accusé et l'objectif criminel

 25   commun. Par exemple, les preuves sur le type de crime, le caractère

 26   systématique des crimes sur les déclarations faites par les membres de

 27   l'entreprise criminelle commune, Karadzic et autres, qui ont clairement

 28   déclaré leur intention de nettoyer de façon ethnique la région, ceci devait


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  1   être inclus dans les éléments de preuve pour comprendre quels étaient les

  2   liens entre les accusés et cette coordination, et la coopération avec les

  3   membres de l'entreprise criminelle commune dont ils avaient connaissance

  4   effectivement.

  5   Madame, Messieurs les Juges, le troisième point porte sur les tentatives de

  6   la Défense qui tentent de minimiser les événements. Le conseil de M.

  7   Stanisic a laissé entendre que la position de l'Accusation est si éloignée

  8   --

  9   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Le Juge Afande souhaite poser une

 10   question. Pardonnez-moi, si je vous interromps.

 11   M. LE JUGE AFANDE : Re-bonjour, Madame.

 12   Quand vous parliez tout à l'heure de fondation de la maison, je crois que

 13   vous faisiez allusion à votre premier moyen d'appel qui, selon vous, je

 14   peux me tromper - vous me corrigez si c'est le cas - que la Chambre aurait

 15   dû faire ses conclusions sur l'existence de l'objectif commun avant de

 16   procéder à l'analyse de l'élément moral.

 17   C'est bien ça ? C'est bien ça ?

 18   Mme JARVIS : [interprétation] Oui, oui, Monsieur le Juge. Nous disons que

 19   cela faisait partie intégrante de l'analyse. Que la Chambre ait constaté en

 20   premier lieu ou qu'elle ait intégré dans son analyse sur l'intention, une

 21   analyse aurait dû être faite lorsqu'il s'agissait de statuer sur cette

 22   affaire.

 23   M. LE JUGE AFANDE : Et vous le présentez comme étant une erreur de droit.

 24   Sur quelle disposition juridique vous fondez cet argument qu'il y a eu la

 25   non-conformité à un texte de droit, ou bien y a-t-il eu jurisprudence qui,

 26   selon vous, détermine cette séquence de l'analyse, et qui n'aurait pas été

 27   suivie par la Chambre de première instance ?

 28   Mme JARVIS : [interprétation] Nous faisons valoir qu'il s'agit d'une erreur


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  1   de droit, Monsieur le Juge, parce qu'il n'y a pas eu d'opinion motivée, il

  2   s'agit d'une catégorie d'erreurs juridiques reconnues par la jurisprudence

  3   de ce Tribunal.

  4   Donc, toutes les fois qu'il y a manquement à ce niveau-là, à l'analyse d'un

  5   point donné, à chaque fois qu'il y a un manquement d'analyse des éléments

  6   de preuve, ceci peut constituer un manquement à une opinion motivée, il n'y

  7   a pas d'opinion motivée, et ceci constitue une erreur juridique.

  8   M. LE JUGE AFANDE : Je peux continuer ? Vous semblez avoir donné deux

  9   références ce matin, dans, je crois Kvocka 23, paragraphe 23, et Gotovina,

 10   paragraphe 12, pour illustrer la même position qui semble un être en

 11   décalage avec ce qui est dans votre mémoire d'appel original. Comment

 12   expliquez-vous cette différence entre la position de "reasoned opinion"

 13   aujourd'hui qui manque et la position initiale dans votre mémoire d'appel

 14   qui ne parle pas de l'absence de raisonnement détaillé ou bien de

 15   motivation détaillée ?

 16   Mme JARVIS : [interprétation] Monsieur le Juge, au moyen d'appel numéro 1,

 17   effectivement nous avons allégué que la Chambre de première instance n'a

 18   pas fourni une opinion motivée. Donc, les arguments présentés aujourd'hui

 19   sont cohérents avec les arguments que nous avons présentés dans mémoire en

 20   appel. Dans notre mémoire en appel, nous avons inclus différentes citations

 21   pour étayer notre argument, mais il est vrai que ce que nous faisons valoir

 22   aujourd'hui, c'est une explication de ce que nous avons déjà inclus dans

 23   notre mémoire en appel.

 24   M. LE JUGE AFANDE : Merci.

 25   Mme JARVIS : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, le troisième

 26   point en guise de réponse concerne la situation faite par la Défense, à

 27   savoir que la position de l'Accusation est tellement éloignée, lorsqu'il y

 28   a une infraction même mineure qui est commise pendant un conflit, une unité


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  1   doit être dûment démantelée.

  2   Ce n'est pas le lieu de notre argument aujourd'hui. N'oublions pas ce

  3   qui s'est passé à Bosanski Samac et à Doboj. A Bosanski Samac et à Doboj,

  4   l'unité de l'accusé, que les accusés contrôlaient ont détenu et tué des

  5   détenus après la prise de contrôle, et pendant tout le mois d'avril et mai

  6   1992. Les Juges de la Chambre ont abordé des éléments de preuve portant sur

  7   les unités qui frappaient les détenus à la tête avec des matraques en

  8   caoutchouc, les frappant à mort, même un homme âgé de 60 ans, et en

  9   traînant un homme par la jambe dans la cour, "et l'emmenant dans la Sava",

 10   paragraphe 666, en frappant les Musulmans à l'aine, et en déclarant que les

 11   Musulmans ne devaient pas procréer. Paragraphes 665, 666, 673, 676.

 12   La Chambre a admis que les membres de l'unité ont commis ces passages

 13   à tabac et ces meurtres, paragraphe 685.

 14   En outre, la Chambre a constaté que le 7 mai 1992, des membres de

 15   l'unité ont massacré 16 civils qui étaient détenus dans un entrepôt,

 16   paragraphes 608 à 615, et 685. A Doboj, en connaissance des crimes qui

 17   étaient commis à Bosanski Samac, les accusés ont déployé une autre unité,

 18   d'autres membres de l'unité qui terrorisaient la population civile à

 19   Bosanski Samac et à Doboj. Après la prise de contrôle, le 3 mai 1992,

 20   paragraphe 718 du jugement.

 21   A la date du 7 mai 1994, ceci avait provoqué le départ de milliers de

 22   Musulmans et de Croates de la ville de Doboj. Le 24 mai 1992, les membres

 23   de l'unité ont pris dix détenus de la prison que l'on n'a jamais revus.

 24   Paragraphe 777. Au mois de juin 1992, des membres de l'unité ont tué au

 25   moins 30 civils détenus dans un entrepôt, et les ont ensevelis dans des

 26   fosses communes. Paragraphe 776. Au mois de mai ou mois de juin 1992, des

 27   membres de l'unité ont attaqué les villages de la municipalité de Doboj,

 28   ils ont capturé, torturé, ont tué des membres des armées croates et


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  1   musulmanes, et ont tué l'ensemble de la population de Johovac, paragraphe

  2   747.

  3   Donc, Madame, Messieurs les Juges, il s'agit d'une déformation des

  4   éléments au dossier que de suggérer que l'accusé n'avait pas connaissance

  5   du caractère épouvantable et massif des crimes commis, et du rôle qu'ils

  6   ont joué dans la campagne de nettoyage ethnique.

  7   Madame, Messieurs les Juges, mon quatrième point, et j'hésite à dire

  8   que j'ai en réalité cinq points que je souhaite aborder. Le quatrième point

  9   porte sur la complicité par aide et encouragement. 

 10   Le conseil de M. Stanisic a fait valoir aujourd'hui que peu s'est

 11   porté sur l'erreur juridique commise par la Chambre de première instance

 12   concernant la visée spécifique en tant qu'élément constitutif de la

 13   complicité par aide et encouragement. Regardons l'erreur de la majorité a

 14   donné lieu à une mauvaise interprétation du rôle de l'accusé dans la

 15   complicité par aide et encouragement des crimes de l'unité de Bosanski

 16   Samac et Doboj, ce qui comprend les meurtres, les déplacements forcés, la

 17   persécution.

 18   Comment cette condition erronée n'est pas conforme au droit

 19   international coutumier et a conduit à un déni de justice.

 20   Au paragraphe 2359, la Chambre de première instance a conclu que "des

 21   contributions de l'accusé ont aidé à la commission des crimes commis par

 22   les accusés."

 23   Autrement dit, la Chambre de première instance a constaté que la

 24   condition juridique de la contribution avait été réunie.

 25   Dans les paragraphes suivants, cependant, la majorité a admis que

 26   cette aide n'a pas eu un effet important parce que leurs actes ne visaient

 27   pas précisément les crimes. Donc, les accusés ont été acquittés de

 28   complicité par aide et encouragement concernant les crimes commis à


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  1   Bosanski Samac et Doboj.

  2   Donc, le fait que cette condition de visée spécifique n'a eu aucune

  3   incidence sur l'issue de cette affaire n'est pas exact au vu de la lecture

  4   des conclusions des Juges de la Chambre.

  5   Et enfin, Madame, Messieurs les Juges, les conseils des deux accusés ont

  6   abordé la question de l'équité des condamnations en appel. Nous sommes

  7   d'accord qu'il s'agit là d'une question qui préoccupera les Juges de la

  8   Chambre et qu'il faut minutieusement y réfléchir. Mais, Madame, Messieurs

  9   les Juges, c'est une question qui a déjà été abordée et qui a été tranchée

 10   par cette Chambre d'appel. Au fil des ans, l'argument a été avancé à

 11   plusieurs reprises selon lequel la Chambre d'appel ne devrait pas prononcer

 12   des condamnations en appel lorsqu'il n'y a plus d'autre droit d'appel, mais

 13   la Chambre d'appel a systématiquement pris position, la position étant

 14   qu'elle avait ce pouvoir et qu'il était correct de le faire.

 15   Madame, Messieurs les Juges, j'aimerais également vous rappeler que ce

 16   pouvoir découle de l'article 25 du Statut, et le pouvoir de la Chambre

 17   consiste à confirmer, renverser ou revoir des décisions de la Chambre de

 18   première instance. Par exemple, la Chambre d'appel a prononcé des

 19   déclarations de culpabilité par le passé : arrêt Djordjevic, paragraphe

 20   928; arrêt Popovic, paragraphe 539. Le TPIR également s'est prononcé sur la

 21   question. Et il y a beaucoup d'autres exemples qui peuvent être repris dans

 22   l'histoire du Tribunal.

 23   Il a déjà été déterminé que cela n'était pas incohérent avec les droits à

 24   un procès équitable de l'accusé. En particulier, la Convention européenne

 25   des droits de l'homme reconnaît qu'il ne s'agit pas d'un droit absolu que

 26   d'interjeter appel d'une condamnation si la condamnation se fait au plus

 27   haut niveau de l'instance, et c'est le cas en l'espèce.

 28   Donc nous avançons, Madame, Messieurs les Juges, que cette question a déjà


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  1   été décidée, tranchée, et qu'il vous revient de prononcer des déclarations

  2   de culpabilité si vous l'estimez nécessaire. Cela est incontestable. C'est

  3   à vous de déterminer si vous voulez exercer ce pouvoir. Pour toutes ces

  4   raisons, celles que j'ai avancées ce matin dans mes plaidoiries, nous

  5   pensons qu'il s'agit là de la voie la plus appropriée dans les

  6   circonstances de l'espèce.

  7   Je vous remercie.

  8   Et je voudrais également mentionner que j'ai des copies des transparents

  9   sur lesquels je me suis appuyée aujourd'hui pour vous et pour la Défense.

 10   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Madame le Procureur. Est-ce que

 11   vous concluez par cela vos arguments ?

 12   Mme JARVIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ceci conclut nos

 13   arguments.

 14   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci beaucoup.

 15   Ceci conclut l'audience de l'appel d'aujourd'hui. Mais avant de lever

 16   l'audience, j'aimerais prendre quelques instants pour remercier les parties

 17   de leur travail sur cette affaire et de nous avoir présenté leurs arguments

 18   aujourd'hui. J'aimerais également exprimer ma reconnaissance envers le

 19   personnel du Greffe qui est présent ici dans le prétoire qui a permis

 20   l'organisation de l'audience d'aujourd'hui, et remercier en particulier les

 21   interprètes de leur travail excellent. Quelquefois, nous avons maltraité

 22   les interprètes de par la rapidité des conseils lors de leurs arguments, et

 23   je tenais à remercier les interprètes particulièrement.

 24   L'INTERPRÈTE : Les interprètes vous remercient.

 25   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Et, bien sûr, nous remercions également

 26   les commis à l'affaire et les juristes de la Chambre d'appel.

 27   La Chambre d'appel rendra sa décision en temps voulu et les parties en

 28   seront notifiées.


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  1   L'audience est levée.

  2   --- L'audience est levée à 16 heures 04.

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