LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

AFFAIRE N° IT-96-23-I

LE PROCUREUR DU TRIBUNAL

CONTRE

GOJKO JANKOVIC
JANKO JANJIC
ZORAN VUKOVIC
DRAGAN ZELENOVIC
RADOVAN STANKOVIC

 

ACTE D’ACCUSATION MODIFIÉ

Le Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, en vertu des pouvoirs que lui confère l’article 18 du Statut du Tribunal, accuse :

GOJKO JANKOVIC
JANKO JANJIC
ZORAN VUKOVIC
DRAGAN ZELENOVIC
RADOVAN STANKOVIC

de CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ et de VIOLATIONS DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, comme décrit ci-après :

 

CONTEXTE

1.1 La ville et la municipalité de Foca sont situées au sud-est de Sarajevo, en République de Bosnie-Herzégovine, près de la frontière avec la Serbie et le Monténégro. Selon le recensement de 1991, Foca comptait 40 513 habitants, dont 51,6 % de Musulmans, 45,3 % de Serbes et 3,1 % d’origines diverses. La prise du pouvoir politique et militaire dans la municipalité de Foca a débuté le 7 avril 1992 avec les premières actions militaires dans la ville de Foca proprement dite. Les forces serbes, appuyées par de l’artillerie et des armes lourdes, ont investi Foca, quartier par quartier. Le 16 ou 17 avril 1992, la ville était entièrement occupée. Le siège des villages environnants s’est poursuivi jusqu’à la mi-juillet 1992.

1.2 Dès que les forces serbes se sont emparées de certaines parties de la ville de Foca, la police militaire, accompagnée de soldats de la région et d’ailleurs, a commencé à arrêter des habitants musulmans et croates. Jusqu’à la mi-juillet 1992, ils ont continué à rassembler et à arrêter des villageois musulmans des villages environnants de la municipalité. Les forces serbes ont séparé les hommes et les femmes et ont illégalement enfermé des milliers de Musulmans et de Croates dans divers centres de détention à court ou à long terme ou les ont assignés de fait à domicile. Lors des arrestations, de nombreux civils ont été tués, battus ou ont subi des violences sexuelles.

1.3 Les hommes étaient principalement détenus au Kazneno-popravni Dom de Foca ("KP Dom"), l’une des plus grandes prisons de l’ancienne République de Yougoslavie. Les femmes, les enfants et les vieillards musulmans étaient détenus dans des maisons, des appartements et des motels de la ville de Foca ou des villages environnants ou dans des centres de détention à court ou à long terme tels que, respectivement, Buk Bijela, le lycée de Foca et le centre sportif Partizan. Bon nombre de femmes détenues ont connu des conditions de vie humiliantes et dégradantes, ont été gravement battues et ont été victimes de violences sexuelles, notamment de viols.

1.4 Outre les lieux de détention précités, plusieurs femmes ont été détenues dans des maisons et des appartements faisant office de bordels gérés par des groupes de soldats, essentiellement des paramilitaires. Le CICR et d’autres organisations, qui ignoraient l’existence de ces lieux de détention, ne sont pas intervenus. Ces détenues n’ont donc pas pu être libérées ou échangées.

 

LES ACCUSÉS

2.1 GOJKO JANKOVIC, fils de Danilo, né le 31 octobre 1954 dans le village de Trbusce, dans la municipalité de Foca, était domicilié à Foca, rue I.G. Kovacica. Il a vécu pendant un certain temps à Herceg Novi, au Monténégro. Avant la prise de Foca, il travaillait pour la société Sipad Maglic et était propriétaire d’un café à Trnovaca. GOJKO JANKOVIC était commandant adjoint dans la police militaire et l’un des principaux dirigeants paramilitaires de Foca.

2.2 JANKO JANJIC, alias "Tuta", fils de Milorad, né le 17 juin 1957 à Miljevina, dans la municipalité de Foca, était domicilié à Foca, rue Mose Pijade n° 6. Avant l’offensive des Serbes de Bosnie contre Foca en avril 1992, il était mécanicien automobile au chômage. JANKO JANJIC est devenu l’un des commandants adjoints de la police militaire et un dirigeant paramilitaire à Foca. Il a participé à l’offensive contre Foca et ses villages environnants et à l’arrestation de civils.

2.3 ZORAN VUKOVIC, fils de Milojica, né le 6 septembre 1955 dans le village de Brusna, dans la municipalité de Foca, était domicilié à Foca. Avant la guerre, il travaillait comme serveur et chauffeur. ZORAN VUKOVIC a participé à l’offensive contre Foca et ses villages environnants et à l’arrestation de civils. Il était l’un des commandants adjoints de la police militaire et un dirigeant paramilitaire à Foca.

2.4 DRAGAN ZELENOVIC, alias "Zelja" et "Zeleni", fils de Bogdan, né le 12 février 1961 à Foca, habite depuis juin 1996 rue Nurije Pozderca n° 21. Avant la guerre, il était électricien à Miljevina. DRAGAN ZELENOVIC était l’un des commandants adjoints de la police militaire et un dirigeant paramilitaire à Foca. Il a participé à l’offensive contre Foca et ses villages environnants et à l’arrestation de civils.

2.5 RADOVAN STANKOVIC, alias "Rasa", fils de Todor, né le 10 mars 1969 dans le village de Trebica, dans la municipalité de Foca, était domicilié à Miljevina. Il faisait partie de l’unité d’élite paramilitaire serbe commandée par Pero Elez. RADOVAN STANKOVIC était également un subordonné de Pero Elez. RADOVAN STANKOVIC était responsable de la maison de Karaman à Miljevina, où des femmes musulmanes ont été enfermées et ont été victimes de violences sexuelles, notamment de viols.

 

RESPONSABILITÉ DU SUPÉRIEUR HIÉRARCHIQUE

3.1 GOJKO JANKOVIC a participé à l’offensive militaire contre la ville de Foca et divers villages environnants, ainsi qu’à l’arrestation de dirigeants civils. GOJKO JANKOVIC, en sa qualité de commandant adjoint de la police militaire de Foca, était responsable des soldats qui, le 3 juillet 1992, ont arrêté un groupe de femmes et les ont transportées jusqu'aux installations militaires de Buk Bijela pour les interroger. En sa qualité, GOJKO JANKOVIC était responsable des actes des soldats sous ses ordres et savait ou avait des raisons de savoir que ses subordonnés infligeaient des violences sexuelles à des femmes musulmanes durant les interrogatoires ou immédiatement après ceux-ci. GOJKO JANKOVIC a personnellement participé à l’interrogatoire et au viol de femmes à Buk Bijela.

 

ALLÉGATIONS GÉNÉRALES

4.1 À toutes les époques visées dans le présent acte d’accusation, la République de Bosnie-Herzégovine, sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, était le théâtre d’un conflit armé.

4.2 À toutes les époques visées dans le présent acte d’accusation, les accusés étaient tenus de respecter les lois ou coutumes régissant la conduite de la guerre.

4.3 Sauf indication contraire ci-après, tous les actes et omissions décrits dans le présent acte d’accusation se sont déroulés entre avril 1992 et février 1993.

4.4 Dans chacun des chefs d’accusation relatifs aux crimes contre l’humanité, sanctionnés par l’article 5 du Statut du Tribunal, les actes ou omissions faisaient partie d’une offensive généralisée, à grande échelle ou systématique contre une population civile, à savoir la population musulmane de la municipalité de Foca.

4.5 Dans le présent acte d’accusation, les témoins et les victimes sont désignés par des noms de code ou des pseudonymes, FWS-95 par exemple, ou des initiales, comme D.B.

4.6 Chacun des accusés est individuellement responsable des crimes mis à sa charge dans le présent acte d’accusation en vertu de l’article 7 1) du Statut du Tribunal. La responsabilité pénale individuelle d’une personne est engagée dès lors que celle-ci a commis, planifié, incité à commettre, ordonné ou aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter tout acte ou omission décrit ci-après.

4.7. En vertu de l’article 7 3) du Statut du Tribunal, GOJKO JANKOVIC, en sa qualité de supérieur hiérarchique, est, également ou alternativement, pénalement responsable des actes de ses subordonnés, pour ce qui est des chefs d’accusation 1 à 4. Le supérieur hiérarchique est pénalement responsable des actes de son subordonné s’il savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné s’apprêtait à commettre de tels actes ou l’avait fait et s’il n’a pas pris les mesures raisonnables et nécessaires pour empêcher que lesdits actes ne soient commis ou en punir les auteurs. En omettant de prendre les mesures que l’on est en droit d’attendre d’un supérieur hiérarchique, GOJKO JANKOVIC est responsable de tous les crimes visés aux chefs d’accusation précités en application de l’article 7 3) du Statut du Tribunal.

 

LES CHEFS D’ACCUSATION

CHEFS D’ACCUSATION 1 à 12

Torture et viols à Buk Bijela

5.1 Buk Bijela désigne un ensemble d’installations situées sur le chantier de construction d’un barrage hydroélectrique sur la route allant de Brod à Miljevina, près de la rivière Drina. Ces installaions ont été transformées en caserne et en quartier général local des forces serbes de Bosnie et des troupes paramilitaires après la prise de Foca et des villages environnants en avril 1992. Le complexe de Buk Bijela se composait de baraquements d’ouvriers où 200 à 300 soldats environ étaient casernés et d’un motel adjacent. Buk Bijela servait de centre de détention et d’interrogation provisoire pour les femmes, les enfants et les vieillards civils arrêtés dans divers villages de la municipalité de Foca en juillet 1992.

5.2 Le 3 juillet 1992, des soldats commandés par l’accusé GOJKO JANKOVIC, parmi lesquels se trouvaient JANKO JANJIC, DRAGAN ZELENOVIC et ZORAN VUKOVIC, ont arrêté un groupe d’au moins 60 Musulmans - des femmes, des enfants et quelques hommes âgés - originaires de Trosanj et de Mjesaja et les ont emmenés à Buk Bijela. Après l’attaque de Foca, les villages de Trosanj et de Mjesaja avaient opposé une résistance armée.

5.3 Pendant leur détention de plusieurs heures à Buk Bijela, tous les civils musulmans ont dû s’aligner le long de la Drina sous la surveillance de soldats armés. Ils ont été menacés de mort ou de viol ou ont subi d’autres humiliations. Les soldats se sont approchés de chaque détenu et les ont conduits auprès de chacun des accusés pour interrogatoire. Les soldats ont séparé les femmes de leurs enfants. GOJKO JANKOVIC, JANKO JANJIC, DRAGAN ZELENOVIC et ZORAN VUKOVIC ont interrogé les femmes. Ces interrogatoires portaient essentiellement sur les endroits où étaient cachés les villageois de sexe masculin et les armes. Les accusés ont dit aux femmes qu’ils les tueraient et leur feraient subir des violences sexuelles si elles mentaient. Durant l’interrogatoire ou immédiatement après, JANKO JANJIC et DRAGAN ZELENOVIC, ainsi que d’autres soldats agissant sous le contrôle de GOJKO JANKOVIC, ont infligé des viols collectifs à plusieurs femmes qu’ils soupçonnaient de mentir. Les paragraphes 5.4 à 5.7 ci-après donnent de plus amples détails sur certaines des violences sexuelles commises le 3 juillet 1992 ou vers cette date.

5.4 Un témoin, dont le nom de code est FWS-75, a été interrogé par GOJKO JANKOVIC et DRAGAN ZELENOVIC à propos de son village et de l’éventuelle possession d’armes par les villageois. GOJKO JANKOVIC a dit au témoin de ne pas mentir sinon elle serait violée par des soldats et tuée ensuite. Comme FWS-75 n’a pas répondu aux questions de manière satisfaisante, un soldat l’a emmenée dans une autre pièce où au moins dix soldats non identifiés l’ont violée à tour de rôle. Le viol consistait notamment en des pénétrations vaginales et des fellations. FWS-75 a perdu connaissance après que le dixième soldat lui a fait subir des violences sexuelles. Ces violences ont duré au total, une à deux heures.

5.5 Un autre témoin, FWS-87 - une jeune fille de 15 ans - a été interrogé par DRAGAN ZELENOVIC et trois soldats non identifiés dans une pièce de Buk Bijela. Durant l’interrogatoire, ils ont accusé FWS-87 de mentir. Ceux qui l’interrogeaient l’ont déshabillée et l’ont ensuite violée à tour de rôle. Le viol consistait en des pénétrations vaginales. Le premier soldat l’a également menacée en pointant une arme contre sa tête. Durant les sévices, FWS-87 a ressenti de très fortes douleurs, suivies de pertes de sang importantes.

5.6 Un autre témoin, FWS-48, a été interrogé par JANKO JANJIC dans une pièce de Buk Bijela. Pendant l’interrogatoire, JANKO JANJIC l’a déshabillée contre son gré. Lorsque FWS-48 a essayé de résister, il l’a frappée, bousculée et menacée d’appeler dix soldats pour la violer. Ensuite, JANKO JANJIC a violé FWS-48 par pénétration vaginale.

5.7 Un quatrième témoin, FWS-74, a été emmené par JANKO JANJIC dans une pièce pour y être interrogé en présence d’un soldat non identifié. Pendant l’interrogatoire, JANKO JANJIC a donné l’ordre à FWS-74 de se déshabiller. L'autre soldat a alors demandé à JANKO JANJIC de quitter la pièce. Après le départ de JANKO JANJIC, le soldat a déshabillé FWS-74. Durant une vingtaine de minutes, le soldat l’a violée par pénétration vaginale.

5.8 Par les actes et omissions susmentionnés en relation avec les victimes FWS-75, FWS-87, FWS-48 et FWS-74, GOJKO JANKOVIC s'est rendu responsable de :

CHEF D’ACCUSATION 1

(Torture)

Chef d’accusation 1 : torture, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 f) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 2

(Viol)

Chef d’accusation 2 : viol, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 g) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 3

(Torture)

Chef d’accusation 3 : torture, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal et reconnue par l’article 3 1) a) (torture) commun aux Conventions de Genève ;

CHEF D’ACCUSATION 4

(Viol)

Chef d’accusation 4 : viol, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal.

 

5.9 Par les actes et omissions susmentionnés en relation avec les victimes FWS-75 et FWS-87, DRAGAN ZELENOVIC s'est rendu responsable de :

CHEF D’ACCUSATION 5

(Torture)

Chef d’accusation 5 : torture, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 f) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 6

(Viol)

Chef d’accusation 6 : viol, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 g) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 7

(Torture)

Chef d’accusation 7 : torture, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Tribunal et reconnue par l’article 3 1) a) (torture) commun aux Conventions de Genève ;

CHEF D’ACCUSATION 8

(Viol)

Chef d’accusation 8 : viol, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal.

5.10 Par les actes et omissions susmentionnés en relation avec les victimes FWS-48 et FWS-74, JANKO JANJIC s'est rendu responsable de :

CHEF D’ACCUSATION 9

(Torture)

Chef d’accusation 9 : torture, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 f) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 10

(Viol)

Chef d’accusation 10 : viol, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 g) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 11

(Torture)

Chef d’accusation 11 : torture, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Tribunal et reconnue par l’article 3 1) a) (torture) commun aux Conventions de Genève ;

CHEF D’ACCUSATION 12

(Viol)

Chef d’accusation 12 : viol, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal.

 

CHEFS D’ACCUSATION 13 à 28

Torture et viols au lycée de Foca

6.1 Durant l’occupation qui a suivi la prise de la ville de Foca, le lycée de Foca, situé dans le quartier Aladza, a été utilisé comme caserne pour des soldats serbes et comme centre de détention à court terme pour des femmes, des enfants et des vieillards musulmans.

6.2 Entre le 3 juillet et le 13 juillet 1992 environ, au moins 72 habitants musulmans de la municipalité de Foca - dont les femmes, enfants et vieillards qui avaient été détenus à Buk Bijela - ont été emprisonnés dans deux classes du lycée de Foca. Le 13 juillet 1992 ou vers cette date, tous les détenus ont été transférés du lycée de Foca au centre sportif Partizan à Foca.

6.3 Au lycée de Foca, les détenus étaient entourés de soldats serbes armés qui patrouillaient à l’extérieur du lycée et ne cessaient d’entrer et de sortir du bâtiment. Il y avait également deux gardiens armés, membres de la police de Foca ("le SUP"), qui faisaient des rondes dans le couloir, à l’extérieur des locaux de détention.

6.4 Bon nombre des détenues ont été victimes de violences sexuelles durant leur détention au lycée de Foca. À partir du deuxième jour de détention, certaines femmes, parmi les plus jeunes, étaient chaque soir victimes de violences sexuelles, dont des viols collectifs, infligés par des groupes de soldats serbes, dans des classes ou des appartements d'immeubles voisins. Parmi ces victimes, se trouvaient les témoins FWS-50, FWS-75, FWS-87, FWS-95, FWS-74 et FWS-88, comme décrit ci-après. Les soldats menaçaient de tuer les femmes ou leurs enfants si celles-ci refusaient de se soumettre aux violences sexuelles. Les femmes qui osaient résister aux violences sexuelles étaient battues. Le groupe de soldats susmentionné se composait de membres de la police militaire qui se faisaient appeler les "Gardes de Cosa”, d’aprcs le nom du commandant local de la police militaire, Cosovic. Les accusés GOJKO JANKOVIC, DRAGAN ZELENOVIC, JANKO JANJIC et ZORAN VUKOVIC se trouvaient parmi ces groupes de soldats.

6.5 La santé physique et psychologique de bon nombre des détenues s’est sérieusement détériorée en raison de ces violences sexuelles. Certaines souffraient d’épuisement, de pertes vaginales, de dysfonctionnement de la vessie et de règles irrégulières. Les détenues vivaient dans une angoisse permanente. Certaines des femmes victimes de violences sexuelles avaient envie de se suicider. D’autres sont devenues indifférentes à ce qui allait leur arriver et ont basculé dans la dépression.

6.6 Le 6 ou 7 juillet 1992 ou vers cette date, DRAGAN ZELENOVIC, de concert avec JANKO JANJIC et ZORAN VUKOVIC, a choisi FWS-50, FWS-75, FWS-87, FWS-95 parmi les détenues. Les accusés les ont emmenées dans une autre classe où attendaient des soldats non identifiés. Ensuite, DRAGAN ZELENOVIC a décidé quelle femme serait attribuée à quel homme. Les femmes ont reçu l’ordre de se déshabiller. FWS-95 a refusé et JANKO JANJIC l’a frappée et l’a menacée de son arme. Ensuite, DRAGAN ZELENOVIC a violé FWS-75 (pénétration vaginale), ZORAN VUKOVIC a violé FWS-87 (pénétration vaginale) et JANKO JANJIC a violé FWS-95 (pénétration vaginale) dans la même pièce. L’un des autres soldats a emmené FWS-50 dans une autre pièce, où il l’a violée (pénétration vaginale).

6.7 Entre le 8 juillet environ et le 13 juillet 1992 environ, outre les violences sexuelles décrites au paragraphe 6.6, DRAGAN ZELENOVIC s’est trouvé, au moins à cinq reprises, à la tête d’un groupe de soldats qui ont infligé des violences sexuelles à FWS-75 et à FWS-87. Les femmes ont d’abord été emmenées dans une autre classe du lycée de Foca. Là, ZORAN VUKOVIC et DRAGAN ZELENOVIC ont violé FWS-75 et FWS-87 (pénétration vaginale).

6.8 Entre le 8 juillet environ et le 13 juillet 1992 environ, à trois reprises, FWS-75 et FWS-87 ont été conduites du lycée de Foca à l'immeuble Brena, situé dans le centre de Foca. Cet immeuble se trouvait près de l’hôtel Zelengora, qui abritait le quartier général militaire des forces serbes. La première fois, les deux femmes ont été emmenées dans un appartement appartenant à DRAGAN ZELENOVIC. Les accusés JANKO JANJIC et DRAGAN ZELENOVIC, ainsi que deux autres soldats non identifiés ont violé FWS-75 (pénétration vaginale et anale, fellation) pendant que DRAGAN ZELENOVIC violait FWS-87 (pénétration vaginale).

6.9 Entre le 8 juillet environ et le 13 juillet 1992 environ, à deux reprises, DRAGAN ZELENOVIC et plusieurs autres soldats non identifiés ont emmené FWS-75 et FWS-87 à Brena et les ont violées. L’accusé a alors violé FWS-75 (pénétration vaginale et anale, fellation) et FWS-87 (pénétration vaginale).

6.10 Entre le 8 juillet environ et le 13 juillet 1992 environ, à une autre occasion, FWS-75, FWS-87 et Z.G. ont été emmenées par DRAGAN ZELENOVIC à Gornje Polje, dans une maison abandonnée appartenant à un policier musulman. Là, DRAGAN ZELENOVIC a violé FWS-87 (pénétration vaginale). Un soldat non identifié a violé Z.G.

6.11 Entre le 8 juillet environ et le 13 juillet 1992 environ, outre les actes décrits au paragraphe 6.6, FWS-95 a subi des violences sexuelles dans diverses classes du lycée de Foca. Comme elle avait été battue et menacée lors des violences précédentes, FWS-95 n’a plus osé résister aux soldats. Elle a été violée à de nombreuses reprises par plusieurs personnes, parmi lesquelles se trouvaient JANKO JANJIC, DRAGAN ZELENOVIC et GOJKO JANKOVIC (pénétration vaginale et anale, fellation).

6.12 Le 8 juillet 1992 ou vers cette date, JANKO JANJIC a choisi FWS-74 et l’a emmenée dans une pièce vide du lycée de Foca. En y allant, FWS-74 s'est disputée avec JANKO JANJIC. À ce moment-là, DRAGAN ZELENOVIC est passé près d’eux et a menacé de l’emmener auprès d’une centaine de soldats sur le front. Après ces menaces, FWS-74 a été violée par JANKO JANJIC (pénétration vaginale et fellation).

6.13 Le 8 juillet 1992 ou vers cette date, JANKO JANJIC a emmené FWS-88 dans un appartement de l’immeuble Brena. Là, pendant toute la nuit, il l’a violée à plusieurs reprises (pénétration vaginale et anale, fellation). Comme elle était vierge avant ces actes, FWS-88 a ressenti d’atroces douleurs durant le viol. Deux jours plus tard, JANKO JANJIC l’a emmenée dans la maison d’un orfèvre musulman près de la gare routière. À cet endroit, il l’a de nouveau violée à deux reprises (pénétration vaginale).

6.14 Par les actes et omissions susmentionnés en relation avec les victimes FWS-50, FWS-75, FWS-87 et FWS-95, DRAGAN ZELENOVIC s'est rendu responsable de :

CHEF D’ACCUSATION 13

(Torture)

Chef d’accusation 13 : torture, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 f) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 14

(Viol)

Chef d’accusation 14 : viol, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 g) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 15

(Torture)

Chef d’accusation 15 : torture, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Tribunal et reconnue par l’article 3 1) a) (torture) commun aux Conventions de Genève ;

CHEF D’ACCUSATION 16

(Viol)

Chef d’accusation 16 : viol, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal.

 

6.15 Par les actes et omissions susmentionnés en relation avec les victimes FWS-50, FWS-75, FWS-87, FWS-95, FWS-74 et FWS-88, JANKO JANJIC s'est rendu responsable de :

CHEF D’ACCUSATION 17

(Torture)

Chef d’accusation 17 : torture, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 f) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 18

(Viol)

Chef d’accusation 18 : viol, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 g) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 19

(Torture)

Chef d’accusation 19 : torture, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Tribunal et reconnue par l’article 3 1) a) (torture) commun aux Conventions de Genève ;

CHEF D’ACCUSATION 20

(Viol)

Chef d’accusation 20 : viol, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal.

 

6.16 Par les actes et omissions susmentionnés en relation avec les victimes FWS-50, FWS-95, FWS-75 et FWS-87, ZORAN VUKOVIC s'est rendu responsable de :

CHEF D’ACCUSATION 21

(Torture)

Chef d’accusation 21 : torture, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 f) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 22

(Viol)

Chef d’accusation 22 : viol, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 g) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 23

(Torture)

Chef d’accusation 23 : torture, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Tribunal et reconnue par l’article 3 1) a) (torture) commun aux Conventions de Genève ;

CHEF D’ACCUSATION 24

(Viol)

Chef d’accusation 24 : viol, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal.

6.17 Par les actes et omissions susmentionnés en relation avec la victime FWS-95, GOJKO JANKOVIC s'est rendu responsable de :

CHEF D’ACCUSATION 25

(Torture)

Chef d’accusation 25 : torture, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 f) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 26

(Viol)

Chef d’accusation 26 : viol, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 g) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 27

(Torture)

Chef d’accusation 27 : torture, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Tribunal et reconnue par l’article 3 1) a) (torture) commun aux Conventions de Genève ;

CHEF D’ACCUSATION 28

(Viol)

Chef d’accusation 28 : viol, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal.

 

CHEFS D’ACCUSATION 29 à 34

Torture et viols de FWS-48, FWS-50, FWS-75, FWS-87, FWS-95
et d'autres femmes au centre sportif Partizan

7.1 Le centre sportif Partizan ("Partizan") a été utilisé comme centre de détention de femmes, d’enfants et de vieillards à partir du 13 juillet 1992 au plus tard, ou vers cette date et jusqu’au 13 août 1992 au moins. Soixante-douze personnes au moins ont été détenues au Partizan durant cette période. Les détenus étaient tous des civils musulmans - femmes, enfants et quelques personnes âgées - originaires de villages de la municipalité de Foca.

7.2 Le Partizan était un bâtiment de taille moyenne situé au centre ville de Foca, près de l’immeuble du SUP. Soixante-dix mètres environ séparaient le Partizan de l'immeuble du SUP. L’endroit où se trouvait le Partizan était légèrement surélevé par rapport aux autres bâtiments du quartier et était donc visible depuis les environs, notamment depuis l’immeuble du SUP. Le Partizan se trouvait également près du bâtiment principal de la municipalité où les autorités serbes avaient installé leurs bureaux. Le Partizan comptait deux grandes salles. Les détenus étaient tous emprisonnés dans l’une des deux salles. Celle-ci mesurait environ 12 mètres de long sur 7 de large.

7.3 Deux policiers étaient postés à l’entrée principale du Partizan et faisaient office de gardiens. Ces gardiens, qui étaient sous les ordres du chef du SUP, étaient armés en permanence d’armes automatiques. Les gens qui entraient au Partizan devaient passer devant les gardiens pour se rendre dans les salles. Les détenus ne pouvaient pas sortir du Partizan à cause des gardiens armés.

7.4 Les conditions de vie au Partizan étaient épouvantables. La détention se caractérisait par des traitements inhumains, des installations sanitaires non hygiéniques, la surpopulation, la sous-alimentation et par des tortures physiques et psychologiques, notamment des violences sexuelles.

7.5 Immédiatement après le transfert de femmes au Partizan, des violences sexuelles systématiques ont commencé. Des soldats armés, généralement par groupes de trois à cinq, entraient au Partizan, le plus souvent le soir, et emmenaient des femmes. Lorsque celles-ci résistaient ou se cachaient, les soldats les battaient ou les menaçaient pour les obliger à obéir. Ils les emmenaient hors du Partizan dans des maisons, des appartements ou des hôtels pour leur faire subir des violences sexuelles ou des viols.

7.6 Trois témoins, désignés par les pseudonymes FWS-48, FWS-95 et FWS-50 - une jeune fille de 16 ans - ont été détenus au Partisan du 13 juillet environ jusqu'au 13 août 1992. Deux autres, désignés par les pseudonymes FWS-75 et FWS-87 - une jeune fille de 15 ans - ont été détenues au Partizan du 13 juillet au 2 août 1992. Presque toutes les nuits pendant leur détention, des soldats serbes ont emmené FWS-48, FWS-95, FWS-50, FWS-75 et FWS-87 hors du Partizan et leur ont fait subir des violences sexuelles (pénétration vaginale et anale, fellation).

7.7 Le 13 août 1992 ou vers cette date, la plupart des détenus ont été libérés du Partizan et expulsés vers le Monténégro. Les femmes qui sont parties avec le convoi du 13 août ont reçu les premiers soins médicaux au Monténégro. Un grand nombre d’entre elles souffraient de problèmes gynécologiques irréversibles dus aux violences sexuelles. Une femme au moins ne peut plus avoir d’enfants. Toutes les femmes victimes de violences sexuelles ont été traumatisées psychologiquement et émotionnellement ; ce traumatisme persiste chez certaines.

7.8 Le 13 juillet 1992 ou vers cette date, JANKO JANJIC a emmené FWS-48 ainsi que deux autres détenues dans une maison de l’autre côté de la route, en face du Partizan. À cet endroit, JANKO JANJIC a violé FWS-48 (pénétration vaginale) pendant que deux soldats non identifiés violaient les deux autres femmes qui se trouvaient dans la pièce.

7.9 Cette même nuit, après que JANKO JANJIC les a ramenées au Partizan, Dragoljub Kunarac a emmené ces trois mêmes femmes à l’hôtel Zelengora. FWS-48 a refusé de le suivre et Dragoljub Kunarac lui a donné des coups de pied et l’a traînée dehors. À l’hôtel Zelengora, FWS-48 a été mise dans une pièce à part où Dragoljub Kunarac et ZORAN VUKOVIC l’ont tous deux violée (pénétration vaginale et fellation). Ses deux violeurs lui ont dit qu’elle donnerait naissance à des bébés serbes.

7.10 Le 14 juillet 1992 ou vers cette date, JANKO JANJIC a de nouveau emmené FWS-48 avec FWS-87 et Z.G. dans l’immeuble Brena, près de l’hôtel Zelengora. À leur arrivée, ZORAN VUKOVIC et un soldat non identifié attendaient. Ensuite, ZORAN VUKOVIC a violé FWS-48 (pénétration vaginale) pendant que le soldat non identifié violait FWS-87 (pénétration vaginale) et que JANKO JANJIC violait Z.G.

7.11 Le 14 juillet 1992 ou vers cette date, ZORAN VUKOVIC est venu au Partizan chercher FWS-50 et FWS-87. Comme FWS-50 se cachait, ZORAN VUKOVIC a menacé de tuer les autres détenues si elle ne se montrait pas. FWS-50 s’est alors exécutée. Les deux jeunes filles ont été emmenées dans un appartement près du Partizan où attendait un soldat non identifié. À cet endroit, ZORAN VUKOVIC a violé FWS-50 (pénétration vaginale) pendant que le soldat non identifié violait FWS-87.

7.12 Au mois de juillet 1992, en une occasion, JANKO JANJIC et deux autres soldats ont conduit FWS-75 et FWS-87 en voiture jusqu'à l’immeuble Brena. JANKO JANJIC a fait sortir FWS-75 de la voiture et l’a emmenée dans un appartement tandis que les autres soldats repartaient en voiture avec FWS-87. Dans l’appartement, JANKO JANJIC a violé FWS-75 (pénétration vaginale). Par la suite, à trois reprises, JANKO JANJIC a emmené FWS-75 au même endroit et l’a chaque fois violée.

7.13 En juillet 1992, FWS-87 a fréquemment été emmenée et violée (pénétration vaginale et anale, fellation). En une occasion, le témoin FWS-87 a été victime d'un viol collectif perpétré par 4 hommes, dont DRAGAN ZELENOVIC et ZORAN VUKOVIC.

7.14 Parmi les hommes qui infligeaient fréquemment des violences sexuelles à FWS-87 au Partizan se trouvaient JANKO JANJIC, GOJKO JANKOVIC et Dragoljub Kunarac. En raisons de ces violences répétées, FWS-87 a eu fréquemment envie de se suicider durant sa détention au Partizan.

7.15 Le 15 juillet 1992 ou vers cette date, GOJKO JANKOVIC a emmené FWS-48 dans une maison vide appartenant à des Musulmans, dans le quartier Aladza. Lorsque FWS-48 est arrivée, environ 14 soldats monténégrins étaient déjà présents. DRAGAN ZELENOVIC est arrivé par la suite accompagné de 8 autres soldats, parmi lesquels ZORAN VUKOVIC. DRAGAN ZELENOVIC a emmené FWS-48 dans une pièce et a menacé de l’égorger si elle résistait. Ensuite, DRAGAN ZELENOVIC a violé FWS-48 (pénétration vaginale et fellation) avec au moins 7 autres soldats. ZORAN VUKOVIC était le sixième à la violer. Pendant les sévices, ZORAN VUKOVIC a mordu ses mamelons à plusieurs reprises. Bien que le témoin perdît du sang à cause de ces morsures, le 7e homme lui a pressé et pincé les seins pendant qu’il la violait. La douleur a fait perdre connaissance à FWS-48.

7.16 Le 18 juillet 1992 ou vers cette date, GOJKO JANKOVIC a emmené FWS-48, FWS-95 et B.P. dans une maison près de la gare routière. De là, Dragoljub Kunarac a emmené FWS-48 dans une autre maison dans le quartier Donje Polje, où il l’a violée (pénétration vaginale et fellation).

7.17 Le 23 juillet 1992 ou vers cette date, DRAGAN ZELENOVIC et quelques soldats non identifiés ont emmené FWS-48 dans une maison près du Partizan. DRAGAN ZELENOVIC l’a emmenée dans une pièce à part et l’a violée (pénétration vaginale). Pendant le viol, il a dit qu’elle donnerait naissance à de bons enfants serbes. Après ces sévices sexuels, un soldat non identifié l’a emmenée dans une autre pièce où FWS-48 a vu une autre femme en train de subir des violences sexuelles. À ce moment-là, le soldat qui l’avait emmenée dans cette pièce a poussé FWS-48 sur un lit et l’a violée.

7.18 Cette même nuit, après son retour au Partizan, FWS-48, ainsi que deux autres femmes, ont été emmenées par JANKO JANJIC dans l’immeuble Brena où ZORAN VUKOVIC et un certain Panto étaient déjà en train d’attendre. Panto a violé FWS-48 (pénétration vaginale). Elle a entendu ZORAN VUKOVIC et JANKO JANJIC qui, au même moment, faisaient subir des violences sexuelles aux autres femmes dans la pièce voisine.

7.19 Le 11 août 1992 ou vers cette date, DRAGAN ZELENOVIC et d’autres soldats ont emmené FWS-48 à l’hôtel Zelengora. À son arrivée, de nombreux soldats étaient présents en train de manger et de boire. Immédiatement après, un individu dénommé Spomenko s’est approché de FWS-48, l’a emmenée dans une chambre à l’étage et l’a violée (pénétration vaginale).

7.20 Le 12 août 1992, DRAGAN ZELENOVIC et GOJKO JANKOVIC ont emmené FWS-48 ainsi que FWS-95 et d’autres femmes dans une maison à Donje Polje. À cet endroit, DRAGAN ZELENOVIC a violé FWS-48 à deux reprises. Cette nuit-là, DRAGAN ZELENOVIC a dit à FWS-48 que tout serait fini quelques jours plus tard.

7.21 Cette même nuit, après minuit, JANKO JANJIC a emmené FWS-48 et d’autres femmes dans l'immeuble Brena. Alors qu’ils sortaient du Partizan, un groupe de soldats s’est approché des femmes et a essayé de les emmener. JANKO JANJIC a dit à ces soldats qu’il avait besoin de ces femmes pour ses propres troupes et qu’ils devaient aller au Partizan pour trouver d’autres femmes. ZORAN VUKOVIC et Panto les ont rejoints dans l'immeuble Brena. Cette nuit-là, JANKO JANJIC a violé FWS-48. Durant le viol, il a dit que ce serait la dernière fois.

7.22 De juillet 1992 au 13 août 1992, FWS-95 a été emmenée presque chaque nuit dans divers appartements ou maisons par des groupes de soldats commandés par Dragoljub Kunarac, JANJO JANJIC et DRAGAN ZELENOVIC. Parfois, elle était emmenée seule, parfois avec d’autres femmes. À chaque fois, FWS-95 a été violée (pénétration vaginale et fellation). Dans certains cas, elle a été victime de viol collectif. Dragoljub Kunarac, JANKO JANJIC, GOJKO JANKOVIC et DRAGAN ZELENOVIC se trouvaient parmi les soldats qui lui faisaient fréquemment subir des violences sexuelles.

7.23 Par les actes et omissions susmentionnés en relation avec les victimes FWS-48, FWS-75, FWS-87 et FWS-95, JANKO JANJIC s'est rendu responsable de :

CHEF D’ACCUSATION 29

(Torture)

Chef d’accusation 29 : torture, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 f) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 30

(Viol)

Chef d’accusation 30 : viol, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 g) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 31

(Torture)

Chef d’accusation 31 : torture, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Tribunal et reconnue par l’article 3 1) a) (torture) commun aux Conventions de Genève ;

CHEF D’ACCUSATION 32

(Viol)

Chef d’accusation 32 : viol, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal.

 

7.25 Par les actes et omissions susmentionnés en relation avec les victimes FWS-48, FWS-50 et FWS-87, ZORAN VUKOVIC s'est rendu responsable de :

CHEF D’ACCUSATION 33

(Torture)

Chef d’accusation 33 : torture, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 f) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 34

(Viol)

Chef d’accusation 34 : viol, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 g) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 35

(Torture)

Chef d’accusation 35 : torture, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Tribunal et reconnue par l’article 3 1) a) (torture) commun aux Conventions de Genève ;

CHEF D’ACCUSATION 36

(Viol)

Chef d’accusation 36 : viol, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal.

 

7.24 Par les actes et omissions susmentionnés en relation avec les victimes FWS-48, FWS-87 et FWS-95, GOJKO JANKOVIC s'est rendu responsable de :

CHEF D’ACCUSATION 37

(Torture)

Chef d’accusation 37 : torture, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 f) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 38

(Viol)

Chef d’accusation 38 : viol, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 g) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 39

(Torture)

Chef d’accusation 39 : torture, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal et reconnue par l’article 3 1) a) (torture) commun aux Conventions de Genève ;

CHEF D’ACCUSATION 40

(Viol)

Chef d’accusation 40 : viol, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal.

 

7.26 Par les actes et omissions susmentionnés en relation avec les victimes FWS-48, FWS-87 et FWS-95, DRAGAN ZELENOVIC s'est rendu responsable de :

CHEF D’ACCUSATION 41

(Torture)

Chef d’accusation 41 : torture, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 f) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 42

(Viol)

Chef d’accusation 42 : viol, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 g) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 43

(Torture)

Chef d’accusation 43 : torture, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal et reconnue par l’article 3 1) a) (torture) commun aux Conventions de Genève ;

CHEF D’ACCUSATION 44

(Viol)

Chef d’accusation 44 : viol, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal.

 

CHEFS D’ACCUSATION 45 à 48

Réduction en esclavage et viols de FWS-75, de FWS-87 et de sept autres femmes

dans la maison de Karaman

8.1 Pero Elez, un dirigeant paramilitaire serbe en position d’autorité à l'échelon régional, commandait une unité d’élite de combattants de Vukovar. Le quartier général de Pero Elez se trouvait dans l’hôtel de Miljevina. Le 2 août 1992, Dragoljub Kunarac, de concert avec Pero Elez, a fait sortir FWS-75, FWS-87 et D.B du quartier général des Monténégrins à Foca pour les conduire à l’hôtel de Miljevina parce que la veille, ces femmes avaient parlé à des journalistes de leurs conditions de vie dans le centre sportif Partizan. Pero Elez a donné l’ordre de placer ces trois femmes en détention dans une maison située près de l’hôtel, appartenant à Nusret Karaman, un Musulman vivant en Allemagne. Par la suite, d’autres femmes et jeunes filles ont été détenues dans la maison de Karaman. Certaines n’avaient pas plus de douze ou quatorze ans. Du 2 août 1992 au 30 octobre 1992 au moins, neuf femmes et jeunes filles au total ont été détenues dans la maison de Karaman. RADOVAN STANKOVIC, un soldat de l’unité d’élite commandée par Pero Elez, était responsable de la maison de Karaman après la mort de Pero Elez. RADOVAN STANKOVIC gérait la maison de Karaman comme un bordel.

8.2 Contrairement à ce qui se passait au centre sportif Partizan, les détenues de la maison de Karaman étaient suffisamment nourries. Elles n’étaient ni surveillées ni enfermées à l’intérieur de la maison. Elles avaient même une clé qu’elles pouvaient utiliser pour verrouiller la porte et empêcher les soldats qui n’appartenaient pas à l’unité de Pero Elez d’entrer. Les détenues disposaient également du numéro de téléphone de l’hôtel de Miljevina qu'elles devaient appeler chaque fois qu’un soldat essayait d’entrer dans la maison sans autorisation. Lorsque les femmes appelaient ce numéro, RADOVAN STANKOVIC ou Pero Elez venait pour empêcher les personnes extérieures d’entrer dans la maison. Même si ces détenues n’étaient pas sous surveillance, elles ne pouvaient pas s'enfuir. Elles n’avaient nulle part où aller car elles étaient entourées de soldats et de civils serbes.

8.3 FWS-75 et FWS-87 ont été détenues avec 7 autres femmes dans la maison de Karaman du 3 août environ au 30 octobre 1992 environ. Pero Elez traitait ces femmes comme si elles lui appartenaient.

8.4 Pendant toute la durée de leur détention dans la maison de Karaman, la nuit, FWS-75, FWS-87 et d’autres détenues ont été victimes de viols et de violences sexuelles répétées. Tous les violeurs étaient des soldats serbes appartenant à l’unité de Pero Elez. RADOVAN STANKOVIC se trouvait parmi les soldats qui ont violé à plusieurs reprises, FWS-75 et FWS-87 (pénétration vaginale et anale).

8.5 Les deux femmes ont été violées pour la première fois dans la maison de Karaman vers le 3 août 1992, peu de temps après leur arrivée. Ce jour-là, un soldat non identifié a violé FWS-75 (pénétration vaginale) tandis que RADOVAN STANKOVIC violait FWS-87.

8.6 Outre les viols et autres violences sexuelles, toutes les détenues devaient travailler pour les soldats serbes, laver leurs uniformes, faire la cuisine et nettoyer la maison. À trois reprises, FWS-87 a été emmenée hors de la maison de Karaman dans d’autres immeubles de Miljevina. Elle a dû nettoyer certaines pièces des bâtiments, faire la cuisine pour les soldats et peindre des châssis de fenêtre. En une occasion, alors qu'elle avait été emmenée avec une autre femme, deux soldats monténégrins leur ont fait subir des violences sexuelles.

8.7 Dans la maison de Karaman, les détenues craignaient constamment pour leur vie. Lorsqu’une femme refusait d’obéir aux ordres, on la battait. Des soldats disaient souvent à ces femmes qu’elles seraient tuées lorsqu'ils en auraient fini avec elles parce qu’elles en savaient trop. FWS-87 a eu envie de se suicider pendant toute la durée de sa détention dans la maison de Karaman.

8.8 Par les actes et omissions susmentionnés, RADOVAN STANKOVIC s'est rendu responsable de :

CHEF D’ACCUSATION 45

(Réduction en esclavage)

Chef d’accusation 45 : réduction en esclavage, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 c) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 46

(Viol)

Chef d’accusation 46 : viol, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 g) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 47

(Viol)

Chef d’accusation 47 : viol, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 48

(Atteintes à la dignité des personnes)

Chef d’accusation 48 : atteintes à la dignité des personnes, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal.

CHEF D’ACCUSATION 49

Viols de FWS-75, de FWS-87 et de deux autres femmes

9.1 Le 30 octobre 1992 ou vers cette date, FWS-75, FWS-87 et deux autres femmes ont été emmenées de la maison de Karaman jusqu'à Foca par DRAGAN ZELENOVIC, GOJKO JANKOVIC et JANKO JANJIC. Ces femmes sont restées en détention dans divers appartements et maisons et ont continué à subir des violences sexuelles.

9.2 Le 30 octobre 1992 ou vers date, les trois accusés ont conduit FWS-75, FWS-87 et les deux autres femmes dans un appartement, situé près du restaurant de poissons à Foca. Les quatre femmes ont été violées dans cet appartement par DRAGAN ZELENOVIC, GOJKO JANKOVIC et JANKO JANJIC.

9.3 Par les actes et omissions susmentionnés, GOJKO JANKOVIC, DRAGAN ZELENOVIC et JANKO JANJIC se sont rendus responsables de :

CHEF D’ACCUSATION 49

(Viol)

Chef d’accusation 49 : viol, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l’article 5 g) du Statut du Tribunal ;

CHEF D’ACCUSATION 50

(Viol)

Chef d’accusation 50 : viol, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal.

 

Le Procureur
/signé/
Carla Del Ponte

Fait ce 5 octobre 1999,
La Haye (Pays-Bas)