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1 (Jeudi 25 octobre 2001.)
2 (Comparution initiale, sous la présidence de M. le Juge Rodrigues.)
3 (Audience publique.)
4 (L'audience est ouverte à 16 heures 04.)
5 (L'accusé, Pavle Strugar, est introduit dans le prétoire.)
6 M. le Président: Général, vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.
7 (L'accusé s'assoit.)
8 Je voudrais tout d'abord saluer le personnel de l'audiovisuel, le
9 Greffier, les interprètes et m'assurer que tout le monde m'entend.
10 Général, vous m'entendez bien?
11 M. Strugar (interprétation): Oui, je vous entends.
12 M. le Président: Très bien. Je voudrais aussi saluer le public qui suit
13 nos débats. Nous en sommes aux procédures préliminaires du procès, plus
14 précisément à la comparution initiale du Général Strugar réglée par
15 l'Article 62 du Règlement.
16 Madame la Greffière, veuillez annoncer l'affaire, s'il vous plaît?
17 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Il s'agit
18 de l'affaire IT-01-42-I, le Procureur contre Pavle Strugar.
19 M. le Président: Merci. Je me tourne maintenant vers le banc du Procureur.
20 Pouvez-vous, Madame, présenter le banc du Procureur ici présent, s'il vous
21 plaît?
22 Mme Korner (interprétation): Je m'appelle Joanna Korner, je suis
23 accompagné de Marie Tuma et nous avons l'aide de Mlle Walpita, du côté du
24 Procureur.
25 M. le Président: Merci beaucoup. Je me tourne vers la défense.
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1 Maître, pouvez-vous vous présenter, nous dire de quel barreau vous êtes et
2 quels sont vos qualificatifs d'agrément auprès du Tribunal?
3 M. Rodic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle
4 Goran Rodic. Je suis avocat de Podgorica, j'appartiens au barreau du
5 Monténégro et je comparais ici après avoir été conseillé général dans
6 l'affaire Kvocka et consort. J'ai été co-conseil dans l'affaire Sikirica
7 et consort, je défendais l'accusé Dosen.
8 Et actuellement, je suis le conseil de la défense du Général Pavle
9 Strugar. Merci.
10 M. le Président: Très bien, vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.
11 Merci beaucoup.
12 Madame la Greffière d'audience, le mandat de Me Rodic est-il en règle?
13 Mme Thompson (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
14 M. le Président: Merci.
15 Maître Rodic, le Général Strugar a bien reçu un Acte d'accusation dans sa
16 propre langue et avez-vous pu lire et expliquer les charges à son
17 encontre?
18 M. Rodic (interprétation): Monsieur le Président, à son arrivée à La Haye,
19 le Général Strugar est en effet au quartier pénitentiaire de Scheveningen
20 et dans ce quartier pénitentiaire, le 21 octobre, il a bien reçu un
21 exemplaire original de l'Acte d'accusation. Il en a pris connaissance, il
22 en a compris tout le sens, nous l'avons étudié ensemble et, pour autant
23 que je le sache, il comprend très bien tous les éléments de cet Acte
24 d'accusation et notamment les charges qui pèsent contre lui, et il est
25 donc au courant de tous les faits.
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1 M. le Président: Merci, Maître Goran Rodic.
2 A présent, je vais me tourner vers le Général qui comparait aujourd'hui,
3 suite à un acte d'accusation dressé contre lui.
4 Général, vous pouvez vous lever, s'il vous plaît.
5 (L'accusé se lève.)
6 Pouvez-vous répondre aux questions suivantes que je vais vous poser? Vos
7 noms et prénoms?
8 M. Strugar (interprétation): Monsieur le Président, je m'appelle Pavle
9 Strugar.
10 M. le Président: Quels sont vos date et lieu de naissance?
11 M. Strugar (interprétation): Je suis né le 13 juillet 1933 à Pec, qui se
12 trouve aujourd'hui au Kosovo.
13 M. le Président: Quelle était votre profession avant la retraite?
14 M. Strugar (interprétation): Avant ma retraite, j'étais général,
15 commandant d'armée, donc professionnellement j'appartenais aux forces
16 armées.
17 M. le Président: Et quelle était votre résidence avant de venir ici,
18 Général Strugar?
19 M. Strugar (interprétation): Je résidais à Podgorica. Mes fils résident à
20 Belgrade. De sorte que moi-même et mon épouse, puisque nous avons tous
21 deux un certain âge, étions très souvent à Belgrade.
22 M. le Président: Donc de ce que vous venez de dire, je peux comprendre que
23 vous êtes marié et que vous avez des enfants, c'est ça?
24 M. Strugar (interprétation): C'est cela, j'ai deux fils.
25 M. le Président: D'accord, très bien. Vous pouvez vous asseoir, Général.
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1 M. Strugar (interprétation): Merci.
2 M. le Président: Aujourd'hui, Général Strugar, il s'agit de votre
3 comparution devant le Tribunal. C'est une formalité, bien sûr,
4 substantielle pour laquelle vous devez être présent avec votre avocat car
5 il vous est donné la possibilité d'entendre les charges que le Bureau du
6 Procureur a énoncées contre vous.
7 Pour que les choses soient claires, je vais d'abord demander à Madame la
8 Greffière de rappeler les textes constitutifs qui vous donnent un certain
9 nombre de droits et vont nous permettre ensuite de procéder à la formalité
10 majeure de la présente comparution.
11 Madame la Greffière, pouvez-vous lire les textes des Articles 20 et 21 du
12 Statut, et l'Article 62 du Règlement, s'il vous plaît?
13 Mme Thompson (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
14 "-Article 20 du Statut: Ouverture et conduite du procès.
15 La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit équitable
16 et rapide, et à ce que l'instance se déroule conformément aux Règles de
17 procédure et de preuve, les droits de l'accusé étant pleinement respectés
18 et la protection des victimes et des témoins dûment assurée.
19 Toute personne contre laquelle un Acte d'accusation a été confirmé est,
20 conformément à une ordonnance ou à un mandat d'arrêt décerné par le
21 Tribunal international, placée en état d'arrestation, immédiatement
22 informée des chefs d'accusation portés contre elle et déférée au Tribunal
23 international.
24 La Chambre de première instance donne lecture de l'Acte d'accusation,
25 s'assure que les droits de l'accusé sont respectés, confirme que l'accusé
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1 a compris le contenu de l'Acte d'accusation et lui ordonne de plaider
2 coupable ou non coupable.
3 La Chambre de première instance fixe alors la date du procès.
4 Les audiences sont publiques à moins que la Chambre de première instance
5 décide de les tenir à huis clos, conformément à ses Règles de procédure et
6 de preuve.
7 -Article 21 du Statut: Les droits de l'accusé.
8 Tous sont égaux devant le Tribunal international. Toute personne contre
9 laquelle des accusations sont portées, a droit à ce que sa cause soit
10 entendue équitablement et publiquement, sous réserves des dispositions de
11 l'Article 22 du Statut.
12 Toute personne accusée est présumée innocente jusqu'à ce que sa
13 culpabilité ait été établie conformément aux dispositions du présent
14 Statut.
15 Toute personne contre laquelle une accusation est portée en vertu du
16 présent Statut a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties
17 suivantes:
18 a) à être informée dans le plus court délai, dans une langue qu'elle
19 comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation
20 portée contre elle;
21 b) à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa
22 défense, et à communiquer avec le conseil de son choix;
23 c) à être jugée sans retard excessif;
24 d) à être présente au procès et à se défendre elle-même, ou à avoir
25 l'assistance d'un défenseur de son choix. Si elle n'a pas de défenseur, à
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1 être informée de son droit d'en avoir un. Et chaque fois que l'intérêt de
2 la justice l'exige à se voir attribuer d'office un défenseur sans frais,
3 si elle n'a pas les moyens de le rémunérer;
4 e) à interroger ou faire interroger les témoins à charge et à obtenir la
5 comparution et l'interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes
6 conditions que les témoins à charge;
7 f) à se faire assister gratuitement d'un interprète si elle ne comprend
8 pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience;
9 g) à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer
10 coupable."
11 Général Strugar, veuillez vous lever, s'il vous plaît.
12 (L'accusé se lève.)
13 Nous allons maintenant procéder à la formalité majeure de votre
14 comparution aujourd'hui, qui est de savoir si vous souhaitez plaider
15 coupable ou non coupable par rapport à chaque chef d'accusation. Mais
16 avant, je dois vous poser quelques questions.
17 Général, avez-vous bien reçu l'Acte d'accusation dans votre propre langue?
18 M. Strugar (interprétation): Oui, Monsieur le Président, j'ai reçu l'Acte
19 d'accusation en langue serbe.
20 M. le Président: Avez-vous bien compris la teneur de l'Acte d'accusation?
21 M. Strugar (interprétation): J'ai compris la teneur de l'Acte
22 d'accusation.
23 M. le Président: Avez-vous pu en discuter avec votre avocat?
24 M. Strugar (interprétation): Oui, nous en avons discuté à plusieurs
25 reprises et la teneur de l'Acte d'accusation est tout à fait claire à mes
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1 yeux.
2 M. le Président: Etes-vous prêt aujourd'hui à nous dire si vous plaidez
3 coupable ou non coupable sur chaque chef d'accusation ou préférez-vous le
4 faire dans les trente jours prochains?
5 M. Strugar (interprétation): Monsieur le Président, j'ai lu l'Acte
6 d'accusation intégralement, j'ai compris totalement la teneur de cet Acte
7 d'accusation: je plaide non coupable.
8 M. le Président: Non. Cela veut dire, Général, que vous acceptez de
9 plaider aujourd'hui: c'est cela que je dois comprendre?
10 M. Strugar (interprétation): Oui, j'aimerais vous dire quel est mon
11 plaidoyer aujourd'hui.
12 M. le Président: D'accord. Allez-vous plaider pour tous les chefs
13 d'accusation ou seulement pour un ou plusieurs?
14 M. Strugar (interprétation): Je suis prêt à faire connaître ma façon de
15 plaider sur tous les chefs d'accusation. Et je dis que je suis innocent.
16 M. le Président: Très bien. Pour l'instant, vous pouvez vous asseoir,
17 Général.
18 (L'accusé s'assoit.)
19 M. Strugar (interprétation): Merci.
20 M. le Président: Je me tourne maintenant vers Me Rodic pour vous faire une
21 proposition.
22 Je vous propose de procéder comme suit: Mme la Greffière va lire une
23 partie de l'Acte d'accusation et, lorsque nous arriverons aux chefs
24 d'accusation, je vais poser au général Strugar la question de savoir s'il
25 plaide coupable ou non coupable.
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1 Etes-vous d'accord avec cette façon de faire, Maître Rodic?
2 M. Rodic (interprétation): Monsieur le Président, la défense est tout à
3 fait d'accord avec cette proposition. Merci.
4 M. le Président: Très bien. Est-ce qu'il y a quelque objection du côté du
5 Procureur, Madame Joanna Korner?
6 Mme Korner (interprétation): Non, Monsieur le Président.
7 M. le Président: Madame la Greffière, pouvez-vous donner lecture de l'Acte
8 d'accusation, c'est-à-dire la petite introduction et les paragraphes
9 suivants: 1, 5, 9 à 21, 23 à 27, 29 à 31 et 33 à 36?
10 Mme Thompson (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
11 "Le Procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, en
12 vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'Article 18 du Statut du
13 Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, dit le Statut du
14 Tribunal, accuse Pavle Strugar et consorts d'infractions graves aux
15 Conventions de Genève et de violations des lois ou coutumes de la guerre
16 telles qu'exposées ci-dessous:
17 Pavle Strugar, né le 13 juillet 1933 à Pec, dans le Kosovo d'aujourd'hui.
18 Diplômé de l'Académie de l'armée de terre en 1952, il a été affecté à
19 différents postes de l'Armée populaire yougoslave (dite la "JNA") en
20 Slovénie et en Serbie. Il a par la suite été promu au grade de général de
21 division et a été nommé commandant de l'Académie de l'armée de terre. En
22 1987, il a été nommé à la tête des forces de la défense au Monténégro. En
23 1989, il a été promu général de corps d'armée. En octobre 1991, il a été
24 nommé commandant du deuxième groupe opérationnel, formé par la JNA, pour
25 mener la campagne militaire contre la région de Dubrovnik en Croatie. Le
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1 26 août 1993, il a été mis à la retraite et a quitté l'armée yougoslave
2 (dite la "VJ").
3 -La responsabilité pénale individuelle:
4 En tant que commandant du deuxième groupe opérationnel de la JNA, formé
5 pour mener la campagne contre Dubrovnik, le général Pavle Strugar a
6 exercé, de droit comme de fait, un pouvoir sur les forces placées sous son
7 commandement.
8 Les différentes composantes de la JNA engagées dans la campagne contre
9 Dubrovnik formaient le deuxième groupe opérationnel, lequel a été
10 constitué depuis le quartier général de la défense territoriale
11 monténégrine à Titograd (à présent Podgorica). Le chef de ce groupe
12 opérationnel était le général de corps d'armée Pavle Strugar. Son second
13 était le colonel Radomir Damjanovic, aujourd'hui décédé. Le quartier
14 général du groupe opérationnel était établi à Trebinje, en Bosnie-
15 Herzégovine.
16 Le deuxième groupe opérationnel était constitué pour l'essentiel du
17 deuxième corps (de Titograd) et du neuvième VPS, renforcés par des forces
18 de la Défense territoriale monténégrine. Au total, ces forces comptaient
19 quelque 20.000 à 35.000 hommes.
20 En tant qu'officiers ayant exercé des fonctions de commandement de la JNA,
21 Pavle Strugar était tenu par les règles de la JNA telles qu'énoncées dans
22 les textes "Stratégie des conflits armés" (1983), "Lois relatives à la
23 défense populaire générale" (1982), "Lois sur le service dans les forces
24 armées" (1985), "Règles de service" (1985) et "Règlement relatif à
25 l'application des lois internationales de la guerre par les forces armées
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1 de la RSFY" (1988). Ces règles définissaient les rôles et responsabilités
2 des officiers de la JNA, précisaient leur place dans la chaîne de
3 commandement et leur faisait obligation, ainsi qu'à leurs subordonnés, de
4 respecter les lois de la guerre.
5 -Allégations générales.
6 Tous les actes et omissions allégués dans le présent Acte d'accusation se
7 sont produits entre le 1er octobre et le 31 décembre 1991 sur le
8 territoire de la République de Croatie.
9 Durant toute la période couverte par le présent Acte d'accusation, la
10 Croatie était le théâtre d'un conflit armé international et elle était
11 partiellement occupée.
12 Tous les actes et omissions qualifiés d'infractions graves aux Conventions
13 de Genève de 1949 se sont produits pendant le conflit armé et l'occupation
14 partielle de la Croatie.
15 Durant toute la période couverte par le présent Acte d'accusation, Pavle
16 Strugar et consorts étaient tenus de respecter les lois et coutumes
17 régissant la conduite des conflits armés, y compris les Conventions de
18 Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels.
19 Pavle Strugar et consorts sont individuellement responsables des crimes
20 qui leur sont reprochés dans le présent Acte d'accusation, en vertu de
21 l'Article 7-1) du Tribunal. Est personnellement responsable pénalement
22 quiconque planifie, incite à commettre, ordonne, commet ou, de toute autre
23 manière, aide ou encourage à planifier, préparer ou exécuter un crime visé
24 aux Articles 2 à 5 du Statut du Tribunal.
25 Ayant occupé les postes de responsabilité indiqués aux paragraphes
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1 précédents, Pavle Strugar est également pénalement responsable des actes
2 de ses subordonnés, en vertu de l'Article 7-3) du Tribunal. Un supérieur
3 est responsable des actes de ses subordonnés s'il savait ou avait des
4 raisons de savoir que ses subordonnés s'apprêtaient à commettre ces actes
5 ou l'avaient fait, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires ou
6 raisonnables pour empêcher que lesdits actes ne soient commis ou en punir
7 les auteurs.
8 -Chefs d'accusation:
9 Entre le 1er octobre et le 7 décembre 1991, Pavle Strugar, agissant seul
10 ou de concert avec d'autres, a participé aux crimes qui lui sont reprochés
11 ci-après, afin de prendre le contrôle des régions de Croatie destinées à
12 être intégrées dans la République dite "République de Dubrovnik".
13 La JNA ainsi que les gouvernements serbe et monténégrin avaient pour
14 objectif de rattacher cette partie de la Croatie à la Serbie/Monténégro et
15 à d'autres régions de la Croatie et de la Bosnie destinées à être placées
16 sous contrôle serbe.
17 Ce secteur, que les gouvernements serbe et monténégrin appelaient
18 "République de Dubrovnik", englobait tout le territoire de la municipalité
19 de Dubrovnik tel qu'il existait en 1991 -ce secteur étant appelé le
20 "secteur de Dubrovnik". Ce secteur contenait les régions côtières de la
21 Croatie, situées entre la ville de Neum (Bosnie-Herzégovine) au nord-ouest
22 et la frontière monténégrine au sud-est.
23 Pour atteindre cet objectif, les forces de la JNA, placées sous le
24 commandement de Pavle Strugar et consorts, ont lancé du Monténégro, de la
25 Bosnie-Herzégovine et de la mer Adriatique une attaque contre la région
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1 croate de Dubrovnik. Les forces placées sous leurs ordres étaient
2 composées de l'armée régulière yougoslave (JNA), d'unités de l'armée de
3 l'air et de la marine, ainsi que d'unités de la Défense territoriale
4 monténégrine, d'unités paramilitaires et d'unités spéciales de la police
5 qui étaient subordonnées à la JNA.
6 Les forces de la JNA, commandées par Pavle Strugar et consorts, ont lancé
7 l'attaque terrestre contre la région de Dubrovnik le 1er octobre 1991,
8 tandis que la marine yougoslave instaurait un blocus. Les forces de la JNA
9 n'ont rencontré qu'une faible résistance des forces de défense croates,
10 peu armées. La JNA s'est emparée du territoire situé au sud-est et au
11 nord-ouest de Dubrovnik et, en l'espace de deux semaines, est parvenue à
12 encercler complètement la ville.
13 Chefs 1 à 9 (meurtre, traitements cruels, attaques contre des civils.)
14 Du 1er octobre 1991 au 6 décembre 1991, Pavle Strugar, agissant seul ou de
15 concert avec d'autres, a planifié, incité à commettre, ordonné ou de toute
16 autre manière aidé ou encouragé à commettre le meurtre de 43 civils et les
17 blessures infligées à de nombreux autres dans et aux alentours de la ville
18 de Dubrovnik, en faisant en toute illégalité bombarder la région par des
19 forces placées sous son commandement. Figurent parmi ces civils tués ou
20 blessés les victimes des attaques décrites aux paragraphes 25, 26 et 27.
21 Le nom des personnes décédées est mentionné à l'Annexe 1 du présent Acte
22 d'accusation, laquelle en fait partie intégrante.
23 Les bombardements de la ville de Dubrovnik et de ses environs étaient
24 l'œuvre des troupes de la JNA qui contrôlaient les hauteurs à l'est et au
25 nord de Dubrovnik. De Zarkovica et d'autres lieux sur les hauteurs
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1 surplombant Dubrovnik, les forces de la JNA jouissaient d'une vue dégagée
2 sur la ville. À partir de ces positions et de navires situés au large, la
3 JNA a illégalement bombardé la ville pendant deux mois.
4 Le 7 octobre 1991, les forces de la JNA, placées sous le commandement de
5 Pavle Strugar et consorts, ont bombardé la ville de Mokosica, une banlieue
6 résidentielle de Dubrovnik. À l'entrée d'un abri de la défense civile à
7 Mokosica, neufs civils ont été tués et de nombreux autres blessés dans ce
8 bombardement de la JNA. Le nom des personnes tuées est mentionné à
9 l'Annexe 1 du présent acte d'accusation, laquelle en fait partie
10 intégrante.
11 Par ces actes et omissions, Pavle Strugar, s'est rendu coupable de:
12 Chef 1: Meurtre, une violation des lois ou coutumes de la guerre reconnue
13 par l'Article 3-1) a) commun des Conventions de Genève de 1949 et
14 sanctionnée par les articles 3, ainsi que 7-1) et 7-3) du Statut du
15 Tribunal."
16 M. le Président: Veuillez vous lever, s'il vous plait.
17 Plaidez-vous coupable ou non coupable pour le Chef d'accusation 1?
18 M. Strugar (interprétation): Monsieur le Président, je plaide non coupable
19 par rapport à cet Acte d'accusation. Dans la suite des débats, mon avocat
20 va d'ailleurs vous prouver que ce que je dis est exact.
21 M. le Président: Pour l'instant, Général, nous voulons seulement savoir si
22 vous aller plaider coupable ou non coupable. Vous avez dit que vous
23 plaidez non coupable.
24 Donc, vous pouvez rester debout.
25 Chef d'accusation 2, Madame la Greffière?
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1 Mme Thompson (interprétation): "Chef 2: Traitements cruels, une violation
2 des lois ou coutumes de la guerre reconnue par l'Article 3-1) a) commun
3 des Conventions de Genève de 1949 et sanctionnée par les Articles 3 ainsi
4 que 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal."
5 M. le Président: Général, plaidez-vous coupable ou non coupable pour ce
6 Chef d'accusation 2?
7 M. Strugar (interprétation): Monsieur le Président, je ne suis pas
8 coupable.
9 M. le Président: Très bien. Chef d'accusation 3?
10 Mme Thompson (interprétation): "Chef 3: Attaques contre des civils, une
11 violation des lois ou coutumes de la guerre reconnue par l'Article 51 du
12 Protocole additionnel I et l'Article 13 du Protocole additionnel II aux
13 Conventions de Genève de 1949 et sanctionnée par les Articles 3 ainsi que
14 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal."
15 M. le Président: Général, plaidez-vous coupable ou non coupable pour ce
16 Chef d'accusation 3?
17 M. Strugar (interprétation): Non coupable, Monsieur le Président.
18 Vous pouvez vous asseoir, pour l'instant, Général.
19 Vous pouvez continuer, Madame la Greffière.
20 Mme Thompson (interprétation): "Entre les 9 et 12 novembre 1991, les
21 forces de la JNA, placées sous le commandement de Pavle Strugar et
22 consorts, ont bombardé illégalement tous les quartiers de la ville de
23 Dubrovnik. Dix civils ont été tués et de nombreux autres blessés dans les
24 bombardements de la JNA. Le nom des personnes décédées est mentionné à
25 l'Annexe 1 du présent Acte d'accusation, laquelle en fait partie
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1 intégrante.
2 Par ces actes et omissions, Pavle Strugar s'est rendu coupable de…"
3 M. le Président: Vous pouvez vous lever maintenant, s'il vous plaît?
4 (L'accusé se lève.)
5 Mme Thompson (interprétation): "Chef d'accusation 4: Meurtre, une
6 violation des lois ou coutumes de la guerre reconnue par l'Article 3-1) a)
7 commun des Conventions de Genève de 1949 et sanctionnée par les Articles 3
8 ainsi que 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal."
9 M. le Président: Général, plaidez-vous coupable ou non coupable pour ce
10 Chef d'accusation 4?
11 M. Strugar (interprétation): Non coupable, Monsieur le Président.
12 M. le Président: Bien.
13 Mme Thompson (interprétation): "Chef 5: Traitements cruels, une violation
14 des lois ou coutumes de la guerre reconnue par l'Article 3-1) a) commun
15 des Conventions de Genève de 1949 et sanctionnée par les Articles 3 ainsi
16 que 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal."
17 M. le Président: Général, plaidez-vous coupable ou non coupable pour ce
18 Chef d'accusation 5?
19 M. Strugar (interprétation): Monsieur le Président, non coupable.
20 M. le Président: Bien.
21 Mme Thompson (interprétation): "Chef 6: Attaques contre des civils, une
22 violation des lois ou coutumes de la guerre reconnue par l'Article 51 du
23 Protocole additionnel I et l'Article 13 du Protocole additionnel II aux
24 Conventions de Genève de 1949 et sanctionnée par les Articles 3 ainsi que
25 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal."
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1 M. le Président: Général Strugar, plaidez-vous coupable ou non coupable
2 pour Ce chef d'accusation 6?
3 M. Strugar (interprétation): Non coupable, Monsieur le Président.
4 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir un instant, Général, pour vous
5 reposer un peu.
6 M. Strugar (interprétation): Merci.
7 M. le Président: Continuez, s'il vous plaît, Madame la Greffière.
8 Mme Thompson (interprétation): "Le 6 décembre 1991, les forces de la JNA,
9 placées sous le commandement de Pavle Strugar et consorts, ont bombardé
10 illégalement tous les quartiers de la ville de Dubrovnik. Quatorze civils
11 ont été tués et de nombreux autres blessés dans les bombardements de la
12 JNA. Le nom des personnes décédées est mentionné à l'Annexe 1 du présent
13 Acte d'accusation, laquelle en fait partie intégrante.
14 Par ces actes et omissions, Pavle Strugar s'est rendu coupable de…"
15 M. le Président: Pouvez-vous vous lever, Général, s'il vous plaît?
16 (L'accusé se lève.)
17 Mme Thompson (interprétation): "Chef 7: Meurtre, une violation des lois ou
18 coutumes de la guerre reconnue par l'Article 3-1) a) commun des
19 Conventions de Genève de 1949 et sanctionnée par les Articles 3 ainsi que
20 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal."
21 M. le Président: Général Strugar, plaidez-vous coupable ou non coupable
22 pour ce Chef d'accusation 7?
23 M. Strugar (interprétation): Non coupable, Monsieur le Président.
24 M. le Président: Bien.
25 Mme Thompson (interprétation): "Chef 8: Traitements cruels, une
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1 violation des lois ou coutumes de la guerre reconnue par l'Article 3-1)
2 a) commun des Conventions de Genève de 1949 et sanctionnée par les
3 Articles 3 ainsi que 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal."
4 M. le Président: Général, plaidez-vous coupable ou non coupable pour ce
5 Chef d'accusation 8?
6 M. Strugar (interprétation): Non coupable, Monsieur le Président.
7 M. le Président: Bien.
8 Mme Thompson (interprétation): "Chef 9: Attaques contre des civils, une
9 violation des lois ou coutumes de la guerre reconnue par l'Article 51 du
10 Protocole additionnel I et l'Article 13 du Protocole additionnel II aux
11 Conventions de Genève de 1949 et sanctionnée par les Articles 3 ainsi que
12 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal."
13 M. le Président: Général, plaidez-vous coupable ou non coupable pour ce
14 Chef d'accusation 9?
15 M. Strugar (interprétation): Non coupable, Monsieur le Président.
16 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir pour un instant, Général.
17 Madame la Greffière, vous pouvez continuer, s'il vous plaît.
18 (L'accusé s'assoit.)
19 Mme Thompson (interprétation): "Chefs 10 à 12: Dévastation non justifiée,
20 attaques illégales contre des biens de caractère civil, destruction ou
21 endommagement délibéré de monuments historiques et d'édifices consacrés à
22 la religion.
23 Entre le 1er octobre et le 6 décembre 1991, Pavle Strugar, agissant seul
24 ou de concert avec d'autres, a planifié, incité à commettre, ordonné ou,
25 de toute autre manière, aidé ou encouragé à commettre la destruction ou
Page 18
1 l'endommagement délibéré d'habitations ou d'autres bâtiments dans la ville
2 de Dubrovnik.
3 Les positions qu'occupait la JNA sur les hauteurs, à l'est et au nord de
4 Dubrovnik, lui offraient une vue dégagée sur la ville et ses environs. A
5 partir de ces positions et de navires situés au large, les forces de la
6 JNA, placées sous le commandement de Pavle Strugar et consorts, ont
7 illégalement bombardé des objectifs civils à Dubrovnik. Parmi ces
8 attaques, il faut citer:
9 -Le bombardement du 23 au 24 octobre 1991 de la ville de Dubrovnik, au
10 cours duquel la Vieille ville a pour la première fois été prise pour
11 cible.
12 -Le bombardement du 8 au 13 novembre 1991 de la ville de Dubrovnik tout
13 entière, au cours duquel les quartiers de la Vieille ville, de Lapad et de
14 Gruz ont été pris pour cible. Un certain nombre de bâtiments de la Vieille
15 ville ont été endommagés, ainsi que des hôtels abritant des réfugiés et
16 d'autres constructions civiles situés dans d'autres quartiers de la ville.
17 -Le bombardement du 6 décembre 1991 de la ville de Dubrovnik tout entière,
18 mais au cours duquel la Vieille ville a tout particulièrement été prise
19 pour cible. Au moins six bâtiments de la Vieille ville ont été totalement
20 détruits et des centaines d'autres ont été endommagés. Des hôtels abritant
21 des réfugiés et d'autres constructions civiles situés dans d'autres
22 quartiers de Dubrovnik ont été fortement endommagés ou détruits, tout
23 particulièrement à Lapad et à Babin Kuk.
24 Au cours des attaques lancées contre Dubrovnik, entre le 1er octobre et le
25 6 décembre 1991, la Vieille ville de Dubrovnik a été touchée par quelque
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1 1.000 obus tirés par les forces de la JNA. Toute la Vieille ville de
2 Dubrovnik avait été classée patrimoine culturel mondial par l'UNESCO. Un
3 certain nombre de bâtiments dans la Vieille ville et les tours des murs de
4 celle-ci présentaient le signe distinctif de la Convention de La Haye pour
5 la protection des biens culturels en cas de conflit armé (1954). Aucun
6 objectif militaire ne se trouvait sur les murs ou dans l'enceinte de la
7 Vieille ville.
8 Par ces actes et omissions, Pavle Strugar s'est rendu coupable de…"
9 M. le Président: Général, vous pouvez vous lever, s'il vous plaît?
10 (L'accusé se lève.)
11 Mme Thompson (interprétation): "Chef 10: Dévastation que ne justifient pas
12 les exigences militaires, une violation des lois ou coutumes de la guerre
13 sanctionnée par les Articles 3b) ainsi que 7-1) et 7-3) du Statut du
14 Tribunal."
15 M. le Président: Général, plaidez-vous coupable ou non coupable pour ce
16 Chef d'accusation 10?
17 M. Strugar (interprétation): Non coupable, Monsieur le Président.
18 M. le Président: Très bien. Continuez.
19 Mme Thompson (interprétation): "Chef 11: Attaques illégales contre des
20 biens de caractère civil, une violation des lois ou coutumes de la guerre
21 reconnue par l'Article 52 du Protocole additionnel I aux Conventions de
22 Genève de 1949 et sanctionnée par les Articles 3 ainsi que 7-1) et 7-3) du
23 Statut du Tribunal.
24 M. le Président: Général, plaidez-vous coupable ou non coupable pour ce
25 Chef d'accusation 11?
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1 M. Strugar (interprétation): Non coupable, Monsieur le Président.
2 Mme Thompson (interprétation): "Chef 12: destruction ou endommagement
3 délibéré de monuments historiques et d'édifices consacrés à la religion,
4 une violation des lois ou coutumes de la guerre sanctionnée par les
5 Articles 3d) ainsi que 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal."
6 M. le Président: Général, plaidez-vous coupable ou non-coupable pour ce
7 Chef d'accusation 12, l'antérieur étant le 11?
8 M. Strugar (interprétation): Non-coupable, Monsieur le Président.
9 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir pour un instant, pour vous
10 reposer un peu.
11 (L'accusé s'assoit.)
12 Madame la Greffière, vous pouvez continuer.
13 Mme Thompson (interprétation): "Chefs 13 à 16: destruction et
14 appropriation de biens sur une grande échelle, destruction sans motif de
15 villages, destruction ou endommagement délibéré d'édifices consacrés à
16 l'enseignement et à la religion, pillage de biens publics ou privés.
17 En octobre 1991, les forces de la JNA placées sous le commandement de
18 Pavle Strugar et consorts se sont emparées du territoire croate situé à
19 proximité de la ville de Dubrovnik et l'ont occupé. Cette partie de la
20 région de Dubrovnik comprenait, en tout ou partie, les secteurs de
21 Konavle, de Zupa Dubravacka et de Primorje.
22 Les forces croates qui défendaient ce territoire étaient peu nombreuses et
23 peu armées. Elles étaient composées principalement de villageois de la
24 région mobilisés peu de temps avant l'attaque. L'attaque des forces de la
25 JNA a vite eu raison de la résistance offerte par les Croates qui se sont
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1 alors repliés sur la ville. La JNA a donc pris le contrôle de ce
2 territoire sans grand combat.
3 Une fois que les forces de la JNA eurent occupé les environs, les troupes
4 placées sous le commandement de Pavle Strugar et consorts ont systématique
5 pillé les biens publics, commerciaux et privés dans les secteurs qu'elles
6 contrôlaient. Une grande partie de ces biens a été transportée au
7 Monténégro dans des véhicules militaires de la JNA. Et ensuite, l'armée a
8 de ce fait pris des mesures pour les localiser et les conserver.
9 Des troupes de la JNA ont aussi systématiquement détruit des édifices
10 publics commerciaux et religieux, ainsi que des habitations privées dans
11 les environs de Dubrovnik. Ces destructions ont eu lieu après la fin des
12 combats, alors que la JNA s'était assurée le contrôle de ces secteurs.
13 Parmi les villages de ces régions occupées, qui ont été en grande partie
14 ou totalement détruits, figurent notamment -liste non exhaustive:
15 -Brgat occupé par la JNA le ou aux environs du 24 octobre 1991,
16 -Cilipi occupé par la JNA le ou aux environs du 6 octobre 1991,
17 -Dubravka occupé par la JNA le 2 octobre 1991 ou vers cette date,
18 -Gruda occupé par la JNA le 4 octobre 1991 ou vers cette date,
19 -Mocici occupé par la JNA le 6 octobre 1991 ou vers cette date,
20 -Osojnik occupé par la JNA le 18 octobre 1991 ou vers cette date,
21 -Slano occupé par la JNA le 4 octobre 1991 ou vers cette date,
22 -et Zvekovica occupé par la JNA le 7 octobre 1991 ou vers cette date.
23 Par ces actes et omissions, Pavle Strugar s'est rendu coupable de...
24 M. le Président: Vous pouvez vous lever, s'il vous plaît, Général.
25 (L'accusé se lève.)
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1 Mme Thompson (interprétation): "Chef 13: destruction et appropriation de
2 biens non justifiés par des nécessités militaires et exécutées sur une
3 grande échelle de façon illicite et arbitraire, une infraction grave aux
4 Conventions de Genève de 1949 sanctionnée par les Articles 2d) ainsi que
5 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal."
6 M. le Président: Général, plaidez-vous coupable ou non-coupable pour ce
7 Chef d'accusation 13?
8 M. Strugar (interprétation): Non-coupable, Monsieur le Président.
9 Mme Thompson (interprétation): "Chef 14: destruction sans motif de
10 villages ou dévastation que ne justifient pas les exigences militaires,
11 une violation des lois ou coutumes de la guerre sanctionnée par les
12 Articles 3b) ainsi que 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal."
13 M. le Président: Général, plaidez-vous coupable ou non-coupable pour ce
14 Chef d'accusation 14?
15 M. Strugar (interprétation): Non-coupable, Monsieur le Président.
16 Mme Thompson (interprétation): "Chef 15: destruction ou endommagement
17 délibéré d'édifices consacrés à l'enseignement ou à la religion, une
18 violation des lois ou coutumes de la guerre sanctionnée par les Articles
19 3d) ainsi que 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal."
20 M. le Président: Général, plaidez-vous coupable ou non-coupable pour ce
21 Chef d'accusation 15?
22 M. Strugar (interprétation): Non-coupable, Monsieur le Président.
23 Mme Thompson (interprétation): "Chef 16: pillage de biens publics ou
24 privés, une violation des lois ou coutumes de la guerre sanctionnée par
25 les Articles 3e) ainsi que 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal."
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1 M. le Président: Général, plaidez-vous coupable ou non-coupable pour ce
2 Chef d'accusation 16?
3 M. Strugar (interprétation): Je plaide non-coupable, Monsieur le
4 Président.
5 M. le Président: Général, vous pouvez vous asseoir.
6 (L'accusé s'assoit.)
7 M. Strugar (interprétation): Merci.
8 M. le Président: Nous avons noté que le Général Pavle Strugar a plaidé
9 non-coupable pour tous les Chefs d'accusation. Madame la Greffière, vous
10 prenez acte que le Général Strugar a plaidé non-coupable pour l'ensemble
11 des Chefs d'accusation.
12 Je voudrais d'abord me tourner vers le Bureau du Procureur pour rappeler
13 quelques points à Mme Korner, par rapport à l'Article 66 du Règlement
14 "Communication des pièces par le Procureur".
15 Avez-vous déjà pris des dispositions, comptez-vous les prendre? Où en
16 êtes-vous par rapport à cette question?
17 Mme Korner (interprétation): Aujourd'hui même, nous avons donné non pas à
18 Me Rodic mais à son collaborateur, Me Petrovic, avec qui je me suis
19 entretenue, donc, nous lui avons donné les pièces jointes. Elles n'ont pas
20 encore été traduites, et je ne peux m'avancer à garantir leur traduction
21 dans les 30 jours vue la situation en matière de traduction. Mais, en tout
22 cas, les documents en anglais ont été remis à la défense.
23 M. le Président: Très bien, Madame Korner, vous pouvez vous asseoir, s'il
24 vous plaît.
25 Je me tourne maintenant vers Me Rodic. Aux termes de l'Article 72 du
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1 Règlement -comme vous le savez bien-, les exceptions préjudicielles
2 doivent être enregistrées par écrit et, au plus tard, 30 jours après que
3 le Procureur ait communiqué à la défense toutes les pièces jointes et
4 déclarations de l'accusé visées à l'Article 66.
5 En présence de l'Acte d'accusation et en tenant compte de la jurisprudence
6 du Tribunal, je vous pose ces deux questions: si vous avez un commentaire
7 par rapport à ce que Mme Joanna Korner vient de dire et si vous comptez
8 soulever des exceptions préjudicielles? Ou est-il trop tôt pour répondre à
9 cette question? Voilà les deux aspects.
10 M. Rodic (interprétation): Monsieur le Président, il est exact que notre
11 collègue de l'accusation a, avant le début de la présente audience,
12 communiqué à la défense les pièces accompagnant l'Acte d'accusation. J'ai
13 donc vu ces pièces qui sont rédigées en anglais, langue de travail du
14 Tribunal et je signerai le reçu qui montre que j'ai bien reçu ces pièces
15 dès la fin de la présente audience.
16 Mais, avant même que vous me posiez la question, j'ai l'intention de vous
17 éclairer sur un point. La défense va sans aucun doute présenter une
18 exception préjudicielle relative à l'Acte d'accusation jugée de qualité
19 insuffisante. Mais nous estimons que le délai concernant le dépôt de cette
20 exception préjudicielle devrait commencer à courir à partir du jour où les
21 pièces jointes à l'Acte d'accusation auront été signifiées à l'accusé dans
22 une langue qu'il comprend parce que c'est sur la base de ces pièces que
23 nous pourrons préparer notre exception préjudicielle.
24 Je vous remercie, Monsieur le Président.
25 M. le Président: Très bien, Maître Rodic. Vous pouvez vous asseoir.
Page 25
1 Après avoir entendu cela, Madame Korner, est-ce que vous avez une idée
2 quelconque à propos du moment où vous aurez les pièces traduites?
3 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, pas du tout. Je sais
4 que vous-même et tous ceux qui travaillent dans ce Tribunal connaissent
5 les terribles difficultés du département de traduction en ce moment.
6 Je crois, mais je n'en suis pas entièrement sûr, que certains documents
7 ont déjà été traduits, mais je n'aimerais guère vous donner une garantie
8 quant à une date précise, en ce moment-ci. La seule chose que je peux
9 dire, c'est que toute question relative à la validité de l'Acte
10 d'accusation n'a guère de rapport avec les éléments de preuve. Donc j'ai
11 quelque difficulté à comprendre pourquoi l'accusé a besoin de lire toutes
12 les pièces jointes à l'Acte d'accusation pour rédiger une exception
13 préjudicielle.
14 Mais, bien entendu, je ne fais aucune objection à ce que la décision
15 rendue par vous, Monsieur le Président, consiste à ordonner que le délai
16 court à partir du moment où le document traduit aura été reçu par
17 l'accusé.
18 Puisque je suis debout, j'aimerais aborder un autre point. Les documents
19 qui ont été communiqués l'ont été sur la base du fait que des documents
20 ultérieurs le seront encore à l'avenir, mais nous aimerions déposer une
21 demande de protection pour ces documents qui restent à communiquer.
22 M. le Président: D'accord, très bien. Je crois que, pour l'instant, Madame
23 Korner et Maître Rodic, je crois qu'on ne peut quand même pas avancer plus
24 dans la programmation du travail préalable à l'ouverture du procès, si je
25 peux dire, de la mise en état. Comme vous le savez, à la rigueur, la mise
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1 en état peut s'ouvrir après avoir terminé la communication des pièces.
2 Mais il y a au moins une chose utile que je peux vous dire, c'est qu'après
3 avoir consulté mes collègues de la Chambre, je m'autodésigne comme juge de
4 la mise en état, pour quelque temps, comme vous le savez, mais surtout
5 pour avoir quelqu'un de disponible pour les questions qui peuvent arriver
6 d'une façon urgente. C'est l'information.
7 La suggestion que je pouvais faire, c'est éventuellement que les parties
8 se mettent en contact pour discuter de cette question, notamment cette
9 suggestion que Mme Korner a soulevée. Si vous voulez déposer une exception
10 préjudicielle, très bien: il est question de se mettre d'accord ou pas.
11 Vous avez le droit, Maître Rodic, d'avoir les pièces à conviction
12 traduites.
13 L'Article 66 dit clairement que, sous réserve des dispositions des
14 Articles 53 et 69, le Procureur communique à la défense, dans une langue
15 que l'accusé comprend, dans les trente jours suivant la comparution
16 initiale de l'accusé, les copies de toutes les pièces jointes à l'Acte
17 d'accusation lors de la demande de confirmation, ainsi que toutes les
18 déclarations préalables à l'accusé, recueillies par le Procureur, etc.
19 C'est vrai que c'est un droit que l'accusé a, mais si l'accusé veut avoir
20 un procès rapide et équitable, il est possible de l'avoir si vous faite la
21 concession. Si vous comprenez une langue du Tribunal, vous pouvez toujours
22 discuter. Mais je vous dis clairement, Maître Rodic, que c'est seulement
23 une suggestion. Vous avez le droit, c'est un droit –si je peux dire-
24 "protestatif", c'est-à-dire que vous l'exercez si vous le voulez ou non.
25 Mais c'est vrai que le problème des traductions va un peu conditionner
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1 aussi l'ouverture du procès, comme vous pouvez l'imaginer.
2 Voilà. Je vous donne cette suggestion et, si vous trouvez commode de me
3 parler, vous pouvez le faire, même par le biais du juriste de la Chambre
4 qui est ici, M. Olivier Fourmy. Eventuellement, si vous en avez besoin, on
5 peut faire tout de suite une conférence de mise en état, quand vous
6 voulez, pour éventuellement trouver une façon d'expédier l'affaire et de
7 résoudre cette question.
8 Vous savez aussi, Maître Rodic, nous savons tous qu'au Tribunal, le
9 service de traduction a beaucoup de travail maintenant. Mais c'est vrai
10 aussi que nous essayons de trouver une solution. Et je crois que la
11 solution peut être rencontrée ou trouvée dans un schéma de coopération.
12 Donc c'est à vous, si je peux dire, de parler un peu et de communiquer au
13 Juge de la mise en état, si vous en avez besoin. C'est-à-dire que je ne
14 vais pas maintenant désigner une date pour la mise en état; je peux
15 seulement vous dire que je serai disponible dans la mesure dont vous aurez
16 besoin.
17 Seulement pour terminer ce moment, je voudrais éventuellement demander aux
18 parties si elles ont d'autres questions à soulever avant de lever
19 l'audience.
20 Madame Korner, s'il vous plaît?
21 Mme Korner (interprétation): Non, Monsieur le Président.
22 M. le Président: D'accord.
23 Maître Rodic?
24 M. Rodic (interprétation): Monsieur le Président, je vous remercie.
25 J'ai compris le message que vous m'avez transmis, il y a un instant, et je
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1 comprends donc que le délai pour le dépôt des exceptions préjudicielles
2 n'a pas encore commencé à courir.
3 Bien entendu, je vais discuter avec ma collègue de l'accusation, mais je
4 dois également régler cette question avec mon client.
5 Et puisque vous me donnez l'occasion de parler, j'aimerais effectivement
6 vous dire quelques mots car je pense qu'ils ont leur importance. Je suis
7 conscient que ce que je vous dis ici relève de la compétence du Greffe et
8 du quartier pénitentiaire de Scheveningen, mais je considère également
9 qu'il est de mon droit et que c'est de ma responsabilité de faire savoir à
10 la Chambre de première instance, et donc à vous-même, Monsieur le
11 Président, en tant que Juge de la mise en état, de vous faire connaître
12 les éléments suivants.
13 Le général Strugar s'est livré de son plein gré au Tribunal de La Haye le
14 21 octobre 2001, peu de temps après être sorti de l'hôpital de Podgorica.
15 Aujourd'hui nous sommes à la date du 26 octobre. Cela fait donc cinq jours
16 que le général Strugar n'a pas vu de médecin, n'a pas reçu les médicaments
17 qui lui ont été prescrits à Podgorica et n'a pas bénéficié des soins d'un
18 spécialiste urologue ou néphrologue.
19 Depuis le début de son emprisonnement au quartier pénitentiaire de
20 Scheveningen, son état de santé a donc empiré. Il a des douleurs. Et déjà
21 avant sa reddition au Tribunal de La Haye, les responsables du Tribunal
22 étaient au courant de son état de santé et du fait qu'il a décidé de se
23 livrer au Tribunal convaincu qu'il était de pouvoir bénéficier de soins
24 médicaux appropriés.
25 Je dois dire que depuis les cinq jours que je viens de mentionner, il n'a
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1 subi qu'une seule analyse d'urine et une seule analyse sanguine, pour
2 lesquelles il n'a reçu encore aucun résultat. Or, en raison de sa maladie,
3 il a besoin d'un contrôle permanent, constant de ces urines et du taux de
4 créatinine car il souffre d'une maladie urologique grave.
5 C'est la raison pour laquelle je vous demande d'intervenir pour améliorer
6 sa situation sur le plan de son état de santé car il ne faut car il ne
7 faut pas oublier non plus quel est l'âge du général Strugar: il a presque
8 70 ans.
9 Je vous demande donc de prendre les mesures pour que son état de santé
10 puisse s'améliorer et même que le général Strugar puisse se rétablir. Et
11 je crois bien sûr pouvoir faire confiance à votre rapide intervention.
12 Merci.
13 M. le Président: Oui, merci, Maître Rodic.
14 Je dois vous informer que j'ai eu l'opportunité de vouloir savoir quelles
15 étaient les conditions de santé du général Strugar. J'ai demandé des
16 informations au Greffe. Nous avons eu une réunion et j'ai vivement
17 recommandé au Greffe de tout faire pour soigner et bien soigner la santé
18 du général Strugar.
19 Nous sommes toujours préoccupés avec la santé des détenus comme vous le
20 savez. Mais comme vous le savez aussi, le Tribunal n'a pas de médecins.
21 Nous avons toujours la bonne coopération du pays hôte. Et comme vous le
22 savez, ce n'est pas souvent un juge qui doit dire à un médecin ce qu'il
23 doit faire.
24 Mais il y a une chose que j'ai déjà recommandé vivement au Greffe, c'est
25 de tout faire et rapidement pour que le général Strugar puisse être
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1 soigné. Je vous remercie, de toutes façons, de vos soins aussi.
2 Et je vous dis que même avant d'entrer dans la salle j'avais déjà pris des
3 mesures pour cette question. Comme vous savez, j'avais programmé de
4 demander au général Strugar quelles sont les conditions de santé. Donc je
5 vais le faire maintenant.
6 Général, vous pouvez vous lever, s'il vous plaît.
7 (L'accusé se lève.)
8 Sur les conditions de santé, il n'est peut-être pas nécessaire de répéter
9 ce dont votre avocat Me Rodic nous a informé. Je vous demande seulement si
10 vous confirmez ce que votre avocat a dit?
11 M. Strugar (intervention): Eh bien, lorsque je me suis plaint à mon
12 avocat, c'était surtout à cause de ce traitement parce que je dois dire
13 que je ne m'attendais pas à un tel traitement. Je suis arrivé
14 littéralement épuisé de l'hôpital, directement, parce que je ne voulais
15 pas renoncer à me livrer puisque je l'avais déjà annoncé.
16 Quand j'ai annoncé que j'allais venir à La Haye de mon plein gré, je suis
17 allé voir mon médecin pour régler un problème de santé très anodin, mais
18 j'ai eu des complications et ma situation a beaucoup empiré.
19 Je dois vous dire que je ne suis pas une poule mouillée mais j'ai déjà pas
20 mal maigri, et je regrette que les choses se passent de cette façon. Mais
21 je suis convaincu, j'espère que les choses iront mieux à l'avenir.
22 M. le Président: Oui, très bien. Vous pouvez vous asseoir, Général.
23 (L'accusé s'assoit.)
24 Vous allez ajouter quelque chose, Maître Rodic?
25 M. Rodic (interprétation): Simplement, Monsieur le Président, pour vous
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1 remercier de votre intérêt et des questions que vous avez posées. Merci.
2 M. le Président: Très bien.
3 Pour le compte rendu, Madame la Greffière, vous prenez compte qu'il faut
4 vraiment tout faire et rapidement pour prendre soin de la santé du général
5 Strugar. Je l'avais déjà dit dans mon intervention mais il faut le prendre
6 expressément. Vous avez bien compris, Madame la Greffière?
7 Mme Thomson (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
8 M. le Président: Bien.
9 Puisqu'il n'y a pas autre chose à traiter, je souhaite aux parties de bons
10 entretiens de travail et éventuellement d'aboutir à des résultats.
11 Je déclare ma disponibilité pour coopérer éventuellement avec vous.
12 Je souhaite au Général une meilleure santé.
13 Je laisse la séance en vous souhaitant un bon après-midi à vous tous.
14 (L'audience est levée à 17 heures 13.)
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