Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie

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1 (Jeudi 31 janvier 2002.)

2 (Demande de mise en liberté provisoire.)

3 (Audience publique.)

4 (L'audience où est ouverte à 16 heures 34.)

5 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, veuillez annoncer

6 l'affaire.

7 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Messieurs les Juges.

8 Il s'agit de l'affaire IT-01-42-PT, le Procureur contre Miodrag Jokic.

9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

10 Les parties peuvent-elles se présenter? L'accusation tout d'abord.

11 Mme Somers (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.

12 Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

13 Je m'appelle Susan Somers. Je représente le Bureau du Procureur. A ma

14 droite, tout au fond, se trouve M. Cencich, enquêteur de notre équipe, M.

15 Massimo Scaliotti qui fera partie de l'équipe au procès, ainsi que M.

16 Tochilovsky, également membre de l'équipe pour le procès et nous avons

17 notre assistante, Mme Susan Grogan.

18 M. le Président (interprétation): Merci.

19 Et pour la défense?

20 M. Jones (interprétation): Je m'appelle Alun Jones, Monsieur le Président.

21 M. le Président (interprétation): Merci.

22 Est-ce que je peux me tourner vers le représentant du gouvernement de la

23 Serbie?

24 M. Batic (interprétation): Monsieur le Président, je suis Vladan Batic,

25 ministre de la Justice au Gouvernement de la République de Serbie.

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1 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. Vous pouvez vous

2 rasseoir.

3 La présente audience est consacrée à la question de la mise en liberté

4 provisoire de M. Jokic.

5 La présente Chambre a été saisie de deux requêtes: l'une concerne la

6 demande de mise en liberté de M. Jokic, déposée le 18 décembre 2001; il y

7 a une autre requête dont nous sommes saisis. Ce sont en fait les écritures

8 de l'accusation en réponse à la requête aux fins de mise en liberté

9 provisoire déposée par M. Jokic.

10 Tout d'abord, nous aimerions savoir de la part des conseils de la défense

11 ce qu'ils pensent sur la question. Nous avons déjà reçu vos présentations,

12 vos écritures. Nous avons tous pris connaissance de la teneur de votre

13 requête. J'espère qu'en l'espace de quelques minutes, vous pourrez faire

14 la synthèse des arguments les plus saillants repris dans votre requête.

15 M. Jones (interprétation): Tout à fait. Ma requête est courte et simple.

16 Vous le savez, Messieurs les Juges, l'amiral Jokic est retraité de l'armée

17 yougoslave. Il s'est livré de son plein gré au Tribunal, le 12 novembre

18 2001. Il l'a fait de son plein gré, je le répète.

19 C'est un homme marié. Il habite à Belgrade avec sa femme et un de leurs

20 deux enfants.

21 Je fais respectueusement valoir à la présente Chambre qu'il est autorisé à

22 être mis en liberté à titre provisoire, l'Article 65 régissant cette

23 disposition.

24 J'espère que vous pourrez tenir compte du fait que le 65B) dit que "la

25 mise en liberté provisoire ne peut-être ordonnée par la Chambre de

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1 première instance qu'après avoir entendu le pays hôte, et pour autant

2 qu'elle ait la certitude que l'accusé comparaîtra et, s'il est libéré, ne

3 mettra pas en danger une victime, un témoin ou toute autre personne." (Fin

4 de citation.)

5 Je pense que la Chambre peut être convaincue de ce que ces conditions

6 seront réunies puisque l'accusation ne présente rien qui aille dans le

7 sens contraire. Rien de la part de l'accusation ni de la part de ses

8 enquêteurs ou de ses avocats ne semble indiquer qu'on croit que l'amiral

9 Jokic ne comparaîtrait pas au procès, pas plus qu'il pourrait poser un

10 danger pour une victime, un témoin ou toute autre personne.

11 Vu ces circonstances et puisqu'en décembre 1999, on a supprimé la notion

12 de "circonstances exceptionnelles" dans le Règlement, je pense que

13 l'accusé est autorisé à bénéficier de la mise en liberté provisoire

14 puisqu'il y a présomption d'innocence. Tout ceci est bien sûr subordonné à

15 la garantie inconditionnelle qu'il a signée et qui, effectivement, a été

16 acceptée par le Gouvernement de la République de Serbie.

17 Cela étant, Messieurs les Juges, les conditions de la mise en liberté

18 provisoire doivent avoir pour préalable un accord entre l'accusation et la

19 défense, et ceci dans les termes repris dans les annexes A et B, à savoir

20 que M. Jokic ne va pas quitter le territoire de la Yougoslavie, résidera à

21 une adresse communiquée à la Chambre et au Tribunal, et qu'il a promis de

22 faire rapport quotidiennement au Ministère de l'intérieur qu'il restera

23 chez lui, qu'il n'aura pas de communication avec ces coaccusés, qu'il ne

24 parlera pas aux médias, qu'il ne parlera qu'à ses avocats et qu'il

25 reviendra devant ce Tribunal.

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1 Bien sûr, il avait dit qu'il serait prêt à revenir aux Pays-Bas pour être

2 entendu par des représentants du Procureur pour tout interrogatoire et

3 qu'il se conformera à toutes les conditions, si elles sont modifiées, en

4 matière de mise en liberté provisoire.

5 Mais je vous ai dit qu'on avait été un peu dépassés par les événements.

6 Il n'a pas été facile de prendre des dispositions pour des interrogatoires

7 depuis novembre. L'amiral Jokic dit qu'il veut faire valoir sa version des

8 événements au Procureur; il le dit depuis qu'il est arrivé ici. Mais, pour

9 des raisons pratiques, des raisons évidentes qu'il ne sera pas ici

10 nécessaires de prévoir, effectivement, il n'a pas été possible de prévoir

11 ces quatre jours.

12 Sans préjudice à qui que ce soit, il a droit à cette mise en liberté

13 provisoire. Il comprend qu'il est important qu'il fasse valoir sa version

14 des événements plus tôt que plus tard. Et même s'il ne bénéficie pas de

15 cette mise en liberté provisoire, nous ne voyons pas pourquoi il ne

16 pourrait pas être interrogé par les enquêteurs du Bureau du Procureur,

17 disons dans les trois semaines qui viennent.

18 Je ne pense pas devoir ajouter quoi que ce soit, sinon je me répéterais.

19 Voici les arguments que je me permettais de vous faire valoir dans ma

20 demande aux fins d'obtenir la mise en liberté provisoire de mon client.

21 M. le Président (interprétation): Je pense que le Juge Orie a des

22 questions à vous poser, Maître, précisément sur ce point -excusez-moi-

23 puisqu'il est le Juge de la mise en état, en l'espèce.

24 M. Jones (interprétation): Oui.

25 M. Orie (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

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1 J'aurai quelques questions à vous poser, Maître Jones.

2 Vous dites que l'Article 65, en sa disposition reprise au B), précise que

3 "l'accusé a le droit de se voir bénéficier de la mise en liberté

4 provisoire".

5 Je reprends cette disposition. Elle ne dit pas que la liberté provisoire

6 sera ordonnée par la Chambre. Elle dit: "la Chambre peut ordonner la mise

7 en liberté provisoire, mais uniquement si elle est convaincue de ce que

8 les conditions sont réunies. "

9 Lorsque j'ai examiné la jurisprudence du Tribunal, je n'ai pas retrouvé

10 les termes selon lesquels, de plein droit, l'accusé est autorisé à

11 recevoir. Peut-être qu'effectivement là, il serait préférable d'apporter

12 une explication.

13 Deuxième question: lorsqu'on voit les conditions assorties à la mise en

14 liberté provisoire -vous, vous en avez relevé quelques-unes-, si j'ai bien

15 compris, il y a accord de part et d'autre du prétoire sur ces conditions.

16 Mais j'imaginerais aisément, sans anticiper bien sûr sur la décision que

17 va prendre la présente Chambre, il se peut qu'il y ait d'autres

18 dispositions à prendre en compte.

19 Veuillez examiner notamment cette question. Le fait qu'il n'y ait pas de

20 contact avec l'un quelconque des coaccusés.

21 M. Jones (interprétation): Je pense que ceci figure à l'Annexe A, au point

22 1D).

23 M. Orie (interprétation): Je vais vérifier. Effectivement!

24 Est-ce que c'est un singulier ou un pluriel?

25 M. Jones (interprétation): En principe, c'est un pluriel.

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1 M. Orie (interprétation): Donc la question vaut pour tous les coaccusés,

2 n'est-ce pas?

3 M. Jones (interprétation): Oui.

4 M. Orie (interprétation): Une des conditions imposées par l'une des

5 Chambres de première instance de ce Tribunal est que "l'accusé n'exercera

6 ou n'occupera aucun poste officiel dans le pays concerné".

7 Est-ce que c'est une condition que vous pouvez accepter, mis à part bien

8 sûr la règle générale qui veut que toute modification pourrait être

9 recevable? Mais je voulais simplement soulever cette question précise,

10 condition qui a déjà été auparavant imposée.

11 M. Jones (interprétation): J'aimerais pouvoir en discuter avec M. Jokic

12 mais, si vous êtes d'accord, je peux le faire tout de suite, sur-le-champ.

13 M. Orie (interprétation): Nous pouvons poser la question à M. Jokic en

14 personne.

15 Dernière question. Dans votre requête, vous donnez des garanties, des

16 assurances. C'est le général Jokic qui le fait mais, ceci mis à part, vous

17 vous fondez également sur des garanties que devraient donner ou qu'ont

18 déjà donné les membres du gouvernement de la République de Serbie?

19 M. Jones (interprétation): Oui.

20 M. Orie (interprétation): Ces garanties fournies par la République de

21 Serbie, si j'en prends connaissance, indiquent ceci: "Le Gouvernement est

22 conscient des obligations et des engagements pris par le général Jokic. Le

23 Gouvernement va prendre toutes les mesures nécessaires, par l'entremise

24 des autorités compétentes, pour veiller…". Et puis suit une liste

25 d'engagements.

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1 Une de ces garanties, c'est qu'il se présentera devant le TPIY lorsque

2 celui-ci le demande?

3 M. Jones (interprétation): Oui.

4 M. Orie (interprétation): En fin de compte, ceci… Bien sûr, ici c'est un

5 "si", ce n'est pas quelque chose à quoi je m'attends, mais on ne sait

6 jamais ce que l'avenir nous réserve. Si le général Jokic décidait de ne

7 pas revenir de son plein gré pour comparaître devant ce Tribunal, en fin

8 de compte, ceci aurait pour résultat qu'il y aurait une arrestation et un

9 renvoi de l'accusé. Tout du moins, si c'est une action nécessaire. Je

10 pense que c'en est une.

11 Mais la question qui se pose, c'est de savoir s'il y a des autorités

12 compétentes, une législation qui est en vigueur en place dans son pays,

13 qui soit telle que, si c'était nécessaire, le général Jokic pourrait être

14 arrêté et traduit devant notre Tribunal. Je crois comprendre qu'il y a des

15 débats en République de Serbie sur la légalité d'une arrestation, sur le

16 fait de livrer des personnes éventuellement arrêtées à ce Tribunal, mais

17 vous vous fondez sur ces garanties du Gouvernement.

18 J'aimerais savoir quelle serait la base juridique, la base légale de la

19 conséquence extrême, si l'on portait à son extrémité son engagement.

20 M. Jones (interprétation): Je dois d'abord recevoir des instructions de

21 mon client pour vous donner une réponse claire. Mais permettez-moi de

22 revenir à la première question que vous avez soulevée.

23 M. Orie (interprétation): Bien sûr, si le Président de la présente Chambre

24 l'autorise.

25 M. Jones (interprétation): Merci.

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1 M. Orie (interprétation): Nous allons revenir à cette question, aussi en

2 demandant son avis au représentant du Gouvernement, mais puisque vous vous

3 êtes fondé sur cette disposition, je vous pose d'abord la question à vous.

4 Par la suite, nous pourrons poser la question à un représentant du

5 Gouvernement de la Serbie.

6 M. Jones (interprétation): Merci beaucoup.

7 Abordons, si vous voulez bien, la première question. Ceci soulève, à mon

8 avis, un aspect, une question juridique des plus intéressantes. Si j'ai

9 fait valoir cet argument relatif à la teneur de l'Article 65B), c'est qu'à

10 mon avis, on aurait peine à envisager des circonstances dans lesquelles,

11 si la Chambre était convaincue que la personne qui comparait devant elle

12 était manifestement prête à recomparaître, que c'est une personne tout à

13 fait tranquille, calme, accommodante, je ne vois pas comment on pourrait

14 penser à des circonstances où la Chambre dirait: "Nous comprenons bien sûr

15 qu'il y a présomption d'innocence. Nous comprenons que cet homme

16 reviendra, qu'il se comporte correctement, mais il n'empêche que nous

17 allons refuser de faire droit à sa requête en vue d'une mise en liberté

18 provisoire".

19 Si j'ai utilisé les termes que j'ai utilisés, c'est parce que je tenais à

20 englober toutes les considérations qui pourraient être soulevées par le

21 Bureau du Procureur. C'est la raison pour laquelle j'ai soulevé cette

22 question dans les termes que j'ai utilisés, mais ce seraient des

23 considérations qu'aurait la Chambre où une personne qui se trouve dans la

24 position de M. Jokic.

25 Il a le droit s'il se comporte correctement, s'il s'est livré à la

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1 compétence du Tribunal. C'est une personne de bonnes mœurs, comme le dit

2 l'Article 65, et ici cette interprétation est conforme à la Convention

3 européenne des droits l'homme, en son Article 5, Convention que nous avons

4 citée dans notre requête.

5 Si nous l'avons fait, c'est parce que nous tenons absolument en son nom à

6 veiller que, dans la mesure du possible, la mise en liberté provisoire

7 soit accordée, mais nous nous fondons pour ce faire sur ce fondement

8 juridique, ainsi que sur les autres éléments.

9 A mon humble avis, le Tribunal va peut-être vouloir adopter cette démarche

10 plutôt que de penser à une grâce qu'elle accorderait à des personnes qui

11 sont de bonnes mœurs.

12 Il se peut la Chambre ne se fonde pas en fin de compte sur

13 l'interprétation que je vous livre, mais si le Tribunal était prêt à

14 penser que la mise en liberté provisoire ne peut pas être accordée sur

15 cette base, je pense que le Tribunal devrait débattre sur cette question

16 et préciser en termes juridique quelle est la base qu'elle invoque,

17 maintenant qu'on a enlevé de l'Article les termes "circonstances

18 exceptionnelles".

19 Cela veut dire que, se basant sur son pouvoir d'appréciation, le Tribunal

20 ne ferait pas droit à une telle demande, même si toutes les conditions

21 sont réunies.

22 Je ne veux pas ici vexer ni offenser le Tribunal, vu le poste occupé par

23 l'accusé et qu'il se livre de son plein gré. Je pense que ce sont des

24 considérations à prendre en compte et je fais valoir que le Tribunal

25 devrait dire: "Nous respectons ceci, nous croyons que vous allez revenir

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1 comparaître devant nous et vous avez le droit d'être mis en liberté

2 provisoire".

3 Monsieur Batic, en sa qualité de Ministre de la justice, pourrait peut-

4 être aborder la troisième question que vous avez posée, parce que je pense

5 que ceci revient à une question concernant le droit de Serbie. Il est donc

6 plus approprié qu'il y réponde.

7 M. Orie (interprétation): Oui, c'était l'ordre peut-être, mais je m'en

8 remets au Président de la Chambre.

9 Normalement, je suppose qu'il faut donner la possibilité à l'accusation de

10 s'exprimer, peut-être pas de répondre mais, en tout cas, de faire état de

11 son point de vue, gardant à l'esprit bien sûr certaines des questions que

12 j'ai présentées au conseil de la défense.

13 Et puis, nous entendrons le représentant du Gouvernement de Serbie.

14 Mme Somers (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président,

15 Messieurs les Juges.

16 Pour nous, l'Article 65 ne considère pas que le droit, c'est la mise en

17 liberté provisoire. Le droit, c'est plutôt le droit de demander cette mise

18 en liberté provisoire.

19 La Chambre est tout à fait d'accord avec votre interprétation, Monsieur le

20 Juge, pour ce qui est de cet auxiliaire qui autorise ou qui peut ordonner

21 cette mise en liberté provisoire.

22 Nous avons couché par écrit nos arguments.

23 Mais pour ce qui est de la question juridique, ce n'est pas nécessairement

24 un droit absolu; c'est quelque chose qui fait l'objet d'une évaluation et

25 qui, en fait, relève du pouvoir d'appréciation de la présente Chambre.

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1 Ceci étant, en l'espèce, nous avons aujourd'hui la présence d'un éminent

2 représentant du Gouvernement qui vient nous offrir les garanties

3 demandées. Et j'espère que ceci, espérons-le du moins, permettra à la

4 Chambre de disposer des garanties nécessaires quant à la comparution de

5 l'accusé et lorsqu'on pense à des activités qui sont hors de portée

6 géographique du Tribunal.

7 La différence qu'il y a entre le présent Tribunal et un tribunal national,

8 c'est notre capacité à assurer la bonne application d'une législation,

9 puisque nous n'avons pas de territoire; nous n'avons qu'un territoire

10 géographique très limité.

11 Ceci étant, je suppose que les arguments seront avancés par le

12 représentant du Gouvernement de Serbie. Nous en avons déjà discuté de

13 façon initiale et je pense que ceci pourra convaincre la Chambre.

14 Madame del Ponte le regrette, elle n'a pas pu être présente devant vous

15 aujourd'hui, mais nous en avons discuté. Et je remercie Me Jones d'avoir

16 soulevé la question qui était que M. Jokic serait prêt à se soumettre à un

17 interrogatoire. Il y a donc absence d'opposition, ce qui est considéré par

18 nous comme étant un élément capital; c'est important et nous en avons tenu

19 compte au moment d'exprimer notre avis par écrit.

20 Nous sommes heureux d'apprendre qu'un délai de trois semaines nous est

21 proposé pour qu'il y ait ce type d'interrogatoire.

22 Nous avons rencontré Me Jones avant la présente audience pour pouvoir

23 discuter de plusieurs choses. Ce fut très positif et nous ferons

24 l'impossible pour permettre le bon déroulement de ce processus qui est,

25 bien sûr, très important pour nous.

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1 Sinon, nous avons déjà tout dit, je pense. Je n'ai rien à ajouter.

2 Il est regrettable que nous n'ayons pas pu faire ceci avant le départ.

3 Bien sûr, il y avait ces questions d'économie des moyens judiciaires. Nous

4 n'avons plus cette possibilité maintenant, mais nous allons essayer de

5 régler la question de la façon la plus efficace possible.

6 Je suis prête, bien sûr, à répondre à toute question que vous aurez pour

7 ce qui est des motifs essentiels devant précéder une mise en liberté

8 provisoire. Merci de votre attention.

9 M. Orie (interprétation): Je vous remercie.

10 Je m'adresse désormais au représentant du Gouvernement de la République de

11 Serbie. Monsieur Batic, j'ai été informé du fait que vous étiez accompagné

12 d'un représentant du Gouvernement de la Fédération de Yougoslavie.

13 Est-ce que je comprends bien les choses? Pour ce qui est des conditions

14 qu'il faudrait remplir et réunir, est-ce bien la République de Serbie qui

15 prend ces engagements?

16 M. Batic (interprétation): Oui.

17 M. Orie (interprétation): Restez assis un instant, s'il vous plaît. Bien

18 sûr, libre à vous de vous lever, si tel est votre souhait.

19 J'ai soulevé quelques conditions quant aux garanties de ce que ces

20 conditions seraient respectées. J'ai demandé si le cadre légal serait en

21 place, cadre qui permettrait effectivement de penser que ces garanties

22 seraient suivies d'effet.

23 Peut-être pourriez-vous faire le point de la question devant la Chambre?

24 M. Batic (interprétation): Merci. Monsieur le Président, Messieurs les

25 Juges, le Gouvernement de République de Serbie a pris une conclusion là-

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1 dessus, en date du 15 novembre de l'an dernier. A savoir donner ses

2 garanties et assurances en vue de la mise en liberté provisoire de

3 l'amiral Miodrag Jokic.

4 Par ma présence ici, en ma qualité de Ministre de la justice du

5 Gouvernement de la République de Serbie, je voulais oralement réitérer,

6 confirmer ces garanties, lesquelles sont d'ailleurs établies par écrit,

7 contenues dans ce document sous forme d'une annexe B.

8 En réponse à votre question, Monsieur le Juge, je voudrais vous informer

9 que la République de Serbie, son Gouvernement notamment, en date du 21

10 juin 2001, a pris une décision portant mise en application automatique du

11 Statut du Tribunal pénal international de La Haye. Laquelle décision a été

12 rendu publique par l'organe officiel de la République de Serbie. C'est

13 conformément et sur la base de cette décision qu'une extradition a été

14 faite dans le cas de Slobodan Milosevic et également dans l'affaire des

15 frères Banovic.

16 Voilà le cadre légal sur lequel se fonde le Gouvernement de la République

17 de Serbie pour coopérer avec le Tribunal international pénal de La Haye.

18 Pour répondre concrètement à votre question, Monsieur le Juge, cela veut

19 dire que le Gouvernement de la République de Serbie se voit tenu d'une

20 obligation: à savoir évidemment, au cas où cette requête ne serait pas

21 autorisée, c'est-à-dire si le général ne répondait pas à toute injonction

22 à comparaître ordonnée par le Tribunal, le Gouvernement sera obligé de

23 procéder à son arrêt et d'organiser son transfert vers les unités de ce

24 Tribunal pénal international, ici, à La Haye.

25 Cela d'autant plus aisément du fait que l'amiral Jokic sera soumis à un

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1 contrôle permanent, 24 heures sur 24, exercé par les services du Ministère

2 de l'intérieur de la République de Serbie. Tout cela pour le bien de sa

3 propre sécurité, tant pour garantir ainsi sa propre sécurité que pour

4 pouvoir remplir toutes les conditions présentées par écrit, sous forme de

5 garantie, sous forme de cautionnement mis en place par le Gouvernement de

6 la République de Serbie.

7 Avec votre permission, je voudrais dire également que, de façon identique,

8 le Gouvernement de la République de Serbie s'était porté garant dans le

9 cadre de l'affaire Biljana Plavsic. Bien entendu, je ne me propose de

10 procéder à aucun parallèle entre ces deux différentes affaires, mais

11 permettez-moi de dire que le Gouvernement de République de Serbie, en se

12 portant garant de cette façon-là met d'ailleurs en jeu sa crédibilité

13 juridique internationale et sa crédibilité de manière générale. Le

14 Gouvernement tient notamment à sauvegarder cette crédibilité qu'il a pu

15 acquérir d'ailleurs au prix de tant d'efforts.

16 Par conséquent, nous n'avons été garants que dans deux cas jusqu'à

17 présent. Une fois, il s'agissait de l'affaire de Biljana Plavsic, où les

18 garanties ont été admises par la Chambre d'instance; Madame se trouve à

19 Belgrade et remplit évidemment, de façon absolue et totale, toutes les

20 conditions ordonnées par le Tribunal et par les garanties.

21 Par conséquent, cela veut dire que le cas de l'amiral Jokic ne serait pas

22 un précédent, car nous avons tenu compte de la facette morale de sa

23 personnalité, mais également des garanties auxquelles il a droit

24 personnellement.

25 Je prends la liberté de répondre à une troisième question que vous avez

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1 posée, Monsieur le Juge, cette fois-ci adressée au conseil de la défense,

2 l'avocat Jones.

3 D'une manière ou d'une autre, l'amiral Jokic n'est pas en mesure d'occuper

4 une fonction officielle quelconque: il a été mis à la retraite; c'est un

5 retraité et, en vertu des lois en vigueur dans la République de Serbie,

6 étant donné qu'il a été mis en retraite, il ne peut plus aucunement rendre

7 aucun service dans le cadre de fonctions officielles quelconques.

8 Je suis entièrement à votre disposition, Messieurs les Juges, pour

9 répondre à d'autres questions.

10 M. Orie (interprétation): Dans les conditions proposées par la défense et

11 acceptées par l'accusation, je ne pense pas qu'il y ait obligation de

12 faire rapport, de façon régulière, au Tribunal quant à la bonne exécution

13 des conditions imposées. Du moins, oui, je vois que l'amiral Jokic aurait

14 pour obligation de faire rapport aux autorités; cela oui.

15 Mais à l'inverse de ce qui se passe dans d'autres affaires ou de ce qui

16 s'est passé là où la Chambre concernée a donné l'ordre au Gouvernement de

17 faire rapport régulièrement au Tribunal, c'est quelque chose que je ne

18 vois pas dans les conditions que vous proposez.

19 Je m'interroge! Est-ce que le Gouvernement serait prêt à nous faire

20 rapport de façon régulière?

21 M. Batic (interprétation): Absolument, oui. Car, dans le cas de Biljana

22 Plavsic, c'est ce que nous avons pratiqué et ceci d'ailleurs incombe au

23 Ministère de la justice, lequel Ministère s'était porté garant au nom du

24 Gouvernement.

25 Moi-même, je suis la signature de tout cautionnement pour l'amiral Jokic

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1 et je m'oblige ici à rapporter régulièrement, dans des délais très précis.

2 S'agira-t-il également de toutes les deux semaines, de chaque mois, etc. ?

3 Absolument, je me tiens obligé à tout point de vue en tant que Ministre de

4 la justice.

5 Peut-être que c'est une petite lacune mais à laquelle nous pouvons

6 remédier de cette façon-là.

7 M. Orie (interprétation): Je tenais simplement à obtenir des précisions

8 parce que ceci n'était pas dit de façon explicite dans vos conditions.

9 Mais grâce à votre réponse, je comprends qu'une autre condition, c'est

10 d'assurer la sûreté, la sécurité personnelle. Vous avez déjà dit que ceci

11 relevait aussi des engagements que vous aviez pris, que c'est comme ça que

12 vous voyez les choses.

13 Peut-être une dernière question: vous dites qu'il revient au Gouvernement

14 de décider de coopérer avec le Tribunal. Vous nous avez dit que

15 l'application automatique du Statut prime sur toutes les législations

16 nationales.

17 M. Batic (interprétation): En effet, la décision est prise par le

18 Gouvernement.

19 M. Orie (interprétation): Bien sûr! Mais -et là je ne vous pose pas de

20 question-, je vais vous donner l'occasion, si vous voulez vous prononcer

21 sur ce sujet, de le faire.

22 Récemment, nous avons assisté au transfert de personnes mises en

23 accusation au Tribunal. Ce que nous avons également vu, c'est que

24 certaines personnes mises en accusation par le Bureau du Procureur n'ont

25 pas été arrêtées et n'ont pas été traduites à La Haye.

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1 Je comprends que ceci soulève certaines questions dans le Tribunal.

2 Je ne vous pose pas de question particulière, je vous fais part simplement

3 d'une observation personnelle. Je dis que c'est ce qui s'est passé. Je ne

4 sais pas si vous ressentez le besoin de vous prononcer sur cette question,

5 mais je vous en donne la responsabilité.

6 M. Batic (interprétation): Cela n'est pas directement lié à la matière

7 dont nous sommes en train de discuter, mais certainement, vous n'êtes pas

8 sans connaître les circonstances qui prévalent au niveau de la Fédération

9 yougoslave quant à la question de la nécessité de coopérer avec le

10 Tribunal pénal international de La Haye et nous. Vous n'êtes pas sans

11 savoir qu'il y a pas mal de contradictions qu'on y repère.

12 Mais je vous parle cette fois-ci de la décision prise par le Gouvernement

13 de la Serbie, car, hélas, au niveau fédéral, cette décision ou loi n'a pas

14 encore été proclamée, encore traitée de la coopération avec le Tribunal

15 pénal international de La Haye.

16 Ainsi donc, dans le cadre des compétences qui sont les siennes, le

17 Gouvernement, se référant toujours à la Constitution, a pris une telle

18 décision.

19 Peut-être le Tribunal pénal international serait-il insatisfait du rythme

20 auquel ces transferts s'effectuent, mais, de toute façon, je peux -en

21 toute responsabilité- vous dire que le Gouvernement de la République de

22 Serbie se veut coopérant, qu'il souhaite une coopération intensive avec le

23 Tribunal pénal international de La Haye.

24 Mais je voudrais dire également, pour ma part, que cette coopération

25 devrait pouvoir se faire quelquefois de façon bilatérale également.

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1 Pour parler de cela et notamment du procès ouvert contre l'amiral Jokic,

2 nous sommes en mesure de prouver de la meilleure façon possible cette

3 bilatéralité.

4 Nous considérons que les gens qui, de leur propre chef, se sont remis au

5 Tribunal et, lorsque nous avons des gens qui eux-mêmes, en tant que tels,

6 inculpés, vous donnent des garanties et qu'il y a un gouvernement qui se

7 tient derrière pour se porter garant de telle personne, ils devraient

8 peut-être être en mesure d'avoir quelque bénéfice, si j'ose dire, quelque

9 faveur.

10 Il doit y avoir évidemment une analogie par rapport à des législations

11 nationales et internationales.

12 Mais je crois que ceci ne serait pas sans marquer un coup positif au

13 niveau de l'opinion publique en Serbie. Ceci ne serait certainement pas

14 sans contribuer à rendre davantage intensive notre coopération et à faire

15 en sorte que certaines personnes soient vraiment motivées pour se rendre

16 de leur propre chef au Tribunal pénal international de La Haye.

17 M. Orie (interprétation): Merci d'avoir saisi cette occasion pour formuler

18 quelques remarques sur la question.

19 M. le Président (interprétation): Permettez-moi de vous poser une

20 question, Monsieur Batic. Me permettez-vous de vous poser une question?

21 (Signe acquiescement de M. Batic.)

22 Tout d'abord, je vous sais gré d'être venu vous présenter, avec si peu de

23 délai, devant nous. Merci beaucoup d'être venu vraiment attester de votre

24 coopération avec le Tribunal.

25 Pourriez-vous éclairer sur le rapport qu'il y a entre le Gouvernement

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1 fédéral et la République de Serbie? Est-ce que le Gouvernement fédéral

2 pourrait s'immiscer au niveau des garanties que va fournir votre

3 gouvernement en ce qui concerne la mise en liberté provisoire de l'accusé?

4 M. Batic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ma

5 réponse est non. Pour parler du territoire de la République de Serbie, la

6 juridiction relève uniquement de la compétence du gouvernement de la

7 République de Serbie, lorsqu'il s'agit évidemment de parler du Ministère

8 de l'intérieur, lorsqu'il s'agit des services du Ministère de la justice

9 et lorsqu'il s'agit de toutes les attributions qui sont d'intérêt pour le

10 cas concret, pour l'affaire concrète. A savoir lorsqu'il s'agit de mettre

11 en place un cautionnement en faveur de l'inculpé, l'amiral Jokic.

12 Pour parler de l'Etat fédéral, lui, a certaines autres attributions. Les

13 questions dont nous sommes en train de parler, relèvent exclusivement des

14 compétences du gouvernement de la Serbie, et ont trait aux garanties

15 fournies par le gouvernement de la Serbie. La raison en est notamment ma

16 présence ici.

17 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

18 (Les Juges se concertent sur le siège.)

19 Monsieur Jokic, voulez-vous intervenir sur cette question?

20 M. Jokic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

21 pourrais faire quelques remarques.

22 Les événements qui sont à la base de l'inculpation portée contre moi, se

23 sont déroulés, il y a onze ans. L'accusation, le Procureur a eu pas mal de

24 temps pour faire des enquêtes auprès des témoins qui ont été cités sur la

25 liste des témoins, sur la liste des moyens de preuve communiqués, etc.

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1 Pourtant, les chances de me défendre lorsque je suis détenu -et je parle

2 de mes chances à moi- sont plutôt maigres. D'autant plus que je n'ai pas

3 été en mesure de bien composer, de former une équipe qui assurerait ma

4 défense.

5 Par conséquent, si je peux en vous adressant la parole à vous, Monsieur le

6 Président, Messieurs les Juges, si je peux dire que, au nom de l'équité,

7 on devrait me permettre à moi aussi une possibilité de mieux préparer ma

8 défense, c'est-à-dire de la préparer dans des conditions meilleures que

9 celles dans lesquelles je me trouve actuellement et où je ne suis

10 absolument pas en mesure de le faire.

11 Au moment où un Acte d'accusation a été dressé contre moi, je ne savais

12 pas qu'il en serait ainsi. Il s'agissait d'un Acte d'accusation sous

13 scellés et, pour ma part, je n'avais vraiment aucune possibilité d'en

14 savoir quoi que ce soit pour me préparer, étant donné que je suis à la

15 retraite depuis plus de dix ans.

16 Voilà pourquoi je prends la parole pour solliciter tout cela auprès de

17 vous. C'est de mon propre gré que j'ai accepté d'être jugé et, en ce qui

18 me concerne, je ne vois vraiment aucune raison pour ne pas me permettre de

19 mieux préparer ma défense, pour ainsi dire pour ne pas me mettre en

20 liberté provisoirement.

21 Toutes les fois où devant ce Tribunal, Messieurs les Juges, vous trouverez

22 opportun de me convoquer pour comparaître, je serai tout à fait à votre

23 disposition, et tout à fait volontairement.

24 Si vous avez d'autres questions à me poser, Messieurs les Juges, je suis à

25 votre disposition.

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1 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur. Veuillez vous rasseoir.

2 (L'accusé se rassoit.)

3 (Les Juges se concertent sur le siège.)

4 Nous avons entendu les arguments présentés par les deux parties, ainsi que

5 l'avis exprimé par le représentant du gouvernement de la Serbie.

6 Nous prenons acte des avis exprimés par l'accusé en personne et la Chambre

7 rendra sa décision sur la question à un stade ultérieur.

8 Je pense que c'est tout ce que nous avions à aborder aujourd'hui.

9 L'audience est levée.

10 (L'audience est levée à 17 heures 17.)

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