Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie

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1 (Mardi 12 mars 2002)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 14 heures 35.)

4 (L'accusé, Pavle Strugar, n'assiste pas à la conférence.)

5 M. le Président (interprétation): Je vais demander à la Greffière de nous

6 donner le numéro de l'affaire.

7 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

8 les Juges. Affaire IT-01-42-PT, le Procureur contre Pavle Strugar.

9 M. le Président (interprétation): Aux fins du compte rendu d'audience, je

10 vais demander à l'accusation de se présenter.

11 Mme Somers (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle

12 Susanne Somers. Je suis l'avocat général dans cette affaire avec M.

13 Massimo Scaliotti, Suzanne Lamb, Susanne Grogan et M. Vladimir

14 Tochilovsky.

15 M. le Président (interprétation): Merci. Et pour la défense?

16 M. Rodic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

17 Juges. La défense du général Pavle Strugar est assurée par moi-même, Goran

18 Rodic, avocat originaire de Podgorica et mon collègue, Vladimir Petrovic,

19 qui est originaire de Belgrade.

20 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup.

21 La Chambre de première instance a reçu la notification de la défense au

22 sujet de la présence de l'accusé. Identification en date du 5 mars 2002.

23 Dans ce document, l'accusé informe respectueusement la Chambre qu'il n'est

24 pas en mesure de venir à La Haye afin de participer à l'audience

25 d'aujourd'hui.

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1 Nous considérons l'absence de l'accusé comme étant acceptée par cet

2 accusé.

3 Maître Rodic, veuillez nous le confirmer, s'il vous plaît.

4 M. Rodic (interprétation): Monsieur le Président, je confirme en effet que

5 l'accusé est absent en ce jour de son plein gré et il a informé le

6 Tribunal des raisons pour lesquelles il n'est pas venu. La semaine

7 d'avant, il avait été hospitalisé et étant récemment sorti de l'hôpital,

8 cela a constitué, notamment, la raison principale de son absence

9 d'aujourd'hui.

10 M. le Président (interprétation): Merci. Avant de commencer à examiner les

11 requêtes relatives à la compétence et aux vices de forme de l'Acte

12 d'accusation, il y a une question de procédure que je souhaitais évoquer

13 avec les parties. Il s'agit de savoir si nous pouvons avoir une conférence

14 de mise en état à ce sujet immédiatement après la présente audience.

15 Nous comprenons bien que cette conférence de mise en état aurait lieu sans

16 que les parties aient été notifiées d'une manière ou d'une autre, mais

17 nous estimons que cette conférence de mise en état sera extrêmement brève.

18 Elle ne durera vraiment pas longtemps. Donc je souhaiterais entendre les

19 parties à ce sujet, tout d'abord. Madame Somers?

20 Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je dois vous

21 informer que nous avons des petites difficultés avec notre micro. Nous

22 verrons au fil de l'audience.

23 Ce matin, lors d'une réunion officieuse, cette question a été évoquée et

24 le seul point que nous souhaitions vous présenter à ce sujet, c'est que

25 l'absence du conseil de M. Jokic est un problème et que si la conférence

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1 de mise en état s'applique aux deux accusés, à ce moment-là, cela se

2 déroulerait au moment où l'un des accusés change de conseil.

3 Nous avons été informés que M. Zarko Nikolic prendrait le rôle de conseil

4 principal. Donc voilà la seule préoccupation que nous avions à vous

5 signaler.

6 M. le Président (interprétation): Merci et pour M. Jokic?

7 Maître Rodic?

8 M. Rodic (interprétation): Monsieur le Président, la défense de M. Pavle

9 Strugar est d'accord avec la proposition qui vient d'être faite. Je tiens

10 à préciser, toutefois, que ce matin, nous avons eu une réunion avec

11 l'officier instrumentaire de la Chambre, M. Fourmy, et si la Chambre

12 estime qu'il conviendrait de tenir une réunion, une conférence de mise en

13 état, par la suite la défense de M. Pavle Strugar ne s'y opposera pas.

14 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup.

15 (Les juges se concertent sur le siège.)

16 Après avoir consulté mes collègues, je peux vous dire que nous tiendrons

17 une conférence de mise en état devant l'accusé, M. Strugar, et

18 ultérieurement, nous aurons une autre conférence de mise en état pour M.

19 Jokic. Toutes les questions qui seront évoquées lors de la conférence de

20 mise en état se limiteront à ce qui intéresse l'accusé Strugar. Voici

21 notre décision.

22 L'audience de ce jour a trait à l'exception préjudicielle de la défense en

23 date du 18 juin 2002, conformément à l'Article 72 du Règlement de

24 procédure et de preuve.

25 D'autre part, la Chambre a reçu les réponses suivantes: le 1er février

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1 2002, l'accusation a répondu à la requête de la défense relative à la

2 réponse du Procureur au sujet de la compétence du Tribunal avec des

3 corrigendum qui s'ajoutaient à la réponse de l'accusation à la requête de

4 la défense, au sujet des vices de forme de l'Acte d'accusation, et

5 également relatifs à la compétence. Tout ceci en date du 6 février 2002.

6 Le 5 février 2002, la défense a déposé sa réponse à la réponse de

7 l'accusation à l'exception préjudicielle de la défense. Le 21 février

8 2002, l'accusation a répondu à la réponse de la défense.

9 L'audience de ce jour va se concentrer essentiellement sur la question de

10 la compétence. Si les parties souhaitent intervenir au sujet de la forme

11 de l'Acte d'accusation, elles peuvent le faire. Il y a plusieurs questions

12 qui se posent en ce qui concerne la compétence des questions qui ont été

13 évoquées par les parties.

14 Il y a notamment la question de savoir si les Articles 51 et 52 du

15 protocole additionnel 1 et l'Article 13 du protocole additionnel 2

16 constituent des éléments de droit coutumier.

17 Deuxièmement, si les protocoles additionnels sont applicables en tant que…

18 dans le cadre du droit des traités où s'il s'agit d'accords ou de

19 conventions spécifiques.

20 Troisièmement, si les déclarations, si les charges cumulatives dans les

21 deux protocoles additionnels 1 et 2 sont acceptables.

22 Troisièmement, si l'Article commun 3 doit s'appliquer étant donné qu'il y

23 avait un conflit armé international ou si, seul, l'Article 2 est

24 applicable. Et nous souhaiterions entendre les parties à ce sujet. Puisque

25 les conseils de la défense ont déposé une requête à ce sujet, nous

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1 souhaiterions entendre en premier lieu les représentants de la défense.

2 Maître Rodic?

3 M. Rodic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

4 S'agissant de l'objection préjudicielle de la défense conformément à

5 l'Article 72 concernant les compétences du Tribunal, s'agissant des

6 protocoles additionnels des Conventions de Genève et des clauses

7 résiduelles ou des vices de forme, je crois que je préférais donner la

8 parole à mon collègue, Me Vladimir Petrovic.

9 M. Petrovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

10 S'agissant de ces questions-là, je voudrais en traiter fort brièvement

11 étant donné que j'estime que la plupart de la majeure partie de

12 l'argumentation que nous avons pu fournir a déjà été présentée dans nos

13 écritures. Ce qui fait que toute répétition ne serait que superflue. Mais

14 je voudrais montrer ou indiquer, souligner les quelques éléments les plus

15 importants que j'estime être cruciaux pour la prise d'une décision de

16 votre part à ce sujet.

17 D'après la façon dont je comprends les choses et d'après la connaissance

18 que j'ai des attributions et des compétences de ce Tribunal, s'agissant

19 des décisions à prendre à ce sujet, c'est le fait que les protocoles

20 additionnels n'ont pas été résolus ou résolvés de façon qui éliminerait

21 tout doute possible pour ce qui est de l'applicabilité de ces protocoles

22 additionnels ou pour ce qui est de savoir dans quelle situation.

23 Il s'agit notamment de savoir dans quelle mesure cela revêt de

24 l'importance pour l'Acte d'accusation concernant notre client. Et la

25 décision de ce Tribunal concernant cette question d'importance est une

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1 question qui revêtira une grande importance pour toutes les affaires qui

2 viendront à être traitées de ce Tribunal international.

3 Les questions fondamentales que je voudrais soulever sont les suivantes:

4 la position de la défense, en effet, est la suivante -et je crois avoir

5 fourni une argumentation dans nos écritures de façon appropriée- les

6 protocoles 1 et 2 additionnels par rapport à la Convention de Genève ne

7 sont pas une partie intégrante du droit coutumier en vigueur.

8 L'argumentation que je ne voudrais pas citer dans le détail, mais je tiens

9 à préciser que mon argument clé est ce qui a été dit dans le rapport du

10 Secrétaire général des Nations Unies lors de l'adoption du Statut de ce

11 Tribunal international en 1993, et en mentionnant les sources du droit

12 international aux fins d'entraver une situation où l'on pourrait avoir une

13 personne jugée en fonction d'une loi qui n'avait pas existé au moment de

14 la perpétration d'un délit ou d'un acte. On a cité les sources du droit

15 international et, parmi ces sources-là, nous ne trouvons pas les

16 protocoles additionnels à la Convention de Genève.

17 Si l'on va plus loin pour ce qui est d'une interprétation authentique de

18 ce qui avait été la volonté du créateur du Statut de ce Tribunal

19 international, à savoir les représentants des pays membres du Conseil de

20 sécurité à l'époque, et si nous nous penchons sur ce que le représentant

21 américain a dit à ce sujet, nous pourrions en tirer une conclusion sans

22 ambiguïté aucune, à savoir que les personnes qui ont mis en place le

23 Tribunal ici présent et qui ont déterminé les fondements du Tribunal en

24 question, n'avaient pas en vue ou à l'esprit les protocoles additionnels.

25 Etant donné que ces protocoles additionnels, en leur qualité de source

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1 coutumière du droit, il avait été notamment dit que l'on s'attendait à ce

2 que ce Tribunal applique le droit coutumier international et le droit

3 contractuel qui avait de l'effet à l'époque des périodes concernées par

4 l'Acte d'accusation.

5 Et c'est dans ce contexte-là seulement que l'on mentionne les protocoles

6 additionnels. Je voudrais également dire pour ce qui est de la compétence

7 du présent Tribunal, il a été à plusieurs reprises question de

8 l'applicabilité de ces protocoles additionnels. Je voudrais dire que ce

9 qui relève des compétences du Tribunal, c'est précisément le fait de dire

10 que là où le thème a été traité, c'est qu'il s'agirait de parties qui ont

11 trait au droit contractuel. Et je crois que nous pouvons trouver des

12 fondements tant dans l'arrêt de la Chambre d'appel dans l'affaire Tadic

13 que dans la sentence prononcée à l'encontre du général Blaskic. La défense

14 édifie sa position sur cette affirmation et sur ces faits-là notamment.

15 Les protocoles additionnels font partie du droit humanitaire

16 international, mais si tant est que cette prémisse est exacte comme elle

17 vient d'être citée par la défense de M. Strugar, la question qui se pose,

18 c'est de savoir si cette obligation contractuelle... si cette source de

19 droit contractuel existait bel et bien à l'époque qui intéresse l'Acte

20 d'accusation... qui concerne l'Acte d'accusation en question. Il s'agit

21 notamment des trois derniers mois de l'année 1991.

22 Je crois que la défense a, de façon argumentée, précisé qu'il n'y a aucune

23 source du droit de caractère contractuel qui ait existé à l'époque et qui

24 pourrait appuyer, abonder dans le sens de l'applicabilité de ces

25 protocoles additionnels en leur qualité d'éléments du droit international

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1 régissant les traités.

2 Il s'agit de deux aspects que je voudrais également mentionner. Les

3 parties belligérantes qui avaient été des parties belligérantes concernées

4 par les provisions contractuelles citées par les protocoles additionnels,

5 et, le deuxième aspect, c'est de savoir s'il y avait un accord spécial qui

6 aurait permis que cette source du droit avait effectivement été

7 applicable. Notre position est la suivante -et je crois que nous avons

8 suffisamment fourni de preuves à ce sujet- sont les suivantes: la

9 République de Croatie n'avait pas constitué à l'époque une source du droit

10 international. Le deuxième argument, c'est que, si nous étions d'avis que,

11 indépendamment de l'existence de la République de Croatie ou pas, si

12 l'aspect constitutif ou déclaratif du problème avait été pris en

13 considération, la question qui se pose, c'est de savoir si la République

14 de Croatie, à l'époque, avait été concernée par ce qui fait l'objet de

15 notre débat.

16 Nous affirmons, en effet, que la République de Croatie n'avait pas été un

17 sujet du droit international à l'époque concernée et elle ne pouvait pas,

18 par conséquent, être un sujet qui était à même de prendre ou de contracter

19 des obligations dans le domaine de la satisfaction des normes du droit

20 international.

21 Le deuxième argument qui pourrait être utilisé, qui que ce soit à titre

22 cumulatif ou alternatif par rapport à cette assertion, est le suivant, à

23 savoir que la République de Croatie a accédé aux conventions pertinentes

24 et aux protocoles additionnels, en effet, au mois de mai 1992, à savoir

25 pas mal de temps après écoulement de la période qui revêt de l'intérêt

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1 pour l'Acte d'accusation qui nous intéresse.

2 En mai 1992, en effet, la République de Croatie a remis des instruments de

3 ratification des Conventions de Genève et des protocoles additionnels qui

4 accompagnent la Convention de Genève. J'estime donc que cette position que

5 je viens de présenter, appuie ce qu'a constaté la Chambre de première

6 instance dans l'affaire du général Blaskic dans un paragraphe que je ne

7 vais pas citer pour une raison du temps. Il est précisé que

8 l'applicabilité des conventions et des instruments, pour ce qui est de la

9 remise des instruments de ratification et la possibilité alternative, dit

10 que cela a trait à l'existence d'accords particuliers, d'accord spéciaux

11 entre les parties concernées où il serait question de la mise en œuvre des

12 instruments du droit international.

13 Or, dans l'une et dans l'autre des situations, dans l'Acte

14 d'accusation contre Pavle Strugar, il n'y a nullement lieu d'appliquer ces

15 protocoles additionnels.

16 Et si l'on se penche sur la question de ratification des

17 conventions de la part de la Croatie, je voudrais dire qu'il n'en est pas

18 question étant donné que cela ne se fait qu'en mai 1992 et ce, compte tenu

19 de la possibilité qu'il pourrait y avoir un accord particulier entre les

20 parties en question. Nous pourrions parler de réserves importantes

21 s'agissant de la période qui constitue le cadre final, le cadre temporel

22 final de l'Acte d'accusation à charge de notre client.

23 Je ne voudrais pas m'aventurer davantage dans l'argumentation et

24 la développer outre mesure, mais je voudrais dire que j'estime important

25 de souligner qu'à l'époque en question, la République de Croatie ne

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1 satisfaisait pas aux conditions prévues ou nécessaires pour dire que, de

2 façon déclarative ou constitutive, elle pouvait être considérée comme

3 étant un sujet à même de prendre des obligations ou contracter des

4 obligations en vertu du droit international. Et j'entends par là, la

5 période en question, les trois derniers mois de l'année 1991.

6 Je voudrais encore mentionner un autre point concernant les

7 réponses faites notamment par le Bureau du Procureur à nos objections

8 préjudicielles. Il y a l'aspect de succession des états et, s'agissant de

9 cet élément-là, je voudrais citer un argument qui met en avant les

10 positions des Chambres de première instance variées sur cette question à

11 ce jour.

12 Je ne vais donc pas citer tout en détail, les décisions dans

13 l'affaire Tadic et dans l'affaire Blaskic où l'applicabilité des

14 protocoles n'est reliée par quelque terme que ce soit, au fait de

15 l'existence d'un élément de succession entre les états mais cela est lié

16 aux autres aspects dont j'ai parlé dans nos écritures et que je ne me

17 propose pas de réitérer ici.

18 Ce que je voudrais dire, c'est que l'idée est la suivante: la

19 succession ne peut être un argument valide pour deux raisons. La première

20 raison est celle que j'ai mentionnée tout à l'heure, à savoir la raison

21 disant que la République de Croatie ne satisfaisait pas, à la période

22 concernée, les conditions nécessaires pour être titulaire de ces éléments

23 du droit international. Et le deuxième aspect, c'est l'aspect disant que

24 les protocoles ne constituent pas une chose qui pourrait être applicable

25 partant du fait de l'existence ou de l'inexistence de l'élément de

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1 succession, chose que la défense, avec toute la considération qui est due

2 à la Chambre, affirme que cela ne s'appuie pas sur la pratique découlant…

3 sur ce qui découle de la pratique du présent Tribunal.

4 Avec votre permission, je voudrais maintenant me référer à un

5 autre aspect: c'est la question de la résidualité de l'Article 3 du Statut

6 de ce Tribunal international. Il est superflu de dire que dans la

7 décision, dans l'arrêt Tadic, il a été clairement dit quelle avait été la

8 nature juridique de l'Article 3.

9 Je m'excuse de parler aussi vite, je m'efforcerai de parler plus

10 lentement.

11 Donc pour ce qui est de l'arrêt dans l'affaire Tadic, je crois

12 qu'il avait été indubitablement dit que la nature de l'Article 3 avait

13 été définie au sens résiduel. Et pour ce qui est concerne la façon dont je

14 comprends la chose, si tant est bien que cela est bien compris, je crois

15 que, en plus des éléments du droit humanitaire international qui sont

16 cités à l'Article 3, il convient d'englober les violations du droit

17 humanitaire qui ne sont pas englobées par les autres articles du Statut du

18 Tribunal. Et dans cette affaire-ci, nous avons une situation au terme de

19 laquelle les délits qui sont mis à charge de notre client sont des délits

20 qui se réfèrent à l'Article 3.

21 Donc il ne faut pas aller au-delà du premier Acte d'accusation à

22 l'égard de Pavle Strugar parce que là, on l'avait accusé du délit pénal de

23 meurtre. Je crois que l'Acte d'accusation partant de l'Article 3 et,

24 compte tenu de la résidualité de cet Article 3, et compte tenu du fait de

25 l'existence de possibilités appropriées, adéquates pour ce qui est des

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1 autres articles du Statut de ce Tribunal qui sont applicables, nous

2 estimons qu'il a été, de façon erronée, interprété la nature de l'Article

3 3. Chose que le Bureau du Procureur avait pu utiliser pour dresser un Acte

4 d'accusation à l'encontre de notre client, de façon autre, mais pas dans

5 le cadre de l'Article 3 étant donné que pour le délit pénal de meurtre,

6 sans aller plus loin, il y a possibilité et des modalités de l'accusé sur

7 quelque autre article que ce soit.

8 Pourquoi alors abuser du principe de résidualité contenu dans

9 cet Article?

10 Est-ce que cela signifie que quelque délit que ce soit qui est

11 englobé par les attributions et les compétences de ce Tribunal, qui est

12 englobé par l'Article 2, 4 et 5 pourrait en partant de ce principe,

13 pourrait se caser dans l'Article 3 également et, de cette façon-là,

14 concernant l'Acte d'accusation en question, il soit possible d'œuvrer en

15 fonction de cet article-là dorénavant. Je m'excuse une fois de plus

16 d'aller aussi vite. Nous estimons donc que la question n'est pas d'une

17 importance substantielle, mais si nous voulons un plein règne du droit et

18 un plein respect de ce qui constitue un principe établi par les décisions

19 des Chambres d'appel et des Chambres de première instance, je dirai que

20 cette façon de dresser un Acte d'accusation n'est pas appropriée, n'est

21 pas adéquate. Et avec votre permission, je voudrais me référer encore à

22 une question qui est la question de cumulation, comme cela a été qualifié.

23 Il se peut qu'il y ait eu un malentendu entre les parties en

24 présence, mais je voudrais essayer d'expliquer. J'estime en effet que nous

25 n'avons pas une cumulation dans cette affaire-ci comme nous avons eu des

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1 questions de cumulation dans des dizaines d'affaires auparavant où il y

2 avait, par exemple, deux points ou deux chefs dans l'Acte d'accusation, où

3 il y avait des délits analogues ou semblables dans le même acte qui se

4 fonderaient sur un même événement. Un même événement qui serait survenu

5 selon les affirmations, les allégations de la partie qui a dressait l'Acte

6 d'accusation.

7 Maintenant, il apparaît clairement que la question a été résolue

8 par les décisions prises par les différentes Chambres du présent Tribunal,

9 mais nous voulions indiquer qu'il y a une situation, à savoir celle où,

10 dans le cadre d'un même chef d'accusation, il y a possibilité de résoudre

11 la question de deux façons différentes.

12 Dans les chefs d'accusation que je n'ai pas sous les yeux, mais

13 je crois qu'il s'agit des chefs 3, 6 et 9, et l'Article 51 du protocole

14 additionnel I et le point 51 du protocole additionnel II se situent dans

15 le même chef d'accusation. La question que je pose, c'est de savoir

16 comment une Chambre serait en mesure de prendre une décision

17 ultérieurement par rapport à ce chef de l'Acte d'accusation, alors qu'il y

18 a deux normes matérielles et juridiques qui s'excluent mutuellement et qui

19 ont la même substance ou le même fond, mais les conditions de solution de

20 ces deux chefs d'accusation ne sauraient être réunies en un seul chef. Je

21 ne sais pas si la Chambre estimerait qu'il conviendrait que je me réfère

22 également aux questions liées à la forme de l'Acte d'accusation. Je

23 pourrais dire quelques... exposer quelques arguments, mais je vais le

24 faire une fois que vous aurez pris une décision.

25 Donc tout à l'heure si vous estimez que cela comporte un intérêt

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1 quelconque et si jamais l'autre partie, à savoir le Bureau du Procureur,

2 estime qu'il faudrait que je continue…

3 M. le Président (interprétation): Vous pouvez poursuivre votre

4 déclaration et notamment nous parler de la forme de l'Acte d'accusation.

5 M. Petrovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

6 S'agissant de la forme de l'Acte d'accusation, je vais dire

7 brièvement une fois de plus ce qui importe et ce que je voudrais souligner

8 notamment, ici, c'est la chose suivante: la façon dont le Bureau du

9 Procureur, s'agissant de l'Acte d'accusation contre le général Strugar,

10 c'est une chose qui est bien au-delà des normes du Tribunal international

11 sur la façon dont on peut dresser un Acte d'accusation pour ce qui est

12 d'un accusé. Je ne vais pas aller plus loin.

13 Je vais parler de l'Acte d'accusation contre Slobodan Milosevic.

14 Nous voudrions parler du degré des détails des informations qui sont

15 englobées par l'Acte d'accusation. L'Acte d'accusation bosnien contre

16 Slobodan Milosevic est beaucoup plus grand par rapport à l'envergure de

17 ces détails et informations qui figurent dans l'Acte d'accusation dressé

18 contre notre client. Il est inutile de dire que les arguments éventuels,

19 pour ce qui est des différences survenant le volume et la qualité des

20 informations dans les deux Actes d'accusation respectifs, ne devraient pas

21 se référer au point hiérarchique occupé par l'un ou l'autre des accusés.

22 Si cela constitue la raison pour laquelle le manque

23 d'information manque dans l'Acte d'accusation contre M. Strugar, il en

24 découlerait que l'accusé Milosevic se trouve bien au-delà hiérarchiquement

25 parlant, mais son Acte d'accusation est plus étoffé et permet des

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1 préparatifs plus appropriés, plus adéquats de la part de sa défense à lui.

2 Je voudrais faire un bref retour sur des questions qui

3 ressemblent, en quelque sorte, à l'affaire dont nous parlons et il ne faut

4 pas aller au-delà de l'affaire, par exemple, Talic. L'Acte d'accusation

5 dressé contre le général Talic comporte des détails, des informations qui

6 permettent dans une plus grande mesure des préparatifs plus adéquats de la

7 part de sa défense à lui. Il suffit de se pencher sur l'Acte d'accusation

8 relatif au général Talic où l'on va jusque dans les détails pour énumérer

9 et décrire tant la zone de responsabilité de son corps d'armée, où l'on a

10 énuméré les unités qui faisaient partie de ce corps d'armée, où l'on a

11 énuméré les installations qui ont été endommagées, les villes qui avaient

12 été attaquées et ainsi de suite, et ainsi de suite.

13 Je voudrais juste illustrer avec un exemple. Dans l'Acte

14 d'accusation, au paragraphe 30, pour ce qui concerne le général Strugar,

15 on dit: "Six immeubles ont été détruits." Nous parlons de la ville de

16 Dubrovnik. De la ville de Dubrovnik où chaque bâtiment porte un nom.

17 Chaque bâtiment, on sait fort bien où se trouvent ces bâtiments-là. C'est

18 une vieille ville historique où il est très facile et très important de

19 dire sur quoi on a tiré, comment on a tiré, quand est-ce qu'on a tiré

20 dessus et quels avaient été les endommagements, si tant est que cela est

21 possible et dans la mesure où cela est possible pour ce qui est de l'Acte

22 d'accusation relatif aux différentes installations.

23 Je voudrais donner encore, ou fournir ici, une phrase seulement en sus.

24 Pour ce qui est de l’Acte d'accusation dressé contre le général Strugar,

25 il y a une partie concrète qui traite des actes particuliers, et il y a

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1 une partie générale qui parle des fonctions assumées par le général

2 Strugar.

3 Toutefois, entre ce qui serait survenu, sur ce qui se serait passé et

4 entre ce que le général Strugar avait été, il y a un grand vide, un vide

5 qui était censé fournir des informations de base concernant la

6 responsabilité pénale individuelle du général Strugar, conformément à

7 l'Article 7 du Statut.

8 Le Procureur n'a rien proposé d'autres en établissant cette connexion ou

9 ces connexions ou cette corrélation entre les événements particuliers et

10 les événements concrets qui sont survenus, par exemple à Mokosica, et la

11 responsabilité de l'accusé. Il n'est rien fait d'autre, sinon le fait

12 d'avoir incorporer mot à mot l'article 7 des Statuts sans apporter une

13 clarification, ne serait-ce qu’une seule clarification complémentaire pour

14 dire, expliquer en quoi consiste cette responsabilité.

15 Le Procureur ne fait qu'une chose, c'est-à-dire prendre littéralement le

16 texte des Statuts, et sans efforcer d'argumenter et d’expliquer en quoi

17 consiste la responsabilité individuelle pénale de notre client, le

18 transpose dans l'Acte d'accusation.

19 J'espère avoir exprimé certains des arguments qui figurent dans nos

20 écritures concernant les deux chefs d'accusation ou les deux éléments de

21 l’Acte d'accusation dont je voulais traiter. Et si des questions

22 particulières voudraient être soulevées par la Chambre, je suis tout à

23 fait disposé à y répondre.

24 M. le Président (interprétation): Merci. Je vais me tourner maintenant

25 vers l’accusation. Madame Somers?

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1 Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

2 Avant de donner la parole à Mme Lamb pour parler de la compétence, et de

3 donner la parole à M. Scaliotti pour parler de la forme de l'Acte

4 d'accusation, je voudrais vous rappeler que dans notre réponse initiale

5 nous avons indiqué que nous demanderions l’autorisation de modification de

6 l'Acte d'accusation. Nous allons d'ailleurs l'évoquer.

7 Et il y a également des points sur lesquels nous avons fait des

8 concessions. Cependant, nous nous en tenons à notre réponse. Mais M.

9 Scaliotti va ajouter quelques éléments quand il va parler de la forme de

10 l'Acte d'accusation. Et je vais laisser tout d’abord Mme Lamb nous parler

11 de la compétence.

12 Mme Lamb (interprétation): Je vais répondre, ici, aux arguments de la

13 défense en ce qui concerne la compétence.

14 La défense nous dit que le Tribunal n'est pas compétent dans ce qui

15 concerne les attaques contre les civils et les objets civils reconnus par

16 l'Article 51 et l'Article 52 du protocole additionnel I, et l'Article 13

17 du protocole additionnel II.

18 La défense nous dit que les protocoles additionnels ne faisaient pas

19 partie des droits du traité pendant le conflit, pour ce qui est du pays

20 concerné. Et ils nous disent également que ces instruments ne faisaient

21 pas partie du droit coutumier international.

22 Je vous prie de m’excuser, parce que je vais tellement vite qu’on a du mal

23 à me suivre dans les cabines.

24 Je vais donc répondre à ces deux arguments présentés par la défense.

25 Tout d'abord, j'avance que les protocoles additionnels, pendant la période

Page 93

1 couverte par l'Acte d'accusation, étaient contraignants pour les parties

2 du conflit qu’il s'agissait de traiter. Le principal argument de la

3 défense se présente sous deux volets.

4 Tout d'abord, on nous dit qu'il y a une décision de la Chambre de première

5 instance dans Blaskic, qui ne faisait référence à aucune idée de

6 succession des Etats; donc que cette doctrine n'est pas reconnue.

7 Deuxièmement, on nous dit qu'il n'y a pas eu de succession. Pourquoi?

8 Parce que la Croatie n'était pas un Etat.

9 Je vais, d'autre part, vous parler du droit international coutumier et de

10 la place que tiennent ces deux protocoles. Si l'on part du principe que la

11 Chambre de première instance estime que les protocoles additionnels ne

12 s'appliquaient pas à l'époque avec les arguments que je vais vous

13 présenter, je vais donc m’opposer à cela. Mais au cas où vous accepteriez

14 cet argument, nous, nous avançons que ces normes du droit international

15 faisaient partie du droit coutumier au moment du conflit.

16 D'autre part, je vais me référer à nos écritures rapidement pour dire que,

17 contrairement à ce que nous dit la défense, la jurisprudence du Tribunal

18 n'a pas étudié de façon suffisante l'Article 3 du Statut du Tribunal. Je

19 vais simplement vous renvoyer à la décision sur la compétence de Tadic

20 rendue par la Chambre d'appel en 1995, décision dans laquelle la Chambre

21 d'appel a statué que le droit coutumier applicable à tous les conflits

22 armés aux termes de l'Article 3 du Statut du Tribunal comprenait au moins

23 la protection des civils par rapport aux hostilités, et la protection en

24 particulier par rapport à des attaques indiscriminées. Et ceci vaut

25 également pour les biens civils.

Page 94

1 Nous reconnaissons que ces conclusions n'ont pas trait spécifiquement au

2 protocole additionnel. Cependant, il s'agit de la part de la Chambre

3 d'appel d’une déclaration importante au sujet du droit coutumier.

4 S'agissant de la viabilité des protocoles additionnels en tant

5 qu’instrument de droit des traités, je vais parler du Statut des

6 protocoles additionnels, en ce qui concerne le droit des traités.

7 Nos éminents confrères de la défense ont beaucoup de mal, apparemment, à

8 comprendre la notion de succession en ce qui concerne le droit des

9 traités. C’est pourquoi, dans le cadre de mon intervention orale, je vais

10 résumer les raisons pour lesquelles les protocoles additionnels aux

11 Conventions de Genève étaient applicables parce que c’étaient des traités.

12 Et pourquoi c'étaient des traités, et pourquoi c'était applicable au

13 moment de la période couverte par l'Acte d'accusation? Nous notons que la

14 République Socialiste Fédérative de Yougoslavie, la RSFY, avait été

15 signataire des deux protocoles additionnels, et ceci depuis 1979.

16 Suite à la dissolution de la République Fédérative de Yougoslavie, les

17 principes du droit international gouvernant la succession des Etats et la

18 poursuite de leurs obligations vis-à-vis des traités, ceci a eu deux

19 conséquences.

20 En premier lieu, les républiques qui sont nées ensuite sont les

21 successeurs de cette RSFY. Et deuxièmement, avant la création de la RSFY,

22 les protocoles additionnels continuaient à être valables dans ce qui

23 correspond aujourd'hui à la RSFY.

24 Conséquences: eh bien, c'est que les protocoles additionnels continuent à

25 s'appliquer dans le cadre du droit des traités. Ils continuent à

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1 s'appliquer sur la totalité du territoire de la RSFY, et il pourrait

2 difficilement en être autrement s'agissant d'un instrument du droit

3 humanitaire de ce type.

4 On pourrait difficilement imaginer que la succession des Etats entraîne

5 une discontinuité des normes du droit international humanitaire.

6 Maintenant, je vais parler des instruments juridiques qui ont trait à la

7 succession des Etats, en l'occurrence la convention de 1978 sur la

8 succession des Etats s'agissant des traités, et en particulier l'Article

9 34; c'est celui qui nous intéresse et je vais le citer à l'envie.

10 On peut y lire notamment: "Lorsqu'un Etat ou une partie d'un Etat se

11 sépare pour constituer un Etat ou plusieurs Etats, que l'Etat prédécesseur

12 continue à exister ou non, tout traité en vigueur au moment de la

13 succession et s'appliquant à la totalité du territoire de l'Etat

14 prédécesseur, tout traité continue à s'appliquer dans tous les nouveaux

15 Etats constitués".

16 L'accusation reconnaît qu'au moment qui nous intéresse, pendant la période

17 concernée, au moment du début du conflit en Croatie, la convention de

18 Vienne de 1978 n'était pas encore entrée en vigueur, puisqu'elle n'est

19 entrée en vigueur qu'en octobre 1996. Donc, officiellement, elle n'était

20 pas applicable, cette convention.

21 Mais ce qui est très intéressant, c'est de voir à quel point ce principe

22 est inscrit dans le droit coutumier international, puisque la Chambre

23 d'appel du TPI l'a même confirmé dans son arrêt de Celebici.

24 De plus, il faut examiner la pratique des Etats et elle montre abondamment

25 que, lorsque vous avez succession d'Etat à Etat, les obligations de l'Etat

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1 originel se transmettent aux Etats qui suivent. Et ceci est tout à fait

2 vrai pour l'ex-Yougoslavie.

3 Et ce qui est peut-être plus intéressant, c'est la commission d'arbitrage

4 qui a été mise en place en août 1991 par la Communauté européenne, la

5 commission Badinter, qui a pris note du fait que toutes les anciennes

6 républiques de Yougoslavie reconnaissaient qu'il s'agissait là des

7 principes qui devaient servir de base aux discussions entre elles et les

8 Etats successeurs.

9 Quels sont les effets de ces principes sur la compétence du Tribunal, sur

10 la jurisprudence du Tribunal ou sur la compétence du Tribunal plutôt, ici?

11 Eh bien, premièrement, en ce qui concerne la Croatie, la Croatie est

12 devenue partie au protocole additionnel à partir du 8 octobre 1991, et

13 ceci par le biais du principe de succession. Et cette date, c'est la date

14 de l'indépendance de la Croatie.

15 Nos collègues de la défense contestent ce fait. Pourquoi?

16 Ils nous disent qu'à ce moment-là, lors de cette date, l'Etat de Croatie

17 n'avait pas rempli tous les critères nécessaires à une entité pour devenir

18 un Etat au vu du droit international.

19 Je souhaiterais simplement, à cet égard, vous renvoyer à nos écritures

20 dans lesquelles nous expliquons quels sont les critères qui doivent être

21 remplis pour qu'une entité soit désignée comme Etat au vu du droit

22 international. Je ne vais pas m'amuser à répéter ceci ici, cependant je

23 souhaiterais vous mettre en garde, Messieurs les Juges.

24 Il serait dangereux de se lancer dans une longue réflexion quant à savoir

25 à quelle date l'Etat de Croatie est devenu un Etat parce que, si l'on

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1 examine tous les éléments qui indiquent que nous avons un Etat et qu'il

2 figure dans la convention de Montevideo, c'est à dire population

3 permanente, territoire défini, etc., etc., on pourrait, si on utilisait

4 tous ces critères, remettre en cause un grand nombre d'Etats sur notre

5 planète.

6 D'autre part, même nos collègues de la défense semblent reconnaître qu'au

7 moment où la communauté européenne était prête à reconnaître l'Etat de

8 Croatie, eh bien, on peut dire qu'à ce moment-là c'était indéniablement un

9 Etat: la Croatie.

10 Je voudrais vous mettre en garde contre l'idée ou la conclusion assez

11 facile selon laquelle le simple acte, la simple reconnaissance par un

12 tiers d'un Etat pourrait constituer la preuve que ceci est un Etat, mais

13 que le fait que l'Etat se déclare lui-même indépendant ne soit pas, ne

14 signifie pas que l'Etat soit un Etat.

15 D'autre part, pour qu'un Etat... Il serait dangereux de penser que ce

16 principe puisse être appliqué à la légère. Nous, nous répétons que c'est à

17 partir du 8 octobre 1991 que la Croatie est devenue un Etat. C'est à cette

18 date que la Croatie a pris la succession, s'agissant des protocoles

19 additionnels, s'agissant de la RSFY, la situation est quelque peu

20 différente. Jusqu'à une date récente, la RSFY ne figurait en tant que

21 partie dans aucun instrument de droit multilatéral, et c'est généralement

22 le terme de "Yougoslavie" qui continuait à être utilisé. Et ceci va dans

23 le sens de la continuité, le principe de continuité qui considère que la

24 RSFY est le successeur de la RSFY. Et ceci valait aussi pour les

25 obligations des traités. La RSFY a fait savoir qu'elle était prête à

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1 reprendre les obligations engagées par la RSFY au niveau international.

2 Mais, récemment, il semble que la RSFY ait modifié cette pratique,

3 pratique qui constituait à simplement poursuivre le respect des

4 obligations prises par l'Etat précédent. Et, depuis le dépôt des écritures

5 concernées, il semble que la RSFY -contrairement à la pratique jusqu'à ce

6 jour-, la RSFY, donc, a déposé un instrument de succession s'agissant des

7 protocoles additionnels, des Conventions de Genève, et ceci, le 16 octobre

8 2001.

9 Dans cet instrument, la RSFY a déclaré que les protocoles additionnels

10 étaient appliqués par la RSFY depuis le 27 avril 1992.

11 Ceci ne signifie pas qu'il y a eu solution de continuité quant à la

12 validité des protocoles additionnels entre octobre 1991 et le 27 avril

13 1992, pas du tout. Nous avançons que, pendant cette période de temps, les

14 obligations des territoires correspondant à la RSFY actuelle, ces

15 obligations, donc, ont continué à exister, et sur la base de la signature

16 par la RSFY des protocoles additionnels en 1979.

17 D'autre part, le moment est sans doute bienvenu pour contester l'un des

18 fondements des arguments de la défense qui est le suivant: on nous dit que

19 le Tribunal ne peut être compétent, s'agissant des infractions aux

20 protocoles additionnels, que pour les périodes pendant lesquelles les deux

21 parties étaient considérées comme des parties prenantes aux protocoles

22 additionnels en tant qu'Etats.

23 Dans cette notion, implicitement, on trouve l'idée de réciprocité. Mais la

24 réciprocité n'a rien à voir avec toute cette série de textes. Les

25 protocoles additionnels exigent de tous les Etats qu'ils respectent le

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1 droit humanitaire international, et ceci n'a absolument rien à voir avec

2 la question de savoir si d'autres Etats sont également signataires ou

3 respectent ces protocoles.

4 Deuxièmement, la notion de réciprocité est tout à fait superflue quand on

5 se réfère au principe de la succession des Etats. La conséquence de ce

6 régime, de ce système, c'est d'assurer qu'il y a une succession, une

7 continuité dans l'application des protocoles additionnels. Et la totalité

8 du territoire de la RSFY, pendant la période qui nous intéresse, était

9 concernée.

10 Dans l'arrêt Celebici, la Chambre d'appel a statué que l'application des

11 traités humanitaires continue, sans solution de continuité justement.

12 C'est pourquoi nous avançons que, au début du conflit, les protocoles

13 additionnels étaient contraignants pour les parties belligérantes et qu'il

14 s'agissait d'instruments relevant du droit des traités. Donc, le Tribunal

15 est compétent, s'agissant de ces infractions.

16 D'autre part, dans nos écritures, nous faisons référence à un certain

17 nombre d'accords spécifiques qui étaient en vigueur à l'époque et qui

18 faisaient que ces dispositions étaient applicables à ce moment-là. A moins

19 que vous n'ayez des questions particulières au sujet de ces traités ou de

20 ces accords particuliers, je vais poursuivre mon argumentation.

21 Maintenant, j'en viens au fait que ces attaques... aux charges concernant

22 les attaques illégales et à leur analyse, s'agissant du droit coutumier

23 international… Je vous prie de m'excuser.

24 Nous estimons que si vous estimez que les protocoles additionnels

25 n'étaient pas en vigueur, ceci n'aurait aucun rapport, aucune conséquence

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1 sur la compétence du Tribunal. Pourquoi? Eh bien, parce que, à la date en

2 question, tout ceci était contenu dans le droit coutumier international.

3 L'Article 3 du Statut se réfère au droit coutumier international et aux

4 normes, s'agissant du droit de la guerre.

5 D'autre part, il ne faut pas tirer des conséquences inutiles de la

6 décision Blaskic. Cette décision reflète simplement le fait que le

7 Tribunal s'est gardé de se lancer dans des déclarations générales

8 s'agissant du caractère coutumier ou non du protocole additionnel.

9 Pourquoi le Tribunal ne l'a-t-il jamais fait?

10 C'est parce qu'il n'a jamais eu à le faire jusqu'à présent. Les

11 instruments en question, généralement, sans exception pratiquement, on a

12 considéré qu'ils s'appliquaient dans le cadre du droit coutumier.

13 Cependant, si vous souhaitez vous pencher sur l'argument supplémentaire au

14 regard du droit coutumier pour les attaques illégales, nous avançons,

15 quant à nous, que ces normes-là s'inscrivaient dans le cadre du droit

16 coutumier international. Pourquoi?

17 Pour les raisons suivantes: comme l'a dit la CIJ dans l'affaire relative à

18 la plate-forme continentale de la mer du Nord, la preuve de l'existence du

19 droit coutumier international nécessite deux éléments.

20 Premièrement, élément objectif, à savoir la pratique des Etats, une

21 pratique des Etats qui présente une cohérence et qui est pratiquement

22 uniforme.

23 Deuxièmement, il y a l'opinion juris, c'est-à-dire que les Etats sont

24 conscients du fait qu'ils appliquent cette pratique parce qu'ils savent

25 qu'ils sont tenus par un certain nombre d'obligations juridiques bien que

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1 le droit des traités et le droit coutumier soient deux sources distinctes

2 du droit international. En fait, ces deux sources du droit ont une

3 relation qui s'entretient et qui se répond. Et les protocoles

4 additionnels, on peut dire qu'il s'agit de normes qui permettent, qui

5 cristallisent, même, ces normes qui étaient là, latentes au niveau du

6 droit coutumier international.

7 Les protocoles additionnels ont été signés par beaucoup d'Etats sur un

8 total de 189 Etats que compte notre planète ou plutôt qui sont membres des

9 Nations Unies: eh bien, on constate qu'il y a 159 Etats qui ont signé le

10 protocole additionnel I, et 152 qui ont signé le protocole additionnel II.

11 Cependant, en dépit de ces nombres considérables, on doit reconnaître

12 qu'un grand nombre d'Etats n'appliquent pas les protocoles additionnels.

13 Ils sont restés en dehors de l'application, notamment les Etats-Unis, le

14 Royaume Uni qui à l'époque n'était pas signataire. Et il y a la France

15 également. Donc difficile de dire que les protocoles additionnels sont

16 devenus véritablement des éléments du droit coutumier international.

17 Cependant, une affirmation de ce genre, il convient de la faire avec

18 beaucoup de prudence et de l'étudier attentivement parce qu'il y a

19 d'autres aspects de protocoles additionnels qui sont indéniablement des

20 éléments du droit coutumier international, même si les protocoles

21 additionnels, dans leur totalité, ne sont pas, en tant que tels, des

22 éléments du droit coutumier international.

23 Les articles 51 et 13 sont des normes que l'on retrouve, des normes

24 fondamentales. Et d'ailleurs, même au moment de l'adoption des protocoles

25 additionnels, les travaux préparatoires de ces conventions ont reconnu que

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1 tout ce que faisaient ces instruments, c'était de reprendre les coutumes

2 existantes.

3 D'autre part, il peut être intéressant d'examiner la pratique des Etats

4 suite à l'application de ces dispositions.

5 Je vous prie de m'excuser encore, il semble que j'aille beaucoup trop

6 vite.

7 Je souhaiterais vous renvoyer à ce que j'appellerai la pratique négative

8 au sein de la communauté internationale. Il est intéressant de constater

9 qu'aucun Etat, jamais, qu'il soit partie prenante au protocole ou non,

10 aucun Etat n'a jamais invoqué le droit d'attaquer des civils.

11 Deuxièmement, pratique que je qualifierais de… toute pratique allant à

12 l'encontre des protocoles additionnels a toujours été condamnée. Donc on

13 ne peut pas dire qu'une telle norme ne reflète pas le droit coutumier

14 international.

15 Enfin, s'agissant des protocoles additionnels, de leur rapport avec le

16 droit international coutumier, pour rendre des conclusions à ce sujet, il

17 est intéressant d'examiner deux manuels militaires qui reflètent la

18 pratique des Etats concernés; pratique de deux Etats qui ne sont pas

19 signataires des protocoles additionnels, en particulier pendant le conflit

20 du Golfe en 1991.

21 Je donne ces deux exemples, pourquoi?

22 Parce que le conflit qui a eu lieu dans le Golfe s'est passé au même

23 moment que les incidents qui nous intéressent.

24 Deuxièmement, à l'époque, aussi bien les Etats-Unis que le Royaume Uni

25 n'étaient pas partie prenante au protocole. De ce fait, la teneur des

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1 manuels militaires publiés par ces deux pays, reflétait la vision

2 qu'avaient ces deux pays du droit coutumier international.

3 Un examen de la pratique des Etats à cette époque nous montre que même ces

4 deux Etats, ces deux Etats qui avaient choisi de ne pas devenir partie

5 prenante aux protocoles additionnels, ceci nous montre donc que ces deux

6 Etats reprenaient les interdictions qui figurent dans les Articles 51 et

7 13.

8 Ils considéraient que tout cela appartenait au droit international

9 coutumier. Par exemple, dans l'Article 13 du manuel militaire du Royaume

10 Uni, on peut dire une règle du droit international reconnue généralement,

11 c'est que les civils ne doivent pas faire l'objet d'attaques qui sont

12 dirigées exclusivement contre eux.

13 On retrouve pratiquement la même phrase dans le manuel de l'armée des

14 Nations Unies au paragraphe 25 dudit document.

15 D'autre part, on peut se référer aux décisions de la Cour Internationale

16 de Justice, en particulier l'opinion consultative au sujet de

17 l'utilisation des armes nucléaires. Et ces dispositions ont été reprises

18 par le Statut de la Cour Pénale Internationale qui reprend l'opinion Juris

19 d'un grand nombre d’Etat membres.

20 Pour résumer, il est incontestable que, quelque soit le Statut des

21 protocoles additionnels aux vues du droit international coutumier, ce qui

22 figure aux chefs 3, 7, 9 et 11 -ce qui est reproché aux accusés-, relève

23 du droit international coutumier. Donc le Tribunal est compétent en ce qui

24 concerne ces charges.

25 Très rapidement, et en résumé, je vais reprendre ce qui a été dit par le

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1 conseil de la défense au sujet des charges cumulatives aux termes de

2 l'Article 3 et de l'Article 2.

3 La défense nous dit que le caractère résiduel ou supplétif de l'Article 3

4 a été mal compris. S'agissant de ces questions, nous nous en tenons à nos

5 écritures. Cependant, je vais me permettre de faire, pour finir, trois

6 observations.

7 Tout d'abord, nos éminents collègues de la défense ont adopté une mauvaise

8 interprétation de ce que signifie une "règle supplétive" ou "résiduelle";

9 c’est-à-dire que simplement le fait que l’Article 3 du Statut ait un

10 caractère supplétif de par sa nature n'empêche pas que l'accusation ait le

11 droit de présenter des charges relevant d'autres Articles du Statut.

12 Deuxièmement, la défense nous dit que d'autres Articles du Statut

13 constituent des alternatives parfaites à l'Article 3; ceci ne vaut pas.

14 L'exemple qui nous a été donné aujourd'hui, s'agissant du meurtre en tant

15 qu'inflation grave des Conventions de Genève, cela n'a absolument rien à

16 voir à une charge d'attaque illégale aux termes des protocoles

17 additionnels.

18 Par exemple, pour qu'il y ait une condamnation au titre d'une infraction

19 grave à l'Article 2, et qui figure à l'Article 2, il faudrait montrer que

20 les victimes et les coupables ne sont pas, ne partagent pas la même

21 nationalité.

22 (Interprète: Phrase suivante impossible à interpréter du fait de la

23 rapidité de l'intervenant.)

24 Donc nous avons pris en compte tous ces points dans le cadre de

25 l'établissement de notre Acte d'accusation. La défense semble confondre

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1 l'idée et le concept du cumul des charges et le cumul des déclarations de

2 culpabilité.

3 Au moment d'établir les charges -le Tribunal l'a très bien dit dans

4 l'arrêt Celebici-, on peut très bien présenter les charges cumulatives en

5 se basant sur divers Articles du Statut. C'est seulement au moment de

6 prononcer les déclarations de culpabilité qu'il faut faire un choix.

7 Pour résumer, nous disons que les arguments de la défense s'agissant du

8 manque de compétence du Tribunal, ces arguments ne doivent pas être pris

9 en compte. Les protocoles additionnels sont contraignants pour les parties

10 au conflit. Il s'agissait d’instruments du droit des traités. Et, de toute

11 façon, les éléments de ces protocoles étaient indéniablement des éléments

12 du droit coutumier international.

13 De plus, nous constatons que les questions sur lesquelles il s'agit de

14 statuer à ce stade du procès, à ce stade de la mise en état, ont trait

15 simplement à la compétence: il s’agit simplement de savoir si l’Acte

16 d’accusation était correctement constitué et présenté.

17 Nous avançons, quant à nous, qu'il est indéniable que le Tribunal est

18 compétent pour toutes les violations du droit aux coutumes de la guerre.

19 C’est au moment du procès qu'il s'agira de voir jusqu'à quel point cela

20 s'applique, et jusqu'à quel point les faits présentés sont concernés.

21 Nous pensons donc, nous avançons que l'Acte d'accusation présenté est tout

22 à fait approprié. Et, à moins que vous n’ayez des questions, j’en ai

23 terminé avec mon intervention.

24 M. le Président (interprétation): Merci.

25 Mme Lamb (interprétation): Je vais donner maintenant la parole à mon

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1 collègue, M. Scaliotti, qui va nous parler des vices de forme de l'Acte

2 d'accusation.

3 M. le Président (interprétation): Oui, allez-y.

4 M. Scaliotti (interprétation): Monsieur le Président, quant à moi, je vais

5 reprendre les objections qui ont été faites par la défense, s'agissant de

6 la forme et s'agissant de la précision de l'Acte d'accusation.

7 L'accusation avance que l'Acte d'accusation qui a été présenté est tout à

8 fait conforme au droit et à la jurisprudence du Tribunal. Et si l'on lit

9 les dispositions de base, c'est-à-dire l'Article 18.4, l'Article 21.4 du

10 Statut, et l'Article 47C) du Règlement de procédure et de preuve nous

11 montre ce que l’on demande à un Acte d'accusation.

12 Un Acte d'accusation doit présenter de manière concise la nature des

13 charges qui sont reprochées à l'accusé, pour qu'il puisse comprendre ce

14 qu'on lui reproche.

15 Nous avançons, quant à nous, qu’en l'espèce, l'Acte d'accusation présenté

16 contre Strugar correspond tout à fait à ces exigences.

17 De plus, je souhaiterais attirer votre attention sur l'un des principes de

18 base relatif au degré de précision de l'Acte d'accusation et qui a été

19 établi, défini par plusieurs Chambres de première instance au Tribunal.

20 Le niveau de précision, le niveau de détails dépend de la proximité de

21 l'accusé avec les faits: par exemple, les noms des victimes, la date des

22 événements, la description des événements, etc. Tout cela dépend, et

23 notamment dépend de la proximité de l'accusé par rapport aux lieux où ont

24 eu lieu les crimes. Donc, quand vous avez un accusé qui est accusé

25 personnellement d'avoir commis lui-même les crimes, eh bien, on va exiger

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1 plus de précision, plus de détails. Mais lorsque ce n'est pas le cas,

2 lorsqu'on n’accuse pas quelqu'un d'avoir commis lui-même les crimes, eh

3 bien, on demande moins de précision, moins de détails s'agissant des faits

4 incriminés. La Chambre d'appel a réitéré ce fait dans plusieurs... en

5 disant notamment que, lorsque vous avez des affaires au caractère assez

6 général, on ne peut pas exiger un niveau de précision considérable.

7 La défense a fait référence à l'Acte d'accusation Milosevic et, à ce

8 sujet, je dois dire que les informations détaillées que l'on peut trouver

9 dans l'Acte d'accusation Milosevic, donc ces éléments détaillés sont issus

10 d'autres affaires qui, elles, exigent un niveau de précision plus

11 important.

12 De plus, en restant toujours sur Milosevic, la défense nous demande de

13 préciser comment étaient menées les attaques, dans quelles directions,

14 etc. Elle nous demande de préciser les circonstances détaillées dans

15 lesquelles les attaques ont eu lieu. Il s'agit là de questions qu'il

16 conviendra d'étudier, de déterminer au moment du procès.

17 La Chambre d'appel, encore une fois, a statué à ce sujet. Elle a dit qu'il

18 y a une grande différence entre les faits et les éléments de preuve. Les

19 faits incriminés, ils doivent être présentés dans l'Acte d'accusation,

20 mais les éléments de preuve, eux, qui vont prouver ces faits incriminés,

21 ces éléments de preuve, ils vont être présentés au moment du procès, plus

22 tard.

23 La défense, d'autre part, nous parle encore de l'affaire Milosevic,

24 lorsqu'il s'agit de donner l'identité des coauteurs et des complices. A ce

25 sujet, nous souhaitons dire que l'Acte d'accusation donne suffisamment

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1 d'informations, paragraphes 9 et 10 du document, et nous souhaitons

2 insister sur le fait que nous avons ici une affaire de nature militaire où

3 vous avez quatre coaccusés qui faisaient partie de la même filière

4 hiérarchique et qui sont accusés, tous quatre, d'avoir commis les crimes

5 qui figurent ici. Alors que si vous regardez l'Acte d'accusation

6 Milosevic, les noms qui y sont donnés, ce sont les noms de personnes qui

7 participaient à une entreprise criminelle commune. Alors que ce n'est pas

8 dans le cas d'espèce, l'entreprise criminelle conjointe, ce n'est pas

9 quelque chose que nous avons invoquée dans l'Acte d'accusation.

10 S'agissant du niveau de précision demandé par la défense au sujet des

11 bâtiments endommagés notamment, nous répondons qu'un résumé des faits de

12 l'affaire par nature ne comprend pas ce type de détail, ce type

13 d'information spécifique. Je fais référence ici à la décision de la

14 Chambre de première instance dans Ademi, affaire dans laquelle, vu le

15 nombre de biens qui ont été détruits, on a décidé qu'il suffisait de

16 donner une indication de nature générale sur les dégâts.

17 Enfin, en ce qui concerne la conduite de l'accusé, nous disons, quant à

18 nous, que la conduite de l'accusé est suffisamment présentée dans l'Acte

19 d'accusation. Quand on lit l'Acte d'accusation, on comprend très

20 clairement le rôle joué par l'accusé du fait de son rôle de commandement

21 dans le 2nd Groupe opérationnel. L'accusé a planifié, incité à commettre,

22 etc., etc., une campagne militaire qui a impliqué la perpétration, par les

23 hommes placés sous ses ordres, des faits incriminés. Les informations

24 supplémentaires viendront au moment de la présentation des éléments de

25 preuve, lors du procès lui-même. Merci.

Page 109

1 M. le Président (interprétation): Merci.

2 La Chambre de première instance souhaiterait remercier les deux parties

3 pour leurs interventions. Les Juges vont maintenant vous poser un certain

4 nombre de questions. Je vais me tourner vers vous pour vous demander si je

5 peux d'abord poser mes questions.

6 M. Orie (interprétation): Oui.

7 M. le Président (interprétation): Monsieur le conseil de la défense, dans

8 le cadre de vos arguments relatifs au droit coutumier international, est-

9 ce que vous voulez nous dire que ce qui figure aux Articles 51 et 52 du

10 protocole additionnel I et l'Article 13 du protocole additionnel II, est

11 concerné? Ou est-ce que vous voulez parler des deux protocoles

12 additionnels dans leur intégralité? Est-ce que vous voulez nous dire que

13 ces deux protocoles additionnels ne font pas partie du droit international

14 coutumier?

15 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Président, si vous me le

16 permettez, la réponse serait la suivante: formellement, de façon

17 strictement formelle, les protocoles additionnels sont des actes

18 juridiques qui ne sont pas applicables dans cette situation. Les

19 interdictions, les prohibitions qui sont contenues dans les protocoles

20 additionnels constituent une chose qui, d'une manière générale, font

21 partie des attributions de ce Tribunal. Mais nous avons, nous, essayé de

22 nous centrer sur les normes juridiques qui sont incorporées dans les chefs

23 appropriés de l'Acte d'accusation. Je crois que, ce disant, les choses

24 sont plus claires.

25 M. le Président (interprétation): Merci.

Page 110

1 Monsieur le Juge Orie?

2 M. Orie (interprétation): J'ai quelques questions à poser, notamment au

3 conseil de la défense.

4 Maître Petrovic, vous nous avez expliqué que la Croatie n'était pas un

5 Etat au moment de la période couverte par l'Acte d'accusation. Vous nous

6 dites donc qu'il n'y avait pas d'Etat de Croatie, Etat participant au

7 conflit. Est-ce que vous pouvez me dire que vous estimez qu'il n'y avait

8 pas de conflit? Ou bien, s'il y avait un conflit auquel participait un

9 Etat, qui étaient les parties prenantes dans ce conflit? Je demande, bien

10 entendu, l'avis de la défense à ce sujet.

11 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Juge, je m'efforcerai de

12 répondre à certaines des questions que vous venez de poser.

13 D'après la façon dont nous comprenons la chose, ce qui constitue

14 actuellement la République de Croatie, à l'époque, n'avait pas satisfait

15 aux conditions au préalable qui pouvaient constituer la prise en charge ou

16 l'héritage des Conventions de Genève et des protocoles.

17 La Croatie n'avait pas été internationalement reconnue. Ce qui ne

18 constitue qu'un aspect du problème.

19 L'autre aspect, si nous entrons dans les détails, c'est le fait que la

20 Croatie ou plutôt ce qui constitue maintenant la République de Croatie, ne

21 contrôlait pas à peu près 40% de son propre territoire. Si l'on se

22 dirigeait dans ce sens-là de la réflexion, je crois que dans l'évolution

23 de l'affaire à l'avenir et dans nos entretiens avec l'accusation, nous

24 allons probablement aboutir à une position commune pour dire qu'il y avait

25 un conflit armé en la période concernée. Mais nous allons contester l'un

Page 111

1 et l'autre pour ce qui est de savoir si ce conflit avait été un conflit

2 international. C'est de ce fait-là que nous tirons les conclusions que

3 nous avons essayé ou que nous nous sommes efforcés de présenter à la

4 Chambre.

5 En outre, si vous le permettez, quoique cela puisse constituer un accès au

6 détail des faits que je ne voudrais pas aborder, je dirai seulement que

7 l'une des interprétations possibles des événements survenus sur le

8 territoire en question -et je dis que c'est l'une des interprétations

9 possibles sans pour autant affirmer que la défense ne présentera que cette

10 interprétation-là-, c'est qu'il s'agissait d'une insurrection armée sur

11 une partie du territoire qui avait seul été agent ou sujet international,

12 à savoir territoire de la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie.

13 Mais ce sont là des faits que je ne propose pas d'élaborer davantage pour

14 ne pas fatiguer outre mesure la Chambre avec.

15 M. Orie (interprétation): Merci, Maître Petrovic.

16 En fait, je posais cette question parce que vous aviez insisté sur le fait

17 que la Croatie ne pouvait pas être tenue, ne pouvait être tenue de

18 respecter aucune des dispositions des protocoles I et II parce qu'elle

19 n'était pas un Etat.

20 Moi, la question que je me posais, c'était qui étaient les parties

21 prenantes au conflit et donc j'imagine que, apparemment, la vision de la

22 défense c'est qu'il ne s'agissait pas d'un conflit international mais

23 d'une espèce de conflit -je ne vais pas plus loin dans mes qualifications-

24 un conflit au sein de la République fédérale.

25 M. Petrovic (interprétation): Je pense, Monsieur le Juge, que cette

Page 112

1 interprétation serait la plus proche de ce qui constitue la position de la

2 défense dans cette affaire.

3 M. Orie (interprétation): Oui. Je souhaiterais vous poser une autre

4 question.

5 Vous nous avez dit que le meurtre aurait pu facilement faire l'objet d'un

6 chef d'accusation ou d'une charge au terme d'un autre Article du Statut du

7 TPIY. Vous avez entendu les objections qui vous ont été opposées au sujet

8 des charges présentées en vertu de l'Article 2 du Statut. Vous avez

9 entendu, à ce sujet, les objections de l'accusation. Ils vous ont expliqué

10 pourquoi ils ne pouvaient pas se contenter de charges présentées en vertu

11 de l'Article 2.

12 Gardant à l'esprit les objections présentées relatives à l'Article 2, mais

13 aussi concernant les Articles 4 ou 5, expliquez-nous, s'il vous plaît,

14 comment les charges auraient pu être présentées au terme de l'une ou

15 l'autre de ces dispositions.

16 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Juge, d'après ce qui est contenu

17 dans nos écritures et dans ce que nous avons présenté à la Chambre, il a

18 été précisé qu'il n'avait pas été indispensable de le faire en fonction de

19 l'Article 3. L'article 2 nécessite d'autres conditions dont a lucidement

20 parlé notre éminente confrère du Bureau du Procureur.

21 Toutefois, je me sens libre de dire que j'ai l'impression que l'Acte

22 d'accusation, s'agissant du chef d'accusation 1 de l'Acte d'accusation, se

23 fonde sur l'Article 3 au lieu de se fonder sur l'Article 5 où il existait

24 également des possibilités sans rechercher d'autres conditions pour ce qui

25 est d'avoir fait ainsi. Je crois que cela a été fait ainsi de l'avis du

Page 113

1 Bureau du Procureur parce qu'il avait été plus facile, plus aisé de

2 trouver des fondements dans le cadre de l'Article 3 alors que pour ce qui

3 est de l'applicabilité de l'Article 5; pour ce qui est du premier chef

4 cité qui est le meurtre qui nécessite des conditions substantiellement

5 plus importantes, plus considérables ou de plus grande envergure pour ce

6 qui est de prouver le délit pénal de meurtre.

7 Et c'est peut-être ce qui a motivé le Bureau du Procureur qui avait voulu

8 éviter ce que ce qui avait été estimé par le Statut du Tribunal comme

9 étant un faisceau de préalable très important ou de grande envergure pour

10 prouver le meurtre et cela est notamment le cas pour ce qui est de

11 l'Article 5. C'est la raison pour laquelle on s'est fondé sur l'Article 3.

12 Avec tout le respect que je dois au Bureau du Procureur, je crois qu'il

13 lui avait semblé que le caractère des éléments de preuve pouvaient être

14 plus facilement prouvés que dans le cadre de l'Article 5. Cela fait peut-

15 être partie de l'idée, de l'intention de ceux qui avaient rédigé le Statut

16 et de ceux qui avaient pris des décisions au niveau des Chambres d'appel

17 et des Chambres de première instance du présent Tribunal.

18 M. Orie (interprétation): J'essaie de vous comprendre. Vous nous dites

19 que, pour certains éléments nécessaires aux termes de l'Article 5, il

20 n'aurait pas été possible de répondre aux critères spécifiques à cet

21 Article pour prononcer une condamnation; vous nous dites donc qu'on aurait

22 choisi de ne pas être en mesure de répondre à ces critères, qu'il n’aurait

23 pas été possible de présenter d'autres charges.

24 Enfin, je ne comprends pas très bien cette question de l'Article supplétif

25 ou résiduel. Est-ce que ce n'est pas simplement le fait qu'on ne peut pas

Page 114

1 prouver l'existence d'aucun des autres critères émanant des autres

2 Articles? Est-ce que, à ce moment-là, on ne s'appuie pas sur un Article

3 moins exigeant?

4 A vrai dire, je ne suis pas très bien votre explication. Donc je ne vois

5 pas pourquoi vous dites qu’il faudrait, en fait, présenter des charges que

6 l’on serait, ensuite, dans l’impossibilité de prouver.

7 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Juge, je vais essayer de

8 répondre de la façon suivante: le Statut du Tribunal, s'agissant du délit

9 pénal de meurtre, prévoit très clairement un Article en fonction duquel

10 l'on répond d’un délit de ce genre. Il est indubitablement dit qu'il

11 s'agit de l'Article 5 du Statut, alinéa 1).

12 Partant de ce fait-là, je ne vois pas de raison autre si ce n’est celle

13 que j'avais essayé d’imaginer pour savoir pour quelle raison l'on avait

14 contourné ce qui est précisé de façon très claire au Statut. Et c'est ce

15 qui constitue le fond de l’objection que nous avons soulevée.

16 Si le Statut et la pratique ont placé, ont posé ou mis en place des normes

17 très haut placées pour le fait de prouver le délit pénal de meurtre et ce,

18 en vertu de l'Article 5.1 du Statut, les normes ne peuvent pas être

19 rabaissées. Et on peut en parler également si cela est intégré dans les

20 clauses résiduelles.

21 Je crois et j'espère avoir répondu de façon plus claire à votre question.

22 Si ce n'est pas le cas, je voudrais vous demander de me reposer la

23 question, parce que je crains que bon nombre de ce que je dis, en raison

24 de la vitesse de mon débit, est perdu lors de la traduction. Et si c'est

25 le cas, je vous demanderai de me poser des questions ou des sous-questions

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1 si cela est nécessaire.

2 M. Orie (interprétation): Oui, je vais reposer ma question. Pardon.

3 Prenons, par exemple, un meurtre qui ne faisait pas partie d'une attaque

4 générale et systématique. Bon, mettons qu'il y ait eu meurtre.

5 Vous nous dites, simplement parce que le mot de "meurtre" figure à

6 l'Article 5… ou plutôt "assassinat" figure à l'Article 5, même si les

7 éléments nécessaires pour prouver un crime contre l'humanité ne sont pas

8 présents, on ne peut pas présenter des charges au titre d'un crime de

9 guerre, mais on doit présenter un chef d'accusation de crime contre

10 l'humanité. C’est bien ce que vous êtes en train de nous dire?

11 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Juge, j'essaie, pour ma part,

12 peut-être d'interpréter de façon trop libre ce qui avait été l’idée de

13 celui qui a rédigé la constitution –si je puis m’exprimer ainsi-, à savoir

14 celui qui a créé la loi de base, le Statut du Tribunal à partir duquel

15 nous travaillons, nous fonctionnons ici. Mais mon idée va dans ce sens.

16 Cela ne signifie pas que le délit d'assassinat doit rester sans sanction,

17 mais j’estime que les attributions de ce Tribunal se trouvent limitées au

18 délit de l'assassinat en vertu de l'Article 5 A). Il s’entend que tous les

19 délits d’assassinat et de meurtre doivent être instruits et sanctionnés,

20 mais cela ne veut pas dire que cela ne relève pas des attributions du

21 Tribunal devant lequel nous nous trouvons.

22 M. Orie (interprétation): Merci beaucoup, Maître Petrovic.

23 M. le Président (interprétation): Monsieur le Juge Elmahdi?

24 M. Elmahdi: Si vous permettez, je vais vous poser une question, s’il vous

25 plaît, sur la même ligne de pensée de l'Honorable Juge Orie.

Page 116

1 Vous avez dit que la Croatie, dans la période que j'appellerai "critique",

2 n'était pas un Etat et que ce n'est qu'une insurrection qui a éclaté dans

3 une région; donc une région d'un Etat, si je comprends bien, l'Etat

4 yougoslave. Il y avait un pouvoir qui assumait quand même la

5 responsabilité et qui s'était engagé pour mater cette insurrection.

6 Donc la question que j'aimerais vous poser est la suivante: supposons que

7 l'Etat est parti au protocole additionnel, est-ce que, même au cas d’une

8 insurrection, il n'est pas tenu à respecter certaines dispositions, et je

9 dirai même de suivre un mode d'action qui va dans le sens d'un certain

10 respect qu'on trouve dans les protocoles visés? Est-ce que ce pouvoir-là

11 était pratiqué par ce que va devenir la RSFY ou bien, c'est d'un autre

12 pouvoir que vous parlez?

13 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Juge, avec tout le respect que

14 je vous dois, je voudrais vous répondre de la façon suivante: j'aimerais

15 que la Chambre de première instance ne pense pas que la position de la

16 défense se trouve être simplifiée à ce point-là pour dire qu'il s'agit

17 d'une insurrection armée, et que c'est de cela seulement que nous allons

18 débattre ici. La chose est beaucoup plus complexe, et je crois que bon

19 nombre d'arguments seront fournis dans ce sens-là et dans d'autres chances

20 pour essayer d'expliquer ce qui se passait à l'époque sur le territoire

21 concerné.

22 Je me garderai bien, maintenant, de donner une définition de la sorte et

23 d'une définition du conflit pour ne le qualifier que d'insurrection armée.

24 Il est bon nombre d'autres éléments qui seront d'importance pour les

25 conclusions que vous allez tirer dans l'affaire en question. Mais ce qui

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1 est notre position, notre avis, c'est qu'il est tout à fait incontestable

2 de dire que la RSFY a ratifié, à l'époque, les Conventions de Genève et

3 les protocoles additionnels.

4 L'objection que nous avons faite se situe au niveau de l'Acte

5 d'accusation, parce que l'Acte d'accusation fait état d'un conflit entre

6 la République socialiste fédérative de Yougoslavie et la République de

7 Croatie dans le contexte de l'entité de Croatie. Appelons-le "entité",

8 parce que nous contestons le fait qu'il y ait eu tous les attributs qui

9 sont les attributs habituels d'un Etat dans la communication

10 internationale. Et c'est ce que nous nous sommes efforcés d'expliquer.

11 Donc, parlant du contexte du conflit entre ce qu'est aujourd'hui la

12 République de Croatie et la République socialiste fédérative de

13 Yougoslavie, c'est dans ce contexte-là que nous estimons qu'il n'y a pas

14 lieu d'appliquer les protocoles additionnels. Mais il n'est pas

15 contestable du tout que de dire que la République socialiste fédérative de

16 Yougoslavie était tenue par les Conventions de Genève et par les

17 protocoles additionnels.

18 Maintenant la RSFY, à savoir la République fédérative de Yougoslavie,

19 depuis le 27 mai de l'année 1992, avait affirmé qu'elle se trouvait être

20 successeur de cette RSFY précédente, et que, depuis, il y a eu une

21 approche tout à fait différente. On a donc abandonné le principe de

22 continuité de l'ex-Yougoslavie et de cette subjectivité étatique et

23 juridique. On est parti désormais depuis peu que la Yougoslavie, la

24 République fédérative de Yougoslavie, était un sujet nouveau qui devait

25 encore et ne faire que procéder à la ratification des différents

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1 instruments internationaux faisant partie des différents régimes

2 internationaux, et qu'elle est devenue membre des Nations Unies seulement

3 après l'an 2000.

4 (Note de l'interprète: Maître Petrovic va trop vite pour les interprètes.)

5 M. Elmahdi: Oui, une petite question: c'est-à-dire au moment des

6 événements -je parle d'octobre/décembre 1991-, c'était le pouvoir, enfin,

7 vous prétendez que c'était le pouvoir, que c'était l'Etat yougoslave qui

8 agissait. Donc les responsables étaient des responsables de l'Etat ou bien

9 qu'une entité autre que l'Etat yougoslave qui était partie de ce conflit?

10 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Juge, ce que nous essayons de

11 faire, c'est la chose suivante: c'est vous convaincre qu'entre ce qui

12 avait, à l'époque, été l'Etat yougoslave et ce qui, plus tard, est

13 effectivement devenu la République de Croatie et qui avait été -comme l'a

14 dit votre collègue- partie au conflit sans l'a caractérisée pour autant.

15 Eh bien, dans une situation analogue, nous estimons que les protocoles

16 additionnels I et II n'avaient pas été applicables. C'est ce que nous

17 essayons notamment de vous expliquer.

18 M. Elmahdi: Merci.

19 M. le Président (interprétation): Monsieur le Juge Orie?

20 M. Orie (interprétation): J'avais oublié de poser une question à Me

21 Petrovic. Donc, avec l'autorisation du Président, je vais le faire

22 maintenant. Je suis en train de reprendre vos écritures qui nous disent

23 que les Articles, les protocoles additionnels I et II ne peuvent pas

24 s'appliquer aux chefs 3, 6, 9 et 11 puisque les protocoles additionnels ne

25 s'inscrivent pas dans le cadre du droit coutumier international.

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1 Je lis ensuite la réponse de la défense à la réplique de l'accusation à

2 l'exception préjudicielle de la défense, et à ce moment-là, je lis la

3 chose suivante -je cite: "Il va sans dire que les attaques perpétrées

4 contre les civils sont interdites par le droit humanitaire international."

5 (Fin de citation.)

6 Et ceci semble avoir incité l'accusation à écrire dans sa réponse à la

7 réponse, à la réponse, etc. Donc c'est-à-dire que, plutôt que de contester

8 le caractère coutumier de la disposition prohibitive contre les attaques

9 contre des civils, la défense, dans sa réponse, semble contester la

10 possibilité de faire reposer ses charges sur les protocoles additionnels.

11 J'ai constaté que lors de votre intervention et puis, en réponse aux

12 questions de M. le Juge Liu, ce que vous nous dites, c'est que ces

13 protocoles additionnels ne font pas partie du droit coutumier

14 international. Et vous nous dites que les attaques délibérées contre les

15 civils sont interdites par le droit humanitaire international. Mais,

16 parallèlement, vous nous dites que cela ne se fonde pas sur les protocoles

17 additionnels.

18 Ma première question est donc la suivante: est-ce que les attaques

19 délibérées contre les civils sont interdites par le droit humanitaire

20 international? Et est-ce que cette interdiction s'applique à tous les

21 Etats?

22 Et deuxièmement, si c'est le cas, quel serait le fondement juridique d'une

23 telle disposition prohibitive en dehors des protocoles additionnels?

24 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Juge, je m'efforcerai de

25 répondre à la question et quoique, compte tenu de la complexité de la

Page 120

1 question, j'aurais peut-être préféré procéder à des consultations avec des

2 personnes qui sont conseillers juridique de l'équipe de défense. Mais,

3 avec tout le respect que je vous dois, je voudrais limiter ma réponse à ce

4 que je puis vous apporter comme réponse en ce moment-ci.

5 Nous nous sommes centrés, enfin dirigés vers l'aspect formel.

6 (Le juge Orie se concerte avec le Président.)

7 M. le Président (interprétation): Vous nous dites avoir besoin de

8 consulter certain des membres de votre équipe.

9 D'autre part, il me semble que l'heure est venue de faire la pause. Alors,

10 pourquoi ne pas faire une pause maintenant d'un quart d'heure pour

11 reprendre ensuite? Vous continuerez ensuite de répondre à la question qui

12 vous a été posée. Ultérieurement, nous tiendrons une conférence de mise en

13 état. Est-ce que cela vous convient?

14 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Président, je dois

15 malheureusement vous dire ce qui suit: s'agissant des questions juridiques

16 de haut niveau, de complexité tel que c'est le cas ici, les gens que nous

17 consultons ne sont malheureusement pas ici.

18 L'équipe de la défense est constituée, en effet, par mon collègue M. Rodic

19 et moi-même, mais, en ces quinze minutes, je ne puis m'entretenir avec les

20 personnes concernées et les ressources du Bureau du Procureur sont

21 incomparablement supérieures par rapport aux ressources de la défense, ce

22 qui fait que, en ce moment-ci, ce délai de quinze minutes ne signifierait

23 pas grand-chose pour nous. Nous avons un conseiller qui travaille à la

24 faculté, mais je ne suis pas en mesure d'établir le contact avec la

25 personne concernée en ces quinze minutes de pause.

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1 Si la Chambre estime que cela est tout à fait indispensable et que cela

2 est intéressant et nécessaire que d'apporter une explication au problème,

3 je m'efforcerai de le faire et je me ferai un plaisir de le faire, mais je

4 préférerais le faire à titre complémentaire ou par écrit ou, en une autre

5 occasion, devant la Chambre de façon verbale.

6 Mais ce quart d'heure, pour la complexité de la question dont il s'agit,

7 ces quinze minutes ne signifient pas grand-chose pour moi,

8 malheureusement.

9 M. le Président (interprétation): Vous pouvez donc maintenant répondre à

10 la question sans plus attendre et, ensuite, nous ferons une pause.

11 M. Petrovic (interprétation): Bien. D'après la façon dont je vois les

12 choses, il est tout à fait incontestable de dire ce qui suit.

13 La défense s'efforce de se centrer sur l'aspect formel, pas sur le

14 caractère méritoire des dispositions prohibitives des protocoles en

15 question.

16 S'agissant des sources juridiques, peut-être de façon libre et sans force

17 argument, je voudrais dire, pour apporter une réponse à ce moment-ci, je

18 pourrais peut-être seulement me référer, en ce cas-là, à des sources qui

19 découlent de la réglementation militaire, des pratiques de l'armée, y

20 compris l'armée qui avait été partie prenante dans ce conflit, à savoir

21 l'armée populaire yougoslave qui avait sa réglementation pour ce qui est

22 de la façon dont elle était tenue de se comporter dans les conflits

23 auxquels elle était partie prenante.

24 M. le Président (interprétation): Merci. Bien. Vu les arguments présentés

25 par les parties, la Chambre va s'interroger sur deux questions et statuer

Page 122

1 sur deux questions: la première concerne la compétence du Tribunal, la

2 deuxième a trait à la forme de l'Acte d'accusation. Nous rendrons notre

3 décision sur ces deux points ultérieurement.

4 Il convient maintenant que nous fassions une pause car il y a déjà assez

5 longtemps que nous avons commencé cette audience.

6 Après cette pause, nous aurons une conférence de mise en état.

7 Etant donné que M. le Juge Orie fait office de Juge de la mise en état en

8 l'espèce, la conférence de mise en état sera présidée par M. le Juge Orie.

9 Nous reprendrons nos travaux à 16 heures 35.

10 (L'audience est levée à 16 heures 19.)

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