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1 Le vendredi 23 janvier 2004
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour à tous. Madame Somers, avant
6 de commencer, je souhaite attirer votre attention, deux décisions qui ont
7 été prises par la Chambre, qui ont été déposées hier. Il me semble que les
8 exemplaires ont été distribués ce matin et le conseil de la Défense en a
9 reçu une copie. Ceci concerne la demande en vertu de l'application 92 bis
10 ainsi que les objections de la Défense à la déclaration liminaire de
11 l'Accusation.
12 Madame Somers.
13 Mme SOMERS : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président,
14 Madame, Messieurs les Juges. Je souhaite attirer l'attention de la Chambre
15 pour vous dire que le logiciel Sanction ne fonctionne pas ce matin. Donc,
16 nous aurons peut-être quelques difficultés pour présenter les éléments
17 visuellement ce matin, surtout eu égard à la vidéo. Nous allons voir si
18 nous pouvons améliorer la situation au cours de l'audience ce matin. Dans
19 ce cas-là, nous allons utiliser l'original et ensuite demander la
20 permission à la Chambre de fournir un exemplaire, ce que nous remettrons à
21 la Défense également. Nous avons, de toute façon, des exemplaires
22 disponibles. Nous sommes en regret de constater cela. Je pense que les
23 Chambres ont eu quelques difficultés à mettre à jour le système la semaine
24 dernière et ceci peut, évidemment, être un petit peu gênant.
25 L'Accusation va commencer ce matin par l'interrogatoire principal de M.
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1 Samardzic.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez faire entrer M. Nikola
3 Samardzic dans le prétoire, s'il vous plaît.
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez vous asseoir, M. Samardzic.
6 Bonjour, Monsieur. Je souhaite vous rappeler que vous êtes toujours tenu
7 par la déclaration solennelle que vous avez faite au début de votre
8 témoignage.
9 Madame Somers, vous avez la parole.
10 Mme SOMERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 LE TÉMOIN: NIKOLA SAMARDZIC [Reprise]
12 [Le témoin répond par l'interprète]
13 Interrogatoire principal par Mme Somers : [Suite]
14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Samardzic.
15 R. Bonjour.
16 Q. Lorsque nous nous sommes quittés la dernière fois, il y a quelques
17 jours, nous parlions de la distance entre Trebinje et Dubrovnik et vous
18 m'avez dit qu'il y avait 24 kilomètres. Nous avons précédemment parlé de
19 quelqu'un qui s'appelait Vucurevic et je souhaite que vous expliquiez
20 davantage une réponse à ma question. Je vous avais demandé : "Est-ce que M.
21 Vucurevic avait une attitude particulière à l'égard de Dubrovnik au cours
22 de cette période ?" Votre réponse, en partie, a été de dire : "Il
23 s'occupait du tourisme et il estimait qu'il était à même de savoir comment
24 il fallait gérer cette question-là. Cela dépendait de lui."
25 S'il vous plaît, est-ce que vous pouvez me dire si vous entendez par là,
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1 comment M. Vucurevic pourrait ainsi contrôler le tourisme et le gérer à sa
2 manière et quel lien existait entre l'industrie du tourisme et ce
3 monsieur ?
4 R. Il savait que Dubrovnik était un site touristique et avait été menacée.
5 Il s'agissait d'une ville dans le sud de l'Adriatique et alors que
6 Dubrovnik était attaquée et fortement endommagée, il souhaitait mettre en
7 place une nouvelle forme de tourisme et tout le monde savait qu'il avait
8 dit : "Nous allons reconstruire une nouvelle ancienne Dubrovnik," et tout
9 le monde savait qu'il souhaitait reconstruire la ville. Il avait fait ce
10 genre de plaisanteries afin de faire de Dubrovnik quelque chose qui allait
11 être ridiculisée. Il s'agissait de blagues dignes d'un agriculteur. Peut-
12 être que les gens de la rue trouvaient cela drôle mais je crois que ce type
13 d'humour était fondé sur le crime, la destruction de la ville, certains
14 hôtels avaient été pris pour cibles. Des gens sont morts. Par conséquent,
15 Vucurevic est en grande partie responsable des événements qui se sont
16 produits dans la ville de Dubrovnik et aux alentours à ce moment-là.
17 Q. N'a-t-il jamais évoqué son titre à l'égard de la ville de Dubrovnik, et
18 la manière dont il gérait le tourisme ?
19 R. Il se disait le ministre du tourisme de Dubrovnik. C'était une de ses
20 plaisanteries. C'était en partie vrai, car il est vrai par ses agissements,
21 il a attiré le mal. Il y a des choses fort dommageables qui ont été
22 commises, parce qu'il n'a pas véritablement attiré des touristes à ce
23 moment-là. Son titre était président de la ville de Trebinje, alors que
24 c'était un simple chauffeur de camion. Il est devenu de plus en plus
25 populaire à Trebinje et aux alentours, pour ses positions
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1 ultranationalistes et sa haine envers les Croates et les Musulmans. Il a
2 été au poste de maire, et a exercé une certaine influence auprès des gens
3 autour de lui, et a fortement milité en faveur de l'attaque contre
4 Dubrovnik.
5 Q. Monsieur Samardzic, connaissez-vous une formation militaire intitulée
6 la Brigade de Trebinje ?
7 R. Personnellement, je n'ai jamais vu cette brigade de mes propres yeux,
8 mais j'en ai beaucoup entendu parler à Boka Kotorska. Nous savions que
9 cette brigade existait. Cette brigade avait pris part au combat autour de
10 Dubrovnik. Cette brigade a pris part au pillage, et à la destruction. Cette
11 brigade était composée de gens d'Herzégovine, non seulement de Trebinje
12 mais d'autres endroits également, comme Bileca et d'autres endroits. Cette
13 brigade était extrêmement active, et avait réussi à mobiliser un nombre
14 assez important de personnes.
15 Q. Si vous le savez, pouvez-vous nous dire s'il vous plaît, où se trouvait
16 le quartier général du 2e groupe opérationnel auquel vous avez fait
17 référence, lorsque vous avez parlé du conflit qui a fait rage à Dubrovnik ?
18 Pouvez-vous nous dire où se trouvait le quartier général ?
19 R. Je ne peux pas vous dire exactement à quel endroit se trouvait le siège
20 lors de l'attaque contre Dubrovnik. Je sais simplement que le quartier
21 général a changé à plusieurs reprises. Il était à Trebinje au début, et
22 ensuite près du théâtre du conflit. Il me semble comme cela avait été
23 demandé. Je ne sais pas exactement où se trouvait le commandement du 2e
24 groupe opérationnel. Comme je vous l'ai dit la dernière fois, par
25 l'intermédiaire de Pavle Bulatovic, le ministre des affaires étrangères,
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1 j'étais en mesure d'obtenir certaines informations, mais l'endroit exact ne
2 m'a jamais été communiqué. J'ai entendu dire que c'était Trebinje et
3 d'autres endroits près de Dubrovnik. Je crois qu'il s'agissait de Kumbor ou
4 d'autres endroits. Je ne peux pas vous dire avec certitude, parce que
5 personne ne me l'a dit. Je ne faisais pas partie de l'armée. Par
6 conséquent, on ne m'a pas indiqué où se trouvait le commandement de ce 2e
7 groupe opérationnel.
8 Q. Pardonnez-moi, vous avez parlé de Pavle Bulatovic, et vous avez dit que
9 c'était le ministre des Affaires étrangères. Est-ce exact ? Est-ce que cela
10 que vous entendiez précisément ?
11 R. Non. Il doit s'agir d'une erreur. Pavle Bulatovic était ministre de
12 l'Intérieur. Le feu Pavle Bulatovic.
13 Q. Merci beaucoup, Monsieur Samardzic. Monsieur Samardzic, simplement je
14 souhaite éclaircir un point. Vous avez parlé d'Herzégovine. Est-ce que vous
15 entendez par là, quelle région vous décriviez, lorsque vous en avez parlé ?
16 Il s'agissait de quelque chose que vous avez évoqué lorsque vous avez parlé
17 du QG du 2e groupe opérationnel. Que représentait l'Herzégovine à ce
18 moment-là ?
19 R. L'Herzégovine faisait partie du territoire de Bosnie-Herzégovine. En
20 réalité, il s'agit de la partie sud-ouest de l'ex-Yougoslavie. C'est une
21 région qui s'étend entre le fleuve Neretva jusqu'à la frontière avec le
22 Monténégro. C'est la largeur de ce territoire. Du sud au nord, ce
23 territoire longeait la frontière croate. Autrement dit, très près de
24 Dubrovnik, jusqu'au fleuve Sutjeska, et l'endroit appelé Cemar. C'est en
25 général l'endroit qui se nomme l'Herzégovine. Il y a des endroits comme
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1 Gacko et d'autre endroits qui s'y trouvent.
2 Q. Pourriez-vous nous dire si Trebinje faisait partie de l'Herzégovine ?
3 R. Oui, tout à fait. Trebinje faisait partie de l'Herzégovine. C'est la
4 deuxième grande ville après Mostar. Néanmoins, il faudrait ajouter qu'une
5 partie du Monténégro faisait autrefois partie de la Bosnie-Herzégovine.
6 Après la libération du joug turc en 1878, cette partie de l'Herzégovine a
7 été rattachée au Monténégro. Par conséquent, cette région se trouve
8 maintenant dans le Monténégro, à l'est de Trebinje et Gacko.
9 Q. Monsieur Samardzic, vous étiez ministre des Affaires étrangères le 8
10 octobre 1991. Je voulais très brièvement vous demander de vous souvenir
11 d'un document qui a déjà été versé au dossier. Il s'agit du document qui
12 porte la cote P20, intercalaire numéro 6.
13 Nous avons des exemplaires à remettre à la Chambre.
14 Mme SOMERS : [interprétation] Nous avons un nombre d'exemplaires
15 suffisants. Nous pouvons en remettre au conseil de la Défense. Je crois que
16 nous avons devoir utiliser le rétroprojecteur, à cause du logiciel
17 Sanction. J'en suis désolée.
18 Monsieur Samardzic, veuillez regarder ces documents, s'il vous plaît. Il
19 s'agit d'un document intitulé -- envoyé par l'assemblée de la République du
20 Monténégro à Titograd le 8 octobre 1991. Il semble que ce document soit
21 signé par quelqu'un qui porte le nom du Dr Risto Vukcevic. Connaissez-vous
22 quelqu'un portant ce nom ?
23 R. Oui, tout à fait. M. Risto Vukcevic, c'était le président du parlement
24 du Monténégro. Il est décédé depuis, malheureusement. A l'époque, c'était
25 le porte-parole du parlement monténégrin.
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1 Q. Saviez-vous qu'il occupait ce poste, le 8 octobre 1991 ? Saviez-vous
2 qu'il avait un lien avec ce document ? Saviez-vous à ce moment-là, qu'il
3 avait participé à la rédaction ou à la mise en oeuvre ou l'application de
4 ce document "Initiatives" ?
5 R. En sa qualité de président du parlement monténégrin, c'est lui qui a
6 signé ce document mais c'est moi-même qui l'ai rédigé. Il s'agissait, à ce
7 moment-là, c'était une situation difficile. La guerre avait déjà éclaté. Il
8 s'agissait de trouver une solution pour essayer de mettre fin à la guerre.
9 C'étaient des tentatives en ce sens. Nous nous sommes tournés vers le
10 président du parlement croate, M. Domljan, pour essayer d'entamer des
11 négociations et nous disions qu'au Monténégro, nous n'avions aucun rôle à
12 jouer dans l'agression contre la Croatie alors, qu'en fait, dans la
13 réalité, nous avions joué un rôle puisque nos garçons étaient fortement
14 engagés dans l'armée. Mais nous, au gouvernement, nous voulions prendre nos
15 distances le 16 octobre 1991 de toute cette affaire, et nous souhaitions
16 lancer une procédure en vue de rétablir la paix.
17 C'est pour cela que j'ai rédigé cette initiative qui a été acceptée, à la
18 fois par Miro et Momir et signée par Risto Vukcevic. Nous avions une ligne
19 de communication directe avec le président croate parce que, par ailleurs,
20 il était très difficile de communiquer par téléphone. J'avais, moi-même, un
21 téléphone spécial en Italie et j'avais une borne en haut d'une colline. Par
22 conséquent, la transmission se faisait par l'intermédiaire de l'Italie et
23 j'ai pu converser directement avec Zagreb. C'est comme cela que nous avons
24 établi ce système de communication. Ce qui signifie que bon nombre de
25 personnes des services secrets étaient très étonnés parce qu'ils s'étaient
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1 rendu compte que nous pouvions communiquer mais ils ne savaient pas
2 comment.
3 Il ne s'agissait pas d'activités d'espionnage mais nous voulions simplement
4 entrer en contact avec la Croatie de façon à pouvoir entamer des
5 négociations.
6 Après la rédaction de cette initiative, la Croatie a répondu favorablement.
7 Nous avons été invité à Zagreb pour aller rencontrer M. Domljan et pour
8 pouvoir négocier avec lui. Néanmoins, à la dernière minute, Momir Bulatovic
9 a mis fin à ce processus et je n'ai m'y suis pas rendu.
10 Q. Monsieur Sarmardzic, je souhaite simplement que nous puissions corriger
11 quelque chose au niveau du compte rendu d'audience. A la page 7, ligne 9,
12 vous avez dit : "J'ai rédigé moi-même cette initiative qui a été acceptée
13 par les deux." Et le compte rendu d'audience précise Miro, Miro et Momir,
14 est-ce que vous entendiez, M-i-r-o, Miro et un autre nom ? Veuillez
15 préciser, s'il vous plaît.
16 R. J'ai rédigé ce document moi-même et je leur ai remis. Ils n'ont fait
17 aucune objection et ils ont estimé que ce document avait peu de chance
18 d'aboutir. Par voie de conséquences, il était ni très enthousiaste ni
19 farouchement contre parce qu'il savait que la guerre allait se poursuivre.
20 Risto et moi-même, cependant, nous souhaitions que quelque chose aboutisse.
21 C'est la seule correction que je puisse faire ici eu égard à la page 2 de
22 la déclaration. C'est les raisons que j'ai expliquées dans ma lettre un peu
23 plus tard, à savoir, le Monténégro ne devrait pas permettre à une base
24 militaire de s'établir à Boka Kotorska, même s'il s'agissait d'une armée
25 amie qui venait de Croatie. Cela était le seul changement. On m'avait
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1 prévenu que nous ne pouvions pas être frère car nous étions en guerre. Par
2 ailleurs, cette version a resté en l'état hormis cette différence, et cette
3 version a été envoyée à Zagreb.
4 Q. Merci beaucoup. Je souhaite éclaircir un point, s'il vous plaît.
5 Lorsque vous dites Miro, et Miro et Momir, de qui s'agit-il, s'il vous
6 plaît ?
7 R. Permettez-moi de répéter : Momir Bulatovic, c'est le premier à avoir
8 pris connaissance de ce document. Je l'ai ensuite montré à Milosevic
9 Djakanovic qui était premier ministre à l'époque.
10 Q. Merci beaucoup. Je voulais simplement en être sûr.
11 Au paragraphe 1 de ce document, je vais faire référence au texte anglais si
12 vous me le permettez. Compte tenu -- pardonnez-moi. Je vais reprendre.
13 L'initiative portant sur la définition de la frontière entre la République
14 du Monténégro et la République de Croatie par l'intermédiaire d'un accord,
15 frontière au niveau des mers et frontière territoriale.
16 Le sujet de ce document, je crois, porte sur la question de territoires,
17 n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Il s'agit d'une ligne de communication directe entre le Monténégro et
20 la Croatie, n'est-ce pas, sans la participation de Belgrade ?
21 R. Oui.
22 Q. Très bien. Vous pouvez répondre dans votre propre langue. Je voulais
23 simplement que vous lisiez ce texte, si vous le voulez bien.
24 R. Le début de ces initiatives montre, à mon sens, que cette initiative a
25 effectivement été mise en place. Cela montre que la République de Croatie
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1 était décidée à devenir un état indépendant. L'assemblée du Monténégro
2 avait décidé qu'en sus de l'ouverture ou de la discussion de certaines
3 questions d'état entre les deux états, il était essentiel de changer les
4 frontières existantes entre la Croatie et le Monténégro. En disant cela, le
5 parlement du Monténégro reconnaît l'indépendance de la Croatie, ce que
6 personne n'avait reconnu jusqu'alors, hormis la Slovénie.
7 Nous reconnaissons l'indépendance de la République de Croatie, c'est-à-
8 dire, il s'agit d'une contradiction. Nous sommes en pleine guerre. Nous
9 nous battons les uns contre les autres alors que le parlement stipule que
10 l'indépendance de la Croatie est acceptée. Outre cette affirmation, il y a
11 la question de la mer, des frontières maritimes, ce qui est
12 particulièrement important d'établir puisque jusqu'à ce moment-là, il
13 existait qu'un état à ce moment-là. Alors qu'il y avait un changement, il
14 fallait établir une frontière sur la mer. Il y avait une frontière existant
15 déjà sur la terre mais il fallait établir une nouvelle frontière maritime
16 puisqu'il n'y avait pas de frontière entre la mer monténégrine et la mer
17 croate puisque la mer appartenait aux deux.
18 Selon ces initiatives, on stipule que la Croatie et le Monténégro doivent
19 établir des pourparlers pour établir exactement les frontières exactes qui
20 se trouvent dans la mer, sur la mer Adriatique à l'extérieur de Boka
21 Kotorska. Je crois que le tout était conforme avec le droit international
22 et la Croatie a accepté de mener des pourparlers avec nous concernant ces
23 questions. Malheureusement, cela a été interrompu de façon abrupte,
24 probablement selon un ordre émis par Belgrade et les pourparlers ont cessé
25 à ce moment-là.
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1 Q. Monsieur Samardzic, a-t-on pensé ou est-ce que ce document à la
2 rédaction de laquelle vous avez participée, ce document parle-t-il d'un
3 contact direct et continu entre le Monténégro et la Croatie concernant les
4 questions telles les frontières, par exemple ?
5 R. Ce document démontre effectivement qu'avec la Croatie, nous avions
6 établi des contacts directs afin de résoudre ces problèmes. Ces questions
7 ne sont toujours pas résolues même aujourd'hui, après 10 jours. La
8 frontière maritime n'a pas encore été établie entre Boka Kotorska au
9 Monténégro et la Croatie. Il y a eu un grand succès, puisque on a enfin
10 reconnu que la Prevlaka appartenait à la Croatie.
11 Pour ce qui est des frontières maritimes, cela demeure encore non résolu,
12 et c'est une commission spéciale qui doit déterminer cette frontière. A
13 l'époque, on disait que Prevlaka appartenait à la Croatie. Cela indiquait
14 une trahison pour la plupart des gens au Monténégro et à Boka Kotorska. Ce
15 sont des choses qui étaient écrites également dans les médias.
16 J'avais lu dans les médias, dans les journaux, que j'étais complètement
17 cinglé de dire que Prevlaka était croate, et que nous allions pouvoir mener
18 des pourparlers. Je ne croyais jamais que nous pouvions nous approprier de
19 Prevlaka par la force, je voulais toujours mener des pourparlers.
20 Je voulais d'abord reconnaître que Prevlaka appartenait à la Croatie, et
21 que par la suite nous pouvions mener des pourparlers afin de se
22 l'approprier. Selon certaines personnes, cela représentait presque une
23 folie. Un certain temps s'est écoulé, et toutes ces têtes intelligentes,
24 tous ces gens intelligents finalement reconnu que Prevlaka appartenait à la
25 Croatie.
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1 Q. Monsieur Samardzic, le dernier paragraphe de ce document intitulé
2 initiative, paragraphe qui a été signé par le Dr Vukcevic, établit une
3 personne contact, Il s'agit d'une personne contact au sein du parlement
4 croate, avec lequel on pouvait mener des pourparlers, qu'il avait également
5 une personne du côté monténégrin. Dites-nous qui est la personne contact ?
6 R. Où se trouve ce paragraphe ?
7 Q. Paragraphe 4.
8 R. S'agissant du point 4, ce point 4 stipule que les pourparlers devaient
9 se poursuivre avec la Croatie. J'ai été désigné à mener des pourparlers. A
10 mes côtés, il y avait également le Dr Asim Dizdarevic, qui était le
11 président adjoint de l'assemblée du Monténégro. Il y avait également une
12 autre personne, alors que du côté croate, il y avait le Dr Hrvoje Kacic, et
13 certainement les autres personnes qui étaient désignées par le Dr Zarko
14 Domljan.
15 Mais toujours est-il, lorsque j'examine un peu mieux ce document, puisque
16 j'ai déjà commencé à oublier un peu, ils s'attendaient à ce que nous
17 arrivions à Zagreb pour mener les pourparlers. Il fallait nous y rendre
18 vers le 25 octobre. Nous devions nous rendre à Zagreb pour entamer les
19 pourparlers concernant Prevlaka. Ensuite Momir a dit que, nous n'allons pas
20 nous déplacer vers Zagreb. Cela s'est arrêté ainsi.
21 Nous nous sommes trouvés dans une situation assez difficile. Nous sommes
22 arrivés à établir des contacts dans une situation assez difficile, où l'on
23 bombardait Dubrovnik. On entendait des coups de feu. Il nous était très
24 difficile d'établir des contacts, des pourparlers. Nous avions néanmoins
25 réussi. Il nous était impossible d'ordonner à l'amiral général Strugar
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1 d'arrêter les combats, mais nous pouvions néanmoins essayer d'établir la
2 paix. C'était l'initiative qui nous guidait, indépendamment du fait que
3 dans les premières phrases, tout indiquait que l'on parlait de Prevlaka.
4 Nous savions très bien que Prevlaka n'était qu'un prétexte, qu'il ne
5 s'agissait pas de ce qu'il y avait de plus important. Même si dans les
6 médias et même si dans les cœurs des gens, c'était quelque chose de très
7 important. Ce qui était plus important, c'est que les gens perdaient la
8 vie, qu'on était en train de détruire la ville, et qu'il fallait à tout
9 prix interrompre cette activité de combat.
10 Certaines personnes ont fait plus, d'autres moins, mais nous avions
11 néanmoins tenté d'établir la paix. Il y avait les dirigeants au sein du
12 Monténégro qui ont essayé. Je n'étais pas seul à vouloir la paix. Il y
13 avait d'autres personnes à mes côtés. Nous nous sommes trouvés dans une
14 situation fort délicate. Il nous a fallu réussir des pourparlers, mener des
15 pourparlers, réussir d'établir des contacts avec la Croatie, alors que la
16 ville était attaquée et que des gens en perdaient la vie.
17 Q. Monsieur Samardzic, cette initiative, selon vous, a-t-elle été
18 communiquée au parlement croate ? Effectivement, ont-ils reçu cette
19 initiative. Est-ce que vous le savez ?
20 R. Certainement. Ils ont reçu cette initiative. Ils y ont répondu, je
21 pourrais vous la montrer. J'ai la réponse à l'initiative. Ils étaient fort
22 contents de l'avoir reçue. Ils l'ont reçue de façon très positive, et nous
23 ont envoyé une réponse très positive.
24 Q. Monsieur Samardzic, je n'ai pas de plan ou de carte à ce moment-ci,
25 mais vous pourriez peut-être nous indiquer où se trouve Prevlaka, seulement
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1 pour pouvoir nous orienter. Je vous prie, si ce n'est pas trop difficile de
2 le faire par cœur, sans une carte.
3 R. Non, ce n'est pas trop difficile. Je vous explique. Prevlaka est une
4 ceinture étroite de terre qui entre tout près de la baie de Boka Kotorska,
5 et c'est tout petit. Il est même possible de passer de l'autre côté de la
6 baie à la mer ouverte. C'est la raison pour laquelle on l'appelle Prevlaka,
7 petite ceinture de terre. Elle s'enfonce dans la baie de Boka Kotorska.
8 Cela appartient à Konavle donc à Dubrovnik. Konavle a appartenu à Dubrovnik
9 depuis des siècles.
10 Il faut dire que l'armée austro-hongroise s'était emparée de cette région,
11 avait établi une base militaire. Tous les paysans qui s'y sont trouvés,
12 n'ont jamais osé demander qu'en est-il de cette terre. C'est une terre qui
13 ne produit pas, une terre pas très fertile. Il fallait dire qu'il y avait
14 des citoyens qui n'osaient même pas y aller. Les gens savaient que cela
15 appartenait au Monténégro. Tout le monde était assez surpris, lorsque dans
16 le croate, on avait écrit que Prevlaka appartient à la Croatie. Pendant les
17 années de Tito, personne n'a porté attention à qui appartenait Prevlaka,
18 jusqu'au moment où les nouvelles républiques ont vu le jour. C'est la
19 raison pour laquelle Prevlaka devenait de plus en plus importante, puisque
20 Prevlaka était considéré comme un point stratégique qui ferme l'entrée à la
21 baie de Boka Kotorska.
22 Il est tout à fait normal que, dans notre psychologie des Balkans, cela a
23 pris de l'ampleur et une importance particulière, car nous savions que
24 l'entrée à Boka Kotorska ne pouvait appartenir à aucun autre état sauf au
25 Monténégro, c'est-à-dire à la Serbie.
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1 Et si vous regardez la rivière Schelde qui se trouve entre la Belgique et
2 la Hollande, lorsque le bateau se trouve d'un côté, cela appartient à la
3 Belgique, et de l'autre côté, à la Hollande, mais il n'y a personne qui
4 porte attention. Chez nous malheureusement, cela était devenu un énorme
5 problème. Les pourparlers avaient commencé. Des demandes avaient été
6 faites. On avait même dit que la guerre était menée pour Prevlaka, puisque
7 Prevlaka pendant très longtemps représentait un problème, et est encore un
8 problème à ce jour, cette question de l'appartenance de Prevlaka.
9 Q. Monsieur Samardzic, vous nous avez dit qu'il semblait que Prevlaka
10 était devenu une question très importante. Pourrais-je vous demander de
11 nous préciser si oui, ou non, à la réunion du gouvernement que vous nous
12 avez décrite, la réunion lors de laquelle le général Strugar était présent,
13 le ou vers le 1er octobre 1991, c'est aussi la question de Prevlaka qui est
14 soulevée lors de cette réunion. Est-ce qu'elle a été soulevée en indiquant
15 s'il s'agissait d'une raison pour le conflit lors de cette réunion ?
16 R. Il se peut que quelqu'un ait pu en parler à ce moment-là mais je n'ai
17 pas entendu parler de cela. Je suis arrivé un peu tardivement. Je vous ai
18 dit que j'étais allé accompagner M. Wejnaendts. Je n'ai pas entendu ces
19 propos. On a d'abord dit qu'il nous fallait défendre le pays, libérer cette
20 région et nous défendre des Croates. Il y avait plusieurs personnes, bien
21 sûr, à cette réunion mais la discussion du 1er octobre ne tournait pas
22 autour de Prevlaka. Mais le 3, le 4 octobre, lorsqu'on a vu qu'il n'y avait
23 pas d'Oustachi, lorsque tout le monde a vu que les Oustacha ne pénétraient
24 pas dans Boka Kotorska, mais que plutôt c'était nous qui étaient en train
25 d'entrer dans la Croatie. C'est à ce moment-là qu'on a commencé à parler de
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1 Prevlaka et à dire, Prevlaka nous appartient mais les Croates veulent se
2 l'approprier. Ce soir-là, on a, plutôt, parlé de la libération de la zone,
3 de briser les forces croates qui essaient d'envahir Boka Kotorska. Mais ils
4 disaient que Boka Kotorska envahissait et essayait de conquérir Boka
5 Kotorska.
6 Mais plus tard, on a parlé de la défense de la République de Dubrovnik. On
7 a commencé à parler de cette région et d'établir une autre République de
8 Dubrovnik, même si dans ma première déclaration du 2 octobre 2002, j'ai dit
9 que le gouvernement du Monténégro n'a pas vraiment essayé, ou n'a pas
10 vraiment voulu établir une nouvelle République de Dubrovnik. C'était le
11 parti nationaliste du Monténégro. Ils rêvaient d'établir une nouvelle
12 République de Dubrovnik. C'était une question importante pour eux.
13 Q. Je veux simplement m'assurer de vous avoir bien compris. Lorsque vous
14 avez entendu le général Strugar prendre la parole au cours de cette
15 réunion, vous nous dites qu'il n'a pas parlé de Prevlaka ?
16 R. Je ne me souviens pas qu'il ait parlé de Prevlaka ce soir-là. Il a
17 peut-être mentionné cet endroit mais je ne me souviens pas. Je sais qu'il
18 nous fallait défendre le pays de 30 000 Oustachi, qu'il nous fallait briser
19 ces forces avec une perte minimale et que les choses allaient se passer
20 assez rapidement. C'est ce qu'a dit le général Strugar en utilisant un
21 langage militaire. Il était très calme et c'est lui qui donnait le ton
22 principal. C'était une discussion qui tournait autour de cela. Il était
23 appuyé particulièrement par Momir Bulatovic mais nous, les autres, qui nous
24 trouvions là, je dois dire que moi-même, j'ai dit, si nous sommes attaqués,
25 il nous faut nous défendre. Il faut dire que la question principale
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1 débattue lors de cette réunion était de défendre le Monténégro car on nous
2 disait que le Monténégro était attaquée. Pour ce qui est de Prevlaka, de
3 son parti du territoire, et cetera. Tout cela a été discuté lors de
4 réunions subséquentes, les jours qui ont suivi, mais lors de cette réunion-
5 là, il n'a pas été question de Prevlaka. Le ton principal était, consistait
6 à dire que nous n'allions pas permettre aux Oustachi de nous envahir. Bozo
7 Babic nous a rappelé de quelle façon les Oustachi se sont comportés au
8 cours de la Deuxième Guerre mondiale, qu'il ne fallait leur permettre de se
9 comporter de nouveau de cette façon-là. C'était très tard dans la soirée du
10 1er octobre 1991.
11 En ayant ces idées-là en tête, je suis rentré à la maison, à Boka Kotorska
12 mais j'ai tout de suite compris lorsque j'ai ouvert la télé qu'il n'y avait
13 absolument aucune invasion des Oustachi. J'avais le câble. J'avais
14 l'antenne parabolique. Je pouvais très bien voir les canaux étrangers. Il
15 n'y avait aucune question de cela. On ne parlait pas du tout du fait que
16 les Oustachi essayaient de s'emparer de Boka Kotorska, mais c'était,
17 plutôt, nos unités qui entraient dans la Croatie.
18 Q. Monsieur Samardzic, je souhaiterais vous demander si en tant que membre
19 du cabinet, en tant que ministre, en tant que ministre des Affaires
20 étrangères, étiez-vous au courant du fait que les hauts dirigeants du
21 gouvernement du Monténégro, à l'époque, parlaient de conflits dans la
22 vieille ville de Dubrovnik ? Je parle des personnes au niveau du cabinet,
23 des personnes au niveau de l'assemblée. Je vous parle également des
24 représentants militaires, des représentants de la Défense territoriale et
25 de toutes autres formations militaires. Quelle était leur façon de
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1 percevoir les choses à ce moment-là ?
2 R. J'avais l'impression qu'à partir du 1er octobre, ils avaient
3 l'impression qu'ils allaient pouvoir s'emparer de Dubrovnik, de la région,
4 sans beaucoup de pertes et sans destruction massive. J'avais l'impression
5 qu'ils croyaient que cela se passerait facilement. Les hauts dirigeants
6 pensaient qu'ils n'auraient pas de destruction massive et que, quelques
7 jours plus tard, nous allons pouvoir prendre notre café tranquillement sur
8 Stradun [phon], comme nous le faisions auparavant. Tous les jours, nous
9 nous rendions compte que les choses n'allaient pas se dérouler de cette
10 façon-là. Nous étions étonnés, chaque jour un peu plus, et l'enthousiasme
11 n'était plus le même.
12 Lorsque le 17 octobre, Lord Carrington et son plan avait été présenté à
13 l'assemblée, nous avons procédé à une traduction rapide de ce plan. Nous
14 avions constaté que Dubrovnik allait être libérée. Ils ont commencé à
15 parler du fait qu'il ne fallait pas détruire Dubrovnik, et cetera. Vous
16 pouvez imaginer que toutes sortes d'histoires ont circulé dans ce
17 parlement. Il y avait des gens qui étaient des extrémistes, qui étaient des
18 nationalistes, qu'ils disaient qu'il fallait aller à Virovitica et à
19 Karlobag, qu'il fallait s'emparer de ce territoire, qu'il fallait établir
20 une Grande Serbie. Il y avait également des personnes qui demandaient à ce
21 que le Monténégro devienne indépendant. Il y avait des personnes qui
22 disaient que ce qu'on faisait à Dubrovnik était une honte. Alors, vous
23 pouvez comprendre que dans une telle situation, dans une telle atmosphère,
24 vous pouvez imaginer le ton qui y prévalait. Il y avait des insultes. On
25 disait toute sortes de choses. Il y avait des personnes qui m'insultaient.
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1 Il y avait certaines personnes qui m'ont même craché dessus. Il y avait des
2 personnes qui voulaient, enfin, je croyais qu'il s'agissait du député mais
3 ce n'était pas des députés mais certaines personnes, pendant la pause,
4 s'étaient dirigées vers moi pour me passer à tabac, même. Mais c'était des
5 nationalistes, d'ailleurs.
6 Q. Pour revenir à la question précédente, je vous demanderais de vous
7 concentrer, de me répondre si on avait conscience de ce qui se passait dans
8 la vieille ville ? Est-ce que les gens savaient très bien de la façon dont
9 on avait attaqué la vieille ville, la partie historique de la ville de
10 Dubrovnik ?
11 R. Les soldats qui venaient nous disaient ce qui se passait. Il y avait
12 plusieurs personnes qui venaient à Boka Kotorska. Je n'avais vu cela
13 auparavant. Ils pillaient, ils emportaient des choses. La plus grande
14 partie de ces derniers se rendaient en bateau jusqu'à Ucin [phon] et
15 Titograd. Ils parlaient ouvertement de ce qui se passait là-bas de sorte
16 que les personnes avaient compris de quoi il s'agissait sans même recevoir
17 des rapports officiels. Des rapports officiels disaient, par exemple, la
18 télé de Titograd disait que, et à la radio on entendait que les unités
19 étaient en train de briser les forces des Oustachi et que Libez [phon]
20 était en train de libérer les zones, mais il était certain que ces rapports
21 -- mais on ne parlait pas de pillages.
22 Ce qu'on entendait à la télévision, à la radio, disait que nos forces
23 étaient en train de libérer les territoires et qu'ils faisaient énormément
24 de progrès et que les pertes étaient minimes. Mais pour ne pas parler de
25 CNN, SkyNews, de BBC et de la Rete 1 et Rete 2, la télé italienne et leur
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1 reporter avait réussi à s'infiltrer de façon secrète dans le théâtre des
2 opérations. Ils ont pu prendre des photos. Ils ont pu tourner des scènes,
3 et nous montrer ce qui se passait, afin que l'on puisse arrêter cette
4 activité militaire, et montrer au monde ce qui se passait.
5 Je me souviens très bien qu'on avait fait une réunion de diplomates,
6 d'ambassadeurs européens et l'ambassadeur des Etats-Unis. Ils étaient venus
7 à Boka Kotorska, pour se rendre sur le front. Je devais aller, je devais
8 les accompagner, mais je ne suis pas allé les accompagner. On avait dit que
9 Jokic n'allait pas leur permettre de se rendre sur le théâtre des
10 opérations. Il est vrai que depuis Herceg-Novi jusqu'à Budve, sont allés
11 par bateau. Le Dr Kacic qui était également présent, a parlé de cela. D'une
12 part, il y avait l'armée qui avait permis au prêtre Père Anfilohije de se
13 promener sur le front et d'empoisonner l'esprit des soldats contre les
14 Croates et les Musulmans, alors que la Croatie -- qu'on n'a pas permis aux
15 ambassadeurs de venir sur le territoire. Le Père Anfilohije était une
16 personne qui était haut dirigeant de l'église, se trouvait en fait à la
17 tête de l'église orthodoxe, a comparé Drazo Mihajlovic qui était un
18 criminel de guerre avez un saint homme. La JNA s'est très mal montrée au
19 cours de cette période.
20 Q. Monsieur Samardzic, je doit vous interrompre, simplement pour gagner du
21 temps. Je voulais vous poser la question suivante. Personnellement, est-ce
22 que vous, en tant que ministre au sein du gouvernement, est-ce que vous
23 saviez qu'on avait bombardé la vielle ville de Dubrovnik, lors de ces
24 pilonnages on a causé des dégâts à la veille ville ?
25 R. En tant que ministre du ministère, je n'ai pas su que l'on bombardait
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1 la ville, mais j'ai vu à la télévision, même la télé Monténégro a montré
2 que l'on bombardait Dubrovnik. Ils affirmaient qu'il ne s'agissait pas
3 d'obus, mais que c'étaient les habitants de Dubrovnik qui incendiaient des
4 pneus, afin de pouvoir jeter le blâme sur les Croates, et d'exonérer la
5 JNA. C'est ce qu'on voyait à la télé de Titograd. La télé de Titograd
6 disait que c'étaient les Croates qui incendiaient des pneus afin de jeter
7 le blâme sur la JNA. Plus tard, lorsque j'ai regardé d'autres émissions
8 télévisées provenant d'autres chaînes de télévision, j'ai très bien vu que
9 l'on avait causé d'énormes dégâts aux monuments historiques
10 particulièrement, afin de pouvoir causer des dégâts sur les toits et la
11 ville. J'en ai été informé de cette façon-la. J'enregistrais sur vidéo tout
12 ce que je pouvais voir. Je me rappelle d'avoir apporté à Momir Bulatovic
13 des cassettes vidéo. Je lui ai dit : "Qu'est-ce qui se passe ?" Parce que
14 pendant un certain temps, il disait que non, on n'est pas en train de
15 détruire la ville, que c'étaient les Croates eux-mêmes qui incendiaient des
16 pneus.
17 Q. En parlant de l'armée, est-ce qu'ils se rapportaient aux dirigeants
18 politiques du Monténégro ? Disaient-ils ce qui se passait à Dubrovnik ?
19 Informaient-ils les dirigeants de Monténégro concernant ce qui se passait
20 dans la vielle ville ? Est-ce que vous le savez ?
21 R. L'armée s'agissant de nous, simples ministres, ne nous informait
22 absolument de rien. L'armée se réunissait. Ils avaient leur cabinet. Nous
23 ne faisions pas partie de leurs réunions. C'est eux qui se réunissaient
24 dans le bureau de Momir Bulatovic. Des fois, ils se réunissaient dans le
25 bureau de Milo Djukanovic. C'est là que l'on parlait de ce qui se passait,
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1 mais c'étaient certains généraux. Des fois, il y avait un général de
2 cabinet. Je crois que ce cabinet n'était pas composé de tous les généraux.
3 C'était simplement quelques généraux qui avaient droit à assister à ces
4 réunions. Pour ce qui est des autres, ils pouvaient lire les notes prises
5 au cours de ces réunions. Pour ce qui est de ce qui se passait vraiment, le
6 gouvernement n'a su que ce qui se passait lorsque le tout s'était terminé.
7 Je parle de l'ensemble du gouvernement, à savoir, si on avait entendu des
8 histoires, des bribes d'histoire par-ci par-là. On entendait parler, on
9 entendait dire toute sorte de choses. Les gens racontaient certains faits.
10 On disait que depuis Cilipi, on avait apporté des parties pour l'aéroport,
11 d'autres pour les Serbes de Titograd. On a parlé de pilonnage. On en a
12 beaucoup parlé entre nous, mais cela n'a pas été débattu lors de réunions
13 officielles. Certains ministres rendaient des décisions ad hoc, et ainsi de
14 suite.
15 Nous savions tous très bien ce qui se passait, mais il n'y a pas eu
16 d'opinion exprimée, d'opinion politique officielle concernant ces
17 questions.
18 Q. Une action, a-t-elle été prise par les dirigeants du Monténégro, afin
19 d'arrêter les attaques dirigées contre la vieille ville ?
20 R. Non. Autant que je le sache, il n'y a pas eu d'action par voie de
21 négociation. Nous avions tenté toutefois d'arriver à une paix. On voulait
22 inclure l'armée dans ce processus, pour qu'il n'y ait plus de conflit. Je
23 ne sais pas comment cela est arrivé. A d'autres reprises, il y a eu des
24 cessez-le-feu. Les négociations étaient en cours. Ces négociations ont
25 résulté par des
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1 cessez-le-feu. Jamais il n'y aurait pu avoir de cessez-le-feu, si l'armée
2 n'avait pas décidé de l'accepter. Elle l'a fait, parce qu'elle était sous
3 la pression de l'opinion publique internationale. En plus, l'armée s'était
4 rapprochée de Dubrovnik, mais sans grand sacrifice, victimes nombreuses.
5 Elle ne pourrait pas envahir la ville, même si elle entreprenait des
6 attaques bien plus importantes. C'est à cause de tout cela qu'il y a eu
7 des cessez-le-feu. Selon un accord, on a décidé que l'armée devrait se
8 retirer de Cilipi. Cet accord également, prévoyait la normalisation de la
9 vie des habitants de Dubrovnik. Je ne garde pas tous les détails à
10 l'esprit. Par exemple, la ville de Cavtat était occupée, mais n'était pas
11 détruite, comme le reste de la région de Dubrovnik. L'armée a permis aux
12 habitants de se rendre à Dubrovnik.
13 D'après moi, l'arrivée de Hrvoje Kacic, sa participation aux négociations à
14 Titograd le 24 octobre 1991, il est arrivé avec M. Turko, un des députés à
15 l'assemblée. Justement, c'est lui qui a participé à ces négociations, qui
16 ont pour but le retrait de l'armée à 16 kilomètres de la ville de
17 Dubrovnik. On a très bien entendu ce que Risto Vukcevic a dit, ce qu'il a
18 exigé, et ce qui a été accepté au bout de quelques jours. Pendant un
19 certain temps, l'armée a accepté cette ligne de retrait qui se trouvait à
20 16 kilomètre de Dubrovnik. A un certain degré, la ville s'était quelque peu
21 normalisée. Mais il n'y avait plus d'eau, il n'y avait plus d'électricité,
22 il n'y avait pas de vivres. C'était un cessez-le-feu qui n'a duré que peu
23 de temps. Après le 6 décembre, je crois, tout a repris de plus belle, les
24 bombardements, et cetera.
25 Il y a un journal où tout est consigné.
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1 Q. Excusez-moi, Monsieur Samardzic, vous avez avancé la date du 16
2 décembre ?
3 R. Non, j'ai dit le 6 décembre. C'était la date à laquelle un grand
4 bombardement a eu lieu.
5 Q. Quelle était la cible de ces bombardements ?
6 R. Le 6 décembre, le centre-ville a été bombardé depuis toutes les
7 positions et les grands dégâts ont été causés. Deux jours avant ou après,
8 un cessez-le-feu a été signé. Les combats se sont toutefois poursuivis de
9 plus belle.
10 Q. Je vous remercie, Monsieur Samardzic. Lorsque vous dites "centre-
11 ville", entendez-vous par là, la vieille ville ?
12 R. Oui. C'est toute la partie de la ville qui se trouve à l'intérieur des
13 remparts. Ce n'est pas uniquement la rue de Stradun mais toute la vieille
14 ville, la vieille ville dans son ensemble. C'est le centre-ville.
15 Q. Monsieur Samardzic, 20e siècle, vous souvenez-vous d'événements au
16 cours desquels il y aurait eu des dégâts apportés à la vieille au courant
17 des deux conflits mondiaux ?
18 R. Vous pensez à la vieille ville Dubrovnik ?
19 Q. Oui, à la vieille ville de Dubrovnik. Est-ce que vous le savez s'il y a
20 eu des bombardements de la vieille ville au courant du 20e siècle outre
21 ceux qui se sont produits lors des événements que vous nous avez décrits ?
22 R. Non, jamais au courant du 20e siècle durant 14 siècles, depuis que la
23 ville de Dubrovnik a été créée, la ville n'a jamais fait l'objet de
24 bombardements. Des armées puissantes se sont dirigées à plusieurs reprises
25 vers la ville et les combats, pourtant, cessaient dès qu'ils s'approchaient
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1 de la ville. En 1994, par exemple, lorsque les alliés sont arrivés, ont
2 occupé le sud de l'Italie et lorsque les avions américains et britanniques
3 survolaient l'Adriatique pour lancer des attaques en Roumanie sur les
4 champs d'exploitation de pétrole, ils survolaient, à ces occasions-là,
5 Dubrovnik qui leur servait de repères. Peko Dapcevic, le général de la JNA,
6 a envoyé un message aux commandants des alliés en Italie en lui demandant
7 de ne pas survoler Dubrovnik. Il ne faut absolument pas qu'une bombe tombe
8 sur la ville. Prenez un autre chemin, un autre itinéraire. Il ne faut pas
9 survoler Dubrovnik.
10 Voilà, c'était la manière de faire la guerre des partisans de Tito et de
11 l'autre côté, vous voyez, vous pouvez comparer avec la guerre qu'a mené le
12 général Strugar. Toutes les armées au courant de l'histoire ont fait tout
13 pour ne pas endommager la ville de Dubrovnik, qui n'a jamais été bombardée.
14 C'était impossible, impensable que l'on attaque Dubrovnik.
15 En 1800 et quelque, 1805, Napoléon est arrivé à Dubrovnik. Il était le
16 maître de Dubrovnik mais il n'y a pas eu de combats au préalable. Les
17 vaisseaux sont arrivés, se sont rapprochés de Dubrovnik et pourtant, il n'y
18 a pas eu un tir dirigé vers la ville. Pourtant, il y avait les Orthodoxes
19 d'un côté et Dubrovnik était une ville catholique de l'autre. Il s'agissait
20 d'un respect envers la ville de Dubrovnik. Ce que nous avons fait est une
21 honte et une des plus grande honte ce qui s'est produit en 1991.
22 Q. Connaissez-vous un certain Slavko Perovic au Monténégro ?
23 R. Oui. Il s'agit du président de l'alliance libérale du Monténégro.
24 Q. Savez-vous quelle était son attitude à l'égard du conflit à Dubrovnik,
25 à l'époque ?
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1 R. Il s'y opposait. Il s'opposait à l'attaque du Monténégro et de la JNA.
2 Ils organisaient des manifestations, lui et son parti. Les dirigeants les
3 accusaient de trahison. Ils les qualifiaient d'espion de Tudjman. Leurs
4 tristes positions politiques ont été modifiées par la suite mais pour ce
5 qui est de la guerre de Dubrovnik, je dis, chapeau, même si je ne les
6 respecte pas plus que cela, ces derniers temps. A l'époque, je crois qu'ils
7 se montrés très dignes.
8 Q. Savez-vous s'il y a eu des manifestations, des rassemblements dans la
9 zone de Cetinje pendant ce conflit ? Est-ce que M. Perovic y a pris part ?
10 R. Oui. Cela s'est produit assez souvent, des protestations contre la
11 guerre, contre l'attaque contre Dubrovnik à plusieurs endroits au
12 Monténégro, et surtout dans notre ancienne capitale de Cetinje, une vieille
13 ville, une ville ancienne, une ville de tradition. Cetinje est une ville de
14 résistance qui se situe en montagnes sous le sommet Lovce [phon]. Une fois,
15 de 15 000 à 20 000 personnes se sont rassemblées pour lancer un appel. Ils
16 ont demandé pardon à Dubrovnik. C'était un chant populaire qui venait du
17 cœur. C'est quelque chose dont Cetinje peut être fier.
18 Beaucoup de personnes ne voulaient pas participer à ce conflit, ils ont
19 déserté l'armée. Momir Bulatovic, par exemple, disait aux personnes
20 mobilisées : Ceux qui ne veulent pas participer au conflit, qu'il sortent
21 des rangs. Effectivement, lorsqu'il disait cela beaucoup de personnes le
22 faisait. Une compagnie, dans son intégralité, a été démantelée. Ils ont
23 chanté qu'ils ne voulaient pas tirer sur la Croatie.
24 Q. Je souhaiterais terminer avant la pause si c'est possible.
25 Vous avez cité un vers d'un chant populaire, une demande de pardon que les
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1 Monténégrins ont adressé à Dubrovnik, à la ville de Dubrovnik.
2 Je souhaiterais maintenant que l'Huissier distribue un document où l'on
3 retrouve ce verset. On pourrait peut-être le placer sur le rétroprojecteur.
4 Je vous prie, également, de fournir une copie à
5 M. Samardzic.
6 Monsieur Samardzic, connaissez-vous la personne dont le nom apparaît en bas
7 de cet article, Branko Vojicic, à la dernière page ?
8 R. Oui. Je le connais.
9 Q. Qui est-il ?
10 R. C'est un journaliste de Monitor, magazine Monitor. Je pense qu'il en
11 est éditeur, rédacteur en chef. C'est un homme honnête; la différence de
12 nombreux journalistes. Dès le départ, il a pris une position bien claire
13 contre la guerre à Dubrovnik. Il a exposé son point de vue sur l'attitude
14 telle qu'elle devrait être, l'attitude du Monténégro. Mais, il a fait
15 l'objet de critiques très violentes des dirigeants.
16 Q. Vous venez de mentionner Monitor. S'agit-il d'un magazine qui paraît au
17 Monténégro ? Répondez par oui ou par non.
18 R. Oui. Il s'agit d'un magazine.
19 Q. Bien, merci.
20 R. Il s'agit d'un hebdomadaire.
21 Q. La date à laquelle a été publié cet article est le 25 juin 2000. Etes-
22 vous au courant du contenu de cet article ? Il y est question d'une réunion
23 qui a eu lieu le 25 juin 2000 entre Stipe Mesic et le président croate et
24 Milo Djukanovic. Savez-vous ce qui s'y est passé ?
25 R. J'habite en Australie. J'ai suivi grâce à l'Internet ce qui s'est passé
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1 lors de cette réunion. Je connais les participants. Je connais Bulatovic,
2 le président Mesic et j'étais content de voir qu'ils se rencontraient. Milo
3 Djukanovic a demandé pardon à Dubrovnik. On voit le titre "Forgive us
4 Dubrovnik," en anglais. C'était un grand pas, un événement majeur après la
5 guerre. Le temps était arrivé d'adresser des excuses, de demander pardon.
6 Le journaliste, même s'il était critique, s'il adressait des critiques
7 auparavant à Milo Djukanovic, il a su apprécier ce geste. C'était une
8 nouvelle étape qui était entamée dans les relations existant entre la
9 Croatie et le Monténégro.
10 Q. S'agissant de certains sujets abordés lors de cette réunion et de ce
11 qu'a dit des propos tenus par M. Djukanovic, j'attire votre attention sur
12 ce qui figure en bas de la page. Je souhaite vous poser des questions sur
13 cet aspect particulier de la réunion. Je cite, Djukanovic a révélé le
14 scénario dans sa totalité. Il a admis que la "libération" de Dubrovnik
15 n'était pas entreprise puisque les Oustachi avaient attaqué le Monténégro
16 (l'interprétation qui a été fournie par Strugar et Djukanovic à l'époque),
17 ni pour des "raisons humanitaires" afin de protéger les Serbes en péril à
18 Dubrovnik (d'après Branko Kostic, le ministre de la Défense du Monténégro,
19 Babic) ni "à cause du fascisme." Et la guerre a été déclenchée afin de
20 réaliser l'idée de la Grande Serbie.
21 Cette explication concernant le fait que les Oustachi n'avaient pas attaqué
22 le Monténégro, est-ce que ceci est conforme à ce que vous pensez de la
23 situation telle qu'elle était en octobre 1991 ? Et là, j'ai à l'esprit les
24 propos de Strugar concernant l'attaque des Oustachi.
25 R. D'après ce qu'a dit M. Djukanovic, on voit cette politique de 1991
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1 complètement dévoilée. Les Oustachi ne nous ont jamais attaqués et
2 Djukanovic l'admet ici. La libération de Dubrovnik ne s'imposait pas. Il
3 n'y avait pas d'Oustachi qui allaient nous attaquer. Il n'y avait aucun
4 besoin de faire la guerre pour la paix. Il n'y a pas eu de guerre déclarée
5 avec Dubrovnik. Il n'y a pas eu de piège, comme Kadijevic le disait à
6 l'époque. C'est à Cavtat que Djukanovic a démasqué la politique de la JNA,
7 la vraie nature de cette politique criminelle.
8 Q. Merci. Monsieur Samardzic, je souhaiterais vous poser une autre
9 question : Milieu du deuxième paragraphe, la première page, je cite :
10 "S'agissant des crimes commis dans l'enceinte des remparts de Dubrovnik,
11 Djukanovic a dit que la responsabilité devait être personnalisée et que
12 c'était le seul et le meilleur moyen de lever l'hypothèque de la
13 responsabilité nationale qui a été imputée durant l'histoire ou, au moins,
14 il y a eu des tentatives de le faire au peuple croate, et, à présent, la
15 situation est la même avec le peuple du Monténégro."
16 Maintenant, lorsque vous pensez aux événements qui se sont produits en
17 1991, après tout ce que la vieille ville a subi comme dégâts, savez-vous si
18 qui que ce soit a été tenu pour responsable ? Une procédure a-t-elle été
19 engagée contre qui que ce soit parmi les participants à la campagne de
20 Dubrovnik ?
21 R. Non, pas autant que je le sache. Je ne pense pas qu'il y ai eu
22 d'officier qui ait jamais tenu pour responsable pour les actions à
23 Dubrovnik. Je pense que rien n'a été entrepris dans ce sens jusqu'à
24 présent. Je ne pense pas que quiconque a, jusqu'à présent, été inculpé de
25 quoi que ce soit lié à Dubrovnik.
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1 Q. Est-ce que l'on pourrait, à présent, visionner un enregistrement vidéo
2 et je souhaiterais que cette pièce soit versée au dossier.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pièce est acceptée.
4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P32.
5 Mme SOMERS : [interprétation] Nous aimerions distribuer la transcription de
6 cette vidéo. Je souhaiterais que l'on visionne la première partie, et ceci
7 nous amènera à la fin de mon interrogatoire. Si vous le permettez --
8 [aucune interprétation]
9 [Diffusion de cassette vidéo]
10 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] Bonsoir, le président monténégrin Milo
11 Djukanovic, a exprimé ses regrets s'agissant de l'attaque dirigée contre
12 Dubrovnik. Ceci s'est produit à Cavtat aujourd'hui. Il s'agit de la
13 première réunion au niveau le plus élevé de l'état entre les représentants
14 de la Croatie et du Monténégro.
15 Mme SOMERS : [interprétation]
16 Q. Arrêtez, je vous prie. Pouvez-vous identifier les personnes que l'on
17 voit sur cette vidéo.
18 R. Le président Mesic, Stjepan Mesic, président de la République de
19 Croatie, Milo Djukanovic était à l'époque le président du Monténégro. A
20 présent il est premier ministre du Monténégro.
21 Q. La personne qui porte la barbe, qui est-ce que ?
22 R. C'est Mr le président Mesic, et le grand homme qui se trouve sur cet
23 enregistrement est Djukanovic.
24 Q. S'agit-il de la même réunion dont il est question dans l'article
25 intitulé "Pardon Dubrovnik."
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1 R. Oui cette réunion qui --
2 [Diffusion de cassette vidéo]
3 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] M. Djukanovic, je souhaiterais profiter de
4 cette occasion pour adresser en mon nom personnel et au nom des citoyens du
5 Monténégro.
6 Mme SOMERS : [interprétation] Peut-on arrêter un instant. Je ne sais si
7 les interprètes disposent d'un exemplaire. Il s'agit du 3e paragraphe où M.
8 Djukanovic donne des explications.
9 [Diffusion de cassette vidéo]
10 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] Nous adressons notre pardon aux habitants de
11 Dubrovnik, de Konavle, de la région de Nereska [phon], pour toutes les
12 souffrances et tous les dommages qu'ils ont subis par quiconque des
13 Monténégrins.
14 Le journaliste, les deux parties ont affirmé qu'il s'agit là d'une réunion
15 de grande importance.
16 Mme SOMERS : [interprétation] On pourrait bien sûr regarder
17 l'enregistrement dans son intégralité. Afin de gagner du temps, nous
18 demanderons que l'enregistrement soit versé au dossier. Nous aimerions que
19 la transcription également soit versée. Nous pourrons verser une partie de
20 l'enregistrement ou l'intégralité. Nous souhaiterions vous fournir
21 l'original dont nous disposons. Je suis vraiment désolée que l'on ne puisse
22 pas recourir au logiciel Sanction.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La vidéo et la transcription seront
24 admises.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La vidéo portera désormais la cote P33,
Page 1153
1 la transcription P33.1
2 Mme SOMERS : [interprétation] Nous en avons terminé avec ce témoin pour le
3 moment. Je vous remercie de votre patience.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci à vous. Madame Somers, je
5 propose que l'on fasse une pause de 20 minutes, et nous poursuivrons après.
6 Monsieur Samardzic, vous pourrez vous reposer un peu.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.
9 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le contre-interrogatoire peut
11 maintenant commencer.
12 Monsieur Rodic, vous avez la parole.
13 M. RODIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant de
14 commencer mon contre-interrogatoire, je souhaiterais, en premier lieu,
15 attirer votre attention sur un point particulièrement important. Lorsque ce
16 témoin allait être présenté par le bureau du Procureur, l'estimation de
17 temps qui avait été faite à ce moment-là, était de deux à trois heures pour
18 entendre ce témoin. L'interrogatoire principal, les questions et les
19 réponses, a en réalité, duré 4 heures et 10 minutes. Ce qui est beaucoup
20 plus important que l'estimation qui avait été faite à l'origine.
21 Ce que je souhaite dire, eu égard au temps qu'il nous reste, eu égard au
22 temps de questions et de réponses, et au question de temps et de réponses
23 accordé à l'Accusation pour ce témoin et le bureau du Procureur, et ce
24 témoin est tout aussi important pour nous. Je souhaite attirer votre
25 attention sur le fait que je ne pourrai pas terminer mon contre-
Page 1154
1 interrogatoire aujourd'hui. A cause de l'importance de ce qui a été dit
2 dans ce prétoire par ce témoin, et dû aux points importants que je dois
3 soulever avec lui. Je sais que des observations ont été faites par l'équipe
4 de la Défense, par rapport à certains cas où le contre-interrogatoire était
5 plus long que l'interrogatoire principal. Quoiqu'il en soit, nous estimons
6 que ces principes ne peuvent pas toujours être appliqués à la lettre. Dans
7 certains cas, le bureau du Procureur a besoin de moins de temps pour
8 entendre un témoin, dans d'autres cas, c'est l'inverse.
9 Ce que je tiens à dire, c'est qu'il s'agit d'un témoin essentiel pour nous
10 dans le cadre de cette affaire. Je ne pense pas avoir le temps de finir mon
11 contre-interrogatoire aujourd'hui.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie pour cette précision,
13 Monsieur Rodic. Nous constatons que le temps imparti à l'interrogatoire
14 principal est plus long que ce qui avait été prévu, et nous en tiendrons
15 compte. Je vous prie de poursuivre et de commencer votre contre-
16 interrogatoire.
17 M. RODIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
18 Contre-interrogatoire par M. Rodic :
19 Q. [interprétation] Monsieur Samardzic, bonjour, Monsieur. Je m'appelle
20 Goran Rodic. Je suis avocat. Je viens de Podgorica. Je défends le général
21 Strugar. En son nom, je vais vous poser un certain nombre de questions qui
22 vont porter sur votre témoignage, ce que nous avons entendu jusqu'à
23 présent.
24 Madame l'Huissière, je vous prie de bien vouloir enlever le
25 rétroprojecteur, pour que je puisse voir le témoin correctement.
Page 1155
1 Monsieur Samardzic, la première question que je souhaite vous poser est la
2 suivante. Avant de venir déposer votre témoignage devant ce Tribunal, avez-
3 vous fourni aux enquêteurs une déclaration au préalable écrite ?
4 R. Oui, absolument. Je crois qu'il devait s'agir de l'an 2000. Il y a
5 environ trois ans, j'ai fourni une déclaration écrite.
6 Q. Permettez-moi, je regarde votre déclaration. Est-il vrai qu'il
7 s'agissait du 17, du 18, du 19, du 20 et du 23 octobre de l'année 2000 ?
8 R. Oui, tout à fait.
9 Q. Dans les réponses que vous avez fournies au bureau du Procureur, nous
10 avons entendu un rappel historique de votre vie, un résumé de votre vie. Je
11 ne pense pas, cependant, que ce point ait été abordé, et je crois que vous
12 n'avez pas témoigné à cet égard. Pourriez-vous dire à la Chambre, s'il vous
13 plaît, si au cours de votre vie et pendant votre carrière professionnelle,
14 vous avez résidé et travaillé un certain temps au Monténégro ? Avez-vous
15 été l'objet de persécutions ? Si oui, pourriez-vous nous donner les raisons
16 de ces persécutions ?
17 R. J'étais encore assez jeune, parce que j'ai rencontré quelques
18 difficultés. Mon père avait reçu la médaille du courage de l'armée
19 partisane. Il avait combattu le fascisme depuis 1941. En 1948, on l'a
20 accusé d'avoir des liens avec le inform bureau, ce qui n'était pas vrai.
21 Mon père fut arrêté et envoyé au quartier pénitentiaire de Goli Otok. Le
22 fils de quelqu'un qui avait été interné à Goli Otok, ne pouvait pas avoir
23 une vie normale au Monténégro à ce moment-là. Cette personne aurait
24 forcément des difficultés. Il était très difficile d'avoir une vie normale.
25 Telle était la situation que je devais faire face pendant mes jeunes
Page 1156
1 années.
2 Q. Est-ce que cela signifie que pendant toute la durée de vos études et
3 lorsque vous avez trouvé un emploi par la suite, vous aviez des
4 difficultés, autrement dit, c'était compliqué pour vous ?
5 R. Oui. J'ai eu beaucoup de problèmes au début. Après, les gens se sont
6 rendus compte que je n'étais pas un ennemi, que j'étais un homme digne. Par
7 conséquent, j'ai eu beaucoup moins de problèmes par la suite. Les choses
8 ont évolué normalement, de façon beaucoup plus facile après. Il est vrai
9 qu'à l'origine, j'ai eu du mal. Une année, je n'ai pas pu faire partie de
10 l'école navale. Ils pensaient que si j'étais marin, je n'aurais pas le
11 droit de voyager à l'étranger étant donné que j'étais le fils de quelqu'un
12 qui avait appartenu au inform bureau. Par la suite, j'ai eu l'autorisation
13 de me rendre à l'étranger. Ce point était souvent abordé, on me disait
14 toutes les fois que je souhaitais partir à l'étranger. On pouvait longer la
15 côte adriatique sans quitter la région. Il y avait Jugolinija, le navire
16 sur lequel j'ai beaucoup voyagé. J'ai pu voyager à bord du Jugolinija, et
17 c'est ainsi que ma carrière s'est développée. J'ai ensuite été le plus
18 jeune président, le plus jeune directeur de toute entreprise. J'étais le
19 plus jeune commandant de bateau de toute la Yougoslavie à ce moment-là. A
20 l'origine j'ai eu beaucoup de difficultés, beaucoup de mal. Par la suite,
21 je crois que ceci s'est estompé et mes efforts et mon travail ont été
22 récompensés.
23 Q. Ces problèmes ont-ils fait que vous avez recherché un emploi à Croatie
24 après vos études parce que vous ne pouviez pas obtenir un emploi à
25 Monténégro ?
Page 1157
1 R. Je ne le dirais pas exactement comme cela; je n'ai pas pu trouver
2 d'emploi au Monténégro. J'ai, en fait, en réalité, trouvé un emploi à
3 Monténégro. Mon tout premier emploi était avec la Jugooceanija. J'étais un
4 apprenti à l'époque. Une fois que j'avais terminé mon stage, on m'a donné
5 un emploi fixe sur la Jugolinija, parce qu'il n'y avait pas de postes
6 vacants sur la Jugooceanija. J'étais promu à bord de la Jugolinija. J'avais
7 25 ans à l'époque. J'étais le premier officier et j'avais 27 ans. A 27 ans
8 j'étais commandant de navire.
9 Q. Ne perdons pas de temps. En 1974, vous avez travaillé à bord de la
10 Jugooceanija, à Kotor. A ce moment-là, le directeur de la Jugooceanija a
11 pris sa retraite. Pour autant que je sache, votre nom a été prononcé et on
12 souhaitait que vous deveniez le directeur de la Jugooceanija, n'est-ce pas
13 ?
14 R. Oui.
15 Q. Y a-t-il quelque chose qui vous a empêché de remplir cette fonction à
16 ce moment-là ?
17 R. Je n'ai eu aucune entrave au plan personnel mais des gens pensaient que
18 j'étais encore un peu trop jeune pour devenir le directeur de Jugooceanija
19 et j'ai été, à ce moment-là, nommé député du parlement yougoslave.
20 Q. Nous y reviendrons plus tard. Je souhaite maintenant parler de la toute
21 première période après que le directeur de la Jugooceanija a pris sa
22 retraite, et avant la nomination du nouveau directeur.
23 R. Très bien. Les gens disaient que je devrais être nommé directeur mais
24 il n'y avait pas que moi. Toutes les fois qu'un nouveau directeur était
25 nommé, Monsieur Rodic, il y avait évidemment plusieurs candidats, et
Page 1158
1 j'étais parmi ces candidats. J'ai, pour finir, je n'étais pas été nommé à
2 ce poste. Quelqu'un qui avait eu une position hiérarchique plus importante
3 que la mienne, Bockcevic a été nommé.
4 Q. Je souhaite vous rappeler qu'à la page 3 de votre déclaration, vous avez
5 dit : "Quoiqu'il en soit, le parti communiste du Monténégro s'est opposé à
6 ma nomination. Il considérait que j'étais le fils d'un traître et par
7 conséquent, je n'étais pas digne d'être promu à ce poste." C'est ce que
8 vous avez dit aux enquêteurs, n'est-ce pas ?
9 R. Je ne pense pas que ce soit précisément la déclaration que j'ai faite.
10 Cela ressemblait à cela. Les gens pensaient qu'il était encore trop tôt que
11 je devienne directeur. J'étais le fils d'un homme qui avait était considéré
12 comme un traître. Par conséquent, je ne suis pas nommé.
13 Q. Est-ce que vous avez relu votre déclaration avant de la signer ?
14 R. Oui, tout à fait. Je ne pense pas que ce que vous dites est
15 particulièrement pertinent.
16 Q. Je vous prie de simplement répondre à mes questions. Ceci nous
17 permettra de gagner du temps, parce que nous n'avons pas beaucoup de temps.
18 L'INTERPRÈTE : Est-ce que les orateurs peuvent ralentir s'il vous plaît,
19 parce qu'il y a chevauchement au niveau de la traduction.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je demande à ce qu'on remette de
21 l'ordre ici, s'il vous plaît. Vous vous interrompez pour passer d'une
22 question à l'autre et vous oubliez complètement la traduction. Vous savez
23 que les interprètes ont besoin de pause entre les questions et les
24 réponses. De façon encore plus importante, lorsqu'une question est posée,
25 Monsieur Samardzic, si vous auriez l'amabilité de répondre à cette
Page 1159
1 question, puisque évidement vous la comprenez. Vous devriez pouvoir
2 répondre à cette question, ce qui permettra à M. Rodic de passer à la
3 question suivante. Il y a certaines des questions vous concernant qui
4 peuvent être abordées un peu plus tard au cours de cette audience au moment
5 des questions supplémentaires posées par Mme Somers.
6 Merci, Monsieur Rodic.
7 M. RODIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Ce que
8 je souhaite, Monsieur, c'est que vous répondiez par des réponses courtes,
9 s'il vous plaît.
10 Q. Je viens de lire le premier passage à la page 3 de votre déclaration,
11 et c'est pour cela que je vous ai demandé si vous avez relu votre
12 déclaration avant de la signer.
13 R. Oui, j'ai lu cette déclaration avant de la signer, et c'est la raison
14 pour laquelle je l'ai signée.
15 Q. Vous avez donc imposé votre signature en bas de cette déclaration parce
16 que vous avez estimé que cette déclaration était conforme à vos propos.
17 R. Il y avait un certain nombre d'erreurs qui ont été corrigées à ce
18 moment-là. Mais si vous y insistez : En 1974 -- ou plutôt, ma nomination en
19 tant que directeur général, il y avait un certain nombre de facteurs
20 déterminants à cela à ce moment-là, y compris ce que vous avez évoqué.
21 J'étais le fils d'un traître et certaines personnes disaient que pouvais,
22 de ce fait, ne pas être nommé directeur. Cela je ne le mets pas en doute.
23 Q. Le point de vue que j'ai est quelque peu différent. Je vais vous dire
24 pourquoi.
25 R. Mais je vous en prie.
Page 1160
1 Q. Après avoir trouvé un emploi auprès de la Jugolinija, vous avez été
2 promu rapidement. Vous êtes devenu le directeur de cette institution en
3 1974, et autrefois vous étiez travaillé avec la Jugooceanija. En 1970, vous
4 avez suivi un stage sur le transport maritime et la gestion. Sous l'égide
5 de la conférence des Nations Unies sur le commerce et de développement à
6 Genève, alors que vous avez été toujours employé auprès de la Jugooceanija,
7 et lorsque vous avez terminé votre stage, on vous a demandé d'aller
8 travailler au Quartier général en tant qu'administrateur commercial ou du
9 service de comptabilité pour gérer les factures qui arrivaient du monde
10 entier. En 1974, vous avez été promu capitaine du port. Ensuite, vous êtes
11 devenu contrôleur maritime. En 1974, la ligue des Communistes, dont vous
12 étiez membre, vous a nommé député au sein de l'assemblée yougoslave. En
13 1978, votre mandat a expiré et on vous a nommé président de l'association
14 de l'autogestion, l'autogestion en matière de commerce extérieur. A la fin
15 de l'année 1982, on vous a nommé représentant de la Chambre de commerce
16 yougoslave en Australie. En chemin 1983, vous avez été envoyé à Sydney.
17 Cinq ans plus tard, ayant vécu cinq ans à Sydney, vous êtes rendu à
18 Brisbane, où vous avez contribué à l'organisation de l'exposition de 1988.
19 Au début de l'année 1990 [comme interprété], vous êtes revenu au
20 Monténégro, très précisément. Le 9 mai 1989, et peu de temps après votre
21 retour, on vous a nommé directeur de la Jugooceanija. Au mois de novembre,
22 vous avez été élu député auprès de l'assemblée monténégrine lors des
23 premières élections libres dans ce pays. Vous avez été nommé par la ligue
24 des Communistes qui a changé de nom et qui est devenu le parti de
25 socialiste démocrate. En juillet 1990, vous avez été nommé représentant du
Page 1161
1 Monténégro auprès de la Chambre fédérale des Républiques.
2 En février 1991, vous avez été élu ministre des affaires Etrangères dans le
3 gouvernement du Monténégro. Le premier ministre était Milo Djukanovic, et
4 vous étiez toujours député de l'assemblée, et vous étiez toujours le
5 directeur de Jugooceanija, ce qui signifie que vous occupiez trois postes
6 en même temps.
7 En 1992, si mes renseignements sont exacts, le 26 mai 1992, vous avez été
8 démissionné à votre poste de ministre des Affaires étrangères. Le 8 juin
9 1992, vous avez déplacé votre famille, et vous les avez emmenés à Malte, à
10 cause des sanctions qui avaient été déposées. Depuis Malte, vous avez
11 repris vos activités en tant que chef d'entreprise, Jugooceanija. D'après
12 tous les postes que j'ai énumérés, est-ce exact ? Est-ce que la liste que
13 je viens d'énumérer est exacte ?
14 Mme SOMERS : [interprétation] Pardonnez-moi, mais aucune question n'a été
15 posée au témoin. Il s'agit simplement d'un descriptif de votre déclaration.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Une question vient d'être posée :
17 "Cette liste est-elle exacte ?"
18 Mme SOMERS : [interprétation] Très bien.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Rodic, votre question est-
20 elle : "Est-ce que tout ceci exact ?"
21 Monsieur Samardzic ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] La plupart de ce que vous avez dit est exact,
23 à quelques exceptions près que je souhaite préciser. Je n'ai pas été nommé,
24 comme vous l'avez dit, par le parti.
25 M. RODIC : [interprétation]
Page 1162
1 Q. Je dois vous interrompre. Veuillez écoutez ce que j'ai dit, s'il vous
2 plaît. Lorsque j'ai donné la liste des postes que vous avez occupés, je
3 n'ai pas parlé du parti. J'ai simplement dit que votre nom avait été avancé
4 par la Ligue des communistes. Votre nom avait été prononcé par la Ligue des
5 communistes, qui est devenu par la suite, le parti socialiste démocratique.
6 Je n'ai jamais parlé de parti communiste dans ce contexte-là. Ce que je
7 souhaite entendre de votre bouche, est l'élément suivant. Toutes ces
8 informations contenues dans votre curriculum vitae, sont-elles exactes ?
9 S'il y a une erreur, veuillez nous le préciser, s'il vous plaît.
10 R. En premier lieu, lorsque vous dites "nommé", chacun sait qui nomme les
11 gens. Lorsque vous parlez ainsi, on peut comprendre que les gens aient été
12 élus par le parti communiste, ce qui n'était mon cas. Certaines des dates
13 que vous avez évoquées sont incorrectes. Il est vrai qu'en 1974, j'ai
14 participé à un séminaire organisé par la conférence des Nations Unies sur
15 le commerce et le développement. Vous vous êtes trompé de quatre ans. La
16 différence, aussi, c'est qu'après 1970, j'ai travaillé à Kotor pour
17 Jugooceanija. Avant cette date-là, je naviguais sur des bateaux. Ce sont
18 des différences qui ne sont pas particulièrement importantes, mais comme
19 vous m'avez demandé de préciser, je souhaite vous dire que ces détails ne
20 sont pas exacts.
21 Q. J'ai peut-être cité une mauvaise date, mais dans votre déclaration,
22 vous dites que vous avez participé à ce séminaire à Genève en 1970.
23 R. Il s'agissait de l'année de 1974.
24 Q. Mais tous ces postes qui ont été décrits, sont contenus dans votre
25 curriculum vitae ?
Page 1163
1 R. Oui, tout à fait. Si vous regardez l'enchaînement des événements, ce
2 n'était pas généralement comme ceci que les choses se passaient en ex-
3 Yougoslavie. Je n'ai pas été nommé directeur par le parti, mais à la suite
4 d'un référendum organisé par les travailleurs. Ce qui était tout à fait
5 contraire au point de vue du comité du parti. Lorsque j'ai été nommé
6 directeur de Jugooceanija en 1989, le parti était contre cette nomination.
7 Ce que je tiens à dire, c'est que ce que vous avez pu lire, ici, représente
8 l'envers du décor, si vous voulez.
9 Q. Est-ce que d'autres personnes ont perdu leur emploi, ou on eu les mêmes
10 difficultés que vous, à cause de votre passé ?
11 R. Oui, tout à fait. C'était particulièrement difficile pour moi dans ma
12 jeunesse, car les gens ne savaient pas ce que j'allais faire. A deux
13 reprises, j'ai dû quitter l'école. A Cetinje, j'ai été renvoyé de l'école.
14 J'étais dans ma quatrième année, et j'ai été renvoyé d'autres écoles aussi.
15 Vous n'avez pas dû lire ce passage-là. C'était tout simplement parce que
16 mon père était allé à Goli Otok. J'ai livré qu'il fallait avoir une
17 certaine force de caractère pour pouvoir traverser tout cela.
18 Q. Oui, je comprends fort bien. Dites-moi, connaissez-vous d'autres
19 personnes qui ont été accusées de choses semblables et qui ont réussi
20 également, à avoir une carrière aussi brillante que la vôtre ? Pourriez-
21 vous nous donner d'autres exemples ?
22 R. Je ne peux pas vous donner de chiffre, mais il y avait de gens dans le
23 même cas, qui avaient eu beaucoup de difficultés pour commencer. La
24 situation en Yougoslavie était telle, que vous êtes de prime à bord puni,
25 mais vous êtes accepté par la suite. C'est ainsi que les choses
Page 1164
1 fonctionnaient en ex-Yougoslavie. Personne n'aurait pu m'accuser d'être en
2 faveur de l'inform bureau. Ils pouvaient simplement dire que j'étais le
3 fils d'un tel homme.
4 Q. Je crois que vous exagérez un petit peu les difficultés que vous avez
5 rencontrées lorsque vous étiez jeune, parce que vous avez occupé des postes
6 très importants au Monténégro et en ex-Yougoslavie.
7 Vous avez dit que vous avez été absent du Monténégro pendant environ cinq
8 ans et demi, jusqu'en 1989. Est-ce exact ?
9 R. Oui, absolument.
10 Q. Est-il exact qu'au mois de juillet 1992, vous avez à nouveau quitté le
11 Monténégro ?
12 R. Non, en juin 1992, je me suis rendu à Malte. Je suis revenu au
13 Monténégro au mois de juillet, pour rencontrer le secrétaire des Affaires
14 étrangères du Royaume Uni. J'ai passé deux jours à Belgrade sur
15 l'invitation de Milo Djukanovic. Je suis ensuite reparti à Malte.
16 Q. Depuis le mois de juillet 1992 et jusqu'au jour d'aujourd'hui, vous
17 n'avez pas vécu au Monténégro. Est-ce exact ?
18 R. Non. J'ai visité le Monténégro entre-temps.
19 Q. Avez-vous résidé et travaillé au Monténégro, ou avez-vous simplement
20 visité le Monténégro ?
21 R. Je ne sais pas comment le qualifier, mais jusqu'en 1994, j'étais le
22 directeur de Jugooceanija, et je me trouvais à Malte. Je me rendais souvent
23 à Kotor où se trouvait le quartier général de cette société. Le siège de la
24 société se trouvait à Kotor. Il ne s'agit pas de quartier général, mais de
25 siège de l'entreprise.
Page 1165
1 Q. Entre 1994 et 2004, avez-vous vécu au Monténégro ?
2 R. Oui.
3 Q. Pouvez-vous me dire ce que vous faites au Monténégro ?
4 R. Je suis retraité, en tout cas, aux yeux des autorités yougoslaves.
5 Mme SOMERS : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous interromps, mais il
6 me semble que la traduction et ce que voyons à l'écran ne semble pas
7 correspondre. La question qui avait été posée à la ligne 17 : "Entre 1994
8 et 2000," je crois que la question que vous avez posée était, "Avez-vous
9 vécu en dehors du Monténégro ?" Le compte rendu d'audience indique "au
10 Monténégro."
11 M. RODIC : [interprétation] C'est exact. J'ai demandé au témoin si entre
12 l'année 1994 et l'année 2004, il a vécu en dehors du Monténégro.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Rodic.
14 M. RODIC : [interprétation]
15 Q. Puis-je entendre votre réponse à nouveau, s'il vous plaît ?
16 R. Après avoir été renvoyé de Jugooceanija en 1994, j'ai continué à
17 résider à Malte, et je me suis ensuite rendu en Australie qui est l'endroit
18 où j'habite actuellement.
19 Q. Est-ce que vous suivez les évènements en Yougoslavie, ce qui est appelé
20 maintenant la Serbie et le Monténégro, et SRFY ?
21 R. Oui, je reçois tous les journaux. Je suis tout à fait au courant. J'ai
22 Internet également. Je suis tout à fait au courant de ce qui s'y passe.
23 Q. Je suppose qu'après votre démission du poste de ministre des Affaires
24 étrangères, vous vous êtes tenu au courant des événements en Yougoslavie,
25 parce que vous lisiez les journaux. Vous vous êtes rendu de façon
Page 1166
1 occasionnelle en ex-Yougoslavie, vous rendiez à Kotor et vous travailliez
2 toujours pour la Jugooceanija.
3 R. Oui, tout à fait. J'ai suivi les événements. Je ne faisais partie de
4 l'équipe dirigeante, mais ce que tout un chacun pouvait recevoir comme
5 actualité, je la recevais.
6 Q. Etant donné les événements de 1991 et 1992, avez-vous constaté que vous
7 avez changé depuis la période de 1991, 1992, maintenant au niveau de votre
8 comportement, de votre façon de voir les choses, ou est-ce que vous estimez
9 que rien n'a changé ?
10 R. Pour ce qui est de mon point de vue et de mon approche des événements,
11 rien n'a changé. Je ne pouvais pas accepter ce qui s'est passé en ex-
12 Yougoslavie. Certains l'ont qualifié comme étant la défense de la
13 Yougoslavie. J'ai toujours estimé que c'était quelque chose d'épouvantable,
14 que le Monténégro avait commis des actes très graves, et que c'était une
15 honte pour notre pays. C'est ce que je pense toujours aujourd'hui.
16 Q. Merci beaucoup. Avez-vous été appelé à la barre en tant que témoin dans
17 le cas de l'affaire Milosevic ?
18 R. Oui, tout à fait.
19 Q. Pouvez-vous nous dire à quel moment c'était ?
20 R. En 2002. Il y a environ un an et demi.
21 Q. Etant donné que vous dites que vous suivez les événements en Serbie et
22 au Monténégro, y a-t-il eu des réactions au Monténégro après avoir donné
23 votre témoignage devant ce Tribunal ? Savez-vous quelles ont été ces
24 réactions ?
25 R. Oui, tout à fait.
Page 1167
1 Q. Avez-vous dénoncé certaines de ces réactions, ou avez-vous fait des
2 déclarations à ce moment-là ?
3 R. Oui, tout à fait. Il était difficile de dénoncer quoique ce soit.
4 C'était une attaque vraiment personnelle. J'aurais eu besoin de 20 jours
5 pour contester tout ce qui avait été dit dans la presse à mon sujet, hormis
6 quelques choses agréables. Une partie de la presse était de mon côté, mais
7 l'autre partie de la presse, en particulier la presse de Belgrade, a dit
8 des choses très désagréables, Il eut mieux valu ignorer tout cela.
9 Q. Avez-vous été attaqué par la presse monténégrine ?
10 R. Oui, tout à fait. Le quotidien chetnik Dan a lancé une attaque en règle
11 contre moi. Je crois que ce n'est même pas nécessaire d'en parler. Tout
12 ceci est un tissu de mensonge. C'est le journal Dan qui a rapporté tout
13 cela. C'est un journal bien connu qui invente beaucoup d'histoires. J'ai
14 essayé de leur envoyer des articles. Ils en ont publié un certain nombre,
15 mais ils ne les ont pas publié tous.
16 Q. De façon générale, rencontrez-vous des difficultés au Monténégro, ou
17 est-ce que vous avez décidé de ne pas vivre au Monténégro pour des raisons
18 professionnelles ?
19 R. Il n'y a absolument aucun problème particulier. Après l'entreprise
20 Jugooceanija, l'entreprise dont j'étais directeur, a été dissoute. J'étais
21 persuadé que j'étais un excellent directeur, et que j'aurais dû recevoir ce
22 qui m'est dû. Par contre, il y a d'autres personnes qui croyaient le
23 contraire. Jugooceanija était une entreprise qui avait plus de 22 navires
24 transocéaniques. Elle est passée par les sanctions et --
25 Q. Je vous interromps pour vous dire, si j'ai bien compris, votre problème
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1 avec le Monténégro est causé par cette ancienne entreprise Jugooceanija ?
2 R. J'ai un problème avec l'entreprise Jugooceanija, puisqu'elle se trouve
3 à Kotor Grad. Certaines personnes pensent encore une fois, c'est des
4 mensonges, que j'étais responsable du démantèlement de l'entreprise
5 Jugooceanija. Après mon départ, il y avait 17 navires qui étaient restés.
6 J'ai pris ma retraite il y a dix ans.
7 Q. Est-ce que vous avez été tenu responsable de la faillite de cette
8 entreprise ?
9 R. Non, pas du tout. Certains quotidiens tel Dan inventent des histoires,
10 trouvent des journalistes ou des marins qui écrivent n'importe quoi, ceux
11 qui s'exprimaient, qui écrivaient des articles dans ce genre de journal. Je
12 ne suis tenu responsable d'absolument rien. Ce n'est qu'une question de
13 médisance, des personnes qui sont payées pour dire des mensonges. Il est
14 tout à fait désagréable d'entendre ce genre de propos. Pour ce qui est du
15 gouvernement du Monténégro, du syndicat et de qui que ce soit, personne ne
16 peut me tenir responsable de la faillite de cette entreprise, puisque
17 j'étais un directeur exemplaire de cette entreprise.
18 Q. Bien. Si les organes officiels du gouvernement ne vous tient pas
19 responsable pour cela, pourquoi ne pouvez-vous plus revenir au Monténégro,
20 puisque vous avez néanmoins de la famille là-bas ?
21 R. Qui vous a dit que je ne pouvais plus jamais revenir au Monténégro ?
22 Q. Vous venez de dire que la raison pour laquelle vous séjourné à
23 l'étranger, c'est parce que vous avez un problème avec le Monténégro, et
24 avec l'ancienne entreprise Jugooceanija.
25 R. Non, mais cela ne veut pas dire que je n'ai pas le droit, que je ne
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1 peux pas me présenter là-bas. Je ne veux certainement pas avoir des
2 problèmes avec des types qui me disent : "Tu es responsable pour la
3 faillite de cette entreprise."
4 Q. Oui, je comprends. Je vais passer maintenant à autre chose. Je présume
5 qu'à l'époque, pendant laquelle vous avez séjourné, vécu et travaillé en
6 ex-Yougoslavie, pendant que vous occupiez le poste de ministre des Affaires
7 étrangères, je présume que vous connaissiez très bien la constitution de
8 l'ex-RSFY ?
9 R. Oui, bien sûr. Je dois dire et ajouter que j'ai même travaillé à la
10 rédaction de la constitution.
11 Q. De la RSFY ou de la SRJ.
12 R. Non. C'est pour la RSFY bien sûr, pas pour la SRJ.
13 Q. Simplement pour clarifier.
14 R. Oui, je veux clarifier aussi.
15 Q. Vous devez connaître sans doute les lois fédérales de cette période, de
16 la période de la RSFY ?
17 R. Oui, bien sûr.
18 Q. Est-ce que vous savez à quel moment on a publié la nouvelle
19 constitution de la République de Croatie, c'est-à-dire je crois, plutôt je
20 pense à la période qui a précédé la guerre ?
21 R. C'était en 1990, je présume. Je ne le sais pas tout à fait.
22 Q. Oui, c'est juste. Dites-nous si cette constitution était conforme à la
23 constitution de la RSFY ?
24 R. Je crois que non. Je ne le sais pas, je ne sais pas avec précision.
25 Q. Si vous ne savez pas, je vais vous confirmer que la constitution de la
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1 Croatie n'était pas en conformité avec la constitution de la RSFY. Est-ce
2 que vous savez si elle a procédé à la formation de forces armées.
3 R. Oui, on avait procédé à la formation de forces armées.
4 Q. Pouvez-vous nous répondre quelles étaient les forces armées légales qui
5 étaient conformes à la constitution de la RSFY ?
6 R. C'étaient la JNA et la Défense territoriale.
7 Q. Toutes les autres forces armées, qui ne portaient pas les noms que vous
8 venez d'énumérer, peut-on les appeler forces paramilitaires à l'intérieur
9 d'un état gouverné par la loi ?
10 R. Oui, certainement, à moins que l'on ait procédé à la constitution ou la
11 formation d'un nouvel état. La Croatie avait procédé à la formation de son
12 propre état. Elle pouvait donc procéder à la création des ses propres
13 forces armées.
14 Q. A quel moment, selon vous, la Croatie a-t-elle procédé à la création
15 d'un état indépendant ?
16 R. Et bien, lorsqu'elle s'est proclamée indépendante de la Yougoslavie,
17 selon la constitution de la Yougoslavie.
18 Q. A quel moment ?
19 R. C'était le 13 mai 1990 ou peut-être le 25 juin, si je ne m'abuse. Le 30
20 juin, c'était d'abord une réunion et, ensuite, si je me souviens bien,
21 c'était le 30 mai.
22 Q. Si je vous parlais du 25 et du 26 juin 1991, on parle de l'indépendance
23 de la proclamation de l'indépendance de la part de l'assemblée croate. Est-
24 ce que vous pouvez nous dire si la Croatie, avant cette date, avait
25 commencé à créer des forces armées ? Est-ce que vous savez si elle avait
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1 travaillé là-dessus et est-ce que vous savez si ces formations
2 paramilitaires existaient déjà ?
3 R. Si je ne m'abuse, il y avait des unités policières de Croatie, telle
4 celle qu'on avait à Borovo Selo. Mais pour vous dire qu'il y avait une
5 armée croate, je n'avais pas connaissance de cela à l'époque.
6 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de la Garde nationale ?
7 R. Oui, à l'époque, j'avais entendu parler de cela, mais je ne croyais pas
8 que c'était une nouvelle armée. Je considérais qu'il s'agissait d'une garde
9 nationale et telle qu'on avait à la Défense territoriale au Monténégro.
10 Q. Bien. S'agissant donc de la Garde nationale, est-ce que vous aviez
11 entendu dire qu'elle a été formée avant cette période et avant la
12 déclaration de l'indépendance, c'est-à-dire avant le mois de juin 1991 ?
13 R. Je ne me souviens pas, puisqu'à l'époque j'étais plutôt concentré sur
14 les rapports avec Dubrovnik. J'étais le directeur de Jugooceanija. Je
15 voulais établir des liens avec Belgrade. Et je n'ai pas pu remarquer, à
16 Dubrovnik, les membres du ZNJ, de la Garde nationale.
17 Q. Je souhaiterais vous rappelez que, néanmoins, dans la première partie
18 de l'année 1991, outre le fait d'avoir été directeur, vous êtes devenu
19 ministère des affaires Etrangères au sein du gouvernement de Monténégro.
20 Vous étiez également député au parlement. Je vous pose des questions, à
21 savoir, si vous aviez des renseignements, outre votre travail, que vous
22 faisiez à l'époque, c'est-à-dire qu'il s'agissait de choses qui étaient
23 contestées par le public général.
24 R. Excusez-moi, mais on ne peut pas parler de cette façon-là. Il est vrai
25 que j'ai participé aux sessions de l'assemblée nationale. J'ai été délégué
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1 de l'assemblée des républiques. Et il y avait certains problèmes, mais pas
2 au point où il fallait mener une guerre. Il y avait certaines unités qui
3 étaient formées, non seulement en Croatie, mais partout.
4 Q. Attendez, je vous interromps. Je n'essaie pas de vous faire mettre des
5 paroles dans la bouche, mais je vous pose une question concrète et vous
6 avez le droit de répondre à cette question. Je souhaiterais que l'on évite
7 des débats dans ce prétoire. Je vous pose des questions concrètes et je
8 vous demanderais de répondre de façon concrète, sans élaborer et débattre
9 de ces points. Je ne peux pas faire ou donner mon point de vue. Je ne veux
10 pas faire d'échanges ni de débats. Je vous pose des questions simples.
11 Dites-nous d'abord, est-ce que vous saviez que la Garde nationale avait été
12 formée avant le 25 juin 1991 ? Est-ce que vous aviez entendu parler de
13 cela ? Je vous prie, répondez par un oui ou par un non.
14 R. J'avais entendu dire que telles unités avaient commencé à se former,
15 mais je n'avais pas compris, à l'époque, que c'était au point où on avait
16 commencé à procéder à la création d'une armée croate.
17 Q. Bien, merci. Dans le cadre de votre travail, pendant cette période,
18 est-ce que vous avez entendu parler du parti croate Pravo [phon], à la tête
19 de laquelle se trouvait Anto Paraga.
20 R. Oui.
21 Q. Est-ce que vous avez parlé de leurs formations d'armées ?
22 R. Non. J'avais entendu parler du fait que c'est des Oustachi, qu'ils
23 étaient à la droite. Ils prenaient des idées d'Oustacha, mais je ne croyais
24 pas qu'ils représentaient un danger pour la Yougoslavie.
25 Mais bon, pour dire qu'ils existaient. Oui, effectivement, ils existaient.
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1 Q. Pourriez-vous nous le dire, s'agissant de ce parti, quelle était la
2 propagande qu'elle faisait à l'époque ?
3 R. Elle suivait le parti d'Ante Starcevic. Elle prenait les idéologies de
4 ce dernier. C'est la raison pour laquelle il s'appelait le parti croate.
5 Elle parlait de la sécession des Serbes. C'était un parti qui épousait
6 certaines idées nationalistes également, qui ressemblait aux idées des
7 Oustachi de la Deuxième Guerre mondiale.
8 Q. S'agissant d'Ante Pavelic, de qui s'agissait-il ?
9 R. Ante Pavelic était du côté de Hitler, de l'Italie fasciste, de
10 l'Allemagne, les fascistes.
11 Q. Bien. Donc vous sommes d'accord avec nous pour dire qu'en 1990 et 1991,
12 Praga était de promouvoir son parti sur un plateforme en parlant des idoles
13 qui étaient des modèles pendant la Deuxième Guerre mondiale.
14 R. Oui, effectivement, c'est exact.
15 Q. Je voudrais savoir et vous demander de nous dire, sans encore une fois
16 parler de leurs forces, j'aimerais savoir si une telle formation armée
17 formée par leur parti, est-ce qu'une telle formation armée pouvait être
18 légale à l'époque sur le territoire de la RSFY avant en conformité avec la
19 constitution de la RSFY, en prenant pour acquis que la constitution de
20 l'époque était en vigueur et que la JNA représentait la seule armée légale
21 du pays ?
22 R. Non. A ce moment-là, ce n'était pas une armée légale.
23 Q. Pouvez-vous nous dire, si vous le savez, si le 11 décembre 1990, la
24 présidence du RSFY ait présenté, pour la première fois, une information
25 concernant l'organisation paramilitaire et une importation d'armes
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1 illégales de la part des Croates lorsqu'on a commencé à la création de
2 devoir mobiliser plutôt les membres du MUP, du ministère de l'Intérieur,
3 que ces armes étaient transmises à la Garde nationale ?
4 R. J'avais entendu parler de cela mais je n'ai pas de particularités. Je
5 n'ai pas de détails.
6 Q. Est-ce que vous connaissez l'information donnée par le secrétariat
7 fédéral de la Défense nationale concernant la mise en place d'unités
8 paramilitaires de la RSFY qui existaient en Croatie avec le but de
9 s'approprier une munition et des armes au début de l'année 1990 ?
10 R. Je sais qu'à l'époque, on procédait à la création de la République de
11 la Krajina.
12 Q. Je ne vous pose pas cette question. Je veux savoir si vous aviez une
13 information concernant le SSNA ?
14 R. Non.
15 Q. Est-ce que vous suiviez les programmes à la télévision ? Est-ce que
16 vous lisiez les journaux et au cours de votre travail, dans le cadre de
17 votre travail au parlement, est-ce que vous aviez entendu parler de ce
18 genre de choses ?
19 R. A l'époque, effectivement, je travaillais au parlement et la façon dont
20 vous citez, dont vous parlez des choses, effectivement, au parlement on
21 n'en parlait pas.
22 Q. Est-ce que vous regardiez, est-ce que vous avez regardé une émission à
23 la télévision, il y avait un film qui parlait de l'importation illégale
24 d'armes de la Hongrie en destination de la Croatie en 1990 ?
25 R. Oui, effectivement. J'ai regardé un film. J'ai vu un film qui parlait
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1 de cela mais j'ai vu également d'autres films qui parlaient du contraire.
2 Q. Excusez-moi, je vous prie.
3 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président --
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Rodic, il y a un problème.
5 Continuez, Maître Rodic. Vous posez une question. Si vous obtenez une
6 réponse qu'il ne vous convient pas, ou la réponse dont vous ne vous
7 attendiez pas de recevoir, vous interrompez le témoin et vous reposez une
8 question. Vous devez d'abord attendre que le témoin vous réponde. Vous ne
9 pouvez pas interrompre le témoin. Vous ne pouvez pas parler, interrompre le
10 témoin de façon continue. Cela devient très ardu et difficile à écouter.
11 M. RODIC : [interprétation] Je suis vraiment désolé, Monsieur le Président.
12 Je souhaitais simplement obtenir des réponses concrètes aux questions
13 concrètes. Mais à chaque fois que je pose une question concrète, le témoin
14 élabore et donne des réponses qui ne sont pas liées à ma question.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je comprends tout à fait bien Maître
16 Rodic, la question. Je comprends le problème mais si cela se poursuit, je
17 demanderai au témoin directement de s'en tenir à vos questions. Mais pour
18 l'instant, je vous demanderais de permettre au témoin de répondre et de ne
19 pas l'interrompre.
20 M. RODIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
21 Q. S'agissant de la présidence qui a envoyé un envoi le 9 janvier 1991,
22 parlant de formations paramilitaires qui dit que ces créations sont en
23 train de causer des conflits, qui prennent une proportion énorme, et qui
24 peuvent mettre en danger l'intégrité des citoyens de la RSFY ?
25 R. Oui, tout à fait. Mais cela ne se rapportait pas seulement à la
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1 formation des unités paramilitaires. Cela se rapportait à toutes les
2 formations semblables. Il s'agissait du démantèlement de la Yougoslavie et
3 tout le monde se préparait à détruire et à démanteler la Yougoslavie, pas
4 seulement la Croatie.
5 Q. La Croatie se préparait-elle à procéder au démantèlement de la
6 Yougoslavie ?
7 R. Probablement que oui.
8 Q. Est-ce que vous êtes certain pour les autres républiques, alors que
9 pour la Croatie vous ne faites que le supposer.
10 R. Ne me mettez pas des mots dans la bouche. Je suis tout à fait certain,
11 qu'à l'époque, pour ce qui est de l'ensemble de la Yougoslavie, il y avait
12 un sentiment nationaliste et chaque état voulait procéder au démantèlement
13 du pays.
14 Q. Est-ce que la Croatie voulait procéder à la formation d'un état
15 indépendant ? Etait-ce le programme du parti au pouvoir de l'époque ?
16 R. Oui. La Croatie souhaitait se séparer. Si vous pensez au HDZ, le
17 conseil croate démocrate voulait décidément se séparer de la Yougoslavie
18 puisque la constitution de la Yougoslavie permettait non seulement aux
19 Croates mais à toutes les nationalités et nations à l'autodétermination et
20 à la sécession. De façon pacifique, nous aurions pu nous séparer sans avoir
21 recours aux armes selon la constitution.
22 Q. Qui avait le droit à l'autodétermination et à la sécession selon la
23 constitution de la RSFY ?
24 R. Chaque république avait ce droit, non pas seulement la Croatie mais le
25 Monténégro, la Serbie, la Macédoine, la Croatie, la Slovénie.
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1 Q. Je vais essayer de vous rappeler : Il s'agit-il de république ou de
2 peuple ?
3 R. Les uns et les autres, donc la république et le peuple.
4 Q. Si nous avons déjà constaté, après avoir reçu vos réponses et surtout
5 après avoir entendu l'une de vos réponses à l'une de mes questions posées
6 précédemment, vous avez dit que la nouvelle constitution de la République
7 de Croatie n'était pas en conformité avec la constitution fédérale. Comment
8 se peut-il que l'on puisse parler d'une sécession légale qui ne peut donc
9 pas être en conformité avec les dispositions de la constitution de la RSFY
10 qui fait état de ces questions ?
11 R. Excusez-moi, mais si la constitution n'est pas en conformité avec
12 l'autre constitution, ne veut pas dire que c'est anticonstitutionnel ou
13 illégal. La constitution croate n'était pas en conformité avec la
14 constitution de la RSFY, ce qui ne veut pas dire que la constitution, à ce
15 moment-là, était complètement illégale et anticonstitutionnelle. Je ne
16 connais pas les détails par cœur, cela fait bien longtemps que je n'ai relu
17 les dispositions mais je sais que la Croatie, et non seulement la Croatie,
18 mais toutes les autres républiques avaient le droit d'entamer une procédure
19 visant à se séparer de la Yougoslavie.
20 Q. De quelle façon l'a-t-elle fait la Croatie ?
21 R. Au tout début, de façon pacifique, et par la suite, est devenu un
22 conflit armé parce que, justement, des comités autogestionnaires, des
23 régions autonomes étaient en train de se former. Le conflit a commencé. La
24 guerre a commencé. Dans une telle situation, il est tout à fait clair que
25 les normes juridiques n'étaient plus appliquées mais c'était les armes qui
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1 parlaient.
2 Q. Pouvez-vous nous dire de quelle période s'agit-il ? De quelle façon la
3 Croatie a-t-elle entamé ce processus de sécession ? Comment a-t-elle
4 appliqué son droit à la sécession ?
5 R. Si je me souviens bien, un référendum a été fait, le référendum destiné
6 au peuple croate de s'exprimer sur la sécession et il y avait une certaine
7 partie du peuple serbe en Croatie, et les Croates d'ailleurs, en Croatie,
8 ont voté pour une indépendance, pour l'indépendance croate.
9 Q. Je ne vais pas maintenant commencer un débat. J'aimerais savoir, selon
10 la constitution de la RSFY, la constitution prévoit-elle une autre
11 procédure ?
12 R. Oui, au sein de l'assemblée de Yougoslavie, il y a une autre procédure
13 qui existerait.
14 Q. Est-ce qu'on a appliqué cette procédure ? A-t-on respecté cette
15 procédure ?
16 R. Dans la plus grande mesure, non.
17 Q. Est-ce que vous savez si le président de la RSFY a donné une ordonnance
18 le 9 janvier 1991, que toutes les unités armées qui ne faisaient pas partie
19 de l'unité armée unifiée de la RSFY et tous les organes du ministère de
20 l'Intérieur devaient se désarmer, car ils ne représenteraient plus de
21 formation légale. Ils n'étaient plus conformes à la loi fédérale, et de
22 remettre les armes à la JNA dans les jours qui suivent, dans les dix jours
23 qui suivent ?
24 R. Je ne me souviens pas de cela.
25 Q. Vous ne vous souvenez pas que la présidence avait entrepris des
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1 activités de la sorte, et si vous ne vous souvenez pas du texte de la
2 disposition ?
3 R. Je ne me souviens pas de la date.
4 Q. C'était le 9 janvier 1991. Je parle de cette date-là.
5 R. Le 9 janvier 1991, je ne me souviens. Je me souviens, par contre, qu'il
6 y a eu des problèmes concernant cela, mais parlant de cette résolution, je
7 ne le sais pas. Je sais qu'il y a eu des problèmes, des problèmes
8 concernant les armes, l'armement. C'est la raison pour laquelle la
9 présidence n'était pas d'accord.
10 Q. Le 9 janvier 1991, pour vous rappelez, la Croatie a demandé une
11 prolongation des délais de 48 heures jusqu'au 1e janvier 1992. Est-ce que
12 vous connaissez -- est-ce que vous avez entendu parlé de cela ?
13 R. Non.
14 Q. Est-ce que vous savez -- lorsque le 21 janvier, la date butoir est
15 passée, est-ce que vous savez si la République de Croatie a demandé -- a
16 convoqué le MUP et les ZNG [comme interprété] et que le QG principal a
17 répondu de la même façon concernant ces unités qui étaient contournées sur
18 le territoire de la République de Croatie ?
19 R. Non, je n'ai pas eu connaissance de cela.
20 Q. Ne trouvez-vous pas cela étrange de ne pas vous rappelez de ces
21 événements ? Ce sont des événements d'une grande importance pour le
22 Monténégro ainsi que pour la RSFY ?
23 R. Pourquoi est-ce que c'est un événement important pour le Monténégro ?
24 Qu'est-ce qui s'est passé au Monténégro à ce moment-là ?
25 Q. Est-ce que le Monténégro est isolé et ne fait pas partie de la RSFY ?
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1 R. Non, le Monténégro n'a jamais été isolé de la RSFY. Veuillez répéter
2 votre question, je ne l'ai peut-être pas bien saisie.
3 Q. Après cette date butoir de 48 heures concernant le désarmement de
4 toutes les unités armées illégalement sur le territoire de la RSFY, la
5 République Croate a commencé à se préparer au combat le 21 janvier et à
6 mobiliser toutes les forces du MUP de la Garde nationale. Et le
7 commandement suprême a réciproqué en prenant les mêmes mesures pour ce qui
8 est des unités de la JNA qui étaient stationnées dans la République de
9 Croatie. Est-ce que vous avez eu connaissance de cela ?
10 R. Je sais qu'il y a eu certains problèmes concernant ces questions, mais
11 je ne me souviens pas que les choses se sont déroulées de la façon dont
12 vous le dites.
13 Q. Fort bien, merci. Avez-vous connaissance du fait que, pendant cette
14 période en 1991, avant les événements au sujet desquels vous avez témoignés
15 ici, dans la région de Dubrovnik, avant ces événements donc, savez-vous
16 s'il y a eu des blocus visant les casernes de la JNA, des attaques dirigées
17 contre les membres de la JNA en Croatie ?
18 R. Oui.
19 Q. S'agissait-il d'un nombre important d'attaques ?
20 R. Je ne suis pas au courant du chiffre, mais je sais que cela s'est
21 produit. J'étais au courant de la situation à Varazdin, à Osijek. Il y a eu
22 plusieurs événements de blocus de casernes de la JNA dans certaines parties
23 de la Croatie.
24 Q. Et à Zagreb, la situation était-elle similaire ?
25 R. Non, au sujet de Zagreb, je ne suis pas sûr. Je ne le sais pas. Un
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1 convoi de la JNA est passé par Zagreb en se retirant de la Slovénie. Ils
2 ont traversé, ils n'ont pas été bloqués. Je ne saurais vous en dire plus.
3 Mais pour les autres villes, en revanche, effectivement, je peux le
4 confirmer.
5 Q. Ces attaques ont-elles eu également pour résultat des dégâts
6 importants, des conséquences tragiques ?
7 R. Oui, des équipements ont été endommagés. Il y a eu effectivement des
8 événements tragiques.
9 Q. Pour ce qui est des convois qui ont -- qui se déplaçaient, y a-t-il eu
10 des attaques dont ils étaient -- dont ils faisaient l'objet et les armes
11 ont-elles été saisies ?
12 R. Je n'ai pas entendu parlé d'attaques de grande envergure. Je sais qu'il
13 y a eu d'obstruction sur les chemins de fer, mais que les trains ont
14 poursuivi leur chemin à travers la Bosnie-Herzégovine. Ensuite, la mer,
15 oui, il y a eu le bateau "Saint-Stephen", et l'armée s'est retirée de
16 Slovénie, de Kopir, notamment, pour rejoindre Boka Kotorska où il y a eu
17 des cas de ce type.
18 Q. Etes-vous au courant du fait que les unités paramilitaires croates et,
19 ultérieurement, les forces armées de cette république, ont participé ou
20 plutôt ont rejoint le territoire de la Bosnie-Herzégovine pour y lancer des
21 combats ?
22 R. Quelle période avez-vous à l'esprit ?
23 Q. 1992 et 1993.
24 R. Pour l'année 1992, je ne le sais pas. Mais effectivement, cela a eu
25 lieu en 1993. Ils sont entrés en Bosnie-Herzégovine, et la guerre faisait
Page 1182
1 rage à l'époque. Mais en 1992, l'armée croate n'a pas participé au conflit
2 en Bosnie-Herzégovine. Ils y ont pris part en 1993.
3 Q. La Croatie, en générale -- l'armée croate, a-t-elle participé aux
4 combats en Bosnie-Herzégovine contre l'armée de la BH ?
5 R. Oui, à partir de 1993.
6 Mme SOMERS : [interprétation] Objection. Ceci n'a aucune pertinence eu
7 égard les événements qui se sont déroulés en 1991. Et je souhaiterais que
8 mon confrère reste dans le champ de l'interrogatoire principal.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avez-vous une raison particulière pour
10 laquelle vous abordez ce sujet ? Auparavant, vous avez traité des sujets
11 qui étaient liés directement, mais à présent, vous vous éloignez, il me
12 semble.
13 M. RODIC : [interprétation] Je comprends le sens de l'intervention de ma
14 consoeur de l'Accusation et je vous comprends -- je comprends votre
15 intervention également. Il ne me revient pas de juger de la véracité des
16 réponses -- de la précision des réponses concernant certaines informations,
17 les dates, les formations, et cetera. Mais pour ce qui est des unités -- de
18 l'implication des unités sur les territoires et, compte tenu des questions
19 de l'Accusation, cela me semble très important. Au courant de ce
20 témoignage, la République de Croatie, la création des unités de forces
21 armées et des unités paramilitaires, donc tout ceci a été minimisé et --
22 c'est ce qu'a tenté de faire l'Accusation. Nous, en revanche, la Défense
23 estime que la situation était tout autre, et nous souhaitons le prouver.
24 Je voudrais poser juste encore une question liée à la question précédente
25 et, après, je passerai à autre chose.
Page 1183
1 Mme SOMERS : [interprétation] Je persiste, Monsieur le Président. Toute
2 référence à l'année 1993 n'a aucune pertinence. Il me semble que la période
3 devrait être limitée à la période couverte par l'acte d'accusation, à moins
4 qu'il n'y ait une raison particulière ou un impact particulier, mais pour
5 cela il faudrait le dire.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pouvez poser encore une question,
7 Maître Rodic, et ensuite je vous prie de passer à autre chose.
8 M. RODIC : [interprétation] Oui, je vais poser la question que j'avais à
9 l'esprit.
10 Q. S'agissant de cette période que vous avez mentionnée, période à
11 laquelle les Unités croates ont participé à la guerre en Bosnie-
12 Herzégovine, je souhaiterais vous poser une question brève : la Croatie, a-
13 t-elle été, de quelque manière que ce soit, menacée par la Bosnie-
14 Herzégovine pour y envoyer ses troupes ?
15 R. Je ne pense pas que la Croatie était menacée par la Bosnie-Herzégovine.
16 Il y a eu toutefois une raison qui a été invoquée. Ils disaient qu'ils
17 allaient en Bosnie-Herzégovine pour y protéger la population croate locale.
18 Q. Merci.
19 Avez-vous connaissance du fait que le président de la Croatie, à l'époque,
20 le président Tudjman - en 1994, le 24 mai, lors d'un rassemblement sur la
21 place Ban Jelacic, il s'agit du 24 mai 1992, à l'occasion du premier
22 anniversaire de l'indépendance - a dit la chose suivante : "Il n'y aurait
23 pas eu de guerre si la Croatie n'avait pas voulu la guerre, mais nous avons
24 estimé que c'était le seul moyen d'arriver à l'indépendance ? C'est pour
25 cela que nous avons participé aux négociations politiques, suite à quoi,
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1 nous avons procédé à la formation des unités militaires armées. Si nous
2 n'avions pas procédé de la sorte, nous n'aurions pas réalisé notre
3 objectif. La guerre aurait pu, effectivement, être évitée, si nous avions
4 renoncé à notre objectif, l'indépendance de l'état croate".
5 R. Je n'ai jamais entendu parler de ce discours. C'était un ton qui était
6 fréquemment présent à l'époque. Il est vrai, il me semble tout à fait vrai
7 que, sans guerre, la Croatie n'aurait pas réalisé son indépendance.
8 Q. Il me semble pourtant que le sens, de ce que je viens de vous dire, est
9 tout à fait différent, mais nous n'allons pas nous attarder là-dessus.
10 Pouvez-vous me dire qui est Hrvoje Sarinic, si vous le savez ?
11 R. Je sais qui il est.
12 Q. Quelle était sa fonction ?
13 R. Je pense qu'il était conseiller du président Tudjman, un des
14 fonctionnaires du gouvernement de la République de Croatie. C'était une
15 personnalité connue et il représentait le président Tudjman, lors des
16 négociations avec Milosevic, ainsi qu'avec le Parti serbe, en général. Il
17 était très actif à l'époque.
18 Q. Etes-vous au courant de ses déclarations concernant le partage de la
19 Bosnie-Herzégovine, notamment, de ce qui était convenu par les deux
20 présidents ?
21 R. J'en ai entendu parler. J'ai entendu parler du partage de la Bosnie-
22 Herzégovine, dont il a été question lors d'une réunion entre Tudjman et
23 Milosevic, mais, personnellement, je ne suis pas au courant des détails.
24 Q. Je vous remercie. Vous avez mentionné, à plusieurs reprises, Hrvoje
25 Kacic, qui était votre ami, d'après ce que j'ai cru comprendre. Pouvez-vous
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1 nous dire quelle était sa fonction ? Que faisait-il, à l'époque ?
2 R. Il était président de la commission pour les Affaires étrangères du
3 parlement croate. Il est également enseignant à l'université de Zagreb. Il
4 est d'origine de Dubrovnik. On faisait de la natation ensemble. En fait, il
5 faisait partie d'une équipe -- d'un club de Dubrovnik, et c'était quelqu'un
6 qui avait adopté une attitude très correcte. Il aimait bien le Monténégro.
7 Il n'était pas membre du Parti communiste. Depuis toujours, il a été un
8 fervent partisan de l'indépendance la République de Croatie, et ceci
9 n'était pas un secret.
10 Q. Connaissiez-vous Franjo Tudjman, le président croate ?
11 R. Je l'ai rencontré, à plusieurs reprises, lors de la conférence sur la
12 Yougoslavie à La Haye. Je l'ai rencontré également à Igalo, au Monténégro,
13 lorsque je les ai accueillis, lui et Milosevic, pour parler à la vielle du
14 conflit en septembre 1991. Je ne l'ai rencontré qu'à l'occasion des
15 négociations officielles. Il en est de même pour Slobodan Milosevic.
16 Q. Avez-vous eu des contacts privés avec le président Tudjman ?
17 R. C'est parce que, je dirais, on a eu des rencontres indépendamment, moi-
18 même et M. Bulatovic, ainsi que M. Separovic. On peut, effectivement, les
19 qualifier de privés puisque nous n'en avons pas informé Milosevic. Nous
20 avions discuté de Prevlaka lors de la pause et après les réunions de La
21 Haye.
22 Q. Lors de la dernière conférence à La Haye, le président Tudjman, n'est-
23 il pas venu vous voir pour vous saluer, vous personnellement ? Avez-vous
24 échangé quelques propos à cette occasion ?
25 R. On se saluait chaque fois et ceci, c'était particulièrement amical à
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1 cette occasion-là, si c'est ce que vous entendez par ce que vous venez de
2 dire. Oui, il était assez chaleureux puisqu'il venait d'apprendre que
3 j'étais le cousin de Jovan Baldani, professeur à l'université à Zagreb.
4 Jovan Baldani, en tant qu'étudiant, venait voir Tudjman lorsque celui-ci
5 était en prison. Baldani et moi, on est cousin germain.
6 Q. Savez-vous quelle était la raison pour laquelle Tudjman s'est retrouvé
7 en prison à l'époque ?
8 R. Probablement parce que il était en faveur de l'indépendance croate. Il
9 n'était pas d'accord avec la politique de l'époque. Je ne suis pas au
10 courant des détails, mais il était emprisonné parce qu'il avait adopté des
11 positions nationalistes.
12 Q. Savez-vous à quelle période cela s'est produit ?
13 R. Dans la fin des années 50, début des années 60, mais je ne saurais vous
14 le dire avec précision.
15 Q. A l'époque, nous parlons quand même d'une période qui a suivi la fin de
16 la Deuxième Guerre mondiale, et Tudjman était général de la JNA en quelque
17 sorte. Son activité était contraire à ce qui était les résultats de cette
18 guerre de libération.
19 R. Je ne pense pas que ses objectifs étaient contraires, puisque son père
20 et son frère avaient été tués, par les Oustachi. Il a participé à la guerre
21 de libération. S'il n'était pas forcément pour une solution comparable à
22 celle de l'état indépendant Croate pendant la seconde guerre mondiale, il
23 voulait faire une forme d'indépendance. Je ne dis qu'il était coupable et
24 qu'il a été accusé, mais je ne le qualifierais jamais d'Oustachi.
25 Q. Je ne l'ai pas accusé d'Oustachi, accusé d'être Oustachi.
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1 R. Oui, mais vous le sous-entendiez. Il se battait pour un état
2 indépendant. Il avait une certaine idéologie.
3 Q. Vous êtes toujours sur vos gardes.
4 R. Je ne suis pas sur mes gardes. Je n'ai peur de rien. Je n'ai pas peur
5 de vous, non plus. Vous souhaitez me faire dire des choses que je ne
6 souhaite pas dire.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Rodic, nous allons interrompe
8 maintenant, faire une pause. Suite à quoi, vous pourrez poursuivre votre
9 contre-interrogatoire.
10 M. RODIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
11 --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.
12 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous écoute. Monsieur Rodic,
14 veuillez poursuivre.
15 M. RODIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Q. Monsieur Samardzic, avant la pause, je vous ai posé une question, et je
17 souhaiterais la reposer. Je voudrais savoir si M. Tudjman était le général
18 de la JNA ? Est-ce qu'il a voulu procéder à la création d'un état commun ?
19 Mme SOMERS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Il n'y a
20 absolument aucune indication à savoir ce que veut dire une lutte de tous
21 les peuples, à savoir ce que cela veut dire. Je crois que la question n'est
22 pas définie assez clairement.
23 M. RODIC : [interprétation] Je vais reformuler ma question, Monsieur le
24 Président, Madame, Messieurs les Juges.
25 Q. La RSFY, a-t-elle été créée en tant que résultat d'une lutte commune du
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1 peuple yougoslave, basée sur la tradition de la lutte de la libération ?
2 R. Oui. La lutte commune des peuples et y compris leur droit à
3 l'autodétermination ou à la sécession. Il s'agissait de quelque chose qui a
4 été débattue lors de la 2e session de la AVNOJ, conformément à la
5 constitution de 1974.
6 Q. A ce moment-là, ce qu'a fait le général Tudjman pendant cette période,
7 est-ce que c'étaient des activités légales ?
8 R. Je ne sais pas ce que le président Tudjman a fait de façon concrète
9 pendant cette période en question, mais je crois qu'il avait le droit de
10 lutter, d'essayer d'établir l'indépendance de la Croatie de façon légale.
11 Si c'est ce qu'il a fait, il avait complètement le droit de le faire. Je ne
12 sais pas quel était son but ultime, mais ne sachant pas cela, je ne peux
13 pas vous dire si, effectivement, il a été jugé pour des raisons justes ou
14 pour des raisons injustes. La tradition de la libération dont il parle,
15 fait justement état de cela, c'est-à-dire que tous les peuples de l'ex-
16 Yougoslavie avaient le droit à l'autodétermination et à la sécession. C'est
17 une partie très importante de notre constitution. Il n'y a aucun doute
18 là-dessus.
19 Q. Est-ce que la tradition reflète l'effort du peuple yougoslave ? Est-ce
20 que cela fait partie de la tradition ?
21 R. Oui, c'est une tradition importante de nos peuples, mais je dois dire -
22 -
23 Q. Non, je ne vous pose pas cette question.
24 R. Pourquoi la répétez-vous à ce moment-là ?
25 Q. Non, je vous pose une autre question. Avec l'émergence du système
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1 multipartite, et avec ce qui est arrivé à la SFRY en 1990 et 1991, dans la
2 SRFY, l'émergence de système multipartite, l'iconographie utilisée par la
3 propagande du parti principal en Croatie, parti à la tête, et s'agissant de
4 la période immédiatement avant la guerre de 1991, y a-t-il eu des
5 références aux frontières austro-hongroises qui appartenaient à la
6 Croatie ? Est-ce qu'on a parlé de Boka comme ayant toujours appartenu à la
7 Croatie, et a-t-on dit qu'il fallait maintenant qu'elle fasse de nouveau
8 partie de la Croatie ?
9 R. Oui. Il y avait certaines histoires concernant cela. D'autre part, on
10 avait dit que la Serbie avait des frontières tout près de Virovitica, tout
11 près de Bella Krajina, de la Krajina Blanche les deux côtés avaient des
12 positions qui auraient pu endommagé la Yougoslavie en tant qu'était unifié,
13 pour les deux les Croates et les Serbes. Je souhaiterais simplement vous
14 rappeler que les politiciens serbes adoraient Ducic [phon] qui estimait que
15 la Serbie devrait aller jusqu'à la Slovénie où la Krajina Blanche.
16 N'allons pas plus loin, je vous prie dans cette ligne de questions.
17 Q. Ces formules utilisées par la propagande, est-ce que cela a suscité une
18 certaine réaction au Monténégro ?
19 R. Oui, pas seulement au Monténégro, mais partout ailleurs.
20 Q. Dites-moi, je vous prierais de répondre à mes questions et de ne pas
21 parler d'autre chose. Je vous parle de la propagande croate telle qu'elle a
22 été perçue au Monténégro. Je vous demande quelles étaient les réactions au
23 Monténégro concernant ces propagandes croates. Je vous demanderais de bien
24 vous concentrer et de répondre à ma question seulement.
25 R. Si, en parlant de propagande, vous voulez dire que Boka Kotorska et la
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1 côte monténégrine devraient appartenir à la Croatie, je n'ai entendu que
2 Sime Djordan dire quelque chose là-dessus. C'est un politicien croate. Il a
3 écrit un article. Le président Tudjman l'a démis de ses fonctions. Mais je
4 n'avais jamais entendu parler de cela dans la presse croate, mais Sime
5 Djordan qui avait abordé cette question.
6 Q. C'était simplement à savoir concernant ce genre de propagande, y a-t-il
7 eu des réactions négatives au Monténégro ?
8 R. Oui, bien sûr. Les gens refusaient d'accepter ses positions. Ils
9 refusaient également d'accepter le fait que Boka Kotorska pourrait
10 appartenir à la Croatie. Nous ne parlons que de Sime Djordan qui est un
11 politicien particulier. Je n'ai jamais entendu quelqu'un d'autre parler de
12 chose semblable.
13 Q. Très bien. Lorsque vous avez parlé de la session, de l'assemblée au
14 sein du gouvernement qui a eu lieu supposément le
15 1er octobre 1991, vous avez dit que vous vous êtes rendu à cette réunion,
16 que vous y êtes arrivé vers 8 heures 30 ou 9 heures du soir.
17 R. Oui, c'est cela. Je ne peux pas dire si c'était 8 ou 9 heures, mais la
18 nuit était déjà tombée.
19 Q. Vous avez également dit que c'étaient des policiers qui vous ont
20 informé, des policiers qui vous ont interpellé alors que vous retourniez à
21 la maison à Kotor. Pourriez-vous nous dire plus spécifiquement de quels
22 policiers il s'agit, et de quelle façon vous ont-ils informé de cette
23 réunion ?
24 R. Je me rendais à la maison. Je rentrais de l'aéroport. Mon chauffeur
25 était là également. Nous passions au-dessus du pont de Morica [phon]. Le
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1 policier nous a arrêté et il a dit : "Ministre, où vous rendez-vous ?" Il a
2 dit : "Vous ne pouvez pas rentrer à la maison maintenant, puisqu'il y a une
3 session du gouvernement qui a lieu. On demande votre présence. On demande
4 que vous soyez présent. On a besoin de vous à Podgorica."
5 Q. Vous souvenez-vous de la voiture, la voiture que vous conduisiez ? Est-
6 ce que c'était une voiture officielle ?
7 R. Oui, c'était la voiture officielle de Jugooceanija. C'était un Peugeot,
8 une nouvelle voiture, et j'avais un chauffeur qui s'appelait qui Zlatko
9 Jovanovic.
10 Q. Très bien. Est-ce que cette voiture était identifiée de façon
11 particulière ? Y avait-il des gyrophares bleus ou rouges, ou quelque chose
12 de ce genre qui identifiait cette voiture ?
13 R. Je ne sais pas si c'était identifié de quelque façon que ce soit. Je
14 sais que c'était une voiture officielle de la Jugooceanija. C'était la
15 voiture du directeur. Il était tard. Nous avons rebroussé chemin. En fait,
16 nous avons pris une autre route qui nous emmenait directement à la session
17 du gouvernement. J'y suis arrivé dans quelques minutes.
18 Q. Est-ce qu'il ne vous était jamais arrivé avant ou après que les
19 policiers vous indiquent qu'il y a eu une réunion du gouvernement ?
20 R. Je ne me souviens pas qu'une telle chose me soit arrivé ni avant, ni
21 après. Il se peut que l'on m'ait avisé de cette façon-là avant ou après. Je
22 ne me souviens vraiment pas. Je vous ai dit déjà que j'étais allé
23 accompagner M. Wejnaendts ce jour-là.
24 Q. Bien. Parlons maintenant de la session du gouvernement. Lorsque vous
25 êtes arrivé, parmi les personnes qui s'y trouvaient, vous avez vu des
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1 généraux. Ils portaient des uniformes de cérémonie, pourriez-vous nous dire
2 à quoi ressemblaient ces uniformes ?
3 R. C'étaient des uniformes qu'on enfile lorsqu'on part en guerre. Ce n'est
4 pas le même genre d'uniforme que les généraux portent lorsqu'ils se
5 promènent dans la ville, par exemple. Ce n'était pas un pantalon, des
6 chaussures avec une ceinture. On pouvait voir que l'uniforme qu'ils
7 portaient était un uniforme qui différait de l'uniforme qu'ils portent de
8 façon régulière.
9 Q. Pourriez-vous me dire de nouveau, de quels représentants militaires que
10 vous connaissiez, quels étaient les représentants militaires qui étaient
11 présents à la réunion du gouvernement qui a eu lieue le 1er octobre 1991 ?
12 R. Il y avait le général Strugar, le général Jeremic s'y trouvait
13 également. Pour vous dire la vérité, je ne connaissais pas ces personnes
14 personnellement. On m'a simplement indiqué de qui il s'agissait, Babic s'y
15 trouvait également. Il était membre du cabinet. Le général Damjanovic s'y
16 trouvait, d'autres représentants militaires, d'autres officiers, que je ne
17 connaissais pas. J'étais assis dans une rangée derrière eux. Il y avait un
18 groupe d'officiers qui étaient présents à cette réunion. C'étaient des
19 personnes qui n'étaient jamais des membres de cabinet. L'atmosphère était
20 très tendue, la pièce était éclairée de façon assez sombre.
21 Q. Permettez-moi de vous poser la question suivante. Le général Strugar,
22 le général Damjanovic, le général Babic, qui d'autres y avait-il, je vous
23 prie ?
24 R. Je crois qu'il y avait également le général Jeremic, puisque c'est
25 ainsi que l'on m'a présenté cet homme. Je ne les connaissais pas
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1 personnellement. C'était la première fois que je les voyais à l'exception
2 bien sûr du général Babic.
3 Q. Vous avez parlé du général Jeremic ?
4 R. Je crois que c'était son nom. Je ne suis pas tout à fait certain, mais
5 je vous prierais de ne pas insister là-dessus. J'ai déjà dit auparavant que
6 je ne connaissais pas ces personnes. Je vous ai simplement dit qu'on m'a
7 donné le nom de ces personnes. Je crois que c'était Jeremic. Moi j'étais
8 assis derrière. Enfin, il y avait quelques autres colonels qui étaient là.
9 Je crois, qui étaient assis dans une rangée derrière les généraux.
10 Q. L'amiral Jokic, était-il là ?
11 R. Non, non, il n'était pas là.
12 Q. Voulez-vous arrêter de m'interrompre et de me permettre de terminer ma
13 réponse et ma phrase.
14 L'amiral Jokic, était-il présent à la réunion du
15 1er octobre 1991 ?
16 R. Non, l'amiral Jokic n'était pas présent à cette réunion ?
17 Q. Est-ce que c'est une réponse catégorique de votre part ?
18 R. Oui, tout à fait.
19 Q. Vous vous souvenez très clairement qu'il n'était pas présent à cette
20 réunion ?
21 R. Oui, je me souviens très clairement. J'ai peut-être fait une erreur
22 lorsque j'ai dit --
23 Q. Je vous prie, un instant, donnez-moi quelques instants.
24 R. Ce n'est pas un interrogatoire policier. Vous êtes un avocat. Je peux
25 vous donner les réponses que je veux. Je ne suis pas obligé de vous donner
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1 des réponses qui vous satisfont.
2 Q. Concernant le général Jeremic, est-ce que son nom aurait pu être
3 Jeremija ?
4 R. Oui, c'est peut-être. Comme je vous dis, je ne connaissais pas ces
5 personnes. On m'a simplement donné leurs noms.
6 Q. Pourriez-vous me dire, je vous prie, quelle était la position
7 qu'occupaient ces généraux, est-ce que vous le savez ?
8 R. Je ne le sais pas. Je sais que le général Strugar était le commandant
9 du 2e Groupe opérationnel et qu'avant cela et, sinon, à ce moment-là, il
10 était le commandant de la Défense territoriale au Monténégro. Le général
11 Strugar était la personne la plus importante du groupe. On pouvait le voir
12 de par la façon dont ils étaient assis et par la façon dont on s'adressait
13 à lui.
14 Q. Qui vous a dit cela ?
15 R. C'était mon voisin, la personne à côté de laquelle j'étais assis. La
16 réunion a duré très longtemps. C'était la nuit. Je lui ai demandé qui sont
17 ces personnes et il me l'a dit. Ensuite, j'ai vu la façon dont ces
18 personnes étaient vêtues.
19 Q. Est-ce que vous savez le nom de cette personne assise à côté de vous,
20 est-ce que vous connaissez son nom ?
21 R. Oui. C'est l'un des ministres. Il était assis à côté de moi.
22 Q. Qui s'appelait comment ?
23 R. Markovic, si je me souviens bien. C'était le secrétaire du ministère de
24 la Justice. Il était juste à côté de moi. Il était assis à côté de moi. Je
25 lui ai demandé qui sont ces personnes. Je crois qu'Abramovic, le ministre
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1 de l'Agriculture, me l'a dit également.
2 Q. Lorsque vous parlez de Markovic --
3 R. Oui, Markovic.
4 Q. Oui, mais pour éviter toute confusion, vous avez parlé du ministre de
5 la Justice. Momcilo Knezevic, c'était le ministre de la Justice, et vous
6 avez parlé de Markovic.
7 R. Non.
8 Q. [aucune interprétation]
9 R. Oui, c'est exact. Effectivement, Knezevic était assis juste derrière.
10 Je sais que l'autre s'y trouvait également.
11 Q. Très bien. Pour ce qui est des trois autres généraux, il y avait le
12 général Jeremija, le général Damjanovic et le général Babic. Vous dites que
13 le général Babic était le ministre de la Défense, il y avait Jeremija et
14 Damjanovic. Est-ce que vous savez quels étaient les postes qu'ils
15 occupaient ?
16 R. Non, je ne le sais pas. On ne m'a jamais informé de cela. Je n'ai pas
17 vraiment réfléchi. Ils n'ont pas beaucoup parlé lors de la réunion.
18 Q. Lorsque vous avez parlé de Strugar, est-ce que vous avez demandé aux
19 autres, qui étaient les autres généraux ?
20 R. Qu'est-ce que vous voulez dire ?
21 Q. Est-ce que vous avez demandé ce qu'ils faisaient ?
22 R. Non.
23 Q. Très bien. Dans votre déclaration, datant de l'an 2000, à la page 10,
24 vous avez dit quelque chose, et je vais vous citer vos propos : "J'ai
25 également remarqué qu'environ dix représentants très haut placés de la JNA
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1 étaient sur place, étaient là, ils portaient des uniformes de camouflage.
2 Les seuls, que j'ai reconnus, étaient le général Pavle Strugar, le
3 commandant des Unités de la JNA, qui avait lancé l'attaque contre
4 Dubrovnik; le général Radomir Jeremija, le commandant du Corps d'Uzice;
5 ensuite Radomir Damjanovic, commandant du Corps de Podgorica; l'amiral
6 Miodrag Jokic, qui deviendra plus tard le commandant du secteur militaire
7 naval de Boka Kotorska; et Bozo Babic, le ministre de la Défense du
8 Monténégro."
9 C'est ce que vous avez dit dans votre déclaration en l'an 2000, vous avez
10 donné cette déclaration aux membres du bureau du Procureur, alors que ce
11 que vous nous dites aujourd'hui diffère énormément, il y a un écart assez
12 important entre ce que vous nous avez dit aujourd'hui et la déclaration.
13 R. Quel est cet écart ? Qu'est-ce qui ne concorde pas ? Je ne comprends
14 pas ce que vous voulez dire par là. Je vous prie de l'expliquer.
15 Q. Calmez-vous, je vous prie.
16 Mme SOMERS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je
17 voudrais d'abord soulever une objection concernant le fait que Me Rodic ne
18 fait pas référence aux documents fournis par le bureau du Procureur. On a
19 apporté quelques corrections. La déclaration fournie par le témoin au
20 bureau du Procureur n'est pas la déclaration corrigée qu'il est en train de
21 citer.
22 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame Somers a raison,
23 effectivement. Avant l'interrogatoire principal, j'ai reçu, de sa part, ce
24 document sans signature et sans indication particulière. Je crois que c'est
25 elle qui a rédigé ce document, mais pour ce qui est du Tribunal et pour ce
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1 qui est du Règlement du Tribunal, il est stipulé très clairement de quelle
2 façon on procède à la correction des déclarations fournies par les témoins.
3 On procède de la même façon que lorsqu'on prend recueil, une déclaration.
4 Nous avons un bon nombre de déclarations corrigées, de déclarations
5 amendées, modifiées, mais ici nous n'avons absolument aucune signature de
6 M. Samardzic, et nous ne pouvons pas conclure qu'il s'agit d'une
7 modification de la déclaration de M. Samardzic. Je vais écouter mon
8 éminente consoeur pour voir ce qu'elle à nous dire.
9 Mme SOMERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il s'agit d'un
10 témoin qui fait l'objet de l'Article 92 bis qui ne vient pas donner un
11 témoignage en direct. Lorsque la déclaration est acceptée sur le terrain
12 par les représentants du Greffe ou quelqu'un qui joue le rôle d'un notaire
13 ou d'un représentant officiel, à ce moment-là, les corrections sont faites.
14 Il s'agit ici d'une question de format. Le témoignage en direct peut
15 toujours être corrigé lorsqu'une observation est faite par le témoin et
16 lorsque quelque chose ne va pas. Il ne s'agit pas ici d'un témoin qui
17 répond aux exigences de l'Article 92 bis, et le peu s'en faut.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Puis-je vous demander, Madame Somers,
19 est-ce que vous dites que les corrections qui ont été faites jusqu'à
20 présent avant que le témoin ne vienne témoigner ou s'agit-il des
21 corrections qui ont été faites au moment où la déclaration d'origine en
22 l'an 2000 a été rédigée ? Je crois que c'est le cas.
23 Mme SOMERS : [interprétation] Non, Monsieur, en fait. Il ne s'agit pas des
24 corrections qui ont été apportées en l'an 2000. Elles ont été faites -- un
25 enquêteur, sur la base de certaines informations à procéder à certaines
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1 corrections -- il s'agit d'une déclaration qui était très longue et qui a
2 été faite dans une langue qui était différente de la langue maternelle de
3 M. Samardzic, dans d'autres circonstances, comme nous l'avons dit, c'était
4 très difficile et il a été en mauvaise santé, et cela lui a été relu dans
5 une langue qui n'était pas la sienne. Il a également indiqué que certains
6 éléments devaient être corrigés. On nous a dit qu'un enquêteur devait s'en
7 entretenir avec lui et a présenté le contenu de cette conversation à la
8 Défense de façon à ce qu'il puisse avoir la possibilité de préparer leur
9 contre-interrogatoire.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Rodic, je pense que nous
11 pouvons accepter ici la déclaration de l'an 2000, si vous posez les
12 questions correctement au témoin, à savoir, les parties pertinentes de son
13 témoignage. On nous a dit qu'il y a deux pages de corrections qui ont été
14 faites à propos du témoignage de ce témoin, et vous pouvez sur ces bases-là
15 formuler vos questions.
16 M. RODIC : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président. Pour ce
17 qui est de ces corrections, j'aimerais également noter que nous avons une
18 déclaration certifiée et officielle faite par le témoin. J'aimerais attirer
19 votre attention sur le fait que le témoin suivant, Djelo Jusic, a également
20 fait une déclaration qui a été authentifiée, déclaration officielle et
21 qu'après cette déclaration, il a apporté quelques modifications à cette
22 déclaration, qui ont été authentifiées et signées; néanmoins, cette
23 version-ci, je ne l'ai reçu que quelques minutes avant que le témoin ne
24 rentre dans le prétoire.
25 Mme SOMERS : [interprétation] Puis-je répondre, s'il vous plaît, Monsieur
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1 le Président ?
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Rodic, est-ce que c'est tout ce
3 que vous avez à dire pour l'instant ?
4 M. RODIC : [interprétation] J'aimerais également ajouter, eu égard au point
5 suivant : pour ce qui est de la déclaration de l'an 2000, la question que
6 j'ai posée a été répétée sept fois, ce qui justifie, tout à fait, le fait
7 que je pose cette question.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela ne fait pas l'ombre d'un doute,
9 Maître Rodic. Je crois que vous avez clairement identifié les personnes
10 présentes, en tenant compte de la déclaration de l'an 2000, et tout ceci
11 est clair à l'esprit pour nous et a été consigné au compte rendu
12 d'audience. Ce qui nous préoccupe et ce qui préoccupe Mme Somers, c'est
13 que, dans votre contre-interrogatoire, vous n'avez pas tenu compte du fait
14 qu'une correction avait été faite par le témoin, ce qui, au jour
15 d'aujourd'hui, modifierait l'identité de quelques-unes des personnes qui
16 étaient présentes à la réunion en question. C'est ce dont il s'agit ici, à
17 savoir, ce qui nous préoccupe ici, au plan technique, si c'est la
18 déclaration signée et authentifiée, déclaration comportant les corrections
19 qui vous auraient été remises, revues et corrigées et signées. Je n'ai pas,
20 à ce propos, relu le règlement, mais, à cet égard, je crois que Mme Somers
21 a raison de dire que, conformément à la règle de procédure et de preuve,
22 l'Article 92 bis, est quelque chose de différent et ce n'est pas la
23 situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.
24 Il me semble, néanmoins Madame Somers, que, si on peut simplement vous
25 remettre une feuille de papier sans signature, c'est un petit peu informel,
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1 mais ceci permettrait peut-être de satisfaire tout le monde. S'il y a des
2 modifications importantes à apporter à la déclaration ou des corrections,
3 je crois que cette déclaration doit être datée et signée. Ceci, je crois,
4 permettrait de savoir quels changements ont été apportés et que l'autre
5 partie en soit informé.
6 Mme SOMERS : [interprétation] Je ne souhaite pas remettre en question la
7 position de la Chambre. Etant donné les circonstances, nous voulions
8 simplement nous assurer que la Défense avait clairement pris note de cela
9 et que cela ne pouvait pas nous porter préjudice.
10 Je ne souhaite pas apporter des commentaires pour ce qui est de la
11 correction de M. Jusic. Si la Défense le note correctement, l'entretien qui
12 a été fait en vertu de l'Article 92 bis sur le terrain, si je ne me trompe
13 pas, dans une autre affaire, une déclaration, je crois, cela aurait
14 simplement été dans le cadre de Milosevic, il me semble. En tout cas, je
15 peux vérifier. Je me souviens très bien avoir vu des certifications
16 conformes à l'Article 92 bis en rapport avec cela. S'il y a une différence,
17 bien sûr, avec les déclarations antérieures, en vertu de
18 l'Article 66(A)(ii).
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois, Maître Rodic, que nous avons
20 consacré suffisamment de temps aux questions techniques et de fonds. Je
21 crois que maintenant, par rapport à la situation actuelle, c'est
22 certainement la déclaration 2000, la liste des personnes présentes qui s'y
23 trouvent et une liste différente fait maintenant l'objet de ce témoignage.
24 Et vous savez, de façon tout à fait appropriée, attiré notre attention sur
25 les corrections qui ont été faites. Merci.
Page 1201
1 M. RODIC : [interprétation] En acceptant votre proposition, je souhaite
2 maintenant poser une question au témoin parce que je viens de recevoir une
3 correction.
4 Q. La question que je pose est la suivante : comment est-ce possible,
5 avant le commencement du procès de M. Strugar, comment se fait-il qu'il
6 puisse se rappeler maintenant que le général Jokic n'était pas présent lors
7 de cette réunion qu'il a évoquée ? Répondez rapidement, s'il vous plaît.
8 R. Je m'en souviens maintenant parce que cela m'a permis de me rafraîchir
9 la mémoire parce que, lorsque j'ai témoigné dans le cadre de l'affaire
10 Milosevic, j'ai dit que Jokic ne s'y trouvait pas. J'ai remarqué que j'ai
11 fait une erreur. Je ne suis pas en train de faire porter le blâme à qui que
12 ce soit, des personnes qui étaient à Sydney avec moi. Ce n'est pas quelque
13 chose que j'ai omis de mentionner. Je ne me souvenais pas de son nom. A
14 l'époque, je venais tout juste de sortir de l'hôpital et, lorsque j'ai
15 remarqué cette erreur, j'ai réagi tout de suite. Lorsque j'ai témoigné
16 devant le Tribunal, la dernière fois, j'ai dit que Jokic n'était pas
17 présent. Je ne prétends pas cela parce qu'il ne l'était pas. Il s'agit
18 simplement d'une erreur qui s'est glissée dans ce témoignage. Je pense que
19 ceci a été corrigé, non pas aujourd'hui, mais il y a plus d'un an, lorsque
20 j'ai témoigné contre Slobodan Milosevic.
21 Q. Monsieur Samardzic, je crois que, lorsque vous avez témoigné dans le
22 cadre de l'affaire Milosevic, vous n'étiez pas aussi sûr sur la présence du
23 général Jokic; néanmoins, je me permets d'émettre une réserve. Lors de la
24 prochaine pause, je vais vérifier le compte rendu d'audience et voir si
25 j'avais raison ou pas.
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1 Vous avez fait votre déclaration en l'an 2000 et vous avez fait votre
2 déclaration aux enquêteurs. Vous avez dit que vous avez relu cette
3 déclaration et que vous l'avez signée vous-même. Vous avez précisé que vous
4 parlez plusieurs langues, vous maîtrisez particulièrement bien l'anglais.
5 Vous étiez ministre des Affaires étrangères et je suppose qu'à ce poste-là,
6 et dans vos échanges diplomatiques, que vous deviez converser en langue
7 anglaise. Cela fait longtemps maintenant que vous vivez en Australie. Il me
8 semble que la langue anglaise est également parlée dans ce pays. Par
9 conséquent, la version en B/C/S de votre déclaration, qui est votre langue
10 maternelle, ainsi que la déclaration qui a été rédigée en anglais en l'an
11 2000, ne devraient pas vous poser trop de problèmes. La lecture de ce
12 document ne devrait pas vous poser trop de problèmes, n'est-ce pas ?
13 R. Oui, tout à fait. Mais la déclaration qui a été faite en l'an 2000 est
14 une déclaration qui a été faite deux ou trois jours après ma sortie de
15 l'hôpital, lorsque j'ai été amputé de mes deux jambes. Par conséquent,
16 c'étaient des circonstances un petit peu exceptionnelles. De surcroît, je
17 ne pense pas qu'il s'agisse d'erreurs très importantes. J'ai vraiment fait
18 un effort pour corriger ces erreurs. Je sais qu'en tant qu'avocat, vous
19 insistez particulièrement sur ces éléments-là, mais je n'avais nullement
20 l'intention de vous fournir des informations erronées car, même à ce
21 moment-là, en l'an 2000, mon état de santé était vraiment très mauvais et
22 j'avais du mal à me souvenir de tous les détails, de tout ce qui s'était
23 produit neuf ans auparavant. Par conséquent, je n'étais motivé par aucune
24 mauvaise intention. Il y a quelques erreurs, autres erreurs moins
25 importantes que j'ai modifiées par la suite.
Page 1203
1 Q. Oui, je comprends fort bien qu'il n'y avait pas de mauvaises intentions
2 de votre part. Je souhaite attirer votre attention sur ce que vous avez
3 déclaré en l'an 2000. La manière dont ceci a été reproduit, je souhaite me
4 concentrer sur un seul et même fait pour corroborer ce que je dis. A la
5 page 10, vous dites : "Les seules que j'ai reconnues," autrement dit, vous
6 n'avez posé la question à personne. Vous dites avoir reconnu le général
7 Pavle Strugar, Jeremija, Damjanovic, Jokic et Bozo Babic.
8 Un peu plus loin dans le texte, à la page suivante, au paragraphe 2, on
9 peut lire, où vous faites référence au fait que général Strugar était
10 satisfait du fait que les Monténégrins allaient se battre. Vous dites que
11 Jeremija, Damjanovic et, en particulier, Babic et Jokic, Babic qui a
12 beaucoup parlé à cette occasion-là et que toutes ces personnes étaient tout
13 à fait en faveur de cela. Vous dites même que Jokic a pris la parole lors
14 de cette réunion.
15 Au paragraphe suivant, sur la même page, vous parlez de Kristo Djurovic, la
16 dernière phrase de la version en B/C/S, Kristo Djurovic, vous dites :
17 "Jokic était présent lors de la réunion et il soutenait à fond l'attaque et
18 il devait, par la suite, succéder à Djurovic."
19 Ensuite, au paragraphe 1 de la page suivante, vous dites : "Sur les
20 éléments qui étaient portés à ma connaissance, je ne peux pas dire ce qui
21 s'est passé exactement mais je peux dire qu'en l'espace d'une heure, Jokic
22 était prêt à assurer le commandement, à savoir, après la mort de Djurovic."
23 A la page 19, au paragraphe 3, à partir du haut, vous dites : "Au cours de
24 cette période, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec Strugar et Jokic.
25 C'est le seul contact que j'ai eu avec eux après la réunion du 1er octobre,"
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1 ce qui signifie que Jokic était présent lors de cette réunion.
2 Egalement, nous sommes toujours au paragraphe 4 de la même page, vous avez
3 déclaré, lorsque vous avez appelé Strugar et Jokic à propos des Anglais,
4 vous dites qu'ils n'ont pas fait preuve d'insolences lors de la réunion du
5 1er octobre. Vous dites que quelqu'un avait mis à votre disposition le
6 numéro de téléphone de Strugar et de Jokic.
7 Je pense que vous avez déclaré sept fois, de façon très claire, que Jokic
8 était bel et bien présent lors de cette réunion, non seulement qu'il était
9 présent mais qu'il a pris la parole et qu'il a même communiqué avec
10 d'autres personnes lors de cette réunion du 1er octobre. Par conséquent, je
11 crois qu'on ne peut pas dire qu'il s'agit d'une erreur ou d'une petite
12 erreur ou d'une toute autre erreur que vous souhaitez évoquer aujourd'hui.
13 Est-ce exact ?
14 R. Non, ceci n'est pas exact. Je me suis entretenu avec Jokic au
15 téléphone. Cette conversation a eu lieu beaucoup plus tard, bien après le
16 1er octobre. Cette conversation a eu lieu au mois de novembre et celle-ci
17 n'a rien à avoir avec la date du 1er octobre. Permettez-moi de poursuivre,
18 s'il vous plaît. La première erreur qui s'est glissée dans la déclaration,
19 je n'ai pas réagi à temps, et elle a été répétée à plusieurs reprises par
20 la suite. Je ne l'avais pas remarqué tout de suite. Il s'agissait d'une
21 erreur parce que je n'avais aucune raison de dire que Jokic était présent
22 s'il ne l'était pas.
23 Q. Quelle raison pourriez-vous évoquer pour dire que ces propos ont été
24 repris par Strugar et Jokic ? Qui a dit que c'est vous qui avez rapporté
25 ces paroles ?
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1 R. Quelque soit la personne qui a dit cela, ce n'était pas Jokic qui
2 aurait pu reprendre ces propos parce qu'il n'était pas présent.
3 Q. Pourquoi avez-vous dit à six reprises, pourquoi avez-vous dit cela six
4 fois dans votre déclaration ?
5 R. Je ne l'ai pas dit six fois. Vous dites des bêtises. Il est précisé
6 qu'une fois que Jokic a repris ceci. Une erreur a été faite à propos du nom
7 de Jokic. Cette erreur a été répétée par la suite. J'ai expliqué ceci au
8 cours de mon témoignage dans le cas de l'affaire Milosevic dès que j'ai
9 remarqué qu'il y avait une erreur. Je crois qu'il ne s'agissait pas de mon
10 erreur mais les gens ont inscrits ceci dans ma déclaration.
11 Q. Monsieur Samardzic, je vous ai lu différents passages de votre
12 déclaration où vous avez répété sept fois que le général Jokic était
13 présent lors de cette réunion.
14 R. Si vous dites que cela est répété 70 fois, Jokic n'était pas présent.
15 Simplement cela s'est glissé dans le texte. Parce qu'il y a 34 pages de
16 déclaration, on peut s'attendre à ce que ce genre d'erreur se glisse dans
17 un tel texte surtout lorsque la déclaration est faite par un homme qui est
18 extrêmement malade. Je venais de sortir de l'hôpital. Même si j'avais dit
19 cela, je ne pense pas parce qu'au début de mon témoignage, je ne me
20 souvenais pas, je ne me souvenais pas des noms. Il y avait cinq ou six
21 personnes avec moi à Sydney. Ils me posaient la question : Cette personne
22 était-elle là ou non ? Je confirmais et j'expliquais ce qui s'était passé.
23 Cependant, la conversation que j'ai eue, un peu plus tard, au mois
24 d'octobre, au début du mois de novembre avec Jokic, n'avait rien à voir
25 avec la date du 1er octobre ou de la réunion du 1er octobre.
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1 Q. Nous y reviendrons plus tard. Très bien.
2 R. C'est vous qui avez posé ces questions.
3 Q. Nous y reviendrons. Après votre sortie de l'hôpital, quelqu'un vous a-
4 t-il exercé une certaine pression pour que vous fassiez cette déclaration
5 aux enquêteurs ?
6 R. Non, aucun élément de coercition. J'ai fait cela de mon plein gré, mais
7 je dois dire que je n'étais pas dans un très bon état de santé.
8 Q. Est-ce que des enquêteurs ont glissé sept déclarations incorrectes dans
9 votre déclaration après que vous l'ayez signé, après que vous l'ayez lu ?
10 R. Je ne le dirais pas comme cela.
11 Q. Oui, alors reformulez-le à votre manière, s'il vous plaît.
12 R. J'ai déjà dit qu'il y avait une erreur puisque j'ai parlé avec M.
13 Williamson, qui a un accent de Louisiane, qui est un peu différent. Il est
14 évident que certaines traductions d'erreurs ont pu se glisser dans le
15 texte, et que la traduction en B/C/S, peut-être, n'est pas tout à fait
16 conforme à mes déclarations en anglais. Je crois qu'on pourrait découvrir
17 bon nombre d'autres erreurs. Il y a des dates qui sont erronées, des choses
18 de la sorte et que je n'ai pas pu contrôler. Récemment, par exemple, je
19 viens de regarder cette déclaration, et il est dit que Lord Carrington et
20 son projet ont été débattu le 6 octobre et c'était le 7 octobre, en fait.
21 Il y a beaucoup d'autres erreurs de ce type mais si vous souhaitez utiliser
22 ceci contre lui, vous êtes libre à vous de le faire. La traduction est très
23 mauvaise. On ne peut pas traduire folklore, des poèmes folkloriques en
24 anglais étant donné qu'ils ont un sens tout à fait différent et ensuite me
25 dire que c'est moi qui dis cela.
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1 Q. Oui, bien sûr, Monsieur Samardzic. Monsieur Samardzic, vous avez tout à
2 fait raison. Je ne parle d'accent. Je ne parle de date. Je parle d'une
3 personne, un homme important au sujet duquel on dit sept fois qu'il était
4 présent, qu'il a même pris la parole. Donc, je ne comparerais pas cela aux
5 erreurs de date. Je ne pense pas qu'il puisse y avoir d'erreurs de
6 traduction puisque tout ce que je viens de vous lire figure dans la version
7 anglaise, aussi.
8 R. Je vous ai cité des exemples. Il s'agit d'une erreur par omission et je
9 l'ai rectifié à temps. Vous pouvez essayer de prouver ce que vous voulez.
10 Il n'y a pas eu de mauvaise foi. Dès que j'ai remarqué qu'il y a une
11 erreur, surtout lors de mon témoignage dans l'affaire Milosevic, j'ai dit
12 que Jokic n'avait pas participé à cette réunion.
13 J'estime que cela devrait vous suffire. C'est moi-même qui me suis rendu
14 compte de cela. Je l'ai dit dans Milosevic. Il n'a pas été là. Quel serait
15 mon intérêt à dire qu'il était là alors qu'il n'y était pas. J'ai fait une
16 erreur, oui, mais il n'y avait pas de mauvaise foi. Il n'y avait pas de
17 mauvaise volonté. Je l'ai rectifié dès que j'ai pu. Vous pouvez insisté
18 tant que vous voulez mais il ne s'agit pas d'une grosse erreur.
19 Q. Monsieur Samardzic, je répète ce que je vous l'ai déjà dit. Dans votre
20 témoignage dans l'affaire Milosevic, compte rendu d'audience, page 11185,
21 points 25 et 26. Vous y évoquez cette réunion. Vous dites que : "Des
22 militaires y étaient présents, trois ou quatre généraux en une tenue de
23 combat." Vous n'avez pas démenti ce qui figure dans votre déclaration de
24 l'an 2000. Vous n'avez pas dit qu'il y était ou qu'il n'y a pas été. Si
25 vous ne faites pas confiance à moi, si vous ne croyez pas que la présence
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1 de Jokic a été évoquée sept fois dans votre déclaration, voulez-vous le
2 vérifier vous-même dans la version anglaise ?
3 Mme SOMERS : [interprétation] Objection. Il ne s'agit pas de la déclaration
4 dans son intégralité. Si mon confrère continu à poser des questions de ce
5 type, il faudrait que l'on se concentre sur la question au sens propre et
6 la réponse sur la présence de ces personnes dans l'affaire Milosevic.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez le faire.
8 M. PETROVIC : [interprétation] Il s'agit de la page 11185, à la ligne 13.
9 On dit :
10 "R. Le 1e octobre dans la soirée, une réunion a eu lieu, la session
11 extraordinaire, ou plutôt, la réunion élargie par rapport ?
12 Ensuite, cela fait partie de la réponse à la question précédente. Ensuite,
13 Q. De quoi est-il été question ?
14 R. Je suis arrivé en retard. Je n'ai pas participé depuis le début. Mais
15 vers la fin, puisque le président Bulatovic m'a envoyé avec M. Wejnaendts,
16 le représentant de Lord Carrington, lors de sa visite à Cetinje. Lorsque je
17 suis entré, j'ai été plutôt choqué. Je n'ai jamais vu de réunion de ce
18 type. Il y avait huit militaires, trois ou quatre généraux, au moins, qui
19 portaient des tenues de combat. Ils étaient assis autour des tables où on
20 s'asseyait d'habitude lorsqu'il y avait des réunions du gouvernement. Les
21 régions de Monténégro étaient toutes là, et cetera, et cetera."
22 Mme SOMERS : [interprétation] Je souhaiterais aux fins de discussions
23 supplémentaires que je voudrais poser avoir la copie de cette partie.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, nous aurons ce compte rendu
25 d'audience.
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1 Merci, Monsieur Petrovic. Si vous voulez poursuivre les questions au sujet
2 du témoignage dans l'affaire Milosevic, je vous suggère de le faire la
3 prochaine fois, après la levée de l'audience lors de notre prochaine
4 audience.
5 M. RODIC : [interprétation] Je crois que je n'ai pas tout à fait compris.
6 [Le Conseil de la Défense se concerte]
7 M. RODIC : [interprétation] Ah, maintenant j'ai reçu la bonne
8 interprétation. Excusez-moi, nous poursuivrons à ce sujet ultérieurement.
9 Q. Monsieur Samardzic, lors de l'interrogatoire principal, vous avez
10 répondu aux questions concernant les propos tenus par les autres au cours
11 de cette réunion. A plusieurs reprises, vous avez dit que le général
12 Strugar a dit que 30 000 Oustachi étaient en train d'attaquer le
13 Monténégro. Vous avez dit qu'il a répété à plusieurs reprises. Il a dit que
14 nous devions nous défendre puisque 30 000 Oustachi se dirigeaient vers le
15 Monténégro. Nous devrions défendre la Yougoslavie en veillant à ce qu'il y
16 a de moins de victimes possible, et cetera, et cetera.
17 Donc, c'est ce que vous avez dit. Vous avez dit avoir entendu le général
18 Strugar faire des propos de ce genre.
19 Vous avez également dit que Momir Bulatovic, le président de la présidence
20 de Monténégro, ainsi que d'autres personnes ont tenu un discours similaire.
21 R. Ce que j'ai dit est tout à fait conforme à la réalité. Toute fois vous
22 changer quelque peu mes propos lorsque vous les citez. Le général Strugar a
23 dit que 30 000 Oustachi se dirigeaient vers Boka, et que nous devrions nous
24 défendre. Il a dit, tout d'abord, que nous étions attaqués. Nous devons
25 nous défendre. Momir Bulatovic a répété la même chose ainsi que d'autres
Page 1210
1 intervenants. Je l'ai dit aussi. J'ai dit que si nous étions attaqués, nous
2 devrions nous défendre. Il n'y a rien qui pourrait prêter à confusion. Cela
3 fait 12 ans que cela s'est produit. A présent, je tente de me remémorer les
4 paroles prononcées à cette occasion-là.
5 Q. Concernant cette information sur les 30 000 Oustachi, vous confirmez
6 donc --
7 M. LE JUGE PARKER : Mme Somers.
8 Mme SOMERS : [interprétation] Il y a eu une citation erronée du compte
9 rendu d'audience. J'ai la version non officielle, page 26, ligne 11 :
10 "C'est la première fois que vous avez entendu parlé des 30 000 Oustachi,"
11 et non pas la première chose que vous avez entendue.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un
13 point d'importance cruciale.
14 Vous pouvez poursuivre, Maître Rodic.
15 M. RODIC : [interprétation] Je vais reformuler ma question.
16 Q. Quand avez-vous entendu pour la première fois parler de l'attaque dont
17 ferait l'objet le Monténégro. Quand avez-vous entendu parler pour la
18 première fois des 30 000 Oustachi ?
19 R. C'est le général Strugar qu'il a dit, ainsi que Jokic. Ils étaient
20 assis l'un face à l'autre. Ils n'ont pas dit que 30 000 Oustachi ont
21 attaqué Monténégro, mais qu'ils se dirigeaient vers le Monténégro.
22 Q. Peu m'importe s'il s'agit de l'attaque ou de ils se dirigent vers. Mais
23 ce qui m'intéresse en revanche, est la chose suivante : Qui a dit cela pour
24 la première fois ? Quand l'avez-vous entendu pour la première fois ?
25 R. C'est Strugar. C'est de la bouche de Strugar que je l'ai entendu la
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1 première fois. Mais d'après mais informations, Momir Bulatovic, l'avait
2 déjà dit peut-être avant mon arrivée. Je ne peux pas dire de quoi il était
3 question avant que j'entre dans cette salle. Mais lorsque je suis entré,
4 général Strugar a dit, 30 000 Oustachi se dirigent. Ensuite Bulatovic qui a
5 pris la parole. Ensuite, les autres ministres ont tenu des discours. Je ne
6 me souviens plus qui a pris la parole tout de suite après Bulatovic. Je
7 pense que c'était Knezevic, Abramovic, et cetera, l'un après l'autre. Même
8 Obradovic a pris la parole et il s'est opposé à la guerre. C'était le
9 déroulement de la discussion.
10 Q. Vous avez dit qu'il s'agissait d'une réunion du gouvernement. D'après
11 vous, logiquement, qui prenait la parole dans des pareilles occasions ?
12 R. Il n'y avait pas beaucoup de logique là-dedans.
13 Q. Mais vous étiez membre du gouvernement ?
14 R. Il ne s'agissait pas d'une réunion ordinaire. Lorsque les ministres du
15 gouvernement se réunissaient, la moitié des sièges était vide, mais là tout
16 le monde était là. Il y avait des généraux, des membres du gouvernement,
17 leurs adjoints. Il s'agissait d'une situation extraordinaire qui venait de
18 se produire.
19 Q. Cela ne m'intéresse pas, le caractère de cette réunion ne m'intéresse
20 pas. Compte tenu de la composition de cette assemblée, il s'agissait des
21 ministres. Il peut y avoir également à cette occasion des visiteurs, le
22 président de la présidence, les militaires, et cetera. Logiquement parlant,
23 qui était la personne censée prendre la parole en premier ?
24 R. Le président de la présidence. Le général Strugar aurait pu également
25 prendre la parole, puisque il s'agit d'un début de guerre. Ni l'un ni
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1 l'autre présidait cette réunion. Il s'agissait quand même des deux
2 principaux intervenants ce soir là, même s'ils ne présidaient pas la
3 réunion.
4 Q. Bien. C'est le général Strugar qui l'a dit en premier, et c'est Momir
5 Bulatovic qui l'a répété ?
6 R. Il se peut que Momir Bulatovic ait déjà dit avant que je n'arrive. Je
7 ne peux pas vous en parler, mais je ne peux vous dire que ce que j'ai
8 entendu.
9 Q. Vous avez entendu cela de la bouche de Strugar d'abord. Peut-être que
10 Bulatovic l'avait dit auparavant ?
11 R. Oui, puisque la réunion était déjà en cours. Cela fait déjà une demi-
12 heure qu'ils étaient là, avant que je ne vienne.
13 Q. A la page 10 --
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous prie de patienter, de faire
15 les pauses pour que l'interprétation puisse se faire.
16 M. RODIC : [interprétation] Excusez-moi.
17 Q. A la page 10 de votre déclaration que vous avez faite au représentant
18 du bureau du Procureur, la réunion était présidée par Djukanovic. Bulatovic
19 était présent aussi. Bulatovic a dit que 30 000 Oustachi ont attaqué le
20 Monténégro, et que nous devions nous défendre.
21 Dans votre déclaration, la première personne que vous mentionnez au sujet
22 des 30 000 Oustachi, est Bulatovic. Dans cette déclaration de 34 pages, on
23 voit apparaître à plusieurs reprises les 30 000 Oustachi. Pas une seule
24 fois, dans cette déclaration, on ne voit apparaître aucun lien entre le nom
25 du général Strugar et ce chiffre. Comment expliquez-vous cela ?
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1 R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire par là. Je vous ai dit que je
2 l'ai entendu pour la première fois de la bouche du général Strugar. Je n'ai
3 jamais dit que ce n'était pas le cas. Ce syntagme de 30 000 Oustachi a été
4 répété par d'autres personnes, c'est un grand nombre, et de nombreuses
5 personnes en parlaient. Vous êtes en train d'évoquer quelque chose qui ne
6 nie pas du tout le fait que le général Strugar l'a prononcé. D'autres
7 ministres aussi ont dit qu'il y avait 30 000 Oustachi. Ils l'ont déjà
8 entendu de la bouche du général Strugar, et de Momir Bulatovic avant mon
9 arrivée à cette réunion. Il n'y a pas de contradiction, absolument pas.
10 C'est la vérité tout simplement. Il est question de 30 000 Oustachi qui se
11 dirigent vers Monténégro. Je leur ai fait confiance. J'ai cru à leur
12 parole. Ce n'est que pendant un moment que je me suis rendu compte que ce
13 n'était pas vrai.
14 Q. Nous avons déjà eu l'occasion de débattre un autre sujet. A la fin,
15 nous avons réussi à nous mettre d'accord. En l'an 2000, lorsque vous avez
16 donné cette déclaration aux enquêteurs du bureau du Procureur, vous leur
17 avez décrit ce que vous avez vu lorsque vous êtes entré. Vous dites :
18 "Bulatovic a parlé de 30 000 Oustachi qui étaient sur le point d'attaquer
19 Monténégro. Nous devions nous défendre." Il n'y est nullement, à aucun
20 endroit, du général Strugar. Vous n'avez même pas dit que il avait répété
21 que 30 000 Oustachi étaient sur le point d'attaquer. Vous n'avez surtout
22 pas affirmé que c'était la première personne qui a parlé des 30 000
23 Oustachi.
24 R. Je ne vois pas où est vraiment la différence. Je vous répète, le
25 général Strugar qui a mentionné ces 30 000 Oustachi, ainsi que Bulatovic.
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1 C'était un élément-clé, là-dedans pour nous tous, professionnel. Il
2 jouissait d'une bonne réputation. Même si Bulatovic l'a dit le premier, il
3 a dû l'entendre de Strugar. Bulatovic et Djukanovic en ont parlé aussi.
4 Quelle que soit la situation, cette information provenait certainement d'un
5 militaire de métier.
6 Je ne pense pas que c'était nécessaire de le dire dans ma déclaration. Je
7 ne pense pas que qui que ce soit aurait pu mentionner les 30 000 Oustachi,
8 si le général Strugar n'était pas là à la réunion. C'était son rôle à la
9 réunion.
10 Q. Pourquoi vous ne l'avez pas dit ce que vous venez de me dire aux
11 enquêteurs, en 2000 ?
12 R. Comment cela. Les enquêteurs, vous dites que le premier enquêteur et le
13 deuxième ont parlé en même temps. Ils n'avaient pas besoin d'en reparler à
14 ce moment-là. Le général Strugar et les autres généraux qui étaient
15 présents à cette réunion, étaient en train de nous dire qu'une armée
16 étrangère était sur le point d'attaquer le Monténégro.
17 Q. Bien. Nous avons déjà entendu cela ?
18 R. Il n'y a rien à ajouter.
19 Q. Pourquoi vous ne l'avez pas dit aux enquêteurs, en l'an 2000 ?
20 R. Comment cela, je ne l'ai pas dit ? Bien sûr, que je l'ai dit. Peut-être
21 pas de la même manière. J'ai dit aux enquêteurs ce dont je me souvenais à
22 l'époque. J'étais sous le choc. J'étais persuadé, c'était ma profonde
23 conviction que l'armée n'attaquerait jamais Dubrovnik, en dépit de tout ce
24 qu'on entendait sur les Croates. C'était ma conviction profonde que la JNA
25 n'attaquerais jamais Dubrovnik, une ville pacifique.
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1 Q. Ce n'était pas ma question.
2 R. Vous me posez des questions pourtant sur ce qui s'est produit ce soir-
3 là. J'ai été profondément choqué par ce qui s'est passé.
4 M. RODIC : [interprétation] Je vous prie de rappeler au témoin qu'il doit
5 répondre brièvement à mes questions.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que le temps est venu pour
7 lever l'audience.
8 M. RODIC : [interprétation] Excusez-moi.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que nous pouvons apprécier ce
10 que vous voulez dire. Pour ce qui est des mesures de protection concernant
11 le témoin, vous avez des choses à nous dire, M. Petrovic, le témoin que
12 nous allons entendre ?
13 M. PETROVIC : [interprétation] Pour ce qui est de M. Samardzic, il peut
14 rester ici, mais je souhaiterais que l'on passe en audience à huis clos
15 partiel. Je serai très bref.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, nous sommes à huis clos partiel.
17 [Audience à huis clos partiel]
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1 --- L'audience est levée à 13 heures 54 et reprendra le lundi 26 janvier
2 2004, à 9 heures 00.
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