Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie

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1 Le mardi 23 mars 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 12.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Hier, une question s'est

6 posée à savoir si nous devions procéder à huis clos au moment où le témoin

7 à venir allait examiner les deux ou trois cartes. Les Juges de la Chambre

8 ont pu réfléchir à ce sujet au cours de la soirée d'hier et n'est pas

9 convaincu que suffisamment de justificatifs ont été fournis pour que

10 l'inspection de ces cartes se fasse à huis clos. En ce qui concerne les

11 opérations militaires qui ont eu lieu en 1991, impliquant les belligérants

12 de l'époque, en regardant prima facie ces pièces à conviction, enfin ces

13 documents, il nous semble que ceci n'affecte nullement la sécurité d'aucun

14 état et tout particulièrement de Serbie et de Monténégro, et que

15 l'utilisation ou l'examen de telles cartes devant cette institution, devant

16 ce Tribunal ne nuirait nullement à la sécurité de ces états. Nous n'avons

17 pas reçu de requêtes formelles d'aucun état, en nous demandant de prendre

18 des mesures qui sont même d'assurer la confidentialité de ces documents.

19 Nous nous sommes rencontrés aussi hier dans l'après-midi et le conseil de

20 la Défense nous a fait savoir qu'une question allait se poser ce matin,

21 qu'il voudrait nous faire part d'une requête.

22 Maître Petrovic, je vous donne la parole.

23 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 La question que je vais poser aujourd'hui c'est la même question que celle

25 que j'ai soulevée hier.

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1 Ce que vous voyez devant moi, ceci représente 37 heures d'enregistrements,

2 qui ont été communiqués en partie dimanche et en partie hier après-midi.

3 Suite à votre décision d'hier, nous avons passé la plupart de la journée

4 d'hier et de la nuit à essayer d'examiner tous ces documents. Nous avons

5 réussi à parcourir à peu près 11 heures de ces enregistrements. La

6 conclusion à laquelle nous sommes arrivés, après les avoir examinés,

7 correspond parfaitement et en totalité à ce que vous nous avons dit hier, à

8 savoir que l'on peut appeler cela la préparation du témoin. On peut

9 l'appeler comme on veut mais là, il s'agit de l'audition d'un témoin qui

10 apporte des événements pertinents et nouveaux qui sont extrêmement

11 importants pour la Défense de notre client.

12 Nous gardons tout ce que nous avons dit hier. Nous soutenons que notre

13 requête, la requête que nous avons faite le 19 mars est toujours valable.

14 Nous vous demandons de nous fournir plus de temps pour pouvoir examiner en

15 détail ce matériel. Nous vous demandons de ne pas procéder à la déposition,

16 à l'interrogatoire principal de ce témoin avant que nous ne puissions

17 examiner tous ces documents et tous ces enregistrements.

18 Dans l'éventualité où vous allez prendre une décision négative, à savoir,

19 si vous décidez de continuer de procéder à la déposition de ce témoin, en

20 dépit de toutes nos remarques et nos protestations. Je dois vous dire que

21 nous entendons interjeter un appel interlocutoire et nous vous demandons de

22 surseoir à toute décision avant de connaître la décision de la Chambre

23 d'appel suite à cet appel éventuel que nous allons interjeter.

24 J'espère que vous comprenez qu'il s'agit là d'une question clé qui nous est

25 extrêmement importante et que vous allez nous comprendre. Je vous réitère

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1 les arguments que je vous ai exposés hier. Ils restent valables. Nous avons

2 reçu, entre-temps, 11 heures d'enregistrements, 11 heures qui viennent

3 s'ajouter aux enregistrements que nous avons reçus auparavant.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic, avant de vous

5 asseoir, les 11 heures dont vous parlez, est-ce que ce sont les

6 enregistrements de ces mêmes auditions que ceux que vous avez reçus

7 auparavant ?

8 M. PETROVIC : [interprétation] Non. Parmi ces 11 heures d'enregistrements

9 se trouvent deux CD-ROM qui correspondent aux auditions de février. En ce

10 qui concerne les interviews du 11, les auditions du 11 et du 12 mars, nous

11 ne les avons pas reçues au début. Nous ne les avons pas reçues dimanche

12 soir.

13 En ce qui concerne la deuxième partie de ces enregistrements, qui a eu lieu

14 dans les quartiers pénitentiaires des Nations Unies, après l'arrivée de

15 l'amiral Jokic à La Haye, c'est la cinquième audition si j'ai bien compris,

16 si mes comptes sont bons.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les 11 heures supplémentaires

18 correspondent à une audition complètement à part ?

19 M. PETROVIC : [interprétation] Oui, je pense que c'est bien le cas. D'un

20 côté, nous avons reçu les enregistrements que nous n'avons pas reçus

21 dimanche, qu'on ne nous a pas donnés dimanche, qui manquaient et d'autre

22 part, nous avons reçu aussi l'enregistrement de cette audition qui a eu

23 lieu dans les quartiers pénitentiaires.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Une autre question, Maître Petrovic.

25 Vous avez dit que vous ne pouvez pas, que vous n'allez pas être en mesure

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1 de suivre l'interrogatoire principal de ce témoin avant d'étudier ces

2 enregistrements. Pourquoi ? Pourriez-vous nous expliquer cela ?

3 M. PETROVIC : [interprétation] Maintenant, nous disposons de cinq ou de six

4 auditions de témoin. Ceci correspond à une telle quantité d'information que

5 nous ne sommes pas en mesure de réagir, de suivre la déposition de ce

6 témoin. Nous sommes dans l'impossibilité de réagir à toute information

7 nouvelle puisque nous ne savons absolument pas ce qui se trouve dans ces

8 enregistrements.

9 Peut-être qu'on va lui poser une question qui est déjà corroborée par ces

10 enregistrements mais nous ne pouvons pas le savoir, nous ne pouvons pas

11 réagir puisque nous ne savons ce qui se trouve dans ces documents. Passons

12 les difficultés techniques à suivre la déposition puisque ce que nous avons

13 reçu ce ne sont pas transcripts, au contraire, ce sont les enregistrements

14 vidéo et nous ne pouvons pas les suivre pendant que nous suivons la

15 procédure. Nous avons essayé de trouver une solution technique mais pour

16 l'instant, nous ne l'avons pas trouvée. Pour l'instant, la situation est

17 telle qu'elle est.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que j'ai bien compris Mme

19 Somers qui a dit que ces auditions n'étaient rien d'autre que la

20 préparation du témoin ou il s'agissait de parcourir le contenu des

21 auditions du témoin, qui ont déjà eu lieu et qui se concentrent justement

22 sur les auditions du témoin qui ont déjà eu lieu et qui sont pertinents en

23 l'espèce, les parties pertinentes pour l'affaire qui nous concerne ? Ou

24 est-ce qu'il s'agit des auditions complètement nouvelles qui traitent de

25 questions nouvelles ?

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1 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, dans ces auditions,

2 on parle des mêmes événements mais l'interprétation des événements n'est

3 pas la même. La description des acteurs principaux de ces événements n'est

4 pas la même. On nous fournit de nouvelles explications, de nouvelles

5 visions des choses. Il s'agit des mêmes événements. Ce sont les événements

6 qui se sont produits entre le mois d'octobre et le mois de novembre ou

7 décembre 1991, mais l'interprétation de la situation est toute nouvelle.

8 A plusieurs reprises, Mme Somers lui a présenté ses déclarations anciennes

9 et le témoin s'est rectifié à plusieurs reprises. Même Mme Somers lui a

10 demandé à plusieurs reprises, au cours de ces auditions, pour quelles

11 raisons il changeait d'avis ou quelles sont ces nouvelles informations

12 qu'il était en train d'introduire, et cetera. Par exemple, à plusieurs

13 reprises au cours de ces auditions, il, le témoin, à venir, a introduit de

14 nouveaux personnages.

15 Par exemple, l'officier des opérations, qui était subordonné au condamné

16 Jokic, apparaît pour la première fois à une date dont je ne me souviens

17 plus, qui figure quelque part parmi les CD-ROM, qui se trouvent devant moi

18 aujourd'hui. On lui pose plein de questions concernant les informations

19 dont il disposait à l'époque, et cetera. De toute façon, toute cette

20 opération Dubrovnik est présentée différemment dans ces nouveaux

21 enregistrements qu'on vient de nous communiquer et l'interprétation des

22 événements est complètement différente de celle que nous avons pu connaître

23 avant.

24 Si vous voulez, je peux vous fournir d'autres exemples.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, non. Vous nous avez très bien

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13 pagination anglaise et la pagination française.

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1 expliqué quelle est la situation, de votre point de vue.

2 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Somers.

4 Mme SOMERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Tout d'abord,

5 le Procureur n'est absolument pas d'accord avec la façon dont la Défense

6 présente les choses. C'est tout simplement pas exact. Vous avez très bien

7 compris de quoi il s'agit, Monsieur le Président. Il s'agit de la

8 préparation du témoin, qui est tout à fait habituelle par rapport à tous

9 les témoins que nous présentons et c'est sur la base de ce principe que

10 nous l'avons auditionné. Il est absolument absurde de dire qu'il y a de

11 nouveaux éléments, de nouvelles informations qui figurent dans ces

12 enregistrements. Quand vous avez autant d'informations, quand vous disposez

13 d'une audition au sens propre du terme, au sens de l'Article 63 et que

14 cette personne vient témoigner, nous sommes limités. A chaque fois qu'il y

15 a un changement fondamental, nous sommes obligés de demander quelle est la

16 raison de ces changements. C'est pour cela que nous avons posé toutes ces

17 questions et que nous avons procédé de la sorte. Il est tout simplement pas

18 exact de dire qu'il y a quoi que ce soit de plus dans ces enregistrements.

19 Il y a uniquement trois séances qui ont eu lieu, une séance qui a eu lieu

20 au mois de février, une autre au mois de mars et une autre, la dernière,

21 après le jugement de l'amiral Jokic, vendredi dernier.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous dites qu'au lieu de 26 heures

23 quelques, maintenant vous avez uniquement 11 heures de plus, rien de plus ?

24 Mme SOMERS : [interprétation] Je n'ai pas fait mes comptes, mais,

25 évidemment, il y avait des pauses, l'interprétation, et cetera, mais il y a

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1 eu trois séances.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le conseil de la Défense demande la

3 possibilité de parcourir à peu près 38 heures d'enregistrements.

4 Mme SOMERS : [interprétation] Honnêtement, je devrais faire un calcul

5 mathématique. D'après nous, les auditions de l'amiral Jokic du mois de

6 juillet 2002 et du mois de septembre 2003 ont servi de base pour ces

7 séances et si la Défense ne les a pas lues, dans ce cas-là, nous ne pouvons

8 pas contrôler la situation, nous n'y sommes pour rien. Si vous regardez

9 bien la façon dont on a posé les questions au cours de ces séances

10 préparatoires, vous voyez très bien que nous nous sommes basés sur ces

11 auditions que la Défense possède depuis bien longtemps et c'est ce qui a

12 servi de base pour la déposition de l'amiral Jokic.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, procéder de cette façon-là serait

14 efficace effectivement.

15 Mme SOMERS : [interprétation] Je pense que si vous acceptez ce que nous

16 disons, à savoir qu'il s'agit des séances de préparation des témoins, de

17 matériaux qui ont été fournis pour information et par courtoisie, dans ce

18 cas-là on pourrait accepter l'autre explication aussi. Ce que nous voulons

19 dire avant tout, c'est que les documents, qui ont servi de base pour tous

20 ces entretiens et toutes ces séances de préparation, ont été communiqués à

21 la Défense depuis bien longtemps.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre s'inquiète de la manière

25 dont les choses se déroulent. En réponse aux arguments qui nous ont été

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1 présentés à deux reprises par Mme Somers, nous comprenons que, soit ce

2 document était suffisamment pertinent aux yeux de la Défense pour justifier

3 qu'il lui soit communiqué ou il ne l'était pas. La Chambre n'est pas en

4 position d'examiner ces documents mais le fait que ces documents ont été

5 communiqués signifie à ce moment qu'il revêt une certaine pertinence.

6 Si cela est exact, la question qui se pose à vous est une question d'équité

7 vis-à-vis de la Défense et du temps dont elle dispose pour examiner ces

8 documents ? A cet égard, suite aux arguments qui ont été présentés par les

9 deux parties, nous sommes en mesure de nous forger une opinion quant à la

10 nature de ces documents. Nous convenons, avec Mme Somers, que ces documents

11 ont principalement trait à des déclarations faites précédemment et

12 soulignent les domaines dans lesquels il y a eu des modifications qui

13 peuvent être importantes aux yeux de la Défense. D'après les arguments

14 présentés par Mme Somers et M. Petrovic, ce témoin à notre avis n'aborde

15 pas de questions tout à fait nouvelles.

16 Voici la position de la Chambre et nous estimons que cela a deux

17 conséquences. Premièrement, l'examen des documents peut avoir lieu de façon

18 plus rapide que s'il s'agissait de documents introduisant de nouveaux

19 thèmes. Deuxièmement, l'examen du contenu de ces enregistrements peut être

20 effectué de façon assez rapide car il s'agit essentiellement d'identifier

21 des points qui présentent des divergences par rapport à ce qui a été

22 déclaré précédemment.

23 Nous craignons que les documents, qui sont aujourd'hui en possession de la

24 Défense. Ces enregistrements supplémentaires d'une durée de 11 heures

25 constituent, à notre avis, une somme importante. Si bien, que le délai que

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1 nous avions accordé au départ, pour examiner ces documents et qui nous

2 paraissait raisonnable pour permettre à la Défense de préparer son contre-

3 interrogatoire, se révèle insuffisant.

4 Nous sommes conscients du fait que les conseils de la Défense sont des

5 conseils expérimentés et que la tâche, consistant à examiner les

6 enregistrements, peut être divisée entre eux. Nous pensons que ce travail

7 peut être achevé pendant la période que durera l'interrogatoire principal

8 du témoin. Par conséquent, nous sommes amenés à conclure qu'il est inutile

9 de reporter une nouvelle fois la déposition du témoin. Nous sommes d'avis

10 qu'une nouvelle journée, une journée entière supplémentaire devrait être

11 accordée au conseil de la Défense afin de leur permettre d'évaluer de façon

12 raisonnable les enregistrements communiqués hier. Nous nous sommes réunis

13 plus longtemps que prévu et une réunion a eu lieu dans le courant de

14 l'après-midi qui a duré une heure et demie ou plus. Aujourd'hui, il n'y

15 aura pas de telles interruptions.

16 Il est très regrettable qu'il soit nécessaire de nouveau de suspendre le

17 cours du procès et de reporter le début de la déposition mais nous pensons

18 qu'il en va là d'une bonne administration de la justice. Nous pensons que

19 nos propositions sont raisonnables et qu'elles permettront aux parties de

20 mener correctement l'interrogatoire principal du témoin et son contre-

21 interrogatoire.

22 Par conséquent, nous suspendons l'audience. Nous nous retrouverons demain

23 matin pour poursuivre nos travaux.

24 --- L'audience est levée à 9 heures 39 et reprendra le mercredi 24 mars

25 2004, à 9 heures 00.