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1 Le lundi 28 juin 2004
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 21.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Cet après-midi commence la
6 présentation des moyens de preuve de la Défense. Ceci a été dit le
7 vendredi. On nous a dit que la Défense allait prononcer son discours
8 préalable. Est-ce que ce discours va être prononcé par M. Rodic ou M.
9 Petrovic ?
10 M. RODIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et
11 Monsieur les Juges. Bonjour, à tous mes confrères du bureau du Procureur et
12 à toutes les personnes présentes dans ce prétoire. La Défense va commencer
13 sa présentation des moyens de preuve aujourd'hui et, au nom des conseils de
14 la Défense, je vais prononcer ce discours liminaire.
15 Par le biais de l'acte d'accusation émis par le Procureur du Tribunal pénal
16 international, le général Pavle Strugar est accusé des violations des lois
17 ou coutumes de la guerre, ceci à travers six charges figurant dans l'acte
18 d'accusation. Pendant cinq mois, le Procureur a présenté ses moyens de
19 preuve, s'efforçant de prouver, en ce qui concerne ces évènements qui se
20 sont produits à Dubrovnik et autour de Dubrovnik en automne 1991, qu'une
21 seule personne était responsable, à savoir, le général Pavle Strugar.
22 Le Procureur du Tribunal pénal international s'est efforcé d'isoler les
23 évènements qui sont au cœur de l'affaire et qui nous préoccupe, de les
24 isoler du contexte historique, social et militaire qui prévalait à
25 l'époque.
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1 Le Procureur a tenté de nous montrer ces éléments en dehors du cadre
2 temporel et spatial quant il s'agissait de détruire un pays par le biais
3 d'une insurrection armée dans les Républiques de Croatie et de Slovénie. Au
4 cours des années 1991 et 1992, ce qui représente la culmination d'un
5 rapport destructif vis-à-vis de cette communauté étatique qui réunissait
6 les peuples yougoslaves au cours du 20e siècle.
7 Il n'est possible de décrire le contexte des évènements dès l'année 1991
8 qu'en tenant compte de l'histoire de l'État yougoslave, à partir de sa
9 création en 1918. Il convient, aussi, de décrire les évènements qui se sont
10 produits au cours de la Deuxième guerre mondiale, la période communiste et,
11 pour terminer, il s'agit de décrire aussi cette sécession illégale, qui est
12 parfaitement contraire à la constitution de la République socialiste
13 fédérale d'Yougoslavie. L'État yougoslave a été créé après la Première
14 guerre mondiale, en 1918. Pour créer cet État, deux États, jusqu'alors
15 indépendants, se sont unis, à savoir, la Serbie et le Monténégro, ainsi que
16 les territoires de l'ex-monarchie austro-hongroise habités par le peuple
17 des slaves du sud : les Serbes, les Croates et les Slovènes.
18 Il s'agissait-là d'un État unitaire, basé sur une thèse étatique d'un seul
19 peuple, consistant en trois entités : les entités serbes, croates et
20 slovènes. Cet État était divisé en banovina, qui ne représentait pas une
21 division territoriale sur le principe ethnique, mais, au contraire, un
22 partage selon les principes administratifs et juridiques.
23 Le royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, plus tard, le royaume
24 yougoslave, depuis son début, souffrait des nombreux antagonismes. Ces
25 antagonismes provenaient des programmes différents adoptés par différents
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1 peuples yougoslaves, qui étaient parfaitement contraires. L'élite politique
2 croate voyait l'État yougoslave comme une période temporaire pour aboutir à
3 sa propre autonomie étatique et nationale.
4 La première tentative de créer un État croate indépendant, date de 1941,
5 sous la protection des Allemands, par la création de l'État indépendant
6 croate des Oustachi. Avec la victoire des alliés dans la Deuxième guerre
7 mondiale, à nouveau, un État yougoslave a été créé sur la base fédérale
8 composée de six républiques. Le pouvoir des communistes, qui commence en
9 1945, a, fortement, anéanti les zones nationales, les mythes et les
10 stéréotypes. Les concepts de fraternité et d'unité leur offraient une
11 formule universelle pour résoudre les problèmes de la question nationale
12 dans l'Yougoslavie socialiste; cependant, justement cette question
13 nationale non résolue est au cœur même de la dissolution du deuxième État
14 yougoslave. Le séparatisme croate sous-jacent, qui existe dans toutes ces
15 formes pendant toute l'existence de l'État yougoslave, a culminé par une
16 sécession illégale, contraire à la constitution de la RSFY.
17 Avec l'arrivée au pouvoir du HDZ au printemps 1990 est réalisée la dernière
18 étape permettant la destruction de la RSFY. En se préparant pour se séparer
19 de l'Yougoslavie, le HDZ de Tudjman a évalué que, pour réaliser un tel but,
20 il était indispensable de rentrer en conflit avec la JNA. C'est pour cela
21 qu'immédiatement après la prise du pouvoir du HDZ, le HDZ a commencé à
22 réaliser ses buts, tout d'abord en renforçant ses forces de police.
23 Ensuite, en créant des formations paramilitaires dépendantes du parti
24 politique, il s'agissait là du ZNG, la Garde nationale qui était au cœur de
25 la future armée croate. Il s'agissait, aussi, d'affaiblir le plus possible
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1 les troupes de la JNA qui se trouvaient sur le territoire de la Croatie.
2 Par la décision de Franjo Tudjman qui était le président de la République
3 croate et aussi le président du parti politique le plus puissant croate, la
4 Garde nationale croate ZNG a été proclamée, officiellement, en tant que
5 formation militaire croate lors du passage en revue des forces armées
6 croates, le 28 mai 1991. A ce moment-là, la Croatie dispose de 60 000
7 soldats et recrus et de
8 30 000 policiers. Evidemment, ces chiffres illustrent bien qu'elle était le
9 niveau de préparation de l'État de Croatie pour la sécession armée car, en
10 temps de paix, la Garde nationale croate n'est pas une formation légale. Le
11 ministère des Affaires intérieures disposait de bien moins de policiers
12 avant cette période-là, des chiffres qui ne correspondaient absolument pas
13 à ce chiffre de 30 000 policiers en 1990.
14 Cependant, avant cela, au cours du mois de novembre 1990, la présidence de
15 la RSFY a été informée de l'importation des armes et de l'équipement
16 militaire emmenés en grande quantité depuis la Hongrie pour armer les
17 unités paramilitaires de la République de Croatie. A cause de cela, le 9
18 janvier 1991, la présidence de la RSFY a décidé de désarmer toutes les
19 formations militaires qui ne faisaient pas partie des forces armées uniques
20 de la RSFY ou qui ne dépendaient pas des organes du ministère de
21 l'Intérieur et qui n'ont pas été créées en respectant les lois fédérales.
22 Cet ordre devait être réalisé en l'espace de dix jours; cependant, les
23 dirigeants croates, après avoir demandé des délais supplémentaires, à
24 savoir, 48 heures de plus, le 21 janvier 1991, ont augmenté l'aptitude aux
25 combats des tous les soldats du MUP et du ZNG. Vu la réponse des autorités
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1 de la République de Croatie, le fait est que les trois ordres qui ont suivi
2 émanant de la présidence de la RSFY, il n'y a pas eu de désarmement des
3 forces paramilitaires.
4 D'un autre côté, le monde entier a pu voir l'image où le soldat s'est
5 étranglé dans un transporteur des troupes, le 6 mai 1991, au moment où le
6 commandement de secteur maritime naval district a été bloqué. Un autre
7 soldat a été tué à l'époque, Sasa Gesovski. A l'époque, jusqu'au 25 juillet
8 1991, il y a eu 126 cas d'actions de force et de délits contre des
9 personnes, des bâtiments et des biens de la JNA. Six membres de la JNA se
10 sont fait tuer et 87 ont été blessés.
11 Après cela, le blocus des casernes sur tous les territoires de la
12 République de Croatie s'est est suivi, l'eau a été coupé, les lignes
13 téléphoniques ont été coupées, il n'y avait plus d'approvisionnement en
14 nourriture et, à l'aide des forces paramilitaires, toutes les entrées et
15 toutes les sorties des casernes ont été bloquées. Aussi, pendant un cessez-
16 le-feu parmi tant d'autres, car il y en a eu beaucoup qui ont été signés
17 pendant cette période-là, entre le 2 et le 11 septembre 1991, 115 attaques
18 armées ont été réalisées au cours desquelles 11 soldats de la JNA se sont
19 fait tuer et 40 soldats ont été blessés.
20 Dans ces conditions-là, après que de nombreux cessez-le-feu ont été
21 violés et que le côté croate avait, systématiquement, refusé de remplir ses
22 obligations ou de démobiliser ses forces paramilitaires, d'ailleurs, la
23 communauté internationale était le témoin pendant cette période-là. Le
24 quartier général principal de la JNA a décidé d'exercer des pressions sur
25 la république de Croatie pour lever le blocus des garnisons et des casernes
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1 dans lesquels se trouvaient les troupes de la JNA sur le territoire de
2 cette république.
3 Les dirigeants militaires devaient à la va-vite créer et former du conduit
4 opérationnel des forces armées qui devaient mener des opérations contre ces
5 formations paramilitaires. Ces dirigeants devaient aussi créer une
6 composante militaro-territoriale qui devait contrôler les arrières des
7 lignes de front. Aussi s'agissait-il d'assurer un sens de vie tout au
8 moins, sur ce territoire qui à l'époque était habité par une population
9 hostile, bien sur un territoire vidé par sa population qui s'est enfuie à
10 cause de la peur des opérations de guerre.
11 Parmi de telles formations provisoires se trouvait également le deuxième
12 groupe opérationnel créé vers la fin septembre 1991, dirigé par son
13 commandant à l'époque, le général Jevrem Cokic. De nombreux problèmes ont
14 accompagné la création de ce groupe militaire provisoire. Nous avons
15 d'ailleurs eu l'occasion d'entendre par le biais de la présentation des
16 moyens de preuve de l'Accusation que pendant la période qui nous concerne,
17 le 2e Groupe opérationnel a été dirigé par trois commandants; d'abord, le
18 général Jevrem Cokic qui était blessé; suite à cela, c'est le général
19 Ruzinovski qui a pris sa place; ensuite, pendant la nuit du 13 au 14
20 octobre, c'est le général Pavle Strugar qui prend la place du commandant du
21 2e Groupe opérationnel.
22 La pression du 2e Groupe opérationnel n'impliquait pas d'abord la création
23 du commandement qui devrait être ensuite placé au poste dont il serait
24 possible d'effectuer les activités de commandement, de renseignements, et
25 de la prise de connaissance de la zone de responsabilité pour pouvoir
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1 seulement ensuite déployer, d'abord faire venir et déployer les unités, ce
2 qui aurait été conforme aux règles militaires. Ce qui s'est passé ?
3 Justement l'inverse. Il s'agissait soit des unités qui étaient déjà dans
4 cette zone de responsabilité, soit dirigé vers cette zone, il était prévu
5 qu'elles y fassent leur apparition seulement suite à la mobilisation et à
6 la marche.
7 Le commandement du 2e Groupe opérationnel est arrivé seulement suite à
8 l'ordre donné par le quartier général principal. C'est seulement celui-ci
9 qui lui a fait comprendre, tout d'un coup, que certaines unités devaient
10 faire partie de sa zone de responsabilité. Tous les ordres émanant de la
11 direction personnelle du quartier général principal régulant la nomination
12 des officiers aux postes de commandement du 2e Groupe opérationnel
13 contenaient une clause indiquant qu'il s'agissait-là des nominations
14 provisoires et non pas prévues pour un temps indéfini. Il ne fait aucun
15 doute que le
16 2e Groupe opérationnel était une formation complètement nouvelle et
17 provisoire, autrement dit, une formation provisoire des forces armées de la
18 RSFY. On fait partie de cette formation, à l'époque, le 37e Corps dont le
19 siège était à Uzice qui appartenait, par ailleurs, à la 1ère Région
20 militaire. Ensuite, membre du 2e Corps d'armée dont le siège est à
21 Titograd, qui s'appelle aujourd'hui Podgorica, qui dépendait de la 3e
22 Région militaire dont le siège était en Slovénie. Ensuite, le 9e Secteur
23 militaire maritime dont le siège était à Kumbor et qui faisait partie de la
24 région militaire du Secteur militaire naval. Ensuite, les membres du 4e
25 Corps d'armée dont le siège était à Sarajevo et qui appartenait au 1er
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1 Secteur militaire.
2 Nous pouvons remarquer immédiatement que seules les forces du 9e Secteur
3 naval fonctionnaient dans leurs zones de responsabilités initiales, alors
4 que toutes les autres unités ont été amenées d'autres zones auxquelles
5 elles avaient été initialement affectées et ont été déployées dans des
6 zones de responsabilités qui leur étaient complètement étrangères et
7 inconnues. Lorsque l'on parle de la zone de responsabilité du 2e Groupe
8 opérationnel, il faut savoir qu'il s'agit là d'une grande région. C'est
9 allant de l'Herzégovine de l'est jusqu'à la frontière entre la Bosnie-
10 Herzégovine et Serbie, et puis, la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro.
11 Cette frontière-là était également couverte par cette zone de
12 responsabilités. Au nord et au nord-ouest, les zones des responsabilités du
13 2e Groupe opérationnel allait jusqu'à la vallée de la rivière de Neretva,
14 alors qu'à l'ouest, elle s'étirait jusqu'à l'Adriatique, y compris la
15 région le long de la mer et les îles dans la région vaste de Dubrovnik et
16 la presqu'île de Peljesac.
17 Lorsque l'on parle de la composition du 2e Groupe opérationnel, il est
18 important de noter que la mobilisation a eu lieu sous l'appellation
19 d'exercices militaires puisque les dirigeants d'États de l'époque n'avaient
20 pas proclamé l'état de guerre. Dans un tel cas de figure, la mobilisation
21 des unités se résumait pratiquement au principe de volontariat, car, sans
22 état de guerre, il n'était pas possible d'appliquer les règles juridiques
23 sévères prévues pour des situations où quelqu'un refuse de répondre à
24 l'appel aux armes.
25 Le niveau de convergence collective de coopération et de solidarité entre
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1 les commandants et les combattants, ensuite, entre les commandants
2 mutuellement, et entre les commandements et les unités, était presque non
3 existant, avec tout ce que cela implique de négatif lorsqu'il s'agit de
4 l'aptitude au combat général des unités, et des formations.
5 Comme je l'ai déjà dit, il s'agissait-là des unités, des commandements
6 créant à la hâte, sans entraînement, et qui n'avaient jamais reçu un
7 entraînement pour faire face aux missions dont ils devaient s'acquitter, et
8 pour agir dans les régions dans lesquelles ces actions là allaient se
9 dérouler.
10 Les commandants, qui avaient reçu pour tâche de travailler au sein du
11 commandement du 2e Groupe opérationnel, jamais, jusqu'à ce moment-là,
12 n'avaient effectué ce genre de mission. Il s'agissait-là des officiers
13 émanant de l'inspection générale de la Défense nationale de Belgrade,
14 ensuite, des centres d'entraînement militaire de haut niveau à Belgrade et
15 des écoles militaires à Belgrade, de même que les écoles des officiers de
16 réserve de Bileca. Tout ceci se déroulait seulement une dizaine de jours
17 avant le début des opérations de combat.
18 Tout ceci a créé un gros problème pour permettre dans un laps de temps
19 extrêmement bref de convertir ces personnes qui avaient l'habitude
20 d'enseigner ou de travailler en tant qu'inspecteurs afin qu'ils puissent
21 s'acquitter des tâches de commandement, et des tâches opérationnelles sans
22 un seul jour de préparation psychologique et spécialiser et de cours de
23 conversion. Une situation aussi instable et le manque total de connaissance
24 de la nouvelle situation de la part du commandement nouvellement créé du 2e
25 Groupe opérationnel, provoquait de changement fréquent au sein de
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1 l'organisation interne de la formation, et les réaffectations quasiment
2 quotidiennes de nouvelles unités et formations, de même que le fait de
3 retirer d'autres formations et unités.
4 Tout ceci a eu pour résultat que certaines parties du 2e Groupe
5 opérationnel ne se sont pratiquement acquittées de leur tâche s'agissant
6 d'aucune phase de leur opération dans une même composition.
7 Pour ce qui est du rôle et des missions du 2e Groupe opérationnel, il est
8 important de les placer dans le contexte de la situation dans la vallée de
9 la Neretva, et dans la région basse de Dubrovnik, et de l'importance de ces
10 régions pour la défense et la préservation de l'état commun à l'époque, ce
11 qui était considéré à l'époque du point de vue des dirigeants politiques et
12 militaires de l'Yougoslavie comme un but qui était encore possible et tout
13 à fait réalisable.
14 La région de Dubrovnik, ville qui couvre avec ses alentours les régions des
15 deux côtés de l'autoroute de l'Adriatique, était placée à un endroit
16 central; à la frontière triple du Monténégro, de la Bosnie-Herzégovine, qui
17 à l'époque faisait encore partie de la RSFY d'un côté, et de la République
18 de Croatie, qui était déjà sur le chemin de la sécession en 1991. Le fait
19 de contrôler cette région était d'une importance géostratégique vitale pour
20 une autre raison d'ailleurs. Cette région-là, avec son secteur maritime,
21 était un axe important par le biais duquel, par voie terrestre et maritime,
22 il était possible de retirer et reloquer les forces et les ressources du
23 Secteur naval militaire, et surtout des unités et des moyens de la marine
24 de guerre dans le seul port et base maritime de l'Adriatique qui était
25 suffisamment sûr à l'époque, à savoir, la baie de Boka Kotorska et la
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1 région maritime monténégrine.
2 C'est pour cette raison qu'il était très important d'empêcher les forces
3 paramilitaires croates d'utiliser cette région pour leur propre besoin
4 militaire. La vallée de la Neretva constitue un axe qui sépare la partie
5 occidentale de la partie orientale de la Herzégovine. En aval de la
6 Neretva, se trouve des installations militaires très importantes
7 appartenant à la JNA de l'époque; tout d'abord, l'entrepôt de Gabela et de
8 Dretelj; ensuite, l'aérodrome de Mostar, et le centre d'enseignement à
9 Capljina. A l'époque, Mostar constituait l'unique base aérienne sur le
10 territoire de l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine. Depuis cette base, il
11 était possible de fournir le soutien aérien aux opérations visant à retirer
12 la technologie de guerre de l'Adriatique du nord et centrale vers la baie
13 de Boka Kotorska.
14 Pour toutes ces raisons-là, la JNA ne pouvait absolument pas se permettre
15 de perdre le contrôle de l'aérodrome de Mostar et de la vallée de la
16 Neretva. Qui plus est, il est bien connu que la ville de Dubrovnik et ses
17 alentours étaient vidés sur le plan militaire. Autrement dit, dans cette
18 région aucune unité militaire n'était stationnée depuis la fin des années
19 1960 du 20e siècle, justement, la JNA et le gouvernement de l'époque. Dans
20 les années 1960, on tenait compte de l'importance culturelle et touristique
21 de Dubrovnik, lorsqu'ils ont décidé, au cours de ces années-là, de déplacer
22 la brigade navale d'attaque de Dubrovnik, du secteur maritime militaire de
23 Boka, pour la situer à Trebinje.
24 Contrairement à cette attitude de la JNA et, bien sûr, le comportement
25 pratique, la ville de Dubrovnik a, de nouveau, été armée. Sur la base des
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1 documents reçus, lesquels nous disposons, la Défense ainsi que
2 l'Accusation, il est possible d'établir que, déjà au début de 1991,
3 s'agissant de la police de Dubrovnik, le nombre de policiers de réserve a
4 été augmenté. Ils ont établis une organisation de guerre, ainsi que la
5 formation des policiers de réserve. La police de Dubrovnik envoyait des
6 rapports quotidiens concernant les préparatifs établis au secteur du
7 ministère de l'Intérieur de la République de Croatie. Nous parlons, ici, du
8 début de l'année 1991.
9 Il existe, également, des documents depuis lesquels nous pouvons voir que
10 le ministère de l'Intérieur de la République de Croatie impose, à toutes
11 les directions policières, s'agissant des policiers de réserve de la Garde
12 nationale croate, de transférer 70 pour cent des policiers de réserve ainsi
13 que 70 pour cent des armements nouvellement acquis, suivant à tout but et,
14 selon les documents, il s'agit des armements d'infanterie, ensuite, d'armes
15 servant à une défense antiaérienne, des armes servant à une défense
16 antichars et antimines.
17 De plus, s'agissant du processus d'aptitude à la guerre et des préparatifs
18 sur le territoire de Dubrovnik a été établi, bien avant, les opérations de
19 combat et le début des combats, je dois parler, particulièrement, de la
20 période qui précédait la préparation de la JNA, afin de mener les
21 opérations de combat sur les territoires de Dubrovnik-Herzégovina. Nous
22 pouvons voir ces faits depuis les documents qui proviennent du service
23 d'Observation et de Renseignement de la République de Croatie, le centre du
24 Renseignement Dubrovnik. Il s'agit d'un document que la Défense montrera à
25 la Chambre de première instance.
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1 De par ce document, nous pouvons voir que le travail de ce centre de
2 Renseignement a débuté le 1er mai 1991 et, déjà, jusqu'à cette date, tous
3 les postes d'observation avaient été établis sur le territoire de la
4 municipalité. La tâche était de procéder à l'observation et de procéder au
5 contrôle de tout mouvement des Unités de la JNA.
6 Nous pouvons conclure qu'il s'agissait d'une préparation de la République
7 de Croatie à une guerre menée contre l'Yougoslavie sur le territoire de la
8 ville de Dubrovnik, cette même ville qui, dans les années 1970 du siècle
9 dernier, une partie de cette ville était devenue un site protégé par
10 l'UNESCO comme étant un monument historique de grande importance.
11 L'une des tâches principales de ce centre était de suivre et d'observer les
12 mouvements de la JNA et de procéder au renseignement, un indicateur clair
13 attestant le fait qu'il y avait, effectivement, une militarisation faite
14 dans la ville de Dubrovnik est lié à la brigade de la Garde nationale
15 croate, dont le centre se trouvait à Dubrovnik, ainsi que ses forces
16 principales qui étaient déployées dans cette ville. En plus de ces
17 derniers, s'agissant de la ville de Dubrovnik, il y avait, également, des
18 unités paramilitaires croates dont l'unité principale s'appelait la légion
19 noire provenant de la République de Bosnie-Herzégovine. A plusieurs
20 reprises, cette dernière a été mentionnée devant la Chambre de première
21 instance, ou plutôt, on a mentionné les HOS, l'unité paramilitaire qui
22 appartenait à un parti politique de la République de Croatie.
23 S'agissant du patrimoine culturel, Dubrovnik a été utilisée par les
24 Croates, on s'en est servie dans les médias comme un but politique.
25 N'acceptant pas la démilitarisation, c'est-à-dire, n'acceptant pas le
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1 statut d'une ville ouverte qui n'ait pas de présence militaire, la ville de
2 Dubrovnik s'est trouvée, en 1991, dans la zone des activités de combat dont
3 le but était de regagner le contrôle du territoire de la Dalmatie du sud
4 jusqu'à une résolution politique de la crise yougoslave et d'établir une
5 sortie sur la mer depuis Dubrovnik et des ports aux alentours de Dubrovnik.
6 Le but de cette opération de combat voulait le blocus de la ville de
7 Dubrovnik de par la terre et de par la mer. La ville de Dubrovnik même n'a
8 jamais, s'agissant de la conception du commandement du 2e Groupe
9 opérationnel et s'agissant d'aucun autre commandement qui se trouvait au
10 dessus de cette dernière ou en dessous de cette dernière, été le but des
11 opérations de combat ni l'objectif des opérations de combat. Par contre, le
12 fait même de dire que Dubrovnik était une ville militarisée et une ville
13 dont la présence militaire se faisait voir depuis laquelle les forces
14 croates agissaient, menaient des opérations de combat et faisaient subir
15 des pertes aux forces de la JNA, qui était une force légitime du territoire
16 de la SFRY. Indépendamment du nombre de pertes, est-ce que cela aurait été
17 une raison suffisante pour prendre le contrôle de Dubrovnik et établir un
18 contrôle militaire complet.
19 Toutefois, pour éviter que les conséquences d'une telle opération
20 militaire ne se fasse voir, c'est-à-dire, une perte d'habitants et de
21 bâtiments de la ville de Dubrovnik, le commandement suprême s'agissant des
22 forces armées de la RSFY et le commandement du 2e Groupe opérationnel n'a,
23 jamais, eu pour but d'établir un contrôle total de la vieille ville de
24 Dubrovnik et la prise de la ville de Dubrovnik. Le but principal, vers
25 lequel tendait la JNA, était la démilitarisation de la ville, ce que nous
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1 avons pu voir, lors de la présentation des moyens à charge, de par les
2 documents divers qui parlent des propositions visant à une normalisation de
3 la vie, documents soumis par l'Accusation.
4 Toutefois, lorsque les autorités croates n'ont pas accepté cette
5 proposition volontairement, le but a été de procéder au blocus de Dubrovnik
6 de par la mer et par la terre.
7 Si l'on parle des éléments principaux de cet acte d'accusation et si nous
8 parlons de l'événement du 6 décembre 1991, cet événement doit être examiné
9 dans un contexte tel que je l'ai présenté. Il est, particulièrement,
10 important d'insister sur le fait que, ni à ce moment-là le 6 décembre 1991
11 et ni avant cette date non plus, le but d'une activité militaire concrète,
12 ainsi que d'autres activités militaires qui avaient été menées, n'avait,
13 jamais, été de prendre la possession de Dubrovnik, ni de faire subir des
14 pertes aux bâtiments culturels et aux monuments historiques, ni d'attaquer
15 la ville de Dubrovnik dans ce sens-là, de lui faire perdre des vies. C'est
16 ainsi que la Défense, lors de la présentation des ses moyens à charge, en
17 faisant entendre des témoins à la barre et en présentant des documents,
18 tentera de démontrer la chose suivante : la vieille ville, comme monument
19 historique et culturel protégé par l'UNESCO pendant la période pendant
20 laquelle les opérations ont eu lieu sur le théâtre des opérations
21 Dubrovnik-Herzégovine, a été utilisée à des buts et à des fins militaires.
22 Tout ceci a été fait dans le sens où les formations paramilitaires se sont
23 servies de la vieille ville et des positions se trouvant non loin de la
24 ville de Dubrovnik pour procéder à la provocation, pour attaquer les unités
25 et pour tirer sur les unités de la JNA qui se trouvaient sur des positions
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1 établissant le blocus de Dubrovnik.
2 Les provocations et les activités de combat depuis les positions des forces
3 croates sur Srdj, et sur les autres objectifs étaient intenses et
4 quotidiennes. Ce fait fera l'objet de la présentation de nos moyens à
5 décharge.
6 La Défense tentera de démontrer et prouvera que, en signant l'accord du
7 cessez-le-feu suite aux pourparlers qui ont eu lieu avec les membres du
8 gouvernement croate, a été prévu pour le 6 décembre à 12 heures, et c'est
9 ainsi que l'amiral Jokic a informé le commandement du 2e Groupe
10 opérationnel, son commandement supérieur.
11 De plus, la Défense, au cours de la présentation de ses moyens à décharge,
12 prouvera que l'attaque sur la côte Srdj, attaque qui a été menée par le 3e
13 Bataillon de la 472e Brigade de Trebinje, le 6 décembre, que cette attaque
14 a été une action planifiée qui était encouragée par le commandement du 2e
15 VPS qui en avait, pleinement, connaissance.
16 La Défense prouvera plus loin, que lors de la préparation de cette
17 activité, on a procédé à l'établissement du soutien du 3e Bataillon de la 5e
18 Brigade motorisée des partisans, qui était commandée, à l'époque, par le
19 lieutenant-colonel Jovanovic Miroslav, et de dire que, lors de la
20 préparation et le soutien, une batterie de canon de 130 millimètres avait
21 été déployée et positionnée à l'aéroport de Cilipi.
22 De plus, la Défense tentera de prouver, lors de la présentation de ses
23 moyens à décharge, que le commandement du 2e Groupe opérationnel n'avait
24 pas connaissance de l'activité militaire du 3e Bataillon de la 472e Brigade
25 motorisée qui a été faite contre Srdj, le 6 décembre 1991.
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1 La Défense prouvera, également, que le 6 décembre 1991 lors de l'attaque
2 sur Srdj et pendant que cette activité militaire durait et ce jusqu'au
3 retrait des unités du 3e Bataillon de la Brigade de Trebinje, retrait sur
4 ses positions de départ, le commandement du 2e Secteur militaire naval n'a
5 jamais informé le commandement du 2e Groupe opérationnel de ce qui se
6 passait.
7 De plus, la Défense démontrera que le commandement du 2e Secteur militaire
8 naval, le vice-amiral Miodrag Jokic n'a pas arrêté l'attaque du 3e
9 Bataillon de la 472e Brigade sur Srdj, comme il l'a dit dans le cadre de
10 son témoignage fourni à cette Chambre de première instance.
11 La Défense prouvera, plus loin, que la JNA n'avait pas mené d'attaque sur
12 les positions de tir qui étaient déployées dans la ville de Dubrovnik,
13 jusqu'au moment où on n'a pas procédé à une contre-attaque depuis ces mêmes
14 positions lors de laquelle les pertes sérieuses ont été faites au groupe
15 militaire du 3e Bataillon, au moment où cela a eu lieu sur la forteresse de
16 Srdj.
17 La Défense démontrera, au cours de ses moyens à décharge, que, le 6
18 décembre 1991, la vieille ville a été utilisée -- ainsi que les alentours
19 de la ville de Dubrovnik ont été utilisés, de sorte à démontrer que c'est
20 depuis ces positions que l'on attaquait les positions de la JNA, s'agissant
21 de Zarkovica, de Srdj, et sur d'autres positions où se trouvaient les
22 Unités de la JNA. La Défense prouvera que ces forces, qui ont attaqué
23 depuis la vieille ville ou depuis les alentours de la ville, ont fait subir
24 d'énormes pertes aux unités de la JNA qui se trouvaient sur Srdj.
25 La Défense démontrera ensuite que le 6 décembre 1991, il existait une
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1 communication directe entre le commandement du
2 9e Secteur militaire naval, le vice-amiral Miodrag Jokic et le commandement
3 supérieur concernant l'attaque sur Srdj.
4 C'est ainsi que la Défense considère que par ces moyens à décharge qu'elle
5 présentera, elle pourra démontrer quel était le rôle que jouait le vice-
6 amiral Miodrag Jokic concernant l'événement du
7 6 décembre 1991, ainsi que pendant les jours qui ont suivi ces dates. Elle
8 démontrera également que le général Pavle Strugar était exclu de tous ces
9 événements, et ce, en passant par les communications des règles et les
10 ordres que les dirigeants supérieurs de la JNA donnaient pour ordre au
11 vice-amiral Miodrag Jokic.
12 En énumérant les sujets principaux, la Défense élaborera plus loin lors de
13 la présentation de ces moyens à charge. La Défense est convaincue qu'elle
14 pourra convaincre la Chambre de première instance que le général Pavle
15 Strugar n'est pas responsable des événements qui lui sont reprochés dans
16 l'acte d'accusation.
17 Monsieur le Président, je vous remercie. Cela met fin à ma présentation
18 liminaire.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Petrovic --
20 Maître Rodic. Excusez-moi, je vous ai appelé Me Petrovic. Je crois que le
21 moment est propice pour prendre une pause. Nous reprendrons nos travaux
22 après la pause.
23 --- L'audience est suspendue à 15 heures 22.
24 --- L'audience est reprise à 15 heures 50.
25 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vois que le premier témoin de la
2 Défense est arrivé.
3 Bonjour, Monsieur le Témoin. Pourriez-vous, s'il vous plaît, lire le texte
4 de la déclaration solennelle qui va vous être présenté par l'Huissier.
5 LE TÉMOIN : SLOBODAN NOVAKOVIC [Assermenté]
6 [Le témoin répond par l'interprète]
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir.
10 Maître Rodic, je vous donne la parole.
11 M. RODIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 Interrogatoire principal par M. Rodic :
13 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, je vous prie de bien vouloir vous
14 présenter pour les Juges de la Chambre.
15 R. Je m'appelle Slobodan Novakovic.
16 Q. Pourriez-vous nous donner votre date de naissance, s'il vous plaît ?
17 R. Je suis né le 17 mai 1952 à Dubrovnik, et je vis actuellement à Herceg-
18 Novi.
19 Q. Pourriez-vous nous dire ce que vous faites ?
20 R. Je suis un électronicien, et j'ai un service des réparations de radios
21 et de télévisions à Herceg-Novi. C'est là que je travaille.
22 Q. Pourriez-vous nous dire si vous avez jamais fait objet de poursuite ou
23 si vous avez été condamné au cours de votre vie ?
24 R. Non, jamais.
25 Q. Encore une chose, puisque nous parlons la même langue et tout ce que
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1 nous devons dire, aussi bien vous que moi, rien ne doit être traduit, je
2 vais vous demander de faire une brève pause après chaque question que je
3 vais vous poser, et de me répondre uniquement après cette pause justement
4 pour éviter tout chevauchement de nos propos.
5 Monsieur le Témoin, en 1991, pouvez-vous dire où
6 habitiez-vous ?
7 R. En 1991, j'ai habité et j'ai travaillé à Herceg-Novi. J'ai travaillé
8 justement dans mon service des réparations des radios et télévisions.
9 Q. Vers la fin de l'été 1991, pourriez-vous nous dire quelle était la
10 situation à Herceg-Novi, cette ville qui se trouve à la frontière même de
11 la République de Monténégro avec la République de Croatie ? Quelle était la
12 situation à cette zone frontalière pour ainsi dire ?
13 R. La situation était déjà un peu compliquée. En fait, elle se compliquait
14 avec l'arrivée de Tudjman au pouvoir en 1990, et les tensions se sont
15 accrues. Je vais vous donner un exemple. En 1991, au bon milieu de l'été,
16 peut-être au mois de juillet, avec mon épouse et mes deux filles, je me
17 suis rendu à Dubrovnik. A peu près à mi-chemin, en passant par Konavle à
18 peu près, j'ai été arrêté par deux policiers. Il y en a un qui s'est mis
19 devant mon véhicule en mettant sa jambe, son pied, sur le capot de ma
20 voiture. Il a dirigé son fusil automatique sur moi. Moi, j'ai été au volant
21 de la voiture, celle de mon épouse.
22 L'autre policier m'a demandé de sortir et d'ouvrir le coffre de la voiture.
23 Je l'ai fait. Il a commencé à fouiller le coffre arrière de ma voiture avec
24 justement le fusil automatique. C'est juste un exemple. Il y en a plein.
25 Mes concitoyens m'ont fait part des expériences semblables. On a parlé
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1 aussi dans les journaux.
2 Q. C'est ce que vous avez pu voir. C'est ce que vous avez pu vivre. Est-ce
3 que c'était semblable à ce que l'on racontait ?
4 R. Vous savez, par un hasard des circonstances, je suis né à Dubrovnik.
5 D'ailleurs, mes deux filles y sont nées aussi. Nous, les habitants de
6 Herceg-Novi, une fois par mois ou peut-être même plus souvent que cela,
7 nous nous rendions à Dubrovnik. On peut dire que pour nous, c'était notre
8 ville, comme Herceg-Novi. Dubrovnik était la ville qui m'était la plus
9 proche, à part ma ville natale, évidemment. Je me rendais aussi à Kotor, à
10 Podgorica, qui sont les villes de Monténégro, mais j'avais de liens
11 privilégiés avec Dubrovnik.
12 Q. Pendant cette période-là, en été 1991, vu les événements dans
13 l'Yougoslavie à l'époque et vu la situation politique de l'époque, pouviez-
14 vous nous dire quelle était l'ambiance dans la ville de Dubrovnik, ce que
15 ressentait les citoyens de Dubrovnik ?
16 R. Nous écoutions des informations de façon quotidienne, et nous
17 apprenions que, par exemple, toutes les casernes étaient sans eau, sans
18 électricité, encerclées par des forces des Zengas, de la garde nationale.
19 C'est comme cela que l'on a les appelés. C'était des forces paramilitaires.
20 La JNA s'est trouvée dans une situation bien difficile en Croatie.
21 Evidemment, ceci a eu un effet sur nous et sur notre état d'esprit. Je peux
22 dire que nous avons commencé à ressentir de plus en plus de peur et des
23 tensions qui se sont accrues au jour le jour.
24 Q. Saviez-vous quelles étaient ces unités militaires qui existaient à
25 l'époque ?
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1 R. Ces formations militaires, les Zengas, puisque nous nous trouvions dans
2 une zone frontalière à Herceg-Novi, tout près de Dubrovnik -- je ne sais
3 quel était le nombre, mais je sais qu'il s'agissait-là d'unités extrêmement
4 importantes, et je sais que cette unité avait pris la frontière du côté
5 croate, la frontière avec le Monténégro. Les tensions se sont accrues
6 chaque jour et l'accumulation de ces tensions s'est produite, un moment
7 donné, au mois de septembre, quand l'armée croate a tiré huit obus de canon
8 et de lance-mortier dans le village de Malta en Croatie. J'ai vu,
9 personnellement, des éclats d'obus dans des arbres venant de ces obus de
10 char.
11 Q. Apparemment, il y a une erreur au niveau du compte rendu d'audience.
12 Est-ce que cela s'est produit au mois de septembre, ou au mois de décembre
13 ?
14 R. Ces huit obus qui ont été tirés plutôt au nord.
15 Q. De quel mois parlons nous ? Pourriez-vous nous situer dans le temps ?
16 Moi, je vous ai entendu parler du mois de septembre, alors que dans le
17 compte rendu d'audience, on parle de décembre. Pourriez-vous préciser ?
18 R. Mais comment voulez-vous que je vous parle du mois de décembre ? Je ne
19 comprends pas la question.
20 Q. C'est une erreur au niveau du compte rendu d'audience. Il s'agit du
21 mois de septembre ?
22 R. Oui, oui, bien sûr. C'était peut-être même au mois d'octobre,
23 d'ailleurs.
24 Q. Pourriez-vous nous dire quelle était la force armée légitime de la RSFY
25 à l'époque ?
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1 R. La seule unité et formation légale, à l'époque, était la JNA, toutes
2 les autres unités étaient illégales, car la Croatie, à l'époque, n'était
3 pas encore reconnue en tant qu'état par la communauté internationale.
4 Q. Merci. En 1991, avez-vous reçu des convocations pour rejoindre l'armée
5 ? Si tel est le cas, pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé exactement
6 ?
7 R. En août 1991, j'ai été convoqué pour participer à un entraînement, un
8 exercice militaire à Kamena, juste au dessus de Herceg-Novi. Cet exercice a
9 dû durer une dizaine de jours. C'était des manœuvres. Je pense que, au
10 cours de ces manœuvres, un incident s'est produit à Herceg-Novi. Je ne me
11 souviens plus exactement de qui il s'agissait. C'était un étranger. Je ne
12 sais pas vraiment quelle était sa nationalité. Toujours est-il qu'il avait
13 essayé de faire exploser un engin explosif, soit sur une plage ou soit
14 ailleurs. Dans la rue de Stjepo Sarena à Herceg-Novi, quand un véhicule est
15 arrivé jusqu'à la grille de la canalisation, la voiture était piégée et une
16 explosion s'en est suivie. C'était le premier incident qui s'est produit en
17 1991, à Herceg-Novi.
18 Q. Est-ce que vous avez reçu un appel à la mobilisation ? Est-ce qu'on
19 vous a convoqué pour faire partie des troupes de réserve, et cetera ?
20 R. Oui, oui. En 1991, à peu près le 21 septembre, j'ai reçu un appel, une
21 convocation militaire pour participer à un exercice militaire. Je me suis
22 présenté à Kamena, là où j'ai participé aux exercices un mois auparavant,
23 au mois d'août. C'était exactement au même endroit.
24 Q. Après cette convocation que vous avez reçue au mois d'août, est-ce que
25 vous êtes rentré chez vous et est-ce que vous avez été convoqué, à nouveau
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1 ? Ou est-ce que vous êtes resté pendant toute cette période-là, depuis le
2 mois d'août, sur le terrain en train de participer aux exercices militaires
3 ?
4 R. Au mois d'août, j'ai participé aux exercices pendant 10 jours, c'est
5 tout. Ensuite, je suis rentré chez moi et, à peu près le 21 septembre, j'ai
6 été convoqué à nouveau pour participer à un autre exercice militaire.
7 Q. Pourriez-vous nous dire quelle était votre fonction à l'époque, quelle
8 était votre mission ? Vous apparteniez à quelle unité, et cetera ?
9 R. Puisque j'ai eu une formation d'électronicien, je faisais partie de
10 l'unité du génie dans le JNA, en tant que mécanicien. A l'époque, j'étais
11 membre de la Défense territoriale de la municipalité de Herceg-Novi.
12 J'étais mécanicien, mécanicien radio. Je dépendais du poste radio principal
13 de la Défense territoriale. Nous avions un poste radio principal dans un
14 véhicule et nous avions plusieurs transmetteurs mobiles, des stations
15 radios, des RUP-12.
16 Q. Cette unité de Défense territoriale qui était la vôtre, d'Herceg-Novi
17 faisait-elle partie d'une formation militaire plus importante et, si oui,
18 de laquelle ?
19 R. Non. En tant que Défense territoriale de Herceg-Novi nous dépendions du
20 secteur naval de Kumbor. Martinovic Ilija qui était mon commandant au
21 niveau de la Défense territoriale, alors que le commandant de ce secteur
22 naval était un capitaine des canonnières. Je pense qu'il s'appelait Krsto
23 Djurovic. Malheureusement, au début même de la guerre, il est mort dans un
24 accident d'hélicoptère qui s'est écrasé.
25 Q. Après Krsto Djurovic, qui était le commandant de ce secteur naval ?
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1 R. C'est l'amiral Jokic, Miodrag Jokic, qui l'a remplacé à ce poste. Il a
2 été notre commandant à partir du moment où Djurovic s'est fait tué jusqu'à
3 la fin de la guerre.
4 Q. Pourriez-vous nous dire si votre unité de Défense territoriale avait
5 quitté le territoire du Monténégro ? Le cas échéant, quand, pourquoi et
6 dans quelle direction, et cetera ?
7 R. Pour la première fois, nous avons été mobilisé à Kamena. C'est un
8 village qui se trouve à peu près à cinq kilomètres de Herceg-Novi. De
9 Kamena, nous sommes passés dans le village de Porobici, du village de
10 Porobici dans le village de Konjevici et, depuis ce village, nous avons
11 traversé la frontière avec la Croatie. Le premier point de chute était le
12 village Mikulici, au-dessus de Cavtat dans la municipalité de Dubrovnik.
13 Q. Dites-moi, votre unité a-t-elle pris des positions en dehors du village
14 de Mikulici, s'est-elle rendue dans d'autres endroits ?
15 R. Notre Unité de la Défense territoriale de Herceg-Novi a été stationnée
16 pendant sept ou dix jours à Mikulici. Je ne sais pas exactement quel était
17 le déploiement --
18 Q. Je ne vous demande pas de date exacte. Pourriez-vous juste nous citer
19 quelques localités ?
20 R. Autour de Mikulici, nous avons été déployés. Nos unités étaient
21 déployées aux alentours de ce village-là, mais nous y sommes restés que
22 très peu de temps. Ensuite, nous sommes passés à Grude. Grude, c'est un
23 bourg un peu plus important dans la municipalité de Dubrovnik et, dans une
24 maison d'un particulier, nous avons établi le commandement de la TO de
25 Herceg-Novi. Tout près de nous, se trouvait aussi le commandement de
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1 l'armée.
2 Q. Pourriez-vous nous dire jusqu'à quel moment vous êtes resté sur le
3 théâtre des opérations de Dubrovnik-Herzégovine ?
4 R. J'ai été convoqué pour la première fois le 21 septembre. Nous sommes
5 restés, à peu près, une dizaine de jours à Kamena, Porobici, Konjevici, et
6 ensuite, je ne saurais vous donner la date exacte, nous avons passé la
7 frontière. Ceci s'est passé, il y a pas mal de temps, je ne me souviens pas
8 de la date exacte.
9 Q. Je vous demande jusqu'à quel moment vous êtes resté sur le terrain,
10 vous êtes rentré chez vous à quel moment ?
11 R. Je suis entré chez moi vers la fin du mois de novembre, peut-être même
12 le 1er ou le 2 décembre, à peu près jusqu'à cette date-là.
13 Q. Est-ce qu'à ce moment-là, vous avez rendu immédiatement votre
14 équipement militaire, vos armes ?
15 R. Non, puisque c'était moi qui étais au volant, c'est moi qui étais le
16 chauffeur de ce véhicule qui transportait les postes de radio. J'ai gardé
17 ce véhicule. Le véhicule était garé devant chez moi jusqu'à la fin du mois
18 de décembre, à peu près.
19 Q. Pendant que vous étiez sur le terrain avez votre unité, pouvez-vous
20 nous dire quelle était l'exacte nature de votre mission ?
21 R. En tant que mécanicien radio, j'étais chargé d'être, toujours, à
22 proximité du poste radio principal de la Défense territoriale d'Herceg-
23 Novi. Ensuite, j'ai été, également, chargé d'approvisionner, par des
24 groupes électrogènes, tous les postes de radio sur le terrain et de les
25 réparer, le cas échéant.
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1 Q. Avant de revenir du front, vous dites que ceci s'est passé fin
2 novembre, début décembre 1991, avant cela avez-vous passé encore quelque
3 temps chez vous ?
4 R. Pourriez-vous répéter votre question, je ne vous ai pas bien compris ?
5 Q. Vous étiez sur le front à partir du mois de septembre jusqu'à la fin
6 novembre, début décembre, pendant cette période-là vous est-il arrivé de
7 rentrer chez vous à Herceg-Novi ?
8 R. Oui, j'y suis allé assez souvent car, à chaque fois que je prenais un
9 groupe électrogène, ceux qui étaient usés, car je les prenais sur le
10 terrain, il fallait que je les apporte à Kumbor dans la caserne. Ensuite,
11 on les branchait pour les charger et, le lendemain, je ramenais les groupes
12 électrogènes pleins sur le terrain à nouveau, et je prenais ceux qui
13 étaient vides. J'en ai profité, à chaque fois, pour rentrer chez moi, pour
14 prendre une douche, et cetera.
15 Q. Dans votre unité de la Défense territoriale, pendant cette période-là,
16 la période qui nous intéresse, est-ce que vous avez subi des pertes ?
17 R. Oui, les pertes les plus importantes que nous avons subies et qui nous
18 ont touché plus particulièrement, nous les habitants de Herceg-Novi, ce
19 sont produites le 8 novembre 1991. Ce jour-là, la situation était,
20 extrêmement, calme. Même les quelques jours auparavant, il n'y avait pas eu
21 d'action, il n'y avait pas eu d'incident du tout. J'ai demandé au
22 commandant de la TO, Ilija Martinovic de me laisser rentrer chez moi pour
23 me reposer un peu, pour me rafraîchir.
24 Je suis rentré chez moi vers 5 heures de l'après-midi, donc 17
25 heures. A peine me suis-je couché, je me suis allongé toujours vêtu de mon
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1 uniforme, juste pour me reposer un petit peu, que j'ai reçu un coup de fil.
2 Le coup de fil venait d'un camarade qui était venu en permission avec moi.
3 Pendant ce coup de fil, il m'a dit que mon camarade, le camarade d'une
4 autre unité de la Défense territoriale, c'était une unité spéciale, un
5 peloton, qu'ils ont subi des pertes, qu'il y avait des blessés et des tués
6 à Bosanka et qu'il fallait que je me rende de toute urgence dans l'hôpital
7 militaire à Meljine pour voir ce que nous allions faire par la suite.
8 Q. Est-ce que vous y êtes allé ensuite dans cet hôpital militaire de
9 Meljine ?
10 R. Oui, j'y suis allé, je suis allé au département de chirurgie, j'y ai
11 trouvé quelques camarades qui étaient blessés, j'ai parlé avec eux quelques
12 instants.
13 Q. Pourriez-vous nous donner les noms de ces camarades si vous vous en
14 souvenez toujours ?
15 R. Marko Posnanovic. Il était blessé à la jambe. Ensuite, Savo Gojkovic.
16 Il était blessé au niveau de sa main gauche ou droite, à un des doigts
17 d'une de ses mains. Ensuite, un certain Mandic. Je ne me souviens pas de
18 son prénom, il a été touché à la clavicule et, ensuite, la balle est
19 descendue dans le corps. Ils étaient au nombre de trois.
20 Q. Est-ce que qui que ce soit s'est fait tuer à cette occasion-là ?
21 R. Il m'a dit que notre camarade Dusko Pusic était dans le bloc
22 opératoire, au dernier étage de l'hôpital. J'y suis allé et j'ai attendu
23 devant, dans la salle d'attente, pour voir comment allait se terminer
24 l'opération. Quelques instants plus tard le chirurgien Bato Lakicevic est
25 sorti du bloc. Je lui ai demandé si Dusko était toujours en vie, il est
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1 resté silencieux. Je lui ai demandé s'il était mort et là il m'a fait un
2 signe de sa tête, un signe affirmatif. Après avoir appris cela, je suis
3 descendu devant le département de chirurgie, et il y avait déjà quelques
4 personnes là-bas, ils ont dit qu'ils s'attendaient à ce que l'on apporte le
5 corps d'un membre de la JNA mais, à l'époque, l'on ne savait même pas qui
6 c'était.
7 Je me suis retourné et, derrière moi, j'ai vu le commandant en second
8 de la Défense territoriale Djordje Radovic, et je lui dit : "Djoko, allons
9 à Belgrade pour voir ce qu'il en est avec nos hommes."
10 Il s'est mis à pleurer et il m'a dit : "Ici, c'est mon Baya, c'est le
11 corps de Baya qu'ils ont amené." En réalité, c'était son cousin, Obren
12 Radovic surnommé Baja, originaire de Niksic. Il s'est fait tuer en essayant
13 de faire sortir les gens de Bosanka.
14 Q. Après qu'on ait apporté le corps d'Obren Radovic, est-ce que vous êtes
15 resté à Meljine ou est-ce que vous êtes parti quelque part ? Pourriez-vous
16 raconter cela de façon plus succincte, plus brève ?
17 R. Puisque le véhicule de la TO de Herceg-Novi avait les pneus crevés
18 parce qu'ils avaient essayé de sortir les gens, ils m'ont demandé
19 d'utiliser le véhicule qui était le mien pour emmener l'oncle de Baja,
20 celui qui s'est fait tuer, l'amener à Niksic pour communiquer la nouvelle à
21 sa famille.
22 Q. Est-ce que vous l'avez fait ?
23 R. Je leur ai répondu que je n'avais pas de carburant justement pour
24 éviter cette tâche, pour ne pas le faire, pour ne pas avoir à le faire, car
25 je voulais aller à Belgrade voir ce qu'il en était de mes camarades. Ils
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1 ont immédiatement apporté deux
2 dames-jeannes de carburant. Ils ont fait le plein et je n'avais pas d'autre
3 choix que de prendre mon véhicule et de me rendre à Niksic, nous sommes
4 passés par Risan et Grahovo. C'était une nuit extrêmement difficile.
5 J'ai frappé à la porte de la maison. Les voisins sont sortis ainsi que ses
6 parents et même le grand-père de Baja. Vous savez, c'était une des nuits
7 les plus difficiles de ma vie quand il s'agissait de leur communiquer la
8 nouvelle.
9 Q. Monsieur Novakovic, je vais vous demander d'être plus bref dans vos
10 réponses, car le temps nous est compté.
11 Qu'est-ce que vous avez fait après Niksic ? Vous est allé où ?
12 R. Pendant la nuit, nous avons pris la voiture. Il y en avait une autre
13 voiture qui est partie de Niksic également avec nous. Nous nous sommes
14 dirigés vers l'hôpital.
15 Je suis arrivé vers 6 heures, 7 heures du matin à l'hôpital de Meljine. Je
16 les ai amenés jusqu'à la porte de la morgue, et là je leur aurais dit au
17 revoir. Je ne me suis même pas entré. Je me suis dirigé immédiatement vers
18 Brgat voir ce qu'il en était de mes hommes.
19 Q. Pourquoi vouliez-vous vous rendre à Brgat? Est-ce que tous les
20 combattants qui étaient blessés ont été sortis ce jour-là ?
21 R. Non. Ceux dont je viens de vous donner les noms, on les a sortis ce
22 jour-là. Je vous ai donné le nom d'une personne blessée ainsi que Dusko
23 Pusic, qui est mort dans le bloc opératoire. Les autres personnes qui ont
24 été blessées ou se sont fait tuées, étaient encore à Bosanka. Brgat est
25 l'endroit le plus proche de Bosanka. C'est pour cela que je voulais aller
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1 le plus rapidement possible pour voir de quelle façon nous allions pouvoir
2 les sortir de là. C'était une situation très difficile.
3 Q. Ensuite, lorsque vous est arrivé à Brgat, qu'avez-vous fait pour aider
4 les blessés, vos co-combattants ?
5 R. En arrivant à Brgat, j'ai vu que la situation était extrêmement
6 difficile. Tout le monde était en deuil. Il y en avait même qui pleuraient.
7 A vrai dire, j'avais senti aussi la peur chez les gens. J'ai vu qu'ils
8 avaient peur, et je leur aurais dit : "Ecoutez, allez. On y va." J'ai vu
9 qu'ils ne voulaient pas y aller. Je leur avais demandé de me donner la clé
10 de la voiture. Le capitaine de la TO de Herceg-Novi m'a jeté les clés de la
11 voiture de la défense territoriale. C'était une Niva. Je me suis assis dans
12 ce véhicule. De Brgat, je me suis dirigé vers Zarkovica. De Zarkovica, j'ai
13 emprunté la route goudronnée pour me diriger vers Bosanka.
14 Sur la route, je suis tombé sur un véhicule de la JNA. Le corps de Bogdan
15 Popovic était à l'intérieur. Au volant de cette voiture, c'était un certain
16 Kruso, Slobodan Radovic. A côté de lui, était un certain Gasal, qui
17 travaillait pour le ministère des Affaires intérieures de Monténégro. A un
18 moment donné, il était aussi le chef du ministère des Affaires intérieures
19 à Herceg-Novi.
20 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, essayer de raccourcir. On n'en a pas
21 besoin d'entendre tous ces détails.
22 Vous avez dit que dans ce camion était trouvé le corps de Bogdan Popovic.
23 Est-ce qu'on l'a transféré aussi à Meljine ?
24 R. Oui. On l'a transféré au bord de ce camion à l'hôpital de Meljine.
25 Q. Est-ce qu'il y en avait d'autres qui sont restés sur les positions et
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1 qu'on n'a pas réussi à faire sortir ?
2 R. Oui, il y en avait encore à Bosanka, aussi bien des tués que des
3 blessés. Il y avait deux groupes là-bas. Il y avait un groupe d'un peu plus
4 de huit personnes, puisqu'un détachement fait à peu près dix personnes. Ils
5 étaient près du répétiteur de Srdj. C'est là que Budo Zarubica a été
6 blessé, ainsi que Golub Mijovic. Le corps de Vojica Pejovic était encore là
7 aussi. Il y avait aussi un kinésithérapeute, Minjo Golub, qui est aussi un
8 combattant. Il a réussi à faire sortir ces deux blessés d'une zone menacée
9 par l'armée croate. Il est allé à deux reprises, et quand il est allé
10 chercher Pejovic, il est revenu voir ses camarades pour leur dire qu'il
11 était mort, qu'on ne pouvait plus le sauver.
12 Q. Pourriez-vous nous dire où était le problème ? Pourquoi était-il
13 difficile de faire sortir ces gens-là, les corps des tués ou faire sortir
14 les blessés ?
15 R. Bosanka c'est un terrain de chasse artificiel protégé par des arbres,
16 des mandariniers et des arbres gros. C'est un terrain extrêmement
17 difficile, et c'était très difficile à le faire.
18 Q. Est-ce que c'était dangereux ?
19 R. Oui, il y avait bien une route entre Bosanka et Srdj, mais nous
20 n'osions utiliser cette route puisque nous menacions de nous faire tirer
21 dessus par les soldats croates depuis le répétiteur de Srdj, et peut-être
22 même de Dubrovnik ou de Bosanka. Cela dépendait de la situation.
23 Q. A part ces soldats que vous avez mentionnés, est-ce qu'il y avait
24 d'autres personnes qui se sont tuées ou blessées ?
25 R. Pendant qu'on essayait de faire sortir Bogdan Popovic, Marko Komarica
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1 et Bajkovic, Obren Bajkovic, on l'appelait Baja, donc ils étaient deux en
2 train de soulever Vlado.
3 Il y avait un fusil qui était tout près de la tête de Vlado et Bajkovic lui
4 a dit de prendre le fusil. C'est à ce moment-là qu'une balle est partie et
5 l'a tuée directement dans la tête.
6 Q. Qui a tiré ?
7 R. C'était l'armée croate depuis Bosanka. Bogdan Popovic et Vlado Zarubica
8 ont été touchés justement par les soldats de cette unité de l'armée croate
9 à Bosanka. Il y en a un qui s'est fait tué, et l'autre qui a été blessé à
10 la jambe.
11 Q. Pourriez-vous nous dire si vous avez participé à cette action-là ? Est-
12 ce que vous avez tenté de se sauver ou de sortir un de ces soldats ?
13 R. En ce qui concerne Bogdan Popovic, nous sommes arrivés à la mi-chemin.
14 Nous l'avons apporté jusqu'à Brgat, enfin on l'a envoyé à l'hôpital de
15 Meljine. Ensuite, après cela, à nouveau je me suis dirigé vers Bosanka,
16 mais Gaso Mijatovic m'a dit : "Slobo, écoute, Savo Vidakovic avec une
17 camionnette se trouve dans la forêt." Ils sont venus pour essayer de
18 trouver Vojica Pejovic. Gaso est là-bas aussi.
19 Q. Qui est ce Gaso Mijatovic ?
20 R. Gaso Mijatovic travaille pour le MUP. Il habite à Herceg-Novi.
21 Q. Pourquoi est-il venu à Bosanka ?
22 R. Car il a été ami proche de Vojica Pejovic, et il est venu le faire
23 sortir de là. Quand il est arrivé dans la région de Zarkovica, il s'est
24 rendu au commandement et il est allé voir le colonel Gavro Kovacevic.
25 Q. Pourquoi est-il allé à Zarkovica ?
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1 R. Il y est allé pour faire sortir Vojica de là. Il s'est rendu auprès de
2 Gavro Kovacevic pour lui demander quelle était la situation sur le terrain
3 pour qu'il puisse essayer de sortir ses camarades de là. Le colonel
4 Kovacevic lui a dit qu'il y avait plus de 70 soldats armés à Bosanka. Il
5 lui a dit : "Regarde, j'ai un casque moi-même sous la tête, et la situation
6 ici est très difficile. Je suis exposé sans arrêt aux tirs de mortier. On
7 me tire dessus depuis Dubrovnik. Même un mortier mobile qui nous tire
8 dessus. On me tire depuis la vieille ville et ils changent sans arrêt de
9 position." De sorte, que Gavro Kovacevic se trouvait dans une situation
10 bien difficile. Quand Gaso Mijatovic, à la fin, lui a demandé où se
11 trouvait Vojica Pejovic, s'il était blessé ou tué, Gavro lui a tourné le
12 dos. Gaso a dit qu'il était tellement surpris qu'il est sorti de là.
13 Ensuite il est allé le chercher et c'est là qu'il a rencontré le soldat
14 lieutenant Sikimic, avec ces soldats. C'est eux qui ont trouvé Bogdan
15 Popovic. Ils l'ont placé sur un camion militaire et Slobodan Radovic, Kruso
16 et Gaso Mijatovic ont repris ces camions militaires et ils ont remis, comme
17 je vous l'ai dit tout à l'heure, le corps de Brgat et de là ils se sont
18 rendus à Meljine.
19 Q. Ce que vous venez de raconter concernant le colonel Gavro Kovacevic,
20 comment le savez-vous ? Est-ce que vous l'avez vu personnellement ou que
21 quelqu'un vous a raconté cela ?
22 R. Lorsque je suis parti pour la deuxième fois vers Zarkovica et Bosanka,
23 Gaso Mijatovic ne m'a pas permis d'y aller tout seul. Il est entré dans une
24 jeep, une Niva, avec moi, et lorsque nous sommes arrivés à Zarkovica, je
25 lui ai dit : "Comment cela se fait que tu sois ici sur le front, Gaso ?"
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1 Puisque d'après le règlement, et compte tenu de la formation à laquelle il
2 est appartenu, il ne devait pas y être avec nous. Il est venu en privé, de
3 son propre --
4 Q. Monsieur Novakovic, écoutez mes questions. Essayez de nous répondre de
5 manière aussi concise que possible. Ma question était très brève. Tout à
6 l'heure, vous nous avez dit que le colonel vous a expliqué qu'à Bosanka, il
7 y avait plus de 70 soldats croates, que lui était exposé au feu des
8 obusiers de Zarkovica, que l'on tirait sur eux depuis la vieille ville,
9 depuis des obusiers, et depuis un camion. Ma question est la suivante,
10 comment le savez-vous ? Est-ce que quelqu'un vous l'a dit ?
11 R. Gaso Mijetovic me l'a dit.
12 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, brièvement, si vous avez participé et à
13 quoi ressemblait le retrait de la personne qui a été tuée, Vojica Pejovic ?
14 R. Gaso et moi, avec le lieutenant Sikimic, nous avons essayé de faire
15 quelque chose. Nous avons compris au bout d'un certain temps qu'il faisait
16 trop noir et que nous ne connaissions pas le terrain. Il fallait que l'on
17 laisse tomber l'idée d'avancer un corps ainsi. Nous nous sommes dit qu'il
18 fallait que l'on obtienne un transport de troupes et essayer avec un tel
19 véhicule. Nous sommes revenus à Brgat.
20 Q. Excusez-moi. Est-ce que la raison puisque vous avez demandé le véhicule
21 des transports de troupes, est-ce que c'était à cause des tirs que vous
22 avez essuyés ?
23 R. Oui, sans cesse depuis Dubrovnik. Lorsque je venais dans la Niva vers
24 la Bosanka, là où j'ai rencontré Krusa et Gaso, qui portaient le corps de
25 Bogdan, un peu plus haut par rapport à là où j'étais, les balles
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1 sifflaient. J'ai dû éteindre mes lumières, car si j'avais mes lumières
2 encore, j'aurais été tué.
3 Q. D'accord.Vous n'avez pas pu retirer le cadavre de votre camarade, et
4 puis vous avez mentionné un véhicule blindé. Est-ce que c'est ce que vous
5 avez vraiment fait ?
6 R. Nous sommes allés à Brgat, au commandant de notre Défense territoriale.
7 Martinovic et Gaso sont allés dans une maison de l'autre côté de la route
8 où se trouvait le lieutenant-colonel Licanin [phon], qui était chargé des
9 communications. Lui a appelé l'amiral Jokic afin d'obtenir un véhicule de
10 transport des troupes, mais celui-ci lui a dit qu'il n'y en avait pas et
11 que le Secteur militaire naval n'en possédait pas. Quelqu'un lui a dit
12 qu'il y en avait un certainement à Trebinje. Je suis allé dans le 128e
13 véhicule appartenant à la TO de Herceg-Novi, avec trois de mes collègues.
14 Nous sommes allés à Trebinje.
15 Q. A Trebinje, vous êtes allé dans une caserne --
16 R. Oui, et nous sommes allés à la caserne de Trebinje, et là il y avait
17 mon ami Zdravko Radakovic. Je ne sais pas comment, mais il a réussi à
18 trouver un véhicule de transport de troupes, et il a dit, "cela arrive
19 rapidement et vous serez rapidement là où vous souhaitez être." C'est ainsi
20 que les choses se sont placées. Le transporteur est arrivé à Brgat très
21 rapidement, et le colonel Jovanovic et sept ou huit personnes d'entre nous
22 sont entrés dans le transporteur et nous sommes allés à Zarkovica. Le
23 colonel Jovanovic --
24 Q. Qui était le colonel Jovanovic ?
25 R. Le colonel Jovanovic, il venait de la Serbie, d'un endroit en Serbie.
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1 Au moins, c'est ce qu'on m'avait dit.
2 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire si vous avez réussi à utiliser le
3 transporteur pour retirer le cadavre du feu Pejovic ?
4 R. Oui, nous avons pu passer jusqu'à un endroit. Ensuite, Gaso Mijatovic
5 et Gojko Pejovic, qui travaillaient tous les deux pour la MUP, ont pu
6 établir une connexion vers un poste de radio. Ensuite, ils ont appelé le
7 colonel Jovanovic et j'ai écouté la conversation. Gojko Pejovic, il était
8 dans une forêt où Budo avait été blessé. Puis, il y avait un autre homme de
9 reconnaissance de Kotor qui ne perdait pas son sang-froid et il a dit :
10 "N'essaie pas d'arriver jusqu'à nous depuis Bosanka car Bosanka est rempli
11 des soldats croates. Vous n'aurez aucune chance. Venez plutôt dans la
12 matinée de l'autre côté en suivant la route au nord. Ensuite, essayez de
13 nous évacuer."
14 Q. Très bien. Est-ce que vous pourrez nous dire combien de temps a duré
15 cette opération d'évacuation ?
16 R. Vers 1 heure, 2 heures, nous sommes rentrés à Brgat et le transporteur
17 est rentré à Trebinje. A l'aube le lendemain matin, nous devions évacuer
18 ces personnes. Cependant, le transporteur n'est pas rentré, malgré les
19 promesses. Nous avons dû organiser deux routes différentes. Un groupe est
20 allé essayer d'évacuer les blessés, et Gojko Pejovic et Milic, et moi-même
21 sommes rentrés à Trebinje afin de chercher le transporteur.
22 Ensuite, nous sommes rentrés au bout d'une heure ou deux heures et nous
23 étions au nombre de neuf. Nous nous sommes placés dans le transporteur et
24 nous sommes allés à Zarkovica. Depuis Zarkovica, nous sommes allés à
25 Bosanka, car à ce moment-là, Bosanka avait chuté et nous avons reçu une
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1 information au sujet de cela d'un capitaine du navire de guerre. De toute
2 façon, il nous a informés que Bosanka était libre.
3 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la date ?
4 R. Ils ont été tués le 8, donc c'était le 9.
5 Q. Dites-nous, s'il vous plaît, quand est-ce que l'opération de
6 l'évacuation des corps s'est terminée ?
7 R. Ce jour-là nous avons fait de notre mieux. Nous sommes allés vers Srdj
8 et nous avons pris une route à travers la forêt.
9 Q. Monsieur Novakovic, excusez-moi. N'allez pas dans tous les détails.
10 Nous n'avons pas beaucoup de temps. Répondez de manière brève. Est-ce que
11 vous vous souvenez à quel moment l'opération de l'évacuation de ces hommes
12 s'est-elle terminée ?
13 R. Ce jour-là, nous sommes arrivé à Vojica Pejovic, et nous avons vu que
14 Vojica Pejovic était tué. Nous avons essayé de le porter, mais l'équipe des
15 hommes ne pouvait pas terminer leur tâche. Nous avons dû couvrir le cadavre
16 avec des couvertures, et nous l'avons caché dans des buissons. Le
17 lendemain, dans la matinée, nous avons organisé qu'une autre équipe
18 d'hommes aille afin d'essayer d'évacuer cadavre. Ce jour-là, nous avons
19 réussi. Nous avons évacué le cadavre en question.
20 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, ce premier jour, vous dites que c'était le
21 8 novembre lorsque vous avez appris la mort et la blessure de vos
22 collègues. Combien de jours se sont écoulés depuis jusqu'à ce que vous ayez
23 pu terminer l'opération de l'évacuation des cadavres et des personnes
24 blessées ?
25 R. L'opération a duré jusqu'au 11. Le 10, il y a eu un évènement bien
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1 connu à Herceg-Novi, à Kumbor, devant la caserne militaire. Il y a eu des
2 manifestations organisées par les habitants de Herceg-Novi et leurs
3 familles qui n'étaient pas contents de la situation. Ils se sont rassemblés
4 devant la caserne, ils critiquaient la manière dont les choses
5 progressaient très lentement et de manière mal organisée. Ils disaient que
6 tout ne devait pas se dérouler aussi lentement.
7 Q. Est-ce que vous-même, vous y étiez ?
8 R. Non, j'ai simplement entendu parlé de cela de la part de mes amis car,
9 la veille, j'étais à Bosanka, j'essayais d'évacuer les morts et les
10 blessés.
11 Q. Les hommes de votre unité, est-ce qu'ils ont participé à ces
12 protestations ?
13 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas, je ne sais pas. Je me souviens
14 que ceci s'est déroulé, mais je ne sais pas qui a assisté.
15 Q. Est-ce que vous pourriez me dire, vous avez mentionné le nom de
16 Komarica, c'est le nom d'un soldat qui a assisté à l'opération de
17 l'évacuation des blessés de votre unité. Est-ce que vous pouvez me dire qui
18 c'est ?
19 R. Il s'appelle Marko Komarica. Il était soldat du, bien connu, 3e
20 Bataillon. C'était un jeune homme âgé de 18 ans. Au cours de l'opération de
21 l'évacuation de Vlado Zarubica, lorsque personne n'osait l'évacuer,
22 beaucoup de personnes ont refusé cela, il a fait preuve de beaucoup de
23 courage, et il a évacué le corps de Vlado Zarubica. Il est devenu très
24 populaire à Herceg-Novi. C'est à cause de cela que je l'ai rencontré.
25 Jusqu'à la fin de son service militaire, nous avons eu un très bon contact
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1 et nous étions de bons amis.
2 Q. Vous avez mentionné le 3e Bataillon. Quel 3e Bataillon ? Vous avez dit
3 que Komarica était membre du 3e Bataillon.
4 R. Il était soldat dans le 3e Bataillon.
5 Q. Oui, mais quel 3e Bataillon ? Qui était le commandant de ce bataillon ?
6 Est-ce que vous savez, sous le contrôle de qui était placé Komarica ?
7 R. C'était Vladimir Kovacevic qui commandait, surnommé "Rambo". Il était
8 le commandant de Komarica.
9 Q. Après ces évènements et après l'opération de l'évacuation des blessés
10 et des morts, est-ce que vous avez revu Komarica ?
11 R. Oui, j'ai vu Komarica plusieurs fois après cette opération, après cet
12 acte courageux de sa part. Je l'ai visité plusieurs fois. Il était à
13 Bosanka. C'est là que son unité était stationnée. Je suis allé le voir
14 plusieurs fois.
15 Q. Très bien. Dites-moi, s'il vous plaît, où étiez-vous exactement le 6
16 décembre 1991 ?
17 R. Le 6 décembre 1991, j'étais déjà chez moi, mais je n'avais pas encore
18 rendu la jeep, la quatre-quatre, ni mes armes personnelles. Ce jour-là,
19 j'étais à Herceg-Novi, j'écoutais les nouvelles, et j'ai entendu qu'il y
20 avait une bataille à Srdj, et que deux hommes avaient été tués. Dès que
21 j'ai entendu cela, j'ai pris ma quatre-quatre, et je suis allé à Brgat
22 aussi vite que possible.
23 Q. Excusez-moi, mais dites-nous pourquoi vous êtes allé aussi vite à Brgat
24 ? Quelle en était la raison ?
25 R. Mon unité s'était retirée quelques jours avant cet évènement de la
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1 région, mon meilleur ami c'était ce Komarica. C'est surtout à cause de lui
2 que je me suis rendu là-bas.
3 Q. Est-ce que vous étiez préoccupé pour lui ?
4 R. Oui, j'étais préoccupé. Lorsque je conduisais là où il y a l'enseigne
5 Cavtat, là où il y a un endroit de la route où on voit très bien Srdj, j'ai
6 pu remarquer qu'à chaque minute, ou deux minutes un obus tombait sur Srdj.
7 Ce jour-là, il y avait beaucoup de vent, je voyais que le vent dispersait
8 la fumée de l'obus. Moi, j'y suis allé très rapidement.
9 Q. Très bien. Je vais vous poser une question. Maintenant, vous parlez de
10 la route de Brgat. Lorsque vous y êtes arrivé, est-ce que vous y êtes resté
11 quelque temps ? Brièvement, s'il vous plaît.
12 R. Non, je suis allé directement à travers Brgat, à travers Zarkovica,
13 jusqu'à Bosanka. A Bosanka, j'ai remarqué une maison pas encore terminée.
14 J'ai remarqué quelques soldats autour de la maison. C'est là que je me suis
15 garé. Je suis sorti de mon véhicule, je suis entré dans cette maison. La
16 maison était pleine de nos soldats, et entre ces soldats-là, se trouvait,
17 je pense que c'était le capitaine de la frégate, Jovo Drla [phon].
18 Q. Que faisait-il là-bas ?
19 R. La situation était difficile puisque l'armée était vexée et en colère
20 après la mort de leurs camarades, et Jovo est venu leur transmettre l'ordre
21 du quartier général indiquant qu'il fallait laisser tomber l'attaque contre
22 Srdj.
23 Q. Excusez-moi. Vous dites que Jovo Drla expliquait aux soldats que le QG
24 ne permettait pas que l'on attaque Srdj. Quelle a été la réaction des
25 soldats à ces propos ?
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1 R. Je vais vous dire, ils juraient contre le général Jokic et l'amiral
2 Zec. Lorsque j'ai entendu cela, puisque ceci ne m'intéressait pas
3 particulièrement, je suis sorti en dehors de la maison, et je me suis
4 adressé aux soldats qui se trouvaient dehors, demandant où était Marko
5 Komarica ? Ils m'ont dit --
6 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Excusez-moi, je vais interrompre. Un
7 nom manque après le nom Zec. Est-ce que le témoin pourrait répéter cela ?
8 C'est la page 40, ligne 16 : "Les soldats ont juré contre Zec et" une autre
9 personne.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] L'amiral Jokic.
11 M. RODIC : [interprétation]
12 Q. S'agissant de ces corrections, je vais vous demander, en fait, de
13 répéter comment le 6 décembre les choses se sont déroulées, qu'est-ce qui
14 vous a poussé à prendre la route de Bosanka ? Qu'est-ce qui est arrivé ?
15 R. J'ai entendu à la radio Herceg-Novi que des opérations de combat
16 avaient éclaté à Bosanka, et qu'il y avait deux morts. C'est pour cela que
17 je suis parti.
18 Q. Excusez-moi. Quand est-ce que cela s'est passé exactement ?
19 R. C'était le 6 décembre, exactement à 15 heures. J'ai entendu cela à la
20 radio Herceg-Novi.
21 Q. Merci. Est-ce que lorsque vous étiez à Bosanka --
22 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je vais vous interrompre. Excusez-moi,
23 je pense que le témoin a, déjà, dit préalablement qu'il y avait eu une
24 bataille à Srdj, et mon éminent collègue a posé sa question de nouveau, et
25 il a amené le témoin à dire Bosanka. Je pense que ceci n'est pas approprié
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1 du tout.
2 M. RODIC : [interprétation] Peut-être que vous avez mal compris ce que je
3 souhaitais dire. Nous ne contestons pas, du tout, le fait qu'il y ait eu
4 des combats à Srdj.
5 J'ai demandé au témoin de répéter pourquoi il est allé de Herceg-Novi
6 vers Bosanka. Puisqu'il n'a pas été consigné, au compte rendu d'audience,
7 lorsque le témoin a dit qu'il écoutait la radio quand il a entendu que deux
8 soldats avaient été tués lors des combats à Srdj. Je ne souhaitais pas, du
9 tout, amener le témoin à dire quoi que ce soit, mais simplement qu'il est
10 allé vers Bosanka en raison des combats à Bosanka.
11 Q. Monsieur Novakovic, est-ce d'après ce que vous nous avez décrit par
12 rapport à ce que vous avez entendu ou vu à Bosanka, est-ce que vous avez
13 appris, à ce moment-là, où était le soldat Marko Komarica ?
14 R. Ils m'ont dit que les personnes blessées et les morts étaient à
15 Trebinje. Moi, j'ai démarré ma voiture et je suis allé vers Trebinje. A
16 Trebinje, je suis allé dans un dispensaire ou un hôpital, j'ai demandé où
17 était la morgue. Je suis entré dans la morgue, et j'ai vu cinq personnes
18 qui avaient été tuées ce jour-là au relais de Srdj à Bosanka, près de
19 Dubrovnik. C'étaient Mesaros, Iva Divjan, Tasovac et deux noms que j'oublie
20 momentanément puisque beaucoup de temps s'est écoulé depuis.
21 Q. Très bien. Dites-moi, s'il vous plaît, est-ce qu'à Trebinje dans cet
22 hôpital, vous avez trouvé Marko Komarica ?
23 R. Non, Marko Komarica, d'après ce qu'on m'a dit à l'hôpital, avait été,
24 légèrement, blessé et avait été transféré à l'hôpital de Meljine. Moi,
25 immédiatement, j'ai démarré ma voiture et je suis allé vers Meljine à
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1 l'hôpital. A Meljine –-
2 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, est-ce que vous avez trouvé Marko Komarica
3 à l'hôpital militaire de Meljine ?
4 R. Oui, je l'ai trouvé à l'hôpital militaire de Meljine avec ses amis,
5 Svetislav Rakovic et Bodiroga dont je ne me souviens pas du nom de famille.
6 Ils ont été blessés tous les deux. Bodiroga dans le dos lorsqu'il
7 transportait un camarade mort, Marko Komarica avait été blessé dans le
8 visage et puis, le troisième, il a été blessé mais j'ai oublié où.
9 Q. Excusez-moi, brièvement, est-ce que les blessures de
10 Rakovic et de Komarica étaient de blessures graves ?
11 R. Non, il s'agissait de blessures légères dans le visage et je les ai
12 emmenés chez moi.
13 Q. Est-ce que Komarica et Rakovic devaient rester à l'hôpital ou est-ce
14 qu'ils devaient rentrer dans leur unité ?
15 R. Non, ils étaient légèrement blessés, donc ils devaient, simplement,
16 passer la nuit à l'hôpital, et ensuite retrouver leur unité. Le troisième
17 devait y rester quelques jours. Moi, j'ai pris en charge ces deux hommes,
18 je les ai emmenés chez-moi pour qu'ils dorment chez moi et pour que je
19 puisse les amener à Brgat le lendemain.
20 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, lorsque vous avez conduit les soldats
21 Rakovic et Komarica chez vous le 6 décembre, est-ce que vous avez parlé
22 avec eux de cette action à Srdj, de comment les choses s'étaient déroulées
23 ? Est-ce que vous avez entendu, de la part de ces personnes, quoi que ce
24 soit au sujet de la manière dont ils ont été blessés, au sujet de
25 l'ensemble de cette action ?
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1 R. Oui, lorsque nous sommes arrivés chez nous, je leur ai posé des
2 questions, je leur ai demandé comment les choses s'étaient déroulées.
3 Komarica et Rakovic m'ont dit que, le 5 décembre, ils avaient été alignés
4 quelque part, je ne sais pas vraiment où et que le capitaine du navire de
5 guerre, Zec leur a demandé qui a, suffisamment, de courage pour chasser
6 l'ennemi de Srdj. Il y a eu un silence total et, au bout de quelques
7 secondes, Bodiroga a répondu en premier, il a dit : "Moi-même."
8 Q. Excusez-moi, c'est le même Bodiroga que celui qui avait été à l'hôpital
9 militaire de Meljine ?
10 R. Oui, c'est le Bodiroga qui a été blessé lorsqu'il portait le corps de
11 Mesaros de Srdj.
12 Q. D'accord. Est-ce que quelqu'un d'autre s'est porté volontaire mis à
13 part ce Bodiroga ?
14 R. Oui, immédiatement Marko Komarica a répondu, et puis cela a été
15 Svetislav Rakovic, et puis Mesaros, et puis quelques autres hommes que je
16 n'avais jamais vus.
17 Q. Est-ce qu'ils vous ont dit quoi que ce soit d'autre concernant ce 5
18 décembre ?
19 R. Ils m'ont dit que le 5 décembre, ils s'étaient mis d'accord sur une
20 attaque contre le relais de Srdj, le lendemain le 6. On leur aurait promis
21 des gilets pare-balles et des bombes chocs. Le lendemain, ils n'ont pas
22 reçu de gilets pare-balles mais seulement des bombes chocs. C'est le
23 commandant du peloton de l'unité de Bodiroga qui les a amenées là-bas.
24 Q. Au cours de l'opération à Srdj, est-ce que quelqu'un de ce groupe où se
25 trouvait Komarica et Rakovic a été tué ?
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1 R. Oui, tôt dans la matinée, ils sont allés attaquer Srdj et le premier
2 qui a été tué, je pense qu'il avait un grade de caporal, c'était Mesaros.
3 Q. Est-ce que c'était un soldat régulier ?
4 R. Oui, c'est exact. Lorsqu'ils sont venus chez moi par la suite, après
5 leur séjour à l'hôpital de Meljine, les deux m'ont dit que c'était le
6 dernier jour du service militaire de cette personne-là, de Mesaros. Si
7 Mesaros avait survécu ce jour-là, le lendemain il allait être relâché, il
8 allait regagner sa maison pour rejoindre ses parents.
9 Q. Merci, est-ce qu'ils vous ont dit quoi que ce soit concernant la
10 manière dont l'opération de Srdj s'était déroulée ?
11 R. Oui, ils m'ont dit que lorsqu'ils sont arrivés presque au sommet de
12 Srdj, au relais de Srdj qu'ils ont essuyé des tirs depuis Dubrovnik, des
13 tirs d'obusier. Il s'agissait de tirs d'obusier violents. Ils ont subi des
14 pertes. Cinq de leurs camarades ont succombé. Komarica a eu de la chance
15 car, à chaque fois qu'il passait quelque part, cinq secondes après, un obus
16 tombait par là. Il a eu beaucoup de chance et, à chaque fois il réussissait
17 à s'échapper. Finalement, il a eu des blessures seulement superficielles.
18 Q. Est-ce que Komarica et Rakovic vous ont dit combien de temps ils sont
19 restés à Srdj ce jour-là et ce qui s'est passé par la suite ?
20 R. Ils étaient à Srdj pendant la journée. C'était en décembre, donc les
21 journées étaient courtes. Lorsque je suis arrivé, moi j'avais quitté
22 Herceg-Novi à 15 heures, et j'y suis arrivé à 15 heures 40 dans l'après-
23 midi, tout était déjà terminé. Nous ne sommes pas entrés dans beaucoup de
24 détail, mais ils étaient déjà revenus de Srdj. Les blessés et les morts
25 avaient été amenés à l'hôpital.
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1 Q. Puisque vous êtes allé à Bosanka le 6, est-ce que vous avez vu Srdj
2 aussi ? Est-ce que vous avez vu des soldats de la JNA à Srdj ce jour-là ?
3 R. Lorsque je suis arrivé, il n'y a pas eu de soldats à Srdj. Les soldats
4 étaient à Bosanka dans une maison qui n'était pas encore terminée, encore
5 en construction.
6 Q. Très bien. Dites-moi si Komarica vous a dit où il s'est retiré depuis
7 Srdj ?
8 R. Ils se sont retirés à des positions près de cette maison, et c'est là
9 que les infirmiers et les médecins les ont évacués jusqu'aux hôpitaux.
10 Q. Komarica et Rakovic ont passé la nuit du 6 et 7 chez vous, dans votre
11 maison ?
12 R. Oui, c'est exact.
13 Q. Est-ce que le 7 décembre, vous les avez emmenés en voiture jusqu'au
14 leur unité, ou est-ce qu'ils sont rentrés tout seul ?
15 R. Non. Je les ai placés dans ma voiture et je les ai transportés à Brgat,
16 chez leur commandant, Vladimir Kovacevic, surnommé Rambo, car ils voulaient
17 lui demander de les laisser partir aux obsèques de leur camarade, Mesaros.
18 Lorsque nous sommes arrivés au couloir de l'endroit où était stationné le
19 commandant Rambo, moi, j'étais prêt de la porte, et j'ai entendu lorsque le
20 capitaine du navire de guerre, Zec, a dit au commandant Rambo Kovacevic :
21 "Jeune homme, tu vas prendre de longues vacances, maintenant." Nous avons
22 attendu un peu, et ensuite Komarica et Rakovic sont allés voir le
23 commandant Rambo Kovacevic. Ils ont demandé d'obtenir la permission pour
24 aller à Subotica pour l'enterrement. Il a rendu cela possible. Pendant que
25 j'attendais dans le couloir, je suis allé à l'extérieur un peu.
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1 Q. Je vais vous interrompre. Vous dites que vous avez entendu quelqu'un
2 dire "Jeune homme, tu vas prendre de longues vacances, maintenant."
3 R. C'était amiral Zec. C'était un bon ami que je connaissais très bien. Je
4 reconnaissais la manière dont il parlait.
5 Q. Qui était-il ?
6 R. C'était le capitaine du navire de guerre. Par la suite, il est devenu
7 amiral.
8 Q. Comment est-ce que vous savez que c'était le capitaine Zec qui disait
9 cela ?
10 R. J'avais parlé avec lui plusieurs fois, et je connaissais très bien sa
11 voix. J'ai entendu sa voix dire à Rambo Kovacevic : "Jeune homme, tu vas
12 prendre de longues vacances maintenant."
13 Q. Est-ce que vous êtes entré dans le bureau ?
14 R. Non. J'étais dans le couloir.
15 Q. Attendez, s'il vous plaît. Comment savez-vous à qui appartenait ce
16 bureau depuis lequel parvenait cette voix ?
17 R. C'est Rakovic et Komarica qui m'ont emmené devant cette porte. C'était
18 la porte de bureau du commandant Vladimir Kovacevic. Il était tout à fait
19 logique qu'il dit cela à Vladimir Kovacevic, et on savait qu'il y avait un
20 problème puisque j'ai vu des soldats de réserve de Trebinje, d'Herzégovine
21 qui étaient rassemblés autour de ce bâtiment. De par la conversation que
22 j'ai eue avec lui, j'ai vu qu'ils avaient entendu dire que l'armée
23 souhaitait changer Rambo Kovacevic, mais qui ne leur permettrait pas. Ils
24 ont empêché son remplacement.
25 Q. Est-ce que vous avez parlé avec ces soldats ?
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1 R. Oui. J'ai mené quelques conversations informelles avec eux. J'ai vu
2 qu'ils étaient déterminés à soutenir leur capitaine Kovacevic.
3 Q. Ont-ils expliqué la raison pour cela ?
4 R. Nous savons très bien ce qui s'est passé ce jour-là. Ils allaient
5 soutenir leur capitaine, le commandant de l'unité.
6 Q. Qu'avait dit l'armée ? Qu'expliquaient-ils ? Que disaient-ils ?
7 R. L'armée disait qu'on savait qu'une attaque contre Srdj avait eu lieu,
8 et par la suite un deuxième ordre a été émis visant à arrêter cette
9 attaque. Comme il s'agit de l'armée, l'armée était très satisfaite. Ils ne
10 voulaient pas que les choses se déroulent de cette façon-là. Ils ne
11 voulaient pas que l'on remplace un homme qui n'est coupable de rien, qu'il
12 ne faisait que protéger son armée.
13 Q. Dites-moi : est-ce que Komarica et Rakovic ont reçu l'approbation du
14 commandant pour s'absenter de l'unité ?
15 R. Oui. Une minute ou deux plus tard, il a signé leurs permissions. Je les
16 ai conduits à bord de mon véhicule à l'arrêt de bus d'Herceg-Novi où ils se
17 sont dirigés en autobus vers Subotica pour assister aux obsèques de leur
18 camarade Mesaros.
19 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai terminé
20 l'interrogatoire principal. Je vous remercie. Je remercie le témoin
21 également.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Somers.
23 Mme SOMERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. C'est Mme
24 Mahindaratne qui procèdera au contre-interrogatoire de ce témoin.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
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1 Contre-interrogatoire par Mme Mahindaratne :
2 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Novakovic. Je m'appelle Madame
3 Mahindaratne, et je vais vous poser des questions de la part de
4 l'Accusation. Dites-moi, quelle est votre origine ethnique ?
5 R. Je suis de nationalité serbe.
6 Q. Vous nous avez dit avoir été mobilisé autour du 20 septembre 1991. Est-
7 ce que c'est exact ?
8 R. Oui.
9 Q. Avez-vous été mobilisé pour participer ou prendre part à l'opération de
10 Dubrovnik ? Est-ce que vous avez été informé de ce fait, que vous alliez
11 participé à l'opération de Dubrovnik ?
12 R. Non. On m'a simplement appelé pour faire un exercice militaire qui
13 avait commencé à Kamena. C'est un village situé à cinq kilomètres d'Herceg-
14 Novi.
15 Q. Lorsque vous avez été mobilisé, quel genre d'entraînement aviez-vous
16 reçu avant votre mobilisation concernant les armes, par exemple, quelle
17 était la durée de votre formation militaire ? Vous pouvez nous fournir une
18 réponse brève.
19 R. J'ai été appelé à plusieurs reprises pour faire des exercices
20 militaires en tant que soldat de réserve. Cette formation-là a duré
21 quelques jours.
22 Q. Est-ce que vous aviez une expérience concernant l'usage des armes, ou
23 bien votre mission consistait à établir les contacts
24 radio ?
25 R. Ma mission principale était de m'occuper de la radio, mais j'étais mis
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1 au courant, également, de savoir comment opérer les armes.
2 Q. En septembre 1991, vous dites que l'unité de la Défense territoriale
3 d'Herceg-Novi avait été subordonnée au commandement supérieur. Quel était
4 le nom de ce commandement supérieur ?
5 R. Ce commandement supérieur s'appelait Secteur militaire naval de Kumbor.
6 Je ne sais pas quelle est l'appellation officielle de ce secteur, mais
7 c'est ainsi que je le connaissais, sous ce nom-là.
8 Q. Où étiez-vous basé lorsque vous avez été déployé pour prendre part à
9 l'opération de Dubrovnik ? Où était basée votre unité, l'unité de Défense
10 territoriale ?
11 R. Nous avons été appelés à assister à un exercice militaire, et non à
12 prendre part à l'attaque de Dubrovnik. C'était sur Kamena. C'était vers le
13 21 septembre. C'est ainsi que nous avons passé à Kamena, sept à huit jours.
14 Ensuite, nous avons passé à --
15 Q. Je vais vous interrompre Monsieur Novakovic pour vous demander : une
16 fois que vous avez été déployé à prendre part à l'opération de Dubrovnik,
17 où avez-vous été basé ou déployé ? Vous n'êtes pas obligé d'entrer dans
18 plus de détails. Où était déployée votre unité une fois que vous avez été
19 assigné pour prendre part à cette attaque ?
20 R. Nous sommes d'abord arrivés au village de Mikulici. C'est là que nous
21 avons passé quelques jours. Depuis Mikulici, nous avons été transférés à
22 Grude. C'est là que, pendant une période prolongée, était stationnée
23 l'unité de la Défense territoriale. C'est l'unité d'Herceg-Novi, et c'est
24 là que le commandement se trouvait également. J'ai été toujours prêt du
25 commandement parce que je devais m'occuper de la station radio. Je devais
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1 toujours être présent dans le cas où il y aurait mauvais fonctionnement de
2 cette radio afin que je puisse la réparer si jamais il y avait un problème.
3 Q. Pendant l'opération de Dubrovnik, vous avez été situé à Grude, n'est-ce
4 pas ? Est-ce que c'est exact ?
5 R. Oui.
6 Q. A quelle distance se trouve Grude de Dubrovnik ?
7 R. Grude se trouve à mi-chemin entre Herceg-Novi et Dubrovnik, environ à
8 20 kilomètres de là.
9 Q. A quelle distance se trouve Grude de Brgat ?
10 R. C'est environ de 22 à 23 kilomètres de Brgat.
11 Q. Comment se fait-il que vous avez été présent à Brgat et que vous avez
12 été stationné à Brgat ?
13 M. PETROVIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Le témoin
14 n'a pas indiqué qu'il avait passé l'ensemble du temps à Brgat. Ce n'est pas
15 ce qu'il a dit. Je demanderais à mon éminente consoeur de faire attention à
16 ce que le témoin a dit.
17 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Ma question n'était pas cela. Je
18 voulais simplement savoir :
19 Q. Comment se fait-il que vous étiez présent constamment à Brgat, alors
20 que votre poste d'assignation était Grude. Mon éminent confrère pourrait
21 peut-être porter attention sur ma question.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic, veuillez-vous asseoir
23 ? Merci, Madame Mahindaratne, d'avoir apporter ces précisions. Monsieur le
24 Témoin, pouviez-vous fournir une réponse à cette question ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, certainement. Ma tâche en tant que
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1 mécanicien chargé de la réparation de la radio était de fournir la station
2 radio avec les groupes électrogènes sur le terrain, et de faire en sorte
3 que le groupe électrogène soit toujours chargé, que les batteries soient
4 toujours chargées. C'est ainsi que chaque fois que les batteries étaient
5 vides, je devais les recharger. C'est ainsi que je voyais tous ces unités
6 tous les jours, puisque je devais leur approvisionner en batteries.
7 Q. Qui est cette brigade qui vous appelait sans cesse pour que vous
8 remplaciez leurs batteries ? Qui est cette unité ?
9 R. C'était l'unité de la Défense territoriale d'Herceg-Novi. J'appartenais
10 à cette unité de la Défense territoriale d'Herceg-Novi. Il s'agissait d'une
11 section de notre unité.
12 Q. Est-ce que vous êtes au courrant du fait que le poste du commandement
13 du 3e Bataillon de la 472e Brigade motorisée se trouvait également à Brgat ?
14 R. Je ne le savais pas.
15 Q. Lorsque vous vous êtes rendu au poste de l'unité de la Défense
16 territoriale qui se trouvait à Brgat, est-ce que vous étiez au courrant
17 qu'il y avait d'autres installations militaires ou d'autres postes de
18 commandement à Brgat ?
19 R. Je présumais que oui, mais je ne savais pas quelles étaient ces unités
20 et qui était le commandant de ces unités. Je connaissais mon unité, et ma
21 tâche était de changer les groupes électrogènes de masse sur radio, mais je
22 ne savais jamais qui appartenait à quelle autre unité. Je connaissais
23 Komarica, qui était mon ami. Je savais qu'il appartenait à l'unité de
24 Rambo. Pour ce qui est des autres personnes, je ne savais pas de qu'il
25 s'agissait.
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1 Q. Vous savez que Rambo, ou que le capitaine Vladimir Kovacevic, était le
2 commandant du 3e Bataillon, n'est-ce pas ?
3 R. Pardon ? Pourrez-vous répéter votre question, je vous
4 prie ?
5 Q. Est-ce que vous savez si le capitaine Vladimir Kovacevic, ou Rambo,
6 était le commandant du 3e Bataillon de la 472e Brigade motorisée ?
7 R. Oui. Je ne savais pas tout de suite au début, mais j'ai su plus tard
8 après avoir fait connaissance avec Komarica. Il m'a informé qu'il était
9 soldat du 3e Bataillon, et que son commandant était Vladimir Kovacevic,
10 appelé Rambo.
11 Q. Votre ami Komarica appartenait au 3e Bataillon ?
12 R. Oui.
13 Q. Donc, ne lui avez-vous pas rendu visite ? N'êtes-vous pas allé à
14 l'endroit où il était cantonné à Brgat ?
15 R. Oui. Oui, je me suis rendu à plusieurs reprises. Chaque fois que
16 j'allais à Brgat, je profitais de l'occasion pour aller le voir.
17 Q. Donc, vous savez que l'unité du 3e Bataillon était en effet cantonné à
18 Brgat, contrairement à ce que vous nous avez dit un peu plutôt ? Vous avez
19 dit que vous ne saviez pas que le poste de commandement du 3e Bataillon
20 était situé à Brgat. Là, vous nous dites que vous avez rendu visite à votre
21 ami qui, lui, était au poste de Brgat.
22 R. C'était un peu plus compliqué. Vous savez, son commandement se trouvait
23 probablement à Brgat, alors que lui, il se trouvait à Bosanka, à mi-chemin
24 entre Bosanka et Srdj, sous un rempart. C'est là qu'il avait une tente
25 improvisée où ils montaient la garde. Je ne lui ai pas posé des questions,
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1 à savoir, où se trouvait son commandant, et cetera. Cela ne m'intéressais
2 pas. Je voulais surtout savoir s'il allait bien, s'il était en bonne santé,
3 s'il n'a pas été blessé. Donc, je ne lui ai jamais posé plus de questions
4 concernant son commandant, le commandement, ou autre chose.
5 Q. Donc, vous ne saviez pas où se trouvait son poste de commandement ?
6 Vous ne le saviez pas du tout ?
7 R. Non. Je ne savais pas du tout où se trouvait son commandement. Ce n'est
8 que lorsque je les ai amené pour qu'ils aient à Subotica, c'est là que j'ai
9 appris que c'était leur poste de commandement.
10 Q. Monsieur Novakovic, quel était le nom du commandant de l'unité de la
11 Défense territoriale ?
12 R. Le commandant de la Défense territoriale d'Herceg-Novi s'appelait Ilija
13 Martinovic.
14 Q. Vous étiez directement subordonné à cette personne ?
15 R. Oui.
16 Q. Il avait donc le commandement sur ces unités subordonnées ? Vous et vos
17 collègues, est ce que vous vous pliez aux ordres reçus par lui ?
18 R. Je respectais les ordres que le commandement donnait.
19 Q. Dites-nous, lui-même, se pliait-il aux ordres reçus émanant de son
20 commandement ou supérieur ? Y a-t-il des allégations, à savoir qu'il ne
21 respectait pas les ordres reçus de ses supérieurs ?
22 R. En tant que simple soldat, je ne savais pas qui lui donnait des ordres.
23 Je ne savais pas s'il se pliait à ces ordres. Je savais simplement que je
24 remplissais les ordres que je recevais. Je savais quels étaient les ordres
25 qu'il me donnait, et que je devais obéir à ses ordres.
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1 Q. Lors de l'interrogatoire principal, vous avez dit qu'il y a eu une
2 demande qu'on voulait remplacer le capitaine Kovacevic, et que ses soldats
3 subordonnés, l'ont supporté, afin qu'il ne soit pas remplacé. Est-ce que
4 vous n'avez jamais appris, peut-être, de votre ami Komarica, que le
5 capitaine Kovacevic avait le contrôle sur ses unités subordonnées et que
6 c'était eux, en fait, qui ont respecté les ordres émis par le capitaine
7 Kovacevic ?
8 R. Bien, je savais de Komarica et d'autres que Rambo Kovacevic exerçait un
9 contrôle total sur la situation et sur ses unités, et que pour ce qui est
10 de son unité, il était un officier exceptionnellement bon.
11 Q. Y a-t-il quelque chose que votre ami Komarica ait pu vous dire ou
12 quelqu'un d'autre insinuant que le capitaine Kovacevic ne respectait pas
13 les ordres de ses supérieurs, ou qu'il était contrevenu aux ordres reçus ?
14 R. Depuis les conversations que j'ai eues avec Komarica et d'autres, je
15 n'ai pas pu conclure que Kovacevic ne respectait pas les ordres qu'il
16 recevait de son commandant.
17 Q. Vous nous avez dit que votre unité de Défense territoriale était
18 subordonnée au 9e secteur maritime. Est-ce que pendant que vous et votre
19 unité étaient déployés dans le cadre de l'opération de Dubrovnik, saviez-
20 vous, puisque votre unité était rattachée à un commandement qui était
21 particulièrement établi pour cette mission, le deuxième groupe opérationnel
22 qui avait reçu pour mission de mener à bien l'opération de Dubrovnik. Est-
23 ce que vous saviez cela ?
24 R. Ce n'est pas un fait qui m'était connu. Je croyais et je pensais ou je
25 savais que j'étais subordonné au commandant de l'unité de la Défense
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1 territoriale Martinovic et que nous faisions partie du Secteur militaire
2 naval Boka à Kumbor. Enfin, on l'appelait Boka, mais c'était à Kumbor. Je
3 ne savais rien d'autre. Je savais seulement que nous avions un commandant
4 d'armée, mais je ne savais qui il était exactement, je savais qu'il était à
5 Belgrade. Je ne me souviens pas. En général, fort probablement, mais je ne
6 me souviens pas de son nom.
7 Q. Est-ce que vous aviez entendu parler du "2e Groupe opérationnel" avant
8 ?
9 R. Non.
10 Q. Est-ce que vous avez jamais entendu du général Strugar, du général
11 Pavle Strugar qui est l'accusé en l'espèce ?
12 R. Je n'ai entendu parler du général Strugar que lorsque j'ai été député à
13 l'assemblée de la municipalité de Novi. Lorsque notre armée s'est retirée
14 sur les frontières, nous avons eu une réunion extraordinaire de
15 l'assemblée, et lors de cette réunion, le général Pavle Strugar était
16 présent. C'est là que je l'ai vu pour la première fois. Je n'ai pas fait sa
17 connaissance personnellement par contre.
18 Q. Est-ce que vous saviez que le général Strugar était, en fait, l'ancien
19 commandant de la Défense territoriale d'Herceg-Novi ? Ou plutôt, je me
20 reprends, le Procureur du Monténégro. Est-ce que vous le saviez, vous étiez
21 vous-même dans la Défense territoriale, et donc, c'était votre commandant,
22 le commandement de la Défense territoriale de Monténégro était le général
23 Pavle Strugar ?
24 R. Malheureusement, je ne le savais pas.
25 Q. Vous dites que vous ne saviez pas que le général Strugar était impliqué
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1 de quelque sorte que ce soit dans l'opération de Dubrovnik ? C'est ce que
2 vous nous dites aujourd'hui ?
3 R. Je ne l'ai jamais vu sur le théâtre des opérations du Dubrovnik.
4 Q. Je ne voulais pas savoir si vous l'aviez jamais vu à cet endroit-là,
5 mais je voulais savoir si vous saviez que le général Strugar était le
6 commandant de l'opération de Dubrovnik ?
7 R. Non, je ne le savais pas. Je croyais que s'agissant de l'opération de
8 Dubrovnik, que jusqu'à la mort de Krsto Djurovic, c'était lui qui était à
9 la tête de cette opération et que suite à la mort de Krsto Djurovic, que
10 c'était ensuite Miodrag Jokic. Je croyais même que Rambo Kovacevic et son
11 unité, je croyais qu'ils faisaient tous partie de la marine militaire de
12 Boka.
13 Q. Est-ce que vous saviez que l'un des objectifs de la guerre à laquelle
14 vous avez pris part était de maintenir le blocus naval et maritime autour
15 de Dubrovnik ?
16 R. Je ne suis qu'un simple soldat. Je ne connaissais pas les détails. Mais
17 je sais simplement que notre objectif n'a jamais été l'attaque contre
18 Dubrovnik. Si cela avait été notre but, nous aurions pu le bombarder à
19 n'importe quel jour ou tous les jours.
20 Q. Je vous demanderais de vous en tenir à mes questions.
21 Je joins, d'après ce que vous avez dit, vous nous avez dit que vous aviez
22 l'impression que l'opération de Dubrovnik devait être menée par le 9e
23 Secteur naval, et que vous ne saviez pas que le 2e Groupe opérationnel et
24 que son commandement jouaient quel que rôle que ce soit pour ce qui est de
25 ces opérations ? Est-ce que c'est ce que vous nous avez dit ? Est-ce que je
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1 vous ai bien compris ?
2 R. Je ne le savais pas. Je ne savais pas si cela est correct ou non, il
3 faudrait juger de cela. Mais je n'avais absolument pas l'impression que
4 nous étions subordonnés à qui que ce soit.
5 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
6 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
7 Q. Excusez-moi, Monsieur le Président. Vous nous avez parlé d'avoir pris
8 part aux réunions de l'assemblée municipale. Etiez-vous membre de
9 l'assemblée municipale ?
10 R. Oui, j'ai été député en 1990, 1991, 1992 et peut-être même en 1993.
11 Q. Vous étiez affilié à quel parti politique ?
12 R. J'étais affilié à la Ligue de communiste de Yougoslavie qui, au cours
13 de cette période entre 1991 et 1992, s'était transformée en Parti
14 démocratique des socialistes du Monténégro. Je n'étais jamais devenu leur
15 membre, mais j'étais simplement un député. J'ai maintenu mon mandat jusqu'à
16 la fin. Je suis resté membre de la Ligue des communistes mais je n'ai
17 jamais pris mon livret de ce nouveau parti, le Parti socialiste
18 démocratique du Monténégro.
19 Q. C'est le parti connu sous le nom du SDS ?
20 R. Non, c'est le Parti démocratique des socialistes dont le président
21 était Momir Bulatovic et dont le président actuel est Milo Djukanovic.
22 Q. Monsieur, est-ce que vous connaissez Predrag Bulatovic ?
23 R. Je le connais personnellement, mais j'avais parlé de Momir Bulatovic.
24 Q. Oui, je sais très bien de quoi vous avez parlé. Mais je voulais
25 simplement savoir la chose suivante : le vice-président, M. Momir
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1 Bulatovic, le vice-président Bulatovic, avait-il un lien de parenté avec
2 vous ? Effectivement, est-ce que vous avez un lien de parenté ? N'êtes-vous
3 pas son neveu ?
4 R. Moi-même et Predrag Bulotovic, nous n'avons aucun lien de parenté. Nous
5 ne sommes pas en lien de parenté. Mais puisque j'étais membre de la Ligue
6 des communistes de Yougoslavie, mon parti était en coalition avec son
7 parti, c'est-à-dire, que nous nous connaissons, car nous avons eu des
8 contacts entre les partis.
9 Q. Lorsque mon éminent confrère vous a demandé si vous aviez un casier
10 judiciaire, vous avez répondu par la négative. N'avez-vous pas été condamné
11 pour le meurtre d'une femme en 1992 ou 1991 ?
12 R. Je vais vous dire où se trouve le problème. Le neveu de Predrag
13 Bulatovic s'appelle Slobodan Novakovic, il porte le même nom que moi. Je ne
14 l'ai jamais vu de ma vie, et nous n'avons aucun lien de parenté. C'est
15 quelque chose que j'ai su par hasard de Nenad Vulevic qui se trouvait avec
16 lui en prison alors qu'il purgeait sa peine à Spuz, dans la prison de Spuz.
17 Je n'ai jamais été condamné, et ce Slobodan Novakovic, je ne l'ai jamais vu
18 auparavant. Tout ce que je peux vous dire, c'est que j'avais déjà entendu
19 parler de lui, de ce Nenad Vulevic.
20 Q. Vous dites que vous n'avez pas de casier judiciaire, n'avez-vous pas
21 été trouvé coupable de méfaits dans la cour d'Herceg-Novi pour un crime qui
22 a été commis en tant que membre de la Défense territoriale à Herceg-Novi ?
23 R. Non. A Tivat, j'ai été demandé de comparaître devant le tribunal. Un
24 réserviste, je ne me souviens pas de son nom présentement, il y avait
25 procès intenté contre lui, il m'a demandé de venir témoigner pour lui, et
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1 il voulait que je témoigne que je ne l'ai jamais vu prendre part à des
2 méfaits ou des vols. C'est ainsi que j'ai témoigné pour lui.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le temps est peut-être venu pour
4 prendre la pause, Madame Mahindaratne ? Qu'est-ce que vous en dites ?
5 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
6 --- L'audience est suspendue à 17 heures 30.
7 --- L'audience est reprise à 17 heures 53.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Mahindaratne, vous pouvez
9 continuer.
10 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Q. Monsieur, juste avant la pause, je vous ai demandé si vous étiez accusé
12 et poursuivi pour vol aggravé devant le tribunal de première instance
13 d'Herceg-Novi. Là, je vous affirme qu'en réalité, vous avez été accusé de
14 vol aggravé, et ceci, le 12 février 1992. Est-ce exact ? Est-ce faux ?
15 Comment répondez-vous ?
16 R. C'est faux.
17 Q. Pourquoi ?
18 R. Parce que, j'ai été témoin d'un membre de la réserve, Zika
19 Milosavljevic. Je pense qu'il était, lui, accusé des choses semblables.
20 J'ai été convoqué en tant que témoin. C'était à Tivat, ce n'était pas à
21 Herceg-Novi. C'était auprès du tribunal militaire de Tivat que j'ai
22 témoigné. J'ai dit que je ne l'ai pas vu participer à un quelconque vol.
23 Q. Nous allons passer à un autre sujet. Vous deviez vous occupez
24 principalement des communications radio autour de Dubrovnik, et ceci dans
25 le cadre des opérations au Dubrovnik. Pourriez-vous nous dire quelle était
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1 la situation en ce qui concerne les communications par la radio des forces
2 JNA à l'époque ? Est-ce que c'était un système efficace qui fonctionnait à
3 l'époque ?
4 R. Oui, c'était un système qui fonctionnait assez bien. Nous, au sein de
5 la TO d'Herceg-Novi, nous pouvions établir la connexion avec toutes nos
6 unités. C'est ce que je peux vous dire au sujet de mes unités. Cela étant
7 dit, je ne sais pas quelle était la situation dans d'autres unités.
8 Q. Au cours de l'interrogatoire principal, vous avez dit que votre base à
9 Grude était à côté du poste de commandement de l'armée. Quel était ce poste
10 de commandement ?
11 R. C'était le poste de commandement du secteur naval. C'est là que se
12 trouvaient les commandants de l'unité, si c'est comme cela qu'on dit. A
13 l'époque, il avait, je pense, le grade de capitaine de 1ère classe, et il
14 s'appelait, enfin, il s'appelle toujours -- justement, il est ici avec moi
15 en ce moment, à La Haye. Nous sommes dans le même hôtel. Il s'appelle Gojko
16 Djurasic. C'était Gojko Djurasic qui à l'époque, je pense, avait le grade
17 de capitaine de 1ère classe.
18 Q. Votre base était juste à côté de la base du capitaine Djurasic, à
19 l'époque, et à cause de cela, vous deviez le connaître, n'est ce pas ?
20 R. C'est vrai qu'il était tout près, mais vous savez, nous dépendions de
21 la Défense territoriale d'Herceg-Novi. Moi, je le connaissais
22 personnellement, tout à fait par hasard, parce que j'avais un service des
23 réparations, et je suis allé chez lui, à la maison, pour réparer sa
24 télévision. C'est comme cela que je le connaissais. Mais en ce qui concerne
25 le front, nous n'avions rien à faire en commun.
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1 Q. Vous avez dit que vous êtes retourné chez vous à Herceg-Novi fin
2 novembre, début décembre, ce qui veut dire que vous n'avez pas assisté aux
3 évènements qui se sont produits le 6 décembre, au matin à Dubrovnik, et
4 autours de Dubrovnik.
5 R. Oui, c'est exact.
6 Q. Vous avez entendu ce qui s'est passé par la radio, n'est-ce pas ?
7 R. C'est exact, je l'ai entendu à la radio. De mon propre gré, sur ma
8 propre initiative, j'ai démarré ma voiture, je me suis rendu à Bosanka.
9 Q. A quelle heure entendez-vous ce qui se passe à Dubrovnik ? A quel
10 moment l'entendez-vous à la radio ?
11 R. Je l'ai entendu à 15 heures sur les ondes de la radio Herceg-Novi.
12 C'était le journal, les informations.
13 Q. Excusez-moi, Monsieur le Président, je pense que j'ai un problème
14 d'interprétation, puisque je n'entends rien du tout, peut-être y a-t-il une
15 erreur dans le système.
16 R. Puis-je répéter.
17 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi Monsieur
18 le Président, sur le canal 6.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous n'entendons pas la traduction
20 mais à présent, tout va bien, nous l'entendons à nouveau, à la différence
21 de tout à l'heure.
22 M. PETROVIC : [interprétation] Malheureusement, Monsieur le Président, je
23 dois dire que nous n'avons pas la traduction sur le canal numéro 6, la
24 traduction vers le B/C/S.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne sais pas ce qui s'est passé,
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1 peut-être pourrait-on vérifier ce qui se passe. Apparemment, tout
2 fonctionne à nouveau. Merci.
3 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
4 Q. Pourriez-vous, à nouveau, répondre à ma question ? Encore une fois, je
5 vous ai demandé à quelle heure vous avez entendu la nouvelle de ce qui
6 s'est passé à Dubrovnik sur les ondes de la radio ? A quelle heure ?
7 R. Le 6 décembre 1991, à 15 heures, j'étais en train d'écouter les
8 informations sur la radio locale, et la speakerine a dit qu'il y avait des
9 batailles à Srdj, qu'il y avait de deux tués. Je suis sorti de chez moi, et
10 sur ma propre initiative, j'ai démarré la 4 X 4, que je n'avais pas encore
11 vendue, et je suis allé au plus vite à Bosanka.
12 Q. A 15 heures le 6 décembre 1991, d'après ce que vous avez entendu sur
13 les ondes de la radio, au moment des informations, vous avez entendu qu'il
14 y avait des combats à Dubrovnik en ce moment précis ? C'est ce que vous
15 avez entendu ?
16 R. Oui, oui.
17 Q. Vous partez de chez vous et où allez-vous ? Quel est le premier endroit
18 où vous vous rendez ?
19 R. Je suis allé directement à Bosanka. Je suis parti d'Herceg-Novi et je
20 suis allé à Bosanka.
21 Q. Cela vous a pris combien de temps ?
22 R. Entre 35 et 40 minutes.
23 Q. Au cours de l'interrogatoire principal, vous avez dit que vous êtes
24 passé par Brgat, Zarkovica, et qu'à la fin, vous êtes arrivé à Bosanka,
25 est-ce exact ?
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1 R. Oui.
2 Q. En passant par Zarkovica, maintenant, vous avez dû entrevoir les
3 activités de combat à Zarkovica, n'est-ce pas ?
4 R. Non. Quand je suis passé près de Cavtat, juste au moment où il y a les
5 tableaux indiquant Cavtat, on a une très belle vue sur le répétiteur Srdj.
6 C'est uniquement à ce moment-là que j'ai pu voir quelques obus tombés sur
7 le répétiteur de Srdj, entre trois et six. Mais comme il y avait les vents
8 du nord d'assez forte intensité, qui soufflait du nord vers le sud, j'ai vu
9 la fumée emportée par les vents, la fumée des obus, de Cavtat et pas de
10 Zarkovica.
11 Q. Quand vous êtes passé par Zarkovica, je vous ai demandé si vous avez pu
12 voir des activités de combat ou est-ce qu'à ce moment-là tout était fini ?
13 R. À ce moment-là, tout était fini.
14 Q. A quel moment ils sont passés par Zarkovica ?
15 R. Si je suis arrivé en l'espace de 40 minutes, et cela veut dire que
16 trois minutes plus tôt j'étais à Zarkovica, puisque entre Zarkovica et
17 Bosanka, vous avez besoin de trois minutes de conduite à peu près.
18 Q. Pourquoi avez-vous pris cette route-là ? Est-ce la route habituelle,
19 normale que vous prenez pour aller à Bosanka ou est-ce que vous avez décidé
20 de passer par Zarkovica ?
21 R. Non, je n'avais aucune raison de m'arrêter à Zarkovica, car Komarica --
22 Q. Monsieur Novakovic, je vous ai demandé pourquoi êtes-vous passé par là,
23 par Brgat, Zarkovica, pour aller à Bosanka ? Pour quelle raison êtes-vous
24 passé par là ? Etait-ce la route habituelle que vous empruntiez pour vous
25 rendre à Bosanka ou avez-vous une raison particulière de passer par
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1 Zarkovica ? Ceci est la question que je vous ai posée.
2 R. Entre Zarkovica et Bosanka, vous avez deux routes. Il y a une route
3 goudronnée, assez rapide. Ensuite, vous avez une route qui n'est pas
4 goudronnée, serpentée. C'était tout à fait logique d'emprunter la route
5 goudronnée puisque cela prenait moins de temps.
6 Q. Vous avez dit que le lendemain de cet événement, vous vous êtes rendu
7 au poste de commandement du 3e Bataillon de la 472e Brigade motorisée. Où se
8 trouvaient ces postes de commandement ?
9 R. A Brgat.
10 Q. Comment le saviez-vous ? Comment saviez-vous que le poste de
11 commandement du 3e Bataillon était là-bas ?
12 R. Je ne le savais pas, mais avec moi dans le véhicule, il y avait Marko
13 Komarica et Svetislav Rakovic, qui m'ont emmené jusqu'à leur poste de
14 commandement, et c'est ce jour-là que j'ai appris que le commandement se
15 trouvait là, et qu'ils ne dépendaient pas du secteur naval mais de l'autre
16 corps d'armée, celui du général Strugar.
17 Q. Comment avez-vous appris que ces personnes avec lesquelles vous parliez
18 n'étaient pas subordonnées au 9e Secteur naval, mais au contraire, au
19 général Strugar ? Qui vous a dit cela ? Comment l'avez-vous appris ?
20 R. Je viens de vous le dire, l'unité de Rambo Kovacevic se trouvait en
21 quelque sorte sur notre terrain. Moi, je n'étais pas du tout au courant du
22 fait qu'ils étaient subordonnés au général Strugar. C'est après coup, quand
23 tout cela s'est terminé, quand nous sommes allés demander la permission
24 pour ces deux soldats de se rendre à Subotica, ce n'est qu'à ce moment-là
25 que j'ai compris que l'unité de Marko Komarica était subordonnée à cette
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1 autre unité, l'unité du général Strugar, mais pas au secteur naval. Car
2 moi, j'étais un simple soldat et ces détails ne m'intéressaient pas. Je
3 n'étais pas intéressé par les questions de subordination.
4 Q. Comment avez-vous compris que cette unité-là dépendait du général
5 Strugar ?
6 R. Maintenant quand j'y pense, même à l'époque d'ailleurs ou peut-être
7 vraiment la fin de la journée, aurais-je compris que le capitaine du
8 vaisseau de guerre Zec avait dit à Kovacevic que maintenant il allait
9 partir en permission, une permission assez longue. C'est là que j'ai vu des
10 membres de la réserve qui ont dit : "Non, il ne faut pas remplacer Rambo,
11 ne le laissons pas se faire remplacer."
12 Ce n'est que là que j'ai compris que cette unité ne dépendait pas du même
13 commandement que le mien, mais qu'elle était placée sous le commandement du
14 général Strugar. Je ne l'ai appris que plus tard. Je ne l'ai réalisé que
15 plus tard, car je ne pouvais pas le savoir. Comment voulez-vous que je
16 sache qu'ils dépendaient de Strugar et pas de nous ou du secteur naval de
17 Boka.
18 Q. Ce que vous dites est que la façon dont ils se comportaient à l'époque
19 vous a fait comprendre que c'étaient les hommes de Strugar, comme vous
20 l'avez dit, et qu'ils ne répondaient pas du secteur naval ?
21 R. Oui. Je leur ai demandé d'où ils venaient, et ils m'ont dit qu'ils
22 étaient en partie de Trebinje, en partie de Bileca. Ce n'est que là que
23 j'ai compris, de la bouche de ces simples soldats, les membres de la
24 réserve, qu'ils ne dépendaient pas du secteur naval de l'amiral Jokic, mais
25 qu'ils étaient autre chose. Mais à l'époque, je ne savais même pas que
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1 c'était le général Strugar qui était le commandant. J'ai tout simplement
2 compris qu'ils dépendaient de quelqu'un d'autre.
3 A l'époque, je ne savais même pas qui était Strugar et je n'ai pas compris,
4 à l'époque, que c'était lui le commandant.
5 Q. Quand vous parlez de "eux," est-ce que vous parlez des membres du 3e
6 Bataillon motorisé de la 472e Brigade ?
7 R. Ce 3e Bataillon, son commandant était Rambo Kovacevic. Il y avait des
8 soldats, et puis, il y avait des soldats qui faisaient partie de la
9 réserve. A l'époque, j'étais en contact avec Rakovic Svetislav et Komarica.
10 Mais moi, au cours de cet entretien avec Komarica, c'est vrai que je ne lui
11 ai jamais demandé qui était son commandant. Moi, j'ai pensé tout bonnement
12 que ces unités d'Herceg-Novi et nous-mêmes, que nous relevions de la même
13 autorité et qu'ils ne nous étaient pas subordonnés et que, nous, on n'était
14 pas leur subordonné non plus, et que nous dépendions d'un même
15 commandement.
16 M. PETROVIC : [interprétation] Le témoin, à la ligne 20, page 65, a dit que
17 c'était une unité d'Herzégovine et pas d'Herceg-Novi.
18 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, j'ai compris qu'il s'agissait
19 d'unités d'Herceg-Novi. Est-ce que je peux reposer la question au témoin ?
20 Q. Monsieur le Témoin, qu'est-ce vous venez de dire ? Vous avez dit qu'il
21 s'agissait d'une unité d'Herceg-Novi ou d'une unité d'Herzégovine, et que
22 vous étiez au même niveau. Qu'est-ce que vous avez dit ?
23 R. Des unités d'Herzégovine. Vous comprenez-vous, que ces unités soient
24 d'Herceg-Novi, ce n'est pas logique; de l'Herzégovine. C'est ce que j'ai
25 dit, de l'Herzégovine.
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1 Q. Quand vous avez dit que le capitaine a dit quelque chose du genre :
2 "Jeune homme, tu vas prendre de longues vacances," qu'est-ce que vous avez
3 compris ? Est-ce que vous avez eu l'impression que le 9e Secteur naval
4 voulait le remplacer, l'éloigner ? C'est ce que vous avez compris ? Comment
5 avez-vous compris l'essence de cette déclaration ?
6 R. Je pensais à l'époque que Rambo Kovacevic dépendait du 9e Secteur
7 naval, car le capitaine du vaisseau de guerre, Zec, lui a dit : "qu'il
8 allait prendre de longues vacances." C'est pour cela que j'avais
9 l'impression qu'il était des nôtres et qu'il ne venait pas de
10 l'Herzégovine.
11 Q. Ensuite, vous avez changé d'avis à cause de quelque chose qui s'est
12 produit ?
13 R. Je ne pouvais pas changer d'avis. Je le sais parfaitement bien. Peut-
14 être que quelque chose a été mal traduit. Vous deviez peut-être relire le
15 compte rendu d'audience. Mais je suis tout à fait prêt à tout vous répéter.
16 Q. Je vous ai demandé si, au moment où le capitaine Zec a dit à ce jeune
17 homme : "Tu vas prendre de longues vacances," est-ce que vous avez eu
18 l'impression, à ce moment-là, qu'on essayait de le remplacer, qu'on
19 essayait de l'éloigner ? Comment avez-vous compris cela ?
20 R. J'ai compris que, d'après le capitaine Zec, il avait fait un certain
21 nombre de fautes et qu'il allait être éloigné de l'unité en quelque sorte.
22 A l'époque encore, je pensais que Rambo Kovacevic était subordonné à Zec et
23 que Zec était subordonné à Jokic. C'est l'impression que j'ai eue à
24 l'époque encore.
25 Q. Mais ensuite, après être entretenu avec d'autres membres du 3e
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1 Bataillon, vous avez compris, n'est-ce pas, que c'étaient les hommes de
2 Strugar, comme vous l'avez dit, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, c'est exact. Après avoir vu les membres de la réserve qui étaient
4 venus pour encercler les bâtiments du commandement, pour justement empêcher
5 le remplacement de Rambo Kovacevic, et quand j'ai compris que personne
6 d'Herceg-Novi ou de Boka n'étaient là et qu'il n'y avait que des hommes de
7 l'Herzégovine qui étaient là, et c'est là que j'ai compris qu'il s'agissait
8 là des autres unités. Mais même à l'époque, je ne savais pas que Strugar
9 était leur commandant.
10 Q. A quel moment avez-vous appris que Strugar était leur commandant ? Le 7
11 décembre ? A quel moment l'avez-vous appris ? A quel moment l'avez-vous
12 compris ? C'est ce que vous venez de dire.
13 R. Oui, c'est vrai. Je ne l'ai compris qu'après avoir discuté avec les
14 membres de la réserve, quand j'ai vu à quel point ils étaient décidés de le
15 défendre. C'est là que j'ai compris que les choses ne se présentaient pas
16 comme je le pensais, que Rambo n'était pas subordonné au secteur naval de
17 Boka, mais à quelqu'un d'autre, à quelqu'un de l'Herzégovine. Maintenant,
18 je comprends que son unité, sa 3e Brigade, faisait partie des unités
19 commandées par Strugar. Peut-être que je l'ai compris à l'époque ou j'ai
20 commencé à regarder des émissions à la télévision où l'on parlait d'un
21 procès éventuel. Peut-être que je l'ai compris à l'époque. Je ne sais pas.
22 Q. Vous avez dit que vous aviez l'impression que les réservistes du 3e
23 Bataillon résistaient, en quelque sorte, aux officiers du secteur naval et
24 que, manifestement, ils dépendaient d'un autre commandement, n'est-ce pas ?
25 R. Non, ils n'ont pas reçu des ordres d'un autre commandement. Ils ont agi
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1 de leur propre gré. Ils voulaient défendre leur commandant Kovacevic. Ils
2 se sont opposés à la décision prise par le secteur naval de Boka donc à la
3 décision prise par l'amiral Jokic et le capitaine du vaisseau, Zec. Par
4 leur présence même, en ayant encerclé ce bâtiment, ils ont empêché sa
5 destitution, de sorte que Rambo Kovacevic est resté commandant de cette
6 unité. Ils ont réalisé leur -- ce qu'ils voulaient faire.
7 Q. Nous passons à un autre sujet. Vous avez dit que vous avez appris que
8 les troupes du 3e Bataillon sont arrivées en haut du mont de Srdj au moment
9 où, depuis la ville de Dubrovnik, on a tiré sur eux des mortiers. Quand je
10 parle de la "ville," de Dubrovnik, je parle de la région de la ville et pas
11 de la vieille ville forcément. A quel moment avez-vous appris que ces
12 unités sont arrivées en haut du mont Srdj ?
13 R. Je ne sais pas. Elles sont parties tôt dans la matinée et elles sont
14 arrivées au cours de la journée, mais je ne sais pas à quelle heure
15 exactement.
16 Q. Savez-vous à quelle heure les deux soldats se sont fait tués, puisque
17 vous avez dit que vous avez appris qu'ils sont arrivés en haut du mont et
18 qu'à ce moment-là on leur a tiré dessus depuis la ville de Dubrovnik et que
19 deux membres de cette unité se sont fait tués.
20 R. Sur la radio Herceg-Novi, ils ont dit qu'il y avait deux tués, mais en
21 arrivant à Bosanka, j'ai entendu dire -- et je les ai vus d'ailleurs dans
22 la morgue par la suite -- j'ai appris qu'ils étaient au nombre de cinq. Ils
23 sont presque tous morts à cause des obus tirés par des obusiers depuis
24 Dubrovnik.
25 Car ceux qui étaient sur le répétiteur ne pouvaient plus se défendre, et
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1 ils ont demandé de l'aide de Dubrovnik. On a commencé à tirer sur les
2 hommes de Rambo Kovacevic depuis différents points de la ville de
3 Dubrovnik. Cinq soldats se sont fait tués, et Rambo Kovacevic, pour
4 protéger ses soldats, a commencé à agir sur la ville de Dubrovnik, et ce
5 qui a dû arriver est arrivé.
6 Q. Quand vous parlez de "répétiteur," vous parlez des forces croates à
7 Srdj, et qu'elles demandaient de l'aide de leurs positions se trouvant sur
8 le territoire de Dubrovnik. C'est à ce moment-là qu'ils ont tirés sur les
9 soldats de la JNA qui ont réussi à s'approcher du mont de Srdj.
10 R. Non, ils n'étaient pas vraiment dans la région de Dubrovnik au sens
11 large du terme. Ils étaient dans la ville même de Dubrovnik, à l'intérieur
12 de la ville. Ils ont tiré à partir d'un certain nombre de points. Je me
13 souviens de ce que Komarica m'a raconté. Il m'a bien décrit quels étaient
14 ces points depuis lesquels ils avaient tiré. Ils étaient près des hôtels.
15 Ils ont tirés de Dubrovnik, de la ville, et c'est comme cela qu'ils ont
16 tués ces gars-là. Je ne sais pas quels étaient ces points, mais en tout
17 cas, c'était au centre-ville. Ils étaient dans le centre de Dubrovnik, et
18 c'est depuis le centre de la ville qu'ils ont tiré.
19 Q. Si je vous donne des noms comme Babin Kuk, Lapad, Dubravka, est-ce que
20 c'est bien cela les localités dont vous parlez ?
21 R. Dubravka, non. Lapad, peut-être. Babin Kuk, oui, pourquoi pas, oui. Là,
22 il y a aussi l'hôpital de Medarevo. C'est là que -- les obusiers étaient
23 justes derrière l'hôpital. Je ne sais pas si c'était le cas vraiment pour
24 cette opération-là, pour cette opération précise. Mais pendant que moi
25 j'étais sur le théâtre des opérations sur le front de Dubrovnik, les
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1 mortiers étaient positionnés justement derrière l'hôpital de Medarevo, la
2 maternité. Je ne sais pas si c'était le cas encore, mais je sais qu'ils
3 avaient -- s'ils étaient neutralisés à l'époque ou non. Mais je sais qu'à
4 l'époque, ils avaient ces armes près de Medarevo.
5 Q. Mais Medarevo se trouve en dehors de la vieille ville ?
6 R. Oui, oui, en effet.
7 Q. Vous avez dit que vous avez appris que, le 5, une réunion s'était tenue
8 et qu'on avait planifié d'attaquer Srdj. Excusez-moi. Je pense que vous
9 avez dit que le capitaine Zec a demandé à un certain nombre des officiers
10 de se porter volontaires pour attaquer Srdj le 6. Qui vous a dit cela ?
11 R. Marko Komarica, Svetislav Rakovic, dans ma maison, quand je les ai
12 amenés de l'hôpital Meljine. Ils sont venus chez moi pour passer la nuit.
13 Comme cela, je pouvais les conduire le lendemain matin.
14 Q. Qui était présent au moment où le capitaine Zec leur a demandé cela ?
15 Est-ce qu'il y avait d'autres soldats présents ?
16 R. Bodiroga, c'est sûr qu'il était là. Mesaros, c'est sûr qu'il était là.
17 Mais je ne les ai pas vus. Je me souviens seulement de ce que ces deux
18 soldats m'ont raconté. Ils m'ont dit que le capitaine Zec a demandé qui
19 avait suffisamment de courage pour chasser ces vieilles bonnes femmes de
20 Srdj. Bodiroga s'est porté volontaire, et Komarica Rakovic et Mesaros. Ils
21 faisaient partie de son peloton et donc ils ont participé à cela. Mais vous
22 savez, ce n'était pas la seule unité qui a participé à cela. L'attaque
23 était menée depuis plusieurs positions. Je ne sais que ce qui s'est passé
24 sur cette position-là.
25 Q. Les personnes dont vous avez parlé, les personnes qui se sont fait tués
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1 au cours de l'opération en novembre et vous avez participé à leur
2 évacuation, pouvez-vous nous dire quelle était l'unité à laquelle ils
3 appartenaient ?
4 R. C'était la Défense territoriale Herceg-Novi. Ceux qui se sont fait tués
5 appartenaient à la Défense territoriale de Herceg-Novi. Pendant leur
6 évacuation, Baja Bajkovic -- Baja s'est fait tué, ainsi que Baja Radovic de
7 Niksic. Ils ne faisaient pas partie de la Défense territoriale d'Herceg-
8 Novi, mais ils se sont fait tués en essayant d'évacuer nos hommes. Trois de
9 nos hommes se sont fait tués, et sept à dix personnes ont été blessées.
10 Q. Ils ont été blessés au cours de l'opération pendant la période entre le
11 8 et le 13 novembre, n'est-ce pas ? Ils ont été tués dans le cadre des
12 opérations de combat ?
13 R. Non. Les membres de l'unité spéciale d'Herceg-Novi, ce jour-là, ils
14 s'effectuaient une percée à Brgat depuis Dubac, et ils se sont arrivés à
15 Brgat dans l'après-midi et ils sont allés dans une maison. A ce moment-là,
16 le colonel Jovanovic, appelé Kurd, est arrivé vers eux et il leur a proposé
17 d'aller en reconnaissance avec eux, ce qu'ils ont accepté. Mais, en
18 réalité, il les a amenés dans des combats directs, le 8 novembre, à
19 Bosanka.
20 Q. Est-ce que vous savez que le 3e Bataillon a participé aux opérations
21 menées en novembre ? Est-ce que vous savez que, dans les opérations de
22 combats menés par la JNA, le 3e Bataillon de la 3e Brigade motorisée et la
23 472e Brigade motorisée ont participé également ? Est-ce que vous le savez ?
24 R. Je ne le savais pas. Vous savez, je ne connaissais que Marko Komarica,
25 en ce qui concerne les membres de cette unité. Je ne m'intéressais pas aux
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1 autres membres. Je l'ai accepté simplement comme un jeune soldat qui avait
2 participé à l'opération de sauvetage de mes amis d'Herceg-Novi, puisque
3 certains des membres d'Herceg-Novi n'avaient pas ce courage-là, et ce Marco
4 Komarica il l'a eu, le courage, et il l'a fait, ce qui nous a permis
5 d'établir le lien. Je ne lui ai jamais posé des questions concernant les
6 autres tâches militaires, et cetera.
7 Q. Mais il a participé dans cette évacuation également ? Cette personne a
8 été présente au cours des opérations, n'est-ce pas ?
9 R. Oui, il a été présent pendant l'opération. Mais moi-même, je n'étais
10 pas présent. Vous savez, je suis mécanicien radio, et j'ai un autre travail
11 mise à part ma TO de Herceg-Novi. Je ne m'inquiétais pas des questions de
12 savoir qui appartenait à quelles unités, et cetera. Parce que, moi, tout
13 simplement, si la radio dans une unité tombait en panne, je venais avec de
14 nouvelles batteries, et cetera donc je n'ai pas tellement d'information.
15 Q. Je ne souhaite pas être malpoli, mais veuillez vous limiter à mes
16 questions dans vos réponses.
17 Ma question est de savoir si votre ami qui appartenait au 3e Bataillon a
18 participé aux opérations de combat ? Est-ce que, sur la base de cela, vous,
19 en tant qu'un homme ayant une expérience militaire, pouvez conclure que le
20 3e Bataillon a participé dans ces opérations ?
21 R. Je sais simplement que le 3e Bataillon a participé à l'attaque qui a eu
22 lieu le 6 décembre contre Srdj. Mais en ce qui concerne Bosanka, je ne
23 savais pas du tout qu'une attaque allait avoir lieu contre Bosanka. Je
24 n'avais aucune idée quant à la question de savoir qui a attaqué et qui
25 était attaqué. Même ce jour-là, j'ai demandé au commandant de me laisser
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1 partir chez moi pour que je puisse prendre ma douche et tout cela. Je ne
2 savais même pas cela, ce jour-là. Lorsque je suis arrivé chez j'ai reçu un
3 coup de fil m'informant qu'il y a eu des personnes blessées et tuées. C'est
4 à ce moment-là que je suis allé à l'hôpital.
5 Q. S'agissant des blessés et des tués, est-ce que ceci a été provoqué par
6 des tirs depuis des positions croates dans des zones comme Lapad et Babin
7 Kuk, ceux dont on a parlé avant ? Est-ce qu'ils ont tiré depuis ces mêmes
8 positions ?
9 R. Vous savez, à l'époque, Bosanka était rempli de soldats croates. L'on a
10 tiré sur eux depuis Bosanka, mais peut-être que depuis d'autres points que
11 j'ignore, puisque je n'ai pas participé à ces combats.
12 Q. Monsieur Novakovic, vous avez mentionné un certain colonel Jovanovic.
13 Est-ce vous connaissez son prénom ?
14 R. Non, je sais simplement que c'était le colonel Jovanovic et que son
15 surnom était Kurd. Il y en avait trois. Lui, il est venu de l'extérieur car
16 des deux autres, j'en connais un , Tomislav Jovanovic, il était colonel
17 dans une autre partie de l'armée chargée de la construction des routes. Ce
18 n'était pas lui, je le sais avec certitude parce que j'ai eu un petit
19 conflit avec lui à Brgat. Celui-là, je le connais très, très bien.
20 Q. Vous aviez un conflit avec qui ? Le colonel Tomislav Jovanovic ou bien
21 l'autre colonel dont vous avez parlé ?
22 R. Non, non, j'avais un conflit avec le colonel Jovanovic surnommé Kurd,
23 pas Tomislav Jovanovic. Il y en avait un troisième, Tomislav Jovanovic qui
24 est ici à La Haye. Je lui ai mentionné souvent ce colonel Jovanovic et je
25 lui ai dit, il y en avait deux et lui il me dit, mais non, il y en avait
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1 trois.
2 Q. Vous avez eu l'occasion de parler avec le colonel Tomislav Jovanovic
3 ici à La Haye ?
4 R. Oui, nous sommes logés dans le même hôtel. Je parlais de quelque chose,
5 j'ai mentionné le colonel Jovanovic, justement parce que c'était un homme
6 assez spécial.
7 Q. Avez-vous, également, parlé avec le colonel Djurasic, je crois que, lui
8 aussi, il a été à La Haye. Est-ce que vous lui avez parlé à lui aussi ?
9 Est-ce que vous pouvez répondre un peu plus fortement parce que je n'ai pas
10 entendu ?
11 R. Ce n'est pas Djurisic, mais Djurasic, lui est dans le même hôtel que
12 moi ici à La Haye. Le plus probablement, il va comparaître devant vous au
13 cours de la semaine.
14 Q. Oui, mais ma question était de savoir si vous avez parlé de ces
15 questions-là avec lui aussi ? Est-ce que vous avez eu l'occasion de parler
16 avec lui pendant que vous étiez ici à La Haye, à l'hôtel ?
17 R. Non, nous n'avons pas parlé de ce sujet-là. Car nous n'avons pas à
18 parler de ces sujets-là parce que, lui, il travaillait à Grude. Après, il
19 est parti ailleurs. Moi, j'ai pris un autre chemin. Je ne sais même pas
20 quel est le chemin que Gojko Djurasic a pris dans la vie. Simplement, je le
21 vois à l'hôtel, je le croise. En ce qui concerne le front de Dubrovnik,
22 nous n'en parlons pas parce que nous n'avons pas tellement de points en
23 commun. Nous n'avons pas participé ensemble à des opérations, des actions.
24 Q. Monsieur Novakovic, vous avez dit que vous êtes rentré chez vous le 2
25 ou le 3 décembre, mais est-ce qu'à un moment donné, on vous a informé du
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1 fait que le 5, il y a eu des négociations afin de conclure un cessez-le-feu
2 compréhensif le 6 ? Est-ce que vous avez été informé de cela à n'importe
3 quel moment avant ou après l'incident du 6 décembre ?
4 R. Je n'ai jamais entendu parler de cela. Aujourd'hui, j'entends cela pour
5 la première fois de votre bouche.
6 Q. Est-ce que vous vous attendiez à ce que l'on vous renvoie au front
7 lorsque vous êtes rentré chez vous le 2 ou le 3 ?
8 R. Non, nous nous attendions à rien. Tout simplement, on nous a renvoyé à
9 la maison, on attendait pour voir ce que le haut commandement allait
10 décider. Ils ont décidé de nous démanteler et c'est ce qui a été fait.
11 Q. Vous avez déposé en disant que le colonel Gavro Kovacevic avait
12 informé un de vos amis du fait qu'un mortier tirait, depuis un camion, dans
13 la vieille ville. Est-ce que vous avez entendu cela de la part d'un ami
14 avec qui vous avez parlé après l'incident du mois de novembre ?
15 R. Cette nuit-là, lorsque je suis rentré de Brgat à Zarkovica la deuxième
16 fois, lorsque l'on a essayé d'aller vers Bosanka afin d'essayer de trouver
17 Vidakovic et les autres personnes blessées ou mortes qui –-
18 Q. Excusez-moi de vous interrompre. Est-ce que c'est votre ami Gaso
19 Mijatovic, excusez-moi si je prononce mal son nom, est-ce que c'est lui qui
20 vous a informé du fait que le colonel Kovacevic a dit quelque chose au
21 sujet du fait qu'il y avait des tirs de mortier depuis un camion dans la
22 vieille ville, c'était en novembre. Ma question est de savoir si vous avez
23 entendu cela de la part de Gaso Mijatovic ?
24 R. Oui, Gaso Mijatovic m'a raconté cela. Il a entendu cela dans une
25 conversation lorsqu'il est venu à Zarkovica pour demander ce qu'il se
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1 faisait là-bas, pour essayer de s'approcher du feu Vojica Pejovic. Ensuite
2 Kovacevic lui a dit --
3 Q. Nous n'avons pas beaucoup de temps. Dites-moi simplement comment Gaso
4 Mijatovic a appris cela lui-même ? Qui avait dit cela à Gaso Mijatovic ?
5 R. Gaso Mijatovic a appris cela de la part du colonel Gavro Kovacevic. Sa
6 situation était très difficile car il essuyait des tirs d'obusier toute la
7 journée depuis la vieille ville. Il a dit : "Même un mortier appelé Charlie
8 qui se trouve à Dubrovnik sur un camion a été employé pour tirer contre
9 leur position."
10 Q. Gaso Mijatovic vous a relaté cela ?
11 R. Oui.
12 Q. Cela s'est passé en novembre ?
13 R. Oui.
14 Q. Pendant les opérations de novembre, et d'après ce que disait Gaso
15 Mijatovic où était le colonel Kovacevic au moment où il a parlait avec le
16 colonel Gatrilo Kovacevic ? Où était le colonel, à l'époque ?
17 R. Le colonel Kovacevic était à Zarkovica dans son poste de commandement,
18 dans une maison. Gaso Mijatovic est entré dans cette maison pour lui
19 demander quelle était la situation à Zarkovica, et où était son ami
20 Pejovic. Il a répondu de manière correcte, tout à fait. Lorsqu'il lui a
21 posé des questions concernant son ami, le colonel Kovacevic lui a tourné le
22 dos, ensuite, Gaso Mijatovic est sorti. Je vous ai raconté ce qui s'est
23 passé ensuite. Je l'ai, déjà, dit dans ma déposition.
24 Q. Cette déclaration du colonel Kovacevic avait pour but de demander un
25 service à Gaso Mijatovic. Lorsque Gaso Mijatovic lui a demandé de lui
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1 rendre un service, le colonel Kovacevic a dit : "Je ne peux pas vous aider
2 parce que, moi-même, j'essuie des tirs depuis la vieille ville." Est-ce que
3 c'était pour cela qu'il le disait afin de refuser sa demande ?
4 R. Oui, peut-être, c'est possible.
5 Q. Depuis Zarkovica, la vision est sans obstruction vers la vieille ville
6 ?
7 R. C'est exact.
8 Q. Evidemment, cela veut dire également que depuis la vieille ville, on
9 peut voir, sans problème, Zarkovica également ?
10 R. C'est exact.
11 Q. A ce moment-là, lorsque Gaso Mijatovic a parlé avec le colonel
12 Kovacevic, est-ce qu'ils étaient, à Zarkovica, à un endroit où on pouvait
13 les voir facilement depuis la vieille ville ?
14 R. Ils étaient dans la maison à Zarkovica. Ils ne pouvaient pas être vus,
15 puisque l'entrée est à l'est.
16 Q. Est-ce que votre ami Gaso Mijatovic vous a dit que, pendant qu'il était
17 à Zarkovica, ce soi-disant mortier monté sur le véhicule Charlie a tiré
18 sur Zarkovica, ou bien est-ce qu'il vous a, simplement, transmis ce
19 qu'avait dit le colonel Kovacevic.
20 R. Il m'a simplement dit ce que le colonel Kovacevic lui avait dit, c'est-
21 à-dire que pendant toute la journée à plusieurs reprises il a essuyé des
22 tirs de mortier depuis la vieille ville, depuis Dubrovnik.
23 Q. Monsieur Novakovic, avez-vous vu, vous-même, la vieille ville ?
24 R. Oui.
25 Q. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que le seul endroit
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1 dans la vieille ville où un camion pouvait se déplacer est le Stradun ?
2 Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire cela ?
3 R. C'est vrai.
4 Q. S'il y avait vraiment un véhicule sur le Stradun, on aurait pu voir
5 cela facilement depuis Zarkovica, n'est-ce pas ?
6 R. Stradun est long. Il m'est un peu difficile de reconstruire cela, mais
7 il existe certainement des points sur le Stradun, et certaines autres rues
8 où il pouvait se retirer sans être vu depuis Zarkovica.
9 Q. Monsieur Novakovic, les autres rues ce sont des ruelles à gauche et à
10 droite de Stradun, n'est-ce pas ? Le Stradun va de l'est à l'ouest de la
11 vieille ville et, des deux côtés vers le nord et vers le sud, vous avez de
12 toutes petites ruelles derrières de hauts murs, vous êtes d'accord avec moi
13 ?
14 R. C'est exact.
15 Q. Les ruelles qui se trouvent à côté, qui vont vers Srdj sont constituées
16 d'escaliers. Il y a des escaliers qui montent ces ruelles, n'est-ce pas ?
17 R. Oui, il existe des ruelles avec des escaliers, et puis il y des rues
18 pavées.
19 Q. Les rues pavées sont au sud du Stradun, alors que les ruelles avec les
20 escaliers sont au nord de Stradun, n'est-ce pas ?
21 R. Oui, c'est exact.
22 Q. Inutile de dire n'est-ce pas, qu'un camion ne pouvait pas être placé
23 dans une quelconque de ces petites rues perpendiculaires, n'est-ce pas ?
24 Ces rues qui étaient constituées d'escaliers, n'est-ce pas ?
25 R. C'est exact.
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1 Q. En ce qui concerne les ruelles au sud de Stradun, elles sont très
2 étroites, ne serait-il pas illogique d'essayer de placer un camion dans une
3 de ces ruelles étroites?
4 R. On ne peut pas dire que les choses sont logiques, ou illogiques. Moi,
5 je n'ai pas regardé, ni vu cela. Parce que, moi, quand j'étais entre
6 Bosanka et Zarkovica, lorsqu'il y a eu des morts vers 3 heures, le 6
7 décembre, personne n'était opérationnel à ce moment-là. J'ai, simplement,
8 vu de la fumée depuis des endroits différents de Dubrovnik. C'est tout.
9 Q. Non. Je ne dis pas que vous avez vu cela. Simplement, je voulais dire
10 que, compte tenu de votre expérience dans la région, vous connaissez
11 Dubrovnik et la vieille ville, ma question était la suivante, est-ce que
12 vous serez d'accord avec moi si je dis qu'il serait illogique de placer un
13 camion dans une de ces petites ruelles perpendiculaires, compte tenu de
14 leur caractère très étroit ?
15 R. Vous savez, je ne suis pas un expert militaire, il faut demander aux
16 experts militaires s'il existe des endroits, dans la vieille ville, où un
17 tel véhicule pouvait se déplacer et tirer sur Zarkovica, Srdj, et cetera.
18 Personnellement, je crois qu'il existe ce genre d'endroit, car un obus de
19 mortier, on sait très bien quelle est sa trajectoire, donc cela peut, très
20 bien, se faire.
21 Q. Monsieur Novakovic, pendant que vous étiez impliqué dans l'opération
22 Dubrovnik, est-ce que vous avez reçu des ordres ou des instructions
23 concernant l'état protégé de la vieille ville. Vous a-t-on dit, par
24 exemple, qu'il ne fallait pas tirer sur la vieille ville puisqu'il
25 s'agissait d'un site protégé et que c'était une partie de l'héritage
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1 mondial ?
2 R. Personne ne m'a dit cela mais cela va s'en dire. A chaque fois que
3 j'étais tout près, je n'ai jamais vu d'attaque menée contre la vieille
4 ville avec de l'artillerie.
5 Q. Non. En fait, ma question n'était pas cela. Je voulais, simplement,
6 savoir si l'on ne vous a jamais dit à quel que moment que ce soit de ne pas
7 tirer sur la vieille ville, que la vieille ville était un site protégé ?
8 R. Je ne suis qu'un simple soldat. Personne n'avait à me donner un tel
9 ordre. Je suis un mécanicien. Je fais mon travail et c'est tout.
10 Q. Bien. Pourriez-vous me dire si vous savez quelle est la distance entre
11 la vieille ville et Zarkovica ?
12 R. Je ne le sais pas avec précision.
13 Q. Est-il possible que, depuis Zarkovica, l'on puisse apercevoir un
14 véhicule et que l'on puisse identifier quel genre d'arme est monté sur ce
15 véhicule ? En fait, ma question est la suivante, est-il possible de voir un
16 véhicule depuis Zarkovica, un véhicule qui est situé dans la vieille ville
17 et peut-on, également, identifier le type d'arme monté sur ce véhicule ?
18 R. Vous savez on peut apercevoir cela depuis Zarkovica, on peut apercevoir
19 cela avec l'œil nu, mais les soldats disposent, certainement, de
20 dispositifs et de lunettes spécialisées permettant à observer ce qui se
21 trouve autour.
22 [Le Conseil de l'Accusation se concerte]
23 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
24 Q. Monsieur Novakovic, dites-nous est-ce que vous saviez si la vieille
25 ville avait fait l'objet d'une attaque le 6 décembre, et si vous l'avez
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1 appris, dites-nous quand ?
2 R. Je l'ai su lorsque je suis arrivé vers 15 heures 40, quand je suis
3 arrivé de Zarkovica à Bosanka. J'ai vu, depuis Zarkovica, que la ville de
4 Dubrovnik avait subi quelques dommages. J'ai aperçu de la fumée provenant
5 de quelques endroits de Dubrovnik.
6 Q. Je vous pose des questions relatives à la vieille ville, est-ce que
7 vous avez aperçu de la fumée provenant de la vieille
8 ville ?
9 R. Oui, j'ai vu de la fumée dans la vieille ville.
10 Q. Est-ce que vous avez demandé à vos collègues du 3e Bataillon, pour
11 savoir ce qui s'était passé, s'ils avaient tiré sur la vieille ville ? Est-
12 ce que vous avez eu de telles discussions avec eux ?
13 R. Non, je n'ai pas eu de telles discussions avec eux. Je n'étais venu que
14 pour voir ce qui se passait avec Komarica, je voulais savoir s'il était
15 vivant, s'il n'avait pas été blessé ou mort. C'est tout ce qui
16 m'intéressait. Personne ne me faisait aucun commentaire, ne me disait rien.
17 On pouvait bien apercevoir que quelque chose venait d'arriver.
18 Q. Est-ce que vous savez, effectivement, que c'était les unités du 3e
19 Bataillon qui bombardaient la vieille ville le 6 décembre ?
20 R. Voyez-vous de part les conversations que j'ai eues avec Komarica et
21 Rakovic, j'ai su que lorsque cinq confrères avaient été tués en essayant de
22 s'emparer le répéteur de Srdj, lorsqu'ils ont avisés leurs commandements
23 qu'ils avaient subi une grave perte, et que cinq hommes avaient été tués,
24 c'est à ce moment-là qu'ils ont commencé à tirer sur les points depuis
25 lesquels on leur a tiré dessus, et depuis lesquels on a tué leurs
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1 camarades. C'est l'information que j'ai reçue de Komarica et de Rakovic.
2 Q. Est-ce que Komarica vous a dit qu'ils avaient pilonnés la vieille ville
3 le 6 décembre, ou qu'ils avaient lancé une attaque contre la vieille ville
4 ?
5 R. Non, non. Komarica ne m'a pas dit qu'ils avaient attaqué la vieille
6 ville, puisque Komarica, voyez-vous, son département était chargé de
7 s'emparer du répéteur de Srdj, et il s'était porté volontaire, c'était son
8 rôle de Trebinje. Son travail s'était de s'emparer du répéteur de Srdj.
9 Pour ce qui est de sa tâche ce jour-là, il n'y avait rien d'autre à faire.
10 Il n'avait rien à voir avec la ville de Dubrovnik.
11 Q. Est-ce qu'il vous a dit que peut-être d'autres unités du 3e Bataillon
12 avaient procédé au pilonnage de la vieille ville ? Pas peut-être son unité
13 à lui, mais une autre unité appartenant à ce bataillon ?
14 R. Non. Nous n'avons pas parlé de cela. Il m'a simplement dit que cinq
15 hommes avaient été tués. Il m'a dit qu'à plusieurs reprises, il s'est
16 trouvé dans une situation assez difficile, parce qu'il avait l'impression
17 qu'on était en mesure de l'apercevoir depuis la vieille ville, car il avait
18 l'impression qu'on lui suivait partout où il se déplaçait. I lui est
19 arrivait souvent de passer d'un point à l'autre, et de voir que cinq
20 seconds après son déplacement du point A, que l'on ait envoyé un obus et
21 qu'on aurait pu le tuer. Il a échappé à la mort à plusieurs reprises, mais
22 de justesse.
23 [La Conseil de l'Accusation se concerte]
24 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
25 Q. Monsieur Novakovic, est-ce que vous savez si le capitaine Kovacevic
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1 était présent lors de la réunion du 5 décembre, réunion lors de laquelle le
2 capitaine Zec a demandé à vos amis de se porter volontaires ?
3 R. Je ne suis pas au courant de ce détail-là. Je sais que ces hommes
4 étaient présents et le capitaine du navire de guerre Zec. Il est tout à
5 fait logique que Kovacevic soit là, mais cela, je ne le sais pas avec
6 certitude, s'il y était ou non.
7 Q. Quelle heure était-il lorsque vous avez entendu, de votre ami Komarica,
8 que cinq soldats avaient été tués à Srdj pendant l'attaque du 6 décembre ?
9 R. L'attaque a eu lieu très tôt le matin, et eux, lorsque moi je suis
10 arrivé à 3 heures 40, tout était déjà terminé. Tous les morts avaient déjà
11 été transportés, les blessés étaient déjà transportés à l'hôpital. Lorsque
12 je suis arrivé à 3 heures 40 de l'après-midi, il n'y avait aucun blessé ni
13 aucun mort sur place.
14 Q. Ma question visait à savoir si vous savez à quelle heure ces cinq
15 hommes avaient été tués. Est-ce que votre ami Komarica vous l'a dit ?
16 R. Il ne m'a pas donné d'heure précise, mais il m'a simplement dit que
17 lorsqu'ils sont sortis sur le sommet de Srdj, sur le répéteur de Srdj,
18 qu'il y avait un plateau à cet endroit-là, et qu'il était impossible de
19 faire quoi que ce soit, puisqu'on leur tirait dessus avec des lance-
20 mortiers, et qu'en plus, il y avait un vent très fort qui soufflait, et qui
21 soufflait à 100 kilomètres à l'heure. Alors, ils sont revenus puisqu'ils ne
22 pouvaient plus rien faire.
23 Q. Après cet incident, le capitaine Kovacevic du 3e Bataillon, a-t-il été
24 promu ?
25 R. Je ne le sais pas. Je ne suis pas au courant de cela.
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1 Q. Comment décririez-vous la discipline de l'unité dans laquelle vous vous
2 trouviez vous-même ? Y avait-il beaucoup de pillage ? S'adonnait-on au vol,
3 aux méfaits ? Buvait-on énormément ? Ouvrait-on le feu non autorisé sur
4 d'autres soldats, et cetera ?
5 R. Pour ce qui est de mon unité à moi, jusqu'au 8 novembre, jusqu'à ce que
6 nos amis ne trouvent la mort, la discipline se trouvait à un niveau assez
7 élevé. Il n'y avait pas de problèmes plus importants. Il est peut-être vrai
8 que certaines personnes buvaient de temps en temps, et Konavle est un
9 endroit connu pour la production de vin et de brandy. Mais outre du fait
10 que certaines personnes buvaient, il n'y avait pas de problèmes plus
11 graves.
12 Mais après cela, après le 8, certains problèmes ont commencé à se faire
13 voir. Les soldats ne faisaient plus confiance aux officiers supérieurs. On
14 a commencé à protester à Kumbor et la situation s'est quelque peu dégradée.
15 Q. Est-ce que vous savez si la police militaire observait la façon dont
16 les choses se déroulaient au cours de l'opération de Dubrovnik ? Est-ce
17 qu'il vous a semblé qu'ils menaient des enquêtes, qu'ils condamnaient
18 certaines personnes, qu'ils faisaient leur travail ?
19 R. Je ne le sais pas. Je sais qu'ils travaillaient sur le terrain,
20 c'étaient des membres de la police militaire ?
21 Q. Est-ce que vous n'avez pas vu des membres de l'unité de la police
22 militaire vérifier des cartes d'identification, montant la garde sur les
23 points de contrôle et sur les routes ? Vous avez vu des unités de la police
24 militaire, n'est-ce pas ?
25 R. Sur Debeli Brijeg, c'est un droit qui se trouve à la frontière de la
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1 Croatie et du Monténégro, et d'Herceg-Novi et Dubrovnik, il y avait des
2 membres de la police militaire qui se trouvaient là, effectivement, et
3 fouillaient tous les véhicules qui passaient de part et d'autre. Il y avait
4 également un point de contrôle quelque part près de Cavtat, ou près de
5 Cilipi, peut-être, je ne le sais pas. Plusieurs années se sont écoulés
6 depuis, mais il faut dire qu'il y avait un point de contrôle à cet endroit-
7 là. S'agissant de ce point de contrôle sur la frontière, c'était un point
8 de contrôle assez sévère, alors que les autres ne l'étaient pas
9 particulièrement.
10 [Le Conseil de l'Accusation se concerte]
11 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
12 Q. Est-ce que vous savez combien de soldats de réserve étaient impliqués
13 dans les protestations, les démonstrations devant Kumbor ? Vous en avez
14 parlé, après les opérations de novembre, ils ont manifesté devant le 9e
15 Secteur naval, et leur poste de commandement ou devant le QG de Kumbor.
16 Est-ce que vous savez combien de personnes étaient impliquées ?
17 R. Je ne sais pas puisqu'à ce moment-là, je procédais à une opération qui
18 consistait à sortir des cadavres, des morts de l'opération qui se
19 trouvaient sur le répéteur. Je ne sais pas ce qui est arrivé, exactement.
20 Je ne sais pas combien il y en avait.
21 Q. Est-ce que vous savez si cette manifestation était faite afin de
22 demander au 9e Secteur naval pour poursuivre la guerre de façon plus
23 énergique ? N'est-ce pas la raison pour laquelle ils ont manifesté ?
24 N'avez-vous pas dit que vous considériez que le 9e Secteur naval était
25 faible, n'était pas aussi déterminé, quelque chose de ce genre-là; n'avez-
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1 vous pas dit cela ?
2 R. Non, ils ont simplement, ils se sont plaints parce que certains de
3 leurs soldats avaient été tués à Bosanka, et on ne s'est pas occupé d'eux
4 assez rapidement. Je n'étais pas là, donc je ne peux pas informer la
5 Chambre de première instance de tous les détails, mais je sais que cela
6 s'est déroulé à peu près de cette façon-là.
7 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Cela met fin au contre-interrogatoire,
8 Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Maître Rodic.
10 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président, eu égard au temps, il
11 nous reste qu'une minute avant la fin de la journée. Je vous demande de
12 m'accorder environ 15 minutes pour poser les questions supplémentaires
13 demain.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Certainement, Maître Rodic.
15 Nous allons lever la séance pour la journée d'aujourd'hui.
16 Monsieur Novakovic, auriez-vous l'obligeance de revenir demain matin, car
17 nous reprendrons nos débats à 9 heures demain matin. Je vous remercie.
18 --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mardi 29 juin
19 2004, à 9 heures 00.
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