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1 Le mercredi 8 septembre 2004

2 [Réquisitoires]

3 [Audience publique]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 35.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Je souhaite observer que

7 depuis la dernière audience de la Chambre, en vertu de la requête du

8 Procureur et depuis les ordonnances qui ont été rendues, une inspection sur

9 les lieux a été réalisée par la Chambre dans la vieille ville de Dubrovnik,

10 ainsi que dans la région de Dubrovnik, ou du moins du côté de la partie

11 croate du territoire. La Chambre de première instance est partie le 1er

12 septembre, et revenue à La Haye le 4 septembre, en compagnie de Mme Somers,

13 qui représentait le bureau du Procureur et de Me Rodic, qui représentait la

14 Défense. Un certain nombre de notes ont été prises relatives aux

15 observations faites par la Chambre de première instance. L'enregistrement

16 audio est en phase de transcription. Quant aux enregistrements visuels qui

17 ont été réalisés, je peux vous dire qu'un certain nombre de photos sont en

18 train d'être préparées. Dès qu'elles seront prêtes, la Chambre les inclura

19 au dossier de l'affaire pour qu'il reste une trace de ce que les Juges ont

20 pu voir, pendant leur inspection des lieux.

21 Aujourd'hui, nous sommes réunis à l'occasion du prononcé des réquisitoires

22 de l'Accusation. Demain, nous entendrons la plaidoirie de la Défense.

23 Aujourd'hui, nous allons commencer par siéger jusqu'à midi et demie, avec

24 une pause. Nous reprendrons ensuite après à 13 heures 45. Nous observerons

25 une pause, et nous en terminerons au plus tard à 16 heures 30. Si cela

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1 s'avère faisable, nous observerons les mêmes horaires demain pour entendre

2 la plaidoirie de la Défense.

3 Madame Somers, c'est à vous.

4 Mme SOMERS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

5 Messieurs les Juges, Messieurs les conseils de la Défense. Je vais tout

6 d'abord présenter mon équipe, puisqu'il y a ici un certain nombre de

7 personnes que vous n'avez pas vues précédemment dans le prétoire. A ma

8 droite, nous avons notre assistant M. Sebastian van Hooydonk, qui remplace

9 Mme McCreath, M. David Re, M. Philip Weiner, Mme Prashanthi Mahindaratne,

10 ainsi qu'un conseil juridique, M. William Fenrick, le conseil juridique de

11 l'Accusation.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

13 Si vous me permettez d'intervenir, nous souhaiterions présenter nos

14 condoléances à M. Weiner à l'occasion du décès de sa mère. Dans un esprit

15 un petit peu plus joyeux, félicitations à Me Petrovic à l'occasion de la

16 naissance de sa fille.

17 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Somers, vous avez la parole.

19 Mme SOMERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 Ce procès, qui a commencé à la mi-décembre, qui a été interrompu par

21 les vacances judiciaires entreprendre en janvier et qui se s'est clos il y

22 a très peu de temps, est un procès qui constitue peut-être une première au

23 Tribunal, parce qu'il semble que c'est un procès dans lequel on se

24 concentre sur une question, à savoir, la destruction de biens à caractère

25 culturel. Cependant, cette affaire n'a pas uniquement trait de biens à

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1 caractère culturel. Elle a trait également à des pertes qui ont été

2 occasionnées parmi les civils, des pertes de biens à caractère civil au

3 cours du conflit. Un conflit et des destructions qui sont dus au

4 manquement, à ses obligations de commandement du commandement du 2e Groupe

5 opérationnel, ainsi qu'un mépris affirmé, cynique par les soldats aussi

6 bien du rang que les officiers par les soldats du 2e Groupe opérationnel de

7 la JNA envers le principe de la discrimination, le principe de la

8 distinction.

9 Le contexte de cette affaire, tout découle de l'accès à la Croatie, l'accès

10 à son indépendance par la Croatie. L'armée fédérale a lancé des actions en

11 octobre sur le territoire de la Croatie en octobre 1991. Cela fait aussi

12 partie du contexte et, bien entendu, le point essentiel temporel de cette

13 affaire que l'on trouve dans l'acte d'accusation c'est le 6 décembre 1991.

14 Le Tribunal est saisi d'affaires concernant les infractions les plus

15 graves qui soient au droit humanitaire international, et en lui présentant

16 ces faits relatifs au pilonnage de la vieille ville de Dubrovnik, le 6

17 décembre 1991, on se trouve à une affaire qui est résumée par Johannes

18 Fitelaars, l'ambassadeur de l'MCCE, qui a dit, je cite : "C'est pas

19 seulement l'UNESCO qui a décrété que la ville de Dubrovnik jouait un rôle

20 crucial dans l'histoire de l'humanité, mais cette ville a également joué un

21 rôle central dans l'histoire européenne pendant plusieurs milliers

22 d'années, et c'est une ville que l'on ne peut pas détruire sans autre forme

23 de procès."

24 Il va s'en dire que les civils de Dubrovnik bénéficient aussi de la

25 protection qui est prévue par le droit humanitaire international, et qui

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1 leur a fait défaut en raison des actes et des omissions de l'accusé Strugar

2 et des membres du 2e Groupe opérationnel. Les causes fondamentales de cette

3 affaire, et de tout ce qui s'est passé, sont dues au manquement continuel

4 de l'accusé, en ce qui concerne ses obligations en tant que commandant, et

5 le mépris qui a été montré envers toutes ses obligations en dépit des

6 propos mille fois tenus au sujet de la nécessité de respecter tous ces

7 principes.

8 Je vais résumer, pour garantir la protection de la population civile et des

9 biens à caractère civil, les parties au conflit devront à tout moment faire

10 la distinction entre la population civile et les combattants, et entre les

11 biens à caractère civil et les combattants, et ne dirigeront pas leurs

12 actions directement contre les civils, mais uniquement contre les

13 combattants. Or ceci ne s'est pas passé le 6 décembre. L'accusé savait que

14 précédemment avant le 6 décembre cela n'avait pas été le cas non plus, et

15 cela avait entraîné des dégâts dans la vieille ville de Dubrovnik qui était

16 pourtant protégée.

17 L'accusé, le 6 décembre, savait que le climat qui prévalait au

18 niveau du commandement, et que lui même avait établi, comme le fait tout

19 commandant, le climat qui existait au niveau du 2e Groupe opérationnel, au

20 niveau du commandement était caractérisé par la tolérance envers les

21 activités criminelles, les infractions à la discipline du côté des

22 subordonnés.

23 Au sujet du climat que doit faire régner un commandant, il a été dit,

24 je cite : "En créant un climat au niveau de son commandement, le

25 commandement montre ce qu'il est par la manière dont il agit, par les

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1 propos qu'il tient, par les opinions qu'il a, par la manière dont il

2 exécute ses fonctions, par la manière dont il fait face aux problèmes."

3 C'est le général Andrew Pringle qui l'a dit très clairement ici même à la

4 Chambre.

5 L'Accusation a montré au-delà de tout doute raisonnable que, le 6 décembre

6 1991, l'accusé a manqué à ses obligations de commandement en laissant en

7 place des armements lourds qui n'étaient pas justifiés par la nécessaire

8 militaire entre les mains de subordonnés dont il savait qu'ils avaient fait

9 un usage abusif de ces armes par le passé et qu'ils s'étaient engagés dans

10 des comportements criminels. Vu tout ce qu'il s'était passé, il savait

11 qu'il était pratiquement sûr que dans les mêmes circonstances, on allait

12 être confronté pratiquement aux mêmes faits. Il ne s'est pas montré

13 suffisamment diligent dans ses fonctions de commandant.

14 Puisque nous avançons qu'il y avait plus qu'une simple probabilité de

15 voir la vieille ville souffrir en cas de combat sur les hauteurs qui

16 dominent Dubrovnik et dans les régions environnant la grande ville. Il

17 était sûr, vu les circonstances qui ont été démontrées à la Chambre, il

18 était sûr que la vieille ville allait être touchée.

19 Il a été dit à de très nombreuses reprises que le commandant du 2e Groupe

20 opérationnel n'était pas au courant. Il n'était pas au courant, pourtant,

21 de tout ce que le monde savait dans le monde entier, à savoir que la

22 vieille ville de Dubrovnik avait été pilonnée en octobre ou en novembre.

23 Cela circulait dans les médias du monde entier. Nous affirmons, quant à

24 nous, qu'affirmer une telle chose est complètement absurde. Les Juges de la

25 Chambre ont lu les rapports d'experts, ont entendu les témoins qui montrent

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1 que la doctrine militaire de la JNA est basée sur le fait qu'un officier

2 commandant est informé de la situation. Un officier qui assure un

3 commandement ne peut pas dire qu'il n'a pas été suffisamment informé au

4 sujet d'événements ou de circonstances qui prévalent dans une unité qui est

5 placé sous le commandement. Il est responsable du niveau d'information qui

6 lui est communiqué, et il faut qu'il fasse en sorte que ses officiers lui

7 fassent rapport en temps utile.

8 Je le répète, le 6 décembre, vu les manquements dont l'accusé savait qu'ils

9 avaient eu lieu, il y avait eu des violations graves du droit humanitaire

10 envers les occupants de la vieille ville ainsi qu'envers les édifices à

11 caractères civils de la vieille ville qui, comme je l'ai dit, constituaient

12 un patrimoine culturel très précieux. S'il y avait un conflit le 6,

13 l'accusé savait pertinemment que cela entraînerait les mêmes conséquences

14 pour la vieille ville. Il le savait, et pourtant, il n'a rien fait. Il n'a

15 rien fait.

16 Autre thème récurrent, autre fil rouge, quelque chose qui est revenu, qui

17 va revenir, qui est revenu au cours de ces derniers mois, c'était le thème

18 de la responsabilité de l'ancien co-accusé du témoin, l'amiral Jokic, qui

19 était commandant du 9e Secteur naval qui appartenait au 2e Groupe

20 opérationnel. Pendant une dizaine de jours, la Chambre a entendu l'amiral

21 Jokic à la barre des témoins. L'amiral Jokic a plaidé coupable. Il a

22 accepté sa responsabilité et à aucun moment, il n'a dénié sa

23 responsabilité, il n'a pas essayé de la nier. Il a été condamné avant de

24 passer à la barre des témoins. Il n'avait aucun motif de ne pas dire la

25 vérité. L'amiral Jokic a à peu près le même âge que l'accusé, qui a accepté

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1 de se confronter à son passé quand il a été contraint de le faire.

2 Plus important encore, il a accepté d'assumer ses responsabilités. Il n'a

3 jamais fait preuve d'un manque de respect envers l'accusé, mais il a dit

4 que l'accusé aussi était coupable. Ces responsabilités, que l'accusé essaie

5 de faire porter sur les épaules de l'amiral, c'est encore un manquement à

6 ses obligations de commandant. On voit, ici, qu'on a choisi la voie la plus

7 facile, c'est-à-dire de profiter du fait que l'amiral Jokic ait fait face à

8 ses responsabilités et ait été sanctionné pour ce faire.

9 La Chambre a entendu des témoins lui dire que le manquement de l'accusé à

10 ses obligations en tant que commandant du 2e Groupe opérationnel au sujet

11 de ses subordonnés, des subordonnés qui avaient entrepris des attaques

12 illégitimes. Le fait qu'il n'ait rien fait pour les sanctionner, le fait

13 qu'il n'ait pas respecté le statut protégé de la ville de Dubrovnik, le

14 fait que les ordres qui aient été donnés en matière de protection n'étaient

15 que des ordres de pure forme, tout ceci a entraîné le paroxysme, le point

16 d'ordre de ces destructions le 6 décembre 1991.

17 Nous ne sommes pas ici pour faire des statistiques, pour faire des comptes,

18 pour savoir combien de personnes ont été tuées, combien de personnes ont

19 été blessées, combien d'édifices, qui sont essentiels pour le patrimoine de

20 l'humanité, ont été détruits. Nous ne sommes pas ici pour nous lancer des

21 chiffres. Nous sommes ici pour faire respecter un principe essentiel du

22 droit, du droit qui peut s'appliquer aussi bien à une personne et à un

23 bâtiment qu'à des milliers de personnes et à des milliers de bâtiments. Ce

24 ne sont pas les nombres qui comptent, ce ne sont pas les nombres sur

25 lesquels il faut se concentrer. Ce qui importe, c'est le fait que l'on

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1 n'ait pas respecté le droit en vigueur.

2 Les problèmes qui existaient dans ce 2e Groupe opérationnel ont été décrits

3 par l'amiral Jokic. Il a dit que c'étaient des problèmes qui étaient

4 manifestes et que n'importe quel commandant s'en serait rendu compte, et

5 que ces problèmes, l'accusé s'en rendait compte, lui aussi, et qu'il aurait

6 dû y faire face. Il y a un autre thème récurrent que nous avons trouvé ici,

7 à savoir au sein du 2e Groupe opérationnel, nous avions trop de problèmes

8 pour faire face aux problèmes de discipline et pour y réagir de la manière

9 qui est prévue par la responsabilité du supérieur hiérarchique. Il s'agit

10 ni plus, ni moins que d'une tentative de prétendre que l'accusé n'exerçait

11 pas un contrôle effectif. Ceci est complètement faux puisqu'à tout moment,

12 l'accusé exerçait un contrôle effectif sur ses unités. Le fait qu'il n'ait

13 pas exercé ce commandement à bon escient ne signifie pas qu'il ne disposait

14 pas de cette faculté de commandement, c'est simplement qu'il n'a pas fait

15 ce qu'il devait faire. Cette espèce d'atmosphère était contagieuse. Cela se

16 ressentait jusqu'aux derniers des hommes, jusqu'aux derniers des soldats du

17 rang. Ceci a été confirmé par le général Zoric.

18 Le fait qu'il n'ait pas donné des ordres, les ordres qui

19 s'imposaient, a été évoqué non pas seulement par les experts, mais aussi

20 par l'amiral Jokic, et cela a eu des conséquences dramatiques. Comme l'a

21 dit le général Zoric, je cite : "Si les ordres sont donnés et que si on y a

22 pas obéi et que si on ne réagit pas, à ce moment-là, cela envoie un signal,

23 le signal que les ordres ne comptent pas. On a, à ce moment-là,

24 l'impression qu'il est acceptable de ne pas obéir aux ordres qui sont

25 donnés."

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1 "Quand les officiers, qui sont placés sous la subordination du

2 commandant, ne sont pas suffisamment expérimentés, s'ils viennent d'unités

3 de réserve, à ce moment-là, les officiers qui assurent le commandement

4 doivent intervenir de façon particulièrement active pour contrôler, pour

5 aider ces jeunes officiers, ces officiers non assez expérimentés." C'est le

6 général Zoric qui nous l'a dit, or, l'accusé ne l'a pas fait. C'était de

7 son devoir de le faire vu la composition de ses unités, des unités

8 subordonnées qui étaient sous ses ordres. Il ne l'a pas fait et la

9 conséquence prévisible, c'est ce qui s'est passé le 6 décembre 1991.

10 C'était prévisible du fait de ce qui s'était passé en octobre et en

11 novembre 1991.

12 Parlons maintenant du climat qui régnait au niveau du commandement. "Dès

13 qu'un commandant entre dans son bureau, le premier jour de sa prise de

14 fonctions, il commence à mettre en place ce climat," c'est le général

15 Pringle qui nous l'a dit. "Ses propos, sa façon de se tenir, sa façon de

16 faire face aux problèmes, de donner des ordres, et cetera, tout ceci

17 contribue à créer un climat au niveau du commandement. Ce qu'il fait quand

18 les choses vont bien, quand il y a des problèmes. Les actions qu'il

19 entreprend, est-ce qu'il fait preuve de beaucoup de sévérité, ou est-ce

20 qu'il a une attitude de laisser-faire ? Tout ceci contribue à créer un

21 climat au commandement." Je demanderais aux Juges de la Chambre pendant le

22 délibéré de passer en revue le dossier de l'affaire, et de voir à quel

23 point le climat du commandement au sein du 2e Groupe opérationnel était

24 complètement inapproprié, et quelles en ont été les conséquences, le 6

25 décembre 1991. Il savait que ce qui s'est passé le 6 décembre, c'était la

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1 conséquence du climat qu'il avait contribué à mettre en place.

2 La Chambre a entendu beaucoup d'éléments de preuve qui lui ont montré que

3 la JNA, qui à l'époque existait, était une armée centralisée, une armée

4 dans laquelle les ordres comptent avant tout, plutôt qu'une armée dans

5 laquelle on fait une place plus importante à l'initiative personnelle.

6 Donc, il est complètement inconcevable de voir qu'un évènement qui se soit

7 déroulé aux échelons inférieurs résulte d'une initiative prise au niveau de

8 la hiérarchique la plus inférieure. Cela, c'est un principe que nous

9 appelons, la Chambre a placé en première ligne, si je puis dire, dans le

10 cas de ce délibéré.

11 Pendant toute l'affaire, on nous a répété qu'il y avait des problèmes de

12 discipline, non pas seulement au sein du 3e Bataillon de la 462e Brigade,

13 qui est le bataillon qui a joué un rôle clé dans les évènements du 6

14 décembre, mais dans toutes les unités du 2e Groupe opérationnel. Quel que

15 soit son style de commandement, le commandant surtout, quand il travaille

16 dans un système où les ordres occupent une place prépondérante, doit avoir

17 à l'esprit les limites de ses subordonnés. Il doit faire en sorte que les

18 fonctions qui leurs sont attribuées sont conformes à leurs capacités, aux

19 ressources de leurs unités. Le niveau de discipline doit également être

20 présent à son esprit, pour permettre un bon fonctionnement de la hiérarchie

21 et de la chaîne de commandement. Car sans cela, sans un bon exercice du

22 commandement, on va tout droit à l'anarchie et au chaos au sein des unités.

23 Si un officier qui occupe un poste de commandement ne prend pas des

24 mesures quand il y a infraction à la discipline, infraction aux ordres, et

25 cetera, ceci généralement créé un climat qui est favorable à la répétition

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1 de telles violations. Or, c'est exactement ce qui s'est produit le 6

2 décembre. Dans ces cas-là, d'autres au sein de la structure militaire, se

3 mettent à commettre des actes criminels, des actes de violence, non

4 seulement contre leurs ennemis, mais également contre les civils qui

5 normalement sont protégés par le droit international.

6 Je renvoie la Chambre à la pièce P204, le rapport du général Zoric,

7 et aux déclarations qu'il a tenues au compte rendu d'audience, page 6485.

8 "Chaque officier qui assure le commandement tombe sous la

9 responsabilité dans les circonstances différents, comme celles qui

10 prévalaient pour le 2e Groupe opérationnel prétendument. Tout ce qui est

11 entrepris sous son contrôle signifie que le commandant doit savoir et

12 connaître ce que font les officiers qui sont sous son commandement, et

13 connaître les actions qu'ils commettent. Il doit évaluer la situation,

14 intervenir et prendre une responsabilité personnelle, le cas échéant."

15 Ce qui est effectivement indiqué par les propos du général Zoric.

16 Comme je l'ai dit précédemment, et comme l'a dit le général Zoric. Comme

17 j'ai dit précédemment, "le commandant a la responsabilité pour tout ce qui

18 se passe sous son commandement, jusqu'au dernier soldat." L'accusé, Pavle

19 Strugar, était l'officier ayant le grade le plus élevé, et il devait

20 empêcher toutes atteintes à la vie des civils, ainsi que des lieux

21 appartenant à des civils, et des biens faisant partie du patrimoine

22 culturel de la vielle ville de Dubrovnik, et punir les personnes

23 responsables, ses subordonnés qui étaient responsables de ces actes. Il n'a

24 pas rempli sa fonction de responsabilité de commandement.

25 Vous allez entendre dans mon résumé son rôle eu égard aux ordres

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1 qu'il a donnés, son rôle en tant que complice, son rôle en tant que

2 responsabilité au niveau du commandement, et l'Accusation avance que toutes

3 ces circonstances doivent être adressées à tout moment, et qu'il s'agit

4 d'un élément dynamique qui se produit au sein du 2e Groupe opérationnel. Il

5 faut regarder un petit peu en arrière pour comprendre comment ceci a eu une

6 incidence sur l'intention délictueuse et des événements commis le 6

7 décembre.

8 L'Accusation attire l'attention de la Chambre sur le fait que malgré

9 la garantie donnée par des représentants de haut niveau à la communauté

10 internationale, aucune mesure disciplinaire n'a été prise par les auteurs

11 de ces crimes contre les civils et des biens appartenant à les civils dans

12 la vielle ville, le 6 décembre. Parmi ceux qui avaient la responsabilité,

13 il y avait l'accusé, Pavle Strugar.

14 L'Accusation parle également au cours de son réquisitoire de l'amiral

15 Jokic et de ses agissements. L'amiral Jokic a témoigné devant ce Tribunal

16 et a parlé devant ce Tribunal de ces actes le 6 décembre et autour du 6

17 décembre. Je dois attirer l'attention de la Chambre sur les raisons pour

18 lesquelles l'amiral Jokic a, de façon transparente, essayé d'expliquer

19 comment les évènements se sont produits le 6 décembre. La Chambre doit

20 garder à l'esprit le fait qu'il y a eu un déplacement assez tardif

21 concernant la stratégie de la Défense après que l'Accusation ait terminé la

22 présentation de ses moyens. La Défense a tenté de faire porter toute la

23 responsabilité à l'amiral Jokic. La Chambre de première instance doit faire

24 très attention à toutes ces questions de crédibilité qui ont été présentées

25 au cours des différents arguments par les témoins de la Défense. La Chambre

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1 doit également tenir compte des objectifs stratégiques qui prévalaient le 6

2 décembre, stratégiques et politiques. Il s'agissait à ce moment-là des

3 négociations qui étaient en cours, des négociations à un très haut niveau

4 qui avaient lieu à Belgrade et à Sarajevo, avec les représentants de la

5 communauté internationale. C'est dans ce climat-là que le commandement du

6 2e Groupe opérationnel et le commandant du 2e Groupe opérationnel devait

7 mener ses opérations et remplir sa mission.

8 Je souhaite, avant de donner la parole à mon confrère, je souhaite

9 simplement brièvement remercier toutes les personnes qui ont préparé cette

10 affaire. Tout le personnel du bureau du Procureur, ainsi que les

11 enquêteurs, l'équipe de recherche, l'équipe de la recherche militaire, le

12 service de la cartographie, qui nous ont beaucoup aidés dans cette affaire,

13 les services de Sécurité des Nations Unies, qui nous ont secondés lors de

14 notre visite en République de Croatie, c'était exceptionnel. Les

15 représentants du gouvernement de Croatie nous ont également beaucoup aidés,

16 ainsi que le service de Traduction et d'Interprétation CLSS, au sein des

17 Nations Unies, et toute l'équipe audiovisuelle, ainsi que des témoins de la

18 Défense.

19 Je souhaite remercier tout un chacun. Je vais maintenant demander à

20 Monsieur Re de prendre la parole.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Re.

22 M. RE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame, Messieurs

23 les Juges.

24 Mon argumentation porte sur ce qu'on appelle communément dans ce

25 Tribunal, ce qui fait référence aux événements. Ce qui s'est passé dans la

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1 vieille ville le 6 décembre 1991, à savoir, ce qui s'est passé pour ces

2 personnes qui se trouvaient malheureusement à ce moment-là, le 6 décembre,

3 les témoins directs des faits concernés, le 6 décembre 1991, lors du

4 pilonnage assassin de la JNA. Mon éminent confrère, M. Weiner, va ensuite

5 vous parler des aspects militaires, autrement dit, ce qui s'est passé de

6 part et d'autre au plan militaire, à Djakovica, Srdj, et les différentes

7 versions contradictoires, autrement dit, la position militaire sur les

8 collines. Nous allons parler au début des dégâts matériels et de pertes de

9 vies, et ensuite nous allons analyser les événements.

10 Comme vous le savez, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, la

11 vieille ville de Dubrovnik a été reconnue patrimoine culturel de l'UNESCO

12 en 1979. Comme vous le savez, pour les personnes qui ont visité Dubrovnik,

13 je vais vous montrer la pièce P17 à l'écran qui est une vue aérienne de la

14 ville, qui montre la vieille ville de Dubrovnik.

15 Est-ce qu'on reçoit l'image ?

16 M. LE JUGE PAKER : [interprétation] Oui.

17 M. RE : [interprétation] Merci. On voit ici c'est une vue aérienne. Si vous

18 vous êtes rendus à Dubrovnik, c'est la vue que vous auriez sous les yeux,

19 ainsi que sur les hauteurs de Dubrovnik, à Djakovica. Ceci a été agrandi

20 parce que Djakovica se trouve à quelques 2 kilomètres de la vieille ville,

21 ce qui est correctement décrit comme étant la perle de l'Adriatique, le

22 joyau de l'Adriatique, autrement dit. C'est une image de la vieille ville

23 telle qu'elle existe aujourd'hui.

24 Le 6 décembre 1991, les habitants de la vieille ville, ont été

25 réveillés entre 5 heures et demie et 6 heures du matin.

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1 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, veuillez

2 m'excuser, me donner quelques instants, s'il vous plaît.

3 Ce que nous faisons actuellement, nous vous montrons quelques clips vidéo,

4 extraits des pièces à conviction des vidéos. Mon éminent confrère va les

5 montrer en temps et en heure. Les éléments présentés sont les suivants : Le

6 bombardement a d'abord été remarqué par les habitants de la ville aux

7 premières heures du matin. Les personnes ont été réveillées par le bruit du

8 pilonnage à l'extérieur de la vieille ville. M. Weiner va vous en parler en

9 détail. Ceci concerne l'attaque ou le combat entre les forces croates et

10 les forces de la JNA, autour de Srdj et Djakovica. Ce qui est important ici

11 est de dire que la vieille ville fait partie du patrimoine mondial de

12 l'UNESCO et tous les monuments et cites de cette ville en font parties. Les

13 habitants ont été réveillés par les obus qui sont d'abord tombés à

14 l'extérieur de la vieille ville, et ensuite dans la vieille ville. M. Grbic

15 dit avoir vu les obus tombés autour de Srdj, et ensuite dans la vieille

16 ville. Ensuite, il a vu un obus touché le palais du festival vers 7 heures

17 du matin, ce qui constitue un des bâtiments importants de la vieille ville.

18 Je souhaite simplement rappeler à Monsieur le Président, Madame,

19 Messieurs les Juges, en regardant la pièce P66, qui est une compilation

20 d'un film documentaire produit par la télévision croate. En regardant le

21 clip, on voit d'abord le bombardement en direction de Srdj, et ensuite le

22 bombardement de la vieille ville. On voit de la fumée. On voit des dégâts

23 provoqués au niveau des toits.

24 On voit également une explosion au 31:28, en direction de l'ouest de

25 la ville.

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1 Nous allons nous arrêter ici. A 31:34, on voit la porte de Ploce qui

2 a été touchée. Ce que l'on voit maintenant, ce sont des bateaux en train de

3 brûler un peu plus tard, à cause du pilonnage. Il est à 9:39.

4 A 31:34, on voit ici de la fumée qui se dégage de différents endroits

5 de la vieille ville. On voit la forteresse de la vieille ville, Saint-Ivan.

6 On voit le pilonnage à l'extérieur de la vieille ville.

7 Ceci, pour replacer les éléments dans leur contexte, pour expliquer

8 que les habitants ont été réveillés le 6 décembre 1991 au matin. Pourquoi

9 la ville de Dubrovnik faisait-elle partie du patrimoine mondial de

10 l'UNESCO ? Lorsque Dubrovnik en 1979 fait partie du patrimoine mondial de

11 l'UNESCO, les autorités yougoslaves, à juste titre, décrivaient cette ville

12 comme étant "un joyau sur le plan architectural et urbain".

13 Le patrimoine mondial est quelque chose appartient au monde entier,

14 tout ce mot, patrimoine mondial. Ceci n'appartient pas seulement à la

15 Croatie. Je souhaite vous lire un extrait du rapport de l'UNESCO, pièce

16 P63/6, à la page 9, qui est l'introduction au rapport que l'UNESCO a

17 rédigé, un rapport de l'UNESCO, après avoir inspecté les dégâts matériels

18 après le pilonnage le 6 décembre. Si je puis simplement vous lire

19 brièvement pour mettre en exergue l'importance de Dubrovnik en matière de

20 patrimoine mondial.

21 La première phrase lit comme suit : "Dubrovnik vieille ville a été

22 décrite comme un joyau au plan urbain et architectural." Donc cette

23 description est sans aucun doute exacte. "Néanmoins, la vieille ville de

24 Dubrovnik est beaucoup plus que cela. Son patrimoine culturel comporte des

25 archives que Ferdinand Braudel a considéré comme étant la source la plus

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1 importante sur le passé culturel et historique du bassin méditerranéen. Son

2 patrimoine culturel est sans contexte d'une grande valeur. On ne connaît

3 pas ceci en dehors. Les gens qui ne sont pas spécialistes ne sont pas

4 forcément au courant de cela."

5 A la phrase suivante, une des tragédies les plus terribles s'est

6 produite le 6 décembre. "Les observateurs ont découvert qu'un autre

7 héritage, des éléments qui pouvaient être 'déplacés', qui faisaient parties

8 du patrimoine culturel également. Ils ont également découvert qu'il y avait

9 toute une série d'objets culturels qui ont été mis en exergue; l'identité

10 culturelle qui fait partie du patrimoine intangible du peuple de Dubrovnik,

11 ce qui a été de façon paradoxale mise en lumière par la guerre."

12 L'extrait suivant qui montre les critères de sélection en 63/8,

13 la première page, premier paragraphe : "Les critères qui permettent de

14 mettre sur la liste du patrimoine culturel des biens de ce type. On a

15 décrit le site de Dubrovnik comme aillant une valeur universelle

16 exceptionnelle. Il ne s'agit pas de protéger des monuments anciens en terme

17 de valeur, il s'agit simplement de représenter les objets les plus

18 exceptionnels, considéré qu'il s'agit là d'un patrimoine pour le monde

19 entier."

20 Pour ce qui est des objets et des biens, je cite encore une fois un

21 extrait du rapport de l'UNESCO, P63/6, à la page 14, D-3. Quelque chose que

22 l'on oublie souvent lorsqu'on parle de la ville de Dubrovnik, il ne s'agit

23 pas simplement de monuments et de personnes, ce sont des dommages qui ont

24 été apportés aux objets.

25 L'UNESCO a dit que : "La richesse de patrimoine culturel ne se

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1 confine pas seulement à ces objets culturels, mais comprend toutes les

2 archives de la ville qui remontent à l'année 1278." C'est 720 années

3 d'histoire. "Les travaux artistiques de différentes écoles, des

4 bibliothèques, des bibliothèques des franciscains."

5 Egalement, au paragraphe suivant : "Une richesse exceptionnelle entre

6 les mains de propriétaires individuels. Il s'agit là de la mémoire

7 collective de tout un peuple, qui a été transmise d'une génération à

8 l'autre, constituée de meubles, de tableaux, de maquettes de bateaux,

9 d'instruments."

10 Ceci a clairement été précisé par M. Grbic et ce qui a été décrit par

11 M. Ogresta, certaines maisons qui ont été décrites comme étant des palais.

12 Ce monsieur a perdu toutes ses œuvres d'art, tous ses livres, toute une

13 série d'objets et d'antiquités qu'il avait collectionné aux fils des ans,

14 il a tout perdu. Il a perdu tous ces éléments-là ainsi que le bâtiment qui

15 a été endommagé, bâtiment qui faisait partie du patrimoine culturel.

16 Vous avez certainement entendu parler de cela. Cela a duré une grande

17 partie de la journée. On ne peut qu'imaginer la crainte suscité par tout

18 cela et la peur qui prévalaient chez les habitants lorsqu'ils ont entendu

19 les détonations, les vitres en train de se casser, les explosions, et

20 l'odeur de la fumée, ce qui a été décrit par le Témoin A, les odeurs

21 épouvantables, détonations, et le caractère incessant de tout ceci. Les

22 gens qui se carapataient chez eux, les gens qui se demandaient pourquoi ils

23 étaient attaqués, pourquoi ils étaient pilonnés. Nous sommes des citoyens

24 tout à fait pacifiques. Nous sommes une communauté pacifique et nous

25 vivons, je suppose, dans un site culturel protégé, prétendument, et voilà

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1 que nous sommes bombardés. Nos maisons sont détruites. Nos églises sont

2 détruites. Nos églises sont touchées. Nos lieux de culte sont touchés. Nos

3 monuments sont touchés.

4 Cela ne fait pas l'ombre d'un doute qu'au point de vue de la JNA et

5 des autorités yougoslaves que la ville de Dubrovnik avait droit à la

6 protection maximale en terme de droit humanitaire international, et des

7 conventions de La Haye de 1950.

8 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, vous avez entendu un

9 témoignage de Colin Kaiser qui est un observateur de l'UNESCO. Il a parlé

10 des emblèmes de l'UNESCO et du drapeau qui avait été posé sur différents

11 bâtiments importants de la vieille ville. Ce qui tend à montrer, et ceci

12 peut être vu également dans une des vidéos.

13 Voir ceci à la pièce P145. C'est la vidéo de la Croatie en train de

14 filmer la JNA le 8 décembre. Je vais vous montrer le début de cette vidéo

15 pour rappeler à la Chambre de première instance que ces emblèmes étaient

16 tout à fait visibles. On pouvait bien les voir de l'extérieur de la ville.

17 Ici, on voit l'emblème sur le palais Sponza. On voit également les dégâts

18 causés, ici. On voit la bâche bleue qui couvre l'endroit du toit qui a été

19 endommagé.

20 C'est la vidéo que l'on vient de voir et si on fait un arrêt sur

21 image, on voit ici qu'il y a des emblèmes. Il s'agit ici de l'église Saint-

22 Blaise. Il s'agit ici d'un bâtiment qui se trouve à côté du palais Sponza.

23 On voit d'après une enseigne ici ou l'emblème, on voit qu'il s'agit

24 là d'un site protégé. Il y avait également des drapeaux des Nations Unies

25 et le drapeau de l'UNESCO qui flottaient sur Minceta. C'était tout à fait

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1 visible. Les personnes qui se trouvaient sur les hauteurs pouvaient les

2 voir. C'est comme l'a dit le Témoin B : "Il s'agissait ici de drapeaux que

3 l'on pouvait très bien voir puisqu'il y avait du vent. On voyait très bien

4 la tache bleue et blanche du drapeau."

5 Je souhaite maintenant placer une des pages sur le rétroprojecteur, les

6 Articles 9, 10 et 11 de la convention de La Haye concernant la protection

7 de la propriété intellectuelle en cas de conflit armée. Je souhaite

8 également placer l'autre page qui est l'Article 16. Monsieur l'Huissier, je

9 vous prie.

10 L'Article 16 évoque ici les emblèmes de la convention et

11 l'utilisation de ces emblèmes. Vous voyez, Monsieur le Président, Madame,

12 Messieurs les Juges, une description de cet emblème, et ceci concorde en

13 tout cas avec ce que nous venons de voir à la pièce P145, à savoir,

14 l'emblème. On voit très bien ici le blason aisément reconnaissable de la

15 convention, et c'est un écusson bleu et blanc.

16 Je veux maintenant passer au document suivant; Articles 9, 10 et 11.

17 Les emblèmes de l'Article 9 de la convention qui porte sur la

18 protection, à savoir, l'immunité de la propriété intellectuelle placée sous

19 protection spéciale. Autrement dit : "Les parties contractantes doivent

20 s'assurer de l'immunité des biens culturels et doivent exercer une retenue,

21 ne pas agir de façon hostile contre de tels biens, hormis évidemment, le

22 cas cité au paragraphe 5 de l'Article 8 qui parle de la renonciation à ces

23 droits."

24 Bien évidemment, rien de laisse entendre que c'était le cas et que

25 quelqu'un avait renoncé à ces droits.

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1 Maintenant, je vais parler de l'Article 11, le retrait de cette immunité

2 qui précise comment la partie adverse n'a plus le devoir d'immunité au cas

3 de violation. A la dernière phrase de l'Article A, pardonnez-moi, 11.1, "la

4 partie va demander la cessation d'une telle violation en temps

5 raisonnable."

6 Bien sûr, en temps raisonnable n'est pas quelque chose qui est défini

7 ici.

8 A l'Article 2 : "Lorsque les circonstances le permettent, la partie

9 opposée doit en être informée et être informée à l'avance de la décision de

10 retirer cette unité."

11 Je soulève ce point en raison de l'argument avancé par la Défense au

12 paragraphe 617 de l'argument de la Défense. La Défense a précisé que d'une

13 manière ou d'une autre, la vielle ville est privée de ladite protection, et

14 la Défense affirme ceci : "En tenant compte de la jurisprudence du

15 Tribunal, eu égard au statut particulier, et renoncement à l'immunité en

16 matière de propriété intellectuelle." La Défense fait ces affirmations

17 devant la Tribunal en citant l'affaire Kordic.

18 La difficulté de cet argument, c'est qu'il ne conduit pas à la

19 renonciation à cette immunité, ni à une notification conformément aux

20 Articles 11.1 ou 11.2. La JNA considérait que l'immunité serait annulée.

21 Simplement, cela ne figure pas ici. L'Accusation avance certainement que si

22 la vieille ville qui avait une violation de la protection et ce qui n'était

23 pas le cas, d'un autre côté, la JNA aurait été obligée, en vertu de la

24 convention, de notifier aux autorités croates qu'il considérait que la

25 vieille ville faisait l'objet de violations de la convention, et que cette

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1 immunité devait être révoquée. Ceci ne s'est pas produit.

2 Je souhaite maintenant parler des crimes allégués, et du point de vue du

3 Procureur, prouver au-delà de tout doute raisonnable, crimes commis dans la

4 vieille ville, le matin du 6 décembre 1991. Le bureau du Procureur a accusé

5 la personne accusée de la responsabilité pour la mort de deux jeunes

6 civils, M. Pave Urban et M. Tonci Stocko. Nous allons parler de cela plus

7 en détail tout à l'heure, mais je souhaite dire dès à présent qu'il n'y

8 avait aucun élément de preuve indiquant que ces deux jeunes hommes étaient

9 autres que civils, ce matin-là. Ils ne participaient pas du tout aux

10 hostilités. La Défense a contesté les faits liés à la mort de ces deux

11 personnes.

12 A la page 105, paragraphe 504, la Défense dit : "Qu'elle conteste les

13 allégations selon lesquelles ces personnes, les personnes désignées dans

14 l'acte d'accusation, ont péri dans la vieille ville à ce moment-là,

15 conformément à la manière dont cela a été décrit dans l'acte d'accusation."

16 Le Procureur considère que les moyens de preuve relatifs à leurs

17 morts dans la vieille ville de Dubrovnik le matin du 6 décembre sont

18 absolument convaincants. Le Procureur a présenté les éléments de preuve les

19 plus directs possibles, concernant la mort de M. Tonci Stocko, de même que

20 des éléments de preuve indirects tout à fait convaincant concernant la mort

21 de M. Pave Urban, ce matin-là dans la vieille ville.

22 Je souhaite vous rappeler la pièce P55. Il s'agit d'une photographie

23 qui a été montrée au témoin, Mato Valjalo. M. Valjalo a subit lui-même des

24 blessures graves à cause du traitement inhumain, et il a expliqué, sur la

25 base de cette pièce à conviction, où il se trouvait, l'endroit où il

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1 courait dans la rue de la vieille ville, vers 9 heures du matin, lorsqu'un

2 obus a explosé et l'a blessé. Veuillez vous vous pencher sur cette

3 photographie, c'est la photographie qui a été prise à côté du palais de

4 Stonza, au-dessus du clocher. Maintenant, dans la pièce à conviction

5 suivante, nous allons voir le corps de M. Pave Urban qui gît en dessous de

6 ce clocher, et le Témoin A a vu ce cadavre d'une distance de 40 à 50

7 mètres, et a identifié ce cadavre en tant que celui de l'homme qui gisait

8 en dessous du clocher ce matin-là. A ce moment-là, l'on a pu voir le

9 cadavre, de même qu'une voiture qui passait rapidement derrière le coin.

10 Vous pouvez maintenant également voir une autre photographie, prise

11 lors de l'autopsie de cette personne. Si vous vous penchez sur cette

12 photographie prise lors de l'autopsie, vous pouvez voir que M. Urban porte

13 les mêmes vêtements que dans l'autre photographie. M. le docteur Ciganovic

14 a déposé au sujet des causes de la mort. Donc, si on rassemble tous ces

15 éléments indirects du point de vue du bureau du Procureur, il s'agit là des

16 éléments de preuve tout à fait convaincants. Cet homme prenait des

17 photographies dans la vieille ville. M. Mustac l'a vu pendant qu'il se

18 promenait avec son appareil à photo. Le Témoin A l'a vu, a vu son cadavre

19 en dessous du clocher quelques heures plus tard. Les obus avaient explosé

20 dans le Stradun au cours de cette période. Vous avez vu, Madame et

21 Messieurs les Juges, les vidéos montrant les traces d'obus à travers le

22 Stradun. La personne qui est sur la table dans la morgue est montrée sur la

23 photographie, et est visiblement morte en raison des blessures subies.

24 La Défense, au paragraphe 449, conteste le rapport du Dr Ciganovic et

25 le Procureur, bien sûr, reconnaît les limites de ce rapport, puisqu'il

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1 s'agit d'une personne qui a dû faire 19 autopsies en une seule journée,

2 dans des conditions difficiles. Il n'avait pas suffisamment d'eau courante,

3 ni d'électricité.

4 Il est dit là-dedans "qu'une blessure provoquée par une explosion

5 peut être le mécanisme qui a provoqué la blessure qui a, elle, a provoqué

6 la mort. Mais cela ne peut pas être en soi la cause de la mort, le

7 mécanisme de la mort est une autre chose par rapport à la cause de la

8 mort."

9 Ce qui est ignoré par la Défense ici, ce sont les conclusions de

10 l'expert médical de la Défense, qui est venu ici afin de critiquer de

11 manière violente le rapport du Dr Ciganovic, mais qui n'avait pas pu lire

12 le compte rendu d'audience, ni prendre connaissance de l'ensemble de sa

13 déposition. Lorsqu'on lui a posé la question lors de son contre-

14 interrogatoire, voici ce qu'il a dit : "Un obus qui a explosé à une

15 distance de 40 à 50 mètres par rapport à la personne, avec des fragments

16 d'obus qui se dispersaient dans l'air, peut avoir pour conséquence le fait

17 que ces fragments touchent la personne et provoque une blessure qui aboutit

18 à la mort de la personne."

19 Cela c'était la question et il a répondu : "C'est exact."

20 Question suivante : "Est-ce que l'on peut s'attendre à ce qu'une

21 blessure explosive soit provoquée par un fragment d'obus ?

22 Il a répondu : "Cela peut être le cas, oui."

23 Ensuite la question suivante : "Un obus qui explose près de la

24 personne peut provoquer des blessures explosives, et tuer la personne sur

25 le champ, n'est-ce pas ? Il a répondu à cela : "Il peut s'agir

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1 effectivement ici d'une autre circonstance liée à cette affaire. Des

2 personnes peuvent mourir si elles sont touchées par un fragment d'obus qui

3 a explosé à une distance de 40 mètres par rapport à l'endroit où la

4 personne se tenait."

5 Il est très important de prendre note de ces propos de M. Valjalo car

6 en combinaison avec les propos de M. Mustas, qui a indiqué où il avait vu

7 M. Urban, ceci indique que M. Urban était certainement dans le périmètre

8 dans lequel il pouvait être touché par l'obus qui a explosé sur le Stradun,

9 ce qui a pu provoquer sa mort.

10 Le Procureur dit que les seules conclusions qui peuvent être tirées

11 sont de dire que M. Urban est mort ce jour-là sur-le-champ, en raison d'un

12 obus qui a explosé et qui avait été tiré depuis les positions de la JNA.

13 La Défense bien sûr, conteste même le fait de la mort de M. Stocko,

14 même si dans leur mémoire il concède que la JNA ou plutôt le 9e Secteur

15 naval ou le 3e Bataillon de la 472e Brigade qui tirait les obus sur la

16 vieille ville. Les éléments de preuve liés à la mort de M. Stocko ne sont

17 pas vraiment contestés et contestables. Nous avons un témoin oculaire,

18 cette personne a été blessée suite à une explosion d'obus à une distance

19 d'environ 40 mètres, et ceci est conforme à la déposition du Dr Soc portant

20 sur la question de savoir s'il était possible, depuis cette distance, de

21 tuer la personne. Par la suite, M. Jovic décrit qu'il a vu un trou dans le

22 corps de cet homme, lorsque son T-shirt a été enlevé. Les blessures

23 décrites, blessures dans la poitrine de cette personne sont conformes, non

24 pas seulement à ce qu'a dit M. Jovic, mais également à tous les autres

25 éléments de preuve relatifs au pilonnage et aux causes de la mort. --

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1 En attendant que la photo soit montrée sur l'écran, je souhaite simplement

2 vous indiquer que j'ai lu un extrait du compte rendu d'audience de la

3 déposition du Dr Soc qui se trouve aux pages 7977 et 7978 du compte rendu

4 d'audience.

5 Apparemment nous avons un problème technique avec le logiciel

6 Sanction, et je vais réessayer plus tard s'il me reste suffisamment de

7 temps.

8 Ensuite, la Défense conteste ce que le Procureur a indiqué au sujet

9 des blessures subies par M. Valjalo et M. Vlasica, encore une fois, des

10 civils qui se déplaçaient dans la vieille ville le matin du 6 décembre

11 1991.

12 Apparemment nous avons surmonté les problèmes techniques, je souhaite

13 rapidement montrer la photographie de M. Stocko, il s'agit de la pièce,

14 est-ce que ceci apparaît à vos écrans ?

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non.

16 Je suppose que les techniciens sont en train d'essayer de résoudre ce

17 problème. Peut-être que vous pouvez passer aux blessures dont vous

18 souhaitiez traiter.

19 M. RE : [interprétation] Oui, je vais le faire.

20 Je ne vais pas parler de la question liée aux rapports médicaux, ni aux

21 différences contenues dans ces rapports. A mon avis dans sa déposition le

22 Dr Soc a fait plusieurs concessions et nous en avons parlé longuement dans

23 notre mémoire. Je souhaite maintenant traiter de ce que la Défense a dit au

24 sujet de M. Vlasica et sa crédibilité. C'était un civil qui avait une

25 épicerie, il était son épicerie lorsqu'il a été blessé par un fragment

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1 d'obus, ce matin-là. La Défence conteste sa crédibilité à la paragraphe

2 498, en disant : "Même si prétendument il a été blessé gravement, lorsqu'il

3 a été transféré à l'hôpital et pendant qu'il était dans le véhicule qui le

4 transportait, il a raconté tous les détails des dégâts dans la vieille

5 ville."

6 La Défense considère qu'il est difficile pour la personne d'être à la

7 fois grièvement blessée et d'énumérer les dégâts graves, mais le Procureur

8 considère qu'il s'agit là d'une mauvaise représentation des éléments de

9 preuve et que l'on ne peut pas contesté sa crédibilité sur la base de tels

10 éléments.

11 A la page 3 325, il a simplement dit : "On traversait la rue d'Od

12 Puca, et j'ai remarqué sur ma gauche des flammes," ce qui voulait dire que

13 des maisons avaient été incendiées, "il avait énormément de matériel dans

14 la rue, donc le chauffeur a dû éviter les décombres dans la rue, des débris

15 sur les rues pavées. Je ne sais pas comment il est arrivé jusqu'au portail

16 de Pale. C'est tout ce dont je me souviens. Je ne me souviens pas d'autre

17 chose puisque j'ai perdu connaissance à un moment, et j'ai repris

18 conscience seulement lorsque j'étais déjà à l'hôpital."

19 La Défense a dit qu'il fallait tenir compte de la supposition de

20 risque dans le cadre du droit humanitaire international. Nous pouvons nous

21 pencher de nouveau sur le paragraphe 505, où la Défense énonce qu'une

22 alarme avait été donnée et compte tenu de cela, tout citoyen devait prendre

23 des mesures visant à se protéger. La Défense implique que M. Urban -- ou

24 les personnes qui ont péri à l'extérieur ne respectaient pas les modalités

25 conformément à l'alerte générale - cela est dans le paragraphe 508 -

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1 lorsqu'elles sont sorties de leurs abris et qu'elles se sont mises en

2 danger elles-mêmes.

3 Ensuite, ils disent : "Si ces hommes avaient péri vraiment le 6

4 décembre dans la vieille ville, dans ce cas-là, ils avaient largement

5 contribué à cette situation grave."

6 Bien sûr, il ne s'agit pas ici de la négligence, ni de violations

7 graves, mais il s'agit de violations les plus graves du droit humanitaire

8 international. Nous considérons que les propos que nous venons de citer de

9 la part de la Défense doivent être complètement ignorés de la part de la

10 Chambre.

11 "Aucune personne dans la vieille ville de Dubrovnik n'a péri dans un

12 abri, et aucune personne ne se trouvait dans un bâtiment de la vieille

13 ville où elle aurait pu être tuée."

14 La réponse du Procureur aux propos de la Défense est qu'il

15 s'agissait-là simplement de la chance. Par exemple, l'abri de l'école

16 Simoni a été touché ce jour-là. Cette école se trouve seulement à 40 mètres

17 de l'endroit où Tonci Stocko a été touché par un fragment d'obus. Il s'agit

18 tout simplement de la chance, car certains bâtiments sont construits de

19 manière plus solide, et les personnes qui se sont retrouvées à l'intérieur

20 de ces bâtiments-là avaient plus de chance.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que le moment est opportun pour

22 faire une pause, Monsieur Re ?

23 M. RE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ceci nous permettra de

24 résoudre le problème technique.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons reprendre nos

Page 8633

1 travaux à 11 heure 15.

2 --- L'audience est suspendue à 10 heures 52.

3 --- L'audience est reprise à 11 heures 18.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Re.

5 M. RE : [interprétation] Le problème technique étant résolu, je vais

6 passer à ce que je pourrais appeler la question des dégâts matériels, qui

7 fait l'objet des chefs d'accusation 4,5 et 6 du troisième acte d'accusation

8 modifié. Me Fenrick va parler de cette question en détail, parlant en

9 détail de la question de l'attaque illégale de biens à caractère civil non

10 justifiée par la nécessité militaire, et des dégâts occasionnés aux biens à

11 caractère culturel. Il va traiter de cette question du point de vue du

12 droit.

13 Nous, ce que nous disons s'agissant des dégâts occasionnés à la

14 vieille ville, des dégâts matériels occasionnés à la vieille ville pour

15 cette journée, ce que nous disons, ce que nous affirmons c'est que la seule

16 déduction que l'on puisse tirer, la seule chose que l'on puisse dire, c'est

17 qu'il y a eu des dégâts et que ces dégâts ont été dus au pilonnage réalisé

18 par la JNA ou le 2e Groupe opérationnel ce jour-là. La Chambre de première

19 instance a eu des informations au sujet des dégâts occasionnés

20 précédemment, mais ces dégâts étaient mineurs, des dégâts qui ont été

21 occasionnés en octobre et en novembre, qui venaient de pilonnage du 2e

22 Groupe opérationnel. Mais c'était des dégâts que l'on pouvait facilement

23 distingués, des dégâts qui ont eu lieu le 6 décembre pendant toute la

24 journée. Ces dégâts ils n'auraient pu être causés par rien d'autre. Seul le

25 pilonnage a pu entraîner ces dégâts. Les vidéos que nous avons vues, les

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1 témoignages des personnes qui sont venues dans le prétoire, montrent une

2 chose, et une seule, à savoir qu'il y a eu des trous dans les bâtiments.

3 Tout cela, les gravas que l'on trouvait dans les rues, les trous dans les

4 toitures, tout ceci n'a pu être occasionné que par une seule chose : des

5 pilonnages.

6 D'autre part, il faut s'interroger sur l'étendue des dégâts, la

7 localisation des dégâts. Tout ceci, si on le prend en compte, nous amène à

8 une seule conclusion : ce sont les pilonnages du 2e Groupe opérationnel qui

9 ont produit ces dégâts.

10 Nous avons établi au delà de tout doute raisonnable, ce que peux

11 qualifier d'échantillon représentatif des dégâts qu'a subis la vieille

12 ville ce jour-là, mais nous estimons que cela suffit pour prouver notre

13 thèse. Nous reprenons ici la décision de la Chambre de première instance,

14 en particulier dans le cadre de la requête 98 bis. A l'annexe 4 de notre

15 mémoire en clôture, nous avons indiqué-là tous les bâtiments pour lesquels

16 vous vous êtes prononcés dans le cadre de la décision 98 bis. Il y avait

17 suffisamment d'éléments de preuve présentés pour que vous puissiez prendre

18 votre décision en vertu de l'Article 90 bis, et nous estimons que nous

19 avons établi au delà de tout doute raisonnable que les dégâts occasionnés à

20 ces bâtiments le 6 décembre étaient le résultat d'un pilonnage de la JNA.

21 Une chose que je souhaiterais ajouter oralement, c'est que ce que

22 nous avons appelé C1 dans nos documents. Dans nos cartes c'est le bâtiment

23 de l'institut qui se trouve face au monastère dominicain. On voit c'est le

24 seul bâtiment supplémentaire que nous vous présentons.

25 Maintenant, j'aimerais que l'on examine la nature des dégâts, leur

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1 structure, si l'on peut dire, en s'intéressant d'abord aux dégâts

2 occasionnés aux bâtiments à caractère religieux, qui représentent une

3 catégorie de bâtiments que l'on retrouve dans la vieille ville. Je voudrais

4 revenir ici à un extrait du rapport de l'UNESCO qui nous montre, qu'à

5 l'exception du bâtiment qui porte le numéro 7 qui se trouve en bas à

6 gauche, et qui ne figure pas dans l'acte d'accusation, on voit qu'il y a 12

7 bâtiments à caractère religieux, des bâtiments de caractère catholique,

8 orthodoxe, et il y a la synagogue, et cetera. Tous ces bâtiments sont

9 indiqués à l'annexe 4. Tous ces bâtiments figurent à l'annexe de la

10 décision de la Chambre en vertu de l'Article 98 bis. Ceci nous montre les

11 répartitions des dégâts, mais pour ce qui concerne exclusivement les

12 édifices à caractère religieux, suite au pilonnage de ce 6 décembre 1991.

13 Parlant de certains bâtiments précis, à commencer par le monastère

14 franciscain. Je vais vous montrer une séquence vidéo de 10 secondes de la

15 pièce P145. Il s'agit d'un bâtiment qui est très grand, et d'après le

16 rapport de l'UNESCO c'est un bâtiment dont la construction a commencé en

17 1317, avec un cloître magnifique dont la construction a débuté en 1348. Le

18 rapport de l'UNESCO - page 36 de la pièce P63/9 - nous dit que ce bâtiment

19 a été touché par 37 obus. Aucune raison de mettre ceci en doute si on

20 regarde la vidéo qui nous présente les trous dans la toiture. On ne peut en

21 douter. Dans toutes ces vidéos, on voit des dégâts occasionnés à la

22 toiture. Je voudrais vous montrer une séquence vidéo pour vous rappeler ce

23 qui a occasionné ces dégâts. On peut voir dans cet extrait les dégâts à

24 l'intérieur du monastère franciscain. On voit ici quelqu'un qui tient

25 l'entonnage d'un obus qui a traversé la toiture. Nous avons ici des

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1 représentants de la JNA qui sont en train de filmer ceci, de leur main

2 quelques jours après le pilonnage. On voit clairement des entonnages qui

3 proviennent d'un de ces 37 obus qui ont touché le bâtiment et sont

4 mentionnés dans le rapport.

5 On voit qu'il y a eu des trous dans la toiture. Le monastère dominicain se

6 trouve de l'autre côté de la vieille ville, du côté de la porte Ploce. Nous

7 avons une photographie, qui est extraite de la pièce P10, et qui nous

8 montre très clairement la nature de ces débats. La pièce P10 contient des

9 photographies, des diapositives, qui a été placée en annexe de la pièce

10 P63/6. Ce qui m'intéresse ici, et ce que je voudrais vous montrer, c'est la

11 photographie qui porte la cote P13.

12 Il me suffit de vous dire que ces édifices à caractère religieux ont

13 été construits entre le 11e siècle pour l'église Sigurata et le milieu du

14 19e siècle. Je parle ici de l'église orthodoxe. Mentionnons en passant la

15 mosquée qui ne figure pas sur la carte préparée par l'UNESCO, mais c'est

16 une mosquée qui a été inspectée par M. Vukovic. Elle a été endommagée ce

17 jour-là, qui se trouve à l'annexe 4, numéro A39, et à deux mètres environ

18 de l'endroit où M. Tonci Stocko a été tué.

19 Cela m'amène à ce qui figure au paragraphe 518 du moment en clôture

20 de la Défense. Ici, on nous parle d'une sorte de conspiration, d'incendie,

21 aux fins de provoquer des incendies criminels puisqu'au paragraphe 518, on

22 nous dit, je cite : "Sur les six bâtiments qui auraient été détruits par

23 les flammes, le 6 décembre, cinq appartenaient à des personnes originaires

24 de Serbie et du Monténégro."

25 On nous donne la liste, ensuite, de ces bâtiments. On en arrive à la

Page 8637

1 fin de ce paragraphe à l'expression d'une théorie de conspiration la plus

2 incroyable qui soit, je cite : "La Défense estime qu'il y a là plus qu'une

3 simple coïncidence, et que ceci doit être pris en compte afin d'évaluer la

4 nature des événements qui font l'objet de ce délibéré."

5 Le problème avec cette affirmation de la Défense, c'est qu'il n'y a

6 tout simplement aucun élément de preuve, quel qu'il soit, venant la

7 conforter [comme interprété]. Que nous dit la Défense, la Défense nous dit,

8 apparemment, veut nous faire croire que les Croates se sont livrés à des

9 incendies criminels dans le cadre d'une conspiration pour mettre le feu à

10 des bâtiments qui appartenaient à des Serbes ? C'est cela qu'on nous dit ?

11 Enfin, la Défense ne le dit pas expressément, mais le caractère

12 complètement fallacieux de cette assertion, c'est que premièrement, il n'y

13 a aucune preuve à l'appui de cela. Deuxièmement, et c'est encore plus

14 important, deuxièmement, on passe sous silence le fait que l'église

15 orthodoxe serbe, qui se trouve en face de ces bâtiments dont on nous dit

16 qu'ils appartenaient à des Serbes, sans pour autant nous en fournir la

17 preuve, cette église orthodoxe a été touchée, sa toiture a été endommagée

18 par des obus. A la page 52 de la pièce P63/9, rapport de l'UNESCO, nous

19 avons une photographie qui nous montre qu'il y a des trous dans la toiture

20 de l'église orthodoxe et que ceci n'a pu être occasionné que par un

21 pilonnage du 2e Groupe opérationnel. Si on avait suggéré que les Croates

22 avaient mis le feu volontairement à leurs propres bâtiments ou à ceux qui

23 appartenaient à des Serbes, pourquoi est-ce que cela ne figure pas à la

24 pièce P61/39, c'est-à-dire, la lettre ou le rapport réalisé par la JNA

25 quelques jours plus tard. Est-ce que cela n'aurait pas été l'occasion

Page 8638

1 idéale, quelques jours plus tard, de présenter cette thèse, que ce soit

2 vrai ou pas.

3 Ici, on semble ignorer également le fait que nous ignorons totalement

4 quel est le pourcentage des bâtiments de la vieille ville qui appartenait

5 aux Serbes, aux Monténégrins ou aux autres communautés.

6 Nous disons, quant à nous, que s'agissant de cet argument, la chose

7 qui nous convient d'avoir à l'esprit, c'est que la Défense n'arrive même

8 pas à reconnaître qu'il y a eu des destructions, bien qu'elle ne l'ait pas

9 contesté lors des contre-interrogatoires. Elle n'arrive même pas à accepter

10 ces destructions.

11 Nous affirmons qu'il y a des éléments de preuve directs au sujet des

12 destructions qui figurent à l'annexe 4. Pour ceci, je vous montre une carte

13 où on voit les dégâts, les dégâts sur le Stradun au niveau des pavés, les

14 dégâts dans la partie ancienne, B1, les dégâts au niveau de la fontaine

15 Onofrije à A7, des dégâts sur les remparts ouest, les dégâts occasionnés à

16 15 bâtiments à caractère religieux. On voit ici les très nombreuses maisons

17 qui ont été endommagées dans lesquelles les habitants s'étaient réfugiés ce

18 jour-là.

19 Je conclurai, en disant que la seule déduction et la déduction qui

20 s'impose, à partir de l'examen de toutes ces pièces, c'est que l'Accusation

21 a prouvé au-delà de tout doute raisonnable que les dégâts occasionnés à ces

22 bâtiments étaient le résultat d'un pilonnage réalisé par le 2e Groupe

23 opérationnel de la JNA et que l'on ne saurait trouver aucune autre cause

24 expliquant ces dégâts.

25 Nous avançons que nous avons prouvé notre thèse s'agissant des décès,

Page 8639

1 des blessés, des dégâts occasionnés à des biens à caractère civil, à

2 caractère religieux et autres biens, et pour ce qui est des faits

3 incriminés. J'en ai terminé de mon intervention dans le cadre de notre

4 réquisitoire.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Re.

6 M. WEINER : [interprétation] Bonjour.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Weiner, vous pouvez y aller.

8 M. WEINER : [interprétation] Merci.

9 Je vais parler de ce qui s'est passé le 6 décembre. Je vais d'abord

10 vous dresser un tableau général de cette attaque. Ensuite, je vais parler

11 brièvement des positions occupées par la JNA. J'en viendrai aux positions

12 occupées par l'armée croate. Nous confronterons les allégations au sujet

13 des armes militaires croates qui auraient été, soi-disant placées dans la

14 vieille ville. J'en viendrai aux positions autour de la vieille ville. Je

15 terminerai en parlant de ceux qui en sont à l'origine du pilonnage de la

16 ville.

17 Le plan d'attaque, d'après les éléments de preuve, le plan d'attaque

18 du mont Srdj a été réalisé le 6 décembre 1991. L'attaque venait de deux

19 directions : de la gauche ou de l'ouest. Vers 5 heures, Zoran Lemal était à

20 la tête d'un groupe d'infanterie du 2e Groupe opérationnel. Ils se sont

21 dirigés vers le mont Srdj. Une heure plus tard, les positions croates sur

22 le mont Srdj ont été pilonnées par les canons du 2e Groupe opérationnel.

23 A 6 heures 20, un autre groupe opérationnel mené par Budamar Pesic

24 est venu de l'est, de Basanka. Ils ont pris la direction de Srdj. Le groupe

25 de Pesic s'est approché de Srdj. A ce moment-là, il a été pris sous les

Page 8640

1 feux de l'armée croate. Vers 7 heures, des obus sont tombés sur la vieille

2 ville. Vers 7 heures 20, trois obus ont touché la maison Grbic. Elle a

3 commencé à prendre feu.

4 A 8 heures, l'unité de Zoran Lemal était à environ 200 mètres du

5 relais qui se trouve sur le mont Srdj, et cette unité avait signalé qu'il

6 fallait éviter de toucher leurs propres hommes. A ce moment-là, Pesic a

7 passé une communication par radio, afin que les tirs de mortiers venant de

8 son propre côté s'arrêtent, et je parle ici, bien entendu, des tirs de la

9 JNA sur Srdj. De 7 heures 45 à 8 heures 30 du matin, on a vu des tirs de

10 mortiers de 120 qui venaient du 3e Bataillon, de la 5e Brigade, et qui ont

11 tiré sur diverses positions à Dubrovnik et dans les environs de Babin Kuk.

12 Entre 8 heures et 8 heures 30, l'un des soldats de Lemal a été tué. Entre 8

13 heures et 8 heures 30, une demande a été envoyée à Cilipi pour procéder à

14 des tirs de canons de 130. Vers 8 heures 36, cette requête a été refusée. A

15 8 heures 30, Pesic, celui qui dirigeait cette équipe, a été blessé. A 9

16 heures, on a constaté des tirs de mortiers très noués qui visaient Srdj, et

17 qui venaient de la partie croate. Lemal a encore perdu trois hommes. C'est

18 à ce moment-là, également --

19 Vers 9 heures 30, il y a eu une autre demande aux fins de tirs de

20 canons de 130, qui a été refusée. Un peu plus tard, Lemal enregistre de

21 nouvelles pertes parmi ses hommes. Le général Strugar ordonne au 2e Groupe

22 opérationnel de cesser le feu à 11 heures 15. Vers 11 heures ou midi,

23 Stojanovic retire son unité vers Bosanka. A 11 heures 30, les mortiers

24 croates du bâtiment du SDK n'ont plus de munitions, mais leurs mortiers

25 continuent à tirer, les mortiers qui se trouvent à Babin Kuk. A 11 heures

Page 8641

1 45, le 3e Bataillon de la 5e Brigade arrête de tirer. Mais il reprend dans

2 l'après-midi. Dans l'après-midi, le capitaine Kovacevic ordonne à l'unité

3 de Lemal de se retirer. D'après le Témoin B, les tirs à Djakovica se sont

4 arrêtés à 3 heures. Tous les pilonnages, d'après les observateurs de la

5 MCCE, se sont arrêtés vers 19 heures 15.

6 Au cours de cette journée, la vieille ville a été touchée par des obus de

7 82, des obus de 120, des missiles de type Maljutka, et des projectiles

8 envoyés par des canons sans recul. On voit à la pièce P66, la vieille ville

9 de Dubrovnik. On voit de la fumée qui s'échappe des bâtiments de la vieille

10 ville, code horaire 32 minutes, 15 à 19 secondes.

11 Plus tard cet après-midi, ce que l'on appelait le joyau de

12 l'Adriatique ressemble à ce que vous voyez à l'image actuellement.

13 [Diffusion de cassette vidéo]

14 M. WEINER : [interprétation] Je le répète, le code horaire est 32

15 minutes 15 secondes, et je souhaite que vous interrompiez le visionnage à

16 32 minutes et 19 secondes.

17 Voilà l'image que nous donnait Dubrovnik ce jour-là, au moment où le soleil

18 commençait à se coucher.

19 La vieille ville se trouvait à portée de feu des unités du 2e Groupe

20 opérationnel : nous connaissons Djakovica, la batterie de 120 à Uskoplja.

21 Il y avait à Strincjera une batterie de 82 millimètres, ainsi qu'à Bosanka.

22 Il y avait aussi une batterie qui se trouvait à Rasevica. Le professeur

23 Vilicic le mentionne au cours de son témoignage et dans son rapport aux

24 pages 5 à 6. Le Témoin D en parle aussi apparemment, puisqu'il nous dit

25 qu'il y avait des tirs avec des Maljutka et des canons sans recul à partir

Page 8642

1 de Zarkovica. Mais de derrière Zarkovica, là il y avait des mortiers. Si

2 vous regardez la carte, on voit que Racevica se trouve derrière Zarkovica.

3 Où se trouvaient les positions croates ? D'abord, on nous a affirmé

4 qu'il n'y avait pas de positions militaires croates à l'intérieur de la

5 vielle ville de Dubrovnik. Trois témoins à décharge nous ont dit qu'ils

6 avaient observé des armes dans la vieille ville le 6 décembre. Un grand

7 nombre de témoins ont nié avoir vu des armes dans la vieille ville le 6

8 décembre. Il y a parmi eux des résidents de Dubrovnik, des anciens soldats

9 de la JNA, et des observateurs indépendants tels que Pur Valkof et Colin

10 Kaiser.

11 De plus, l'Accusation avance que les témoignages de la Défense, en

12 espèce, ne sont pas acceptables. Prenons ces trois témoins à décharge.

13 D'abord, nous avons Vladimir Pepic. C'est le témoin qui nous dit

14 qu'il voyait mieux qu'un zoom, qu'il avait une vue excellente, et qu'à

15 l'œil nu, à 50 mètres derrière Djakovica, derrière le front à Djakovica,

16 une distance d'environ 23 -- une trentaine de kilomètres, il dit qu'il a vu

17 un canon antiaérien qui se trouvait à côté de la tour. Il a vu un mortier

18 de 82.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous parliez de mètres, ou de

20 kilomètres ? De mètres plutôt, non ?

21 M. WEINER : [interprétation] Oui, effectivement. Vous avez raison.

22 Prenons la pièce P66, code horaire 1306. On voit un canon sans recul, et

23 une caméra qui se trouve au-dessus de ce canon. Vous remarquerez qu'on ne

24 voit même pas de bateaux dans le port. Continuons jusqu'au code horaire 13

25 minutes 15 secondes. Ici, on a pris des images, en zoomant. On a zoomé sur

Page 8643

1 la scène.

2 [Diffusion de la cassette vidéo]

3 M. WEINER : [interprétation] Même en zoomant, on aurait vraiment toutes les

4 peines du monde à voir un mortier, quelque chose de la taille d'un mortier.

5 On ne pourrait même pas voir un canon antiaérien parce que si vous regardez

6 un petit peu les bateaux, ils sont minuscules, on dirait que ce sont des

7 petits carrés à l'écran. Budimir Pesic, pourtant, un autre témoin de la

8 Défense, a dit qu'on ne pouvait pas voir un mortier à partir de cette

9 distance à l'œil nu, page 7 924 du compte rendu d'audience. Il a dit que

10 même avec des jumelles à cette distance, il était impossible de déterminer

11 le calibre du mortier, page 7928 du compte rendu d'audience.

12 M. Pesic non seulement veut vous faire croire qu'il a vu un mortier,

13 mais que les opposants, les Croates ont, sous les yeux du 2e Groupe

14 opérationnel, déplacé un autre mortier. Nous estimons que c'est totalement

15 incroyable.

16 Premièrement, à la vidéo P66, on ne voit pas le mortier. On ne voit pas le

17 canon antiaérien. Si on commence au code horaire 31 minutes et 7 secondes

18 jusqu'à 31 minutes et 19 secondes.

19 [Diffusion de cassette vidéo]

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pendant que vous réglez ce problème-

21 là, je voulais vous poser la question, s'agit-il de M. Pesic ou Pepic ?

22 M. WEINER : [interprétation] Monsieur Pepic. Néanmoins,

23 M. Pesic a également témoigné à ce propos. Il a décrit ce qu'il pouvait

24 voir à une certaine distance. Il regardait une distance semblable, sur le

25 mont Srdj, en direction de Babin Kuk. Il a dit qu'on ne pouvait rien voir

Page 8644

1 avec des jumelles. Même M. Pesic a dit que, sans jumelles, il était

2 impossible de dire ou de décrire le calibre du mortier en question, qui

3 contredit le témoignage de Vlado Pepic parce que Pepic dit que, non

4 seulement qu'il pouvait le voir à l'œil nu, mais qu'il pouvait également

5 déterminer le calibre de l'arme en question.

6 Nous nous sommes arrêtés vers 7 heures 31 minutes. On ne voit aucun

7 mortier et aucun dispositif antiaérien. Si nous pouvons poursuivre et

8 regarder la vidéo s'il vous plaît.

9 [Diffusion de cassette vidéo]

10 M. WEINER : [interprétation] Encore une fois, on voit ici une prise de vue

11 de côté. On ne voit aucun dispositif antiaérien, même du côté de la

12 tourelle, et on ne voit aucun mortier déplacé à l'avant ici.

13 Le témoin prétend de plus - Vladimir Pepic - prétend avoir vu, à deux

14 tiers en direction de Stradun, des éclats où il a supposé qu'il s'agissait

15 d'un obus de mortier, autrement dit, des flammes sortir. Il prétend l'avoir

16 vu de la distance où il se trouvait, à savoir, 3 000 mètres. Comme vous

17 vous en souvenez, d'après les premières vidéos que nous avons vues, ces

18 canons antireculs, on ne pouvait même pas voir l'entrée du port. On ne

19 pouvait même pas voir ceci distinctement. Il pense que nous sommes en

20 mesure de voir des flammes quelques 500 à 700 mètres de distance.

21 M. Pepic, de plus, déclare que ces flammes étaient longues de 7 à 8

22 mètres de long, et ceci à 7 559, et allaient du bas du bâtiment jusqu'en

23 haut. Il s'agissait de torches qu'il a vues. D'autres témoins ne sont pas

24 d'accord avec ces faits. Le Témoin Nesic dit qu'il a vu une flamme d'un

25 mortier à un mètre et demie. La torche -- la flamme d'un mortier ne peut

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1 être que d'un mètre de long. La flamme d'un mortier n'a jamais pu être de

2 six à sept mètres, et ne peut pas, en tout cas, aller du bas du bâtiment

3 jusqu'en haut.

4 L'Accusation estime qu'aucun mortier n'a pu être vu par M. Pepic. Il

5 n'y avait pas une radiation importante, et même cette torche n'aurait pas

6 pu provenir d'un mortier ou d'un dispositif aérien. Autrement dit, son

7 témoignage n'est tout simplement pas crédible.

8 Le deuxième témoin, Jovan Drljan, a également fait quelques

9 observations qui ne sont pas crédibles non plus. Il a témoigné en disant

10 qu'il a vu des flammes derrière la colonne Orlando. Il pense qu'il

11 s'agissait de flammes venant d'un mortier. A mi-chemin sur la Stradun, il

12 voit un mortier sur la rue qui tire -- que l'on fait ressortir, que l'on

13 utilise de la rue, et qu'on enlève ensuite. Comme Vakic, il semble avoir

14 une vue absolument exceptionnelle. Lorsqu'on lui pose la question sur ces

15 flammes à la page 7 754, questions et réponses, je cite :

16 "Ceci est comme suit : tout ce que l'on pouvait voir était à quelques

17 3 000 mètres d'un point surélevé et derrière la colonne."

18 Réponse : "Ceci s'est produit derrière la colonne, et on pouvait voir la

19 flamme très distinctement. C'est quelque chose que j'ai fait depuis 17 ans.

20 J'ai navigué depuis 17 ans, et ma vue est excellente, car j'ai aiguisé ma

21 vue en naviguant. Je pouvais voir quelque chose à cette distance. Lorsque

22 je vois quelque chose à cette distance, je ne peux pas me tromper."

23 Il modifie son témoignage à un moment donné, en page 7 731 et 32, et

24 admet qu'il peut s'agir d'obus qui tombaient qui ont provoqué ces flammes.

25 Page 7 731 et 7 732. En outre, nous avons pu constater, qu'à moins qu'il y

Page 8646

1 ait un fond noir ou qu'il fasse nuit, il est impossible de voir ces flammes

2 qui sortent d'un mortier, c'est impossible. A P219, nous avons deux

3 photographies qui ont été prises de mortier en train de tirer, et on ne

4 voit pas le feu qui en sort.

5 Dans notre cas, où ils ont montré des photographies de ces flammes

6 qui sortaient d'un mortier que l'on tirait, on voit c'est sur fond sombre.

7 Il y a des arbres derrière. Dans l'autre cas, cela se trouvait dans une

8 zone qui était placée sous l'ombre des arbres, et la photographie a été

9 prise de très près. Lorsqu'on prend une photographie de très près du

10 mortier, on voit également cette lueur -- cet éclair à un mètre, un mètre

11 et demi. Mais ici, on voit la flamme, surtout lorsque -- et c'est difficile

12 de voir lorsque le fond est clair.

13 Le témoin a décrété avoir vu tout ceci, alors qu'il s'agissait d'un

14 matin ensoleillé. Dans sa deuxième déclaration, qui est également suspecte,

15 il prétend avoir traîné ce mortier, et en l'espace d'une minute, on a tiré.

16 Les témoins à décharge de la Défense ont également précisé que l'on ne peut

17 pas tirer un mortier à partir d'une surface dure, à moins de mettre des

18 sacs de sable et des éléments tampons. Il faut préparer la surface à

19 l'avance. Le témoin, comme je l'ai dit, a précisé que ceci a été tiré en

20 l'espace d'une minute après avoir été placé sur la Stradun, et il n'a pas

21 vu de sacs de sable ou d'éléments tampon placés sous l'engin en question.

22 Lorsqu'on tire dans une telle circonstance, cela est impossible.

23 En outre, il n'y a pas un autre témoin qui a pu confirmer le

24 témoignage de M. Durljan. Personne d'autre n'a vu ce mortier sortir

25 subitement d'un bas de porte. Personne d'autre n'a vu cet éclair -- cette

Page 8647

1 flamme sortant de l'hôtel Orlando. Pour finir, ce qui est intéressant,

2 c'est que ce témoin prétend avoir consigné tout ceci dans un rapport de

3 guerre -- dans un journal de guerre. Il prétend avoir fait quelques

4 observations intéressantes, mais ces observations ne sont pas consignées

5 dans le journal de guerre. Il avance que ceux-ci n'ont pas été consignés,

6 car ils ne se sont jamais produits, et il reconnaît que son témoignage

7 n'est pas crédible et doit, par conséquent, être rejeté.

8 Enfin, Nikola Jovic prétend avoir vu trois armes dans la vieille

9 ville. En premier lieu, il prétend avoir vu un mortier au niveau de la

10 tourelle qui se trouve au sud de la vieille ville. Il prétend avoir

11 neutralisé cet engin-là à l'aide d'un canon antirecul

12 -- d'un projectile antirecul.

13 Il y a une erreur au niveau du compte rendu. Le 31, on voit -- cela

14 devrait être Novica Nesic et non pas Nikola Jovic.

15 M. Nesic, comme je l'ai dit, prétend avoir neutralisé ce projectile.

16 La difficulté qui se pose, c'est Nesic ne parle pas de ce mortier en

17 question dans son rapport portant sur les dépenses en matière de munition.

18 Ceci ne figure pas non plus au rapport de combat daté du 6 décembre, ni des

19 rapports ultérieurs présentés et portant la cote D65. Ce qui est encore

20 plus important, c'est la méthode par l'intermédiaire de laquelle il a pu

21 neutraliser ce projectile. Il prétend avoir utilisé un canon antirecul, et

22 la tourelle qu'il dit avoir touchée est bien au delà de la portée de ce

23 type d'arme. Le professeur Vilicic, qui était un des concepteurs, ce type

24 de canon antirecul a une portée de quelques 1 000 mètres et est destiné à

25 des cibles se trouvant à quelques 1 000 mètres -- 600 mètres. On peut

Page 8648

1 l'utiliser -- cela peut être envoyé à une distance de 1 000 mètres.

2 Ensuite, il ajoute à la page 8 : "Un canon sans recul peut atteindre

3 un objectif allant jusqu'à 2 000 mètres."

4 La tourelle en question se trouve dans la partie la plus au sud de la

5 vieille ville, autrement dit, à quelque 3 000 mètres. L'arme de Nesic ne

6 pouvait, en aucune manière, atteindre cette cible-là, et arrivait à peine à

7 toucher quelque chose à quelques 2 000 mètres, encore moins à 1 000 mètres

8 de plus, dans la vieille ville. Cette allégation, par conséquent, ne peut

9 pas être considérée comme fondée.

10 Nesic prétend également avoir vu un canon antiaérien à l'entrée du

11 port. Il dit n'avoir jamais vu le canon, mais n'avoir vu que des éclairs,

12 et d'après ces éclairs, il pense qu'il s'agissait d'un dispositif

13 antiaérien. Le témoignage de Nesic est contradictoire en la matière. Il

14 prétend avoir vu l'engin vers midi, qui se trouve au compte rendu

15 d'audience 8 172, mais il prétend avoir neutralisé ce même engin le matin

16 même, 8 236. Encore une fois, cette arme ne figure pas dans son rapport

17 portant sur les dépenses en matière de munitions, et ceci ne figure pas non

18 plus au rapport de combat D62, ni des différents rapports présentés par la

19 suite, D65. Il n'y a pas un seul témoin qui ait pu confirmé l'existence

20 d'une telle arme.

21 D'après les observateurs de la MCCE, il n'y avait pas de feu -- de tirs

22 provenant de la vieille ville à cette date-là, le 6 décembre. Les

23 observateurs n'ont remarqué aucune trace non plus de dispositifs

24 antiaériens tirés de la vieille ville. Comme vous le savez, ils sont eux-

25 mêmes logés à l'hôtel Argentine. Ils sont sur l'eau et ils peuvent voir la

Page 8649

1 vieille ville de là. Rien n'indique qu'ils ont pu voir des traces d'un

2 dispositif antiaérien.

3 Pour finir, Nesic tente de nous faire croire qu'un fusil antiaérien, pesant

4 quelques centaines de kilos a été déplacé, amené sur les hauteurs sans que

5 personne ne le voie. Il s'agit de dispositifs à très longs canons. Je pense

6 que ce type d'observation est véritablement suspect.

7 Nesic, finalement, prétend avoir vu des hommes se déplacer et aller

8 du port, en direction de la vieille ville. Ils portaient des cageots ou

9 quelque chose qu'on utilise en général -- des caisses pour transporter les

10 munitions. Il ne dit pas que les hommes étaient en train de courir. Il ne

11 dit pas que les hommes étaient pressés. En outre, il prétend que, ce

12 faisant, il faisait ceci au vu de tous, et pendant le pilonnage. Aucun

13 autre témoin à décharge ni aucun témoin de l'Accusation n'a vu ceci. Aucun

14 observateur de la MCCE n'a pu constaté cela.

15 Si on regarde la pièce P61, au document 30, on voit ici des notes rédigées

16 par lui et émanant des informations qui viennent des autres observateurs.

17 Ils observent le pilonnage. Ils comptent le nombre d'explosions. Ils voient

18 même leur navire, L'Argosy en flammes sur l'eau. Mais personne ne parle de

19 caisses de munitions dans la région, à l'endroit où les obus sont tombés.

20 Il n'y a aucun registre qui a consigné ceci, autrement dit, que des hommes

21 ont quitté le port pour se rendre dans la vieille ville.

22 Le témoin met le doigt sur l'absurdité de la situation en évoquant

23 des situations semblables. On lui a demandé si des soldats déplaceraient un

24 canon antiaérien en plein jour, et à la page 8 627, répond : "Aucun soldat

25 ne serait assez fou pour faire quelque chose qui pourrait être vu de tous

Page 8650

1 en plein jour lorsqu'on est en guerre."

2 Il avance qu'aucun soldat ne se livrerait à un tel acte. C'est ce que

3 Nesic souhaite nous faire entendre. L'Accusation avance que le témoignage

4 de Nesic, concernant ces observations au niveau des activités militaires,

5 n'est pas seulement pas crédible, mais erroné. Il s'agit d'une déclaration

6 erronée et frauduleuse. En novembre, le reporteur de l'ITN, Paul Davies,

7 note sur ses cassettes vidéo, l'intention d'attaquer la vieille ville et le

8 port. Nous voyons des Maljutka, et la même chose qui touche les murs. Au

9 P66, on constate la même chose, 31.39, 48 secondes, 31 minutes et 38

10 secondes, on voit les bateaux qui ont pris feu. C'est la même chose.

11 Ce que nous dit le Témoin B, il nous dit, qu'en tirant avec des

12 Maljutka sur les bateaux, sur les fenêtres, sur les bâtiments, sur les

13 murs, qu'il n'y avait aucune cible militaire. Comment le Témoin B sait-il

14 cela ? Il est à Djakovica lui-même. Il transporte les Maljutka pour que le

15 groupe opérationnel puisse les utiliser. Il est sur le front et il regarde

16 vers le bas. Il regarde ce qu'il se passe.

17 L'amiral Jokic nous dit, qu'au cours de sa courte enquête, il a

18 appris que les raisons pour lesquelles la vieille ville a été bombardée

19 étaient les suivantes : Premièrement, pour affliger des dégâts matériels à

20 la vieille ville, et deuxièmement, en guise de représailles pour les pertes

21 encourues par le 3e Bataillon aux mains des Croates. "Infliger des dégâts

22 matériels à la vieille ville constituait la principale raison de ces tirs."

23 C'est ce que l'on peut trouver à la page 4 126.

24 En conséquence, l'Accusation avance que Nesic avait besoin d'une excuse

25 pour justifier son comportement à Djakovica. Il a trouvé des cibles

Page 8651

1 imaginaires pour expliquer ses agissements. Ceci apparaît tout à fait

2 clairement lorsqu'on regarde le rapport portant sur les dépenses en matière

3 de munitions, pièce D113. Nous allons essayer de le placer à l'écran. D113,

4 s'il vous plaît, sur le rétroprojecteur.

5 Pardonnez-moi, nous avons des difficultés sur le plan technique et nous

6 n'arrivons pas à obtenir l'image par l'intermédiaire des logiciels

7 Sanction.

8 Nous avançons que, si on regarde ceci avec attention, en démarrant avec le

9 feu tiré par un canon sans recul, on précise que : "26 pièces ont été

10 tirées. Un tiers de ces tirs sont censés avoir été tirés. Ceux qui sont

11 consignés dans ce rapport sont fictifs et faux, à commencer par la

12 forteresse Lovrijenac." Nous sommes déjà --

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois en premier lieu, Monsieur

14 Weiner, qu'il serait important de montrer la pièce en question.

15 Quelle partie regardez-vous, s'il vous plaît ?

16 M. WEINER : [interprétation] Le milieu, s'il vous plaît. Numéro 8. Il

17 s'agit du canon sans recul, M72, 26. Près d'un tunnel, près de la

18 forteresse. Juste en dessous, l'entrée à droite à la forteresse.

19 Deux pièces. Donc sept tirs au niveau de la forteresse navette. Le

20 concepteur de ce canon sans recul, le professeur Vilicic, a dit que les

21 tirs à partir de ces canons pouvaient tout juste atteindre les murs de la

22 vieille ville. Plus tard, il précise, le lendemain, le dernier jour de son

23 témoignage, il ne sait même pas si ceci pouvait atteindre le mur. Peut-être

24 qu'il ne parviendrait atteindre que les navires qui venaient au port.

25 Nesic souhaite nous faire croire ou en train de nous faire croire,

Page 8652

1 que non seulement il pouvait atteindre la vieille ville, mais qu'il pouvait

2 même tirer au-delà et viser la forteresse Lovrijenac au-delà de la vieille

3 ville. On parle de quelque mille mètres de plus. Ces sept tirs, d'après

4 moi, n'ont pas pu être tirés.

5 Si nous poursuivons un peu plus loin, on constate qu'un dernier point en

6 direction du plateau près de l'hôtel Libertas, je suppose que c'est

7 Libertas, parce qu'il témoigne sur les mortiers près de l'hôtel Libertas.

8 L'hôtel Libertas se trouve encore à quelques deux ou quatre

9 kilomètres de la vieille ville. Si les canons sans recul ne peuvent pas

10 atteindre la vieille ville, ils ne peuvent pas atteindre quelque chose qui

11 se trouve à trois ou quatre kilomètres au-delà de la vieille ville. Par

12 conséquent, neuf sur ces 26 tirs, qui sont listés ici, censés avoir été

13 tirés par les canons sans recul, n'ont pas pu être tirés. J'estime, par

14 conséquent, qu'il y a ici des éléments qui ont été falsifiés.

15 Si on regarde maintenant un peu plus haut les Maljutka. Est-ce que

16 vous pouvez montrer les tirs des Maljutka, s'il vous plaît ?

17 Un peu lus vers le bas, on voit ici 9K, 11 des pièces des roquettes.

18 Ce que l'on voit ici, on ne voit qu'un tir qui a été consigné. Un tir

19 portait sur la vieille ville le cinquième. C'est la fenêtre ici de la tour

20 de droite. Qu'en est-il de Maljutka qui est intégré aux murs, que Kaiser a

21 remarqué dans la vieille ville, P69 ?

22 Si vous pouvez le déplacer un petit peu vers le haut, s'il vous

23 plaît ? D'accord. Davantage, s'il vous plaît.

24 On voit le Maljutka qui était encastré dans le mur. Où se trouve ce

25 Maljutka sur la liste ? Le professeur Vilicic dit avoir vu ce Maljutka

Page 8653

1 encastré dans le mur près de Revelin. Si on regarde la vidéo à 31 minutes

2 51 secondes ou 52 secondes, on voit un autre missile qui s'enfiche dans une

3 autre tour, la tour de Saint-Jean. Ce missile n'est consigné sur aucune

4 liste, pas sur cette liste, car nous avançons qu'il s'agit de constatations

5 frauduleuses.

6 De plus, il est noté qu'un Maljutka a tiré en direction de l'hôtel

7 Libertas. Un maljutka a une portée d'environ 3 000 mètres. Depuis

8 Djakovica, l'hôtel Libertas doit être à quelque 6 ou 7 kilomètres. On ne

9 peut pas tirer un Maljutka en direction de l'hôtel Libertas et toucher quoi

10 que se soit. Cela représente deux fois la portée du Maljutka en question.

11 On ne peut même pas approcher l'hôtel Libertas. Il manquerait de toute

12 façon 3 ou 4 kilomètres. Pourquoi 11 missiles ont-ils été énumérés ici ? Le

13 Témoin B nous dit qu'il y avait bien plus de 11 Maljutka qui ont été tirés.

14 Les coups ont été tirés sans objectif militaire, de façon indiscriminée,

15 qu'il s'agissait d'un jeu.

16 Le témoin essaie de nous faire croire qu'il n'y avait pas de coups

17 tirés depuis la vieille ville. Il parle du nombre de missiles qui ont été

18 tirés depuis Djakovica. On pense qu'il faut le croire dans ce cas-là. Nous

19 admettons que c'était un jeune homme qui avait quitté sa ferme, qu'il ne

20 portait pas de montre, qu'il n'avait pas de calendrier sur lui. Il a pu se

21 tromper au niveau des dates et au niveau des jours. Si ce qu'il a dit à

22 propos des faits, à 7 heures du matin, c'est les événements qui se sont

23 produits ce jour-là, nous avançons que non seulement ces éléments-là sont

24 exacts, mais ont été confirmés par d'autres témoignage.

25 Par exemple, la position des armes à Djakovica qu'il aborde. Ceci a

Page 8654

1 été confirmé par Vlado Pepic, qui propose également un diagramme. Il

2 indique qu'à gauche se trouvaient les Maljutka. Les bâtiments se trouvaient

3 au centre, et à droite se trouvaient les canons sans recul. Ceci confirme

4 les dires du Témoin B. Le Témoin B parle de la présence dès le matin, et

5 ce, toute la journée, du capitaine Kovacevic à Djakovica. Ceci, nous le

6 savons d'après les dépositions du Témoin Pepic et d'autres. Le Témoin B

7 parle de la présence de Nesic à Djakovica le 6 décembre, ce qui est

8 confirmé par Nesic et d'autres témoins. Le Témoin B nous parle des coups

9 tirés sur la vieille ville depuis Djakovica, ceci est confirmé par Pepic et

10 Nesic. Le Témoin B parle de Nesic utilisant le téléphone à Djakovica. Il a

11 vu le faire, ceci a été que confirmé deux reprises. Ceci a été confirmé par

12 Pepic. Le Témoin B dit avoir vu les drapeaux flottés au-dessus de la

13 vieille ville. Il ne savait pas ce dont il s'agissait. Il a posé la

14 question. On lui a dit qu'il s'agissait d'un drapeau indiquant que

15 c'étaient des monuments protégés.

16 Le Témoin B a dit que le pilonnage a commencé à Srdj, ensuite, a été

17 déplacé. La cible, c'est la vieille ville, ce qui a été confirmé par

18 Negodic et également confirmé par les images vidéo P66.

19 Le Témoin B nous dit que l'infanterie se déplaçait vers Srdj, mais nous

20 savons de la part du Témoin Pesic que c'est vrai, qu'ils sont partis de

21 Bosanka, et qu'ils se sont déplacés vers Srdj. Le Témoin B nous dit que les

22 troupes du 2e Groupe opérationnel, les troupes de la JNA à Zarkovica, ont

23 tiré sur les fenêtres, les navires, les murs, ceci est corroboré également

24 par le biais des vidéos. Une importante partie de sa déposition était le

25 moment où il a mentionné que lorsqu'il était à Djakovica, trois obus

Page 8655

1 croates sont tombés dans la zone de Djakovica, mais non pas dans la région

2 détenue par les troupes de la JNA. Qu'est-ce qu'il a fait ? Il a avoué. Il

3 s'est abrité dans un bâtiment, il a sorti seulement lorsque la situation

4 s'est calmée. Il a été gêné, mais il a avoué. Il nous a montré les endroits

5 où sont tombés les obus.

6 Qu'avons-nous entendu de la part du Témoin Nesic ? Il a corroboré cela à la

7 page 8168. Il parle lui-même de ces obus qui sont tombés sur Djakovica.

8 Ensuite, Témoin B dit que Nesic était de très mauvaise humeur. Il a dit

9 quelque chose allant dans le sens, rasez la ville entière. Que savons-nous,

10 nous au sujet de cela ? Nesic parle d'un message intercepté, un message

11 entre un soldat et un commandant. Celui-ci, le commandant, il commença à

12 jurer, apparemment il était de mauvaise humeur. Il dit, tout ce qui est

13 dans la vieille ville est une cible. Negodic corrobore le Témoin B. Tous

14 ces faits indiquent que la déposition du Témoin B est conforme à la vérité

15 et doit être crue par la Chambre.

16 Le Procureur considère qu'aucune cible prétendument militaire de la

17 vieille ville n'a jamais existé, et que toutes dépositions allant dans ce

18 sens, dépositions de la part de ces trois témoins de la Défense, doivent

19 être rejetées.

20 Tout ceci porte sur le 6 décembre.

21 Où sont les positions des Croates ? Dans notre mémoire, dans notre

22 carte, dans nos annexes, nous avons décrit ces positions. Il n'est pas

23 nécessaire de se pencher sur tous ces documents. Cependant il existe une

24 différence s'agissant de quatre à cinq emplacements. Le Témoin Nesic, le

25 témoin de la Défense, dit que les mortiers étaient à l'hôtel Excelsior, au

Page 8656

1 nord de la vieille ville, sur un véhicule appelé Charlie, à côté de l'hôtel

2 Libertas. Finalement, il y avait une pièce d'artillerie dans le parc.

3 Le Témoin Negodic n'est pas en accord avec cela. Selon lui, il n'y

4 avait pas de mortiers ni de pièces d'artillerie sur ces positions. A son

5 avis, il y avait des tirs à l'hôtel Libertas, mais pas de mortiers. Dans ce

6 contexte, nous considérons que c'est Negodic qui avait raison, parce qu'il

7 était le mieux placé pour savoir où étaient ces pièces d'artillerie et ces

8 mortiers. D'autres témoins n'ont pas observé de mortiers à l'hôtel

9 Excelsior à Bogasica parc ni ce véhicule qui allait au nord de la vieille

10 ville, ou la pièce d'artillerie au parc de Lovrjenac. Aucun autre témoin de

11 la Défense ne mentionne cela.

12 La conclusion de Nesic portant sur les dépenses des munitions sont

13 mensongères. Nous avons déjà parlé de ces affirmations selon lesquelles il

14 n'aurait pas été possible de tirer sur ces positions, mais si l'on se

15 penche sur ces deux dépositions, que peut-on dire qui a des raisons de

16 mentir. Nous considérons que Negodic n'avait pas de raison, de motif de

17 mentir. Il est venu ici. Il a décrit un grand nombre de positions, des

18 pièces d'artillerie et des mortiers croates. Il a décrit leur emplacement,

19 leur munition qu'ils ont utilisées, et cetera. Cependant, Nesic dit, a dû

20 justifier ses propres actions. Sur la base de la déposition du témoin, il

21 tirait sur des cibles non militaires. Nesic est un suspect en matière des

22 crimes de guerre. Nous considérons que la déposition de Nesic n'est pas

23 crédible en ce qui concerne les positions militaires. Nous suggérons que

24 les pièces d'artillerie n'étaient pas à ces positions-là, Bogasica parc ni

25 sur le véhicule Charlie qui se déplaçait vers le nord ce jour-là.

Page 8657

1 Donc, la question qui nous reste est de savoir qui a pilonné la vieille

2 ville de Dubrovnik le 6 décembre ? Les Témoins Jokic et Negodic et le

3 Témoin B, disent que c'était la JNA. Les témoins de la Défense, Djursic et

4 Pepic, ont également vu et entendu des armes de la JNA qui ont pilonné la

5 vieille ville. L'expert de la Défense, le professeur Vilicic, affirme que

6 les dégâts dans la vieille ville, étaient conformes au tir de plus de 130

7 obus depuis la position de la JNA, depuis les batteries de mortiers. Nous

8 affirmons que ces batteries étaient placées sous le commandement et le

9 contrôle du 2e Groupe opérationnel, et que c'est eux qui ont pilonné la

10 vieille ville.

11 Si l'on se penche maintenant sur le paragraphe 374, page 77 du

12 mémoire de la Défense, nous pouvons lire la dernière phrase :

13 "Conformément à cela, la Défense conclut au-delà de tout doute raisonnable,

14 il n'existe même pas au-delà doute raisonnable, mais au delà de tout doute,

15 que les dégâts allégués qu'a peut-être subi la ville de Dubrovnik et la

16 vieille ville de Dubrovnik, ont pu être provoqués exclusivement par

17 l'emploi de l'artillerie et des mortiers dont l'emploi a été autorisé par

18 l'amiral Jokic au-delà de tout doute raisonnable."

19 Nous sommes tous d'accord pour dire que les dégâts dans la vieille

20 ville, ont été provoqués exclusivement par la JNA le

21 6 décembre. Nous prenons note du fait que les unités de la JNA qui ont

22 provoqué ces dégâts, ont été placées sous le commandement et le contrôle du

23 2e Groupe opérationnel. Nous ne sommes pas cependant d'accord pour dire que

24 le rôle de l'amiral Jokic était tel que la Défense l'a indiqué dans ce

25 paragraphe. C'est pourquoi nous considérons que les éléments de preuve ont

Page 8658

1 démontré au-delà de tout doute raisonnable que les unités placées sous le

2 commandement du

3 2e Groupe opérationnel, sous le commandement et le contrôle de l'accusé

4 Pavle Strugar, ont pilonné la vieille ville de Dubrovnik le 6 décembre.

5 Le Procureur William Fenrick va maintenant se pencher sur les

6 conséquences juridiques de ces faits. Peut-être que nous pourrions d'abord

7 faire une pause.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que puisque nous allons

9 aborder un autre sujet maintenant, qu'il vaut mieux prendre une pause

10 maintenant, et nous allons reprendre nos travaux à 2 moins le quart.

11 --- L'audience est suspendue à 12 heures 25.

12 --- L'audience est reprise à 13 heures 49.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Fenrick.

14 M. FENRICK : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

15 Juges, le premier but du droit humanitaire international est de réduire les

16 pertes de vies innocentes et des blessures des civils innocents, de même

17 que les dégâts des bâtiments civils. Au fond, le droit humanitaire

18 international constitue une barrière au barbarisme de deuxième degré; la

19 barrière du premier degré est la prévention de la guerre elle-même.

20 Cette affaire est très importance dans ce sens. Le droit est le plus

21 important lorsqu'il est le plus fragilisé -- lorsqu'il est le plus sous la

22 pression, et c'est le cas le plus souvent lors des combats violents. Le

23 principe de ce droit doit s'appliquer dans des situations de combat. Nous

24 avons ici l'exemple de l'affaire Galic. Il existe des exemples -- il y a la

25 Deuxième guerre mondiale, lorsque personne n'a pensé à lancer des

Page 8659

1 poursuites concernant certains aspects de la situation. Cependant, à notre

2 avis, il est important d'appliquer ce droit de manière correcte. Le

3 Procureur considère, au fond, que nous ne sommes pas réunis ici afin

4 d'interpréter le droit pour la JNA ou en ce qui concerne le pilonnage de

5 Dubrovnik; mais nous sommes ici afin d'interpréter le droit et de le faire

6 appliquer par toutes les armées partout. Il n'existe qu'une série de

7 normes, qui sont pareilles partout.

8 Le principe fondamental du droit humanitaire international,

9 s'agissant des situations de combat, est le principe de distinction, à

10 savoir, l'obligation de faire une distinction entre la population civile et

11 les combattants, et de faire une distinction entre les bâtiments civils et

12 les objectifs militaires, afin de mener des opérations militaires seulement

13 à l'encontre des objectifs militaires. Les objectifs militaires se sont les

14 combattants, tout d'abord, les forces armées, ensuite, les civils qui

15 participent directement aux hostilités, et pour ce qui est des bâtiments et

16 des installations, les installations qui contribuent aux activités

17 militaires, et celles dont la destruction fournira un vrai avantage sur le

18 plan militaire, constituent les cibles militaires.

19 Du point de vue du Procureur, toutes ces conditions n'ont pas été

20 remplies. Toutes les cibles étaient des cibles civiles, et la seule

21 question qui pourra se poser considère le statut du civil, Mato Valjalo.

22 C'est un civil qui était le chauffeur pour le comité de crise. La Défense a

23 suggéré que M. Valjalo ne devrait pas être interprété en tant que civil,

24 car à l'époque, il travaillait pour la cellule de Crise, et parce qu'à ce

25 moment, il est en train de recevoir une retraite de vétérans handicapés, à

Page 8660

1 cause des blessures qu'il a subies pendant le pilonnage.

2 Le Procureur considère qu'il n'existe aucun moyen de dire que M.

3 Valjalo pourrait être considéré comme un civil qui a participé directement

4 aux hostilités. La vraie question est de savoir s'il était, oui ou non,

5 membre des forces armées au moment où il a été blessé. Les pièces à

6 conviction P60 et D24 indiquent qu'il était un chauffeur civil qui a dû

7 effectuer certaines tâches en tant que tel. Même s'il reçoit une retraite

8 en tant que vétéran handicapé, à notre avis, ceci n'indique pas, de manière

9 conclusive, qu'il était membre des forces armées à l'époque, au fond, parce

10 que le fait de recevoir une telle pension est apparemment sans aucun lien

11 avec le fait d'appartenir aux forces armées. Nous avons le Témoin Negodic.

12 C'était le chef croate de l'artillerie qui était blessé le même jour. Lui,

13 il a indiqué, au cours de sa déposition, qu'il recevait une retraite de

14 handicapé civil pour les blessures qu'il a subies ce même jour. Ceci figure

15 à la page 5 335 du compte rendu d'audience.

16 Le Procureur considère également qu'il n'y avait pas d'objectifs

17 militaires dans la vieille ville de Dubrovnik le 6 décembre. Le Procureur

18 admet certainement que les positions armées constituent des objectifs

19 militaires légitimes. Mais M. Weiner en a déjà parlé, nous considérons

20 qu'il n'y avait pas de telles positions dans la vieille ville le 6

21 décembre 1991. La Défense considère que la vieille ville était remplie

22 d'objectifs militaires au cours de l'attaque, y compris le siège du comité

23 de crise, les centres dans lesquels on recueillait les informations

24 concernant les unités de la JNA, les postes d'observations, et les membres

25 des forces armées croates.

Page 8661

1 Enfin, le Procureur considère que la Défense essaye de créer --de

2 monter quelque chose de toutes pièces. Le Procureur a déjà parlé, dans son

3 mémoire, des questions liées au quartier général de la cellule de Crise.

4 Ceci est au paragraphe 232 et 233. S'il est vrai que des personnes dans la

5 vieille ville ont observé les navires de la JNA avec les jumelles, ceci ne

6 veut pas dire que l'attaque contre cette position ou contre ces personnes

7 allait permettre à la JNA d'atteindre un quelconque avantage militaire. Le

8 Procureur considère que, même si l'on pouvait parler de certains objectifs

9 militaires dans la vieille ville, il est certain que leur importance sur le

10 plan militaire était moindre. L'emploi des mortiers, tels que ceux qui ont

11 été utilisés le 6 décembre, allait nécessairement provoquer des dégâts

12 disproportionnés, notamment pour ce qui est des civils et des installations

13 civiles. Un agresseur ne doit pas détruire toute la vieille ville ou une

14 grande partie de la vieille ville, afin de détruire un objectif militaire

15 de moindre importance.

16 Enfin, il a été dit que les forces armées croates utilisaient des

17 armes mobiles, telles que les mortiers montés sur des camions, et que

18 l'emploi de telles armes était quelque chose qui mettait la JNA dans une

19 situation de danger. Cependant, dans des opérations de combat, souvent des

20 armes mobiles sont utilisées, telles que, par exemple, les chars. Personne

21 ne suggère qu'un char va rester immobile quelque part, ou un avion de

22 guerre qui doit rester immobile. Au cours de l'attaque de la JNA contre

23 Srdj, ce genre d'armes ont été employées.

24 Personne ne pourrait vraiment dire qu'il serait logique, sur le plan

25 militaire, de lancer une attaque sur les positions d'un char d'il y a deux

Page 8662

1 jours. Il faut adopter la même approche pour ce qui est des mortiers montés

2 sur des camions. Le Procureur considère qu'il faut essayer de déterminer

3 quelles sont les normes appropriées énoncées dans le protocole 1. Si l'on

4 se penche sur l'Article 7 de ce protocole, de l'Article 51, il est écrit,

5 évidemment, qu'il ne faut absolument pas utiliser la présence ou les

6 mouvements de la population civile pour mettre certains points à l'abri

7 d'opération militaire.

8 Il est écrit que, si une partie au conflit viole ces obligations,

9 ceci ne dispense pas l'autre partie du respect de ces mêmes obligations,

10 notamment pour ce qui est des civils.

11 Le Procureur n'admet pas que les armes croates étaient déployées dans

12 la vieille ville ou autour de la vieille ville, mais même si c'était le

13 cas, la JNA devait encore respecter son obligation, à savoir, d'agir de

14 manière proportionnée afin de minimiser les pertes civiles.

15 La Défense a également affirmé que la Croatie avait violé ses

16 obligations en vertu de la convention de La Haye portant sur le patrimoine

17 culturel, en plaçant les positions militaires dans la vieille ville ou trop

18 près de la vieille ville, ou en déplaçant le personnel militaire à travers

19 la vieille ville. Le Procureur admet que, si l'on admet aux soldats en

20 uniforme, les soldats armés, de se déplacer à travers de la vieille ville,

21 s'il y a eu de telles situations, que c'était certainement quelque chose

22 d'absurde. Mais ceci ne justifie certainement pas de dire qu'il s'agissait

23 de mouvement du personnel militaire ou de matériel militaire de telle

24 envergure que ceci permettrait de violer la convention de La Haye.

25 Même s'il y a eu de tels déplacements, ceci n'enlève pas l'obligation

Page 8663

1 de la JNA, vis-à-vis de la vieille ville et de tous les bâtiments de la

2 vieille ville, en vertu de l'Article 3(D) du statut.

3 Le Procureur fait noter qu'il a porté des allégations contre l'accusé en

4 vertu de l'Article 3(D) du statut, ce qui est conforme à la teneur de la

5 convention de La Haye portant sur le patrimoine culturel.

6 Le Procureur considère qu'une approche appropriée dans les affaires

7 relevant de l'Article 3(D) doit tenir compte de la proximité des objectifs

8 militaires afin d'appliquer le principe de la proportionnalité.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Fenrick, les interprètes ont

10 du mal à vous suivre.

11 Peut-être vous pourriez ralentir.

12 M. FENRICK : [interprétation] Je vais essayer de le faire.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

14 M. FENRICK : [interprétation] Un bien qui relève de l'Article 3(D) ne peut

15 pas être pris à part ou complètement -- de manière complètement

16 différenciée, dans le cadre d'une attaque, si une attaque militaire se

17 produit à proximité. Par exemple, s'il y a une usine de chars ou un grand

18 nombre d'armes à certain endroit, par exemple, au milieu de la vieille

19 ville, on ne peut pas dire qu'il s'agit d'objectif militaire. Ils peuvent

20 faire l'objet d'une attaque, sous réserve de l'application de la règle de

21 proportionnalité, et si les dégâts qui sont occasionnés par cette attaque

22 entraînent des pertes disproportionnées parmi les civils ou au niveau des

23 biens à caractère civil, y compris ceux lesquels portent l'Article 3D, à ce

24 moment-là, l'Accusation fait valoir que cet Article 3D a été violé.

25 L'Accusation fait également valoir que, lorsque les édifices ont un

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1 caractère particulier -- un statut particulier, qui les distingue des

2 autres biens à caractère civil, à ce moment-là, nous disons qu'il faudrait,

3 bien que ce soit difficile à calculer, nous disons qu'il faudrait que ces

4 édifices se voient attribuer une valeur supplémentaire dans le cadre de

5 l'application du principe de la proportionnalité.

6 La clé de voûte de l'examen de ces faits incriminés et qui concernent

7 l'accusé, la clé de voûte, ce sont les chefs 3 à 5, ce qui concerne les

8 attaques illégales. L'élément moral concernant ces attaques se trouve dans

9 -- on en trouve le développement dans notre corrigendum qui a été déposé le

10 7 septembre. Nous faisons valoir que l'élément moral et celui de

11 l'intention -- de caractère intentionnel de ces actes, ce qui se retrouve

12 au paragraphe 214 à 214(A) de notre mémoire, c'est-à-dire, que cet élément

13 moral recouvre aussi bien l'intention que le dol éventuel. Je garde --

14 anticipe à la décision dans le procès Galic, ainsi que de l'appel Blaskic,

15 et nous faisons valoir que, si la signification du dol éventuel c'est

16 d'avoir agi en sachant qu'il était très probable que cette infraction

17 allait être commise et, dans ces conditions, si on adopte cette définition,

18 l'Accusation établit l'élément moral de l'attaque illégale au-delà de tout

19 doute raisonnable.

20 L'élément matériel relatif aux attaques illégales, nous le retrouvons

21 au paragraphe 213 du mémoire de l'Accusation, qui reprend le paragraphe 56

22 de la décision Galic, où l'on les définit de la manière suivante : "actes

23 de violence dirigés contre la population civile ou les personnes civiles ne

24 participant pas directement aux hostilités, et entraînant la mort grave --

25 enfin, non, je me trompe en lisant -- entraînant la mort au causant des

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1 atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé."

2 L'Accusation fait valoir que l'élément matériel de l'attaque illégale des

3 biens à caractère civil est très semblable. Qu'une attaque ait été dirigée

4 contre des civils ou contre des biens de caractère civil, cela, c'est

5 l'examen des éléments de preuve qui va permettre de le déterminer. On va

6 s'intéresser aux conséquences de l'attaque, aux circonstances dans

7 lesquelles elles ont eu lieu, y compris la présence éventuelle d'objectifs

8 militaires aux alentours ainsi que l'état d'esprit de ceux qui étaient

9 responsables de cette attaque.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Fenrick, vous vous laissez

11 emporter par votre enthousiasme, mais je vous demanderais de ralentir un

12 petit peu.

13 M. FENRICK : [interprétation] Je m'excuse auprès des interprètes.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il faudrait respirer bien fort entre

15 chaque phrase.

16 M. FENRICK : [interprétation] Je vais essayer.

17 Pour les raisons qui sont énoncées dans notre mémoire aux paragraphes 215

18 et 218, nous avançons également que les attaques auxquelles il est procédé

19 sans discrimination et les attaques disproportionnées peuvent également

20 être considérées comme des attaques directes contre des civils ou contre

21 des biens de caractère civil. L'élément essentiel, la clé de voûte de

22 l'argument de l'Accusation, c'est que l'attaque menée contre la vieille

23 ville était une attaque à caractère intentionnel, et que les pertes civiles

24 ainsi que les dégâts au niveau des bâtiments ne constituent pas la

25 conséquence indirecte ou collatérale des pilonnages qui visaient des

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1 objectifs soi-disant militaires dans la vieille ville ou aux alentours.

2 Bien que le principe de la proportionnalité ait été développé dans notre

3 mémoire, il convient d'y revenir étant donné les arguments qui sont

4 présentés par la Défense dans son mémoire particulièrement aux paragraphes

5 567 à 570, et dans une moindre mesure également aux paragraphes 573 à 580.

6 Si l'on s'intéresse à l'origine du principe de la proportionnalité, je vous

7 dirais quant à moi, que ce concept, il est intimement lié au principe de la

8 distinction. Nous n'avons pas d'instrument du droit conventionnel, de

9 traité qui parle directement de la proportionnalité, et ceci, nous ne

10 l'avons pas eu plutôt jusqu'aux protocoles additionnels des conventions de

11 Genève. Le protocole additionnel, dans de nombreux articles, 51,5B [comme

12 interprété], 57,2A, 85,3, [comme interprété] et cetera, parlent d'excès. On

13 ne parle pas du "concept de la proportionnalité" dans ces articles du

14 protocole additionnel.

15 Cependant, le concept du caractère "excessif" de certains agissements

16 implique la proportionnalité. Il y a une petite différence au niveau de la

17 proportionnalité, de sa définition dans le statut de la Cour pénale

18 internationale, où il est dit qu'il s'agit de manifestations ou d'actes

19 "clairement excessifs". Cela se différencie un petit peu de ce qui figure

20 dans le protocole additionnel des conventions de Genève. Mais les mots sont

21 là. Les mots sont là bien que leur application ne soit pas aussi claire

22 qu'on pourrait l'espérer.

23 Le concept de la proportionnalité ou l'application de ce concept, fait

24 surgir un certain nombre de questions. La première question, c'est de

25 savoir qui doit prendre la décision s'agissant du principe de la

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1 proportionnalité ? Si nous examinons le paragraphe 58 de la décision de la

2 Chambre de première instance dans l'affaire Galic, il y est dit que celui

3 qui prend la décision, doit être raisonnablement informé de la situation

4 dans laquelle l'auteur des actes incriminés à utiliser les informations

5 disponibles. Il est le juge. Donc, il s'agit de déterminer si l'auteur de

6 ces actes pouvait s'attendre à un nombre excessif de victimes parmi les

7 civils suite à l'attaque qui a été menée.

8 La question suivante est encore plus difficile peut-être, c'est-à-dire,

9 qu'est-ce qu'on compare ? Parce que je pense, ici, à ce qui a été dit par

10 de nombreux témoins de la Défense, c'est ce qu'on retrouve dans le mémoire

11 de la Défense. Nous, nous estimons que les choses sont claires. On compare

12 l'avantage direct et concret qui est attendu d'une action, d'une attaque,

13 avec les pertes qui vont en résulter au niveau de la population civile, au

14 niveau des biens de caractère civil ou des deux. On n'est pas en train de

15 comparer les armements d'une partie et de l'autre, de savoir si une des

16 parties en présence était mieux armée ou pas, s'il y en a une autre qui a

17 enregistré plus de pertes parmi ces combattants.

18 La Défense, paragraphe 568 de son mémoire, veut nous faire croire que si

19 cinq soldats de la JNA ont été tués, plusieurs blessés par les tirs

20 croates, le 6 décembre, et seulement deux civils tués et deux blessés dans

21 la vieille ville, à ce moment-là, il n'y a pas lieu de faire appel au

22 concept de la disproportionnalité. Cela n'a rien à voir. Cela ne sert à

23 rien pour déterminer si l'attaque était disproportionnée. Parce que ce que

24 nous comparons, c'est l'avantage militaire qui a été obtenu et les pertes

25 civiles.

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1 Il convient de noter qu'une des applications judiciaires concrètes du

2 principe de la proportionnalité se trouve dans l'affaire Galic, lorsqu'il

3 est question de l'incident ou des faits qui ont eu lieu au cours du match

4 de football de Dobrinje, paragraphes 372 à 387, et plus particulièrement le

5 paragraphe 387 du jugement. Cependant, si on regarde la discussion ou le

6 raisonnement appliqué par la Chambre au match de football de Dobrinje, je

7 vous signale entre parenthèses que c'est un moment où les forces serbes de

8 Bosnie ont pilonné un stade de football où il y avait un match, et ont

9 entraîné un nombre légèrement plus important de victimes parmi les

10 militaires que parmi les civils, la Chambre a appliqué avec -- ou affiné,

11 disons, les critères qui s'appliquaient pour déterminer si lorsqu'il y

12 avait un peu plus de victimes militaires que civiles, on pouvait parler

13 d'attaque proportionnée ou disproportionnée. Parce qu'en fait, ce qu'a fait

14 la Chambre, c'est qu'elle s'est intéressée à l'intention de la force a

15 procéder à l'attaque. L'approche de la Chambre a été la suivante : s'il y a

16 pilonnage d'un match de foot, on peut s'attendre à ce qu'il y ait parmi les

17 spectateurs beaucoup de civils. D'autres personnes aussi, mais l'idée,

18 c'était de se demander ce que ceux qui ont pris la décision dans cette

19 attaque avaient à l'esprit. La Chambre a pensé que ce qu'attendaient les

20 assaillants de cette action, ce qu'ils en attendaient, c'est qu'ils

21 allaient sans doute causer un nombre disproportionné de victimes civiles.

22 Au bout du compte, effectivement, il y a eu des victimes civiles; il y a eu

23 quelques victimes civiles. Inutile, à ce moment-là, de faire les totaux et

24 de se dire : il y a eu plus de victimes militaires, donc, à ce moment-là,

25 ce n'est pas une attaque disproportionnée.

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1 Nous, nous faisons valoir qu'en l'espèce, il convient d'adopter la

2 même approche. Cela sera une bonne idée, parce quelle est la situation pour

3 ce qui nous concerne, nous avons le pilonnage d'une ville peuplée où il y a

4 un grand nombre de civils. Savoir s'il y a eu ou non un grand nombre de

5 civils tués ou blessés pendant l'attaque ne présente pas un caractère aussi

6 pertinent qu'on pourrait le penser. Ce qui est plus important, c'est

7 l'intention de ceux qui ont mené cette attaque parce que, quand on pilonne

8 une ville où il y a des gens qui habitent, on peut s'attendre à ce qu'il y

9 ait un grand nombre de victimes civiles. C'est la seule chose à laquelle on

10 peut s'attendre quand on pilonne la vieille ville de Dubrovnik. C'est qu'il

11 y a des victimes civiles. On ne peut pas s'attendre à procéder à un tel

12 pilonnage, et que ceci entraîne un très grand nombre de victimes

13 militaires.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Fenrick, si on essaie

15 d'appliquer ce principe de la proportionnalité, ou si on essaie de

16 déterminer ce qui constitue une attaque excessive ou une action excessive

17 dans ce contexte, indéniablement, faire le compte des victimes civiles

18 d'une part et des victimes militaires d'autre part ne peut pas constituer

19 un critère acceptable, un critère approprié, étant donné le caractère

20 incertain dans un conflit armé de la possibilité toujours de voir des

21 gens, qu'ils soient civils ou militaires, être blessés, tués, ou s'en

22 sortir par miracle.

23 Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux au lieu de faire cela, comparer

24 l'objectif militaire recherché d'une part, et d'autre part les pertes

25 enregistrées parmi des civils au niveau des biens de caractère civil,

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1 plutôt que de faire des décomptes des victimes de chaque côté ?

2 M. FENRICK : [interprétation] Oui, effectivement. Il ne s'agit pas de faire

3 des totaux, parce que si on compare des choses qui ne sont pas comparables,

4 cela n'arrive à rien du tout. Comment faire des comptes, des décomptes, si

5 d'une part on détruit un char et qu'on blesse dans le même temps un enfant

6 qui se trouve à côté de ce char ? C'est très difficile de procéder en

7 faisant des décomptes de cette sorte. Il faut bien que l'on puisse

8 déterminer l'avantage militaire en prenant compte tous les facteurs. Il ne

9 nous faut absolument pas se contenter de faire des décomptes de victimes.

10 Du point de vue militaire, d'ailleurs, il y a des personnes qui ont une

11 valeur plus importante que d'autres.

12 Par exemple, il suffit de penser à ce qui s'est passé au cours de la guerre

13 qui a eu lieu récemment en Irak. Les forces américaines, à de très

14 nombreuses reprises, se sont efforcées de toucher directement Saddam

15 Hussein, et ont procédé à des attaques dans des lieux où on pensait que

16 Saddam Hussein se trouvait, alors que, finalement, il est apparu qu'il n'y

17 était pas. Dans ce cas, si on disposait d'un renseignement fiable, ce qui

18 n'était pas le cas --

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est rarement le cas en temps de

20 guerre.

21 M. FENRICK : [interprétation] Oui, effectivement, surtout dans le cadre de

22 ce type d'offensive.

23 On peut dire que si on procède à une attaque comme celle de la

24 vieille ville ou de la zone environnante, avec l'intensité qui était celle

25 du conflit de ce moment-là, c'est-à-dire, que c'était un conflit où il y

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1 avait finalement peu de combat. On est en train de parler de Stalingrad

2 ici. Il s'agit d'une unité assez limitée en nombre qui a procédé à une

3 attaque de feu qui a été ouverte pour couvrir cette unité. On peut même

4 dire ici qu'à l'avance, on peut estimer, avant de lancer une attaque, si on

5 va entraîner un nombre disproportionné de victimes civiles. Je ne dis pas

6 que cela soit facile à faire, pas du tout. On pourrait dire que tirer à

7 partir de Zarkovica, où on voit exactement où on tire, ce qu'on va

8 atteindre en tirant, dans ce cas-là, on peut procéder à une estimation

9 réaliste des conséquences.

10 Quand on est dans une situation de guerre au niveau de l'infanterie,

11 on n'est pas dans une situation d'attaque au moyen d'avions de chasse, où

12 il est nécessaire de faire une estimation du nombre éventuel de victimes

13 civiles.

14 C'est beaucoup plus difficile à faire quand on est dans le cadre

15 d'une attaque qui est menée à terre, sur le terrain. Lorsque la situation

16 est extrême, et l'on ne parle pas ici de l'intensité du conflit, mais là,

17 je veux dire qu'on se trouve dans une situation où il était possible

18 d'estimer à l'avance quel serait le nombre de victimes civiles qui

19 résulterait d'une attaque sur Dubrovnik. C'était le cas le 6 décembre 1991.

20 On est en train de parler de méthodologies de combat qui sont complètement

21 différentes.

22 Je vais, si vous me le permettez, poursuivre mon réquisitoire.

23 L'une des autres questions qui est soulevée par la Défense pour ce

24 qui est du principe de la proportionnalité, c'est la question de l'étendue

25 des dégâts. Si on reprend le manuel des forces armées du Canada, on voit

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1 qu'il y a une disposition qui est particulièrement mise en exergue, je cite

2 : "Pour décider si le principe de la proportionnalité est respecté, la

3 norme qu'il convient d'apporter, d'appliquer le critère, c'est celui de la

4 contribution que l'on peut attendre de cette attaque ou de cette opération

5 à la totalité de l'effort entrepris."

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ici, vous parlez d'une des parties en

7 présence, simplement. Quand il y a proportionnalité, il faut prendre en

8 compte les deux parties en présence.

9 M. FENRICK : [interprétation] Quand on parle de l'opération dans son

10 ensemble, on parle d'une opération de grande envergure, et on essaie de

11 déterminer quelle est l'avantage militaire qui va être obtenu en le

12 comparant aux pertes civiles que l'on peut attendre de cette opération

13 pendant le même période de temps. A ce moment-là, effectivement, on a

14 proportionnalité; on a deux choses à comparer.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne vois pas très bien ce que cela

16 apporte de mettre d'une part sur une des plateaux de la balance l'objectif

17 militaire et l'importance que cela recouvre et, sur l'autre plateau de la

18 balance, les conséquences que peut en attendre celui qui prend la décision

19 de mettre l'attaque, les conséquences sur les civils. Il faut bien comparer

20 deux choses si on veut qu'il y ait détermination de la proportionnalité ou

21 pas d'une attaque.

22 M. FENRICK : [interprétation] Je ne sais pas si on détermine. On peut peut-

23 être penser qu'on détermine l'avantage militaire en tenant compte du nombre

24 de victimes que l'on inflige à son ennemi ou à soi-même --

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ou on peut parler aussi des avancées

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1 que l'on fait sur le terrain.

2 M. FENRICK : [interprétation] Oui, indéniablement. Je voudrais faire

3 référence aux paragraphes 222, 224 du mémoire de la Défense parce qu'il y a

4 un certain nombre de pays, et nous, nous avons fait référence au Canada. Il

5 y a un certain nombre de pays, où il est stipulé que, lorsqu'on détermine

6 si une attaque est disproportionnée ou les conséquences d'une attaque sont

7 disproportionnés, on ne prend pas en compte uniquement une attaque dirigée

8 contre un objectif militaire, mais on prend en compte une attaque qui vise

9 toute une série d'objectifs militaires dans le cadre d'une opération de

10 plus grande envergure. Il s'agit là d'une interprétation tout à fait

11 acceptable du protocole additionnel et de la disposition de ce protocole

12 qui a trait au principe de la proportionnalité. Ceci va également dans le

13 sens de l'interprétation qu'on fait des protocoles additionnels, un grand

14 nombre de pays signataires.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous interromps avant que l'on ne

16 voit plus à l'écran certains de mes propos, qui ont mal été transcrits

17 parce que je parlais sans doute trop vite, parce que j'avais dit : je ne

18 comprends pas. Enfin, il est écrit, je cite : "Je ne comprends pas," alors

19 qu'en fait, ce que je voulais dire, c'est que je pouvais très bien

20 comprendre la logique de votre argumentation. J'aimerais que cela soit

21 consigné au compte rendu d'audience.

22 M. FENRICK : [interprétation] Oui. En l'espèce, nous faisons valoir qu'il

23 est tout à fait acceptable, pour déterminer la proportionnalité, de prendre

24 en compte les objectifs militaires un par un. Nous ne pensons pas qu'il

25 soit nécessaire, ici, d'avoir une approche plus globale, beaucoup plus

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1 grande envergure, et ceci pour un certain nombre de raisons. Premièrement,

2 nous ne sommes pas ici dans un procès pour infraction grave constitué par

3 une attaque disproportionnée qui nous contraigne à adopter une approche

4 beaucoup plus globale.

5 L'autre raison qui nous incite à adopter une approche plus tactique,

6 une démarche plus tactique, plus ciblée, plus pointue, c'est que c'est la

7 même approche qui a été utilisée dans l'affaire Galic. Deuxièmement, c'est

8 une démarche qui est courante dans d'autres instances. Il suffit de

9 mentionner, d'ailleurs, nous y faisons référence dans notre mémoire, il

10 suffit de penser à l'étude menée par Amnistie internationale au sujet de la

11 campagne de bombardements en Yougoslavie. L'essentiel de ce rapport tourne

12 autour de la question de savoir si une attaque concernant un objectif

13 militaire donné est proportionnée ou pas. Il y a des rapports semblables

14 qui viennent de l'organisation Human Rights Watch. En fait, le gouvernement

15 américain a adopté la même attitude au Kosovo dans le cadre du bombardement

16 qui s'y est déroulé. L'idée, c'était de déterminer pour chaque objectif

17 militaire, l'éventualité des victimes collatérales.

18 Il y a deux autres arguments à l'appui de ce type de démarches, de notre

19 démarche, en l'occurrence. Premièrement, c'est qu'ici, nous ne sommes pas

20 en train de plaider que la conséquence de l'attaque est disproportionnée,

21 mais qu'il ne s'agit pas d'une attaque dirigée contre la population civile.

22 Nous ne sommes pas en train de viser un seuil plus bas, une norme plus

23 basse qui vous permette de conclure que cette attaque était

24 disproportionnée d'une part, mais, en fait, qu'elle ne visait pas les

25 civils.

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1 Nous pensons également qu'ici, il s'agit d'une norme qui doit être

2 appliquée et qui s'applique aux éléments de preuve qui sont présentés et

3 qui doivent vous permettre de conclure que l'attaque en question était

4 dirigée contre la population civile.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, mais lorsqu'on prend en compte un

6 objectif militaire, la démarche qui consiste à examiner une cible précise,

7 et une autre, alors qu'il y a eu des attaques successives, serait approprié

8 dans certains cas. Mais, si l'on parle d'une attaque de plus grande

9 envergure, d'une campagne de plus grande envergure, une campagne planifiée,

10 avec un objectif global, dont ces cibles individuelles sont les éléments

11 constitutifs, est-ce qu'il n'est pas, à ce moment-là, approprié d'adopter

12 une vue plus large de la situation ?

13 M. FENRICK : [interprétation] Oui, effectivement. Mais on peut toujours

14 faire l'évaluation, objectif militaire par objectif militaire. Permettez-

15 moi d'utiliser un exemple complètement différent. Imaginons qu'on ait

16 quatre ponts qui traversent une rivière, et que l'objectif, c'est

17 d'empêcher les renforts d'arriver vers la partie ennemie. Il est possible

18 qu'on obtienne un avantage très important en détruisant le quatrième pont,

19 après avoir détruit le troisième. C'est vrai que le contexte, il faut le

20 prendre en compte, mais il est toujours aussi utile de se demander, il

21 reste encore un pont et, pour déterminer l'avantage militaire obtenu, on

22 examine quelle va être la conséquence de détruire ce quatrième pont. A ce

23 moment-là, on répondra, l'avantage qui en résultera sera beaucoup plus

24 important que l'attaque des trois autres ponts. C'est quelque chose

25 effectivement auquel on peut procéder objectif par objectif. Mais

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1 effectivement, vous avez raison le contexte est absolument essentiel.

2 Je vais m'écarter un petit peu maintenant du principe de proportionnalité.

3 La Défense, elle-même, semble avoir conclu que les forces croates n'ont pas

4 bombardé la vieille ville, le 6 décembre. Logiquement, puisque personne

5 d'autre n'est disponible, le bombardement a dû être, par conséquent, être

6 fait par la JNA. J'avance, par conséquent, qu'il n'y a que trois solutions

7 possibles. Premièrement, ils ont attaqué la vieille ville. Il s'agissait, à

8 ce moment-là, d'un acte de vengeance ou de vandalisme à caractère

9 militaire, ou ils ont attaqué des objectifs militaires qui étaient censés

10 se trouver dans la vieille ville, ou le troisième argument, c'est ce qu'ils

11 faisaient, ils attaquaient des objectifs qui se trouvaient près de la

12 vieille ville, et ce qui s'est produit, c'est un effet collatéral, quelque

13 chose qui s'est étendu.

14 L'Accusation avance qu'elle a déjà analysé la situation au niveau de la

15 vieille ville; autrement dit, le vandalisme dirigé contre la vieille ville

16 ou la réalisation d'objectifs militaires. Ce que nous aimerions faire,

17 c'est aborder la question de l'attaque des objectifs qui se trouvaient

18 proche de la vieille ville provoquant ainsi des dommages collatéraux. Nous

19 avons ici deux approches différentes qui ont été adoptées par les témoins

20 experts. Si l'on regarde l'approche prise par le colonel Poje de

21 l'Accusation, on serait enclin à conclure qu'il s'agissait d'une

22 probabilité, qu'on ne puisse pas tirer directement sur les objectifs

23 militaires en dehors de la vieille ville, car ceux-ci auraient de toute

24 façon atterri sur la vieille ville.

25 Si, par ailleurs, on accepte l'approche du Dr Vilicic, il semblerait que

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1 les dommages collatéraux, en attaquant les objectifs militaires, les

2 dommages collatéraux provoqués au niveau de la vieille ville, seraient plus

3 plausibles. L'Accusation fait valoir néanmoins que si on lit le mémoire en

4 clôture de l'Accusation, la Défense semble croire qu'en affirmant qu'il y a

5 eu des pertes civiles ou des biens civils constituent des dommages

6 collatéraux, qu'il s'agit là de la théorie de la Défense. Mais ceci est

7 erroné. Il s'agit néanmoins d'évaluer la proportionnalité, et ceci n'a pas

8 été fait. Nous faisons valoir, par conséquent, qu'en premier lieu, la

9 conclusion qu'on en tirerait, c'est que le dommage était disproportionné.

10 Deuxièmement, si on garde à l'esprit les armes de tactique, la tactique

11 utilisée par la Défense, ils n'ont rien fait pour minimiser les pertes

12 civiles.

13 Pardonnez-moi. C'est la JNA qui n'a rien fait pour minimiser ou réduire les

14 dommages. Ils ont utilisé des mortiers dans la région qui ont des portées

15 sur le terrain. Ils ont utilisé des mortiers de 120 millimètres qui peuvent

16 provoquer la mort ou les blessures à 60 mètres. L'arme, elle-même, les

17 projectiles envoyés par un mortier qui pourrait quelquefois être utilisé en

18 temps de guerre dans les zones urbaines, ces obus de mortier n'atteignent

19 pas toujours la cible précisément. En réalité, si on regarde ou lit le

20 témoignage du colonel Poje à la page 6 306, il précise en réponse à une

21 question posée par la Défense, il a indiqué que si on tirait des

22 projectiles de 120 millimètres sur un plateau de mortier, ce qui est

23 hypothétique, si on regardait les tables de ces mortiers, il faudrait

24 environ 2 160 pièces de munitions de 120 millimètres pour avoir 90% et 80%

25 de chance de neutraliser le peloton de mortiers.

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1 Ce qui pose la question, qu'est-il advenu des 2 000 ou quelque obus

2 de mortiers qui n'ont pas atteint le plateau ? Je suppose qu'ils ont été

3 envoyés ailleurs, et je pense qu'ils ont provoqué des pertes civiles ou ont

4 endommagé des biens civils.

5 De plus, pour ce qui est du choix des armes et de la technique

6 d'armes utilisée, le colonel Poje, ici, a fait une déposition que si on

7 souhaite attaquer un objectif ou viser un objectif militaire qui se

8 trouvait près d'une zone sensible comme la vieille ville, il y avait des

9 techniques pour ce faire. Plutôt que d'utiliser l'approche militaire

10 standard, c'est-à-dire, de tirer au-dessus ou de tirer en dessous, et

11 essayer ensuite de cibler davantage et d'essayer d'atteindre l'objectif en

12 question, on pouvait tirer sur le côté et viser une cible sur le côté,

13 utiliser cela comme cible et ensuite se diriger vers l'endroit où se

14 trouvait le véritable objectif.

15 Si on regarde l'annexe 4 dans le mémoire en clôture de l'Accusation,

16 il est clair qu'en regardant la répartition telle que c'est indiquée dans

17 cette annexe, il ne semble pas constater d'effort déployé particulièrement

18 pour essayer d'atteindre des objectifs militaires en dehors de la vieille

19 ville. A ce moment-là, on s'attendrait à avoir une concentration d'obus qui

20 seraient tombés près des murs et des remparts de la ville, ce qui n'est pas

21 le cas.

22 C'est ce qui conclut cette partie de ma présentation qui concerne

23 l'attaque illégale.

24 Si je puis simplement pour terminer en ce qui concerne cet argument,

25 à savoir, l'attaque illégale. Ma consoeur m'a précisé que je n'ai peut-être

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1 pas été aussi clair que prévu concernant certains points. Notre argument,

2 en tout cas, en ce qui concerne M. Valjalo, c'est qu'il s'agissait,

3 effectivement, bien d'un civil, ce n'était pas un membre des forces armées,

4 et ce n'était pas un civil qui prenait part aux hostilités. Deuxièmement,

5 j'ai évoqué la définition de la Cour pénale internationale, le principe de

6 la proportionnalité et du terme "excessif". Je n'ai dit en aucune manière

7 que ces deux termes pourront être utilisés ici. Nous nous reposons, ici,

8 sur le terme utilisé par les différents protocoles cités, et qui utilisent

9 ce terme "excessif".

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avant de poursuivre, si vous en avez

11 terminé sur ce sujet-là, eu égard à l'hypothèse que vous avez avancée, à

12 savoir que la JNA ce jour-là a dirigé ces tirs de mortiers sur des cibles

13 militaires proches ou à l'extérieur de la vieille ville puisqu'ils avaient

14 une cible élargie, vous avez critiqué le choix des armes fait par la JNA.

15 Quel type d'armes, hormis les mortiers, pensez-vous qu'ils auraient pu

16 utiliser ?

17 M. FENRICK : [interprétation] Les armes à leur disposition étaient des

18 Maljutka, d'après ce que nous en savons, des canons sans recul de 82

19 millimètres. Ces deux types d'armes étant beaucoup plus précis, ou

20 pouvaient être beaucoup précises lorsque utilisées par des personnes

21 compétentes, plus précises que des mortiers.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La portée est quelque chose à prendre

23 en compte.

24 M. FENRICK : [interprétation] Oui, mais pas tellement pour les Maljutka.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour ce qui est des cibles ou de la

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1 visée d'une cible ou d'une zone prise pour cible.

2 M. FENRICK : [interprétation] C'est exact.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avons beaucoup d'éléments

4 présentés dans ce cas-là. Peut-être qu'ils visaient des positions de

5 mortiers cachés dans des parcs ou des cours de tennis que l'on ne pouvait

6 pas voir. Un Maljutka est une arme qui utilise la ligne la visée. Si vous

7 ne pouvez pas voir, vous ne pouvez pas utiliser cette arme.

8 M. FENRICK : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que

9 l'argument que nous avons avancé est que les mortiers constituent l'arme

10 appropriée dans toute une série de circonstances. Si ce type d'arme doit

11 être utilisée, et si on tire à partir d'une telle arme, et si les forces

12 croates utilisent ce type d'armes puisqu'elle se situe à un endroit assez

13 proche de la vieille ville, s'il n'y a rien de disponible, rien d'autre

14 dans leur champ de visée, nous avançons, à ce moment-là, qu'il faudrait

15 prendre deux choses en compte. Premièrement, qu'il existe, effectivement,

16 cette technique d'approche qui permet de s'approcher d'un objectif

17 militaire avant de tirer sur un objectif militaire qui est proche de

18 quelque chose comme la vieille ville, qui ne semble pas avoir été pris pour

19 cible. Deuxièmement, quelle que ce soit l'appui, ceux qui utilisent les

20 armes à l'appui, je crois qu'il est important de prendre en compte le

21 principe de proportionnalité ici.

22 Pour reprendre l'exemple que j'ai utilisé tout à l'heure, il a fallu

23 quelque centaines de pièces d'un mortier pour neutraliser un autre objet,

24 peut-être un autre mortier, et qu'un autre mortier était près de la vieille

25 ville, et celui qui était en train de tirer ne peut pas ignorer cette

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1 équation fournie sur la proportionnalité, il ne peut pas simplement dire :

2 je dois viser cet objectif militaire. Ce qu'il doit dire : si une attaque

3 vise cet objectif militaire, d'après mes meilleures estimations, il s'agit

4 d'un principe de proportionnalité ici, et je peux tirer dessus, et je dois

5 tirer dessus. Si on ne peut pas, à ce moment-là, il ne faut pas tirer si on

6 ne vise pas un objectif militaire.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne souhaite pas vous retarder

8 davantage concernant ce point-là, M. Fenrick.

9 M. FENRICK : [interprétation] Je suis en train de mordre sur le temps de

10 mes confrères et consoeurs.

11 Vous remarquerez que, dans les arguments présentés, nous avons parlé

12 des conflits armés internationaux, et la Défense a fait valoir, au

13 paragraphe 619, que nul n'ait besoin pour ce Tribunal et la Chambre

14 d'aborder la question du conflit armée internationale. Notre approche est

15 peut-être quelque peu différente et fondée sur une prudence excessive. Nous

16 avançons que tous les délits commis -- les crimes commis ont été commis,

17 soit dans un conflit armé interne, soit dans un conflit armé international.

18 Mais nous ne représentons, ni la Chambre de première instance ici, ni la

19 Chambre d'appel. C'est la raison pour laquelle, par excès de prudence, nous

20 proposons que la question du conflit armé international est un point sur

21 lequel nous avons fourni un nombre très important d'éléments de preuve.

22 Nous estimons que c'est simplement au vu des faits que, le 6 décembre 1991,

23 il s'agissait, effectivement, à ce moment-là, d'un conflit armé

24 international.

25 Le dernier commentaire que je vais faire valoir est extrêmement court, et

Page 8682

1 c'est tout à fait compréhensible. Il s'agit de modes de responsabilité.

2 Nous avons déjà abordé la question des différents types de responsabilité

3 dans notre mémoire, à l'exception peut-être de l'Article 7.3, la

4 responsabilité au niveau du commandement. Bien évidemment, il y a eu là

5 quelques éléments de jurisprudence qui ont été pris en compte, des éléments

6 assez récents. Nous avons ici le critère en général appliqué à la

7 responsabilité en matière de commandement. Il faut établir l'existence

8 d'une relation entre subordonné et supérieur hiérarchique. Il faut

9 clairement établir le fait que le supérieur hiérarchique savait que de tels

10 actes pouvaient être commis, et il n'a rien fait pour empêcher qu'ils

11 soient commis.

12 Nous avançons qu'un élément-clé ici, et qui doit être clairement établi,

13 c'est effectivement l'existence d'un rapport entre supérieur hiérarchique

14 et subordonné. Le critère essentiel a été défini dans la décision Celebici,

15 et confirmé par la Chambre d'appel. Au paragraphe 378 : "Pour que le

16 principe de responsabilité des supérieurs hiérarchiques soit appliqué, il

17 est important que le supérieur hiérarchique ait le contrôle effectif sur

18 les personnes commettant ces violations sous-jacentes du droit humanitaire

19 international, à savoir, qu'il avait la possibilité matériel de punir la

20 commission de tels crimes et les personnes qui commettaient ces crimes."

21 Eu égard à cela, nous avançons, qu'il y ait le contrôle effectif ou non,

22 est quelque chose qui repose sur les faits essentiellement; et qu'en

23 réalité, le contrôle effectif est quelque chose qui peut être déterminé sur

24 -- qui peut être compris de jure et de facto -- la responsabilité de jure

25 et de facto. Un élément qui a été abordé lors de la décision rendue dans

Page 8683

1 l'affaire Blaskic, je ne sais pas s'il faut établir si oui ou non une

2 personne exerçant le contrôle effectif a donné des ordres et si on a obéi à

3 ces ordres. Nous avançons que la capacité à donner des ordres constitue une

4 composante essentielle du contrôle effectif. Mais cela étant dit, il ne

5 s'agit pas simplement du seul élément ici. Nous disons que, d'aucune

6 manière, l'accusé ou toute autre personne pourrait dire : j'ai donné une

7 directive générale, et le droit de la guerre doit être observé. Mes

8 subordonnés n'ont pas observé le droit de la guerre, par conséquent, je

9 n'exerçais pas le contrôle effectif. Ce type d'argument m'apparaît tout à

10 fait absurde.

11 Merci, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur

13 Fenrick.

14 Je crois que le moment est opportun pour faire une pause, et nous allons

15 reprendre à 15 heures 15.

16 --- L'audience est suspendue à 14 heures 52.

17 --- L'audience est reprise à 15 heures 19.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Somers.

19 Mme SOMERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame,

20 Monsieur les Juges. Simplement pour reprendre ce que

21 M. Fenrick a évoqué un peu plus tôt. C'est l'argument de l'Accusation de

22 dire que, le 6 décembre, la prise de Srdj ne présentait aucun avantage

23 militaire. La campagne de Dubrovnik devait se terminer compte tenu des

24 éléments présentés dans le témoignage de M. Rudolf et l'amiral Jokic.

25 Autrement dit, l'objectif du 5 et du 6 décembre portait sur des

Page 8684

1 négociations importantes sous l'aile protectrice de la communauté

2 internationale entre les Croates -- la Croatie et la RSFY, la JNA, aux fins

3 de retrait de la JNA de la Croatie. C'est incohérent de parler de campagne

4 militaire dans ce contexte.

5 Il est vrai que le conflit avait éclaté. Le Procureur avance également que

6 les coups tirés par la JNA n'étaient pas des coups pour assurer la

7 protection de la région, mais il s'agissait plutôt d'une opération

8 offensive, et tous tirs aux fins de protéger la ville auraient dû faire

9 cesser les hostilités. Les parties auraient négocié -- auraient dû négocier

10 immédiatement la cessation des hostilités, et une certaine retenue, qu'a

11 abordée le général Zoric, dans ces circonstances -- cela aurait été, dans

12 ces circonstances, l'option choisie par le 2e Groupe opérationnel et son

13 commandement, ce qui n'a pas été le cas.

14 En outre, je pense que nous avons fait référence ce matin, mais je souhaite

15 m'en assurer que la Chambre de première instance en sait, qu'Ivan Negodic a

16 évoqué une conversation entendue comme suit : "Commandant, que devons-nous

17 -- sur quoi devons-nous tirer ?" La réponse était : "Tout constitue une

18 cible."

19 Je crois qu'il s'agit ici d'un non-respect du principe de la

20 différenciation qui a été mis en lumière par le témoignage Novica Nesic, le

21 chef de l'artillerie, qui a constitué un exemple grotesque.

22 La question qui lui a été posée était comme suit : "Nous n'avons pas

23 surveillé les mouvements des civils. Nous devons nous occuper plus

24 principalement du mouvement des cibles. Notre rôle consistait à observer

25 les cibles militaires. Après tout, les civils se déplaçaient dans la ville

Page 8685

1 de Dubrovnik au quotidien. Néanmoins, nous ne les observions pas. Cela

2 n'était pas pertinent pour nous." C'est le compte rendu d'audience à la

3 page 8 227.

4 "Nous remarquions des personnes au quotidien, des rassemblements de

5 personnes dans la vieille ville. Encore une fois, je dois dire que ceci ne

6 présentait aucun caractère pertinent pour nous." Retranscription des propos

7 de Nesic à la page 8 228.

8 "Les civils se déplaçaient dans la vieille ville et sur la Stradun et ce,

9 au quotidien -- chose que nous avons pu observer au quotidien. Mais ceci

10 n'avait aucune pertinence au plan militaire pour nous. Les personnes se

11 déplaçaient en ville. Nous n'avons pas enregistré de données à cet égard,

12 car ceci n'était pas -- ne constituait pas des éléments importants pour

13 nous. Ces personnes ne constituaient aucun danger pour nous, donc pourquoi

14 devais-je m'occuper de quelques civils qui se déplaçaient et qui étaient

15 occupés à la tâche quotidienne." Il s'agit du compte rendu d'audience ici,

16 8 229.

17 Ceci pour parler de la mise en place du principe de différenciation.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pardonnez-moi, mais je ne vois pas en

19 quoi ceci s'applique au principe de distinction -- de différenciation entre

20 ce qui est militaire et ce qui est civil.

21 Mme SOMERS : [interprétation] M. Nesic a suggéré que le risque à prendre en

22 compte était le risque qu'encourraient les troupes de la JNA eu égard aux

23 civils, autrement dit, ce que les civils pouvaient faire n'était pas

24 quelque chose qu'il avait à l'esprit. C'est, en tout cas, comme cela que

25 nous avons interprété les éléments de preuve, et on n'a absolument pas tenu

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1 compte de leur présence. L'état d'alerte était tel que -- s'il y avait un

2 état d'alerte, les civils n'étaient pas leur préoccupation essentielle.

3 Cela indique simplement quel était leur objectif qu'ils avaient à l'esprit,

4 autrement dit, les civils n'étaient pas de grande importance.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que vous présentez différents

6 éléments de preuve par rapport à différentes situations. Il y a des

7 commentaires, d'après le témoignage de M. Nesic, et je constate maintenant

8 -- je comprends ce que vous entendez au niveau des faits et je vois où vous

9 voulez en venir, et comment vous faites un lien avec son commentaire, et

10 comment ceci peut illustrer quelque chose de tout à fait différent, à

11 savoir qu'un poste d'observation militaire observe des actions militaires

12 dans la ville de Dubrovnik et, par conséquent, ne se souciait pas des

13 gestes et mouvements des civils au quotidien.

14 Mme SOMERS : [interprétation] La surveillance de civils est importante si

15 on veut savoir ce que l'on le fait de son équipement militaire, quelque

16 chose dont on n'a pas tenu compte lorsqu'on a pris des décisions.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

18 Mme SOMERS : [interprétation] L'existence d'un lien hiérarchique entre un

19 supérieur hiérarchique et un subordonné, comme nous l'avons précisé,

20 constitue un des éléments fondamentaux ici, eu égard à l'Article 7.3, la

21 détermination de la responsabilité. De façon générale, lorsqu'on --

22 l'accusé et le rôle de l'accusé, en terme des Unités du 2e groupe -- de

23 toutes les Unités du 2e Groupe opérationnel, pour la période concernant

24 l'acte d'accusation, l'accusé avait exercé, pendant toute la période ici,

25 le rôle de supérieur hiérarchique et avait l'entière responsabilité pour

Page 8687

1 les attaques illégales contre la vieille ville.

2 La 9e VPS et la Brigade motorisée 472 étaient -- constituaient des

3 formations qui importent sur la période mentionnée dans l'acte

4 d'accusation, étaient subordonnées au 2e Groupe opérationnel pour des

5 raisons opérationnelles. En réponse à certains éléments présentés par le

6 mémoire en clôture de la Défense, l'état-major général est un endroit où le

7 concept stratégique pouvait être appliqué. Ce n'était pas au niveau

8 opérationnel. Le général Zoric, d'après son témoignage, serait très utile

9 en la matière pour essayer de comprendre la différence qui a été établie

10 par l'Accusation dans les éléments présentés. L'état-major général

11 fournissait des éléments stratégiques pour les différentes opérations,

12 alors que les décisions au niveau tactique -- au niveau opérationnel et

13 déploiement des unités, la changement de subordination sur des unités, les

14 ordres de combat ont été effectués au niveau du commandement opérationnel,

15 autrement dit le 2e Groupe opérationnel, commandé par l'accusé, Pavle

16 Strugar.

17 En réalité, le commandant du 2e Groupe opérationnel a donné des ordres de

18 combat, et au P19 [comme interprété] et P21 [comme interprété], et D47 qui

19 couvre une série de questions relatives à la présence sur l'eau aux

20 différents éléments.

21 Vous remarquerez que la 472e Brigade était tout à fait unique dans le sens

22 où il s'agissait d'une force de frappes. Il s'agissait d'une formation qui

23 pouvait répondre à des exigences bien particulières, et qui pouvait

24 répondre aux objectifs fixés par le 2e Groupe opérationnel. Il était dirigé

25 en conséquence avec des matériels et équipements dans ce but.

Page 8688

1 Nous souhaitons rappeler à la Chambre de première instance que les

2 frontières dessinées sur les cartes D41 et D42 n'avaient aucune incidence

3 ou pertinence eu égard aux opérations menées par le 2e Groupe opérationnel

4 dans la région de Dubrovnik.

5 Si je regarde maintenant, rapidement, la 472e Brigade motorisée,

6 l'état-major général a choisi en particulier cette brigade, et l'a

7 resubordonnée au 2e Groupe opérationnel au même niveau que les formations

8 des corps d'armée. La Brigade était composée de quatre bataillons. Les

9 bataillons étaient équipés des mortiers de 82 millimètres, de canons sans

10 recul, de lance-roquettes à main, de lance-roquettes à main, Maljutka, et

11 cetera. Je souhaite attirer l'attention de la Chambre de première instance

12 aux pages 38 et 40 pour qu'elle sache de quoi était équipé chaque

13 bataillon.

14 Nous avons présenté les éléments de preuve devant cette Chambre indiquant

15 que l'emploi des armes de la part du bataillon allait souvent au-delà des

16 nécessités strictement militaires et des besoins des opérations de combat.

17 Je souhaite attirer l'attention de la Chambre à la déposition de l'amiral

18 Jokic, 3 869, la page du compte rendu d'audience.

19 Je souhaite rappeler à la Chambre que l'arrivée du capitaine

20 Kovacevic en tant que commandant impliquait qu'une discipline véritable

21 régnait.

22 Le témoin expert, le général Zoric, a déposé sur la base des

23 documents qu'il a examinés, et il a dit que ceci lui a suffit pour conclure

24 que le commandant du 2e Groupe opérationnel avait l'autorité exclusive pour

25 effectuer les tâches qui lui avaient été confiées. Il avait tout ce qui

Page 8689

1 était nécessaire afin de commander toutes les unités qui lui étaient

2 subordonnées. Ceci figure aux pages 6 704 et 6 705 du compte rendu

3 d'audience. Puis, nous avons la pièce à conviction D44 qui montre que le 2e

4 Groupe opérationnel avait une zone de responsabilité plus vaste que celle

5 de la ville de Dubrovnik.

6 Nous avons entendu beaucoup de discussions concernant la double

7 chaîne de commandement. Le Procureur considère qu'il n'y avait pas de telle

8 double chaîne de commandement en ce qui concerne le 9e Secteur naval

9 pendant la période recouverte par l'acte d'accusation. En ce qui concerne

10 le KVPO, le seul lien était les liens administratifs et aucune autre

11 formation supérieure ne pouvait donner des ordres opérationnels de combat

12 au 9e Secteur naval, qui était, de toute évidence, subordonné au 2e Groupe

13 opérationnel placé sous le commandement de l'accusé, général Strugar.

14 Pour ce qui est des activités ou des préoccupations du VPO, nous avons

15 parlé des approvisionnements des navires, et nous avons également la pièce

16 D96 qui pourrait vous être utile. Page 64 de D96, à 14 heures 41, en ce qui

17 concerne le déploiement des unités du 9e Secteur naval et de l'Unité du

18 commandant de la flotte, indique la nature de leur rapport. La chaîne de

19 commandement fonctionnait à merveille.

20 Elle était structurée conformément aux règles régissant la structure

21 de l'état-major. Le 2e Groupe opérationnel avait des organes qui lui

22 permettaient de contrôler les opérations de combat. Il revenait à l'accusé

23 de décider si, oui ou non, il allait les employer. Le Procureur considère

24 qu'il a été prouvé, au-delà de tout doute raisonnable, que l'accusé,

25 général Strugar, était de jure le commandant des forces du 2e Groupe

Page 8690

1 opérationnel et, de facto, les éléments de preuve ont indiqué qu'il

2 exerçait le contrôle et le commandement sur ces unités, que ces ordres

3 étaient exécutés lorsqu'il souhaitait que ceci soit le cas et, lorsque ceci

4 n'était pas le cas, il passait cela sous le silence. Or, nous considérons

5 qu'il s'agit-là d'effectuer son rôle de commandant de manière

6 irresponsable, et dans l'affaire présente, criminelle. Dans le jugement en

7 l'appel Celebici, je souhaite attirer votre attention sur les paragraphes

8 192 et 256.

9 Nous avons eu des éléments de preuve indiquant clairement que le

10 concept de commandement unifié au sein de la JNA était de règle, et était

11 respecté dans le contexte des faits qui entourent notre acte d'accusation.

12 Dans le contexte d'un système de commandement centralisé au sein de la JNA,

13 il n'y avait pas de possibilité d'avoir des chaînes de commandement

14 parallèles au sein du 2e Groupe opérationnel, et les unités ne pouvaient

15 pas agir en dehors de l'autorité du 2e Groupe opérationnel. Nous souhaitons

16 attirer votre attention sur la déposition de l'amiral Jokic, page 3 411 et

17 du général Zoric, 6 594.

18 Le commandant du groupe opérationnel était le seul qui donnait des

19 ordres à ceux qui étaient placés sous ce commandement.

20 Les relations différentes entre le commandant et les officiers au sein du

21 2e Groupe opérationnel, tel que, par exemple, l'amiral Jokic, au nom du 9e

22 Secteur naval qui était subordonné au général Strugar, tout ceci reflète

23 une grande gamme d'attitudes, et d'après le Procureur, ceci est devenu tout

24 à fait clair le 6 décembre.

25 Nous avons eu beaucoup d'éléments de preuve indiquant que même si

Page 8691

1 formellement l'accusé disait qu'il souhaitait exécuter l'ordre émanant de

2 Belgrade visant à résoudre le problème à Dubrovnik de manière paisible, en

3 effet, ses actes et ses attitudes allaient dans le sens inverse. Il était

4 en contact avec le colonel Sikimic, et nous avons pu entendre que les

5 représentants internationaux considéraient que Sikimic ne devait pas

6 remplir ces fonctions, et le fait que l'accusé a retenu cette personne

7 prouve qu'il ne prêtait aucune attention à la manière dont ceci devait être

8 conçu par les autres.

9 Ensuite, pour ce qui est de l'intention réelle d'atteindre la paix et pour

10 ce qui est de l'ultimatum en 11 points d'octobre 1991, son but n'était

11 jamais qu'il soit accepté. Finalement, les preuves de bonne foi de l'accusé

12 étaient purement factices. Du point de vue du Procureur, l'accusé cherchait

13 une solution militaire, et non pas paisible aux problèmes de Dubrovnik.

14 Si l'on se penche sur un autre commandant, l'amiral Jokic, le Procureur

15 considère que son comportement et son attitude, conformément aux dires du

16 témoin Davorin Rudolf, reflètent son intention d'atteindre une solution

17 paisible à la crise ou au conflit militaire. Malheureusement, il a été

18 empêché d'effectuer cela par plusieurs éléments du 2e Groupe opérationnel,

19 et notamment, son supérieur hiérarchique, l'accusé dans l'affaire présente.

20 Je vais maintenant parler des opérations de combat du 2e Groupe

21 opérationnel dans le but d'effectuer un blocus contre Dubrovnik, et puis,

22 je vais parler des ordres de combat quotidien. Le Procureur considère qu'il

23 serait suffisant de se pencher sur les pièces P119 et P121 pour voir de

24 quelle manière l'accusé contrôlait directement les opérations de combat.

25 Bien sûr, ceci inclut les ordres données au 3e Bataillon de la 472e Brigade

Page 8692

1 motorisée qui a été responsable du pilonnage de la vieille ville le 6

2 décembre, et l'unité concernant laquelle l'accusé savait le 6 décembre

3 qu'elle était soupçonnée d'avoir été responsable du pilonnage au mois de

4 novembre, pilonnage qui n'a été puni, ni sanctionné, de quelque manière que

5 ce soit, et aucune enquête n'a été lancée à ce sujet, non plus.

6 La Défense dans son mémoire soulève la question de la tentative prétendue

7 de l'amiral Jokic de lever le blocus vers le 11 novembre, ce qui suggère

8 que le VPO avait plus de pouvoir par rapport au 2e Groupe opérationnel. Or,

9 ceci est un mensonge. Nous souhaitons attirer l'attention de la Chambre à

10 une explication qui est tout à fait fondée et qui se base sur le témoin de

11 la Défense, Drljan. Le blocus avait été instauré par le conseil de Sécurité

12 des Nations Unies. Il ne s'agissait pas d'un blocus imposé par le biais du

13 document contenu dans la pièce D44 et, compte tenu du concept de

14 commandement unifié au sein de la JNA, il est certain qu'il ne pouvait pas

15 commander le 2e Groupe opérationnel.

16 Nous avons eu plusieurs éléments de preuve contenant des ordres de combat,

17 mais nous n'avons pas eu d'ordres de combat émanant de l'accusé et

18 indiquant qu'il fallait empêcher les attaques contre la vieille ville.

19 Nous souhaitons attirer l'attention de la Chambre au jugement en

20 appel dans l'affaire Blaskic rendue récemment qui constitue un autre

21 exemple du contrôle effectif exercé par le commandant. La Chambre d'appel a

22 conclu que les indices du contrôle effectif se limitent à montrer que

23 l'accusé avait le pouvoir d'empêcher de punir et d'initier des mesures qui

24 allaient donner lieu à des poursuites à l'encontre des auteurs de crimes.

25 Je vous cite le paragraphe 69 du jugement en appel dans l'affaire Blaskic.

Page 8693

1 L'accusé disposait d'organes nécessaires afin de prendre des mesures

2 disciplinaires. Une personne a été poursuivie devant le tribunal militaire

3 de Sarajevo en janvier 1992 pour les événements qui se sont déroulés dans

4 le 2e Groupe opérationnel en novembre 1991.

5 Le Procureur considère que le système de communication était efficace et

6 permettait à l'accusé de communiquer avec ses unités subordonnées, et que

7 le 6 décembre, il y avait une communication entre l'accusé et ses

8 commandants subordonnés, de même que son personnel tout au long de la

9 journée, et notamment, pour ce qui est de l'attaque. Nous souhaitons

10 attirer l'attention de la Chambre à la déposition de l'amiral Jokic, page

11 4 891, de même que le journal qui constitue la pièce D96 où nous trouvons

12 des messages envoyés à et émanant du 2e Groupe opérationnel, de son

13 commandement qui concerne, par exemple, le fait qu'il fallait éteindre les

14 feux. Il est certain que la communication fonctionnait ce jour-là.

15 Nous avons eu des éléments de preuve indiquant que sur le plan

16 matériel, l'accusé était capable de sanctionner ses subordonnés. L'accusé,

17 et ceci est corroboré par les propos du général Zoric qui a dit cela :

18 "Même au moment le plus haut du commandement, il n'y a pas vraiment de

19 différence qualitative, car les informations affluaient de bas en haut de

20 la chaîne de commandement. Si l'on décidait d'ignorer une information, il

21 s'agissait là d'une décision consciente.

22 Le contrôle de l'accusé pour ce qui est théâtre des opérations de

23 Dubrovnik, ce contrôle était absolu et portait même sur des affaires

24 civiles. Je souhaite, notamment, attirer l'attention de la Chambre sur la

25 déposition du Témoin Kurdulija, qui était le commandant de la ville de

Page 8694

1 Cavtat, et qui était directement subordonné au colonel Pipovic au sein du

2 2e Secteur naval jusqu'à la mi-décembre 1991.

3 Ensuite, lorsque le 2e Groupe opérationnel est entré à Mokosica, il n'y

4 avait pas de combat là-bas. Les représentants de la Communauté européenne,

5 le ministre Kuchner étaient sur place. Je souhaite citer la déposition de

6 l'amiral Jokic 4429 [comme interprété] à 52. Pour ce qui est de la

7 militarisation, il faut savoir que des négociations se déroulaient entre le

8 2e Groupe opérationnel et le comité de crise plusieurs fois entre octobre

9 et décembre. Parfois l'accusé lui-même menait des négociations, et parfois

10 il envoyait un officier, un colonel qui n'était pas accepté par la

11 communauté internationale.

12 Le Procureur souhaite également indiquer que l'accusé avait délégué

13 certains pouvoirs à l'amiral Jokic. Nous souhaitons attirer l'attention de

14 la Chambre à la réunion qui a eu lieu à Tivat avec les ambassadeurs et les

15 journalistes. L'ambassadeur Fietlaars a dit qu'il avait appris de la part

16 de Belgrade qu'il fallait avoir cette réunion avec le général Strugar : "Et

17 apparemment l'amiral Jokic, mais le général Strugar n'était pas

18 disponible."

19 Ensuite, nous souhaitons attirer l'attention de la Chambre sur le mois de

20 décembre. Les négociations qui ont eu lieu au mois de décembre avec le

21 ministre Rudolf qui a confirmé que Zagreb, par le biais du général Raseta a

22 contacté Belgrade et que des regrets avaient été exprimés, mais que

23 l'amiral Jokic avait reçu sa tâche de la part du général Strugar. Nous

24 souhaitons également attirer votre attention sur le fait qu'aucune

25 explication des violations du droit humanitaire international n'a été

Page 8695

1 fournie aux représentants de la communauté internationale, par exemple, à

2 l'ambassadeur Fietlaars. On n'a pas essayé de chercher une solution

3 paisible au conflit, alors que ceci constituait la mission du ministre

4 Rudolf.

5 Nous avons entendu, à plusieurs reprises, les suggestions selon lesquelles,

6 que compte tenu du fait que l'amiral Brovit ou le général Kadijevic avait

7 pu s'adresser à l'amiral qui était subordonné à l'accusé directement, que

8 ceci indiquait que la chaîne de commandement n'était pas solidement en

9 place. Nous considérons que ceci est entièrement erroné, et nous pouvons

10 conclure cela sur la base de la déposition du général Zoric, 6624 à 25. "Le

11 secrétariat fédéral est, en fait, supérieur dans la chaîne de commandement

12 et peut s'adresser à qui que ce soit pour lui confier certaines tâches. Il

13 n'est pas du tout inhabituel si le général Kadijevic a convoqué le général

14 Strugar même s'il n'y avait pas de rapport direct de supérieur hiérarchique

15 entre les deux."

16 En ce qui concerne le commandement le 6 décembre, nous souhaitons attirer

17 votre attention sur le contre-interrogatoire du témoin de l'Accusation. Le

18 colonel Colm Doyle, qui était dans le quartier général de l'accusé, vers

19 midi, le 6 décembre, au cours du contre-interrogatoire, apparemment, la

20 Défense a essayé de contester qu'une telle réunion ait eu lieu. Ensuite, il

21 y avait une tentative de présenter le colonel Doyle comme quelqu'un qui ne

22 pouvait pas suivre la situation et qui avait complètement mal interprété la

23 déclaration de l'accusé. Le Procureur considère qu'il n'y avait pas de

24 malentendu dans ce qu'avait compris le colonel Doyle. Ceci est lié

25 directement au commandement et exercé par l'accusé sur ces unités ce jour-

Page 8696

1 là à Dubrovnik. Peut-être il était regrettable si l'accusé a fait la

2 déclaration en question, mais cette déclaration était exacte. Un témoin

3 médecin a fait une tentative ridicule visant à décrédibiliser le témoin,

4 colonel Doyle, sur la base de la manière dont il prenait des notes.

5 Il est clair que la Chambre devrait rejeter entièrement la déposition du Dr

6 Sikimic, qui n'est pas du tout plausible ni croyable.

7 L'accusé détenait le pouvoir lui permettant de punir et d'empêcher

8 les crimes. Il pouvait prendre des mesures visant à avancer des poursuites

9 contre les auteurs de crimes et du pilonnage dans la vieille ville. Il a

10 tout simplement choisi de ne pas exercer son autorité dans ce sens plutôt

11 que d'aller au lieu du crime, le

12 6 décembre à l'endroit dont ces unités tiraient sur la ville, et plutôt que

13 de leur dire d'arrêter de tirer. Il perdait son temps avec le colonel

14 Doyle, alors qu'il aurait pu utiliser ce temps de manière utile afin

15 d'empêcher les dégâts horribles infligés à la vieille ville de Dubrovnik.

16 Il est clair que les Unités du 2e Groupe opérationnel n'ont pas

17 respecté le cessez-le-feu et n'ont pas tenu compte des avertissements selon

18 lesquels ils ne devaient pas mener d'activités militaires de grande

19 envergure pendant la période du cessez-le-feu. La Chambre peut également se

20 pencher sur les entrées portant sur la date du

21 5 décembre, où il est tout à fait clair que les préparatifs étaient en

22 cours pour les pourparlers de paix, que des discussions étaient en cours

23 concernant le sauf-conduit, ce qui indique clairement que l'on s'apprêtait

24 à mettre fin aux hostilités. Au moins, c'était envisagé par l'amiral Jokic.

25 L'amiral Jokic avait clairement, entièrement l'intention de respecter les

Page 8697

1 négociations de paix et de signer un accord de paix et de le mettre en

2 œuvre.

3 Je souhaite également que la Chambre se penche sur la date du

4 4 décembre, pièce D96, page 59, l'entrée portant sur 7 heures 50. [comme

5 interprété] Nous voyons que le ministre de Dubrovnik devait arriver vers

6 13 heures de Split à Dubrovnik. Clairement, le 2e Groupe opérationnel était

7 au courant de la présence de ces personnes. Nous avons des documents qui

8 corroborent cela. Ceci fait partie de la pièce D96. Je pense que la Chambre

9 a fait cette même observation, a observé que la pièce D96 ne nous fournit

10 pas la chronologie totale des événements. Cependant certains passages sont

11 tout à fait pertinents.

12 Nous allons momentanément revenir aux organes dont disposait l'accusé en

13 cas de la violation de la discipline. On a entendu une suggestion selon

14 laquelle, compte tenu de la confusion et de la situation politique

15 difficile des déplacements de la part de Split, il n'y avait pas

16 suffisamment de personnel militaire ni d'organe de sécurité. Ceci est tout

17 à fait inacceptable. Le général Zoric a dit qu'il était du devoir du

18 commandant de les trouver. Qu'il s'agisse du temps de paix ou du temps de

19 guerre, il est nécessaire de répondre aux violations criminelles, et ceci

20 est corroboré par les propos du général Zoric.

21 Un témoin de la Défense, M. Djurisic, a déposé, en disant que le 9e

22 Secteur naval a disposé des Unités de Police militaire qui pouvaient agir

23 au cas où des crimes étaient commis. M. Djurisic a dit que l'omission de

24 prendre de telles mesures pouvait créer une impression qu'il était possible

25 de commettre des crimes en toute impunité. Bien sûr, cette unité était

Page 8698

1 directement subordonnée au

2 2e Groupe opérationnel.

3 Nous notons également les éléments de preuve documentaire et sous

4 forme de déposition concernant plusieurs actes délictueux qui ont été

5 poursuivis vers la fin du mois de décembre. Un ordre a été donné concernant

6 les poursuites liées au pillage de la guerre. L'amiral Jokic a dit qu'il

7 devait trouver des éléments de preuve portant sur les violations du droit

8 humanitaire international concernant les attaques illégales.

9 Une attaque frontale a été menée contre le Témoin Jokic par le truchement

10 de Petre Handziev et Miroslav Jovanovic, deux témoins de la Défense. Je

11 souhaiterais revenir sur ces deux témoins. Premièrement, Handziev, qui nous

12 dresse un tableau. Très intéressant, c'est manifestement quelqu'un qui

13 avait du grain à moudre avec l'amiral Jokic. Il est manifeste qu'il y avait

14 des sentiments assez marqués entre ces deux hommes. Enfin, de toute façon,

15 il a fait preuve d'une partialité très nette. Je souhaite attirer votre

16 attention sur les commentaires qu'il a faits au sujet de l'amiral. Il a dit

17 que c'était un renégat, que le général Strugar quant à lui, l'accusé était

18 un chevalier et qu'à Dubrovnik on devrait lui ériger un monument. Page 7

19 657 du compte rendu d'audience.

20 Il nous a servi une histoire qui est complètement abracadabrante au

21 sujet d'un coup de téléphone. La meilleure chose à faire pour répondre à

22 cette tentative de présenter les choses, c'est de voir d'où vient ce

23 témoin. C'est un témoin qui est venu ici, parce qu'il avait une idée bien

24 claire en tête. Un objectif, c'était de discréditer l'amiral pour des

25 raisons qui lui étaient totalement personnelles. Il est manifeste, d'après

Page 8699

1 les réponses de l'amiral, que l'homme en question n'a jamais été en mesure

2 d'entendre ce qu'il prétend avoir entendu, qu'en réalité cette conversation

3 dont il nous a parlé au cours de son témoignage n'a jamais eu lieu. Je

4 souhaite attirer l'attention de la Chambre sur la manière un petit peu

5 molle dont il nous a répondu ce témoin, lorsque l'Accusation l'a

6 contre-interrogé, en lui disant qu'en fait, qu'il n'y avait pas eu de

7 conversation entre Kadijevic et Jokic. Il a dit : "Si c'est le type

8 d'information dont vous disposez, moi, je peux simplement vous dire ce dont

9 je n'en souviens. Mais si vous avez eu d'autres informations qui viennent

10 du service de renseignement, à ce moment-là, c'est discutable. Voilà tout."

11 Il est absolument incroyable, inimaginable que 13 ans après les

12 événements, qu'il prétend avoir observés, cet homme était en mesure de se

13 souvenir avec les détails qu'on a vus, de certains détails grammaticaux au

14 sujet du serbo-croate qui était utilisé. Il dit pourtant que c'est gravé

15 dans sa mémoire. Or, c'est un homme dont la langue maternelle est le grec,

16 ensuite, sa deuxième langue c'est le bulgare, puis quelque part, ensuite,

17 arrive le B/C/S.

18 Cependant, ce témoin, lorsqu'il a baissé sa garde, a reconnu que

19 l'Accusation ait parfois raison. Il a reconnu le caractère arbitraire de la

20 façon dont les registres étaient tenus. Il a dit tout ce qui aurait dû être

21 consigné ne l'était pas. En fait, cela dépendait de celui qui rédigeait ces

22 documents, page 7 651 du compte rendu d'audience.

23 D'autre part, c'est beaucoup plus important encore, ce témoin a

24 confirmé, ce Témoin Handziev, qui était au centre opérationnel de Kumbor,

25 il dit qu'il a été pris par surprise. Il ne s'attendait pas aux hostilités

Page 8700

1 qui ont éclaté, le 6 décembre, même chose pour Gojko Djurisic, pas plus que

2 Kovacevic [comme interprété]. Or, s'il y avait vraiment une opération

3 lancée au sein du 9e Secteur naval, c'est des gens qui, forcément,

4 l'auraient su vu les positions qu'il occupait. Il est manifeste que s'il y

5 a des gens au sein du 9e District qui étaient au courant, en tout cas, ce

6 n'était pas l'amiral Jokic.

7 Si on voit le comportement de l'amiral avant cette journée et pendant

8 cette journée, on voit qu'il a tout fait pour promouvoir les objectifs

9 stratégiques qui étaient les siens qu'on lui avait ordonné de poursuivre, à

10 savoir de trouver un accord exhaustif avec les représentants croates de

11 plus haut niveau. On parle ici des niveaux ministériels. Il a fait tout ce

12 qui était en son pouvoir pour parvenir à cet objectif. Il y avait un point

13 qui était réservé à l'accusé, un point qui n'était pas mineur, un point

14 que sur lequel l'accusé renvoie maintenant la balle à l'amiral Jokic. C'est

15 ce qu'il a fait à l'époque.

16 Le 6, l'amiral Jokic a fait preuve d'une énergie débordante, même si

17 cela n'a pas été à bon escient. Je rappelle, il a reconnu sa

18 responsabilité, il a été condamné à une peine de prison; il va la purger.

19 Mais ce n'est pas lui qui est jugé ici. Il a raconté ce qui s'était passé.

20 Il n'avait aucune motivation pour travestir les faits. En fait, lui, il n'a

21 aucun marron à tirer du feu. Il a simplement dit la vérité ici. Ces

22 attaques qui ont été lancées contre lui, ces critiques, il ne faut pas en

23 tenir compte. Il a passé une dizaine de jours, 11 jours à la barre des

24 témoins. Il a été contre-interrogé de manière très énergique. Il a répondu

25 dignement. Il a répondu avec beaucoup de franchise. C'est un être humain,

Page 8701

1 il a des choses dont il ne se souvient pas, c'est compréhensible. Nous

2 avons eu affaire à un témoin qui a fait preuve de beaucoup de franchise,

3 qui n'a nullement essayé de discréditer celui avec lequel il était à un

4 moment donné co-accusé, à savoir, le général Strugar.

5 Maintenant, je vais parler quelques minutes de Miroslav Jovanovic.

6 Premièrement, une surprise. Il y a eu cette demande de vidéoconférence, qui

7 était due à la mauvaise santé de son épouse, et au fait tant qu'elle

8 n'était pas en bonne santé, il ne pouvait pas quitter son domicile en ex-

9 Yougoslavie. Or, la raison, qui explique cette demande de comparution par

10 vidéoconférence, est bien différente. Il semble qu'il ait eu peur qu'on le

11 voit en public. Il a eu peur d'apparaître en public ici, vu son rôle dans

12 les opérations du 6. Quant à nous, nous estimons qu'il a fait preuve d'une

13 grande lâcheté. En demandant de comparaître de cette manière, il a refusé

14 de faire face à la cour. Il a préféré cette solution de facilité et déposer

15 à distance sans que cela soit justifié.

16 Miroslav Jovanovic a été informé de ce qui s'était passé après les faits,

17 et on a fait intervenir dans ce procès à une phase ultérieure. On ne sait

18 pas exactement quels sont ses motifs. Il est sûr qu'il a aussi eu du grain

19 à moudre avec l'amiral Jokic, parce que sa carrière a connu un coup d'arrêt

20 suite à ce qui s'est passé, étant donné qu'il avait été démis de ses

21 fonctions. Nous estimons quant à nous, que le Tribunal n'est pas allé où on

22 doit laisser libre cours à ses sentiments personnels et à son désir de

23 vengeance personnelle.

24 Nous disons quant à nous qu'il a fait un faux témoignage. Il suffit

25 de regarder ce qu'il nous dit au sujet des différentes réunions. Le témoin

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1 à décharge, Lemal, nous dit que le capitaine Kovacevic était à Ivanica, le

2 5 décembre, de 18 heures 30 jusqu'à environ 20 heures ou 20 heures 30.

3 Nesic le confirme en partie, il nous parle de quelque chose qui a eu lieu -

4 - d'une réunion qui a eu lieu au début de la soirée. Stojanovic confirme

5 ces horaires-là. Il n'y a que Miroslav Jovanovic, qui nous dit que

6 Kovacevic à participé à une réunion à Kupari de 18 heures jusqu'à 19 heures

7 30 ou 20 heures ce même jour. Or, c'est complètement impossible. Il est

8 impossible, donc d'ubiquité n'est accordée à personne.

9 Il est manifeste que Miroslav Jovanovic mentait lorsqu'il a déclaré

10 cela. Trois personnes disent que Kovacevic était à Ivanica. Il est le seul

11 à dire qu'il était à Kupari. Je laisse à La Chambre le soin de tirer les

12 conclusions qu'il convient d'en tirer. En tout cas, ce qu'il a dit ne

13 correspond pas à ce qui s'est passé. La Défense dit dans son mémoire que

14 Jovanovic a pu être démis de ses fonctions, mais que ce n'était pas

15 possible pour Kovacevic. Cela n'a rien à voir. Nous sommes en face de deux

16 choses qui n'ont rien à voir parce que Jovanovic a été nommé à ce poste

17 pour une période très brève, pour remplacer quelqu'un qui n'était pas là,

18 et qu'à l'époque, il n'y avait pas de combat qui était envisagé. Il a resté

19 un jour à ce poste uniquement. Quand il nous dit qu'on l'a convoqué pour

20 participer à des discussions à Kupari, les éléments de preuve présentés en

21 réplique lors de la comparution de l'amiral Jokic, nous disent que ce n'est

22 pas vrai, qu'il n'a pas participé à cette réunion.

23 Quand il a été démis de ces fonctions-là, cela consistait simplement

24 à le replacer au poste qu'il occupait précédemment. Ce qui est clair, ce

25 qui apparaît clairement de la présentation des éléments de preuve, c'est

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1 que l'amiral Jokic n'était pas en mesure de faire quoi que se soit pour le

2 capitaine Kovacevic, qu'il ne pouvait rien faire au sujet de cet homme.

3 Pourquoi ? Parce que celui-ci était protégé par l'accusé, le général

4 Strugar.

5 Il est incontestable qu'à un moment donné l'amiral Jokic a adopté

6 aussi la version des faits de Kovacevic parce que le général Strugar lui

7 avait ordonné de le faire. L'amiral, c'était quelqu'un de réaliste. Il a

8 compris qu'il n'avait pas le choix. Il a plaidé coupable; il a reconnu tout

9 cela. L'amiral nous a parlé de la visite du général Panic le 14 décembre.

10 La Défense, à ce moment-là, essaie de contredire ce fait, de nous dire que

11 cela ne s'est pas passé à ce moment-là, mais en mars. Or, ce n'est pas

12 contradictoire. Je souhaite attirer votre attention sur les éléments de

13 preuve présentés dans le cadre de la réplique. Là, il parle de la visite de

14 décembre. Il insiste. Cela n'exclut pas la possibilité qu'il y a eu une

15 autre visite au cours du mois de mars 1992.

16 Un instant, je vous prie, je vais essayer de déterminer les dernières

17 questions que je souhaite aborder devant vous.

18 Nous allons également parler de Djuricic Gojko. Le témoin à décharge,

19 Djuricic, nie avoir reçu des ordres de l'amiral Jokic. Jokic dit que, le 6

20 au matin, dans le cadre d'une conversation téléphonique, il a demandé à

21 Djuricic d'aller à Zarkovica pour arrêter l'attaque. Il n'y a pas de

22 contradiction entre ces deux versions des événements. La différence

23 apparaît au niveau de celui qui a été à l'origine de cette conversation, et

24 au fait que Jokic a dit à Djuricic d'aller arrêter l'attaque. Il est

25 possible que Djuricic se trompe, que ses souvenirs le trompent, mais ce qui

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1 est sûr, c'est que Djuricic a confirmé les termes -- les invectives qui ont

2 été utilisées.

3 L'amiral Jokic, en réaction à cette attaque, il a confirmé qu'il

4 était furieux. Djuricic, lui-même, ignorait tout de cette attaque. M.

5 Djuricic confirme avoir eu une conversation téléphonique avec l'amiral ce

6 matin-là. Il confirme que l'amiral avait l'air d'être en colère, a demandé

7 qui pilonnait Dubrovnik, alors qu'il négociait un cessez-le-feu. J'attire

8 l'attention de la Chambre de première instance sur ce point. Pardonnez-moi,

9 je dois rechercher l'endroit en question. Je crois qu'il s'agit au niveau

10 du compte rendu d'audience le numéro 4069. Ceci n'est pas exact. Oui, c'est

11 4069. Je vais me corriger par la suite si cela s'avère nécessaire.

12 Je souhaite attirer la Chambre de première instance sur le fait qu'à D96,

13 le chef d'état-major Zec reprend l'ordre donné par Jokic aux fins

14 d'ordonner un cessez-le-feu à 7 heures 40 le 6 décembre.

15 En regardant ceci, il semble très improbable que l'amiral Jokic ait

16 eu une quelconque participation à l'ordre lancé pour attaquer Srdj à la

17 lumière des différentes négociations importantes en cours. Nous insistons

18 sur les efforts, le processus des négociations en tant que tel, le fait

19 qu'il relaie tous les différents éléments d'information à ses unités, le

20 fait que les négociations ont été présentés, ou le contenu des négociations

21 ait été présenté dans le document de la Défense, au niveau du D96. Ceci,

22 sans aucun doute, confirme que l'amiral Jokic n'a absolument pas participé

23 à ces opérations ni à la planification de ces opérations puisqu'il

24 envisageait la paix. Ceci a été décrit dans son témoignage. Il s'agissait

25 en attendant sa déposition de faire croire à une participation de Dubrovnik

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1 et, en particulier, à la vieille ville.

2 Dans ce témoignage, on a entendu parler d'une attaque lancée par les forces

3 croates. Ceci, effectivement, devient logique si on tient compte du D96.

4 Ceci n'apparaît pas dans le D96. Kozaric, l'officier chargé des

5 transmissions, a certainement reçu des événements d'information pour

6 camoufler ce qui était considéré comme une violation grave de l'ordre

7 stratégique qui avait été donné aux fins de faire appliquer, en tout cas,

8 de s'assurer de l'appel. L'amiral Jokic ne faisait pas partie de ceci. Cela

9 est tout à fait logique. Ceci aurait été transmis et il a pu raconter que

10 ce qu'il a raconté et ceci n'a pas été consigné dans le journal de guerre,

11 ce qui n'est pas surprenant étant donné la vitesse à laquelle les

12 hostilités ont été déclenchées par la suite.

13 Ceci apparaît très clairement, surtout si on regarde le nombre de

14 blessés du côté des soldats du 2e Groupe opérationnel, l'unité du capitaine

15 Kovacevic, après l'attaque lancée par le capitaine Kovacevic, et non pas

16 avant. Il s'agissait d'une provocation de la part des Croates. Aucune

17 référence dans le document D96 n'indique qu'il s'agissait de tirs

18 embusqués. Les pertes en vies humaines étaient la version proposée par

19 Kovacevic, qui avait pour but de tromper les personnes qui n'étaient pas en

20 faveur de cette action qui avait été menée.

21 L'Accusation a présenté ses arguments concernant le prononcé de la peine.

22 Je ne vais pas reparler de tout ceci. Je vais simplement attirer la Chambre

23 de première instance sur la position de l'accusé. Il est important de

24 regarder la position des deux commandants contre lesquels des actes

25 d'accusation ont été prononcés. Il ne s'agit pas exactement de mêmes chefs

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1 d'accusation, mais il est important d'établir une distinction très nette

2 entre le comportement de l'amiral Jokic et de l'accusé le général Strugar.

3 Après son plaidoyer de culpabilité au mois d'août 2003, l'amiral Jokic a

4 donné une autre interview, et a coopéré de façon importante avec

5 l'Accusation. Cette coopération importante avec l'Accusation constitue sans

6 doute des éléments les plus utiles. Nous avons pu parler et échanger

7 beaucoup d'idées sur la façon dont fonctionnait la JNA. Je crois que cela

8 constitue des éléments essentiels. C'est la première fois pour ce Tribunal,

9 et ceci est également très pertinent pour l'ensemble du Tribunal.

10 L'amiral Jokic n'a pas essayé de faire endosser la responsabilité par

11 d'autres personnes. Ce qui contraste beaucoup avec les moyens présentés par

12 la Défense. Certains remords ont été exprimés par l'amiral, le jour même et

13 le lendemain également. Je crois que ceci est digne d'attention. L'accusé,

14 d'après Jokic, n'a pas autorisé la diffusion d'excuses ou de regrets. Un

15 jour plus tard ou le lendemain, d'après le ministre Rudolf, la

16 reconnaissance d'une position de contrôle, lors de bombardements de la

17 vieille ville, était une forme d'expression de regrets. Je crois qu'il

18 s'agit là de positions et des attitudes très différentes.

19 La position a clairement indiqué quelle est sa recommandation en

20 matière de prononcé de la peine si l'accusé est condamné pour tous les

21 chefs d'accusation, quel que soit le mobile de la responsabilité. Nous

22 recommandons 13 à 15 ans, ce qui tient compte de tous les points importants

23 sur l'accusé sur lesquels beaucoup d'éléments de preuve ont été présentés.

24 Il ne s'agit pas simplement de l'âge, de son état de santé. L'Accusation a

25 essayé de tenir compte de tous ces éléments, a prêté attention au

Page 8707

1 témoignage de la femme de l'accusé et pense que si une condamnation

2 s'ensuit, que ceci serait approprié.

3 Pour ce qui est d'un type de condamnation, l'Accusation avance qu'il y a

4 suffisamment d'éléments de preuve en matière de meurtre, certainement en

5 matière de complicité et certainement en matière ou en application de

6 l'Article 7.3. A cause de la jurisprudence de ce Tribunal, puisqu'il

7 découle du même chef d'accusation, qu'il choisisse le mode le plus

8 approprié. Autrement dit, c'est lui qui caractérise mieux cette notion de

9 responsabilité.

10 L'Accusation, par l'intermédiaire de témoignages ainsi que de documents

11 présentés, a clairement répondu. Par l'intermédiaire d'un contre-

12 interrogatoire assez strict a tenté de mettre en lumière le plus d'éléments

13 possibles. En tout cas, c'est dont nous disposons pour savoir ce qui s'est

14 passé à Dubrovnik à ce moment-là. Nous admettons qu'il s'agit là de quelque

15 chose de particulièrement obscur au cours de ce conflit, le fait qu'il n'y

16 ait eu aucune intention de punir. Quelqu'un aussi haut placé que Brovit,

17 comme l'ambassadeur Fietlaars l'a communiqué, que ceci n'a jamais été

18 appliqué. Nous avons entendu un certain nombre de témoins de la Défense, et

19 personne n'a été véritablement puni pour cette infraction très grave du

20 droit militaire international. Encore une fois, tout ceci est resté dans

21 l'ombre immédiatement après l'événement, que ce soit sous la forme d'un

22 rapport dilué ou incorrect sur les dommages commis. Le fait que l'on nie le

23 pilonnage, c'est la tête dans le sable de la politique de l'autruche. Quoi

24 qu'il en soit, cette affaire a clairement mis en lumière la gravité de ces

25 éléments passés dans l'ombre, et ces faits nous ont été présentés au grand

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1 jour que par l'intermédiaire des faits que nous avons présentés. Nous avons

2 prouvé au-delà de tout doute raisonnable -- l'Accusation a prouvé au-delà

3 de tout doute raisonnable que chaque chef d'accusation cité dans l'acte

4 d'accusation est valable. La Chambre de première instance a entendu les

5 éléments de preuve sur lesquels elle peut se fonder en matière de

6 condamnation de l'accusé soit parce qu'il a ordonné, soit parce qu'il a été

7 complice en application de l'Article 7.3, et qu'il a omis de punir.

8 A cause des contraintes de temps, ce qui est important, ce qu'il

9 aurait pu empêcher, est clairement indiqué dans notre mémoire en clôture.

10 En déduction, l'Accusation en déduit, par conséquent, que d'après les

11 éléments présentés dans leur totalité, l'accusé est coupable des crimes

12 portés contre lui.

13 Merci beaucoup.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pardonnez-moi, mais j'ai omis

15 d'allumer mon micro. Nous allons lever l'audience et reprendre demain matin

16 à 9 heures 30.

17 Monsieur Petrovic, vous avez la parole.

18 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

19 permettez, je souhaite simplement dire une phrase. Il s'agit d'une question

20 que je pose à la Chambre de première instance. Il y a trois différents

21 mémoires présentés par la Défense, eu égard aux différents documents

22 présentés. Certains ont été présentés au mois de juillet, d'autres au mois

23 d'août, également les documents marqués aux fins d'identification et ceux

24 qui sont présentés comme éléments en duplique, ceux que la Défense souhaite

25 présenter comme éléments de preuve documentés. Nous n'avons reçu aucune

Page 8709

1 décision, eu égard au dépôt de ces documents, ce qui pourrait avoir une

2 incidence sur notre position finale dans cette affaire. Par conséquent, la

3 Défense souhaite poser cette question : de quelle manière la Chambre de

4 première instance va-t-elle traiter cette question-là ? Merci beaucoup,

5 Monsieur le Président, Madame, Monsieur le Juge.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Petrovic, je reconnais

7 que vous n'avez rien reçu concernant ces éléments-là, ce qui est fâcheux,

8 mais cela est dû à l'intervalle qu'il y a eu entre temps, et ces décisions

9 n'ont pas encore été rendues. Vous devez, quoi qu'il en soit, poursuivre

10 avec votre argumentation et vous fondez sur -- ou sur la base du versement

11 au dossier de ces documents. Les décisions sont éminentes ou quelques

12 documents ne sont pas versés au dossier. S'ils ne sont pas recevables, à ce

13 moment-là, la Chambre de première instance fera les ajustements

14 nécessaires.

15 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame,

16 Monsieur le Juge.

17 --- L'audience est levée à 16 heures 29 et reprendra le jeudi 9 septembre

18 2004, à 9 heures 00.

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